Lettres Et Papiers du Chancelr Comte de Nesselrode

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LETTRES ET PAPIERS

DU CHANCELŒR

COMTE DE NESSELRODE

1760-1850

L’EMPEREUR A LEXANDRE l er

D’

ap rès u n e mosai qu e de la col lec ti ondu Comte de Nesselrod e

LETTRE S ET PAPIERS

DU CHANCELIER

COMTE DE NESSELRODE

1760— 4850

E X T R A IT S D E SE S A R CH I V E S

Pu b l iés et an n otés

A VEC UNE INTRODUCTION ET DEUX PORTRA ITS

Par le C omte A . D E N E S S E L R O D E

PARIS

A . L A H UR E , IM PR IM EUR — É D IT E UR9, RUE DE F LEU RU S , 9

INTR O DUCT I ON

Après deux années pas sées à Par i s , en qual i té de con sei l lerà l

ambas sade de Ru s s ie, le comte Char les de Nes selrode étai trentré à Saint-Pétersbourg rappelé par l

empereu r . San spos te fixe, attaché au mini s tère des Affai res étrangères , lecomte profita de sa l iber té relat i ve pou r renou er ses relation savec la soc iété de la capitale. Ce fut pendant ces quelquesmoi s pas sés ains i qu ’i l b r igua et obt int la main de la cointes se Mari e Couri el’, l i lle du comte Cou ri ef , mini s tre desfinances , qu i devai t être, pendant pres de quarante an s , sa

fidè le compagne. La lune de miel n e devai t pas se prolongerlongtemps pou r l

’heu reux ménage ; l’hor izon pol it ique s

as

somhri ssait de jou r en jou r et les armées ru s ses commen

çai en t déj à à se po rter ver s la fron ti ère . L ’

empereu rA lexandre qu i . dès le commencement , songeai t déjà en cas de

guer re, à se joindre à son armée, vou lu t attacher à l ’étatmajor princ ipal des agents du service diplomat ique, qu ipu s sent ser v i r en qual ité de rédac teu r s pou r les relat ion s ,tant avec les ennemi s , qu ’

avec les all iés , ou du moins lesami s . Son choix tomba su r deu x jeunes employés du mini stère des affai res étrangères , MM. d

An stedt et le comte deNes sel rode, et tou s les deux reçu rent l ’ordre de rejoindrel ’armée. Le premier , M . d

A n stedt était peu t-être u n rédacteu rIV . 1

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSE LRODE .

p lu s bril lant et u n homme de plu s d ’ini tiative que son col

lègue, mai s celu i—ci , en revanche, se di s t inguai t par u n e plu sgrande sûreté de relat ion s et par moins d

abandon dans lacondu ite ; au ss i fut— cc sur lu i , qu ’

aprè s u n certain temps etsurtou t u n séjour prolongé àWi1na , s ’arrêta la préférence del ’empereu r . A parti r de ce moment , le comte de Nessel rodedevint le vér i table traducteu r de lapensée et de la volonté deson maître.

Pendant cette longue période où les jeun es èpoux fu rentain s i séparé s l ’u n de l ’au tre et ju squ ’

au moment où la comtes se rev int rejoindre son époux dans les pays étrangers ,s ’établ it entre eux u n e correspondance régu l ière et des plu snou r r ies . Du cô té de la comtes se, c ’étai t presque deux foi spar semaine de longues lettres où les épanchements de lajeune épou se délai s sée et les ques t ion s intimes du ménage semêlaient à tou tes les nouvelles pol it iques , à tou s les racontar sde la soc iété , qu ’

el le croyai t devoi r intéres ser son mar i .D

au tre par t , el le n e manquai t pas de répondre à tou tes lesqu es t ions qu ’i l l u i posait , lu i de son cô té , dan s u n e sér ie delett res forcément p lu s brèves , parce qu

écri tes au bi vouac ou

entre deux marches et entremêlées , cel les -c i , à de cou rts bu lleti n s su r les mou vements de l ’armée. Des lettres de la com

tes se, je n’

ai cru devoi r reprodu ire qu e les pas sages ayant u ncarac tère pol i t ique ou pouvant présenter u n intérêt h i s tor ique par les per sonnages dont i l y étai t parlé ; dans cel les ducomte Char les , je n

ai supprimé que la par tie purement famil iale .

Cette su ite de lettres n ’

off re pas u n tableau complet et

su i v i des événements de l ’époque, mai s beau coup d’

entreel les contiennent des indicat ion s préc ieu ses sur l etat desespr i ts etdes données parfoi s nou vel les sur des fai ts qu i , tou ten étant de moindre importance, n

en jouent pas moin s u n

rô le capital dans la marche générale des affaires . Les tergiversation s de l ’opinion de la société pétersbourgeoi se, les

A RCH I VE S DU' CO M TE ca. DE NE SSE LRODE .

menées de l’

An gleterre, les hés itat ion s de Napoléon s ’yreflètent à nou veau et s ’y tradu i sent par des contradict ion sapparentes . Au s s i cette correspondance peu t-el le acquér ir ,d

aprè s moi , u n e valeur au x yeu x de l ’h i s tor ien , au tant sou sce point de vu e part icu l ier qu e par rappor t à l

’intérêt quepeu t présenter en général toute nouvelle donnée sur cettegrande époque h i s tor ique.

Entre cette sér ie de lettres qu i forment , en quelque sorte ,la trame du présent volume, viennent s’en placer d’

au tres decaractère plu s i n c i den tel , mai s qu i , en revanche, par leu rimpor tance, n e manqueront pas d

ar rêter l ’attention du lecteu r . Tel les sont quelques lettres interceptées par les arméesru s ses , quelqu es mi s s i ves de généraux et enfi n les bil let squ

An stedtadres sait à son collègue .

Aux lettres , j’

ai cru devoi r/ajou ter à t i tre de supplément ,troi s document s d ’

une impo rtance indi scu table 1°u n e

dépêche du comte Roumian tsof au comte de Bas sano, qu i ,

bien que publiée déjà antér ieu rement , devai t paraître dansles arch ives du comte de Nessel rode, comme rédigée par lu i2°u n rappor t de M . de Gentz au comte de Nes sel rode, conte

nant des obser vation s su r la déc larat ion du gou vernementanglai s du 2 1 av r i l 1 81 2 , relat i vement aux déc rets de Ber l inet de Mi lan et au x ordres du con sei l br itannique, pou r servirde su ite aux observat ions sur le Rappor t du mini stre desaffai res étrangères de F rance du 10 mar s (ce document ,au tant qu ’i l est en ma connai s sance, n ’

a paru encore nu l lepar t) ; et enfin 5° u n rapport du pr ince Czar torysk i à l ’empereu r Alexandre contenant des considérat ions sur le réta

bl i ssemen t de la Pologne. Ce dernier document a été copiépar le comte Ch . de Nes sel rode lu i -même d’

aprè s le brou i l lonremi s entre ses main s par le pr ince Czar to ryski et présentequelqu es d ifférences notables avec le texte connu .

Encore u n mot, avant de terminer l ’ introdu ction de ce

quatr ième volume. Je n e sau rai s cacher au x lecteu r s qu i

4 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE .

veu lent bien su ivre avec qu elque intérêt cet ou vrage, l’

appré

hen si on qu’

a fai t naître en mon espr it la publ icat ion d’

u n s ig rand nombre de lettres , peu attachantes par la forme et

dont la subs tance demeure cons tamment sèche et grave. Acette. appréhens ion s ’ajou te la crainte que cet ou v rage n e

prenne des propor t ions excessives , malgré les éliminat ionsnombreu ses auxquel les j

ai procédé . Mai s aprèsmûre réflexion ,je n e me su i s reconnu le droit de sou s traire aucune lettre ouau cune par t ie de lettre pouvant off r i r , n e fût-ce qu

à t itredocumentai re, le moindre intérêt aux yeu x de l ’h i stor ien .

Les mémoires , les souveni r s , les correspondances ayant traità cette époqu e sont déj à s i nombreu x que le fait comp lètement nou veau est di ffic i le à produ i re, sinon même imposs ible. Mai s i l est certain que la pos i t ion de la per sonne relatan t le fait , au s s i b ien que cel le de la per sonne à laquel le i lest raconté , et la maniè re enfin dont i l est appréc ié , peu tjeter u n jou r nouveau sur la quest ion et l ’éc lai rer sou s certain point de vue, res té encore obscu r .

Cette dernière cons idérat ion a imposé s ilence à mes

c raintes etm’

a fait u n devoi r de per sévérer dans mon entrepr i se.

A . DE NESSELRODE .

Mai 1 905.

ARCH IV ES

COMTE CH. DE NESSELRODE

1 81 2

Le comte de Nesselrode

à l’

Empereur Aleæan dre

mars 1 81 2 .

S i re,Votre Maj esté m ’a ordonné de lu i soumettre

mon opin i on su r l es dern i ères commun icati on s ducabi ne t des Tu i leri es apportées par l e co lon e l Tchern i chef . J ’a i lu , à ce t e ff e t , l e rapport que ce t offici er lu ia fa i t d ’

une conversa t i on qu ’ i l a eue avec l ’Empereu rNapo léon . Ce t en tret i en porte le même caractère quece lu i que ce souvera i n a eu , le 15 aoû t , avec le princeKou rak i n , répète l es exp l ica t i on s dans l esquel les i l estprécédemment entré , et es t con forme à l a con du i teque , depu i s qu in ze moi s , i l su i t à no tre égard . On ytrouve des a ssurances pacifiques à côté des mesures lespl us hosti l es , un dési r de s

’entendre , de vider les di fférends actue l s , p lus fortemen t prononcé que j amai s ,

ARCH I VES DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE .

mais accompagné d ’un pas marquan t dan s l a march e deses préparati fs qui rendra tout arrangemen t avec lu i ,s i non impossi bl e , du moin s i nfin imen t d i ffici l e . Profi

tan t avec son habi l eté accou tumée de tout l ’avan tage desa pos i ti on , Napol éon a achevé ses armements , to u t enréuss i s san t à j ete r tou s le s torts sur nous , et ce la mêmeavec quelque apparence de ra i son . Des exp l icat i on sfranches et pos i t i ves aura ien t même pu déj ou er ses

ca lcu l s , écla i rci r ses véri tabl es i n ten ti on s , et préven i rses progrès . No tre s i l en ce l ’a condui t su r l a V i stu le ;des exp l icati on s , en lu i é tan t l e prétexte de pou rsu ivreses prépara ti fs , l

’aura ien t arrété derrière l ’E lbe, ou , s il a n égocia ti on nous ava i t prouvé que ses pro testat i on sn ’é ta ien t po in t s i ncères , l a guerre aura i t éc la té à u n eépoqu e où nous avion s p lu s de chances en notre faveu r ,pu i squ e nos armemen ts éta ien t p lu s avancés qu e l e ss i en s et que l a Prusse n ’éta i t pas encore perdue pou rnou s .

C’est là , S i re , ce qu i m’

adéterm iné à vous con sei l ler ,dès mon re tour de Pari s , de ne pas rej eter l a n égo

c iation que Napo l éon vous o ffrai t avec tan t d’ i n stan ce .

Conséqu en t dan s mon opin ion , j e su i s en core aujou rd

hu i d ’avi s qu ’une exp l icat ion qu i précéderai t leshost i l i tés ne saura i t détériorer en rien l a pos i t i on deVo tre Maj esté . E l l e aura i t tou t a y gagner et ri en à yperdre . C ’es t l a dern ière chance qu

E l le se ménagera i t p our évi ter l a guerre répondre aux ques ti on s del a France , avec fermeté et franch i se , art icu ler pos i tivemen t vi s-à- vi s d ’

el l e ce qu e nou s vou l on s , ce qu e

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE . 7

n ous avon s l e dro i t de vou l o i r , en unmot sur quo i n ousferon s con si ster u n véri tab l e éta t de pa ix et d ’a l l i ancene saura i t être dérogato ire à l a di gn i té de Votre Maj estési avancées que so ient l es choses , s i menaçan te qu e soi tdevenue l ’atti tude en France . Ne sacri fian t par là aucun avan tage mi l i ta ire

,n

affaibl i ssan t en ri en noschances pour l es succès de la campagne , une semblabl e démarche ne sau ra i t compromettre l es i n térêts deVo tre Maj esté , et aurai t même , dan s le cas d

’un in su ecès compl et , l e double avan tage d

oter à son adversa i re un grief fondé e t de ren forcer l ’opin ion publ iqueen sa faveur parce qu ’e l l e constatera i t de l a man i èrel a p lus authen tique j usqu ’à qu e l poin t el l e a pousséses efforts et ses condescendan ces pou r l e mai nt i en del a pa ix .

Je sera i s donc d ’avi s d ’aborder franchemen t l a quest ion et de fai re une répon se catégori que aux tro i s poin tsque l ’empereu r Napoléon a mi s en avan t dan s sa conversat i on avec M . de Tchern i chef ; ces condi t ion s mesembl en t d ’a i l l eurs suscep t ib l es de négocia t ion . I l n ’yen a qu ’une seu l e qu l so i t d

’une importance réel le,

cel l e relat ive au commerce mari t ime et où , l o i n depouvoi r consenti r à de nou ve l l e s restri ct i on s , l es in térêts de l a Ru ss i e ex igera ien t , peu t— être même , de p lusgrandes exten sion s . Ma i s déj à l a France se rel âche des

princ ipes inadmissib l e s dont el l e a fai t l’essa i pendan t

qu el ques années . E l l e propose un système de l icencesqu i s ’écarte de cel u i é tabl i par l es décrets de Berl in etde M i l an . S ’ i l n

en trai t donc poin t dan s les vu es de

ARC H I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE .

Votre Maj esté de profi ter de l eta t actu el des choses etdes armements immenses qu ’e l l e a fa its pou r s

arrach er en t ièremen t au j ou g commercia l de l a France

,en

répondan t par l’

en ti ère ou verture des ports à l’

occu

pa l ien de la Prusse , i l y au rai t encore moyen de n e pas

rej et er ent i èremen t l a ba se avancée par Napol éon et

d ’en ti rer même qu el que part i pour arriver à un ordrede ch oses qu i pourrai t n ous être p l us avantageu x qu e lesys tème suivi ce tte a nnée, pu 15qu i l autori sera i t desrel a t i on s di rectes avec l ’An gleterre. Le seu l poin t su rleque l i l n ’y aura i t aucu ne modifica ti on à accordersera i t cel u i de l a naviga t i on des neu tres a l l an t d ’unpays neutre en Russ ie . La France n ’aura i t même au cundro i t d ’y pré tendre , pu i squ

’e l l e admet l ibrement chezel l e l es bât iments améri cains venan t des Etat s— Un i s .Tout ce que l ’empereu r Napol éon a avancé dan s l a conversa t ion sur l es i rrégu la r i tés qu i aura ient eu l i eu cheznous n ’es t po in t fondé , et i l n e sera i t poin t d i ffici l e deréfuter ses a rgumen ts . Quant aux deux au t res

, Vo treMajesté accordera i t peu , en se montrant fac i l e aux dés i rsde l a France , et je l e s envi sage p lutôt comme desmoyens de négocia ti on que comme des obj ets essenti els à poursuivre pour l es avan tages qu

’ i l s peuven tnous offri r . Ma i s , i ndépendamment , de l

’art ic l e ducommerce i l y aura i t encore à i n s i s ter su r une cond it i on qu i do i t être l a con séquence immédia te de toutarrangement , savo ir l

’évacua t ion des Eta ts pruss i en s etla retra i te derr ière l ’Elbe des corp s françai s qui seson t portés sur l ’Oder . J ’ i gn ore quel l e in fluence ce

ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

mouvemen t a eu su r l es combi n a i son s mi l i ta i res deVotre Maj es té , s i E l l e pers i stera dans se s p l an s pu rement défen si fs ou , s i E l l e j ugera p lus u t i le pou r ses opôra tion s fu ture s de porter ses armées su r l a V istu le. Ni

l ’u ne , n i l’ au tre de ces détermi na t i on s ne saura ien t mal

i n sp i rer vos moti fs en faveu r d ’une exp l ica t i on avec l aFrance

,n i a l térer essent iel l emen t l e fond de la posi

t i on . Dan s l e second ca s , ce l u i où n ou s seri on s , i l yau rai t à lu i déclarer que ses mouvemen ts o ffens i fs on tmotivé les n ôtres , que nous avon s cru devoi r nou smet tre à l a même hau teur qu ’el l e pour négoci er avec lemême avantage , mais qu e nous sommes prêts à re ti rerde nouveau nos t roupes de la Prusse , du momen t oùe l le ret i rera i t l es s i ennes . Dan s l e premier cas , i l faudra i t fa i re va l o i r no tre modérati on et d i re que , quoiquel a France n ous eû t don né tous l es dro i ts de franch i r l e sfron ti ères de l ’Emp i re, nous ne l

’av ion s pas fa i t , un iqu emen t pour aj ou ter cette p reuve de p lu s à tou tescel l e s qu e n ous l u i avi on s fou rn i es

'

de nos i n ten t i on spacifiques e t pour n

en traver par aucun obs tacle , di ffic i le à surmon ter , l a marche de l a n égociat i on .

Je cro i s avoi r épu i sé tou tes les i dées que l e rapportd e M . de Tchern i chef m ’a fa i t concevoi r . E l l es se rédu isen t à fa i re répondre à l a France , so i t par l

’organe duprince Kou raki n , so i t par M . de Lauri ston

,soi t enfin

par un offici er que Votre Maj esté chargera i t de salet tre 1 ° qu ’ i l n e peu t êt re ri en changé aux di sposit ion s con tenues dans l ’u kase du 1 “ novembre 1 810,

rel ativement au commerce des n eutres a l l an t d’un port

10 AR CH I VE S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

n eutre à un port ru sse et que la navigati on aura l ieusu r l e même princip e que l ’année dern i ère

‘2° Que , dan s l’a ffa i re de l ’Olden bou rg nous sommes

d i sposés à nou s a rran ger et à annuler n o tre protestati on , dès que l a Fran ce nous au ra sa t i sfa i ts sur d

’autrespo i n ts ;5° Que nous consen ton s à apporter au tari f te l l es

mod ifi ca ti on s qu i n e ch an gera ien t ri en au fond de l ara i son à accorder l a perm iss ion pour l ’en trée des v in sde France , par terre et pa r mer, en boutei l l e s e t en tonneau x , et anous montrer même faci l e s pour d

’au tresobj e ts de la même ca tégori e que la France pourra i tdés i rer ;4 ° Ma i s que la France devra i t promet tre que l a con

séqu ence i mmédiate d ’un te l arrangemen t serai t l ’évacuat ion des Etats pru ss i en s5° Et enfin que s i l a France accep te ces bases , la

Russ ie est prête à envoyer à Pari s un négociateur mun ides pouvoi rs nécessa i res .

Te l l e es t , S i re , l a seu l e man ière qu i me sembl e adaptée au x ci rconstances actuel les ; s i el l e n e réuss i t pa s àno u s fa i re évi ter l a guerre

,du moin s e l le paraî t offri r

l’

umqu e moyen de mettre la France en t ièremen t dan sson tort et de lu i en lever l e seu l grief ra i sonnab lequ ’el l e a i t à produ i re dan s son mani fe ste .

1 2 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NESSE LRODE .

ver chez vous dans l e s bras d ’une épouse ver tueuse ,con sidérant du coi n de l ’œ i l , mai s d

u n œ i l cap abl e,

l es progrès de l a patern ité , j e vous a i vu — n on , je n’a i

r ien vu , l es mouches ont dérangé ma gaze , et j e n’a i

p l us vu qu ’une chose c ’est que vou s n’

étiez pl us i c i .Ad ieu , doux épanch emen t de l a confiance , d i scussion sgrammatica les conversat i on s po l i tiques , proj ets decondu i te , tous su bordonnés à un seu l sen timen t cel u ide l ’uti l i té pu bl ique , san s même Un e réfl ex ion surl ’ i nd ividu .

La sa lade a été manquée , trop de vina igre , di rai t l’

u n ,

tr0p de sel , l’autre . Vous voyez que l ’ai greu r me gagne

déj à . D i tes mi l l e choses à Gagari n , à Ribeau p ierre.

Met tez-moi aux p ieds de l a Comtesse , n e m’

oubl i ez paschez l e beau- frère . Adi eu , j e vous souhai te le bonheurque vous méri tez , l es imbéci l es qu i ne vous connai ssen tpas , s i mes vœux se réa l i sen t , trouveron t que la dose estforte . Quand , où et commen t avez- vous fa i t votre prem ier repas ? C ’est S tan i s la s qu i vous a ime comme sespeti ts boyaux , qui l e veu t savon .

AR CH I VES DU CO M TE C H . DE NESSE LRODE .

D’

An stedt

à. la comtesse de Nesselrode.

Château de Naku l , 181 2 .

La san té du comte est excel l en te , l es fat igues fort ifien t sa const i tut i on . Ce tte assurance est , san s doute , lepl us bel hommage , l e bouquet l e mi eux ch o i s i que j epu i sse vous o ff ri r , madame la c omtesse , à l ’occa siond ’une fê te don t nous avon s cal cu l é l ’approche, quenous cél ébron s dans no tre pe ti t com ité avec tout l ’él ande nos cœurs . Recevez , avec quel que bonté , l es fe l i c itation s , l es hommages et l es

D ’

ANST E DT .

La comtesse Charles de Nesselrodeà son mcm

Pétersbourg , 1 1 avr i l 1 812 .

Bl oom arrive j ustemen t , ou p lu tô t vi en t de me qui tter ,et j e va i s tâcher de te sa ti sfa i re au suj e t de l ’arrivée ducourrier d ’hi er . Napo léon est à Sa in t—C loud et n ’a po in tencore fixé le j our de son départ . Lauri ston a défensede bouger d ’ i ci , à moin s que nos troupes ne passen tl es frontières . Dans ce cas

,i l a ordre de demander

1 4 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSELRODE .

ses passeports . I l y a très peu de troupes en deçà dela V i stu le, e t i l y a une procl amat ion dan s l a v i l l ede Kœn i gsberg ,

qu i d i t qu ’on n ’a poin t à y cra i ndrel ’en trée de s t roupes frança i ses .

Le comte Charles de Nesselrodeà sa femme.

Ostrog, samedi 1 5 avri l 1 81 2 .

Par l a date de ma l ett re tu verras , ma bon ne amie ,que nou s n ’avons pa s fa i t beau coup de chemin depu i sh i er . Pour te don n er une i dée de notre man i ère devoyager j e te d i ra i que nou s avon s mi s 1 8 heures à

fai re 25 verstes , e t que nous sommes menacés de resterdeux j ours ic i , parce qu

’ i l y a une maudi te peti te r iv ièrequ i s’

obsti n e à vou l oi r passer avan t n ous et ne veu tab so lument pas en tendre rai son . Nou s avons envoyédemander de ses nouvel l es e t l es at tendon s avec tou tel

impatien ce dont nous sommes su scept ib les . D i euveu i l l e qu ’el l e soi t auss i a imabl e que l a rivière d ’h i er

qu i n’a pas fai t la moindre di fficu l té . Au res te , l e

voyage va bien . Le pri nce Pi erre Volkon sk i estu n exce ll en t compagnon et i l a avec l u i un co lone l qui es ttout à fa i t homme de méri te . A i n s i nous causon s b ien ,mangeons bien et buvon s de même , grâce à nos exce ll entes provi s ion s .

ARCH I VE S DU COMTE CII . DE NE SSELRODE .

La comtesse Char les de Nesselrodeà. son mon .

Pétersbourg , 15 avri l 1 81 2 .

J ’a i vu ce mat in un ami qu i m ’a confié u n secre t , etcomme j e veux tou t te d i re , j e va i s t e l e marquer . Celu iqu i a succédé à Wel les l ey dan s l e mi n i s tère des a ff ai resétrangères à Londres , a expéd ié un courri er avec unelettre à Bezerra qu i l ’au tori se à en tamer u n e n égo

c iati on , en a ttendant que nous n ommion s des n égo

c iateu rs . Ce que j e vous d i s est t rès posi t i f , mai s avecqu i vou lez— vous que ce peti t bonhomme parl e , i l n e lu ireste pour toute conso l a t i on que de s

agi ter avec Ka schelef . Encore un grand secre t pu isque j e su i s sur cechap itre . Tu supposes peu t— être que tu j ou i ras del ’agréabl e société de Tch i tchagof ? Pas du tout , mon bonami . I l part la sema i ne procha ine , mai s pas pou rWi lna , pour b i en pl u s l o i n , i l va sa lu er Sa Hautesse ettâcher d ’en fa ire un am i in time ; i l a de trè s grandsp lei n s pouvo i rs , e t s

’ i l ne peu t s ’arranger dan s l ’endroit où son t l e s con fére n ces , i l a o rd re de pou rsu ivre son ch emin j usque dans la cap i ta l e . I l prend aveclu i une grande su i te , et afin qu

’ i l pui sse se donner bienses a i ses , dans l e genre ori en ta l , on l

a gratifié decin qu an te mi l l e roubles e t tro i s mi l l e duca ts . C ’es t unei n trigue très drôle qu i lu i a va lu l

’honneur de cette

16 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSELRODE .

mi s si on ; ce lu i qu i te remettra mon portra i t te l a d i ra,

demande— l a- lu i .Arrange l es a ff a i res , mon cher dip l omate , de man i ere

à reven i r au p lus vi te , avec h onneur et san s qu’ i l y a i t

une goutte de sang répandu . Pen ses— tu souven t à tafemme , est— cc que tu te figu res sa peine à ce degré cu isan t ‘?Oui , mon cher et tendre ami , j e su i s persu adée

que j e su i s l a p lus h eu reuse des femmes de t’

appar

ten i r et que tu songes à moi avec chagri n e t que tu n eme perds pas de vue . Tu a s très bien fa i t d ’épouser u n ev ie i l le femme de vi ngt- cinq an s , une p lus j eun e nepeut pas aimer avec l a même force , avec l a même constance , n i pour la vie . S i vous pouviez nous reven i r tous ,au bou t de s i x sema i nes , que l bonheur ! On m

a di t tan tde choses auj ourd ’hui que j ’ose me [la tter encore qu ’ i ln ’y aura pa s de guerre et même qu e l

’on sera dan sl ’ impossi bi l i té de l a fa i re , à cause du manque de nourri tu re, de l

’autre côté de l a V i stu le. I l y a de quoi perdrel a tête que de chercher à deviner l ’aven i r , ma i s tuavoueras que j e n e pu i s pas n e pa s y songer , pu i squ emon bonheur en dépend .

ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE N ESSE LROD E. 17

La comtesse Charles de Nesselrodeà son marc.

Ihäersbou rg , 1 5 avr“1 812 .

I l fau t que j e t é cri ve encore quel ques l i gnes pour ted i re qu

h ier à neu f heures j ’ava i s déj à fa i t l ’envel oppede mes l e ttres , l o rsque j e vo i s en trer M . Kaschelef qu ime raconte qu ’ i l v i en t de recevo i r deux l ettres de V i en ne ,une pour lui , l

’au t re pour to i , que la s i enne es t trèsi n téressan te e t qu ’ i l te l ’envoi e . Il m ’a d i t qu e tu l ui a sdonné l e dro i t de l i re tes l ettres , i l a b ien envi e de l efa i re , ma i s comme c

es t u n e ou b l i e l qui l a ferme , i l nesai t comment fai re pour l

’ouvri r san s la déch i rer j elu i a i donné l e con sei l d ’envoyer chercher son c i-devan ta ide de camp

,mai s i l compte que tu l a lu i feras par

ven i r , i l pré tenda i t n’avoi r pa s l e temps de fa i re ven i r

Grégo i re . I l a p ri s l e thé ch ez moi avec Gal i tzi n ; esten tré Kotchoubei pour prendre congé ; on m

a annoncéLebzel tern que j ’a i reçu et qu i a été tra i té très ami ca l emen t par tou t l e monde . Kotchoubei part demai n e tparaî t très fâch é de pa rti r . Je t ’embrasse de cœur etd ’âme , mon cher et bien —aimé . Racon te-moi b i en endéta i l ce que tu fa i s .

1 . Pai n à cacheter .

18 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSELRODE .

La comtesse Charles de Nesselrodeson mam.

Pétersbou rg , 18 avr i l 1 81 2 .

Laben ski‘

, l e con su l , a été expéd i e de Pari s , commecourrier ; figure-to i qu

’ i l a m i s v i ngt— c i nq j ours pourarri ver , i l a qu i t té Pari s l e 7 de ce moi s . Ce qu

’ i lraconte avec ce que l ’on di t du grand homme fa i tp l a i s i r ; c

’es t que sa san té est l o in d ’être bon ne . Unj our , i l a eu des vésicato i res en tre l es épau l es e t auxj ambes et comme s ’ i l ava i t r i squé une hydrop i sie à l ap oi tri ne ; pourtan t i l est bi en sur p i ed en ce momen t etce l a ne prouve pas qu ’ i l veui l l e encore qui t ter ce monde .

Talleyran d est pa rfa i temen t b i en auprès de Napo l éon ,au po in t que celu i — c i lu i a rendu tou t l ’argen t qu ’ i l lu iava i t pri s e t l a somme se monte à deux mi l l i on s quatrecen t m i l l e roub l es .

1 . Lxscasu père de l ’écr i vai n du même n om.

20 A RCHI VES DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

Le comte Char les de Nesselrodeet sa femme.

W i ln a, d iman che de Pâques , 2 1 avr i l 1 819.

Je te do i s beaucoup de déta i l s sur la fin de mon

vo y age e t sur mon arrivée i ci , mai s j e n e sa i s par oùcommen cer . Pour procéder avec ordre , j e t

’envo ied ’abord quelques l i gnes préparées en route e t quej ’ava i s l ’ i n tent i on de t’adresser pa r l e prem ier feldjaegerque n ous rencontrerion s mai s pare i l l e rencon tre n ’apas eu l i eu , attendu qu i l s von t pa r R i ga . Tu trouvera s dan s ces l i gnes l e comp lémen t du tableau de no tretri s te voyage ; tu y verras pourquoi n ou s ne sommesa rrivés i ci qu

h ier. Ce reta rd n ’a eu d ’autre con sé

quen ce que de fa ire ri re le quarti er gén éra l à nos dépen s , ce à quo i j e l ’avai s préparé par une l ettre tragicomique à Tol sto i qui l ’a fa i t passer sous l e s yeux duMa î tre . L

Empereu r m’a accue i l l i avec sa bonté ord i

na i re et m ’a demandé de tes nouvel les avec tout l ’ i ntérêt qu ’ i l te porte . I l m ’a d ’abord mi s l a p lume à lamai n et j

ai trava i l l é h i er toute la j ournée , ma i s l e so i rj ’a i été s i fa tigué que j e me su i s d i spen sé de l a messede min u i t , n on cepen dan t san s con su l ter mon orac leTolstoî avec lequel je loge côte à côte . Je su i s u n peul ’enfan t gâ té du quartier gén éra l , l ogean t au château e tt rès b ien n ou rri dan s ma chambre l orsqu

’ i l n ’y a pa sgran de tabl e .

A RCH IVE S DU CO M TE C H . DE N E SSELRODE . 2 1

Ce n ’est pa s ad i n terim mai s pour touj ours que l egénéra l Lavrof es t nommé généra l de: service à l a p l acede Pau l lu c i .

Le comte Charles de Nesselrode(‘

t sa femme.

Wi l n a, 25 avr i l 1 81 2 .

Je n ’a i pas gran d’

choseate d i re de mo i e t de nou s .

Auj ourd ’hu i i l y a un grand déj eu ner chez Henn i ngsenoù l ’Empereu r est venu et où Mme Fram a chan té . Jem ’y su i s rendu avec To l sto i . Demai n je commencera i amo n ter à cheva l , j

’en au ra i u n de la cour , ce qu i med i spen se d ’en acheter .

Le cha n cel i er nous a rej o in ts auj ourd ’hui mai s Kotchoubei est enco re en arr ière , a i ns i que Balac hofArm feldt e t autres . Lubomi rski a été fai t A i de de Campde l ’Empereu r. J ’a i d î né h i er entre lu i et son bea upère .

Le temps n ’es t pas moin s beau i c i qu’

à Pétershou rg ,

l es env i rons , au sab le p rès , son t très j o l i s ; des montagnes même , ma is pas de végéta t i on .

"2 ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE N ESSE LRODE .

Le comte Charles de Nesselroded la comtesse de sa bel le—mère.

W i l n a, 27 avr i l 181 2 .

Mes prem iers so ins , dès mon a rr ivée ici , se son tportés

,madame , vers notre bon et exce l l en t Ni co l a s .

Marie a déj à dû vous p réven i r que j e n’ava i s que des

choses sa t i s fa i san te s à vous apprend re sur son comp te .

El l e s on t été p l e inemen t confi rmées dan s une l ongu econversat ion que j ’a i eue ason suj e t avec son général .M . de Lavrof es t au ss i conten t de Ni co l a s qu e Ni co lasa l i eu de l ’être des bontés qu ’ i l n e cesse de lu i témoiguer . I l va se t rouver dan s une pos it i on i ntéres sa n te ;par l es nouvel l es foncti ons de son général , i l auratous l es moyens de se former e t de deven i r un offici erd i st ingué ; j e n e doute pa s qu

’ i l n’

en profi te avecempres semen t ; son bon espri t do i t n ous en être garant .Excess ivemen t occupé tou s les , j ou rs , parce que sesdeux camarades son t ma lades , i l n

’est venu que deu xfo i s me voi r . Cependan t n ou s avon s cou l é à fond l ’obj etimportan t d e ses besoi n s pécun ia i res . Pour le momen t

,

i l n e demande ri en ; s’ i l reste en place , i l pourra al l er

pendant u n moi s encore avec l e s ducats qu i l u i sontrestés , s

’ i l dés i ra i t a l ler en avan t j e lu i en fourn irai s,

su ivan t l es c i rconstances , un ren fort so i t de 100, soi tde 200. Dans tous l es cas , n ous ne serons jamai s l ong

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE . 25

temps séparés et j e pourra i touj ours ven i r à son

secou rs . Sa san té va bi en , e t i l commence à se fa i re à

son nouveau gen re de vie . En généra l , soyez , madame ,san s i nquiétudes pour l ui , j e su i s sûr qu

’ i l se t i reratouj ours bien d ’

affa i re e t su rto u t de sa pos i t ionactue l le qu i do i t l ui conven i r sous tous l e s rapports .

Son ch ef es t généra lemen t est imé e t l ’on fonde de juste sespérance s pour l ’admin i s tra tion i n téri eure de l ’arméesu r son zèle , son act ivi té et son expérience dan s l apartie qu i lu i est confiée .

Sur moi , j e n’a i r i en a vous d i re que vous ne

sach iez déj à pa r Marie; car j e suppose qu’el l e n

’au rapa s man qué de vous parl er de tous les sen timen ts dereconna issance e t de dévouemen t vra imen t fil ial que vosbon tés on t s i p rofondément gravés dans mon cœur , et

qu i ne s’

y e ffaceron t qu’avec mes j ours . Croyez qu e j e

sen s vivemen t l e bonh eu r don t j e j ou i s et que j e vou sdo is .

Ma pauvre Marie es t b ien tri s te, en gagez- l a , j e voussuppl ie , à se d i s tra i re u n peu plus ; j e cra i n s que seschagri ns n

i n fl uen t sur sa san té ; j e lu i écri s aujou rd

hu i dan s ce sen s .Kotchoubei nous a enfin rejoin t ai n s i que Chi chkof

et Balachof , i l n’y a pl us qu

Armfeldt qu i nousmanque . Le chan ce l i er nous es t a rr ivé a vec un vi sageen fl é e t l a bouche de travers ; i l s e fl a tte que ce ne seraqu ’

une flux ion , ma i s i l para i t certa in qu’ i l y a de l a

paral ys ie dan s son a ffa ire . Tolstoï es t touj ours parfa i tpour moi ; pendant son absence i l a mi s la cui s i ne

24 ARCH I VES DU CO M TE CH . DE NES SELRODE .

impéri a l e à ma d ispos i t i on et j ’en profi te auj ourd ’hu ipour réga l er mon a imab le bea u — frère .

28 avri l . Nous avon s repri s h ier avec Ni co las l echap i tre de ses a ffa i res pécun ia i res et

,tou t ca l cu l fa i t

,

avec l a p l us grande économi e possi b le,nous avon s

trouvé que tan t que se s chevaux ne seron t pa s entretenus aux fra i s de l a couronn e , i l n e pourra i t pa sexi s ter à moins de 800 à 1000 roubles pa r mo i s dansun pays où le pon d de fo i n coû te 1 r . 1 0cop . argen t .Auss i p lusieurs on t trouvé qu ’ i l sera i t b i entôt p lu savantageux de don ner du thé au x chevaux . Ni co la sespère que l es grandes spécula ti on s d ’

Alexan dre répa

reren t b ientô t toutes nos brèches .

J’

oubliai s de vou s d i re que Platof éta i t sur l e poi n tde vous écri re pour vou s i n former qu e, pendan t lasema i ne sa inte , i l a vu votre fi l s tous les j ours à l ’égl i see t qu

’ i l a été t ou t éd ifié des sent imen ts rel i gieux qu ’ i ll u i a trouvés . N

’est- i l pa s part icul i er qu ’un parei ltémoignage lu i so i t rendu par un cosaque .

Ad ieu , madame , présentez mes respects à M. Gou ri ef'

,

à gran d’

maman , e t soyez , j e vous prie ,‘à jama i s a ssurée

de mon respectueux et i n vi ol abl e at tachemen t .

\RCHIVES DU CO M TE CH . D E NE SSE LRODE . 25

La comtesse Charles de Nesselrodeà son mar i .

l ’étersbou rg , 28 avr i l 181 2 .

J ’a i rencontré h ier Lubomi rsk i qu i fa i sa i t déj à u n e

promenade pédes tre j e l’a i t rouvé terrib lemen t changé ,

i l m’

a donné de tes nouvel les e t de cel l es de Ni co la s , eti l m ’a d i t que l e re tour du Grand Du c fa i sa i t queM . Lavrof éta i t de nou veau sans commandemen t ; c

’es tte rrib le pou r mon ch er Ni co l a s d ’être a i ns i ba l l o tté .

Ic i , l’

on suppose qu’

à l ’heure qu ’ i l es t notre sort estpeut- être déc idé sous l es mu rs de Smo len sk . S i n ou sremporton s la vi c to i re, tu devra i s êt re l e porteu r d

’uneauss i bonne nouve l le . J

ai vu hi er le pr i nce Pi erreV olkon sk i qu e j

’a i tro u vé simpl emen t ma igri , ma i s pa saussi changé que l es au tres ; i l se charge dorénavant demes le t tres , ce qui me c h arme , et tes courri ers partiron t v i s- à— vi s de notre campagne , de chez Araktcheief

qu i l oge dans une ma i son appartenan t au châ teaud ’ ic i .

20 ARCH I VE S D U CO M TE CH . DE NESSE LRODE

Le comte Char les de Nesselrode

à sa femme.

W i l n a, I° r mai 1 81 2 .

cou rri er n e partan t qu ’auj ourd ’hui , j e pu i s encore , ma ch ère ami e , t

an n on cer l a récep ti on de tonn° 9 en date du 20avri l . Je ne su i s pa s moin s heu reu x

qu e toi de te vo i r a l a fin ti rée du cruel chagrin que lecausa i t l e manqu e de mes n ouvel l e s et que j e j u ge parce lu i qu e j

éprou verai s en parei l ca s . J ’a i envoyé desu i te à Ni co las toutes les l e ttres qu i éta ien t pour l ui , i le s t venu d ’abord m ’en remerci er , mai s je dou te qu

i lai t auj ourd ’hu i l e temps d ’y répondre .

L’

Empereu r nou s est revenu h ier de fort bonnehumeur , enchan té de l

’ excel l en te tenue du corps deWi tgen stei n et de l

’ordre qu i y règne . I l a nommé enrou te plu si eurs demoi sel les d

’honneu r et des gen ti l sh ommes de l a chambre,mai s j e ne saurai s te l es nommer ,car l es n oms po lona i s n e son t pas faci l es à reten i r .

Le por teur du por tra i t va bien et se porte bi en sur

mieux i ci qu e j e ne l’

au ra i s su pposé sous beaucoup derapports . Je te remercie pour les déta i l s su r l ’a ffai re dutou pet avec le bl ond i n , de tout cela , comme j e l e l ’a id i t , i l ne résul tera que des sott i ses .

Ce que tu me d i s du droschki me fa i t grand p lai si r,

surtout s ’ i l n ’est l ourd qu ’en apparence . En fa i t d ’

équ i

28 A RCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE .

cheva l turc . Nous avon s dî n é en su i te chez Kotchoubeiavec l es deux Volkon ski et le comte de Ma i stre qu i es te t sera touj ours un a imabl e homme . En ren tran t , j

’a itrouvé ta l et tre , ce que j

’a i de mi eux à y répondre c ’es tque j e t’en gage à dépen ser touj ours e t à demander aubanqu i er quand i l n

y aura p lu s ri en . Grégoi re estri d i cu l e avec ses dési rs , et A l exandre avec ses syllo

g i smes ; i l s devra ien t bi en , l’

u n au l ieu de ra i sonner ,l ’autre au l i eu de fa i re les aff a i res d ’au tru i , a l l er so i

gn er l es Turcs dans l’ i ntéri eu r qui en on t grandemen t

beso i n . Pour l e momen t , i l n’es t pa s ques ti on de dép la

cement , ai nsi tu recevra s régu l i èrement de mes n ouvel les .

Ad ieu , chère Ma ri e , soi s à j ama i s a ssu rée de mona ttachemen t.D i s maman que nous avons beaucoup parl é d

’e l lece mat in , e t que n ous avons t rouvé avec Tol s to i , que paru n auss i beau temps , l e me i l l eu r remède pou r l e rhumeéta i t d ’a l l er à l a campagn e . Ce l ui pour le ch ance l i er nepara î t pa s auss i faci l e à trouver ; i l a touj ours l abouche de travers .

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE . 29

Le comte Char les de Nesselrodecl sa femme.

W i l n a, 8 mai 1 81 2 .

J ’aurai s beaucoup de ch oses à te d i re e t à te répondre ,mai s c ’est encore imposs i bl e au j ourd ’hu i ; j e su i scon stammen t su r le qu i— vive . Tou t ce que j e pu i s ted ire , c

’es t que je me porte à mervei l le . Nous avons vuce mat i n l a très magnifique d ivi si on de grenad iers ducomte de Strogon of Nou s avon s réga l é M de Narbonne ,

qu i est a rrivé , h ier , de ce beau spectacl e , ap rès l eque li l va prendre l a poste pour s ’en retourner chez l u i .

La comtesse de Nesselrodeau comte Charles, son mam.

Pétersbourg , 8 mai 1 81 2

Tu sa i s sûremen t que l ord We l l i n gton a pri s Badaj oz

et que par l à les Fran çai s on t été ob l i gés de l ever l es iège de Cad ix , c

’est touj ours bon , mai s cel a n e prouvepas que n os succès seron t de ce genre . Je su i s fâchée ,cher ami

,qu ’en m’

en voyan t ta,Gazette pa r l ’avan t

dern i er courrier tu ne m’a ies pas d i t ton op i n i on sur

50 ARCH I V E S DU CO M TE CH . DE NESSELRODE .

le vai n queur . Après cette condu i te , s i j eta i s son maî tre ,i l aura i t perdu tou t créd i t à mes yeux . I l y a encoredes person nes qu i on t l a bon té de l ’excu ser et qu i sepersuaden t qu ’on l e ca lomn i e , j e trouve que c

’est écri tavec une grande véri té et abso lumen t sel on l es déposi tion s de M i chel . Di s-moi un peu les ra i son s qu ’ i ldonne après avoi r l u cet a rt ic l e .

Le comte Char les de Nesselrodeà sa femme.

\V i ln a, 10mai 1812 .

Nous avons fa i t avan t— h ier u n e promenade dél ic ieu seavec Kotchoubei e t les deux Volkon ski à un châteaunommé Warki , s i tué sur u n e hauteu r dans une pos i t i onravi ssante . Comme j e su i s touj ours pour l es grandesi dées

,j e compte proposer à l

Empereu rd e l’acheter . de

le fai re magn ifiquement meub ler , d’

arran ger l e s jardin set les bo i s qu i l ’entouren t , d

’après des p lan s de Gold e td ’y ven i r tou s l es deux ans avec sa cour y passer si xsemai nes pour fa i re man œdvrer cen t mi l le hommesqu i campera ient autou r . Cern —me ce la ne coûtera qu

’ unou deux mi l l i on s , j e pense que ton père n e s

opp eser—apasa ce p roj e t , lo rsqu

’ i l sera porté au con sei l . Noussommes te l l emen t en ch an tés

,de cet endroi t , que nous

a l l on s , au _premier beau jour , y fai re u n p i que- n i que

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE . 51

don t sera l e grand marécha l , qui est p lus com ique quej amai s . Il a déjà été en fureur contre moi , ce qu i n

’aprodui t d ’au tre eff et que de me fa i re ri re aux écla t s

,

après quoi n ous sommes redevenu s les mei l leu rs ami sdu monde . Voi là deux le t tres que M . de Na rbonne m’

a

l a i s sées po u r la pri nces se Dolgorou ki et Mme Den issof ;n ’oubl i ez pa s de l eu r parle r u n peu de moi , en les leurremettan t . M . de Na rbonne a servi beaucoup de mondedans no tre quartier gén éral ; reste à voi r s ’ i l en resu ltera des fru i ts . En tre autres j o l i es choses , i l a d i t àl’

Empereu r , après avo i r v u l a d ivi s i on Strogon of , qu’ i l

aura i t emporté p lu s d’espo i r pou r l a pa ix , s

’ i l é ta i tpart i l a vei l l e , qu

’avec de pa re i l l es troupes i l é ta i t bi end i ffic i le d ’être pacifique .

Le comte Charles de Nesselrodesa femme.

W i l n a, 1 5 mai 1812 .

Le comte Léon Potocki te remet tra , chère amie ,quatre paque ts . Ce comte Léon Po tocki es t tou t à fai tb i en tourn é , i l n e para it pas man q

'ue 1‘ d ’esp ri t “; fai s ensorte que l

on so i t u n peu a i mabl e pour lu i . I l va aPétersbou rg pour

y 1re ster p en dan t la guerre et pours ’él o igner autan t que poss i bl e de tou tes l e s i ntriguespo l on ai ses .

52 ARCH IVE S DU CO M TE CII. DE NESSEI.RODE .

Pui sque c ’est l a premi ere occas i on sûre qu i se présen te depu i s que nous sommes séparés , i l fau t que j e tepa rl e avec abandon sur p l usi eurs obj ets que j e n ’a i pute confier par l e s feldjaeger , a ttendu que toutes nosl e ttres son t ouverte s , ce que je sa i s de sou rce certa ine .

On vous envo ie l e s courriers écri t s chez V iazmi ti n of 1 àl eu r arrivée à Pétersbou rg et là on perlu stre, que c

’e stun pla i s i r . L ’éta t des cachets aux l ettres que j e reço i sde to i me prouve qu ’e l l e s ne son t pas p lus heureuses ,a i ns i trêve de pol i t ique , j e t’en suppl i e , à moin s que cene soi t par des occa s i on s b ien sû res . Sous ce rapport ,ou est p lus ombrageux que j ama i s ; j

’en a i eu p lu si eursp reuves depu i s mon arrivée i ci .Ma pos i ti on i nd ividuel le est tou j ours très bonne

mal gré une cri se a ssez vio l en te que j’

ai eu e avec l e chaneel i er Roumian tsof , de l aque l le j e su i s so rt i v i c tori eux ,ce qu ’ i l n e me pardonnera de sa v ie . Sa san té n ’estbonne , n i au phys ique n i au mora l , mai s ce tte espèced

agon ie pourra durer l ongtemps encore dan s l’un

comme dan s l ’au tre sen s . Son ami Araktchei ef estmieux

1 . s mrmor (comte Serge Kozmitch ) , 1 74 9- 1 81 9 . Attaché en 1770au maréchal Roumian tzot‘ , p r i t part en 1 789 , au x assau ts d ’

Acker

man u et de Ben dery . L ’

empereu r Pau l le n omma comman dan t de laforteresse de Sai n t—Pétersbourg mai s le ren voya du serv i ce en 1 799 .

Nommé en 1 802 , par Alexan dre, premier mimstre de laguerre ; partan t en 1 805 pou r l ’étran ger , l ’empereu r lu i con fia l ’admin i strationde la cap i tale avec le t i tre de comman dan t en chef. En 1 81 2 , touten gardan t l ’admi n i strat ion de Sai n t-Petersbou rg , i l futmi s à la têtedu mi n i stère de la pol i ce, fut n ommé lamême an n ée prés i den t ducon sei l des mi n i stres . En 181 6, gou vern eu r gé n éral de Sai n t—Petersbou rg , reçut le t i tre comtal .

\RCH I\ ES Db CO M TE C H . DE NE SSE LRODE 55

que j ama i s en cou r et recouvrera probab lement sonancienne p lace . Le marécha l Gou dov i tch a donné sadém iss i on e t sera remp lacé par Rostopch i n e . Le généra lE ssen aura l e Gouvernemen t de R iga et l e p rince Loban otun a u tre emploi . Je tremble que ce n e soi t cel ui de

'

pac i ficateu r . I l n e sera i t pas imposs i bl e que nousfuss i on s dan s l e cas d ’en avo i r beso in . Les nouve l l esd

A llemagn e son t fort pacifiques et l ’on d i t que l eGrand Homme qu i a fort bien accue i l l i ce que Serdobi na porté n ’est venu à Dresde que pou r

fai re l a pa i x.Qu e

l e ci e l 1… i nsp i re une pare i l l e i n ten t i on,ri en n e l ’em

pêchera d ’

y sa ti sfa ire à tou t j amai s . J ’a i su ici d ’uneman i ère à ne la i sser aucun doute qu e l

on t ri pote dan sles a ffa i res d e l ’empi re comme par l e passé , que Kam

pen hau sen’ a u n e correspondance très d irecte e t très

act ive avec l ’Empereu r sur l e s finances,e t Rosen kamp f

avec l e baron d ’

Armfeldt, qu e Golubzof’ ° qui se l i en t

derr i ere l e rideau est l ’âme de cette i n tr i gue et se don n ebeaucoup de mou vemen ts pour ravo i r sa p lace . Ce que

je dés i re l e p lus à ton père e t l e mo i n s à l a Russ i e , c’

es tqu

i l pu i sse réussi r . Ce ma l heu reux min i s tère donnerai t

l . h 1 urmaxc sas (Baltazar-Baltazarov i tch ) , 1 772— 1825. Homme d'

État

russe, occu pa su ccess i vemen t sou s le règn e d'

Alexan dre le r les postes

de d i recteu r du départemen t med i c i n al , de préfet de Tagan rog , decon trô leu r de l

Emp i re et de mi n i stre de l ’ i n térieu r .

2 . Ros1 .xxaurr (Gu stave—An drév1tch ) , 1 762— 1 852 , har0n depu i s 181 7,ju ri scousu lte et homme d ’

État ru 5se.

5. Gomazor (Fœdor—A1exan drov itch ) , 1 758— 1829 , remplaça en 1 807

le comte Wass 111ef en qual i té de mi n i stre des fin an ces . poste qu ’

i loccupa ju squ ’

en 1 810, époque a laquel le i l fut ren voyé sur les

i n stan ces , d i t-on . de Spéran sk i .

51 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSELRODE .

b ien des déboi res à papa s i l a guerre ava i t l i eu ; e t saposi t i on es t te l l e que j e ne vo i s pas comment i l s

’enti rera . Néanmoin s i l devrai t , i l me sembl e , ne j amai sperdre cet te idée de vue ; i l sera i t p ourtant d i ffici l equ ’avec de l ’adresse et de la persévérance i l n e parv i n tpas , à la l ongu e , à a tte i ndre ce bu t .C ’es t a in s i que j e cherch e à con server touj ours l e

m ien au bout de ma l un e tte : i l es t e t sera constammen tun e mi s s i on à l ’étranger : j e ne me fa i s aucun e i l l us i onsu r ma posi t ion ac tuel le , qu e lque bri l l an te e t qu e lque envi ée qu ’e l le soi t . J ’espère que la Providen cem

accordera touj ours assez de caractère et de bon sen spour n e pa s me la i sse r éb lou i r . Je su i s heure ux , chèreamie , qu e tu partages a ce t égard tou tes mes idées ; cel l equi me charme l e p l us dans l ’exécut ion de ce p lan ,c ’est qu ’a l ors j e ne sera i j amai s séparé de toi .

La comtesse de Nesselrodea. son mam.

Pétersbou rg , 1 4 mai 181 2 .

La défaveur du Toupet me contrari e en ce momen t etj e voudrai s l e savo i r déj à remp lacé , car d

i c i à ce tempslà,j e suppose qu ’un e grande parti e de l a besogn e rou

lera sur to i , e t que j e cours l e ri sque de ne plu s recevo i rde to i que quelques l ignes , à de rares occas i ons . Je

50 ARCH I VES DU CO M TE CH . DE NE S SE LRODE.

j e doi s me rendre chez les têtes couronnées . H i er , parex traord i na i re , l

’ impératr ice El i sabeth a reçu . E l l e a euun spectacl e russe. On a représe n té u n vau devi l le don tl e poème est de Schakofskoy

‘et l e suj et a ssez ana l ogue

au x ci rcon stances présentes ; i l est t i ré du temps dePierre l e Grand ; ou peu t y voi r des al lu sion s à notreEmpereur . I l y est ques t i on de l a bata i l l e de Po l tava, dela g101 re de n os trou pes ; l

’anci en un i forme des gardesparaî t su r l a scène e t fa i t p la i s i r ; c

’est noble et simp le al a fo i s . I l es t beaucoup ques tion dan s l a p ièce d’

u n

Kotchoubei qui é ta i t dan s ce temps — là co lone l d ’undétachemen t de cosaques , qu i s

’est condui t avec beaucoup de va leur et qui a fin i pa r tomber entre l es ma i n sde Mazeppa qu i l ’a fai t mou ri r parce qu ’ i l n e vou la i tpas donner dan s son parti . Cec i n ’est pas dan s la p ièce ,

c’es t ce qu ’on m’

a con té après . Le cho i x des a i rs estdél i cieux et tout à fa i t nati ona l . Cette rep résen tationm

a touchée e t fa it grand p la i s i r . Le reste de l a so iréea é té monotone, extrêmemen t séri eux . On nous a v i tefa i t souper e t pa rti r ; avan t on ze heures , tou t éta i t fi n i .

1 . Sca.1 xuorsxov(pr i n ceA lexan dre—Alexaudrov i leb) , 1777— 1840. Auteu rdramat i que ru sse. Se con sacra au théâtre sou s l ’ i n fluen ce de Xav 1erde Mai stre, fut n ommé , en 1802 , membre du comi té des théâtres etreçu t u n e mi ss ion a l ’étran ger , fu t élu en 1 81 0, membre de l ’Académie ru sse ; qu i tta en 1 81 8, la di rection des théâtres et con t i n ua àécri re des ou vrages dramat i ques ; de 1820a1840, i l fit représen teru n e soixan tai n e de p i èces qu i toutes eu ren t p lu s ou moi n s desu ccès .

ARCH I VES DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE 57

Le comte Char les de Nesselrodea sa femme.

W i l n a. 1 9 ma 1812 .

Je te su ppl i e , ma bonne amie, de m’envoyer

,l e p lus

tôt que tu pourra s , un panta lon de cas imi r b lanc dan sl e gen re du vert , que tu fera s fa i re par l e même ta i l leuren chargean t Bapti ste de le recommander et emba l l er .

Vo ici u n e l ettre pour lu i de son am i Frédéric .

Depu i s h i er j e n ’a i ri en a t’appren dre de curi eu x . J’

ai

passé la so i rée à ri re de li ologri vof et de ses farces ; sonfrère peut ê tre a ssu ré que nous le garderons i ci l e p lu slongtemps poss i ble , peu t— être même au del à du premi ercoup de canon . I l est d i sposé à se refa i re mi l ita i repourvu qu ’on lui rende son anc ienneté e t son congé ala pa i x .

M i l l e choses a Grégoi re et à A l exandre s ’ i l s son t enco re avec vou s .

La comtesse Char les de Nesselrodea son mam.

Kamen n y-Ostrof , 22 mai 1812 .

a tou t a fai t u n e tournure et une figu re denégocian t e t dan s l e gen re que j

’a ime ; i l a u n g1 a nd

58 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NESSELRODE .

front , des yeu x no irs 51 fl eu r de tê te, un a ir très spi rituel . l l s’

établ i t i c i etatten d sa fami l l e dans s ix semai nes ,deux moi s ; e l l e es t a ssez nombreuse , i l l u i arri ve s ixen fan t s e t i l en l a i sse deu x a Pari s pou r ach ever l euréduca ti on ; i l en a eu troi s autres encore qu

’ i l a eu le

malheur de perdre . I l cau se très agréabl emen t ; j e cro i sque pour l ’espri t i l peu t a l ler de pa i r avec Labou ch ère,

mai s i l n ’a pas cette fatu i té qu e j e n’

aimai s pas dan sl ’autre .

Prévost est a rri v é en cou rri er ce tte nu i t , ce qui acau sé parm i l es mi n i s tres une al a rme , persu adés quec ’éta i t l e rappel de Lauri ston ; ce n

’éta i t pa s encorecela. Il a l a i ssé Napol éon à Dresde ; encore l e 24 , j ou rde son départ , l

’empereur e t l ’ impératri ce d ’

Au tri che

y sont et le ro i de Pru sse est su r l e poi nt d ’y arr ivera i n s i qu e I

lmpératri ce et Mme de Mon tebe l l o . On n e

sa i t pas pou rquo i Prévost , a été envoyé , ma i s l e fa i t es tqu ’après son arr ivée , Lauris ton , qu i n

’éta i t qu ’

u n peui nd isposé

,s ’es t sen t i s i mal qu ’on lu i a app l iqu é les

sangsues . Caula i ncourt se trouve en faveu r ; outre qu’ i l

es t grand écuyer , i l rempl i t l es foncti on s de Du ree qu iest absen t e t d e Bassano qui n

est pa s encore a rri vé .

Pendant deux j ours l ’Empereu r n’a fai t que trava i l l er

,

le t ro i sième , i l y a en cou r ettou tce qu i s’

en su i t . Encoreu n e nou vel l e t rès i n téressa n te,

c ’est que l ’on a sevré lero i de Rome . Tu vo i s que je n e le cache rien . On di tencore qu e Perceval

1 a été tué d ’un cou p de p i stol et en

1 . Pracev .u . (Spen cer) , mi n i stre d’

État an glai s , n é à Lon dres en1 762 . Admi s à la Chambre des commu n es en 1 797, i l sou ti n t avec

ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE . 59

en tra nt au Parl emen t e t on accuse de cette action lesIrlanda i s ca tho l iques .

La comtesse Charles de Nesselrodeson mam.

Kamen n i -Ostrof . 2 4 mai 181 2 .

L ’a rrivée de Il ologri vof‘ a fa i t un plai si r rée l à toute

l a société et ce n ’

estqu’

u n cri pour qu ’ i l revienn e ic i aup lus tô t . Son frère ne se douta i t pas n on p lus qu ’ i l fûts i p rès d ’ i c i et regre tte qu ’ i l n e lu i a i t pa s mandé sona rrivée . Je conço i s combien i l doi t t ’amuser ; voi l à comment i l vou s a rri ve souven t des obj e ts de d i s trac tion s ;chez n ous , i l n

’y en a d ’aucun genre . Des fausses nouve l l es , tan t et p l us , d i tes avec u n très grand a i r de véri tédes conjectures fai tes avec d es gen sd

espri t,mai s qu i n’en

son t pas moin s dénu ées de sens commun , des app réhens i on s e ffrayantes , vo i là de quoi mes orei l les son t cornéesdepu i s l e mati n j usqu ’au so i r . Je vo i s cependan t ce qu ’ i ly a de m ieux en fa i t de socié té , a ins i tu peux j uger par

talen t le mi n i stère et dev i n t su ccess i vemen t solh c 1 10ur, procu reu rgén éral , chan cel ier de l ’éch iqu ier en 1 807, premœr lord de la trésorerie, en 1 809 . Il péri t en 1 81 2 , assass i n é dan s la Chambre des commu n es par u n n ommé Bellmgham, don t i l avai t , di t-ou ,

refu sé d ’

ac

cu ei l l i r les réc lamati on s .

1 . Koroomvor (A n dré Semén ovi tch ; , mort en 1 850, gén éral decavaler ie rus se.

40 \ llCHIVES DU CO M TE CH . DE N E SSE LRODE .

lade tout ce qui se d i t pa rtout a i l l eu rs . Les n ouvel lesde Prévost m’ont extrêmemen t éton née e t on t fa i t changer de l angage , même Bray qu i , ces dern i ers temps ,ne dou ta i t pa s de l a guerre . Eh bi en , depu is l

arri vée de

ce dern i er , i l p rétend qu’ i l y a encore espo i r d ’une

réconci l i at i on , qu e l e grand homme est to u t d i sposé à

n e pas se ba ttre e t n’

en a nul l e envie ; on ajou te 51 celabeaucoup de choses que tu sa i s b i en mi eux que moi .

Ma l gré tou t , j e ne me fie à r ien , cel a sera i t si heureux ,s i heureux , si cel a pouva i t se termin er san s guerre qu el a chose me paraî t encore plu s impossi b le . Au cu ne lu e u rd ’ espo i r n ’en tre dan s mon âme , j e cro i s seul emen t qu etou s ces envoi s de Troubezkoi ‘ etdeNarbon n e ne serviron t arien , n e fon t qu e retarder l e commencemen t del a guerre e t pa r con séquen t l a fin , a l aquel l e j

a5p i re.

Je v ien s d ’apprendre que Lauri ston a ord re de demander a al l er vous fa i re une peti te v i s i te pour de n ou

vel l es exp l i cat ion s . A qu and l a fin de tou tes ces conversation s? Napoléon prétend n e rien comp rendre atout cequ ’on lu i a fa i t d i re en dern ier l ieu par Kou raki n . S ivou s accep tez cet te v i s i te

,j usqu ’à ce que la répon se

arrive , j usqu’à ce qu ’ i l a rrive l u i -même , le temps qu

’ i lpa rlera , tou t cel a prendra en core qu i nze ou vingt j o u rs .

Qu el l e envi e de bavarder ! La tête se perd à tou t cel a .

1 . Taoun czxm(pri n ce Bas i le Sergeiev 1tch ) , n é en 1 775,mort en 1 84 1 .li t avec d i sti n ction les campagn es con tre les '

I‘

urcsetcon tre la Fran ce .

dev i n taide de camp gén éral de l ’empereu r A lexan dreett'

n tpromu l ienten an t gén éral après la batai l le de Lei pzig . Elevé en 1 826au gradedegén éral de cavaler i e, i l reçu t quatre an s p lu s tard , u n e mi 551011 en

A n gleterre et dev i n tason retou r , membre du con sei l de l ’emp i re .

ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE NES SELRODE ’i l

Le comte Charles de Nesselrodea sa femme.

W i ln a. 29 mai 181 2 .

Les commérages sur Kotchoubei don t tu me pa rl es ,chère am ie

,dan s la l ettre , n

’ on t pas l e sen s commun , e t

je ne sa i s ce qu i a pu l es fa i re n a î tre ; i l es t touj ourstrès b i en tra i té , quoique peu emp loyé . Je me su i s encore l i é davan tage avec lu i e t j e n ’a i qu

à m ’en fé l ic i ter .

C’es t u n homme qu e beaucou p de gen s apprécien t ma le t n e conna i ssen t pas . A mon avi s , c

es t b ien atort qu el ’on s ’est a l armé a Pétersbou rg de ce qu

’ i l pouva i t unj our remp lacer l e Chan ce l i er . Du momen t où l ’ on est

décidé à ne vou l o i r n i de Pan in , n i de Ma rho f , j e n evoi s que l ui en éta t de rempl ir ce poste . C ’es t un hommequ i vo i t j us te et qu i a de ’él éva t ion et de l a dél icatessedans le ca ractère . I l est dommage qu ’ i l n ’

ai t pa s un peup lus de fermeté , ma i s je ne con na i s pas encore cheznous ceu x qu i en on t à revendre .

Tu tra i tes b ien sévèremen t . On fa i t couri r beaucoup de fau x b ru i ts sur son compte . Sava ry qui déteste

parce qu ’ i l a été l ’amant de sa femme,a i nven té

mi l l e horreurs su r son compte pour l e perdre dan sl ’espri t de no tre Empereur . Mai s cela n ’a pa s réu ss i eta peu t- être même prod u i t u n e ffe t con tra i re .

Quan t ala grande quest i on de l a pa ix ou de la guerre,

4 2 A RCHIVES DU CO M TE CH . DE N E SSELRODE .

j e n ’a i rien à t’

appren dre au j ourd’hui . Comme l ’été

s ’avance à grands pas , san s qu e l es host i l i tés com

men cen t, j’a ime touj ours à me fla tter que nous n ’auron s

fa i t qu ’un voyage de curi os i té sur l es fron t ières . I l n ’estpas du tou t imposs ibl e que nou s con servions la pa ix ,ma lgré tou t ce qu e l

’on di t d’

i n sen sé ace sujet , y compri s l es proph ét ies d e Schœpp i n g .

Le comte Charles de Nesselrodea sa femme.

W i ln a, j u i n 1 81 2 .

Ce son t , chère ami e , l es pei n es qu eprou ven t nospauvres h ommes qu i nou s attri sten t b ien p lus que desappréhens ion s po u r l ’aven i r . Cel l es— c i nou s l es su ppert i on s heu reu semen t avec résignati on et cou rage . L ’armée est bel l e , ce qu i a pas sé sou s n os yeu x ne la i sseri en à dés i rer ; el le ren ferme tou s l es é l éments de l avi cto i re , tou t dépendra de l

’empl oi qu ’on en fera . Nou ssommes touj ou rs dan s l e même éta t d ’ i n certi tude , c

’e stft— (III‘ G que nou s n

’avons n i pa i x n i gu erre ; cependa n tcel a n e sau ra i t durer davan tage . Nous manqu on s absolumen t de n ou vel l es posi t ives su r l ’e ffet qu

au ra produ i tl e retou r de M . de Narbonne ; j e n e pourra i don c te di reauj ourd ’hu i combien et s i n ou s avon s encore à espérerl a conservat ion de l a pa i x . Ne cro i s pas à tout ce

4 4 A RCH I VE S DU CO M TE C II . DE NESSE LRODE .

La comtesse Charles de Nesselrodeson mari .

Kamc n n i -Ostrof , 1 1 ju i n 1812 .

On raconte i c i qu i l y a u n généra l saxon qu i pouravo i r été duremen t t ra i té pa r le général Reyn ier lu i apa ssé l ’épée au travers du corp s ; on d i t que c ’é ta i t u nhomme de grand méri te ; p l us i l en a en ,

moi ns jel e regret te . et j e voud ra i s qu ’avan t nos comba ts , i l y ena i t quelqu es— uns de ce genre . Dans ce s ièc le , on est forcéd ’avo i r de ces vi la i nes idées . Schœpp i n g , qu i va tou sl e s ma ti n s pomper des no uvel les chez les tri stes d ipl omates qu i nous resten t , m

’a d i t que l e gra n d homme sed i rigea i t vers la Provi nce ou es t la terre , mais ce qu

’ i ly a à di re, c

est que les gens l e mi eux au fai t des évén emen ts n e saven t r ien ; i l s d i sen t ta n tôt u n e chose , tan tô tune a u tre . Pétersbou rg est devenu u n e vi l le de provi nce dans toute l ’ étend ue du terme .

Le comte Charles de Nesselrodea sa femme.

Wi l n a, 1 2 ju i n 1 81 2 .

Imagine- to i , ma bonne am ie , qu e j’a i manqu é de

manquer ce courrier . A l ors , tu au rai s en rai so n d’être

ARCH IVE S Dl ’ CO M TE CH . DE NE SSE LRODE . 45

lâchée contre moi , Je croya i s qu’ i l n e parti rai tqu

au

jou rd’

hu i , ma i s i l éta i t déj à tou t expéd ié , h i er au so i r ,l orsque mon heureu se éto i le a su sc i té u n i nc iden t qu ien a fai t retarder l e départ . Je ne me l e serai s pardonnéde jma vi e . Les deux dern i ères lettres que tu m

as

écri tes son t s i j o l i e s qu ’ i l eû t été abominab le a moi den e pa s t’en remerci er d ’abord . Je ne pu i s répondre au

jou rd’

bu i , n i à papa , ni a A lexan dre,mai s tu te chargera s . j ’espère , de leu r d i re que j

ai été bi en touché e tbi en reconnai ssa nt de l eu r souven i r comme de leu rconfiance . Ce que le premi er m ’a envoyé est parfa i t e tn e l a i sse ri en à dési rer , ma i s j e cra in s qu

’on n e lu i

l a i s se dés i rer l ongtemps ce qu’ i l dema n de . Je l u i en

parl era i au l ong , a la première occasi on . A l ors au ss i,

j e tâch erai de réfuter les beau x ra i son n emen ts d’

A lexan

dre,quo ique ce so i t as surémen t u n e en trepri se bien

d i ffi ci l e d ’

argumen ter contre lu i . I l a tou t ce qu’ i l fau t

pour avoi r ra i son dan s u n e d i scussi on , personne n’ap

p u i era son asserti on su r des argumen ts p lus sol ides ,ma i s héla s ! ce n ’est pas par l a l ogi que que l ’on réussi tà subju guer l e cœur d

u ne demo i sel l e et j e cra i n s qu en otre jeu n e homme n e reste cé l i ba ta i re , tou t en an alysan t l es avantages du mariage . Nous avon s été , cesj ours-ci , dan s les fêtes et l e s pla i s i rs . Cel l e que n ousavon s don n ée avan t— h ier à l ’empereur a réuss i au del àde toutes les espéran ces . On ava i t fa i t con strui re u n e

sal l e dan s l e j ard i n . mai s les fondemen ts ava i en t été s imal posés que , tro i s j ours avan t , el l e crou la . Quelquesi n stan ts p lu s tôt et tou te la fam i l le Ben n i n gsen eû t péri .

4 6 ARCH IVE S D U COMTE CH . DE NE SSELRODE .

I l n ’

y a en heureusemen t que quelques ouvriers deb lessés . On a dan sé dans l a ma i son , et on a goûté etsou pé en p lei n a i r . Les j a rd i n s magn ifiqu emen t i lluminés fa i sa i ent hon te a ceux d’

Armide, de gl orieu se mémoi re . Un cl a i r de lu ne dél ic i eu x , u n temps superbe ,tou t favor i sa i t nos projets . Les bougies brû la ien t enp lei n a i r , l a nu i t é ta i t chaude , e t i l n

’y ava i t n i ven t , n ihumi d i té . I l n ’y ava it qu e M . Ni co la s qu i manquâ t à l afête ; j e cro i s qu e c

es t un commérage de M l l e Mi leikaqui l ’a empêché de para î tre car sa san té va amervei l l e .

Ra ssu re maman , d i s— l u i qu i l est complètement rétabl i ,et qu ’ i l n ’y a en ri en dans son i n d i spos i t i on de ceq u ’e l le semble appréhender . D i s auss i a M l l e Lonki n e tet à M . A . Obreskof

1 que j ’a i expédi é l eu rs l ettres paru n courr i er part i , h ier , pour V i enne . Tu a s en u n e trèsheureuse i dée de m ’envoyer des oranges et des ci trons .

Par les cha l eu rs excess ives qu ’ i l fa i t , c’est un véri tab le

b ien fa i t . Au reste , i l n’est guère mo in s d i ffic i le pour

mo i de t’ i n diquer ce que tu pourras m’envoyer , car

grâce au ciel e t au comte Tolstoï , j e ne manque de rien .

Pu i sque l es verres d ’argen t son t s i exorbi tammen t

chers , ne m’

en envo i e que troi s , c’es t tout ce qu ’ i l fau t

pou r fa i re le magn ifiqu e . Je compte fa i re ce soi r unepeti te course à 80verstes d ’ i c i pou r vo i r l e régimen t deKief et ach eter un cheva l . Ceux de l a Cour commencen tà m

en n uyer ; i l s tomben t malades l orsque j e les monte .

D i s—moi un peu s i l e ch eva l ba i du t imon qui v i en t

1 . Oaacsxor (M i chel—Alex i ev i tch ) , 1 754 - 1 84 2 . Sén ateu r ru sse et commi ssai re gén é ral de la guerre.

AR CH IVE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE . 4 7

d epron ver ce ma lheur est ma i ntenan t le seu l qu i so i thors d ’éta t de le servi r , ca r s i l

’éc u rie es t encore dansl ’état où je l

’a i l a i ssée à mon dépa rt , tu do i s à peu prèsêtre a pi ed . S i cela pou va i t te fa i re marcher davantage

,

je n’en sera i s p resque pas mécon ten t . On p rétend qu e

l e droschk i est t rès beau et que Hé l ène ne s ’y promènequ ’en tremblan t et en p référan t touj ours des rosses à

nos fameux coursi ers . Parle—moi un peu de l a ca lèchequ i do i t ma i nt enan t être achevée . J ’écri s encore à Grégei ro pour l e fa i re part i r ou au mo in s expéd ier sonléger . Ra ssure A lexandre sur le sort de cette étern e l l eca lèche ; ce qui peu t lu i arriver de p ire c

’est d ’ê tre pri separ un parti ennemi , mai s nou s n

’en sommes pas l àencore. Tolstoï veut que j

an n on ce à maman que n ousavon s déj euné ce ma ti n vi s — ù — vi s d ’un sambu ci us rare

masa comme i l n ’y en a e t comme i l n ’y en aura j ama i sdans son j ard in , car p lus de ci nqu an te person nes peuven t être ass i se s dessou s . I l t ’envo i e à to i l e peti t l ivrec i - j o i n t e t t’en gage à l

étu di er avec Cati sche Loubew i shy pour pouvoi r herbori ser avec fru i t dan s son j ardi n . Il espère qu ’à son re tour i l trouvera sa fi l l e auss isavante que l u i . Qu an t a moi , je n e doi s ri en dési rer ,tu ne fa i s que répandre des fl eurs sur ma vi e , tu n

as

pas beso i n de ce l ivre pour apprendre a l ’embel l i r . Tesétudes son t toutes fa i te s à ce t égard , e t i l n e me res tequ’à remerci er l e c i e l de m ’avo i r rendu s i heureu x .

Je t ’embras se , chère Ma ri e , du mei l l eur de mon cœur ,Je t ’envo i e l a lettre pour Grégoi re ouverte afin que tu

pu i sses l a l i re , l u i parler dan s u n sen s et l ’en gager à

4 8 ARC H I V E S D U CO M TE CH . DE NESSE LRODE .

fa i re ce que j e lu i demande . Use de ton a scendan t surl ui pou r le décider ‘a qu e lqu e chose

,ca r ce tte i rréso

l u t ien est vra imen t déso lan te .

Ne pe rds pa s l e l i vre , car To l s 101 pré tend qu ’ i l estcomme Il l ] un i que dan s son gen re .

Le comte Charles de Nes‘selrodea sa femme.

Swen p ian y , 17 j u i n 1 81 2 .

Nou s sommes touj ours i c i , ma bonne ami e , ma i s j ecro i s que nous parti ron s ce soi r . I l n ’y a j usqu ’ i c i quedes a ffa i res de Cosaques où Orl of Den i ssof s ’est d i sti n

gué . Octave Ségu r ‘ a été fa i t pri sonn i er . Vo i là tout pour

_

SEGUR (Octave—Hen r i — Gabr i el , comte de) , n é à Par i s en 1 779 , mortdan s la même V IIIO en 1818. Sa cou rte carr i ère fu t s i n gu l i èremen tacc iden tée. Sort i de l ’Ecole pol ytech n ique en 1805, i l fu t em oyé

comme sou s— pré fet à Soi sson s et paru t se con sacrer d ’

abord à l ‘admi n i strat ion , à la l i ttératu re et ala sc ien ce. Tou t d ’

u n coup , en 1 805,i l d i sparu t , et Fou ché, mi n i stre de la pol i ce, f i t i n sérer dan s les jou rn au x u n e n ote d’

après laquel le on devai t su pposer qu ’

i l s ’étai t n oyévolon tai remen t . On sut p lu s tard qu ’

à la su i te de chagr i n s domestiques , i l avai t qu i tté la Fran ce et s ’é tai t en gagé , sou s u n faux n om,

dan s l’

armée d’

Ital ie, où i l con qu i t le grade de cap i tai n e. Il fut fai tpri son n ier et i n tern é en Hon gri e. Il passa de là en Espagn e et dev i n taide de camp de Massén a, ren tra en Fran ce, fi t la campagn e de

Ru ss ie et s’

i llu stra à Wi ln a. par u n emagn ifiqu e charge de cavaler i e ;i l avai t le grade de chef d ’

escadron . Fai t pri son n ier u n e secon de foi s .i l resta à Saratol‘ jusqu

'

à la chu te de l’

Emp i re et rev i n t en Fran ceen 1 81 6. Deux an s après . toujou rs tou rmen té des mêmes chagr i n s

ARCH I VE S DU CO M TE CH : D E NESSELROI) E: 40

le momen t. Au res te tout va b ien . L ’

armée es t exce ll en te . II n ’es t pas poss i b l e de ri en voi r de p l u s beau , i i i

de mieux d i sposé .

Le comte Char les de Nesselrodea sa femme.

V i tzy , 21 ju i n 1 81 2 .

R ien n e me sera i t p l u s agréab le , ma bon ne ami e , quede t

écri re auss i l onguemen t qu e j e l e fai sa i s de Wi l na ,ma i s i l y a u n e agita ti on , i nhéren te au gen ie de vi e quenous menon s , qui fai t que j e pu i s raremen t d i sposertranqu i l lemen t de quel qu es mi nu tes . I l pa raî t que l esgrandes occa sions n e se présen teront pa s encore desi tô t , notre sys tème de guerre para i ssan t être de l eséviter . Dan s ce sen s tout marche fort b ien . Les détachemen ts on t tous eté ra l l i és ‘a l eu rs corp s respecti fset i l n ’y a en que des a ffa i res d ’

arri ère— garde . Pah len,

qu i au commen cemen t des host i l i tés s’est trouvé dans

une posi ti on fort hasardée , s’en est ti ré avec son adresse

o rd in a i re . I l a fa i t pour nous rej o i ndre 4 00verstes ens i x j ours . Platof doi t avo i r commencé , h ier , son grandtra va i l et nous en espéron s bien tôt quelqu e bri l lan trésu l ta t . Serge Volkon ski qu i ava i t été chez lu i en est

mystér ieux qu i l 'avai en t fai t qu i tter Soi sson s , i l se jeta dan s la Sei n eet se n oya.

50 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE N E SSE LRODE .

revenu auj ou rd ’hu i e t n ou s en a porté de bonnes nouve l l es . Cel les de Bagra t i on ne l e son t pas moin s et

Ben keri dorf qu i en arrive d i t que son armée est dan s l ep lus bel état et qu ’ i l es t déci dé à renverser tou t ce qu ’ i lt rouvera sur son chemin . H i er , i l y a eu une halte pourtou te l ’armée , ce qu i fa i t que nous sommes restés deuxj ours i c i . Je n e sa i s s i n ous ne parton s dema i n .

Kotchoubei et l e chancel i er que l ’on fa i t touj ours décamper les premiers von t se mett re en rou te , ce so i r .

La comtesse Charles de Nesselrodeson mam.

Kamen n i — Ostrof , 22 ju i n 1 81 2 .

Papa te prie i n stammen t de lu i marquer , par u n e

occasi on,s ’en tend

,s i tu as ou i parl er qu ’ i l a i t transp i ré

quel que chose au suj e t de l a le ttre qu ’ i l a écri te auMaî tre

,a in s i que du mémoi re qu ’un comi té secret a

réd igé sur les finances et envoyé en même temp s qu el a l ettre . Ce comité a été composé du Marécha l , duprince Lapou chi n ,

de Gortschakof ‘ ou de Wiazmi ti n of e t

1 . Goarscuxxor (A lexan dre) , n é en 1 764 , mort en 1825, se di st i n guacomme gén éral sou s le czar A lexan dre Jeu n e en core, i l étai t entré dan s l ’armée comme ai de de camp de son on cle, le cé lèbre Souvarof , et, après avoi r fai t les campagn es de Tu rqu ie et de Pologn e,i l fut n ommé gén éral en 1 798. A la batai l le de Zu r i ch , l ’an n ée su i

van te, i l étai t sou s les ordres de Korsakof . Gou vern eu r de V i borg

52 ARCIIIVES DU CO M TE CII . DE N ES SE LRODE .

ren tren t atemp s dans les ca i sses . Il‘ y a su r ce sujet

mi l le choses en core adi re , ma i s qu i ne serven t qu’

à

l’

acqu i t de la’

con sc i en ce de mon père . Qu an t au publ i cqu i n

an alyse ces ra i son s , qu e raremen t ou p l u tô tjama i s , i l tombe sur l e mi n ist re . Au cu ne réponseencore ; j e doute fort qu

’on accorde à mon père l e congéqu ’ i l demande , c

’es t très malheu reux pour l ui , ma i s jeconço i s qu ’en ce momen t l ’Empereu r n

’a i t pom i égardà sa su pp l i qu e .

Congédier un mi n i s tre des financ es au momen td

une guerre , n e serai t- ce pas avou er c lai remen t'

le

dénuemen t de la ca i sse . On se l oue beaucou p du marecha l , de son esprit de j usti ce, de son activi té ; dep u isl ongtemps , i l n

’en a pas’

rég i i é u n pare i l . Il a’

beau

0011 1) de confiance en mon père e t lu i témoi gne lesp l u s gran ds égard s , malgre que ce dern ier so i t l oi nd ’être en faveur .

Depui s l e passage des Françai s anos fron h eres , tuconçoi s qu ’en vi l l e on parl e p l u s que j ama i s ; on est

eff rayé , enco re san s ra i son , de tou t ce terrai n’

cédé à

Napoléon . Ce l a fa i t mal d ’

en tendre tou s ces ra i sonnemen ts i nuti l e s , pui squ

’on est a l a vei l l e de voi r lesrésu l ta ts e t qu ’ i l sera permi s dé porter son op i n i on

'

su r

les p lan s de campagne . On prétend auss i que l ’avi s deF u l d es t prédomi n an t au consei l de guerre . S ’ i l en esta in s i , c

es t ma l heureux , ca r l a tac tiqu e mi l i ta i re de ceth omme est cel le qu i a a idé à perdre l a Pru sse . Un e

ch ose qu i m’

eff raye et qu i me donne à penser tou t autan t qu e l a gu erre , c

’est l e mauva i s espri t qui règne

\RCHIVES DU CO M TE C II . DE N ESSE LRODE .

dans toute l a Po l ogne qu i nous appartien t . On devra i tprendre l es précau t i ons n écessa i res et se défier de cepays , car i l es t p lu s qu e . probable qu

’ i l es t rempl i det ra î tres qu i en tren t dans tou tes l es vu es de nos ennemis .

Derni èremen t j ’a i vu u n e Po lona i se, Mme de Cho i seul ,qu i m ’a pa rl é d ’une man ière peu rassuran te su r l e sentimen t que cette n at ion porte ’

a l a Ru ss i e . A l a mo i nd redéfa i te que nous au ron s , i l s se mon treron tadéco uvert .D i s—moi , je t

’en pri e , s i on l es empêche auta nt que poss i b l e de commu n iquer avec l e s França i s . Je t ’a ssu re

que j’

ai l a tê te fêl ée a ce su j e t ; j e l e s crain s au tan t qu ej e l es ha i s , j

’a i même peur d ’

u ne révo l te de leu r partet d ’un massacre . Tu te moqu eras peu t— être de tou sces ra i sonnements , mai s cro i s bien qu

i l s n e son t pa stout a fa i t dénués de fondemen t . Que d i t le prince Volkon ski d ’avo i r p ou r camarade Pau ln cei ? I l n ’ a qu

à s ’enprendre a lu i -même ; i l est u n de ceux qu i son t cau sede sa bri l l an te fortune , Il l

’a poussé san s cesse et quelqu ’

u n lu i a p réd it. qu ’ i l fi n i ra i t par l ’avoi r su r les

épau les ; l e fa i t e s t a rri vé . Tou tes l e s récompenses qu el ’on a données à ce monsi eu r son t d ’au ta n t p lu s étonnan tes q u ’ i l méri ta i t d ’

être ju gé pour tou t ce qu’ i l a

fa i t en Géo rgie ; i l est ca u se du massacre de mi l leRusses , de gens de marque entre au tres , de sorte quetou t l e pays est en révo l te ; rien qu e cela , excu sez du

peu . Tou t le corp s d ip lomat ique avan t l a rup tu re se

p la i gna i t bea u cou p du comte A l exandre , de son i n dé

c i sion i l n e voul a i t j ama i s se charger de rien verbalemen t , i l demandai t tou j ou rs tou t par écri t, ce qu i est

54 ARCH I VES DU CO M TE CII . DE N E SSE LRODE .

t rès embarrassan t , car i l y a bien des choses qu’on

peut d i re , mai s qu’on ne veu t pa s écri re . I l n ’ava i t

aucune hon te de la i sser voi r qu ’on ne l u i avai t l a i sséaucu n p lein pouvoi r . On pré tend que l e Chan cel i errevien t avec tou t son monde ; a i n s i te voi là seu l pou rtou tes l es correspon dances et comme i l n e nous resteque peu ou

.

poin t de pays a l l i és , tu n e seras gu èreoccupé e t aura s tou t l e temps de m ecri re . On trouve lebul let i n mal réd igé , l e premi er qu i a paru

,enfin

on cri tiqu e tout et ce qu i me fâche séri eusemen t,c ’ est

que le gro s con sei l l er a in s i que l e pri nce i rrésolu ,

comme j e l e nomme , se metten t depui s quelque tempsde l a pa rt i e . Ce son t deux êtres qu i n ’on t en que dubonheu r en tou t e t qu i n ’on t j amai s su en profi ter

,par

ti cu l i èremen t dan s l e servi ce . I l s osent parler de fermetê a l ors qu e ce son t l es deux personnages les p lu sfa ib le s que j e conna i sse , i ncapab l es de rien régi r aumonde . Le con se i l l er a son va le t de chambre , i vrepresque tous l es j ours , ei n e se sert d

’a u cun moyen pou rl e me tt re à la ra i son , sou s l e pré texte qu

’ i l cherche l apun i t ion effi cace qu ’ i l do i t l u i i n fl i ger . Quan t au pri ncei rréso lu , i l d i t t out haut des ch oses qu

’ i l es t défendude d i re devant des personnes qu i n e son t nul lementsû res , tel les que Mme Tati chtchef qu i peu t l e s rapporter

,tu sa i s b ien ’a qu i . Je présume que , dan s beau

coup de chose s , i l a déj à perdu l a tête . Je ne pui s comprendre qu ’en u n moment parei l à ce lu i — ci , on s

’attacheà l ’ana lyse e t qu ’on s ’a rrête aux déta i l s , i l fau t prendreles ch oses en masse e t n ’avoi r qu ’

une i dée , sau ver l e

ARC H I VE S DU CO M TE CII . DE N ESSELRODE . 55

pays , tand i s qu e ces p ropos impruden ts ne peuven t

qu’

amen er des d ivi s i on s .

On prétend qu’

An stedt gouvernera les a ffa i re s duChancel ier pen dan t l

absen ce de ce dern ier . Ce l a dép la î tsouvera inemen t ; p lus ieu rs personnes sont persu adéesque c’es t u n homme sur l eque l on ne peut comp ter e ttan t d e personnes l e d i sen t que mon op in io n sur lu ies t , j e te l

avoue , chancelan te , ma lgré que tu so i s , j el e su ppose , d

’une op in ion trè s di fiéren te . Mande— moi ,s’

i l est poss ib l e , s’ i l e st vra i qu ’ i l sera occupé de cette

manière e t s i sa faveur est à ce degré . Les d i p lomateseux— mêmes parlen tde ce Mon si eu r abso lumen t commed

u n traî tre .

On cri t i que , e t avec ra i son , sel on moi , vo tre seyou rà

Wilna . S i vo tre p la n de campagne é ta i t d ’abandonnerce tte p lace , i l eû t m ieux va lu n e poi n t mettre lesp ieds dan s cette v i lle. Ma l gré l e mal que di sa i t n otreMa î tre de Novossi ltzof , l e vo i là , de n ouveau , en grandefaveu r ; n ous apprenons de source sû re qu

’ i l a été reçu,

comme un ancien ami , un homme d’

u n méri te surp renan t , tand i s qu

’ i l n ’est qu ’

u ne grande nu l l i té . Ce lap rouve comme tan t d ’autres choses l ’ i n stabi l i té des sentimen ts et comb i en peu l

’on doi t s ’y fier . On envo i e cep iè tre personnage en Angleterre , dans un pays où l

on

s ’est moqu é de lu i .

56 ARC H I VE S DU CO M TE CII. DE NESSEI.RODE .

La comtesse Charles de Nesselrodeà son mcm .

Kamen n i — Ostrof , 25 ju i n 181 2 .

On d i t que l a ba tai l l e se l i vrera à Swi n zian y ; a in s i

ie me fla t te qu e de concer t avec Kotchoubei on vousoccupera à garde r V itzy et que vou s n e pou rrez sati sfa i re votre cu ri o s ité

,en a l l an t vo i r l ’a ffai re .

Le bru i t court en v i lle qu e le Chan cel i er es t mortd

apop lexi e ; j’espère qu e ce bru i t est san s fondemen t .

C ’est trop tard pour l e bien publ i c .

La comtesse Charles de Nesselrodeà. son mam.

Kamen n i -Ostrof , 25 ju i n 1 81 2 .

Dep u i s h i er , l e gén éral Lauri ston a établ i son q uartier généra l à l ’hôte l du Nord ; obéissan t à u n scrupuleexagéré , i l ne voula i t po i nt rester dan s son hôtel , p rétendan t que ce n ’éta i t pas dél ica t

,pu i sque la gu erre

ava i t déj à commencé . Je ne sa i s avec sonpoula i l l er , a su ivi cet exemp le . Le corp s d ipl oma ti qu e

,

c’est au tan t d’

esp ion s que l’on garde . Je voudrai s les

voi r déj à dehors .

ARCH I VES DU CO M TE C H . DE \ ' ESSELHODE .

Le comte Char les de Nesselrodesa femme.

Léopol , 26 j u i n 1 81 2 .

Depui s tro i s ou quatre j ours nos quartiers son t dan sdes trou s épouvan tabl es et quand , j

’écri s c ’est tan tôtsu r u n banc , tan tô t su r un tonneau , l a p lupar t dutemps , à terre , couch é à p lat ven tre , ce qu i ne m

a

pourtan t pas empêché d’

expédier beaucou p d’écri tures ,

qu i , al eur tou r , on t fai tqu e j e n’a i pu , h ier , que t

adres

ser quel qu e s mots que tu au ra s même de la pei ne M i ro.

En ce momen t , j e m’

arrête devan t u n châtea u pou rp rendre du café e t j e trouve dan s l a chambre de l ’ i ntendan t un superbe bu reau pour écri re . Tu penses qu ej e n ’y rési s te pas et qu e j e profi te avec p la i si r d

’unea u ss i bel le occas i on de commencer une l ettre pour to i .D i eu sa i t commen t nous i ron s l à où nous a l l ons ; à l agu erre i l fau t savo ir sa i s i r l e s momen ts et les occas i on s .

Ma lgré tou tes ces privat i ons e t ces fa tigues, i l y a

beau coup de ga i eté parmi n ou s ; sou s ce rapport , c’es t

comme si nou s ét i on s en core à Wi lna . Ansted t est u n eexce l len te acqu i s i t ion que nou s avons fa i te; i l est vraimen t in tar i ssab le, i l es t p l e in de cœur e t d ’honneur etprouve combien on a été sou ven t i nj uste à son éga rd ensuspectan t ses pr i nc i pes . C ’est dans des momen ts commeceu x— c i qu e l

on peu t apprendre à conna î tre u n homme,

r ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NE SS E LRODE .

et i l n e fa i t , lu i , que gagner à ê tre vu de près e t approfondi . I l a capti vé tou t l e quarti er gén éral .La nomi na t i on du comte O s termann au commande

men t du qua trième corps a fai t grand p la i s i r dan s l ’armée. Quand on es t a imé à ce po in t du so ldat , i l es timposs ib l e que l ’on n e fasse pa s bien . Tout , en gén éral ,marche dan s u n bon sen s ; que l e mouvemen t rétrograde

ne t’efi’

raye po in t , on n’a recu l é que pou r mi eux sau ter .

Je pen se que Bagrati on au ra , en a ttendan t , l e moyen dese d i st inguer et n ou s en espéron s beaucoup ; i l s

’yp rend bien e t tou t dan s son armée est condui t avec u ngrand ensembl e . Jusqu ’ ic i l ’espri t de nos provi ncespo lona i ses es t excel l en t et dan s cel l es que l es arméeson t eu à parcou ri r , el le s n

’on t rencontré que du zèl e etde l a bon ne vol on té .

Le comte Charles de Nesselrodeà sa femme.

Au camp de Dry ssa, 26 ju i n 1812 .

Je con tinue au j ourd ’hu i l a lett re commencée h i er .

Tu seras tout étonnée d ’en recevoi r une au ssi l on gue,

mai s i l fau t que tu saches qu e mai n ten an t je su i s ma

gn i fiqu emen t l ogé et qu e pour tab l e à écri re j’a i é té

assez h eureu x d ’accroche r ou pl utôt de décrocher laporte d ’une établ e 21 vaches où j e demeure . J ’espère que

00 ARCH I VE S DU CO M TE C II . DE NE SSE LRODE .

ne pu i s m’

imagi n er à quo i tu peux être bon , là , surtou ten ce momen t .Je me persuade a i sémen t combi en An stedt doi t vou s

charmer tous , tan t qu e vou s êtes ; i l a b ien produi t cete ffet sur moi . Tout ce que tu me d i s de lu i dan s tesl e ttres me confi rme encore p lu s dans l

’ i dée qu ’on esttrès i nj us te envers lu i dans la cap i ta le .

La comtesse Charles de Nesselrodeà. son mam.

Kamen n i — Ostrof , 5 ju i l let 1 81 2 .

L ’ idée d ’

embarqu cr l e corps d ip l omat i que m’

a beaucoup p lu . I l s se trouven t être au nombre de soi xan ted i x personnes

,tan t ma î tres que valets , et son t tou s

furieux de cette man ière de voyager . Je me figurecomme i l s dégob i l l eron t . On a fa i t ré trograder Bray qu iéta i t en L ivon ie . Je sui s fâchée qu ’on a i t d i spensé decette traversée Pa rdo ; on lu i a permi s d

’a l l er pa r terree t i l passe même par R i ga . C ’est au p lu s spi ri tu e l e t auplus fin de cette bande qu ’ on accorde u n e parei l l e permi ss i on . Tous les voyageu rs pa r mer comp ten t débarqu er à Même] . Dans l a cou rse qu e j

’a i fa ite en v i l le, j’a i

aperçu La u ri ston qu i se promena i t su r l e qu a i e t cel am ’a paru bien si n gu l i er de le vo i r encore .

ARCH I VES DU CO M TE C II . DE NE SS E LRODE .

Le comte Charles de Nesselrodeà sa femme.

Wellkoutsc l i i n a, ju i l let 181 2 .

Pu i squ e l ’endro i t d’

où je tecri s n e se trouve suraucune car te , i l faut bi en que j e te d i se que c

’es t unema i son seigneuri a l e s i tuée à deux vers tes de l a Dvi na etqu ’au l i eu d ’être dan s une grange j e su i s l ogé dan s unebrasserie , c

’est- à—di re très magn ifiquement .Nous avons vu i c i un vi sage ang l a i s . L

ami ral Benti n gk y est venu fa i re u n e appari ti on . Au res te tou tmarche encore dans notre quarti er généra l comme pa rl e passé . I l n e fau t pa s être fâché que nous n ’

ayon spas

'

eu de grandes a ff aires , nous cherchons avec rai sonà l es évi ter et à veni r , pa r d

au tres moyen s , à bou t deno tre terrib l e ennemi .

Le comte Char les de Nesselrodeà sa femme.

Polotsk , 8 j u i l let 1 81 2 .

Le comte l .i even m ’

ava i t promis de se charger de malet tre , mai s je ne l

’a i p l u s revu . Ileu reu semen t que l e

62 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSE LRODE .

gén éral Mœl ler Zakomelskil part cet te nu it , san s quo i

j ’aura i s été une étern i té san s pouvoi r te d i re , ma bonneMari e , ce qu i m

’est a rr ivé dan s cette grande bagarre. Tusauras donc que , h ier au soi r , S . M . l

Empereu r m’a

fa i t ven i r et m’

a prévenu qu ’ i l a l la i t s’

absen ter de sonarmée pendan t une douza i ne de j ou rs et que pendan tce temps i l vou la i t que j e su ivi sse le gén éral en che fpour con tinuer un trava i l don t j ’é ta i s ch a rgé aup r ès delu i . Il n ’y ava i t pas l à ad i re non , comme b ien tu pen ses ,que lque envie que j

eu sse d ’a l l er Pétersbou rg passerce temps avec toi . Cependant j e l ’ai pme, 51 son absencedevai t durer , de voul o i r b ien me permet tre de fai re unecourse à Pétersbourg . I l y a consen ti avec sa bon téhab i tue l l e , a in s i i l faudra vo i r . Comme la commiss i ondon t i l m ’a cha rgé est tou t à fa i t une a ffa i re de confian ce, i l eû t été impossi b le que j e demanda sse am

absen ter actu e l lemen t . Nous passon s ce tte nui t à

Polo tsk , demai n n ous a l lon s p l u s l o in , l e M i n i s tre del a gu erre commande actu e l lemen t l ’a rmée à l ui tou tseu l .Platof a eu encore une a ffa i re heureuse , l e bu l l eti n

procha in t ’en apprendra les dé ta i l s . Ma i s j ’espère quebi en tô t i l sera quest ion d ’a ffa i res p lu s importan tes et,comme je —vien s de v01 r défi l e r cen t mi l le hommes sou smes yeux , j e ne doute pa s du su ccès .L

Empereu r étan t déc idémen t a l l é à Moscou , i l s epourra i t que son absence fût p lu s l on gue . On approuve

I . MŒLLER s oasrsn (Pi erre- Ivan ov i tch ) , gé n éral ru sse, mi n i strede la guerre (1 8t9 mort en 1 825.

ARCIIIVES DU CO M TE C H . DE NESSEI.RODE . 65

généra l emen t ce tte détermi nat i on qu i nous vaudra denouvel le s ressou rces . Que l ’on a i t seul emen t de persévéran ce je su i s sû r que tou t fin i ra bi en .

Le comte Charles de Nesselrodeà. sa femme.

Kh i n ova, 9 j u i l let 181 2 .

Ma l e ttre , chère amie , ne sera , hé las ! que b i en courte ,car

,après avo i r fai t h i er une marche de 4 0verstes , nous

a l l on s tou t à l ’heure repar ti r . Ma foi , on a b ien tort dese p la indre des bul l et in s . I l me sembl e que c ’est touj ours ra ssuran t de savo ir qu

’ i l n’

y a eu aucune a ffa i ree t , quand i l n

’y a ri en , j e défie tous le s censeurs dePétersbou rg de fa i re un bu l l e ti n qu i ne soi t n i courtn i vague . Ils ne pouva ien t pourta n t pas avo i r. la p retenti on qu ’on les mette au fai t de tou s l e s dé ta i l s du p l and ’opéra ti on . Je trou ve même qu ’on ne leur en a quet r0p di t sous ce rapport .

65. A RCH IVE S D U CO M TE C H . DE NESSEI.RODE .

La comtesse Charles de Nesselrodeà son mcm .

Kamen n i - Ostrol’

, 9 j u i l let ”181 2 .

Prends garde qu’ i l n e t ’arri ve l e même acci den t qu a

Wy l i e ‘ qu i s ’es t blessé sa ns combattre . Je t’

en prie ,survei l le— to i le p l us qu e tu pourras avec ta vue basse .

On attend ici l a duchesse de Wu rtemberg ; el l e habi teral a campagne qu ’au ra i t dû habi ter l ’ambassadeur deFrance . Pourquo i n ’est— ce pas p l u tô t ce dern ier qu i yl oge , on peu t d ire qu ’a l ors la moi ti é des ê tres qu ioccupen t l ’Eu rope au ra i en t été tranqu i l le s .

Le comte Charles de Nesselrodeà sa femme.

V i tebsk , 1 2 j u i l let 181 2 .

Au j o u rd ’hui nous fe‘ ton s l a pai x de Turqui e et l e j ourde nai ssance de Ni ki tta Vol kon ski . Moi , ma chère amie,

“l . Wm a (Jacques ) , médec i n ru sse, n é en 1 768, mort en 1 854 . Il

é tai td ’

ori g i n e écos sai se et fu t su ccess i vemen tmédec i n de l 'empereu rA lexan dre, membre du con sei l pr i vé , prés i den t du con sei l de san téde l ’armée et membre de l ’Académie de ch i ru rg ie.

ARCH I VE S DU CO M TE CU. DE N E SSELRODE .

j e fête l ’a rrivée du courrier qu i m’

a porté , h ier , tal et tre du 5 j u i l l et . Nous vo i l à de nou veau dan s une be l l eet grande vi l l e ; après tou tes l es abominab les cabanespar l esquel l es nous avons passé ces j ours— ci , V i tebsknous para î t d ’une grande magn ificen ce. J ’y sui s l ogé à

mervei l l e , au prem ier d’une bel l e ma i son de p i erre ,

chez un emp l oyé des sel s , tu penses b ien que l es bon smots n ’y manquen t pas . L’

ami ral Bentinck , que l’on a

voulu tra i ter avec d is t in ct i on,logea i t avec l es princes

dan s une d i sti l l eri e ; l’un cou cha i t dans u n a lambi c ;

l ’autre , dans une chaud ière ; l e tro i s i ème , dan s un poêl eà l a Chap tal . Qu e l bonheur ça a été pour l es Mess ieursde l a Compagn i e ! Iermolof a p lacé ton frère Ni col a sauprès de Pah len , qu i au ra l e commandemen t de tou tel ’avan t— garde . I l l ’aura i t gardé auprès de lui , s i déj à i ln ’ava i t p l us i eurs o ffic i ers de Semen ofsk i . Ma i s auprèsde Pah len l es occas ion s de s

i n stru i re e t de se d ist i nguer seron t même pl us fréquen tes et j e pui s répondrequ ’ i l ne saura i t avo i r un mei l l eur chef . Pah l en est unhomme p lein d ’honneur et de dél ica tesse envers ceuxqu i son t sous ses ordres . Ni co l as y sera très bi en . Pendan t que dans l es sa l on s de Pétersbou rg on d i scutesavamment sur n os opéra ti on s s tratégi ques , nous nesommes occupés i c i que du ta len t de Schœpp i n g . Quo ique en généra l , ou pour mieux d i re généra l emen t parlan t , l es résu l tat s de l a campagne n

’a ien t pa s encore étéb ien déci s i fs et vo i là j uste un moi s qu e l es ho sti l i téson t commencé , nou s pa sson s l e temps assez gai emen tpour l a ci rcon stance . L

amabi l i té d’

An stedt es t i n épu i

66 ARCHI VE S D U COMTE CII. DE N E SSELRODE .

sab le , l es j o l i s mo ts n e tari ssen t pas chez l u i e t p l u s l aposi ti on est pén i bl e , p lus l e s privat i on s et l es fat i guesson t grandes , plus i l es t ga i et sp i r i tuel . Une sociétéde ce genre est préci euse pour u n quarti er généra l etsout ient les di sposi ti on s des o ffic i ers , comme l a mus iquel e courage des so lda ts .Adieu , chère amie, nous a l l on s , j e pense , qui tter

V i tebsk tou t à l ’heu re . Platof é ta i t avan t— h i er à Oruba,

l a réun ion avec Bagrat ion n’est presque p lus douteuse .

Nos avan t— postes éta i en t au del à de Bah i n ov i tsch . Depu i

4 heures du mat in , i l y a eu une forte canonn ade surnotre dro i te , ma i s e l l e v ien t de fi n i r , i l est 9 heures ,nou s ne savons pas encore ce que c ’es t .

Le comte Charles de Nesselrode

à sa femme.

Parestsch ie,'1 7 ju i l let 1 81 2 .

Tu peux être tranqu i l l e surmon compte , j’a i évi té l e s

ba l l es e t l es dangers , à un po i n t que l e po l tron l e p luspo l tron n ’au ra i t pa s pu mi eux l e fa ire . Cel a n e m’

a

cependan t pas empêché de passer par troi s j ournées defa ti gues e t de p rivat i ons excess i ves . Au momen t où l escoups de canon on t commencé , n ou savon s qu i t té V i tebskà 9 heures du ma ti n , e t nous avons cheminé ach evalavec An s tedt , Vei l l y , etc . ,

68 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SS E LRODE .

sa i s sans doute tou t ce que la vi l l e de Moscou donne ,ai n s i que le gouvernemen t , c

’es t b ien beau . Gare s i l e

gouvernemen t de Rézan fa i t l es mêmes fra i s , à proport i on ! Le comte Salti kof , frère de l a Orl of , s

’estcondu i t supéri eu remen t ; i l arme tout u n régimen t ,fourn i t l es hommes ; j e su i s cu ri euse de savo i r ce qu ecompte fa ire l ’égoïste Ni co la s Gagari n . A u moment oùj e t’écri s , l a Nob lesse d

’ i c i s ’est rassemblée à l ’hôtel ducomte B ezborodko ; nous verron s ce qu i en résu l te ra ;j e t ’en donnera i des nouvel les . Le rassemblemen t a eul ieu premièremen t à l ’égl i se de Kasan où l ’on a chan téun Te Deum e t pri é pour l e succès de n os armes ; en afa i t en su i te une l ec ture touchan te de l a part du C l ergépour engager l a Nob lesse à fa i re des sacrifices . On doi tl i re aussi l e man i fes te qu i a été écr i t à cet te occas i on .

No tre C l ergé donne un très bel exemple ; de l’argen t

qu ’ i l a thésauri sé , i l offre un mi l l i on et demi ; l e Mé tropo l i te de l a v i lle fa i t fondre toute son a rgen teri e qu ’onéva l u e à c i nquan te m i l le roubles ; l e s évêques des d i fféren tes provinces donnent

,tou s , des sommes impor

tantes . E n ou tre , toute l’

argen teri e qu i se trouve dansl es couvents , dans l es mai son s re l i gieuses e t don t on nefai tpas usage , en un mot tout ce qu

’on considère commel e trésor de ces é tab l i s sements sera l ivré pour l e b iende l ’Etat. Gal i tzi n se d i st i ngue grandemen t. Les marchauds russes et étrangers on t déj à o ffer t deux mi l l i on s .Il y a une arri vée dans notre vi l l e qu i a i nd igné tou t l emonde et avec ra i son . Le lendema in du j our où l e Corp sd ip l oma ti que vogua i t es t arrivé Bray ; i l a b iai sé , malgré

ARCH I VE S un come CH . DE xassrmona. 69

qu ’on lu i ai t envoyé esta fe ttes sur esta fettes pou r l ’ i nformer de ce que fa i sai e

‘n t ses co l l ègu es . En ou tre , l’em

barquemen t ayan t sub i p lu s ieu rs re tards , i l aura i t euto u t l e temps d ’arriver au bon momen t

,ma i s j e cro i s

que ce n’e st pa s san s i n ten tion qu ’ i l s ’est h âté tr0p

l en temen t e t qu ’ i l p arti ra d ’ i ci l e s poches p l e i nes denouvel les . Figu re — to i que , pour sa personne , i l fau t denouveau un bâtimen t . La fau te en est sûrement à ceu xqu i lu i on t permi s de n ’agi r qu

à son gré . Son secré ta i resupposa i t qu ’ i l s’é ta i t embarqu é à u n port voi s i n . Lorsqu ’ i l es t arri vé enfin , i l étai tporteu r de nouvel les sen sation n el les , vra ies ou fausses , des ti nées à fai re ta i re l esméconten ts .Je te di sa i s que l a Nob lesse , au rassemblemen t , a

témoigné u n en thousi asme extraord i na i re ; on a appel éà grands cri s l e v ieu x gén éral Kou tou sof on l

’a chargéd ’organi ser l ’a rmée qu ’o n l ève ic i et qui est de qu at rehommes sur cen t pour ce gouvernemen t ; l a contribu ti onen argen t se monte à près d ’un m i l l i on comptan t . I l y aune taxe de cinq po u r cen t su r les ma i sons des p rop riéta i res etD ieu sa i t quo i encore .

1 . A cette époqu e où le servage exi stai t en core en Ru ss i e, chaquesei gn eu r , en temps de paix, étai t ten u de fou rn i r à l ’armée u n cer

tai n n ombre de con s cr i ts en proportion du n ombre de serfs qu '

i lpossédai t . Pen dan t la guerre don t i l est question ,

les sei gn eu rs,dan s

les d i vers gou vern emen ts , avai en t déc i dé de lever des rég imen ts aleu rs frai s .

70 ARCIIIVES DU CO M TE C II . DE NESSEI.RODE .

Le comte Char les de Nesselrodeà sa femme.

En marche, a 24 verstes de Dorogobouje, 2 1 ju i l let 181 2 .

Ici , nous sommes l ogés dans un magn i fi que châ teauqu i appartien t à un M . Vaksel ; i l y a de beaux appartoments , de bel l es orangeries , des j a rd ins dan s l

’anciengenre , enfin tout ce qu i con traste avec l ’ image de l aguerre . C ’est s i pai s ibl e que j e voudra i s un j ou r u n eretra i te dan s ce genre ; i l y a mi l l e romans qu e j

’a icomposés dan s ma tête sur ce thème ; D i eu veu i l l e qu el e p lu smodeste pu isse deven ir réa l i té J ’a i presque ou bl i él es bata i l l es , l es opéra t i on s à dro i te et agauch e , l esmarches de fl an c , l es mouvemen ts pour gagner desposi ti on s , pou r s

’a ssurer des communi ca t ion s , pourten i r l ’embran chemen t des routes , pou r être à chevalsu r u n e riv ière et toutes l es idées de tact iqu e et de s tratégi e, dont j

’a i d epu i s qua tre moi s l a tête farci e . Ma i sdema i n tou t ce la repara î tra, car 51 j e n e trou ve pas aDorogobouje des nouvel l es du Généra l en che f , j

’ i ra i encherch er à Smol en sk .

Le Grand— Duc est revenu au quarti er général ; onassure qu e l

Empereu r est a l l é à Pétersbou rg ; c’est a l ors

qu e j e sera i s au désespoi r qu ’ i l n e m’

eût po i n t emmenéavec lu i . Je rouvre ma lettre pour t

an n on cer queBagra ti on e t Barc lay son t réu n i s p rès de Smol en sk .

ARCH I VES DU CO M TE CII. DE NESSELRODE . 71

Le comte Charles de Nesselrodeà sa femme.

Dorogobou je, 25 j u i l let 181 2 .

Lubomi rski passe i c i comme l e ven t ; j e n’

ai qu e l etemps de te d ire que j e me porte b ien e t que

_je su i stouj ours à Dorogobouje. S i l ’absence de l ’Empereu rdeva i t du rer , tâche , s

’ i l y a moyen , de me fa i re venir aPétersbou rg . Que l e sort de Lubomi rsk i est à envier '

Ad ieu , j e te serre con tre mon cœur avec la p lu s vivetendresse .

Le pri n ce B arclay de To l lyau comte Charles de Nesselrode.

Quart ier gén éral à Smolen sk , 25 ju i l let 1 81 2 .

Monsi eur l e Comte , j e ne pu i s vous o ff ri r des matériaux pou r l e bul let i n de l ’armée que dan s l es donnéessu ivan tes La première e t l a seconde armée occ i den

ta les se sont réuni es le 22 de ce mo i s dans les envi ron sde Smolensk . E l l es son t actu e l l emen t occu pées à so ignor les ma lades et a prendre les provi s i on s n écessa i respour commencer ensui te , de concert , l eurs opérati onso ffensives .

C ’es t avec les sent imen ts d ’une con sidéra ti on très

72 ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE N ESSELRODE .

d is ti ngu ée qu e j’a i l ’honneur d etre , monsi eu r l e comte ,

de Vo tre Exce l l en ce , l e très dévoué servi teu r .

L e comte Charles de Nesselrodeà sa femme.

Wia‘

sma, 27 j u i l let 1 81 2 .

Je cro i s , ma bonne ami e , n’avo i r p as beso i n de te

recommander l e co l onel Tettenborn 1 qu i t’apportera cesl i gnes . Ma s i tuati on est te l l e ma i ntenan t que j e su i stouj ou rs ob l igé de sai si r les courri ers au passage . Bientôtje les manqu era i tout à fai t , car d

’ i c i nous al l ons à

Gjatsk pour y at tendre l e dénouemen t . Tu vo i s que j en ’y a i au moi n s ri en à cra i ndre de la part des boul ets ;j e su is tou t à fa i t h ors de l eu r portée , ma i s comme j ete l ’ai dern i èremen t écri t , j e su i s au ss i é l oigné de tou t

1 . TET‘

I‘

ENBORN (Frédér i c- Charles , baron de) , cé lèbre chef al leman dde part i san s , n é à Tetten born , dan s le gran d-du ché de Bade, en 1 778,mort en 1 84 5. En tra en 1 794 , dan s l ’armée au tr i ch ien n e, dev i n trap i demen t cap i tai n e, se d i st i n gua à Wagram,

fut n ommé major et,à la paix , attaché à l ’ambassade du pr i n ce Schwarzen berg à Par i s .

A l ’explos ion de la guerre avec la Ru ss ie, i l passa au serv i ce de cettepu i ssan ce avec le grade de l ieu ten an t— colon el , et fit preu ve d’

u n e

hardi esse et d’

u n e hab i leté remarquab les pen dan t la pou rsu i te del ’armée fran çai se en retrai te. En 1 81 8, i l rev i n t au serv i ce du gran ddu c de Bade, pr i t u n e part acti ve à l ’établ i ssemen t de la con sti tu

t ion badoi se et fu t n ommé , en 1 81 9 , ambassadeu r à V ien n e où i l

rés i daju squ ’à sa mort.

ARCH I V ES DU CO M TE C H . DE N E S SELRODE . 75

moyen de pouvo i r être u ti l e . Nous gagnon s dou cementno tre desti nati on . L ’armée trava i l l e en tre Smolen sk etV i tebsk . Tu sa is san s dou te l es bri l l an tes a ffai res deTormassof ‘ e t de Wi ttgenstei n . D i eu veui l l e que ce l l esdes deux grandes armées so ien t dan s l e même genre !Répète à ton père qu ’ i l a parfai temen t j ugé le généra l

Barcl ay , qu’ i l a eu ra i son et que j ’a i eu tort , ma i s que ,

malgré ce l a , tou t i ra b ien pu i squ e l e p la n qu’on su i t en

ce momen t es t bon et que l ’armée est on ne peu t pa smieux di sposée . La réun ion avec Bagra ti on en a p lusque doub l é l a force n orma le . La nob l esse de Smolenskse d i st i ngue ; j

’a i rencont ré h ier un proprié ta i re a l atê te de son p eti t détachemen t à cheva l qu i avai t tou t afa i t bonne m ine . Le j eune homme s ’appe l le Karaban of

.

1 . Toumassor (comte A lexan dre— Petrovi tch ) , cé l èb re gén éral ru sse,1 752— 1 81 9 , commen ca sa carr i ère à Potemk i n en Gr imée ;

'

fu t exc ludu serv i ce en 1 799 sou s l ’empereu r Pau l , mai s n ommé par le mêmeen 1 800, comman dan t des gardes à cheval ; en 1 805

,gé n éral gou

vern eu r de Kief ; en 1 807, de Riga; en 1 808, comman dan t en chefde la l igue du Cau case. Dan s ce n ou veau comman demen t i l déployau n e gran de én erg ie et rétabl i t la tran qu i l l i té en Abkhasie et en [mé

réth ie ; en 181 2 , i l comman dai t la5°

armée d’

observat ion dest i n ée à

défen dre le sud de la Ru ss i e ; quan d les deux armées du sud fu ren tréu n ies sou s le comman demen t de l ’ami ral Tch itchagof , Tormassol

fut rappel é au quart ier gén éral et chargé de l ’organ i sation et de

l ’admi n i strat ion i n tér ieu re de l ’armée. E n 1 81 ’t , Il fu t n ommé gén éral gou vern eu r de Moscou .

74 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NESSEI.RODE .

Le comte Char les de Nesselrodeau comte Gouri ef .

W iasma, 29 ju i l let 1 81 2 .

Depu i s l e commencemen t des h osti l i té s Ni co la s setrouve rédui t à un ch eva l de bât , ce qu i l a ob l igé deme confi er son déj euner en a rgen t pour l e ren voyer à

Pétersbou rg par l a prem ière occa sion . Je su i s assezheureux auj ourd ’hu i pour tomber sur un complai san tqu i veu t b ien l ’emporter et vous l e remettre exac

tement .Le généra l en chef me ti en t touj ours à u n e gran de

d i stance du quartier généra l , ce qu i n’es t n i u ti le , n i

agréab le . Je l u i a i demandé de me rapproch er etj ’a ttends sa réponse . E l l e ne m’

arri vera probab lementqu ’ap rès l e dénou emen t des opérati on s qu i s

exé

cu ten t dan s ce momen t . Le début en a été fo rt bri l lan t .Platof et Pah len ont eu une bel l e a ffa i re d ’avan t— garde .

Le bon espri t de la troupe ne me fa i t pas douter que lereste n ’y réponde .

Ad i eu , monsi eur ! Que j e sera i s heureu x de pouvo i rvous exprimer de vive vo i x combi en j e vou s sui sdévoué !

P . S . Parmi l es l et tres qu ’un courri er nou s a dern i èremen tapportées d ’

A l lemagn e, i l s’

en trouve une

76 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE N E SSE LRODE .

l ’a rmée , pa r rapport au chemin d i ffi ci l e à passer,

n’

arri va que l e 27 au mat i n , l a marche de l’armée fu t

d i fférée . Cependan t l ’at taque proj etée su r l es avan tpostes ava i t l i eu . La su i te en éta i t qu ’une grande parti ede l a cava leri e ennemie fu t fa i te pri sonn ière et repou sséej usqu ’à Rudn i a . A cette occa si on nous avon s p ri s uncol one l , u n l i eutenan t— co l one l , un maj or et hu i t offici ers et près de 500 hommes . Déj à , l e ma ti n du 26, l esavant- postes de l ’ennemi s ’éta ient ret i rés . M . Wi n tzi n

gerode , a ide de camp généra l , qu i a été détaché avecque lques régimen ts de cosaqu es en tre Wel i sch etB i eloy ,me fi t en même temps le rappor t qu e l

’ennemi rassemb l a i t u n corp s cons idérabl e à Pori eczie. Ce mouvemen tdon nai t l i eu à croi re qu e l

’ennemi ava i t l ’ i n ten tion,

l o rsque nous avancerion s , de tourner notre flanc droi t .C ’est pourquoi l e su ivan t a été réso l u l es deux ième

e t qua tri ème corp s et le p remier corp s de cava leri emarchent , l e 27, au so i r , dan s l a d i rect i on de Pori ecz ie.

La seconde armée occupe , l e 28, l e camp de l a premi èrearmée , et après l

’arrivée de cel l e- l à , l e res te d e l apremière armée s e porte sur l a droi te à Staiky , d

’où i les t touj ours , non seu lemen t en posi ti on de sou ten i r laseconde armée , ma i s d

’a ttaqu er en même temps avecune part i e l ’a i l e gauche de l ’ennemi ‘a Pori eczi e.

L ’avan t— garde de l a seconde armée occupe le terra i ndepui s l e Dn ieper j usqu ’à In cowa; l

’ avan t— garde de l apremi ère a rmée depu i s In cowa j usqu ’à Ko lm .

J ’a i l ’honneur d ’être , avec l es sen timen ts de la con s idération l a p l u s d i st ingu ée , Mon s ieur le comte, de

A RCH I V ES DU CO M TE CII. DE N E SSELRODE 77

Vo tre Exce l l ence , l e très humbl e et très obe i ssan t serv i teu r.

Proj et de lettre du comte Charles de Nesselrodeau gén éral B arc lay de Tolty .

5 août 1 81 2 .

Le comte de Lœwen h i elm m ’a rem i s l a l e ttre queVo tre Exce l l ence a b ien voulu m ’adresser en date du29 j ui l l et .J ’attends le passage d ’un de ses courriers pour en

voyer ‘a S . M . l’

Empereu r l e bu l le ti n que j’a i composé

d’

après l es no tion s i n téressan tes qu ’el le m ’a fourn i es .

E l l e nous prépare à de nouveaux événemen ts , d’au tan t

p lus que l ’empereur Napol éon pourra i t peu t— être prol i ter de l ’en thous i a sme qu ’ i l supposera à son re tou r, lej our de sa fête , qu i est l e août , pour ten ter qu e lque grande entrepr i se .

Le comte Char les de Nesselrodea sa femme.

Dan s un v i l lage, à 50 verstes de Wiasma, 51 ju i l let 1 81 2 .

Après quinze j ou rs de privat ion s pén ibles , j’a i eu ce

mati n l e bonheu r , ma bonne amie , de recevo i r ta l ettre

78 ARCH IVE S DU CO M TE C H . DE N ESSELRODE .

du 1 2 , expéd i é e l e 1 4 . Jeme mets de sui te à y répondre ,pui squ ’on nous assure que l e Comte Lœven h i elm vapasser pa r i c i pour a l l er dro i t à Pétersbou rg . Depu i savan t- h i er j e n ’a i ri en à t

appren dre sur moi ; su ivan tla di rec ti on qu ’on nous a donnée , nous avon s qu i tté ,h i er , V i en ne ; nous avon s pa ssé l a nui t dans un vi l lagee t nous poursu ivons auj ourd ’hu i notre voyage versGjatsk où nous devon s nous arrêter .

Les succès de Wit tgen ste in au ron t , j’espère , un peu

ca lmé l e s e spri ts à Pétersbou rg . La grande armée es tencore i n tac te , e t , avan t qu

’el l e n e soi t to ta lemen tdé fa i te , i l n

y a ri en à cra in dre pour les deux cap i ta l es .

J ’a i tou t l ’espo i r que ce l a n ’arrivera pas ; en généra l ,nos a ffa i res n e von t pas s i mal ; pourvu qu

on ne sedécourage pas et avec de l a persévéran ce, i l est imposs i bl e que final ement les résu l ta ts ne so ien t pas pourn ous .

Le comte Charles de Nesselrodesa femme.

Gjatsk, 2 août 1 81 2 .

Depu i s h ier,j e me trouve dans l a t rès agréabl e v i l l e

de Gjatsk , où i l y a un Savelof , tout comme à Péters

bourg,ma i s celu i- c i s ’appel l e Bori s Petrov i tch . I l es t

marécha l de l a nob lesse et parl e beaucoup . Ce mati n ,i l n ou s con ta i t i n gén uemen t qu

’ i l éta i t pa ren t de Dmi tri

ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE . 79

A lexan drov i tch Gou rief , l equel lu i écriva i t régu l i e

remen t tou tes l es nouvel les de Pétersbou rg . Ansted tj ugea cette occas ion trè s favorabl e pour lu i a nnoncerque j ’ava i s l

’honneur d ’être l e beau— fi ls du mêmeGou ri efAlexan drov i tch . Mon homme devi n t pâ l e commela mort , et , pour se fa i re pardonner sa van teri e , nousenvoya force mel on s , ceri ses et autres comest ib les .I n dépendammen t de cel a , i l m’

a commun iqué lesgazettes d e Pétersbou rg ; e l l es éta ien t du 25 , tadern ière l ettre du 1 4 ; cette malheureuse c i rcon sta ncem ’a p longé dans de tri s tes réfl ex i on s qu i m

’on t empêché de l i re avec toute l ’a tten ti on qu ’ i l s méri ten t lesbeau x sacrifices de notre n ob lesse . Je les trouve vra imen t i n im i tabl es . Cel a va b ien tô t nous donner u n e

bel le armée qu i . confiée à des ma in s auss i hab i les quecel l es du gén éral Kou tou sof , do i t nécessa i remen t ôterj usqu ’à l

ombre de l ’ i n qu iétude .

D’

An stedt

au comte Char les de Nesselrode.

Gjatsk , 1 5 août 1 81 2 .

L é vêque de Smolen sk est arrivé h i er avec l ’ imagemi racu leu se de cet te v i l l e . Vous n ’avez poi n t d ’ i dée ,mon cher Comte , de l

’ impress ion qu e ce l a a produ i t .Le sa i nt homme n

avan çai t qu’avec pe ine ,

les ru es

80 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE .

é ta i en t couvertes de personnes prosternées . Je prendra i s , cette image , me di sa i t quel qu

’un , ou quel quechose d ’ i n téri eu r , j e l a fera i s porter devant l

’armée,

j’

attaqu erai s Napol éon , et de m i rac les i ncerta i n s peu te tre , j

’en fera i s un b ien démontré,oui

,b i en démon

tré ! Qu ’on la i sse a l l er nos braves , et que l’on me

coupe l es o re i l l es s i j e mens .J ’a i t out fa i t, et c

’est en honn eur très mal . Ce son tles Smolen skoï qui arr iven t su ccess i vement avec l e s terreu rs de l eu r s i tuat ion qu i en son t cause . A p ropos deSmolen sk , l e pr i nce Bagrat ion d i t une chose très j usteSmo l en sk pouva i t ten i r tro i s fo i s d ix j ours Bona

parte s’

obsti n ai t à l ’avo ir , nous lu i auri on s u sé 60000hommes san s en compromettre 10000. Ah ! bon D i eu ,

bon D i eu,

ma i s l e p ourquoi n e me regardepas . Quand pourra i — je brû ler l e pap i er , l à , avec unerel a t ion d ’une be l l e v icto ire ?

Amen ! amen ! Ne m’

oubl i ez po i n t . Nous ne va lon spas d eux tranches de sauci sson rance , depui s vo tredépa rt . Adieu , j usqu

’au tombeau , tou t à vous . Hommagerespectueux à l a Comtesse , souven i rs de tendresse auxami s .

Comxsss DE Nassamon s , F EMME DU CHAN CE L IE RD

'

ap rès u n e mimatu re p ar Isabey

82 ARCH I VE S D U CO M TE C II . DE N ES SE LRODE .

D’

An stedt

au comte Char les de Nesselrode.

Molodov i cz , 27 août 1 81 2 .

L ’a ffa i re d ’h ier vaut ce l l e de Preu ssi ch Eyl au , et celasan s exagérat i on . I l n ’ex i ste ri en de p lus brave que noso ffici e rs . Je ne me mê le point de vou s donn er des nouve l l es vos con se i l s à cet égard son t sa lu ta i re s pou rmoi . Permettez— moi une seu l e réfl exion qu i est qu e j epen se p l us que j amai s qu e Bonaparte es t perdu . Plus i e u rs des nô tre s vo ien t d i fféremmen t , ma i s ces nô tresson t des bourriques , j e ne l eur fera i j ama i s l

’honneu rde l es appeler des ânes , parce que ce t an ima l e st dugenre mascul in . D i eu veu i l l e qu e nous a t taqu i on s b ientô t . L ’armée françai se est aux abo i s . Vous aurez , e t vousn ’aurez que trop tô t l a l i ste de tous l es braves qu i on ttrou vé l a mort l a p lus glorieu se au x champs de l ’honneur ; mai s vou s apprendrez avec p la i s i r qu e votrebeau— frère , qu i vi en t de sorti r de ma baraqu e , se porte àmervei l l e . Je conna i s sa paresse de plume , c

’es t pourcel a que j e vou s l e mande . I l va pour deux j ou rs à

Moscou pour s ’équ iper , pui s i l re tourne chez l e pri nceKou tou zof où i l est emp l oyé .

Grégoire Orl o f a été amputé à l a j ambe devan t d i xofficiers , san s changer de cou leur .

Tout ceux que n ous conna i sson s et qu i on t p ri s part

ARCH I VE S DU CO M TE CII . DE N ESSELRODE . 85

à la bata i l le son t plu s ou mo i n s grièvemen t bl essés . LesRatn iks

‘fon t des mervei l l es .

Adi eu , cher Comte , quand aura i —je un mot de vo trepart ?

D’

An stedt

au comte Charles de Nesselrode

Tver , 5 septembre 1 81 2 .

Vous au rez , san s doute , mon ch er Comte , reçu l alet tre que j ’a i confiée à Bou lgakof l e j ou r même demon dépa rt de Moscou , e t pa r con séqu en t vou s ne serezpas étonné s i c ’est aux portes de Tver que j ’a i embra sséTchern i chef , palpé nos 500 r . e t appri s que j e sui sdans le cas d e rester à l ’armée . Vou s savez avec queléqu i page j e su i s en tré en campagne . Je m ’arrête doncun j our i c i pour fa i re retaper mes a ffa ires , et demain

je reprends l e chem in du quartier généra l , en passan tpa r Kl i n e t Dmi trev . Croyez que j e ti en sa u p lus près .

Le gouverneur de Tver es t un exce l len t homme qu ii gnore parfa i temen t où se trouve le Marécha l , mai s onvo i t de ces ch oses — là . J ’a i vu surtout dan s un su pp lément de gaze tte qu ’à Moja1sk toutes l es rou te s de Moscou se réuni ssa ien t . J ’a i ba i sé d ix foi s la podoroj n aia

1 . Ratn i k , mi l i ce ru sse.

2 . Podorojn aia, feu i l le de rou te dé l i vrée par les au tor i tés et permettan t de requ é r i r des chevaux de poste aux stat ion s .

84 ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE NES SE LRODE .

pa r pén i tence pou r avo i r eu l e ma lheur de jeter lesyeux sur l e chemin de V u sa. Cependan t bagate l le s ,bagate l l es des bagatel l e s ! avec des gen s qu i se ba tten tcomme l es nô tres , avec cette fleu r de bravoure qui setrouve dan s tou t ce qui es t mi l i tai re et gen ti lhomme ,tout i ra mai s je l e répète encore , u n hol ocaustee t l e gran d sacrifice fera l e dése spo i r de l ’ennemi .Napo léon sa i t trè s b ien qu ’ i l est impossib l e de conserverdans d ’ immenses p roporti on s . Quand donc l ’appât dup i l la ge a cessé , que veu t, au mms de septembre , unearmée autou r de l aque l l e doi t s ’él ever u n mur impén étrahle, s i l e système des para l l èl es n e v ien t po in t détru i re l es p lus be l l es espérance s ? J ’a i v u ,

moi , mon

cher Comte , en 1 794 , qu e l part i on a t i ré en Pol ognedes Kou i n i cki ’ ;

jqu e ne peut- on poi n t fa i re avec desRatn i ks? I l su ffi t de l es fai re appuyer d ’un peu detroupes l égères . B rudel m

en a d i t des merve i l l es .

Ma i s tout cel a ne se fa i t pas . Il faudrai t porter 1 0000de ces p iques par Tu rj i k su r Gjatsk . ma i s trêve deprojets mi l i ta i res . Mon a ffa i re est d e tremper un ext ra i td ’o ie dan s l e po t à l ’encre . Cependan t soyez assu ré quece qu i m

es t imposé , j e l’

exécu terai avec l e zè le qu evous me conna issez . J ’

y con sacrerai tous mes moyen s .Je dési re que l es évenemen t s soi en t tel s qu e mon enthou siasme même ne pui sse l es a tteindre . Comme jesera i s h eureux d ’ê tre au — dessou s de mon suj et ! A propos de su jet savez — vous que vous n ’avez pas compri s

1 . Kou i n i cki , volon tai res .

A RCH I V E S DU CO M TE C H . DE N E SSE LRODE . 85

un e d e mes l ettres ? Commen t ce la se fai t- i l ? D i tes-mois i jamai s j

’a i pa rl é d ’autre chose qu e de l’énorme , de

l’

épou van table bravoure des troupes et des officiers .

C’étai t le 27 que l e s che fs deva ien t se mon trer , car l e26 apparti en t à tou s l es rangs . Au l i eu de ce la , on serepl ie , tou j ours ch erchant une pos i ti on et certes i l n ’ya personne qu i ne pui sse vous d ire avec u n e carte des i tua ti on que de Maj i n sk à Morken i l n ’y a pas de ceque l ’on appel l e u n e posi ti on m i l i ta i re . Je vous fera i unpet itmémoire an ecdotai re sur le 25 e t l e 26, ce serapou r vou s . Je ne veux poin t passer pour me mêl er dece qui n e me regarde pas et j e l ’a i prouvé depu i s quej ’a i été abandonné à I ’obose . Désormai s mon devo i rexi ge de mo i une autre condu i te

,e t j e marchera i en

fa i t de commun ica t ion s d roi t comme un Ratn ik . Jecompte en prendre l e costume , l a cro i x e t le ch i ffre del’

Empereu r. Vous n ’avez pa s d ’ i dée de l ’en thousia sme

que ce la produ i t . Avec ces marques j e dou te qu e que]qu ’

u n d i se : Je mou rra i p lu tô t que d ’abandon ner ce tteposi tion e t qu ’ i l l ’aban don n e cependan t , aprè s avoi run i à son sermen t toutes l es formes l es p lu s imposan tes . Vou driez— vous b ien me fa i re la grâce de me

comprendre cette fo i s— c i et d ’être persuadé qu e personne n o vous es t p lus at taché qu

An stedt.

Mon cheva l de selle ne march e p lu s que su r le nez ,Dieu sa i t ce qu e je fera i !

86 ARCIIÏVES DU CO M TE CII. DE NE S SE LRODE .

D’

An stedt

au comte Charles de Nesselrode.

Au quartier gén éral , à Rivan i lro, 2 1 septembre 1 81 2 .

J eta i s depui s deu x jou rs , mon cher comte , san s meséquipages , à cause du passage du Dn iéper e t de l aBérési n a, l o rsque l e pri nce Volkon sky a pa ssé par no squarti ers , et j e n

’a i , par conséquent , poi n t pu profi terde ce tte be l l e occasi on pour vous envoyer ce qu i se trouva i t prê t . I l vous parl era de l a cacade de M . l ’ami ra l ;pour moi j ’en su i s vra imen t ma l ade , car on ne combinequ ’une fo i s des mouvements qu i a rriven t à leur exécut i on , heure par heure , j our par j ou r , pour l es grandesi nd icat i ons . Je v i en s de fa i re une grande expéd i t i onpou r Radziv i lof . J ’y a i envoyé en ex tra i ts a l l emands e ten imprimés fran çai s tou tce qu i pou va i t i n flu er . J ’au ra i svoulu y détacher des exempla i res en bon nombre de lap ièce Nou ve l l es o ffic ie l l es que j e vous tra nsmetsau j ou rd ’hu i , ma i s n otre imprimeri e a pei n e à su ivre àcause des marches que l ’on fa i t j ournel lement , e t vou spensez b i en que , seu l comme j e l e sui s , san s cop i s tee t san s a i de , i l me res te b i en peu de temp s pou r l etravai l , et i l fau t pourtan t penser à tous l es po i n ts extérieu rs . On marche j u squ ’à l a nu i t par 20 ou 1 5 degrésde fro i d . Le so i r on arrive afiamé dans une cage à

l ap i n s ; en y partage avec c inq ou s i x personnes mamauvai se pâtée : voi l à mon exi s tence. I l es t des person

ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE . 87

nes qu i on t p lus d ’a i se , e t ce son t ce l les— l à préci sémen tqui n ’on t ri en à fa i re . Je ne me p la in s po i n t de mon sortcependan t . Le 5, j

’a i men é u n e bat terie de 1 2 p ièces1 00 to i ses de l ’en n em i et j ’a i fou droyé une col onn e

frança ise ; comme cel a s’est passé sou s l e s yeux de vos

ami s , j’

en parl e . Hé bien cherNesse l rode , vous ne save zpo int l e b ien que cela fa i t de voi r tomber des rangsen ti ers de ces dogues p i l l a rd s qu i n e m’on t l a i s sé dansmes terres que des yeux pour pl eurer . Je d ivague ;revenon s .

I l faut que vou s fass i ez imprimer vou s— même mes

p i eces qu i parod ien t l es bul le ti n s de l a grande armée ;j e me cha rge de l eur fa i re cou ri r toute l ’A llemagn e.

Etes— vous content d es nouve l l es o ffi ci e l l es c i— j oi n tes ?

D i tes-moi s i ma lettre in tercep tée a été i n sérée quel quepart . Par human i té , ne croyez ri en des gazettes .

Ma in tenan t quan t au chap i tre de ma recon nai ssance ,j e vous en do i s par— dessu s l a tête . La tou l oupe que vousm

’avez envoyée e t qu e j e por ta i s sou s mon man tea u m’

a

sûremen t sauvé l a v ie . On do i t vou s remettre u n surtout ouaté pour moi , fa i tes- le—moi arr iver p romptemen t ,ca r j e su i s tou t dégu en i l l é ; et i l fau t que j

’entre àWi ln aen gen t leman . Je me fl a tte de vou s y vo i r bi entôt ; lemomen t est un ique . Vou s savez qu e j e n e sui s poi ntun hâb leur .

Me ttez—moi au x p ied s de Madame . D i eu fa sse que vouspu i ssiez déch i ff rer mon gri ffonnage . Je n ’a i pas reçu ce

que vou s avez remi s à Mme Démidof . Mes sentiments n efin i ron t qu ’avec ma vi e .

88 ARCIIIVES DU CO M TE C H . DE NESSE LRODE .

Au moment où j e croya i s Mme de Voss l e mi eu x dumonde en cour , l a foudre a écla té e t el l e a été rel é

gu ée ; j’

en i gnore l e moti f . Tout p résagea i t un rap

prochemen t s i ncère . Je n ’a i ri en ame reprocher ; j’a i

même été p lu s l o i n qu e j e n e l e deva i s , Mi chaud demême .

Le comte Woron tzof va arr iver , Pah l en n’es t pa s

encore de retour ; tous l es autres braves son t à l eurposte . J ’a ime à passer une nui t au x . avan t— postes . Je n ereconna i s p oi n t Crossard ; i l e st devenu puant à forcede van i té . Il p rétend avo i r enseigné à n otre état—maj orl e sys tème des p rofi l s . Tel l l ’abhorreà en perdre la tête.

Vo ic i un e brochure qu i n ’est pa s san s in térêt .

Ordre du j our

publ i é p ar le maréchal pri n ce de Kon tousof .

50 septembre 1 81 2 .

Le Marécha l pri nce de Kou tou sof a publ i e , l e50sep tembre 1 81 2 , l

’ordre de j our su ivan t qu i ren fermel e tab leau l e p lus exact de l ’éta t où se trouven t ac tue ll emen t les deux a rmées combattan tes .

Au quarti er général de Letaschefka, 50 septembre 1 81 2 . Depui s p lus d ’une sema i ne l ’arméeoccupe une posi ti on près du vi l l age de Ta rent in o , surl a rive dro i te de la Na rva . Le repos don t el l e j ou i t l u i

90 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LROD E

aux régiments de cava leri e qu i ne sont pas en t i è remen tdétru i t s , l e manque de fou rrage leu r fa i t l e p l us grandmal , car , de tou s les cô tés , no s parti s de troupes l égèresharcèl en t e t en touren t l ’ennemi , et lu i coupen t sescommun ica ti on s . Les moyen s de se procurer des fourrages lu i son t rendus tel l emen t d i ffici les , qu

’ i l ne fa i tp l u s avancer des fourrageu rs qu e sou s de fortes escor tes ,que n os parti san s réu ssi ssen t presqu etoujou rs adi sperser . Les p lu s con s idérabl es de nos détach emen ts son tsur l e chem i n de Mojai sk , de Pétersbou rg , de Ko lomnae t de Perpou ghof , e t i l n e se pa sse raremen t un j ou rque nous ne fass ion s p lu s de troi s cents pri sonn iers .

Sous ce rapport même l es paysan s des vi l lages s i tu ésp rès du théâ tre de l a gu erre fon t un tort infin i à

l ’ennemi .Les Russes qu i , dan s tous l es temps , se son t i l lu strés

par l eur dévouemen t à l eur sou vera in , font paraî treencore à p résen t un enthou s iasme inexprimabl e dan stou t ce qu i tend à l a destru c ti on de l ’ennem i qu i atrou b lé le repos de l a pa trie . Les paysan s , ja loux dedéfendre l eu rs foyers , organ i sen t des a rmemen ts con treeux . Ils p lacen t des vedettes sur l es hau teurs et l escl ochers et sonnen t l ’alarme à l ’appari ti on des França i s .

Au signa l l es paysan s se rassembl en t , fonden t avecacharnemen t sur l ’ennemi , et ne qui tten t pa s la p lacesan s remporter l a v ictoi re . Jou rnel lemen t , i l s v i ennen tau quartier généra l demander des fus i l s et des cartou

ches . Autant que poss ib l e on cherch e à sa t i sfa ire le svœu x de ces respectabl es paysans , vra i s sout i en s de l a

ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NESSEI.RODE. 9 1

patri e , en les arman t de fu s i l s , de p i s to l e ts , et en leurd istri buan t de l a poudre . Dans p lus i eu rs vi l lages , i l s seréu n i ssen t pour l eur dé fense commune sous l e sermen tde pu n i r sévèremen t les l âches et l e s tra î tres .

La Provid ence . en bén i ssan t les ju stes , et en pun i ssan tl es cou pab l es , man i feste déj à sa col ère con tre nosennemi s . On v ien t de recevo i r la n ouvel l e qu e l es E spa

gn ols et l es Angla i s , après avo i r ba ttu l es França i s , on toccupé Madrid . C ’est a i n s i que.n os ennemi s son t partou tcon fondus . I l s péri s sen t dan s les parties l es p l u s recu léesde l ’Eu rope, en même temps où , s

’étan t aventu résj usqu e dan s l e cœu r de l a Ru ssi e, i l s trouveron t peu tê tre l eu r tombeau au sei n de no tre patri e .

D’

An stedt

au comte de Nesselrode.

Au quart ier gén éral à Letachovo, 5 octobre 1 812 .

Je su i s depui s h ier au qu arti er généra l, mon cher

Comte . I l es t composé d ’une demi - dou za in e d’

i sbas n oi rse t , douz ième , j

occu pe u n e p lanche n oi re sur laquel l ej e t race ce s

'

l i gnes . J ’a i échappé à qu el qu es dangerssu r ma rou te ; u n e i n flammati on du fo ie me fai tcependan t beau coup sou ffri r en core , ma i s vou s savezque j ’a i de l a con stance .

J’

a i eu l’

honneur de vo i r u n i n s tan t le marécha l ; ses

02 ARCIIIVES DU CO M TE C II . DE N ESSE LRODE .

occupati on s , comme b ien vous l e pen sez , son t immenses ;e t i l faudra savo i r sa i si r l e temp s pou r pouvo i r rempl i ravec fru i t ce qu i m ’est imposé .

H i er , j’ava i s l a s ingu l ière man ie de penser qu ’ i l y

ava i t quelque chance de bonheur attachée à ma personne .

I l deva i t y avoi r une at taque à l a po i n te du j our qu iéta i t i n fa i l l i b l e . M ich aud me l

assu rai t, et c’est un

homme que l’

on peut cro i re su r parol e . J ’a i eu unegrande conversa t ion avec lu i . Il pense , i l vo i t commemoi , et je répète , avec p l us d

emphase qu e jamai s

Bonapa rte est perdu sans ressources . Je me tran sporteen idée dans l ’aven i r . Qu e l rô le sub l ime , mon cherComte , quel l e sa i n te vocat i on pour l ’Empereu r et l

Em

p i re de Russ i e d ’avoi r sauvé l ’Eu rope ! A i n s i donc i l estvra i que l es pén ales dumonde étaien t réfugiés en Russie ,souven t vo i l és . I l s son t découverts

,et croyez-moi qu ’ i l

n ’es t n i d i ssen sion , n i caba l e , n i mouvemen t con trel’

i uaction , n i i n action con tre lemouvement , qu i pui ssen tchan ger l es ch oses , et Napol éon donnera i t deux Moscoupou r n ’av01 r pomt ten té l

’en trée de cet te vi l le extraerdi n ai re, quoi qu

’ i l y a i t t rou vé p lu s de ressources quel ’on n ’a u ra it dû l e cro ire . Vou s sentez b ien que mapremière l e ttre n e peut être marquée à aucun co i nd ’ i ntérêt parti cul ier . Je su i s obl igé de m ’or i en ter .

J ’ i gnore quan d part u n courrier , j’ i gnore à qu i confier

mes miss ives . Ce soi r , cependan t , j e commencera i u nmorceau de gazette étrangère sous forme de lettre i n terceptée, et s i mes doul eurs de cô té cessen t un peu ,

j ’espère que vous serez conten t de mon travai l . Je m’

occu

04 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NESSELRODE .

sa i s que l ’on ouvre ici mes l e ttres , et ce l a doi t l ier maplume. Trouvez un moyen de l ’empêcher . E n a ttendan t , ,mon honneur m’ob l ige de vous d i re , malgrécaba l e e t ven tdu j ou r ! Resp ectez Mme de Voss . E l l ea d i t h ier à l a pet ite Thérèse des ch oses qu i vous étonmeron t . Quand j e saura i qu i part , j e l es mettra i au c la i re t j e vous su ppl ie d ’

en i n former l e Maî t re .

On se ba t au momen t où j e vous écri s , j’espère n e

poin t ferme r ma l ettre san s pouvo i r y aj ou ter quel quechose d’

heu reu x . S i j e parvi en s à vou s fourn ir des bu ll e l ias basés sur des don nées de j ourna l , ce sera u n

miracl e . On n ’a pas d ’ i dée de l a d i fficu l té d ’aborder ; e tj e vou s avou e qu e ce l a do i t para î tre d rô l e , quand on apassé pa r l es s i tua ti ons cap i ta l e s où j e me su i s t rouvé .

N’importe ! Persévérance est ma devi se .

Vous n ’

i gn orez pas sans dou te qu’ i l n ’y a pa s de j ou r

que l ’on n e fasse u n e cen ta ine de pri sonn iers . Avan th ier

,l es cosaques on t fai tu n coup fort drô l e . I l s é ta i en t

co uver ts par un fourré e t ava ien t a t taché un mou ton à

une corde tra î nan te . Aussi tô t l es vedettes a ffamées desbl eu s de se j e ter dessus , e t d

’ê tre pri ses , comme bienvou s pen sez . Encore , d isa i t une mou stache du s in ou s avi on s mangé l e rôt ! Ce s j ours— c i un peti t hu ssard pou rsu ivi se j ette à terre pour gagner l e largePourqu o i avez — vous qui tté votre cheva l ? l u i demanda— t

on . C ’es t pou r su ivre p l us vi te , répond i t— i l . Jugezdes montu res de ces Mess ieurs . La garde seu l e a conservé ses chevaux en é ta t ; mais quel ques semainesencore , et que l

’on poursuive l e système proposé , d’a t

ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE . 95

taquer e t de refuser touj ou rs , brûlan t su r 20 vers tesautou r de l ’a rmée françai se j u squ ’au x chaumes desto i ts

,cel a est bagate l l e , quand on a 2 4 régimen ts de

cosaques , et vou s verrez l a cava l eri e à p ied e t pa s u n ep ièce d ’art i l leri e a tte l ée . Concevez- vo u s mon bonheurquand je vou s annoncera i la . réal i té de tou t ceci J ’espère que nous nou s reverrons ce t h iver àWi ln a. La présence du Ma î tre y sera nécessa i re ; i l s

’y est fa i t adorer ,i l y verra tout l e monde à ses p ieds . Je vous pri e deprendre dans le sens l e p l us é tend u ce qu i es t sonl i gné .

I l est c in q heu res ; l e généra l B en n i n gsen est deretour de l ’a ffa i re la p lus bri l l an te . Les França i s on tété repoussés à 1 4 verstes . C ’éta i t une chasse au ga lop ,55 p ièces de canon et 1 drapeau pri s , p lus de 1600ca i sson s en levés ou sautés

,son t l es résul ta ts de l a j ournée .

Tout ce qu i a été pri s d ’équipage est énorme , le buti ndes cosaqu es estimmen se

,i l s se son t couverts de glo ire

sou s l es ordres du comte Orl o f . On a fa i t p rès de 1 000pri sonn iers , l e reste a sau té sous l a p iqu e . Figurezvous , mon ami , quel l e j ou rnée u ti l e pou r nos recru eset nos ratn iks ! I l s se cro ien t tous i nvincib l es aujou rd

hu i . Nous avons à peu près 208 tués , peu de blessés ,pas un o fficier , excepté le pauvre Bogu erval q u

’un boulet a emporté . L

hon n eu r de cette entrep ri se qui es t del a concepti on du généra l Ben n i n gsen doi tlu i apparten i rtou t en ti er . Mon D i eu , mon D i eu , s i l

’on vou la i t medonner ma matière , quel bul l eti n j e vou s t rouvera i s !J

a i un vœu dan s l ’âme . Je vous l e découvre ce

96 \ RCIIIVES DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

sera i t l e momen t pour l e Ma î t re de reven i 1 , tou t désormai s sera succès . Qu

i l j ou i s se donc de l a glo i re qu iest dest inée au l ibéra teur de l ’Eu rope ! I l est de vo treconscience de ne poi n t fai re u n mystère de ce que j evous écri s , mai s ce do i t être d irectement .J ’apprends que c ’est u n feldjaeger que l e pri nce veut

vous expéd ier avec l a nouvel l e de l a vi cto i re , cela medérangera i t furieusement . I l faudra que j

ori en te mon

envo i en con séquence , et avan tqu’

i l ne parte un hommesû r, mon cœur doi t être re fermé .

Le départ du co l one l M ichau d est très préci p i té . I l ya quel ques changemen ts à fai re aux canon s , en p lu svous aurez bi en tô t de mes nouvel l es encore . Je su i s trèscon ten t de M . l e Marécha l ou , pour parl er cla i r , desbon tés que Son A l tesse m’

amon trées auj ourd ’h u i .

D’

A n sledt

au. comte de Nesselrode.

Letachovo, 6 octobre 181 2 .

J ’a i vu Crossard ; ses mémoi res son t pa rvenu s san sdoute e t son sor t sera fi xé . J ’a i appri s avec peine quebeau co up de ch oses concernan t l ’Au tri che ont été confiées au n e personne qu i n e j ou i t poi n t de l a con si dérat i on publ ique , etq u i paraî t avo i r perdu l a confiancedu Marécha l , i l n e faut pas ê tre un renard pou r deviner

98 ARCH IVES .DU CO M TE CH . DE NE S SE LRODE .

services ; el le dési re i n fin imen tque tu arrives avan t sondépa rt qu i au ra l ieu dans d ix ou qu i n ze jou rs au p lu stard .

L’

Empereu r par t demai n dan s l e couran t de laj ou rnée pour Abo où i l au ra une entrevue avec l e princeroya l de Su ède ; i l emmène avec l u i très peu de mondeet , en t re autres , l e chancel i er qu i a pri s l e s devantsdepui s deu x jou rs .

R i en d ’

au tre d 1mportan t à te man dcr , s i ce n’ est

qu ’on parl e d ’envoyer Kou tou sof remp lacer Barclayma i s cel a n e para î t pas encore très pos i ti f .

Le pri n ce A leaan dre Galltz i n

au comte Char les de Nesselrode.

7 octobre I8I2 .

Je sa i s i s ce tte occa si on , M . l e Comte , pou r me rap

peler à vo tre so uven i r e t pou r vou s d i re que l’

Empe

reu r a été étonné que vou s n ’ayez pas reçu ses ordrespour re tou rn er ’

a Pétersbou rg et m’a ordonné de d i re a

la comtesse Nessel rode qu ’ i l l ’au tori sai tà vou s commu

n iquer cette bon ne nouve l l e . E n a ttendan t l e p l a i s i r devou s vo i r , agréez , j e vou s pri e , l

’assu rance de messen timen ts d i s t ingués .

ARCH IV E S DU CO M TE CII. DE RESSE LRODE .

La comtesse Charles de Nesselrodeson mar i .

(Post— scr i ptum à la lettre du 7 octobre

Voi là l e cert ificat l e p l us sû r , cher e t tend re ami .Trè s déc idément , Kou tou sof commandera l

’armée etsous lu i B en n i n gsen et Bagrat i on . Sur ce , j e prie D i euqu ’ i l le ramène au p lus v i te vers moi .

Cop ie de la rép on se du p ri n ce Kou tousofaun e lettre du maréchal B erthier , p ri n ce de Neufchatel

En date du 8 octobre 1 81 2 .

Mon Pri nce ,

M . l e co l on e l Bertemy , que j’a i admi s dan s mes

quar ti ers mêmes ,m’

a remi s l a l e ttre don t Vo tre A l tessel ’ava i t chargé pour moi . Tout ce qu i fa i t l ’obj e t de ce ttenou ve l l e démarche a déj à été soumi s immédiatemen t àSa Maj esté l ’Empereu r, mon maî tre , e t c

est , commevo u s n e sau ri ez l ’i gn orer, mon Prince , l

’a ide de campgénéra l , pri nce Wolkon sky , qu i en a é té l e porteur .

Cependan t , vu l a d is tan ce des l ieux e t l a d i fficul té des

100 A RCH I VE S DU CO M TE CII. DE N E SSELRODE

routes dan s l a sa ison actu el l e , i l es t physi quemen timpossib l e qu ’i l me so i t déj à parvenu u n e répon se à

cet égard . Je ne saura i s donc que me référer person nell emen t à tou t ce que j ’a i eu l ’honneu r de d i re aM . l e généra l Lauri s ton sur la meme ma tière. Je répétera i . cependan t ic i , u n e véri té don t vous app récierez ,san s dou te , mon Prince , tou te l a force de l

’é tenduec ’est qu ’ i l est di ffici l e d ’arrêter un peu pl e a igri par tou tce qu ’ i l a vu

,u n peup l e qui , depu i s 500ans , n

’a po in tc onnu de gu erre i n téri eu re , qui es t p rê t à s

immoler

pour sa pa trie , et qu i ne fa i t p o i n t ces di sti n cti o n s en trece qu i es t ou n ’est pas d ’

u sa ge dan s les guerres ordin ai res .

Quant aux armées que je commande , je me flatte ,mon Pri nce . que tou t le mon de reconna î t ra , dan s laman ière don t el les agi s sen t , les pri n c i pes qu i carac téri sen t toute na ti on brave , loyal e et généreu se . Je n ’ena i j ama i s conn u d ’autres dan s ma l ongue carrière mi l ita i re

,e t j e me fl a t te qu e l e s ennemi s que j

’a i eu s à

combattre on t touj ours rendu j us tice a mes max imes à

cet égard .

Recevez , mon Prince , les témoignages de ma p lushaute cons idéra ti on .

1 02 ARCH I VES DU CO M TE C II . DE NESSEI.RODE .

Le marécha l qu i me tra i te avec bon té a fa i t expéd ierà ma demande , d

'

une man i ère i ncapab le de compromettre, l a l e ttre de Crossard dont cop i e c i — j o in te . J e l ’a ire touchée u n peu l ’origi na l n e me pl a i sa i t pas . Sou scet te forme , j

’espère qu ’e l l e fera de l ’e ffet . E l l e a étéexpédiée l e 7. Je demande des ordres pou r l ’aven i r Sil ’égard de ces tran smi s s i on s don t l es actes son t touj ou rscachetés p ar nous .

Le l endema in de l ’a ffa i re bri l l an te du généra l Benn i n gsen , i l y a eu u n parl ementa i re . Le marécha l avoulu qu e j ass i stasse à l

’en treti en . Je doi s avouer qu el e p ri nce a eu u n e grande supériori té dans l a conversati on , où i l n

’a pa s donné l e temps à l’

en voyé d’ouvri r

l a bouch e . C ’est moi qu i a i répondu a l a l et tre du pri nceA l exandre . Je j oi n s i c i l a cop i e de cet te réponse . Jedési re qu ’e l l e rencon tre l a haute approba ti on .

Vou s savez que l e pri n ce Schwartzen berg s’ est reporté

su r le Pu g . Songez qu ’ i l y a d i x personnes qui font dutapage dan s notre i sba , j u gez s i l

’on peu t ê tre correct .Vou lez- vou s fa i re le pari que , dans six

semai n es , nou ssommes sur l a Dw i na ou su r les l ignes équiva lentes .

Vous au rez , j’espère , con fi ance dan s mes prophéti es ,

vou s voyez que l es événemen ts prospèren t .A Gon tcharovo,

sur l a route de Tou l a l e 15.

J ’écri s en marche , après di x nui ts b lanches . J’a i

passé h i er tou te l a j ournée près du champ de ba ta i l l e .

Napol éon vou l a i t gagner l e chemin de Tou l a en en levan te t en nou s prévenan t a Mal o— Iaroslavetz . Le généra lDokhtou rof a été détaché pour préveni r ce mouvement

ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE . 105

e t ma l gré l a v ivaci té e t l a force des a ttaques del ’ennemi , i l s

’es t ma in tenu j u squ ’à ce qu e l e s ren fort senvoyés , e t l a présence de tou te l

’armée qui filai t audessou s des hauteurs , d

’où l es França i s pou va i en t lacouper

,l eur e u rent fa i t apercevo i r l eu r erreu r . La

j ournée a été très chaude . Cepen dan tlaperte est mo i n sconsidérabl e de notre part , parce qu e l e canon del ’ennemi n e pou va i t po in t fa i re d ’e ffet , et qu e l e n ôtreava i t son pl e in j eu ; ma l heureusemen t l es t i ra i l l eursfrança i s ava ien t un terra i n très ava n tageux . La ca va l eri e n ’a pa s t i ré l ’épée . Le généra l Ben n i n gsen s

’estexposé dan s cette a ffa i re comme à Borod i no . Il est touj ours au feu . La v i l le a été pri se e t repri se 7 foi s . Asi x heures du so i r l e feu ava i t con sumé la v i l l e . Lecomba t fini , l e généra l Ben n i n gsen , après avo i r dél ibéréavec l e marécha l , fi t con stru i re deu x batterie s immensesqu i aura i en t écharpé l ’ennemi en descendant des hauteurs qu ’ i l occu pai t , s

’ i l é ta i t venu n ous a ttaquer l el endema in . Tou t l e monde s ’a ttenda i t à u n e grandebata i l l e , tou tes l es c i rconstances l

an n on çaien t, l emarécha l a couch é au b ivouac , l e généra l Ben n i n gsentou t près d e l a vi l l e en cendres j ’éta i s avec lu i dansles mêmes quarti ers . A not re révei l cependan t , l eschoses éta i en t changées . On se repl ia i t apparemmen tparce qu e l

’ennemi ava i t fa i t des détachemen ts quiau ra i ent pu nou s préven i r encore , mei je croi s qu e c

eû t

été le cas de se j eter sur ce qu i é tai t devant nous ; ma i s

je n’a ime poi n t à parl er de ce que j e n ’en tends pas su ffi

sammen t, et de ce qu i n’est pa s démon tré à mes yeux .

ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NES SELRODE .

D’

An stedt

au comte Char les Nesselrode.

Le 1 4 , à Gork0.

Mon mal heu r e st i nco n cevab le . Je su i s arrivé troptard au déjou rstwo

, h i e r , pou r fa i re part i r mon paquetpar l e courri er . Je le regre tte pour les papi ers que j etran smets et n on pour les nou vel l e s mi l i ta i res . On apris depui s l e 6, 4 1 canon s aux França i s ; cette phrasevau t mi eux que le mei l l eu r bu l l et i n .

Nous a l l on s j eter une foule d ’extra i ts des n ouvel le sd

Espagn e dan s l’armée f rança i se . Aucun p ri sonn i er

I ta l i en ou des pays chau ds ne peu t concevo i r qu ’on lu ifasse grâce de l a v ie . Qu el l e horri b l e persuas ion les atrava i l l és !Crossard a été envoyé h i er au soi r pou r cherch er u n e

pos i ti on où l ’on do i ve attendre l ’ennemi . Nou s y sommesdepui s quelques heures . L’

arri ère- garde es t pou sséev ivemen t . D i eu so i t l oué ! S ’ i l pouva i t s ’engager qu e lqu ebon ne a ffa i re ! L ’ avan tage sera i t ’a nou s , comme i l estvra i qu e deu x fo i s deux fon t qua tre . I l e s t des époquesde l a v ie où deux foi s deu x para i ssen t hu i t . Cependan tnous ne seron s pas a t taqu és , et j e croi s qu e Sa Maj es té ,qui est la sse

,ava i t l ’ i n ten t i on de s ’ouvri r troi s rou tes de

1 . Du oun srwo L ieu ou se ti en n en t en perman en ce les offi ciersde serv i ce.

1 06 AR CH I VE S DU CO M TE CH . DE N ESSELRODE

di n ai re, qu i réun i t , dans sa vaste encei n te, l e lu xe detou s l es genres d ’arch i tecture ; mais commen t y sommes— nou s pa rvenus ? Après u n e ba ta i l l e p l us chau de

qu e ce l l e d’

Aspern e t de Wagram ; après ce tte fameu seba ta i l l e de Mojai sk , où , mal gré n otre supéri ori té ennombre , des effort s de cou rage s u rna ture l s e t desmoyens d ’a rti l le ri e qu i n

’ava i en t j ama i s été emp loyésj usqu ’à ce j our , no u s avon s é té ob l i gés , ap rès 18 heuresde persévérance , de nous reti rer derrière n ôtre pos it ion après avoi r perdu l ’él i te de nos braves , l a fl eur denos généraux . Cependant l es Ru sses ,

’a notre grandé tonnemen t , nous on t ou vert eu x-mêmes l e chemi n d el eu r grande v i l l e . Ce la pouvai t passer pour un excès dedévouemen t na ti ona l l e s générau x y ava ien t comp té ,et n ous avon s donné dans ce fa ta l appâ t . Qu

avon s

no u s trou vé au l i eu de cette Capoue tan t prom i se ,où la pa i x devra i t ê tre sûre , le bu t i n du so ldat immense ? Une vi l le en rel i ef , dénuée d

’hab itan ts , despa la i s démeu b lés , des mai son s v ides ; et tou te s n osproclamati on s

,nos exhorta tion s pa ternel l e s , nos i n v i

tation s offic ieu ses , n’y on tpas ramené u n seu l i nd ividu .

En at tendan t,l ’armée ru sse rema rcha i t sur n os com

mu n i cation s . E l le se ren force’

a ch aque pa s . 20000 cosaques don t l es chevaux son t p l e in s de vigueur , vo ltigen t au tou r de nous e t p rennent tou t ce qu i s

’écartede 60 pas de l ’armée . Une a ttaque en forces , qu e nousavon s ten tée pou r écla i rer nos routes mi l i ta ires , a étérepoussée avec perte ; nos po in ts d

’appui comme lavi l le de Weréija, pou r n

en poin t c i ter d ’autres , ont

ARC H I VE S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE . 1 07

été p ri s d ’esca l ade . 4 4 000 des nô tres so n t tombés aupouvo ir de l ’ennemi depu i s l e commencemen t de l acampagne

,e t l es malad i es et l a fa im exercen t l e s p lu s

cru el s ravages dan s u n e sa i son que l ’on d i t dou ceencore,

qu o i que ce so i t pour nous un véri tab l e h iver .

Dans cet te po si ti on cri t i que , l’

Empereu r, nous l esavon s , a fa i t fa i re des proposi ti on s de pa ix à l

Empe

reu r A l exandre . Ma i s seron t— e l l es écou lées seu l emen t ?

Nous sommes enve l oppés de toutes parts . Tou tes l e s

prov i nces son t en a rmes , tou t es t détrui t sur l es rayonsde no s subs i stances ; déj à au j ourd

’h u i n ous atte l on s22 chevaux achaque p ièce de canon , que feron s— nou sde notre immen se pa rc ?

C ’e s t laqu e nous a condui ts une ambi t ion que n’on t

pu sati sfa i re n i tan t de campagnes glorieu ses , n i l’

hon

neur d ’avoi r été él evé sur l e premier trôn e de l ’Europe .

L’

Espagn e a commence la l eçon ; l a Ru ss i e l’

achève,

quoique avec des chances b ien d i ff éren tes . L’

Espagn e

pouva i t ê tre soumi se ou reprendre u n e espèce d’

i n dé

pen dan ce ; dans l’un ou l ’autre cas l a p lus grande parti e

de l ’Eu rope resta i t touj ours dan s l a dépendance de l aFrance auj ourd ’hu i l ’Eu rope est a ff ranch i e . Ou i , monami , el le l

’a été depu i s l e momen t qu e l a Ru ss i e a eua ssez de con stance pou r a tti rer son en nemi dan s l ecœu r de ses Etat s ; depu i s l e momen t que la Russi e aété assez généreuse pour fa i re l e sacrifice d ’

un bienê tre de l ongues années , pou r procu re r au res te dumonde l e repos ; depui s qu e l a Ru ssi e a versé l e p lu s

IO8 ARCIIIVES DU CO M TE C II . DE NE SSE LRODE .

pu r de son sang pour rest i tuer à l ’Eu rope l e s moyen sde r econ stru i re ses anc i ennes formes soci a l es e t pou rvo i r renaî tre ces temps heu reux où to u t é ta i t a i sance ,laoù tou t est. au j ourd ’h u i m i sère et dévasta ti on .

Je vou s en tends cri er a l a déclamat ion,me reprocher

l es hab itudes de l a tri bu ne , me rappel er l’ex - con s t i

tu an t ; vou s m’

ac cu sez d’

exagération dans l e s ma l heursqu i a t tenden t la brave armée où j e me trouve , vous meparl ez de l a re tra i te des 10000. Je vou s réponds , heureu x s ’ i l en revien t au tan t . Po u r m01 , j e n

espère poin têtre de ce nombre . J e ne veu x poi n t vo i r l es j ou rs dedeu i l qu i von t s

’é tendre sur ma ma lheu reu se patri e ,mon devo i r éta i t de mouri r pou r el l e . Vou s m’

accordcz

u n e l arme , et vou s vou s d irez en la versan t qu’un am

bi ti eu x cou ronné . quand i l a été l e fl éau des na ti on s ,fin i t touj ou rs par deven i r ce lu i de son propre pays .

Ad ieu , mon respectabl e am i . Je sen s , dans ce momen t— c i p lus qu e j ama i s , tou te l a force de vos sa gesl eçon s . C

’est le dern ier h ommage d ’un cœu r reconnai ssan t .

D’

A n stedt

au comte Char les de Nesselrode.

I)etsch i n e, 15 octobre 1 81 2 .

La re tra i te du marécha l de devan t Ma l o— Iaroslavetz

où tou t ava i t p rouvé que l es França i s n ’éta i en t pa s en

ARC H I VE S DU CO M T E CII. DE N ESSE LRODE .

a i n s i que la Sui sse ; sa ns cel a , je l e répè te, on n’

au ra

fa i t qu ’une trêve e t rien pou r l e bonh eu r i nd iv i d u e l ,r i en pour l e bon heu r de l

Eu rope . Je n’

obti n s

d ’autre répon se qu ’

u n souri re qu e j e ne défin i raipoin t . Comme l ’on me su ppose u n e correspon

dance secrè te , Kan ovn i tsi n et Tel l m’

emp loien t pouract iver l e prince ; tou s l es rôl e s son t bon s qu and i l speuven t con tribu er au su ccès des choses .Le prince n ’aura po i n t manqué -de mander qu ’ i l a

passé deux nu i t s au b ivou ac ; cel a es t vra i . Pl û t à D i euque c ’

eût é té pou r n e po in t fa i re de retrai te . Jama i s i ln ’est à l a portée du boule t , tou t se déci de su r l es rapports et ceux- c i se con tred i sen t qu el quefoi s su i van t l esp ersonnes emp loyées . D i eu ! où en seri ons— nous , s i l

’onn ’avai t pa s tan t l ambiné . User Napol éon à pet i t feu es tsan s doute u n proj et ra i sonnab le , ma i s pour cel a même ,i l faut l e harcel e r san s re l âche, n e j amai s le perd rede vue , être touj ours en con tact , et écraser immédiatemen t tou t ce qu ’ i l compromet pou r sauver l ereste .

Après l a batai l l e de Borod ino lei n aréchal d i t Jev i en s de donner u n bon sou ffl e t a Bonaparte . I l au rai tpu lu i en a l longer deux , l e 7 et le 1 5.

Les pri ses que font l e s cosaqu es son t immenses . San sparl er des can on s en l evés , i l s se son t emparés h ier del ’ imprimer i e de campagne et d ’

u n e col l ecti on de cartes .

Que l le superbe gu erre le général Tch i tchagof doi tfa i re de son côté , s i l es mouvement s son t bien combin és . La gran de a ffa i re est auj ourd ’hu i que V i c tor so i t

ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE NESSEI.RODE .

“Il l

écra sé avan t sa j onction , et la guerre est te rmi n ée en

une campagne .

D ’ap rès des no uvel l es a moi , l’

Au tri che veu t , à touteforce réuss i r dan s une méd ia t i on ; ce la ressemble a sacons tan te po l i t i que . Ma i s ce tte Autri che , i l fau t qu

’e l l erevienne à ses véri tab l es i n térê ts , et qu

’el l e sach e quenous voulons l a ren forcer p lu tôtqu e l

en tamer .

Je p rofi te d ’une expéd i t ion part icu l iè re pour l a tran smi ss ion de ce numéro , parce qu

’au cu ne l ettre n ’échappeà la per lustrat i on au quartier généra l .

D’

An stedt

au comte Charles de Nesselrode.

Au b i vouac , devan t W i asma, 2 I octobre 181 2 .

La ma rche depui s Ma lo— laros lavetz eût été u n chef

d ’œuvre s i el l e eû t é té fa i te au p lu s près , s i l’on fût

res té en con tac t avec l ’ennemi . Le j ou r o ù j ’écris eût

cependan t produ i t l es p lu s grands résu l ta ts , s i l’on fû t

sort i du q uartier à 5 heures du matin , au l i eu de parti rà 9 . La canonnade , engagée par l e gén éral Mi loradov i tch

, d’aprè s l es ord res qu ’ i l ava i t , en ont été l a cau se ;

1 . MILOR ADO V ITCH (M i chel , comte) , gén éral ru sse, n é à Sai n t— Pétersbou rg en 1 770, ser… con tre les Tu rcs , fi t tou tes les gu erres con treles Fran çai s de 1 81 2 à 181 4 . Il se s ign ala par u n e i n trép idi té atou teépreu ve, ce qu i le fit su rn ommer le Mu rat russe. Comme Kou tousof ,

1 1 2 A RCH I VE S DU CO M TE CI I . DE N ESSELRODE .

on a vou l u avoi r de ses nou ve l l e s avan t de Se met tre enmarche . Quel tati llon n age ! On donne une d i recti on au n homme , on en su i t u n e au tre , parce qu

el les se

soutiennen t mu tuel lemen t , e t pu i s tout cel a est aba ndonné par un sen timen t que moi j e n

oserai poi n tappel er de son vra i n om. Mal gré tou t ce l a , l a fui te deBonaparte n e peu t n i se comprendre , n i s ’expl iquerau mi l ieu des dangers et l es i nconvén ien ts qu i l ’accom

pagn en t. La fa im , l e défau t de cha rroi , une trou pe décomposée , au désespo i r , voi là à qui l

’on fa i t un pon td ’or pour se ret i rer , et cette a rmée en fu i te i ncendi etou t pa r où el l e pa sse j e vous écri s à l a lu eur de ce lu id e Wiasma. Bonapa rte es t à cheva l depui s deux j ours ;i l n e marche p lus qu ’au m i l i eu de l ’é l i te d e sa garde ;nous n e fai son s p l us de pri sonn i e rs , ce l a es t tropembarrassan t , mai s nous prenon s des canons parvi ngta i n es , des convoi s de 5000 cha ri o ts à l a f

o i s , etdepui s Maj i n sk j usq u

’à Wiasma vous ne ferez pa s d ixto i ses san s marcher su r d ix cadavres . Les routes son téga l ement encombrées de ca i sso n s aba ndonnés etchaque j ou r l es Françai s en fon t sauter u n e d iza i n e .

Pel l et ier ‘ a été pri s auj ourd ’hu i ; tou te l’armée pol o

i l affecta1t le p lu s gran d mépr i s pou r les profon des comb i n ai son sstratégi qu es si en hon n eu r dan s les états-majors al leman ds de cetteépoqu e. Nommé en 1 820

,gou vern eu r de Sai n t— I’étersbourg , i l fu t

tué en 1 825, en vou lan t répr imer l ’ i n surrection qu i éclatadan s cettev i l le lors de l ’avè n emen t de Ni colas I°rI. PELLETIE R (Jean — Bapti ste, baron ) , gen éral fran cai s , n é en 1 777,

mort en 1862 . Il pr i t part aux guerres de l ’emp i re, fut promu colon el et reçu t le t i tre de baron ap rès la campagn e de Pru sse

1 1 4 ARCH I VES DU CO M TE C II . DE NESSE LRODE .

for tune est commune à tous l es in tendan ts ; ma i s detou s ceux qu e j e conna i s , j e sui s encore , j e croi s , l ep l us ma lh eureux .

L’

Empereu r de France m’

a donné dou ze d i s tri cts à

gouverner ; ma i s l’

Empereu r de Russi e a j ugé à propo sd

en admin i s trer hu i t par l u i — même , ou par ses gén éroux , e t , qui p i s est , i l n e me la i sse pa s même tranqu i l l edans l es au tres . M . de Wi ttgenstei n , que b i en vous connai ssez , a des avan t— postes

’a s i x l i eues de moi , et l’autre

j our ses cosaques son t venus déj euner pour la t ro i s i èmefo i s dan s l es faubourgs de Witebsk . Il es t b ien vra i

qu’

assez près de moi j ’a i deux maréchaux de F ranceet t ro i s corp s d ’armée ; mai s j ugez un peu ce que tou tce monde- là do i t con sommer en toute espèce de choses .Mes braves suj ets ne voudraien t po in t se battre ; , i l sn ’a imen t pa s à fourn i r l eu rs den rée s , et se soucien tpeu de donner l eur argen t . J ’a i donc peu de secours àen attendre . D ’un au tre côté , l a commi ss ion admi n i strati ve que l ’Empereu r ava i t m i se sou s ma prés idence ,et qu i éta i t richemen t composée de princes et de comtes ,a d i sparu comme l ’ombre va in e , qu i pa sse e t ne revient.p lu s . Su pposez un pauvre h omme tou t seu l , dans unpays à peu près i nconnu pou r l ui ; mettez— l u i l e s ennemis en tête , et ri en ados ; supposez qu

’ i l n ’a i t n i argen t,n i forces mi l i ta i res , qu

’ i l n e trou ve autour de lu i n i

rateur, n é en 1 79 1 , mort en 1 857. Secrétai re gén éral du gou vern emen t p i '0V i soire des E tats romai n s à d i x — hu i t an s , i l dev i n t en su i teau di teu r au Con sei l d ’

Etat, remp l i t plu s ieurs mi ss ion s à l ’étran ger ,f ut i n ten dan t c i v i l de la Ru ss ie b lan che du ran t la campagn e de1 812 , pu i s i n ten dan t des pays al leman ds con qu i s en 1 81 5, etc .

ARCIIIVES D U CO M TE C II . DE NES SE LRODE .

zè le, n i bonne vol on té , et vous aurez une pet i te idéede notre posi t i on . Je ne I’exagère pas , su r ma foi , ma i sj ’a i b ien de l a pein e à l a supporter , e t je l i e tous lesj ours , l

’un après l ’au tre , comme de véri tabl es fa rdeaux .

Vous , au contra i re , vous êtes des heureu x du s i ècle ,

d ’après vo tre propre aveu vous dan sez , vous r iez , vousj ouez l a coméd i e ; le ci el en so i t l oué . Gaudean t ben e

n ati f Je vou dra i s b ien que vous me pri s s i ez pou r secreta ire , et que vous me permetti ez d

’a l l er apprendre avecvou s àmener si bi en ensembl e l es p la i s i rs et l es a ffai res .

En attendan t ce fortu né momen t , con tinu ez à j ou i r devotre heu reuse pos i t ion ,

tan t que le c i e l vous l a conservera . Rappel ez-moi de grâce au souven i r de M . l e du cde Bassano ; et , en recevan t de nouveau tous mes remerc iemen ts pour l e passé e t l e présen t , veui l l ez croi re ,mon cher col l ègue , que personn e ne vou s est p lu ss i ncèremen t a ttach é que moi et ne dési re p lu s u n e

pet i te p l ace dans vo tre mémo i re .

D’

An stedt

au comte Char les de Nesselrode.

Su r le chemi n d ‘

Eln o , à 52 verstes en avan t de Dorogobouje,le 27 octobre 1 81 2 .

I l fa i t 15 degrés de fro id , la terre es t couverte deneige , ma i s rien n

’a rrête l ’a rmée qu i su i t, avec rapidi té

1 16 A RCH I VES DU CO M TE C H . DE N ESSELRODE .

e t avec tout son tra in , l’ennemi qui abandonne j our

n el lemen t l es s ien s , son canon ,ses malades , ses tra i

n eu rs pour a ccé lérer sa fu i te . I l faut être témoin desfa i ts pour cro i re à l eur poss ib il i té . Au s s i l e général Pelleti er , pri s près de W iasma, a— t- i l d i t que Napol éonavai t fa i t une grande faute de con server au delà de1 00 p ièces d ’a rti l l eri e , qu

’ i l eû t m i eux va lu j e ter500canon s pour arriver avec toute l ’armée à Smolensk ;au l i eu qu’ i l en a perdu lamoi t i é dans les combats qu ’ i la é té obl igé de souten i r

,e t dans le s a ffa ires j ourna l ières ,

auxquel l es i l n ’a p lus pu échapper , sa cava l eri e é tantex tén uée a i nsi que ses at te lages , tand i s que l a cava leri erusse et son charro i son t dan s toute l eur vigu eur ; tandi sque 20000cosaques son t sur tou tes l es routes , en fron te t en queue , tandi s que ch aque paysan es t un en nemiouvert et déterm iné . Ce tab l eau non exagéré et tracépar u n offic i er frança i s même doi t p rodui re , sur l

espri tdes al l i é s de Napol éon , une terrib l e impress ion . I l scompteron t l es débri s de ce tte armée innombrab l e qu ia fa it en Russ i e une i ncursion de Vandal es , et c

’es t euxqu i répondron t à D i eu du sang qui a cou lé , et don t leRusse a l avé l a pro fanati on de ses égl i ses , l e meurtre e tl a rap i ne . L

Eu rope apprendra en même temp s à app réc ier ces bul l et i n s déhon tés de l ’armée frança i se où lemensonge l e d ispute à l a ca lomn ie , l e rid i cu l e à l

i n

vra i semb lan ce . La Russi e a sa i s i des trophées qui laconso l en t déj à de ses pertes passagères . Chaque j ou ro ffre de nouveau x succès . H i er , un corps ennemi avou lu ten i raDorogobouje ; i l fu t a ttaqué avec vigueu r et

En rou te su r Smolen sk , 27 octobre 1 81 2 .

Tous l e s ca l cu l s de l ’empereur Napol éon et de l a ph ilosoph ie moderne on t échou é dan s l es app l i ca tion s

’afa i re au peup l e russe . Jamai s n ati on ne s ’es t mon tréepl us audacieuse, p lus f i dèle, plus dévouée ; et les mau xque lu i a fa i ts l a guerre n ’on t pu qu e lu i fa i re sen ti rl ’avantage de son ancienne posi t i on . Cependan t i l es t peude paysan s qu i n ’a ien t pas trempé leu rs ma in s dans l esang de l ’en nemi

,e t i l en est une grande quanti té qu i

on t auj ourd ’h u i des a rmes à feu ramassées su r le schamps de bata i l l e ou pri ses aux França i s i l e st despaysan s qu i on t j usqu

’à 5 fu s i l s . Les armes en tre l esma in s du peup l e son t touj ours dangereuses . D ’a i l l eursl a mi sè re sera

'

gran de partout où l a gu erre a passé , e tl a pol i ce n e sau ra i t être a ssez promptemen t reergan i sée. I l sera i t donc essen ti e l d ’

avi ser immédi atementau x moyens de ramasser tous l es fus i l s dan s l es provi nces dégagées , et la récompense de 5 roub les p rom i se au qu art i er généra l pou r chaque arme n ’ayantp rodu i t qu e t rès peu d

’e ffet , j e pense qu’ i l faudra i t , par

des p rocl amat ion s ’a pu b l i er dans l es cha i res , engagerchaqu e i nd ividu ’a reporter son fusi l à un dépôt ind i qu épour qu e les armes pu i ssen t être répa rées et remises

ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE . 1 19

en bon ordre . On mettra i t un numéro à chaqu e fu s i l ,on décl arera i t , l e possesseur propriéta i re , e t on lu i donn erai t, en outre , u n e récompen se de 5 roubles pou r sabonne cond u i te .

I l en es t de même des p iques . I l fau drai t l es fa i reramasser pour l es fa i re bén i r comme des ins trumentsqu i on t servi à l ’aff ran chi ssemen t de l a patri e , et enmettre en su i te l es fers en sûreté .

C ’est l e zè l e l e p l us pu r , l’expérience des révo lu

t ion s , et que lques observat ion s récen tes et l oca l es qu im ’ont déc id é à hasarder ces réfl ex i on s .

Le pri n ce Kou tousof à M . d’

Itali n ski ,

ambassadeur de Russi e à Con stan ti n op le.

Au quart ier gé n éral , 7 n ovembre 1 81 2 .

Monsi eur , en vous envoyan t par l e l ieu tenan t Fren scham l es résu l ta t s des opérati on s de l a gu erre ju squ ’au17 octobre, j

ai promi s ’a Vo tre Exce l l en ce des déta i l sci rcon s tanc iés sur tou tes les affai res . J e m

acqu i tte

auj ourd ’hu i de ma promesse , et j’a i o rdonné que l ’on

f i t pour ce l a un extra i t fidè le de tou tes mes rel a t i ons encours . Vou s t rouverez , Monsi eur l

En voyé , depu i s l e1 7 octobre ju squ ’à l a date de ce tte dépêch e , une sui tede succès , des p ri ses d e canon s et d

’h ommes , en

nombre et en qu an t i té , te l s qu e peu de guerres en

120 AR CH I VE S DU CO M TE CII . DE NE SSELRODE .

o ffren t l ’exemple. Jugez s ’ i l m ’est doux de pouvoi rrendre j ustice aux a rmées qui se trouven t sous mesordres . Adoron s la Provi dence don t la protec tion est s iv i s i bl e . E l l e m ’a des ti né encore une foi s à fa ire connaî tre à l ’ennemi tou tes l es souff rances de l a fam ine . Jel ’a i rédu it à se nourri r de ch eva l ; qu el ques i nd ividusmême se son t portés à des repa s de cann ibal es . Jedétourne les yeux de ce s scènes d ’horreu r . Mai s ce n ’estpoin t avec ce sen t iment profondément pén ib l e qu i mefa i sa i t verser des larmes quand j e voyai s les b ravesMusu lman s forcés de v ivre de leurs mon tures . Les profan ati on s des Françai s méri ta ien t cette terrib l e p un it ion . Je dési re , Mons ieur l

En voyé , que vou s commun i

qu iez l es nouvel l es amon ancien am i Achmet— Pacha . I lsa i t que l ’exagérati on n

’en tre j amai s dan s mes réci ts , eti l verra sû remen t avec quel que p la i s i r qu ’ i l étai t p résen tà ma pen sée lorsque j e m’

occu pai s de ces déta i l s .

D’

An stedt

au comte Charles de Nesselrode.

Au quarti er gén éral ’

a Dolri , 7 n ovembre 1 81 2.

M i l ord Wa lpol e ’ vien t d ’arriver . Je profiterai de cet teoccas i on pour des tran sm i ss i on s dans l e cœur de

1 . WALPOLE (lord) , secrétai re d ’

ambassade d’

An gleterre à Sai n tPétersbou rg .

1 22 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

dan s l a part i e qu i caractéri se un ennem i en fu i te et audésespo i r . I l a fa i t j ou er les mines , mettre l e feu

a800 ca i sson s , e t a donné lu i — même l

’exempl e auxi ncendia i res qu i

,malgré l es e fforts du marécha l Ney ,

on t porté l ’ i ncendi e dan s tous les'

quartiers . Après cetra i t de bravoure , i l a fi l é avec son corp s dans undésordre qu i fera i t h on te à des con scr i t s , e t s

’est portésur Krasn oé où , quoique soutenu par plus i eurs corp sdes gardes impéri a l es , l es res tes du 4 ° corp s d

’armée ,et quoique an imé par l a présence de Napol éon , i l fu tent i èremen t défa i t l e 5 (1 7) de ce moi s . I l sauva à peinesa personne , perd i t son art i l l eri e , son tra i n , tous seséqu ipages , u n e parti e de ceux de Napol éon et son bâ tonde comma n demen t . A i n s i l e bâ ton de marécha l , donnél e 29 fl oréal , an X II

’a Loui s-Ni co la s Davou t , va être aj outéaux i nnombrab l es trophées qu i apprendron t à l a pos tér i té qu e l l es furen t l es tri s tes destin ées de l ’armée qu ia osé en treprendre dan s cet Empire une i rru p ti on deVanda l es . Coupé par cette défa i te du corps du marécha l Ney , que Davou t deva i t sou ten i r , i l n e lu i restapas même l es moyen s de donn er av i s à celu i - ci de sadestruct i on . Cel l e du marécha l Ney eut l i eu l e l endemai n 6. Il su iva i t l e même chemi n , et après u n e a ffa irequ i fu t tra i tée à l ’arme b lan che des deux cô tés ,8500 hommes mi ren t bas l es a rmes . En un mot , l ecorp s du maréch a l Ney , a in s i que toute l a garn i son deSmol ensk furent pri s j usqu ’au derni e r homme . Lenombre des canon s qu i , dan s l es deux j ours , son ttombés au pou vo i r des Russes passe 1 90 p ièces . — Le

ARCH I VES DU CO M TE CH . DE N ES SE LRODE … 1 25

marécha l Ney s’est sau vé par l es bo i s où l es cha sseu rs

son t asa recherche.

P ou r être mi s en tête de quelques lettres

de l’

empereur Napo léon qu i seron t imprimées .

Jamai s l e gouvernemen t russe n e s ’est abai ssé dan sses pu bl ica t i ons ’a ces menson ges de gazettes qu i son tl ’arme j ou rna l i ère don t l a po l ice frança i se frappe l ’espri tdes i gnoran ts ou des t imorés . I l va fa i re publ i er unecen ta ine de let tres i n terceptées de l ’Empereu rNapo l éon ,

de ses généraux , ou de ses min i s tres , où l es pe ti tesru ses de pol i t i qu e i n tér i eu re para î tron t dan s l eur vra ij our . Leurs auteurs n

oseron t poi nt l e s désavouer ; l eso riginaux ex i sten t ; d

’a i l leu rs l e s ty l e en garan ti t l etexte .

D’

An stedt

au comte Char les de Nesselrode.

En marche su r Romakovo, 8 n ovembre 1 81 2 .

Depu i s hui t à d ix j ou rs , tous l e s o ffi c iers’a p i ed

d i sa ien t Vous ne connai ssez po in t tou s nosma lheurs mai s aucun ne voula i t d i re la chose . Jevien s d ’en persuader un enfin , chez qu i j

’a i remplacé

1 24 ARCH I VES DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

u n morceau de charogne crue par u n pain , e t vo ic i l emot de l ’énigme .

L ’armée es t persuadée que Gu i da l‘ et Lehorle ’ son t

parvenus à en l ever l ’Impératri ce et l e ro i de Rome , qu ion t été expédi és pour l ’A n gleterre . Fabl e , sans dou te ,mai s l ’armée en est attérée, Moreau y conserve un pa rtién orme . J

ai proposé ces j ours- ci au marécha l de fa i reacheter Zajaczek

3

qu i es t encore su r p i ed avec quel quesmi l l i ers d ’hommes ; cet acha t devien t inut i l e pu isquetout se dé tru i t de so i—même . On se bat qu a tre heu res ,que lquefoi s à l ’arme b lanch e , et l e résu l ta t e st desmi l l i ers d ’hommes pri s .I l s ’es t fa i t auj ourd ’hu i une pa ix entre l e marécha l

e t de Ben n i n gsen , qu i sera suivie a s surémen t d’un rap

p rochemen t en tier ; j’en su i s un peu fi er . Le marécha l

s ’est montré beau dan s tou te l a force du terme . Legénéra l Ben n i n gsen l e méri ta it.

1 . Gen…. (Maximi l ien - Joseph ) , gén éral fran çai s , n é à Grasse (Var)en 1 765, fu s i l l é en 181 2 , avec le gén éral Malet.2 . a oan : (V i ctor— Claude- A lexan dre Fan n eau de) , gén éral fran çai s

n é en 1 766, mort en 1 81 2 . Pr i t part à la con sp i rat ion du gén éralM alet , joua dan s cette aven tu re le person n age de préfet de pol i ce

,

fut arrêté avec tou s les con ju rés et fu s i l l é .

5. ZAJACZEK (pren . Zaion tchek , Joseph) , gé n éral polon ai s , n é àUkrai n e, 1 752 — 1 826, servi t dan s lacavaleri e, combatt i t sou s Kosc i u szkoen Pologn e. sou s Bon aparte en Egyp te, ‘

fut défai t par Sou varof, emp ri son n é par les Au tr i ch i en s , pr i t part ala campagn e de 1 81 2 , futblessé au passage de la Bérési n a; n ommé en 1 815 l ieu ten an t du roi

de Pologn e, i l garda ce t i tre dix an s .

1 26 ARCIIIVES DU CO M TE CH . D E NES SE LRODE .

51ere‘ res teron t ic i pou r fai re exécu ter , chacun en ce

qu i l e concerne , l es d i spos i tion s c i — dessus .

Vous au rez so in , monsieur l e marécha l , d’ordonner

des pa trou i l l es pour qu ’ i l n e res te ici aucun traînard ;vous prendrez des mesu res pour n e l a i sser dan s l e shôp i taux que l e moin s de monde possib le .

Monsi eur l e pri nce d ’

Eckmu hl , j e j o i n s à ma l e ttreune i n struc ti on que l ’Empereu r vien t de me di cter surl e mode d ’exécution des d ispos i ti on s c i— dessus . Vousvous con formerez à cette i n s truction .

D’

An stedt

au comte Char les de Nesselrode.

Au quart ier gén éral , à Revan chka, 20 n ovembre 1 81 2 .

M i l ord Walpo l e es t part i , i l y a hu i t j ours , pour sadest i nation . Le prince marécha l l ’a mun i d ’

u n passe

d i ri gea, en 1 794 , l ’attaqu e pr i n c i pale con tre M aestr i cht , qu i cap i tu lab ien tô t , comman da en chef les travaux du s i ège de Mayen ce, 1 795

accompagn a Bon aparte en Ital ie en 1 796, fu t n ommé gén éral dedi v i s ion , assi égea, pri t pu i s forti fi aPesch iera,Man tou e, Alexan dri e, etappl i qu a à ces fortifi cati on s u n système n ou veau don t i l étai t l’auteu r ; ñt en 1 807, les s i èges de Dan zi g et de Stral su n d , comman dale gén ie dan s la campagn e de Ru ss i e et fut fai t , par Napol éon , comtede l

Emp i re et sén ateu r . Deven u sou s la Restau rat ion pai r de Fran ceetmarqu i s , i l compta parmi les défen seurs des i n sti tu ti on s con st itution n elles .

1 . LA RIBO ISIÈRE (Jean —Ambroi se Baston , comte de) , gén éral francai s , n é à Fougères (Ile-et— V i lai n e) en 1 759 , mort en 1 81 2 .

ARCH I VES DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

port sou s l e n om de Hen ri Venner , améri ca in , et y aaj outé l es ordres l es p lus préc i s pou r l es fron t ières .

Son A l tesse l u i a accordé de même u n e audi ence trèsl ongue dont mi l ord a é té enchan té . I l ava i t j ugé de no ssuccès en route . Effectivemen t des chemin s encombrésde cadavres , de b lessés , de pri son n i ers , de p iècesd ’a rti l l eri e , de ca i sson s ennemi s , o ffren t un argumentqu i vau t m ieux que des bul le ti n s . J ’a i , de mon côté ,don né à M . Wa lpo l e , que j e conna i ssa i s d

an c i en n e

date , tou s l es déta i l s qu’ i l a dési rés sur V i enne . Je lu i

a i surtou t fourn i l a carte de l ’ i n téri eur du cabi net deFranço i s I“ , e t j e lu i a i i nd iqué l es moyen s de se l i eravec ces gen s san s apparence extéri eure qui on t un sigrand créd i t dan s l ’ i n timité .

Les commu ni ca ti on s par Brody so n t très en travées acause du séj our qu ’y fa i t l e co l on e l Maurice . Nousfa i sons fi l er nos nouvel les auj ourd ’hu i par Tarnopol .

D’

An stedt

au comte Charles de Nesselrode.

Au quarti er gén éral de Rouan eck , 2 1 n ovembre 1 81 2 .

Ce que M . l e co l one l Crossard ava i t à me commu

n iquer est s i peu in téressan t que j e su i s tou t hon teuxd ’avoi r été pri s à ses a i rs d ’ importance . I l s ’agi t d ’unpouvo i r qu ’ i l prétend avo i r eu anciennemen t de l a

1 28 A RCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E S SELRODE .

Ju n te, et une autori sa ti on d’en trer en pourparlers pour

un dédommagemen t de fra i s de l a gu erre , s i nous pren ion s l es armes pou r seconder l es e ff orts de l ’Espagn e.

Ce dédommagemen t deva i t ê tre un port de l ’Améri qu eanotre convenance . Que l

on songe au temps qu eperson ne n ’

i gnore que M . de Crossard a pas sé enAutri che avan t de fa i re connaî tre sa qual i té d ip l omati que, que l

’on appréc i e l a man ière don t i l m ’a parl élu i —même de ce t obj e t , et i l ne me res te qu

à demanderhumbl emen t pardon d ’avoi r att i ré l ’a tten ti on sur desch â teaux en E spagne .

Le général Wi l son ’

, qu i me témoigne quelque confi ance , veut me charger d

’une démarch e qu ’ i l n ’a poi n tvoul u fa i re d i rectemen t pour pl us i eurs ra i sons . Laprem ière , parce qu

i l sa i t que son écri ture é tan t peul i sib l e , Sa Maj esté envoie souven t ses let tres aLordCa th cart pou r l es fa i re déch i ff rer ; l a seconde , parcequ ’en agi ssan t de convict i on et d ’après des sen timen tsind ividuel s , on peu t quel quefo i s n

’être pas d ’accordavec son gouvernemen t. Or , l e généra l Wi l son su pp l i eSa Maj es té l ’Empereu r de ne poi n t suspendre , sou saucun pré texte , se s mouveme n ts m i l i ta i res avan t d

’êtreà ch eva l sur l a V i stu le. J ’ai vou lu pénétrer l e mot i fde ce vœu , l e généra l a é ludé , mai s quan d j e parla ide Dan tzi g , j

’a i b ien vu que j ’ava i s touch é l ’endro i tsen sib l e . Je pen se que tout l e monde est d ’accord avecce que dés i re l e généra l Wi l son . Une armée appuyée à

1 . WI LSON (si r Robert- Thomas ) , gén éral et l i tté rateu r an glai s , n éà Lon dres en 1 777, mort en 1 84 9 .

1 50 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE .

Krasnoe on t i l lustré à j ama i s l es armées russes . Pl usde 500p ièces d ’arti l l eri e , 90000 hommes , 27 gênéraux , 51 drapeaux son t tombés au pou voi r du va in

queu r . Les dépou i l l es des égl i ses on t été ressa i sies , l efru i t du p i l lage de même . Leso ldat frança i s , aba ttu ,découragé , san s but et san s espoi r , n

’ose p lu s ten i r . Lagarde con serve encore qu e lqu e énergi e , mais n

’enaccuse pas moin s hautemen t Napol éo n de tan t demalheurs . Son sort es t san s dou te prononcé commecelu i du reste de l ’armée . I l faut que l e dern ier hommetombe . Cette guerre d ’agress i on exigea i t c e tte terrib l evengeance , el l e s

accomp li t. Le corps de V i ctor v i en td ’ê tre dé trui t éga l emen t . L ’é to i l e de Napol éon , se t rouvant a in s i é tei nte sur toutes ses phases , révei l l era- t- el l eu n e fortune la ssée de tan t d ’abus ? C ’est aux cours del’

Eu rope’a prononcer . E l l es vo ien t l eurs pertes , qu

’e l l esca l cu l en t ce qu i peu t l eur être avantageux , ce qui peu tassu rer l eur i ndépendance p ol i t i que

,e t l e bonheur d e

leurs suj ets . La Russ i e l eur tend les bra s .

Le p ri n ce de Mettern i ch

au comte de Stackelberg .

V ien n e, 25 n ovembre 1 81 2 .

C’es t avec la peine la p lus véri tab le que j e me voi sforcé , mon cher Comte , par l es p lus désagréab les inci

ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE . 1 51

dents , à reven i r sur un des pén ibl es suj ets de madern i ère let tre , celu i de l

’extrême indi scré tion avecl aquel le on procède chez vous dans l es rapports auss isacrés que dél ica ts qu i ex i sten t en tre nos deux cours .

M . de Kudriaffsky’,revenu h ier à V ienne , a vu et

parl é aM . de Maurer . Le pri nce de Reuss lu i ava i tménagé un rendez-vous avec ce t ancien offici er au trich ien . Il se trouve eff ec tivement ou se d i t chargé d

’unecommission de l ’Empereu r votre maître,ai n si que vousvous en conva i ncrez par l a l ettre c i — j o i n te qu ’ i l a adressée au pri nce de Reuss . Je n e m’

éten ds pas sur l ’ i nconcevable con tenu de cette l ettre ; j

’en appel l e ’a ce suj et à

vo tre conna i ssance et à votre sen t imen t s i j uste sur l e saffa i res . Ce même Maurer se trouvai t porteur d ’unedépêche à l

Empereu r de Crossard qu i se trouve auqu art ier généra l du marécha l Kou tou sof . Je vous envoieu n extra i t de cette dépêche ; e l l e se trouve co tée n° 2 .

Crossard y parl e d ’un rapport an téri eur (car c’es t a in s i

qu ’ i l nomme sa m i ss ive) . N° 1 est donc perdu ; i l a san s

dou te été i ntercep té par les França i s .Parmi l es l et tres portées i c i par Bou tyagu i n e s

’entrouve une de Mme de Nari chki n e à Ferd inand

1 . KUDRIAFF SKI (Emel ian -Afan asœv i toh ) , 1 776- 184 5, employé au

mi n i stère des affai res étran gères de Ru ssi e. fut lon gtemps d i recteu rde la chan cel leri e de ce mi n i stère.

2 . Nxa1cnm a (Alexan dre) , d’

u n e i l lu stre fami l le ru sse, fu t l’ami dePau l Ier qu i l ’appelai t son on cle ; i l réu n i t les fon ct ion s de gran dchambel lan ,

de chan cel i er et de gran d maréchal de la n ob lesse.

Lon gtemps chargé de la d i rection des théâtres , i l atti ra a Sai n t—Pétersbourg , les premi ers arti stes de l’Eur0pe, su rtou t les acteu rsfran çai s .

1 52 ARCIIIVES DU CO M TE CII . DE NESSELRODE .

Palff y”

. Ce dern ier la co lp orte,depu i s hu i t j ou rs , par

toute l a vi l l e pour prou ver que l ’empereu r de Russi es ’adresse à lu i et pour ne pas la i sser de doute surles rapports secrets qu i règnent en tre l es deux cours .

L’

Empereu r m’

ordon n e en con séqu en ce de vou si nvi ter , Mon sieur l e Comte , à tran smettre d irectemen t àl’

Empereu r , votre ma î tre , la peine qu’ i l ressen t d ’une

march e aussi con tra i re aux st ipu la ti on s qu i on t eu l i euen tre nous , au moi s de j u i n , qu

’aux égards qu ’unepu i ssance do i t à u n e au tre . Sa Maj es té Impéria l e dési re

qu e vous aj ou tiez qu’e l l e s’a ttend à ce que de s menées

qu i n e peuvent que compromettre l es rapports qu iexi sten t en tre l es deux Cours , t rouveron t leu r fin par ladécouverte que nous croyon s fa i re fa i re ’a Sa Maj estéImpéri a le de tou tes l es Ru ssies de l eur exi stence , l

em

pereu r Françoi s étan t l o in d’admettre même l a possi bi

l i té que Sa Maj esté Impéri a le en so i t i n stru i te et n esupposan t pas que l ’on ch erche à forcer l ’Au tri che àregarder comme ann u l és les susd its arrangements .

L’

Empereu r m’

a ordonne de préven i r M . O t t qu i ad i stribu é l es lettres en questi on que s i des p la in tes no u sa rriva ien t su r ces di stributi on s , Sa Maj es té se verra i tforcée , à regret , de l

éloi gn er d’ i c i .

Sa Maj esté Impéria le dési re égalemen t que vousinvi t iez l e marécha l Kou tou sof ’a défendre à M . de

1 . PALFFY (Ferdi n an d) , des comtes Pal lfy de Erdod . Un i n stan t,Napoléon Ier qu i favori sai t le mou vemen t séparati ste de la Hon gr i eavai t eu l ’ i n ten ti on de don n er à cette dern i ère son i n dépen dan ceavec u n sou verai n parti cu l ier. Pal ffy fut u n de ceux dés i gn és pou rdeven i r pri n ce.

154 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE N E SSE LRODE .

vra i semblab l e . Jamai s cette maxime ne s ’est trouvéep lu s ju ste . I l fau t avo i r été témoin des choses pour concevoi r , que depui s Maladetoch n e ju squ

’à Wi l na,on passe

u n défi l é de cadavre s , de can ons pri s , de ca i sson s et d etra in s abandonnés . Il faudrai t u n e sema ine pour rassembler tan t de troph ées . L ’en trée de Wi l na même , o ff re l est races d ’une grande ba tai l l e . I l faut passer sur desmonceaux accumu l és d ’hommes et de chevaux pourgagner l es rues . La préc ip i ta t i on d e l a fu i te a été s igrande qu e l es Françai s s

en tretua1en t eux—mêmes , caru n homme tombé ne se re lève p lu s . Napol éon n ’a pasosé ten terd’

en trer dan s l a vi l l e . I l a p ri s avec 1 500hommesles devan ts et s ’est porté su r Kowno . I l est matéri el l emen t imposs i b le que l e ti ers de ce qu i resta i t des débri sde son a rmée parvi enne ’a l e su ivre . Le fro id e t l afami n e détru i ron t ce que n ’

ach èvera pas l a baïonnet terusse . Les 20p ièces qu i resten t à l a garde peuven t déj àêtre env i sagé es comme à nous .Les caractères se peignen t dan s ces a ffreuses c i rcon

stances . Ce lu i de Mura t ne s ’est po i n t démenti . Aprèsl e passage de l a Bérési n a, i l a passé une j ou rnée en tièreà fondre lu i — même en l ingo ts l es cadres de quel quesimages qu ’ i l ava i t dépou i l l ées . I l a cru s ’emparer sûremen t de ce l est , à t out événemen t , car l es revenus duroyaume de Nap l es commencen t à être suj ets à caution .

II est u n cr i généra l parmi l e s o ffic i ers a l l eman ds ,du

mo in s l es gen s l es mo in s pass ionnés l ’assu ren t, qu’ i l s

assasSi n eron t Bonaparte , s’ i l éch appe aux main s des

Russes . Ma i s l es C imbres n e tu èren t po in t Mariu s ; son

ARCIIIVES DU C O M TE CII. D E N ESSE LRODE . 1 55

émule aura i t- i l l e même bonheu r ? Son extéri eu r s ’estconservé ca lme ju squ

après‘

la retra i te de Smo l en sk . Là ,

encore,en parl ant des mouvements qu i ava ien t eu l i eu

à Pa ri s,i l d i t : I l paraî t que l ’on ne veut p lus de moi

dans ce pays— là , eh b ien ! que l’on en choi si s se un au tre ,

nous verron s ce qu ’ i l saura fa i re Ce stoï ci smeapparen t es t soutenu pa r l ’usage des l i queurs fortesqu ’ i l n ’ava i t pa s auparavan t . A Smo l en sk , i l a fai t vendreson vin à l ’armée , e t brû ler son l inge de tabl e . Soncostume est u n su rtout gri s

,usé au coude , une cravate

orange à son cou . Le vice — roi , en grande tenu e , march eord ina i remen t ’a ses côtés . Ses en tours son t : Nan sou ty

,

V i ctor , Oudi n ot, Davout , Lari boi si ère, V i l l ate ’

, Cau l i n

court . Pendan t quel qu e temps on a formé deux bata i l l on sdes officiers san s

emp loi , faute de troupes . I l s se son td i ssous d ’eux-mêmes .I l n ’y a p l us de pou vo i r huma i n qu i pu i sse empêcher

l ’armée v ictori euse ’être au moi s de jan v i er à Varsovie ,s i cel a s ’accorde avec l es p lan s de l a campagne , d

’unecampagne don t i l s ’agi tma in tenan t de recu e i l l i r promptemen t le s énormes‘ avan tages . I l n e faut po in t perdre

1 . a sourr (An t. Champ ion , comte de) , gén éral , n é à Bordeaux en1 768, mort en 1 815. É l è ve de l’école de Br ien n e, i l serv i t en A l lemagn e sou s M oreau , en Portu gal avec Leclerc ; gén éral de d i v i s ionen 1 805

, i l se d i st i n gua à la tête des cu i rass iers à Au sterl i tz ,Wagram, Fr ied lan d , où i l exécu ta des charges déc i s i ves ; fut blesséà laMoskowa, comman da la cavaleri e à Lei pz i g, et déploya la plu sgran de act i v i té pen dan t la campagn e de Fran ce. Il se ral l ia au x

Bou rbon s en 1 81 4 et fu t n ommé cap i tai n e des mou squetai res .

2 . V ILL \TE (Eugè n e— Cas imi r , comte d’

Ou ltremon t) , gén éral francai s , n é en 1 770, mort en 1 854 .

156 ARCH IVE S DU CO M TE C I I . DE N ES SE LRODE

de vue que l e duché a rassemblé 26000 recrues déj àhab i l l ées en grande partie .

I l y a hu i t j ou rs que l es m in i stres de l a con fédéra ti onont qu i t té Wi lna , en prenant l e chemi n de Grodno . Legénéra l Hogen dorp s

’es t en rich i i c i par ses spol ia t i on s ;i l y éta i t gouverneurLe consu l Lessep s

l doi t être pri s ou tué . I l reste àNapol éon 7 fou rgons d ’argen t monnayé ; i l s on t fi lél und i passé .

Je j o in s i c i u n e cop ie de l a proc lamat i on , réd igée parordre du Ma récha l pour

'

être imprimée dan s l es tro i sl an gues .

1 . Lessep s (Jean -Bapt i ste— Barthélemy , baron de) , di plomate fran cai s ,n é à Cette, en 1 766, mort en 1 854 . Nommé à dix - sept an s, con su lC ron stadt , l ’ambassadeu r de Fran ce en Ru ss i e, M . de Ségu r , l ’ayan ten voyé porter des dépêches en Fran ce au momen t où se préparai t àVersai l les le voyage d ’

explorati on de La Pérou se, i l deman da à fai repartie de cette expédi tion sa deman de fu t agréée, et c ’

est lu i qu i fut

chargé par La Pérou se de porter en Fran ce les dern i ères n ou vel lesde l ’en trepr i se. Nommé de n ou veau , après son retou r , con su l aCron stadt , pu i s à Sai n t— Petersbou rg , i l su i v i t en 1 794 , l ’ambassadeu rde Fran ce à Con stan t i n ople, où i l fu t i n carcéré en 1 798, à la su i tedu débarqu emen t des Fran ç ai s en Égypte, fai t que laPorte con S i déracomme u n e v iolation des trai tés . La capt i v i té de Lesseps du ra troi san s . En voyé u n e troi s i ème foi s en Ru ssœ , avec le ti tre de commi ssai re gén éral des relat i on s commerc iales , i l resta à Sai n t-Pétersbou rgju squ ’

en 1 81 2 , époque à laquel le i l f ut forcé de su i vre dan s sa

retrai te l ’armée fran çai se. Con su l gé n éral à L i sbon n e en 181 5. Il

séjou rn a en Portu gal ju squ ’

en 1 855.

1 58 ARC H I VE S DU CO M TE C H . DE NESSE LRODE .

c’

en est un charme . On cro i t que Napo léon avec sesqu i nze h ommes marche par l e Duché vers Dresde .

Le comte Charles de Nesselrodeà sa femme.

W i ln a, 22 décembre 1 81 2 .

On nous enverra probablement auj ou rd ’hu i , chèreami e , u n bu l l et i n de Pau lu cc i qu i est autrement tournéque l es précéden ts pu i squ ’ i l n ous ann once la pri se deMeme] , poin t très importan t qu i aura i t pu gêner l esopéra tion s .25 décembre . Grande nou ve l l e , ma bonne ami e ;

dan s ce momen t arrive un A ide de Camp de Wi ttgens te in avec l ’heureuse nouvel l e que l e généra l pruss ienYork se trouvan t en touré de tou tes pa rt s s ’est renduavec 1 5 batteri e s , 22 Escadron s et 55 canons .

S i on te demandai t des nou vel l es de l ’armée de Napol éon , tu peux répondre que ce n

’es t p l u s qu ’une process i on de pén i ten ts qu i s ’en va quêtant des i n du l

gen ces .

ARC H I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

Le comte Char les de Nesselrodeet sa femme.

Wi ln a, 25 décembre 1 81 2 .

Auj ourd ’hu i , i l y a eu une dis tribu tion de grâces .Sch i schkof 1 a en l e S’—A lexan dre, le généra l Tel l l e p remier S’°— An ne , Pau lu cc i l e S’ A l exandre et Koudaschefl e grade de généra l , ce qu i es t généra l emen t approuvéquoiqu ’ i l so i t l e beau— fi ls du Marécha l . I l n ’y a dan s cetavancemen t au cune faveur , comme on pourra i t l e cro i reaPétersbou rg , car Kou daschef s

’est ex trêmemen t d i s ti n

gu é dan s tou tes les occasi on s .

Le comte Charles de Nesselrodeet sa femme.

Meri tz,29 décembre 1 81 2 .

Je t’ai écri t , h i er , avec tan t de précip i ta t i on que j aioub l ié , ma bonne ami e , de t

an n on cer l ’occupat i on deKœn igsberg , quoique l e comte de Tolstoï m

en a it ex

p ressémen t chargé . I l veu t au ss i que j e te fasse part

1 . Scmscuxor (A lexan dre-Semen owtch ) , ami ral , mi n i street écr i vai nru sse, n é en 1 754 , mort en 1 84 1 .

1 40 ARCH I \ E S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

qu’

avan t— h ier nous avon s couché mari ta l emen t en semb ledans l e même l i t ou pour mieu x d i re sur l a mêmepai l l e . On ne se fa i t pas d ’ i dée par qu e l s trous nousavons passé depu is Wi lna . H i er , nou s sommes arrivés

’aMeri tz et nous sommes encore , comme pendan t tou te l amarche , l ogés en sembl e l e comte Tol sto i et moi . Nou svoyageon s de même dan s l e tra în eau de l ’Empereu r,celui-c i , l a p l upar t du temp s , a l lant à cheva l . Le frei d arecommencé , i l y a au j ou rd

’hu i sep t degrés et l es maison s de Meri tz ne son t préci sément pas des p lu s chau des .

On ne peu t pas se fa i re une idée de l ’en thousia smequ ’ i l y a en Prusse pour nous et pou r Wit tgenste i n .

Un gen ti l h omme campagnard don t l a femme acco ucha ,au momen t d e l a pri se de Pol otsk , a a ttendu son a rrivéepou r fa i re bapt i ser son en fan t, ne voulan t l e fa i re ten i rsur les fon ts que par ce brave généra l .

Le comte Charles de Nesselrodea sa femme.

Ner i tz, 51 décembre 1 81 2 .

Le courrier qu i es t part i ce mati n avec une s i terrib leprécip i ta tion n ’éta i t qu

u n fe ld— jti ger-d’

Araktcheief etpoin t l e véri tab l e courrie r de l ’Empereu r. J

a i doncencore l e p la i s i r , ma bonne ami e , de’ pouvoir causerquelques i nstan ts avec toi .

SUR LE RAPPORT DU M I N I STRE DES AF FA I RES ETRANGERES DE F RANCE ,

SE RVAN T D’

INTRODUCTION Aux DECH ETSPOUR UNE NOUV E LLE ORGAN ISAT ION DE LA GARDE NAT IO NALE

P u bl i e p ar le M on i teur du 1 6 mars 1 81 2 .

Ce rapport, que l’on peut regarder comme l e pre

m ier man ifeste de l a grande guerre qu i se préparedans ce momen t , n

’est qu e l’exposé des prétendus

a tten tats de l ’An gleterre con tre l es dro i ts des neutresdans les guerres mari t imes et des mesures success ivemen t adoptées par l e souvera i n frança i s p our vengere t protéger ces dro i ts . L ’au teur du rapport commencepar mettre en fa i t que l es dro i ts de l a neutra l i té marit ime on t été régl és so l enne l lement pa r l e trai téd

Utrech t, devenu la l oi commune des - nat ion s , etque cette lo i a été textuel lement renouve l ée dans tousl es tra i tés su bséquents . I l en vien t de là au réci t

des arrêts arb i tra i res et tyrann iques par l esquel s l ’An

gleterre a vio l é les pri ncipes consacrés par l e tra i té

1 4 4 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE .

d’

Utrecht e t des actes de représai l l es que l a France aopposés à ces arrêts , et l e résu ltat est l a n écess i té d

’emp loyer tou tes l es forces d i spon ibl es de l a France poureœclu re l es neutres de certa i n s ports à l ’extrémi té ducon t i nen t , Où , de temps en temps , i l s p ou rraien ti n t rodui re quel ques bal lets de marchandi ses angla i ses .

Le gouvernemen t fran ça i s doi t s ’ imaginer qu ’avec l edé s i r ou l e pou voi r de lu i rés i s ter , ses contempora in s ,pl ongés dan s une stup idi té abso lue

,on t perdu j usqu ’au

souven ir de tou t ce qu i s’est passé au mi l ieu d ’eu x ,

jusqu’à l a dern ière trace de l ’hi stoi re e t de l ’ancien

dro i t publ ic de l ’Eu rope ou j u squ’à l a facu l té de l i re ,

de comparer et de réfl éch ir . Autremen t i l n e l euro ff ri ra i t pas , comme des oracl e s d ip l omat iques , desfab les s i ma ladro i temen t t i ssues , que l e p lus crédu l ede l eurs l ecteurs devra it regarder comme une i n sul te l ap ré ten ti on de l es lu i fa i re ava l er .

Qu oiqu’

u n e réfu ta t ion sa ti s fa i san te de chaque partie ,ou

,pour m ieux di re , de chaque ph rase de ce rapport ,

ne soi t pas u n e tâch e d i ffic i l e , je me born era i i c i àexami ner t rès su cc inctemen t ce qu i con cern e l es quest i on s de dro i t . Mon bu t es t rempl i s i je réuss i s aprouver1 ° Que le tra i té d’

Utrech t,’a l epoqu e même de sa

s i gnatu re , n’a pas été, n

’a p u être e t n’a jama i s p ré

ten du être la l o i commu ne des na ti on s pour l es droitsmari t imes .2° Que ce tra i té , l o in d

’acqu éri r p l us tard u n e au tori té qu ’ i l n ’ava i t pas eue à son origi ne , a été complè

1 4 6 ARC H I VE S DU CO M TE C II . DE NE SSELRODE .

s i t i ou parei l le -Il suffi t de savo i r qu ’au cu ne entrepri sede ce genre n ’a j ama i s été exécu tée , n i seu l emen tten tée , e t surtou t que l e trai té d

Utrech t, te l qu’

i l est,n ’a aucu n tra i t de ressembl ance avec u n code de dro i tpubl ic ou u n e l o i commune des na ti on s .

Ce qu ’on appe l l e généra lemen t l e tra i té d ’

Utrech t

n ’est , comme tou t l e monde l e sa i t , qu’

u n assemb lagede trai té s sépar és , conclus en tre le s d i ff éren tes pu i ssances qu i ava ien t pri s part à l a guerre de l a success iond

Espagn e. Parm i ces tra i tés , i l s’

en trouve tro i s concern an t l a navigat i on et l e commerce l ’un fa i t en tre l aF ran ce e t l ’A n gleterre, l

’au tre en tre l’

An gleterre etl’

Espagn e, l e tro i s i ème en tre l a F ran ce et l a H o llan de.

Dans l e tra i té en tre l a France e t l ’An gleterre, i l es ts t ipu l é qu e dans une gu erre mari t ime , dans l aque l lel’

u ne ou l ’au tre de ces deux pu issances res tera i tn eu tre, le pavi l l on de cel l e- c i couvri ra l es marchand i ses appartenan t au x ennemi s de l a pu i s sance bel l igéran te ; et de p l u s , que par marchandises de contrebande , con fiscables dans toute espèce de va i sseau , onn

en ten dra qu e l es obj ets d i rectement appl icab les à l aguerre . Ces deux a rticl es , déterminés de tout temp sd ’

u ne man ière part icu l i ère e t d i fféren te par chaqu etra i té i nd ividue l de navigati on , con st i tu a ien t , à l a fi ndu xvu

° et au commencemen t du X V…" s i ècl e , à peuprès la qu esti on tou t en ti ère des dro i ts d es pu i ssancesneu tres . Par l es tra i tés an téri eu rs de 1 655 et 1677, laFrance e t l ’An gleterre éta i en t déj à convenues , à l

’éga rdde ces art icl es , des mêmes concess ions réci proques qu i

ARCIIIVES D U CO M TE C II . DE NESSE LRODE .

se trouvent dans l e tra i té d’

Utrecht, e t ces concessi on son t été renou ve lées et ren forcées , même en faveu r del a j ou i ssance imposée neutre dan s l e fameu x tra ité decommerce de 1 786.

Lorsqu ’on réfléch i t i i l a s i tua ti on respecti ve de cesdeux puissan ces , on ne saura it s

’éton n er de ce quedans tous les t ra i tés entre el le s , rel a tivemen t i i cet

obj et, en a i t accordé l a p lus grande l ati tude au x dro i ts

de cel le des deux qu i sera i t neutre dans u n e guerremari time de l

’ au tre . La ra ison en est cl a i re . Le ca ssupposé était s i peu probab le , que tout ce que l

’on sepromettai t mu tu el lement ne revena i t, pou r a i ns i d i re ,

qu’

à un simp le comp l imen t d ip loma tique . Depu i s l adéc adence de l ’Espagn e, et plu s tard de l a Ho l l ande , l aFrance et l ’A n gleterre é ta ien t les deux pu i ssances pré

pon déran tes sur mer . So i t d irec temen t , so i t i n d i rectemen t , toute guerre mari t ime importan te ou durab l edeva i t commencer ou fin i r par être une guerre en tre l aFrance et l ’A n gleterre, ce qu i a été e ffect i vemen t l e casde tou te s ce l l es qu i on t eu l i eu dep u i s l e xvn

e s i èc l e .

Un e guerre mari t ime , dan s laquel l e l’une ou l ’au tre de

ces pu i ssances se sera i t déc larée neutre éta i t d iffici l e i’ iconcevo i r . E l les n e r i squ a ien t ri en en la supposan t .Plu s el l e s é ta ien t riva l es , p lus même l eu r état de rival i té dégénérai t en éta t d ’

hosti li té hab i tu e l l e : etmoins i lleur en coû ta i t d ’être l ibéra l es l ’u ne en vers l ’au tre ,

dans u n e hypothèse qu i , ace qu’e l l es comprena ien t fort

bien , ne pou va i t j ama i s se réa l i ser .

Ma i s les s tipu la t i on s éven tuel l es sur l es dro i ts de la

1 4 8 ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE N E SSELRODE .

navigati on r égl ées en tre l a France et l’

A n g leterre nel ia ien t aucu ne des deux parti es con tractan tes dans l eursrapports avec d ’autres pui ssances ; i l n

’en résul ta i taucun pri nc ipe un iversel ; chaqu e part i e con servai t lal i berté de s ’arranger sur ce tte affa i re avec tou tau treEtataux condi ti on s qu i l u i parai ssa ien t l es p lus praticab lesou les p lus u t i les .Le tra i té de navigat ion e t de commerce en tre l

A n gle

terreetl’

Espagn e, fai san t su i te au t ra i té de pa ix qu’el l es

avai en t s igné à Utrech t , n e fu t que l a con fi rmation d’un

tra i té de 1 667 que l ’on i n séra textu e l l emen t dan s celu ide 1 71 5. Dan s ce t rai té , quoi que a ssez favorab l e i

i l apart ie éven tuel l emen t neutre , l e p ri nc ipe qu e le pavi llon cou vre lamarchan di se, ne se trou ve cependant pasénoncé ; ci rcon stance essen t i e l l e e t qu i prou ve d

’abordcombien ces tra i tés séparés é tai en t peu connexes , l

’unavec l ’au tre , et ensu i te combien on étai t l o in de cens iderer l e pri ncipe de l a l iberté des marchandi ses , souspavi l l on neu t re , comme une lo i généra l emen t étab l i e ,car s i on l ’ava i t crue tel l e , l e s i l ence d

u n tra i té formel ,su r un arti c l e d ’

u n s i grand in térêt , sera i t tou t afa i ti nexp l icab l e .

Le tra i té en tre l a France et l a Ho l l ande , conc lu àU trech t , étan t abso lumen t étran ger à l

A n gleterre, i lsera i t i nu t i l e de s ’y arrêter .

Quan t aux au tres pu issances de l ’Eu rope, quan t ace l l es mêmes qu i ava ien t en part aux négocia t i on sd

Utrecht, ou qu i furent compri ses dans l es d i fféren tstra i tés , tel l e s que l e Portuga l , l a Suède , la Prusse , la

1 50 ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE N E SSELR ODE .

de 1 704,pu bl i e dan s cette même guerre que le tra i té

d’

Utrecht a su i vie , fu t abso lumen t con forme à cesordonnances S ’ i l se trouve sur l es va i sseau x neutresdes effets appartenant à l ’ennemi , les bâtimen ts et la

charge sero nt de bon n e p r ise, d i t l ’art icl e V II de cerèglement . Ce lui d e 1 74 4 modifia, i l e st vra i , u n e desclauses l es p lu s du res de ces loi s , ma i s en con servan tso igneusemen t tout l e reste . L ’art icl e V décl ara su j ettesà l a confi sca t i on l es marchand ises appartenan t au x

ennemi s sur des va i sseau x neutres ou al l i és , aj outan ttou tefo i s que les n av i res seraien t relâchés .

S i , comme en ri erou g i t pas de l’

affirmer au j ourd ’h u i ,l es dro i ts des neutres ava ien t été réglés so lennel lemen tpar l e tra i té d’

Utrecht, i l sera i t i nconcevabl e que l al égi s l a tion mari t ime de l a France n e se fût ressen t i e d ece grand événemen t n i à l ’époqu e où i l doi t avoi r eul i eu

,n i 50 an s après . Et pou r répondre a ceu x qu i

croi ra i en t peu t- être que l es ordonnances n ’ava ien t r ien’

de commun avec l es tra i tés ; qu e l a l égi s l at ion a l l a i t sont ra in d ’un cô té

, et l e d roi t des gen s de l’

autre , j e m’

en

vai s ci ter u n cas mémorabl e qu i n e l a i s sera au cundou te à cet égard .

Les vi l l es han séat i ques (Brême , Lubeck etHambou rg )j ou i s sa i en t dep u i s l e mi l i eu du X…" s ièc l e d ’une faveurpart i cu l i ère de l a part du gou vernemen t frança i s . Lecard ina l Mazarin leu r ava i t accordé , en 1 655, u n t ra i tédan s l equ e l i l étai t d i t : que pour l ’égard des vi l lesh an séat i ques , Sa Maj es té , dérogean t aua ordon n an ces ,veu t e t en tend que lesd i ts habi tan ts soi en t déch a rgés

ARCH IVE S DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE .

de la rigu eur d’

i cel les pendan t 1 5 années , en sorte quela robe de l

en n emi n e con fi sque p o i n t cel le de l’

ami , et

que leu rs n avi res so ien t l i bres e t renden t toutes leurscharges l ibres , bien qu

’ i l y a i t de l a marchandi se appartenant à l ’ennemi . En 1 71 6, t ro i s an s après l e trai téd

Utrech t, les v i l les h anséat iques réclamèren t l e ren ouvel lemen tde ce tra i té . E lles l

obti n ren t ; maisvo ic i dan squel s termes l ’art ic le pri ncipa l éta i t con cu

Les va i sseau x su r l esquel s se trouvero n t des marchan di ses appartenan t au x ennemi s de Sa Maj esté n epourron t ê tre con fisqués, non p lu s que l eu r carga i son ,

fn ai s seu l emen t l esdi tes marchandi ses appartenan t au xennemi s , de même qu e cel les de con trebande , Sa Ma

jesté , dérogean t a cet éga rd à tou s usages et ordonnances con tra i res , même ace l les des années 1 556, 1 54 5

et 1681 , qu i porten tqu e l a robe ennemie con fisqu c l amarchand i se et l e vai sseau avec .

On l eu r tena i t compte , comme d’

u ne faveur extraerd i n aire, de n

’avo i r retranché dan s ce nou veau tra i té

que la mo i ti é des dro i ts que ce lu i de 1 655 leur ava i taccordés .

C ’

es t a in s i que l e gou vernemen t françai s envisageai tet respecta i t l e tra i té d’

Utrech t. C ’es t a in s i qu e ce tra i téé ta i t devenu l a l o i commune des n ation s pour l es droi t sdu pavi l lon n eu tre .

Cette l o i,con t inu e l e min i s tre rapporteu r , teætuelle

men t ren ouvelée dan s tous les trai tés subséquen ts, a con

sacré les pri n cipes su i van ts, etc .

Je cro i s en avo i r di t a ssez pour fa i re j uger si , àl epoque de sa conclu s ion , l e tra i té d

Utrecht a pu avoi rl a force d ’

u ne lo i généra l e , ou consacrer des pri ncipesqu e lconques . L

asserti en tranchan te , que ce tra i té’

aé té tex tuel l emen t renouvel é dan s tou s l es t ra i tés subséqu en t s se trouve s i complé temen t démen ti e par u n equan tité de documen ts qu e tou t l e monde peu t consu lter, que ceux—mêmes qu i on t l e mi eux su iv i l amarche e t l ’espr i t des pu bl ica t ion s o ffi c iel l es du gouvern emen t françai s , doiven t avoi r été frappés de sa téméri té. Le fa i t est que , parm i l es nombreux trai tés qu i ,depu i s 1 71 5, ont s tatué sur l es dro i ts mari times desd i ff éren tes nat i ons , on n

’en rencont re pa s u n Où letra i té d’

Utrecht sei t renouve l é en ci té comme modèle .

Les hommes qu i négocia i en t ces t ra i tés sava ien t bi enque quelques règl es puremen t conven t ionne l l es , etabl i es en 1 71 5, en tre l a Fran ce et l

An gleterre, en l aFrance et la Ho l l ande , n

’éta ien t pa s ob l iga to i res,n i

pou r des pu i ssances que ces règles ne regardaien t enri en

,n i pour ce l le s — mêmes qu i en éta ien t réciproque

men t convenues dan s leurs rapports po l i t i ques avec

1 54 ARC H I VES DU CO M TE CII. DE NE SSELRODE .

mul ti tude . Prétendre que les rapports de pu i ssance àpu issan ce n ’

eu ssen t pu ou dû être fixés qu e par un e so id i san t lei un iverse l l e , c

' est renverser tou s l es princ i pes qu i on t fondé et s ou tenu le dro i t publ i c : ex termi ner à j ama i s ces l o i s pos i t ives que l es nat ion s se sontréci proqu emen t prescri te s par des conven tion s variéesà l ’ i nfin i d ’après l ’étendu e des beso in s e t des forces , e tl eur subst i tu er l ’au tori té a rb i tra i re d’un code u n i forme

,

qu i n’appartient qu ’ au despo ti sme d ’

u n seu l , et quece lu i— ci même n e parviendra i i étab l i r qu ’après avo i ri ncorporé dan s son emp i re tou tes les parti e s du mondecivi l i sé .

Ce n ’est pa s pou r ren forcer une thèse qu e j e croi ssu ffisammen t é tabl i e , ma i s pou r l

éc lai rc i r et l a dével opper , qu e j

’aj outera i l es observa t ion s su i van tes su r

qu el ques- u n s des princi paux changemen ts qu i on t eul ieu depui s u n s i ècl e

, par rapportau x i n térêts respecti fsdes pu i s sances neu t res et des pu i ssances bel l igéran tesdans l es gu erres de mer .

Lorsqu e le tra i té d ’

Utrech t fu t s igné , p l u s i eu rs Eta ts ,auj ourd ’hu i d ’

u n e i nfl u ence maj eu re , n’ex i sta i en t pa s

ou n’ava ien t po in t p ri s l eu r rang parm i l es pu i ssan ces

mari times . Je n e c i tera i que la Ru ss i e e t l e s Eta ts— Un i sde l ’Améri que. Tou tes l es grandes d i scu ss i on s su r l esdro i ts des pavi l l on s neu tres qu i on t occupé e t agi tél’

Eu rope depu i s tren te an s , furen t amenées par l’une

ou l ’au tre de ce s deux pu i ssances . Or qu e l qu e fû t l efondemen t de l eu rs pré ten tions , i l sera i t ex travagan t desou teni r que l a Ru ss ie et l es Eta ts-Un i s de l ’Amériqu e

ARC H I VE S DU CO M TE CII. DE NE SSELRODE . 155

eussen t pu fa i re val o i r cen tre l a France , l’

Espagn e, etcles prin cipes d ’un tra i té qu i ava i t p récédé l eu r maturi té ou même l eu r na i ssance po l i t ique .

D’

u n autre cô té , à mesure '

qu e l e commerce desna ti ons s ’est au gmen té ; q ue l a sphère de l eu r navi gation s ’est é tendue ; que de nouveau x rapports on t été

créés,non seu l emen t en tre l e s pay s vo is i n s , mai s en tre

l es po in ts du globe l es p l u s é l o ignés l ’u n de l ’au tre

que l a guerre mari t ime , cons idérée comme gu erre commerc iale,

a acqu i s une importance éga l e e t qu el qu efo i ssu périeure a ce l l e de l a gu erre con tinen tal e , don t e l len ’é ta i t autrefoi s qu ’un accesso i re , l e s qu est i on s re lat ives au x dro i ts des neu tres dan s cet te gu erre se son tmu l ti p l iées , comp l iquées , agrand i es , ont présen té denou vel les faces e t des prob l èmes j ad i s i nconnus . Al ’époqu e du tra i té d ’

Utrech t, par exemp l e , et même4 0an s plu s tard , personne n

’ava i t songe a exami ner oui i détermi n er j u squ ’où pou rrai t s ’étendre l e dro i t d ’

u n

État neu tre de fa i re le commerce avec l es co l on ies d ’

u n e

pu i ssance bel l igérant e . Ce n ’

es t que dan s la gu errede 1 756 qu e cette grande e t ép in eu se qu est ion fu t.di scu tée pour l a première foi s en tre l ’An gleterre e t laHo l l ande . Au cu n trai té ne l e déc ida al ors , e t quoiqu edans l a gu erre a l lumée pa r l a révol u ti on d e France , el l eai t reparu avec p l u s de force qu e j amai s et so i t devenuel ’objet cap i ta l d es d i scu ss ion s entre l ’An gleterre et lesEta ts—Un is , au cu n tra i té n e l ’a décidée j u squ ’à ce j ou r .

La quest i on , s i des bâ timen ts neutres envoyés par u n

va i sseau de guerre éta i en t suj ets à l a v i si ta ti on , eu t à

1 56 A RCH I VE S DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE .

peu près l e même sort . E l l e ava i t été parti e l lemen tagi tée en tre l a Hol l ande et l a Suède en 1 74 2 , et en trel’

A n gleterre et l a Hol l ande en 1 762 , mai s on l’ava i t

passée sous s i lence dan s l e fameux acte de neu trali téarmée de 1 780. Gen ’

es t qu ’en 1 800que, pour l a prem ière fo i s , el l e L

f u t m ise en avan t , d’

u ne man ière forme l le et pérempto i re ; e t l e tra i té de Pétersbeu rg de1 801 fu t l e p rem ier qu i essa ya de l a fixer en tre l ’A n

gleterre et l es pu issa nces mari t imes du nord .

Ma i s ce qu i dan s l es grands événemen t s de l a dern i ère par tie du s iècl e passé a p lus i n flu é qu e touteau tre cause di recte su r l es rapports en tre l es bel l i géran ts et l e s n eu tres , c

’est l e changemen t qu i s’ est opéré

dan s l es forces respectives des deux pu i ssances pri nc i

palemen t i n téressées’a tou te questi on de dro i t mari time .

Ce que nous avon s à dire sur l es e ffets de ce changemen t n ous condu i ra di rectemen t à l ’examen des accusation s portées con tre l e gou vernemen t angl a i s , pou ravo i r subst i tu é au x maximes du dro i t publ i c des règl esarbi tra i res et tyrann iques .

Depu i s la guerre pou r la su ccessi o n d’

Espagn e, etn o tammen t depu i s l a ba ta i l l e de l a Hogue , la marinefrança i se s ’est trouvée dan s u n éta t de décadence pro

gressi f . Le rétabl i s semen t de cette mari ne ayan t éténégl igé sou s l a l ongu e, pa i s ible admin i stra t i on du car

158 ARCIIIVES D U CO M TE CII . DE NE SSE LRODE .

comme ruse de gu erre . Ma i s l orsque,sous pré texte de

dé fendre l es dro i ts mal défini s des neu tres , ce gou vernemen t a envah i l es dro i ts les p lu s cla i rs et l es p l ussacrés de ses voi s i n s ; l orsqu

’ i l s ’es t servi de ce cr i del i berté des mers pour écraser sys tématiqu emen t

toute espèce de l iberté su r l a terre ; l orsqu e après avoi rlu i -même décl aré cri m i nel , prescri t e t an éan t i tou t cequi prétenda i t ’

a un reste de neutra l i té , i l a évoqué lefan tôme de cette neutra l i té po u r j ustifier l es démarchesl es p l us épouvantables , c

'est a l ors que l e sou ri re

qu’

exc i tai t au tre foi s l e char la tan i sme de sa protect iono fficieu se , a dû fa i re p lace

’a l ’ i nd ignati on et al ’horreur .

De même que la France , comme partie fai b l e dans l esguerres mari times , éta i t i n téressée à favori ser l esneu tres , l

A n gleterre forte e t vic torieuse su r mer ava i tu n i n térê t év iden t à souten ir l es dro i ts des pui ssancesbe l l igérantes .

Ces droi ts son t dan s u n e i nfin i té de cas en cen trad ict i on d i recte avec ceu x des n eutres ; l es tra i tés ,sou rces et organes de tou te l égis l a tion en tre l es É tatsi ndépendants , son t auss i l e seu l moyen imaginablepour apl an i r cette con trad ic tion . I l n e peu t y avoi r del im i tes l éga les , n i au dro i t d

u ne puissance hel l i géran te , n i à ce lu i d

’une p u i s sance neutre , que ce l l esqu ’e l l es se son t réciproqu ement imposées par destra i té s , e t au cune des deux n

abu se de son dro i t qu ’enautan t qu ’e l le agi t con tre ce s tra i tés . Le gou vernemen tangla i s l e s a constammen t respectés . Dans l es coa l ition s hos t i l es d iri gées en 1 780 et 1 800 con tre ce geu

ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE . 1 59

vern emen t, dans ses l ongs et pén ibl es débats avec l esEta ts-Uni s de l ’Améri qu e, dans l es di atribes même deson ennemi morte l l a seu l e a rme don t en ne se soi t

jamais servi é ta i t l’appel à des conven tion s posi tives .

De n ’avo i r pas voulu se re lâcher sur l es trai tés qu e l esn eu tres et leurs protecteurs ne ju gea ien t p lu s couvenahles ’a l eurs i n térêts , ou b ien de n

’avoi r pas vou l u’a chaque nouvel l e pré ten t i on des neu tres se l ier parquelque nouveau t ra i té sur des po i n t s que l es anciensavai en t l a i ssés i ndéc i s , ce son t l à l es grands torts del’

An gleterre. Ses amis même , en d i scu tan t ces matières ,lu i on t que lquefoi s reproché , non pas un manque deloyauté , ma i s u n manque de générosi té envers l esn eutres . Je n

exami n erai poi n t s i , dan s d’ au tres temps

et dan s d ’au tres c i rconstances , i l eû t été faci le de ju stifier ce reproch e ; j e sa i s qu

appl iqu é à l a s i tu ati on oùl

An gleterre s’es t trouvée dan s l a guerre ac tu e l l e , i l e s t

d’

u ne i nj usti ce choquan te . Quoi ! engagée dan s uncombat à mort vi s- â-vi s d ’un ennemi qu i a mi l l e foi sp r oclamé que son exi s tence éta i t i ncompatibl e avec lasûreté du conti nen t; rédui te à ses moyen s ind ividue l s

par l a désert ion ou l’

asservi ssemen tde tous ses anc i en sa l l iés

,l’

An gleterre deva i t encore fa i re des sacrificesgra tu i t s ? Voyan t que l part i l a France sava i t t i rer de l anaviga ti on neu tre ; voyan t qu e c

’é ta i t cet te n aviga t i on

qu i protégeai t ses ennemi s con tre l es effets de sa su pé

ri ori té mari t ime,e l le deva i t

,de son propre chef , ou

parce que tel éta i t l e bon p l a i s i r de son adversa i re,

resserrer la sphère des dro i t s que les t ra i tés lu i ava ien t.

160 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NES SELRODE .

accordés ou du pouvoir que ces mêmes tra i tés ne lu iava i en t pas d i sputé . I l me semb le que le gouvernementangl a i s , en s e soumet tan t aux sti pu l at i ons posi t ives qu ifixaien t pou r te l l e ou tel l e pu i ssan ce l

’exerci ce de saneutra l i té l éga l e , e t en adop tan t , pou r l es poin ts quel es tra i tés n ’ava ien t pa s détermi nés , u n sys tème dan slequ el l ’ i n térêt sup rême de sa propre conserva tion étai tcombiné autan t que possib l e avec l es avan tages réclaméspar les neutres , ava it sa t i sfa i t non seu lement a sesdevo i rs ri goureu x , ma i s à tou t ce que l

’équ i té,l a gén é

rosi té e t l es égards pou r l es in térê ts d’un t i ers

,pou

vaien t exiger .

Ce système , pour tout d i re en u n mot, au ra i t fin i parcon ten ter l es n eutres eux—mêmes

,s i en l eu r ava i t l a i ssé

l e temps e t la l i berté de con su l ter leurs vrai s in térê ts ;et c ’es t un fa i t que l ’h i s toi re sau ra ma in ten i r con tretous l es mensonges postérieu rs , qu

’au momen t où

l ’ennemi de l ’An gleterre l ança i t con tre el l e ses premi ersarrêts de prescri ption ,

l a quest ion de l a neutra l i témari time ava i t cessé d’

agi ter l es cabi nets et , al’

excep

t ion de quelques d i scuss ions peu orageuses entrel’

A n gleterre et les América in s , n’

occu pai t p lu s que l estri bunau x et l es spécul a tion s mercan t i l es .

Le tra ité de Sai n t-Pétersbeu rg de 1 801 et l’access i on

des cours de Copenhague et d e S tockholm ’a ce tra i téava i en t mi s un terme à toutes l es d i sp u tes en tre l ’A n

gleterre et l es pu issances du Nord . La Pru s se , san s avoi ren part ace tra i té , profi ta i t cependan t et grandemen tde tout ce qu ’ i l con tena i t de favorab le aux neutres . On

1 62 ARCH IVE S DU CO M TE C H . DE NE SSELRODE .

commerce d irect en tre les co l on i es de l ’ennemi e t l epays neutre auquel apparten a i t l e bât imen t , pourvu quel a cargaison fût l a p ropriété d ’un hab i tan t de ce pays .

Cette i nsti tut i on déj à assez favorab l e fu t encore étenduepar les pri ncipes adop tés dans l es cours d’

ami rauté deLondres , d

’après l esquel s , l orsqu’un bâ t imen t amé

rica in avai t por té en Amérique une cargai son de marchan di ses col on ia l es d ’une des col on ies de l ’ennemi , i lsuffi sa i t que cette carga ison eû t été déba rquée (en eff etou en apparence) dan s quel que port des Eta t s-Un i s ,pour l a fa i re passer immédi atement après dan s les

ports du pays ennemi en Europe . Les frau des i n n ombrables auxque l les cet excès de l ibéral i té ava i t donnél ieu , forcèren t enfin les t ribunaux bri tann i ques (enj u i l l et 1 805) de déclarer que l e fai t seu l du débarquemen t momentané dan s un port des Eta ts — Un i s et dupayemen t des droi t s pour l a ca rgai son ne sera i t p lusregardé comme preuve su ffi san te de l a l éga l i té duvoyage d ’un bâ t imen t portan t des marchand i ses co lon iel es dan s un port ennem i en Europe , ou des marchand i ses des pays ennemi s en Europe à l eur col on ie . Ma i sa cette mod ificat ion près , ri en ne changea dans l amarche des tribunaux ; l

’ i n struct ion de 1 805 ne fu tpoin t abrogée ; l a l i berté gén éra l e des négocian ts amér ica in s de commercer avec l es co l on ies host i les dan stoutes l es part i es du mon de, d

’un côté , et leurs ports enEurope , de l

’autre , resta i n tacte , et l’

Océan ne cessa dese couvri r de va i ss eaux neutres , trafiquan t pour lecompte des ennem i s de l ’An gleterre.

ARCH I VES DU CO M TE CII. DE N E SSELRODE .

I l est tout s imp le qu ’

en dép i t d ’

u ne condui te au s s imesurée , l

av i di té i n sat iab l e de qu e l qu es ind ividus , l espertes bi en méri tées que d ’autres ava ien t fa i tes par desspéculati on s no toi remen t i l légal es , l

’esprit de partinou rri par le langage habi tu el des feu i l l es françai ses etpar l es déclamations d ’

u ne fou le de pl ats écrivain s qu is ’éta ien t en rô lés d ans la cause de l a neutra l i té mar i time ,ne cessa i en t d’

amcu ter l ’op i n ion publ iqu e cen tre l edespoti sme du gouvernemen t angla i s . Ma i s l es hommesj u ste s e t éc la i rés , dan s l

’un et l ’au tre con tinen t , et surtou t dan s l es endro i ts où on pouva i t l e m i eux j uger l esi n térêts du commerce , sava i en t apprécier ces cl ameurs .S i l ’on eût pu se tromper sur l es p ri ncipes et sur lesmesures adoptées de part e t d ’autre , l es eff ets au moin spar la ien t trop é loquemmen t pour n epas écra ser toutesl es ca l omni es . Les n égoci an ts de Copen hague , de Gothembeurg , de Pétersbeu rg , de R iga , de Kœn i gsberg, deDan tzi g , de Hambourg , e tc . , comme ceux des ports etvi l les commerçan tes de tou tes l e s côtes d es Eta ts — Un i sde l ’Amé ri que, voya ien t b i en ce que c eta i t que l e j ougde fer que l ’An gleterre imposa i t

’a l a n avi gation neutre .

Partout d’ immen ses rich esses s’

accumu lèren t sou s cerégime si décri é ; dan s l es temps l es p lu s fl ori ssan ts del’

Eu rope, l e commerce de l a p lupart de ces vi l les n’ava i t

été n i p lus act i f , n i mieu x récompensé ; l eur pro spé ri té ,mal heureusemen t à l a vei l l e de sa chute , se commun i

quai t a l’ i n térieur des pays , ran ima i t l

agricu l ture,l es

fabriques , tou tes l es branches de l’i ndu strie , se fa i sa i t

sen ti r dans les parti es l es pl us séquestrées du con ti n en t ,

164 ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE N E SSELRODE .

dans l es p la ines de l a Po l ogne et de l a Russ i e , dan s l esva l lées d es Hautes—A lpes , comme dan s l es champs e t l esa te l i ers de l a Saxe , de l

Au tri che et de l a Prusse . Quanden se deman de commen t l ’Eu rope a pu rési s ter

’a tan tde fl éaux réun i s qu i pesa ien t sur el le , san s tomber dansun appauvri ssemen t tota l , l a so lu tion de ce prob lèmene se trouve que dan s ce grand fonds d’

opu len ce, dan sces ressources touj ours rena i ssan tes qu i , ma lgré l esravages des gu erres e t des révo lu ti ons , l u i éta i en t assurées par ses communi cat i on s avec l ’An gleterre e t parce même commerce mari t ime que cel l e- c i do i t avoi rcruel lemen t opprimé .

Te l éta i t l e vra i éta t des choses lo rsque le décret du2 1 novembre 1 806 connu sou s l e nom de Décret deBerli n déc lara l es I l e s B ri tan n i ques en é tat de b locus ,exclues de toute espèce de communauté socia le et ret ranchées , pour a i n s i d i re , du corps des peup les civil i sés .

Ce décret , l e p l u s audacieusemen t i nj uste dont l’

b i sto i re con serve l e souven i r , en en treprend de le j ust ifierauj ourd ’hui comme un acte puremen t défensi f , commeune s imple mesu re de représa i l l es provoquée par l esa tten tats du gouvernement angl a i s . Le décret de Berl i n , d i t l e rapport , rependi t

’a l a déc larat i on de 1 806.

Le blocus des IlesB ri tan n i ques fu t opposé au blocu simagina i re étab l i par l ’An gleterre.

Que l e décret de Berl i n , prototype fa ta l d’

u n nouveaugenre d’

hosti l i tés , cause p remi ère d’une success i on de

maux don t l e dern i er terme échappe à l ’ imagina ti on

166 ARCH I V ES DU CO M TE CII . D E N E SSE LRODE .

des vues p lus va stes et p lus combinées , on b l oqu eraauj ourd ’hu i u n e vi ngta i ne de ports 51 l a fo i s . La léga l i téou l

i l légal i té d’une entrepri se n e peu t pas dépendre de

l a grandeu r de l ’échel l e sur laquel l e el l e est p lacée .

Pa r qu el s arguments con testera i t— on à une pu i ssancecon t inen tal e l e dro i t d ’a ttaquer un ennemi su r chaqu epoi n t de ses posses s i on s en même temp s , si el l e a unnombre de troupes su ffi san t pour exécu ter ce p lan ?Écou tera i t- on dan s une occa s i on parei l l e l es vai nes protes tati on s d ’un voi s i n neutre ? I l en es t de même dubl ocus mari t ime des cô tes . La défin it ion que les p luszé l és avoca ts des n eutres on t donnée d ’une p lace b lo

qu ée, que c’est cel l e dan s laquel le un bât iment

étranger ne pourrai t essayer d ’entrer san s s ’exposer àun danger réel n ’est poi n t du tou t i napp l icab l e à u n e

réun i on de ports sur l a même côte . Tout dépend de lamesure des forces don t u n e pui ssance peu t d i sposerpour l ’exécu tion réel l e d’

u n dessei n l éga l en lu i — même .

Or,san s en trer dan s des ca l cu l s de détai l sur ce qu ’ i l

faut de bâ timen ts de guerre pou r b l oquer tan t et tan t dep laces et te l l e ou tel le étendue de Côtes , i l e s t éviden tque , s i l es d i ff éren ts b locu s auxquel s l

A n gleterre a eurecou rs n ’ava i en t pas é té con stamment appuyés deforces cons idérabl es e t suffi san tes , l es ennem i s auss ibi en que l es neutres , au l i eu de cri er con tre ces bl ocu s ,s ’en sera ien t moqués comme d ’une pu re fan faronnade .

L’e ffet direct e t vi s ib l e qu i a accompagné ces mesures ,répreuvées par aucun principe de dro i t publ i c , éta i t l apreuve de l eu r réal i té . Ma i s i l ne su ffi t pas pour l a ju s

ARCH I VE S DU COMTE CH . DE NE SSE LRODE . 107

tificati on d ’une mesure qu ’e l l e n ’a i t aucun caractèred

i llégal i té ou d’

i n ju sti ce d i recte . Le dro i t indubi tab l een lu i—même peu t deven i r un i nstrumen t d’

oppression .

On peut en fa i re un usage te l lemen t en tré, te l l emen trévo l tan t , que ceux qu i en Sou ff ri ra i ent sera ient aumoin s complètement excusab les en sati sfa i san t tout cequi se t rouvera i t à l eur portée pour déj ouer ou repou s

ser ouvertement des actes i ncompatib les avec l eurs premiers i n térê ts . La décl arat ion de 1 806 se trouva i t— e l l epeut— être dans cette ca tégori e ?

Cette déclarat ion prononça l e b l ocus con tre l es côtes ,ports et riv i ère s , depu i s l

Elbe j u squ ’à Brest ; mai s l aseu l e part i e de ces côtes qu ’e l l e désign a comme rigoureu semen t b loquée éta i t ce l l e compri se en tre O stendee t l ’embouchu re de l a Sei ne .

rElle l ’ava i t é té depu i sl ongtemps , e t j e présume que l e part i san l e p l us déterminé du gouvern emen t frança i s , S

i l veut se rappe l erpourquo i e l l e l ’éta i t , qu e c

’est dan s l es ports compri sdans ce b locus rigoureu x qu e se firen t pendan t pl us ieursannées l es vas tes préparat i fs pour une descen te dan sl es Iles Bri tann iques , ne se permettra i t pas de b lâmercette mesure . Quan t aux ports de l ’A l lemagn e septentrion ale

'

et même de la Hol lande , l a décl arat i on porta i t

que l’en trée et l a sort i e de ces ports ne sera ien t po in t

défendues aux va i sseaux neutres , pourvu qu e ceux qu iarr iven t n ’a ien t été frétés dan s un des ports del ’ennemi , n i qu eceux qu i sorten t ne so i en t dest inés pourun de ces ports , et qu e l eur carga i son ne con si ste n i enpropr iété de l ’ennemi , n i en contrebande de guerre .

1 68 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

C ’est a i n s i que la déclarati on du 16mai 1 806 anéan ti td ’un seu l mot l es dro i t s de tous l es Eta ts mari t imeset que du moment de ce tte décl arat ion

, l’

An gleterre

ne recon nut p lu s de neutres sur l es mersVoyon s main tenant ce qu i ava i t amené cette déclara

ti on et commen t e l l e fu t j ugée dans son temps . LaPru sse , à l ’ i n st igat ion de l a France , s

’éta it emparée detou s l es pays composant l ’él ecto rat de Hanovre

,et ,

avan t même que cet acte d ’

i n iqu i té fût ple i nemen tcon sommé , avai t notifié par un ordre du 28mars 1 806que d ’

après u n t ra i té conclu en tre l e ro i de Prusse e tl ’empereu r des França i s , l

’entrée des ports de lamer duNord et des r ivi ères qui se j e tten t dans cette mer sera i tfermée ’a l a navigat i on et au commerce bri tanni ques ,et qu ’on procéderai t au x arran gemen ts nécessa i res pou rempêcher tou teimportati on et tou t passage desmarchandi ses angl a i ses Voi là l ’origine de la décl ara t ion du16 mai . Ce n ’est po i n t con tre l es neu t res , c

’est con trel a Prusse , agi ssan t de concert avec l a France e t exclu an tforme l l emen t l e commerce angl a i s de tou s l es por ts del’

Elbe, du Wéser e t de l’

Ems , que ce tte décl arat i on é ta i td i rigée . I l s era i t i nut i l e de d i scuter ici l e d ro i t du gouvern emen t bri tanni qu e de p rendre des mesures sévèrescon tre la Prusse ; cette quest i on au moin s ne para î tradouteu se à personne .

Aucune des pu i ssan ces neutres de l ’Eu rope n’

imagi n a

de se p l a indre de ces mesures . E l les y voyai en t l ’e ff etd i rec t , le contre— coup na ture l d

une agress i on gratu i tequ i fi t un mal p rod igieux ’a l ’An gleterre. Leurs i n térê ts

1 70 ARCH IVES DU CO M TE CH , DE NESSE LRODE .

dan s aucune occa s ion précéden te . I l fau t se rappel er

qu’

à l ’époque où cet te p ièce paru t , une négocia t i on depa i x é ta i t en tamée avec l ’An gleterre. E l l e ava i t été con çu eetmise en trai n par M. Fox , l e seu l des m in i s tres à l atê te des a ffa i res bri tann i ques don t l e gouvernemen tfrança i s a i t tou j ours parl é avec des égards auss i près del ’attachemen t que du respect . Ce même m in i stre , quepersonne n ’a j ama i s suspecté de proj ets h ost i l e s contreles n eutres , éta i t l

’auteur du sys tème de représa i l l esadopté con tre l a Prusse et don t l a déc larati on du 1 6maifa i sa i t parti e . Ma i s in dépendamment de ce que les pri nc ipes ou l e caractère personn e l de M. Fox pouva ien tprêter d ’

appu i à cette décl arat i on , i l est éviden t que,comme les neu tres eux— mêmes ne s’en pla igna ien t pas ,l e gouvernement frança i s manqua i t de tou t prétextepour en fa ire un suj et de dol éances . Après l a mort deM . Fox e t la rupture des négoc ia t ion s de Pari s , l e nordde l ’A l lemagn e, devenant l e théâtre d

’une nou vel l eguerre

,l e gouvernemen t angla i s eû t été amplement

au tori sé ’a con ti nuer et ’a ren forcer même l e b l ocu s . Aul i eu de cela , i l y renonça au momen t où cette ma lbenreuse guerre a l l a i t écl ater , et pa r une ci rcu l a i re du25 septembre , que M . l e duc de Bassano a en grandso i n de n e pa s c i ter , fitan n on cer que le b locus des cô tesd

A llemagn e éta i t l evé et qu e l a navigat ion entre l’

Ems

et l ’Elbe éta i t au ss i l ibre qu ’avan t l a décl arat i on du1 6mai .

Le décret de Berl in n ’a donc po in t été provoqu é parla décla rat ion du 1 6mai 1 806 et n ’ a ri en eu de commun

ARCH I VE S D U CO M TE CH . DE N ESSELRODE . 1 71

avec cette déclara t i on . Et l o rsqu ’on affi rme au j ourd ’hu i

que ce fu t en 1 806 qu e commen ça l’exécut ion de ce

système, qu i tenda i t à fa i re fl éch i r l a l o i commu ne desn a tion s devan t l es o rdres du Consei l e t les règl emen tsde l ’ami rau té de Londres , tou t h omme , don t l

’aveu

glemen t n’es t pas i n curab l e , doi t s

’apercevo i r qu e cen ’es t la qu ’

un mi sérabl e subterfuge , i n ven té , l ongtempsaprès cou p , pou r fa i re retomber sur son adversa i re larespon sabi l i té d ’un a tten tat odieux , don t tou s l e ssoph i smes du monde n

absoudron t j ama i s l e seu l etvéri tabl e au teur .

S i l e décret de Berl i n ne réponda i t pas à l a déc lara tion de 1 806, i l es t cl a i r qu

’ i l n e réponda i t à ri en .

Et en eff et , on aura i t beau fou i ller dan s les arch ivesdes temps passé s et pré sen ts et on n ’en trouvera i t n imodèl e n i prétex te . Il est sorti de la boî te de Pandore ,Où l e gén i e du mal l ’ava i t en fa nté de ses propresconcep tion s . P reles si n e mai re creata.

Tout acte de représa i l l es,que l ’honneur

,l ’ i ntérê t e t

l a l o i de s a con servat i on pourra ient su ggérer au gouvern emen t angla i s , éta i t j u st ifié d

’avance par ce décret .La neutral i té ne saura i t ex i ster qu

au tan t que les pu i ssance s be l l igéran tes s ’accorden t sur l e p ri ncipe généra l

,

que l eu rs dro i ts d e guerre son t p lu s ou moin s l im i téspar ceux que l es n eutres l eur opposen t . Du moment.qu ’une des pui ssances bel l i géran te s met sa vo lontéabso lu e à l a p lace de cette règl e fondamenta l e ; qu e,san s consu l ter n i l es tra i tés , n i les i n térê ts parti cul iersdes neu tres , n i ses propres rapports avec eux , el le

1 72 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSELRODE .

défend ind i sti n ctemen t tou t commerce e t toute corres

pon dan ce avec l es posses s ion s et l es suj e ts de l a pu i ssan ce ennemie , décl are de bonne pri se chaque va i sseauqu i aura con trevenu à cette l oi , sa i s i t partou t où sonbra s peut l es a t te indre l es marchandi ses du paysexcommun ié , que l qu

’en soi t l e possesseur actue l , i l nes ’agi t p lus de formes en de nuances , l es bases de l an eutral i t é son t subverties , se s a tt ri bu ts son t annu lés enmasse , son ex i s tence l égal e est fin i e . S i , dan s un teléta t de choses , l a parti e adverse respec te encore undroi t neutre que lconque , c

’es t un acte d ’

i n du lgen ce e tde générosi té ; ca r i l sera i t i nj u ste , e t même dera ison n able, d

’exi ger qu ’e l l e reconnai sse à el l e seu le cequ i n ’a de sen s , de réa l i té et de va leur , que dans l asuppos i t i on d ’un pri ncipe commun , admi s et avoué paitoutes l es parti es i n téressées . L

An gleterre éta i t doncpar l e fa i t du décret de Berl i n d ispensée de touteobl i gat ion stri c te de ménager l es in térêts des n eutres .

Son enn emi lu i ava i t h au temen t annoncé que dorén avan t i l n e metta i t p lu s aucu n e borne à ses h osti l i tés ;i l l es pous sa i t même par an tic ipa t ion au delà de sonpouvoi r réel ; et pri vé de tou te force mari t ime , i l fa i sa i tpressen ti r l e proj et crue l de marcher à la destruct i onde l ’A n gleterre par l a conquête et la ruine success ivede tou s les p eup les du con tinen t

,proj et don t , depu i s

l e décret de Ber l i n , l’exécuti on s ’est avancée san s

re lâche .

Et que l le fut l a p rem i ere réso l ut i on par l aquel l e l egouvern ement an gl a i s répond i t à cette provoca ti on

1 74 ARCH I VE S DU CO M TE CH. DE N ESSE LRODE .

gat ien neutre éta i t nu l l e de fa i t en Europe , et l e seu lpays qu i pû t p rétendre ’a quelque ménagemen t éta i t l esEta ts-Un i s de l ’Améri qu e. Les ordres de novembre 1 807ne priva ien t po i n t leurs bât imen ts de l a l iberté de serendre de l ’un ou l ’autre de l eurs prop re s ports dan sl es ports des co l on ies ennemies , ou de ces ports- c i à u n

port d e l eu r propre pays . Quan t au commerce de l ’Europe , l eurs va i sseaux fu rent as tre i n ts à la condi tion dedébarquer d ’abord au n des ports de l a Grande— Bretagne ,sauf à con tinu er de l à l eur voyage ’a tel port des paysennemis qu ’ i l s ch oi si ra i en t et d ’emporter toute l eurcarga i son , à l ’excep ti on de certa ines marchandi sesspécifiées , qui ne sera ien t réexportées qu

’avec unel i cence . Des i n struct ion s postéri eures modi fièren t cesd ispos i t i on s dan s p lus ieurs poi nts essen t i e l s ; ma i saucune n ’ayan t sat i sfa i t l es América i ns , l e gou vern emen t angl a i s an n u la enfin les ordres de 1807 et l eursubst i tua l ’ordre du 26 avri l 1 809 , par l equel l

’ i n terd ict ion du commerce f ut res trei n te aux ports de l aFrance , de la Hol l an de e t de l a Hau te I ta l i e , tand i s qu el es por ts de l a Ba l tiqu e , du nord de l

A l lemagn e,

j usqu ’à l ’Ems , de l’

Espagn e, du Portuga l et de toute l aMédi terranée , à l ’excep ti on de ceu x de France et duroyaume d ’

Itali e, resta i en t ouverts à l a n aviga ti onneutre . Les organes du gouvernemen t frança i s on t pri sl e part i , san s doute très commode , d

’ i gnorer tou t à fai tce changement essen t i e l . Une réticence pa rei l le aura i tsuffi pour d i scrédi ter toute au tre p i èce d ip l omat i que ;on n

en sera que médi ocremen t surpri s dan s cel l e que

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE S SE LRODE 175

nous exami non s i c i . On a vivemen t agi té en Angl eterrel a quest i on , s i ces ordres du Consei l on t été en dern iere ana lyse favorabl es ou con tra i res aux i n térê ts dupays . Les avi s des hommes éc la i rés se son t partagés à cesuj et , mai s l a questi on étroi temen t l iée à p lusi eursautre s art ic le s du système commerc ial , que les c i rcon stances on t fa i t adopter au min i s tère bri tann ique ,ex ige de grands déve loppement s e t des recherches trèsapprofond ies . Cet te quest ion cependan t es t entièremen td i fférente de ce l l e que nous avon s d i scu tée . I l n ’

appar

ti en t qu ’à l ’An gleterre de j uger s i , sou s le poi n t de v uede son propre in térêt , l es ordres du Consei l on t étésages ou répréhen s ib l es . Les m in i s tres angla i s sefu ssen t- i l s trompés dans l eurs cal cu l s , l eurs en nemi sn ’a u ra ien t qu ’à se fé l i ci ter de leurs erreurs . Le grand

poi n t qu’ i l s ’ag i ssa i t d ’établ i r pour nous au tres , c

’es tque , dans cette l ongue séri e d

’actes hosti l es et deréact ion s s in i stres , l a France a porté l e s premi erscoups ; que l e s ordres du Consei l bri tann i que éta i en tdes mesu res de représa i l l es dan s tou te la f

’orce dute rme , e t que l e gouvernementangl a i s , l o i n de bl essergra tui temen t l es dro i ts et l es i n térêts des n eutres les areconnus , respectés et ménagés , autan t que l e l u i permetta i en t l a l o i de son propre sa lu t e t l a s i tuat i on san sexemp le dan s l aquel l e son ennem i l ’ava i t p l acée .

Le décret de Berl i n , d i t l e rapport, répondi t à l adéc larat i on de 1 806. Le décret de M i l an répond i t au xa rrêts de 1807. Je croi s avo i r fourn i dans ces observat ion s l es don nées n écessai res pour rectifier cette gén éa

1 76 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSE LRODE .

l ogic . Le décret de Berl i n ne fu t provoqué,n e fu t j u s

ti fié par aucun acte an téri eur . Les arrêts de 1 807répond iren t au décret de Berl i n . S i l e décre t de M i l anrépondi t aux arrêts de 1807, qui , san s l e décret de

Berl i n , n’

au rai en tjamai s vu le j our , i l ne fi t donc querenchéri r sur l ’in j ust i ce de la mesure primi t i ve qu iavai t provoqué les arrêts d e 1 807.

Le décret de M i lan v i en t d etre so lennel lemen t procl amé comme base et mot i f de l a n ouvel le guerre qu iva s’

al lumer sur l e con t i nen t .I l faut , di t l

orateu r du gouvern emen t frança i s ,que tou tes l es forces d i spon ib les de l a France puissen tse porter partou t où l e pavi l l on angl a i s et l es pavi l l on sdénat i ona l i sés voudraien t aborder .Tout l e monde sa i t que l e pavi l l o n n ’a pu être admi s

dan s l es ports de l a pu i ssance con tre laquel l e cet te menace est di rigée . Le seu l tort de cette pui ssance serai tdonc de ne pas avo i r a ssez ri goureusemen t exclu ce quel ’on nomme i c i l es pavi l l on s dén ati en al i sés . Voyons à

quoi ce gri e f se rédui t .Le décret de Mi l an ava i t déclaré dén ati on ali sé tou t

bâ timen t neutre qui se sera i t soumi s ’a la l égi sl a t i onangla i se , so i t en touchan t dan s un port anglai s (avan tde continuer sa cou rse) , soi t en payan t tribut à l

An gle

terre . I l est c l a ir qu e cette défin i ti on arbi tra i re se

1 78 ARCH I VE S DU CO M TE C II . DE NE SSE LRODE .

u n p lus frêl e échafaudage,ou attaché à un prétexte

p l u s futi l e . En supposan t que l ’Empereu r de Ru ssi en ’eut pa s h erméti quemen t fermé ses ports contrechaque n avn e américa i n ou chaque con trebandier del a Bal t ique , cette i ndu lgen ce , d ictée par l es beso i n s deson empi re , i nterd i te par aucun tra i té , n i pub l i c , n isecre t , i nnocen te même d

’après l a l e ttre de ces décretsa rbi tra i res l ancés par un tribuna l i ncompéten t , peu tel le motiver , peut— el l e co l orer , peut- e l l e exp l i quer seul emen t le projet de boul everser encore une fo i s l ’Eu rope,d

écraser l es tri s tes débri s de l ’ancienne prospéri té detan t de pays i n terméd ia i res et de verser l e sang de tantde malheureux peup les qui on t déj à payé au prix detout ce qu ’ i l s ava i en t à perdre ces mêmes arrêts de

prescri p tion don t cette guerre vra imen t sacri lège do i tpro l onger l a du rée? Et tout cel a , nous d i t l e rapport ,pour rame n er l es Angla i s aux pri ncipes consacrés parl e t ra i té d ’

Utrecht qui n ’en a j ama i s consacréau cu n , et pour assurer la neutral i té mari t ime

,

contre l aquel l e l ’An gleterre n’a j ama i s protesté !

Pour aj ou ter un dern i er tra i t a ce tab leau , i l n e serapas i nut i l e de s ’arrêter un moment sur la condui tegénéra le du gouvernemen t frança i s envers ces neutresqui lu i ont fourn i de s i nombreux prétextes . Le mot deral l iement , l i berté des mers p roche paren t despri ncipes de l a révol uti on , a été l égué par chaque gouvern emen t révo l ut ionnai re à ses successeurs et hérit i ers , et cel u i qu i l es a rempl acés tous n

’a pa s négl igéc e tte partie de l eur hér i tage . Cette soi-d i san t l i berté des

ARCH IVES DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE . 1 79

mers,n ’ayan t j amai s é té cl a iremen t défi n i e , chacun y

attacha i t le sens que ses lumière s ou ses intérêts l u ii nd iqua ien t ; mai s

’a t ravers ce tte con fu si on d ’ i dées qu el e soph i sme et l ’ impestu re en tretena i en t avec beaucou pde so i n , tou t l e monde parvi n t enfin à comprendre qu ’ i ls ’agi ssa i t de certa i n s dro i ts exclus ivement app l icab les à

un état de gu erre . La l i berté des mers n ’ava i t j amai sété trou b lée en temps de pa i x ; j ama i s on n

’avai t puaccuser l ’An gleterre de s

’être préva l ue a lors de sa préponderan ce nava le centre l a nav igation ou l e commercedes p l us fa ib l es na ti on s de l a terre . La prétenduetyrann ie qu’on l u i rep roch e ne consi sta i t donc qu ’àmain ten i r des principes e t des tra i tés é tabl i s pourl im i ter l es avantages (a ssez grands malgré toutes lesrestrictions ) don t l a navigation et l e commerce neu trej ou i ssa ien t pendan t l es guerres mari times . La ques ti onde la l iberté des mers n ’éta i t autre chose que cel l e desdro i ts du pav i l lon neutre . Mai s par l a p lu s é trangeinconséquence , quel s qu

’en a ien t été l a source et lemoti f , laFrance , protectri ce déchi rée de la neu tra l i té ,n ’a j ama i s m i s en avant cette quest ion dan s aucune deses né goc i at i on s avec l ’An gleterre. On n ’en trouve pasde trace n i dans ce l l e de L i l l e en 1 797, n i dans ce l lede 1 801 qu i condui s i ren t aux prél imina i res de Londres ,n i dan s cel l e de 1 802 , qu i fut term i né e par l e tra itéd

Amien s , n i dan s cel l e de 1806. C ’e st un fa i t qu i do i tfrapper et surprendre tou t l e monde , quo iqu e , de maconnai ssance au moi n s , i l n

’ai t encore été re l evé parpersonne , qu

’après tan t de fureurs et d’

i n ju res , et après

1 80 ARCH IVES DU CO M TE CH . DE NES SELRODE .

tan t de sermen ts sol ennel s de tout sacrifier pour ce ttecau se sacrée de la l i berté du commerce et des mers , l egouvern ement frança i s a i t pu tra i ter hu i t moi s avecl’

An gleterre san s que l’

on a i t accordé aux droi t s dupav i l l on n eutre , j e ne d i s pas u n e heure de d i scussi on ,mai s seu lemen t les s téri les honneurs du procès verba l .Cet oub l i i n concevab l e , ou cet acte de mauva i se foi san sexemp le , eu t cependan t l i eu

’a l a même époque où l adéclarati on du 16mai 1 806 vena i t d’

an éan ti r d ’un seulmot l es dro i ts de tou s l es Etats mari t imes et , peu demoi s avant , l e décret de Berl i n .

Et voi l à l e gouvernemen t qu i auj ourd’hu i Où , grâce

à ses so in s , i l n’y a p l us de pu i s sance neu tre sur le

globe , où tou te quest i on de n eu tra l i té paraî t étei n te etsubmergée dan s ce gou ffre fa ta l qu i a englout i l e dro i tpub l i c tou t e n t i er , réun i t l e ban et l

arri ère- ban del

Eu rope dans u n e nouvel le cro i sade con tre les opp resseu rs de la l i berté mari time et , pour b ien prouver las incéri té du mo ti f , menace la seu l e pui ssance con ti n enta l e qu i a i t en core accordé dans ses ports un dern i erres te de pro tecti o n aux dern iers soup i rs de l a navi ga t i onneutre !Je sa i s b i en de quel œ i l en envi sage de nos j ours l es

e fforts so l i ta i res e t impu i ssan ts dÎu n écriva i n pourdéfendre l a véri té et l e bon dro i t dans l es a ffa i respubl iques . A quo i sert de combat tre les mauva i s ra i sonn emen ts de ceu x don t en ne peut pas repousser l esbai en n ettes ? Vos a rgumen ts

,vos d i scussi on s répon

dron t- el l es à 4 00000hommes ? Phrases con tre ph ra ses ,

pour l a conservati on de ce qu i est supéri eur aux catastr0phes du temps , l

’amour de la véri té e t l ’horreur dumensonge et de l ’ i nj ust i ce n e s

étei gn en t pas dans lesâmes honnêtes !

Observat i on s

1 .— La dern i ere l o i même qu i ai t paru sur cet obj et

avan t l a révo luti on , le réglemen t con cern an t la n avi ga

ti on des bâtimen ts n eu tres en”

temps de guerre, du26 j u i l le t 1 778, n

’a pa s art i cu l é l e p rincipe que l epav i l l on couvre la march and i se . I l est vra i qu ’el le n ’apa s n on p lu s ,

’a l ’exemp le des loi s précéden tes , énoncél e p rin ci pe opposé , mai s

’a en j uger par l ’extrême rigueurde toutes les autres d i sposi ti on s de ce règlement , par l an atu re des preuves exi gées dan s l ’arti cl e II , pou r j usti

fier de la propri été n eutre, enfin pa r l ’art icle dern i erqu i main t i en t l ’ordonnance de 1681 en tou t ce à qu oii l n ’aura pas été dérogé par l e présen t régl emen t . I l estév i dent que

,j u squ ’en 1 778, l e gou vernemen t frança i s

n ’ava i t pei n t l ’ i n t en ti on séri euse d ’attribuer au pavi l l onneutre le pouvoi r de couvri r la marchand i se ennemie .

C e n ’est qu ’à l ’appari t ion de l a neutra l i té a rmée de 1 780

qu e la France a changé de l angage , et qu’avec u n e

effron teri e d igne de l ’aurore de ses beau x j ours e l le asou tenu qu e le gran d obj et de ces ordon n an ces avai t

touj ours été le p ri n ci pe de la li berté des mers .

2 . Le tra i té qu e les han séat i ques obtin ren t de l aFran ce en 1 769 fu t con forme en tou t a celu i d e 1 71 6.

ARCH I VES DU CO M TE CH . DE NESSELRODE . 1 85

Ma i s un fa i t p lus curi eux encore , parce qu’ i l touche de

s i près ’a l ’année c l imatéri que de 1 780, c’es t qu

uneconvention de commerce , que le gou vernemen t frança i sfi t s igner le 1 8 septembre 1 779 avec l e duc de Mecklenbourg— Schweri n , sancti onna encore u n e fo is toute l asévéri té des ancien nes ordonnances , et entre autresdéclara très pos i t ivemen t suj ette à confi scat ion toutemarchand i se ennem ie sur un bâ t imen t neutre

P

o . Le seu l tra i té du XV…"

S i è c le dan s l eque l lerai té d

Utrecht, c’estad i re l ’une ou l ’au tre des con ven

tion s part i cul ières sur l a n awgation et l e commerces ignées à l a sui te du principa l e t véri tab l e tra i téd

Utrecht, se trouve nommé , est un tra i té fa i t en tre laFrance et l a Hol l ande en 1 759 . Ma i s i l fau t vo i r à quelpropos et dans que l sens . C ’es t parce que l e tra i téde commerce conclu à Utrech t pour 25 années étantexp iré l e 1 1 avri l de l ’an née dern ière , l es deux pu i ssances , etc . Etrange l o i commun e des na ti on s qu iexpire après un règne de 25 ans !

4 . Le vra i dro i t publ i c de l ’Eu rope se trouva i t tou ten ti er dans l e s tra ités de pui ssan ce i

i pu i ssance , et n e

peu t j ama i s se trou ver qu e IH.

Le cosmopo l i ti sme de n os j ours a con sacrél ’op i n i on tout à fa i t absurde qu ’un homme juste et

imparti a l doi t touj ours se ranger du côté des n eutres e trega rder les pu i s sances bel l igéran tes comme les oppresseu rs naturel s de ces vi ctimes i nnocen tes . Un grand

1 84 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

pub l i c i s te du m eS i è cle a déjà comba ttu cette ch imère ,

en re l evan t avec u n e sagaci té admirable l a d i fférenceen tre l ’ i n térê t d ’un pays neutre e t ce l ui d ’un pays enguerre . I l d i t u trum i lli commerciorum sibi peri re

n olu n t. Bel li geran tes n olu n t qu i d fieri qu od con tra selu tem suam est. Jus commerci orum æ quum est; at hoc

acqu i s tuen dae salu ti s. Est i llud pri vatorum, hoc est

regn orum. Gedat ergo regn emercatu rapecun ia salu ti !A lberi cu s Gen ti li s de Jure belli Voi là l a ph i l osoph i ee t la ph i lan th rop i e d ’un homme d’

Etat !

6. I l se trouve à cet égard un aveu remarquabl edan s l e rapport même qu i a donné l ieu ’a ces ob servation s . Il y est d i t qu ’à l ’époque de l a pa i x d ’

Ami en s ,

l a l égi sl at i on mari t ime reposa i t encore sur sesanciennes bases Mon obj et ne saura i t être de rel everl es défauts de l ogique et d ’en sembl e dans un e p ièce oùl a véri té etles fa its son t tra i tés avec si peu de cérémon ie .

Ma i s i l e s t certa in que ce t appel inattendu à l ’époquede 1805, tout en trah i ssa n t l a p lu s p rofonde i gnorancesur l ’éta t de l a question , admet ce qu

u n min i stre deFrance au rai ttoujou rs dû contester : que la d i scuss i ondes droi ts mari t imes éta i t fermée ’a cette époque ci rcon stance qu i figu rerai tbeaucoup mieux dan s u n man ifeste b ri tann i que .

7. D ’après l es regi stres des douanes pu bh es enAmérique , l es bâtiments d e cette nation ava ien t i n trodu i t en Europe , dan s l

’année fin i ssan t l e dern ier septembre 1 806, une quanti té de sucre et de café éga l e

1 86 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

mai s i l n e ta ri ssa i t pas encore dan s les tro i s quarts ducon ti nen t toutes l es sources de prospéri té publ i qu e e tp rivée . Enfin , i l supposa i t au moin s une force mari t imequel conque ; ce lu i de Berl i n n

’étai t abso lument ca lcu léque sur l es progrès i rrés i s ti b l es d’

u n système d ’

en vah i s

semen t et d ’

oppression .

9 . La même chose a cependant eu l i eu dans l estemps où les forces n ava les des pu i ssances éta i en t forti n férieures à ce qu ’el l es son t devenues p lus tard . LesHo l l andai s , par un édi t du 26ju i n 1 650, déc l a rèren t enéta t de b locus toutes les côtes e t r ivi ères de l a F landre .

Byn kershoeck‘

, une des grandes autor i tés au commencemen t du X VII I° s i ècl e , en ci tan t et dé fendan t cet éd i t , yaj oute même un exemp l e p l u s ancien Idem p lane

jamolim temp ore n ascen ti s rei publ i cæ san c i tum fu erat.

Ex ed icto ordi n um Hollan diæ 27 j ul . 1 584 exteri nonhostes ad portu s F lan dri æ commean tes pu n ian tum

n av i um meri umqn e publ i cati on e. Quest . Jur . Pub ] .L . l e . 11 .

10. L ’ i nterd icti on généra l e — de tou t commerceavec un grand-pays d i ffè re essen ti e l l emen t du b l ocu s deses ports e t de ses cô tes , en ce qu

’el l e préten d s ’executer san s l ’emp lo i di rect d ’au cu ne force d i spon ib l e , eta ssu j e tt i t a i n s i tous ceux qu i son t é tran gers ’a la guerrea un s imp l e acte de vo lon té abso lue de l a part d ’unbel l i géran t . Tel fu t l e pri nc ipe des ord res du Con sei l

1 . BYNK ERSH O FCK (Can n h n s Van ) , cé lèbre ju r i scon su lte hol lan dai s ,n é aMiddel bou rg en 1 675, mort en 1765.

ARCIIIVES DU CO M TE C I I . DE N ESSE LRODE . 1 87

bri tann ique du moi s de novembre 1807 que ce décre tava i t fa i t na î tre . Aucune trace d ’une préten t i on parei l l ene se trouvera dan s l e s actes du gouvern emen t angla i san térieur à ces ordres du Consei l .

1 1 . Le so i- di san t tribut que l ’An g leterre demanda i t aux América i n s n

’éta i t autre chose qu ’un dro i t detran si t qu ’on para i ssa i t vou loi r a tta cher ’a cette dern ièrecl asse de marchand i ses . Ma i s i l fau t savo i r que cetimpôt , dont l es ordres du Con se i l ne fon t pa s men ti on ,n ’a j amai s é té réa l i sé , pas même dan s l e court in terval l e entre la publ icat i o n des ordres du Consei l de 1 807et l eur abrogation en 1 809 .

ARCH IVES DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE .

cette i nexécut i on et in s i s ta sur l ’en t i è re évacuati on del a Prusse . La France répondi t que tan t qu e des troupesrusses con ti nuera ien t à occuper l a Moldavi e et l a Va lach i e , et que par l

’a l a Russ i e n ’

exécu tai t pas , pou r cequ i l a concerna i t

,l e tra i té de T i l s i t , el l e n

’avai t aucundro i t d ’exiger l ’évacua t i on de l a Prusse ; que s i la Russi ed ési ra i t con server les deux Principau tés , l a Francedevrai t compenser cet agrandi ssemen t , en procuran tau terri to i re de ses a l l iés un e extens ion aux dépen s del a Prusse . La Russi e rép l i qua qu ’el le n e pouva i t po i ntadmettre l e rapport que la France chercha i t à étab l i ren tre l es a ffa i res de l a Porte et cel l es de la Prusse ; quele tra i té de T i l s i t l ’obligeai t à la véri té à ret i rer sestroupes des deux Pri nc i pautés , mai s que dans l es con féren ces en tre les deux Empereurs , Napol éon ava i t verbal emen t consen ti ’a ce qu ’el les y resta ssen t , et ava i tp romis de ne pas s’opposer qu’à l a pa ix e l l es fussen tréun ies à l a Russ ie , s i l a n égocia t i on deva i t en amenerl a cess ion . La France ne se con ten ta pas de cette ra i son ,

répéta sa p remière propos i ti on , augmenta ses prétenl i en s sur l a Prusse ; et malgré que dans l

’ i n terva l l e n ouslui eu ss i on s donné , par l a décl arat i on de guerre à

l’

A n gleterre et à l a Suède , des preuves incon testabl esde n o tre fidél i té à nos engagements

,el l e pers i sta i t à ne

pas vou loi r en ret i rer ses trou pes .Les négocia t i on s rou l èren t sur l e même objetju squ

au

moi s d ’avri l 1808, époque où l’

Empereu r Napoléonparti t pour Bayonne , afin d

’achever ses proj ets surl’

Espagn e et l e Portu ga l envah i s depui s peu de moi s par

ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NESSELRODE . 1 9 1

les troupes frança i ses . Les con férèn ces de Bayonneamenèrent l

abd i cation des roi s Charl es IV ’ et de Ferd inand VII ’ . Joseph Bon aparte fu t n ommé roi d’

Espagn e,

e t Mura t,l e grand— duc de Berg , ro i de Nap les . La Russ i e

s’

empressa de l es reconnaî tre , a l l ant a i n s i au devan tde ce qu e l a France ava i t à dés i rer . En a ttendan t cesévénements , ces u surpat ion s exc i tèren t l es E spagno l sà la p lus vigoureuse rés i s tance . Toutes l es provi nces decette monarch i e se sou levèren t le s unes après les autrescen tre l ’eppressi on étrangère . Leurs gén éreu x eff orts n etardèren t pa s à être couronnés par l e s p l us bri l l an tssuccès l e corp s du gén éra l Dupont fu t forcé de cap itu ler ; celu i du marécha l Moncey ‘ , battu près de Va lence ,1 . CHARLES IV , roi d’

Espagn e, 1 74 8— 1 81 9 , dev i n t roi en 1 788, ad

qua en 1 808, en faveu r de Ferdi n an d ; pu i s vou lan t reven i r sur sa

déc i s ion , pri t comme arb i tre Napol éon , qu i att i ra la fami l le royale à

Bayon n e ; celu i - c i persuada à Charles IV d ’

abd i qu er en sa faveu r le

trai té fut s i gn é le 5 mai 1 808 et Ferdi n an d l ’accep ta. Charles IV futen voyé à Comp i ègn e, pu i s i l all a rés i der a M arsei l le, ju squ ’en 1 81 1 ,et en fi n à Rome où i l mou ru t .2 . FERDINAND VII, f i l s aîn é de Chai les IV , roi d

Espagn e. 1 784 - 1855.

5. DUPONT DE L ’

ETANG (Pierre) , n é à Chaban ai s (Charen te) , 1 7651858, combatt i t a Valmy , et servi t dan s l ’armée de Belgi que, où i lfut n ommé gén éral de bri gade i l comman da u n e di vi s ion à

Maren go, pr i t part à la .ampagn e de 1 805, où i l se cou vri t de gloi reen arrêtan t à Hass loch , près d’

Ulm, avec u n e poign ée de soldats , lemaréchal M ack qu i essayai t de sort i r d’

Ulm. Il se d i st i n gua en core àFried lan d , mai s sa carr i ère ju squ ’

alors si br i l lan te, fut mal heu reu semen t termi n ée en Espagn e. Chargé , en 1 808, de con quéri r l

An dalou

sie, i l perdi t la tête en présen ce du gén éral espagn ol Castan os , ets ign a la cap i tu lat ion de Bay1en (25 ju i l let A son arri vée en

Fran ce, i l fut accu sé de trah i son par Napol éon et demeu ra en ferméau fort de Jeu x , ju squ ’

au retour de Lou i s XVIII.

4 . MONCEV (Adr ien — Jean n ot de) , du c de Con egl ian o, maréchal deFran ce, n é à Mon cey , prè s de Besan con . 1 754 4 84 2 .

1 92 ARCH IVES DU CO M TE C H . D E NE SSE LRODE .

dut renoncer au p lan de s ’emparer de cette p lace importan te ; le généra l Junot se rendi t

’a l ’armée angla i se ,débarquée en Portu ga l ; Madrid fu t évacuée , et lesdébri s de l ’armée frança i se se cen cen trèren t derri èrel’

Ebre. Napol éon vi t b i en tô t que les moyen s qu ’ i l ava i temployés éta ien t i n su ffi san ts , et qu e, ne vou lan t pasabandonn er l e proj et de soumettre la Pén i n su l e à sonsystème , i l n e lu i restera i t qu

’à y envoyer l es forces que ,depu i s l a campagne de 1 807, i l ava i t con servées enPrusse et en A l l emagne . Ma i s i l n e crut pas pouvo irreti rer ses armées de cette parti e de l ’Eu r0pe san ss ’assurer aupa ravan t des d i sposi t ion s de l a Russi e , afinqu ’aucune d iversi on dan s le Nord ne para lysâ t ses p roj ets con tre l e M i d i . I l p roposa une en trevue qu e l

Empe

reu r A l exandre accepta . Une au tre circon stance rend i tpour lu i cette p récaution p l u s nécessa i re en core. Lamai son d’

Au tri che voyant , dan s le sort que venaien td

ép reu ver les ro i s Ch arles et Ferd inand , l’ i ndi ce l e plu s

certa in d ’un arrêt de mort prononcé dans l ’espr i t deNapo léon con tre toutes les anciennes dynasti es , réso lu tde vendre cher son exi stence et organ i sa d ’ immen sesmoyens de défense .

Napol éon revi n t au mois d ’août à Pari s . Deux fa i t smarquan ts sign al èren t son séj our dans la cap i ta l ePressé de reti rer ses troupes de l a Prusse pour l es

envoyer en Espagne , i l p récip i ta avec ce l le— ci des n égoc iation s qu i ava ien t l an gui depu i s

'

p lu s de s ix moi s . Leré su l ta t en fu t u n e convention qu i fixai t l a dette de l aPrusse à 1 50mi l l i on s de francs , lai ssa i t l a France en

1 94 ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

France n ’ayan t poi n t été ratifiée , cel l e— c i accorda , su rl’

i n tercessi on de l ’Empereu r de Ru ss i e , une dim i nu ti onde 10 mi l l i on s , ce qu i fixai t défini tivemen t l a dette d el a Prusse ’a 1 20mi l l ion s de francs , pa yabl es en deuxan s , ara i son de 5 par moi s .

Indépendammen t de ces obj ets , l es deux Empereursconcertèrent u n e démarche pac ifique auprès du gouvernemen t bri tann ique ; i l s écrivi ren t en commun unel ett re au ro i d ’

An gleterre, qui fu t expéd iée par un courrier , et l e comte Roumian tzof se rendi t

’a Pa ri s pou rpoursu ivre cette négociat ion qui échoue , parce qu el’

An gleterre vou l a i t qu e des p lén i peten tiai res espagnol sy fussen t admi s .

L’

Empereu r Napo léon , sans en a ttendre l’

i ssue , parti tpour l ’Espagn e. Après avo i r d i spersé deux a rmées espa

gn oles , ramené son frère Jo seph à Madri d et forcé l esa rmées angla i ses de se rembarquer à l a Corogne , i lrevi n t à Pari s , rappel é par l a nouvel le des armemen tsde l ’Au tri che, qui , a l l an t tou j ours en au gmentan t , lu ifa i sa i en t prévoi r l a possib i l i té d ’

u ne prochai ne ruptu re ,Depu i s ce moment , j usqu

’à celu i où e l le eu t effecti vemen t l ieu , l es efforts du cab inet russe tendiren t à l a préven i r ; i l o ff ri t à l

Au tri che une garan ti e que ce l l e— c i n ’accepta pas , parce qu

’el l e aura i t dû désa rmer . Les arméesau trich iennes passèren t l ’In n l e 9 mars 1 809 . L

Empe

reu r Napoléon , en conséqu ence , qu i tta Pari s e t se mi t àl a tête de ses armées . L’

Empereu r A lexandre , pou rremp l i r les engagements conclu s à Erfurt , fi t en trer u n earmée en Gal i c ie. La p lu s grande parti e de ses armées

ARCH I VE S DU CO M TE C II . DE N ESSELRODE . 195

é tan t absorbée par l es guerres d e Turqu i e e t de Suède ,i l ne put réun ir , auss i promptemen t que l a Francel ’au ra i t dés i ré , ses forces pour agi r con tre l

Au tri che, e tce ne fu t qu ’au mo i s de j u i n que l e corp s du princeGal i tzi n se porta en avant . I l é ta i t a rrivé ’a l a hau teu rde Tarnow et de C racovi e , l orsque l

’armi stice fu t concluentre les armées au tri ch iennes et françai ses . Les n égoc iati on s qu i s ’en su ivi ren t ayan t traî né en longueur ,l’

Empereu r de Russi e en voya au quarti er généra l del’

Empereu r Franço i s son a ide de camp Tchern i chef avecu n e lettre , dan s laquel le i l décl a ra qu e s i l

Au tri che n efai sa i t pas la pa ix , l es a rmées ru sses a l l a ien t agi r offensi vemen t, s e réun i r aux Po lona i s e t en trer con j o in temen tavec eux en Hongrie . Cette démarche fu t décis i ve , et l apa ix concl ue à V i en n e au mo i s d ’octobre . La France yava i t s ti pul é en faveur de l a Russ i e u n e cess i on de4 00mi l l e acres .Cette guerre ava i t pu i ssammen t con tri bué ’a révei l l er

dans l ’e5pri t des Po lona i s l es i dées de res tauration deleur ancienne pa tri e , qu i n

’y avaien t j amai s été comp lètemen t éte i n tes . L

agran di ssemen t qu’

obti n t l e duchéde Varsovi e sembla i t fa i t d ’a i l l eurs pour les nourri r .

La Russie s ’en p la ign i t , e t l’

Empereu r Napo léon proposa une conven ti on don t le bu t éta i t de fixer l e sort

futu r du duché de Varsov i e , de fa i re cesser toutes lesincerti tu des , de ca lmer l es fermen ta ti on s , en un mot derassurer la Ru ss i e sur ses proj ets à l ’éga rd de l aPol ogne . Le du c de V i cen ce reçu t des p lein s pouvoi rs ,e t l a conven ti on fu t conclue au moi s d e décembre 1 809 .

1 96 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NE S SE LRODE .

Pendan t ce temps , l’

Empereu r Napol éon s eta i t d ivorcéde l ’Impératri ce Joséph in e et ava i tdemandé en mari ageu n e arch iduch esse d’

Au tri che. Le consen temen t de laCour de V i enne arriva à Pari s presqu

au même momen tque l a conven tion polona i se . La première con séquencedes n ou veaux l i en s de fam i l l e que Napol éon vena i t decon tracter fut un refus de ratifier l a conven tion . I l soutena i t que son ambassadeur ava i t o u trepassé ses pouvoi rs , q uo ique les s tipu l a ti on s qu

’el l e con tenai t eussen tété mi nu tées par l e p ri nce Kou raki n , presque sous lad ic tée du duc de Cadore . On s

accrocha à l a rédact iondu premi er po in t , où i l é ta i t di t que l a Pologne nesera i t j ama i s rétab l i e La France p roposa d ’y subs ti tuerun article , pa r lequel e l l e s

en gageai t a ne con tribuern i d i rectemen t , n i i ndi rectemen t au rétab l i ssemen t del a Pol ogne . E l le p rétenda i t qu ’el le ne pouva i t pa s an t ic i per sur l es décrets de l a Providence ; qu

’ i l fal la i t quel e sang frança i s n e fût versé n i pour , n i con tre lesPolonai s ; mai s que , par conséquen t , e l l e ne pouvai tadmettre une condi t ion qui l ’obl i geât à agi r con tred ’au tres pu i ssa nces , s

’ i l l eur p renai tjamai s fan ta i si e deré tab l i r l a Po l ogne . La Russ i e n e voulan t , de son cô té ,poin t se re l âcher de la le ttre de l a conven ti on , tel lequ ’

el l e avai t été s ignée , cette affa i re don n a l i eu à

l ’envo i de p lu sieu rs courriers,se prol ongea duran t l a

p remi ère moi t i é de 1810 et n ’amena au cun résul ta tquelconqu e . La vér i tab l e cause qu i l a fi t échou er doi tê tre recherchée dans les nouvel les rela t i on s qu i a l orscommencèren t à s ’étab l i r en tre l ’Au tri che et l a France .

1 98 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE .

Varsovie , e t fi t di riger su r Magdebou rg l e grand parcd ’a rti l l erie qui é ta i t à Mayence . Au mois d ’octobre , denou ve l les vexat i ons fu ren t résolu es . Le ta ri f de Crian onfu t i n trodui t à ma in armée dan s tou s l es pays qu igémi s sa ien t sou s l ’ i nfluence de l a France . Partou t en

brûl a l e s marchandi ses angla i ses ; par tou t l a v io l at i ondes propri é tés fu t poussée au plu s hau t poin t . LaFrance proposa à l a Russi e d ’adopter l es mêmesmesu res . Ce l l e - c i l es rej e ta comme con tra i res ’a sondépendance et à ses in térêts . Les fo rces frança i sesdans le n ord de l ’A l lemagn e s

accru ren t sen sib lement .Au moi s de décembre , Napo l éon prononça la réu n iondes v i l les hanséa tiqu es et de tou t l e terri to i re qu i ,d ’après l e s anciennes f ron t i ères de la Hol l ande , s

’é tendj usqu ’ à e l l es . Le du ché d

Olden bou rg s ’y trouva i tengl obé . Le gou vernement frança i s fi t p roposer à l aRussi e

,so i t de la i sser au du e la pa i s ib l e possessmn de

son pays , en y admet tan t seu l emen t u n e garn i son et dedou anes frança ises , so i t de l

échan ger con tre E rfu rtavec u n su pp l émen t de revenus pré l evés sur le sdoma ines de l ’Olden bou rg . Ma i s en ne lai ssa pas même

au du c l e temp s de cho i s i r hu i t j ours après que l ap ropos i ti on ava i t été fai te , des employés frança i s serendi ren t dan s l ’Olden bou rg , en pri rent possess i onsou s les formes l e s p lus du res pour l e duc , l es p lu sou tragean tes pour l a pui ssance sous l a protect ion delaqu el l e i l admi n i s tra i t ce pays . I l fu t forcé de l ’abandonner e t de cherch er un as i l e en Russi e . Sur cesen tre fai tes

,la réponse de cel l e- ci a rriva ’a Pari s ; el l e

ARCH I VE S DU COMTE CII. DE N E SSE LRODE .

n’

attri bua qu a une mépri se tou t ce qu i s ’éta i t fa i t ,re fusa toute i ndemn i té , et demanda que tou t fû t remi ssur l ’ancien p ied , a i n s i que l e tra i té de T i l s i t l

’ava i tstipulé . La France s ’y refusa . En réponse au cou rrier ,porteu r de ce tte nou ve l l e , en envoya au pri nce Kou rak i nl ’ord re de fa i re des représen tat ion s p lu s pos i tives , etdans le ca s où e l l es n ’

obti en drai en t au cun succès , deremettre u n e n ote par l aqu el l e , en pro testan t con tre l aréu n ion de l ’Olden bou rg , l a cou r de Russi e metta i t sesdro i t s en réserve . Les démarches que l ’ambassadeur fi t ,en conséquence de cet ordre , furent n on seu lemen ti n fru ctueuses , mai s au ss i le mi n i stère françai s y aj outagratu i temen t une nou vel l e i nsu l te , en refusant d

’accepter l ’o ffice que le prince Kou raki n vou lu t remettre .

I l n e resta donc à l a Russi e que de l e rendre pu bl ic , enl e fa i san t présenter à tou te s l es autres cours de l ’Eu rope.

Qu e l le que fû t l a modérat ion avec l aquel l e cette

p i è ce ava i t été rédigée , car el l e se termi n a i t par l’assu

rance , bi en posi t ivemen t exprimée , que cet in c iden tn

amèn erai t au cu ne a l téra tion dan s le s rapports d ’

ab

lian ce qu i su bsi sta i en t en tre l es deux cours , l a Francea ffecta d ’y vo i r u n e provoca tion et en fi t u n gri ef à laRu ss ie . E l l e en trou va un second dan s l e tari f qu ece l l e- ci pu bl ia l e 1 er j anvier , et l e p ri ncipa l dan s l e sarmements auxqu el s e l l e ava i t e l le-même donné l ieu ,

e t dont , au moi s de février , e l l e commença i t à ê treinstru i te par l a marche de c inq d iv i s i ons qu i fu ren tret irées de l ’armée de T u rq u i e pou r ren forcer cel lescantonnées dans l es provi nces ci- devant pol onai ses .

200 ARCIIIVES DU CO M TE C II . DE N E SSE LRODE .

C ’est sur ces tro i s po ints qu e roulèren t pendan t toutel ’année 1 81 1 l es d i scu ssi on s en tre l es deux cours . LaFrance ne cessa de demander que l ’on envoyâ t aup rin ce Kou raki n des p l e in s pouvoi rs pour arranger cesd i fférends . La Ru ss i e répond i t que par l a p l ace mêmequ ’ i l occupa i t , cet ambassadeur éta i t su ffisammen tmu n i du pou voi r de recevo i r et t ransmettre des proposi tion s que la France l u i fera i t à l ’égard d’

Olden bou rg ;

qu ’el l e n e se refu sa i t pas à l e s écouter , quoi que l ap roposi t i on d

Erfu rt fût tou t ’a fa i t i nadmiss i b l e etqu ’e l l e préférâ t que tout fût remis su r l ’ancien p i ed .

Tel l e éta i t l a réponse don t l e co l onel Tchern i chef fu tporteu r au retour de son second envo i à Pétersbeu rg .

Le du c de V i cen ce rapporta à Pari s des exp l icat i on sp lu s posi ti ves en core, qu oi qu

el les fussen t dan s l emême sen s , auss i n e p rodu i s i rent- e l l es aucun e ffet . Legouvernemen t frança i s feign i t tou jou rs de vo i r dan snotre cond u i te des arri ère — pensées et des p roj etsd ’a ttaque dan s nos armeme n ts . La fameu se conversat ion que l ’Empereu r Napol éon eut avec l e princeKou raki n ,

au cercl e du 1 5 août , n’ava i t d ’

au tre bu tque de rej eter l es torts su r n ou s et de nous amen erà u n e exp l ica ti on . Cet te ten tat ive n ’eu t pa s p lus desu ccès qu e l es p récéden tes , et le s ch oses en restèren tlà j u squ ’au moi s de février 181 2 l a France touj ours à

i n si ster sur une exp l i cat ion e t la Russi e à s ’y refu ser,

prétendant que ce n’éta i t po i nt e l l e qu i avai t fa i t na î tre

l e di fférend et en frei n t l e tra i té de T i l s i t ; que , parconséqu en t , c

’éta it à l a France à trouver etaproposer

202 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

i nsul ter à l ’ i n térêt que prena i t ’a lu i une pu i s sancequ ’ i l ava i t servie p endan t 50 an s ; cel l e du cheval ierMa l l i a , qu i eu t l i eu dans un momen t où l es arméesru sses coopéraien t avec l eurs armées françai ses con trel’

Au tri che ; l e refus de l a i sser passer par l’emp i re

frança i s l e comte Mocen i go , nommé min i s tre enSardaigne ; ce lu i de permettre au consu l Laben sk ide s

embarquer dan s un des ports de l a France pou rl e Brés i l : l ’arresta t i on et l a confi sc at i on de bât imentsmarchands russes , sa i s i s dan s l a Bal ti que par descorsa i res fran ça i s ; et en fin , ce qu i es t p lu s fort qu etou t l e reste , l a p ré ten t ion d

’exclure l es n eutres de sports de la Russ ie , l orsqu

’ i l s son t l ibremen t admi s enFrance et que ce l l e- c i fai t même , depui s l ongtemps ,avec l ’An gleterre, un commerce d i rec t au moyen d

u n

sys tème de l icences , sur l eque l l a Russi e , depu i s deuxan s , lu i demanda i t en va i n des exp l ica t i on s .

LETTRE

D E L’EMPEREUR ALE XANDRE 1 A IHAMIRAL TCH ITCIIAGOF

Wi ln a, le 2 mai 1 81 2 .

Ayan t é té dan s l e cas de fa i re des courses a ssez loi nde Wi lna , du côté de Schawel et de Plou n jan i , j

’a i successivemen t reçu vos l et tres , qu i se son t su ivi es de trèsprès . C ’est donc ’a tou tes qu e j e répondra i à l a fo i s .L ’éta t dan s l eque l vou s t rouverez l es négocia ti on s à

Boukharest change beaucoup toutes l es ré fl ex i ons quevous fa i tes sur l es condi t i on s de la paix . Les p lén i peten tiai res , on t s igné tous déjà l es prél imi na i res par l e squel s l es cours du Pruth e t du Danu be formeron t l afrontière . I l paraî t d onc que l e p lus s imp l e est de nerien changer à ces

,con di tion s , pou r n e pas entraver

l ’œuvre s i sa lu ta i re de l a pa ix . Jamai s les.Turcs n ’on t

demandé la rest i tu t ion de l a Géorgie . I l serai t doncrid icu l e de s ’occuper de sacrifices auxquel s l es ennemi sne pen sent pas même .

S i ce tte pa ix se trouve s ignée, n ou s acquerron s . san s

204 ARC H I VE S DU CO M TE CII . DE NE SSE LRODE .

con tred i t , de grands avan tages dan s l e ta t actu e l deschoses . Ma i s i l n e fau t pas se d iss imu l er que ce tte pa i xprésen te au ss i des inconvén i ents . Le généra l Kou tou sofa négl i gé u n poi n t trè s importan t c ’est de n ’

offri r les

concess i on s que n ous avon s fa i tes dan s nos p réten tion s

qu’

à cond i ti on d ’une a l l i ance dé fen s ive e t offens ive . Cen ’ es t que cette a l l iance qu i pou va i t nous dédommagerde l a gêne que va mettre cette pai x dan s nos rapportsavec les Serbes e t l es nati on s s l aves , s i importan ts pournou s , surtou t dan s l

’époque p résente . S i un moyenpouva i t encore se présenter pou r obten i r l ’a l l iance avecl a Porte et l a coopéra t i on par l es Serbes et l es nat i on ss l aves con tre l a France et ses a l l iés , i l n e faudra i t riennégl iger à cet e ffet . Cependan t , n

’oubl i ez j ama i s qu e cen

’ est pa s par des comp lai sances qu ’on obtien t qu el qu echose des Turcs . I l s l e s attribuen t chaque fo i s à l afa ib l esse

et au beso in qu ’on a d ’eu x l e s pap iers que lech ancel i er n ou s envo ie e t ceux que vous trouverez auquart i er généra l , vous en don neron t ma intes et mai n tespreuves . C ’est en l eu r p résen tan t une perspect i ve de

dan gers vra i s ou en trés , po u rvu qu’ i l s so ien t de na ture

à produi re sur eux l a peur , qu’on obt i ent d ’eu x ce qu ’on

désire . Sous ce rapport , l e s i n s tructions de M . Tavan t ,qui me l es a lues

,servi ron t beaucoup . Le Pri nce Roya l

fa it part aux Turcs du p lan de Napol éon , en ci tan t le scan aux par l esquel s i l s ’en trouve au fa i t . Ce sontd ’anciennes l i a i son s avec l e s personnes l es plus mar

qu an tes , au près même de l a pe rsonne de l’

Empereu r

Napo l éon ,auxquel l es i l l e doi t .

206 A RCH IVE S DU CO M TE C II . DE NESSELRODE .

sager cette propos i t i on comme devan t ménager l e sangmusu lman . Les p lein s pouvo irs pour conclure l e tra i téd ’a l l i ance avec la Porte vous son t envoyés .

Quan t à ceux pour les cours de Pa lerme et de Sardaign e , nou s sommes encore s i l o i n des résu l ta ts qu ipourront vou s mettre en rapport avec ces pays que n ou sauron s tou t l e temps de vous l es envoyer , s i beso in ensera .

Vous fixer ma in tena n t exactemen t le temps où doiven tcommencer l es opérati on s , est a ssez d i ffici l e . I l est trèspossi bl e qu ’e l l es ne von t pas tarder , pui sque l

Empereu r

Napol éon a qui tté Pari s , e t do i t se trouver déj à’a D resde

e t peut- être même ’a Ber l i n . Ma i s j e vous ti endra i exactement i n formé de ce qui se passera i ci .Quan t au p lan d ’opérat ion con tre les Au tri ch ien s ,

nous ne pouvons en avo i r d ’au tre qu e ce lui de n ousopposer aux mouvement s qu ’ i l s pourron t fai re con trenou s , par l

’armée du généra l Tormassof , dan s l a l igneentre Lemberg et Kief ; tandi s qu e s i l a pa i x avec l e sTurcs va nous la i sser ma î tres de d i sposer de l ’arméeque vou s commandez , l a tâche doi t être de se porter surl a Bukow in e , et de prendre pa r l à en fl anc l es forcesau trich iennes . S i vou s ob tenez l a coopéra ti on des Turcs ,a l ors on pourrai t même tâcher de pénétrer plus aucœur dans l e Banat . Cec i do i t dépendre de vos p ropre scombi n a i son s , des l oca l i tés et de ce que vou s au rezobtenu des Turcs , comme auss i des fac i l i tés que vousaurez trouvées dan s l es mécon ten ts de Hongrie .

Avant de bi en presser l e secours de l ’ An gleterre,

ARCH I VES DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE . 207

fa l l a i t— i l s ’assurer en core s i e l l e es t d i sposée à endonner . Nos commun icat i on s avec e l l e ne passan t pa spa r l e cab inet suédoi s , ma i s di rectemen tpar MM . deSu chetelen et de Ni co l ay à M . Thorn ton qu i es t à

S tockholm , nous a ttendons ses répon ses , ce qu i va n ousmett re à même d ’en trer en d i scussion pos i t ive , où n ou spou rron s préci ser l es choses . Au reste , nous avonscommun iqué tout l ’en sembl e de no tre p l an et ce qu enous dés i ron s que l ’A n gleterre fa sse pour y concou ri r .

S i l a pai x avec l a Tu rqui e es t fa i te , vous n’aurez p l us

beso i n de l a fl o t te de l a mer Noi re , e t tou t auss i peude mettre l ’embargo sur l es bât imen ts marchands ;cependan t , j

’a i envoyé au V i ce- am ira l Gol i kef l ’ordre dese t rouver sous votre commandemen t e t j ’en a i avertil e marqu i s de Traversay . Pour l ’état de guerre des provinces de l a Nouvel le— Russ ie , i l me sembl e que ce l acesse d ’être nécessa i re

,dès l e momen t que l a pa i x es t

fa ite avec l a Porte . Toutes vos opération s do iven t sedi ri ger du côté oppo sé , e t don t ces provi nces se trouven tél o ignées . S i vous agi s sez en Bukow i ne , a l ors c

’est l aPodol i e qu ’ i l faudra mettre sous vo s ordres , et c

’es t ceque je comp te fa i re . S i pa r contre , vous portez vosforces p lus l o in , cel a dev ien t de même inuti l e . Lesdépôts de recrues qui son t des tinés pour l es quatred iv i s ion s composan t vo tre armée

,son t ceux de Czi gri n ,

d’

El i sabetgrad , de Novo—mi rgorod etd’

Olv i opol . Ma i s jedés i re beau coup que vous n ’y touch iez pas encore , parcequ ’ i l fau t donner d ’abord l e temps à ces recrues de seb ien former , et , secondemen t , parce qu e l

’armée du

208 ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE .

généra l Tormossof n eta n t pas forte , ces dépots l u iserven t de sout i en .

Des ind ividu s qu e vous m’avez demandés , en va vou s

envoye r l e général Gew l i tch et MM . Mi n tch iaki et Maraci n i ; quan taPi san i ’ , i l e s t hors du service , vieu x , et afa i t un peu l e mut in , et Carbon n ier ’ est emp l oyé ac tivemen t dan s sa parti e ; i l sera i t d i ffici l e de l

’en détacher .

Mai s vou s avez ’a votre armée l e généra l Saban eef ’ , quil e vaut certa inemen t pour en fa i re un chef d’

état

maj or . J ’a i donné ord re au mi n iStre des finances defourn i r Rac hman of de fond s .

Pour l ’Exarque, i l es t en route pou r reven ir à sonposte . C ’est un v ie i l la rd très respec tab le e t qu ’i l fau tque vous ménagi ez . Je n ’a i aucune i dée du sermentpour l es ecc lési a s tiques dont vous me parl ez . Je vousengage i n s tammen t à être très pruden t su r tou t ce qu i

1 . PISAN I (N i colas , An ton ov i tch ) , d ’

u n e an cien n e fami l le de Ven i se,en tra en 1 772 au servi ce de la Ru ss ie, fut d’

abord drogman de l’ambassade ru sse aCon stan t i n ople, où i l fut en fermé avec Bou lgakof au xSept Tou rs , pu i s f ut n ommé en 1 802 , drogman du départemen tasiati que au mi n i s tère des affai res étran gères .

2 . CARRONNIER (Léon d’

Amy) , gén éral , i n gén i eu r ru sse, n é en Fran ce1 770— 1 856.

5. SAB \NEEF (Ivan , Vasi l iev i tch ) , gén éral d ’

i n fan ter i e, 1 770— 1829 .

Pr i t part à la secon de guerre de Tu rqu ie, à la campagn e con tre lescon fédérés polon ai s et au x campagn es de Su i sse et d

Ital ie sou sSeuvarof ; f

ut fai t pr i son n ier à la batai l le d '

Altdorf et en voyé en

Fran ce, où i l étud ia la tacti que n ou vel lemen t mi se en prati que dan sl ’ i n fan ter ie fran çai se, fut n ommé en 1 805, comman dan t du 12° chasseurs, pri t part en 1 808- 1 809 à la ’guerre de Su ède, en 1810— 1 81 1 , a

cel le de Tu rqu i e et au x campagn es de 181 2- 1 81 4 . Il bloqua Metz en

1815 avec le corps d ’

armée qu ’

i l comman dai t etpac i fi a les Vosges .

D E PECH E

DU COMTE ROUMIANTZOF A U COMTE DE B A SSANO

Réd ig ée p ar le comte de Nesselrode.

Wi l n a, mai 1 812 .

Mo n s ieur le Duc ,

Le pri nce de Kou rak i n a eu ordre de commun iquerà Votre Exce l l ence l a dépêche qu e j e l u i a i adressée endate du ’ E l l e serva i t de réponse à u n e conversa ti on qu e l

Empereur Napol éon ava i t eue avec lecol onel Tchern i chef . Déj à , dan s ce t en tret i en , l

Empe

reur avança pl u si eu rs de ces griefs que Votre Excel lencea a l légués dans l a dépêche que me remi t le comte deNarbonne . Le prince de Kouraki n fu t chargé de les réfu ter .

Quo ique l es i n struction s don t i l a été muni , à cet

effe t , eu ssen t épu i sé tou t ce qu i pouva i t tendre à con

1 . La date dan s l 'or igi n al est en blan c .

2 12 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

sta ter l ’extrême fidél i té avec l aquel l e l ’Empereu r , monauguste maî tre , a rempl i ses engagemen ts envers l aFrance , sa Maj esté cro i t n éanmo in s devoi r à l

Eu rope,

menacée des mal heurs d ’une nouvel l e guerre , el l e croi tdevoi r à e l l e-même , de d issi per tou s l es doutes , d

éc lai r

c i r toutes l es quest i on s par un examen plus sévère e tp l us déta i l l é des d i fféren tes asserti on s con tenu es dans ladépêche de Votre Exce l l ence .

El l e commence par une i nterp rétation du tra i té deT i l s i t que Sa Majest é n e saurai t admettre dan s aucuncas , parce que l es tra i tés n e son t ob l igato i res que pourl es st ipu la t i ons qu i s ’y trouven t exp l ici temen t énoncée se t n on pour des c lauses , qu i n

’ayan t aucun rapport avecel le s

,son t présen tées en su i te comme une conséquence

de ces tra i tés . Cel u i qu i fu t conclu ’a T i l s i t , l e25 j u in/7 ju i lleten tre l es deux cours , porte que l a Russ i e décl arera l a guerre à l ’An gleterre dans l e cas où cettepui ssance n ’aura i t pas con sen t i à fa i re l a pa ix avec l aFrance avan t l e 1 er décembre de l a même année , enrecon na issan t que l es pav i l lon s de toutes l es pu i ssancesdo iven t j ou i r d ’une éga l e et parfa i te indépen dance surl es mers, et en resti tuan t l es con quêtes par e l l e s fa i tessur la France e t ses a l l iés depui s 1805. San s atten drel e term e du 1 " décembre , l a Russi e déc lara l a guerre à

l’

An gleterre, l e 1 9 novembre , e t s i cette pui ssan ce répondi t par l ’attaque de Copenhague à son offre de med iation , l a Russ i e y rép l i qua par sa déclara tion de guerre ,p l usieurs j ours avan t l ’époque fi xée par l e tra i té , et

dan s un momen t où l a France étai tel le—même en p l eine

2 1 4 ARCH I VES DU CO M TE CH . DE NESSELRODE .

décrets , l a France n’ava i t aucun dro it d ’en ex iger

l ’adoption . E l l e pouva i t tout au plu s la l ui demander ,n on comme u n e conséquence na turel le d ’un acte qu in

en fa i sa i t au cune ment i on , ma i s comme u n e nou ve l l ecompla i sance , un nouveau sacrifice qu e la Ru ss ie pouva i t admet tre ou rej eter su ivant ses convenances et sesin térê ts . C ’es t en e ffet sous ce po i n t de v ue que l aFrance envi sagea cette questi on depu i s le mo i s demars 1 808 j usqu ’au moi s de nov embre 1 81 0. E l l en

adressa aucun e p la i n te à l a Russie sur l ’admissi ondes n eutres qu i pendant tou te cette époque aborda ien tl ibremen t dan s nos ports d ’après les mêmes pri nci pescon tre l esqu el s l ’en pro teste mai ntenant . Ce n e fu t qu ’aumoi s d ’octobre 1810 que la France n ou s adressa l ademande forme l l e d ’adopter l e tari f de Tri anon et d ’exclu re les n eu tres , ce qu i équ iva la i t à une p rescri ptionde tout commerce . Dès l ors , l

Empereu r pressen ti t quel e gouvernemen t frança i s ava i t f

ormé l e proj et de marcher à la destructi on de l ’An gleterre par l a conqu ête etl a ru in e success ives de tous l es peu p les du continen t .Les mesures qu i accompagnèren t et qu i su ivi ren t ce ttep réten ti on n e la i ssèren t aucu n doute su r l ’a rrièrepen sée qu ’e l le sembla i t dévo i l er .

Au commencemen t de l ’année 1 810, l es re la t i on sentre les pui ssan ces du con ti nen t o ff ri ren t des é l émen tsde tranqui l l i té et d ’un ion qui , après ta n t d

agi tation s ,

sembla i ent enfin p résager une pa i x durabl e et ce t accordde mesure et de pol i t ique par leque l vo tre cabi n etcroya i t p ouvoi r seu l amener u n e pa ix généra le . Le tra i té

ARCH I VES DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE . 215

de V i en ne ava i t pac i fié l’

A l lemagn e. Vous ne sauriez,

M . l e Duc , méconnaî tre l a pa rt act ive que l a Russi e yava i t eu e. Sa pui ssan te in terven ti on au près

de l A u tri ch evous évi ta l es chances d ’une nou vel l e campagne , enmême temps qu ’el l e décida cette cour ades sacrifice s

qu i é tendiren t considérabl emen t le pouvo i r de l a France .

Le tra i té de Friedri chshamm rétabl i t l a pa i x dan s l eNord . La Suède accéda à l ’a l l i ance cont inen ta l e . Depu i sle pôl e a rc ti qu e j usqu ’au détro i t de Mess i ne, tou s l espeup les , tous l es cab in ets su iv i ren t l e même sys tème .

Le mariage de l’

Empereu r Napol éon , en ra ffermi s san tses rappo rts avec l ’Au tri che, con so l i da cet ordre dechoses et e ffaça l a dern ière trace que l a guerre de 1 809ava i t l a i ssée. I l du t fa ire espérer u n l ong i n terva l l e debonheur . LDes i n cert i tu des à l ’éga rd du duché de Va rsovie , su i tes de l a fermen tat i on à

laquel le cet Eta t ava itété en pro ie duran t l a guerre , e t entretenues par l

’agrand i ssemen t cons idérab l e que l a pa ix de V i enne l u i procura , ava ien t donné l ieu encore

’a quelques d i scuss i on sen tre l a Russ ie et l a France . Une conven tion conclue àPétersbeu rg sur des bases a rrêtées à Pari s par le prédécesseu r de Vo tre Exce l l ence e t le prince de Kou raki n ,

a l la i t l es fixer et anéant i r à j ama i s tou t gen re de d i scorde entre nous . Ma i s ’a peine l es n égocia ti on s avecl’

Au tri che pou r le mariage de l ’Empereu r Napo léonéta i en t— el les terminées que votre cour refusa de ra tifierl a conven t ion ; à peine l e mariage éta i t— i l conc lu que l aH ol l ande fu t réun i e ’a l a France

,que le s troupes restées

dan s l e mi d i de l ’Allemagn e marchèren t vers l e Nord ,

2 16 ARCH I VES DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

que 60000 fus i l s furen t envoyés au duché de Varsoviee t l e grand parc d ’arti l leri e tran sporté de Mayen ce à

Magdebou rg .

C ’

es t a i n s i qu e s evan ou i t cet espo i r de l a pa ix ,au quel l es peu p les du cont inent avaien t cru en fi n pouvo ir se l ivrer après vi ngt année s de gu erre et detrou bl es . C ’es t a i n s i que l a demande de fermer herméti qu emen t l e s ports de l a Ru ss ie fu t précédée pa r denou veaux bou l eversements et accompagnée de démon strati on s h osti l es . Les événemen ts qu i su ivi rent furen tp lu s prononcés en core . Partou t l es décrets lancés enFran ce contre l e commerce des neutres s

exécu tèren t

avec une vi o l ence san s exemp le ; partou t l es propri étésdes nat i on s amies furen t con fondues avec ce l les deI’

en n emi , et, l’

a, où votrefisc n epouva i t a tte indre encore ,l a menace d ’une a ttaque immédi ate ob l i gea les gou vern emen ts à i n trodu i re eu x-mêmes un système de persécu tion , qu i porta i t p l utô t l e ca ractère d

’un impôt l evésur l es peupl es du con ti nen t que d ’un e représai l le

con tre l ’A n gleterre . Dan s l ’en treti en qu e l’

Empereu r

Napoléon a eu à cette époque avec le col onel Tchern i chef , pou r l e charger de porter à Pétersbeu rg l ademande d ’adopter l es n ouvel les mesu res con tre l ecommerce , i l ava i t pos i t ivement a ssuré que pour nedonner aucun su j et d ’ i nqui étude ala Russi e , i l n

appel

lerai t pei n t l a conscrip ti on de l ’année . Cet offici ern ’éta i t pas encore de retour à Pari s que l a con scripti onse l eva ; que des a rmemen ts cons idérabl es se p reparèren t dans l ’ i ntérieur de l a France . Au même i n stan t ,

21 8 ARCH I VES DU CO M TE C II . DE NES SE LRODE .

r0pe. Par con séquent,c eta i t b ien moin s vers l a

réducti on de l ’An gleterre que vers une soumi ss i onen t ière de l a Russie aux vol on tés a rbi tra i res de l aFran ce que se d i ri geaien t l e s proj ets de votre gou vernemen t . Je vous demande , mons i eu r l e Duc , avec cettefranch i se que Sa Maj esté l ’Empereu r n

a cessé d ’apporter dans toutes ses exp l ica ti on s avec l ’Empereu rNapol éon , où en sera i t l a Russ i e ac tue l l emen t s i el leava i t j ugé d i fféremmen t le s évén emen ts inquiétan ts decette mémorabl e année , s i , pour arrêter des mesuresde dé fense , el l e ava i t a tten du que 4 00000 hommesfussen t rassemblés dans l es pays l imi troph es de sonempi re . Dès ce momen t , nos armemen ts su ivi rentexactemen t l a progre ss i on d es vô tres .

L ’année 1 81 1 se pa ssa a i nsi en préparat i fs , de parte t d ’autre , et en d iscu ss i on s qui porta i ent pri n c i pal emen t su r l ’a ffa i re de l ’Olden bou rg . Par tou tes l e sdépêch es que j ’a i adressées à ce suj et au pri nce deKou raki n , par tou tes les exp l ica tion s qu i on t en l i euen tre Sa Maj esté l ’Empereu r et l e s ambassadeurs devotre auguste maî tre , j

’a i épu i sé tout ce qu i a rapporta cette quest ion . Et pour évi ter toute répéti t ion inu t i l e

,

je me bornera i seu l emen t à vous observer , monsieur l eDu c , que j ama i s ce d i fférend n

’au ra i t ex i sté s i votreCou r s ’en fût tenu e à l a prem ière propos i t i on offic iel l equ ’e l l e avai t fa i te , tant

’a l ’amba ssadeu r de Sa Maj estél’

Empereu r qu’au x p lén i peten tiai res du duc d

Olden

bourg ; qu e j ama i s e l l e n’au ra i t acqu i s cet éc lat

,qui

semble avoi r fai t tan t d ’ impressi on sur l ’espri t de l ’Em

ARCH I VE S DU COIITE'

CII. DE NE SSE LRODE . 2 19

percur Napol éon , s i M . l e duc de Cadore , a l ors sonmi n i s tre des rel a ti on s ex téri eures , n

eû t poussé l ’oubl ides convenances e t des égard s dus au représen tan td ’une grande pu i s sance , j u squ

’au au poi nt de lu i rapporter u n e note que ce lu i - c i lu i remetta i t au nom deson sou vera i n , après tro i s moi s de ten ta t i ves i n fru ctueuses pour ramener vo tre gouvernemen t à u n a rrangemen t que

,dan s l e princi pe , i l ava i t l u i — même conçu

et mi s en avan t . Ce n’

es t donc certa i nemen t pas à nousqu ’ i l fau t s ’en prendre s i cet te a ffa i re est devenue unea ffa i re d ’

Etat, si el l e a eu une s i grande publ ici té , s ienfin en a vu para î tre u n e protes ta ti on , non d

’un a l l i écontre un a l l i é

,ma i s d i ri gée con tre une pu i ssance qu i

n ’ava i t p lus vou l u l ’être, parce qu’el l e vena i t d ’en

frei n dre spontanémen t l e tra i té sur l eque l se fonda i tl ’a l l i ance . Ce tra i té s ti pu l a i t , n ommémen tdan s l

’arti c l e1 2 , l a réin tégrati on du du c d

Olden bou rg dan s la p l ei neet entière possess i on de ses Etats . I l sera i t donc di ffici l e acomprendre commen t l a réun i on à l a France deces mêmes Eta t s pouva i t être dan s l ’espri t de ce tra i té ,à moin s que l ’on ne veu i l l e admettre une man i èred ’ i n terpréter l es tran sact i on s publ i qu es , tel l e que l ’b i sto i re n ’en o ff re encore au cun exemp l e .

Ju squ ’à cette époqu e , l a condu i te de l a Russi e présen te, en revanche , u n e appl icat ion con stan te à remp l i renvers la France les engagemen ts con tractés à T i l s i t ;70 va i sseau x con fisqu és pendan t l

’été 1 810 en fourn i ssen t encore u n e preuve incon testabl e . I l es t doncbien éviden t que c ’es t l a réu n ion de l ’Olden bou rg qu i

220 ARCH IV ES DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

consti tua l a prem i ere i n fract i on de ce trai té . Du

momen t où l e gouvernement frança i s se refusai t à l aréparer

,en rétabl i s san t l es ch oses su r l e p ied où el les

ava i en t été arrêtées à T i l s i t , l a Ru ss ie é ta i t dél i ée de sesobl i ga t i on s , l e tra i té n

’ex i s ta i t p lu s pour e l l e . e t en nepouva i t l u i con tester l e droi t

,so i t de renouer ses rel a

ti on s avec l ’An gleterre,so i t de donner au commerce de

ses suj ets tou te l ’exten s ion que demandai t l’ i n térêt de

l ’emp ire . Ma lgré cela,l ’année 1 81 1 présen ta , de l a part

d e l a Russie , u n e au ss i scru puleuse fidél i té aux enga

gemen ts de T i l s i t que cel l es qu i l’ava ien t p récédée . Le

ta ri f qu i , au j anvi er, fu tmi s en vigueu r es t auss i

con forme au sen s qu ’à l a l e ttre du tra i té . Son bu t éta i tde con ci l i er l e s sacrifices qu e celu i — ci imposa i t sou s lerapport du commerce avec l es besoi ns de l ’Etat, e t deménager à l a Russi e l a possi b i l i té de se main ten i r dan sson Système de gu erre avec l ’A n gleterre e t d

’a l l i anceavec . la France . I l éta i t n a turel que privé de n otredébou ché principa l , que de tou t temp s nous av i on strouvé en Angleterre , l e seul moyen de ne pas succomberen ti èremen t sous l e po id s d ’une tel l e i n terrup ti on decommerce , éta i t de restre indre l es importa ti on s parterre qu i ne pouva ien t procurer aucun écoul emen t anos product i on s , et don t une balance de commercetou t à fa i t défavorab le

,a in s i qu ’une ba i sse effrayan te

que subi t l e cours du change,furen t l es con séqu ences

désastreuses . I l n e resta i t a l ors à Sa Maj esté qu’

à choi si rentre cette mesu re et l e ré tab l i s semen t de ses rela ti on savec l ’A n gleterre que la réun i on de l

Olden bou rg léga

222 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

duché de Varsovie , i l repose sur une supposi ti on tout afai t gratu i te , et j e do i s vous répéter encore par écri t ceque Sa Maj esté l ’Empereu r n

’a cessé de décla rer au

comte de Lauri ston que j amai s el l e n ’a pen sé de fa i rede ce duché un obj et de compensat i on pou r l e ducd

O lden bou rg .

Au ss i tôt que l ’Empereu r Napo léon eut arti cul é sesquatre propos i t i on s , vi s- à— vis du co l one l Tchern i chef ,j e fu s chargé d ’au tori ser l e pri nce de Kou raki n à yrépondre par u n proj et d’

arran gemen t, fondé sur lesbases qu i con sta ten t toute l a modérat i on de Sa Maj es té

,

et qu i on t b i en dû prouver à l ’Empereu r Napol éon quece n ’é tai t pas parce qu ’e l l e n ’avai t ’a proposer que deschoses qu ’el l e n ’

osai tpoin t énoncer , et qu i ne pouva i en tê tre accordées , qu

’el le refusai t de s ’exp l i quer , mai sparce qu ’ i l l u i semb la i t nature l que ce fû t ’a l a France ,qu i ava i t fa it naî tre la d i fficul té , à proposer éga l emen tl e s moyen s de l ’ap lan i r . La mi ssi on du comte de Nesselrode ava i t été conçue dan s un momen t où des vic toi res ,remportées sur l e Danube . nous donna ien t l ’espo i rd ’

u ne procha ine pacifica tion avec l a Porte . Il deva i t ê trechargé de porter à Pari s l ’assuran ce que cette pa ix , enaugmen tan t l es forces d i spon ibl es de l a Russi e , ned iminu a i t en rien ses d i sposi t ions am ica l es envers laFrance e t son dési r de conserver ses rela ti ons avec e l l e .

La pa ix ne fu t pas concl ue ; l’envo i du comte de Nessel

rode au ra i t donc été san s obj et .C ’es t dans ce sen s que j e m ’en sui s exprimé v i s — vi s

du comte de La uri ston .

RA P PORT

M. FREDERIC DE GENTZ AU COMTE DE NESSELRODE

Observati on s su r la déc laration du gouvern emen t an glai s du

2 1 avr i l 1 81 2 , relati vemen t aux déc rets de B erl i n et de Mi lan

et aux ordres du Con sei l br i tan n i que, pou r serv i r de su i te

aux observation s su r le Rapp ort du mi n i stre des Affai resétran gères de F ran ce du 10mars .

Commen cemen t de ju i n 1 81 2 .

Observati on s su r les Notes du Mon i teu r du 8mars 1 81 2 ,

relati vemen t d la révocati on des Décrets de B erl i n et

de Mi lan et des Ordres du Con sei l br i tan n i que.

Le gouvernemen t angla i s a pu bl i e, en date du 2 1 avri l ,une déclarat ion o ffi c i e l l e pour exposer ses p ri nc ipes ,rappel er sa condui te e t annoncer l a marche qu ’ i l vasu ivre par rapport ’a l a révol uti on v io l en te que l esdécrets de Berl in e t de M i l an on t opérée dan s l es re lati on s commercia l es de tou s les pays c 1vd i sés . Dan s cette

224 ARCH I VE S D U CO M TE CII . DE NE SSE LRODE .

p i ece éga l emen t remarquabl e pa r la fermeté aveclaquel le le mi n i s tère britann ique défend et ma i n t ien t l esys tème de j ustes représa i l l es que son ennemi l ’a forcéd ’adop te r e t pa r l a l oyau té e t l a franch ise avec l aque l l ei l se déc l are p rê t à renoncer à ce sys tème au ss i tô t qu el e s actes h ost i l e s qu i l

’on t rendu n écessa i re auron t d i sparu

,l a quest i on est rep lacée sur ses véri tab les ba ses

,

l es fausses accusat i on s e t l e s ca l omn ies con tre l ’A n gleterre ren tren t dan s l e néan t , et l es hab i tan ts de l

’anci enet du nouveau con t in en t apprennent à quo i s ’en ten i rsur u n e des sources l es p l us fécondes des mau x qu i l esaffl i gen t, et sur l e seu l moyen efficace d

’y mettre unterme . Du momen t , di t l a décla rat ion , que l es décretsde Berl i n e t de M i lan seron t révoqu és san s res tri c t ionpar u n acte au then ti que et p romul gué comme tel , l e sordres du con sei l du 7 j anvier 1 807 et du 26 avri l 1 809seron t et son t décl a rés d ’avan ce , et san s qu

’ i l y ai t

même beso in d ’un nouve l averti ssemen t,p l einemen t

et en t i èremen t abol i s .Le Mon i teu r du 8mai , en tradu i san t ce tte décl ara t ion ,

l ’a accompagnée d ’une série de no tes don t l e premieraspect doi t fa ire pâ l i r l ’homme le p lus i n trép ide e t l ep lus exercé à cette lu tte . Non pas , en s

’en doutera b ien ,par l a force des fa i ts ou des argumen ts qu ’e l l es conti ennen t

,mai s au con tra i re par l ’absence de toute

espèce de princ ipes et de ra i sonnemen ts , par l ed ésordre abso lu qu i y règne , par l a d ifficu l té ext rêmede sa i s i r un adversa i re qu i , ne pouvan t souten i r aucuncombat régul i er , nous j e tte des p ierres à dro i te et à

226 ARCIIIVES DU CO M TE C II . DE N ESSE LRODE .

points qu i on t p ri ncipa lemen t beso i n d etre éc la i rés , etqui , en même temps , méri ten t de l

’ê tre . Je m’

occu perai

donc 1 ° de la p rétendue autori té du décre t d’

Utrecht

rel a tivemen t aux quest i on s de dro i t mari time ; 2° desmo ti f s , du sen s e t du caractère des ordres du Con sei lopposés aux décrets de Berl i n et de M i la n ; 5° des cond i tion s ex igées par l e gouvernemen t bri tan n i que pourl a révoca ti o n de ces ordres du Consei l ; 4 ° de la p rétendu e révocat ion des décrets de Berl i n et de M i l an parrapport aux Eta ts—Un i s de l ’Améri qu e ; 5

° des cond i ti on sexigées par l e gouvernement frança i s pour l ’abol i t iondéfin i t ive de ces décrets ; 6° des avan tages que l e gouvern emen t bri tann ique pourra i t espérer de l a révoca

t ion des o rdres du Consei l .Dans l es observati on s p récédente s sur l e rapport au

Sénat , publ i é par l e M on i teur du 16mars , j’

ai tâché derépandre quelque l umi ère sur l a vrai e origi ne desdécrets de Berl i n et de M i l an , et sur cel l e des ordresdu Con se i l bri tann ique . Mon !pri ncipa l obj et sera , cettefo i s—ci , d ’exami n er si , en effet , i l dépend du gouvernemen t angla i s de fa i re ces ser les un s et de supprimer l esa utres . I l e s t imposs ib l e de tra i ter ces questi on s san stouch er à l a d i spute entre l ’Angleterre e t l es Eta tsUn i s de l ’Améri que, e t comme l es rapports en tre cesdeux gouvern emen ts son t extrêmemen t peu connus ouexcess ivemen t ma l j ugés sur l e con tinen t , le s personnes qu i l i ron t ces feu i l l es me sauron t peut— être gréde leur avo ir fourn i quelques moyens de p lus pour s ’yori en ter .

ARC H I VES DU CO M TE CII. DE NESSE LR ODE . 227

De la p réten du e autor i té du t raité d '

Utrech t

dan s les questi on s de droi t mari t ime.

C ’es t pour me débarrasser de ce suj et a ride , et nonpas à cause de son importan ce parti cu l i ère , qu e j e lu ia ss i gne la première p l ace . Je sens même u n e espèce derépugnance à ren trer dan s une di scuss ion où i l n es ’agi t qu e de rétab l i r des fa i ts , falsi fiés san s art e t sansscru pule e t de combat tre des erreurs sou tenues avecune mauva i se foi éviden te . Dan s l a première parti e deces observation s , j

’a i fa i t vo i r combien i l éta i t faux etmême ab surde de présen ter l e tra i té d’

Utrech t commeétan t auj ou rd ’hu i , ou ayan t été dan s aucun temps , l al o i commune des na t ion s pou r les d ro i ts de l a n eu tral i té mari time . Le M on i teu r v i en t de reprodu i re ce ttethèse ma i s pour l e coup i l s ’est a rmé de tou tes p i èces ,i l trame ’a sa sui te un arsenal form idab le de da tes et dec i tat ion s . Par u n e t ren ta i ne de documen ts anci en s e tnou veau x (a l l égués dan s l a on z i ème des no tes qu iaccompagnen t l a décla ra t i on bri tann ique ) i l p ré tendprouver au delà de toute obj ecti on que l e t ra i téd

Utrecht, fondé sur l es tra i tés an téri eurs , con sacré

par tous l es tra i tés po stérieurs , présen tan t d’une man ière

sol ennel l e les pri nci pes constamment adoptés pa r tou sles Etats de l ’Eu rope, est à j uste ti tre cons idéré commela lo i commune des na ti on s .Cet éta lage d’

érodi ti on apocryph e pourra i t encoredérouter quel qu es l ecteu rs et a ffa i b l i r l a confiance dan s

228 ARCH IVE S DU CO M TE C H . DE NESSE LRODE .

l e s fa i ts e t l es ra i sonnemen ts qu e j’ava i s opposés au x

rêves des pub l ici stes frança i s . I l me para î t donc i nd i spen sab le de reprendre ce tte quest i on et de dévo i ler l anul l i té absolu e de ce qu e ces publ i ci stes on t i mag i néde nouveau pour l ’emporter dans l eur sen sNous avon s vu que quelques tra i tés parti cu l i ers de

commerce et de navigat ion , aj outés à l ’ i n strumen tprin cipa l de l a pa i x d’

Utrech t, ava i en t , parm i d’au tres

obj e ts,réglé au ssi l es dro i ts d e l a n avi ga ti on neutre

dan s l e ca s d ’

u ne guerre mari time , ma i s ces t ra i tés n epouvai en t l i er que ceux qui l es ava i ent négociés et

signés . A i n s i n on seu l emen t l es sti pu la t ion s de laFrance v i s — à- vi s de tel l e pu i ssance que ce fû t, ma i sen core l es engagemen ts p ri s par l ’An gleterre dan s sesdeu x tra i tés avec l a France et l ’Espagn e é ta i en t n u l s e tde toute nu l l i té pour les rapports de l ’A n gleterre avecd ’a u tres pui ssances . E t, s i l e tra i té d

Utrecht ava i t été,comme on l ’a fa ussemen t soutenu , ren ouvel é dans cen tt ra i tés subséqu en ts , i l es t c l a i r qu

’aucun de ces tra i tésn ’au ra i t j ama i s eu force de l oi pour l ’An gleterre,

a

mo i n s qu ’

el l e n ’en eû t été parti e,et qu

’a l ors même , cequ ’

el l e eû t p u promettre à tel le ou te l l e pu i ssance ,n ’a u ra i t po in t été ob l igato i re pour el l e v i s— â— vi s de te l leau t re pui ssance non comp ri se dan s l e même t ra i té .

D ’

après ce p ri nci pe i ncontestab le , nou s pouvon sd ’abord retrancher , san s autre examen , toutes ce l l esdes conventi on s ci tées pa r l e M on i teu r , auxquel l es l

An

gleterre n’a pas parti c ipé ; car , comme l

’argumen t n ’estd i ri gé que con tre el le, ces con traven ti ons ne fon t r ien ,

250 ARCIIIVES DU CO M TE C H . DE N ES SE LRODE .

l’

An gleterre et l a Ru ss i e en 1 754 .

l’

A n gleterre e t l a Suède en 1 74 0,

1 Angleterre e t l a Hol l ande en 1 782 .

1 Angleterre et la Prusse en 1 785.

Qu an t aux conven ti on s en tre la France e t l ’An gleterre , le t ra i té de Versa i l l e s de 1 785, san s ri en arrêterà cet égard , annonça seu lemen t qu

’on trava i l l erai t à

des arrangemen ts de commerce en tre l es deux nat i on ssur l e fondemen t de l a réc iproci té et de l a convenancemutuel le . Ce t a rti c le condui s i t au fameux tra i té decommerce de 1 786 dan s l equel l es dro i ts de l a n avi gat i on neutre furen t déterminés d ’une man ière extrêmemen t favo rab le à cel l e des deu x pu i s sances den t ensu pposa i t l a n eu t ra l i té dan s une guerre mari t ime del ’autre . Je cro i s avo i r su ffisamment expl i qué dan s l ap remière part i e de ces observa ti on s quel l e éta i t l a ra ison parti cul i ère de l a grande l i béra l i té avec laquel le cetart icl e se trou ve réd i gé dan s l es d i fféren ts t ra i tésconclus en tre l ’An gleterre et l a Fran ce pendan t lexvm° s ièc le , qu e l e ca s présumé de ces tra i tés n e pouva i tgu ère se réa l i ser , et n e se réa l i sa j amai s , et que rienn ’éta i t mo in s fa i t pour t i rer ’a conséquence que ces s ti

pu lation s de pu re éti quette .

Dan s d ix au t res tra i tés ci tés dan s l a note du Man iteu r , i l y en a qu atre qu

’on cherchera en va in dan stou s les Recu ei l s dip l omati qu es pu bl i és en Eu rope , et

l es deu x qui resten t son t au ss i nu l s pour ce qu i ls

ARCH IVE S DU CO M TE CII. DE N E SSE LRODE . 251

do iven t prou ver , que s’ i l s n ’

exi sta i en t pas non p lu s .

On au ra de l a pe in e , j e l e sens b ien ,’a cro i re ’a une

pare i l l e man ière de procéder , mai s ceux qu i conna i ssen t l ’h isto i re d ip l omat ique du s i èc l e passé , ou qu i son ten éta t de vérifier l es fa its , j ugeron t s

’ i l y a del’

i n exac ti tu de ou de l ’exagération dan s les écla i rci ssements su ivan ts .

1 ) Le tra i té de 1 754 en tre l’

A n gleterre et l a Russi ene fa i t a u cune men ti on du dro i t de la pu i ssance , sup

posée neu tre eu temps de gu erre mari t ime , de transporter l es ma rchand i ses appartenan t aux ennem i s del a pu i ssance bel l igéran te . I l spécifie les arti c l es qu iseront réputés con trebande de gu erre , e t comme tel s ,su j ets ’a l a confi scati on , e t aj ou te qu e n i le va i sseau ,

n il es passagers , n i l e reste de l a ca rga i son n e partageron tl e sort de ces art ic les . Vo i l à tout ce qu e ce tra i té (qu ido i t avo i r con sacré l es pr in cipes de ce lu i d’

Utrecht) as ta tu é sur l a navigat i on neu tre . Le tra i té qu e les mêmespuissances concl uren t en 1766 répéta les mêmes d i sposi tion s . Après l a publ i ca tion so lennel l e des artic l esadop tés en 1 780 par les pu i s sances qu i pri ren t part àla neu tral i té a rmée , quo iqu e l

A n gleterre eû t con stammen t protesté con tre ces pri ncipes , en au ra i t. pu croi re

que l a Ru ssi e . auteur et ch e f de cette assoc ia t ion,ne

consen ti ra i t pl u s au n tra i té su r les a ffa i res mari timessan s que le d ro i t de cou vri r i nd i st i nctement tou teespèce de marchandi ses n ’y f ût assuré au pavi l l onneutre , cependant l es a rt i cles re la ti fs ’a l a navi ga ti on

252 ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE NESSE LRODE .

neu tre dan s le t ra i té de commerce avec l ’A n g leterre de1 797é ta ien t l i ttéra lemen t copiés d ’après ceu x des trai té sde 1 754 et de 1 766. Enfin

,dans la conven ti on de 1 801 ,

l a dern i ère sur cet obj et , non seu l emen t en tre l’

An gl

terre et l a Russ ie , mai s l a dern i ère en généra l à l aquel l el’

An gleterre a i t en part , i l es t expressémen t stipulé qu el es marchandi ses appartenan t à l ’ennemi , qu oi qu etran sportées dans l es va i sseaux d ’un neu tre , son t su j e ttesà l a confi scat i on .

2 ) Aucu n tra i té n’a eu l i eu '

en tre l’

A n gleterre e t laSu ède n i en 1 74 0, n i en 1 785. Le tra i té de 1 766,

exc lus ivemen t ca lcu l é , à ce qu’ i l para î t , sur des re l a

t ions de pa ix et d ’am i tié,réd igé dans des termes très

générau x et très i n si gn i fian ts , n’a pas art icu l é une syl

la be n i sur l es dro i ts , n i sur l es l imi tes de la neu tra l i tédans l es gu erres marit imes . I l fal la i t ou u n e i nnocenceou u n e effron teri e peu commu n e pour se perme ttre deci ter cette p ièce

,e t

,en généra l , de toucher dans une

d i scu ssi on comme ce l l e- c i ‘

au x ancien s rapports en trel’

An gleterre et l a Suède . Ceu x même qu i ne son t pasversés dan s ces ma tières do ivent pou rtan t avo i r en tendudire qu e, ju squ

à ce qu e l a Suède eû t accédé à l a cor.ven ti on de 1 801 , i l n

’y a po in t eu d ’au tre règl e pou r lesdro i ts respect i fs de ces deu x pui s sances dans l es gu erresmari t imes qu e l es tra i tés de 1 661 et 1665, t ra i tés peufavorabl es au x p réten t ion s des neu tres , dan s l esquel sl e dénombremen t des art i c les con sidérés comme cen trebande de guerre comprend j u squ ’aux v ivres fourn i s au x

ARCIIIVES DU COMTE CH . DE NESSE LRODE .

4 ) Pour termi ner d i gnement cette l i s te de documentsimagi na i res , i l s y aj ou ten t u n t ra i té entre l

A n gleterre

et l a Pru sse , de 1 785. I l n ’y a j ama i s eu de tra i té decommerce et de navigation qu e l conque en tre ces deuxpui ssances

,e t

,au su rplus , el l es n

’on t ri en pu si gnerpu i squ ’el les n ’ava ien t ri en n égocié en 1 785. I l est p oss ib le qu e l es savants rédacteurs de ces n otes a i en t eul ’ i dée vague d ’un tra i té con clu en 1 785 ent re l a Pru ssee t les Eta ts-Un i s de l ’Améri qu e. Mai s qu el l e que so i t l asource de l eur erreur , e l l e achève touj ours d e caracté

r i ser l eur démon strat i on .

A i n si , au l ieu de gagner du terrain , i l s se son taffaibl i s et battus eux— mêmes , et l es c i tati on s incorrectes ,con trouvées ou dép l acées , par l esque l les i l s on t cru ren

forcer l eur thèse , n e serv i ron tqu’

à la d i scréd i ter davantage

,et à l a rendre rid i cul e aux yeu x des hommes

i n strui ts . I l sera i t fort i nut i l e d ’exam iner s i auj ourd ’huice qu ’ i l s appe l len t l e tra i té d ’

Utrech t peu t avo i r forcede lo i pour qu i qu e ce soi t au monde . I l es t certa i n qu ’ i ln ’en a plu s , dans aucun sen s et sous aucun rapport , pou rl’

A n gleterre. Il est éga lemen t cer ta i n que s i l e gou vernement angl a i s , par quelques tra i tés part icul iers decommerce et de navigat ion s ignés ’a Utrech t , a pri s desengagemen ts (et r ien mo i n s que des engagemen ts pa rti cu l i ers) avec l a France et l

ESpagn e, ses droi ts e t sesdevo i rs envers d ’au tres pu i ssan ces n

’ont j ama i s pudépendre de ces engagemen ts ; que , dan s l es d i fféren tesconvent i on s qu e l

An gleterre, à d i ff éren tes é poques , a

A RCH I VES DU CO M TE CII. DE N ESSE LRODE . 255

négoci ées avec ces autres pu i ssances , l’ex ten sion du droi t

de neutra l ité dans l es gu erres mari t imes a varié san scesse d

après l es i n térê ts respect i fs , d’après les con sidé

ra tions parti cu l ières de tou te espèce , l oca l es , po l i t i ques ,commercial es ’ ; que l

An gleterre, protes ta n t con tre desrègles arb i tra i res e t so i — d i san t généra l es , qu e personnen ’éta i t autori sé ’a l u i imposer , a u sé d ’un dro i t qu iapparti en t atoute pu i ssan ce i ndépendante ; qu

’e l l e n ’aj ama i s reconnu une lég i s l a t ion un iversel l e en fa i t dedro i ts mari times , mai s qu

au ssi el l e n ’y a p rétendu desa part ; enfin , que cette l o i commune des nat i on s , quele trai té d’

Utrecht do i t avo i r so l ennel lemen t établ i e et.qui do i t avo i r été confi rmée par tous l e s tra i tés sabsequen ts

, n’est qu ’une phrase bana l e d e pl us , imagi née

pour égarer l’

opi n ion pu bl i que et pou r co l orer l es p lu si nj ustes prétention s .

Des moti fs et du caractè re des ord res du Con sei l .opposés par l e gou v ern emen t br i tann i qu e aux Décretsde B erl i n et de M i lan .

I l est d i t dan s la dern i ere déc lara ti on du gouvernemen t angla i s Depui s l ’époqu e où l ’ i nj us ti ce e t lavi o lence touj ours cro i ssan tes du gouvernemen t frança i sn e permi ren t p lus ’a Sa M aj es té de r en fermer l ’exerci ce1 . La seu le des n ation s mari times , v i s-à - v i s de laqu el le l ’An g le

terre ai t con stammen t recon n u le pr i v i l ège con s i déré à faux commeu n droi t du pav i l lon n eu tre de cou vri r lamarchan d i se en n emi e, est

la n ation portugai se. E l le l ’avai t obten u par le trai té de 1 654 qu i n ’

a

j amai s été n i mod i fi é , n i su spen du . Cette faveu r étai t fon dée sur de

256 ARCH I VES DU CO M TE CII . DE N ESSELRODE .

des dro i ts de la guerre dan s ses l imi te s ord ina i res , etc .

A ces mots l e M on i teur s’

écri e A qu el p ropos s ’agi ti l i c i de l ’exerc ice des dro i ts de l a guerre ren fermésdans ses l imi tes ord ina i res ? La guerre donne — t- el ledes d ro i ts sur l es neu tres ? Parce que l a France a conqu i s la Belgique

,l ’exerci ce du dro i t de l a guerre n e

peut être ren fermé dans ses l imi tes ordina i res à l ’égarddes Eta ts— Un i s ? etc . , etc .

I l est c la i r que l ’ i nj us tice et l a v i o l ence tou j ourscro i ssantes , don t le gouvernemen t angl a i s se p l a i n t dan sce passage , ne se rapportent pas d i rectemen t au systèmede conquête et d ’agrand i ssement don t l e con tin en t es tdepu i s tan t d ’années l a vi ctime , et que c

’est u n e mauva i se et p l a te ch ican e que d ’ in terpréter ce pa ssagecomme s i l ’An gleterre ava i t vou l u j ust ifier l

’exten si ondes dro i ts de l a gu erre à l ’égard des n eu tres par laconquête de l a Be lgique ou par te l autre envah i s semen tterri toria l . L’

i n ju sti ce e t l a vio l ence qu’on re lève i ci

sont ce l l es que l e gouvernement françai s a exercéesnon pas c ontre tel ou te l pays , mai s con tre tou tes l esna ti on s de la terre

,et con tre les n eu tres auta n t que

con tre les bel l igéran ts,par l ’ i nterd i t gén éra l qu ’ i l l ança ,

en 1 806, con tre toute commun icat i on avec l es I l es Brita nniques . C’es t cette mesure , j usque- l à sans exemp le ,

qu e l es m in i stres d’

A n gleterre on t en vue , l orsqu’ i l

bon n es rai son s . La n ation portugai se avai t, de son cô té , b i en mér i téde l

An gleterre, et lu i avai t don n é de tou t temps des preu ves d’

u n e

affect ion parti cu l i ère ; heu reu semen t pou r l ’ i n dépen dan ce et la prosp éri té future d u Portu gal ce sen t imen t s ’est con servé ju squ ’à n os

jou rs .

258 ARCIIIVES D U CO M TE CII. DE N ES SELRODE .

prod igieux de tra i tés , par l esque l s l es l im i tes de l’exer

c i ce de ces d ro i t s a été régl é , non pas d ’ap rès u n

pri ncipe u n i forme . mai s d ’après des comb ina i son s touj ou rs vari ées , bi entôt p lus , bi en tôt mo in s en faveur desneutres ? Sur quo i éta i en t fondées et a quo i about i ssa i en t ces o rdonnances souven t renouvelées parlesquel les l es d i fféren ts gouvernements e t celui de l aFrance , p lu s hab i tu el l ement et p lus stri c temen t quetou t au t re , i nd iqua ien t l es bornes du commerce e t de l anaviga ti on neu tre en temps de guerre mari t ime ? Et s il e princ ipe fondamen ta l des droi ts des neu tres es t qu el e pavi l l on couvre la marchand i se (no te comments’es t— i l fa i t que toutes ces ordonnances ai en t i gnoré ,méconnu ou ouvertement rej eté ce principe ?

Ma i s l e décret de Berl i n n’

étai t- i l donc par lu i —mêmel ’a cte d ’

hosti l i té l e plu s caractéri sé et l e p lu s ou tragean tcontre tou t ce qui depui s l e momen t de sa publ ica t i oneût osé prétendre aux d ro i ts et aux avantages d ’uneneu tral i té qu el conque? On voudra i t n ous fa ire croi reauj ourd ’hu i , et la pl u s grand e parti e de ces notes es tpri ncipa lemen t consacrée à cette tâche, que l e décret deBerl i n n ’éta i t qu ’

u n simpl e règl emen t mun i cipa l pou rexclure les marchandi ses angl a i ses des pays soumi s à l aFrance ou occupés pa r les armées , et que l e gou vernemen t frança i s , en portan t ce décret , n

’a poin tou trepassé l e pouvoi r qu ’un Eta t souvera i n peut légi timemen t exercer en temps de guerre , e t même en tempsde pa i x , l orsque des considéra ti on s d

’ i n térê t en d epol i t i que l ’en gagen t i i fermer son terri toi re con tre les

ARCH I VES DU CO M TE CII . DE NE SSE LRODE . 259

product i on s de tel ou te l pays . Voyons s ’ i l y a uneombre de vra i semb la nce dans cette appl i ca t ion ta rdiveet forcée .

Le décret de Berl i n s’annonce , dès son préambu le,

non pas comme u n règl emen t de commerce , ou commeune mesure de pol ice admi n i s tra ti ve , mai s avec tou te lapompe et toute l a sévéri té d

un code criminel . Aprèsavoi r accusé l ’A n gleterre de tou t ce que l

’on peu t imaginer de p lus od ieux , après avo i r so l ennel lemen t proc l amé l ’ i n tenti on de l a pun i r de ses dé l i t s , i l décl are

que les I l es Bri tann iques son tmises en é ta t de b locu set que tou te commun ica tion e t toute correspondanceavec el l es est dé fendue . Son t— ce l à l es termes d’

u n e

lo i p roh ib i tive ordi na i re? Le blocus des I l es B ri tann iqu es peut— i l en trer dan s l a sphère d ’une lo i mun ic i pale ou d

’un régime de douan i ers ? La mesure gén éra le es t- el l e mod ifiée , est— el le adouci e par une restri ct ionquel conque en faveur d ’aucun peu p le ou d ’aucuni nd ividu ? Qui a j ama i s pu j e ter les yeux sur cet arrêtde prescrip t ion un i que dan s l ’h i s to i re , san s y reconnaî tre sur— le-ch amp l e sty l e u surpé d ’un l égi s l ateu rsuprême qu i , dans l e dél i re d

u ne ambi t i on tr0p nourri epar des su ccès fabuleux , regarda i t déj à l

’un ivers commeson patrimo i ne . I l est poss i b le que , dan s un temps oùon aime à rédu i re les plus hautes quest i on s de l a po l iti que à des ca lcu l s de ga i n e t de per le , l

’op in ion quej ’a i formée sur cet obj et et don t j e su i s profondémen tpénétré ne so i t pa s ce l l e de beaucoup de mon de , ma i sj e me hâ te de l a consigner i c i , comme une des bases

240 A RCH IVE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

pri ncipa l es de mon sys tème . J ’a i tou j ours cru que,

i ndépendammen t de tou te considérat i on de droi t , e t d etoute cons idérat i on d ’ i n térêt propremen t d i t , l e décretde Berl in appel a i t l e gouvernement bri tann ique auxreprésa i l l es l es p lus prononcées et l e s p lus rigoureu ses ,sou s l e seu l po i n t de vue de l ’honneur nat ional mortell emen t b l es sé . Jamai s

,sel on moi

,i nj ure p l u s sangl an te

n ’a été o fferte à une nati on magnan ime . Les p rétex tessu r . lesqu els cet acte est fondé , ses moti fs avoués , sonbu t cl a i remen t énoncé , l e caractère et l a forme de sesd i spo s i ti on s , l e l angage qui les exprime , chaque mot,depui s l e p réambul e j u squ ’au dern ier arti c l e , ne resp i reque l a co l ère et le ressen timen t d’

u n chef i rr i té par l arés i s tance d ’une poignée de suj et s rebel l es à ses l oi s ,qu ’un châ timent sévère do i t ramener à l a ra i son et àl eur devo i r . Je défi e tou t homme d ’un sen s dro i t del i re l e décre t de Berl i n et de ne pas être frappé de l avéri té de cette observa ti on . I l me sera donc permi sauss i d ’

aj ou ter qu ’aux yeux de ceux qu i regarden tl ’honneur comme l e trésor le p lu s sacré , l

appu i l ep lus respectab l e e t l a ressource l a p lus précieuse d ’ungouvernemen t , l e m i n i stère bri tann i que eû t été comp lètemen t j ustifié

,s ’ i l avai t répondu à un outrage au ssi

cru el par qu e l qu e démarche,p lus écl a tan te même que

l es ordres du Con sei l du mo i s de novembre 1 807. C ’

es tsous ce rapport— l à que l ’ordre du Conse i l du 7 j anvier 1 807 m ’a touj ours paru peu sati s fai san t , quoiquel e système de modération dans lequ e l i l éta it conçu pû tavoir des moti fs très b ien ca lcu l és à d ’autres égard s .

ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

la mi sère dan s u n e quan ti té de pays j ad i s fl ori ssan ts , n il’

affreu se in con séquence de ceux qu i on t imaginé cegrand acte de spol i at i on , tou t en se récri an t sur ce quela guerre mari time n e re specta i t pa s l es propri é téspar ticu l i ères . Ce qu i regarde p lus d i rectemen t notrequ est i on , c

’es t que la man i ère don t ces arti cles son tréd i gés n

admet aucu ne mod ificat i on quelconque poursau ver l es dro i ts d ’un t i ers qu i n e se trou vera i t soumi sa aucun t i tre aux arrêts de cette étrange l égi s l at i on .

Que l e propriéta i re d ’

u ne ma rchand i se prescri te soi tsu j e t de l ’An gleterre, de l a France , d

’un sou vera i nal l i é , d

u ne pui ssan ce neu tre , hab i tan t d’un pays

en vah i par l es troupes fra n ça i ses ou pl acé hors d e tou tea t te i n te de la guerre , tout cel a es t i ndi fféren t ; i l su ffi tque l ’obj et so i t cen sé p roven i r des fabriques ou descolon i es de l ’A n gleterre pour être con fi squé commepropriété angl a i se . Nous voyon s i ci l e même gou vernemen t qu i a sou tenu avec tantd

obsti n ati on , e t qu isout ien t au j ourd ’hu i encore san s se déconcerter qu e

le pavi l l on do i t couvri r l a marchandi se , l o rs mêmequ ’el l e appart i en t à u n ennemi n on seu lemen t renverser cet t e doctri n e , ma i s étab l i r u n e f i ct i on de dro i tque personne n ’ava i t encore imagi née , et moyennan tl aqu el le des march andi ses d ’origi ne angl a i se ou su p

posées te l l es do iven t ê tre con sidérées comme prop ri é téennemi e , l o rs même qu

’el l es appa rti end ra ien t à unami .

S i des lo i s mu n ic ipa l es ou comme rcia l es peuven ts é tendre j usqu e- là , i l eû t été plus s imp le de décla rer

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NES SE LRO DE .

que la j u rid i ct i on du gouvernemen t fran çai s embras

sa i t tous l es pays de l a terre .

Les l e ttres en paquets adressés ou en Angleterre ,ou a. u n Angla i s , ou écri t s en l angue angla i se , n

’auron tpas cou rs aux postes et seron t sa i si s Sera i t- i l poss ib l ede traves ti r en règ lemen t de pol i ce i n téri eu re une mesure scandaleusemen t tyrann i qu e qu i frappa i t des personnes et des endro i ts , sur lesque l s l e gouvernemen tfrançai s n ’avai t pa s l a p lus l égère apparence d ’

u n peu

vo i r légi t ime ? Au momen t où l e décret de Berl i n fu tpubl i é , p lusi eurs pays considérab les (te l s que tous ceu x

qu i composa ien t l a mona rch i e autri ch ienne) don t l aneu tra l i té éta i t c la ire et reconnue , se voya ien t arb i tra iremen t privés de tout moyen de communi cat i on avecl’

A n gleterre, e t attaqués surtou t dan s une pa rti e trèssen s ib le de leurs in térê ts par l ’exécuti on du décretdans les malheu reuses v i l l es de commerce du nord del’

A l lemagn e. Et qu and on pense que l ’occupati on mêmede ces vi l les , é trangère s de tou t temps a l a guerremari time , neu tres e t paci fi ques par exce l l ence , ne pu tavoi r l ieu qu ’au mépri s de tou s l e s d ro i ts e t de tou s l esprin c ipes , commen t caractéri ser le fron t capabl e desouten i r que l e décret de Berl i n n

’éta i t qu ’

u n acte depol ice terri toria l e , et ne comprometta i t en rien l

’exercice de la neutral i té ?

Ma i s à que l propos , d i ron t- i l s , nou s en treten i r de l an eu t ral i té con t inen ta le , c

’est l a n eu tra l i té mari t ime

que nous défendons . Sai s i r tout ce qu i est suspectd

'

origine angla ise dan s chaque endro i t , qu e n os

2 4 4 ARCH IVE S DU CO M TE CII. DE NESSE LRODE .

armes ou nos menaces peuven t attei ndre , p i l l er l esmagas i ns , confi squer l es prop riétés des part icu l iers ,fermer l es bureaux de poste , détru i re tou tes l es commu n i cation s , ru in er tou s l es peu pl es du continen t ,ami s ou ennemi s , armés ou neutre s , voi là l e dro i t de l aguerre ? Ma i s vexer sur mer l es Améri ca in s ou l es O ttoman s don t l e terri to i re n ’es t pas occupé pa r l a France ,ri en au monde ne saura i t l e j usti fi er (on pren dra i tce tte phra se pour un sarca sme amer , s i e l le ne se trouva i t pas l i ttéra lemen t dan s l e M on i teur et même répétéep lusi eurs fo i s voyez l e s n ote s 4 et C e langage

,s ’ i l

éta i t fondé sur quel que d i s ti n ct i on ou restric t i on réel l e ,n ’en sera i t pa s moins ch oquan t ; mai s i l es t d

’au tan tp lus i n supportabl e que le décre t de Berl i n n

artic u lai t

pas même un mot de réserve pour l es dro i ts des n eu tressur mer . Tou t bâ t imen t , di t l

’art . 8, qui con treviendraà l a d i spos i ti on ci — dessus , sera sa i s i et l e navi re et la car

gai son seron t con fisqu és , comme s’ i l s éta i en t propri é té

angla i se . D ’après cet arti cle , ri en n’

empêchai t l es cro iscu rs frança i s de couri r sus à tou s l es bâ timen ts neutresen l es accusan t seu lemen t de l ’ i n ten ti on d ’en trer dansquelque port du con t i nen t , après avo i r tou ché à u n portde l ’An gleterre. I l es t certa i n e t gén éra lement connuqu ’un e qu anti té de bât imen ts américa in s on t été pri s etcondamnés sous ce pré texte,e t s i l e n ombre n

’en fu tpasp lu s gran d , ce n

’es t pas du moi ns à u n manque devo lon té de la part des França i s qu ’on doi t l ’altribu er .

ai l leu rs , s’

i l ava i t pu res ter un doute su r cettequ es ti on , le décret de Mi l an , exclusi vemen t occu pé des

24 6 ARCH I VE S DU CO M TE CH . D E NE SSELRODE .

I l fau t s’

aveugler à desse i n con tre l evidence pou r nepas reconnaî tre en fi n qu e l es ordres du Conse i l bri tann iqu e du mo i s de novembre 1 807 é ta ien t parfa i temen te t amp leme n t j u st i fi és , n on seu lemen t par l e pri nci pe ,ma i s auss i pa r tou te l a teneur et par chaqu e déta i l dudécre t de Berl i n , et que l es m in i stres angla i s on t pud i re en toute véri té dan s leur dern ière déclara ti on o ff ici el l e qu e Sa Maj esté a cherché , par un u sage restrei n tetmodéré des dro i ts de représa i l les auxqu el s les décretsde l a France l a forçai en t d ’avo i r recou rs , de réconci l i erl es États neu tres avec ces mesu res qu e l a condu i te del ’ennemi ava i t rendues i névi tab les . En e ff e t , l

’espri t etles d ispos i ti on s de ces ord re s éta ien t fort él o ign és detou te ri gueu r gratu i te ou excess ive . Le décret de Berl i nava i t dé fendu comme u n e act i on crimi nel le tou te commu n i cation avec l es I l es Bri tann iques ; en répon se à ce ta tten ta t vio len t , l e s ordres du Consei l se borna i ent à

i n terd i re l e commerce d i rec t avec l a France et l es payssoumi s à son pouvoi r . S i dan s les démarches de part etd ’au tre i l y ava i t eu réci proc i té p arfa i te , l a d i fférencedes moti fs les d i sti ngu era i t encore d ’une man ière décis i ve .

La France agissa i t par sa propre impu l s i on : l ’An

gleterre, par la nécess i té de se défendre . Ma i s , en comparan t les mesures respectives , tel le s qu

’el les son t , ons ’aperço i t qu ’au l i eu d ’une réc ip roci té exacte e l le s présenten t p lu tôt l es con tra stes l es p lu s frappants . Chaqueph rase des ordres du Consei l exprime l e dés i r du gouvern emen tan glai s de sou lager au tan tqu

i l éta i t possi bl e

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N ESSELRODE . 24 7

ceux qu i , sans leu r fa u te , deva i en t sou ffri r de l’

effet deces représa i l l es ; dans l e décret de Berl in , au con tra i re ,on ne rencon tre pas la tra ce d ’un ménagemen t tou t yes t envel oppé dan s l a même disgrâce , e t l es coup s portéspar ce sin i stre arrêt tombai en t auss i d i rectemen t surl’

Eu rope cont i nen tal e e t sur tou s l es peup les c i vi l i sés

que sur le s habi tan ts des Iles Bri tann iques . Dan s l esformes même , l a d i fférence se fa i t s en t i r . Les ordres duConsei l son t réd igés avec l e ca lme et l a décence qui conviennen t à des actes publ ics , l es décrets de Berl in et deM i la n fon t l es exp l os i on s d ’un vo l can révo lu t i onn a i re .

L ’espri t de modéra ti on, qu i ava i t gu idé l e s auteurs des

ordres bri tann i ques de 1 807 se fi tremarquer de n ouveaudans les changemen ts que l ’on y apporta de temps en tempse t qu i tous ava i en t pour but d

’en adou ci r l a r i gueur .Par l ’ord re du 26 avri l 1809 qui d i spen sa l es bâtimen tsneutres de toucher au x ports de l

An gleterre e t ren aucha de l ’ i n terdict ion du commerce u n e grande é tendu ede cô tes et deports , l es ordres du mo i s de novembre 1807furen t en tièremen t abrogés . Ju squ ’ i c i l e s França i s , soi tpar mauva i se foi , so i t par ignorance réel l e , ava ien t pri sl e part i de se ta i re sur tou s ces changemen ts es sent i e l s .

Tou t à coup i l s trouven t p lus convenab l e de l es calomn ier , d

’y reconnaî tre un e preu ve de p lu s de la pretention mon stru euse du gouvernement ang la i s d

assujetti r

l’

Océan à se s l o i s . Vo ic i comment le M on i teur travesti tdans une de ses n o tes l e passage de la déclara t i on o ffic iel l e où i l es t ques tion de ces changemen ts Sa

Maj es té Bri tann ique , par p i t i é pour l’

Eu rope, vou l u t

24 8 ARCH IVES DU CO M TE C H . DE N ESSELRODE .

bi en l im i ter le s res tri c ti on s que ses arrê ts du Consei limposai en t au commerce neu t re .

Tou s l es mots de ce paragraph e exci ten t l ’ i ndigna t ion

(note Ce qui doi t bien vivemen t l ’exc i ter , c’est ce

mépri s to ta l pou r l a véri té qu i fa i t que l es rédac teursde ces dia tribes , en répétan t dans une note u n passagedon t i l s v i ennen t de donner eux-mêmes l e texte au thent i que

,n ’hés i ten t pas à l e fa l s i fi er su r— le-champ . Dans

cel u i qu ’ i l s on t at taqué i ci , i l n’y ava i t pas un mot qu i

pût êt re cons tru i t en p i t i é pour l ’Eu rope. Le sen s mêmey répugne abso lumen t . La subst i tu ti on de

'

l ’ordre duConsei l de 1 809 à ceu x de 1 807ne tenda i t qu a modi fi erl es res tri ct ion s que ceux— c i ava ien t imposées aux Améri cai n s . C ’es t en l eur faveur que l e gouvernemen tangla i s , ayan t égard à l a s i tu a tion où se t rouvai t l

Eu

rope en 1 809 , l imi ta à l ’effet des prem iers ordres duConsei l . Des décl amat ion s con tre la tyrann i e des mersson t , sel on eux , partou t à l eur pl ace , comment lesau ra ien t- i l s négl i gées cet te fo i s- ci ? L’

Océan apparti enti l à l

An gleterre? Où est l ’ac te , où est l

’au tori té qu i l u ia fa i t con cess ion de l ’Océan ? Pourqu o i l es dél i t s commi ssu r l

Océan ne son t— i l s pa s j ugés aux a ss i ses de Wes tmi n s ter? Un e grande pa rtie des no tes est remp l i e de cesextravagances . Nous ne nous y arrêterons qu ’un i n stan t .Les ordres du Con sei l n ’on t rien de commun avecl’

Empi re des mers . L’

Océan n ’

est le doma ine de personne , et l

A n gleterre n’en a j ama i s réclamé n i l a

proprié té , n i l a sou vera i neté . Ma i s l es va i sseau x qu i ,en temps de guerre ma ri time

,parcouren t cet Océan , e t

250 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

que les ordres du Con se i l ; l e décre t de Berl in ava i tcomplè temen t changé la face de l a guerre , et i l éta i tpeu sensé de prétend re qu ’au mi l i eu d ’un tremb lemen tde terre qui boul eversa i t une te l le masse de pays ,l’

Océan , qu i l es en tou re , conservâ t son ca lme et sasérén i té .

III. Des con d i ti on s ex i gées par le gouvern emen t an g lai spou r la rév ocati on des ordres du Con sei l .

On ne peut ri en imaginer de p l us c la i r , de p luspos i t if et de p l us j uste que l a condi tion à laquel l e l egouvernemen t angl a i s a t tache l a révoca tion de sesordres . A dater du j our , où les décrets de Berl i n et deM i lan seron t révoqués san s réserve n i res tri ct i on par unacte au then ti que

,l es ordres du Con sei l seron t et son t

déc larés d ’avance abso lumen t et comp lè temen t su pprimés . Qui aura i t cru qu ’un l angage si peu équ i voquepû t encore fourn i r mat i ère au x i n terprétat i on s l es p l usealomn i eu ses !

Le M on i teur s ’accroche à un passage de l a déclarati onoù i l e s t d i t qu e Sa Maj es té Bri tann i que ava i t touj oursété prête à renoncer à ces actes de représa i l les , s i l esdécrets de l ’ennemi qu i l a força i en t d ’y avo i r recoursava i en t été abol i s , e t si l e commerce des na tion s neutresava i t été rendu à son cours accou tumé . On au ra it d i tqu ’ i l n ’éta i t pas poss ib l e de se méprendre sur l e sen sde cette phrase . Rendre l e commerce des neutres à soncours accoutumé ne pou va i t s ign i fi er ici au tre ch ose

ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE ‘NESSE LRODE . 251

qu e remet tre ce commerce dan s l eta t où i l se trou vai tavan t l es décrets de Berl i n et de M i l an ; su r des m i ll i on s de person nes qu i l i ra ien t cet te déclarat ion , i l n

’yen au ra i t pas une , je cro i s , qu i l

en ten drai t d i ffé

remmen t. Ma i s vo i c i l ’exp l i ca t ion du Mon i teu r . Lesnotes d e M . Foster au gouvernemen t des États -Un i snous apprennen t su ffi sammen t ce qu e l

A n gleterre

entend par rendre l e commerce des neutres à son co u rsaccou tumé . I l fau t détrui re l es fabri ques de sucre debet teraves

,déracin er l es pa stel s qu i donnent au cont i

nen t l ’ i n d i go i n d igène , défendre l a cu l tu re du co ton etces nombreuses fabriques qu i remp lacen t l es produ i tsde l ’ industrie an gla i se , et qui fon t de s i rap ides progrèsen France , en Au tri che , en Saxe , dans l e du ché deBerg ; i l fau t , tand i s qu e l

A n gleterre met des dro i tsde 500à 200 pou r 1 00 sur l es vin s de France , di rectemen t recevoi r des ma rchandi ses angla i ses en Franceet n ’

imposer à l eur i ntroducti on qu e des d ro i t s de 5 à1 0pour 100. A l ors le commerce sera rendu à son coursaccou tumé . Vo i là ce qu i a été parfa i tement exp l i quépar l es notes de M . Fos ter , auxquel les l e mi n i s tèreaméri ca i n a répondu avec autan t de fermeté que deta lent , etc . , etc . (note Un momen t après , i l saj ou ten t L

An gleterre en tend qu’ el l e se servi ra des

neu tres pou r in fl uer pa r l eur moyen su r l es tari fsmun icipau x de son ennemi , que les neutres obl i gerontl a France a recevoi r les marchand i ses angla i ses et

prêteron t leu r appu i à l’

An gleterre pour qu’el l e par

vienne à j o i ndre la souvera i neté des mers . Les répon ses

252 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

de M . Monroe a cette préten ti on s i si n gu here on t un telcaractère de force et d e véri té que n ous n ’avons ri en ày aj outer .

Les él oges prod igués i c i au gouvernemen t américa i nson t u n e cri t ique pl us amère de sa condu i te que tou tce que les défen seurs l es p lus zélés des dro i ts de l ’A n

gleterre peu ven t avo i r di t ou écri t pour l’

accu ser . Lesmi n i s tres des États— Un i s on t méri té une part ie de cesél oges . I l faut cependan t rendre à chacun ce qui l u i estdû . Les notes de M . Mon roê ne sont pas respon sab l esdu verb iage i n sen sé que j e vien s de c i ter . Les betteraves , l es pa stel s , l es ta ri fs , l a souvera in eté un iversel l e

,tout ce l a es t de l a pure i nvent i on des écriva i n s du

M on i teu r . Ma i s l orsque , après ce délu ge d’

absu rd i tés ,

i l s prétenden t qu e l’

An gleterre, pou r révoquer les ordresdu Consei l , a exigé que l es n eutres ob l i geron t la Francearecevo ir l es marchand i ses an gla i ses , i l es t d iffici le den ier que c ’es t M . Monro ‘e‘ qui l eur a admin i s tré ce chefd ’accusa tion .

Ce m in i stre ava i t i n féré de quel ques passages desno tes de M . Foster que l ’An gleterre i n s i s ta i t sur l

admi s

si on des produi ts de ses manu factures dans les por ts de

1 . Monaoñ (James ) , prés i den t des Etats-Un i s , n é en 1 758, mort en1 851 . M i n i strep lén ip eten tiai re prè s de la Répub l i que fran çai sepu i s gou vern eu r de la V i rgi n ie ,

i l remp l i t p lu s tard des fon ct ion sd i plomat i ques auprès des gou vern emen ts espagn ol et fran çai s et

coopéra au trai té par lequel les États— Un i s se fi ren t céder la Lou is ian e. Pen dan t la guerre con tre les A n glai s fu t revêtu ducomman demen t en chef des forces amér i cai n es . Elu prés iden t en181 7 et réélu en 1 821 , i l n égoc ia l ’acqu i s i tion de la Flor i de et rép ri

ma la trai te des n ous .

254 ARCH I VES DU CO M TE CH . DE N ESSELRODE.

une véri té i nattaquable , et comme s i el l e n’ava i t j ama i s

é té n i re levée, n i réfutée , n i désavouée .

M . Foster , on l e voi t b i en par l e s p ièces pub11ees j u squ ’ i ci , est un homme trop écla i ré et t rop versé dan sl es quest ion s qu ’ i l do i t t ra i ter , pour avoi r pu con fondrel a l égi sla ti on commercia l e de l ’ i n téri eur d ’

u n Eta t avecson sys tème de condu i te vi s— à— vi s des pui ssances i n dépendan tes , ennemies ou neu tres , ou pour avoi r pu imaginer que l es América i n s devra ien t servi r l ’An gleterreen fa i san t mod ifier l e régime p roh ib i t i f e t les tari fsmu n icipaux de France . Le j uste grief de M . Foster aété que , con tre tous l es p rinci pes du dro i t des gen s j usqu ’ i c i reconnus e t su ivi s , l es décret s de Napo l éon pron on çai en t l a confi sca t ion d ’une marchandi se , par l aseu l e ra i son qu ’e l l e éta it d ’ori gi ne angla i se , et quelqu ’en fût l e propri é ta i re actuel , e t que , d

’aprè s cettel égi s l a ti on tyrann ique , l a s imp le posses s i on d

u n objetp rovenan t du terri to i re ou de l ’ i ndus tri e bri ta nn iqu eé ta i t regardée comme u n acte crimi nel . I l s ’es t p la in tde ce que le gou vernemen t des Eta ts— Un is a i t puacqu i escer à un système pare i l , le pro téger par tou tessortes de faveurs , l e seconder de tou s l es soph i smes del a d ip lomat i e , pendant qu

’ i l accabla i t de reproches amersu n e pu i ssance don t tou t l e tort con si sta i t à avo i r opposédes représai l l es modérées a ce même système i nven tépar son enn emi dan s l e bu t avou é de l a dé tru i re .

Pou r révoquer ces actes de représa i l l es , l e gou vernemen t ang la i s me demande que la supp ress ion pure e ts impl e des décrets de Berl i n et de M i l an . I l n ’a j amai s

A RCH I VES DU CO M TE CH . DE NE S SELR ODE . 255

demandé davantage , et j e ne cro i s pa s que , san s sacri fi erce qu ’ i l do it avo i r de plus cher , i l p u i sse se con ten ter demoins . Nous exami neron s tou t à l ’heu re de quel dro i ton peu t sou ten i r que ces décrets on t été révoqués àl ’égard des América i n s . Ma i s i l s l e sera i en t dans ce sens151 de l a man i ère l a p lus comp l è te et l a p lu s catégoriqu e , que l e gouvernemen t an gla i s n

’en sera i t pa smoi n s au tori sé e t même ob l igé , par principe et pardevoi r , à l es envi sager comme subs i s tan t dan s toute l eurplén i tude . La quest ion à l aquel le ces actes hos ti l es on tdonné l i en n ’es t pas seulemen t u n e quest ion en tretel l e ou tel l e pu i ssance neutre d ’un côté , et l a Franceou l

A n gleterre de l’au tre , c

’es t u n e quest i on en trel’

An gleterre et l a France . On peut d i sputer l ongtemp set dan s tou s les sen s su r l ’avantage rée l ou apparen t

qu i revien dra i t à l’

An gleterre d’

u ne révocation partiel l edu décret de Berl i n , mais ce qui n

admet n i d i scussi onn i compos i t ion , c

’est le poin t de vue mora l de l ’affa i re .

La dign ité,l ’honneu r

,l e n om bri tann ique on t été

i n sul tés par l e décret de Berl in , l a mo i nd re répa ra tiond ’un ou trage pa re i l

,c ’e s t de l e fa i re cesser san s réserve ,

d ’annu l er l ’acte qui le con t ien t . Se con ten ter , da n s u n ea ffa ire de cette n ature , de mod ificat ion s , de demi— rétractation s , serai t un parti dangereu x , quand ce n e sera i t

pas u n part i impra ti cab le ; i c i , ce sera i t l’

u n et l ’autre ala foi s .

250 AR CH I VE S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

IV . De la p ré tendue révocat ion des Décrets de B er l i net de M i lan à l ’égard des É tats— Un i s .

Dan s l a correspondance en tre l ’A n gleterre et lesÉta ts-Un i s en a agi té depu i s un an la quest i on s i l esdécrets frança i s on t été révoqués ou non pa r rapport àl’

Améri qu e. Un e au ss i si ngu l ière i n certi tu de , des d i seussion s auss i prol ongées et au ss i - compl iquées su r u npoin t de fa i t , prouvent au moin s que, s i la révocat i on aeu l ieu , el l e n e peut pas avo i r eu un caractère b ienpos i ti f et b ien prononcé . E n effet , l e peu de pi ècespub l i ées à ce su j e t en France , à commencer par l a lettredu min is tre Champagny au généra l Arms trong , du5 août 1 81 0, son t conçues dan s des termes s i vagues ,s i l ouches ou s i condi t i onnel s qu ’ i l é ta i t presque égal emen t p erm i s de croi re ou de ne pas cro i re à l a révocat ion . Ce qu i es t certa in , c

’est qu ’el l e n ’a j ama i s étéformel l emen t annon cée par des actes au then t iques etpub l ics . Quo i qu ’ i l en so i t , l e Mon i teur a ssu re aujou rd

hu i que les décrets son t révoqués , par rapport al’

Amé

ri que , san s cl au se n i restri c tion . En accordant à cettea ssertion tou te l ’au tori té à l aquel le el l e pui sse prétendre , en reconnai ssan t l e M on i teur comme organeavou é du gouvernemen t frança i s , i l s

en su i vrai t tou tau p lus que ce gouvernemen t veut enfin regarder sesdécrets comme abol i s à l ’égard des Américai n s . Ma i su n e i n s in u a t i on parei l l e , n e s

’app uyant su r au cun documen t l éga l e t connu , su f fi ra i t- e l l e pour établ i r un fa i t

258 ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NE SSELRODE .

a ctuel , ne regarden t- i ls poi n t l’

Améri qu e? Et peut— ou

c i ter , j e n e d i s pas une pi èce authen ti que , ma i s l emo i nd re i nd i ce d i rect ou i ndi rec t prou vant qu e l

’abol i t ien de ce s art ic l es- là a i t jama i s été réa l i sée ou seu l emen tproj e tée ? Le l angage du M on i teur ne nous apprend1 I p lu tô t qu ’ i l s seron t sévèremen t mai n tenus con tretout le monde ? Et l a pei ne que s ’es t d onnée M . Mon roë

pour l es dé fendre , comme l i és au système mun icipalde l a France , n e prouve— t— el l e pas _

assez que le gou vern emen t améri cai n l es croya i t en p leine vi gueur .

Supposons , enfin , que tôt ou tard Napoléon pousse l acondescen dance pour les Éta ts— Uni s j usqu ’à déclarer ,par un acte au thentique , que tou tes les di sposi t i on s desdécre ts de Berl in et de M i lan son t révoqués à l ’égarddes Améri ca i ns , ce t acte pourra i t- i l sa ti sfa i re l e gouvern emen t bri tann i que ? Selon ma man ière de vo i r ,aucunemen t . Lo in d

abol i r ces od i eu x décre ts , u n e

démarch e parei l l e n e fera i t que l es confi rmer de nouveau . II ne s ’agi t pas des faveurs et pri vi l èges que l egouvernement frança i s peu t j uger à propos d ’

accorderà tel l e ou tel l e nation . Les décrets on t été portés con trel’

A n gleterre, c’es t comme tel s , c

’es t dan s toute l euré tendue , c

’es t puremen t et s impl emen t qu ’ i l s do iven tê tre révoqués .

Les Eta ts— Un i s , en i n si stan t sur l a 1 évoca ti on desordres du Con sei l , comme su i te de l a révocat10n desdécrets de Berl i n e t de M i l an n ’on t n i l a ra i son , n i l aj ustice de l eur côté . Car s i , ap rès tou t , i ls pouvaient

produ i re q u elque documen t authenti que et posi ti f , abo

A RCH I VES DU CO M TE CH . DE NES SE LRODE . 259

l i ssan t ou suspendan t , en leur faveur , tel l e clauseparticu l i ère des décre ts frança i s , i l y aura it l o i n de l àà une révoca tion p l ein e e t en ti ère , pou r au tan t seul emen t que l ’Amériqu e y fût i n téressée . Et, dan s l e ca smême où l a France rel èvera it l es hab i tan ts de ce paysde l ’effet de tou tes l es clauses de ces décrets , j e sou

t i en s qu ’ i l s n ’aura i ent aucun dro i t d ’exiger du gou vernemen t angla i s , so i t l a révocat i on de ses ord res duConsei l , so i t un priv i l ège anal ogue à cel u i que , danscette suppos i tion (peu probab le ) , i l s aura i en t obtenu del a France . La révocat i on des ordres du Con se i l n e peu tpas dépendre des rappor ts , quel s qu

’ i l s so i en t , en tre l aFrance et l ’Améri que. Et ou tre une mesure par laquel l eles décrets de Berl i n et de M i la n sera i en t révoqués oususpendus à l ’égard des Améri cai n s et une au tre qu irévoquera i t ou suspendra i t en l eur faveur les ordres d uConsei l bri tann ique

,i l n ’y aura i t aucune pari té d ’eff ets

,

aucune réci proci té réel l e,car l a Fran ce , tou t en sup

priman t ses décrets à l ’égard des Eta ts-Un i s , l es mai nt iendra i t dan s tou te l eur force con tre l ’An gleterre.

cen tre l’

Eu rope, con tre tous l es pays qu’e l l e pourra i t

enchaî ner à ses l o i s , tandi s que l’

A n gleterre, en permettan t au x Améri ca i n s de commu n iquer l i bremen tavec la France

,e t tout ce qu i dépend d ’el l e , reti rera i t

ses ordres du Conse i l , non seul emen t par rapport auxAméri ca in s , ma i s par rapport à tous l es pays d i rectemen t ou ind irectemen t soumi s à son en nemi , c

est— àdi re qu ’el l e renoncera i t par l e fai t à tout son système dereprésa i l les .

260 ARCIIIVES DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE.

Lo i n d’

affai bl i r l es mot i fs qu i , j u squ’ i ci

,ont déter

mi né l e mi n i stère bri tann iqu e à ne pas s ’écarter de cesystème , l a man i ère don t l e M on i teur s

’exp l i que sur l arévocati on des décre ts à l ’égard des Américai n s est p l utôt fa i te pou r l es confi rmer et pour les ren forcer . Legouvernement frança i s ava i t l e cho ix de fa i re cro i requ ’ i l se re lâcha i t de son anci enne rigueur , ou par unesprit de j ust ice et de conc i l ia ti on , ou par respect pourl es i n térêts des neutres , ou par une préd i l ect i on par ticu l iere pour l es Eta ts— Un i s . Ma i s , au l i eu de se préva l o i r de l ’une ou l ’autre de ces su pposi t i on s , i l l esdésavoue e t les détru i t même . I l nou s apprend que lesdécrets on t été adouci s ou (pour parler avec l e M on iteur) révoqués , à l ’égard des Améri cai ns , parce queceu x- c i se son t mi s dan s u n e att i tu de host i l e con trel’

A n gleterre. Ri en n ’est p l us dangereux qu ’un imp rudent ami , d i t l e grand fabu l i ste . I l faut conven i r quel es M i n i s tres améri ca i n s on t p la idé avec bien p lu sd ' adresse et de savo i r— fa i re l a mauva i se cau se du gouvern emen t frança i s , que cel u i— ci n

’en a mi s à p l aiderl a leur . S i les décre ts de Berl i n etde M i l an n e subsi sten tp lu s dan s toute l eu r étendue par rapport à l ’Améri qu e,c ’es t parce que l es América i n s son t presque en guerreou verte avec l ’An gleterre, et se préparen t à l

’être tout àfa i t . Qu el l e excel l ente ra i son pour engager l e gou vernemen t bri tann i qu e à rétracter ses ordres du Con se i len faveur de ces mêmes Américai n s ! La France , pou r l esrécompen ser de l ’a tt i tude menaçan te qu ’ i l s on t adoptéecon tre l ’An gleterre , les a ff ranch i t ou prétend les affran

262 ARCH I VES DU CO M TE C H . DE NESSE LRODE .

cau se de con traven tion à un arti cl e du décret de M i lan .

Qu an t à l a mauva i se foi qu i écl a te dan s des con tra stesparei l s , i l ne vau t plus l a peine de la relever , l a lumièrepara î t en fi n avo i r percé sur ce poin t— là , mai s on est

surpri s e t con fondu , en en tendan t tous l es j ours encorevan ter l ’ i n te l l i gence supérieure et l a pol i t i que profonded ’un gouvernemen t qu i ne cesse de donner à l

Eu rope

l e spec tacl e de ces con trad icti on s choquan tes , et s’

empresse de l es cons igner dan s ses — f eui l le s publ iques ,comme s ’ i l avai t peur de l es vo ir échapper aux con tem

porai n s ou à l a postéri té .

V . Des con d i ti on s attach ées par la Fran ce à la révo

cati on défin i ti ve des Décrets de B erl i n et de M i lan .

Les condi t i on s su r lesquel l es , d’après l e Mon i teur , l a

France in si ste pou r révoquer l es décret s de Berl in e t deM i l an , son t qu e l

An gleterre su pprime ses ordre s de1 807 et 1 809 , e t , en même temps , l a décla ra t i on debl ocus du 1 6mai 1 806, a ttendu que , san s l a révocati ondu bl ocus de 1 806, cel l e des arrêts de 1 807 et 1 809sera i t i l luso i re . S i l e gouvernemen t angla i s (d i t l an ote 1 5) révoque sa décl arat ion du 16 mai 1806, ledécret de Berl i n , qu i n

’en est qu ’un acte de repré

sa i l l es , sera révoqué de dro i t . S i l e gouvernemen tangl a i s révoque ses arrêts du 1 1 novembre 1 807, l edécret de M i l an , qu i n

’est qu ’un acte de représa i l l es deces arrêts , sera révoqué de droi t . Fidèl e au systèmeaudaci eux et inva ri abl emen t su i vi par tous les gou ver

ARCIIIVES Dl l CO M TE C II . DE NE SSE LRODE . 265

n emen ts nés de l a révo l u ti on d ’accuser ceu x qu ’ i ls ’agi ssa i t de dépoui l ler ou d

’écruser , non seu l emen t detorts et de crimes imagina i res , ma i s préci sémen t deces mêmes torts e t de ces mêmes crimes au xqu el s l esaccusa teu rs al la i en t se l i vrer , ou qu

’ i l s vena ien t decommettre contre eux , l e gou vernemen t frança i s a pri sl e part i de représen ter comme des actes de représai l l e sl e s décrets éminemment agress i fs d e Berl i n et de M i lan .

En exigean t au j ourd ’hu i que l ’An gleterre révoque sesord res d u Consei l avan t qu e la France eû t abrogé se sdécrets , i l est tou t s impl e que l

’on se serve encore de l amême tacti que . Car , san s emp l oyer un artifice parei l ,ce sera i t t r0p i nsu l ter au sen s commun , et à toute idéede justi ce e t de convenan ce qu e de prétend re que larévoca ti on des ord res du Consei l , amenés et provoquéspar l es décrets fran çai s , précédâ t la révocati on de cesdécrets .Je cro i s avo i r su ffi samment exp l i qué da n s l a prem i ere

de ces observati on s ce que c ’éta i t qu e l a décl ara t i on du16 mai 1 806, et à quel po i n t i l fa l la i t avoi r renversétoutes les idées et dénatu ré tous l es fa i ts , pour souten i rqu ’e l l e ava i t é té , ou qu

’el l e eû t pu être l a cau se dutra i té de Berl in . Cette décl arati on fu t légal emen trévoquée au moi s de septembre 1 806; s i - e l l e a e lerempl acée depu i s pa r quel que autre acte de l a mêmenature , i l au ra i t fa l lu en ci ter cet acte , en se con ten terde protester en généra l con tre le principe de tentemesure parei l le . Ins i s ter sur l a révoca tion de l a déc larati on du 1 6mai comme tel l e , est auj ourd

’hui comp lè

264 ARCH I VES DU CO M TE C H . DE NES SE LRODE .

temen t absu rde . (J’avoue s incèremen t qu e j e n e sa i s

pa s s i l a décla ra t ion du 1 6mai a j ama i s été remi se envigueur , ou s i quelqu e mesu re ana l ogu e a subsi s té séparémen t des ordres du Con sei l . A en j uger , d

’ap rès

qu el qu es pa ssages de l a correspondance en tre M . Mon roeetM . Foster , j e sera i s presque tenté de l e cro i re ; ma i s ,pri vé de tous l es moyens nécessa i res pour véri fi er cefa i t , j e n e pu i s n i l ’affirmer , n i l e n ie r po s i tivemen t .Cette ci rcon stance , au reste , comme on l e verra tou t àl

heu re , es t peu essen t ie l l e pour la qu esti on pri ncipale .

Car i l n e s ’agit pas de te l ou te l acte i nd i viduel ; ma i sde savoi r s i l ’A n gleterre peu t et doi t renoncer au dro i tsu r lequ e l la décl arat i on du 1 6 ma i é ta i t fondée , e t qu el a France lu i conteste au j ou rd ’hu i) .I l n e l ’est pa s moin s d ’an n oncer que la révoca t i on du

décret de M i l an su ivra ce l l e des ordres du Consei l du1 1 novembre 1 807. Ces ord res n e su bsi sten t p l us , i l sson t remp lacés pa r l ’ordre du 26 avri l 1 809 . Dans l esens même du gouvernemen t frança i s , le décret deM i l a n , comme j e cro i s l

’avo i r prouvé,est nu l e t de

tou te nu l l i té , pu i squ’ i l se rapporta i t tou t en ti er à u n e

clau se des ordres de 1807 qu i a été supprimée dansce lu i de 1 800.

Ma i s ce qu i est bien p lus essen t i el que tous ces anachron i smes , e t tou te cet te con fus ion de fa i ts e t de dates ,c ’est la pré tent ion du gouvernemen t frança i s d e fa i rerenoncer l ’An gleterre au pri nci pe du bl ocus mari time,tel qu ’el l e l ’a soutenu j u squ ’ i ci et te l qu ’ i l a servi debase à l a déclarat i on du 1 6 mai . I l me para î t n éces

266 ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

ancien s usages , l a ra i son en es t qu e l’on n ’a pas a ssez

ré fl éch i sur l es effets natu re l s et néces sa i res du progrèsde tous l es moyen s mari times . Je défie d ’établ i r unpri ncipe quelconque autori san t u n e pu i ssance à b loquerun port de son ennemi , l orsqu

’el l e peu t l e fa i re avec unnombre de va i sseaux su ffi san t s , pour réa l i ser cetteen trepri se dans l e sen s hab i tuel et généra l emen t reçud e ce terme . I l n ’y a ri en de plu s dép lacé que d ’appel erune Opéra ti on parei l l e u n b l ocus su r l e pap ier . S i l e sb l ocus décla rés e t exécu tés par l e gouvernement a ngl a i sn ’ava i en t été que cela , i l es t probab le que l es i nj ures

que l u i on t adressées ses ennemi s et quelqu es neu tresqu i ava ient adopté l eur langage aura i en t été moin s vi ol en tes . D ’

u n au tre côté , l a défin i t i on du dro i t de bl ocusma ri time , que la France voudra i t mettre en avan t , es ttou t a fa i t i nadm i ss i bl e e t con trarie en même tempstou tes les idées reçues . E l l e prétend que le dro i t deb l ocu s n ’e st appl icab l e qu ’aux p l aces fortes , rée l l emen ti nvest i es de forces su ffi san tes (voyez l e préambu le dudécret de Berl in ) . D

’après cette défin i ti on arb i tra i re,on

n ’aurai t j ama i s pu b l oquer un port non fortifié , et l espu i ssances qu i , par

_

l’

i n fériori té de l eurs forces nava l es,

sera ien t exposées à des a tta ques de ce genre n ’aura i en t

qu’

à raser l eu rs côtes e t dé trui re tou t ce qu i s ’appel lefortification , bat terie , etc . , pour rendre nu l l e tou teespèce de b locus mari t ime . On a beau ana l yser , d i ssequer , tourner et retourner dans tou s les sen s l

’ i dée d ’undro i t de b locus , on n

’y trouvera pas l e moindre fondemen t , pas l e moin dre p rétexte pour u n e res tri cti on s i

ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE . 267

parfa i temen t ch iméri que . Jamai s aucun min i s tère britann iqu e ne reconnaî tra cet te l égi s l a t i on de pure fantai s ie. Du j our où l ’An gleterre s

’y soume ttra i t , sa pré

pon déran ce mari t ime ne serai t p lu s qu’un fan tôme san s

réa l i té . Exiger qu ’el l e ren ferme l ’exerci ce de ses dro i tsdan s l es bornes étro i te s que son enn em i veut gra tu i temen t lu i assigner , c

'est au tan t que lu i d i re san s détou rNous recon nai sson s et nous sen ton s votre supérior i té ,mai s nous prétendons que vous n ’en usi ez que ju squ ’auterme que nou s j ugeron s apropos de vou s fixer ! I lme semb le que l ’An gleterre sera i t t ou t au s s i au tori séeà répondre Vou s êtes auj ourd ’hu i l a p remière pui ssance cont i nen ta l e , mai s comme votre con scri pti onmi l itai re et plu s ieurs autres moyen s , récemmen t i nven téspour mu l t ip l i er e t perfecti onner vos forces , nousdépla i sen t , vous rep ren d rez l

’ancien sys tème mi l i ta i rete l qu ’ i l é ta i t en usage chez vou s avan t l a Révo lu t ion .

Le gouvernemen t angla i s s ’est avancé auss i l o i n quepossib l e , i l a accordé tout ce que l

’on peu t ra i sonnab lement prétendre , en décla ran t qu

au ssi tô t qu e l e sdécrets de Berl i n et de Mi l a n seron t abol i s , i l révoqu eraet révoqu e dès à présen t l es ord res du 7 j anvi er 1 807et du 26 avri l 1809 , qu i son t l es seu l s actes de représa i l les auj ourd ’hu i en vigueur . C ’est là l e vra i u l timatum de cette a ffai re . Un pas p lus l o i n et l a modérat iondevi endra i t fa ib lesse .

268 ARCH I VES Dl l CO M TE C H . DE N ESSE LRODE .

Des av antages qu e l’

A n gleterre au rai t à esp érerde la rév ocati on des ordres du Con sei l .

On a sou ven t repré senté au Pa rl emen t et dans l esécri ts pub l i cs l e b ien qu i résu l tera i t de l

’abol i t ion deso rdres du Con sei l pour l e commerce bri tann ique engénéra l et part icu l i èremen t pour l es rel at i on s pol i t i ques

et commerc ia l e s en tre l a Grande— Bretagne et l e s Eta tsUn i s de l ’Amériqu e. S i l e bu t de ces représen ta tion sé ta i t de fa ire révoquer l es ordres du Consei l , san s quel es décrets de Berl in et de M i lan fussen t révoqués demême

,el l e s tenda i en t a une mesure de rétracta t i on

hum i l i an te , qu i , comme tel l e , n e méri ta i t pas d ’êtred i scutée . Le proj et d ’abandonner le système actuel l ement établ i , doi t , pour n e pas être rej eté d

’embl ée,

nécessa i rement porter sur l a su pposi t i on que l a Francerévoquera i t ses décrets auss i tôt que l ’An gleterre aura i trévoqué ses ordres du Consei l . (Les adversa i res que lesordres du con sei l on t en Angleterre son t a ssez d ’accordsur l e mal qu ’ i l s at tr i buen t à cet te mesure , mai s i l s nepara i ssen t p a s l ’être sur l a nature du remède

,et i l

n ’est pas touj ours fac i l e de sai s i r avec préc i si on l e butauquel i l s vi sen t . Quelques— un s , à en j uger d

’après leursdi scours au Parl ement , ou d

’après l eurs écri ts,on t

l ’a i r de dési rer l ’abol i t ion des ordres du Consei l à toutpri x e t à tou te cond i t i on . Il y en a d ’au tres qui

,

adoptan t l a man ière de vo i r de MM. Moret et Mon roë ,regarden t l es protesta ti on s i n sign i fian tœ du gouverne

270 ARCIIIVES DU CO M TE CI I . DE N E SSELRODE .

dans toutes les occasi on s , et quoi qu’ i l n ous en coûte de

comp rendre une théori e pa rei l le , c’est sa man i ère de

vo i r , de pen ser et d’agi r. Lorsqu ’ i l a eu l ’a i r d ’accorder

quelques modi fi ca tion s de ces décre ts aux Améri cai n s ,i l ne songea i t pa s de b i en loi n à en a l térer l e fond et lasubstance , e t , j usqu

’aux époqu es les plu s récen tes , i l afai t annoncer avec empha se qu ’ i l s sera i en t i nvari ab l emen t mai nten u s . Je d i s p lus . Il n e peut pa s ch an gerde sys tème à cet égard , e t dan s ce momen t— ci mo in s quej ama i s . Ces décre ts son t l e s dern ières a rmes qui lu ires ten t con tre l ’An gleterre. Sa marine est rédui te à uneimpu i ssance to ta l e , i l a perdu tou t ce qu e l a France e tses a l l i és e t t ri buta i res posséda i ent d ’é tab l i s semen ts etd e co lon ies dan s l es d i fféren tes parti e s du gl obe , et ,pour combl e de morti fication , ses armées on t é té arrêtées e t para l ysées partou t où el les on t rencon tré desa rmées bri tann iques . En ren onçan t encore à l a guerrecommerc ia le , i l s

avou erai t comp lètemen t va incu . Lesmi n i s tres e t fl a tteu rs lu i on t fa i t cro ire , et i l a effectivement cru pendan t quelqu e temps , que l e so i — d i san tsys tème con t inenta l , don t l es décrets de Berl in et deM i l an formen t l a base , détru i ra i t l e commerce , l

’ i ndu strie, l es ressources de l

A n gleterre et l a forcera i t àune pa i x humi l i ante . Peu t— être que , malgré les rai son squ i aura ien t dû l ’éloi gn er et l e dégoûter de ce tte espéran ce , i l y tien t en core à un certa in degré . Ma i s qu ’ i l yti enne ou non , i l e st v ivemen t intéressé à ce que le

pub l ic ne la croi e pas perdue . En révoquant ses décrets ,i l reconnaî tra i t que les cou ps qu ’ i l ava i t médi tés con tre

A RCH I VE S D U CO M TE CII. DE N ESSE LRODE 271

le commerce de l ’An gleterre ne son t pa s pl u s exécutabl e s que tan t d ’au tres don t i l l ’ava i t menacée , e t , dèslors , l

’opi n ion des con tempora i n s , quelque égarée e tgangrenée qu

’e l l e pui s se ê tre , ne verra i t p lus , dan s l acon tinua tion de cette guerre , qu

’un acharnemen t san sca l cu l e t san s bu t, et l e p résage d

’une défa i te absol u e .

S i l a supposi t ion qu ’en révoquan t l e s ord res du Con sei ll e gouvernemen t bri tann ique engagera i t Napol éon àl ’abo l i t ion pure e t s impl e de ses décrets n ’a j ama i s eude fondemen t rée l , e l l e es t devenue complètemen tinsoutenabl e par l e soi n qu ’ i l a m is lu i — même à détrom

per ceu x qu i se l ivrerai en t encore à cet te erreur .

Pl u s d ’une foi s déjà , i l ava i t fa i t en tendre , et mêmedi sti nctement articu ler , que l a révoca ti on des ordres duConse i l ne l e con ten tera i t pas s i l e gouvernemen t augla i s ne renonça i t en même temps à ses pri ncipes deb locus . Ma i s en dern ier l ieu e t nous l e voyons denou veau par l es no tes du 8 ma i ce t a rti c l e a étéé l evé au rang d ’une cond i ti on exp resse et i rrémi ss i bl ede la révoca ti on de ses décrets con tre l ’A n gleterre.

Nou s savons quels son t ces pri n c ipes de b locus , et cequ ’ i l p rétend mettre al eur p l ace . I l n e su ffi t donc plu sa uj ourd ’hui d ’abandonner le s ordres du Con sei l , i ls

’agi t de savo i r s i ceu x qui i n s is ten t sur cette mesureson t préparés à abandonner de même le systè in e de b locus , main tenan t en vigueur , à adopter sur ' ce po i n tcap i ta l l es défi n i ti on s et les doctri nes de Napo léon , à

renverser , en un met, tou t l e code de dro i t de guerremari t ime , tel que l ’A n gleterre l

’a soutenu j u squ ’à ce

272 A RCHIVES ou contre en . DE N ESSE LRODE .

j our . Je ne sa i s s ’ i l y au ra i t parm i l es Angl a i s des personnes a ssez éblou ies par des théorie s spéci euses et steri l es , ou assez a larmées de quelqu es murmures pepula i res , peut — être ma l i n terpré tés , pour con sen ti r à unauss i énorme sacrifice , mai s j e n e cro i s pas qu e l

’onosera i t l e proposer à un e a ssemblée comme l e parl emen t bri tann ique .

Cependan t tout en reconna i s san t la véri té de ce qu ej e d i s , on pourra i t encore dép l orer cet éta t des choses ,comme un grand ma l h eur , et regre tter amèremen t que ,par l ’ i nj ust ice et l ’obsti n ation de l ’ennemi , l

An gleterre

so i t p rivée des avan tages qu e l u i a ssurerai t l a révocati ondes ordres du Consei l e t l e rétab l i s semen t de l ’ancienrégime commerci a l . Jusqu ’à quel po int ces regre tssera ien t— i l s fondés ? Pou r appro fondi r cet te quest i on ,l ors même que j e m’

en sen tira i s l a force , i l me faudrai tune grande connai ssance des dé ta i l s , i l me faudra i tdes donn ées b i en autremen t abondantes e t déci s i vesque cel les que j e possède . Je pui s hasarder cependan tquel ques réflex ion s générales qu e ceux qu i son t p lu si n stru i ts qu e moi sauron t appréci er et rectifier .

I l me para î t d ’abord certa i n que par l a révocati ondes o rdres du Con sei l

,accompagnée en su iv i e de la

révoca ti on formel le des décrets frança i s car i l m ’estimposs ib l e de séparer l ’une de l ’au tre l

An gleterre

gagnera i t peu de chose pou r ses rel a tion s commercia lesavec le con ti nen t européen . I l n ’y a aucune ra i son decroi re qu e l es d i sposi t ion s person nel l es de son ennemi ,en devi endra ien t p l us modérées ou plu s b ienvei l lan tes , _

ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NES SE LRODE .

l a s tagn ati on dan s cette bran che de son commerce .

Depu i s que les ordres du Con sei l subsi stent , i l n’y a

p lus en Europe de neutral i té l éga l emen t avouée . L ’accèsdes côtes et des ports que l es décre ts frança i s n

’on t paspu a tte i nd re , n

a poi n t été compromi s par le s ordres duConsei l , et l e commerce i nd i rec t et cl andest i n qu i a eul i eu , en dép i t des décrets , a été p l utôt favori sé que contrar1 e pa r ces ordres . En souten an t que l es mesures derep résa i l le s du gouvernemen t angla i s n ’on t ri en aj ou téaux mauva i s effets que l es décrets de l ’enn em i on t eupour l es rapports de commerce avec l ’Eu rope, j e n epui s , n i n e dési re même beaucoup pouvoi r aborderdans la di scu ss i on , l es avan tages pos i ti fs que p lus i eursdéfenseurs des ordres du Consei l l eur on t a ttr i buéssous ce même poi n t de vue . Ma i s quel les que so ien t lana ture et l a va leur de ces avan tages (vivement con testéspar d ’autres) j e n

’y comprendra i s j amai s l ’exten siondonnée , en dern ier l i eu , au système des l i cences . S i cesystème a fa i t du bien au commerce angl ai s , i l mesemble qu e l

’on n e peut pei n t en réc lamer l e méri tepour les ordres du Consei l , mai s , par l a même ra i son ,j e trouvera i s extrêmement injus te de les rendre responsab les des i nconvén i ents et c es abus qu i on t accompagnéle système des l icences . Jusqu ’ i c i n ou s n ’avon s fixé

n o tre a ttent i on que sur l es changements qu e l a revocation des ordres du Consei l opérera i t dan s l es rapportsd i rects en tre l ’An gleterre et les Etat s—Un i s d e l

Amé

ri que .

On est accoutumé à regarder les ordres du Con sei l

ARCH IVE S DU CO M TE CH . DE NE S SE LRODE . 275

comme la cause pri ncip a l e du mécon ten temen t qu id ’abord a produ i t tou s ces malheureux actes proh ib i t i fspa r lesquel s tout commerce léga l en tre l ’Améri que e tl’

An gleterre se trouve suspendu , qu i a d érangé tou tesl es re la t i on s po l i t i ques , enven imé tou tes les d i scuss ion sen tre le s deux Etats , et s

’est enfin déve loppé au poi n tde les menacer d ’une rup ture ouverte . I l me paraî t b ienp lus j uste de cons idérer l es ordres du Consei l commeu n des prétextes , que comme la cause de ce mécon tentement .En su ivan t l a condui te du gouvern emen t américa i n

dans chaque époqu e de ce s dern ières guerres , i l est imposs ib l e de n ’y pas recon na î tre l a part i a l i té l a p lu s pron on cée et l a p l us sou tenue pour l a cause de l a France .

Je ne prends pas su r moi de déc ider par quel s moti fs l eparti qui , depui s l a mort de Wash i ngton ‘ et l a retra i tede M . Adams ” , s

’est emparé de toute s l es fonct i on s publ i ques , a été guidé dan s cette partia l i té , s i c

’éta i tl ’amertume que les anc ien s ressen t iments centre l ’An

gleterre avai en t l a i ssée dans le s esp ri ts , ou l a j a l ou s i ede sa supériori té actue l l e

,ou l a cra i n te ch imérique de

quelque proj e t hosti le de sa part , ou l e dépi t d’un geu

vern emen tpopu la i re part icu l i èremen t suscepti b l e d ’êtreb l essé par tout ce qu i ressemble à u n manque de precédés ou de ménagemen t , ou l

i rri tation con tre l e part i

l . Wxsn txcren (George) , u n des fon dateurs de la répub l i que desEtats-Un i s . Pré siden t de l ’Un ion de 1 789 a1 797. Né en 1 752, morten 1 799 .

2 . An .tn s (John ) , deuxi ème prés i den t des Etats-Un i s , n é en 1 755,

mort en 1 826.

xi e ARCH I VE S ou cours en . DE N E SSE LRODE .

eppesé accu sé de trop d’

i n du lgen ce pour l’

A n gleterre, e tdon t l e tortréel n ’es t peu t- être que celu i d’

asp i rer à son

tou au x p laces et au pouvoi r; ou s i c’é ta i t , en fi n , l

’effetréu n i de toutes ces cau ses , ou d

’au tres encore qu ’ i l es tp lus d i ffici le de pénétrer . Mai s que l l e que so i t l a clef del ’én igme , l e fa i t n e saura i t ê tre con tes té . La France l esa vexés de toutes les man i ères , l e s a dépoui l lés , malt ra i tés dan s tou tes l es occa sion s ; l e réc i t des avan iesqu ’ i l s on t essu yées de sa part depu i s v i ngt an s rempl ira i t des vo lumes ; i l s on t tou t d iss imu lé , tou t excusé .

Ma i s au ssi tôt qu ’ i l a été qu est i on d ’un d i fférend quelconque avec l ’An gleterre, ces hommes s i deu x , s i to l érants , s i pac i fi qu es pour son ennemi , se son t mon tréssévères , exigean ts , poin ti l l eux à l

’excès . Dan s l es mesuresqu ’

u ne nécess i té impéri eu se et l ’i n térê t d i rect de sacon serv at i on prescriva ien t au gouvernemen t angla i s , i l sn

on t vu qu e l’ i n ten t i on d ’

epprimer l’

Améri que, d’en

traver son commerce , d’

étou ffer son i ndustrie na i ssan te ,à une époque où tou t le commerce des co l on ies fran

çai ses , espagno les , h ol l anda i ses passa i t par leu rs ma in s ,où tous l es ports de l ’Europe é ta i en t rempl i s de l eursva i sseaux , où on n

apercevai t presque p lus sur l’

Océan

que l e pavi l l on bri tann i que e t le leur , e t où l’

A n gleterre

observa i t ‘a l eur égard des pri ncipes d ’une l ibéra l i téex trême, i l n e fa l l a i t que quelque acte de ri gueur exercécen tre des abu s trop choquan ts par un tri bunal n otoi remen t incapab le d ’un procédé i nj uste , i l n e fa l la i t queq uelque désagrémen t momentané , amené par l e hasardou par l a fau te d’

u n i nd ividu pou r l es fa ire cri er au

278 ARCH IVES DU CO M TE CH . DE N ESSE LRODE .

vastes rui nes . En admettan t que pendan t les prem i eresépoques de l a révoluti on , malgré l

’horreu r que samarche et son caractère deva ien t i n spi rer à tou t am iécla i ré de l a l i berté , l e n om de Républ i que et l ’a ffeetati on de quel ques formes républ ica i nes ai en t pu enimposer aux Améri ca i n s , on aura i t cru au moin s qu

’ i l schangera ien t de sent imen t et de système l orsqu e tou t ce téchafaudage répub l i ca i n f ut rédu i t en poussi ère , e tl ’anarch i e l a p lu s féroce remp lacée pa r un despot i smesan s born es . Ma i s on s

aperçu t avec étonnemen t quel eurs a ffect ion s , l eurs p rocédés , l eurs ménagements ,resta i en t le s mêmes , tand i s que leurs crai ntes , l eursj a l ousies , l eurs ant ipath i es p lana i en t exclus ivemen t su rceux qui a rrêta ien t l es progrès de ce despoti sme . Cetétonnemen t augmenta en core l orsqu ’on vi t leur pref onde i ndi fférence au x atten tat s cruel s commi s con tre l epeuple espa gnol , et cet te absence tota l e d

’ i n térêt pourl’

héreïsme sou tenu avec l eque l ce peup l e défenda i t sal i berté , et ce s i l ence d

u ne n eu tral i t é mora l e pl us chequan te que tou te neu tra l i té po l i t i que qu ’ i l s garda ien tau mil i eu des vici s s i tudes d ’un spec tac le au ss i lugu breet au ss i maj estu eu x . Le dévouement magnan ime avecleque l l a na t i on bri tann i que ava i t épousé l a cau se desE spagno l s , l o i n d

arracher à ces imperturbabl es égoïstesun seul témoignage de sa ti sfact ion ou d ’admi rat i on

,l es

encouragea i t p lutôt à poursu i vre avec d ’autan t p lus deténaci té l es fro i des ch i can es don t i l s accabla i en t l egouvernemen t ang la i s . Enfin , voyan t que l

’ i ncend iegagna i t cette va ste pa rti e de l a monarch ie espagnole

ARCH IVE S DU com: CH . DE NE SSE LRODE .

279

don t i l s son t vo i s in s , i l s paru ren t su r l a scèn e , mai s cene fu t que pour s ’assurer , par des coup s portés dan s l estén èbres , l a possess i on de quelques provi n ces détachéesde cette monarch i e et p our favori ser dan s l e s autres l arébel l ion e t l a guerre civi l e .

Ma i s ce n ’es t pas tou t en core que ce t aban don de sprincipes généraux , et cette persévérance dan s unsystème s i peu ana logue au carac tère d ’un gouvernemen t républ ica i n , i l n

’y a pa s même d ’

i n térêt d i rect e tprochai n , pas de cons idéra ti on d

’avan tages ou de p erteposi tive

,qu i a i t pu engager l es chefs des Eta ts—Un i s ‘a

changer de marche po l i t i qu e . I l est c la i r que , dan s l’éta t

ac tu e l des choses , i l s on t comparat i vemen t peu à gagn erpar l ’am i t ié de l a France , et peu à perdre en ri squan tsa d i sgrâce

, tand i s qu’ i l s on t beau cou p à conserver ,

à espérer et à cra i ndre du côté de l ’An gleterre. Leurcommerce seu l avec l es I le s Bri tann i ques é ta i t i n fin imen t supéri eur ace lu i qu ’ i l s fa i saient avec l a France

,

et p lus importan t pou r eux que cel ui de tou t l e con tinen t européen . Leurs en trepri ses dans l e s autres parti esdu globe, l eurs expédi t ion s mercan ti l e s dan s l es grandesIndes , l eurs rapports avec tou t l

A rch i pel des An ti l l es ,l eurs spéculation s sur l ’Amérique mérid iona l e , tou tcel a n e l eur est assuré que par l eur bon n e i n tel l igenceavec l e gouvernement an gla i s , tou t cela peut s

évan eu i r

au premier choc d ’une rupture . Mai s p lu tô t que dedép la i re à l a France , i l s on t actue l l emen t en sacrifié ,ou gri èvemen t compromi s ces immenses avan tages . Ils

on t fermé l eurs ports aux va i sseaux anglai s , et défendu

280 ARCH I VE S DU CO M TE C II . DE NE S SE LRODE .

a leu rs su j ets , par un vra i ac te de suicide pol i tique ,tou te c0mmu n i cation avec l ’A n gleterre. Non con tents deces mesu res rigoureuses après l esquel le s on aura i t cruau moi n s l eurs comptes avec l ’A n gleterre p lu s queso ldés , i l s on t conti nué à cri e r cen tre l e gou vern ementbri tann ique

,à lu i demander réparat i on pou r tou tes

sortes d’

eflen ses imagina i res , à annoncer , dan s l eu rsassemblées légi slat i ves , que l a guerre éta i t i névi tab le ,à en préparer les moyen s au tan t que leurs fa ib l esressou rce s l e permetta i en t . Commen t expl iqu er u n e

condui te au ss i ex traord ina i re , san s admettre que cegou vernemen t est en traî né pa r quel que impul si onsecrète

,plu s pu i s san te que tou s le s pri n cipes et tou s

les cal cu l s , par u n espri t d ’

an imosi té et d ’

ebsti n ation

qu i l u i fera i en t embrasser l es mesu res l es pl us contra i res à ses propres i n térê ts , pourvu que ce ne fu ssen tpa s cel l es qu i le s met trai en t d ’accord avec l ’An gleterre?

Les d i scussi on s su r l es o rd res du Con sei l qu i on t eul i eu en tre les deux gouvernemen ts depui s l ’arrivée deM . Foster en Amériqu e , confi rmen t ma l heu reusemen tcet te conj oncture . Chaque p ièce sortie des bu reau xaméri ca i n s porte l e cachet de ces d isposi ti on s h osti leset s i l e s chefs des Eta ts— Un i s ava i en t s incèremen t dési rél ’amiti é de l ’A n gleterre i ls n

’aura ien t j ama i s en tamécet te d ispu te . I l s sava ien t par fa i temen t bien qu e l as imp l e modifica ti on de quel ques clau ses des décrets deBerl in e t de M i lan en faveu r d ’une nat ion qu e l a Franceava i t tan t d ’ i n térêt à ménager ne décidera i t pas l egouvernemen t angl a i s à u n e démarche auss i écl a tan te

282 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

tou t ce qu i s ’est passé au Con grès améri ca in , e t toutesl es réso lut i on s qu ’ i l a pri ses , et tous l e s armemen t squ ’ i l a ordonnés , i l e st d i ffici le de comprendre de quel leman ière , sou s quel l e forme et de que l cô té cet te guerrepo u rra i t éclater . En ferman t ses ports à l ’An gleterre,et en se refu san t à tou te commu n icat i on avec e l l e , l esEta ts — Un i s on t fa i t ce qu i éta i t en l eur pouvoi r pou r sevenger des ordres du Con sei l . L’

A n gleterre, comme derai son , a protesté et ne cessera de protester con tre cesmesures , mai s el l e n

’a j ama i s annoncé l ’ i n ten t i on d ’a l l erp lu s l oin e t de rompre l a pa ix avec l ’Amériqu e au ca soù ce l l e- c i n e con sent i rai t pa s à chan ger de système . Cen e sera donc pas , sel on toute apparence , l e gouvernemen t an gl ai s qu i décl arera l a guerre . De l ’au tre côté ,l e s Eta ts-Un i s ne peuven t p l us se regarder comme parti epuremen t et s imp lemen t sou ffran te ; en adme ttan tmême que les ordres du Con sei l a ien t été , comme i l s l eprétenden t , une mesure attenta to i re à leurs droits , i l sn e son t pas res tés en arri ère , i l s on t amp lemen t ripostépar l ’acte de non in tercourse ; en ne conço i t pas sousquel s ti tres et prétexte , i l s en viendra ien t à une declara ti on de guerre , l orsque ce son t eux qu i on t frappé lesdern iers cou p s dan s ce démêlé . E t quand ensu i te onréfl éch i t sur la s i tua ti on des Eta ts— Un i s , sur l a di sproport i on ex trême en tre l eurs moyen s e t ceux de l a pui ssance qu ’ i l s p rovoqueraient , sur l e s sacrifices énormespar l esque l s i l s commencera ien t cette guerre

,su r l es

pertes inca l cu lab les qu ’e l l e l eur fera i t essuyer , sur l adestruct i on de toutes l es branches de l e ur p rospéri té

ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE NES SE LRODE . 285

actuel l e qu i en sera i t p robabl emen t l e résu l ta t fina l, en

a de l a pein e à imaginer que, san s nécess i té éviden te ,et san s espoi r d ’arriver pa r l à à un me i l leur ordre dech oses , un gouvernemen t respon sab l e de ses démarchesse portâ t aun tel excès de démence .

Cependan t i l s ’en fau t de beaucoup que l e dangerd ’une guerre en tre l

An gleterre et l’

Améri qu e soi t l eseu l moti f pour désirer v ivemen t d e vo i r cesser l eu rmésin te ll i gence a ctue l l e . Con sidérée en grand , cetteguerre sera i t certa i nemen t funeste a l ’un et à l ’au trepays . Car quo i qu ’en di sen t l es ca l cu l s rétréci s d 'unecup id i té mal en tendue , ou d

’un e j a l ousi e aveugl e , lesvra i s in térêts , l es i n térêts durab le s de l

A n gleterre n eson t poi nt et ne peuven t pa s être en opposi t i on avecceux des América i n s : et i l est imposs ibl e que ce qu iappauvri rai t l ’Amériqu e n e fût pas , en dern ier résu l tat ,un mal très réel pou r l

An gleterre‘.

1 . Il n’

y apas u n homme d’Étaten A n gleterre qu i n e soi t con vai n cude cette vér i té , et si on y trou ve quelques espr i ts bern és qu i lamécon n ai ssen t , i l est fort i n ju ste de ren dre le gou vern emen t et lapartie é clai rée de la n ation respon sables des erreu rs de qu el qu esi n di v i du s . C ’

est sou s ce rapport— l à que j ’ai tou jou rs été choqu é decertai n s passages dan s les dépêches de M . Pi n kn ey où i l pei n t lesdi spos i t ion s gé n érales de l ’An gleterre en vers ses compatr iotes . Il est

di t par exemple (dan s u n e lettre à M. Mad i son du 20 septembre I768impr imée dan s le Mon i teu r du 5 décembre 1 800) L’

espr i t de mon opole s’est emparé du peu ple et du gou vern emen t an glai s . Nou s n eseron s dan s au cu n cas tol éré s comme r i vaux en commerce et en

n av i gat ion par laGran de-Bretagn e. On espérerai t en vai n qu ’

el le con

sen ti t à lai sser se développer les ressou rces n avales des États-Un i s .Tou s ces préjugés , tou s ces cal cu l s ten den t à u n bu t con trai re. Commeal l iés même n ou s seri on s exposés à sa jalou s ie, M. Pi n kn ey a étévan té comme un homme éclai ré etmodé ré ; ce que je v i en s de c i ter

284 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE .

Ma i s l es i nconvén i en ts de cet te guerre sera i en t aumoi n s mêl és de quelqu es avan tages momen tanés . et les

revers mêmes qu ’el l e fera i t éprou ver aux Améri ca i n scondu i ra ient peut- ê tre ‘a qu e l qu es changemen ts heureu xtandi s que l e sys tème de proh ibi t i on exercé auj ou rd ’huicen tre l e commerce bri tann ique est u n mal san s con trepo ids et san s compen sa ti on . I l e s t certa i n qu e l a su spensi on du commerce avec l es Etats— Un i s est non seu lemen tu n e priva t i on de p lu s aj ou tée à cel les que le sys tèmecon ti nen ta l a i n fl i gée s à l ’A n gleterre, ma i s qu

’el l e est.pa r e l l e— même p lu s fa ta l e aux i ntérê ts de son i ndu s tri e ,de ses manu factures , et de ses rapports pécun ia ires avecl es au tres pays

, qu e tou t ce qu’e l l e a pu souff ri r de

l ’exclu s i on de ses marchandi ses des ports et marchésdu con t inen t eu ropéen .

Mai s qu e l remède proposer con tre ce ma l ? La révocation des ordres du Con sei l sans l a révocat i on préa l abl edes décrets de Berl i n et de Mi l an es t une mesu re à

l aque l l e le gou vernemen t angl a i s ne se prêterajamai s ,n e peu t , ne doi t pa s se p rêter . La dign i té national e es tsu péri eu re à tou te au tre considéra t ion , et s i on vou la i t

de lu i n’

en paraîtra qu e plu s su rpren an t . Il serai t curi eux de savoi roù M. I’mk n ey pou rrai t avoi r recu ei l l i les preu ves de cet espr i t demon opole et de jalou s ie qu i selon lu i doi t s ’ê tre emparé du peuple et

du gou vern emen t an glai s . Ce n’

est pas a cou p sûr dan s les con téren ees qu ’

à l 'époque de sa lettre i l a pu avoi r avec M. qu ’

i lau ra pu i sé ses n ot ion s . Et on peu t hardimen t ajou ter que ce n

estpas n on p lu s dan s les actes etdé claration s du gou vern emen t an glai s ,n i dan s les d i scou rs pron on cés au Parlemen t par les orateu rs dequ elqu e parti que ce soi t n i dan s au cu n ou vrage tan t soi t peu est iméet accrédi té en A n gleterre.

286 ARCH I VE S DU CO M TE CH. DE NESSE LRODE.

avan tageux pour ses in térêts présen t s e t futurs d’

accep

ter l e s propos i t i on s de l ’A n gleterre que d’ i n s i ster sur la

révocat i on des ordres , en s’

exposan tal a durée i n défin ied ’un éta t de choses aussi pén ib l e pour l es América i n sque p our l ’A n gleterre, ou aux dangers i nca lcu l ab l esd ’une guerre , dan s laquel l e toutes l es chan ces sera ien tcon tre eux .

En résuman t ce qui a été di t dan s cet art i cle , i l m eparaî t qu ’ i l y a d ’a ssez bonnes ra i son s pou r ne pas sel ivrer à des regrets excess ifs sur l es obstac les qu i combatten t l a révocat ion des ordres du Consei l . Cette mesureaccompagnée même de l ’abol i t i on des décrets de l aFrance ne ferai t r i en , ou presque ri en , pour l e re tabli ssemen t du commerce de l ’An gleterre avec l a parti edu con tinen t européen qui est auj ourd ’hui fermée à sesva i sseaux . I l es t trè s i ncerta in qu ’el le pu isse amenerun changemen t e fficace dan s ses re lat i on s avec lesEtat s — Un i s , et su rtout dan s l e s sen timents et l e s d i sposi tion s du gouvernemen t américa in . Et en fi n ,

s i un telchangemen t n ’est pas devenu impos si b l e , i l doi t y avoi rp our l ’attei n dre une route moin s opposée aux premiersi n térê ts de l ’A n gleterre, p lus honorable , pl u s sûre ,p lu s d irec te et p l us sa ti sfa i san te que cel l e qui parti ra i tde la révocat ion des ordres du Con sei l .

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE . 287

Le p r in ce Czartoryskià l

empereu r A leæun dre I°”

CONS IDERAT IONS SUR LE RETAB L I SSEMENT DE LA POLOGNE

Le rétab l i ssemen t de l a Po logne est peu t- être l e prem ier pas au rétab l i ssemen t du repos du monde . I l estpeu t- être au ssi dan s les vues b ien fa i san tes du Monarqueauquel l ’human i té souff rante tourne ses regards a ffl i géscomme vers son l ibéra teur . Dan s cette hypothèse , j ehasardera i quelques cons idérat i on s que m ’a suggéréesl

amour le p lus pur de mon Souvera i n , de l a pa tri e etde l ’human i té souffran te .

I l ne me convien t pas , sans doute , de tracer l e s l im i tesdu nouveau royaume . Je m’

imagi n e que , par des n égoc iation s heureuses , Dantz i g et l a Ba l t i que , j usqu ’àl ’embouchure du Ni emen vers l e nord , l a V i stu le e t l aS ibéri e à l ’ouest , l es mon ts Krapacks au sud et l e Bouget l e Ni émen à l ’es t pourra ien t ê tre ses l im i tes . Par cetagrandi ssemen t , l a Po logne pourra i t faci l emen t oubl ierl es provi nces à l ’est , i rrévocablemen t réun ies au grandempi re de l a Russi e , e t dan s l

ébran lemen t où se trouvel’

Europe, l e s pr i n ces dépossédés pourra ien t facilemen ttrouver des dédommagemen ts éga lemen t uti l es et à euxet à l ’Eu rope sou ff ran te .

288 ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

Le B oyan me a ins i rétabl i , l a q u es t i on l a p l us importante et qu i occupera tou s les espri ts , sera san s dou tecel l e- c i : Q uelle con sti tu ti on don n era- t-on au n ouveauRoyaume?

I l est possi bl e qu e p lu s i eurs p lans a i en t été présen tésà cet éga rd à Sa Majes té Impéri a l e , p lan s que j e neconna i s nul l emen t . Ma i s occu pé par l ’ordre de SaMaj esté Impéria l e depu i s p lu s i eurs années des l oi s po l it iques , j

ose soumettre à sa sagesse des réfl exion s quede longues médi tation s su r ce suj et m’

on t suggéréesdans ma carri ère l égi s la t i ve .

La Russ i e e t la Po logne seron t réun ies sou s l e mêmeSouvera i n .

Cette réun i on doi t être sol ide et durab le pou r que cesdeux nati on s ayan t l a même orig ine ne se regarden tdésorma i s que comme des en fan ts réun i s sous l e mêmepère , ayan t l e même i n térê t po l i t i qu e , commerci a l , desûreté et de bonhe u r pub l i c .

La réun ion se peu t fai re d ’

u n e dou b le man i ere

1 ° D ’après l e p ri nc ipe fédérat i f2° D ’après le princi pe d ’un ité .

DU PRINCIPE FEDERA'

I‘

IF

On a réun i l a Fi n l ande à la Ru ss ie ; en en a fa i t unEtat séparé . L ’armée , l es fi nances , l

’ i ntérêt commerci a l ,tou t y es t d i sti nct . La personne du souvera i n fa i t le

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSE LRODE .

régime mun icipa l font cepen dan tpartie d ’un tou t ; a ins iles comtés e t l es c i tés d ’

An gleterre j oui ssen t de di fféren ts régimes et privi l èges mun icipaux san s que l ’A n

gleterre en so i t moi n s régi e par u n gouvernemen t unet i n d ivi s i bl e .

Cons idéron s l es Etats monarch iqu es .

L’

Emp i re d’

A l lemagn e, cemme en l e sa i t , é ta i t forméde 500 Eta ts ; chaqu e Pr i nce , chaqu e vi l l e impéri a l eava i t l e dro i t d ’

ambassade, des troupes , des fi nances’a

pa rt . L’

A l lemagn e a été le p lus fa ib le empi re du monde .

C’est l a France qu i lu i as sura ses dro i ts à l a pa i x deWestpha l i e e t qu i en profi ta le p lu s .L

A n gleterre est depu i s un s i ècl e seu lemen t une

grande pu i ssance . Quand commença— t— el l e à être préponderan te dan s l es a ffai res de l ’Eu rope?

L’

Irlan de et l ’Ecosse y éta i en t b ien réun ies sous l emême Pri nce l

Irlan de, depui s p lusi eurs s iècles,

l’

Ecosse depu i s l e Mai s l ’Irlan de, i ndépendan te dan stou s ses rapports pol i t iques , commerci aux , fi nanciers ,éta i t en con ti nu e l le rébe l l ion , j usque vers l a fin duxvn

" s iècle où on l ’a b ien soumise à des l oi s cruel les,

mai s en la i ssan t su bs i ster u n e ombre de l ’ i n dépendance pol i t ique ; e l l e n

’est pa s encore au j ou rd ’hui unepossession assu ree a l a Grande— Bretagne . L

Ecosse.

réun ie à l’

A n gleterre dans l a personne d’un Rei com

mu n depu i s Jacques lu i fi t une gu erre con t inu el l ependant tou t le règne des S tuarts ; el l e en est l e p lusferme appu i depui s 1 706, l

’an de la réun ion des deuxroyaumes dan s un seu l Parl ement .

ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE N ESSE LRODE . 29 1

Qu el le face représente donc au j ou rd ’hu i l a con sti tu

ti on po l i ti que de la Grande— Bretagne ? Un seu l pou vo i rsou vera in concen tré dans u n Par lemen t commun à tou sles troi s royaumes , même armée nava l e e t de terre ,commandée par des générau x nommés i nd i s tinctemen tparmi l es tro i s na t i ons , mêmes finances pour tous l esbeso in s généraux de l ’Emp i re.

Cependan t l e régime mun ici pa l , l es tri bunaux dej u sti ce e t même l a représentati on nat i ona le y son t di fféren ts ; en fai t même des comptes d i s ti ncts de la l i stec ivi l e d ’

É cosse et d’

Irlan de . Ma lgré ce l a , l e gouvernemen t de la con fédéra t i on des troi s royaumes est un et

i ndiv i s ib le dan s tou s l es rapports mi l i ta i res , po l i t i queset financi ers . Le roi d ’

A n gleterre ne t ien t pei n t ch ez lu iun mi n i s tre des a ffa i res étrangères d’

Ecosse, commeNapol éon t ien t cel u i d

Ital i e ; en n e conço i t p as n onp lus une armée écossa i se , di sti n cte de ce l l e de l

An gle

terre,n i un code de commerce ou de douanes d i s

ti nct , etc .

La Prusse , é levée à u n hau t degré de rép u ta t i on parun pri nce gu erri er , n

’é ta i t pas mo in s un Eta t fa ib l e . Cepri nce organ i sa b i en l ’armée e t l es finances ; ma i s l esprovi nces qui const i tua ien t ce corp s n ’en d i fféraien t pasmoins d ’ i n térêts po l i t i ques e t commerci au x . La Pru ssen ’éta i t n i u n État fédéra t i f , n i un Eta t u n et i nd ivi s ib l etou t cela éta i t di fféren t dans le s provinces . Le grandFrédéri c n e songea pas , peu t— être, à l eu r don n en u n e

const i tu t ion sol ide , ou le temps n’a pa s permi s d ’

af

fermi r ce qu’

on ava i t s i sagement commencé . Un choc,

292 ARCH IVE S DU CO M TE CII. DE NE S SE LRODE .

et l a pu i ssance , n’ayan t p l us à la tête u n vaste gén ie ,

s’

écreu la.

Mai s parm i toutes l es pu i ssances qu’

on peut ci tercomme un exempl e dan s cette a ffa i re , c

’est l ’Au tri chequi méri te l e pl us d ’atten ti on .

La ma i son d’

Au tri che est devenu e grande , p lutôt parsa po l i ti qu e qu e par ses armes qu i , a tou te époqu e etl a p lu part du temps , on t é té mal heureuses . Tou t cequ ’el le possède e t posséda j adi s é ta i t gagné par l es mariages , par l es tra i tés et l es négoci a ti on s . Son doma i neest composé presque en t ièremen t d ’

Etats fédéra ti fs . E l l ea b i en réu ss i a ama lgamer l ’Au tri che, l a Bohême e t l aCal i c i e , mai s la Hongrie en es t , même d ip l oma ti quemen t , u n royaume séparé . La Lombard i e e t l ’ancienneBelgi que en ava ien t é té auparavan t au ss i . A i n s i dan s l acri se dern ière d ’où e l le v i en t

a pe ine d ’échapper etavec des pertes énormes , c

’éta i t l a cause principa l e deson impu i ssance à rési ster p l us l ongtemp s .Les p ri ncipes de ce tte fédéra ti on son t ceux — ciL

arch i duc d’

Au tri che, d’après l ’ordre de success i on

étab l i dan s ce pays , est le souvera i n de tous l e s Eta tssoumi s al a domi nat i on de la ma i son .

La pragmati que sanc ti on , en étab l i ssan t cet ordre ,n

a pas réun i en un corps po l i tique toutes ses parties ,ma i s l e Gouvernemen t y a suppléé après par l es loi s admi n i stratives .

A i n s i i l n ’y a dans toute l a monarch ie qu ’un consei l,

un corps d ip lomati que , une haute chambre de financeset une armée commandée en lan gue a l leman de e t par

294 ARCH I VE S D U CO M TE C H . DE N ESSELR ODE .

el l es e t de les fa i re coopérer à un seu l but, ace l u i del a sûre té e t de l a prospéri té communes adeux nati on sréun ie s .

Commen t parven i r a ce but ? Commen t rendre l aréun i on des Pol ona i s etdes Russes éternel l e , san s qu

’onpu i s se cra i nd re à l ’aven i r des secou sses , des an imosi tés ,pro venan t de l a d i fférence d ’ i n térê ts , des hai nes nati on ales , san s qu e , sou s ce p rétexte , l es n at i on s d

Occ i

den t puissen t j ama i s s’

i n gérer dan s les a ffa i res de l’em

p i re sacré de l a Russi e ?

Ce son t pa r l e s prin c ipes de l a réu n ion , j e croi s , etde la con sti tu t i on qu ’on va don n er a l a Po logne , qu

’onpeu t a t te ind re ce but , et dan s lequ e l i l faut p l acer l epri n ci pe d

’un i té tan t dés i rab l e .

P r i ncipe de la réun i on .

C es pri nci pes sera ien t l e p acte fondamen ta l en trel es deu x na ti on s i l s serai en t l a grande charte de lanation po l onai se et lu i sermen t accordés pa r Sa Maj estéImpéria le dan s un d ip lôme .

Ces pri nci pes pou rra ien t ê tre ceux que voic i

1 . Le royaume de Pol ogn e est rétab l i dan s les l imi teste l l e s et te l l es . Tout ce qu i pou rra être a cqu i s légi t imemen t pa r l es tra i tés et successi on à l ’ouest fera à l ’aven i rparti e du royaume de Po logne .

2 . L’

Empereu r de Ru ss ie est , à l’aven i r et à perpé

ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NESSE LRODE . 295

tu i té , Rei héréd i ta i re de l a Po logn e . L ’ordre de succession , établ i en Russi e par Pau l I" , sera commun auxdeux pays .

5. La rel i gi on catho l i qu e roma ine estcen sée être cel lede l a maj ori té du peupl e pol onai s . Les rel i gi on s grécorusse et ca tho l ique j ou i s sen t de dro i t s égaux . Tou tes l esautres rel ig ion s , étab l ies ma in tenan t en Po logne , j ou i ssen t de dro i t de toléra nce , d

après l es pri ncipes é tab l i sen Russie sur ce t obj et .

Remarque. La r ai son en es t qu e les p ri nci pes del a to l érance rel igieuse en Ru ss ie me pa ra i ssen t être l e sp l us po l i t iques dan s toute l ’Eu rope.

4 . La langue pol onai se sera l a langue domi nante dupays ; el l e sera employée dan s toutes l es écol es , dan stous les tribunaux de ju st ice

,actes l égi sl a t i fs et co l l èges

admi n i stra ti fs , sau f les d i spos i t i on s qu i pourra i en t êtren éces sai res au b ien du servi ce pu b l i c et à ceux des su j etspol on ai s qu i parl en t une autre l angue .

Remarque. Te l l es d i sposi ti on s sera ien t qu ’ i l yaura i t des éco l es où l ’on en seign era i t l e s sciences dan sl a lan gue du d i stri c t dan s l equ e l l

’écol e ou l ’académi es era i en t s i tuées ; que les sen tences des tri bunaux et l e sarrêts des co l lèges admi n i s tra t i fs devra i en t ê tre promu lgués dans l a l angue du pays , etc .

L’empereur de Russ i e étant l e ch ef de la na ti on

296 ARCH I VE S DU CO M TE CII. DE NES SE LRODE .

po l ona i se, toutes l es représentati on s adressées di rec

temen t à sa personne sacrée , soi t des corp s consti tu és ,soi t des parti cu l iers , seron t écri tes en russe , ou à demimarge en russe ou en po lonai s .

5. S a Maj esté Impéri al e accorde à l a nati on polona i se u n e con st i tu t i on pol i t ique qu ’el l e fera com

mu n i qu er aux Eta t s a ssembl és à l a D i è te qu i vas ’ouvri r .

6. Le pouvoi r exécu ti f sera exc lusivemen t dan s l esmain s sacrées de Sa Maj esté Impéria l e e t Roya l e , qu

’e l l efera exercer par son Consei l et l e m i n i stère comme serad i t dan s l a Consti tut ion .

7. Les t ri bu naux de j ust ice seron t i ndépendan ts deceux des autres Eta ts de Sa Maj es té . Nu l l e personne nep ou rra être d i strai te de ses j uges nature l s qu i lu i seron tassi gnés par l a l o i .

8. Les revenu s de l ’Etat, l eur a ss i e tte et perceptionseron t détermi nés par u n e l o i dan s l a D iè te duroyaume .

9 . Les deux na ti on s étan t réunies à perpétu i té par l el ien commun et fraterne l des i n térêts e t du bonheu rpu bl i cs . tou tes l es rela ti on s d ip loma ti ques et commercia l es et l a force armée seron t commu nes à l ’une et à

l ’au tre .

ARC H I VE S DU CO M TE CII. DE NE SSE LRODE .

5. Le roi de Po logne es t sacre a l’avènement à son

trône , une année ap rès l e couronnemen t de l’

Empereu r

de Russi e .

4 . La re l igion ca tho l i que romaine est cel l e de l amaj ori té du peu p le po l on a i s . Les autres rel i gion sj oui s sen t du l i bre exerc ice , con formémen t à l a l o i j oi nteà l a présen te .

5. Le pouvo i r légi sl a ti f est exercé dan s une D ièteconvoqu ée par l es le ttres paten tes du Ro i .Nu l acte l ég i s la t i f de la D i ète n

’a force de l o i , s’ i l

n ’ est pa s approuvé pa r l e Roi et mun i du gran d sceaudu royaume .

6. Le pouvoi r exécu ti f appart i en t exc lus ivemen t auRoi qu i l e fai t exercer par son Consei l e t l e m in i stèrecomme sera di t ci- aprè s .

7. Le souvera i n de l a Russi e e t de l a Pologne étan t l emême et l e gou vernemen t appartenant exc lus ivemen t àl’

Empereu r et Ro i , tou tes l es re l at i ons d ip l oma ti qu es etcommercia l es , tou te l

’a rmée et l es dépen ses qu i enrésul ten t seron t commu nes au x deux Eta ts réu n i s .

8. I l y au ra u n e l i bre ci rcu l at ion des habi tan ts e t ducommerce , san s dou anes i n terméd ia ires en tre les deuxn at i on s , sau f règl ements de pol ice que l a sûreté publ iquepourra i t ex iger .

ARCIIIVES DU CO M TE CII. DE N E S SE LRODE .

'290

DU POUV O I R exécun r .

'l . Le pouvoi r exécut i f est exclu s ivemen t dans la person n e du Ro i .

2 . Le Ro i fa i t connaî tre sa volon té à toutes l es au tori te s con st i tu ée s par son Consei l d ’

Emp i re, séant dan sle l i eu de sa rés idence , qu i est désorma i s déclaré commu n aux deu x E ta ts .

5. Pou r ce but , i l y au ra un nombre proportion n e lde membres po l ona i s au Con sei l d’

Emp i re.

4 . La ch ancel l eri e de l ’Emp i re sera augmen tée d’une

sect i on pou r les a ffa i res de la Po logne .

5. La sect i on de l a chancel lerie polona i se es t composée d ’un secré ta i re d ’

Etat et de qu atre consei l l ersrapporteurs , l

u n pou r la gu erre , l’au tre pour l a po l ice

,

l e cu l te e t l ’admi n i strat ion civi le , l e tr01 si ème pou r l aj u st ice , l e q uatrième pou r l es finances .

6. Les membres po l ona i s du Consei l d e l ’Emp i reson t sénateurs de la D iète .

7. Le secrétai re d’

Etat et l e s con sei l l ers rapporteu rspeuvent ê tre membres de l a Chambre basse de l aD i è te .

500 ARCIIIVES DU CO M TE C H . DE N ESSELRODE .

8. I l n ’y a d ’acte légi t ime du Ro i qu e celui émané duCon se i l généra l de l ’Emp i re et con tres i gné par l e secreta i re d ’

E tat pou r l es a ffa i res po l ona i ses .

9 . La personne du Roi est représen tée dan s l e chefl i eu du gouvernemen t par un Grand Pa l a ti n (Vi ce— Roiou Li eu tenan t du Royaume) , nommé par Sa Maj es té pourtro i s an s ; i l est révocabl e à vo l on té et é l i gib l e d ’unena ti on quelconque .

10. Le Grand Pa l a ti n n ’es t responsab l e de sesacti on s qu ’au seu l Ro i don t i l exerce l e pouvo i r commedé légu é .

1 1 . Le Grand Pa la t i n est a ss i sté dan s l ’admin i s tra t ionpar un Con sei l d i ri gean t (régence) .

1 2 . Le Consei l d i ri gean t est composé des mi n i s treset des d i recteu rs des dépar temen ts admi n i s tra t i fs ; unsecré ta i re d’

Etat ti en t l a p lume des dél i bérati on s duConsei l .

15. I l y a quatre min i stres , présiden ts de cou rsadmi n i s tra t ive s qu i suiven t

1 ) M i n i s tre , président de l’admin i strat i on de

la guerre .

2) M in i s tre , présiden t de l’ i n téri eur , de l a

pol ice et des cu l tes .

502 ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSELRODE .

ou par commi s s i on au Grand Pala ti n ou au tres special emen t dé légués ad hoc .

I l fa i t représen ter son gou vern emen t dan s les Chambres de la D iè te pa r les membres du Consei l d’

Emp i re,

par l es mi n i stres e t par les secréta i res d ’

É tat, con formémen t aux a rti c les 6 et 1 4 c i- dessu s .

4 . Le Ro i confi rme l es dél ibéra t i on s des E ta ts assembl és en D i è te et l es convert i t par sa san cti on en l o i s .

5. Nu l acte de l a D i ete n’

es t va l ab l e san s la sancti ondu Roi .

6. Le Ro i fa i t c lôtu re de la D i è te en personne ou parcommi s s i on .

De la D i è te.

7. La D i e te est composée du Roi , des sénateurs etdéputés .

Le Roi exerce son pouvoi r D i eta l p ar l es ac tesdessu s .

8. La D i ete est composée de deux Chambres

1 ) Chambre des sénateurs .

2 ) Chambre des députés .

De la Chambre des Sén ateu rs .

9 . Son t sén ateurs

1 ) Les pri nce s du sang lorsqu ’i l s auronta ttein t l ’âge l égal .

ARCH IVES DU CO M TE C H . DE N E SSELRODE . 505

2 ) Les membres du con sei l gé rn é a l d’

Emp ire

qu e Sa Maj es té voudra é lever l a dign i té desénateu r .

5) Les évêques .

4 ) Les Séna teu rs pa la ti n s d’après les l o i s

actue l l emen t en vigueur .

5) Les personnes que Sa Maj esté é l èvera ace tte d ign i té .

1 0. La d ign i té de séna teur es t avie .

1 1 . La Chambre du Séna t est présidée par l e GrandPala ti n en person ne .

La Chambre des Dép u tés .

1 2 . La Chambre des députés est composée

1 ) Des min i s tres , des chefs de s départemen tsadmin i stra t i fs e t des secréta i res d’

É tat commereprésen ta n ts du gouvern emen t s ’ i l s n e son tpoin t é levés à l a dign i té de sén a teur ‘ .

1 . La rai son pou r laquel le je place dan s la D i ete les mi n i stres et

les chefs de départemen t c ’est 1 ° pou r éclai rer la Di ète su r les

affai res qu ’

el le n e con n aît pas ; 2° et c’est la rai son pr i n c i pale pou rque les affai res se dé c i den t toujou rs dan s le sen s du gou vern emen t .De cette man i ère le Roi n e sera jamai s dan s le cas d ’

app oser son vote

aux dél i bérat ion s de l ’assemblée et son approbati on n e sera p lu squ ’

u n e formal i té . C ’

est exactemen t le cas en An gleterre. En excluan tles mi n i stres des dél i bération s , on organ i se u n e lutte en tre le peuvoi r exécut i f et l égi slati f, comme i l est arri vé en Fran ce et commecela arr i ve en core en Hon gr i e.

ARCIIIVES D U CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

2) Des députés des provi nces .5) Des députés des vi l l es .

4 ) D’un député de l ’un iversi té po lona i se .

5) Des députés de l a corpora t i on de l a banqueet des compagn ies de commerce e t au tres établ i ssemen ts publ i cs .

15. La Chambre des dépu tés est prés idée par l eMarécha l é lu par l a Chambre e t confirmé par Sa Maj es té .

De l’

é lec tion .

1 4 . Pour que l es m in i s tres , et l es chefs de départemen t , et l es secréta i res d

É tatpui ssen t être membres del a Chambre basse , i l fau t qu

’ i l s so i en t é lus par une provi nce , vi l l e ou corpora ti on ayan t dro i t d

’élec t ion .

1 5. Pour être dépu té d ’une provi nce , i l fau t avo i rune proprié té en immeub les rapportan t 5000 roub lesen revenu n et.

16. Pour être député d ’une v i lle, i l fau t avo i r5000roub les de revenu net .Même cond it i on pour l es dépu tés de l ’Un i versi té ou

d ’une corpora t ion quel conque .

1 7. Pour avo i r le droi t d é l i re dans les provinces , i lfau t ê tre tenan ci er d ’un bien — fonds rapportan t au moin s500 roubl es de revenu net ; dans l es v i l l es être possesseu r de 500roub les de revenu net .

A RCH I VES DU CO M TE CH . DE N E SSE LRODE .

2 1 Les lo i s portées dan s une D i e te son t ob l igato i resj usqu a leur révocat i on par une au tre D i è te .

22 . Le budget des revenus et dépen ses du Royaumeest u n e l o i .

25. Chaque l o i ci v i l e et po l i t i que de quelque naturequ

el l e so i t , peu t être changée , i n terprétée ou abrogéepar l a D i ète dûmen t convoquée et dél ibéran t dans l esformes prescri te s par l a cons ti tut i on .

L’

In i ti ati ve.

24 . L’

l n i tiati ve de l a l o i es t un dro i t réservé au gouvern emen t.

25. Les membres du con sei l d’

Empi re, présen ts à l aD i ète et l e s mi n i s tres , après avo i r reçu l es ordres de SaMaj e sté , proposen t l es loi s à donner dans l a D iè te .

26. Le budget est n écessa i remen t p roposé dan s laChambre des députés .

27. Les au tres proj ets doi ven t être p roposés parl es M i n i s tres dans l ’une et l ’autre Chambre pour quel es dé l ibéra ti on s commen cen t et fi n i ssen t en mêmetemps .

28. Chaque membre de l ’une et de l ’autre Chambre

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE 507

peu t fai re une motion sur des mesures q u ’ i l cro i t u t i l esau bi en publ ic .

La motion doi t être réd igée en forme de l o i .

Forme des dél i bérati on s .

29 . Les Chambres son t tenues de dé l i bérer sur lesprojet s proposés par l es membres du gouvernemen t .S i l a motion vien t d ’un membre des Chambres , l a

prem ière dél i bérat ion sera , s’ i l y a l i eu , à l ’admiss i on

de la motion .

50. Chaque membre dans l ’une et l ’autre Chambre al e dro i t d ’exp rimer l ibremen t son opin ion sur l e proj etproposé .

51 . Chaque projet e t chaque mo ti on seron t d i scutésà tr01 s repri ses dans tro i s d i fféren t es séan ces .

52 . La d i scuss ion commence pa r l a lec ture duproj et .

55. Les ora teu rs qu i voudron t fa i re en ten dre leursopin i ons sur l e proj et , seron t ob l i gés de se fa i re i n scri red

avan ce au bureau du p rés iden t . Les orateu rs parlen td ’après l ’ordre de l ’ in scrip ti on . Les d i scoursson t tenusde mémoi re e t j amai s par écri t .

54 . Le présiden t déclare l a di scuss ion fermée .

ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE NESSE LRODE .

55. Les voi x se donnent par l evé et par assi s con trel e proj et .

56. La maj ori té abso l ue décide .

57. Le proj e t approuvé par u n e Chambre est portépar une députat ion ’a l ’au t re .

58. S i les Chambres consen ten t au projet, i l est cen séêtre l ’a rrêté (b i l l ) de l a D iète et se ra en su i te envoyé parl e Grand Pa la ti n à l ’approba t i on de Sa Maj esté Impéri a l eet Roya l e .

59 . S i l es Chambres son t en désaccord , l eurs op in ion s seron t soumi ses par l e Grand Pa la ti n à l a déci s i onde Sa Maj esté comme l ’arb i tre sup rême qu i accep tera ,modifiera ou rej ettera l es op i n ion s proposée s par uneréso l u t i on roya l e .

4 0. A l a cl ô ture de l a sess i on , l e M i n i s tre de l a j ustice l i ra , devan t l es Chambres convoquées , l es réso luti on s de Sa Majes té , l

’approba ti on ou l e rej et 1 su r chaquearrêté des deux Chambres e t l es promulgu era sous l egrand sceau comme l o i s du Royaume.

1 . Ce rejet , d ’

après l ’espr i t de l ’organ i sation , n’

au ra jamai s l ieu .

510 ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE .

affa i res étran gères des deux pays se d i rigen t par l em i n i stre de ce département en Russ i e .

7. Le budget du royaume de Pol ogne fa i t part ie dubudget de l ’Emp i re ; mai s i l y eu

' sera donné comptedan s u n e sect i on parti cu l i ère .

"

8. Les po id s et mesures et l a mon na ie seron t l esmêmes dan s l e s deux p ays .

9 . I l y aura un e l i bre c i rcu la ti o n pour les hab i tan tset p our l e commerce en tre les deux pays , sau f l es règl ements de po l i ce qu i seron t nécessa i res pour la sûretépubl i que .

1 0. I l n ’y aura po i n t de douane en tre l a Russi e et l aPo logne . Les dro i ts d ’en trée et de sorti e seron t régl ésd ’après l e s mêmes pri ncipe s .

C ONCL USION

Cette ébauch e n ’es t po int un p roj et de con s ti tu t i on ,

mais seu lemen t un l éger aperçu des pri nci pes que j ecroi s u ti l e d ’être p lacés dan s la cons ti tuti on .

J ’a i tâché autan t que possib l e d’

amalgamer l es i n térêts des deux nat i on s et d ’établ i r l e principe d ’un i téd an s tou tes l e s par t ies du gouvernemen t . La d ivi siondes pouvo i rs n ’

y est poin t abso lue , parce que c’est cette

ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE N E SSE LRODE . 51 1

d ivi si on ma l entendue qu i , sel on mon op in i on , a fa i t l emal h eur de l a généra t i on présen te . Ma d ivi si on est ce l l eque j e cro i s apercevo i r dan s l a const i tu t i on angla i se . Jefai s ressorti r tou t du gouvern emen t de Sa Maj esté , u n

et i nd ivi s i b l e en Russie , parce qu’

au tremen t l ’u n i té depri ncipe et du pou vo i r n e sera po i n t con servée . Je vi seavec l e temps à une un ion encore p lu s pa rfa i te des deuxna tions . La l iberté po l i t i qu e accordée dan s la con sti tu

t i on es t su ffi san te pour a ssurer l es d roits e t l e bonheu rdes Po lona i s . S i l ’on demande davantage en demandedes germes de di scorde . I l fau t par l er aux Pol on a i s l ara i son , l

expérience et l es exempl es des nati on s l es p lu sdist inguées par la l iberté po l i t i que , i ls

trou veron tbien tô tque c ’est par de semb l ab les i n s t i tu ti on s qu e les Empiresson t devenu s fl ori s san ts san s deven i r turbu l en ts . Pourrendre tou t ceci p lus cla i r , i l fau drai técri re un mémoirebien travai l l é , e t tracer l a con s ti tu t i on dans toutes sesparties . Ce que , san s autori sa ti on , j e n

oserai fa i re .

51 4 AR CH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

strati on s de la Fran ce fa i sa i en t prévo i r une rup turep rochai ne , parce que l

on se fl a t ta i t d ’y trouver encorede grandes ressources pour l a combat tre . C ’est su rtou tvers l a fin de l ’ann ée 1 810, qu

’ i l a trou vé l e p lus depart i san s , ca r , l ié à des opéra ti on s o ffen s ives exécu téesavec prompti tu de et vi gueur au pri n temps 1 81 1 i l eû tété peu t— être possi bl e d ’en l ever d ’

u n coup de fi l et àNapol éon une armée de 4 0000hommes , de s

’emparerde toutes l es ressou rces préparées pou r l u i dan s l eDuché et d ’a ssurer nos commun ica ti on s , en rendan tfavorab les à no tre cause l es peup l es que n ous l ai ss i on sderri ère nous . Les avan tages aura i en t du moi n s cornpen sé , en quelque sorte , l es i nconvén i ents de cettemesu re . Voyon s s i ce sera i t encore l e cas auj ourd ’hui .I l n ’ex i s te certa i nemen t pas de quest i on qu i demande

aêtre p lu s profondémen t médi tée , qu i so i t d’une p lu s

grande importance , tant pour l es in térêts de l a Russi e

qu e pour ceux de l’

Eu repe en généra l . Dans tou s l escas , cet te

'

mesure n e peut être con s idérée que commemoyen , j ama i s comme but , car quel se ra i t ce lu i quepourra i t avoi r l a Russ ie , en détach an t tro i s ou qua trede ses p lus bel les prov i nces ? Ni son i n fl u en ce, n i saforce , n i sa tranqui l l i té n

’y gagnera i en t . Même dan s l atête de Napol éon , l

’ i dée du rétabl i s semen t de l a Pol ognen ’a j ama i s été au tre ch ose que l e moyen de parven i r àson bu t qui éta i t l ’affaibl i ssemen t de la Ru ss 1e . Demême , l orsqu

’on l ’a m i se en avant chez n ous , ceux aumoin s qu

on ne saurai t soupçonner d ’avoi r eu desarri ère- pen sées p o lon a i ses , ne l

appuyaien t que su r

ARCH I VE S DU CO M TE C H . DE NE SSE LRODE . 51 5

l ’argument qu ’ i l p ourrai t être ut i l e de sacrifier u n e

parti e pou r sauver l e tou t. I l n’es t certai nemen t en tré

dan s l a tête d ’aucun homme ra i sonnabl e e t s incèremen t dévoué aux i n térêts de l a Russie , de con sei l l er l eré tabl i s semen t de l a Pol ogne pou r l e seu l p l a i s i r desa ti s fa ire l es fanta i s i es de ce tte n a ti on l égère et i n qu i è te .

Ma i s quel les sera ien t au j ourd ’hu i l es re ssources quenou s o ffri ra i t l ’ac comp l i ssemen tde l eurs vœux ? L

’arméedu Duché de Va rsovi e e s t rédu i te ’a 8000 hommes , l eDuché lu i -même es t ru i né pour d ix an s . Une dépensede 70mi l l i on s et une recette de 4 0mi l l i on s de flori n sprésen te un défici t que l ’épu i semen t des con tribuab l eset l ’an éan ti ssemen t de toutes l es sources de l a richessenati ona l e empêcheron t de combler dan s l ’aven i r l e pl usrecul é . Quelque an imés que pu i ssen t ê tre con tre nousses hab i tants , i l s son t hors d

’éta t de n ou s fa i re beaucoup de mal , tou t comme i l s ne pourra ien t guère nouso ffri r de grands moy ens de combattre Napol éon , s i l eurssen timen ts nou s devena i en t favorables . Quan t à ceuxque ren fermen t nos provinces po l ona ises , i l s son t à

nous , e t n’

au gmen teraien t pas s i n ous rétab l i s si on s l aPol ogn e . Nous sommes les maî tres d ’en d isposer , s

’ i ln

y a j usqu’ i c i aucun exemp l e d ’un e opposi t ion de la

part des habi tan ts l orsqu ’ i l s ’agira i t de l ever des recruesou des impôts . Pendan t toute l a guerre de V elkyn ie, l aPodol ie , l

Ukrai n e pol on ai se on t donné l ’exempl e de lap lus grande tranqui l l i té e t obéi ssance aux au tor i tésrusses , ce qui prouve que toutes l es inqui études conçuessur des germes de fermen ta ti on répandues dans ces

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NE SSE LRODE .

provinces ont au moi n s été auss i exagérées que l e son tactue l l emen t l e s espéran ces que , pour y obten i r unsurcroî t de moyen s con t re la Fran ce , en fonde sur lerétab l i ssemen t de la Po logne . Cette mesure n e semb ledonc présen ter dans l ’état actuel des choses que desavan tages bi en fa ib l es . Procédon s à l ’examen des i n convén i en ts qu ’e l l e peut avo i r .

De tou tes l es n a t i on s de l ’Eu rope, i l n’y en a certa i

n emen t aucune don t l e caractère présen te p lu s de légèreté , p lus d

’agi tat ion et de dési r de mouvement .L ’h i s to i re de l a Pologne n ’est en eff et que cel l e d ’unelongue ana rch i e ren ferman t des é l ément s con t inu el s deguerres et de d i scordes entre l es pu i ssances l imi troph es .

S i l e partage de ce pays a été en principe une mesurei l l éga le con tra ire au dro i t publ i c et au ma in ti en del ’éq u i l ibre , au moin s a- t- i l eu l e résu l ta t b ien fa i san t dediminu er en Europe l es germes de di scus s ion et detrou bl es . S i la Révo lu t i on frança i se n ’ éta i t venue déranger tous l es rapports , i l e s t , en e ffet , à supposer qu

’unel ongu e pa ix dans le Nord eû t. su iv i ce partage . Jama i sl

Eu rope e t la Ru s si e n’en on t eu beso i n davantage qu

à

présen t . Je p lacera i donc , à l a tête des dangers que présente l e rétabl i ssemen t de ce royaume , les d i ffi cu l tésqu ’ i l fera naî tre à cet égard . Les j a l ou s i es de toutes l espu i ssan ces se révei l l e ra i en t ; i l n ous faudra i t renon cer àj ama i s à l ’a l l i an ce de l ’Au tri che qui , se voyant menacéede perdre une prov ince i nté ressan te , se j e ttera i t , pou rl a sauver , en t ièrement en tre l es bra s de l a France , etmet tra i t a l ors à l a d i spos i t i on de cel le- ci des moyens

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE N E SSE LRODE .

ments . C ette na ti on , moi n s que toute aut re , se con té ntera i t de ce qu ’e l l e aurai t ob tenu et j ou i ra i t en pa ix denos concess i on s . E l l e voudra davantage , et voi l à ce quisuffi ra i t déj à pour don n er l ieu à des troub les con tinuel s ,s i l ’ex trême di ffi cu l té de l a gouverner sous la formed ’un royaume fédéra tif n e renda i t ceux- c i tou t à fa i ti n évi tabl es .L’exemp l e de l a Hongrie ne nous permet pas d ’en

dou ter un i n s tan t , e t , certa inemen t , l e caractère duHongro i s con tien t des qual i tés p l us p ropres à un telé tat de choses que celu i du Pol ona i s . Le moral de cettenat ion don t l es él éments se composen t de que lquesMagnats , d

’une masse anarch ique de pet i ts gen ti l shommes , d

’un t iers éta t j u i f et de mi l l i ers d ’esc lavesabru ti s par l a servi tude l a p l us dure , la rend incapabl edu degré de sagesse , de mesure et de lumière n éces

sa i res pour une l iberté fondée su r l es mœurs publ iques .

Pour s ’en conva i ncre , i l suffi t d’observer l ’éta t présen t

du duché de Varsovie . On trouvera que , quoi que lacon st itut i on donne un grand pouvoi r au ro i de Saxe ,i l y règne cependan t une anarch ie complète , que lesadm in i s tra teurs son t i gnoran ts , vén als et i n subordonn és , l es admin i s trés , malheureux , vexés , exa spérés etl a fortune pub l i que e t privée

,an éan t ie . On imposera i t

de p lus aux empereurs de Russ i e l a tâch e diffi c i l e’être , à l a fo i s , autocra te et ro i con s t i tut i onn e l . I l n

’yaura i t que la Dw i n a e t l e Dn ieper qui séparera ien t desin st i tut i on s po l i t i ques auss i con trad icto i res , el l es sefroi ssera ien t bi en tôt , de toutes l es man ières , dan s tou s

ARCH I VE S DU CO M TE CH . DE NESSE LRODE. 519

l es sen s , et , tô t ou tard , l es unes devron t nécessa i remen t engl outi r les autres . Le gouvernemen t se j e tterait don c gratui temen t dans un dédal e d’

embarras e td

en traves d ’où de n ouve l l es guerres lu i o ffri ra ien t , ala fin , l e seul moyen de se t i rer .

Le tro i si ème moti f qu i s ’oppose à cette mesure estl ’extrême répugnance qu ’el le rencon trera i t chez tou tRu sse . La n at i on s ’es t fortemen t prononcée cen tre l erétabl i s semen t de la Pol ogne , e t comme el le a donn éau gouvernemen t des p reuves de dévouemen t qu i on t s ipu i ssammen t con tr i bué à le fa ire sorti r gl ori eusemen tde cett e l utte , i l ne sera i t n i j uste , n i po l i t ique , de leheurter dan s une op i n ion auss i importan te . El l e y verra i t une récompense accordée préci sémen taux provin cesde l a Russie qu i l ’aura ien t l e mo i n s méri tée et à ceuxdes aux i l ia i res de Napo léon qui se son t parti cu l i èremen t s i gna lés dans son i nvasion par des actes decru auté et de barbari e p i res que ceux exercés par l esFrança is .

De ces d i fférentes observat ion s on peut donc , i l mesembl e , conclure

1 . Que l e rétab l i s semen t de l a Pologne réa l i sé dansce momen t- c i ne nous offri ra i t qu ’un fa ib l e surcro î t deressources con tre laFran ce .

2 . Qu’ i l don nera i t l i eu à des j a l ou sies et à des d i seuss ions con t inuel l es en tre nous et l es pui ssances del’

Eu rope don t l’a l l i ance nou s es t l a p lus u ti l e .

520 ARCH I VE S DU COMTE CH . DE NE S SE LRODE .

5. Qu’

u n e conséquence i névi tabl e en serai t la pertepou r la Russie de p lus ieurs provinces .

4 . Que la mesure es t émi nemmen t ant i nat i ona l e .

5. Et en fi n que , vu ces con sidéra t i on s , e l l e es t enti eremen t opposée aux i ntérêts de l a Russi e .

TA B LE DES NO M S C ITES DANS LE TO M E IV .

CAULAINCOURT (du c de V i cen ce,

marqu i s de) ,CHAMPAGNY (du c de Cadore) , 1 96,

CHARLES IV , 1 9 1 , 1 92 .

CHARPENT IE R (gén éral ) , 1 25.

CHASSELOUP—LAUEAT (gén éral ) , 1 25.

CH ICKOF (Alexan dre Semen ov itch ) ,25, 1 59.

CHOISEUL '

(Mme de) , 55.

CROSSARD,88, 96, 97, 1 02 , 1 27,

1 51 , 1 55.

s roavsm(pr i n ce Adam) , 5, 287.

DAVOL‘T (maréchal , pr i n ce d’

Eck

muhl ) , 1 20,DEMIDOF (Mme) , 8

DENISSOF (Or lof) ,DENISSOF (Mme) , 51 .

DOCII'I‘OUROF (gén éral ) , 102 .

DOLCOROURI (pr i n ces se de) , 51

55, 97.

DOROTH E, 209 .

DOURNOF , 95.

DUMONT , 229 .

DUPONT D E L’

ÉTANG (gén éral ) , 1 91 .

DUROC (du c de Fri ou l ) , 58.

ECHMUH L (Davou t , pr i n ce1 26, 155.

ELCHINGEN (maréchal Ney , du c

ELi SAB ETE (impératri ce) , 56.

ESSEN (gén éral ) , 55.

FE RD INAND VII, 1 91 , 1 92 .

F LEURY (cardi n al ) , 1 57.

FOSTE R , 251 , 252 , 255, 254 , 257,264 , 265, 280.

Fox , 1 70, 265.

FRAM (Mme) , 2 1 .

FRAN ! O IS II(empereu r d’

Au tri che) ,1 52 , 1 95.

FULD , 52 .

HOG ENDORP (gén éral ) , 1 56.

l ERMOLOF , 65.

ITALINSK ! 1 19 .

GAGAR IN (pri n ce) , 1 2 , 68.

GALITZIN (pri n ce) , 1 7, 68, 98, 1 95.

GENTZ (Frédéri c de) , 5, 225.

GEWLITCH (gén éral ) , 208.

GOLD , 50.

GOLIKOF (ami ral ) , 207.

GOLUB ZOF , 55.

GORTSCH AKOF (Alexan dre, gé n éral ) ,50.

GOUDOV ITCH (maréchal) , 55.

GOURIE F (de) , 1 , 2 4 , 51 , 74 ,

(Mme de) , 22 .

(N i colas de) , 22 , 2 4 , 25, 26,65, 74 .

GUIOAL (gén éral ) , 1 24 .

TAB LE DES NO M S C I TES DAN S LE TO M E IV . 525

JAY (John ) , 1 61 .

JOSEPH INE (impératr i ce) , 1 96.

JUNOT (gén éral) , 1 92 .

KAMPENH AUSEN, 55.

KANOVNITZIN(comte) , 1 01 —109 , 1 10

1 57.

KARAEANOP , 75.

KASCHELEF , 1 7

Ketocmvor (gén éral ) , 57, 59 .

KO '

I‘

CHOUBEI, 1 7, 2 1 , 25, 28, 50, 56,

4 1 , 4 5, 50, 56.

KOUDASCHE F,1 59 .

KOURAKIN (pr i n ce A lexan dre) , 5, 9 ,

2 15,2 18, 222 .

KOUTOUSOF (gén é ral) , 69 , 79 , 81 ,82

, 88, 98, 99 , 1 52 ,

1 57, 204 .

KUDRIAPPSH I, 151 .

LABENSKI, 1 8, 202 .

LA B OUCHÈRE , 58.

LA HORIE (gén éral ) , 1 24 .

LA POUCH IN (pri n ce) , 50.

LA RIROISIERE (gén éral , comte de) ,1 26.

LAUR ISTON (gén éral ) , 9 , 1 5, 58, 4 0,56, 60, 1 00, 222 .

LAV ROF (gén éral ) , 1 9 , 21 , 22 , 25.

LESSE PS (Jean -Bapt i ste, baron de) , NANSOUTY (gén éral , comte de) , 1 55.

156. NAPOLEON 5, 5, 6, 7, 8, 1 5. 55.

Li E V EN (comte de) , 61 . 58, 4 0, 52 , 77, 80, 82 , 92 , 102 .

N

LINA NGE (de) , 209 .

LOB ANOF DE Rosror (Dmi tr i , pr i n cede) , 55, 89 .

LŒWE M l IELM (comte de) , 77, 78LOUKIN (M l le) , 4 6.

I.UROE IRSAI, 2 1 , 25, 27, 71 .

MAISTRE (comte de) , 28.

M ALLIA (cheval ier ) , 202 .

M ARAC IN I,208.

MARE OP (comte) , 4 1 .

MARET (duo de Bas san o) , 5, 58,

2 1 1 .

MAURER (de) , 1 51 .

M AURICE (colon el ) , 1 2 7.

MAZEPPA , 56.

MECRLEAIBOURC-SCHW E RIN (du c de ) ,

1 85.

METTERNICII (pr i n ce de) , 1 50. 1 95

MICHAUD,88, 92 ,

95, 96.

MILORADOV ITCH (gén éral , comte MIchel ) , 1 1 1 .

MINTCH IAKI, 208.

MOCE N IGO (comte) , 202 .

MŒLLER ZAKOMELSKI (gén éral ) , 62 .

MONCEY (maré chal ) , 1 91 .

MONROE (James) , 252 , 255, 257,258, 264 , 265, 268, 280.

MONTEB ELLO (Mme de) , 58.

MOREAU (gén éral ) , 124 .

MORET , 268.

MURAT , 1 54 , 1 91 .

TAB LE DE S NO M S CITES DAN S LE TO M E IV .

107, 109 , 1 1 0, 1 1 2 , 1 1 5, 1 1 4 , PIERRE — LE GRAND,56.

1 1 6. 1 25, 150, 1 55, PISAN I , 208.

1 92 , 1 95, 1 94 , PLATOP_ (comte) , 2 4 , 4 9 , 66, 74 ,

1 95, 1 96, 1 97, 200, 201 , 204 , 75, 157.

206, 21 1 , 21 5, 2 1 6, 21 8, 21 9 , POTOCK 1 (comte Léon ) , 51 .

222 , 258, 269 , 515, 51 4 , 515, PREVOST (gén éral ) , 58, 4 0.

51 6.

NARB ONNE (de) , 29 , 51,5. 4 0, R

2 1 1 .

NARISCH KINE (Mme de) 1 51 .

NEUCHATE L (maréchal Berth ier .pr i n ce de) , 1 25.

NEY (duc d’

Elch i n gen ,maréchal ) ,

1 21,

NI COLAY (de) , 207.

Novossu rzor, 55.

e

0

OBRESKOF (Mi chel Alexi ev i tch ) ,OPPERMANN , 1 4 1 .

ORLOF , 68, 97.

(Grégoi rœ, 82 , 95.

OSTERMA NN (comte 58.

OTT,1 52 .

OUDINOT , 1 55.

PAHLEN (comte Pi erre) , 4 9 ,67, 74 , 75, 88.

PALFF Y (Ferd i n an d) , 1 52 .

PANTH (comte N i k i ta) , 4 1 .

PASTORET (Amédée Davi d , marqu i sde) , 1 1 5.

PAULLUCI (marqu i s de) , 2 1 , 55,158, 1 59 .

PE LLETIER (gén é ral , baron Jean1 1 6 TALLEYRAND (pr i n ce de Ben even t) ,

PERCEVAL (Spen cer ) , 58. 1 8.

RACHMANOF , 208.

R EUSS (pr i n ce de) , 1 51 .

REYN IER (gén éral ) , 4 4 .

RIBEAUPIERRE (de) , 1 2 .

ROSENKAMPF , 55.

ROSTOPCH IN, 55.

ROUMIANTZOF (comte Ni colas5, 2 1 1 .

Ren ee (Savary , duc de) , 4 1 .

SADANE EP (gén éral ), 208, 209 .

SALT l KOF (comte) , 68.

SA VARY (du c de Rov igo) , 4 1 .

SAV ELOP (Bori s Petrov i tch ) , 78.

SCIIARH OPSEOV (pri n ce A lexan dre) ,56.

SCHŒPPING , 4 2 , 4 4 , 65.

SCBWARTZENB ERG (pr i n ce) , 102 .

SÉGUR (Octave, comte de) , 4 8.

SERDORIN, 55.

STACRELB ER‘

C (comte de) , 1 50.

STAEL (Mme de) , 97.

STE PH ENS (A lexan dre) , 1 85.

STROCONOP (Grégoi re) , 29 , 51 .

SUCH ETELEN (de) , 207.