Les journalistes soviétiques durant la glasnost, à travers l'exemple des animateurs de l'émission...

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Françoise dAuCé Les journalistes soviétiques durant la glasnost à travers l’exemple des animateurs de l’émission Vzgliad Afin de réfléchir aux transformations du métier de journaliste dans l’u.r.s.s. de la perestroïka, nous proposons ici de suivre le destin de quelques hommes (et une femme) engagés dans les changements média- tiques de cette période. À la fin des années 1980, la glasnost est en effet présentée comme la condition d’émergence d’un quatrième pouvoir et de la démocratisation du régime soviétique. Au-delà de ce lieu commun, que peut- on dire des transformations de la profession journalistique et des valeurs qui l’orientent à cette période ? quels sont les repères et les valeurs des journa- listes qui innovent dans l’espace médiatique ? Comment comprendre leur participation à cette libération de la parole au regard de leur propre histoire soviétique ? Comment évoluèrent leurs carrières après la chute de l’u.r.s.s. ? Pour répondre à ces questions, nous proposons ici de suivre les trajectoires de quelques journalistes vedettes de la perestroïka, rendus célè- bres par leur participation à l’émission de télévision Vzgliad (Le regard) entre 1987 et 1991. À partir des destins de dmitri zakharov, Vladislav listev, Aleksandr lioubimov et Aleksandr Politkovski, qui furent les premiers animateurs de l’émission, nous analyserons l’évolution des pratiques journalistiques pendant et après la perestroïka. nous proposons de joindre à notre échantillon le cas de l’épouse d’Aleksandr Politkovski, Anna Politkovskaïa, en raison de sa notoriété professionnelle dans la russie post- soviétique. À la fin des années 1980, l’émission Vzgliad est généralement considérée comme un moteur de la démocratisation grâce à la libération de la parole qu’elle initie. Certes, les journalistes qui animent ce programme ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la profession à cette période mais leur exem- ple nous apporte des clés pour comprendre l’évolution des pratiques média- tiques et leurs enjeux pour la période post-soviétique. nous proposons ici d’étudier les choix réalisés par ces journalistes souvent tiraillés entre des considérations professionnelles, économiques et politiques parfois divergen- tes, afin de montrer que leur contribution au changement politique n’est pas seulement liée à leurs convictions démocratiques mais bien aux compromis qu’ils réalisent entre les exigences contradictoires qui pèsent sur eux à cette Françoise dAuCé. université blaise-Pascal, CHeC, CerCeC (Cnrs – eHess) [email protected] LA REVUE RUSSE 38, 2012, p. 69-81. RR38 001- en cours:RR31 001-096 25/05/12 10:45 Page69

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Françoise dAuCé

Les journalistes soviétiques durant la glasnost

à travers l’exemple des animateurs de l’émission Vzgliad

Afin de réfléchir aux transformations du métier de journaliste dansl’u.r.s.s. de la perestroïka, nous proposons ici de suivre le destin dequelques hommes (et une femme) engagés dans les changements média-tiques de cette période. À la fin des années 1980, la glasnost est en effetprésentée comme la condition d’émergence d’un quatrième pouvoir et de ladémocratisation du régime soviétique. Au-delà de ce lieu commun, que peut-on dire des transformations de la profession journalistique et des valeurs quil’orientent à cette période? quels sont les repères et les valeurs des journa-listes qui innovent dans l’espace médiatique ? Comment comprendre leurparticipation à cette libération de la parole au regard de leur propre histoiresoviétique ? Comment évoluèrent leurs carrières après la chute del’u.r.s.s. ? Pour répondre à ces questions, nous proposons ici de suivre lestrajectoires de quelques journalistes vedettes de la perestroïka, rendus célè -bres par leur participation à l’émission de télévision Vzgliad (Le regard)entre 1987 et 1991. À partir des destins de dmitri zakharov, Vladislavlistev, Aleksandr lioubimov et Aleksandr Politkovski, qui furent lespremiers animateurs de l’émission, nous analyserons l’évolution despratiques journalistiques pendant et après la perestroïka. nous proposons dejoindre à notre échantillon le cas de l’épouse d’Aleksandr Politkovski, AnnaPolitkovskaïa, en raison de sa notoriété professionnelle dans la russie post-soviétique.

À la fin des années 1980, l’émission Vzgliad est généralement considéréecomme un moteur de la démocratisation grâce à la libération de la parolequ’elle initie. Certes, les journalistes qui animent ce programme ne sont pasreprésentatifs de l’ensemble de la profession à cette période mais leur exem-ple nous apporte des clés pour comprendre l’évolution des pratiques média-tiques et leurs enjeux pour la période post-soviétique. nous proposons icid’étudier les choix réalisés par ces journalistes souvent tiraillés entre desconsidérations professionnelles, économiques et politiques parfois divergen-tes, afin de montrer que leur contribution au changement politique n’est passeulement liée à leurs convictions démocratiques mais bien aux compromisqu’ils réalisent entre les exigences contradictoires qui pèsent sur eux à cette

Françoise dAuCé. université blaise-Pascal, CHeC, CerCeC (Cnrs – eHess)[email protected]

LA REVUE RUSSE 38, 2012, p. 69-81.

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période. en suivant leurs parcours chronologiquement, nous analyserons,dans un premier temps, leurs années d’apprentissage et de socialisation à lapériode soviétique. dans un second temps, nous étudierons les formes de larévolution journalistique qu’ils opèrent au sein de l’émission Vzgliad maisaussi les enjeux politiques de ces transformations. dans un troisième temps,nous nous interrogerons sur le devenir de ces journalistes après la perestroïkaen mettant en lumière la diversité de leurs trajectoires dans le post-soviétisme.

Normalité et originalité des apprentissages soviétiques

les journalistes professionnels actifs durant la glasnost ont été formés aujournalisme à l’époque soviétique1. un bref retour sur leur formation et leursconditions d’exercice à la période brejnévienne et au début des années 1980permet de mettre au jour les logiques qui autorisent leur passage à des formesde journalisme critique à la fin des années 1980. Plusieurs déterminantsjouent dans l’engagement de ces journalistes dans la libéralisation média-tique. en dépit des contraintes idéologiques et institutionnelles qui pèsent sureux, ils partagent un intérêt commun pour le monde occidental et sa culturemédiatique. Cette connaissance de l’expérience étrangère et les solidaritéscollectives qui les unissent facilitent leur expression indépendante à l’occa-sion de la glasnost.

Des cercles privilégiés

les journalistes étudiés ici sont nés dans les années 1950 ou au début desannées 1960 (d. zakharov est né en 1958, V. listiev en 1956, A. lioubimoven 1962, A. Politkovski en 1953 et A. Politkovskaïa en 1958). ils ont une ving-taine d’années à la fin des années 1970 et au début des années 1980 quand ilsapprennent le métier de journaliste. Comme la plupart des journalistes profes-sionnels qui exercent au sein de Gosteleradio (la radio-télévision d’état), ilssont diplômés des grands établissements universitaires de la capitale, et notam-ment de la faculté de journalisme de l’université d’état de moscou (mGu).Aleksandr Politkovski, un peu plus âgé que ses camarades de l’émissionVzgliad, est entré en 1973 à la section de la télévision de la faculté de journa-lisme du mGu. en 1977, il y rencontre Anna mazepa, de cinq ans sa cadette,qu’il épouse. Vladislav listiev est, lui, diplômé de la section internationale decette même faculté. l’université de moscou est un lieu de socialisation où senouent des relations professionnelles mais aussi personnelles et amicales quifacilitent les carrières. les autres journalistes de Vzgliad sont passés par d’aut-res établissements supérieurs prestigieux. Aleksandr lioubimov a suivi lesenseignements de la faculté des relations économiques internationales dumGimo de 1981 à 1986. dmitri zakharov a obtenu le diplôme, en 1980, del’institut des langues étrangères maurice-thorez.

les jeunes journalistes qui animeront Vzgliad connaissent bien le mondeoccidental. Aleksandr lioubimov est né à londres. il parle français, anglais

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et danois. dmitri zakharov est né dans une famille de diplomates. l’époused’Aleksandr Politkovski, Anna Politkovskaïa, connaît parfaitement les états-unis. elle est née à new York de parents diplomates. Au début des années1990, après la chute de l’u.r.s.s., elle obtient la citoyenneté américaine(tout en gardant sa citoyenneté russe). Plusieurs des jeunes journalistes quirejoindront Vzgliad ont commencé leur carrière au service étranger deGostele radio. Avant de créer l’émission, comme l’explique Aleksandrlioubimov,

nous travaillions au service étranger qui, pour l’époque, était une organisationassez démocratique. on lisait la presse bourgeoise, on écoutait la radio bour-geoise. on était un peu différents 2.

il est employé au service des pays scandinaves. d. zakharov travaille, de1980 à 1987, au service des programmes destinés aux états-unis et à laGrande-bretagne. de 1982 à 1987, il est rédacteur à la rédaction principalede la propagande pour les pays étrangers de Gosteleradio. un même intérêtpour les pays occidentaux réunit les jeunes journalistes qui animerontVzgliad.

L’encadrement par le Parti

Cependant, le contexte dans lequel ils travaillent est bien différent decelui de leurs homologues européens ou américains. les jeunes journalistessoviétiques des années 1980, formés dans les grandes écoles du régime,travaillent naturellement sous un double contrôle professionnel et politique.À la période soviétique3, deux verticales contrôlent l’activité des journalistesde l’audiovisuel. la première relève de l’activité de Gosteleradio et de sesbranches régionales, la seconde du parti (et notamment du département de lapropagande du Comité central, dirigé par Aleksandr iakovlev à partir de laperestroïka). le Parti transmet aux médias le ton à suivre et les contenus àpromouvoir. C’est lui aussi qui alloue les budgets. les journalistes de la télé-vision travaillent donc dans ce cadre doublement contraint 4. À la fin de lapériode soviétique, la censure est toujours en place mais les observateursestiment que les journalistes, afin d’éviter les ennuis avec les autorités, prati-quent aussi l’auto-censure 5. la plupart d’entre eux sont membres de l’uniondes journalistes, qui regroupe 85 000 personnes (soit la quasi-totalité de laprofession). 80 % des journalistes sont membres du parti. ils ne sont admisdans les organes de presse centraux « qu’à la suite d’une vérification par les« organes compétents » et une fois accordé l’aval du Comité central duPCus » 6. les journalistes qui travaillent dans la presse centrale au début dela perestroïka sont les produits du système de contrôle du Parti sur lesmédias.

C’est dans ce cadre contraint par le Parti qu’en octobre 1987, le servicedes programmes pour la jeunesse de Gosteleradio lance une émission musi-cale et d’information en soirée pour les jeunes intitulée Vzgliad. l’idée de

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cette émission vient des instances dirigeantes. elle est à l’époque soutenuepar Aleksandr iakovlev, secrétaire du Comité central du Parti pour l’idéo -logie. Plus exactement,

d’en haut, d’Aleksandr nikolaevitch iakovlev est arrivée l’idée qu’il fallaitfaire une émission d’information et de loisir pour les jeunes. il avait, lui-même,reçu l’autorisation du Comité central du Parti sur la nécessité d’une telle émis-sion 7.

les modalités d’invention de l’émission Vzgliad montrent qu’elle n’est pas lefruit de la liberté de la presse par le bas mais bien de la politique d’ouverturedécidée par le Parti 8. la glasnost, lancée par m. Gorbatchev en 1985 lorsd’un Plénum du Parti communiste, n’est pas synonyme de liberté de lapresse. elle désigne l’autorisation de formes médiatiques critiques sous lecontrôle du Parti. elle permet, selon les termes du premier secrétaire,

la liberté de l’expression écrite et orale, un réel pluralisme des opinions socia-listes, un échange ouvert des idées, des intérêts et des garanties légales pour lesdroits des minorités 9.

l’émission Vzgliad est donc produite dans le cadre officiel de Gosteleradiosssr sous le contrôle du Parti. Comme l’explique l’un de ses animateurs aposteriori,

nous ne comprenions pas que nous étions manipulés par des marionnettistesexpérimentés. le programme Vzgliad a été imaginé par le kbG. Au milieu desannées 1980, des gens du Comité central du PCus, de jeunes communistes ettchékistes ambitieux qui voulaient changer le système, ont lancé la perestroïka.[...] Pour que les étudiants et les écoliers n’écoutent plus la bbC le vendredi, ilsont décidé de lancer une émission pour la jeunesse avec de la musique occiden-tale. le kGb a préparé une note de 40 pages pour le Politburo10.

À partir de 1987, l’émission est diffusée en deuxième partie de soirée lesvendredis. les conditions d’apparition de l’émission Vzgliad permettentd’éclairer concrètement les modalités de fonctionnement de la politique deglasnost à ses débuts.

Les enjeux politiques de l’innovation journalistique

la première diffusion de l’émission Vzgliad a lieu le 2 octobre 1987 11.l’innovation est d’abord culturelle et artistique : le style des jeunes journa-listes qui animent cette émission rompt avec le ton compassé des animateurssoviétiques habituels. les clips musicaux qui ponctuent l’émission contri-buent à sa notoriété. Cette liberté artistique se transforme progressivement enliberté critique et politique. les sujets traités se veulent délibérément polé-miques, conduisant les journalistes de Vzgliad à prendre position sur desquestions de société et, finalement, à s’engager en politique.

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Le style de Vzgliad

la rupture imposée par l’émission Vzgliad est d’abord de nature esthé-tique. en raison de son style, elle rompt avec les pratiques journalistiquessoviétiques. son ton est tout à fait nouveau. ses animateurs passent à l’an-tenne vêtus comme à la ville, sans costume ni cravate, leurs interventionssont entrecoupées de clips musicaux dédiés au rock social (social′nij rok)soviétique de la fin des années 1980. des groupes comme ddt, nautilusPompilus ou kino trouvent grâce à Vzgliad une large audience. le décor estcelui d’un appartement bizarre, où les gens viennent, apportent des nou -velles, discutent, disparaissent, sont remplacés par de nouveaux invités. dèsles années 1970, une proposition d’émission du même type, intitulée « dansnotre cuisine après 23 heures » (U nas v kuxne posle odinnadcati) avait étéproposée sans succès. mais c’est bien la même idée qui est présente, celled’une émission pensée sur un mode familier, à la manière des cercles dediscussion de la période soviétique. l’émission est d’abord animée par troispersonnes : Vladislav listiev, Aleksandr lioubimov et dmitri zakharov. Cesjourna listes sont des jeunes gens recrutés pour animer un programme dejeunesse, considéré comme peu sérieux. C’est bien ce statut périphérique,voire marginal au sein du système central, qui leur permet de participer à latransformation radicale des pratiques journalistiques de l’époque. dans leurssouvenirs, ils insistent sur les relations amicales qui les unissaient à l’époque.Comme le rapporte d. zakharov :

notre troïka – listiev, lioubimov, zakharov – était très unie. Avant Vzgliad,nous étions amis depuis de longues années. nous avions travaillé ensemble auservice étranger, on buvait un coup lors des pauses. Pour préparer les numérosde Vzgliad, on se retrouvait chez moi. Vladik avait un appartement de troispièces mais l’un de ses deux enfants était souvent malade et était handicapé.sachka vivait dans une kommunalka, pour montrer à ses parents l’apothéose deson indépendance12.

l’émission semble à l’image du mode de vie de ses animateurs. elle repro-duit l’ambiance des soirées étudiantes dans les appartements. Au trio initials’ajoutent progressivement d’autres protagonistes. Aleksandr Politkovskipuis sergueï lomakine et Vladimir mukusev rejoignent l’émission. les jour-nalistes Artem borovik (spécialiste de la conversion et des questions militai-res) et evguéni dodolev (auteur d’articles à sensation) y sont aussi associés.

Une entrée dans le débat public

l’émission hebdomadaire propose des sujets inhabituels pour la télévi-sion soviétique de l’époque. elle diffuse des éclairages sur des thèmes desociété comme la question des prisonniers de guerre en Afghanistan(25 novembre 1988), l’existence des prostituées dans la société soviétique(14 octobre 1988) ou celle de la sécurité des centrales nucléaires soviétiques.l’émission, d’abord périphérique par son public et ses horaires, acquiert saliberté de ton de fait avant de l’obtenir de droit. elle reste toutefois soumise

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au contrôle de la censure puisque le 29 décembre 1989, elle ne peut êtrediffusée alors qu’elle prévoyait de montrer un pastiche du journal téléviséofficiel Vremia 13. Progressivement, l’émission élargit son audience au pointde devenir un rendez-vous télévisuel culte de la perestroïka. les journalistesde Vzgliad expérimentent la puissance politique de leur émission. ils ont lesentiment d’influencer directement le gouvernement du pays. C’est en toutcas ce que rapporte evguéni dodolev :

À cette période, à la fin des années 1980, les journalistes étaient vraiment tout-puissants. un sujet et plus de ministre. […] dans les faits, en un mot, en unephrase, en un plan à l’écran on pouvait détruire le destin d’un homme public, lepromouvoir ou le dégrader. des décisions du gouvernement, des réunions duPolitburo avaient lieu après les émissions. Véritablement un quatrième pouvoir.[…] Politkovski avait fait un sujet sur les enfants mourant des radiations enbiélorussie. Après cela, raissa Gorbatcheva est partie là-bas, on a construit unhôpital. et une loi sur les victimes de tchernobyl a été adoptée. C’est l’émissionqui a fait l’histoire14.

les journalistes expérimentent des formes d’action politique directe, plaçantle pouvoir sous le feu des critiques médiatiques.

l’adoption de la loi sur les médias le 12 juin 1990 vient entériner laliberté de la presse. elle abolit la censure et autorise les journalistes à fonderleurs journaux 15. À partir du 5 octobre 1990, l’émission Vzgliad quitte legiron de la télévision officielle pour être produite par la société Vid (Vzgliadi drugie). elle se transforme en talk-show analytique. elle entre en conflitouvert avec les autorités politiques du pays qui perdent leur contrôle sur cetteémission. Pour Aleksandr lioubimov,

les choses ont beaucoup changé après 1990 et nous avons aussi beaucoupchangé. nous avons compris que nous participions à la vie politique. il étaitévident qu’il y aurait un putsch mais la télévision s’était fortement démocrati-sée, de nouveaux programmes étaient apparus. l’idée de Vzgliad à cetteépoque, c’est que nous parlions de choses que d’autres craignaient de dire16.

les frontières entre le journalisme et la politique s’estompent. le 26 décem-bre 1990, la direction de Gosteleradio interdit la diffusion d’un nouveaunuméro de Vzgliad consacré au limogeage d’edouard Chevardnadzé. le10 janvier 1991, le premier adjoint du président de Gosteleradio signe l’ordrede mettre fin à la production de Vzgliad et de ne plus diffuser l’émission. enréponse, le 26 février 1991, une manifestation est organisée pour défendre leprogramme devant l’hôtel moscou. des dizaines de milliers de personnesdescendent dans la rue pour défendre leur émission. en avril 1991, Aleksandrlioubimov et Aleksandr Politkovski diffusent le premier numéro de Vzgliadiz podpolia (Vzgliad dans la clandestinité) sur des cassettes-vidéo. le23 août 1991, un numéro spécial de Vzgliad est consacré aux événements du19-23 août. le 25 août, le président Gorbatchev transmet à la rédaction deVzgliad la cassette de son adresse au peuple soviétique enregistrée dans sa

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datcha de Foros. Après le putsch, l’émission produit ses ultimes numérosdans les derniers mois de l’année 1991. le dernier numéro de Vzgliad estdiffusé en décembre 1991. l’émission disparaît avec l’union soviétique.Après le changement de régime, ses animateurs décident de mettre fin à ceprogramme, la lutte pour la liberté de parole étant achevée.

Les journalistes dans la vie politique

l’expérience de Vzgliad, comme celle de nombreux journaux de la peres-troïka, conduit ses journalistes à s’insérer dans des formes de participationpolitique plus institutionnalisées. À partir de 1989, beaucoup de journalistess’investissent directement dans la vie partisane et sont élus au Congrès desdéputés du peuple17. Pour prendre un exemple tiré de la presse écrite, « unedizaine de personnes, parmi les dirigeants d’Argumenty i Fakty, sont deve-nues députés du peuple de l’u.r.s.s. et de la Fédération de russie » note, parexemple, Georges Vatchnadze 18. C’est le cas aussi pour les animateurs deVzgliad. en 1990, trois d’entre eux deviennent députés et le restent jusqu’en1993 : Aleksandr Politkovski, Vladimir mukusev et Aleksandr lioubimov.A. Politkovski et V. mukusev rejoignent la Commission pour les droits del’homme de sergueï kovalev au sein du Congrès. ils obtiennent la fermeturede la politzona de Perm. A. lioubimov est élu dans l’oblast de tambov, d’oùétait originaire son grand-père. il participe au Parlement à la création de lafraction « smena-novaïa Politika » que rejoignent sergueï babourine etsergueï Chakhraï. Cette fraction, considérée comme « cen triste », hésiteentre les démocrates et les communistes-patriotes. Ces journalistes prati-quent la politique en amateurs revendiqués. ils entendent à l’époque rompreavec la symbolique et les pratiques d’un parti sclérosé. Cependant, l’exercicede la fonction parlementaire conduit à leur déception. Comme l’expliqueAleksandr Politkovski,

deux ans après que nous soyions devenus députés, j’ai commencé à ne plus mesentir très à l’aise dans « russie démocratique ». les gens qui travaillaient ausoviet suprême avaient beaucoup changé. moi, j’étais journaliste, j’étais restéjournaliste et mes positions et mes convictions n’avaient pas changé. Alors quecertains déclaraient « je suis le législateur ». non, mais quel législateur ? C’étaitdes âneries. J’étais allé au kremlin, en 1990, habillé d’une veste en jean. […]J’étais l’un des députés les plus détachés19.

les formes institutionnalisées et routinisées de la démocratie parlementaireconviennent mal à des journalistes qui ont expérimenté l’exaltation del’action politique directe et de leur influence immédiate sur le pouvoir.

Les effets paradoxaux du changement

Après la disparition de l’u.r.s.s., les journalistes de Vzgliad connaissentdes trajectoires professionnelles et personnelles divergentes et des fortunesdiverses. leurs choix professionnels, politiques mais aussi économiques se

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différencient. la question de la gestion de leur notoriété semble devenircentrale. Ainsi, les uns prospèrent et tirent un profit économique de leur posi-tion dans la nouvelle conjoncture, d’autres au contraire sont progressivementmarginalisés et nourrissent du ressentiment à l’égard des évolutions post-soviétiques. le capital médiatique acquis grâce à l’émission Vzgliad leurpermet de conserver de la sympathie dans l’opinion publique mais ne s’ac-compagne pas nécessairement d’une carrière ascendante dans les années1990. la diversification de leurs trajectoires s’accompagne d’une dissolutiondes liens amicaux, voire familiaux, revendiqués lors des débuts de l’émis-sion. les critiques et les reproches se multiplient entre les anciens membresde l’équipe, témoignant des divergences morales et professionnelles qui lesséparent désormais.

L’éclatement des trajectoires médiatiques

des journalistes qui animaient Vzgliad, plusieurs tentent de retrouver lesuccès médiatique grâce à des émissions individuelles après 1991. Ces expé-riences personnelles ne leur permettent généralement pas de renouer avec lesuccès collectif qu’ils avaient rencontré durant la perestroïka. le changementde régime, la reconnaissance des libertés fondamentales, l’abolition de lacensure, la multiplication des médias déspécifient le travail des anciens jour-nalistes de Vzgliad. Finalement, la stratégie médiatique la plus fructueusesemble être celle de Vladislav listiev qui, renonçant au journalisme politiqueet d’information, devient l’animateur de Koleso Tchudes (la roue de lafortune, dans sa version russe) et connaît ainsi un succès d’audience considé-rable. les journalistes qui tentent de perpétuer un journalisme critique d’in-vestigation sont progressivement marginalisés. de 1992 à 1995, A. Polit kov -ski anime l’émission Politburo (le bureau de Politkovski). son émission neremporte pas le succès escompté. il connaît une marginalisation profession-nelle et porte aujourd’hui un regard désabusé sur l’expérience de Vzgliad :« C’était une période d’idiotisme romantique et de foi dans quelque chose deradieux »20. Cette marginalisation professionnelle alimente du ressentiment àl’égard des évolutions post-soviétiques et de la nostalgie pour la périodesoviétique. Ainsi, paradoxalement, Aleksandr Politkovski anime dans lesannées 2000 une émission qui participe à la réhabilitation du passé soviétiquequ’il a pourtant contribué à déboulonner. sur le canal « nostal gia », il animeune émission d’abord intitulée Bylo vremia puis rebaptisée Nazad – v SSSR(retour vers l’u.r.s.s.). Comme il l’explique, dans cette émission,

nous nous souvenons de ce qu’il y avait de bien en u.r.s.s. et que nous avonsoublié. il y avait beaucoup de bonnes choses : par exemple, les camps de pion-niers, l’amitié du service militaire (voinskaja družba), nos réussites techniques,comme le vaisseau spatial buran…21.

la nostalgie pour la période soviétique est aussi une nostalgie pour la pere -stroïka.

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Pour V. mukusev, interrogé en 2007,Gorbatchev avait parfaitement compris que nous faisions ce qu’il ne pouvaitfaire lui-même, et il comptait un peu sur l’aide des médias indépendants. C’estdrôle à dire : dans un pays qui connaissait un système de parti unique, il existaitdes médias indépendants. Aujourd’hui, d’après la Constitution, on a un étatdémocratique, mais où sont les médias indépendants ?22

Une initiation aux nouvelles réalités économiques

outre sa dimension politique, la période de la perestroïka a été une périoded’expérimentations économiques qui a concerné les journalistes comme lesautres secteurs d’activité. en 1987, lors du lancement de l’émission, et endépit de sa rapide popularité, A. lioubimov rappelle que « les salaires àVzgliad étaient peu élevés et que l’animation de soirées en province consti-tuait la principale source de revenu pour ses animateurs » 23. rapide ment,pourtant, les journalistes de Vzgliad se sont emparés des nouvelles lois relati-ves à l’activité économique individuelle et au nouveau statut des médias pours’engager dans des stratégies de développement économique. en décem-bre 1990, en créant la société par action (zAo) Telekompania ViD (Vzgliad idrugie), les animateurs de l’émission ont créé la première structure privéed’ostankino, ce qui « a suscité un fort mécontentement de la direction de lachaîne »24. Au printemps 1991, V. listiev, A. lioubimov, Aleksandr Goro -zan kin, Andrej rzabaš, ivan demidov et A. Politkovski ont constitué lasociété par action (Aozt) Vzgliad iz pod polia et produit les nouvelles émis-sions sur des vidéocassettes. Avec la fin de l’u.r.s.s., les animateurs deVzgliad s’engagent dans de nouveaux projets économico-médiatiques. lesannées 1990 sont favorables à des stratégies d’enrichissement variées dans lemonde des médias. en raison du déclin des financements de la télévisiond’état, les rédactions sont invitées à gagner de l’argent. les journalistesdeviennent des managers25. ils disposent de deux sources de financement : ladiffusion de publicité et la commande de sujets. Ainsi, la compagnie Vidvend désormais ses émissions à ostankino. Vid crée aussi une société bapti-sée interVid chargée de gérer la publicité. A. lioubimov, qui occupe le postede directeur général de Vid occupe la 16e place sur la liste des personnalitésles plus riches de l’ancienne u.r.s.s., établie par le journal autrichienOption 26, en 1992. les flux d’argent, légaux et illégaux, se diffusent dans lescompagnies médiatiques, créant de vives tensions parmi les journalistes etles divers acteurs économiques et administratifs liés à la télévision. enmars 1995, l’assassinat de Vladislav listiev, qui avait été choisi pour dirigerla première chaîne de télévision ort 27, est généralement expliqué par lesconflits éco nomiques majeurs qui secouent le monde de la télévision.l’assassinat n’a pas été élucidé mais V. listiev aurait cherché à mettre fin àdes tran sactions douteuses liées à l’achat d’espaces publicitaires. de nom -breux commen tateurs ont estimé que sa mort violente était liée à sa remise encause des arrangements économiques illégaux mis en place au sein d’ort.

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La violence du changement politique

Après la disparition de l’u.r.s.s., la question de l’engagement politiquedes journalistes est à nouveau posée dans un contexte de violence institu-tionnelle et sociale croissante. les actes de violence du pouvoir s’incarnentdans l’assaut armé contre le Parlement à l’automne 1993 puis dans l’envoi del’armée en tchétchénie en 1994. dans ce contexte, le rapport des journalis-tes à la politique évolue. les uns préfèrent abandonner une activité qui leursemble désormais vaine. les autres choisissent de devenir les porte-paroledes victimes du régime. des journalistes de Vzgliad, aucun ne choisit la voiede la critique radicale après 1991. mais c’est pourtant une femme liée à cegroupe qui en devient le symbole. Anna Politkovskaïa, dont la carrière durantla perestroïka reste modeste, devient l’icône du journalisme critique etprotestataire dans la russie post-soviétique. Comme l’explique AleksandrPolitkovski :

J’ai vécu avec elle 21 ans. (…) elle m’a aidé à devenir journaliste. et je l’aiaidée aussi. ça n’a pas très bien marché pour elle jusqu’en 1996. Puis elle estdevenue une journaliste indépendante. et là, elle s’est débrouillée toute seule28.

Après ses études de journalisme au mGu, qu’elle a terminées en 1980, AnnaPolitkovskaïa a commencé sa carrière au journal izvestia où elle a travaillé de1982 à 1993. de 1994 à 1999, elle travaille pour le journal ObchtchaïaGazeta. en 1999, elle rejoint Novaïa Gazeta. À partir de cette date, elle serend fréquemment en tchétchénie et dans le Caucase et en rapporte desreportages qui mettent directement en cause le comportement des forcesarmées russes sur le terrain. son ex-mari (ils se sont séparés au tournant desannées 2000), qui commente post-mortem sa carrière, voit un lien subjectifentre sa propre expérience et la sienne :

quand les enfants ont grandi, naturellement, elle a eu plus de temps pour écrire.elle avait un rapport jaloux à mon travail, dans le bon sens du terme, elle voulaitêtre comme moi. elle voulait être professionnelle, c’est-à-dire travailler sanscompromission dans le journalisme, pas pour l’argent ou pour les intérêts dequelqu’un. écrire ce qu’elle pensait 29.

Cependant, les temps ont changé. Alors que, durant la perestroïka, les repor-tages critiques des journalistes pouvaient influencer l’action du pouvoir, ilssuscitent, dans les années 1990 et 2000, des menaces contre leurs auteursmêmes. les actes d’intimidation à l’encontre des journalistes se multiplient àpartir de 1994. les auteurs de ces violences sont rarement identifiés et jugés.selon nadezhda Azhgikhina, entre 1991 et 2007, 200 journalistes auraientété tués (211 selon la Fondation pour la défense de la glasnost) 30. le 7 octo-bre 2006, Anna Politkovskaïa est assassinée. d’une certaine façon, l’espoird’un journalisme critique et indépendant expérimenté du temps de l’émissionVzgliad disparaît avec elle.

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Conclusion

la glasnost est généralement analysée comme l’une des causes del’effon drement de l’u.r.s.s. dépassé par des évolutions qu’il ne pouvaitplus contrôler, le Parti aurait perdu sa mainmise sur le pouvoir. Commel’écrit Anne nivat,

en s’engageant dans la glasnost, Gorbatchev ne pouvait se douter qu’elle allaitengendrer tant de critiques dévastatrices dans le cadre qu’il avait lui-mêmeconstruit 31.

si le rôle des journalistes dans la délégitimation du pouvoir soviétique a étésouligné à de nombreuses reprises, l’analyse de leurs pratiques médiatiquesconcrètes permet d’aller plus loin et de voir quels engagements et quellesvaleurs portent ces journalistes face au pouvoir. la question est ainsi autant desavoir ce qui se construit dans les pratiques journalistiques des dernièresannées de l’u.r.s.s. que de savoir ce qui s’effondre. si le sens commun faitdes journalistes de Vzgliad comme des autres émissions et journaux réforma-teurs de l’époque un facteur de démocratisation du pays, l’analyse concrète deleurs actions montre en fait que leur engagement revêt des formes très diverses.les journalistes sont au cœur d’arbitrages entre des intérêts contradic toires. enpolitique, leur critique est en effet conçue sur un mode d’exercice direct quiobligerait le pouvoir à répondre de ses erreurs devant les journa listes. danscette vision directe de la démocratie, la place de la représentation parlementaireet la lenteur des processus délibératifs sont négligées. en économie, l’intrusiondes intérêts financiers dans le cadre médiatique vient bouleverser les choixmoraux et civiques officiellement affichés. Ainsi, l’étude au concret despratiques journalistiques durant la perestroïka permet de mettre en exerguedifférentes grammaires qui orientent l’activité des journalistes et qui ne relè-vent pas toutes de l’engagement démocratique. elle contribue ainsi à éclairerles évolutions qui interviennent après la disparition de l’u.r.s.s.

notes

1. nous n’étudions pas ici le cas des journalistes non-professionnels issus de la dissidenceou des mouvements informels et qui s’engagent dans le journalisme au moment desréformes gorbatchéviennes. Ces trajectoires de passage du mouvement informel au jour-nalisme ont été bien étudiées par Carole sigman, « 1991 et l’accumulation du capitalinstitutionnel : le cas des dirigeants des clubs politiques informels », Revue d’étudescomparatives Est-Ouest, vol. 42, n° 3, septembre 2011.

2. Vladimir xodakovskij, teleprogramma « Vzgljad » v istoričeskoj perspektive, Media -skop, 19 février 2009. http://www.mediascope.ru/node/287 (consulté le 13 février 2011)

3. sur le journalisme à la période soviétique, voir thomas C. Wolfe, The Press and theSocialist Person after Stalin, indiana university Press, bloomington, 2005.

4. ellen mickiewicz, Split Signals. Television and Politics in the Soviet Union, oxforduniversity Press, 1988. p. 23.

5. ellen mickiewicz, Split Signals. Television and Politics in the Soviet Union. oxforduniversity Press, 1988. p. 23.

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6. Cité par Pascale bonnamour, Les nouveaux journalistes russes : métamorphose d’uneprofession (1990-1999), Paris, l’Harmattan, 1999. p. 173.

7. Vladimir xodakovskij, teleprogramma « Vzgljad » v istoričeskoj perspektive, Media -skop, 19 février 2009. http://www.mediascope.ru/node/287 (consulté le 13 février 2011)

8. sur la glasnost comme politique officiellement contrôlée, voir Joseph Gibbs, Gorba -tchev’s Glasnost. The Soviet Media in the First Phase of Perestroïka, texas A&muniversity Press, 1999. 147 p.

9. Anne nivat, Quand les médias russes ont pris la parole : de la glasnost à la liberté d’ex-pression, 1985-1995, Paris, l’Harmattan, 1997. p. 27.

10. interview de evgenij dodolev, ancien animateur de « Vzgljad », 11 janvier 2012.http://kp.ru/daily/25816.3/2794192/ (consulté le 21 janvier 2012)

11. l’émission est accessible en ligne sur Youtube :http://www.youtube.com/watch?v=rFyunpRPUOo

12. dmitrij zaxarov, « Vzgljad » sygral rol′ tarannogo brevnja, Ekspress gazeta online,8 août 2010. http://eg.ru/daily/cadr/20873/ (consulté le 13 février 2011)

13. Anne nivat, Quand les médias russes ont pris la parole : de la glasnost à la liberté d’ex-pression, 1985-1995, Paris, l’Harmattan, 1997. p. 40.

14. interview de evgenij dodolev, ancien animateur de Vzgljad. 11 janvier 2012.http://kp.ru/daily/25816.3/2794192/ (consulté le 21 janvier 2012)

15. nora buhks, « la glasnost et les moyens d’information de masse soviétiques », Revuedes études slaves, vol. 62, n° 3, 1990. p. 551-553.

16. Vladimir xodakovskij, teleprogramma « Vzgljad » v istoričeskoj perspektive,Mediaskop, 19 février 2009. http://www.mediascope.ru/node/287 (consulté le 13 février2011)/

17. nadezhda Azhgikhina, « the struggle for Press Freedom in russia : reflections of arussian Journalist », Europe-Asia Studies, vol. 59, n° 8, décembre 2007, p. 1251.

18. Cité par Pascale bonnamour, Les nouveaux journalistes russes : métamorphose d’uneprofession (1990-1999), Paris, l’Harmattan, 1999, p. 44.

19. evgennij dodolev, Vzgljad. Bitly perestrojki. moscou, zebra, 2011. p. 298.20. Galina Galkina, Vzgljad Politkovskogo. http://www.np.kz/index.php?newsid=124

21. Galina Galkina, Vzgljad Politkovskogo. http://www.np.kz/index.php?newsid=124

22. Vladimir mukusev, “Ja uže 15 let v moskve zapreščen ka zurnalist”. lenizdat.ru,23.11.2007. http://www.lenizdat.ru/a0/ru/pm1/c-1056380-0.html (consulté le 13 janvier2011)

23. http://www.lenta.ru/lib/14160465/#88

24. sergej Fomin, Aleksandr ljubimov, « mne kažetsja, čto prodolžat′ vypuskat′ “Vzgljad”bespolezno » (Aleksandr ljubimov, « il me semble qu’il est inutile de continuer à diffu-ser “Vzgliad” »). Nezavisimaja Gazeta, 7 décembre 1991 ; natalija osipova, natalijamandrova, « Vzgliad » i drugie : lica za maskoj. Kommersant|′′, 26 août 1995, n° 156.

25. tjaga k narodnomu. Kommersant′′, 29 avril 1995.26. tjaga k narodnomu. Kommersant′′, 29 avril 1995.27. Pascale bonnamour, Les nouveaux journalistes russes : métamorphose d’une profession

(1990-1999). Paris, l’Harmattan, 1999. p. 140.28. Galina Galkina, Vzgljad Politkovskogo. Novoe Pokolenie,

http://www.np.kz/index.php?newsid=124 (consulté le 13 février 2012)29. Aleksandr mel′man, Aleksandr Politkovskij, « nase rasstavanie – moja vina », Moskov -

skij Komsomolec, 11 octobre 2006.30. nadezhda Azhgikhina, the struggle for Press Freedom in russia : reflections of a

russian Journalist, Europe-Asia Studies, vol. 59, n° 8, décembre 2007, p. 1249 et glas-nost defence Foundation : www.gdf.ru.

31. Anne nivat, Quand les médias russes ont pris la parole : de la glasnost à la libertéd’expres sion, 1985-1995, Paris, l’Harmattan, 1997. p. 65.

80 FrAnçoise dAuCé

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Abstract

Les journalistes soviétiques durant la glasnostÀ travers l’exemple des animateurs de l’émission Vzgliad

À la fin de la période soviétique, les journalistes se saisissent de la libertéd’expres sion autorisée par la glasnost pour contribuer à la critique du pouvoircommuniste, participant par là-même à la disparition de l’u.r.s.s. mais quels ontété les mécanismes concrets de ce renversement médiatique? À travers l’exemple del’émission de télévision Vzgliad, cet article étudie l’évolution des pratiques journa-listiques avant, pendant et après la perestroïka. de 1987 à 1991, l’émission Vzgliadest généralement considérée comme un moteur de la démocratisation grâce à la libé-ration de la parole qu’elle initie. À cette période, les journalistes qui l’animent criti-quent les manquements du pouvoir, revendiquent leur rôle politique, voire s’enga-gent eux-mêmes dans le combat électoral contre le Parti communiste. leur actionconverge alors dans la dénonciation du régime. Cette aventure prend fin en décem-bre 1991, lorsque l’émission Vzgliad disparaît dans le sillage de l’effondrement del’u.r.s.s. ses animateurs se séparent et leurs destins divergent alors fortement. enraison des nouvelles contraintes économiques et politiques qui pèsent sur eux, leurrôle critique dans l’espace public s’affaiblit, montrant par là même la difficulté àconsolider la liberté médiatique acquise durant la glasnost.

Soviet Journalists during the GlasnostThrough the example of Journalists from Vzgliad TVshow

At the end of the soviet period, journalists used freedom of expression allowedby glasnost to criticize the communist regime, thereby participating in the demise ofthe ussr. but what were the concrete mechanisms of this mediatic reversal ?through the example of the Vzgliad tV show, this article examines the changeswhich occurred in journalistic practices before, during and after perestroika. From1987 to 1991, Vzgliad was generally considered as an engine of democratization. Atthat time, journalists who ran it criticized the failures of power, claimed their politi-cal role, and even engaged themselves in electoral battles against the CommunistParty. their action converged in denouncing the regime’s failures. this adventureended in december 1991 when Vzgliad disappeared from the screen in the wake ofthe collapse of the ussr. the fate of its journalists then strongly diverged. neweconomic and political constraints limited their critical role in the public space,thereby showing the difficulty to consolidate media freedom after glasnost.

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