Les monnaies antiques de la région minière d'Avène et Ceilhes (Hérault), Bulletin de la...
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Les monnaies antiques
de la région minière
d’Avène et Ceilhes(Hérault)Jean-Claude RICHARD RALITE *
Bulletin de la Société archéologique et historique des Hauts Cantons de l’Hérault, n° 35, 2012.
A la lumière de cinquante-deux monnaies actuellement mises au jour dans la contrée d’Avène et de
Ceilhes, aperçu de la circulation monétaire locale du IIème siècle avant notre ère jusqu’au Ier siècle apr. J.-C.
La région d’Avène est connue des numismates depuis longtemps en raison de la découverte, en
1843, d’un des rares statères originaux de Philippe de Macédoine1.
Mais ce n’est que dans les années entre les deux guerres mondiales que le docteur Jules Brunel
(1881-1964) se livra à de nombreuses fouilles et études historiques2 autour de sa résidence du Bousquet-
d’Orb à l’intérieur de grottes (à Lunas, Dio-et-Valquières, Le Clapier…) et sur des sites de surface ( Avène,
Lunas, Boussagues, La Tour-sur-Orb, Graissessac…) 3.
Après le décès du docteur Brunel et avant la destination définitive qui fut donnée à ses collections
par sa fille, celle-ci nous avait confié un lot de monnaies en bronze qui nécessitaient un nettoyage
électrolytique qui fut réalisé dans le laboratoire du Musée d’Ensérune par René Bousquet. Ces monnaies
ne possédaient plus leur lieu précis de provenance et nous les présenterons en un seul ensemble 4.
Nous avons donc réuni ici toutes les monnaies qui sont parvenues à notre connaissance5, récoltées à
Avène (Maynes) et à Ceilhes (Mange-Homme, Lascours) en considérant que nous pourrions ainsi avoir une
idée mieux établie de la circulation monétaire dans cette zone minière entre la fin du IIème s. av. J.-C. et
le début du Ier s. ap. J.-C.
I. Les monnaies
grecques et numides(Figure 1 )
a) le statère de Philippe de Macédoine
(1) D/ Tête laurée d’Apollon à droite. R/
Bige au galop à droite conduit par un aurige avec
son fouet ; au-dessous : un canthare ; à l’exergue,
en lettres grecques : PH-I-L-I-P-P-O-U
R. T. (renseignements techniques) : métal :
or ; poids : 8g.60
Références : G. Le Rider, Le monnayage
à la mémoire de
Hélène Brunel (1908-2009)
d’argent et d’or de Philippe II frappé en
Macédoine de 359 à 244, Paris, 1997, pl. 67, 443-
466 et p. 176, n° 443, atelier de Pella : 323/322-
315 av. J.-C. ; J. Sills, Gaulish and early British
gold coinage, Londres, 2003, p.6, n° 7 ; S.
Scheers, Les monnaies celtiques de la collection
Barbier-Mueller, Arts et Cultures, 4, 2003, p. 93-
117 ( tableau p. 102).
Il reste impossible de savoir à quel moment
cette monnaie de haute valeur en métal précieux a
pu parvenir dans cette zone. C’est d’ailleurs
souvent le cas, en Gaule, des autres monnaies de
ces frappes. On sait seulement qu’elles ont donné
lieu, depuis le IIIème siècle av. J.-C. à de
nombreuses imitations : J.-B. Colbert de Beaulieu,
Traité de Numismatique Celtique, I, Paris, 1973,
passim.
2 Jean-Claude RICHARD RALITE
b) Moyen bronze d’Athènes.
(0) D/ Tête casquée à droite R/ Zeus à
droite, brandissant un foudre ; dans le champ ,
lettres grecques : A/ TH-E ; en bas à gauche,
différent non visible ; à droite, un aigle.
RT. Bronze ; 3,32g, module : 16/18mm ;
épaisseur ; 3,5mm ; direction des coins : 12.
Découverte à Lascours en 1984 (L 84, C3
Z2 19) elle est actuellement non disponible.
Références : J.H.Kroll, The Athenian Agora,
Results of excavations conducted by the American
School of Classical Studies at Athens, 26, The
Greek Coins, Princeton, 1993,pl.8 -9: IIème et
début du Ier siècle av. J.-C.
c) Monnaie numide
(14) D/ Tête laurée du roi à gauche. R/
Cheval au galop à gauche, globule au-dessous
RT. Bronze ; 14,81g : 25/26 ; 3,5 ; 11
Références : J. Mazard 1966 ; J.
Alexandropoulos, Les monnaies de l’Afrique
antique, 400 av. J.-C.—40 ap. J.-C, Toulouse,
2007, 2ème édition, p.397, n° 18-b : « Massinissa
et ses successeurs (203- ? av. J-C) » et p. 149-171
(203-60 av. J.-C.)
II. Les monnaies de
J.Brunel(Figure 1 )
(15) Moyen bronze de Marseille au taureau
cornupète. D/Tête à gauche. R/ Taureau cornupète
à droite, à l’exergue, en lettres grecques :
[M]ASS[A].
RT. Bronze, 3,91g ;18 ;2,5 ;4
(16) Petit bronze de Marseille au taureau
cornupète. D/ Tête à droite,derrière lettre grecque :
Sigma ou Xi. R/ Taureau cornupète à droite, type
B, à l’exergue Sigma ou Xi-Alpha : Dictionnaire
2011 : PBM 53 : 100-70 av. J.-C.
RT. Bronze, 1,63g.
(17) Moyen bronze de Marseille au taureau
cornupète
RT. 1,85g (incomplet)
(18) Unité des Longostalètes. D/ Buste à
droite, derrière : un caducée ; devant, en lettres
grecques : [B] Omega [KIOC] R/ Trépied, de part
et d’autre, en lettres grecques [LOGG]OC[TA] //
L[HTON], et en lettres ibériques BI-U-R {BI].
RT. 11,36g ; 24/25 ;3 ; 4. Dictionnaire 2011
: IBL 2363 : 150-75 av. J.-C
(19) (20). Unité des Longostalètes. L’usure
ne permet pas de voir la typologie et les légendes
de façon complète.
RT 6,88g. ; 23/24 ; 3 ; 4 ; et 6,82g. ; 24 ; 2;2.
(21) Petit bronze des Volques Arécomiques.
D/ Têté féminine à droite ; légende hors flan R/
Personnage debout à gauche, à droite : [A]REC.
RT 1,53g. ; 14 ; 2 ; 7 . Dictionnaire 2011 :
VLC 2677 : 60-40 av. J.-C.
(22) (23) (24) (25) (27) Dupondius de
Nimes au crocodile. D/ Têtes adossée d’Auguste et
d’Agrippa, légende : IMP/DIVI F et P P (25) R/
Crocodile, palmier et COL NEM.
RT. (22) : 9,45g.(type ?), (23) 6,43g (moitié,
1er type), (24) 11,95g. (2ème type), (25)
12,39g.(3ème type), (27) 5,70g (moitié) (3ème
type) ( provenance Maynes, R.Gourdiole)
Références :
(26) As d’Auguste à l’autel de Lyon. D/
Buste d’Auguste à droite, à gauche :CAESAR à
droite : PONT MAX. R. Autel de Lyon [ROM ET
AVG]
RT 7,78g.
Références : J.-B. Giard, Monnaies de
l’Empire romain, I, Auguste, Catalogue, Paris,
2OO1, p.211 et sq. : 10-7 av. J.-C.
3Les monnaies antiques de la région minière d’Avène et Ceilhes
Figure 1 : Monnaies des mines Avène-Ceilhes 1-27, grecques, numides et fouilles J. Brunel
(© clichés J.-C. Richard, 2012)
4 Jean-Claude RICHARD RALITE
la marque d’une unité : J.Ferrer i Jané, Sistemes de
marques de valor lèxiques en monedes ibèriques,
Acta Numismatica, 37,2007, p.53-73 et La lengua
de las leyendas monetales ibéricas, La moneda de
los iberos,Ilturo y los talleres layetanos,
2012,p.28-43 ; Villaronga 1994, p.439 :fin du
IIème siècle av. J.-C.
(4) Quinaire d’Auguste. D/ Tête nue à
droite, légende hors flan : [CAESAR IMP VII] R/
Victoire sur un ciste à gauche avec deux serpents :
[ASIA] RECEPTA
RT. Argent, 1,09g ; 13/14 ; 1 ; 2.
Références : Roman Imperial Coinage, I,
Londres, 1984,p.61, n° 276 : 29/26 av. J.-C. ;J.-B.
Giard, Bibliothèque Nationale, Monnaies de
l‘Empire romain, I, Auguste, Paris, 2001, p.143, n
° 899-904 : août 29 et attribution à l’atelier
d’Ephèse ; C.E.King, Roman quinarii from the
Republic to Diocletian and the Tetrarchy, Oxford,
2007, p.87 et 267,n° 1 : 29--, atelier occidental.
(5) As d’Auguste à l’autel de Lyon. D/
Buste à droite. R/Autel de Lyon probable.
RT. Bronze, 9,08g ; 21/23 ; 3,5 ; 9
Références. Cf. n° (26)
(6) Monnaie fruste
RT. Bronze ; 3,15g ; 21 ; 2 ; --.
(7) Dupondius de Nimes au crocodile. D/
Bustes adossés d’Auguste et d’Agrippa, légende :
IMP DIVI F et, éventuellement : PP. R/ Crocodile
et palmier, légende : COL NEM.
RT. (7) Bronze, 3,76g (moitié) ; 24 ; 2,5 ; --
(8) (9) As de la République romaine. D/
Tête de Janus. R/ Proue à droite, à l’exergue :
ROMA
RT. (8) Bronze, 8,81g (moitié) ; 29 ; 4 ; 4.
(9) Bronze, 22,95g ; 30/31 ; 4,5 ; 4
Références. As oncial, IIème-début Ier
siècle av. J.-C.
(10)-(35) Dupondius de Nimes au
crocodile. D/ Buste d’Auguste et d’Agrippa à
droite, IMP DIVI F, avec P P pour le troisième type
.R/ Crocodile et palmier, COL NEM.
RT. (10) bronze, 5,57g(moitié) ;27 ;3,5 ;3
(2ème type probable); (13) bronze, 12,58g; 25;4;12
(3ème type) ;
III. Monnaies des fouilles
archéologiques sur les sites
de Mange-Homme (1-3 et 36)
et de Lascours (4-35)
( Figure 2 et 3 )
(1) Monnaie à la croix ; D/ Tête à gauche,
mal empreinte. R/ Dans deux cantons visibles
d’une croix une hache et un cercle punctiforme.
RT. Argent fourré, 1,31g ; 11/14 ; 2 ; 5.
(2) Monnaie à légende ibérique EKANA. D/
Tête masculine à droite, à gauche : un dauphin, à
droite, un différent mal empreint. R/ Cavalier à
droite portant une lance, la légende de l’exergue
est hors flan.
RT. Bronze, 6,29g ; 21/22 ; 3 ;6.
Références : D’après une communication de
L.Villaronga, il pourrait s’agir d’une imitation et la
légende ibérique initiale aurait été : EKANA,
début du Ier siècle av. J.-C. : Villaronga 1994,
p.440,n°5 et Villaronga 2011 p.L543,n° 2711
(3) Monnaie numide. D/ Tête laurée à
gauche avec une barbe pointue, dans un grènetis.
R/ Cheval galopant à gauche.
RT .bronze, 13,04g ; 24/25 ; 4 ; 12.
Références : B. Fischer, op.cit.p.111, n° 54 ;
J. Alexandropoulos 2007,p.153-155 et 397-398 :
Massinissa ou Micipsa (203-118 av. J.-C.)
(36) Monnaie à légende ibérique :
Biricanti() ; D/ Tête à droite dans un grènetis, à
droite, en lettre ibériques : E-BA. R/ Taureau
bondissant à droite, au-dessus, une couronne ; à
l’exergue, en lettres ibériques :
BI-R-I-CA-N- [TI-N ou -O].
RT. Bronze, 9,48g ; 24,5 ; 3,6 ; 8. Cette
monnaie a été découverte en 1987 dans un
dépotoir.
Références : J.-C.Richard, Les monnaies à
légende ibérique Biricantin/Biricantio/Biricatio de
la Gaule du Sud, II Simposi Numismatic de
Barcelona, Barcelone, 1980,p ;23-29,pl.1-2.Ces
monnaies ont été frappées dans la zone Béziers-
Narbonne et elles pourraient même correspondre à
Béziers. Sur les signes E-BA qui correspondent à
Les monnaies antiques de la région minière d’Avène et Ceilhes 5
Figure 2 : Monnaies des fouilles des sites de Mange-Homme et Lascours 1-21.
(© clichés J.-C. Richard, 2012)
Jean-Claude RICHARD RALITE6
Figure 3 : Monnaies des fouilles des sites de Mange-Homme et Lascours 22-36.
(© clichés J.-C. Richard, 2012)
7Les monnaies antiques de la région minière d’Avène et Ceilhes
(14) bronze, 11,41g ;25/26 ;3 ;8 (1er type) ;
(16) bronze, 11,97g ;27 ;4 ;8 (2ème type) ; (17)
bronze, 2,74g (moitié) ;22 ;2 ;11 (1er type
probable) ; (18) bronze, 11,29g ;25/26 ;4 ;8 ( 2ème
type) ; (19) bronze, 4,03g (moitié) ;24,3 ;1 (1er
type, sur le crocodile contremarque circulaire
D/D) ; (21) bronze, 12,38g ;26/27 ;3,5 ;7 (2ème
type) ; (22) bronze, 6,55g ;24 ;3 ;2 (1er type, il peut
s’agir d’une imitation) ; (24) bronze,15,47g ;26 ;4 ;7
(1er type) (35) bronze,10,97g ;26 ;3,5 ;11 (1er
type).
Références : supra (22)-(27).
(11)-(33) .As d’Auguste à l’autel de Lyon.
D/ Tête laurée d’Auguste à droite, CAESAR
PONT MAX. R/ Autel de Lyon, à l’exergue : ROM
ET AVG
RT. (11) bronze,4,86g ;22/23 ;2 ;-- ; (20)
bronze, 6,49g ;25 ;2,5 ;2 ; (23) bronze,9,27g ;27 ;3
;7 ; (25) bronze,7,98g ;25/26 ;3 ;11 ; (26)
bronze,8,01g ;25/26 ;3 ;-- ; (28) bronze, 9,33g
;23/25 ;3 ;-- ; (30) bronze,7,59g ;22/25 ;3 ;-- ; (33)
bronze,7,65g ;27 ;3 ;8.
Références : supra (26).
(12)-(32). Bronzes frustes qui peuvent
correspondre à des monnaies au crocodile ou à des
monnaies à l’autel de Lyon.
RT. (12) 4,48g(moitié) ;23 ;3 ;-- ; (27) 7,66g
;24/25 ;3 ;-- ; (29) 7,11g ;25/26 ;2 ;-- ;(32) 1,57g
–moitié) ;18 ;2 ;--.
(31) As de Narbonne à légende CAESAR.
D/ Buste à droite, derrière CAESA[R] .R/Proue de
vaisseau à droite.
RT. Bronze, 15,40g; 28/29 ;4 ;3.
Références : M. Amandry, J.-N. Barrandon,
J.-C.Richard, Les as d’octave à la proue émis à
Narbonne en 40 avant J.-C., Revue archéologique
de Narbonnaise, 19,1986, p.57-77 : « ces
monnaies contiennent une quantité faible et
constante d’étain et des teneurs importantes en
plomb (entre 20 et 30%) »
(34) As de la république romaine. D/ Moitié
de la tête de Janus. R/ Proue à droite, devant : une
ancre.
RT. Bronze, 9,54g (moitié) ; 31 ; 3,5 ; --.
Références : plusieurs émissions présentent
une ancre au revers entre 209 et 113 avant J.-C.
Autres monnaies
A ces monnaies, bien individualisées et
disposant de coordonnées précises, on peut
rattacher, pour la forme, trois ensembles qui ne
seront pas intégrés ici à cette étude : cinq monnaies
qui se trouvaient dans des plateaux de matériel
archéologique6, seize monnaies provenant de
divers sites et collections (A à P)7 et vingt et une
qui font partie des collections de la Société
Archéologique et Historique des Hauts Cantons8,
la plupart provenant probablement de la zone
minière mais comme elles sont déjà représentées
dans les monnaies qui viennent d’être cataloguées
nous avons préféré les laisser en dehors de cette
étude.
Il est difficile de tirer des conclusions
détaillées sur cinquante monnaies dont l’émission
s’étend sur plusieurs siècles. On peut cependant
constater qu’elles couvrent une circulation de la
fin du IIème av. J.-C. -- première moitié du Ier
siècle av. J.-C., d’une part ( 16 exemplaires) et,
d’autre part, de la fin du Ier siècle avant -- début
du Ier siècle ap. J.-C. ( 34 exemplaires) avec une
large prédominance des monnaies de Nimes au
crocodile. Ces indications chronologiques
correspondent aux résultats obtenus par le reste du
matériel archéologique.
Les deux monnaies d’origine grecque dont
il est impossible de préciser ni l’itinéraire ni les
dates d’arrivée constituent des raretés dont il serait
imprudent de vouloir tirer des conclusions
précises. Il en est de même pour les deux monnaies
numides dont la présence, parfois marquée
seulement par un exemplaire, a été constatée sur de
nombreux sites archéologiques9.
Il convient de remarquer aussi la très faible
part des monnaies de Marseille (trois), réduite ici
aux bronzes, alors que ces monnaies constituent
ailleurs, et aux mêmes époques, un pourcentage
considérable de la circulation. De même aussi, les
monnayages ibériques et « ibéro-languedociens »
(quatre) restent très faibles sans évoquer même les
monnaies à la croix (une) ! Les trois monnaies de
bronze de la République romaine peuvent avoir
circulé à la fin du Ier siècle av. J.-C. avec le
bronze CAESAR/Proue.
8 Jean-Claude RICHARD RALITE
En réalité c’est, ici, avec la période
augustéenne et ses monnaies coloniales de Nimes
(dix sept) et de Lyon (dix) que les sites entrent
dans une circulation « normale » telle qu’on la
retrouve sur l’ensemble des sites de la Province.
Les sites miniers d’Avène et Ceilhes ont
déjà apporté des éléments numismatique encore
inconnus avec leurs premières fouilles :il est clair
que de nouvelles recherches et découvertes seront
nécessaires pour donner un tableau beaucoup plus
satisfaisant de la circulation monétaire dans ces
hauts Cantons.
Conclusions
L’importance des mines dans le monde
antique, depuis la Préhistoire, a été mise en
lumière par de nombreuses études consacrées aux
mines elles-mêmes ou à l’économie antique10. Les
recherches archéologiques récentes, en particulier
depuis les années soixante dix, ont révélé les
systèmes d’exploitation, les installations, les
circuits commerciaux —y compris les lingots
découverts dans des épaves— et permis des
synthèses qui ont renouvelé nos connaissances11.
L’ensemble des exploitations de la région
Avène-Ceilhes a révélé une nouvelle société
minière, grâce à des plombs inscrits12, qui a permis
de réexaminer le rôle de Rome non seulement
depuis la conquête de la Narbonnaise et la
fondation officielle de Narbonne mais aussi dans
les années antérieures en reposant, après Ch.Ebel,
la question du statut de l’espace géographique,
entre Pyrénées et Rhône, avant ces
évènements13.Les richesses minières de cet arrière
pays n’ont pas manqué d’intéresser les
entrepreneurs romains qui ne se seraient donc pas
seulement mis en devoir d’exploiter, directement
ou indirectement, les plaines mais aussi des zones
« reculées » dont les produits pouvaient venir
rapidement au profit de Rome.
Les découvertes monétaires viennent donc
contribuer directement à cette connaissance de
l’économie antique dans la phase ancienne de la
colonisation car leurs bornes chronologiques, à cet
endroit, semblent se situer entre la fin du 2ème
siècle et la première moitié du 1er siècle, avec,
bien entendu, des suites jusqu’au début du 1er
siècle après J.-C.
Les matériels archéologiques —les
amphores en particulier— et les habitats sur ou
proches des gisements miniers sont directement
issus de productions romaines et il a été possible
de s’interroger sur les hommes qui exploitaient les
galeries et les filons. La présence de quelques
graffites en langue ibérique14 a entraîné une
réflexion en direction des populations de la
Péninsule Ibérique. Mais ce serait oublier que les
sites de la plaine Béziers-Narbonne (Ensérune en
particulier15) ont livré de très nombreux graffites, y
compris sur de la vaisselle « quotidienne » qui
montrent bien que cette langue était là pratiquée
régulièrement depuis longtemps. Il n’est donc pas
nécessaire d’envisager pour ces exploitations une
immigration venue de la Péninsule car, à
proximité, dans la plaine, et aussi dans les zones
des « hauts cantons » il pouvait y avoir sur place,
des porteurs de cette langue qui ont été recrutés
pour assurer la mise au jour des richesses enfouies.
On ne saurait ici oublier les débats récents
sur les Rutènes provinciaux16 : la zone minière
d’Avène-Ceilhes avec la Société d’exploitation
représente donc un apport nouveau à ce débat car
elle montrerait que l’extension de la partie des
Rutènes enlevée aux Rutènes libres ne serait pas
seulement réduite à l’espace entre le Tarn et le
Larzac méridional mais qu’elle pouvait donc
s’étendre beaucoup plus à l’Ouest. De plus,
l’annexion de ce territoire à la Province devrait
être placée beaucoup plus haut qu’on le l’estimait
jusqu’alors et, probablement, au moins au début du
1er siècle avant sinon même à la fin du 2ème
siècle17.
L’exploitation économique de la Province
n’a certainement pas été un mouvement long à se
mettre en marche et qui ne deviendrait efficace
qu’à partir d’Auguste, mais les découvertes
archéologiques et numismatiques associées à la
réflexion historique, montrent bien la précocité et
la détermination de Rome vis-à-vis de territoires
dont les richesses devaient directement contribuer
à son impérialisme18.
Les monnaies antiques de la région minière d’Avène et Ceilhes 9
© Bernard Léchelon, Argent rutène et entrepreneurs romains aux confins de la Transalpine,
Les Rutènes,Bordeaux, 2011,p. 264, fig. 9 et 10).
Sites miniers : 1. Labaume, 2. Bouco-Payrol, 3. Faulat, 5. Cénomes, 6. Bayles, 7. Tieules, 8. Maynes, 9. La
Rabasse, 10. Vinas, 11. Le Pradal, 12. Lamalou, 13. Landas.
(Seule une activité au 1er siècle apr. J.-C. a été archéologiquement attestée à ce jour dans les chantiers de Maynes,
de La Rabasse, de Vinas et du Landas)
Sites métallurgiques : d. Fang, e. Mourgis, f. Vinas.
Habitats : A. Lascours, B. Fang.
10 Jean-Claude RICHARD RALITE
Notes et références
1. Figure 1-1bis. Il est le numéro 1 de la planche I de A. Blanchet,Traité des monnaies gauloises, Paris, 1905
et p.211 qui renvoie à E. Bonnet, Médaillier de la Société Archéologique de Montpellier, 1896, p. 57, n° 1083 et
planche I. Dans ce catalogue se trouve sous le numéro 722, provenant aussi de l’ancienne collection A.Ricard, une
imitation (planche I,722) aux mêmes types que le statère macédonien (8gr.45) sans provenance indiquée et qui est
une imitation avec aussi le différent (= marque de l'atelier) du canthare (Figure 1, 1bis) : S. Scheers, Les imitations
en Gaule du statère de Philippe II de Macédoine, Proceedings of the International Numismatic Symposium 1976,
Budapest, 1980, p.41-53, pl. V-IX.
Les numéros entre parenthèses et en gras qui accompagnent les monnaies correspondent à ceux des figures.
2. Le passé de la haute vallée de l’Orb d’après l’oeuvre du docteur Jules Brunel (1881-1964), Bédarieux,
1989.On y ajoutera l’information donnée par le docteur Brunel en 1923 à la Société Française de Numismatique
(Revue Numismatique,1923,p.228) de la découverte à Ceilhes d’un trésor de 200 monnaies en argent du XVIème
siècle, trésor qui n’est pas autrement connu et qui n’a pas eu de publication détaillée.
3. Ces recherches ont donné lieu à plusieurs articles et ont été recensées dans la Carte archéologique de la
Gaule romaine, X, Hérault, Paris, 1946, p.23, 24 et 47 : Avène, La Rabasse (p.23,n°76) : 1 monnaie des Longostalètes
(Bokios) ;Lunas, Taillevent (p.24,n° 76b) : un demi as de Nimes; et à Caunas : une monnaie de Faustine l’ancienne ;
Ceilhes, Lascours (p.24,n° 77) : « nombreux as de Nimes, plusieurs de Vienne (tête d’Auguste et proue avec tête de
bélier, plusieurs as à l’Autel de Lyon,7 Longostalètes, 1 Volques Arécomiques, plusieurs Massalia » ; La Tour-sur-
Orb, Le Pradal (p. 47,n° 131): « bronze Emporium, as Col Nem, monnaie de Tibère, monnaie d’Alexandre Sévère ».
On se reportera aux notices récentes de L.Schneider et D.Garcia, Carte archéologique de la Gaule, Le Lodévois, 34/1,
Paris, 1998 : Avène (p.136-138) et Ceilhes-et-Rocozels (p.157-159) ainsi qu’au chapitre de synthèse, p.53-66 : La
Transalpine minière :des Monts d’Orb au bassin de Lodève, par R. Gourdiole et Chr. Landes ; R. Gourdiole et
Chr.Landes, Lascours, Ceilhes-et-Rocozels(Hérault), J.-L.Fiches et alii, Les agglomérations gallo-romaines en
Languedoc-Roussillon,I, Lattes, 2002,p.271-281.. Ces quatre contributions nous dispensent de reprendre, ici, le
dossier des fouilles dont les présentes monnaies sont un des résultats.
4. Ces monnaies correspondent probablement à certaines de celles qui ont été signalées supra. Parmi ces
monnaies un bronze a été attribué aux « Massyles de l’Est » (Bulletin de la Société Française de Numismatique, 21,
1966, p.32-33, N° 56bis du Corpus de J. Mazard) et nous l’avons signalée ultérieurement (Revue archéologique de
Narbonnaise, 3, 1970, p. 197-198. La publication des autres monnaies avait été reportée, d’un commun accord, pour
attendre les résultats des importantes fouilles archéologiques conduites sur les sites miniers.Cet exempalire a été
recensé par B. Fischer,Les monnaies antiques d’Afrique du Nord trouvées en Gaule, Paris, 1978, p.108, n° 52.
5. Nous devons la connaissance des monnaies et des sites miniers à de nombreuses personnes que nous
remercions ici : Dr.H.Brunel, R.Guiraud, R.Gourdiole, Chr.Landes, M.Scanzi, L.Pernet, Mario Marco
L’étude scientifique n’aurait pas été possible sans les diverses collaborations de + J.-B. Colbert de Beaulieu,
M.Amandry, F.Duyrat, Chr. Flament, J.Mazard, J. Alexandropoulos, S. Scheers,G.Gentric, M.-L.Bonsangue,
B.Léchelon…
6. Il s’agit d’une monnaie de Nimes au crocodile (1er type) (9,17gr;LASCOURS 86 S 1 1248) ;d’un as
probable à l’autel de Lyon (6,70gr ;LASCOURS 993.99.1 ; I 85, 2a caniveau) ;d’un petit bronze fruste (2,55gr ;
LASCOURS 993 97 1 LAS 85 II Z1 C2) ; d’un petit bronze probable des Volques Arécomiques ( 1,38gr ;
LASCOURS Zone 100 ds 109 1987) ;et d’un as de Caligula (7,91 ;LASCOURS 987.1.12 1987 ; type RIC I, n° 47
ou 54 39-4O ou 40-41).
Les monnaies antiques de la région minière d’Avène et Ceilhes 11
7. A-C : monnaies à la croix ;D : faux moderne à légende Postumus ;E : Longostalètes à légende Bokioc, ROQ-
5-24) ; F : Caesar/proue (Brunel 21) «Revue Archéologique de Narbonnaise 1986, n°115 »; G : Alexandre Sévère
(Brunel) ; H-I : monnaies de Nimes au crocodile (Brunel); J : as à l’autel de Lyon (Brunel) ; K : monnaie de Nimes
au crocodile (Brunel); L :bronze de Claude II (Carlencas, Courbezou) ;M-N :monnaies de Nimes au crocodile ;O-P :
as à l’autel de Lyon.
8. 1 :petit bronze de Nimes à légende NEM COL ; 2 : bronze du bas-
Empire;6,8,9,11,13,14,15,16,17(moitié),18(moitié),19 (moitié), 20 (moitié): monnaie de Nimes au crocodile ;
21:bronze CAESAR/Proue probable, «Nissergues » Bédarieux) ;22 : bronze à la proue avec « tête de bélier »,
«Nissergues » Bédarieux) ;24 : sextans oncial ,Mercure/Proue ; 6,95gr) ;26 : bronze à l’autel de lyon (perforée : «
près lac d’Avène, au-dessous de Mange-Homme ») ; 29-30 : as à l’autel de Lyon ; 31 : bronze de Postume, R/Laetitia
AVG, galère ; « Mange-Homme).
9. B. Fischer, op.cit.Cette auteure considère que la pénétration de ces monnaies est tardive ce qui est peut être
vrai pour la Celtique mais non pour les territoires du Sud de la Gaule (à Sigean(Aude) à Olonzac(Hérault) ou à Lattes
(Hérault) par exemple) où des monnaies d’Afrique du Nord ont été rencontrées dans une phase d’occupation
antérieure à la fin du IIIème siècle av. J.-C. et au IIème siècle.
10. Cl.Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen, 264-27 avant J.-C., I, Les structures de l’Italie
romaine, Paris,1977, p.146-149 et II, Genèse d’un Empire, Paris,1991, chapitre V, la Gaule Transalpine, par Chr.
Goudineau, L’économie, p.693-694 et bibliographie p.494-495 avec les références pour les mines en Espagne. Voir
aussi : J.Andreau, Recherches récentes sur les mines à l’époque romaine, Revue Numismatique,1989, p.86-112 et
1990,p.85-108 et A. J. Wilson, Machines, Power and the Ancient Economy, Journal of the Roman Studies, 92, 2002,p.
1-32.
11. On trouvera une étude générale et une bibliographie étendue sur le sujet dans le magistral ouvrage de Cl.
Domergue, Les mines antiques, la production des métaux aux époques grecque et romaine, Paris, 2008.Pour la
connaissance d’un site métallurgique voisin : Cl. Domergue et alii, Un centre sidérurgique romain de la Montagne
Noire, le domaine des Forges (Les Martys, Aude), Paris, 1993. En dernier lieu : A. Orejas et Chr.Rico (dir.), Mineria
y metalurgia antiguas, visiones y revisiones , Homenaje a Claude Domergue, Madrid, 2012
12. G. Barruol et R. Gourdiole, Les mines antiques de la Haute Vallée de l’Orb (Hérault), Mines et fonderies
antiques de la Gaule, Toulouse 1980, Paris, 1982, p. 79-93.
13. Ch. Ebel, Transalpine Gaul, the emergence of a roman province, Leiden, 1976 dont une traduction en
français, revue par l’auteur, a été publiée : La Gaule du Sud, de la colonisation grecques à la province romaine (VIème
siècle-Ier siècle avant J.-C.), Archéologie en Languedoc, 24, 2000,p.43-98.
14. Il s’agit de 2 modestes graffites incisés après cuisson sur des récipients en céramique. Rien ne prouve que
ces incisions aient été faites sur place et, même en ce cas, il serait imprudent d’en tirer des conclusions sur l’origine
des mineurs car cette écriture était pratiquée non seulement en Espagne mais dans le sud de la Gaule autour de
Narbonne-Béziers !
15. Les graffites d’Ensérune ont été systématiquement publiés par J. Unterman dans son Corpus. Leur nombre
et leur variété attestent la présence d’occupants dont une partie au moins pratiquait couramment cette langue. On ne
saurait oublier ici les nombreuses séries monétaires qui n’offrent que des légendes en ibérique et celles, liées aux
Longostalètes, qui présentent des légendes et en caractères grecs et en caractères ibériques.
16. Les actes du colloque de 2007 : Les Rutènes, du peuple à la cité, de l’indépendance à l’installation dans
le cadre romain, 150a.c.-100 p.C., Rodez-Millau 2007, Bordeaux, 2011, avec d’importantes contributions sur les
problèmes économiques, historiques et géographiques.
Jean-Claude RICHARD RALITE12
17. L’importance de l’implication de grandes familles romaines dans les exploitations minières de cette région
a été mise en lumière, dès 1986, par M.Christol et G.Bellan, une inscription romaine à Villemagne-l’Argentière :le
site de St.Martin-de-Vieux, Bulletin de la Société Archéologique et Historique des Hauts Cantons de l’Hérault, 9,
1986, p.33-44 .On se reportera à la dernière contribution de M.-L. Bonsangue, Administrer et exploiter les mines en
Gaule méridionale : le rôle de Narbonne (Ier siècle av. J.-C.-IIème siècle ap. J.-C., Figures d’empire, fragments de
mémoire, pouvoirs et identités dans le monde romain impérial, Villeneuve d’Ascq, 2011,p.361-384.
18. Depuis l’ouvrage classique de J. Carcopino, Les étapes de l’impérialisme romain, Paris, 1961, nous avons
l’étude de E.Hermon, Qu’est ce que l’impérialisme romain ? , Dialogues d’Histoire Ancienne, 10, 1984, p. 250-267
et les synthèses de E. Hermon, Rome et la Gaule transalpine avant César, 125-59 av. J.-C., Laval,1993, et G. Soricelli,
La Gallia Transalpina tra la conquista e l’eta cesariana, Como, 1995, mais la question reste toujours ouverte pour
apprécier la réalité provinciale.
r
*Jean-Claude RICHARD RALITEDirecteur de recherche (er) au CNRS, CentreCamille Jullian, Université d’Aix-Marseille
1 place de la Liberté34150 SAINT GUILHEM-LE-DéSERT