le_pile_a_coeur_-_histoire_du_quartier.pdf - La Fabrique

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Ouvrage financé par le Fonds de Participation des Habitants (Ville de Roubaix) et le Comité de Quartier du Pile Textes Serge LEROY Raymond PLATTEAU Avec la participation des bénévoles et des salariés du Comité de Quartier du Pile Mise en page Raymond PLATTEAU Photographie de la couverture : La Voix du Nord

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Ouvrage financé par le Fonds de Participation des Habitants (Ville de Roubaix)

et le Comité de Quartier du Pile

Textes Serge LEROY

Raymond PLATTEAU Avec la participation des bénévoles et des salariés

du Comité de Quartier du Pile

Mise en page Raymond PLATTEAU

Photographie de la couverture : La Voix du Nord

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Sommaire Avertissement Préambule

Le Pile à Cœur I Tournons la page… page 9

Un événement tragique page 12 Le docteur CAILLET page 15 La baïonnette, suite et fin page 17

Le Pile à Cœur II 1. Evolution de l’urbanisme à Roubaix

L’usine crée la ville page 23

Les courées à Roubaix page 26 La situation du logement au milieu du XXème siècle page 43 Les premières réalisations page 56 Les grandes réalisations Edouard ANSEELE page 61 Les Trois-Ponts page 71 L’Alma-gare et l’Alma-centre page 74 Et au Pile… page 87

2. La politique de la Ville

Naissance de la politique de la ville page 93

Roubaix, une ville complexe page 99 Pierre PROUVOST, une mandature dynamique page 100 Marc VANDEWYNCKELE, la démocratie participative page 102 L’Alma ou un nouvel urbanisme page 107 Le Pile interpellé page 116

Le Plan Social de Développement Social des Quartiers page 127

Le D.S.Q à Roubaix page 129 André DILIGENT, le chantre d’une ville page 130 Le Pile en mouvement page 137 Devenir ouvrier de sa propre maison page 140 Les lieux de vie page 144 La cité bleue page 147 Le mouvement associatif L’A.L.D.P. page 149

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Le Comité de quartier page 151 L’A.I.R page 155

L’A.G.A.P.E page 156 Le bilan de six années page 159

Le Développement Social Urbain page 163

Le grand virage du D.S.U. page 166 René VANDIERENDONCK, ou un maire pragmatique page 170 Le Pile, un quartier toujours en rupture page 174 Le cercle des projets avortés page 176 La politique de la ville et ses difficultés page 180 Le Pile, aujourd’hui page 182

Au terme d’un si long voyage

Regards sur la ville page 189 Figures de maires : tableau en 4 actes page 195Le Pile à cœur ouvert page 202

Les Comités de Quartier : 25 ans déjà ! page 204 Le Pile enfin dans les grands projets page 207 Une dernière fois, tournons la page page 211

3. Historama 1962-1972 pages 226-237

Synthèse de la décennie page 238 1973-1982 pages 242-261

Synthèse de la décennie page 262 1983-1992 pages 266-285 Synthèse de la décennie page 286 1993-2001 pages 292-309 Synthèse de la décennie page 310

Annexes

Dans la forêt des sigles page 317 Bibliographie page 319 Remerciements page 321

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AvertissementAvertissementAvertissementAvertissementCe livre, que nous avons voulu documenté, solidement ancré dans le microcosme

roubaisien, nous a demandé trois ans de recherches. Il s’inscrit dans l’air du temps, semble-t-il, si l’on en juge par l’annonce de futures publications sur Roubaix, considérée par de nombreux chercheurs, comme un véritable laboratoire des changements urbains, un creuset où, selon René VANDIERENDONCK, bouillonnent tous les problèmes de la société française.

Mais nous ne sommes ni des historiens, ni des sociologues; nous sommes plutôt des découvreurs d’humain, des rassembleurs de vécu, des annalistes, dans notre volonté de ne jamais échapper au contexte : l’historama que nous présentons, l’atteste.

Ce livre est une tentative d’échapper à la loi des genres. Tout au long de la rédaction de cet ouvrage, nous avons toujours eu le souci de

privilégier les témoignages des acteurs politiques, des techniciens en charge de dossiers, des militants associatifs, et des habitants. Nous avons voulu comprendre les ressorts des événements et des décisions, suivre les pensées, les rêves, les inquiétudes de ceux qui sont inscrits dans cette histoire, nous appuyer donc sur des regards intérieurs ; ce qui ne nous a pas empêchés de faire des analyses personnelles, de conserver notre esprit critique, d’émettre des remarques.

Ajoutons que nous avons souvent pris plaisir à faire ressurgir, au cours de nombreuses interviews, sans concession aucune, mais où toute polémique de notre part était bannie, des questionnements de l’époque, ou des interrogations qui éclairaient une zone d’ombre. Là était la richesse de notre sujet: il est arrivé que notre vision des choses ait été modifiée, que notre problématique de départ ait été remise en cause, au fil des découvertes.

C’est aussi pourquoi, dans un premier temps, il nous a semblé important de revenir sur le Pile à Cœur I, qui pour certains, reste incomplet.

Soulignons également que, dans notre volonté de rapporter des paroles et des points de vue, notre regard est forcément teinté de subjectivité; précisons un aspect de notre démarche: au-delà d’une impossible objectivité, plutôt une confrontation de subjectivités.

Nous avons voulu aussi nous appuyer sur des regards extérieurs grâce à la presse locale; les nombreux articles en rapport avec nos préoccupations, parus dans Nord-Eclair ou la Voix du Nord, ont été pour nous une mine inépuisable, dans laquelle nous avons largement et volontairement puisé. Les journalistes apportent la sensibilité de l’époque; ils soulignent le climat, les espoirs, les craintes.

Leurs articles mettent en exergue, qui une préoccupation, qui un étonnement, qui un "coup de gueule", tel un Jules CLAUWAERTS, dénonçant "les courées de la honte". Ils sont des témoins précieux qui perçoivent l’intérêt de dire; avec le journaliste, on est dans l’intensité, dans l’effervescence du moment.

Comme l’a dit le philosophe, Régis DEBRAY au cours d’un entretien1 : "On est dans l’éphémère, mais dans la ferveur de l’instant; il faut des stop pour qu’il y ait du monumental ! Dans le choix entre la durée et l’instant, le journaliste choisit l’impact immédiat; l’écrivain, lui, choisit de ne figurer que plus tard dans les bibliothèques".

Cette tentative d’échapper à la loi des genres s’est trouvée confortée par la particularité de notre tandem: l’un, auteur mais aussi acteur sur le terrain depuis 25 ans, revivant les événements avec recul et un autre regard, l’autre, rédacteur et questionneur faussement naïf, nourrissant la réflexion dans une dialectique continue.

De cette maïeutique, par laquelle chacun s’est approprié le travail et la réflexion de l’autre, de nouvelles pistes de recherche, de nouvelles hypothèses ont émergé et cette publication estl’aboutissement de cette longue collaboration.

1 Emission de Dominique SOUCHIEZ sur Europe 1 : "C’est arrivé demain"

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Nous y avons pris intérêt et plaisir et nous espérons qu’il en sera de même pour le lecteur.

Mais au-delà de l’écrit, les questions restent posées. Quel avenir pour ce quartier roubaisien ? Et, pourquoi pas, en extrapolant, quel avenir pour la ville ?

Cela mérite débat. Si cet ouvrage le permettait tant soit peu, de nouveau il échapperait à la loi des genres et deviendrait un point de départ, un point de vue, un point d’interrogation.

Cette idée, nous l’avons soumise aux membres de la commission de gestion des fonds participatifs de la ville de Roubaix. L‘idée a été retenue et avec le soutien financier du Fonds de Participation des Habitants, l’aide des militants des Comités de Quartiers et de l’Association Inter-quartier de Roubaix, six moments d’échanges seront organisés sur le territoire de la ville, avec, en introduction, la présentation de ce travail par les auteurs.

Nous remercions vivement la commission d’attribution des fonds participatifs qui va nous permettre de poursuivre ce travail au-delà de la publication de cet écrit.

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PréambulePréambulePréambulePréambule Le Pile à cœur : le Pile d’hier...

Dans ce premier livre, bien accueilli, nous avons recherché les racines profondes de ce coin de terroir roubaisien, qui interpelle tant ceux qui le traversent aujourd’hui. Et nous avons découvert un quartier riche de son histoire, de ses traditions, de ses commerces, de ses associations,de ses fortes personnalités: l’âme du Pile.

Mais pourquoi ce quartier, qui a connu son âge d’or dans les années soixante-dix, est-il entré en état de léthargie urbanistique? Pourquoi les friches à l’abandon, les dents creuses, les maisons murées ont-elles proliféré, à côté de quelques îlots neufs, touches insolites dans un archipelbattu par les flots de la paupérisation.

Le Pile à cœur II va tenter de répondre à ces interrogations. Après avoir pénétré la mémoire profonde de ce quartier plein de passé humain, nous allons entrer dans sa mémoire proche, pour comprendre les ressorts de la politique menée au cours des dernières décennies, notamment les critères des décisions qui ont abouti à préconiser la politique dite de la dentelle.

1962-1982-2002 : le Pile a peu bougé, alors que, durant ces quarante années disparaissent les Longues Haies, se réalisent l’opération Edouard Anseele et Roubaix 2000, s’achève le nouvel ensemble des Hauts-Champs, s’urbanisent les Trois- Ponts, s’élaborent l’Alma-Gare et l’Alma-Centre, et que le Centre prend un nouveau visage.

Comment les choix politiques se sont-ils effectués? Quels ont été les décideurs, les acteurs en présence? Les métamorphoses de Roubaix, où il y avait tant à faire, ouvrent un vaste champ de recherches, dans lequel nous nous inscrivons; en effet, dès le début de notre quête, nous avons été amenés à considérer le Pile dans l’histoire de l’urbanisme roubaisien, non seulement depuis l’époque de Victor PROVO, mais aussi depuis ce XIXème siècle qui a vu Roubaix prendre le tournant de la révolution industrielle; la ville en sera marquée à tout jamais, dans son habitat, sa sociologie. Si ce sont les hommes qui font la cité, nous pouvons écrire, sans que ce soit contradictoire, que l’usine a créé la ville.

Etudier le quartier du Pile, c’est aussi le comparer à d’autres quartiers roubaisiens, comparer leurs spécificités, leur architecture. Le Pile comprend de nombreuses courées, mais aussi énormément de petites maisons particulières, peu d’usines, et, par conséquent, peu de friches industrielles; le Pile est un quartier résidentiel, dans le sens premier du terme. Il n’a pas subi les mêmes contraintes, n’a pas évolué de la même manière.

Ces réflexions nous amèneront à étudier cet habitat si caractéristique que constituent les courées, la situation du logement au milieu du 20e siècle, les premières réalisations effectuées par de nouveaux bâtisseurs, notamment le C.I.L de Roubaix, et enfin les grandes réalisations qui marqueront profondément le paysage roubaisien;.

Cette première partie touchera l’âme de Roubaix.

La seconde partie sera consacrée davantage à l’évolution d’un quartier, le Pile, au travers de la transformation d’une ville lancée dans une succession de plan: le P.L.D.S, le D.S.U, lescontrats de ville-G.P.U, G.P.V. Nous allons nous pencher sur la naissance de la politique de la ville,au plan national et local, analyser la mandature de Pierre PROUVOST, qui est à nos yeux, une période charnière en matière de choix pour la ville et pour la mise en place de la démocratie participative. Comment le Pile, interpellé dans le cadre de la politique de concertation insufflée par la ville, va-t-il réagir à l’annonce de sa prochaine réhabilitation? Nous suivrons les processus qui détermineront les mises en place, et l’action de François CHAVANEAU au sein du C.A.L-P.A.C.T.

Ensuite nous évoquerons la figure emblématique d’André DILIGENT. Le nouveau maire, élu en 1983, va se charger de mettre en application le plan de Développement Social des

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Quartiers, mener des combats pour surmonter les handicaps de Roubaix et valoriser ses atouts. Au travers d’écrits et de témoignages, nous nous attacherons à comprendre l’extraordinaire impact qu’a eu André DILIGENT, et le secret de sa réussite au sein du microcosme roubaisien.

Mais le Pile interpellé va-t-il se mettre en mouvement ? Comment va-t-il traverser ces années D.S.Q ? Nous évoquerons les difficultés rencontrées, les premières réalisations, la recherche de solutions adaptées à la spécificité du quartier, et l’extraordinaire terreau que sera l’éclosion dumouvement associatif et du militantisme social.

Nous assisterons à la montée en puissance d’un homme nouveau, René VANDIERENDONCK. Dans le cadre de l’intercommunalité, avec ses nouvelles procédures, ses nouvelles compétences, des moyens nouveaux, comment l’ancien adjoint d’André DILIGENT va-t-il conduire son action, faire des choix pour Roubaix, trouver des solutions, définir un projet à l’échelle du territoire? Réussira-t-il le grand virage de la modernité? Acteur conscient de la complexité de sa fonction, sur le terrain depuis 20 ans, René VANDIERENDONCK sera notre témoin privilégié.

Le Pile, qui restera toujours dans les procédures successives de la politique de la ville, bénéficiera-t-il pleinement de la manne financière? Au milieu des années quatre-vingt-dix, devient-il enfin prioritaire? A entendre de nombreux militants, clamant leur inquiétude devant le dépérissement chronique du quartier, n’apparaît-il pas, au contraire, sacrifié sur l’autel des choix politiques municipaux? Les lieux de décisions sont-ils à rechercher à l’échelle de l’intercommunalité? Lors d’une interview, René VANDIERENDONCK répondra clairement à ces interrogations. Nous tenterons pour notre part de répondre à cette question insidieuse: la politique de la dentelle n’a-t-elle pas eu des effets pervers?

Nous consacrerons un dernier chapitre à des réflexions: sur la nouvelle image de la ville, les paris municipaux, les difficultés de la fonction de maire. Depuis la seconde guerre mondiale, quatre se sont succédé: Victor PROVO, Pierre PROUVOST, André DILIGENT, et René VANDIERENDONCK. Chacun, selon le contexte dans lequel il a évolué, et au-delà des jugements partisans, voire des rumeurs, n’a-t-il pas contribué à ajouter une pierre à l’édifice ?

Puis nous évoquerons les ombres qui planent sur la participation des habitants, notamment sur le rôle des comités de quartier.

Et nous terminerons cet ouvrage par des observations sur ce que nous appelons les malheurs du Pile: ce quartier n’a-t-il pas été une victime? Victime de son histoire, de la démarche trop pédagogique des militants des mouvements associatifs des années quatre-vingts? Victime des tâtonnements successifs de politiques qui n’ont jamais été à l’échelle des problèmes ?

Aujourd’hui, le Pile est toujours en devenir; mais dans le cadre du Grand projet Ville, dans lequel il vient seulement d’entrer, ne devient-il pas un réel enjeu ? Avec cette fois des moyens et de vraies réponses! Les raisons d’espérer existent, mais les raisons de craindre perdurent, sournoises. Nous évoquerons le projet de la Condition Publique: va-t-il s’intégrer dans la vie du Pile ? Ne sera-t-il qu’un lieu magique de la métropole ?

Des interrogations demeurent toujours.

Mais si l’avenir du Pile commençait aujourd’hui ? Enfin...

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Le PLe PLe PLe Pile à cœur 1ile à cœur 1ile à cœur 1ile à cœur 1

Tournons la page…

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Le Pile à cœur : vous n’avez pas tout dit !

De nombreux "Pilés" se sont manifestés après la parution de ce travail de mémoire. Tant de traditions ressurgies, de souvenirs réveillés, de personnages évoqués, les ont touchés. Peut-être attendait-on ce type de publication….

"Mais vous n’avez pas tout dit ! Vous n’avez écrit que trois lignes sur le bombardement du Pile, vous avez oublié de parler du docteur CAILLET, vous n’avez pas assez mis en valeur les nombreuses figures des commerçants qui ont fait la renommée de la baïonnette… !"

Manifestement le livre était lu et suscitait à l’envi de nouveaux témoignages. Madame BARISEAU-CARBON, madame SELOSSE, monsieur et madame LEVY avaient aussi des choses à dire, des images plein les yeux, parfois aussi une blessure à exprimer. Un aréopage d’anciens commerçants : mesdames et messieurs SIX, DESCOT-SIX, DERRYX, DERUYPER-COQUET, VANDECANDELAERE, invités par monsieur et madame CLAEBOTS pour nous rencontrer lors d’une soirée conviviale, nous livrèrent avec passion leurs souvenirs du Pile des années 60.

L’histoire locale peut constamment s’enrichir de ces tranches de vie. Nous ne pouvions taire ces contributions. Au seuil de ce second ouvrage, laissons-nous emporter encore une fois par les flots de l’émotion.

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Un évènement tragiqueUn évènement tragiqueUn évènement tragiqueUn évènement tragique Le bombardement du Pile a laissé de profondes traces dans la mémoire de ceux qui ont

vécu ce moment il y a 60 ans. C’était le dimanche 31 août 1941. Il était environ 14 heures 15, le ciel était clair, le soleil

brillait ; de nombreux "Pilés" prenaient l’air sur le pas de leur porte comme ils en avaient l’habitude. Dans la cour CROMMELYNCK, rue Soult, on avait sorti les tables pour jouer aux cartes. Tout était calme et paisible. " L’ambiance était à la détente, à la communion, avec un esprit de fête", raconte Manou1 qui habitait 114 rue du Pile, dans le café-bourloire tenu par ses parents.

Au loin, un vrombissement. "Une douzaine de bombardiers anglais, escortés par des chasseurs,apparurent. Tandis que les sirènes d’alerte hurlaient et que la DCA tonnait, les appareils tournoyèrent autour de la ville en cercles de plus en plus étroits. Les aviateurs cherchaient visiblement un objectif".

Soudain des bombes s’abattirent en sifflant. "Ce fut la panique totale, écrit Gérard

VANDERLINDEN dans "les pots’burre". Les explosions secouaient les maisons, tout

le quartier tremblait sur ses bases. Plus question de se rendre aux abris pourtant tout proches".

Place Carnot, il existait des tranchées, formant un véritable labyrinthe, auxquelles on accédait par plusieurs entrées, et des caves voûtées sous l’usine des 4 métiers, où l’on se rendait en cas d’alerte. Mais, selon Manou, l’habitude n’était pasencore prise.

Les bombes tombèrent suivant un axe Saint Rédempteur, place du Pile. Madame BARISEAU raconte :" Nous étions sur la place de l’église. A ce moment-là, ma mère a dit : ils jettent des tracts. Et nous sommes rentrés dans notre magasin épicerie

buvette. C’est à l’intérieur que mes parents ont été touchés. Ma mère a reçu un éclat dans les jambes, elle a été hospitalisée pendant deux mois. Mon père, lui, est resté 16 mois à l’hôpital. On ne croyait pas qu’il survivrait et on lui avait réservé une place au cimetière. C’est bien tout ce qu’on a fait pour lui, ajoute-t-elle avec amertume. Il est resté 18 ans sans jamais pouvoir remarcher normalement. Il y a eu 10 morts dans le secteur, dont la femme du sacristain et ses deux enfants.

C’était horrible à voir". Gérard VANDERLINDEN explique ces chiffres

tragiques. "Plus de 40 bombes à ailettes meurtrières avaient explosé dans ce périmètre restreint. Là, beaucoup de tués : on s’était mis sous le porche de l’église pour regarder les avions".

Plusieurs bombes arrivèrent rue Desaix. Un engin fit deux morts dans la brasserie installée rue Soult. Non loin, la cour CROMMELYNCK, si paisible, eut à déplorer de nombreuses victimes. Madame DELPLANQUE-BATTENS, âgée aujourd’hui de 82 ans, habitait cette cour martyrisée. Elle et son père furent blessés lors de la chute de leur maison coupée en deux par une bombe. Gravement touché, monsieur BATTENS ne survécut pas. Terrible comptabilité : il fut la 38ème victime.

Carmen HENNEBELLE, demeurait à l’époque cour CREUPLAND. Elle se souvient d’une voisine qui s’était mariée

1 Manou, de son vrai nom Nelly MASQUELIER.

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huit jours auparavant et qui habitait en face de l’école de la rue de Condé. La malheureuse reçut un éclat et mourut le soir même.

Terrible bilan humain ! Le bombardement causa la mort de 38 "pilés" et fit 56 blessés. Les funérailles des victimes eurent lieu en présence de monsieur CARLES, Préfet du Nord et du Cardinal LIENART, évêque de Lille.

Tous les tués furent enterrés dans le même carré au cimetière de Roubaix.

Selon le journal de Roubaix, on releva plus tard 43 impacts de bombes. Plusieurs projectiles n’éclatèrent pas, ils pesaient 150 kilogrammes. On estime que 6 tonnes de fer et d’explosifs tombèrent sur le quartier.

Une scène insolite peut parfois rester gravée dans la mémoire. Manou raconte que, dès la fin du bombardement, les gens hagards sortaient de chez eux et se retrouvaient dans d’épais nuages de poussière. "Et je vois encore ma mère donner un verre de genièvre à tous ceux qui passaient devant son café".

De nombreuses hypothèses ont été échafaudées sur cette attaque anglaise. Le quartier du Pile n’était pas un objectif militaire ; les Anglais ne pouvaient s’en prendre à la petite gare du Pile. Peut être voulaient-ils viser la garedu Sapin Vert, à Wattrelos, ou les établissements KUHLMANN…

Le Journal de Roubaix, anglophobe, ne se priva pas de dénoncer "l’inutile et criminelle agression de l’aviation anglaise contre des civils français".

Peu à peu, le Pile pansa ses blessures, mais le traumatisme avait été profond. 60 ans après, on n’a pas oublié.

Les quatre photographies sont extraites du "Journal de Roubaix" en date des 1,2 et 3 septembre 1941

Nous avons pu obtenir un document inédit ; il s’agit d’un plan remis, à monsieur BOHEE1, par monsieur Georges DUBAR, frère de Joseph DUBAR, alias "Jean de Roubaix", grand résistant, et fondateur avec Paul JOLY du réseau "Ali FRANCE".

Nous publions ce plan avec l’aimable autorisation de messieurs BOHEE et DUBAR qui ont retrouvé ce document dans les papiers de Joseph DUBAR, décédé.

1 Agent du patrimoine au Musée des Arts et Traditions de Wattrelos

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On peut remarquer l’échelle du plan, "au 1/5375", qui correspond à une mesure anglaise.

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Le docteur CailletLe docteur CailletLe docteur CailletLe docteur Caillet Il est sans conteste une figure du Pile. Personnage moins charismatique, dirions-nous

aujourd’hui, qu’un Mamadou ou qu’un Octave VANDEKERKHOVE, il était cependant connu de tous. Silhouette au chapeau noir, on le voyait, parfois à pied, parfois en vélo, sillonnant le quartier pour soigner les "Pilés" : c’était le docteur CAILLET.

Madame CHAPELLE-HERBAUT, qui habite 94 rue Marie Buisine, a connu le docteur dès son arrivée au Pile, en 1931.

"Quand il a eu terminé ses études de médecine, son père l’a installé rue du Pile. Il n’avait pas d’argent et faisait ses consultations à pied. La première fois qu’il est venu chez mes parents, c’était pour soigner mon frère atteint d’une broncho-pneumonie: il a appliqué plusieurs fois, lui-même, un cataplasme de farine de moutarde pour être sûr que ce soit bien fait. Je peux dire qu’il a sauvé mon frère. Il avait voulu être chirurgien, mais je crois qu’il n’a pas réussi son examen. En tout cas, il aimait bien le bistouri ! Je me souviens qu’il a soigné mon père pour un anthrax au cou et je vous assure que son fameux bistouri a marché ! Je crois aussi qu’il n’aimait pas envoyer les gens à l’hôpital".

"Mamadou est venu le voir un jour avec sa femme atteinte d’un cancer. Le docteur, à la fin de la consultation, l‘a pris a part et lui a dit : Tu viens me voir trop tard. Son diagnostic était sûr, il ne se trompait jamais. Il y avait toujours un monde fou dans son cabinet. Ça c’était un docteur, je dirais même un super docteur "!

Manou l’a bien connu également, elle habitait près de chez lui. " C’était un docteur formidable, disponible. La nuit, on le voyait arriver à vélo, son pardessus au-dessus de son pyjama, son chapeau sur la tête et des bottines à boutons aux pieds. Il prenait son temps. Il n’était pas un docteur "minute".

Pour madame SELOSSE-PREZ, qui demeurait 84 rue de Condé, dans ce lieu qu’on appelait "la fin du monde", et pour Carmen HENNEBELLE, c’était un docteur très humain qui suivait bien ses malades.

" Le docteur CAILLET était resté célibataire, il avait des habitudes de vieux garçon", nous dit encore Manou.

Madame SELOSSE concède qu’il se souciait peu de son apparence : " Il ne dépensait rien, son cabinet était plutôt triste. Il était parfois un peu bougon, ne me dérangez pas pour rien",lui arrivait-il de dire.

Pour madame BARISEAU, c’était un ours mal léché, "braque" avec les gens. Opinion contre laquelle s’élève madame CHAPELLE. Voulant peut être effacer cette image négative, elle raconte que le médecin recevait assez souvent dans son cabinet une dame prénommée Suzanne, propriétaire d’une grosse épicerie à Tourcoing et qui venait le voir pour obtenir des certificats médicaux en faveur de soldats anglais qu’elle recueillait chez elle. Les risques étaient énormes, et Suzanne fut d’ailleurs dénoncée par sa propre nièce…

Le docteur CAILLET quitta le Pile en 1970 mais l’on continua entre "pilés" à évoquer son souvenir. Certains, de passage à Voiron où il s’était retiré, lui rendaient visite. Il paraît que chacun y allait de sa petite larme …

Ainsi, les liens qui unissaient le docteur CAILLET aux habitants dépassaient le cadre purement médical, un peu comme les relations que peut entretenir un médecin de campagne qui connaît tout le monde et sait comment prendre ses patients. Sachant que l’hôpital leur faisait peur, il évitait de les y envoyer, et satisfaisait probablement, quand il le pouvait, son amour pour la petite chirurgie.

Peut être était-il bourru, sans doute avait-il des manies, mais on l’aimait bien, c’était "le docteur".

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Les soeurs dominicainesLes soeurs dominicainesLes soeurs dominicainesLes soeurs dominicaines Les Dominicaines, dont le dispensaire était situé boulevard de Mulhouse, faisaient elles-

aussi partie du paysage de cette époque. Donnant des soins à domicile, elles allaient dans toutes les familles. Chaque sœur avait son secteur.

Pour madame DERUYPER-COQUET, elles ont exercé, pendant des dizaines d’années, en plus de leur charge d’infirmière, un rôle d’assistante sociale en un temps où cette fonction n’existait pas. Connaissant les petits secrets de familles, recueillant les confidences, elles donnaient des conseils de tous ordres et intervenaient dans les situations difficiles. Leur autorité, souriante mais ferme, était précieuse.

Evoquons enfin la figure de madame SALEMBIER, décédée il y a quelques années à l’âge de 97 ans. Héritière de la brasserie du même nom, boulevard de Beaurepaire, elle fit don d’une partie de ses parcs à la ville, afin d’y faire construire une maison d’accueil pour les mal lotis.

En-tête de facture de la brasserie DELCOURT-SALEMBIER installée boulevard de Beaurepaire

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La baïonnette suite et finLa baïonnette suite et finLa baïonnette suite et finLa baïonnette suite et fin Venons-en au dernier volet de notre "flash-back" au Pile, en évoquant les commerces,

lieux d’écoute et de service. Comme l’a exprimé monsieur Gaston VANDECANDELAERE1 : " Ce quartier avait une épaisseur qui marquait tout le monde. Ce qui en faisait la richesse, c’était la diversité et la cohérence de cette société, où existaient un tissu de relations, un réseau de solidarité et des commerces dynamiques. Le commerce de proximité est le premier lieu où naît un lien social ".

Ces quelques lignes le soulignent : on tenait un magasin, mais on faisait bien plus, on était disponible pour écouter, rendre service. Les clients devenaient des amis…

Dans la rue du Tilleul, on l’appelait la grande maison blanche et on y trouvait de tout. Au début du siècle, Auguste DERRYX avait créé au 301 rue Jules Guesde, un magasin

qui pouvait déjà faire figure de supermarché. Pensez donc ! On y achetait des denrées alimentaires, des meubles, des vêtements, des chaussures, des articles de chauffage, des machines à coudre, des bicyclettes, des vélomoteurs…2

Au risque d’établir un anachronisme, nous dirions aujourd’hui qu’Auguste DERRYX avait un sens du marketing qui faisait merveille. N’ouvrait-il pas son magasin toute la semaine, sans interruption, de 8 à 19 heures, et les dimanches et jours fériés, jusqu’à 13 heures ! Il accordait desfacilités de paiement aux clients et livrait partout gratuitement. La publicité, qu’il utilisait avec un art consommé, servait ses concepts de vente.

Quand son fils Louis reprit le magasin, il abandonna peu à peu la vente des denrées alimentaires, des meubles, vêtements et autres produits pour se spécialiser dans les cycles et les motos.

On entrait volontiers au 301, mais pas toujours pour acheter un vélo. Jour et nuit, en cas d’urgence, on venait y téléphoner. On pouvait toujours compter sur lui pour emmener un malade à l’hôpital, une voisine à la maternité : Peu de gens, à l’époque, possédaient une voiture. On lui demandait de rédiger une lettre, de monter un dossier administratif. Et l’on se rappelle qu’il organisait, chaque été, le petit tour du Pile à vélo, avec ses fameuses courses à étapes et ses animations radiophoniques.

"Louis DERRYX, un grand cœur, ouvert aux autres", a écrit la journaliste. Il n’était pas le seul.

1 Le Pile à Cœur page 144 2 Nord Eclair article de Florence TRAULLE

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Monsieur et madame COQUET ont eux aussi laissé le souvenir de commerçants disponibles et attentifs. Inspirons-nous des témoignages de deux de leurs six enfants : Madame DERUYPER-COQUET, que nous connaissons par ailleurs et monsieur l’abbé Jean COQUET qui fut ordonné prêtre en 1974 en l’église Saint Rédempteur.

Leurs parents tenaient une pâtisserie 299 rue JulesGuesde ; ils étaient voisins de Louis DERRYX. On venait de loin chez COQUET pour acheter des boîtes de baptême et des dragées, car la réputation de la maison avait dépassé les limites du quartier. Le "flan maison" était une des spécialités de cette pâtisserie du Pile.

" Le 299, a écrit l’abbé COQUET, était un lieu d’écoute au quotidien, car on achète plus fréquemment du pain qu’un vélo". Certes, mais fallait-il encore rester disponible, avoir en soi cette capacité d’accueil des soucis des autres. Les témoignages d’anciens commerçants concordent : Monsieur COQUET était un social, un

homme dévoué, donnant de son temps pour aider les gens dans la peine. Le magasin comme lieu social : n’est-ce pas une des composantes de l’âme du Pile ?

La boutique familiale en 1956

Monsieur et madame CLAEBOTS faisaient eux aussi partie de ces commerçants que l’on devine accueillants. Disert et volubile, monsieur CLAEBOTS a ouvert pour nous la boîte à souvenirs : " Mon grand-père avait fondé la boulangerie économique du Tilleul : c’était une sorte de boulangerie coopérative. Mon père a repris les locaux vers 1920 et s’y est installé comme marchand de beurre. C’était au 212 rue Jules Guesde (qui s’appelait alors rue du Tilleul). Très dynamique, il était devenu président du Syndicat des Marchands de Beurre du Nord-Pas-de-Calais et vice-président national.

Comme de nombreux commerçants, il faisait son possible pour rendre service. Il conduisait souvent des enfants malades à Lille, que les parents soient clients ou non. La camionnette CLAEBOTS servait beaucoup. Il me vient à l’esprit une anecdote. Durant la 2ème

guerre mondiale, les Allemands sont venus un jour réquisitionner cette fameuse camionnette connue de tous les "pilés" pour aller chercher des résistants rue de Lille, je crois. Roulant ostensiblement, un gendarme allemand sur le marchepied, le véhicule ne passait pas inaperçu. Vous

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pensez bien que mon père n’a pas pris le chemin le plus court. Et bien sûr, les gars ont eu le temps de se sauver".

Il est vrai qu’il en reste à écrire de ces petites histoires dans l’histoire, souvent révélations d’un état d’esprit. Madame SELOSSE se souvient que le jour de la libération de Roubaix, le 3 septembre 1944, beaucoup de "pilés" ont voulu confectionner un drapeau tricolore avec des draps et un manche à balai. Ils se sont retrouvés à la droguerie BRUFFART, rue de Condé, pour y acheter des boules de teinture rouges et bleues. Rarement, il y eut autant de monde en même temps dans la boutique.

Pour monsieur CLAEBOTS, ce qui caractérisait alors les commerces du Pile, c’était leur grande diversité. Les gens n’allaient pas acheter en dehors du Pile. " Nous, les commerçants, vivions avec les "pilés". En ce qui me concerne, je vendais, il y a 25 ans, deux tonnes de beurre chaque semaine et toute l’année. Je vendais "petit mais régulier" et j’avais une clientèle de marché.

Cela me rappelle encore une anecdote. J’avais, parmi mes clientes, une dame qui s’appelait madame Gérard MULLIEZ, sœur de l’abbé MATHIAS. Un jour, elle vient me voir à mon étalage et me dit : Monsieur CLAEBOTS, je vais vous quitter…

- Pourquoi, madame MULLIEZ, je ne vous sers pas bien… ? - Non ce n’est pas ça, mais mon mari va ouvrir un magasin, avenue Motte…

C’était le premier AUCHAN ! "

Une grande lignée

Quatre générations de SIX ont laissé leur empreinte dans le quartier du Pile. Monsieur et madame Jean SIX, qui ont pris leur retraite en 1988, ont évoqué pour nous, lors d’une rencontre teintée d’émotion, l’histoire de la famille. La dominante, chez les SIX, c’est la couleur, ils sont tombés dedans à leur naissance!

L’arrière grand-père, Jean Sylvain (1820-1888), se fait remarquer pendant ses 7 années de service militaire, pour ses dons de décorateur, et il se perfectionne dans l’exécution du faux boiset du marbre.

Le grand père, Adolphe (1868-1940), manifeste très vite le désir de devenir peintre, comme son père. A 19 ans, avec ses économies, il s’achète du matériel et emménage 17 rue d’Antoing. En 1891, il s’installe au 15 rue du Pile, dans une maison avec deux vitrines, et devient "marchand de couleurs". En 1908, la famille acquiert un ancien cabaret inoccupé, au 14 rue du Pile. Le commerce est en plein essor quand éclate la guerre 1914-1918.

Le père de Jean, Léon (1891-1990), quitte l’école Saint-Louis à 13 ans et travaille avec ses parents, tout en suivant des cours à l’école des Beaux-arts durant quatre années. Chez les SIX, on a la fibre artistique et on la cultive. En 1923, Léon prend la succession de ladroguerie. Avec un sens remarquable du commerce, ilachète, en 1930, une ancienne boulangerie au 12 rue du Pile et agrandit la surface du magasin, des ateliers de fabrication et des réserves. Homme de bon conseil, excellent gestionnaire, Léon assoit la réputation de la "maison SIX".(photographie ci-contre)

Son fils Jean, né en 1927, est tout naturellement destiné à perpétuer la lignée des droguistes "marchands de couleurs". "Je dis volontiers que je suis né dans un pot de peinture. Après avoir suivi des études commerciales, je suis rentré à l’école du savoir-faire de mon père, car il fallait acquérir la connaissance et l’utilisation des peintures, avec une bonne pratique, pour pouvoir donner de bons conseils aux clients. A l’époque, le Pile comptait énormément de peintres amateurs qui entretenaient régulièrement leur maison. Mon père m’a

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bien préparé à tenir un commerce et m’a fait comprendre la nécessité d’une bonne trésorerie. J’ai pris sa succession en 1958. Je me souviens que c’était encore au moment où on

utilisait le blanc de zinc (le blanc de céruse, poison violent, était interdit) et des fûts d’huile de lin…

Le travail ne manquait pas : fabrication des peintures, mise à la teinte devant le client pour assortir avec la tapisserie, gestion des stocks… Mon dada, c’était l’exposition des papiers peints et je dois dire qu’on attendait nos étalages dans le quartier !

En 1970, nous avons modernisé le magasin et ajouté des rayons attractifs. C’est ainsi qu’on a pu dire que le 12-14 rue du Pile était le CASTO de l’époque… !

Avec un métier aussi prenant, j’avais besoin d’un exutoire : ce fut la musique et je suis entré au cercle symphonique Jean Macé-Pasteur. J’en suis devenu le président à la suite de Prosper HOSTE".

Alors, oui, un peu d’amertume : " Nous voyons la façade de notre

magasin se dégrader au fil des années". Et beaucoup de tristesse : "Comment les gens peuvent-ils

imaginer le travail de plusieurs générations devant une vitrine à l’abandon ? En 1988, nous n’avions pas laissé une ruine … ! "1

1 La grande droguerie SIX est tombée en ruine. Elle s’est effondrée en janvier 2004 et on a démoli l’ensemble des magasins de front à rue : la droguerie, l’ébénisterie et la boulangerie. On trouvera, dans la seconde partie, page 183, une photographie de la maison "SIX" prise en décembre 2003.

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Le PilLe PilLe PilLe Pile à Cœur 2e à Cœur 2e à Cœur 2e à Cœur 2

Première partiePremière partiePremière partiePremière partie :::: Evolution de l’urbanisme Evolution de l’urbanisme Evolution de l’urbanisme Evolution de l’urbanisme

à Roubaixà Roubaixà Roubaixà Roubaix

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L ' usine crée la ville. L ' usine crée la ville. L ' usine crée la ville. L ' usine crée la ville. En 1800, Roubaix ne compte que 8 000 habitants groupés autour de l'Eglise Saint-

Martin. C'est encore un bourg aux allures campagnardes. Quelque cent ans plus tard, Roubaix atteint 124 000 habitants. L'expansion est

prodigieuse! La ville apparaît alors, avec sa voisine Tourcoing, comme la capitale mondiale de la laine.

Par un rythme de croissance cinq fois supérieur à celui du pays, Roubaix multiplie sa population par 16 en moins d'un siècle; on l'appelle la ville la plus américaine de France par comparaison avec celles du Michigan aux U.S.A.!

L'essor commence avec l'introduction des mule-jennys par Eugène GRIMONPREZ entre 1801 et 1806. Roubaix, toutefois, connaît déjà une certaine prospérité grâce à des artisans qui se chargent de relancer la "fabrique de Roubaix", en y installant les premières filatures de coton.

Un manufacturier, Alexandre DECREME, connaît un grand succès grâce au nankin roubaisien et obtient une médaille de bronze à l'exposition de 1802. Faite d'un tissu jaunâtre ou roussâtre récolté dans le Kiang-Sou, cette étoffe d'aspect pourtant médiocre, se vend très bien. Roubaix fournit 75 000 des 84 000 pièces de nankin, nankinet ou nankinettes produites dans le Nord. Jean PIAT, à qui nous devons ces précisions, note que le nombre de fabricants passe de 15 en 1789 à 173 en 1804.1

Encore faut-il passer de l'artisanat à l'industrie… C'est chose faite avec les métiers qu'Eugène GRIMONPREZ fait entrer clandestinement d'Angleterre. L'arrivée de la machine à vapeur chez ce patron en 1820, puis chez Auguste MIMEREL en 1826 donne une extension considérable à la production.

1 Jean PIAT : événements mémorables de Roubaix.

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Comme l'écrivent O. MANGIN et C. LEMAIRE dans une bande dessinée consacrée à Roubaix: " L'ère des hautes cheminées vient de s'ouvrir…!"

Près de 300 manufactures seront construites entre 1830 et 1850! 1

Les industriels investissent dans les affaires et font fructifier leur fortune. Il faut reconnaître que les patrons manifestent une boulimie de travail impressionnante. Pierre PIERRARD cite l'exemple d'Alfred MOTTE, qui "à 55 ans, se fait réveiller à 4 heures 30 par son barbier, afin d'être en sabot de teinturerie, à 5 heures 30 devant l'usine pour assister à l'entrée des ouvriers, puis s'assurer que tout le monde est à son poste."2

Il ajoute que tout Roubaix, avec sa devise "PROBITAS INDUSTRIA", tout Tourcoing ne sont que travail d'un bout à l'autre de l'échelle sociale. Chez les patrons, le travail, c'est l'usine.

Au début de l'essor industriel, les "maîtres" vivent dans leur fabrique ou à proximité immédiate: marche de l'usine et vie personnelle sont confondues. Dans la famille, on ne déroge pas aux usages; il est mal vu de devenir fonctionnaire ou politicien. Les fils imitent leur père et leur éducation les astreint à suivre tous les stades de la fabrication et à être en situation pratique comme s'ils étaient ouvriers (trieur, teinturier, tisserand, bobineur et même apprenti au départ : le "bacleux").

Et l'historien du Nord a cette formule savoureuse: "À leur tour, ils mettront une cheminée d'usine dans la corbeille de noces de leur fille."

Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ, deux sociologues3 écrivent que, chez les industriels, la reproduction du capital textile se fait essentiellement sur une base familiale; le nombre d'enfants constitue le moyen de développer le capital: chaque fils crée une usine. Ils ajoutent que "prévaut chez les patrons un idéal ascétique que soutient leur foi catholique: la réussite de leur entreprise est conçue comme l'accomplissement d'une mission."

Pierre PIERRARD souligne de son côté que les femmes des débuts de l'industrialisation, participent hardiment au travail avec leur mari; elles s'occupent de la distribution du travail des ouvriers, surveillent la fabrication… "Elles ne sont pas sans rappeler les épouses des pionniers américains de la marche vers l'ouest: femmes fortes et fécondes, fidèles mais dures à la besogne, douées d'une étonnante faculté d'endurance, regardantes quant aux dépenses."

1 Roubaix depuis toujours – Collection histoire des villes 2 Pierre PIERRARD: La vie quotidienne dans le Nord de la France au XIXème. 3 Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ: Transformations économiques et évolution des rapports sociaux, restructuration urbaine

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L'historien s'attache également à montrer l'association de l'homme et de la femme qui s'inscrit dans la raison sociale de la firme avec le double nom: BOUTRY-DROULERS, MOTTE-DAZIN, DAZIN-MULLIEZ… En conclusion, il met l'accent sur ces généalogies entrecroisées et inextricables de ce que la tradition a fini par appeler "les grandes familles du Nord".

Et de fait, une politique d'alliance matrimoniale dans le milieu, va former en une ou deux générations une véritable caste, une nouvelle aristocratie.

Dès les années 1820, se pose la question sociale. Jean PIAT évoque le témoignage du vicomte Alban de VILLENEUVE BARGEMONT, préfet du Nord en 1828, qui s'aperçoit de la montée du paupérisme presque partout. Des médecins, des journalistes enquêtent sur l'état physique et moral des ouvriers dans les manufactures de coton, de laine et de soie, et dénoncent "les dures conditions faites aux ouvriers, l'exploitation de l'homme par l'homme qui spécule sur son semblable comme un vil bétail, qui calcule froidement jusqu'à quelles limites on peut ajouter à sa tâche sans qu'il tombe écrasé sous le poids, une traite des blancs comparable à l'infâme trafic des esclaves africains."1

Mais Auguste MIMEREL, note l'historien, réagit à ces accusations. En 1834, il affirme que les ouvriers connaissent l'aisance et le bonheur …!

" L'industrie a apporté à l'ouvrier les moyens de se nourrir, de se vêtir, de se loger, lui et sa famille et il n'en résulte donc ni dénuement par souffrance physique ni altération de sa santé ou de sa vie."

Il confirme ses propos en 1844:" A Roubaix, on ne connaît que le travail manufacturier: il commence avec le jour et finit après que la nuit est venue; et le dimanche est un jour, non de plaisir, mais de repos en famille. Ce jour paraît long quelquefois, mais il rend plus facile et plus agréable les occupations de la semaine. Personne n'est oisif, l'oisiveté ne se supporterait pas. Dans cette ville, il n'y a qu'une pensée: produire et vendre. Partout règne l'aisance, chez le maître, chezl'ouvrier. La situation de celui-ci est la plus heureuse qu'on puisse imaginer: logement, vêtements, nourriture, rien ne lui laisse place à de légitimes désirs."

1 Jean PIAT: événements mémorables de ROUBAIX

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Les courées à RoubaixLes courées à RoubaixLes courées à RoubaixLes courées à RoubaixDans l'uniformité apparente de l'habitat roubaisien, il existe un type de logement qui a

beaucoup marqué la vie sociale des ouvriers: ce sont les courées. Jacques PROUVOST en a étudié l'histoire pour comprendre l'empreinte qu'elles ont laissée dans le développement de la ville.

Madame veuve Jacques PROUVOST nous a aimablement autorisés à utiliser le travail remarquable de son mari. Nous lui en sommes redevables et lui exprimons ici toute notre reconnaissance.

Les courées constituent une forme d'habitat typique de la région LILLE-ROUBAIX-TOURCOING, un phénomène presque unique.

Citons Geneviève PINCHEMEL1: " Ce mode d'habitat, à l'intérieur des îlots urbains, est très répandu et a pris des formes très variées suivant les villes, les quartiers. Mais nulle part, ce phénomène ne constitue par son originalité, son importance, sa valeur historique et sociale, un type d'habitat comparable à ce que représente pour Lille l'ensemble des cours et courettes de la ville, et pour Roubaix et Tourcoing, celui des courées." Oui, les courées roubaisiennes racontent, pierre par pierre, toute l'histoire humaine de la cité depuis la révolution industrielle. L'usine crée la ville.

Car la petite bourgade qui vivait de l'activité de quelques tisserands est devenue la métropole de la laine. En 60 ans, de 1841 à 1900, la population passe de 24 000 à 124 000 habitants! Ville qui a grandi trop vite, suralimentée par la prolifération anarchique des usines et des courées, Roubaix porte encore "les stigmates de cette maladie de croissance."2

Le saviez-vous? Avant 1789, déjà des courées! Suivons Jacques PROUVOST qui a retrouvé dans des textes d'avant la Révolution,

l'existence de ce mode d'habitat. Le chasserel de Roubaix, année 1745, cite au folio 214, un nommé Philippe

DASSONVILLE comme "propriétaire d'une choque et courées de maisons." Puis daté du 8 avril 1748:" François Ignace DASSONVILLE, fils de Philippe…, vend au sieur François LEPERS, demeurant à Roubaix, toute une choque de dix maisons en forme de courées située au bourg de Roubaix." Un second parchemin fait état d'un "acte de vente par Charles DELBECQUE, demeurant à Roubaix, à Simon FATTRES demeurant à Luignes, de trois maisons situées au bourg de Roubaix, en la courée des 3 bouteilles, le 15 novembre 1765."

Nous reproduisons un autre document de la Société d'Emulation de Roubaix, daté du 9 thermidor de l'an I (d'après le calendrier révolutionnaire); un certain Hubert Léon MORTIER, négociant à Paris, traverse la Flandre et envoie ses impressions de voyage dans une lettre adressée à son cousin en 1789.

1 Geneviève PINCHEMEL : Géographe, universitaire à Paris, auteur de nombreuses publications concernant les territoires. 2 Claude VINCENT: Nord Eclair octobre 1969

MM e voici parvenu dans cette région des Flandres qu'on m'avait décrite comme prospère, et où je devais rencontrer moultes personnes honnêtes avec qui établir un négoce. Les habitants ici vivent en effet en partie du textile, en partie de l'agriculture.

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Document saisissant, qui révèle chez ce marchand un don d'observation et un esprit d'analyse peu communs…

Voici une dernière source historique, retrouvée aux archives municipales et évoquée dans le journal Nord Eclair du 28 janvier 1962.

J'ai donc fait étape hier à Roubaix, un gros bourg de 8 000 habitants qui doit sa renommée au seigneur Pierre de Roubaix qui en son temps de règne a fait moults ouvrages pour agrandir et embellir sa cité. Cette ville se compose de deux parties bien distinctes: l'une qu'on nomme Roubaix bourg et l'autre Roubaix campagne. Dans la grand-rue de Roubaix, on peut voir les tisserands pousser des brouettes sur lesquelles reposent leurs pièces de tissus, enroulées sur des longues barres de bois.

Ils vont les porter chez des négociants qui leur fournissent le fil, la laine ou la soie, et leur payent les pièces finies. Le développement du textile dans cette cité est lié en partie à la présence d'un cours d'eau dénommé le Trichon, qui parcourt toute la ville et que les habitants utilisent pour leurs teintures et le lavage de la laine. On remarque ici aussi, cher cousin, un mode d'habitation fort singulier et typique du pays. Les indigènes l'appellent courée. Ce sont les cabaretiers ou les artisans qui possèdent une maison le long des rues qui en sont les inventeurs.

Derrière ces maisons, ils ont fait construire sur leurs lopins de terre des demeures assez grossières qu'ils louent à des journaliers ou des compagnons. Pour accéder à ces logements construits autour d'une cour commune (d'où leur nom), on doit passer par des sortes de couloirs aménagés entre deux maisons en front à rue. C'est ainsi que les cabaretiers d'ici, qui sont fort nombreux complètent leurs revenus.

L'ancêtre des courées: La citadelle

La récente démolition de la Maison de la Famille rue du Curé, ancien immeuble DESCLEE, compagnie du gaz, a mis à découvert l'orifice d'un puits important dont la présence à cet endroit, a intrigué un certain nombre de Roubaisiens. Monsieur Gaston MOTTE, l'annaliste roubaisien bien connu, s'est penché sur la question et semble avoir résolu le problème en feuilletant l'ouvrage de Monsieur LEURIDAN sur les rues de Roubaix. Il a retrouvé, à la rubrique "rue du Curé", l'indication de la présence autrefois à cet endroit d'un quartier clos appelé "citadelle"; Monsieur LEURIDAN n'en donne ni l'origine, ni la signification. En comparant avec un recensement de l'an 11 (1804), on trouve à la rubrique "citadelle", l'existence de 13 foyers rassemblant 56 personnes. Tout confirme donc à cet endroit, l'existence d'une petite cité, peut être ancêtre de nos courées, dont le puits retrouvé constitue le seul vestige.

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Etudions à présent les caractéristiques de la courée. C'est un ensemble de petites maisons de briques brutes, accolées les unes aux autres, se

faisant face. Entre les deux rangées se trouve la cour proprement dite; au fond de cet espace clos, dans lequel on entre par un long couloir sombre, une baraque abritant les W.C. collectifs et un robinet d'eau potable (parfois encore en 1970, une pompe).

Photographie de Roger DELBECQ (Roubaix)1

Devant chaque maison, sous une fenêtre, le "cotche", c'est-à-dire le bac à charbon, et, accrochée au mur, la bassine à lessive.

L'habitation en courée ne possède que 2 pièces; on entre directement dans l'unique pièce de 10 m2 du rez-de-chaussée qui sert à la fois de cuisine, de salle à manger, de cabinet de toilette et se transforme parfois en chambre d'enfants la nuit.

Un escalier très raide y part pour aboutir à la chambre à coucher, souvent très basse de plafond.

Maxence VAN DER MEERSCH a dépeint le Roubaix économique et social dans ses ouvrages. Laure DROUVIN, héroïne de "Quand les sirènes se taisent", demeure dans une courée, rue des Longues-Haies. "Deux rangées de maisons basses se faisant face, six de chaque côté. Peintes à la chaux avec des soubassements vernis au goudron, elles eussent paru uniformes, identiquement sales, vétustes et branlantes aux yeux d'un étranger. Des fils de fer, au réseau dense, formaient à travers toute la courée, à deux mètres du sol, comme une nappe serrée. "

Si la ville de Roubaix, dans les rapports sur l'administration présentés par le Maire au conseil municipal, regroupe en une seule liste 2 les différents termes employés pour caractériser cet habitat ouvrier roubaisien (courées, forts, impasses, cités), il nous apparaît néanmoins intéressant de préciser chaque mot, ce à quoi s'attache Jacques PROUVOST.

1 Extraite du périodique d’information municipale : La lutte contre les taudis et la rénovation de la cité. Septembre 1970. Archives de Roubaix 2 Voir tableau ci-après

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Date Nombre De cours, courées,

forts, impasses cités.

1851 33 1856 81 1861 156 1866 119 1869 381 1896 690

1901 997

1906 1 270

1911

1912

1 524

1936

1938 1 133

Source : dénombrement à Roubaix et rapports du maire.

� Les cours désignent des ensembles de constructions qui peuvent réunir de 20 à 60 maisons, par exemple:

La Cour THERIN-CARRETTE 27 maisons La Cour DESROUSSEAUX 57 maisons La Cour LOUIS FRERES 60 maisons

Un grand nombre de cours ont peu de maisons. Il a été répertorié 115 cours ayant 2 maisons, 114 en ayant 4. A travers Roubaix, on a dénombré 716 petites cours que l'on a désignées à l'usage par le diminutif, courées. À Lille, on parle davantage de courettes.

Avant d'en venir aux forts, évoquons tout d'abord les vestiges de l'urbanisme d'autrefois que sont les maisons des journaliers, à basse toiture, ou les maisons de tisserands avec leurs 3 fenêtres caractéristiques donnant sur une pièce où se trouvait "l'otil" (le métier à tisser). On suivait la tradition rurale de la maison unifamiliale, les gens de la campagne travaillaient encore chez eux et cela correspondait au mode de production antérieur: les tisserands amenaient leur travail chez les manufacturiers avec une brouette.

Maisons de journaliers dites "à

basse toture"

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� Les forts vont constituer un exemple des premiers logements réalisés dans la première partie du XIXème siècle par les patrons pour y loger les ouvriers àdomicile. On veut rapprocher l'ouvrier de son lieu de travail. Parmi les plus célèbres, citons les forts MULLIEZ, DESPREZ, SIOEN, FRASEZ, WATTEL …

Le plan cadastral de 1826 montre précisément l'existence de plusieurs forts situés dans la campagne assez loin du centre, comme le fort WACRENIER et le fort SAINT-JOSEPH. Selon Jacques PROUVOST, l'appellation de fort serait venue à la suite des campagnes de Napoléon, le souvenir des mots militaires étant resté vivace.

L'extrait d'une lettre adressée au Maire en 1833 par la veuve WATTEL donne une idée précise de ce qu'est un fort: " Je viens vous demander de bien vouloir m'autoriser de faire construire 10 maisons en double sur ma propriété sise au Fontenoy. Ces 10 maisons formeront 20 habitations d'ouvriers, 10 feront face au nord et 10 au midi, ce qui formera le carré du fort Fontenoy."

Le fort FRASEZ, le plus connu, représente l'archétype de ces constructions du temps passé. "François FRASEZ était un filateur, tisseur qui fit fructifier le capital que son père, fripier à Lille, avait amassé en revendant les surplus de l'armée saxonne d'occupation (1815-1818)", nous apprend Jean PIAT.

Aujourd'hui encore, la rue du Fort FRASEZ perpétue à la fois un nom et le souvenir des luttes urbaines de l'Alma-Gare.

Théodore LEURIDAN, dans son histoire de Roubaix, tome 5, cite un rapport du jury de l'exposition de 1839 concernant ce "fabricant fort intelligent".

Le Fort Saint Joseph

Le Fort Bayart

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"Nous croyons devoir signaler une heureuse idée que ce fabricant met en ce moment en pratique. Sur une propriété qu'il a achetée, il fait construire cent petites maisons pour ses ouvriers. Chaque maison aura 4 chambres et pourra contenir 4 métiers à la Jacquard. Il procurera ainsi à peu de frais, à l'ouvrier, un logement confortable, une économie de temps, l'avantage de travailler en commun avec sa famille, d'en utiliser tous les bras en évitant, pour elle et pour lui, les dangers moraux de l'usine. Les mœurs ne pourront qu'y gagner en même temps que la somme de travail s'augmentant, le prix de chaque façon pourra diminuer. Ainsi se trouvera atteint le but si désirable de concilier les intérêts du fabricant et celui de l'ouvrier ".

Et monsieur FRASEZ obtint la médaille d'argent. Le jury se serait-il abusé? Jacques PROUVOST, pleinement dans son rôle d'historien,

cite au dossier une étude de Léon MACHU, parue dans la Revue du Nord en mars 1956. " En janvier 1846, il y a de gros mécontentements parmi les ouvriers. Il semble que soit en cause la personne d'un patron. Un certain FRASEZ veut réduire le prix de façon des tisserands de 20 centimes, à 17 francs 50 le mètre ". Le Maire SALEMBIER BULTEAU parle du personnage comme "d'un honnête et grand industriel sur lequel on cherche à répandre des bruits malveillants." Mais le lieutenant de gendarmerie est moins favorable: "Ce patron est celui qui commence le premier à diminuer le salaire des ouvriers. Quoi qu'il en soit, ce patron a un bon moyen de pression sur ses salariés. Il les loge dans 300 maisons qu'il possède et chaque fois qu'ils lui reportent de l'ouvrage, il leur retient le montant de la location échue! "

Monsieur FRASEZ était un fabricant mais surtout un propriétaire…

� Les cités, quant à elles, désignent le plus souvent des cours toutes bâties par le même propriétaire.

� Les impasses sont des maisons en rangées, bâties le long d'une ruelle non pavée, en cul-de-sac. Certaines sont devenues des rues après percement du fond.

Mais pourquoi a-t-on prolongé le mode de construction des courées, plutôt que tel autre (rangées, corons, immeubles...)?

Le Fort SIOEN, dans la rue de la Perche, en 1926 : monsieur SIOEN était un officier de santé qui a fait construire des maisons en 1834 sur les terrains de monsieur BRIET, cultivateur.

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Jacques PROUVOST y voit la conjonction de trois facteurs essentiels.

• Une progression démographique très rapide • Les conditions de travail dans l'industrie • Le désir chez certains de gagner un bel intérêt avec un maigre capital

La progression immense du peuple des travailleurs est sans aucun doute l'élément déterminant de cette évolution.

Très vite la nécessité de main-d'oeuvre se fait sentir, et Roubaix accueille des bras venus des campagnes environnantes ou des départements voisins, attirés par le développement industriel de la ville. Mais les besoins sont tels que le peuplement local est constamment insuffisantet que l'on va "s'abreuver à une source proche, l'inépuisable réservoir d'hommes de la Flandre belge."1

Les cahiers de Roubaix sur l'intégration belge à Roubaix (Michel DAVID, Alain GUILLEMIN et Philippe WARET) fournissent de précieux renseignements sur ce phénomène atypique dans l'espace français, qui fera de Roubaix la 4ème ville belge après Anvers, Bruxelles et Gand!

Jacques DUQUENNE, auteur de "Maria VAN DAMME" et d'autres romans à succès, se plaît d'ailleurs à constater que tous, nous pouvons trouver parmi nos aïeux un Belge ou une Belge.

L'arrivée de ces étrangers s'est faite en trois vagues successives:

De 1815 à 1850, des ouvriers qualifiés, souvent gantois, apportent leur savoir-faire au processus industriel roubaisien; mais la grande masse de ce flux migratoire est constituée de travailleurs à domicile venus des campagnes flamandes ruinées par le marasme de l'industrie linière. En 1818, 14 % des ouvriers du textile sont originaires de Belgique. En 1838, ils sont 38 %.

De 1850 à 1880, se produit une seconde période migratoire qui correspond au "boom" de la révolution industrielle. Roubaix fonctionne comme une véritable pompe à main d'œuvre et en 1872 devient une ville majoritairement belge. Pendant près de 15 ans, les étrangers seront plus nombreux que les Français.

En 1881, les Belges représentent 55,4 % de la population. C'est seulement en 1891 que Roubaix retrouve une majorité de population française, par suite d'un certain retour au pays, mais surtout grâce à la naturalisation massive des ouvriers d'origine flamande qui profitent de la loi sur la nationalité votée en 1889.

L’exemple de ce placard municipal affiché en deux langues montre à quel point Roubaix était devenue une ville belge.

On est loin des petits panonceaux "Man spreek vlaams" apposés dans des estaminets ou chez certains commerçants.

1 Histoire d'une métropole : éditions Privat

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A partir de 1880, nous entrons dans une troisième période migratoire durant laquelle l'essor de la solidarité franco-belge dans la classe ouvrière va émerger. Ceci nous amène à évoquer les difficultés de l'intégration des Belges, car, contrairement à une idée assez répandue, écrivent les auteurs de l'étude, les poussées xénophobes ont été nombreuses (on s'inquiète dans la presse de "l'impossible assimilation entre races différentes") et émaillées de violences: "on joue souvent du couteau, l'intégration belge a fait des morts", explique Alain GUILLEMIN

Un rapport sur l'année 1872 montre une ségrégation importante entre Français et Belges. Dans certaines rues, on n'entend que le flamand. Dans la rue des Longues-Haies, 75 % des habitants sont belges. Des personnes passant dans cette artère se font insulter ou reçoivent des immondices sur la tête.

Le sentiment anti-belge explose notamment dans cette fameuse chanson "Les Pots-au-burre, la peste à Roubaix ". Le "Pot-au-burre" est le Belge, le Flamand qui arrive en France le lundi avec un pot de beurre ou de saindoux et des produits de Belgique pour passer sa semaine sans rien acheter.

Extrait

À Roubaix, c'qui domine Et j'vous l'jure mes amis, Qu'chet pu traite que'l'vermine Qu'cha ronge pu les ouvris Chet tous ces pots-au-burre Qui vintent de tout pays Ouvrer, cha j'vous l'assure Toudis à moité prix

J'n'aime pos les pots-au-burre Tout l'monte comprindra cha Chest la peste et j'vous l'jure A Roubaix, y n'qu'cha ( bis)

La loi de 1889 va favoriser la "francisation" des Belges et la généralisation de l'école publique, laïque et obligatoire va accélérer le mouvement.

Se manifeste alors chez beaucoup, la volonté de tourner la page, la volonté d'être Français. Alain GUILLEMIN cite Louis RICHARD, un Brugeois qui a créé vers 1884, 43-45 rue Pierre de Roubaix, un théâtre: le théâtre Boboche. Le marionnettiste semble avoir mis un point d'honneur à faire disparaître jusqu'à la dernière trace d'accent flamand!

Toutefois, ne généralisons pas cette "fureur francophone"! Bernard GRELLE, conservateur de la médiathèque de Roubaix, cite un journal édité dans leur langue pour les travailleurs socialistes flamands, et une presse catholique que l'on venait consulter à la bibliothèque du cercle Saint-Joseph à Roubaix.

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Ainsi, les flux migratoires successifs provoquent une demande explosive de logements. Un tableau relatif au dénombrement des courées à Roubaix, cité par Jacques PROUVOST montre bien le parallélisme entre les vagues successives évoquées ci-dessus et l'augmentation des constructions.

Les chiffres en sont éloquents.

Date Maisons Ménages Population Nombre De cours, courées, forts,

impasses cités.

Maisons %

Ménages %

Population %

1851 6 202

7 157 34 456 33 900 14,51%

1 43 14,57%

4 938 14,33%

1856 7 293 11 825 39 180 81 1 774 24,33%

1 990 16,82

9 259 23,63%

1861 8 794 9 879 49 274 156 3 216 36,57%

3 534 35,77%

16 109 32,69%

1866 11 838 13 512 64 706 119 3 008 25,40%

3 431 25,39%

16 155 24,96%

1869 381 5 230 26 100

1896 24 829 36 879 124 661 690

1901 26 476 35 173 124 365 997

1906 27 242 36 773 121 017 1 270

1911 29 217 36 966 122 723

1912

1 524 13 820 47,30%

1936

33 998 39 917 107 105

1938 1 133 10 351 30 ,45%

En 10 ans, de 1896 à 1906, 590 courées nouvelles sont bâties. On est passé de 33 en 1851 à 1524 en 1912, année où le chiffre est le plus élevé. Triste record!

Quelle en est la répartition? En 1925, sur un total des 1295 courées, on compte par paroisses:

• Sainte-Elisabeth 235 • Sacré-Cœur 195 • Saint-Rédempteur 168 • Saint-Joseph 146 • Saint-Martin 128 • Notre Dame 116 • Saint-Sépulcre 94 • Saint-François 94 • Saint-Antoine 59 • Saint-Jean Baptiste 36 • Saint-Vincent de Paul 18 • Saint-Michel 6

On peut relever que pour le secteur Pile-Sainte-Elisabeth, on compte 403 courées soit le tiers du total.

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Signalons qu'à l'époque, les quartiers se superposent en général aux paroisses; toutefois, on peut dire qu'il y a des courées dans tous les quartiers autour du centre. Echappent à cette règle, les quartiers sud, qui ne se sont urbanisés qu'après la 1ère guerre mondiale. Signalons que la dernière cour construite à Roubaix (la cité DURETETE Frères, rue de Leers) fut bâtie en 1934.

Ainsi, l'image de la courée est profondément enracinée dans le paysage et l'esprit roubaisiens. C'est une des constituantes essentielles du folklore populaire, disions-nous plus haut.

Après avoir étudié l'influence déterminante de l'explosion démographique dans le développement des courées au XIXème siècle, voyons à présent les deux autres paramètres essentiels que sont d'une part les conditions de travail dans l'industrie et d'autre part le désir de gagner de l'argent en investissant peu.

Reprenons l'enquête de Jacques PROUVOST: "Jusqu'en 1848, la journée de travail était de 15 heures. Elle fut ensuite réduite à 12 heures avec un arrêt d'une heure et demie le midi. Pour éviter de prendre un repas au cabaret, de faire une longue route à pied qui aurait ajouté une fatigue supplémentaire à celle du travail, et pour mieux entendre le son de la cloche de l'usine1 , l'ouvrier recherchait un logement proche de son lieu de travail."

N'oublions pas que les tramways à chevaux ne firent leur apparition qu'en 1882 et les tramways électriques qu’en 1894. La bicyclette ne devient un moyen de locomotion bon marché répandu dans le monde ouvrier qu'au début du XX ème siècle.

La réponse à ce besoin de logement est apportée par les milieux de la moyenne bourgeoisie du XIXème siècle. Des artisans, des cultivateurs, des négociants, des rentiers, des commerçants qui possèdent un peu d'argent et qui recherchent un placement sûr, d'un rapport régulier et sans risque, s'empressent de faire l'acquisition de terrains laissés vacants autour des usines en construction et y font bâtir des logements.

On s'explique alors l'extraordinaire enchevêtrement des courées et des bâtiments industriels dans certains quartiers de Roubaix, comme le montre une photo aérienne de la rue des Longues-Haies en 1953. Les courées communiquent souvent entre elles et forment un véritable dédale dont ont profité, notamment au Pile, les fraudeurs poursuivis par les douaniers.

Maxence VAN DER MEERSCH a décrit ce quartier de manière poignante :"Quels étonnants architectes, avares d'air et de terrain, prodigues de la santé des hommes, ont bien pu édifier ces termitières, ces labyrinthes qui se greffent sur la rue de Longues-Haies, ramifiés, incohérents, percés de passages en coupe-gorge et de longues trouées. " 2

1 L'ouvrier s'exposait à des amendes en cas de retard 2 Quand les sirènes se taisent: Maxence VAN DER MEERSCH

Au centre de l'image, on peut repérer le triangle formé par la rue de Lannoy, la rue de Planche Trouée et la rue des Longues-Haies .

Photographie Archives municipales de Roubaix

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Ce mode d'habitat a aussi inspiré Victor HUGO, lors d'un voyage dans le Nord en 1851, dans le quartier Saint Sauveur de Lille.1

"Un jour, je descendis dans les caves de Lille, Je vis un morne enfer; Des fantômes sont-là, sous terre, dans des chambres, Blêmes, courbés, broyés, Le rachis tord leurs membres Dans son poignet de fer. Caves de Lille, on meurt Sous vos plafonds de pierre."

Pourtant la ville ne s'est pas développée de manière anarchique. Notre historiographe a retrouvé des plans fixant les axes et les rues nouvelles mis en oeuvre en 1819, 1835, 1864, mais ils ne concernent que les voiries communales, les autres terrains pouvant être bâtis à la guise de l'investisseur: il ne fallait pas d'autorisation pour construire en dehors de la voie publique.

L’émergence des grandes voies de circulation roubaisienne peut être illustrée en reprenant les idées d’un homme politique important mais pourtant méconnu, Emile MOREAU.

Philippe WARET2, que nous avons interrogé, affirme: " Oui, il y eut des tentatives pour ouvrir la ville et la dédensifier. En 1870, les Républicains se sont posés des questions sur l’urbanisme, notamment grâce aux idées d’Emile MOREAU".

Thierry DELATTRE3, sollicité à son tour, nous apprend qu’il a commencé des recherches sur les projets urbanistiques de ce personnage, passé à la trappe de l’Histoire. Toujours heureux de l’intérêt que nous portons à ses travaux, il nous a aimablement autorisés à en utiliser lesprémices.

Un homme politique oublié.4 Né à Dannemarie en Montois en 1837, Emile

MOREAU devient ingénieur civil, conducteur des Ponts et Chaussée. Directeur des voiries navigables de la Seine, il arrive à Roubaix en 1866 pour creuser la dérive nord du canal. En homme de terrain, il assure la direction du service des travaux de la ville de Roubaix, construit les Magasins Généraux, s’occupe d’adduction d’eau potable dans les grandes villes…

Conseiller Général, Conseiller Municipal, Député, acquis aux idées du mouvement ouvrier, il mène une activité républicaine dévorante et s’oppose au patronat. En 1870, il lance un journal : L’idée républicaine.

Il est aussi adepte des idées du Baron HAUSMANN et il est convaincu que Roubaix doit

développer une politique hygiéniste et subir des transformations. Il conçoit des plans d’urbanisme extraordinaires.

Un de ses projets consiste à faire de la Grand Place une véritable Place de l’Etoile. Puis il élabore une politique de percement de grands boulevards dont un devait relier Roubaix à Tournai.

Le principe d’ouvrir la ville semble avoir été retenu, la prolongation du parc Barbieux jusqu’au pont Nyckès a été envisagée, une fois le canal du centre comblé, pour créer une grande artère verte.

Mais aucun des projets d’Emile MOREAU ne se réalise : les coûts financiers ont probablement pesé dans la balance, mais nous dit monsieur DELATTRE, c’est davantage l’opposition politique et patronale qui les a fait capoter. D’une part, Emile MOREAU ne s’entend pas avec Constantin DESCAT, le maire de l’époque et d’autre part, il faut savoir que le centre de Roubaix était quasiment la propriété du patronat et que les travaux auraient porté atteinte à son intégrité foncière.

1 Source: Revue du Nord 2 Philippe WARET : Historien roubaisien, il fut président de la Société d’Emulation. 3 Thierry DELATTRE : Conservateur aux Archives Municipales de Roubaix 4 Photographie d’un document aimablement prêté par monsieur Thierry DELATTRE.

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Philippe WARET résume ainsi la situation : " A l’époque, aucun plan d’urbanisme ne peut se réaliser ; il est impossible de toucher au sol du secteur Grand Place sans marcher sur les pieds de MOTTE".

Finalement, les seules tentatives d’urbanisme sont liées à des événements comme le comblement du canal qui apporte au centre de la ville un boulevard. Les grandes artères et les pénétrantes viendront de là.

Il faut ajouter qu’en 1882, Alfred MOTTE possède pratiquement les rives droite et gauche du Sartel. Il bâtit deux usines, rue Molière, et fait en sorte que l’on trace le boulevard de Beaurepaire, en souhaitant que la gare du Pile soit au bout de cette artère. La connexion entre le Pile et le centre de Roubaix devient effective et on peut construire l’usine MOTTE-BLANCHOT en 1876, la brasserie DAZIN-MOTTE, la Condition Publique …

Il s’agit avant tout d’un projet industriel et non d’urbanisme.

De même, en 1889, un boulevard de 30 mètres de large était créé : l’avenue Gustave DELORY. Cette artère fut prolongée par un boulevard industriel, avec voie de raccordement au chemin de fer, le long duquel, s’élevait l’usine MOTTE-BOSSUT, aujourd’hui les magasins "L’usine". En ce qui concerne les fiefs patronaux, ajoutons que le territoire de cette entreprise s’étendait de la rue Jean Jacques ROUSSEAU à la rue Léon MARLOT et qu’elle était entourée par des jardins ouvriers, et ce jusque dans les années 1970.

Quant aux autres terrains, ceux qui ne faisaient pas partie des voiries communales, ils pouvaient être bâtis à la guise du propriétaire.

Jacques PROUVOST cite une réponse, en date du 2 août 1834, du maire Auguste MIMEREL à la demande du sieur LAMBLIN-DELPLANQUE, propriétaire, disposé à faire construire sur un terrain lui appartenant

"Le maire de Roubaix, vu l'avis…. ainsi que l'article 74 du règlement communal qui n'est applicable qu'aux bâtiments faisant face à la voie publique, considérant que le bâtiment dont ils'agit n'est point dans une telle situation puisqu'il se trouve sur une voie particulière pratiquée par un propriétaire à travers champs, déclare autoriser le sieur LAMBLIN-DELPLANQUE à bâtir selon l'alignement tracé sur sa propre demande et sans être astreint à donner aux murs de face 32 centimètres ou brique et demie d'épaisseur."

Didier CORNUEL1 explique de son côté que "le mode d'organisation des courées obéit à un ordre: celui de l'usine. Temps de transport supprimé, arrivée moins dépendante de facteurs aléatoires comme les intempéries, les travaux des champs. Finalement, les petites maisons ouvrières se rassemblent autour de l'usine, telles les maisons des serfs autour du château-fort, auquel l'architecture industrielle a d'ailleurs emprunté certains traits." (Exemple: les usines-châteaux MOTTE-BOSSUT)

Pour sa part, Claude VINCENT, avance" une équation de rentabilité".2

Comment construire le plus de logements possible sur le plus petit espace possible, à un prix aussi bas que possible?

Le terrain front à rue coûte cher, alors on achète quelques mètres seulement et une longue bande perpendiculaire. Pour gagner de la place, le couloir d'accès à la cour est réduit à une sorte de boyau étroit et obscur percé dans la façade. On passe quelquefois à travers la maison du propriétaire!

Les brasseurs se montrent souvent actifs en ce domaine. Un cabaret commande l'entrée de la cour, on peut ainsi taxer 2 fois les habitants, une première fois comme locataires et une seconde comme consommateurs! Des chiffres ont été publiés: en 1890, il y avait à Roubaix, 2 636 débits de boissons, soit 1 pour 44 habitants!

On a attribué au patronat de l'industrie textile, l'initiative de la construction des courées. En fait, à quelques exceptions près, notamment celle de François FRASEZ dont nous avons parlé, les industriels préféraient investir leurs capitaux dans la construction d'usines ou dans l'achat de matières premières.

1 Didier CORNUEL: Le mirage urbain 2 Nord Eclair du 15 octobre 2002.

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La majorité des propriétaires ont été amenés à apposer leur nom à l'entrée de la courée. À travers les sources d'informations disponibles aux archives municipales, notre

historiographe a retrouvé un texte du Maire Constantin DESCAT, daté du 20 décembre 1869: " Considérant que le grand nombre de courées, tant anciennes que nouvelles, et le défaut de désignation de la plupart de ces dernières, occasionnent souvent de la confusion dans les questions de domicile…, il est enjoint aux propriétaires de courées de faire poser au-dessus de l'entrée des dites courées, des plaques indicatives conformes à celles des rues. "

Certains associent deux noms, le leur et celui de leur épouse: DESMET-DECOCK, LEFEBVRE-PLATEL, MULLE-WATTRAN, PIAT-AGACHE… D'autres préfèrent le patronyme d'un saint: ÉLOI, JOSEPH, ANDRE, FRANÇOIS… ou d'une sainte: JEANNE, CATHERINE, THERESE, MARIE….

Les impasses, quant à elles, ont le plus souvent reçu des noms de peintres, d'écrivains ou de musiciens: Horace VERNET, SEVIGNE, BALZAC, LAMARTINE, BEAUMARCHAIS, MOZART …

Il y avait-là, pense Jacques PROUVOST, le désir de voir l'impasse se transformer un jour en rue, une appellation culturelle ayant plus de chance d'emporter une décision d'urbanisme!

Parfois, aussi, un événement extraordinaire ou pittoresque, ayant marqué les esprits, impose l'usage d'un patronyme insolite. En voici deux exemples:

• Le premier est cité par Charles BODART-TIMAL dans le bulletin des Amis de Roubaix de 1961: " Ce jour-là, le 18 mai 1858, Henri Jean-Baptiste CASTELAIN, épicier, a eu la surprise de voir sa femme mettre au monde 4 enfants! Le Journal de Roubaix de l'époque nous donne la description de ce fait probablement unique dans le genre. Pendant trois jours, la boutique de notre marchand a été assaillie de pratiques, qui, sous prétexte d'acheter du sucre et du café, demandaient à voir les mioches. On évalue à 20 000, le nombre de personnes qui ont été faire cette sorte de pèlerinage. " Les quatre enfants sont décédés le 20 mai! Depuis ce jour, la rue Saint-LAURENT comme la rue DELATTRE, ainsi que les courées qui en dépendent, ne furent plus désignées que sous le nom de "Fort des quatre jumeaux".

• La seconde concerne une cour de la rue Basse-Masure, où plusieurs habitants utilisaient un récipient bien commun: le pot de nuit.

" Tous les matins, on voyait régulièrement trois de ces ustensiles bien retournés sur le cotche à charbon, de façon à leur faire prendre l'air, semble-t-il. La cour fut très vite surnommée la cour des tros pots d'nut! "

Citons enfin, grâce aux recherches de Jacques PROUVOST, dont nous louons le travail remarquable, la cour du "Petit Paradis", ce qui semble pour le moins incongru. Il s'agissait en réalité de l'enseigne de l'estaminet bâti à l'entrée de la cour; sans doute le propriétaire emmenait-il ses clients vers des paradis artificiels grâce à l'alcool, qui, nous le verrons plus loin faisait des ravages. Mentionnons pour terminer "l'Enclos des Pensées" dans la rue du Fresnoy.

Parfois, la grisaille n'exclut pas la poésie…

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Nous avons mis en exergue, au début de ce chapitre, les dures conditions de travail des ouvriers dans les années 1820 et les réactions d'Auguste MIMEREL, le filateur le plus important de Roubaix. Evoquons à présent le "chez soi" de l'ouvrier au XIXème siècle.

Pierre PIERRARD, qui a beaucoup étudié l'histoire de la région du Nord, décrit dans un de ses livres les plus connus "La vie quotidienne dans le Nord au XIXème siècle", ces courées qui deviennent vite synonymes de ghettos insalubres.

"Les courées construites à l'économie se dégradent très vite. Le matériau se désagrège à cause de l'humidité et de la fumée des usines. L'ensoleillement est nul dans plus d'un tiers des courées ". Il cite ensuite les observations du docteur FAIDHERBE qui dénombre en 20 mois dans une seule courée "47 cas de typhoïde, 17 de gastro-entérites, 4 de diarrhée verte infectieuse et plusieurs cas de diphtérie aviaire dûs à la présence, en des locaux exigus, de pigeonniers".

L'historien poursuit: "Les murs, les planchers attirent les punaises. Les puces pullulent dans les literies. En plus, il y a la promiscuité des logements aux minces cloisons, car la mort, l'amour, le vice, la honte, la faim, tout est mis en commun dans ces demeures étroites ".

Pierre PIERRARD cite alors le curé de Notre Dame à Valenciennes qui en 1860, signale sur sa paroisse une chambre où vivent 18 individus appartenant à 3 générations, et où les notions de père, mère, frères, sœurs, … ont disparu.

Un médecin, le docteur DUMONT constate en 19031:"Les chambres ne sont que de grandes boîtes sans air ni lumièr. Comment peut-on arriver à trouver l'air respirable pendant le sommeil?"

Dans la B.D.: "Roubaix depuis toujours", les auteurs évoquent la visite dans la cour VROMANT, d'une commission d'enquête en 1904, en compagnie d'Eugène MOTTE: "Monsieur le Député, il est difficile de trouver un endroit plus pauvre!"

Photographie de Roger DELBECQ (Roubaix)2

La majorité des travailleurs sont dans la misère. Le docteur BINAULT 3 de la société de Saint-Vincent de Paul calcule que la part du pain, dans les dépenses, est très élevée (41 %), ce qui est le signe d'une grave indigence. Pour lui, le pire, ce sont les conditions de l'habitat. "Les logements des pauvres sont détestables. Tout y conspire contre leur santé; la lumière du soleil ne pénètre pas dans leur chambre et ne peut par conséquent, donner un peu de teint à leur peau blafarde ". Le style de l'époque prêterait à sourire si le médecin n'ajoutait: "Nous le dirons avec peine et en rougissant: non, les derniers des animaux ne sont pas plus mal logés que nos frères, bien au contraire! "

1 Le Nord: de la préhistoire à nos jours; Editions BORDESSOULES 2 Extraite du périodique d’information municipale : La lutte contre les taudis et la rénovation de la cité. Septembre 1970. Archives de Roubaix 3 Histoire d'une métropole: Editions PRIVAT

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Un industriel, monsieur KOLB-BERNARD, s'émeut de cette situation: " Les conditions inhumaines et immorales du logement des ouvriers…sont pour nous un reproche vivant. "

Constats éloquents! La maison est un taudis où l'on s'entasse; la cour est un espace clos avec les murs pour horizon! On comprend que l'ouvrier, après son travail à la fabrique, où il subit des heures de contrainte dans le fracas infernal des métiers, ressente un besoin d'évasion. Il fuit l'usine, mais il n'est pas pressé de rentrer chez lui…

L'estaminet lui apportera distractions et occasions de débats sur les idées. Pour le monde ouvrier, le lieu où l'on peut rire et se divertir, c'est le cabaret, un autre

"chez soi". Laurent MARTY, un historien qui a entrepris d'explorer "les aspects de la culture

ouvrière non directement liés à l'exploitation et où s'affirment les valeurs du prolétaire du textile roubaisien"1, nous en donne une excellente approche dans son très beau livre "Chanter pour survivre"; le cabaret fait partie de cet univers culturel qu'il a étudié.

L'ouvrier y a ses habitudes: "Chacun prend sa pipe au râtelier, la bourre à la flamande et la plonge dans la chaufferette" dit Gustave NADAUD dans "Souvenirs et récits d'un vieux Roubaisien".

"On y trouve la chaleur du poêle. On y connaît tout le monde et on est connu. On peut parler et être écouté, écouter les autres, exister dans la chaleur humaine du groupe ", écrit Laurent MARTY.

Bien sûr, l'auteur n'occulte pas le problème de l'alcoolisme qui prend des proportions gigantesques. Les chiffres qu'il cite, concernant la consommation de bière, "boisson nationale roubaisienne", sont éloquents: 200 litres par habitant et par an en 1875, 300 litres en 1913! Mais on boit aussi une quantité considérable de "genièvre". Le nombre des cabarets augmente en fonction de la production textile et de la croissance démographique: 1000 en 1870, 1500 en 1880, 2636 en 1890, soit 1 pour 44 habitants!

"In in bâtit par douzaines In a bétôt chaq'un l'sin2

Le cabaret est le lieu où naissent les chansons. C'est là que les chansonniers puisent leur inspiration. On y prépare le carnaval, on y trouve le siège de nombreuses sociétés (sociétés à boire, de jeux, de secours mutuel, organisations politique ou syndicale…).

Rire, boire, chanter, voilà les obligations qu'elles se donnent.

"Tous les dimanches, in rit à larmes Au p'tit cabaret du T'chin Bleu "

1 Madeleine REBERIOUX: Université Paris VIII (1982)2 Louis CATRICE: "On en bâtit par douzaines, on a bientôt chacun le sien".

"Le bain de pieds inattendu"

Rémy COOGHE, Peintre roubaisien

1848-1896

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On veut oublier les soucis. Victor CAPART chante:

" Pour faire oublier la souffrance, Nous sommes les gais chansonniers "

Avec Alexandre DEROUSSEAUX, on "rinfonce l'chagrin"1

" Ch'est au cabaret

que l'tristesse viell'tigresse sitôt disparaît"

Continuant son analyse des sociétés qui produisent des chansons, Laurent MARTY dégage trois notions: divertissement, communauté, amitié entre hommes du peuple, car, relève-t-il, les hommes des classes supérieures ont leur cercle et ne se mêlent pas à ces loisirs populaires.

Les chansonniers sont, pour la plupart, des ouvriers ou d'anciens ouvriers devenus cabaretiers. Dans leurs couplets, les ouvriers parlent aux ouvriers; le langage est le patois. Mais dans la chanson, il y a autre chose que le texte, et notre chercheur, citant Louis Jean CALVET 2: "Les mots chantés sont plus forts que la simple parole", conclut que la chanson est un supra-langage; elle unit des milliers d'ouvriers dans l'expression et le divertissement.

Les grandes absentes de ces lieux sont les femmes.L'auteur le constate: elles ne vont pas au cabaret, ou alors pour y rechercher l’époux qui

a quelques difficultés à retrouver le chemin de son foyer. Dans certains cabarets, le soir, on danse, et les femmes qui fréquentent ces endroits ne sont que des "filles de mauvaise vie".

Mais dans la culture ouvrière des chansons, l'homme a le pouvoir, aucune chanson n'est signée par une femme. Certes, elles ont leur territoire culturel, mais c'est l'atelier de couture, le monde restreint des relations de voisinage ou des lieux de rencontre comme le marché. L'historien reconnaît toutefois que les femmes ne sont pas exclues de la culture ouvrière qui s'exprime dans les chansons. Car bien des problèmes soulevés sont aussi les leurs et elles participent aux grandes manifestations comme le carnaval.

1 P. PIERRARD: ouvrage cité 2 Louis Jean CALVET: Chanson et société.

Pour le 1er carnaval d'été de Roubaix, en 1907, monsieur et madame DESPLANQUES, commerçants et propriétaires de la "Blouse Ouvrière", un magasin de confection 64 rue Monge, créent un char oriental.

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Le cabaret est enfin le lieu de rencontre des idées, notamment celles du socialisme. On y côtoie les ouvriers d'autres usines, on fraternise, on compare les conditions de travail, …

Pierre PIERRARD note que des chefs socialistes, comme Henri CARETTE à Roubaix, Gustave DELORY à Lille, traqués dans les entreprises après 1880, se font cabaretiers, leur salle et arrière-salle constituant une "cellule" idéale! L'on assiste aussi au renforcement des liens entre les socialistes flamands et les militants roubaisiens, lit-on dans les Cahiers de Roubaix1. Avec les Belges, les idées socialistes pénètrent. Edouard ANSEELE, figure emblématique de nos voisins, dont le patronyme remplaça l'appellation légendaire des Longues-Haies, et Edmond VAN BEVEREN 2 viennent souvent au Mont-à-Leux pour organiser la propagande. Ils ont encouragé les ouvriers à constituer une caisse de "résistance" en cas de lutte.

On peut dire que les ouvriers belges ont joué un rôle essentiel dans la création de la section de Roubaix du P.O.F. (Parti Ouvrier Français).3 Ils sont aussi à l'origine de la fondation de la coopérative "La Paix".

En 1892, le P.O.F. l'emporte aux élections municipales; les socialistes prennent la mairie. En 1893, Jules GUESDE devient le 1er

député "rouge" de Roubaix dont on dit qu'elle est "La Mecque du socialisme". Quand on sait que les lieux de réunions du POF sont les cabarets, on comprend mieux les raisons de ce succès. "En 1895, sur les 36 conseillers municipaux de la mairie socialiste, 22 sont des cabaretiers! " note Laurent MARTY.

1 Cahiers de Roubaix N° 3 2 Edmond VAN BEVEREN: Militant syndicaliste et socialiste Belge, mort à Gand en 1897. 3 Le Parti Ouvrier Français fut créé en 1880 par Jules GUESDE et Paul LAFARGUE, gendre de Karl MARX.

Jules GUESDE, premier député socialiste de Roubaix en 1893

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La situation du logement au milieu du 20La situation du logement au milieu du 20La situation du logement au milieu du 20La situation du logement au milieu du 20èmeèmeèmeème siècle. siècle. siècle. siècle. Au début des années 50, on dénombre, à Roubaix, 1130 courées abritant près de 40 000

personnes1. On dit aussi que les ¾ de la cité sont à refaire!A la fin des années 60, il reste 925 courées dans lesquelles habitent 30 000 personnes,

soit 50 % de la population ouvrière, 30 % de la population globale2. Les courées qui, au milieu du XIXème siècle, pouvaient constituer un progrès notamment

par rapport aux caves de Lille, se détériorent très vite: la faiblesse des matériaux et des techniques, l'absence d'isolation d'avec le sol, l'humidité, les fumées rejetées par les "ballots" des usines toutes proches, vont amener une dégradation inévitable.

Et pourtant, 100 ans après, de nombreuses courées sont toujours debout. C'est encore Jacques PROUVOST qui cite l'exemple du sieur DELCROIX-DELERUE, cultivateur au Galon d'eau, qui, en 1835, demande "l'autorisation de construire 13 maisons pour logement d'ouvrier le long du sentier conduisant du faubourg Saint-Antoine au chemin de l'Ommelet, devant être transformé en une rue sous le nom de rue du Ballon."

En 1964, la cour DELCROIX, rue du Ballon existait encore!

Pourtant, les conditions d'habitat sont déplorables. Le docteur Léandre DUPRE, adjoint à l'Hygiène et à l'Instruction Publique de la ville de Roubaix après la première guerre mondiale, donne une vision sombre de la vie des Roubaisiens. Il présente les réalisations municipales dans le cadre de la lutte pour la santé au 13ème congrès régional des colonies de vacances et des écoles de plein air qui se déroule à Roubaix en mars 1930: "Malgré tous les efforts de notre préventorium de guerre, notre population roubaisienne anémiée, débilitée, cachectisée, présentait tous les méfaits de la plus grande misère physiologique et se trouvait ainsi particulièrement exposée à l'action meurtrière de cet ennemi invisible qu'est la tuberculose.

Les nombreuses courées de notre puissante cité manufacturière, où vit une humanité trop dense et où l'air et le soleil ont trop peu d'accès, constituaient autant de foyers d'infection, autant de centre de contagion.

La tuberculose s'étendait avec une rapidité effrayante, et sévissait particulièrement chez les enfants, dont l'organisme en voie de croissance, offre naturellement une moindre résistance. Les statistiques établies en 1919 par les médecins-inspecteurs des écoles sont douloureusement suggestives et nous révèlent pour la totalité de la population scolaire de Roubaix, 80 % de tuberculose au début."

Les réponses à ce fléau seront de deux ordres: � La mise en place de la colonie scolaire du Pont-Rouge dès 1920, "aux confins

de Roubaix, au Pont-Rouge, à trois kilomètres du centre, au point le plus culminant et le plus aéré de la ville, la municipalité disposait d'un terrainde 7 000 m2 environ, éloigné de toute habitation, balayé par les vents, l'on y respire un air vif, débarrassé de toutes les poussières urbaines" Le centre sportif municipal fut transformé chaque année en centre

aéré pour les enfants de Roubaix. Communément appelé le "Pont-Rouge", il a transporté, occupé et nourri gratuitement jusqu’à 5000 colons âgés de 5 à 14 ans par jour, durant 7 semaines en juillet et août. L’encadrement est assuré par des moniteurs, dont un certain nombre d’instituteurs de la Ville, l’intendance est confiée au personnel municipal. Ce centre de loisirs fut décentralisé, dans les écoles de quartier, sous le mandat de Pierre PROUVOST.

1 B.D.: Roubaix depuis toujours 2 Nord Eclair du 16 octobre 1969

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� l'Ecole de Plein Air, préfigurée par des baraquements en 1921 et inaugurée officiellement le 14 juillet 1928.

Créée sur l’initiative du Docteur Léandre DUPRE, l’école de Plein Air (6 classes de garçons et 6 classes de filles) fut l’une des plus réputées de France. Une école autonome de perfectionnement à 6 classes fut installée par la suite près d’elle. Transportés par tramways puis par bus, de tous les quartiers de la ville, plus de 300 enfants se rendaient chaque jour dans ces établissements. Ils y étaient encadrés par des enseignants spécialisés et une structure d’éducation physique adaptée. Réduite à 6 classes en 1978, cette structure s’est transformée en 1989 en centre des classes transplantées lecture et fut délocalisée dans les Hauts-Champs pour laisser la place à l’implantation provisoire de l’Ecole Nationale de Police.

L’école Léandre DUPRE n’existe plus aujourd’hui.

Mais l'habitat ne change guère et l'indignation prend de l'ampleur. Ignace MULLIEZ fonde le P.A.C.T.1 après la seconde guerre mondiale. Un responsable de cet organisme s'insurge: " Les courées de Roubaix, c'est pire que les bidonvilles de Caracas au Venezuela."

La presse régionale publie des articles aux titres sans concession. Jules CLAUWAERT dénonce les "courées de la honte" lors d'une campagne de sensibilisation en 1969: "Que l'on en finisse une bonne fois avec toutes les raisons de se donner bonne conscience ! Après tout, entend-on, beaucoup d'habitants de courées ne veulent pas les quitter. Les étrangers qui les occupent ne pourraient pas se payer un loyer plus élevé si on leur offrait des logements décents. Et puis ils utiliseraient la baignoire comme garde-manger." Ce coup de gueule fit du bruit!

Le temps de la colère était arrivé. Dès lors, plus de précautions oratoires: "Les stigmates de la révolution industrielle. Nous vivons avec un chancre. Les plaies du passé. Un cancer urbain" lit-on partout. Diable! Voilà donc un vocabulaire médical qui frappe les esprits, bien à la mesure de l'opération chirurgicale à tenter.

Et la presse nationale se déplace; des journalistes parisiens, en visite à Roubaix, soulignent leur surprise pour ne pas dire leur ahurissement devant le spectacle des courées.

Ces enquêtes, parfois sommaires, voire injustes envers ceux qui, depuis longtemps, se battent pour remédier au scandale, comme le souligne Jules CLAUWAERT, ont toutefois le mérite de braquer les projecteurs sur le mal. Et les exemples abondent: "Au cul-de-four, dans la cour Saint-Laurent, vivent 14 familles dans 14 maisons frappées d'interdiction depuis 2 ans. Il n'y a plus de WC, pas d'eau courante, parfois pas d'électricité. Les eaux usées s'écoulent à ciel ouvert."

La cour DESROUSSEAUX, dans le quartier de l'Epeule, abrite 36 familles avec 56 enfants. Les murs sont en papier-carton (torchis)!2

Des chiffres effrayants sont publiés sur la densité qui peut aller jusqu'à 350 ou 500 maisons à l'hectare! Un rapport de 1869 retrouvé par Jacques PROUVOST indiquait des dimensions de l'ordre de l'infiniment petit: "La largeur de la courée la plus petite était de 2,10 mètres pour 22 maisons où logeaient 123 personnes! "

Cette surpopulation, dans un espace aussi réduit, induit évidemment un mode de vie particulier. Geneviève PINCHEMEL évoque même une psychologie de la courée: l'étouffement de l'espace, les regards coupés de l'extérieur, orientés vers l'intérieur clos de la cour, dans une vie communautaire où l'on n'ignore rien de son voisin, où toute vie familiale est exclue et où les travauxde nettoyage et de lessive exigent la bonne entente entre les locataires.

1 P.A.C.T. : Propagande et Action Contre les Taudis 2 Serge LEROY: monographie sur l'Epeule-Alouette-Trichon

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Impensable au XXème siècle! Voici ce qu'on peut lire dans Nord-Eclair le 17 octobre 1969. "Les conditions d'hygiène

dans les courées constituent une menace pour la ville entière."

Photographie Roger DELBECQ.

Et le journaliste cite une mesure sans précédent depuis la guerre, prise par les services départementaux de l'hygiène scolaire : l'épouillage de toutes les écoles de la ville. Une invasion de poux, partie d'un établissement scolaire du Cul-de-Four menaçait de s'étendre.

On commence à enquêter sur la pathologie des courées et plusieurs médecins apportent leur témoignage. Nous en publions des extraits in extenso; comme l'écrit Claude VINCENT dans Nord Eclair, ils se passent de commentaires!

Un docteur installé rue du Collège, note: "La plupart de ces ghettos égalent en horreurs amoncelées le pire des bidonvilles, où l'air peut toutefois pénétrer. Ici, tout y étouffe:on y dort, on y meurt, on y vit l'un sur l'autre dans la moiteur écrasante qui tient lieu de foyer aux pauvres qui les peuplent. Les plafonnages

pourris se sont effondrés, les escaliers branlants ne permettent plus de gagner la soupente qui sert de dortoir. Là-dedans, vivent en général des familles nombreuses. Je puis citer un exemple: 22 personnes dans trois pièces totalisant 25 à 30 m2. Pour le sommeil, on se relaie, toutes ne pouvant pas dormir en même temps!

Dans certaines cours, les WC cassés suintent l'urine et les matières par plusieurs fentes. Les fosses trop vite remplies, débordent et les ruisseaux d'urine s'écoulent au long de la cour. "

" L'été, des colonies d'insectes investissent les lieux. Outre les insectes, les rats et les souris sont les hôtes habituels de ces maisons. J'ai vu un rat parcourir tranquillement une pièce pour gagner un trou. "

Le médecin, rejoint dans ses analyses par d'autres confrères, dénonce alors: "La promiscuité, l'impossibilité d'être propre, les insectes et les bêtes qui sont les meilleurs propagateurs de maladies. Comment un enfant peut-il s'élever normalement dans cette atmosphère sordide.

Les affections oto-rhino-laryngologiques perpétuelles récidivantes, avec atteinte broncho-pneumopathique, sont les grandes pourvoyeuses de la mortalité infantile la plus élevée de France: celle du Nord."

"Le rachitisme touche la plupart des enfants. Ils sont privés de soleil et de lumière, ils vivent dans un espace le plus souvent très humide, dans un comptage microbien important, la sous-alimentation ou la mauvaise alimentation les rend très vulnérables."

La mortalité infantile En France 21 pour 1000 Dans le Nord 27 pour 1000 À Roubaix 35 pour 1000 En courées 53 pour 1000

Le soleil absent 35 % des courées

ont un ensoleillement nul 34 % des courées

ne voient le soleil que deux heures par jour

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Nous sommes convaincus: il est temps d'engager la bataille contre les taudis. Cette tare doit disparaître.

Le cri d'alarme lancé par Jules CLAUWAERT dans son éditorial d'octobre 1969 se termine par cette question: "Comment invoquer des raisons conjoncturelles d'austérité quand on sait que des hommes et des femmes, le soir, se demandent comment protéger leurs enfants contre les rats?"

En 1955, un recensement effectué par les services d'hygiène de cette époque confirme la gravité de la situation et apporte les données suivantes:

Logements 9 584 dont état moyen 5 972 état médiocre 2 816 à démolir 746 En 1970, le recensement donne :

Logements 6 848 dont état moyen 2 518 état médiocre 2 368 à démolir 1 962

En 15 ans, 2 736 logements ont été démolis. On peut considérer que la situation n'a fait que se dégrader puisque le nombre de logements en état moyen est allé en diminuant et que le nombre de logements à démolir représente en 1970, 28,6 % contre 7,8 % en 1955.

En procédant à ces recensements, la municipalité veut "réunir les conditions nécessaires à une approche des solutions propres à régler le problème posé par l'habitat insalubre dans les courées de Roubaix. "1

Les enquêtes se multiplient. Une autre étude réalisée par le même organisme, fait apparaître que les courées représentent des logements d'accueil pour des populations marginales et défavorisées.

Un recensement effectué par le Ministère de l'Equipement sur l'habitat insalubre en 1970 relève l'existence de 4 811 étrangers en courées sur une population globale étrangère de 15 700, soit plus de 30 %.

"Il s'agit, certes, de familles françaises défavorisées, mais surtout depuis quelques années, de population étrangère".

L'étude fait ressortir que "le % des étrangers habitant les courées doit augmenter dans les années à venir et que ces dernières constituent à maints égards un lieu de refuge privilégié pour eux." De fait, en 1975, on en dénombrera 7 892 sur une population globale de 22 500.

Les habitants des courées sont la plupart du temps:• Des personnes âgées ayant un minimum de ressources, payant un petit loyer ou

ayant acquis leur maison, mais n'étant pas en mesure d'y faire les travaux nécessaires

• Des travailleurs migrants généralement chargés de famille nombreuse • Des cas sociaux • Des marginaux • Des squatters C'est-à-dire, concluent les enquêteurs, toute une population incapable d'améliorer son

habitat et qui même, très souvent, dégrade les logements jusqu'à une situation irréparable. Il apparaît que la suppression de l'habitat insalubre en cour, réduirait considérablement

l'arrivée des étrangers, notamment maghrébins, pour lesquels cet habitat présente incontestablement un accueil privilégié.

Toutes ces données feront naître une nouvelle dimension.

1 Source CRESGE: Centre de Recherches et d'Etudes Sociologiques, de Gestion et d'Economie

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L’entrée dans la politique urbaine

Depuis toujours, dans les villes, on trace des rues, on construit des maisons, on crée, on détruit des quartiers, mais comme le dit Didier CORNUEL1, ce n'est que depuis les années 60, en France, que l'on pose ces questions comme problèmes urbains; la politique, en tant que gestion des rapports sociaux, va traiter globalement les diverses tensions qu'elle rencontre dans le domaine du logement: elle se fait urbaine.

Carlos VAINER, un sociologue qui s'est intéressé à la dimension humaine de la ville2, cite FUSTEL de COULANGES, l'historien auteur de "la cité antique", s'attachant à distinguer cité et ville: " Les deux termes "civitas"(cité) et "urbs" (ville) évoquent, chacun à leur manière, la rencontre, la réunion. La cité était l'association religieuse et politique des familles et des tribus, la ville, le lieu de réunion, le domicile et surtout le sanctuaire de cette société."

Selon Yves CHALAS, un autre chercheur, la ville apparaît comme le lieu de rencontre entre des hommes venus de terres différentes; elle est le résultat d'une histoire.

Cependant, par-delà les conflits, les révoltes, les célébrations, la ville affirme, non pas un passé congelé, mais l'histoire comme transformation. Sur ce point, l'évolution de la construction de logements à Roubaix, nous éclaire bien sur le phénomène général et caractéristique des changements qui ont affecté les relations entre la vie sociale, le monde urbain et la politique.

Jusqu'à la guerre 1914-1918, et même jusqu'en 1920, on note la construction de logements individuels, essentiellement établis sur le modèle des courées, réalisés par de petits propriétaires.

Signalons que les grandes maisons bourgeoises ne sont apparues qu'au début du XXème

siècle, notamment les grandes bâtisses du boulevard de Paris. Le patron, qui au début de l'essor industriel habitait dans son entreprise ou à proximité de celle-ci, tant la marche de l'usine et sa vie personnelle étaient confondues, comme nous le disions plus haut, va s'éloigner vers la périphérie avec l'apparition de nouveaux rapports entre les classes sociales.

Les petits propriétaires sont relayés, jusqu'à la seconde guerre mondiale, par de grandes entreprises, mais surtout par des offices publics.

Après la victoire de 1918, le besoin de logements se fait pressant et un nouveau quartier va naître de la volonté des administrateurs de l'office des H.B.M. (Habitations à Bon Marché)3 lors de sa séance d'installation présidée le 21 novembre 1921 par Jean LEBAS, maire de Roubaix.

Ce quartier de 13 hectares est une extension de la ville. Le nom de Nouveau-Roubaix lui sera donné quand les nouvelles constructions iront s'élever sur les derniers terrains consacrés à la culture.

En 1967, Michel VASTEL, journaliste à Nord-Eclair, a réalisé un reportage4 sur ce quartier assez méconnu, délimité par l'avenue LINNE, l'avenue Gustave DELORY, l'avenue MOTTE et la rue Louis BRAILLE.

Cet article a retenu notre attention à plus d'un titre. Si l'auteur exprime, avec humour d'ailleurs, sa vision du quartier à cette époque, il met surtout l'accent sur des critères sociaux et humains dont on parle peu dans ces années-là et que l'on pourrait résumer ainsi: "bâtir ne suffit pas".

Nous avons également recueilli des éléments historiques à l'Observatoire Urbain de Roubaix 5.

1 Didier CORNUEL: Le mirage urbain 2 Gouvernances n° 80-81: Les annales de la recherche urbaine 3 Les Offices public d’Habitations à Bon Marché sont instituées en 1912. Ils deviendront Offices Publics d’Habitation à Loyer Modéré après la seconde guerre mondiale 4 Nord-Eclair du 17 avril 1967 5: mémoire de madame Ghislaine KHELIFI-CAVRIL : I.U.T B Carrières Sociales 1990 Projet de quartier 1985: Nicole PAVY

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Dans le cadre de ces recherches, nous nous devons d'évoquer Louis LOUCHEUR, grande figure roubaisienne dont l'action dans le domaine social mérite d'être retracée1.

Pour Michel VASTEL, notre observateur de 1967, ce quartier a une originalité: tous les types de logements y sont représentés.

• de grands collectifs H.B.M. construits entre 1924 et 1931, répartis en 7 immeubles

• des maisons individuelles H.B.M. construites grâce à la loi LOUCHEUR • des collectifs H.L.M2. plus récents (1950) : le quartier des peintres • des petites maisons de la Cité du Chemin Neuf • un immense immeuble, l'Eperon, rue Henri REGNAULT

"On se croirait dans une banlieue résidentielle", note-t-il: "square des Platanes, allée Verte, rue du Chemin Neuf, et dans quelque catalogue de musée: Renoir, Van Dyck, Léonard de Vinci, Raphaël, Fragonard, Rubens…"

Ayant entamé sa visite par un après-midi ensoleillé, le journaliste avait émis l'idée d'appeler ce quartier: "La cité radieuse", en hommage sans doute à LE CORBUSIER! Une cité qui apparaît suréquipée: une poste, un centre social, un centre médico-scolaire, un foyer pour vieillards,toutes sortes de commerces. "Cet espace ne ressemble-t-il pas à quelque paradis perdu", s'interroge-t-il?

Mais ayant visité "ces courées à l'échelle du XXème siècle" que sont les H.B.M., (précisons que nous sommes en 1967 avant leur réhabilitation) et après avoir rencontré quelques habitants, il se rend à l'évidence: ce quartier enchanteur était bien le paradis terrestre, mais avant le péché originel!

La suite de l'article nous interpelle. Peut-on se contenter de loger les gens? Se pose alors la question essentielle: quel souci a-t-on de l'homme et en particulier des jeunes en construisant un nouveau quartier?

1 Source: archives de monsieur et madame Lucien DELVARRE 2 Habitation à Loyer Modéré.

Louis LOUCHEUR est né le 12août 1872, 10, rue Saint-Jean à Roubaix. Ministre du Travail et de la Prévoyance Sociale de 1926 à 1930, il est l'un des instigateurs de la loi sur les assurances sociales d'avril 1928. Précurseur du logement social, selon monsieur Georges VERPRAERT, il déclare dès 1921, qu'il faut construire en France, en 10 ans, 500 000 maisons pour les ouvriers et les petits rentiers, tant à la ville qu'à la campagne.

La loi qu'il dépose en 1928, dite loi LOUCHEUR, va dans ce sens en établissant un programme de construction d'habitations à bon marché grâce à des subventions d'état et des prêts avantageux. Une rue, dans le quartier de la Justice, et un lycée professionnel de Roubaix portent son nom; une plaque imposante sur la façade de sa maison natale rappelle son action.

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On peut faire deux remarques:

� Le brassage des populations est très difficile, sinon impossible. Les cadres moyens se trouvent à la frange de la cité. Ils ne s'installent là que pour une période transitoire et ne pensent qu'à se faire construire une maison individuelle à Flers ou à Croix.

� Rien n'a été fait pour favoriser les contacts: pas de salle de réunions digne d'un quartier qui regroupe ¼ de la population roubaisienne. Quand on a commencé à construire, il y a trente ans, personne n'a pensé à la détente et aux loisirs; On peut, certes construire agréablement, mais il faut aussi répondre à d'autres besoins. L'accession à des logements plus confortables en évoque de nouveaux qu'il faudra un jour satisfaire. On ne peut pas se borner à loger, il faut prendre en compte l'humain.

Voulant approfondir sa réflexion, le journaliste s'intéresse alors à l'action du P.A.C.T.1. Cet organisme, à qui on a pu reprocher de faire du paternalisme, s'occupe dans tous les domaines, économique, social, culturel, d'une clientèle pauvre. Il joue sur les populations les plus défavorisées un rôle d'éducation. En installant l'eau dans un taudis, on n'améliore pas seulement un logement, on doit apprendre aux locataires à ressentir de nouveaux besoins, éveiller en eux le désir d'améliorer leurs conditions de vie et les aider à obtenir un nouveau logement auprès des H.L.M. ou du C.I.L2. Si les clients des H.L.M. ne sont pas mûrs pour pénétrer dans un logement neuf, c'est au P.A.C.T. de les préparer à cette mutation.

"En l'occurrence, c'est le P.A.C.T. lui-même qui décide de son action en fonction de la clientèle", conclut Michel VASTEL.

Ces réflexions, à notre sens, aideront à la mise en place, dans les années 1980, des équipes opérationnelles, notamment à l'Alma-gare et au Pile. Elles s'occuperont à la fois du bâti, du social, de l'économique et de l'environnement, ce que nous appellerons dans le cadre du P.L.D.S.3, les 4 axes d'intervention.

Donnons à présent la parole à des anciens du quartier, en particulier à monsieur et madame Lucien DELVARRE.

Madame DELVARRE est arrivée dans une H.B.M. de l'avenue Motte en 1930, à l'âge de 10 ans. Cette artère, tracée en 1892, s'appelait à l'origine avenue des Villas. Elle devient avenue Motte en 1908.

"En 1930, raconte madame DELVARRE, un train de marchandises passait, tous les jours à 11 heures devant le commerce de mes parents et s'arrêtait à la gare de débord située à peu près en face du boulevard de Fourmies".

Un article des flâneurs retrace la petite histoire de ce train éphémère.

1 Propagande pour l’ Action Contre les Taudis : organisme créé en 1954 2 Comité Interprofessionnel du Logement : créé en 1943 sur l’initiative de l’Union Patronale du Textile et de la Mairie. 3 PLDS : Plan Local de Développement Social des quartiers. Création de la Commission Nationale pour le Développement Social des quartiers en 1981

Immeuble H.B.M. au coin du boulevard de Fourmies et de l’Avenue MOTTE.

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C'est en 1910 que le Conseil Municipal étudie la création d'un prolongement de la ligne de chemin de fer partant de la gare du Pile en direction de Hem. L'idée était de desservir les usines qui s'implanteraient le long du boulevard Industriel, qui deviendra avenue Roger SALENGRO, et de l'avenue MOTTE.

Il est vrai que, à l'époque, des industriels roubaisiens recherchaient des terrains pour y construire les usines que nécessitait le développement de leurs affaires.

Ce projet, adopté en 1914, repris en 1920, n'est réalisé qu'en 1930. Mais la circulation du train le long de cette voie, entrecoupée de carrefours dangereux, est difficile. L'activité reste d'ailleurs modeste, un seul train par jour, et la ligne est supprimée au bout d'une dizaine d'années.

Autres souvenirs: Nelly et sa sœur Hélène sont nées dans les H.B.M. du boulevard de Fourmies, Hélène y

habite toujours, Nelly lui rend visite chaque jour. Elles y font leurs courses, c'est leur quartier, c'est là que se trouvent leurs racines.

"Enfants, nous avons grandi dans cet univers particulier que constituaient ces immeubles au cœur de la campagne. Du boulevard de Fourmies à l'avenue Delory, il y avait des prés, des champs et on voyait des familles pique-niquer sur les bords de l'avenue.

Vue champêtre des immeubles H.B.M à partir des terrains longeant l’avenue Gustave DELORY

Chaque immeuble avait sa cour intérieure. C'était le terrain de jeu pour les enfants, le point de rencontre des adultes. Le soir, chacun avait sa chaise basse, on lui avait coupé les pieds. Les mamans tricotaient, les hommes parlaient, les plus âgés racontaient des histoires du passé…. Dans la journée, les chanteurs des rues, des hommes avec un petit âne pour les promenades, et surtout les commerçants ambulants entraient dans la cour avec leur charrette à bras. On sonnait de la corne, de la crécelle, et, le panier ou le pot à lait, contenant le porte-monnaie ou les quelques pièces descendait des balcons au bout d'une corde. On commandait à distance, et la livraison remontait, tirée par des mains habituées.

L'été, les enfants jouaient sur les terrains laissés vacants entre la rue Rubens et la rue Jean Macé. L'hiver, les escaliers des immeubles accueillaient toute une marmaille et on sortait poupées, papiers, crayons, on jouait à l'école, la maîtresse sur le palier, les enfants sur les marches, on y était bien…

La solidarité était très forte entre voisins; un décès, et toutes les TSF se taisaient; une fête, et le bruit de celle-ci n'amenait pas de récrimination, de querelles. On avait chacun son tour de nettoyage des escaliers et pas de problème, c'était fait régulièrement et bien fait. Tout y passait, les marches, le seuil d'entrée, le caniveau. On se connaissait tous et on ne sortait pas beaucoup du quartier.

Rarement, on allait à la Grand Place, on restait entre nous… Les habitations étaient confortables, on avait un WC extérieur sur un grand balcon, une grande cuisine qui était la pièce de vie, une cave. Au sol, dans les chambres, c'était du plancher mais, récuré chaque semaine, il était blanc comme neige… Cela devait être bruyant pour les voisins, cependant, on n'avait jamais de plainte… On était bien, on travaillait, on n'était pas riche, on vivait."

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Lucien, quant à lui, insiste sur l'innovation que constituaient les H.B.M. "Les logements ne méritaient pas le nom de cages à lapins, dit-il. On disposait de l'eau

sur l'évier et de l'électricité. Rendez-vous compte, dans mon ancienne habitation, il fallait aller chercher l'eau dans la cour et on n'avait que le gaz! Vraiment, là, on était bien. Mais ces bâtiments ont vieilli, les logements n'avaient pas de salle de bains, ils ne se louaient plus. Il fallait faire de grosses réhabilitations. On a émis l'idée de transformer l'îlot 1, le plus beau des 7, pour en faire un bâtiment pour les personnes âgées. On a étudié les travaux à effectuer, les délais se sont allongés, deux ministères se sont succédé et … ça s'est dégradé. Des logements ont été squattés et incendiés. On a fini par raser l'immeuble. Un gâchis!

La réhabilitation a commencé en 1984", conclut-il en nous montrant quelques diapositives parmi les 2 500 dont il dispose.

Souvenirs précieux, mémoire du quartier!

Après 1945 se met en place une politique volontariste menée par le patronat local qui associe les organisations ouvrières dans le C.I.L (Comité Interprofessionnel du Logement). Cet organisme réalise la très grosse majorité des logements H.L.M. de l'agglomération.

On assiste à plusieurs changements, explique Didier CORNUEL1: "Aller du privé au public en passant par l'organisation professionnelle paritaire représente le changement de constructeurs, et aller du neuf à la reconstruction en attendant la réhabilitation correspond à un changement de type des constructions!"

Dans le même temps, on remarque que les 15 années qui suivent la guerre sont celles de la transition entre une industrie textile répartie entre entreprises familiales moyennes et l'industrie des grands groupes.

Pour comprendre les processus qui ont abouti à la création du C.I.L., avec toutes ses composantes, il nous faut revenir sur un mouvement patronal de l'entre-deux-guerres, le Consortium.

En 1920, s'érige un véritable bastion patronal: le Consortium Textile de Roubaix-Tourcoing. Il regroupe 372 firmes. Deux hommes le symbolisent: Joseph WIBAUX et Désiré LEY.

Le premier objectif est d'améliorer matériellement et moralement les conditions des ouvriers et des employés, donc de mettre en place une institution purement sociale. Les historiens s'accordent pour souligner une réalisation allant dans ce sens, celle des allocations familiales. Cette mesure, instituée au lendemain de la guerre 14-18 par l'association "La Familia", est développée par le Consortium. Citons Eugène MATHON, président de l'organisation, qui déclare en 1922: " Si monsieur LEY a réussi, c'est qu'il aimait profondément la classe ouvrière et que cette dernière s'est rendu compte qu'elle avait en lui un véritable ami. Fidèle interprète de la pensée patronale, il a su faire comprendre que la bonté n'excluait pas la fermeté, qu'au-dessus de tout et de tous, il y avait la justice, une ferme volonté de faire régner la paix sociale."

1 Ouvrage cité

Les baraques. Situées avenue Motte, en face des H.B.M, ces baraquements sont les restes des constructions faites pour les soldats anglais en 1918.

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Mais les patrons se sont vite aperçus que l'union fait la force lors des grèves et font adopter une attitude résolument offensive dans tout conflit touchant une usine adhérente. La pression du patronat s'exerce notamment en 1930 et 1931, ce qui provoque une réflexion menée par un nouveau mouvement réunissant de jeunes patrons: la bourgeoisie chrétienne, qui s'inspire de la doctrine sociale de l'Eglise.

La politique du Consortium liait étroitement l'attribution d'avantages à la production et au comportement de l'ouvrier. Cela s'est révélé inefficace et dangereux pour la paix sociale, et le consortium s'éteint.

En 1942, Bernard d'HALLUIN regroupe l'organisation éclatée en une seule entité: le Syndicat Patronal Textile, dont il assure la première présidence.

Un patron de 33 ans, Albert PROUVOST, se retrouve à la tête de la commission logement et envisage alors la mise en place d'une allocation logement. Cette initiative débouche sur le projet de création du C.I.L. en 1943.

Cet industriel écrit d'ailleurs: " Loger le personnel a toujours été l'un des soucis du textile du Nord. Cette préoccupation répond à la fois aux exigences humanitaires chrétiennes dont les grandes familles se réclament, et aussi à une nécessité économique: pouvoir disposer d'une main d'œuvre non fluctuante et proche de l'usine."1

Tout repose sur le Syndicat Patronal et les organisations syndicales: la C.G.T. est représentée par Gabriel TETAERT et la C.F.T.C. par Robert PAYEN. On se met à la tâche avec le plein assentiment de la municipalité de Roubaix. L'accord, premier acte du paritarisme roubaisien, est signé dans le bureau du maire Victor PROVO.

Les premiers statuts du C.I.L. (1946) déclarent que l'association avait pour objectif "la mise en œuvre de tous moyens appropriés pour la suppression des logements insalubres, notamment pour la construction, éventuellement la réparation, de maisons d'habitations individuelles agrémentées de jardins répondant aux besoins de la vie familiale des travailleurs".

Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ2, s'attachant à comprendre la pensée fondatrice du C.I.L. soulignent que sa structure et ses objectifs s'inscrivent dans la perspective de la construction d'un "monde nouveau". Cette démarche, favorisée par les conditions exceptionnelles de la guerre, est commune aux patrons et aux organisations ouvrières.

"Il s'agit bien de paritarisme: les décisions sont prises par les patrons et les salariés. Le C.I.L. est l'affaire de tous ", a écrit Albert PROUVOST.

1 Albert PROUVOST: Toujours plus loin 2 D. CORNUEL et B. DURIEZ: Histoire du C.I.L. de Roubaix-Tourcoing

Victor PROVO: de la courée à la mairie, un mandat de 35 ans. Né le 30 août 1903 à Wattrelos, il est le fils d'un ouvrier textile. Il sera lui-même trieur de

laine, puis employé de mairie. Victor PROVO assume pendant la guerre la direction des services de ravitaillement à Roubaix. Maire de Roubaix, nommé le 3 juillet 1942 pour succéder à Jean LEBAS, il est confirmé dans cette fonction à la Libération, compte tenu de ses états de service dans la résistance aux côtés de Jean LEBAS, jusqu'à la déportation de celui-ci, et d'Augustin LAURENT. Il sera maire jusqu'en 1977, député du Nord de 1952 à 1958.

C'est un homme de terroir dont Jean PIAT a retracé la vie. "Le petit Victor a habité dans la cour SOUHAN, rue CARNOT à Wattrelos. Il a connu ces maisons modestes sans équipements: ni eau courante, ni gaz, ni électricité. Ces maisons, dites de tisserands, ces courées populeuses ont été le 1er univers du futur maire de Roubaix."

" C'est là que j'ai fait l'apprentissage de la vie ", dira Victor PROVO plus tard. J'y ai appris la grandeur de la solidarité, car en fin de compte, là vit l'âme d'un peuple et se manifeste ce qu'il y a de meilleur dans l'homme: le cœur. Nous ne retrouverons jamais, je le crois et je le crains, cet immense réservoir d'humanité qui existait dans nos courées malsaines et insalubres."

Coïncidence de la vie: Victor PROVO est décédé en 1983 à la veille du 40éme anniversaire de la création du C.I.L.

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Le président fondateur poursuit avec éloquence: "En regard du C.I.L., il fallait construire la paix sociale. Il n'y avait pour cela pas de méthode plus efficace que de s'atteler ensemble. La phrase de SAINT-EXUPERY: Force-les à bâtir ensemble et tu les changeras en frères, fournit une devise au mouvement. La gestion paritaire demeure le plus grand geste d'apaisement social qu'aura connu notre génération."

Dans la B.D. consacrée à Roubaix1, les auteurs soulignent que le C.I.L. construit 4 000 logements entre 1948 et 1962. Sa première réalisation est inaugurée en 1949 au Galon d'Eau.

Dans son livre de souvenirs, Albert PROUVOST raconte qu'on se met à utiliser les parpaings qu'il a découverts aux U.S.A. et qui seront fabriqués dans une usine du Nord.

Victor PROVO2, un des protagonistes de cette période, a écrit: "Je me rappelle avoir dit quelquefois que, tous, plus ou moins, nous faisions de la politique, que tous, plus ou moins, nous avions uneopinion philosophique, que tous, plus ou moins, nous défendions nos opinions avec force, mais que nous ne sommes pas toujours sûrs que les idées que nous défendons, seront éternelles. Mais il y a une chose sur laquelle nous sommes sûrs de ne pas nous tromper, c'est lorsque nous tenons au bien-être de la population, c'est lorsque nous lui offrons un logement sain et agréable. Nous avons mis sur pied le C.I.L., et je dois dire d'ailleurs que nous avons bien fait."

Comme l'a écrit Maurice LECLERCQ3, à cette époque, le travail ne manque pas. L'historien nous apprend que, entre Albert PROUVOST, président du Syndicat Patronal Textile, et Victor PROVO, maire socialiste, le courant passe bien; les deux hommes se sont connus pendant la guerre sous leur nom de résistance: "Jean-Bernard", le jeune patron, a rencontré "mademoiselle Anastasie", le maire délégué. L'un et l'autre s'entendront bien pour travailler à une cause commune: l'amélioration du logement.

" Le paritarisme est la baguette magique du C.I.L. La double représentation, ouvrière et patronale, crée une espèce de tension fructueuse, source de progrès, à partir de responsabilités communes:" a écrit Robert PAYEN en 1972.

Et le paritarisme rejoint l'humanisme.

Citons Maurice HANNART, président du Syndicat Patronal Textile en 1962 qui en donne cette définition: "Des institutions à portée d'hommes, des hommes qui s'acceptent dans leur complexité, c'est cela pour nous le paritarisme, et non je ne sais quel nouvel opium de la classe ouvrière imaginé pour la sécurité des bourgeois. C'est tout le contraire du repos et de la tranquillité d'esprit. C'est une lutte permanente contre la peur de prendre en charge les autres, contre la peur de l'avenir. C'est aussi et plus encore, une ouverture du cœur et une honnêteté d'esprit qui interdisent tout autant les calculs sordides que les illusions généreuses. Ce n'est pas une technique. C'est une foi."

Maurice LECLERCQ conclut son étude sur le paritarisme à "la mode roubaisienne" en signalant que cette expérience a attiré l'attention de deux présidents du Conseil, Pierre MENDES-FRANCE et Edgar FAURE. Lors de sa visite, le premier déclara aux acteurs: " Vous avez montré la voie à prendre sur ce modèle fondamental et rendu de grands services au pays."

1 Roubaix depuis toujours: C. LEMAIRE et O. MANGIN 2 Photographie : archives municipales 3 Maurice LECLERCQ: de la mule-Jenny à l'ordinateur. Editions Vent du Nord

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René COTY, venu à son tour percevoir la réalité du terrain, souligna à cette occasion que cette initiative ferait date dans l'histoire paritaire. Appréciation présidentielle digne d'intérêt sur cette période parfois décriée par des édiles roubaisiens.

Dans ce concert de louanges, une note discordante va remettre le paritarisme en question.

En 1983, Emile DUHAMEL se rend au "Mercure" où se déroule le 40ème anniversaire du C.I.L.. La salle est décorée d’une immense photo d'Albert PROUVOST et de Victor PROVO se serrant la main. Le responsable communiste se sent outragé et quitte les lieux. Il rédige alors un de ces articles "coups de gueule" dont il est coutumier, dans lequel il dénonce la collusion du patronat et du P.S., au travers du logement. Pour lui, 1943 est une année charnière dans l'histoire de Roubaix.Le patronat comprend qu'il lui faut être en position de force dès la libération. "Adieu le Consortium, bonjour le Syndicat Patronal Textile!" ironise Emile DUHAMEL.

Et 1943 voit la naissance du C.I.L. L'élu dénonce alors, dans la suite de l'article, la complaisance et même la complicité de la municipalité. "Cette année-là, la ville de Roubaix qui, sous Jean LEBAS, n'aurait pour rien au monde laissé à d'autres le soin de construire des logements, cède à la séduction des sirènes du paritarisme et consent au patronat le droit de loger ses salariés."

Pour Emile DUHAMEL, il s'agissait d'une volonté de monopole: " Pour avoir un logement, il fallait faire partie d'une entreprise qui cotisait." Il ajoute dans une envolée de grand style: " En 1892, on pouvait dire que Roubaix était La Mecque du socialisme. En 1943, elle était devenue la Mecque de la collaboration de classe."

Et de conclure: "Peu à peu, entre la ville et le patronat, on est passé de l'Entente Cordiale à l'Union Sacrée, qui s'est concrétisée en 1959 par la constitution d'une municipalité socialo-centriste, comprenant des représentants notoires de la droite la plus rétrograde."

Evidemment, Emile DUHAMEL ne fait pas dans la dentelle. Citons pour conclure le journaliste de Nord Eclair qui a fait paraître l’article: " Décidément, le passé, quand il touche de si près au présent, a la peau dure!"

Au terme de cette étude sur l'évolution de la construction des logements, et les relations entre le social et le politique, avec notamment la création du C.I.L., nous pouvons aborder la période de la fin des années 50 et le début des années 60. Nous le disions plus haut, la question du logement se fait urbaine.

Beaucoup de villes ont eu des interventions sur le tissu urbain, mais les spécialistes s'accordent pour dire que c'est sans doute à Roubaix que l'impact a été le plus important. Quand on parle de restructuration, on parle de deux processus différents, expliquent-ils: la rénovation urbaineet la résorption de l'habitat insalubre.

Les changements de population et les mesures transformant le bâti, induisent des notions que nous aborderons au fur et à mesure.

Trois organismes vont se charger à Roubaix des actions de logements. Le C.I.L, dont nous avons retracé les débuts et qui partait de l'idée sociale qu'on ne peut

pas laisser les gens vivre dans des conditions pénibles, se met à l'œuvre et réalise des logements neufs.

En 1949 sont créées une Commission pour l'Amélioration de l'Habitat (C.A.H.) et une Association pour la Conservation et l'Amélioration de l'Habitat (A.C.A.H.); il apparaît très vite que la viabilité des réseaux d'eau, de gaz et d'électricité dans les courées, n'est pas assurée par les propriétaires. Un accord permet à l'A.C.A.H. d'intervenir sur ce domaine pourtant privé grâce au 1 % collecté par le C.I.L. Il s'agit donc bien de se substituer aux propriétaires et d'entretenir à leur place.

À la même époque est fondé le P.A.C.T. 1 qui est le fruit de ces idées généreuses de l'après-guerre et du rassemblement des bonnes volontés pour la construction d'un monde meilleur prenant en compte les défavorisés et les mal-logés.

1 P.A.C.T. Propagande pour l’ Action Contre les Taudis. Par la suite, le P.A.C.T. ajoutera à son sigle les lettres C.A.L. et deviendra C.A.L-P.A.C.T: Centre d'Amélioration du Logement - Propagande pour l’ Action Contre les Taudis

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Notons également que ces années voient l'émergence du courant des idées de l'Abbé PIERRE dans la société française.

Le P.A.C.T. développe deux composantes: une action matérielle faite par des jeunes bénévoles (dont beaucoup sont issus de la bourgeoisie) qui, pendant leur temps de loisirs, retapent de vieilles maisons, notamment celles de personnes âgées, et une aide morale aux personnes isolées.

On côtoie également, dans ces années-là, les courants de pensée de la démocratie chrétienne. On peut même parler de culture J.O.C. 1à base de militantisme et d'engagement; issus de ces mouvements, les A.P.F. (Associations Populaires des Familles), dont nous parlerons plus tard, ont aussi cette origine chrétienne.

Progressivement le P.A.C.T. prend en compte la gestion des courées laissées dans un état déplorable par leurs propriétaires. C'est ainsi qu'il devient le spécialiste pour le logement de deux catégories de population: celle des bas revenus et celle des immigrés.

Est fondée ensuite, sur l'initiative du C.I.L. et du P.A.C.T, la S.A.R.H.NORD (Société anonyme d'H.L.M. pour l'Amélioration de l'Habitat de la Région du NORD), dont les objectifs sont semblables à ceux du P.A.C.T. L'îlot DELEZENNE, construit au cours des années 80 dans le quartier du Pile, est une réalisation de la S.A.R.H.NORD. Toutefois, cet organisme peut étendre son champ d'intervention au-delà de Lille, Roubaix et Tourcoing.

Si le C.I.L bâtit, il ne rénove pas. C'est au P.A.C.T. qu'est dévolue la réhabilitation de l'ancien, mais il ne s'occupe pas de construction. La S.A.R.H.NORD, elle, fera les deux.

Hormis l'église Saint-Martin, Roubaix n'a pas de patrimoine architectural ancien. Sa superficie est incluse dans un cercle de 5 Km de diamètre et les constructions se sont localisées massivement autour du centre et le long des voies de circulation vers les autres villes. Plus en périphérie, des secteurs qui dans un premier temps étaient réservés à l'agriculture, vont être urbanisés.

Une autre manière de faire sera instaurée, qui consistera à détruire, raser le tout et rebâtir ensuite à la même place. Elle sera mise en oeuvre pour les quartiers anciens.

Dans un premier temps, on démolira un îlot ou deux et de nouvelles constructions verront le jour.

Puis viendra le moment des grandes réalisations, dans lesquelles de nouveaux quartiers apparaîtront et où d’autres changeront complètement de visage. Il existe encore dans la ville, deux secteurs vides ou peu urbanisés, ce sont les Hauts-Champs et les Trois-Ponts. Ils serviront en partie à accueillir les habitants dont les maisons sont incluses dans les processus de rénovation, les Longues-Haies dans les Hauts-Champs et l'Alma aux Trois-Ponts.

En ce sens, la rénovation urbaine est rupture, elle est dissolution d'une population accueillie ailleurs.

1 J.O.C. jeunesse Ouvrière Chrétienne

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Immeuble de la rue Henri Regnault encore appelé "l’éperon" en raison de sa forme.

Les premières réalisationsLes premières réalisationsLes premières réalisationsLes premières réalisations Parmi tous les bâtisseurs qui ont modelé le nouveau visage de Roubaix, deux sortent du

lot par l’ampleur de leurs réalisations et la durée de leurs actions. Il s’agit de l’Office Municipal des Habitations à Loyer Modéré de la Ville de Roubaix, plus communément appelé H.L.M, et du Comité Interprofessionnel du Logement, le C.I.L.

Dès 1945, ces deux organismes vont œuvrer, souvent de concert, pour donner à la ville les logements dont elle a besoin.

Les H.L.M vont poursuivre l’action commencée en 1920 au Nouveau Roubaix par l’apport de constructions complémentaires qui se situeront derrière les H.B.M existantes. 200 appartements , répartis en 15 immeubles sont édifiés de part et d’autre de la rue Ingres et mis en location en 1960 ; à cela s’ajoutent 51 logements rue Horace Vernet, 32 autres rue Henri Sellier et 20 maisons avenue Linné.

Dans le même secteur, toujours sur des terrains inoccupés, 222 appartements voient le jour, en 1958, rue Henri Regnault,1 133 appartements répartis en 4 immeubles, rue Carpeaux, sont achevés en 1961.

En 1962, deux immeubles boulevard de Reims, un foyer de personnes âgées, avenue Linné, clôtureront les constructions dans le secteur sud de la ville.

Si les H.L.M. ont beaucoup bâti dans ce secteur, on leur doit également les appartements de la rue Stephenson à l’Alma, les appartements et le foyer de personnes âgées du Hutin, 228 logements à Carihem et le foyer de jeunes travailleurs de la Grande Rue.

Quel bilan ! Mais ce n’est pas terminé. Les H.L.M vont prendre une part active dans la reconstruction

des quartiers à Roubaix. Ils produiront encore 637 appartements entre la rue de Lannoy et la rue Pierre de Roubaix dans le cadre de l’opération Anseele, et 700 appartements dans le cadre de l’opération des Trois-Ponts.

Le C.I.L. fut lui aussi un bâtisseur hors norme. Né en 1943 de par la volonté de Victor PROVO et des représentants du patronat roubaisien, il s’est vite développé et s’est étendu à toute laFrance. A la fin de la guerre, il se lance dans la construction de logements qui seront dans un premier temps des maisons individuelles. Cette pratique durera tant que des terrains disponibles le permettront.

En 1948

• 10 maisons à la Justice • 87 à la gare de débord (face aux H.B.M de l’avenue Motte) • 9 maisons aux Trois Baudets

1 Photographie des archives du Ministère de la Construction. Information municipale septembre 1970

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• 118 appartements au Galon d’Eau

Le Galon d’Eau.1

Première réalisation d’envergure, ce collectif de est édifié à la place de la friche Allard Rousseau.

Il est le premier enchaînement démolition - reconstruction. Cette pratique sera celle que le C.I.L. mettra le plus en œuvre dans les années 50, et ce avec bonheur.

En 1949

• 140 logements dont 110 maisons au Nouveau Roubaix

En 1950

• 137 logements, dont 83 maisons individuelles au Pont Rouge • 152 appartements à la Potennerie.2

1 Photographie : archives du CIL. Information municipale septembre 1970 2 Photographie des archives du Ministère de la Construction. Information municipale septembre 1970

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Le Fort Mulliez, construction vétuste, est rasé au bulldozer pour faire place à un ensemble locatif qui est le premier à se situer à proximité du centre ville. Au premier plan, les taudis de l’ancien fort sont encore présents alors que, déjà, les nouvelles constructions émergent à l’arrière.

En 1952

• 39 maisons du groupe Beaumont • le square Destombes et ses 88 appartements implantés dans un îlot de verdure1

En 1953

• extension du groupe du Pont Rouge, avec 133 logements dont 97 appartements • 65 maisons individuelles au groupe Chemin Neuf

En 1954

• extension du groupe de la gare de débord, avec 43 logements • 96 appartements rue de la Rondelle • 20 maisons rue du Caire • 8 maisons à la Mousserie • 30 appartements au Fort Mulliez.2

En 1955

• 172 logements dont 16 individuels au groupe Chemin Neuf • 180 appartements au Hutin • 82 appartements au groupe Fromé • extension du Fort Mulliez, 100 appartements • 60 logements en collectifs au quai de Marseille

1 Photographie : archives du CIL. Information municipale septembre 1970 2 Photographie SCHETTLE et archives du Ministère de la Construction. Information municipale septembre 1970

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En 1956

• extension du groupe Chemin Neuf, 110 appartements • 140 logements square des Près .

Le square des Prés prend la place du Fort Desprets comme le square Mulliez remplace le Fort Mulliez. Dans les deux cas, la démolition a précédé, voire accompagné, la reconstruction1

En 1957

• 110 logements au quai de Bordeaux, • 16 maisons groupe Raverdy • 70 logements individuels aux Hauts-Champs

En 1958

• extension du groupe Fromé, 18 logements en collectifs • 70 appartements boulevard de Metz • 315 logements en collectifs aux Hauts-Champs

En 1959

• extension du groupe Pont Rouge, 6 maisons • 20 appartements boulevard de Metz • 202 logements en collectifs rue du Duc

En 1960

• 36 appartements rue de Jemmapes.

1 Photographie SCHETTLE et archives du Ministère de la Construction. Information municipale septembre 1970

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En 1962

• extension du Chemin Neuf, 40 logements • démarrage de l’opération Anseele, 390 logements en collectifs • extension du square de Prés, 30 appartements

En 1963

• 224 logements au Chemin Vert • 60 logements au groupe Anseele

En 1964

• 80 logements en collectifs aux Trois Ponts

En 1966

• 342 logements en collectifs aux Trois Ponts • 55 appartements rue du Bas Voisinage

En 1969

• 362 logements aux Trois Ponts

Un bilan de plus de 4500 logements pour le C.I.L., de 1500 pour les H.L.M., sans compter les rénovations du P.A.C.T et des petits organismes comme le Toit Familial, le Bien Etre Familial ou la Société Anonyme Roubaisienne d’Habitations Ouvrières.

En 1970, André THIBEAU, adjoint au logement, vice-président de la Communauté Urbaine de Lille et Président de l’Office d’H.L.M de Roubaix, pouvait déclarer dans le Périodique d’information Municipale dont nous nous sommes largement inspirés : " Après plus de vingt ans d’efforts, alors que 9500 logements neufs ont été construits à Roubaix, il reste des demandes à satisfaire…

Une délibération de 1962 demandait à l’Etat de prendre en considération la rénovation nécessaire du quartier Alma-Gare. On s’explique mal que les gouvernements qui se sont succédé depuis 7 ans n’aient pas autorisé cette rénovation dont la nécessité est criante…

L’horizon bouché semble devoir s’éclaircir, la résorption des courées a été confiée à l’ORSUCOMN 1et un crédit important est prévu pour concrétiser l’aide de l’Etat".

1 ORSUCOMN : ORganisme pour la SUppression des COurées de la Métropole Nord créé en 1969

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Les grandes réalisationsLes grandes réalisationsLes grandes réalisationsLes grandes réalisations : Edouard Anseele: Edouard Anseele: Edouard Anseele: Edouard Anseele L'opération Edouard ANSEELE, la première véritable grande réalisation, marquera

profondément le paysage roubaisien. Nous nous inspirerons de l'étude de Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ1, dont nous

louons le travail remarquable, des nombreux articles parus dans la presse locale et des bulletins communaux conservés aux archives de Roubaix.

Le conseil municipal de Roubaix, composé de socialistes, de membres du M.R.P, d'indépendants, de communistes et de membres du R.P.F. (Rassemblement Pour la France) prend la décision de réaliser l'opération de rénovation urbaine de l'îlot Anseele le 14 janvier 1957.

Selon nos deux sociologues, plusieurs raisons concourent à lancer ce programme: • La facilité d'obtention des subventions; on évoque même une opportunité à saisir. • La volonté de reprise en main de l'urbanisme de Roubaix par la municipalité.

Depuis la guerre, il est vrai, elle se contentait d'accorder son soutien et sa garantie au C.I.L. Victor PROVO, lors du conseil municipal du 10 mai 1957 déclare: "En ce qui concerne la rénovation Anseele, il est bien évident que nous serons les maîtres de l'œuvre, c'est sous notre direction, avec notre accord, avec notre concours, que les opérations pourront se réaliser et seulement avec notre concours."

• La situation géographique de ce quartier, proche de la Grand Place et de la place de la Liberté, où siège notamment la Banque de France. Peut-on tolérer longtemps encore, à quelques centaines de mètres de l'hôtel de ville, cette tristement célèbre rue des Longues-Haies, devenue en 1938, rue Edouard ANSEELE?

Quartier Edouard Anseele en 19612

1 Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ : Transformations économiques et restructuration urbaine. 2 Extrait Ravet-Anceau 1961

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Maxence VAN DER MEERSCH, dans "Quand les sirènes se taisent", n'a pas peu contribué à frapper les esprits, non seulement par sa description de la vie en courée, mais aussi par sa narration des grèves de 1931, au cours desquelles de sanglantes échauffourées opposèrent les gardes mobiles aux grévistes: " La rue des Longues-Haies, avec ses courées innombrables, ses vingt mille habitants, toute sa pouillerie et sa misère, est le secteur dangereux de Roubaix. Maisons closes, souteneurs, fraudeurs y abondent. Des Polonais, des Italiens, des Slaves, des Sidis, expulsés de tous les coins, habitent ce quartier de préférence à tous les autres. Et dans cette rue, qui abrite à elle seule le sixième de la population de la ville, les descentes et les interventions de la police sont chose journalière".

Été 1931: de violents affrontements. "Pierre frappait comme un sourd. Il avait au poingdroit une courte barre de fer pointue, dans la main gauche une bouteille de champagne vide. Il tapait sur les têtes avec sa bouteille, enfonçait sa barre dans la poitrine ou le ventre. Malgré tout, il sentait que la résistance des gardes ne mollissait pas. Ils avaient pour eux le nombre et les armes. Ils assommaient les émeutiers à coups de crosse, se jetaient sur eux à trois contre un…"

Ce sont des pages de l'histoire de Roubaix qui sont restées dans la mémoire collective, Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ écrivent d'ailleurs que ce quartier est la mauvaise conscience des dirigeants roubaisiens. Maxence VAN DER MEERSCH a par ailleurs été décrié pour ses descriptions noires de la ville. Ce ne fut qu'après réflexion que le nouveau lycée de garçons, ouvert en 1955, porta son nom.

• Une autre raison vient peser sur le choix de ce secteur. De plus en plus d'immigrés, auxquels l'industrie textile a recours, s'y installent et trouvent là un refuge privilégié, comme le prouvent maintes enquêtes.

Les maisons en courées sont souvent le seul logement possible pour eux. Il faut signaler ici un effet non négligeable de la construction de logements neufs par le C.I.L. Cet organisme, soulignent les historiens du C.I.L, a facilité indirectement la venue des travailleurs immigrés, en permettant le remplacement dans l'habitat vétuste, des ouvriers et employés français dont les ressources rendaient possible l'accession aux logements neufs, par cette population étrangère.

Or, nous sommes au début du mouvement insurrectionnel de libération de l'Algérie, et des affrontements entre factions rivales se produisent, accentuant l'image négative de l'îlot Anseele.Ne parle-t-on pas de "Douar Anseele"!

Alors, utilisant déjà ces métaphores médicales qui feront les gros titres de la presse régionale et nationale en 1969, la Voix du Nord écrit: "Comme un chirurgien arrache d'un organisme malade une tumeur ou un abcès, Roubaix avait décidé d'extirper cette lèpre près du cœur de la cité".1

Cependant, derrière ce discours tenu par la municipalité, pointent les ressorts d'une pensée politique émergente qui fera son chemin et atteindra son apogée sous le mandat de Pierre PROUVOST avec le thème: "Faire à Roubaix une ville nouvelle dans la ville ancienne". Nos élus de l'époque n'hésiteront pas à sortir de la ville, de la région et du pays pour s'inspirer des réalisations extérieures. Le "Roubaix 2000" avec son centre commercial aurait été conçu après la visite de Victor PROVO dans une ville rénovée de Suède.

En agissant à la fin des années 50 sur le quartier Edouard Anseele, la municipalité entend déjà donner un nouveau centre à Roubaix. "On veut recréer le centre, lui donner l'ampleur que l'on est en droit d'exiger d'une ville qui commande une agglomération de plus de 200 000 habitants."2 Il s'agit bien de donner un nouveau visage à Roubaix et de marquer une volonté municipale.

La mythique rue des Longues-Haies traverse le quartier occupé essentiellement par des maisons individuelles. Les entreprises, principalement textiles, se trouvent sur le pourtour et on a pris soin de les exclure du périmètre de l’opération. On relève toutefois quelques ateliers de moindre importance tenus par des artisans. Pour eux, l’opération de rénovation signifie la fin de leuractivité au moins sur le quartier.

1 Voix du Nord du 6 mars 1961 2 Nord Eclair du 10 janvier 1957

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Seules deux usines, l’une au nord et l’autre au sud, qui cessent leur production, sont rachetées, détruites et incluses dans la zone nouvelle d’habitat. Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ notent que la seule grande difficulté rencontrée par les promoteurs est la présence d’une usine de transformation électrique qui ravitaille une partie importante de la ville. Son rachat, dans l’immédiat, serait trop onéreux. On attendra pour la détruire que soient échus les délais d’amortissement du matériel. C’est sur son emplacement que sera construite la 4ème tour de standing qui portera, comme ses consoeurs, un nom d’aviateur.

Ainsi, la surface à traiter, 13 hectares, se prête bien à une action homogène de grande ampleur.

L’opération démarre rapidement. Dès 1961, les 2/3 des logements sont détruits et la reconstruction commence. Les auteurs de l’enquête, dont nous nous inspirons, en soulignent les principales caractéristiques : il s’agit bien d’une opération radicale au cours de laquelle un espace avec ses logements, ses commerces, ses activités industrielles, ses voies de communication et ses habitants est brusquement supprimé. Puis, ce même espace est de nouveau occupé par d’autres logements, d’autres activités, d’autres rues, d’autres habitants.

Il y a là dissolution d’une population et de ses racines, population essentiellement ouvrière, au faible niveau de revenu et de qualification, comme le montrent les statistiques ci-dessous.

Une opération dite "tiroir", consistant à reloger les habitants concernés dans des logements proches ou construits à proximité, avait été envisagée, mais elle fut rapidement abandonnée. Une bonne partie de la population est dirigée vers le nouvel ensemble des Hauts-Champs, dont la construction commencée dans les années 50 s’achève au même moment. 2 500 Roubaisiens dont 650 venus des Longues Haies s’y retrouvent. Les quartiers du Hutin et de la Mousserie accueillent une autre partie des relogés. 1

Il faut noter que des locataires et des propriétaires ont préféré rejoindre d’autres quartiers sociologiquement plus proches, comme la Guinguette, l’Epeule, le Pile. "Ainsi, concluent les deux sociologues, d’une part, un quart de la population des Longues Haies se retrouve à la périphérie, ce qui ne sera pas sans poser des problèmes par la suite, et d’autre part, se trouve renforcé le caractère socialement défavorisé de plusieurs quartiers roubaisiens ".

Reprenons cette interrogation permanente du lien entre la rénovation urbaine et le changement social.

Nous avons évoqué, à plusieurs reprises déjà, cette idée généreuse de promotion sociale par l’accès à un logement neuf. On pense que de nouveaux comportements vont se créer grâce aux nouvelles conditions d’existence et au changement de milieu. Il s’agit là d’un état d’esprit selon lequel l’influence du milieu est un facteur d’évolution.

Toutefois, cela demande généralement un accompagnement qui favorise cette adaptation. C’est ainsi que le service social de relogement, où travaillent quelques personnes prônant ces idées partagées par le P.A.C.T. entreprend de faciliter l’installation des familles et de les aider à répondre aux nouveaux besoins, notamment aux nouveaux modes de consommation (équipements modernes, W.C., eau chaude et froide, chauffage central, entretien, gestion du budget …). Des conseillères ménagères et des assistantes sociales sont chargées de suivre le relogement.

1 Source : Etude C.E.R.T. 1958

Profession du chef de famille % Commerçant 7,6 % Artisan 1,9 % Fonctionnaire 0,7 % Ouvrier qualifié 17,8 %Manoeuvre 44,4 %Inactif 27,4 %chômeur 0,2 %

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Est-il possible d’évaluer l’impact de ces actions menées en direction de la population des Longues Haies accueillies dans les H.L.M. des Hauts-Champs? Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ admettent que de nombreux facteurs influent sur les résultats dans une opération de ce type.

� L’action d'accompagnement n’a-t-elle pas été une justification pour rendre acceptables les départs ?

� Qu'appelle-t-on "suivi" des familles sur le terrain? Quelle en est la fréquence, la durée dans le temps?

� Les comportements peuvent-ils s’adapter sans heurts à la vie moderne et aux progrès qu’elle apporte brutalement ?

� Quand il y a révolution dans le mode de vie, peut-on espérer une évolution dans les mentalités?

Le témoignage de Michel PARENT, aujourd’hui président du Comité de Quartier de Sainte Elisabeth, sur une expérience qu’il a pu vivre lors du relogement des habitants du quartier de la Vieille Madeleine, est éloquent : "Des familles ont été relogées sans préparation dans des appartements avec chauffage, salle de bains,…C’est le paradis ont-elles dit en emménageant. Deux mois plus tard, en recevant les premières factures d’eau et d’électricité, elles ont su qu’elles ne pourraient pas tenir… J’ai vu certaines familles relogées dans des maisons qui déposaient le charbon dans la baignoire ou qui élevaient des poules dans la salle de bains. Plus tard, arrivé à Roubaix, je me suis occupé durant 5 ans de la gestion du centre d’accueil du C.A.L.P.A.C.T. On aidait à remettre en route des familles qui venaient nous voir. Au bout d’un an, on les installait dans un logement. Bien souvent, on les voyait revenir au centre. Elles ne tenaient pas le coup, surtout quand le père n’avait pas de travail…"

Et l’enquête dont nous nous inspirons le confirme : de nombreuses familles des Hauts-Champs se retrouvent en peu de temps acculées à des difficultés de paiement provoquant des coupures d’électricité ou d’eau, des interventions d’huissiers et des expulsions. Elles ne mesuraient pas le coût des progrès mis à leur disposition.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le bien-fondé de l’action sociale, mais on peut s’interroger sur sa démarche. Comment faire œuvre éducative dans un contexte difficile ?

Pour nous aider à approfondir notre réflexion, nous avons demandé à Christian MONTAIGNE, directeur du C.A.L.P.A.C.T. de développer ses idées sur cette délicate question de la promotion sociale.

Homme convaincu et convaincant, Christian aborde d’entrée les aspects éducatifs du problème. "Si des familles ne sont pas partie prenante, on échoue. De même, ce n’est pas parce qu’il y a obligation scolaire que les enfants apprendront nécessairement à lire et à compter. Il faut une vraie volonté de chacun de s’en sortir, et aussi partir des habitants eux-mêmes, afin qu’ils soient acteurs de leur propre devenir ; alors, on peut faire un bout de chemin avec eux.

On leur a dit : on vous déplace et maintenant on va vous éduquer, on va vous donner des assistantes sociales, des conseillères ménagères, alors qu’il ne s’agit pas de faire pour, mais de faire avec. On a sorti les gens de leur quartier, de leur tissu social … Est-ce qu’on a vu avec eux comment vivre cela ? Comment allaient-ils partager leurs angoisses, leurs difficultés ? On leur a donné un produit, mais on ne leur a pas donné la possibilité de réfléchir sur ce qu’ils allaient fairede cet habitat. On ne les a pas aidés à exister ensemble.

Alors, les gens pouvaient-ils évoluer ? Là, non ! La seule promotion sociale réalisable se fait quand les gens se promeuvent les uns par rapport aux autres. Encore une fois, si vous imposez quelque chose, si vous voulez éduquer de manière forte, vous n’y arrivez pas. Attention, trop de social tue le social. Ce ne sont pas des personnes extérieures qui peuvent faire leur cheminement, ce sont les personnes elles-mêmes.

On n’a pas beaucoup avancé. Il est vrai que des gens en échec se retrouvent chez nous, au P.A.C.T. Si on constate de nouveaux comportements, c’est dans les aspects techniques qu’on les voit. Aujourd’hui, la plupart ont digéré le confort; en quelque sorte, ils ont acquis des technicités

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mais ont perdu les valeurs de la solidarité qui faisaient l’esprit roubaisien : que se passait-il dansles courées si ce n’est l’entraide ?"

Peut-on dire avec vous qu’ils ont gagné le chauffage central mais qu’ils ont perdu la chaleur du charbon ?

"Oui, tout à fait, les gens ont besoin de chaleur pour vivre. Encore un point, vous savez, je dis souvent qu’il faut 20 ans pour faire d’un enfant un homme. Il faut la durée mais il faut surtout la participation de celui-ci, il faut qu’il soit acteur, sinon, on va dans le mur.

En tout cas, il faut rechercher dans la promotion sociale, ce qui fait grandir et, comme pour l’éducation d’un enfant, c’est long et cela se fait avec du respect, de l’exigence et de l’affectif".

Nous retrouverons Christian MONTAIGNE avec plaisir quand nous évoquerons les lieux de vie du Pile: Chaleur humaine garantie.

Sans remettre en cause ce type d’action sociale, il faut le relativiser. Il apparaît qu’un certain nombre de familles ont été suivies par des travailleurs sociaux durant plusieurs années et quela ville et les sociétés d’aménagement ont assuré pour elles une aide financière près de 15 ans après leur relogement. Et nous connaissons tous des familles qui, grâce à cette volonté et la persévération des organismes, ont acquis un mode de vie en adéquation avec les attentes de cette politique. Comme disent les travailleurs sociaux, "elles s’en sont sorties".

Le bilan officiel de la société d’aménagement fait état de 5 % de familles réfractaires aux actions entreprises auprès d’elles et qui sont retournées vivre dans un milieu identique à celui qu’elles venaient de quitter et pouvant être considérées comme irrécupérables par la société.

Et les travaux débutent. Expression consacrée à l'époque: on rase tout et on refait autre chose.

"A la place, ainsi libérée, 1550 logements sont construits. Le long du boulevard de Belfort s’élèvent 4 tours de l’Office Municipal d’H.L.M. L’opération Edouard ANSEELE a débuté, il y a dix ans et on approche de la phase finale", lit-on dans les journaux de 1971.

Photographie la Voix du Nord 1971

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A côté du centre commercial Roubaix 2000, dont nous parlerons, la Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts (S.C.I.C.), qui a installé sa direction générale à Paris dans l’immeuble Montparnasse, construit 4 tours de 19 étages qui formeront la résidence des aviateurs. Mais tous ces bâtiments ne forment qu’une partie de l’ensemble de l’opération de rénovation urbaine.

Les tours de la S.C.I.C., qui lancent vers le ciel leurs lignes verticales, sont hautes de 55 mètres ; elle offrent des appartements, à louer ou à acheter, d’un excellent standing où, selon la presse de l’époque, tout a été parfaitement étudié et conçu pour vivre pleinement à l’aise : agencement, décoration, revêtements, étage réservé à la vie collective…, bref des commodités exceptionnelles qu’on n’a jamais vues à Roubaix !

Bien évidemment, les différences avec la population antérieure sont importantes, notent les deux sociologues : les ouvriers sont partis et remplacés par des employés et des cadres ; la population étrangère ne représente plus que 2 % : accéder à une H.L.M. était impossible et les tours de la S.C.I.C. sont destinées à une toute autre population que celle des courées.

On peut dire qu’il y a sur-représentation des classes moyennes (cadres moyens et employés) et sous-représentation ouvrière. "Il y a bien eu transformation sociale dans ce secteur de Roubaix", concluent nos enquêteurs.

Composition socioprofessionnelle de la population active de l’îlot Edouard Anseele en 1968

En % Patrons

indépendants et

commerçants

Professions libérales et

cadres supérieurs

Cadres moyens

Employés Ouvriers Autres catégories

socioprofessionnelles.

Immeubles C.I.L. 450 logements 604 actifs

1,9 11,25 30,2 32,1 24,5 0,05

Immeubles O.M.H.L.M. 450 logements 618 actifs

4,2 4,4 16,5 27,5 33,8 13,6

Michel CONSTANS, ancien adjoint au maire à l’urbanisme, habite une des quatre tours. Pour lui, celles-ci constituent le meilleur rapport qualité-prix en terme de logement. Loin de manier "la langue de bois", il reconnaît qu’il y a eu choix politique et volonté de modifier l’image de Roubaix. Et c’est bien ce que concluent Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ en 1975 : "les tours d’Edouard Anseele montrent le Roubaix de demain, à côté de l’usine MOTTE-BOSSUT, image du Roubaix d’hier".

Signalons que ce château fort de l’industrie textile a failli être détruit. On a heureusement considéré que son architecture avait une haute valeur symbolique.

Le H 13 que les Roubaisiens ont vite baptisé "l’os à moelle", est lui aussi devenu un signal fort dans l’espace de la ville.

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Avant d’aborder la construction de Roubaix 2000, tournons-nous une dernière fois vers cette légendaire rue des Longues Haies, grande de 1100 mètres. Dans leurs écrits, Jean PIAT et Jacques PROUVOST ont rappelé le souvenir de ces lieux mythiques :

• Le cabaret de la Planche Trouée

• La boulangerie économique de l’Union, avec son panneau réclame en français et en flamand. Fondée en 1892, elle compta jusqu’à 14 000 adhérents

• Le local de la Croix Rouge et le dispensaire anti-tuberculeux • La maison de Saint Jean BOSCO • Les bains-douches municipaux créés en 1911 par la Caisse d’Epargne. Ils

accueillaient, à tour de rôle, les élèves des écoles communales "A l’époque, le 1/3 des Roubaisiens pour le moins se lavaient sans eau courante. Sur la

façade, on pouvait lire un slogan : propreté donne santé", écrit Jacques PROUVOST. Peut être, est-ce là le début d’une campagne hygiéniste qui prônait le rôle bienfaisant de

l’eau, de l’air pur et du soleil … campagne dont on peut voir les effets par ailleurs, comme la mise en place de la colonie du Pont-Rouge et la création de l’Ecole de Plein Air.

"Disparaissent également le cinéma Florimond, rebaptisé le Roxy, le Moulin Bernard et l’accueillante Tonne d’Or", note Jean PIAT.

Nostalgie !

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Un nouveau commerce : Roubaix 2000 "15 000 m2, 1200 places de parking : à Roubaix s’achève la construction du plus grand

centre commercial urbain de la région".1

"Un ancien îlot insalubre va devenir, cet été, le centre d’attractions de Roubaix".2

Cette opération d’envergure fait les gros titres de la presse régionale et nationale. On peut y lire aussi: "Il y a là 70 ou 80 boutiques, formant une longue galerie

marchande sur deux niveaux, où le chaland pourra se promener au milieu de jets d’eau, de fleurs, de pelouses, à l’abri de la pluie et des voitures".

Nord-Eclair apporte des précisions :" Construit sur le modèle suédois avec les galeries marchandes en plein air, le bâtiment est long de 240 mètres. Cette réalisation possède des atouts de premier ordre : elle est située en plein cœur de la ville, et surtout, elle s’élève au-dessus d’un parking souterrain à 5 niveaux pouvant contenir 1250 voitures. Un supermarché "locomotive" doit s’installer sur 3 000 m2 et l’on pourra également profiter d’un cinéma de 300 places. Bref, on trouvera tout ou presque".

On cherche un nom de baptême à ce centre promis au succès : ce sera Roubaix 2000 ... car tous les espoirs sont permis. La Voix du Nord du 31 avril 1972 cite la profession de foi de l’un des promoteurs : "Sur l’avenir, le centre commercial se montre sous son meilleur jour. Nous avons tout pour réussir. Les clients ne demandent qu’une chose actuellement : pouvoir faire leurs courses dans les meilleures conditions possibles et nous les leur offrons ; pas de problème, il y a assez de place. Les voies piétonnières seront aménagées. Je vous le dis : d’ici quelques années, les commerçants se bousculeront pour acheter la moindre cellule, ceux qui les auront ne voudront plus s’en séparer".

L’inauguration a lieu le jeudi 28 septembre 1972. On célèbre cette double réalisation importante pour Roubaix, le parking souterrain Anseele et le centre commercial Roubaix 2000: "C’est l’aboutissement d’une longue opération de rénovation urbaine, la première en France à toucher au but. Il a fallu 14 ans".3

Mais deux années plus tard, Claude VINCENT, dans Nord-Eclair, le 1er novembre 1974, se pose des questions. "Malgré les rumeurs et les silences, le centre commercial peut-il réussir ? Complot autour de Roubaix 2000 ?"

Dans un autre article, il écrit : "Deux ans après l’inauguration officielle, on doit constater que beaucoup reste à faire ; 25 cellules restent vides, donnant un aspect désolé à plusieurs secteurs".

Diable ! Et tout le monde de s’interroger sur ce que l’on considère déjà comme un échec. N’y a-t-il pas eu des erreurs de conception, des causes conjoncturelles, au-delà d’un acte authentique de volontarisme commercial ?

Le nouveau centre n’était pas prévu dans les plans initiaux de la rénovation de l’îlot Edouard Anseele. On ne touchait pas à la rue de Lannoy qui traversait pourtant le périmètre du nord au sud : les commerçants s’y étaient opposés.

Mais comme l’expliquent Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ dans leur thèse, cette position évolue rapidement. C’est que le départ de la population du quartier et la baisse d’attractivité des commerces, dûe aux chantiers et à l’apparition des rats, les mettent dans une situation inconfortable. C'est pourquoi ils demandent à la municipalité d’inclure le secteur des commerces dans la zone de rénovation.

L’idée du nouveau centre commercial est lancée, avec une double volonté, celle de montrer l’image d’un commerce digne de Roubaix et celle de stopper l’hémorragie du pouvoir d’achat hors de l’agglomération. Près de 50 % des achats des Roubaisiens se font dans les villes voisines, particulièrement à Lille et en Belgique. Les promoteurs pensent que ce centre permettra de récupérer au moins 15 % de cette manne qui s’expatrie.

Comme le dit Philippe WARET, Roubaix a toujours voulu résister à une dépendance lilloise et garder sa population. "Déjà, en 1870, parce que tout le monde va au théâtre à Lille, Roubaix crée le théâtre du Fontenoy," argumente-t-il.

1 Nord Eclair du 9 avril 1971 2 Le Figaro du 9 mars 1971 3 Voix du Nord du 29 septembre 1972

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Victor PROVO se rend en Suède, où s’implantent les premières réalisations d’urbanisme commercial. Visitant un tout nouveau centre, le maire de Roubaix aurait déclaré : "C’est cela qu’il nous faut à Roubaix".

C’est la période où l’on n’hésite pas à se rendre hors de l’hexagone pour y trouver de nouveaux modèles. On retrouvera cet engouement pour ce qui se fait à l’étranger lors de l’élaboration des plans d’aménagement de l’Alma-Gare et des conceptions architecturales à mettre en œuvre. Des habitants de l’Alma, conviés à visiter une réalisation belge dans la banlieue bruxelloise, ont réagi comme notre édile municipal : " voilà ce qu’il nous faut", ont-ils dit.

Parallèle instructif ! Dans les deux cas, n’y a-t-il pas, loin du vécu quotidien, éblouissement du regard, hypnotisme de la pensée, conduisant à croire que ce qui réussit ailleurs, réussira chez soi ? Tout modèle est-il transposable?

La décision est prise. En attendant l’achèvement des travaux, les commerçants obtiennent de s’installer dans une zone commerciale provisoire, le LIDO, à proximité du centre ville. On connaît la suite.

Photographie aérienne Aéroport de Lesquin 11 septembre 1978. Archives municipales

Les raisons d’un échec ou le "ver était dans le fruit".

Elles sont de plusieurs ordres. Notons tout d’abord le parti urbanistique choisi : le centre commercial a été construit sur

l’emplacement d’une route nationale qui empruntait le tracé d’une rue très commerçante, la rue de Lannoy. " On a ainsi bouché l’un des axes importants de la ville, bloquant un courant naturel de circulation", écrit de façon prémonitoire le journal Nord-Eclair du 5 août 1970.

En 1974, le même journal remarque que l’un des principaux handicaps du centre commercial, reste sa difficulté d’accès. On n’a pas réussi à reconstituer le grand courant de passage des piétons qui empruntaient la rue de Lannoy. Les constats sont éloquents : côté place de la Liberté, le flot des voitures qui s’écoule et plusieurs feux rouges et passages cloutés mal commodes, constituent une sorte de barrière infranchissable.

En ce qui concerne l’arrivée des voitures, on n’avait pas pensé à adapter les voies amenant au centre et à son parking souterrain. Les 1 200 places sont sous-utilisées malgré le prix modique du stationnement, 1 franc pour deux heures. " Les Roubaisiens n’en ont pas encore trouvé le chemin", écrit avec humour un journaliste. Ajoutons que la culture du stationnement souterrain n’est pas inscrite dans les habitudes des automobilistes des années 70.

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Les articles sur le manque d’attrait de centre commercial abondent. " Il faut sortir le centre de son état insulaire. Pour les piétons, comme pour les voitures, l’édifice apparaît bien comme une île où l’accostage devient une aventure".1

" Les courants d’air, voilà l’ennemi ! Ils sont à l’origine de la mauvaise image de marque du centre ; il est vrai que la bise souffle en s’engouffrant dans les galeries, cela n’a rien d’agréable. Les promoteurs ont oublié que le vent, ça existe".

La Voix du Nord du 26 novembre 1975 assène le coup de grâce. " La conception de ce qui devait devenir Roubaix 2000, fut confiée à une société parisienne, la S.O.G.E.C.O. qui crée un bâtiment, certains diront un blockhaus, fort peu adapté à sa nécessité commerciale. On a plaqué un centre commercial prévu pour Toulouse ou Perpignan, dans le Nord. Le bâtiment ouvert ne convenait pas, c’est un euphémisme, aux rigueurs du climat de notre région".

Selon Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ, des raisons conjoncturelles viennent s’ajouter à cette situation. La plus importante est que les hypermarchés ont réussi leur implantation.

Il nous faut évoquer ici le phénomène AUCHAN. Albert PROUVOST, dans son livre de souvenirs, raconte les modestes débuts de ce géant de la grande distribution : " Au cours d’un voyage aux U.S.A, Gérard MULLIEZ rencontre les responsables de la National Cash (une entreprise qui fabrique des caisses enregistreuses pour supermarchés). Il s’y intéresse et télégraphie à son fils de le rejoindre. A leur retour, ils tentent la grande aventure et ouvrent, en 1961 dans le quartier des Hauts-Champs, en association avec Michel SEGARD, un petit supermarché dans une ancienne usine, avenue Motte. L’affaire n’est pas rentable ; c’est une nouveauté à laquelle il faut s’habituer, mais surtout, Gérard MULLIEZ comprend que le supermarché doit être construit sur une surface infiniment plus grande. Il achète en 1967, un terrain de plus de 10 hectares à Roncq. Dès lors, AUCHAN attire les foules, l’enseigne prend son essor".

Autre enseignement retenu, la présence des voies de circulation : la plupart des hypermarchés se situent à proximité immédiate de voies express ou d’autoroutes, juste à la périphérie des grandes agglomérations. Les implantations actuelles des diverses enseignes dans la région en sont la confirmation. De plus, chaque hypermarché s’adjoint une zone commerciale dans laquelle la presque totalité des biens de consommation sont proposés aux clients.

Le pouvoir d’achat quitte le centre des villes et s’échappe vers la périphérie où des habitudes de consommation courante vont s’ancrer. Les Roubaisiens entreront dans ce schéma au détriment de Roubaix 2000 mais aussi des commerces de proximité. Seules les couches les plus aisées de la population continueront leurs emplettes à Lille.

La conclusion des deux sociologues est éloquente : " Force est de constater le caractère illusoire de la politique de prestige représentée par l’implantation du centre commercial Roubaix 2000 ".

Roubaix 2000, un équipement ma conçu, mal desservi…Histoire d’un échec.

1 Nord Eclair du 21 janvier 1974

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Les TroisLes TroisLes TroisLes Trois----PontsPontsPontsPonts L’urbanisation du secteur des Trois-Ponts sera la seconde opération d'envergure pour

Roubaix. La décision d’entamer l’urbanisation du secteur dit "des Trois-Ponts"est prise par le

conseil municipal en 1957, peu de temps après l’engagement de la rénovation de l’Alma-Gare. Les Trois-Ponts sont, en 1960, une des dernières zones rurales de Roubaix.

Cette opération s'inscrit dans un plan concerté pour Roubaix. Il s’agit alors de trouver des solutions pour favoriser le relogement des habitants touchés par les zones de rénovation.

De même que les Hauts-Champs accueilleront une partie de la population du secteur Edouard Anseele, les Trois-Ponts, pense-t-on, pourront accueillir la population du secteur Alma-Gare.

Notons ici le rapprochement dans le temps des décisions municipales sur l'ensemble des restructurations urbaines : l’Alma en 1956, Edouard Anseele le 14 janvier 1957 et les Trois-Ponts le 27 octobre 1957.

Sur cet espace de 23 hectares, où ne se trouvent que 360 logements et 10 commerces, les champs et les exploitations maraîchères occupent la plus grande surface. Citons une enquête parue dans un quotidien :

"Au lendemain de la seconde guerre mondiale, on était encore en rase campagne dans ce secteur périphérique compris entre le Pile et Carihem, non loin de la commune encore peu urbanisée de Leers. Du reste, on a longtemps donné à l’actuel groupe scolaire Pierre de Ronsard, situé à l’angle de l’avenue de Verdun et de l’avenue Julien Lagache, le surnom bucolique d’école des vaches. Il est vrai que les fermes ont longtemps survécu à l’offensive de l’urbanisation."1

La dernière cense de Roubaix, la cense Loridan, était située rue de Charleroi, en face de l’hôpital de la Fraternité, à deux pas des Trois-Ponts. Rasée en 1993, elle fut le dernier bastion des 112 fermes répertoriées à Roubaix en 1830.2

Photographie Nord Eclair 1962

A l’ouverture du Lycée de Garçons, en 1955, on a d’ailleurs découvert avec étonnement cette immense zone marécageuse qui fit les délices de nombreux lycéens en mal d’expérimentation scientifique sur les grenouilles et autres batraciens.

En ce qui concerne le nouveau quartier des Trois-Ponts, on ne peut pas parler d’une opération de rénovation urbaine au sens strict mais bien d’urbanisation. Une procédure de Z.U.P. est engagée sur les terrains nus en 1961. C’est l’époque où l’on assiste en France à une "fièvre zupienne".

1 Voix du Nord 28 mars 2002 2 Nord Eclair : Maurice DECROIX 18 avril 1993

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Les phénomènes démographiques, les besoins en matière de logement font surgir de terre les grands ensembles. Comme le souligne l’article de la Voix du Nord du 28 mars 2002 : "Les Trois-Ponts, c’est quasiment le seul quartier édifié à la verticale dans une ville construite à l’horizontale".

La densification est certaine : plus de 1500 logements sont construits ; mais l’urbanisation de ce secteur est également une opération équipement, ce qui est une des caractéristiques des ZUP : on prévoit de nouvelles écoles, un centre social, une église, une crèche, des espaces de jeux, un centre commercial… Notons que les retards en ce domaine seront importants, ce qui n’empêche pas le maire de déclarer en 1968 : "Les Trois-Ponts : aujourd’hui une nouvelle ville s’érige, un quartier dont nous serons tous fiers, les uns et les autres."1

A-t-on vraiment voulu y reloger les habitants de l’Alma, quartier situé à l’opposé de la ville ? Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ font remarquer dans leur thèse sur la restructuration urbaine à Roubaix que les seuls logements auxquels les habitants des courées peuvent accéder, et encore, sont les P.S.R2, qui ne représentent que 24 % des logements du secteur. "Il faut ajouter, écrivent-ils, que les retards pris dans l’opération de rénovation de l’Alma-Gare, n’ont guère favorisé ce qui était considéré au départ comme une opération "tiroir" pour les quartiers nord de Roubaix".

Finalement, l’urbanisation est mise en chantier en 1962, dans une période où, selon la Voix du Nord, l’explosion démographique et l’avènement à l’âge du mariage des nouvelles tranches de population, ont provoqué un mélange de générations favorisant une certaine mixité sociale. Le journal se plaît à souligner que nombreux sont les "quinqua" d’aujourd’hui qui, dans leurs jeunes années, ont habité les Trois-ponts.

Photographie la Voix du Nord 28 mars 2002

1 Déclaration de Victor PROVO au Conseil municipal du 20 mai 1968, citée par Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ 2 Programmes Sociaux de Relogement

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Tout était neuf et avait plutôt belle allure. Et en effet, les tours, les barres, tous ces immeubles collectifs construits en matériaux traditionnels comme la brique, offrent un exemple d’urbanisme somme toute réussi, d’autant plus que l’on a pensé à l’espace. La photographie aérienne du quartier montre bien ces grandes étendues engazonnées ou plantées d’arbres entre les bâtiments. La densification n’apparaît pas pesante.

"Trente années plus tard, les observateurs s’accordent pour dire que le secteur des Trois-Ponts est devenu un quartier à part entière ; la population a fini par prendre racine, on se connaît, des liens se sont tissés. La ZUP s’est forgé une âme, les associations et leurs activités, leurs programmes de festivités annuelles ont contribué à créer des lieux de rencontre et ont donné au quartier une identité. La municipalité qui a regroupé en 1998, dans une Maison des Services : la Mairie des Quartiers–Est, les services du CCAS, un bureau de poste, des antennes de l’ANPE, des ASSEDIC, de la CAF, de l’EDF&GDF, du centre d’information des droits des femmes, des îlotiers de la police municipale,… a favorisé cette démarche de proximité".1

Ajoutons que les bailleurs sociaux, propriétaires des logements, ont évité l’erreur fatale de laisser se dégrader les immeubles. Des liftings ont lieu périodiquement, contribuant à effacer les stigmates du temps et à fixer la population.

On le constate, un quartier ce n’est pas seulement des briques. Dans le cas des Trois-Ponts, semble s’être opérée une véritable alchimie locale.

Amine KEBE, étudiant en sciences de l’information et de la communication, cite dans un mémoire2, plusieurs sociologues qui ont étudié la notion de territoire. Pour Isabelle PAILLART 3," un quartier existe quand on se reconnaît dans une quotidienneté, dans un espace vécu où s’inscrivent des pratiques, des politiques, des cultures".

Pour BAKIS4, "le quartier est cette portion d’espace humanisé, fruit d’une construction sociale. Le quartier renvoie à une appartenance émotionnelle, il est la "polis", la cité grecque où laproximité permet une interaction démocratique".

Comme le soulignera l’A.P.U., dans le cadre de la rénovation urbaine de l’Alma-Gare, " aussi beau le quartier soit-il, l’absence de politique économique, sociale et culturelle, élaborée à partir de la vie des habitants, condamnerait le quartier à n’être qu’une expérience architecturale".

1 La Voix du Nord du 28 mars 2002. 2 Amine KEBE : DEA IUP INFOCOM Roubaix 3 Isabelle PAILLART : Territoire de la communication4 BAKIS : mémoire 1990

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L’AlmaL’AlmaL’AlmaL’Alma----gare et l’Almagare et l’Almagare et l’Almagare et l’Alma----centrecentrecentrecentre Venons-en aux prémices de la troisième opération, celle dont on parlera le plus, l’Alma-Gare.

Elle aurait dû être appelée opération Fontenoy-Notre Dame, mais elle porte dans l’histoire le nom d’Alma-Gare. Symbole des luttes urbaines, ce quartier, découvert par les médias en 1970, est aujourd’hui encore considéré comme un modèle d’organisation des habitants1. C’est leur action qui en constitue le caractère exceptionnel.

Pour la première fois en France, on va assister à l’élaboration d’un quartier avec ceux qui y résident. En se donnant les moyens de participer activement à la rénovation, les habitants deviendront incontournables.

L’Alma-Gare change le regard des hommes politiques sur la cité, de nouveaux rapports s’établissent entre élus et habitants et des processus politiques s’enclenchent dont bénéficieront d’autres quartiers. On profitera des acquis, on fera référence à l’Alma. En ce sens, nous sommes tous des "enfants de l’Alma", quitte, lorsque l’on parlera d’échec, à "tuer le père".

Ce quartier a été un lieu de débat où le rêve et l’utopie n’ont pas été absents. Mais la force de l’Alma, n’est-ce pas d’avoir posé les vraies questions?

Il n’est pas dans notre propos d’étudier l’histoire de l’Alma-Gare, un livre n’y suffirait pas! Nous allons nous attacher plutôt à retrouver l’esprit de cette aventure à travers les idées de l’A.P.F.2 et le parcours d’un couple de militants, Marie Agnès et Roger LEMAN, et nous évoquerons les premières actions dès les années 1960, les enjeux de la création de l’A.P.U.3, son fonctionnement, son impact face au pouvoir politique incarné par une nouvelle équipe municipale d’Union de la gauche, dirigée par Pierre PROUVOST.

Par la suite, nous aborderons les processus participatifs qui ont abouti à un nouveau cadre de vie urbanistique avec la prise en compte des caractéristiques sociales, économiques et culturelles dans la rénovation urbaine. Nous n’oublierons pas l’intense débat autour de l’école la mieux adaptée aux besoins du quartier, débat concrétisé par la réalisation du groupe scolaire Elsa TRIOLET.

Nous poserons en terminant les fondations de ce que sera la "Politique de la Ville " et évoquerons la mise en place des procédures D.S.Q., en partie inspirées par l’expérience de l’Alma-Gare.

Foisonnement d’idées... ... Age d’or de l’Alma?

1 Isabelle GROC - Yvan DOUMENC: EXPERALLIANCE: étude entre habitants et institutions 1995 2 Association Populaire des Familles: mouvement national créé en 1952 3 Atelier Populaire d’Urbanisme

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L’Alma-Gare est un des principaux quartiers ouvriers du nord de Roubaix et peu d’éléments le distinguent des autres durant les années 1950-1970. Il connaît lui aussi un inexorable déclin et la paupérisation y est forte. Quartier voisin, comme le Cul-de-Four, de la courbe du canal, il est marqué par les effets de la mutation industrielle, les friches de l’Union en témoignent.

Selon Pierre LEMONIER, alors technicien chargé d’apporter son concours aux habitants dans le cadre de l’A.P.U., " ce quartier est extrêmement pauvre. A l’époque, il servait de laboratoire à la question de la pauvreté. Dans les années 1960-1970, on est encore dans la foulée des Trente Glorieuses. L’Alma-Gare était un lieu où s’expérimentait la question de la grande pauvreté, on y a fait des analyses du "reste pour vivre": Quand on a payé son loyer, son assurance, son électricité,... que reste-t-il pour vivre? Ce reste se situait entre 10 francs et 40 francs par personne et par jour. "

A cette époque, la municipalité roubaisienne manifeste une volonté de reprise en main de l’urbanisme. Dès 1955, on entreprend la toute première opération, modeste il est vrai, sur le square Mulliez derrière l’Institut Turgot. En 1956, s’exprime l’intention de rénover l’Alma-Gare.

La période est favorable à ce type de projets. Selon Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ, dont nous avons souvent suivi les analyses pertinentes, l’état décide de réinvestir la question du logement. " 1960 inaugure le début du système urbain en France. A la période des années 50, dominée par les constructions de logements, phase de production quantitative, pourrait-on dire, succède une phase plus qualitative (décret de 1958 sur la rénovation urbaine et loi DEBRE sur les bidonvilles en 1964). Ainsi, l’Etat met l’accent sur le remplacement du vétuste, le problème des courées devient un problème moral. "1

A l’Alma, Marie Agnès et Roger LEMAN, arrivés au Fort Frasez en 1962, vont découvrir un quartier qui porte avec lui toute la misère du monde. Issus tous deux de familles ouvrières catholiques, ils se sont engagés dès leur adolescence dans la J.O.C.

"A l’époque, j’avais 25 ans, Marie Agnès 23. On était jeunes mariés, on avait un enfant. L’adaptation a été difficile: on habitait une maison ancienne, sans confort, avec de l’humidité par terre. De fil en aiguille, on a très vite vu les problèmes de logement: ici, 200 courées et 2000 habitants qui vivaient dans des conditions épouvantables. On a rejoint les A.P.F., qui deviendront plus tard la C.S.C.V. Dans le même temps, on a été fortement marqués par l’Hommelet, où déjà l’A.P.F. menait des actions logements. A l’Alma, il n’y avait rien. Pendant dix ans, on a travaillé

ensemble". Photo Nord-Eclair2

Les A.P.F. ont une origine chrétienne, elles sont issues de la J.O.C. dont les principes d’action sont: le voir, juger, agir. Pour Roger, le mouvement avait une méthode pédagogique extraordinaire qu’il pouvait mettre en pratique dans sa vie professionnelle d’animateur pour jeunes. "Regarde ce qui se passe autour de toi, qu’est-ce que tu en penses, qu’est-ce qu’ensemble on peut faire?" L’exemple du local des jeunes de la Guinguette, construit par eux, sur l'initiative de Roger et inauguré le 26 octobre 1963, est significatif.

Pour Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ, les A.P.F. conservent la marque de leur origine. A Roubaix, où leur implantation est ancienne, elles ont constitué une base militante composée essentiellement d’employés et d’ouvriers chrétiens, souvent proches de l’Action Catholique Ouvrière et de la C.F.T.C.

1 Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ: Transformations économiques et restructuration urbaine 2 Invitation de Roger et Marie Agnès dans le cadre des petits déjeuners du Grand Hôtel

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Isabelle GROC et Yvan DOUMENC le confirment de leur côté: " Les A.P.F. seront marquées par le syndicalisme ouvrier et l’action ouvrière chrétienne. Cette double influence contribuera à donner aux A.P.F. une orientation de revendication et de contestation."1

La plupart de leurs militants ne résident pas dans les courées; leur présence y est le plus souvent le témoignage d’une action envers les plus défavorisés.

Roger nous a raconté l’histoire de la machine à laver. " Beaucoup de familles populaires n’avaient pas les moyens de s’acheter une machine à laver automatique. Les A.P.F. ont eu l’idée de mettre en circulation des machines montées sur des chariots moyennant un prix de location. Cette idée était géniale car cela a fait entrer en contact plein de gens qui pouvaient parler de leurs préoccupations et de leurs conditions de vie... "

Affinant leur analyse, Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ notent que les A.P.F. ne sont pas un mouvement de population des courées; cependant, les actions qu’elles mènent ont un effet de mobilisation important parmi les habitants de celles-ci. Les A.P.F. ne sont pas non plus un mouvement spécifique de l’Alma: des groupes sont implantés dans beaucoup de quartiers de Roubaix et dans les villes limitrophes. L'A.P.F. est une organisation nationale qui sera d’ailleurs représentée au colloque sur les courées de Roubaix en 1969.

" Au cours des réunions, nous dit Daniel DELEPAUT2, on travaillait à l’époque sur les problèmes de logements et la résorption des courées. On abordait bien sûr les problèmes de l’Alma; il faut reconnaître que cela se faisait sur l’initiative des militants de ce quartier. C’est en quelque sorte l’Alma qui a catalysé le dynamisme. Mais la résorption des courées, c’était partout à Roubaix, cela touchait l’ensemble de la ville et les militants A.P.F. venaient aussi bien soutenir les gens de l’Epeule, par exemple au Fort Sioen, que ceux du Fresnoy-Mackellerie ou de l’Hommelet. Je tiens à ledire, il n’y avait pas que l’Alma."

Alors, pourquoi est-ce l’Alma qui est devenu ce fer de lance, ce phare des luttes urbaines?

Apportons dès maintenant quelques éléments de réponses. Les habitants de ce quartier veulent certes voir disparaître les courées insalubres, mais observent aussi ce qui est fait ailleurs.L’opération Anseele est achevée, celle des Hauts-Champs se termine, celle des Trois-Ponts est commencée, et ce dans le but d’accueillir une bonne partie des habitants touchés par la prochaine tranche de résorption des courées. On sait que ce sera l'opération Alma-Gare. De ce fait, ce quartier se trouve au centre des préoccupations des élus et des habitants. L’Alma devient un enjeu.

Marie Agnès et Roger qui travaillent sur le terrain, vont y jouer un rôle essentiel. Ils ne sont pas seuls et beaucoup d’autres, qu'ils soient habitants ou personnes extérieures au quartier, vont dans le même sens avec la double volonté de réfléchir sur cet enjeu et de se regrouper sur ce terrain d’idées.

L’Alma deviendra le champ d’application des aspirations des habitants. Les moyens utilisés par les A.P.F. sont divers, rapides et permettent une réaction

presque immédiate à l’événement. Elles agissent souvent au coup par coup et visent l’efficacité. Isabelle GROC et Yvan DOUMENC soulignent que les A.P.F. prirent une grande partie de leurs inspirations dans la tradition syndicale française: " Celle-ci demeurait le modèle par excellence de la colère des petites gens face aux grands. "

1 Ouvrage cité 2 Militant de Moulin Potennerie, président du Comité de quartier créé en 1977, il sera, en 1987, le premier président de l'Association Inter-quartier de Roubaix (A.I.R.)

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De plus, et nous le verrons en filigrane tout au long de notre étude, les A.P.F. font du local, de la proximité, et savent utiliser les médias qui deviennent vite un outil, un moyen de pression.

En mai 1967, l’action s’organise au Fort Frasez qui demande des réparations pour 160 maisons. Une banderole est accrochée à travers la rue: "Urbanisation, oui. Mais quand et pour qui? Roubaisiens, dans votre ville, des maisons s’écroulent. Nous attendons depuis 3 ans des réparations".

En 1969, les A.P.F. lancent une campagne sur le droit au logement pour tous. Plusieurs centaines de personnes manifestent. Marie Agnès LEMAN évoque cette action qu’on a appelée la manifestation des mal-logés: "On était 800. C’était la première fois qu’il y avait une manifestation aussi importante sur les quartiers nord. On avait en 1969 acquis le principe que c’étaient les habitants eux-mêmes qui disaient leurs problèmes. La manifestation s’arrêtait dans les courées et les habitants prenaient la parole. Je crois que c’est la première fois qu’il y avait une action de ce genre où les gens exposaient eux-mêmes leurs préoccupations. On avait eu beaucoup d’intervenants qui pensaient pour nous, faisaient pour nous. Là, on avait une prise de conscience des gens".

Roger ajoute que l’idée des A.P.F. a toujours été de faire participer les habitants: "L’action des courées, c’est ça qui va ancrer notre histoire dans l’Alma".

Evoquons à présent les mouvements sociaux qui ont pris naissance à Roubaix et dont la période clef fut l’année 1969. Nous nous référerons aux analyses d’Isabelle GROC et d’Yvan DOUMENC, à la chronologie des luttes développées dans : "Roubaix Alma-Gare: lutte urbaine et architecture"1, et aux nombreux écrits mis à notre disposition à l’Observatoire Urbain. Nous nous attacherons à faire intervenir le plus souvent possible les acteurs de l’époque, militants, élus politiques et techniciens.

Les analystes s’accordent pour souligner que ces mouvements sociaux ont été déterminants dans la mise en place des structures de résorption de l’habitat insalubre, à Roubaix mais aussi sur le plan national. L’année 1969 changera les regards: on parlera de l’Alma.

1 Edition de l’atelier d’Art Urbain. 1982

Les problèmes d’eau sont fréquents dans les courées : un compteur collectif = difficulté de repérer les fuites sur le réseau + impossibilité de la répartir les coûts = non-paiement des factures = coupure. De nombreuses actions de revendications prendront la presse à témoin. Ici, la cour Dewailly à l’Epeule. Mais, la plus médiatique fut celle réalisée, en 1976, par les habitants de l’Alma et les militants des A.P.F, qui constituèrent une chaîne des seaux de la Grand Place jusqu’à la courée. Il en a fallu du monde, mais quel succès !

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En 1968, la presse s'intéresse plus à l’opération des Hauts-Champs qui se termine et Nord Eclair lui consacre plus de 10 pages en peu de temps. Si la municipalité a annoncé en conseil municipal sa volonté de faire disparaître les courées de l’Alma, tout reste flou en ce qui concerne les modalités économiques, d’autant plus, écrivent Isabelle GROC et Yvan DOUMENC, que : "Roubaix se trouve en contradiction avec l’Etat qui porte son effort sur la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq, à moins de 15 kilomètres. La ville nouvelle doit passer avant la résorption des courées".1

Pierre LEMONIER, qui deviendra Directeur Général des Services au Conseil Régional, le confirme: "La création de la Communauté Urbaine de Lille en 1967 ne change rien à ce refus. La C.U.D.L., moins sensible à la pression des quartiers, donne la priorité aux grandes infrastructures." Ce que Jean Luc SIMON corrobore2 :" A cette époque, la ville n’avait aucune compétence d’urbanisme. Il fallait se battre pour créer cette notion de rénovation urbaine et obtenir des moyens. Ailleurs, on reconstruisait les centres-villes qui avaient été bombardés. On bâtissait aussi dans les zones à betteraves. Nous, ici, on avait une ville coincée, un centre-ville coincé, cerné d’habitations insalubres. Ailleurs, c’était la reconstruction; nous, à Roubaix, on va créer la rénovation urbaine".

Les mouvements sociaux ont pour unique thème en 1969: "il faut détruire les courées". Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ en distinguent quatre: le mouvement C.I.L, le colloque sur les courées; les manifestations des A.P.F. et le mouvement du journal Liberté. Nous nous attacherons à voir en quoi ils ont été déterminants.

L’enjeu du mouvement C.I.L. est d’obtenir l’extension de l’application de la loi DEBRE pour la résorption des bidonvilles, aux courées de Roubaix.

En voici le texte: " Tout terrain sur lequel sont utilisés aux fins d’habitation, des locaux ou installations insalubres, impropres à toute occupation dans des conditions régulières d’hygiène, de sécurité et de salubrité, peut être exproprié".3

Jacques CHABAN-DELMAS, alors 1er ministre, a d’ailleurs lancé en juin 1969, "la croisade des bidonvilles". Un débat s’engage, qui donnera naissance à la loi pour la rénovation de l’habitat insalubre, la loi VIVIEN en 1970.

Les courées seront considérées comme des bidonvilles, ce qui facilitera les opérations de destruction et de construction. "Dès lors, explique Jean Luc SIMON, se dégage l’idée d’appliquer la loi VIVIEN à la métropole Nord et de créer un organisme qui va gérer toutes les opérations de démolition: pour les responsables du C.I.L, cette structure doit être centralisée afin d’avoir seule, l’initiative des opérations et de pouvoir percevoir directement les fonds nécessaires. Ce sera l’ORSUCOMN4 créé le 20 novembre 1969".

Parallèlement se met en place à Roubaix le colloque sur les courées. Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ rappellent qu’à l’origine du mouvement se trouvent un nombre important de responsables d’organisations, rassemblés pour une solution humaine aux problèmes des courées. Du syndicat patronal à la C.G.T, 22 associations prennent pour thème: " Tous unis pour le sort de Roubaix".5

On affirme l’apolitisme du mouvement, ce qui déplaît au P.C. qui clame dans les colonnes du journal local Liberté, que traiter de ces problèmes tout en criant en même temps: surtout pas de politique, c’est se refuser à en chercher les véritables solutions.6

Toutefois, écrivent nos deux sociologues, le mouvement n’est pas sans lien avec une initiative d’André DILIGENT, alors adjoint centriste (ex MRP) chargé des affaires économiques. L’élu invite à Roubaix des représentants de la presse nationale7 à deux journées d’étude sur

1 Experalliance: ouvrage cité 2 Jean Luc SIMON: militant sur l’Alma, chef de projet PLDS Pile, 1983-1989 puis DSQ secteur 2, 1989-1995 3 CIL des Roubaix-Tourcoing: Pact de Roubaix et environs: situation du logement à Roubaix 4 ORganisme pour la SUppression des COurées de la Métropole Nord 5 Commission de travail du colloque 6 Liberté: novembre 1969 7 Le Monde. Le Figaro. L’Express. Les Echos. France Soir.La Vie Française. Usine Nouvelle. Les Affaires. La correspondance de Presse. Direction les Collectivités Locales. Het Volk: cité dans Transformation économiques et restructuration urbaines

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l’évolution industrielle de l’agglomération et sur le problème des courées. Nous avons déjà évoqué ces articles de journalistes, en état de choc, qui s’attacheront à présenter à grand renfort d’expressions réalistes des décors de cauchemar: "30 000 personnes dans des clapiers", titre le Nouvel Observateur du 21 juillet 1969. Un journaliste du Monde fera plutôt dans le pathétique: "Ce bambin malingre en haillons, les pieds nus, me semble surgi d’Oliver TWIST. Du fond de la maison vient la voix forte de l’ouvrier qui a trop aimé la cervoise. "Ce qui peut paraître outrancier, voire indécent : tout le monde ne peut être Victor Hugo.

La visite de Jacques CHABAN-DELMAS à Roubaix le 3 mars 1972, s’inscrira dans ce processus de prise de conscience. Terminant sa visite, au sortir d’une courée, 139 rue du Fort, il s’exclamera: "Ben mes enfants, qui n’a pas vu ça, n’a rien vu! "1

En cette année 1969, les A.P.F. mènent de nombreuses actions dont celle sur les mal-logés. Marie Agnès raconte: "Lors de la manifestation des mal logés, on a été en délégation de l ’Alma à Paris. On a été reçus par Jean Pierre VIVIEN alors Secrétaire d’Etat au logement avant Jacques BARROT. Pour moi, l’Alma, c’était Paris. C’était là que tout se décidait. Et plus tard, André DILIGENT aidera beaucoup à cela. "

Les A.P.F. mettent en avant des thèmes humanistes: "l’A.P.F. ne sera jamais d’accord avec une société qui ne reconnaît pas l’homme. "2

De plus en plus, ce mouvement va associer les habitants à la définition de leur logement, mais aussi à tout ce qui gravite autour: équipements scolaires, culturels, sanitaires et de loisirs. "Un quartier, ce n’est pas seulement des briques", dira bientôt l’A.P.U. "Dès lors, les A.P.F. se présentent explicitement comme politiques", notent Didier CORNUEL et Bruno DURIEZ.

Les choses semblent avancer. La presse locale n’hésite pas à annoncer: "Alma-Gare, les espoirs se précisent quant à la réalisation en 1971". La loi VIVIEN est votée et l’Etat met en place les procédures de R.H.I.3 Le conflit entre municipalité et Etat (courées - ville nouvelle) prend fin.

On programme des opérations de démolition. Mais selon Pierre LEMONIER, l’affaire s’engage mal, on est toujours dans un flou extrême. Personne ne sait ce qu’on va reconstruire. Il ne s’agit que d’une procédure de libération des sols et on ignore presque tout du réaménagement et de la reconstruction.4

Cela amènera l’inquiétude des habitants.

En septembre 1970, ils bloquent à plusieurs reprises les bulldozers dans leur démolition anarchique. La Voix du Nord du 26 février 1971 évoque la démarche effectuée à Paris par Victor PROVO auprès du service de l’Aménagement du Territoire. Pour lui, le dossier est maintenant bien engagé. Victor PROVO précise dès le départ que l’opération Alma-Gare ne serait en rien comparable à l’opération Edouard Anseele. Il ne s’agit pas de faire table rase mais de remodeler. Il avait d’ailleurs employé le mot de curetage. Dans la Voix du Nord du 27 février, il répond aux critiques sur l’état d’avancement du dossier. Pourquoi ce retard? "A chaque changement de ministre, explique-t-il, il faut réviser le dossier pour répondre à l’attente des ministères, car les ministres n’ont pas tous la même conception de la rénovation urbaine".

Le 4 mars 1972, la Voix du Nord écrit: "Le quartier de la longue patience attendra-t-il encore longtemps sa rénovation? Depuis 10 ans l’inquiétude règne sur le quartier Alma-Gare. En effet, c’est le 7 mai 1962 que le conseil municipal acceptait la désignation de monsieur VETTER, urbaniste, pour procéder à une étude de détail de l’îlot Notre Dame, Gare, Alma. Le 9 juillet, cette étude portait sur 38 hectares et la ville attendait l’indispensable feu vert. Pendant ce temps, d’autres études ont suivi: la surface est passée à 50 hectares, puis à 58. Mais l’habitat se dégradant, de nombreuses familles quittèrent le quartier. Un malaise grandissant s’installa chez les commerçants qui n’arrivaient plus à céder leur fonds de commerce. "

1 Source: Observatoire urbain 2 Tract A.P.F. 1969 3 Résorption de l’Habitat Insalubre 4 Source: Experalliance

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� Le 19 décembre, Nord Eclair titre: "La rénovation urbaine de l’Alma-Gare commencera par le destruction des courées de la Guinguette".

� Puis le 5 juillet 1973 : l’opération Alma commencera en octobre ou en novembre".

� Le 19 juillet 1974, on lit: "L’Alma-Gare, c’est parti, ce secteur va bientôt être rayé de la carte ".

� Le 9 juillet 1975, toujours dans le même journal: "13 ans après, l’opération Alma-Gare va entrer dans sa phase active ".

� Et le 13 octobre 1977: "A l’Alma, c’est enfin parti. Elus, techniciens et population sont désormais d’accord sur le principe d’aménagement du quartier de l’Alma ".

Photographie Nord-Eclair vendredi 22 décembre 1972.

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1962-1977, chronologie pesante, comme la longue marche vers un horizon qui recule au fur et à mesure qu’on avance…Incertitude, inquiétude, indignation …et mobilisation. Car les militants ne restent pas inactifs, les positions vont s’affirmer, les habitants vont s’organiser et sedonner les moyens de peser sur la rénovation de leur quartier.

Roger LEMAN et Marie Agnès reviennent sur ces années-là : "On a été marqués par l’opération des Longues-Haies. Tout a été rasé, les habitants ont été chassés et sont partis dans d’autres quartiers de Roubaix. Personne n’est resté sur place. Quand le maire a décidé que les courées de l’Alma allaient enfin disparaître, on s’est dit : on a compris, on va être mangés à la même sauce ; on va essayer de réagir, de s’organiser pour éviter de quitter le quartier. Une rénovation, d’accord, mais au service de la population. Ne pas être disséminés, conserver la vie qui existe dans le quartier avec les personnes âgées et les nombreux immigrés".

Ce que Pierre LEMONIER confirme de son côté : "Démolition des courées, oui, démolitions des relations sociales existantes sans contrepartie de même nature, non !" Ces propos, cités par Isabelle GROC et Yvan DOUMENC, montrent bien que, peu à peu s'exprime la volonté de peser sur le devenir, de participer à la construction d’un nouveau cadre de vie.

En 1972, au cours d’une réunion des A.P.F, les habitants souhaitent la création d’un atelier d’urbanisme pour être tenu informés et associés aux projets. Le discours s’élargit : en 1973, les A.P.F. affirment le maintien sur place comme priorité absolue. Disons-le, les LEMAN voient leur travail porter ses fruits. Pendant des années, ils sont allés sur le terrain, ils ont patiemment convaincu les habitants que, pour avoir un logement décent, il ne faut pas rester isolés ; ils ont gagné la confiance des gens.

Après deux ans de fonctionnement informel, l’A.P.U se constitue officiellement en 1974. " Il est clair que les militants A.P.F veulent faire de l’urbanisme, de l’invention. La reprise du terme urbanisme dans le sigle n’est pas innocente", écrivent Isabelle GROC et Yvan DOUMENC.

L’A.P.U va dès lors élaborer sa stratégie. Il deviendra un lieu d’animation et un outil. Arrêtons-nous sur sa composition. A sa tête, on trouve Marie Agnès et Roger LEMAN,

militants issus de la J.O.C, des militants gauchistes et écologistes comme Joël CAMPAGNE et Christian CARLIER .

Et ça fonctionne ! Les deux chercheurs d’Experalliance, s’appuyant sur des entretiens avec de nombreux

acteurs de l’époque, apportent de pertinentes analyses sur ce qui peut paraître comme une alliance contre nature. " L’unité de l’A.P.U ne vient pas d’un corpus idéologique cohérent, mais d’un respect mutuel. La diversité qui aurait pu créer d’insolubles contradictions internes, a su, au contraire, donner au mouvement de la force : les idéologies se nourrissent les unes les autres, chacun y trouve son compte… Une des grandes originalités de l’A.P.U, c’est que ses leaders ne sont pas des intellectuels, ils ne théorisent pas sur le sort des classes laborieuses, ils sont eux-mêmes issus de cette classe et sont en phase avec les habitants". L’A.P.U, avec pragmatisme, reste lié aux problèmes quotidiens.

" Il faut souligner que l’A.P.U., étant une structure ouverte, explique Roger LEMAN, on se réunissait tous les mercredis soirs. Venait qui voulait, la démocratie était directe, on accueillait tous les points de vue. La discussion était politique. Notre slogan était : on agit, on réfléchit, on construit".

Pour Slimane TIR, ancien militant de l’Alma, " les réunions du mercredi soir créaient un lieu de permissivité, toute idée pouvant s’y exprimer. Chaque projet individuel d’habitant y trouvait un contexte favorable".

Et pour Olivier QUEROUIL1 :" Cette forme pratique de la démocratie directe qui complique le pouvoir, qui amène des difficultés à gérer un lieu peu structuré, était en même temps une force. Ce qu’on appelait l’Atelier Populaire d’Urbanisme, ce n’était pas du tout une organisation politique, c’était un forum, c’était un arbre à palabres".2

1 Chef de projet P.L.D.S . de l'Alma 1980-1990 2 Interviews cités dans Experalliance

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Toutefois, pour Christian CARLIER1, cette agora grecque relevait en partie de l’utopie : " Ca ne s’est jamais appliqué de façon idéale, ça s’est appliqué dans le conflit, les contradictions des uns et des autres. Mais ça a été un moyen pour beaucoup de gens de se parler, de s’échanger des choses et d’intervenir. C’est phénoménal à ce niveau-là ! "2

Venons-en à l’attitude de la municipalité qui sera déterminante dans l’ancrage de l’A.P.U. et de la mobilisation des habitants. Certains acteurs, comme Joël CAMPAGNE3, parleront du mépris apparent des élus, d’autres comme Pierre LEMONIER, de maladresse.

Or, l’A.P.U., de par sa capacité d’accueil, d’écoute et de réflexion, de par la volonté commune de son équipe dirigeante d’agir et de construire, est devenu ce qu’il faut bien appeler, une force politique capable de recevoir la colère des habitants et d’interpeller le maire en disant : "Vous ne ferez pas ce que vous avez décidé de faire sans consulter la population".

La municipalité, qui a réalisé Edouard Anseele-Roubaix 2000, les Hauts-Champs, les Trois-Ponts, et qui entreprend avec les moyens de l’Etat, cette fois, l’opération Alma-Gare, achoppe à l’évidence sur ce projet. Elle se retrouve face à un mouvement qu’elle n’envisageait pas.

Reportons-nous dans le contexte municipal roubaisien sous les mandats de Victor PROVO.

Comment se prenaient les décisions ? Quel était le regard des élus sur la cité ? Pour Michel BAUDRY, qui fut conseiller municipal de 1965 à 1977 puis adjoint aux

quartiers en 1983 sous André DILIGENT, on était, dans ces années-là, aux antipodes de ce qu’est aujourd’hui un conseil municipal. "Il y avait parfois 100 questions à l’ordre du jour ? Victor PROVO se levait, solennel. Point N° 1, procédure d’urbanisme, point N° 2, procédure de démolition, point N° 3, procédure d’urbanisme …On n’avait rien à dire, rien à discuter. D’ailleurs, on ne savait pas grand-chose, ce n’est qu’à la fin que l’on pouvait demander un éclaircissement. Tout était préparé à l’avance. En fait, les décisions étaient prises par quelques élus, les services techniques, et c’était entériné par les politiques. On nous demandait plus une approbation qu’une adhésion.

Et puis, il faut dire qu’à l’époque, de par la loi électorale, passait une liste complète. Il n’y avait pas de raison de s’opposer au maire. Voilà ce qui m’est resté : solennel et préparé à l’avance. D’ailleurs, la C.U.D.L. sous Augustin LAURENT, fonctionnait de la même manière".

Durant cette période, la manière d’appréhender les choses est fondamentalement différente de celle d’aujourd’hui. Tout procède de la volonté municipale. C’est le maire qui entreprend l’opération des Trois-Ponts pour reloger les personnes de l’Alma. Les conseillers sont peu consultés, alors les habitants ! Tout se décide sans eux, pour eux. Les élus sont là pour le faire.

Aussi, quand les militants des A.P.F. déploient une banderole contestataire lors d’une séance du conseil municipal, Victor PROVO en est indigné et ne peut l’admettre. "Retirez ça tout de suite", dit-il.

Il est évident que lorsque la municipalité démarre en 1970 les premières destructions à l’Alma-Gare, elle fonctionne sur le schéma des opérations précédentes, elle travaille sur ce quartier comme elle l’a fait ailleurs: on rase et on déplace les gens.

Et quand les A.P.F. organisent des meetings et préparent dès 1972 un contre-projet, quand l’A.P.U. parle d’urbanisme, les édiles tombent de haut. C’est d’ailleurs de l’élaboration de ce contre-projet des A.P.F. que naîtra l’A.P.U., afin de ne pas laisser impunément le projet municipal se mettre en place.

Les problèmes de communication proviendront également, à notre sens, de la perception du rôle de chacun. Victor PROVO ne considère pas admissible qu’un non élu fasse une politique d’élu. C’est remettre en cause l’appareil municipal. La politique est tant soit peu chasse gardée. Partager le pouvoir avec des non élus, c’est accepter une expression différente, un droit de regard sur le fonctionnement des services, le rôle des techniciens… Le mandat électoral a souvent dispensé de rendre compte, et les pratiques de la démocratie directe qui ont émergé en 1968, ne sont pas monnaie courante. Les partis politiques comme les syndicats n’ont pas toujours intégré cette dimension nouvelle. La reconnaissance de l’autre, femme, enfant ou simplement citoyen, demande

1 Premier permanent-habitant de l'A.P.U. 2 Experalliance 3 Directeur de la Régie Technique de l'Alma

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un effort de remise en cause des pratiques antérieures. Cela n'est jamais facile, que l'on soit maire,élu, enseignant ou simplement citoyen.

Les édiles ont, jusqu’alors, rarement fait de la politique de proximité. Quand Pierre PROUVOST et son conseil municipal viennent visiter l'Alma, c'est en autocar qu'ils parcourent le quartier. Pourtant, ils innovent de nouvelles relations avec les habitants.

Cependant, les élus ne sont pas inactifs, et lorsque Victor PROVO, Léonce CLERAMBEAUX et Pierre MAUROY vont au ministère de l’Equipement en 1972, ils ont la volonté de faire avancer le projet élaboré pour l’Alma. Mais l’A.P.U. ne l’entend pas ainsi et interpelle la municipalité.

Joël CAMPAGNE se souvient : "On a dit : Qu’est-ce que vous allez faire ? On résistera, vous ne déciderez pas sans nous. Alors Léonce CLERAMBEAUX est venu présenter le projet, lors d’un de ces fameux mercredis soirs. Il est arrivé en vieux militant socialiste, un peu dédaigneux, mais il est venu. Il nous a exposé le projet de ZUP, car c’était bien une ZUP qu’ils proposaient, ils rasaient tout et ils disaient : vous verrez, c’est quand même mieux des logements clairs et aérés, que les courées sombres et insalubres. Mais c’était un quartier clés en mains, classique comme on en faisait à l’époque. Et nous, on a répondu : on n’en veut pas".1

C’était la première fois qu’un élu se trouvait dans cette situation, face à face en direct avec des habitants mobilisés. Aucun n’était préparé à un tel choc ! Un témoin d’alors se souvient que Léonce CLERAMBEAUX sortait extrêmement pâle de ces réunions mensuelles auxquelles il se soumettait. A sa mort, en 1984, un journaliste publia un article qui, replacé dans le contexte, apporte un éclairage intéressant : "Léonce CLERAMBEAUX mettait un point d’honneur à montrer que la mairie était capable de dialoguer. Le mérite de celui-ci a été de jouer le jeu et de préparer ainsi lechemin à d’autres qui seront élus en 1977 sur la liste de Pierre PROUVOST".

Alors, du mépris, nous ne le croyons pas. Pour notre part, nous préférons parler, sinon de maladresses, du moins d’inexpérience. Les élus ne dialoguaient pas spontanément. Ils n’en avaient pas l’habitude, ils auront du mal à le faire avec l’A.P.U, ils apprendront à travailler avec d’autres. La municipalité comprendra que ce n’est pas parce qu’on partage le pouvoir qu’on ne l’a plus.

Venons-en aux démarches qui ont conduit l’A.P.U. à faire de l’Alma une expérience unique en France : pour la première fois, la population d’un quartier obtient l’aide de techniciens désignés par les pouvoirs publics pour traduire en plans et maquettes les idées et projets émis par les habitants.

" Lors de réunions du mercredi soir, explique Roger LEMAN, on réfléchissait à la question : qu’est-ce qu’un quartier ? On discutait réhabilitation, urbanisme… Des idées irréalistes sortaient: les uns voulaient quatre pièces, les autres demandaient un balcon… On s’est dit : il y a des éléments techniques qui nous échappent, on n’est pas formés, on n’a pas les compétences pour comprendre les problèmes et lutter à armes égales avec les administrations ; il nous faudrait l’aide de spécialistes des questions urbaines et d’un architecte ; en tout cas, seuls, on ne s’en sortira pas !"2

Et l’A.P.U. se tourne vers l’Etat pour obtenir une aide financière et technique. André DILIGENT, qui "sent bien les choses", selon Roger, organise une rencontre avec le Secrétaire d’Etat au Logement, Jacques BARROT. "Il a été séduit par notre idée, commente Marie Agnès qui bien sûr faisait partie de la délégation. Et trois mois plus tard, on avait son accord : l’Etat acceptait de faire un contrat, de donner une aide financière à une équipe de techniciens parisiens qui viendraient sur le quartier de l’Alma".

Décidément, l’Alma devient un terrain d’étude attractif. Jean Luc SIMON se rappelle un entretien qu’il a eu à cette époque avec Françoise GALLO, philosophe de formation, qui avait travaillé en 1969 à l’agence de l’urbanisme de Dunkerque sur la question de la participation des habitants : elle demanda à rencontrer les LEMAN pour leur proposer les services de sociologues.

Les outils se mettent en place, la mission d’étude est confiée à un bureau parisien, l’ABAC, composé de trois architectes, de deux sociologues et d’un juriste. Les objectifs sont clairs :

1 Source : Experalliance 2 Interview de Roger et Marie Agnès LEMAN en 2002.

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" Puisque la population doit donner son aval à tous les projets qui intéressent le quartier, qu’elle puisse le faire en toute connaissance de cause, avec le maximum d’informations et de conseils".1

Il s’agit réellement d’un événement inédit : pour la première fois, les habitants peuvent participer à la création de leur quartier. Ils ont une source d’informations qui leur est propre, ils disposent de soutiens techniques nécessaires à la mise en forme de leurs projets.

Roger LEMAN peut conclure : " Il régnait un malaise dans l’habitat à trois niveaux. Les hommes politiques n'étaient pas fiers de leurs réalisations, les techniciens étaient malheureux de voir leur métier dénaturé par le manque de contact avec la population, les habitants n'étaient pas contents car les logements ne correspondaient pas à leurs besoins. Eh bien, c’est la première fois en France qu’on a tenté de réconcilier ces trois niveaux".

Les techniciens vont travailler avec la population et le pouvoir politique va suivre cette innovation de très près.

Les chemins du militantisme.

Nous les avons cités à maintes reprises au cours de ces dernières pages. On les aime, on les supporte. Ils forcent l’admiration, ils agacent. Tout au long de ces années, Marie Agnès et Roger LEMAN jouent un rôle considérable et ne laissent personne indifférent. Essayons de cerner leur personnalité au travers des nombreux témoignages que nous avons recueillis.

Couple historique, présent sur le terrain depuis 1962, Marie Agnès et Roger ont assuré un travail de proximité, allant frapper à toutes les portes, répétant inlassablement les mêmes discours. Pièces rapportées, comme le dit elle-même Marie Agnès, ils ont su gagner la confiance des gens, en vivant au quotidien dans le quartier.

Pour Joël CAMPAGNE, "Les LEMAN étaient de vrais habitants du quartier et c’étaient eux qui connaissaient le plus de monde. Il y avait un certain respect pour eux".2

"Toujours en première ligne, ils ont été solides dans leurs engagements, ils ont tenu bon, nous dit Daniel DELEPAUT. Certes, ils n’étaient pas seuls, mais il faut reconnaître qu’ils avaient un charisme exceptionnel. Je pense que s’il n’y avait pas eu dans ma vie un moment où j’ai rencontré les LEMAN, je n’aurais jamais été militant, ou alors, j’y serais arrivé par une autre voie, je ne sais pas. Pour moi, ce sont vraiment des éclaireurs qui marchent, qui montrent le chemin. Je voudrais ajouter que lors de meetings, de réunions, Marie Agnès n’hésitait jamais à intervenir, au besoin vigoureusement, et un surnom lui est resté : la pasionaria ! "3

Nous pouvons relater un événement, significatif du charisme de Roger et de la fougue de Marie Agnès: "Lors du colloque qui s’est déroulé à Saint-Fons, dans la banlieue de Lyon, les Roubaisiens s’y étaient rendus nombreux, et tous les quartiers en P.L.D.S. étaient représentés.

Premier fait marquant, sur l’initiative de Roger, nous ne nous sommes pas intégrés dans les groupes de discussion prévus au planning, la spécificité roubaisienne n’y trouvant pas son compte.

Second fait marquant, lors de la réunion de synthèse présidée par Georgina DUFOIX, Ministre des Affaires Sociales, la salle était tant soit peu houleuse. Les discussions avaient quelques difficultés à s’organiser et un malaise alourdissait l’atmosphère. Evidemment, la synthèse du groupe de travail sauvage mené par les Roubaisiens n’était pas envisagée et la présidente de séance tentait laborieusement de faire entendre sa voix, malgré une sono efficace.

1 Nord Eclair : 14 janvier 1977 2 Experalliance : ouvrage cité 3 Ecriture reconnue par le Littré

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Marie Agnès, au premier rang, s’est levée, tournant le dos à l’estrade officielle, elle a pris la parole d’une voix claire et puissante. Le silence s’est fait très rapidement et l’auditoire d’un demi- millier de personnes a écouté attentivement ce que les habitants de Roubaix avaient à dire!"1

On entendait parler Marie Agnès et on en parlait.

Roger aime raconter cette anecdote :" Lors d’une réunion qu’on avait organisée au P.A.C.T. sur des problèmes dans des logements, la première question posée par Pierre DUBOIS,

qui en était le directeur à l’époque, a été : Madame LEMAN est-elle là ? Il paraît que cela fait encore sourire Pierre DUBOIS, aujourd’hui adjoint au maire, et maire des quartiers sud avec comme conseillère déléguée, Marie Agnès ! "

"Une des forces de l’Alma, ajoute Roger, c’était le dynamisme des femmes. Outre Marie Agnès, je pense à Thérèse CARRETTE et Anne Marie COUDRON : on les appelait les tigresses. Mais il n’y avait pas qu’elles. Beaucoup de femmes, même parmi les Maghrébines, n’hésitaient pas à manifester dans les rues, c’était l’époque de S.O.S. Racisme et de Touche pas à mon pote…"2

Olivier QUEROUIL, quant à lui, cite volontiers le courage physique de Marie Agnès : "C’est la seule personne que j’ai vue, face à un rodéo de voitures, se mettre au milieu de la rue et faire arrêter les bagnoles à ses pieds. J’ai vraiment pensé que les types allaient lui passer dessus à140 à l’heure ... "3

La légende est en marche ! Marie Agnès était capable, nous a-t-on dit, de sortir dans la rue à deux heures du matin pour faire cesser un tapage nocturne !

Si les LEMAN font un travail de proximité, ils cherchent aussi à se donner les moyens d’agir, de construire dans une vision plus large: ils bâtissent une stratégie pour le futur et ils vont être capable de passer de la gestion de la "machine à laver" à celle de l’A.P.U, ils vont assurer la continuité à la fois physique et idéologique, entre les A.P.F. et l’Atelier Populaire d’Urbanisme. Ilsen seront les interfaces.

Quand ils interpellent la municipalité, quand ils cherchent des appuis (car c’est à Paris que cela se passe), quand ils rêvent avec les autres à la ville de demain et vont voir ce qui se fait ailleurs, dans d’autres pays, ils entrent en politique. Leurs exigences sont politiques, elles touchent à une vision de la cité qui fait participer l’ensemble des citoyens et les fait grandir. Rappelons que Roger était éducateur de jeunes à l’Alma. Avec eux, comme avec les habitants, la démarche des LEMAN est libératrice.

De toutes ces années de militantisme, Daniel DELEPAUT garde de Roger une image forte qu’il exprime en humaniste : "Roger, pour moi, a tout d’un prophète. Plus intuitif que Marie Agnès, il a une vision de l’avenir, il prévoit. Il s’investit, possédé par sa vérité, et remet en cause les idées toutes faites. Il ose !"

1 vécu par Raymond PLATTEAU en 1986 2 entretien avec Roger LEMAN 3 Source : Experalliance

Le relogement de la grand-mère. Moment fort de l’histoire du quartier, cette dame, âgée de 74 ans, devait être relogée dans un appartement à Hem, après la destruction de sa maison, au Fort Wattel. C’est tout le quartier qui la relogea le 1er mai 1974, dans une maison de la rue Frasez.

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Peut-être est-ce là aussi la fonction du poète, selon Victor HUGO.

Le poète en des jours impies Vient préparer des jours meilleurs. Il est l’homme des utopies, Les yeux ici, les pieds ailleurs. C’est lui qui, sur toutes les têtes, En tout temps, pareil au prophète, Dans sa main où tout peut tenir Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue, Comme une torche qu’il secoue, Faire flamboyer l’avenir.1

Roger et Marie Agnès sont exigeants et entiers, ils dérangent. On les admire et on les critique. On ne sort pas indemnes de réunions avec eux.

Mais, être toujours en première ligne, omniprésent,ne comporte-t-il pas des dangers ?

Réfléchir pour élaborer un nouveau cadre de vie, sur le bâti mais aussi sur l’emploi, la santé, l’école, la culture, permet de construire une vision large des problèmes, une vision politique qui, toutefois, peut éloigner de la réalité quotidienne.

Avoir cette représentation, c’est avoir suffisamment de compétences et de disponibilité pour passer de l’un à l’autre, c’est savoir décoder, c’est en savoir plus. Mais, c’est devenir leader, c’est prendre des positions plus construites, qui peuvent se déconnecter des paroles trop ancrées dans le quotidien.

"Le choix de faire et non plus de dire est entériné le 11 janvier 1978, lorsque l’A.P.U. réactualise ses statuts",

écrivent Isabelle GROC et Yvan DOUMENC.

Et déjà, certains, se mettent à regretter ces réunions du mercredi soir, où l’on produisait du débat….

1 Les rayons et les ombres ; 1839

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Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Mais, pendant ce temps-là, au Pile…Durant ces années 1960-70, au cours desquelles des quartiers de Roubaix subissent des

actions de table rase, ou s’urbanisent suivant le modèle des grands ensembles, ce qui modifie profondément le tissu urbain, ou comme à l’Alma, contestent et s’organisent, le Pile vit au rythme de ses événements festifs.

C’est le temps où les associations, nombreuses et actives, ponctuent les années qui défilent de sympathiques concours de bourles, de belote, où les courses cyclistes, les fêtes, les braderies, les galas de catch attirent du monde, où la fameuse baïonnette regorge de commerces et de vie, où des personnages comme Octave VANDEKERKHOVE, infatigable globe-trotter, et Mamadou, chiropracteur aux 54 000 attestations de guérisons, tissent leur légende, où le Cercle Artistique Roubaisien rayonne sur la ville et fait chanter les salles.

On se sent bien dans ce quartier, on aime son Pile.Délimité dans ses grandes lignes par les boulevards de Beaurepaire et de Mulhouse, la

rue Pierre de Roubaix et la gare du Pile, il a gardé sa physionomie d’antan. L’habitat, très dense, couvre 80 % de son territoire ; les usines ne s’y implantent qu’en

petit nombre et tardivement. Il n’y a pas, au Pile, de rapport direct entre la fabrique et le quartier, ce qui renforce son caractère résidentiel.

Ici, l’usine n’a pas créé le quartier.

L’ensemble du bâti est constitué par des petites maisons en briques qui ont rarement plus d’un étage. Les courées, très nombreuses, nées de l’explosion urbaine, ont les caractéristiques des courées roubaisiennes que nous avons longuement évoquées plus haut.

Emergent de ce bâti uniforme, quelques habitations peu ordinaires, édifiées pour des notables du quartier ou de la ville. Elles se situent à la périphérie, sur les grands axes de communication, sur la place Carnot et dans les rues commerçantes.

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Le recensement de 1975 fait apparaître que 84,4 % des logements ont été construits avant 1914, 14,1 % l’ont été de 1915 à 1948, 0,4 % de 1949 à 1961, 0,4 % de 1962 à 1967 et 0,7 % après 1968. C’est dire qu’on ne construit pratiquement plus au Pile.

Le confort des habitations y est évidemment très réduit : le pourcentage des logements confortables, comportant une baignoire ou une douche, un WC intérieur et le chauffage central n’y est que de 5,4 %, alors qu’à l’Alma, il y est de 7,4 %.

Le même recensement montre que le Pile est un quartier ouvrier dans son sens le plus large. Citons la répartition socio-professionnelle de la population active.1

C.S.P. Pile en % Roubaix en %Ouvriers 72,2 54,4 Employés 10,5 17 Personnels de services 4,2 4,8 Cadres moyens 5,2 9,5 Artisanat, industries, commerces 6,4 8,2 Professions libérales 1,3 4,3 Autres 0,2 1,7

TOTAL 100 100

Les immigrés représentent 26,3 % de la population totale du quartier. La répartition ethnique est la suivante :

Algériens 58,1 % des étrangers Espagnols 3,3 % Portugais 13,1 % Italiens 11,1 % Divers 12,6 % La population d’origine algérienne correspond à 15,3 % de la population totale. Les

statistiques scolaires relèvent 27 % d’élèves étrangers dans les écoles du quartier, on en trouve 55 %à l’Alma. On peut dire que l’immigration est acceptable, l’intégration peut se réaliser.

Le Pile se caractérise par une forte concentration de logements privatifs, les propriétaires ont un petit bien, ils occupent souvent leur maison et l’entretiennent. Comme nous l’a rapporté monsieur SIX, notre sympathique droguiste, marchand de couleurs de la rue du Pile, nombre d’entre eux étaient des "peintres amateurs" qui attendaient ses expositions de papiers peints, et qui appréciaient la fabrication de peinture à leur convenance. Les congés payés donnaient l’occasion de mettre à profit tous ces talents.

Une autre caractéristique du Pile réside dans le fait qu’on y trouve peu de services publics. Si la crèche, le dispensaire et l’école maternelle de la rue de Condé se fondent dans les habitations du cœur du quartier, l’école Pasteur, l’école Pierre de Roubaix, la poste se situent plus à la périphérie. Il n’y a pas de centre social avec ses services de proximité.

Dans une étude sur le Pile parue en 1980, Marc VANDEWYNCKELE, adjoint à l’animation des quartiers, écrivant à monsieur CHAVANEAU, alors directeur du C.A.L., conclut que le Pile est un quartier typique avec un certain charme, mais un quartier ancien aux maisons modestes. On peut considérer également que, dans un secteur qui s’est vraiment constitué à la fin du XIX ème siècle, avec une population très largement ouvrière, il n’y a pas de grande variété sociologique. Le Pile est assez homogène.

L’habitat en courées n’est pas perçu comme ségrégatif, au contraire. Le vieil urbanisme de ce quartier vétuste se prête à la rencontre, à la relation à l’échelle d’une rue, d’une courée. " Les Pilés ont un rapport affectif très fort à leur territoire, la solidarité embrase tout", a écrit Florence TRAULLE, journaliste de Nord Eclair que nous connaissons bien.

Des sociologues de Recherche Action ont voulu comprendre ce que sont ces fameux réseaux de solidarité, promoteurs de lien social.

" Ne parle-t-on pas couramment de tissu urbain et de tissu social ? Or, à quelle entité précise renvoie justement la notion de réseau si ce n’est aux divers liens qui s’entrelacent et se

1 Recensement public de 1975. Observatoire urbain

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nouent pour former une apparence de tissu. Le mot réseau lui-même, n’est pas autre chose qu’un dérivé du mot "RETS", qui a pour origine le mot latin "RETE" qui signifiait filet. Quelle merveilleuse image, pour désigner la réalité sociale concrète de cette entité physique et humaine qu’on appelle le quartier, que celle de filet ! Jeu complexe et infiniment renouvelable d’entrelacs, de nœuds, de mailles, toujours susceptibles de se faire et de se défaire".1

Comme à l’Alma, comme partout où elles existent, les courées abritent un faisceau de relations sociales que les habitants ne veulent pas voir disparaître. C’est un habitat, certes insalubre, qui semble sous certaines conditions, adapté aux besoins des familles, celles qui recherchent un certain calme et une sécurité, à l’abri de l’agitation de la rue, et celles, désireuses de pouvoir disposer d’un logement de petite taille, plus économique dans l’entretien et plus facile à chauffer. La solidarité des cours permet aux enfants de jouer, aux personnes âgées de se rencontrer

Les courées représentent bien une forme d’habitations individuelles groupées autour d’un espace à usage collectif. Certaines, ne regroupant que trois maisons, sont occupées par le couple des grands parents, des parents et des enfants.

Tel est le Pile en ce temps-là, un quartier calme, mais qui n’a pas bonne réputation, un quartier dont on parle peu, qui attire peu l’attention. Les problèmes apparaissent moins préoccupants qu’ailleurs, notamment en ce qui concerne le logement : les locataires étant peu nombreux, les A.P.F. ont rarement l’occasion d’intervenir.

Les habitants du Pile ne sont pas revendicatifs. Le Pile ne semble pas avoir les problèmes des autres quartiers, il ne semble pas vivre les mêmes réalités, il n’a pas la même vision de l’histoire. Le Pile n’est pas un quartier contestataire, même s’il est frondeur de par son passé frontalier et la proximité d’espaces de liberté qui ne sont pas urbanisés. Coupé du centre, il a une ambiance "village".

Et puis, pas de couple mythique. Les personnes reconnues, le sont sur les plans festifs et associatifs, et non sur le plan du syndicalisme urbain.

Si Nénette, de la cour Bonte, se bat pour la rénovation des maisons de la cour, elle porte les espoirs des habitants de cet îlot, pas au-delà. Elle ne rassemble pas les gens sur un projet de quartier.

Ici, on ne descend pas dans la rue, on n’organise pas de meeting : le Pile n’est pas l’Alma, il n’est pas un quartier à enjeu. C’est le quartier de la fête, les cafés prospèrent et donnent le tempo à l’animation. Ils sont les lieux d’accueil des associations. Ce sont les cafetiers qui organisent et financent les colis de Noël aux anciens, les excursions, les voyages et les banquets. Ils sont des membres importants de l’Union des Commerçants.

Ce n’est que plus tard, lorsque le déclin deviendra plus visible et que le regard des politiques portera sur l’urbanisme que le Pile s’organisera. Mais, lesréalisations s’y feront lentement, au coup par coup, sur une échelle restreinte et la mobilisation des habitants se fera autant sur l’action sociale que dans le cadre du syndicalisme urbain.

1 Source : Observatoire urbain : mémoire de recherche

Le marché du samedi sur la place Carnot

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Le Pile à Cœur 2Le Pile à Cœur 2Le Pile à Cœur 2Le Pile à Cœur 2

Deuxième partieDeuxième partieDeuxième partieDeuxième partie :::: La politique de la villeLa politique de la villeLa politique de la villeLa politique de la ville

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Naissance de la politique de la villeNaissance de la politique de la villeNaissance de la politique de la villeNaissance de la politique de la ville " Mai 1968, le vieux monde craque, c’est l’écroulement de l’ordre établi d’après-

guerre; social, économique, politique" a écrit Bernard GUETTA dans le Nouvel Observateur.1

On se souvient des expressions du moment: "Il faut changer le monde, accoucher d’une autre société" et des slogans utopistes qui fleurissaient alors sur les murs de la capitale : "Prenez vos désirs pour des réalités", "soyez réalistes, demandez l’impossible", " il est interdit d’interdire".

" Fausse révolution qui a tout changé, l’école, la famille, le couple, la gauche politique, mai 68 a libéré la société d’une gangue de conventions", note pour sa part le sociologue Gilles LIPOVETSKY. " Ultime grand rêve collectif, mai 68, c’était l’optimisme du futur."

Nouvelle dynamique des aspirations, nouvelle vision de la société, mai 68 a été un révélateur.

En 1969, Jacques CHABAN-DELMAS, alors 1er ministre, a analysé, lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée Nationale, le malaise que la mutation de la France suscite : "Nous vivons dans une société bloquée. Mais l’espoir, il nous faut le clarifier si nous voulons conquérir un avenir qui en vaille la peine. De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels, au demeurant étroitement liés les uns aux autres : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l’Etat, enfin, l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales. Nous devons rendre vie aux communautés de base de notre société, humaniser les rapports entre l’administration et les administrés, transformer la vie quotidienne de chacun, viser à la fois l’éducation permanente et la transformation des rapports sociaux, l’aménagement des villes et la diffusion de la culture et des loisirs. Cette nouvelle société, je la vois comme une société jeune, prospère, généreuse et libérée."

Mais comme le souligne Jacques CHABAN-DELMAS, notre économie est fragile et les réalités sont là. L’historama que nous publions en annexe, le montre, nous assistons à une crise monétaire en France. Le chômage augmente, le franc est dévalué de 12,5 %. En 1971, de nombreux conflits sociaux éclatent, l’inflation est en moyenne de 0,5 % par mois.

En 1972, l’augmentation du coût de la vie est de 7,3 % ; les avantages salariaux des accords de Grenelle vont vite s’estomper, le chômage de masse devient une réalité préoccupante. A Roubaix, on licencie dans le textile.

L’O.P.E.P. se crée et fixe le prix du pétrole brut. Ce moyen de pression des pays non industrialisés a des répercussions économiques importantes et marque la fin des 30 Glorieuses. Le dollar est dévalué de 10 %, les produits pétroliers augmentent, la pénurie s’installe.

Sous la présidence de Valéry GISCARD d’ESTAING, le gouvernement doit faire face à une conjoncture de plus en plus difficile. Selon Paul Marie de la GORCE et Bruno MOSCHETTO2, l’année 1974 marque un tournant dans l’histoire économique de la France, et annonce des déséquilibres qui seront la hantise des gouvernements ; la hausse des prix du pétrole donne son plein effet ; l’inflation monte à 15 %. On dénombre 450 000 chômeurs. Ils seront 750 000 en 1975 et près d’un million en 1976.

Toutes ces mutations, conséquences de la croissance des coûts de l’énergie et de l’inflation, vont changer le regard de nombreux responsables d’administrations et d’hommes politiques. On découvre les réalités de la vie quotidienne au niveau des simples quartiers et des grands ensembles.

Deux sociologues, Denis ROUSSEAU et Georges VAUZEILLES3, soulignent dans une étude sur l’aménagement du territoire, que face aux premières difficultés du "mal de vivre", des

1 Nouvel Observateur N° 1776. avril 1998 2 La 5ème République. Que sais-je. PUF 3 L’aménagement urbain. Que sais-je. PUF

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maires comme Hubert DUBEDOUT à Grenoble et Jean ROYER, à Tours, orientent le développement urbain vers une gestion plus qualitative.

C’est bien la crise qui est le révélateur des conditions de vie difficiles dans les grands ensembles et les ZUP; c’est la crise qui accélère le processus de réflexion sur la dégradation socialeet va orienter les procédures vers une politique de l’habitat, alors qu’auparavant, on appliquait une politique de logement.

Une nouvelle conception de la vie sociale autour du cadre bâti va se jouer. Car, les immeubles, les grands ensembles qui pouvaient être une réponse à la crise du logement, deviennent inadaptés quand change l’environnement social. Ce sont les conditions de vie différentes qui créent les problèmes, et, bien sûr, la concentration des personnes qui vivent les mêmes difficultés ne peut que les amplifier.

Revenons à la mise en œuvre de la politique des grands ensembles. Dans les années 1950, la crise du logement atteint son paroxysme. L’Abbé PIERRE, en 1954, lance un appel en faveur des sans abris et des mal logés. La construction des grands ensembles sera une réponse à des urgences. La France se couvre de quartiers à l’équerre qui porteront cette appellation sans âme et qui deviendront, selon Bruno VEYSSIERE, le symbole de l’architecture française des 30 Glorieuses.1

" Chaque ville veut sa tour, sa barre comme symbole de modernité", note le sociologue Jean Marc STEBE. 2" Les opérations urbaines ressemblent à un palmarès d’exploits : on ouvre le chantier des Hauts du Lièvre à Nancy, un grand ensemble avec une des barres les plus longues de France, plus de 400 mètres. On construit la cité des 4000 à La Courneuve. "

Beaucoup de municipalités se lancent dans cette aventure tentaculaire: un grand ensemble regroupe 20 000 personnes pour Nîmes Nord, 25 000 pour Lille Sud, 28 000 au Val Fourré à Mantes-la-Jolie.

Et le sociologue cite Jacques LACAN, évoquant ces nouvelles cités qui deviennent des lieux de promenade et ces cartes postales qui diffusent à des dizaines de milliers d’exemplaires le nouveau visage de la France urbaine.3

Qui est propriétaire de la ville, pour qui travaillent les architectes ? se demandent Denis ROUSSEAU et Georges VAUZEILLES. " Certains quartiers, comme le quartier latin à Paris, donnent des images fortes et de l’énergie à toute une ville. Que penser des quartiers artificiels et sans références des villes nouvelles ? Dans le souci d’aménagement rapide, les aménageurs peuvent-ils rêver ? "

Jean Marc STEBE pense pour sa part que l’ambition de l’époque était pour "les architectes rendus aux idées corbuséennes4 de faire de chaque ensemble une cité radieuse, un espace fonctionnel avec un mixageharmonieux des classes sociales favorisant l’intégration. Le grand ensemble devait être le creuset dans lequel allaient se constituer les formes de sociabilité de l’homme de l’an 2000."

1 Bruno VAYSSIERE : Reconstruction, déconstruction. Le Hard French ou l’architecture française des 30 Glorieuses. 2 Jean Marc STEBE : La réhabilitation de l’habitat social en France. 3 Jacques LACAN : Chemin de grue, chemin de progrès.4 Référence à LE CORBUSIER.

La Cité radieuse de Marseille est réalisée par Le Corbusier en 1950. Elle est vite appelée la maison du fada et devient le centre d’une violente polémique. Le Corbusier y met en pratique ses théories d’ouverture sur le soleil et sur la nature. Celle de Nantes est conçue suivant les mêmes principes et construites avec l’aide du modulor, système de mesure inventé à partir de la taille standard d’un homme debout le bras levé, soit 2,28 mètres.

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En 1958, on crée les ZUP (Zones à Urbaniser en Priorité). Beaucoup de locataires, pour qui les H.L.M. représentent une promotion, manifestent un réel enthousiasme.

Citons ce commentaire de Maurice BERNARD, ancien conseiller municipal de La Courneuve et habitant de la cité des 4 000 : " Les H.L.M, on n’imagine pas aujourd’hui la chanceextraordinaire que c’était pour nous. On quittait les taudis pour s’installer dans des constructions modernes, conçues selon des normes d’hygiène strictes. Il faut se souvenir de ce qu’était l’espace ouvrier jusque dans les années 30 : une pièce enclose d’un mur, capable de contenir un lit, c’était la définition légale. Alors les H.L.M … c’était le paradis ! "1

Mais on se rend vite compte que la réalité est fort éloignée des rêves des architectes aménageurs. Les équipements (scolaires, socioculturels…) dont chaque ZUP doit être dotée, ne sont pas là, et on constate que de nombreuses nuisances sont causées par cet habitat (bruit, dégradation des matériaux, manque d’étanchéité, manque d’espace..).

On se met progressivement à critiquer ces programmes. Dès les années 60 d’ailleurs, des sociologues s’étaient montrés inquiets en voyant se dresser les décors d’un monde futuriste dans les "champs à betteraves", selon l’expression de Jean Luc SIMON.

En 1965, Hubert DUBEDOUT, maire de Grenoble, va participer activement à la création des Groupes d’Action Municipale (G.A.M.) qui s’opposeront aux ZUP. Ces groupes réfléchiront également sur la mise en œuvre de nouvelles formes de participation des habitants, ce dont nous reparlerons dans le cadre de l’action de la municipalité roubaisienne sous le mandat de Pierre PROUVOST

En 1967, on crée les Z.A.C (Zones d’Aménagement Concerté), qui remplaceront les ZUP. Et dès 69, c’est la fin de ce dispositif d’urbanisation. "195 ZUP auront été construites de 1958 à 1970 et durant cette période, on passera de l’enthousiasme le plus fort à la critique la plus virulente et sans appel," souligne Jean Marc STEBE.

Bien évidemment, des chercheurs en sciences sociales n’ont pas manqué de se pencher sur le malaise généré par ce type d’habitat. Les premières constatations font état d’un enfermement physique pour des gens qui n’ont pas de moyens de locomotion personnels et qui vivent dans des quartiers où la desserte des transports collectifs n’est pas étudiée. Les autoroutes, les voies express, les infrastructures routières forment une barrière infranchissable qui enferme les habitants dans un territoire qui prend vite les caractéristiques d’un ghetto. Comment aller au centre ville ? Comment se rendre sur le marché du travail ? Comment effectuer une recherche d’emploi ? Comment se situer hors du quotidien quand on n’a pas de mobilité ? L’enfermement physique provoque l’enfermement culturel.

On s’interroge également sur la possibilité d’une vie sociale dans cet habitat uniforme. On constate une grande fragilité, un ennui insidieux chez des locataires incapables d’établir des liens de voisinage harmonieux.

Jean Marc STEBE fait remarquer que des mises en garde existaient pourtant, notamment celles émises par J. C. CHAMBOREDON et M. LEMAIRE, qui ont essayé de montrer combien "il était illusoire de penser que la proximité spatiale serait le catalyseur de la convivialité." Ces deux chercheurs constatent par exemple que des conflits opposant des groupes sociaux fort proches, tels que les ouvriers qualifiés et les ouvriers non qualifiés, apparaissent. Et de citer TOCQUEVILLE, qui dans son ouvrage " De la démocratie en Amérique,2 " avait déjà mis en évidence que "l’hostilité entre les groupes sociaux augmente au fur et à mesure que les écarts, les séparant, diminuent et que l’égalité des conditions progresse."

Pénétrante analyse, qui date de 1835 !

On s’aperçoit également que les classes moyennes ne restent guère dans cet habitat social, qui, en fait, constitue pour elles, un parcours transitoire vers des zones pavillonnaires. Ce processus conduit à leur remplacement par des familles en difficulté, ce qui ne peut que révéler davantage les indicateurs de précarité.

1 Source : Jean Marc STEBE : ouvrage cité. 2 De la démocratie en Amérique. Edition Garnier Flammarion 1835

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En 1971, une circulaire préconise la réalisation de locaux collectifs résidentiels ( L.C.R.) et encourage le développement de la vie sociale dans les grands ensembles d’habitation. A cette époque, un courant de réflexion, qui deviendra en 1973 le groupe Habitat et Vie Sociale (H.V.S.), ambitionne , autour de Robert LION, directeur de l’Union des H.L.M, de créer dans les grands ensembles, une vie communautaire. Pour Jean Luc SIMON, les préoccupations de ce club, auquel participent des gens de terrain (directeurs de P.A.C.T, directeurs de société H.L.M, maîtres d’ouvrage, travailleurs sociaux, sociologues…), portent sur la mise en œuvre d’un urbanisme plus humain. "On les voyait dans les couloirs du ministère ; à l’époque, pour obtenir des résultats, il fallait avoir des réseaux à Paris," souligne Jean Luc SIMON.

Selon Jean Marc STEBE, la dynamique H.V.S. va jouer le rôle de déclencheur et de diffuseur d’une nouvelle conception, tant de l’habitat, que de la vie sociale qui s’y déploie. De 1973à 1977, le groupe va s’employer à mettre en chantier les premières opérations de réhabilitation des grands ensembles, 13 programmes seront réalisés: " Ces expériences de revalorisation des zones d’habitat social dégradé partaient de l’idée que l’amélioration du bâti assurerait l’arrêt du processus de dégradation, permettant un renouveau de la vie sociale, et le retour des ménages plus aisés ."1

Pour Julien DAMON2, ces opérations H.V.S, au milieu des années 70, constituent la phase inaugurale des politiques de quartiers. Jusque là, on avait affaire à des aménagements, à des ajustements et non à une véritable politique. Le sociologue voit même dans les H.V.S, un déplacement des préoccupations et des luttes liées à la société post-industrielle ; l’entreprise n’estplus le lieu unique où se jouent les rapports sociaux ; la vie sociale hors travail devient le champ d’expression des aspirations.

En 1977 est votée une loi pour la mise en place de l’aide personnalisée au logement (A.P.L.), accordée aux ménages en fonction des ressources. Par cette réforme du financement des logements, on passe, comme le souligne le législateur, de l’aide à la pierre à l’aide à la personne.

La même année, est créé le Comité Interministériel Habitat Vie Sociale : on s’oriente bien vers la mise en œuvre d’une politique, en prenant en compte toutes les actions publiques engagées sur la ville et les priorités données au social urbain.

L’effet H.V.S produit son impact et apparaît être à l’origine de ce qu’on appellera politique de la ville. Julien DAMON le confirme : "Les vrais précurseurs de la politique de la ville sont ces militants qui ont réussi à persuader les pouvoirs publics de la nécessité d’innover."

Et pour Annie FOURCAUT, "…le développement de la politique de la ville est la mise sur agenda politique des ces évolutions sociétales…"3

Mais que recouvre cette notion, évoquée pour la première fois par Jacques BARROT, alors Secrétaire d’Etat dans le gouvernement de Raymond BARRE ? Cette appellation récente, elle n’a que 25 ans, demande des éclaircissements, nous dirions même une exégèse, que Jean Pierre BRIERE nous fournit dans une étude effectuée lorsqu’il était adjoint au chef de la mission des Archives Nationales placée auprès du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité : "Le mot ville, dans politique de la ville, conseil national des villes, comité interministériel des villes, délégation interministérielle à la ville, cache en fait un terme générique , un euphémisme, qui désigne la ville mal faite, celle qui pose des problèmes, celle qu’il faut reconstruire, celles dont les cités construites dans les années 60 commencent à se délabrer.

Au Ministère de l’Equipement et du Logement, on fait des routes, des immeubles ; avec la ville, on ne fait jamais de ville !

La politique de la ville est ce que l’on perçoit, à un moment donné, de ce que doit être une ville. Le cadre bâti des villes du XXIème siècle est déjà construit à plus de 80 %. Il s’agitd’aménager et de gérer la ville existante."

1 Source : La réhabilitation de l’habitat social en France. Rapport de monsieur IMBERT 2 Julien DAMON : Politique de la ville. 3 Faire l’histoire des grands ensembles. Université Paris 1

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Pour tenir compte de la place de la personne et de ses rapports avec la société environnante, une nouvelle dynamique se fonde à partir de ces constats : ce n’est plus le logement qui est essentiel, c’est le cadre de vie, ce sont les gens qui vont y vivre.

Au cours de ces années, notamment celles du septennat de GISCARD d’ESTAING, on assiste à de grandes innovations sociétales. Citons les lois VEIL sur la contraception, la création d’un Secrétariat d’Etat à la condition féminine qui est confié à Françoise GIROUD, l’année de la femme, la reconnaissance de la place des handicapés, la réforme du système éducatif. Même si la loi sur l’éducation de René HABY est controversée, ellerépond aux besoins de modernisation de l’enseignement. Le collège unique, la suppression des filières, l’accès pour tous à la même culture et aux mêmes savoirs, le report de l’orientation à la fin du cycle secondaire, les rythmes d’apprentissages différenciés au cours préparatoire, les classes spécialisées et les aides pédagogiques, répondent au principe de "l’égalité des chances". Le nouveau collège, instauré en 1975, mis en place à la rentrée scolaire de 1977, vise la réussite de tous.

"Idée belle et généreuse, qui n’est pas née brutalement. Elle est le fruit d’une maturation progressive vers un idéal de démocratisation. Valéry GISCARD d’ESTAING rêve d’une unité de la société française et de la réduction de l’inégalité des chances".1

Si le Nouvel Observateur note que les faits ont quelque peu démenti l’ambition de départ, le journal Le Monde, quant à lui s’interroge :"La réforme HABY : un projet juste qui n’a pas tenu ses promesses ?" 2 Vaste débat, toujours d’actualité.

C’est une période d’intenses réflexions et d’avancées sociales. Mais les hommes au pouvoir ne sont pas les seuls à réfléchir sur les évolutions de la société. Comment sortir de la crise ? Comment prendre en compte les aspirations des Français ? Comment mettre en œuvre une démocratie de proximité ? Les partis politiques sont concernés mais aussi les groupements, les associations, les syndicats … chacun y va de sa proposition. Entre 1975 et 1977, il y eut en France plusieurs dizaines de projets pour la refonte du système éducatif. Chaque parti politique, chaque syndicat, chaque groupement à orientation éducative comme les fédérations de parents d’élèves ou les associations de formation d’animateurs de centres de vacances, tous ont rédigé une proposition de réforme, souvent inspirée par des courants sociologiques qui dénoncent les inégalités créées par le système.

Il en va de même pour la remise en cause des autres institutions comme le mariage, la famille et la place de la femme, comme l’armée, la conscription et la dissuasion, comme le droit à la différence, la solidarité et l’intégration, comme encore le travail, les loisirs, le logement.

L’émergence d’une parole plurielle permet aux débats d’idées d’exister à différents niveaux, localement, nationalement, voire mondialement. Chaque citoyen est acteur du débat, même s’il est en marge des instances de décision.

Avançons ici une hypothèse que d’aucun pourront trouver inattendue : le mal-être et les réponses à y apporter vont permettre la montée de la Gauche.

Expliquons-nous. On assiste à cette époque , il faut le souligner, à l’émergence d’une nouvelle génération d’hommes politiques au pouvoir, tant sur le plan national que sur le plan régional et local, et cela aussi bien à Droite qu’à Gauche.

Pierre MAUROY remplace Augustin LAURENT, Pierre PROUVOST remplace Victor PROVO, c’est la disparition des caciques de l’ancienne S.F.I.O. Intervient également le fait que l’application du programme commun change les alliances entre partis et modifie considérablement 1 Nouvel Observateur du 2.01.2003 2 Le Monde du 29.03.2001

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le paysage politique des villes de Gauche. A Roubaix, on ne retrouve que deux hommes qui furent élus en 1966 et en 1977 : Pierre PROUVOST et Etienne SAVINEL, qui étaient déjà adjoints tous les deux.

Les nouveaux courants vont prendre en compte les idées novatrices en particulier celles de la politique de la ville. En 1965, Hubert DUBEDOUT, maire de Grenoble, réfléchit à la mise en œuvre de la participation des habitants à la vie de la cité. Si, au plan national, aucune concrétisation ne se met en place, il n’en est pas de même sur le plan local où les expériences se déroulent et servent de référence dans les débats. Exclue des affaires du pays, la Gauche expérimentera, où elle le peut, de nouvelles stratégies pour répondre aux problèmes de la société. Ainsi, avant même les premiers textes sur la politique de la ville, la participation des habitants et la concertation, Roubaix, sous l’impulsion de la municipalité, met en place des outils pour le faire, en particulier, les comités de quartier. De la même manière, c’est en 1978 que sont réalisées les premières grandes enquêtes de l’I.R.E.P.1 sur les indices gravitant autour de la réussite ou de l’échec scolaire. Bertrand SCHWARTZ vient à la demande de Gérard DEBOUVERIE, adjoint au maire, donner une conférence sur le thème de l’éducation permanente, sujet au cœur des préoccupations des élus. De même, on fait une étude statistique qui recense les renseignements concernant le niveau socio-économique fondé sur les professions, la taille et l’aménagement du logement, la composition de la cellule familiale, l’origine ethnique, le retard scolaire… indices qui seront repris pour mettre en œuvre la politique des Zones d’Education Prioritaires en 1982. Et si Jean Claude PROVO, maire d’Hem, met en place une zone éducative dès novembre 1981, c’est parce que tout est déjà étudié et préparé.

La Gauche n’a pas inventé la politique de la ville, elle a repris les mêmes critères d’analyses, les mêmes fondements que la Droite. En ce sens, son arrivée au pouvoir en 1981 ne bouleverse pas le discours, il n’y a pas de rupture politique dans les intentions. La différence, car il y a différence, se situe davantage dans la recherche des solutions proposées.

On peut considérer que la Gauche, dès l’élaboration du programme commun de gouvernement, se prépare pour prendre en main les affaires de l’Etat.

En 1981, le nouveau gouvernement dirigé par Pierre MAUROY vient à peine de se mettre en place que se produit, dans la banlieue lyonnaise, un nouveau type de révolte. Durant "l’été chaud des Minguettes", 250 voitures de luxe sont volées par des jeunes qui, après avoir fait un rodéo dans leur quartier, les enflamment. L’émoi est considérable. "On comprend bientôt que ces jeunes sans emploi revendiquent par des actions pyrotechniques une part du gâteau, ils ne voulaient pas être « les laissés pour compte» de la décennie qui s’ouvrait en 1980", note Jean Marc STEBE.2

Dès le 10 juin 1981, Pierre MAUROY installe la commission SCHWARTZ pour étudier les problèmes d’insertion, dans la vie professionnelle, des jeunes en difficulté. Le rapport remis au 1er ministre préconise la création des missions locales qui répondent aux besoins des jeunes (formation, emploi, logement, culture, justice).

Le gouvernement définit très vite également sa politique à l’égard des grands ensembles ; il adopte une nouvelle démarche d’intervention : la procédure "Développement Social des Quartiers". On crée la commission nationale D.S.Q, elle est présidée par Hubert DUBEDOUT, le père de la politique de la ville, selon Jean Louis BRIERE. En France, 16 sites expérimentaux sont retenus pour appliquer une nouvelle approche de la politique en faveur des quartiers défavorisés.

La majorité des sites sont représentés par des Z.U.P à habitat vertical qui furent créées dans les grandes agglomérations au cours des années 60 et dont la réhabilitation s’impose.

A Roubaix, il y aura quatre sites, proportion énorme par rapport au reste de la France, un quart des réalisations, et sur ces quatre sites, trois seront constitués de zones d’habitat ancien de type horizontal !

1 Institut Roubaisien d’Education Permanente 2 Ouvrage cité.

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Roubaix, une ville complexeRoubaix, une ville complexeRoubaix, une ville complexeRoubaix, une ville complexe Roubaix apparaît comme une ville aux multiples problèmes, mais une ville qui veut

bouger et qui veut des moyens. Il y a là de nouveaux enjeux pour les habitants et pour l’équipe municipale en place depuis 1977 !

En effet, on veut bouger à Roubaix. Des hommes nouveaux, issus d’une majorité dans laquelle arrivent pour la première fois des militants du P.C, du P.S.U, à la place des centristes, impulsent une nouvelle dynamique, élaborent des axes de projets forts comme celui du Versant Nord-est, tentent de mettre en place les outils d’une démocratie participative…

Un homme, à la personnalité complexe, va faire des choix pour Roubaix. Décrié, sali même, Pierre PROUVOST n’a pas marqué la mémoire des Roubaisiens comme ce sera le cas pour son successeur, André DILIGENT.

En 1977, Victor PROVO, maire sans discontinuité depuis la Libération, ne se représente pas. Durant ses multiples mandats, l’évolution de la ville a été marquante. Des quartiers ont été rasés et reconstruits, d’autres urbanisés. Par la rénovation d’une partie importante de la cité, la municipalité a voulu donner un nouveau visage à Roubaix.

En 1983, peu de temps avant sa mort, Victor PROVO passant en revue ce qui a été réalisé sous son autorité, déclare :" Jamais, hors les destructions de la guerre, je n’ai entendu dire de ci, de là, qu’on avait systématiquement détruit 7 000 logements et préparé la démolition de plusieurs de dizaines de milliers d’autres".

Sous Victor PROVO, on bâtit des groupes scolaires, des salles de sports, une piscine, on quadrille la ville de centres médicaux, de résidences pour personnes âgées, de crèches. Rappelons que, déjà en 1966, Roubaix accueille 200 enfants dans les crèches municipales ; il y en a 500 dans

le nord ! On investit dans les équipements, le souci de faire du social est prégnant et ce depuis les années d’après la première guerre mondiale. Roubaix a son école de Plein Air, une réalisation enviée par les communes voisines, et le centre aéré de l’été, ouvert dès les années 20, qui accueille gratuitement 4 à 5 000 enfants des quartiers roubaisiens durant près de six semaines. De plus, chaque mercredi, on ouvre une école par quartier pour accueillir les enfants et les convier à des activités sportives, manuelles, goûter et assister à une projection cinématographique. Les mercredis récréatifs, encadrés le plus souvent par des enseignants rémunérés par la ville, offrent une possibilité d’animation gratuite qui s’ajoute à celle des centres sociaux roubaisiens. Victor PROVO a participé grandement à l’évolution de la ville, il a suivi le sillon tracé par ses prédécesseurs, dont Jean LEBAS. Comme le souligne Jean PIAT :" Victor PROVO a profondément marqué Roubaix de son empreinte".1

Ce n’est pas seulement par son activité dynamique qu’il fut reconnu et apprécié de ses administrés, il le fut également par sa manière d’être. Tout en rondeur aimable, il savait être présent et s’adapter aux caractéristiques de ses interlocuteurs. Cérémonieux avec la Reine d’Angleterre, il racontait des histoires en patois aux banquets des anciens. Sa culture politique était celle des hommes de la Troisième République, celle des alliances de bon sens. Si certains ont pu regretter son rapprochement avec les patrons du textile, ce fut pour créer le C.I.L au bénéfice de la population. 1 Photographie obligeamment prêtée par monsieur BOHEE, agent du patrimoine, musée de Wattrelos.

Victor PROVO et Albert PROUVOST en grande conversation lors du 40 ème anniversaire de la création du C.I.L.

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Trente années au service de la Ville, plusieurs fois Député, Président du Conseil Général, Sénateur, une carrière politique bien remplie, mais une carrière qui s’essouffle sur la fin. L’exercice du pouvoir, avec les idées du passé, s’est mal accommodé du tournant des années 70. Pierre DUBOIS le reconnaît :"Il était d’une culture politique d’une autre époque, il a eu du mal à appréhender toutes les évolutions de la ville et la diriger vers la modernité. Il acceptait mal les montées contestataires qui émergeaient de l’Alma".

Pierre ProuvostPierre ProuvostPierre ProuvostPierre Prouvost ou une mandature dynamiqueou une mandature dynamiqueou une mandature dynamiqueou une mandature dynamique Pierre PROUVOST est conseiller municipal en 1955, adjoint au maire dès 1966, avec

comme attribution, la culture, les fêtes, l’animation, l’information. Il deviendra aussi le 1er

secrétaire de la section de Roubaix du Parti Socialiste. En septembre 1976, lors des séances préparatoires à la désignation de la candidature aux

élections municipales de 1977, il noue des alliances et prend la tête de la Gauche. Celle-ci s’inscrit dans la dynamique du programme commun et exclut les anciens élus centristes, dont André DILIGENT, Michel BAUDRY, et s’ouvre aux Communistes et au P.S.U.

"Cela s’est fait dans la douleur", nous confie Pierre DUBOIS, et cela laissera des traces dans le parti du futur maire.

Pierre PROUVOST dispose de 6 mois pour se préparer, organiser son équipe, discuter de la mise en œuvre de son programme. Il a des contacts avec Hubert DUBEDOUT, maire de Grenoble et animateur du G.A.M.1, et il participe au sein de cette mouvance au groupe de réflexion qui essaie d’inventer une villenouvelle et des nouvelles formes de participation des habitants à la vie locale. Le futur maire se forme,s’informe, se déplace. Il se rend à Grenoble en 1976, et en Italie en voyage d’études. Il suit les évolutions de la société.

Dès sa prise de fonction en mars, il veut faire bouger les choses, il a la volonté de sortir Roubaix de l’ornière et d’être de son temps. Un mois après sonarrivée, l’idée des comités de quartier se fait jour et le conseil municipal parcourt l’ensemble de la ville pour rencontrer les habitants, les écouter et promouvoir la concertation par le biais de ces instances. L’épeule-Alouette-Trichon sera le premier Comité de Quartier, le Sartel se constitue en Comité de Défense, la Justice, le Cul-de-Four et tous les autres vont réagir à leur tour.

Les réunions ont lieu dans des locaux gérés par la municipalité, les restaurants scolaires en particulier, mais les élus font le choix de doter chaque comité de quartier d’un local qui lui serapropre. Pour le Pile, ce sera le 129 de la rue du Pile.

Pierre PROUVOST, analyse Pierre DUBOIS, "c’était le P.S. nouveau. Il voulait une gestion la plus moderne possible, une façon pour lui de s’inscrire dans une carrière politique nationale. Au nom de cette ambition, il affichait une modernité, y compris sur la participation"

On racontait à l’époque qu’il attendait un coup de téléphone lui annonçant sa nomination à un poste de Secrétaire d’Etat.

Pierre PROUVOST ne veut pas rester dans les rails de son prédécesseur, il secoue "le cocotier", il impose son autorité dans les services administratifs de la ville, ce qui ne sera pas sans créer d’emblée des crispations, et même des grèves.

1 Groupe d’Action Municipale

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Après la personnalité affable de Victor PROVO, le caractère " technocrate" de son successeur passe difficilement à l’interne et à l’externe. Certaines remarques, lancées par des intervenants lors de réunions publiques, le font parfois sortir de ses gonds et le rendent cassant vis-à-vis de ses interlocuteurs.

Pierre PROUVOST n’est pas un homme facile. Il n’a pas le charisme qui fait les maires appréciés. "Il n’avait pas la fibre roubaisienne", nous a-t-on dit souvent. Tous ceux qui l’approchaient le jugeaient autoritaire. "Des gens l’appelaient le petit Marquis", a écrit Emile DUHAMEL.1

Mais Pierre PROUVOST, sous des dehors rigides et froids, est un homme de convictions qui s’entoure de gens compétents.

Laissons parler Pierre DUBOIS qui était en 1977 chargé de mission sur les problèmes de logement au cabinet du maire :

"Pierre PROUVOST s’est dit qu’il fallait un projet fort pour Roubaix et il a commencé à le faire. C’est pour cela qu’il a mené à terme l’opération de l’Alma-Gare et de l’Alma-Centre, qu’il a pris des initiatives pour la création du Versant Nord-Est ainsi que pour le traitement des friches industrielles et qu’il a entrepris l’aménagement de l’avenue des Nations-Unies.

Homme que l’on disait autoritaire, il avait pourtant une relation de confiance avec ses collaborateurs dès lors que les choses lui semblaient pertinentes. Il a laissé ses techniciens travailler au nom de cette politique là ".

" Soyons clair", poursuit Pierre DUBOIS, "si André DILIGENT a pu réussir des choses, c’est pour une bonne part parce que Pierre PROUVOST a eu la volonté de démarrer et fait des choix. André DILIGENT a certes vu la réalité plurielle de la ville en 1983 et pris à bras le corps lesproblèmes de la cité, mais il a récolté les fruits de nombreux dossiers impulsés par son prédécesseur".

De même, selon nous, des projets instruits sous André DILIGENT, n’ont trouvé leur aboutissement que sous René VANDIERENDONCK.

Il est bien difficile d’appréhender la paternité de certaines initiatives. Mais ce qui est incontournable, c’est le fait que ce n’est pas André DILIGENT qui a lancé la politique de la ville et mis en route le renouvellement de Roubaix.

Pour Pierre DUBOIS, pragmatique, l’important c’est de ramener à la durée. 30 ans, c’est peu et c’est beaucoup, le changement se faisant sur une longue période.

Selon un article de Nord-Eclair intitulé" le jour où Roubaix a basculé", Pierre PROUVOST, lors de la campagne électorale pour les élections de 1983, présente un bilan en béton et n’envisage pas sa défaite, pas plus qu’André DILIGENT ne croit à sa victoire. Les sondages, d’ailleurs, donnent le maire sortant largement gagnant."Les sondages, peut être, note le journaliste, mais pas l’opinion publique, volontiers friande de rumeurs et de calomnies insidieuses qui touchent à la vie privée, et dont on fait des gorges chaudes".2

Alain GUILLEMIN 3, de son côté, pense que "Pierre PROUVOST, par son attitude, s’est appliqué durant son mandat, à scier la branche sur laquelle il était assis, et qu’il a donné, à ses adversaires un bâton pour le battre".

Pierre PROUVOST, lors de l’interview qu’il nous a accordée, s’est montré sinon aigri, du moins amer sur la manière dont il fut évincé des affaires. Homme de contradictions, il n’a cependant pas à rougir de son bilan.

Nous pensons, pour notre part, que la période 1977-1983 a été une période charnière dans l’évolution de la ville et dans la mise en place des moyens de concertation avec les habitants.

1 Emile DUHAMEL : Parcours d’un prolétaire du textile roubaisien. 2 Nord-Eclair : 5 février 2002 3 Directeur du Théâtre Louis RICHARD, secrétaire puis Président de la Fédération des Associations Laïques de Roubaix.

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Marc VaMarc VaMarc VaMarc Vandewynckelendewynckelendewynckelendewynckeleou une certaine idée de la démocratie participativeou une certaine idée de la démocratie participativeou une certaine idée de la démocratie participativeou une certaine idée de la démocratie participative.... Marc VANDEWYNCKELE est un chercheur qui fait partie de cette mouvance

DUBEDOUT, soucieuse de mettre en œuvre de nouvelles formes de participation des habitants, sur une idée forte : les habitants sont les acteurs du changement.

Contrairement à ses collègues adjoints au maire, Marc n’est pas passé par la filière des partis et n’a jamais été conseiller municipal ; on peut donc dire avant la lettre qu’il est issu de la société civile. Il a l’occasion d’appliquer ses idées sur le terrain, il y va et fait son entrée en politique.

Comme Pierre PROUVOST, il s’est rendu en Italie, où depuis 20 ans, des avancées dans le domaine de la démocratie locale ont vu le jour. Selon le compte-rendu d’un colloque sur ce thème, paru dans la Voix du Nord du 4 Juin 1979, la décentralisation y est plus poussée qu’en France et la tradition des comités de quartiers est déjà ancienne. "A Bologne, en 1965, sont crées trois comités par désignation de représentants des partis à la proportionnelle, d’après les résultats des élections municipales. A Pavie, en 1968, on procède à des élections au sein de chaque quartier. Neuf comités sont installés : ils peuvent intervenir sur le budget, les plans d’urbanisme, les permis de construire, la gestion des personnels décentralisés. En 1976, une loi officialise les comités de quartiers dans les communes ; Pavie pousse plus loin sa décentralisation au niveau des quartiers en prévoyant pour les comités la possibilité d’organiser des référendums. La décentralisation ne concerne pas seulement la gestion, mais se situe aussi au niveau de l élaboration des projets".

Le journaliste relate également l’expérience des Halles de Paris, où l’action des habitants depuis une décennie, a permis d’obtenir des modifications du projet initial qui concernait 18 000 personnes sur 35 hectares : la volonté des Parisiens a été prise en considération.

Sur le plan roubaisien, Pierre PROUVOST, qui a vécu le mouvement de l’Alma et qui connaît l’existence de l’A.P.U, n’ignore pas la volonté des habitants de participer à l’élaboration deleur quartier. Mais il y a eu affrontement direct avec la Mairie : "Vous ne ferez pas sans nous ". Ce type de conflit laisse des traces, il s’agit de ne pas revivre ce qui a été vécu.

N’est-il pas préférable d’anticiper les problèmes au moment des restructurations et d’accompagner les actions de participation locale ?

On va s’inspirer de l’expérience des autres...

Pour le futur maire, la mise en place des comités de quartiers répond certes à un désir de faire participer la population, mais en même temps à un souci de l’organiser, afin qu’elle rentre dans un cadre acceptable dans lequel la municipalité puisse agir. Comment Marc va-t-il entrer dans ce schéma ?

Dès 1977, quelques mois après l’élection du nouveau conseil municipal, les élus, maire en tête, sillonnent les quartiers de Roubaix et vont à la rencontre des habitants. Le bus les dépose à des endroits stratégiques qui sont repérés et connus de la population. Etre à l’écoute est le mot d’ordre, on prend des notes et une réunion publique clôt la journée. Tous les problèmes y sont abordés, la politique descend dans la rue.

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Marc VANDEWYNCKELE a exposé ses idées dans un courrier qu’il nous a adressé : "Pour moi, la démocratie consiste à rendre le citoyen actif à toutes les phases d’un processus de décision d’une loi ou d’un projet, et à lui donner la possibilité d’en contrôler l’exercice. Il n’y apas de participation s’il n’y a pas de co-décision d’ordre budgétaire. La démagogie, elle, naît quand des élus font croire aux gens qu’ils les ont compris, et qu’une loi qui a été formée sans eux, est bonne pour eux. Deux cultures s’affrontent , l’une secrétant plus de démagogie,celle d’une société programmée, encadrante, et l’autre, amenant plus de démocratie, celle d’une société dans laquelle on pense à libérer les énergies et à éveiller les consciences, en croyant à la vertu des citoyens".

On le constate, Marc met la barre très haut : "Ce qui m’inspirait en 1976, et qui continue de m’inspirer, c’est la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Le fondement de la démocratie participative y est inscrit : l’article 11 dit que tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement".

C’est la question fondamentale. Vous me demandez comment un citoyen" pauvre" peut s’approprier le langage, et comment on peut rendre sa parole légitime. .Je vous répondrai en citant ce qu’a dit une habitante de La Réunion , où j’ai organisé les premières Rencontres réunionnaises de la démocratie locale au nom de l’ADELS1, le 21 février 2002. "Pas besoin conet lire pour anim not quartie" et une autre : "Même mal, je dis et je fais". Voilà un atout majeur pour les mouvements d’éducation populaire ! Peut-on imaginer une démocratie locale sans ouvrir le chantier de la pédagogie de la citoyenneté ?

Pour notre part, nous pensons que la démocratie demande de laisser le temps de s’exprimer, afin que le droit à la parole ne soit pas confisqué, détourné. Souvenons-nous qu’à l’Alma, il y avait tous les mercredis, un temps où l’on produisait du débat ! Pour Alexander NEILL2, l’auteur du célèbre "Libres enfants de Summerhill", l’important, ce n’est pas tant ce que la personne dit, que l’attention que nous portons à ce qu’elle dit, c’est notre attitude par rapport àelle.

Si la parole a ses limites, elle a aussi ses exigences et pour être vraie, elle se doit de passer par des moments différents de l’expression.

Le premier est généralement celui du silence, "je peux parler, dire des choses, mais cela m’engage, je n’ai pas confiance et puis ce que je dis, peut se retourner contre moi".

Le second est celui du verbiage, des " tas de sable". "Je parle et dis, répète, à qui veut l’entendre mais en général, je ne me dévoile pas, je déballe. Y a qu’à, c’est à cause, et puis ce sont les autres… mais je parle, et surtout j’espère qu’on m’écoute".

Le troisième temps est celui de la construction. "Je m’investis dans ce que je dis, et les autres me font comprendre par leur attitude que je suis écouté, alors je peux aussi les écouter, et l’échange peut commencer".

Pour aller au-delà, il faut passer par un moment departage du pouvoir et la démarche de l’Alma nous le rappelle bien, la contestation n’amène la construction que si les pouvoirs sont partagés.

Le programme de Pierre PROUVOST comporte bien ces objectifs ; concertation, information, et l’établissement de nouveaux rapports entre la municipalité et la population.

Le Centre d’Informations Municipales, porte ouvertesur la ville, lieu où tout citoyen peut prendre connaissance des grandes orientations de la municipalité, est créé dès 1978, le centre d’information sur l’Habitat suivra quelques années plus tard. La municipalité met en place 8 commissions extra municipales qui ont pour but, dans chacun des domaines essentiels de la vie sociale, de recueillir les besoins et les aspirations de la population.

1 ADELS : Association pour la Démocratie et l’Education locale et Sociale. 2 Pédagogue britannique (1893.1973) qui s’inspirera de méthodes non autoritaires et de la psychanalyse freudienne pour faire vivre une école privée durant plus de 50 années.

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Dès le début de la mandature, le maire prend des initiatives et adopte la même démarche de fondation dans chacun des 11 grands secteurs de la ville pour le lancement des comités de quartiers.

� rencontre des élus avec toutes les forces vives du secteur. � premier diagnostic par thèmes, renvoyé aux participants � visite en autobus de Pierre PROUVOST et des élus dans le quartier. � réunion à la fin de la visite, ouverte à tous, à l’issue de laquelle les

questionnements sont regroupés et débattus en 3 ou 4 réunions successives.

Au terme de ces discussions, sont constituées des commissions dans lesquelles se retrouvent des individus citoyens, des associations et des professionnels agissant dans le secteur.

Pierre PROUVOST fait donc le tour de chaque quartier et expose avec Marc la démarche municipale, en vue de mettre en place une entité qui s’appellera " comité de quartier".

Il s’agit bien d’une initiative de la mairie, que certains ont eu du mal à comprendre. "Ma démarche n’a jamais été de faire du forcing" écrit Marc. "Je me suis toujours tenu

au programme municipal qui envisageait les comités de quartier, si l’ensemble des forces vives le demandait, et dans une forme ouverte (type auberge espagnole1) sans donner une prédominance quelconque à un élu".

Les quartiers, qui n’ont rien sollicité, ne sont pas tous prêts à participer; nous avons déjà évoqué la constitution des premiers groupements, et les réactions de certains secteurs comme au Sartel, à la Justice, au Cul de Four et de bien d’autres. Sainte Elisabeth se referme sur son association paroissiale et son clocher ; au Pile, le comité des fêtes, solidement implanté, est inquiet de l’émergence de ces associations. "Ce n’est pas concurrent, c’est complémentaire", commente l’adjoint aux quartiers lors d’une réunion.

Marc continue sa croisade pour une démocratie de terrain, il parle aux gens et s’applique à faire émerger cet enjeu pour lui essentiel : comment va–t-on construire ensemble ? Lors du colloque de 1979, qui marque une étape importante dans la vie des comités de quartier, Marc VANDEWYNCKELE, évoquant la naissance et parfois la difficile mise sur pied de ces associations ou groupements, n’hésite pas à relever deux questions qui sont apparues fondamentales : la représentativité et les moyens d’exercer un pouvoir réel de décision dans la ville ; autrement dit : reconnaissance, autonomie, partage des pouvoirs. "Nous avons découvert la différence de niveaux de préoccupation entre élus, techniciens, associations, habitants, la peur de ne plus être entendu en tant que tel , ou de voir des actions récupérées. Des visions très diverses sont apparues sur le pouvoir des habitants et leur légitimité. Du pouvoir, lequel ?

Pouvoir d’enregistrement ? Pouvoir de consultation ? Pouvoir simulé ? " Continuant son analyse, il ose ces questionnements sans concession: "Avons-nous été

directifs ? Avons-nous été démocrates ? Sommes-nous des démagogues ? Avons-nous été des techniciens préférant octroyer la participation plutôt que de la laisser conquérir ? "

Marc, qui a été l’un des artisans du coup de pouce, s’interroge encore des années plus tard : "Fallait-il donner ce coup de pouce ? Fallait-il attendre les événements et les créations spontanées ? Je laisse à chacun et à l’histoire le soin de répondre à ces questions. "

Lors d’une formation organisée à l’I.R.E.P en 1979, un bilan réalisé par les participants laisse apparaître des tensions : il souligne tout d’abord une revendication qui n’avait pas été prise au sérieux : une participation voulue comme élaboration conjointe et non comme une consultation 1 Lieu où l’on ne trouve que ce qu’on y apporte.

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sur des projets déjà mûris et quasiment décidés. C’est d’ailleurs la teneur d’une lettre envoyée au maire par le comité de quartier de l’Hommelet, après une réunion avec l’adjoint à l’urbanisme. "La Municipalité nous a donné une information. Des projets existent, mais ceux-ci n’émanent que de la ville. Tout était préparé, tout était décidé. On peut alors se poser la question de la participation".

Or, pour Marc VANDEWYNCKELE, adjoint aux quartiers, "il est clair que les options doivent rester en discussion à tout niveau jusqu’au passage en Conseil, sinon, les comités de quartier n’ont plus d’objet". Des dissensions se font donc jour.

Une deuxième revendication relève le souci de ne pas en rester aux petits problèmes de la vie quotidienne : les comités de quartier doivent aussi débattre de l’ensemble du projet ville.

Les conclusions de ce bilan n’apparaissent guère tendres :" les élus semblent attendre des Comités une caution de leurs projets, mais semblent décidés à conserver le pouvoir, qui appartient de droit aux habitants pour les décisions de quartier".

Les rapporteurs dénonceraient-ils ouvertement la démarche municipale ? Citons une dernière remarque lancée par un intervenant : "Les comités de quartier de Roubaix ne peuvent sortir de la manipulation et de la thérapie sociale qu’à condition de couper le cordon ombilical qui les attache à la Mairie".

Là où l’on attend la concertation, on enregistre la suspicion. Pour notre part, nous pensons avec Marc VANDEWYNCKELE que ces difficultés proviennent des conceptions contradictoires du rôle des comités de quartier au sein même de l’équipe municipale.

Ci-dessus, participation du Comité de Quartier de l’Epeule lors de la braderie.1

Et pourtant, en 1977, la Mairie met en place des structures de concertation, permettant

un rééquilibrage démocratique. Ces instances deviendront les comités de quartier. Après l’émission de TF1 réalisée à l’Alma en 1979, Pierre PROUVOST déclare :"On

n’a pas montré l’expérience de concertation, symbole d’une démocratie vécue". Le maire affiche donc nettement la volonté municipale en ce domaine. Mais, selon nous, la mairie n’a pas pu, ou voulu, aller au bout des pratiques et du partage du pouvoir. Il n’y a sans doute pas eu accord unanime de l’ensemble des élus sur la conception de la démocratie locale, peut-être par peur d’une "almagarisation"de la ville.

On n’a pas réellement donné aux quartiers les moyens d’évoluer dans le sens de l’Alma et de sa prise de pouvoir : pouvoir regarder, pouvoir dénoncer, pouvoir contester, pouvoir risquer, 1 Bulletin d‘informations municipales de la ville de Roubaix : trois années d’action municipale 1977-1980

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pouvoir révolutionner. La mairie n’a pas greffé le dynamisme de l’Alma sur les autres quartiers. Pour Marc, c’était non dit, parfois dit en coulisse : l’Alma devait garder un certain statut d’exception...

Pierre PROUVOST, tout en jouant un rôle d’animateur, avec un esprit de tolérance que Marc reconnaît, reste dans ce que l’adjoint aux quartiers appelle la société programmée.

Toutefois, il laisse carte blanche au 14ème et dernier adjoint. "Pour le maire", :écrit Marc, " cette culture politique était un peu assimilée à une médecine douce qui ne faisait pas de mal, qui pouvait quand même faire du bien ; donc, que Marc continue à prendre son bâton de pèlerin".

Si Marc a souvent reçu des encouragements, il ne nous a pas caché qu’il était un peu seul dans l’équipe municipale, et même au sein de sa propre formation. Se brûle-t-on les ailes en prônant la participation ? "Comme DUBEDOUT à Grenoble, dont j’étais très proche au niveau de la conception de la démocratie locale, nous avons perdu. Je pense que s’il y avait eu une position claire de l’équipe en place à ce sujet, et une remise en cause des pratiques descendantes, nous aurions tenu le cap". Il faut remarquer cette similitude entre Grenoble et Roubaix. Lors de l’élection municipale de 1983, Pierre PROUVOST et Hubert DUBEDOUT furent tous les deux battus au 1er

tour et sanctionnés sévèrement par les électeurs, qui les ont remplacés par André DILIGENT et Alain CARIGNON.

Marc a vécu la période finale de son mandat assez difficilement. Aux élections suivantes, il a été mis suffisamment loin sur la liste pour ne pas être élu en cas de victoire de l’opposition, ce qui a été le cas. Marc, à l’évidence, ne faisait pas partie du sérail !

Citons Catherine NEVEU, auteur d’une étude pour le C.N.R.S.1 :" Le témoignage de l’adjoint aux quartiers laisse aisément transpirer une amertume certaine. La majorité était divisée sur ce dossier et l’initiative de Marc VANDEWYNCKELE n’a pas rencontré de soutien clair, quand elle ne s’est pas heurtée à des réticences... "

Mais les épines n’ont pas entamé ses convictions : "Ma plus grande satisfaction a été de participer à la fondation d’un nouveau mode de gouvernement de la ville (aujourd’hui, on dirait gouvernance), dans lequel l’élu descend parmi les acteurs et ne reste pas sur son piédestal. Là, nous étions réellement en avance".

"Beaucoup de villes ont initié des comités de quartier en 1977, à part Grenoble qui avait commencé avant cette date avec Hubert DUBEDOUT ; la plupart des villes ont perdu ces instances. Roubaix a fêté les 25 ans des comités ; tout n’est pas parfait, mais je pense qu’ils n’auraient pas tenu si les fondations n’avaient pas été bonnes et basées sur du sens. J’avoue en avoir une certaine fierté".

Amertume pourtant chez cet ancien élu qui a aimé sa ville et qui, dès les élections passées, n’a plus été sollicité pour participer à des réflexions communes avec ses anciens collègues,mais qui, par conviction, a continué à animer des réunions de quartiers avec son successeur, Michel BAUDRY.

De toute évidence, l’éloignement de Marc à près de 9 180 Km, recèle une dimension symbolique... Peut-on l’interpréter comme un bras d’honneur ?

1 Information donnée par Marc VANDEWYNCKELE

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L’AlmaL’AlmaL’AlmaL’Alma oooou un nouvel urbanismeu un nouvel urbanismeu un nouvel urbanismeu un nouvel urbanisme

" Vous ne ferez pas ce que vous avez décidé de faire sans nous consulter". Voilà ce que les habitants de l’Alma clament depuis longtemps.

Nous avons laissé ce quartier au moment où l’A.P.U, fort de la mobilisation des habitants face aux projets municipaux, s’est tourné vers les pouvoirs publics pour obtenir une aide financière et technique permettant de traduire en plans et en maquettes les idées émises par les habitants. Nous savons que le Secrétaire d’Etat au Logement, Jacques BARROT, séduit par la démarche, confie une mission d’étude à un cabinet parisien, l’ABAC, composé d’architectes et de sociologues, qui travaillera en liaison avec les acteurs du quartier.

C’est un événement inédit : pour la première fois, des habitants vont participer à l’élaboration de leur quartier ; là réside le génie de l’Alma. En 1977, le schéma directeur est adopté : les élus, les techniciens et la population sont désormais d’accord sur le .principe d’aménagement de l’Alma. Par la suite, la concertation s’intéressera aux différents aspects de la vie quotidienne.

Photographie Nord Eclair 1982

Avant d’aborder l’extraordinaire alchimie qui a conduit à l’élaboration d’un nouvel urbanisme, nous voudrions évoquer un quatrième partenaire, dont on parle peu : la Redoute. Cette entreprise a été un enjeu. Selon Pierre DUBOIS, Pierre PROUVOST et Henri POLLET se sont rencontrés avant 1977 ; le futur maire a compris très tôt l’impact économique de cette firme pour la ville et pour le quartier.

Quand, à la fin de 1977, le patron de la Redoute dit au nouveau maire : "Si je ne peux pas m’étendre sur place, je m’en vais", Pierre PROUVOST n’hésite pas sur l’enjeu : il faut garder la Redoute à Roubaix. Et, en décembre 1977, la Redoute installe des parkings sur les terrains libérés par les démolitions entre la rue Archimède et la rue du Fontenoy.

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Michel BAUDRY a bien connu cette société : "Les dirigeants ont eu la volonté de favoriser l’esprit d’entreprise et de faciliter le travail. Et puis, il leur fallait être vigilant, car la Redoute, établie au sein d’un quartier, était beaucoup plus fragile qu’une entreprise implantée dans une zone industrielle. J’ajoute qu’elle a participé à l’époque à des sessions de lecture pour l’insertion de ses manutentionnaires et notamment à un colloque sur l’illettrisme ; elle mettra même au point un logiciel d’apprentissage".

Philippe GRAVELOTTE, instituteur en 1982 puis directeur de l’école Elsa Triolet depuis 1986, connaît ces initiatives : "A l’époque, la Redoute a joué le jeu du partenariat entreprise, centre social, école, dans un projet commun ; elle amenait la logistique, autorisait l’usage de son imprimerie, participait aux fêtes de Noël". Michel BAUDRY le confirme :"il y a eu de la part de la Redoute une politique volontariste pour inciter ses salariés à habiter dans le quartier et à participer aux activités périscolaires".

Il était recommandé aux futurs cadres de la Redoute de participer à ces activités. Lors d’un entretien, Pierre PROUVOST a reconnu qu’il avait eu l’idée d’accueillir à

l’Alma les employés de la Redoute et de fidéliser cette population , ce qui n’a pas été le cas : "On ne m’en a pas donné les moyens", nous a-t-il dit.

En 1983, devant le risque de désengagement des " POLLET", André DILIGENT aura lui aussi la volonté de garder la Redoute à Roubaix ; il avait à l’intérieur un allié de poids qui était Jean Claude SARRAZIN, un conseiller régional engagé au R.P.R " Un homme à la fibre roubaisienne ", selon Michel BAUDRY. La Redoute ne sera pas délocalisée.

Sans entrer dans les arcanes de la production architecturale de l’Alma-Gare, abordons à présent les idées fortes prises en compte dans les décisions, notamment celles qui procèdent des habitants.

En 1975, l’A.P.U organise une visite du logement LYNX à Anzin ; il s’agit des mêmes types d’habitations que ceux qui doivent être édifiés sur l’emplacement des Magasins Généraux.

En 1976, une délégation se rend pendant deux jours à Amsterdam pour voir comment se passe la rénovation dans ce pays .On le constate :l’A.P.U, recherche des modèles et n’hésite pas à prendre des contacts avec l’étranger. Roger LEMAN se souvient qu’il est revenu épaté! "C’était calme, il y avait des bacs à fleurs partout, les fenêtres ne disposaient pas de volets. On constatait une organisation de la vie sociale, un art de vivre : on s’est dit: pourquoi pas nous ? "

Notons qu’en Hollande, à cette époque, sont mises à l’étude des innovations pour améliorer la sécurité routière: on casse notamment les longues voies rectilignes par des décrochements ; les premiers ronds points apparaissent. Manifestement, dans ce pays comme en Suède d’ailleurs, les avancées sont nombreuses.

Au mois de mai 1977 a lieu un voyage d’étude dans la banlieue de Bruxelles. L’A.P.U, sur proposition de l’ABAC, et dans le cadre des commissions de travail : techniciens, habitants, visite l’ensemble de logements de Woluwe Saint Pierre. Les membres de la délégation, dont certains n’avaient jamais quitté leur quartier, sont subjugués par ce qu’ils voient et "tombent dans les bras de la Belgique", selon l’expression de Michel CONSTANS. "Voilà ce qu’il nous faut ! " ont-ils dit en rentrant à Roubaix.

C’est alors que l’équipe des architectes belges, avec à sa tête Thierry VERBIEST, est pressentie par l’O.P.H.L.M et l’adjoint à l’urbanisme de Roubaix pour la construction de logements correspondant à la première phase du schéma directeur. Ainsi, les réalisations de l’Alma-Gare apparaîtront, selon certains observateurs, comme la copie conforme de celles de la cité belge. On a dit plus tard que Thierry VERBIEST avait fait une démarche commerciale et qu’il avait, en quelque sorte, vendu son produit. Marie-Agnès LEMAN reste dubitative devant cette rumeur, " Ecoutez, nous, on a travaillé avec lui, on a senti qu’on agissait pour quelque chose ; je dis qu’il a été honnête. Lui- même d’ailleurs disait que ses meilleures années de travail, avaient été celles passées à Roubaix".

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Qu’a-t-on recherché à l’Alma ? Pour Pierre LEMONIER, c’est surtout et fondamentalement, un espace facilitant la vie sociale. L’idée voulue par l’architecte à Woluwe Saint Pierre, qui était de réaliser des immeubles et des accès favorisant des rencontres, correspondait bien aux aspirations des habitants de l’Alma.

Jacques GEUS, journaliste à Nord-Eclair1 décrit les futures réalisations. " L’originalité essentielle de ces logements tient au fait que chacun donnera sur l’extérieur et non plus sur une cage d’escalier. Des escaliers individuels mèneront aux appartements du premier étage ; au deuxième étage, une coursive extérieure desservira tous les logements, des passerelles permettront d’aller d’un immeuble à l’autre".

Plus tard, il s’enthousiasme devant les premières constructions : "Comment a –t-on pu construire si longtemps des tours et des barres, créant un cadre de vie sans âme, monotone ? Ce qui sort aujourd’hui de terre est une réussite incontestable, un parti pris d’intelligence dans la conception des immeubles, un choix délibéré de favoriser les échanges, les contacts, la chaleur humaine. La construction est très rationalisée, mais, par le jeu de micro différences, on arrive à untotal de 80 types d’appartements : certains sont en duplex, d’autres bénéficient d’une mezzanine, d’autres encore ont une cuisine séparée de la salle de séjour ou sans séparation. Tout est fait pour faciliter la rencontre et donner la complexité de la ville ancienne, avec ses rues animées. Et de conclure : " On se plaît à imaginer que tout Roubaix soit désormais reconstruit avec le même effort d’imagination architecturale".

Autre originalité : une cour haute, située au-dessus des commerces, reprend la forme et l’usage de l’espace commun de la courée ; les logements s’ouvrent directement sur cette cour. Citons également la grande verrière, lieu de rencontre et de transition vers le porche de la rue de l’Alma, qui joue le rôle de place publique couverte.2

A l’évidence, c’est l’enthousiasme ! " Les gens disaient qu’ils avaient les plus beaux logements de la ville ! " nous ont

avoué les LEMAN.

1 Nord Eclair 9 juin 1978 2 Photographie extraite de "Lutte urbaine et architecture". Editions Atelier d’Art Urbain. 1982

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La rue du Fort Frasez tient une place à part dans l’histoire du quartier et dans la mémoire de la ville. Considérée comme le symbole des luttes urbaines de l’Alma-Gare, c’est un des premiers endroits où les habitants se sont mobilisés pour défendre leur cadre de vie.

Le choix des options pour cette rue typique de l’habitat roubaisien a été, là encore, un des éléments les plus rassembleurs pour le quartier. Le C.A.L.P.A.C.T avait prévu initialement de réhabiliter les logements, mais cette opération lourde s’avérait trop coûteuse. Avec bon sens, les habitants ont proposé de construire entièrement du neuf, avec la volonté de maintenir l’authenticité de la rue en utilisant des matériaux traditionnels du nord.1

A quartier nouveau, école nouvelle.

L’ouverture d’un groupe scolaire intégré au quartier a été décidée par le groupe de travail de l’Alma-Gare, dès la conception du projet Fontenoy-Frasez. Par la suite, la construction d’un collège était envisagée rue de Toulouse. Celui-ci ne fut jamais réalisé.

De toutes les réalisations de l’A.P.U, l’école demeure probablement, selon Isabelle GROC et Ivan DOUMENC, le succès le plus durable : "l’école Elsa Triolet, appelée au départ école de Fontenoy, est le projet qui a le mieux résisté au temps et aux critiques. Il a été profondément remanié, mais il était porteur de concepts nouveaux qui ont été largement repris ailleurs dans les années 1980 ", notent les deux sociologues.

De façon à appréhender tous les enjeux d’une école ouverte sur le quartier, qui s’est transformée à l’épreuve des faits, mais dont l’esprit n’a pas été perdu, nous nous attacherons à faireintervenir le plus souvent possible les partenaires de l’époque.

Dans son édition du 5 juin 1979, le journal Nord-Eclair évoque l’école révolutionnaire de l’Alma-Gare, la volonté de réaliser l’école idéale la mieux adaptée aux besoins du quartier.

Pour Olivier QUEROUIL, l’idée d’une école ouverte repose sur l’idée de la gestion paritaire de l’établissement entre l’Education Nationale et la commune ; dans le cas de l’Alma, l’A.P.U a été associé à la gestion communautaire de l’école. " Cette cogestion doit apporter un double avantage", expliquent de leur côté Isabelle GROC et Ivan DOUMENC : " optimiser l’intégration de l’école au quartier, en permettant aux associations de bénéficier des locaux en 1 Photographie extraite de "Lutte urbaine et architecture". Editions Atelier d’Art Urbain. 1982

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dehors des heures de classe, et donner aux habitants un droit de regard privilégié sur l’éducation de leurs enfants. L’enjeu de fond pour les militants de l’A.P.U, était la promotion sociale de la classe ouvrière".

Olivier QUEROUIL développe cette idée : "C’est un enjeu politique, et cet enjeu est tellement important qu’il ne peut pas appartenir aux enseignants. Mais est-ce que les enseignants peuvent travailler sous le contrôle du peuple ? C’était un langage un peu spécial à l’époque".

Dans un premier temps, il fallait préciser la signification d’Ecole Ouverte. Référons-nous à un rapport paru dans " Lutte urbaine ".

� Pour les inspecteurs de l’Education, Ecole Ouverte signifie : décloisonnement, c'est-à-dire la possibilité d’ouvrir les classes en créant des ateliers interclasses qui permettent aux enfants de passer d’un niveau à l’autre et donc de moduler l’enseignement à la carte, et d’ouvrir l’école sur elle-même.

� A ceci, les instituteurs ont répondu que, pas du tout, l’Ecole Ouverte, c’était la possibilité de sortir de l’école pour organiser des activités d’analyse du milieu environnant, et qu’il fallait faire entrer la vie à l’école en sortant de l’école.

� Pour les parents, c’était tout autre chose; c’était la possibilité pour eux d’entrer dans les classes et de comprendre ce qu’on pouvait bien faire aux enfants et qu’ils ne comprenaient pas !

� Pour les habitants, c’était peut-être tout cela, mais aussi la possibilité pour les gens du quartier d’utiliser les locaux scolaires pour des activités extrascolaires, pour la formation des adultes ou pour la vie associative, donc de permettre l’accès à d’autres usagers.

Diable ! Comment harmoniser ces expressions diverses ?

Photographie Atelier d’art urbain1

Selon les architectes Michel BENOIT et Thierry VERBIEST, elles traduisent clairement l’enjeu social qui se trouve derrière le fait de construire l’école. "Pour s’inscrire dans la vie sociale et pour être un lieu collectif, l’école doit être un lieu pluriel, une institution hétérogène. Il faut donc approfondir la question de la coexistence d’usagers, de pratiques, d’emploi du temps, etc.…".

Le programme se met en place et privilégie le décloisonnement de l’école à la fois sur le plan architectural et pédagogique. Les espaces sont vastes et ouverts, les locaux ne disposent pas de portes. Les parents, qui sont partie prenante dans l’école, disposent d’une salle. Certains locaux sont ouverts à la population toute la journée, d’autres ne sont accessibles qu’au départ des élèves. On crée une cafétéria. Philippe GRAVELOTTE se plaît à souligner que jusqu’en 1990, les instituteurs et les enfants ont élaboré des petits repas pour les employés de la Redoute et du Centre Social : les élèves prenaient les commandes et géraient la coopérative. La cour de récréation est aussi un espace de jeu et un square public en dehors des heures de classe.

1 Lutte urbaine et architecture. Atelier d’art urbain. 1982

La représentation des voies de circulation dans l’Alma centre, indique de manière claire le rôle de la Place de l’Alma et la situation particulière de l’école au cœur des cheminements des habitants. L’ouverture apparaît aussi dans la conception de l’espace urbain.

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Le Premier Ministre Pierre MAUROIS inaugure l’école Elsa Triolet en 1981. Jean Claude DERAIN, directeur de l’école Diderot, avait réfléchi à la pédagogie la mieux adaptée à ce style de classes ; il motive ses instituteurs et postule avec toute son équipe pour intégrer la nouvelle école. Mais l’Education Nationale qui a des difficultés à s’adapter à ce nouveau concept, accorde seulement deux postes sur six.

Jean Claude DERAIN refuse. Et la rentrée a lieu dans une improvisation totale ! Donnons la parole à Philippe GRAVELOTTE : "Le directeur, et sept jeunes enseignants frais émoulus de l’Ecole Normale, recrutés sans être préparés aux spécificités de l’école, ont découvert, en même temps, le jour de la rentrée, cette école où étaient déjà inscrits 160 gamins ! Imaginez un peu ! Surréaliste ! Ça a été la "foire" pendant un an ! Les enseignants se sont refermés...par peur ! Les malheureux ! "

Jean Claude DERAIN arrive pour de bon en 1982 avec son équipe, il rétablit de bonnes conditions de fonctionnement et maîtrise l’espace ; il referme notamment la cour, qui ne sera plus un espace public.

Philippe GRAVELOTTE, quant à lui, prend la direction d’Elsa Triolet en 1986. Il ne veut plus d’une école ouverte à tous vents. "Ouvrez comme vous l’entendez", lui dit son inspecteur, au courant des problèmes rencontrés, notamment avec les parents. Le nouveau directeur gardera une école "entrouverte!" Quand on demande à Philippe GRAVELOTTE ce qu’il pense de l’intervention des parents dans les processus pédagogiques, sa réponse est claire : "Chacun à sa place ! Les parents ont fait de la lecture dans les classes, mais ils se sont appropriés l’école, ils ont émis descritiques, ils ont publié des articles de presse sans nous en avertir, ce qui démolissait l’école. Pour nous, ça n’était plus du partenariat. Il n’était plus question que je laisse les parents intervenir ; leur participation devait se limiter strictement à la gestion des locaux en dehors des heures de classe".Alors, les relations entre l’A.P.U et l’école se sont dégradées.

Si l’école peut certes perdre son aspect "sanctuaire", peut-on pour autant la laisser devenir un lieu commun ? L’erreur n’est-elle pas de dire : une école ouverte, c’est une école qui laisse les portes ouvertes, physiquement, dirons nous, alors que l’ouverture est un état d’esprit qui permet l’échange !

"Curieusement, aujourd’hui," tient à conclure Philippe GRAVELOTTE, " l’école Elsa Triolet est l’endroit où il y a le plus de relations sociales entre les gens du quartier.

Certes, nous avons eu des problèmes: nous nous sommes fait cambrioler 86 fois en 2 ans par des gamins de l’école qui pourtant, l’aimaient; mais notre établissement continue à tourner dans l’esprit des années 80. Pour moi, les meilleures années ont été celles de 1986-1987 ; on a eu un équilibre, ça tournait bien, le partenariat était régulier, notamment avec la Redoute.

Nous avons eu aussi des moyens extraordinaires en structure, en personnel, mais peu à peu, on nous les a grignotés et...repris, considérant que nous pouvions fonctionner sans eux ; alors qu’il aurait fallu donner aux gens le temps de se former. Voilà une utopie ! On nous a dit : c’est bien parti, alors, vous pouvez faire seuls !

La place de l’Alma et la façade de l’entrée de l’école Elsa Triolet.1

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Il n’empêche que les instituteurs sont stables ; les enseignants d’Elsa Triolet sont les plus anciens acteurs du quartier, sans qu’ils y habitent! Oui, je crois que l’école est encore un lieu de rencontre, un lieu de paix".

Le 15 mars 1981, l’Institut National du Logement en Belgique décerne aux architectes du groupe Fontenoy-Frasez, un prix international pour couronner cette opération d’habitat collectif. L’avenir est prometteur. Quelque 10 ans plus tard, en 1990, le journal Nord-Eclair relate un débat où se sont retrouvés des techniciens, des architectes et des habitants pour échanger leurs impressions sur le nouveau visage de l’Alma. Ces acteurs se sont passionnés, ils ont consacré leur énergie à réinventer un nouveau cadre de vie. Y croient-ils encore ? Cette force de l’Alma n’a-t-elleapporté que des réponses techniques à des rêves d’habitants ? A-t-on su préserver la vie sociale dans ce nouvel urbanisme ? La rénovation de l’Alma est-elle au bout du compte une réussite ? " Si Marie Agnès LEMAN a gardé tout son enthousiasme, "note le journaliste, "d’autres pèsent le pour et le contre ; les habitants sont peut-être mieux logés, mais le chômage et la misère sont plus forts que jamais. Il y a 25 ans, il y avait les courées, mais aussi la plupart du temps, l’emploi. Nous ne sommes pas arrivés à arrêter la pauvreté".

Le logement n’apparaît plus comme la solution miracle:"Le problème n’est pas de savoir s’il y a trop de recoins à l’Alma, ce n’est qu’un élément parmi d’autres, plus importants. Si on n’amène pas d’argent sur un quartier, les efforts seront toujours insuffisants ".

Terminant son article, le journaliste conclut que tout le monde paraît d’accord pour dire que l’enjeu, aujourd’hui, est surtout économique, mais personne, pour autant, ne dit clairement pourquoi l’Alma n’apparaît plus comme le paradis dont on rêvait au début des années 1980.

L’Alma ne serait-il donc resté qu’un rêve ? Au début du XXI ème siècle, on parle dans les journaux d’un nouveau projet de

rénovation du quartier: "une partie des immeubles à l’angle des rue du Fontenoy et de l’Alma va être rasée ; ensuite, les coursives restantes vont être privatisées. C’est une restructuration radicale qui nécessite le déménagement de tous les habitants de l’îlot qui avait fait la fierté des urbanistes".

C‘est que le contexte dans lequel ont été émises les réflexions mitigées de 1990 a pris un tournant dramatique: la crise économique, et surtout sociale, est passée par là. Les habitants le disent: le quartier est devenu invivable. Les acteurs d’il y a vingt ans ne peuvent que se rendre à l’évidence : les magnifiques appartements et coursives qui devaient donner un caractère convivial aux résidences dessinées avec leur collaboration et celle des habitants eux-mêmes, se vident. " En fait de convivialité, " ont clamé des habitants lors d’une réunion, "nous avons connu un véritable ghetto, pour ne pas parler de coupe-gorge".

Très rapidement dans les années 80, le quartier est gagné par l’insécurité et le vandalisme. Les premiers immeubles de la rue de la Barbe d’Or sont salis, vandalisés et les abords servent de dépôts clandestins. En 1984, l’école Elsa Triolet est cambriolée 50 fois.

Et pourtant, la même année, les visites venues du monde entier se poursuivent.1

Alors, utopie de l’Alma ! Selon Michel CONSTANS, ancien adjoint au maire à l’urbanisme dans l’équipe

d’André DILIGENT : "l’Alma-Gare a montré assez rapidement ses limites, à commencer par les conceptions architecturales qui ont prévalu à l’époque parce qu’elles étaient à la mode. A Woluwe, VERBIEST a fait de l’urbanisme dans un milieu protégé, avec une population appartenant à la classe moyenne ; à l’Alma, des 6 000 habitants au départ, 4 000 sont partis dans un premier temps, et 1500 sont arrivés ensuite. Ce ne sont pas les plus pauvres qui ont déserté".

1 Nord Eclair 1984

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Pascal HERMAN, auteur d’une étude sur l’Alma, le constate :" l’exclusion, le chômage, sont restés avec force sur le quartier, déstabilisant en cela la vie sociale, accentuant la paupérisation par la modification de son peuplement".

Michel CONSTANS revient sur les difficultés en matière d’urbanisme : "L’acte de construire n’est pas fait seulement pour les habitants qui vont rentrer dans des logements neufs. Ils sont certes prévus pour eux, mais aussi pour leurs enfants : on ne construit pas pour une seule génération. Les familles évoluent ; ce que les habitants apprécient à un moment donné n’est plus vrai 10 ans plus tard. De plus, quand on construit dans un espace public, même si on fait toutes les consultations possibles, il est bien rare que les habitants se comportent comme on l’avait prévu : ils s’approprient les logements et les espaces à leur façon. Et puis, on ne construit pas pourune population captive, on sait parfaitement que des gens vont bouger. A l’Alma, les habitants ont fait certes partie du pouvoir de décision, mais ils ont été l’objet, de la part des architectes, d’attirance".

Pour Emile DUHAMEL, si l’Alma est une catastrophe aujourd’hui, cela n’a pas été une utopie : "L’utopie est nécessaire. Sans espérance en une vie meilleure, la société n’avance pas. C’était le souhait de la population de rester sur place, mais on a fait des projets en allant voir ailleurs et en ignorant l’évolution des choses. L’A.P.U a donné la possibilité aux gens d’être créateurs de leur habitat, mais ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu une concentration de population marginalisée".

Manque de moyens, manque de suivi de la part de la municipalité ? Marie-Agnès et Roger LEMAN, si longtemps en première ligne, reconnaissent que la

population a changé : "La vie sociale s’est détériorée, la drogue est arrivée et ça a été terrible. Nous pensons que les autorités ont été naïves, elles n’ont pas prévu ce phénomène dans les milieux populaires. Et puis", ajoute Roger, " il y a eu un manque d’entretien ; tout ça a tué l’ambiance sociale. On nous parle d’utopie à l’Alma ; eh bien alors, il y a une utopie qui a marché, c’est la salle de sport de la rue de France ! On s’est dit ; le sport, ça ne se voit jamais, on joue dans des bunkers. Et on a voulu des vitres de haut en bas ; le soir, c’est éclairé, c’est vivant ; ce sont lesvitres qui ont été le moins sabotées dans le quartier ! "

En ce qui concerne le voyage d’étude à Woluwe, Marie-Agnès admet que les Belges avaient une conception de l’habitat fort centrée sur l’environnement. " A l’Alma, on a fait l’habitat, mais on n’a jamais mis les bacs à fleurs ! On n’a jamais fini l’Alma, " conclut-elle...

Pierre DUBOIS abonde dans ce sens: "Ce que l’on traite rarement, et qui est une cause d’échec, c’est la gestion urbaine, et entre autres, le problème des espaces publics. Dans la politiquede la ville, quel est le statut d’un espace public, privé, collectif ? "

Ces trois aspects, c’est la vie de tous les jours ; si on les gère mal, c’est une source de conflits qui génèrent la dégradation de l’environnement : on méconnaît trop l’importance du suivi, alors que c’est une question de fond dans la politique de la ville. Et puis, ce que j’ai pu constater,c’est que les relations, entre l’Alma et la ville, ont toujours été de nature freudienne, même si la mairie a joué le jeu sous Pierre PROUVOST. D’ailleurs, sous André DILIGENT également ! En tant qu’homme, il adhérait, mais pour son équipe, c’était difficile! Et celle qui incarnait ça, c’était Thérèse CONSTANS, son adjointe à la Culture. Elle avait une phobie de l’Alma-Gare, et ce n’est pas sans liaison avec le déclin progressif de ce quartier: la ville n’a jamais vraiment assumé, on a laissé tomber... "

Quant à la question récurrente de l’échec de l’Alma-Gare, Pierre DUBOIS se place d’emblée sur le terrain de l’humanisme: "Ce n’est pas un fiasco parce qu’on démolit, c’est une réussite parce qu’on a formé des gens. Le Fort Frasez n’est pas un échec ; pour moi, on ne peut pas parler d’échec, ça a été un vécu... "

Dans notre quête "almaïenne", n’est-ce pas ce que nous cherchions à appréhender ? Oui, les habitants ont vécu des moments forts, de ces moments de création où l’on

travaille collectivement à faire émerger le rêve ! Ne parlons pas d’utopie. C’est l’époque où l’on participe à l’élaboration d’un nouvel

urbanisme, où l’on produit du débat : c’est en définitive l’âge d’or de l’Alma, connu de la France entière.

115

Jacques GEUS, dont nous avons souvent retrouvé les enquêtes sur ce quartier, écrit en 1979 : " Voilà en effet des années que ministres, architectes, urbanistes, sociologues, journalistes, étudiants, viennent voir les habitants et écrivent sur eux des rapports, des études, des articles. Ceux-ci sont habitués à avoir la vedette des journaux, des revues, de la radio et de la télévision régionale".

Le point d’orgue est ce grand soir du 5 juin 1979, où TF1 diffuse une heure d’émission sur le thème : "Quand les habitants ont des idées, tout peut changer".

"Pour les habitants de l’Alma, c’est la consécration de ce qu’ils ont vécu depuis 15 ans : en un soir, des millions de personnes sauront (si l’émission est fidèle) ce que l’expérience de l’Alma-Gare a d’original", conclut le journaliste.

Mais le rêve de l’Alma s’en est allé…Quand tout est achevé et que l’on n’a plus à créer, quand le quotidien reprend le dessus

et que la routine s’installe, les jours perdent leur saveur, on vit comme les autres ! Les moments lesplus intenses sont bien ceux de la création !

Il y a le temps du projet, le temps de la réalisation et le temps de la vie, avec son lot de désillusions.

Très rapidement, les problèmes de la vie quotidienne ont repris leur place. La période de crise a été un élément d’accentuation des difficultés à gérer le temps. La saleté, le vandalisme et les dégradations sont apparus au lendemain de la fête. Les habitants ont bien entendu demandé des moyens supplémentaires pour en tenir compte, mais le temps de l’Alma s’achevait. D’autres quartiers allaient devenir des lieux d’enjeux pour les élus.

Jusqu’en 1984, le rêve s’exporte encore et on voit même des Chinois arpenter ce quartier mythique.

Mais dès 1989, la municipalité a considéré que l’Alma ne faisait plus partie des quartiers à problèmes et on l’a sorti des procédures lourdes d’aides de l’Etat. Le temple des luttes urbaines, symbole d’une démocratie directe, se retrouve dans l’anonymat. Pourtant, " les bacs à fleurs n’ont pas été installés".

Mais l’esprit de cette expérience demeure. Ce quartier a su inventer un dispositif de gestion de l’urbanité, avec des habitants, militants de la parole, dispositif qui a fait changer le regard des élus sur la cité et sur leur propre pouvoir.

Dans une pénétrante analyse politique, Bernard CARTON a écrit : "La parole d’habitant rend aux élus leur légitimité et leur pouvoir…La légitimité juridique de l’élu est l’élection. La légitimité sociale de l’élu est de rendre possible la parole d’habitant dans le processus d’élaboration des décisions… Le pouvoir en démocratie, est avant tout d’obliger au débat et à la confrontation entre les forces en présence et de les arbitrer…C’est de garantir que le débat s’effectue et que son arbitrage permet des décisions qui s’ajustent sur une pertinence sociale. En ce sens, l’élu est bien le garant de la cité, le garant de la politique".1

Remarquable aventure humaine, dont on va s’inspirer, et à laquelle on va souvent se référer. L’Alma a été un formidable creuset duquel ont jailli à la fois, les prémices de la politique de la ville, avec ce qui allait devenir le dispositif de Développement Social des Quartiers, et une dynamique des habitants à l’échelon de la ville, avec leur regroupement au sein de l’Association Inter quartiers de Roubaix.

1 Lutte urbaine et architecture. Donner la parole aux habitants, Bernard CARTON, adjoint à l’urbanisme, pages 11 et 13.

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Le Pile interpellé Le Pile interpellé Le Pile interpellé Le Pile interpellé Ce quartier ouvrier à l’ambiance village, qui, durant les années 60-70, vit au rythme de

ses événements festifs, loin de la contestation, se sent-il concerné par la politique de reconstruction et de résorption de l’habitat insalubre qui sera poursuivie par la ville de Roubaix au cours de la décennie suivante?

Va-t-il s’inscrire dans la politique de participation et de concertation mise en place à l’arrivée de Pierre PROUVOST ?

En 1973, notre historama en témoigne, le Cercle Artistique Roubaisien, le cercle Saint Alexandre, l’amicale Jean Macé-Pasteur, l’Union Commerciale et le Comité des Fêtes continuent à animer le quartier.

En 1975, est organisée à La Solidarité, une réunion sur le thème :" Quel urbanisme pour l’avenir du Pile ? ". Mais les habitants ne se rassemblent pas sur un projet de quartier. Et pourtant, les problèmes existent, le quartier se paupérise, le bâti se dégrade lentement, mais sûrement.

Les commerçants, qui sont encore des promoteurs de lien social, et les associations, qui ont pourtant peu de liens entre elles, peuvent être considérés comme les forces vives d’un quartier

qui ne vit que par ses habitants. Les boulevards qui le ceinturent en facilitent le contournement et mettent partiellement le quartier à l’écart des grands flux de circulation. On longe le Pile, on ne le traverse pas. Les voies de circulation, notamment la rue Pierre de Roubaix, forment une barrière géographique, et si les "Pilés" sont captifs, ils se donnent de bonnes raisons de l’être.

Quartier à la vie communautaire, avec ses rues "où il se passe toujours quelque chose", et ses courées pleines d’humanité, le Pile vit replié sur lui-même, endormi dans une fausse quiétude.

Et l’on ne s’étonne guère de la crainte manifestée par le Comité des Fêtes, solidement implanté sur ses terres, devant l’émergence, en 1977, d’un Comité de Quartier, que la nouvelle municipalité appelle de ses vœux.

L’annonce de la prochaine réhabilitation du quartier, dans le cadre des procédures de la politique de la ville, va-t-elle sortir le Pile de sa torpeur ?

Les habitants vont-ils participer à la réflexion autour de ce projet qui les concerne directement ?

Une équipe d’étude, composée de messieurs CHAVANEAU, COLBOC, DOBBELS et mesdames HACOT et THIOLLIER, est chargée de procéder à une analyse approfondie de la réalité du quartier et d’établir un plan de développement pour le Pile, impliquant la participation active deshabitants. L’enquête a lieu durant l’hiver 1978-1979.

Les frontières du quartier, telles que définies au programme d’étude sont les suivantes : le boulevard de Belfort, le boulevard de Beaurepaire, la rue Molière, le boulevard de Mulhouse, la rue de Lannoy. La gare du Pile et la partie comprise entre le boulevard de Beaurepaire et le canal ne sont pas intégrées dans le secteur.

Nord Eclair, décembre 1976

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Ce périmètre ne correspond pas à l’opinion que se fait la population des limites du quartier. D’ailleurs, les habitants de Sainte Elisabeth ne souhaitent pas être dans le Pile; les auteurs de l’étude reconnaissent eux-mêmes que le sentiment d’appartenance au quartier est plus faible dans la frange ouest, à partir de la rue Pierre de Roubaix. Nous sommes ici confrontés à une sorte de géométrie variable assez caractéristique à Roubaix, parfois sectorisé en 25 quartiers ou en 13, selon l’approche statistique voulue.

Plan de Roubaix présenté en 13 quartiers

François CHAVANEAU va prendre en compte les analyses des techniciens ; mais il lui est apparu essentiel, dès le début de l’étude, d’associer le plus étroitement possible la population aux travaux. Pour lui, en effet, les habitants sont les mieux à même de connaître les aspects positifset négatifs de la vie quotidienne dans le quartier et d’exprimer ainsi leurs aspirations ; il faut que le projet soit LEUR projet.

De nombreuses données, notamment sur la prédominance de l’habitat ancien, sont déjà connues de nos lecteurs, mais qu’il nous soit permis de les compléter avec les éléments suivants qui, à notre sens, pèseront sur la stratégie qui sera adoptée pour le plan de développement.

On dénombre dans le périmètre retenu, 3135 logements dont 10 % vacants. La répartition est la suivante : 75 % en rues et 25 % en courées. En 1975, 42,4 % des

logements sont occupés par leur propriétaire.

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D’une enquête réalisée en 1979 par le Service Municipal d’Hygiène Publique portant sur 117 courées comprenant 754 logements, nous retiendrons les éléments suivants :

� 23 % sont totalement insalubres � 15 % sont dans un état médiocre � 62 % présentent un gros œuvre en état d’entretien normal

Sur le plan des équipements, notons que : � 30,5 % des logements ont un écoulement d’eaux usées à ciel ouvert � 78 % des logements ne disposent que de WC collectifs, extérieurs aux

habitations � 25 % ne disposent pas de poste d’eau intérieur � 81,6 % ne sont pas raccordés au réseau de gaz � 6 % ne disposent pas d’électricité

Pour les enquêteurs, compte tenu de cette situation, il conviendra de s’interroger sur les aspects suivants lorsque seront envisagées les mesures à prendre :

� l’imbrication dans une même courée, parfois dans une même rangée, de logements insalubres et médiocres

� les conditions de jonction de deux logements de faible surface pour créer une seule habitation susceptible de recevoir des équipements sanitaires intérieurs.

La majorité des habitants rencontrés ont manifesté leur attachement au Pile :" C’est un quartier à taille humaine où l’on a ses habitudes". Les Pilés reconnaissent cependant qu’il y a une montée de la violence, un accroissement excessif de la population immigrée et un certain dépérissement du bâti ainsi que de l’environnement. Ce sont pour eux des signes de déclin qui contribuent à marginaliser le Pile dans la ville. L’image du quartier se dégrade, il n’est plus attractif pour les jeunes ménages.

Les principales propositions des habitants dans le domaine du cadre de vie sont les suivantes :

� laisser au quartier sa physionomie actuelle � ne pas faire de constructions nouvelles, de type H.L.M ou Roubaix 2000, mais

une architecture adaptée au cadre existant � réhabiliter les logements vides et les louer � démolir les logements délabrés s’ils ne sont pas récupérables � conserver les courées bien entretenues, agrandir les logements (1 avec 2) � réhabiliter des logements en courées pour en faire des béguinages pour personnes

âgées � refaire les chaussées et les trottoirs � élargir les coins de rue en détruisant des immeubles � installer des canalisations pour l’écoulement des eaux usées à chaque maison � poser des compteurs individuels � renforcer l’éclairage par endroits � créer des espaces verts pour aérer le quartier � améliorer le mobilier urbain : installer des cabines téléphoniques

: planter des arbres

Cette interpellation de la population par enquête directe est essentielle. A partir des constats et des propositions des habitants, l’équipe pré opérationnelle va établir une méthode de traitement qui soit en adéquation avec les problématiques humaines et urbanistiques, cernées par l’étude.

Des échanges ont également lieu avec les élus, les services municipaux et les représentants de la population au sein du Comité de Quartier. Tous ces échanges, notent les responsables, ont permis une confrontation entre le souhaitable et le possible ; certains projets ont été abandonnés, d’autres ont émergé, d’autres encore ont été amendés. Tous, cependant, ont été

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conçus pour être accessibles dans le cadre d’un plan pluriannuel de développement de 5 ans. Ce plan sera connu sous le nom de " plan CHAVANEAU".

Qu’a démontré l’enquête ? Tout d’abord, sans équivoque, un attachement au caractère dominant de l’habitat

individuel, à son architecture typique, et un rejet de ce qui est au point de vue architectural et urbanistique, hétérogène au quartier ancien.

Il nous faut parler ici de l’opération "Ingouville", ce lotissement tristement célèbre, régulièrement réparé et régulièrement saccagé. La tour qui abrite un L.C.R. et la tour voisine sont à l’époque dans un piteux état : vitres brisées, entrées vandalisées, interphones brûlés, fils électriques dénudés. "Malgré leur état pitoyable", note Brigitte LEMERY1, "ces deux tours ne sont pas désaffectées, ce qui veut dire que toutes les portes des appartements ont été forcées ; comme ni eau ni électricité n’ont été coupées, il y a des inondations régulières et de fréquents incendies. La construction de ces bâtiments, gérés par le Toit Familial G.I.L. de Tourcoing, remonte à 1976. Des charges excessives : loyer, eau, électricité, impôts locaux, mais aussi d’innombrables problèmes de mal façons et de déprédations faites par des jeunes, ont fait fuir les locataires. Si le G.I.L a dépensé trois millions de francs, à l’époque, en ravalement de peinture extérieure, il a laissé saccager les appartements vides".

Photographie de 1983 du journal Nord Eclair

Ainsi, les "Pilés" ont devant eux la vision apocalyptique d’un exemple à ne pas suivre, d’où leur désir de conserver au quartier son cachet et son atmosphère, les amenant à exclure toute opération qui en bouleverserait l’ordonnancement. Ce souci de rester entre soi va jusqu’à exiger que les programmes de relogement, s’il faut démolir, soient réalisés sur le quartier même. L’idée d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat (O.P.A.H) est donc accueillie favorablement.

La politique du maintien sur place de la population apparaît dès lors évidente, d’autant plus que le Pile est devenu un quartier accueillant un exode permanent de populations défavorisées en provenance des quartiers rénovés. Pour l’équipe d’étude, il est donc nécessaire, sous peine de transférer à nouveau les difficultés du quartier sur d’autres, de rechercher sur le Pile même la solution de ses propres problèmes.

L’enquête souligne en conclusion que les habitants du Pile ont peu de besoins, des goûts simples. Les changements souhaités sont plus des changements d’environnement que la réalisation de grands travaux.

Dès lors, la stratégie se met en place. " Le fragile équilibre du Pile impose un traitement de l’ensemble des réalités du quartier, mais un traitement global et doux, excluant tout

1 La Voix du Nord. Janvier 1986

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bouleversement brutal de son cadre bâti, de son organisation spatiale, bref, de son caractère ancien et populaire ? Il ne peut donc s’agir que d’une action longue mais continue".

Pour François CHAVANEAU, " l’ensemble du quartier doit se sentir concerné ; il faut donc veiller constamment à une dispersion des cibles, en faisant porter les efforts sur divers points du quartier et en mêlant qualitativement actions légères et immédiates, aux actions lourdes à plus long terme". Cette politique sera appelée la politique de la "dentelle", par opposition à la politique du bulldozer, qui trop souvent, en détruisant les murs, brise l’âme des cités.

" Il s’agit également de ne laisser aucune catégorie sociale ou aucun groupe minoritaire à l’écart. Ce plan de développement global doit prendre en compte tous les éléments de la vie du quartier ; il serait vain d’espérer rompre les mécanismes de détérioration du Pile, sans s’attaquer simultanément aux causes et aux effets, sans agir conjointement pour une revalorisation de la population et de son cadre de vie".

Rappelons que cette problématique s’apparente à celle des opérations lancées par le groupe interministériel Habitat Vie Sociale: nous sommes dans la même logique.

Ce plan implique nécessairement de mettre en œuvre des moyens financiers, des procédures administratives et juridiques appropriées, ainsi que des moyens humains. La diversité des actions proposées amène l’équipe d’étude à requérir, sous la responsabilité des élus concernés, une équipe pluridisciplinaire chargée :

� du montage administratif et financier des divers dossiers � des études de réalisation � du suivi opérationnel

Nous reparlerons plus loin, dans le cadre du Plan Local de Développement Social des Quartiers, de cette structure riche en hommes de valeur.

Après avoir évoqué les processus et les problématiques qui ont amené ces prises de décisions, nous aimerions, pour notre part, livrer notre propre questionnement ainsi que les analyses de quelques acteurs de terrain, recueillies lors d’interviews.

La nouvelle municipalité, sous Pierre PROUVOST, s’inscrit dans cette nouvelle dynamique. C’est elle qui annonce la prochaine réhabilitation du Pile, c’est bien elle qui agit en premier. Les rapports que la mairie entretient avec le Pile sont différents de ceux qu’elle entretientavec l’Alma : rien de conflictuel !

Et puis, dans l’entourage de Pierre PROUVOST, on disait qu’on ne pouvait pas toucher au Pile.

Pierre DUBOIS se souvient de réunions avec le maire, Bernard CARTON et Marc VANDEWYNCKELE : " Bernard CARTON, qui avait sa logique, affirmait qu’on ne pouvait pas casser le Pile. Les choix d’aménagement du quartier sont inscrits dans cette expression. Il disait : c’est trop compliqué en regard du nombre de propriétaires occupants. A l’Alma, vous réunissez trois directeurs d’organismes sociaux et vous avez presque la totalité des investisseurs du quartier. Au Pile, vous aurez 3500 interlocuteurs, avec chacun leur spécificité ; et on ne gère pas un couple avec 5 enfants comme un couple de personnes âgées".

Pour Pascal HERMAN, technicien ayant bien connu le quartier : " Il y avait une volonté de se différencier de l’Alma, où l’on rasait ; si on démolissait, il était clair que l’on supprimait l’identité du Pile. Et puis, il y avait de toute façon le problème des procédures : si on détruit un îlot de 200 maisons au Pile, on a peut être affaire à 200 propriétaires, tout le problème est là".

L’idée est bien de maintenir le tissu urbain dans le tissu existant, et donc, de pratiquer la politique de la dentelle.

Bulldozer ou dentelle, c’était l’alternative.

Pour Patrick CORNILLE, qui s’est occupé de réhabilitation sur le quartier, " on s’est orienté vers un véritable travail de fourmis, tenant compte des préoccupations des gens. On a travaillé au cas par cas, dans une succession de mini sites. Ces opérations "dentelle", c’était la

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meilleure façon de mobiliser les habitants. A mon avis, il n’y avait pas d’autre choix possible. Imaginez le traumatisme de ces braves gens si on rasait tout ! "

Jean Luc SIMON, qui sera par la suite chef de projet sur le secteur, analyse lucidement cette période : " Il s’agissait pour nous de réfléchir à un urbanisme plus humain, et de mettre en place des équipes qui allaient non plus démolir, mais reconquérir un territoire en ayant une action d’amélioration sociale et d’incitation à la réhabilitation. On inventait des modes de faire avec des équipes plurielles : architectes, sociologues, agents de développement, pour produire de l’habitat et du social. On avait une nouvelle génération de professionnels issus de la mouvance Habitat Vie Sociale, qui avaient cette idée qu’on ne fait pas d’urbanisme sans les gens.

Bernard CARTON, Pierre DUBOIS et François CHAVANEAU iront défendre leur projet à Paris et obtenir des moyens pour mettre en place des équipes opérationnelles qui seront donc créées avant l’installation de la commission DUBEDOUT. Je rappelle que nous sommes sous GISCARD d’ESTAING.

Le Pile a donc eu un plan de développement : pour moi, le développement prime sur l’aménagement, et la logique" habitant" doit primer sur la logique" urbanisme". Alors, il fallait faire de l’urbanisme qui démolisse et reconstruise. Cela ne se ferait pas comme une révolution mais comme une réforme. Et il fallait faire attention à ne pas s’arrêter pendant 10, 20 ans, avoir beaucoup de persévérance, faire en sorte que le processus de pauvreté ne nous rattrape pas. Il fallait travailler sur la vitesse, car, si on va moins vite que le désespoir, le désespoir gagne".

Le périmètre représenté par les rues Marie Buisine, Condé, Desaix et Marceau montre bien la densité d’habitations de certaines rues du quartier. On voit de part et d’autre de la rue Jules Guesde ce que les urbanistes nomment les" îlots lanières" : des maisons mitoyennes, étroites, adossées à d’autres maisons du même type, sans possibilité d’agrandissement sur l’arrière. La cour, où se trouvent les lieux d’aisance, n’a parfois que quelques mètres carrés et la fosse septique est quelquefois commune à plusieurs habitations. Lorsqu’une maison se dégrade, la proximité fait que ses voisines en subissent immédiatement les répercussions (infiltrations, saleté, laideur du cadre de vie…). Le nombre d’occupants, plus de 200, dont la plupart sont propriétaires, laissent apparaître la difficulté d’une opération d’ensemble du type démolition - reconstruction. Lors d’une visite des militants du comité de quartier du Pile à Grande-Synthe en 1986, le plan du quartier fut présenté aux architectes locaux et suscita cette réflexion :" Il faut dé-densifier, aérer ce quartier. Dans un premier temps, il faudrait raser ça (les deux îlots en question), après on travaille autour". Ce qui ne se fit pas.

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Pour le chef de projet, cette politique appliquée sur plusieurs décennies allait coûter cher, aussi cher au total que si l’on rasait tout. Pierre DUBOIS avait d’ailleurs évoqué ce paramètre financier : " A l’époque, on devait finir l’Alma et on n’avait pas les moyens d’injecter des sommes énormes sur le Pile en même temps".

La politique de la dentelle a-t-elle bien arrangé la municipalité ? A-t-elle joué économiquement dans ce contexte ? Nous en reparlerons lors du bilan que nous dresserons à la fin de cet ouvrage.

L’impact du CAL.PACT.

Notre volonté d’appréhender les ressorts de la politique menée nous incite à mettre en exergue la philosophie et l’action du CAL-PACT, car selon nous le Pile s’est élevé dans l’esprit de cet organisme.

Dans le cadre du P.L.D.S, la mairie mettra en place à Roubaix des équipes opérationnelles qui seront les interfaces entre les élus et les habitants. Elles seront toutes sous lecontrôle de la S.A.E.N, sauf celle du Pile qui sera gérée par la CAL-PACT. L’état d’esprit est différent : les techniciens de la S.A.E.N sont des fonctionnaires, ceux du CAL sont davantage des travailleurs sociaux. Le regard est autre, l’humain apparaît plus nettement. Le CAL-PACT s’est spécialisé dans les problèmes de pauvreté, il s’occupe d’un habitat diffus, disséminé dans le quartieret gère de nombreuses courées.

François CHAVANEAU fut directeur du CAL-PACT durant 21 ans. Christian MONTAIGNE, qui le remplacera, dira de lui " qu’il a fait passer la reconstruction, de l’âge de la pierre à l’âge de lapersonne". En outre, il fut également l’un des premiers à définir la notion de R.H.I (Résorption de l’HabitatInsalubre), et ce, il y a une trentaine d’années.

Nombre des acteurs de cette époque avaient cette philosophie : Luc LEGRAS, Pierre DUBOIS, Pierre COLBOC, Jean Luc SIMON…

Les hommes ont façonné la structure du CAL-PACT et la structure les a portés.

Pour Pierre DUBOIS, " la S.A.E.N n’était pas un outil garantissant la proximité et on n’a pas voulu travailler avec cet organisme".

A-t-on voulu éviter par ailleurs un monopole de la S.A.E.N sur les opérations roubaisiennes ? Certaines analyses de Jean Luc SIMON nous le laissent penser.

L’expérimentation de ces idées se fera sur l’un des 11 secteurs du Pile : la cour BONTE, propriété du CAL-PACT.

Durant cette période, les grands organismes ont réalisé de grands ensembles à Roubaix et l’on s’aperçoit que de nombreux problèmes demeurent : dégradations, mal de vivre, etc…On a au Pile l’occasion d’expérimenter autre chose avec le CAL-PACT, c’est à dire une autre politique consistant à maintenir l’existant, en aidant les personnes à réhabiliter leur logement, en prenant en compte leur besoins.

On va chercher à dialoguer, mener un travail de concertation sur un projet collectif, on va faire de la réhabilitation intelligente. Sur un habitat diffus, dans une rue comme la rue Desaix par exemple, il est difficile de se sentir concerné, tous au même moment et au même niveau. De même, gérer un grand ensemble collectivement, sortir de son appartement pour avoir un regard sur son couloir, sa cage d’escalier, son entrée, est difficile. Dans la cour BONTE, ce sera plus facile de construire un projet collectif.

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Cette expérimentation procède en quelque sorte des démarches "almaïennes" : les habitants ne veulent pas de bulldozers, ils désirent conserver leur habitat traditionnel et participer à sa réhabilitation, et des travailleurs sociaux et des techniciens du CAL-PACT seront présents pour répondre à leurs préoccupations. Les crédits ne seront débloqués qu’en 1983, mais on prendra le temps de la concertation.

Jules GANTIER est l’animateur de cet ensemble et le collectif va se créer autour de personnalités fortes comme "mamie ROMETTI" ou "Nénette". Au-delà de la réhabilitation, cela débouchera sur la création d’une maison commune où l’on trouvera la baignoire, la machine à laver, un local pour l’aide aux devoirs des enfants, une salle à manger dans laquelle les repas peuvent être pris en commun et qui sera utilisée le jeudi midi par les travailleurs sociaux du quartier.

La dynamique va s’installer, les habitants vont démolir en partie leur maison et une rangée d’habitations, pour ensuite participer aux travaux de rénovation. François CHAVANEAU disait :" On réhabilite pour la population qui est-là". Alors, selon le vœu des résidents, le chauffage central ne sera pas installé, on gardera le chauffage au charbon. De même, sur leur demande, l’espace intérieur de la cour sera engazonné et divisé en petites parcelles particulières où l’on serachez soi.

Nord Eclair 1988

Mais si "Nénette" est revendicative pour sa cour, elle ne l’est pas pour le quartier entier. Un déclic mobilisateur aura-t-il lieu ? Que propose-t-on en fait aux Pilés ? Non pas de changer leur environnement, mais d’améliorer leur cadre de vie propre : ce n’est guère bouleversant ! D’autant plus que le plan de développement ne va pas amener une démarche collective comme à l’Alma.

Les personnes qui, à l’époque, ont une vision globale, sont peu nombreuses. Parmi elles, Jean TRACKOEN, militant syndical qui sera le premier permanent - habitant et Paul CORNEILDE, président du Comité des Fêtes, principal animateur du Comité de Quartier. Mais, Paul, au demeurant très actif, est plutôt un animateur festif.

Pour créer une dynamique, on a l’idée de tourner, en 1980, un film vidéo réalisé par Pierre GHIENNE, sous l’égide du C.R.A.V et de l’I.R.E.P. Ce document intitulé "Le Pile : demain, et vous ?" est conçu pour être un support de discussion avec les habitants à propos du projet de réhabilitation du quartier. Donnons leur la parole :

"Les Pilés veulent que l’image de leur quartier s’améliore. Quand on dit aux gens qu’on habite le Pile, ils font la grimace ! "

"La rénovation, pourquoi pas ! Il suffirait que quelques maisons soient retapées, et c’est toute la rue qui s’améliore. "

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" Mais, attention, on a des craintes. S’il y a une opération programmée, qu’est-ce que cela va signifier pour nous ? Un endettement ? Si un locataire qui paie un loyer de 70 francs, le voitpasser à 700 francs avec les nouvelles normes, que fera-t-il ? "

Ce film, qu’on projettera de maison en maison, va devenir un outil de communication : le Pile va se sentir interpellé, mais la mobilisation ne se fera que peu à peu.

Nord Eclair 1980

Toutefois, face aux problèmes latents du quartier, plusieurs paroles collectives mais qui n’émanent pas uniquement des habitants (on y trouvera des gens qui y travaillent ou y militent), vont s’exprimer.

Evoquons d’abord l’expérience de " la limace bleue", qui s’achève brutalement en 1982. A l’origine, cela commence par le travail d’équipe très élaboré qui est réalisé par les

enseignantes de l’école maternelle de la rue d’Anzin. L’enfant est au centre des préoccupations, les méthodes pédagogiques sont innovantes, reconnues à la fois par l’Inspectrice Départementale et le maire de Roubaix. Les thèmes de liberté et d’autonomie sont omniprésents et les savoirs, les compétences et même l’éducation sexuelle sont au programme et abordés sous la forme de jeux symboliques. Cette équipe est soudée, elle fait participer le personnel municipal et les parents et elle montre ses expériences au travers de diaporamas, de visites, de voyages.

La prise en compte d’une autre réalité, les problèmes des préadolescents et adolescents du secteur, va amener une modification du projet initial. L’école fait entrer ces jeunes au sein de

l’établissement, mais leur insertion ne se fera pas sans heurts. Une série de conflits, avec les autorités de tutelle qui ne cautionnent plus ces actions, vont provoquer l’échec et l’arrêt de cette expérience qui sera vécue comme un drame passionnel par les participants, les partenaires et les opposants. Un ouvrage de Michèle CARLIER, directrice de l’école maternelle, écrit postérieurement aux événements, présente de manière affective le cheminement de cette expérience.1

Le mur de l’école peint par les enfants avec la participation de l’association "Son et couleur"

1 La limace bleue, une école dans la vie, une école dans la ville. Michèle CARLIER. La Découverte.

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Mais, nous devons reconnaître aujourd’hui que s’il y a eu dérive malheureuse, des résultats tangibles ont été obtenus à court terme. Au-delà du ressenti, cela a enclenché sur le secteur une réflexion au niveau des problèmes des jeunes. Le collectif d’associations qui se réunissait a même obtenu un poste d’éducateur de prévention géré par l’association "Trois-Ponts-Pile". Le club de prévention ne sera jamais créé, mais le collectif de jeunes et les adultes n’ont pas été avares de leur temps pour tenter de négocier avec le Conseil Départemental les moyens demandés.

A cette occasion, une association de jeunes, "La jeunesse du Pile", verra le jour, et obtiendra la gestion d’un local, 33 rue de Babylone. Tollés des riverains, lenteur des services de la ville…, tout s’achèvera dans un essoufflement.

Une autre association fait parler d’elle au Pile. Il s’agit des "Chevaliers du Pile". Initiée par des commerçants, des artisans, des habitants qui veulent réagir contre la

montée de la délinquance, elle est présidée par Bernard DEWAELE, chauffeur de taxi habitant rue Hoche. C’est un mouvement qui ne refuse pas l’autodéfense et qui en restant en conformité avec la loi, organisera des rondes de nuit, parfois de jour, des surveillances photographiques, des dissuasions musclées… Des heurts avec les jeunes ne pouvaient manquer de se produire et il y eut dans le quartier quelques nuits chaudes dont les commerçants, principaux adhérents de l’association, firent les frais.

Les buts de ce groupement sont, selon ses statuts, "d’assurer, toujours en collaboration avec les services de police, la surveillance du quartier, et notamment des établissements de commerces". Les rumeurs selon lesquelles des adhérents avaient tendance à ne pas s’occuper d’Européens en train de commettre un délit, mais plutôt à traquer les Maghrébins, ne tardent pas à s’étendre.

Un long article de Nord Eclair en 1984 traduit bien dans son titre cette opposition : "Les Chevaliers de Roubaix : qui dit vrai ? Ils se définissent comme de braves et honnêtes citoyens protégeant leurs semblables des délinquants, mais certains les considèrent comme des fascistes voulant "casser" de l’immigré. "

L’association, devenue "les chevaliers de Roubaix et de la Métropole" nie ces accusations mais leur dénomination, le fronton de leur local écrit en lettres gothiques (cela ne s’invente pas !), la tenue des hommes en patrouille … laissent peu de doutes sur leur appartenance à la droite extrémiste.

Le mouvement se transforme peu à peu. L’association s’oriente davantage vers l’aide aux victimes de cambriolages ou d’agressions, et propose des réparations d’urgence, des systèmes de sécurité, et son action s’étend à la métropole. Elle aura même des subsides de la municipalité.

"Aujourd’hui, cette association n’a plus de subventions", a reconnu Michel CONSTANS, ancien adjoint au maire. "On la considère comme une entreprise commerciale et on lui confie des prestations dans le cadre de marchés publics comme le gardiennage par exemple. Les chevaliers de Roubaix en tant que tels, n’existent plus".

Tout autre, évidemment est la démarche conjointe de l’école Pasteur et de l’A.L.D.P. En 1980, il n’y a pas de centre social au Pile, Le mouvement associatif est axé sur

l’animation principalement commerciale, et le Comité de Quartier du Pile, sous le mandat de Pierre PROUVOST, n’est qu’un groupe informel de personnes qui essaient de créer un collectif dans un terreau militant.

Le quartier ne possède pas de système éducatif fort qui rassemble les énergies. Pas de groupe scolaire, l’école maternelle de la rue de Condé qui est au cœur du quartier, envoie ses élèves dans trois écoles élémentaires, celle de la rue d’Anzin, celle de la rue Pierre de Roubaix et enfin celle de la rue du Pile, les deux premières étant en périphérie ; l’école Pasteur, légèrement excentrée, a mauvaise réputation.

Vieille, triste, avec son préfabriqué accolé qui reçoit une classe maternelle, elle n’est pas accueillante et les maîtres débutants qui s’y succèdent ne pensent qu’à la quitter. Une école difficile, sans moyens.

La mise en place d’un G.A.P.P (Groupe d’Aide Psycho-Pédagogique) à la rentrée scolaire 1977, va lui donner un nouvel élan. Changement de pédagogie, aide et soutien aux enseignants, ouverture de l’école sur la vie du quartier, en quelques années le virage est pris.

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On sort avec les enfants, on les sensibilise à la rénovation de leur environnement, on travaille avec les parents, on participe aux travaux de réflexion du Comité de Quartier, et en mars 1981, une partie des enseignants se rassemble sur le projet philosophique d’une école ouverte sur la vie. Cela se concrétisera par la création de l’A.L.D.P. (Association Laïque pour le Devenir du Pile) qui sera un moyen d’expression pour les enseignants, les parents et les enfants. Une école dans le quartier, un quartier dans l’école, telle est la volonté commune affichée par ses adhérents.

Pour Bernard LEROY, directeur de l’école Pasteur en 1981, " la volonté de départ a été d’ouvrir l’école au quartier et à la ville, montrer que l’école ne s’arrête pas aux bâtiments et à la cour, qu’elle n’est pas un sanctuaire. On est allé rencontrer les gens du quartier pour leur demander ce qu’ils voulaient faire du Pile. On a voulu que les parents viennent pour travailler ensemble, on ne pouvait plus rester enfermer, on avait besoin d’eux".

Et l’on parlera d’école ouverte, comme à l’Alma. La comparaison avec l’école Elsa Triolet apparaît intéressante : les objectifs sont les mêmes, mais les moyens d’agir sont différents. A l’Alma, les parents ont voulu changer l’école, au Pile, les enseignants veulent changer la société.

Rapidement, la dynamique est en marche. Dès 1981, dans le cadre des commémorations du centenaire des lois de Jules FERRY, l’A.L.D.P présente un diaporama ayant pour thème la vision que les enfants ont de leur quartier. Pour élaborer la réflexion, on les emmène visiter d’autres types d’habitat. "Nous avons beaucoup aimé la Cousinerie à Villeneuve d’Ascq, avec ses maisons, ses petits jardins et ses grands espaces partout ... Avec sa barre, le quartier des Hauts-Champs, c’est trop triste … La rue du Renouveau à l’Alma, c’est une grande courée…" Et l’on constate qu’un regard d’enfant, c’est lumineux et… sans concession !

Bernard LEROY explique : "C’était une démarche sociale qui permettait une nouvelle manière de réfléchir dans le quartier. Au fur et à mesure que les années se sont écoulées, d’autres mouvements sont nés. L’A.L.D.P a été à l’origine de la demande d’un centre social. Tout ce travail, c’est celui de l’espérance au milieu de bien des difficultés".1

Dans les années 80, oui, le Pile se prend en charge. On assiste bien à la naissance d’un militantisme social. Le Comité de Quartier et l’A.L.D.P, (qui auront le même président jusqu’en 1989), et quelques autres associations du quartier, vont être porteurs d’une même philosophie : la promotion des personnes.

Le 30 avril 1981, le conseil municipal donne son accord au projet d’aménagement du Pile. L’état retient le Pile comme Secteur Prioritaire d’Intérêt Général (S.P.I.G.), ce qui offre les avantages suivants :

� une priorité de financement dans les aides de l’Etat aux propriétaires qui souhaitent améliorer leur logement

� une subvention de 35 % dans le financement d’une équipe mise sur le quartier pour suivre l’opération

� une prime supplémentaire aux propriétaires qui feront des travaux � une subvention de la ville pour permettre une soixantaine de murages � des facilités accordées par l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat

1977-1983 : au cours de cette période, on plante le décor de ce que sera le travail des 20 années à venir. Les dynamiques d’Etat sont en place, la concertation est commencée et va se poursuivre, les grandes décisions sur les orientations sont prises.

Quant aux réalisations, elles auront lieu au cours des plans suivants, mais le Pile ne sera pas l’Alma.

1 Bernard LEROY : entretien réalisé le 13.3.1996

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Le Plan Local de Développement Social Le Plan Local de Développement Social Le Plan Local de Développement Social Le Plan Local de Développement Social des Quartiersdes Quartiersdes Quartiersdes Quartiers

Nous avons vu que la dynamique Habitat Vie Sociale (H.V.S) a joué le rôle de diffuseur d’une nouvelle conception de l’habitat et du social urbain, et est à l’origine de ce qu’on appellera la politique de la ville. De 1973 à 1977, le groupe met en chantier des opérations de réhabilitation de grands ensembles, qui doivent permettre l’arrêt des processus de dégradation du bâti et le renouveau de la vie sociale. 13 opérations sont réalisées.

En 1976 est institué un Fonds d’Aménagement urbain (F.A.U) avec pour objectif l’aménagement ou le réaménagement des centres et quartiers urbains. De 1978 à 1982, 4000 communes seront concernées.

Au mois de mars 1977 est créé un groupe interministériel H.V.S ; entre 1977 et 1981, une cinquantaine d’opérations de réhabilitation sont lancées selon les procédures de cette instance. Il s’agit bien d’institutionnaliser une nouvelle approche de la politique en faveur des quartiers défavorisés.

En 1981, la Gauche arrive au pouvoir; à peine le gouvernement de Pierre MAUROY est-il installé que se produit la révolte des Minguettes, à Vénissieux. Ces incidents suscitent une émotion considérable.

Le gouvernement adopte très vite une nouvelle démarche d’intervention. En octobre, Pierre MAUROY annonce la création de la Commission Nationale pour le Développement Social des Quartiers (C.N.D.S.Q). Cet organisme, installé en 1982, sera présidé par Hubert DUBEDOUT.

Bernard CARTON1, adjoint à l’urbanisme à Roubaix, qui a défendu en compagnie de Pierre DUBOIS, François CHAVANEAU , Luc LEGRAS , les dossiers de la ville avec toutes leurs spécificités, est nommé membre de cette commission.

Comme nous le disions plus haut, la Gauche n’a pasdécouvert subitement la politique de la ville; ce qu’elle met en place est déjà dans les cartons, comme d’ailleurs les procédures concernant les Z.E.P ; elle s’est préparée pour prendre en main les affaires de l’Etat et elle a réfléchi, comme la Droite, aux stratégies susceptibles de répondre aux problèmes de la société.

Répétons le, on voyait beaucoup de professionnels de terrain et d’hommes politiques proches de DUBEDOUT dans les couloirs du ministère.

La Commission se réunit un an durant, se rend dans de nombreuses zones jugées critiques et examine des expériences novatrices comme celle de l’Alma-Gare; devant Hubert DUBEDOUT, en visite à Roubaix et au Pile, Pierre PROUVOST préconise le développement social de 5 quartiers pour sa ville.

Les décisions ne traînent pas: 16 sites d’importance nationale sont choisis pour appliquer les nouvelles approches en faveur des quartiers défavorisés ; parmi eux, les Minguettes à Vénissieux, le Val Fourré à Mantes, les "4000" à la Courneuve, les XIII ème et XIV ème arrondissements à Marseille, et des quartiers de Roubaix. En constante augmentation, leur nombre passera rapidement à 23.

1 Bernard CARTON fut adjoint au Maire de 1977 à 1983 sous le mandat de Pierre PROUVOST. Secrétaire du P.S roubaisien, il sera par la suite Conseiller Général, Député, et Conseiller municipal dans l’opposition, il redeviendra adjoint au Maire en 2001 sous le mandat de René VANDIERENDONCK.

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Cette géographie des territoires urbains, note Claude CHALINE1, concernera 148 sites au cours du IX ème plan. En 1993, dans le cadre du X ème plan, on en dénombrera 546. Avec la préparation des contrats de ville, au XI ème plan, 1300 quartiers seront recensés, touchant 750communes.

Selon Julien DAMON2, "on assiste, avec le tournant des D.S.Q, moins à un changement d’orientation qu’à un changement de contexte: la Gauche est arrivée au pouvoir, la décentralisation est en train de se mettre en place, et surtout les échauffourées entre la police lyonnaise et les jeunes, en 1981, changent l’image des grands quartiers d’habitat social".

Le Développement Social des QuartiersLe Développement Social des QuartiersLe Développement Social des QuartiersLe Développement Social des Quartiers ouououou une nouvelle démarche d’interventions une nouvelle démarche d’interventions une nouvelle démarche d’interventions une nouvelle démarche d’interventions

Hubert DUBEDOUT, rédige en 1983, un rapport intitulé : "Ensemble, refaire la ville", dans lequel il présente de nouvelles propositions qui doivent être un véritable levier de changements. "Lourde tâche pour le D.S.Q., indique pour sa part Julien DAMON, car la petite équipe réunie autour du maire de Grenoble, héritière des mouvements urbains des années 70, attache une grande importance à la démocratie locale".

En 1987, un journaliste de Nord-Eclair publie un article au titre volontairement dubitatif: "LE P.L.D.S, drôle de nom, mais quelle utilité" ?3

Il s’interroge en effet : "On sait que le P.L.D.S, ou D.S.Q, pour aller plus vite, est important pour Roubaix, puisque ça concerne 11 000 logements et 24 000 Roubaisiens. Ça brasse pas mal de gens et d’argent, mais le commun des mortels ignore généralement qui fait quoi et comment. Aussi est-il bon de rappeler l’esprit du D.S.Q, ses objectifs, ses moyens, son avenir".

Jean-Claude JANDIN, chef de projet du Développement Social des Quartiers de Roubaix depuis 1986, mais qui s’occupe de ce type d’action depuis septembre 1982, au sein de la Municipalité, va lui répondre.

"Le D.S.Q est une nouvelle façon d’appréhender la gestion de la vie sociale; il fait suite à une procédure appelée opération Habitat Vie Sociale, beaucoup plus restreinte que le D.S.Q. Le quartier est pris dans sa globalité, à la différence de la procédure précédente, qui concernait uniquement l’habitat. Rappelons toutefois que H.V.S a apporté l’aide à la personne et fait beaucoup avancer l’aspect humain. Les 16 sites retenus ont été choisis parce qu’ils étaient particulièrement défavorisés et connaissaient, davantage que les autres, des problèmes sociaux; il fallait y intervenirprioritairement pour éviter d’approfondir l’exclusion de ces quartiers. Maintenant, il s’agit de répondre globalement aux problèmes qui, de toute façon, interfèrent entre eux (logement, santé, pauvreté, loisirs, retard scolaire, formation sociale et professionnelle..); on s’est rendu compte que les interventions sectorielles n’étaient pas pertinentes en la matière. Voilà le premier objectif.

Le second objectif est de travailler sur la territorialité: le quartier est la base d’une ville, qui fait partie elle-même d’un département, d’une région, pour arriver à l’Etat, et donc, chaque collectivité doit être partie prenante des problèmes et des actions qui se développent". (Jean Pierre BRIERE, qui a travaillé sur la politique de la ville au ministère, emploie quant à lui le mot transversalité).

"Le troisième objectif consiste à s’appuyer sur la citoyenneté et la concertation ; les habitants doivent être des interlocuteurs privilégiés ; il s’agit d’assurer une meilleure liaison entre leur attente et les réponses que la Municipalité peut y apporter ; ces réponses tendent toutes à une certaine organisation de la vie du quartier, que ce soit à travers la résorption de l’habitat insalubre, l’aménagement d’espaces verts, la construction d’équipements collectifs, de centres sociaux, la création ou le renforcement de services (comme l’accueil de la petite enfance, le maintien à domicile des personnes âgées, etc...

1 Claude CHALINE : Les politiques de la ville. Que sais-je ? 2 Julien DAMON : les politiques de la ville. Documentation française N° 784 3 Nord-Eclair 1987

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Ce partenariat impose de savoir dans quelle direction on va, et surtout avec quels moyens financiers; le gouvernement a mis en place le D.S.Q, l’Etat est donc présent à travers les crédits d’intervention versés par les différents ministères concernés. C’est la C.N.D.S.Q1, présidée par Hubert DUBEDOUT de 82 à 83, puis par Rodolphe PESCE de 83 à 85, François GEINDRE de 85 à 87, et André DILIGENT de 87 à 88, qui est chargée de coordonner ces interventions".

Toutefois, pour Jean Claude JANDIN, des précautions s’imposent: "On ne peut pas s’engager à réaliser une action s’il n’y a pas un engagement ferme des différents partenaires sur une durée de 5 ans; si on commence un programme long et qu’on le stoppe 2 ans plus tard, on fait pire que mieux".

Globalité, territorialité, transversalité, citoyenneté : objectifs ambitieux ! Au delà des mots, nous dirons pour notre part qu’il ne peut y avoir de D.S.Q sans les habitants. Julien DAMON a pu noter en sociologue averti, la nouvelle audience qui leur est assurée : "On doit admettre que depuis une vingtaine d’années, le mal-être n’avait guère de parole et de support collectif : une manière de souligner, pour écrire comme Pierre BOURDIEU2, que les quartiers parlaient beaucoup moins qu’ils n’étaient parlés".

Le D.S.Q à RoubaixLe D.S.Q à RoubaixLe D.S.Q à RoubaixLe D.S.Q à RoubaixNous venons d’étudier les objectifs généraux et l’esprit du D.S.Q, sur le plan national,

et nous avons relevé quelques-uns des 16 sites retenus; parmi ceux-ci, quatre quartiers roubaisiens, l’Alma-Gare, le Fresnoy, le Cul de Four, et le Pile, bientôt suivis d’un cinquième, le Nouveau Roubaix.

Proportion remarquable! D’autant plus que l’on peut parler d’un choix contre nature! La plupart des sites, dans les grandes agglomérations, couvrent des ZUP à habitat vertical; or, les sites roubaisiens concernent principalement des zones d’habitat ancien de type horizontal.

C’est que Pierre PROUVOST et son équipe ont réussi à faire admettre la spécificité roubaisienne, une ville couverte de quartiers anciens dégradés. Dans les sphères parisiennes, on a entendu parler de l’Alma, on sait qu’il s’y passe des choses; de nombreux ministres visitent un Roubaix médiatisé; ce sera une nouveauté en France de prendre en considération des secteurs horizontaux; si cela a été possible, c’est parce que, selon nous, il y a eu l’Alma; les négociations pour ce secteur ont certainement facilité la négociation en faveur des autres quartiers.

Ce que l’on réussit à obtenir, c'est-à-dire des moyens pour installer des équipes opérationnelles à vocation globale sur les ZUP, va s’étendre aussi sur les quartiers. D’ailleurs, l’idée de DUBEDOUT est bien de ne pas seulement intervenir sur les zones périphériques, en ZUP, mais aussi sur les centres anciens dégradés; Roubaix est choisi en fonction de cette problématique.

" Et le Pile recevra autant de moyens que les Minguettes !" Cette réflexion en forme de boutade de Jean Luc SIMON, nous amène à nous interroger sur les raisons qui ont amené la municipalité à étendre le secteur du Pile jusqu’à la rue de Lannoy.

Nous émettons ici une hypothèse: au P.O.S3 de 1978, est inscrit l’élargissement de la rue Pierre de Roubaix pour permettre le passage du métro reliant Roubaix à Villeneuve d’Ascq, via Hem.

Mais, si l’on veut agir sur cette rue, il faut lui donner une centralité et ne pas agir sur un seul coté, d’où l’extension vers Sainte Elisabeth.

Notons également que, dans le cadre de ce même plan, la rue Pierre de Roubaix est bien en prolongement de l’Avenue des Nations Unies. Les travaux préparatoires à cet élargissement ont déjà commencé: les immeubles situés derrière la caisse d’allocations familiales sont assez loin de la chaussée, les maisons, situées le long du théâtre Pierre de Roubaix, ont été démolies, et la nouvelle école maternelle Jacques Prévert est reconstruite en retrait.

1 CNDSQ : Commission Nationale du Développement Social des Quartiers 2 Pierre BOURDIEU : Sociologue français, né en 1930. s’est intéressé à la sociologie de l’éducation et de la culture. 3 Plan d’occupation des sols

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Mais les litiges sur ce tracé sont nombreux, il faut démolir toute la partie gauche de la rue, et puis, des ambiguïtés se font jour, car on n’est pas chaud pour amener les jeunes de Laennec, qui posent problèmes, au centre de Roubaix.

Et le projet ne sera pas réalisé.

Cette cartographie du Pile tel que défini par le P.L.D.S. montre sur la partie droite, le triangle du quartier historique, et, ajoutée à la gauche de la rue Pierre de Roubaix élargie, la moitié du quartier Sainte Elisabeth jusqu’à la rue de Lannoy. Ne sont pas repris dans ce territoire, au nord, la partie qui va jusqu’au canal et à l’est, celle qui va jusqu’à la gare.

André Diligent, André Diligent, André Diligent, André Diligent, ou le chantre d’une villeou le chantre d’une villeou le chantre d’une villeou le chantre d’une ville Nous venons de vivre cette période charnière 77-83, qui couvre le mandat de Pierre

PROUVOST. Au cours de ces 6 années, bien des choses ont changé, bien des choix ont été faits pour favoriser l’évolution de la ville et mettre en place des moyens de concertation avec les habitants. De nombreux dossiers ont été impulsés par la municipalité. Les moyens vont arriver.

Pierre PROUVOST, dont le mandat s’achève, présente un bilan en béton et n’envisage pas sa défaite; la campagne pour les municipales est tendue, on assiste à un face à face percutant avec André DILIGENT sur France Inter, mais un sondage SOFRES donne 48 % d’intentions de votes en faveur du maire sortant et 45 % à son adversaire.

André DILIGENT s’est entouré depuis 1976, d’une structure de campagne, le "groupe d’action pour l’avenir de Roubaix", il a tiré les leçons de l’échec électoral de 1977, et il a multiplié, sous l’impulsion d’Hubert CARON, les opérations porte à porte et les visites de quartier. Pourtant, il ne croit pas à sa victoire. Un journaliste a écrit qu’André Diligent faisait un peu figure de Raymond POULIDOR de la politique: des victoires d’étapes, certes, mais une incapacité à prendre le maillot jaune.1

1 Nord Eclair : 5 février 2002

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Le 6 mars 1983 se produit un coup de théâtre électoral : André DILIGENT est élu avec 69 voix de majorité (50,01%). Battu dès le 1er tour, Pierre PROUVOST ne totalise que 36% des suffrages. Un vote de contestation, une troisième liste "Réussir à Roubaix" qui fait 10% en jouant sur l’insécurité et la délinquance, et André Diligent se retrouve à la tête de la municipalité roubaisienne. Il est vrai que l’on publie, en ce début d’année, des statistiques qui font mal : dans l’agglomération, la criminalité a quadruplé en 18 ans : 5 700 vols à la roulotte, 2 600 vols de voitures et 2 150 cambriolages ont été relevés.

Dans notre historama de 1982, nous écrivons que si la délinquance est un grave sujet de conversation pour les habitants, elle est aussi un problème préoccupant pour les élus roubaisiens. Pierre PROUVOST participe d’ailleurs à un groupe de travail sous la présidence de Pierre MAUROY, au cours duquel André DILIGENT propose des mesures immédiates, ce que retiendront probablement de futurs électeurs. Et l’on déclare encore en ce début de campagne, que Roubaix est la ville la moins sûre du département: les actes de délinquance sont en augmentation de 53 % en 6 mois.

Le nouveau maire peut célébrer sa victoire par K.O au 1er round au milieu de ses alliés enthousiastes. Et pourtant, écrit notre journaliste de Nord Eclair, ce fut "un coup d’éclat qui surprit André DILIGENT, conscient que la gestion d’une ville comme Roubaix, ce n’est pas du "nougat", en tout cas autre chose qu’un long fleuve tranquille".

Et de citer, volontiers amusé, André DILIGENT lui-même: "Je m’étais présenté par défi. Le soir de l’élection, je priais: mon dieu, faites que j’aie une hépatite virale ou un accident de voiture, mais pas mortel, hein !" Facétieux, le journaliste conclut : " Là-haut, le Bon Dieu devait bien rigoler ! ".

Véritable séisme politique, le 6 mars 1983 marque encore les esprits : "Le jour où Roubaix a basculé, le jour où la MECQUE du socialisme a tourné brutalement la page, le jour où la Gauche invaincue depuis le début du XXème siècle, a perdu la ville". Les expressions sont à la mesure de l’événement.1

Pourtant, André Diligent reste lui-même, il ne se comporte pas en conquérant qui vient de s’emparer d’une citadelle détenue par les socialistes depuis 70 ans. Comme l’a écrit Jules CLAUWAERT, dans un éditorial : "dès cette nuit là, il confiait à ses intimes une inquiétude nullement feinte, devant le redoutable défi qu’il s’était mis en tête de relever ".2

Nous allons tenter, à travers les nombreux témoignages publiés dans la presse au moment de sa mort, survenue le 3 février 2002, et les interviews que nous avons recueillies dans le cadre de notre ouvrage, de cheminer avec l’homme politique, l’homme d’action, mais aussi avec l’humaniste pétri de convictions.

La carrière d’un géant André DILIGENT a de qui tenir. Son père, Victor, avocat célèbre, passionné par la

question sociale, est une des grandes figures de la démocratie chrétienne dans le Nord, animateur du Sillon, et fer de lance du P.D.P3 dans la région. Comme l’écrit Bruno BETHOUART dans la préface du livre d’André DILIGENT, "La charrue et l’étoile"4, l’ombre de Victor DILIGENT, son rayonnement, sa force de persuasion, ont marqué le fils d’une manière indélébile.

Hubert LEDOUX, dans la Voix du Nord, insiste sur ce point : "C’est peu dire qu’André DILIGENT fut de cette génération viscéralement accrochée à la démocratie chrétienne, idée à laquelle il adhéra en 1938. Il se plaisait à rappeler que, la démocratie chrétienne, il était tombé

1 Idem 2 Idem 3 Parti Démocrate Populaire 4 Editions COPRUR : octobre 2002

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dedans tout petit! Son père avait comme témoins de mariage Marc SANGNIER, leader du Sillon1, et Eugène DUTHOIT, président des Semaines sociales".2

André DILIGENT est né à Roubaix le 10 mai 1919. Peut-être, étant enfant, rêvait-il déjà de la mairie de Roubaix, voisine du domicile paternel, 1 rue du Château ? A cette évocation systématique un peu facile, il aimait répondre : "Il n’y avait que la rue à traverser, mais ça m’a pris du temps ! "

Après des études de droit, il s’installe en tant qu’avocat rue du Grand-Chemin, en 1944 et entame une brillante carrière; rappelons-nous cette plaidoirie homérique au cours de laquelle il avait défendu Mamadou, célèbre chiropracteur du Pile, accusé d’exercice illégal de la médecine. C‘était en 1972.3

Pendant la guerre, il rend des services à la Résistance et devient l’adjoint de Jean CATRICE, commissaire régional à l’information. En 1947, à 28 ans, il figure sur la liste socialo-centriste conduite par Victor PROVO et, à ses côtés, il sera réélu sans discontinuer jusqu’en 1977.

En 1958, il devient député M.R.P de la 8° circonscription d’alors, mais perd son siège en 1962.

Notre homme politique n’est pas du genre à s’appesantir sur ses échecs; selon la formule d’un journaliste, "le Palais Bourbon lui est fermé, il fait son entrée 3 ans plus tard au Palais du Luxembourg", ce qu’André DILIGENT nous a commenté personnellement avec humour: "Quand on me fait sortir par la porte, je rentre par la fenêtre ! " Sénateur pendant 9 ans, il travaille beaucoup et devient président du groupe Union Centriste.

Homme de communication, il se fait remarquer par des combats restés célèbres dans le domaine de l’audiovisuel; il rédige un projet de statut pour la Radio Télévision Française devenue O.R.T.F. Manifestement, il redoute les dérives du pouvoir audiovisuel, et obtient en 1967 la création d’une commission de contrôle dont il devient le rapporteur. En 1972, il dénonce avec fougue "les trois maladies de l’O.R.T.F: gaspillage, copinage, téléguidages".

Selon Claude VINCENT, de Nord-Eclair, l’affaire qui va lui donner une audience nationale, est, en 1971, celle du fichier de l’O.R.T.F, que certains voudraient revendre à des firmes,notamment de V.P.C, en négociant de la publicité clandestine; André DILIGENT se fait haïr par ceux dont il dénonce les comportements. Quand les journalistes parisiens l’appellent le Candide du Sénat, il leur souffle lui-même un second surnom: "le Primitif Flamand! "

En 1974, il perd son mandat de sénateur au profit de Victor PROVO. Il ne reste pas inactif; sous son impulsion, écrit un commentateur politique, le Centre Démocrate se transforme en Centre des Démocrates Sociaux dont il devient le secrétaire général.

En 1977, Pierre PROUVOST, qui présente aux municipales une liste comportant des communistes et des radicaux de gauche, bat la liste d’André DILIGENT. Ce dernier sort, en 1979, un livre : "Les défis du futur", et devient député européen au Parlement de Strasbourg , un siège qu’il abandonne en 1983 pour réintégrer le Sénat et faire face à son mandat de maire. Le journaliste qui avait évoqué un rêve d’enfant devant l’imposant édifice de la mairie, pouvait écrire : "cette fois, André DILIGENT avait traversé la rue du Château ... "

1 Le Sillon est un mouvement fondé par Marc SANGNIER en 1894, sur des bases chrétiennes, démocratiques et sociales. Le Sillon veut réaliser la véritable démocratie qui est, vue par Marc SANGNIER : " l’organisation politique et sociale qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité de chacun, en lui permettant dans la mesure de ses capacités et de ses forces, de prendre une part effective à l’élaboration des affaires communes". Aux yeux des Sillonnistes, c’est le christianisme qui réunit au mieux les conditions nécessaires à ce projet, qui exige de sacrifier l’intérêt particulier à l’intérêt général. Des activités sont développées dans les domaines les plus divers, explique André DILIGENT dans son livre, la charrue et l’étoile : conférences, loisirs (jardins ouvriers, fondés par l’Abbé LEMIRE, sociétés de gymnastique,...) social (la société de secours mutuel, fondée en 1903, caisses de crédit ...) économie (plusieurs coopératives lancées, comme La Semeuse ou L’EPI...). Marc SANGNIER né en 1873, mort en 1950, est le créateur de la Ligue française des auberges de jeunesse. 2 Voix du Nord : 5 février 2002 3 Serge LEROY : Le Pile à cœur page 108

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Dès lors, nous pouvons en venir aux combats roubaisiens de celui qui aurait pu être, selon de nombreux analystes politiques, un des ténors les plus influents de la politique nationale, mais qui, de toute évidence, préférait " creuser son sillon dans une terre qui lui était familière".

Auparavant, nous aimerions apporter quelques touches sur ce personnage insaisissable, pour mieux découvrir à la fois son caractère et ses idées. Puisons dans le florilège journalistique.

Un homme, une imagePratiquant un humour qui alliait l’ironie et la justesse de vue, c’était l’homme qui

décochait "réflexions cinglantes, formules choc et portraits piquants". Rappelons ce qu’il nous disait sur Emile DUHAMEL lors d’une interview: " Ah ! Emile ! Un personnage de la commedia dell ‘arte, qu’on devine, dont on connaît les réactions, qui a de la présence, un homme dur, exigeant, qui cultive son image. Mais, comme on le fait avec un ami qu’on aime, on l’asticote parfois". 1

Jules CLAUWAERT a bien exprimé ce qui faisait vivre André DILIGENT: "Aucune cause, si mineure parût-elle, ou si utopique, s’agissant de réparer une injustice, de rendre leur dignité aux plus humbles dans notre société, n’aura laissé indifférent un homme parfois jugé inclassable.

Anarcho-chrétien: la boutade ne lui déplaisait pas. Homme aux convictions solides, il ne supportait pas les manichéismes couperets entre bons et méchants, ni les frontières partisanes préfabriquées, ni les modes intellectuelles. Pas commode cependant pour un responsable politique, de concilier son appartenance loyale à une famille de pensée, avec les impulsions de l’éclaireur, voire du franc-tireur, quand il estimait de son devoir de briser des tabous, de bousculer des idées reçues et des conservatismes".2

André DILIGENT nous a dit lors d’une rencontre, qu’il croyait plus aux hommes qu’aux systèmes. Cette réflexion, croyons-nous, apporte un éclairage sur son parcours politique roubaisien et sur les années passées à la tête de la municipalité. André DILIGENT, rappelons-le, a été adjoint de Victor PROVO; à part une période où les exigences de sa carrière professionnelle le contraignent à se contenter d’un poste de conseiller municipal, il le restera jusqu’en 1977.

"Victor PROVO, je l’aimais bien, mais j’étais plus à gauche que lui! " Boutade savoureuse, qu’il prenait un malin plaisir à évoquer; il avait d’ailleurs révélé à un journaliste, qu’en 1971, Pierre MAUROY lui avait suggéré de rejoindre le P.S. "Je n’avais pas répondu, mais lorsque Guy CHATILLIEZ, l’ancien maire de Tourcoing, a franchi le pas, j’avoue que l’idée m’a traversé l’esprit. Furtivement... " Ah ! Ce dernier mot ! Comme il dépeint bien l’humour, le rire intérieur de l’homme qui se connaît ! Car il en a connu des appels du pied !

Si, comme le note un analyste politique de Nord-Eclair citant Guy DURIEUX3, "le P.S. mise sur André DILIGENT dans le cadre de la tentative d’ouverture proposée par Michel ROCARD au lendemain des législatives de 1988, si le maire de Roubaix prend, en 1987, la tête de la mission: "Développement Social des Quartiers", c’est bien qu’il apparaît, à l’époque, comme une recrue de choix dans le cadre d’une majorité présidentielle élargie".

Et le journaliste de citer, amusé, une remarque de Pierre MAUROY, à qui il avait demandé quelle grande pointure socialiste il envisageait d’envoyer à Roubaix pour reconquérir la ville : "Qui voyez-vous de plus socialiste à Roubaix qu’André DILIGENT ? "

L’homme a des qualités indéniables, mais aussi des défauts:" Désordonné, touffu dans sa façon d’être, au grand désespoir des membres de son cabinet: dossiers éparpillés à la va-vite dans des chemises bleues et à portée de main; en guise de surligneur, un bon gros crayon de bois

1 Serge LEROY : Le Pile à cœur page 120 2 Nord Eclair : 5 février 2002 3 Guy DURIEUX : proche de Pierre PROUVOST, auteur de "Chauds beffrois"

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à deux mines rouge et bleue comme on n’en trouve que dans les poches des menuisiers; mais orateur aux arguments clairs et à la précision irréfutable".1

Personnage parfois déroutant, il sait manier l’humour comme une arme redoutable. Il est proche des gens, il est convaincu et convainquant, il est, pour François DUMOULIN, ancien conseiller municipal, l’homme des compromis, et non des compromissions, l’homme connu et reconnu de l’ensemble des classes sociales, respecté par ses adversaires politiques; on se souvient de ses joutes oratoires avec Emile DUHAMEL ! Mais les divergences n’empêchent pas respect et estime mutuels.

Nous voilà armés pour comprendre l’impact qu’a eu André DILIGENT à Roubaix.

Un homme, une villeAndré DILIGENT devient maire à l’âge

de 64 ans; son arrivée à l’Hôtel de Ville ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices: Olivier HENNION, dans la Voix du Nord, écrit: "La tâche est titanesque, la ville a subi de plein fouet les effets de la crise et des luttes d’influence au sein de la Communauté Urbaine".2

Et déjà, André DILIGENT, accueillant le président François MITTERRAND, en visite à Roubaix (la dernière visite présidentielle remontait à 1959), se faisait le chantre d’une ville "non pas en difficulté, mais en péril". Le président avait déclaré : " Roubaix est le prototype des villes qui accumulent tous les problèmes, de ces villes mal préparées à la troisième révolution industrielle qui se déroule sous nos yeux". .Le nouveau maire ne se privera pas de demander: " Qu’on nous aide à remonter la pente".

André DILIGENT va relever les défis. Et pourtant, exclu de la vie municipale depuis 6 ans, ne

s’attendant pas à être élu, il compose une équipe pour le moins hétérogène, qui n’est pas prête à gouverner. Il va se trouver en face de gens aguerris, leaders de l’opposition, qui ont été aux affaires depuis des décennies ; car, pour la première fois, on a un conseil municipal dans lequel on remarque une liste majoritaire de droite, mais aussi des représentants de "Réussir à Roubaix", du P.S (avec notamment Pierre PROUVOST, Bernard CARTON) et du P.C, donc bien des listes d’opposition. Les socialistes, qui ont beaucoup travaillé, sont amers, et ne font pas de cadeaux. "On m’attendait avec des arbalètes", nous a dit André DILIGENT.

Mais si certains l’ont parfois taxé de dilettantisme, avant cette période qui commence,

si d’autres ont pu constater, pendant les premières années de sa mandature, quelque flottement, le nouveau maire prend sa tâche à bras le corps et assume ses responsabilités. Et il s’informe, notamment sur les procédures de la ville et les procédures du D.S.Q, qu’il ne connaissait pas.

Car André DILIGENT va découvrir en 1983 ces dossiers qu’il n’a pas élaborés ; il est lui aussi interpellé par ces plans et tient à assimiler ces nouvelles dispositions; il se fait expliquer à Paris les objectifs de la politique de la ville, auxquels il adhère par conviction et par... pragmatisme. Sa ville a des besoins, il comprend qu’il va disposer de gros moyens financiers.

1 Nord Eclair : 5 février 2002 2 Voix du Nord : 5 février 2002

Photographie Philippe PAUCHET, la Voix du Nord

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Michel BAUDRY devient adjoint aux quartiers; conseiller municipal de 1965 à 1977 sous Victor PROVO, mis sur la touche de 1977 à 1983, il a pu voir le travail effectué par Marc VANDEWYNCKELE, notamment dans la constitution des Comités de quartiers. Quand arrivent les procédures du Développement Social des Quartiers, il conçoit qu’il y a là quelque chose d’intéressant :" Mais je ne savais pas ce que c’était vraiment, et j’ai demandé à Pierre LEMONIER de me faire un cours sur le D.S.Q ; la démarche m’a enthousiasmé et j’ai obtenu du maire de prendre les quartiers". Michel BAUDRY demande donc cette délégation par choix. Il s’avère d’ailleurs qu’il est le seul avec André DILIGENT à avoir une antériorité politique dans la nouvelle équipe municipale, les autres adjoints sont de nouveaux élus.

" Quand je suis arrivé, nous a expliqué Michel BAUDRY au cours d’un entretien, j’ai rencontré Marc, un type merveilleux qui avait la volonté de mettre en place une démocratie participative locale. Je tiens à souligner qu’il a pris part, et c’est remarquable, aux premières réunions que j’ai organisées. En réfléchissant sur les dossiers, je me suis dit qu’il n’y avait pas que 5 quartiers à Roubaix.

Comment se partager? Il fallait que j’organise un peu tout ça, aller voir

les responsables dans leur secteur. Et j’ai mis au point un système de rencontres régulières : 13 quartiers, 13 semaines dans un trimestre, donc un quartier chaque semaine. Mais dans le cadre du D.S.Q, il fallait faire le point sur les opérations d’urbanisme, et nous avons institué des groupes de travail qui, pour chacun des quartiers en D.S.Q, seréunissaient toutes les 6 semaines; y participaient les

techniciens des équipes opérationnelles, des habitants, et des représentants du Comité de quartier; il ne s’agissait pas de donner des solutions, d’amener un projet en disant: notre plan est bon, il faut l’adopter ! C’étaient des lieux de confrontation, d’analyse, d’évaluation.

Toutefois, pour moi, le dispositif du D.S.Q avait un maillon faible: c’étaient les équipes opérationnelles qui dépendaient d’un organisme extérieur, la SAEN, et qui se sentaient moins redevables envers les élus. Au Pile, l’équipe opérationnelle était gérée par le CAL-PACT. Dans ce quartier, ça se passait bien, on a eu la chance de travailler avec Jean Luc SIMON, qui a vécu l’expérience de l’Alma comme stagiaire. Recruté par François CHAVANEAU, il était autant au service des gens pour appréhender ce qu’ils espéraient, qu’au service de la mairie".

André DILIGENT va réussir la transition; toutes les qualités dont nous avons parlé plus haut vont s’exprimer dans le microcosme roubaisien, et aussi dans le cadre de la Communauté Urbaine.

Le maire ne dit pas aux responsables de Gauche: "Ces mesures que vous avez préparées, je ne les assumerai pas et j’en prendrai d’autres". Il dit : " je vais les mettre en application". Il ne change rien à ce qui était prévu; Pierre PROUVOST a lancé le train, André DILIGENT a eu l’intelligence de ne pas l’arrêter! Et il laisse le socialiste Bernard CARTON intégrer en 1984 la Commission Nationale pour le Développement Social des Quartiers. Ce n’est pas un hasard si on trouve en 1987 le maire de Roubaix à la tête de cette commission, alors que la Gauche est au pouvoir!

Là est le secret de sa réussite: André DILIGENT passe bien; sa bonhomie, sa verve, sa manière d’être, sa pugnacité, vont conforter son action; des gens de sensibilité différentes pourronttravailler avec lui. Nous l’avons entendu dire un jour: "J’apprends plus de choses de mes adversaires que de mes amis".

Il n’est pas dans nos intentions de présenter un bilan exhaustif des années 1983 à 1994, date à laquelle André DILIGENT s’est retiré pour raisons de santé; nous aurons l’occasion par la suite d’évoquer telle ou telle décision, jusqu’à l’entrée en lice de René VANDIERENDONCK. Nous pensons préférable de citer André DILIGENT lui-même, sur des sujets qui lui tenaient à cœur.

"La première chose qu’il fallait faire, c’était de redonner de grands équipements à Roubaix.

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J’ai fait baisser la taxe professionnelle de 25% à 19% sans licencier, grâce à un secrétaire général qui était un grand monsieur, et à des collaborateurs formidables.

La Communauté Urbaine devait être bipolaire : deux têtes, Lille et Roubaix-Tourcoing. Il ne faut pas que Roubaix devienne un quartier du grand Lille. Je suis en bon terme avec Pierre MAUROY, mais pas avec le maire de Lille. Je lui ai dit: quand le maire d’une ville puissante propose à son voisin: venez au P.S et votre ville sera mieux gérée, si ce n’est pas de la corruption, c’est du copinage ! Ce n’est pas de la démocratie!

On ne saura jamais les conséquences des choix qu’on n’a pas faits. On a perdu 15 ans parce qu’on a préféré faire le métro jusqu’à Lomme avant de venir

à Roubaix. J’ai fait réaliser une cinquantaine de photos de Roubaix, datées et identifiées, montrant

dans quel état était la ville à mon arrivée aux commandes, un mois après mon élection. En 1984, ma raison d’espérer ? Cet atout énorme qu’est l’union sacrée réalisée entre

les communes du Versant Nord-Est. Quand je rencontre quelqu’un, je me dis: qu’est-ce que je peux en tirer pour Roubaix;

Roubaix est mon seul objectif et j’y consacre mon énergie, mon temps. Même quand je vais à Bruxelles ou à Strasbourg, j’en profite pour y rencontrer tel commissaire européen ou faire avancer le dossier du FEDER.

Je suis entré à Roubaix comme on entre en religion. Je ne pense plus qu’à elle, je vis, je dors, je mange avec elle.

On disait en 1986: jamais une mairie n’a eu autant de mérite à lutter. Et en 1990, on parle de miracle roubaisien.

Il ne faut pas insulter l’histoire. Je sais les combats que l’on a menés pour qu’on reconnaisse les droits de la population roubaisienne. En 1994, le train était bien parti! Nous avions préparé les conditions actuelles du renouveau de Roubaix".

Photographie Jean Luc PITEUX : Voix du Nord "Comme quelque chose de cassé". Ce titre émouvant de Nord-Eclair exprime

l’émotion ressentie à Roubaix, après la mort de l’ancien maire; regrets, de la Droite à la Gauche, chagrin des Roubaisiens de tous horizons, et comme un grand vide.

André DILIGENT s’est identifié à Roubaix par son engagement viscéral; chantre d’une ville aux multiples handicaps, mais aussi du Versant Nord-Est en général, il restait, comme l’a écrit le journaliste Bernard VIREL, "accroché à son rocher et à sa vision d’une communauté basée sur un parfait équilibre entre ses trois villes phares". 1

Citons encore Jules CLAUWAERT: "Commis voyageur de Roubaix, on l’a parfois accusé de faire du misérabilisme, lorsqu’il réclamait des ressources, des investissements, des crédits, mais, quand, épuisé pour avoir jeté toutes ses forces dans la bataille, sa santé le trahit onze

ans plus tard, la ville avait valorisé ses atouts et ne risquait plus de devenir le terrain vague de notre métropole régionale franco-belge"2

Parfois un Don Quichotte dans ses audaces, souvent un Sisyphe3 dans sa lutte pour remonter ce fameux rocher, toujours un humaniste dans sa quête de l’autre, voilà le secret d’André DILIGENT: garder une dimension d’utopie et rester debout.

René VANDIERENDONCK a dit: "Il ne nous menait pas, il nous emmenait". André DILIGENT, creusant son sillon droit et profond, a emmené les Roubaisiens vers

"la fierté retrouvée".4

1 La Voix du Nord 5 février 2002 2 Nord Eclair 5 février 2002 3 Albert CAMUS : Le mythe de Sisyphe 4 Jules CLAUWAERT : éditorial Nord Eclair

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Le Pile en mouvementLe Pile en mouvementLe Pile en mouvementLe Pile en mouvement

Nous avons vu le Pile interpellé, le Pile devenu secteur prioritaire (S.P.I.G), le Pile retenu en D.S.Q avec 4 autres quartiers de Roubaix. Voyons à présent le Pile en mouvement.

Selon notre démarche, nous allons faire intervenir le plus souvent possible, les habitants, les acteurs de terrain, et nous inspirer des journaux de l’époque : le vécu est riche, il va nous permettre de comprendre la politique menée, et ...d’en appréhender les limites.

L’équipe opérationnelle L’équipe opérationnelle du Pile, conçue selon les idées du plan CHAVANEAU, va

appliquer la démarche préconisée qui est de maintenir le tissu urbain existant en pratiquant ce qu’on a appelé la politique de la dentelle.

Cette équipe pluridisciplinaire est animée par deux chargés de mission, Patrick FORTIN et Jean Luc SIMON, l’un pour l’aménagement et l’urbanisme, l’autre pour le développement et la vie sociale; leP.L.D.S est un peu leur bébé, ils vont vivre des années riches qu’on ne peut gommer. Ils sont entourés d’architectes, de techniciens, d’agents sociaux qui vont mettre en œuvre des actions d’amélioration sociale et d’incitation à la réhabilitation.

Jean Luc SIMON et Patrick FORTIN au cours d‘une visite dans le quartier

Une partie de leur travail est orientée vers les bailleurs sociaux, qui ont droit eux aussi

aux primes (PACT, LOGICIL, Roubaix-Habitat, SARHNORD). Ces organismes achètent des maisons, les réhabilitent en fonction des normes reconnues, et perçoivent directement l’allocation- logement des locataires, qui ne paieront qu’un complément.

Mais il existe une autre sorte de bailleurs qu’on appelle les marchands de sommeil: eux aussi achètent des maisons, les réhabilitent plus ou moins sommairement, et les louent avec profit. Il faut signaler toutefois qu’il n’y a qu’au Pile que l’on trouve des maisons, moins chères à louer et sans caution, ce qui favorise d’ailleurs l’arrivée de gens pauvres; on peut dire que le Pile a été lequartier "cul de sac" de la totalité des R.H.I : la paupérisation du quartier s’est accentuée.

Cependant, le gros du travail de l’équipe opérationnelle consiste à intervenir auprès des propriétaires occupants, très nombreux au Pile, pour les informer, pour monter des dossiers, pour déterminer le montant des primes qui peuvent leur être allouées, pour les inciter à réhabiliter leur bien. On touche là à une spécificité du Pile.

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Les difficultés rencontrées Si l’on peut réussir à gérer un habitat social collectif, il est bien plus difficile, sinon

impossible, de gérer un habitat essentiellement privé. Souvent, un propriétaire qui vit au Pile ne peut pas aller ailleurs; ou alors, il le fait, comme Paul CORNEILDE, qui dut se résoudre à quitter le quartier, en vendant sa maison beaucoup moins cher qu’il ne l’avait achetée bien des années auparavant. En 1986, un habitant disait qu’il avait investi 200 000 francs de l’époque dans l’achat de son habitation et qu’il ne pouvait accepter de la revendre 100 000. " J’ai toujours vécu au Pile, j’ai fini par avoir la maison que je voulais, avec des voisins connus, de nombreux commerces; qu’est-ce que je pourrais acheter ailleurs avec cette somme" !

Un autre raconte :" J’ai acheté une petite maison, j’ai trois enfants, nous sommes à l’étroit; mais je ne pourrai pas en trouver une plus grande; si je pars dans un H.L.M, j’aurai un meilleur confort, mais le loyer sera trop élevé".

Nous avons là des propriétaires captifs, qui ne peuvent ou ne veulent pas vendre pour des raisons financières. Alors, ils s’accommodent et cherchent à améliorer leur habitat, ou à rénover leur façade si l’environnement est incitatif.

On entend souvent à l’époque :" Si ma maison vaut trois fois moins cher qu’avant, ça n’est pas la peine d’y mettre de l’argent! Et puis, si mon voisin laisse son terrain en friche, ça ne sert à rien que j’investisse" ! Patrick CORNILLE, qui s’occupait de réhabilitation en 1984, a bien exprimé le problème: "Quand vous voyez un immeuble muré à côté de chez vous, vous n’avez pas envie de repeindre votre façade" !

Toutefois, les aides sont particulièrement intéressantes, notamment l’aide technique apportée par l’équipe plurielle installée au 41 de la rue du Pile: Patrick FORTIN et Jean Luc SIMON, déjà cités, Thérèse DEMANGE, architecte, pour la partie réhabilitation, Chawki GUERMOUCHE, assistant technique pour les problèmes sociaux (sa connaissance de la langue arabe devant éviter les problèmes de compréhension avec les familles immigrées), Thérèse CHASTAING pour les questions de relogement, Anne Chantal BERNARD pour les personnes âgées, Emilienne DECOTTIGNIES pour l’accueil, Jules GANTIER, animateur social du CAL, Martine DESMOUTIEZ et Odile DANCOINE, assistantes sociales.

Il apparaît très vite, comme l’a d’ailleurs souligné l’enquête réalisée en 1979 parmi les habitants, que la voirie est le problème clé: il est en effet important, pour inciter à réhabiliter une maison, de s’en occuper dans un premier temps, ce qui permet aux propriétaires de se raccorder, pour un prix intéressant, au tout-à-l’égout, et d’envisager alors l’installation de sanitaires.

C’est pourquoi, durant les 3 premières années P.L.D.S, on utilise une grande partie des moyens pour la réfection de plusieurs chaussées, de trottoirs, et pour la pose de canalisations. Ainsi, quand il s’est agi de réaliser le tout-à-l’égout rue Marie BUISINE, un technicien de l’équipe opérationnelle du Pile, Bernard DESCATOIRE, a fait du porte à porte pour inciter les gens à se raccorder. Sur 60 propriétaires occupants, 55 ont accepté. 1

1 La rue Marie Buisine avant travaux en 1987. La mobilisation des habitants par le Comité de Quartier avait permis d’obtenir des facilités de paiement pour le raccordement, mensualisation et pas d’intérêt sur la durée du remboursement.

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Comme le note La Voix du Nord du 24 juin 1984 : " Ça commence à bouger au Pile : la voirie a été refaite dans les rues Paul Bert, de Leuze, Lalande".

Le journal Nord-Eclair du 17 août 1986, titre : " Le Pile, ça bouge ! Des rues ont été refaites : Paul Bert, de Leuze, Lalande, La Fayette, Leverrier, Réaumur, Babylone, Mons, Mulhouse. D’autres seront refaites cette année : Copernic, Marie Buisine".

En effet, le Pile bouge. On s’oriente, selon le schéma directeur, vers des actions modestes, mais nombreuses,

réparties sur l’ensemble du quartier, et engagées simultanément pour qu’elles puissent produire un effet d’entraînement.

Et commencent les premières réalisations, dont l’exemple le plus frappant est, en 1984, l’aménagement du square Paul Bert, en concertation avec les habitants; des jeux et un bac à sable y sont installés et la rétrocession en jardin des terrains de la courée centrale de l’îlot amène de la verdure où il n’y avait que grisaille. Mais des conflits de voisinage surgiront: deux ans plus tard, le terrain, squatté par les jeunes, est à l’abandon ! Nous reviendrons sur ces problèmes récurrents concernant le suivi des réalisations.

La bataille du Pile est engagée; certes, on ne fera pas de ce quartier un nouvel Alma-Gare, la philosophie n’est pas la même: un article de Nord-Eclair du 5 août 1984 souligne d’ailleurs que le Pile ne doit pas perdre son âme et que les projets à l’étude ne s’imposeront pas au quartier, ils s’y intègreront.

Le Pile manque d’air, un des mots d’ordre des aménageurs est de rendre moins dense ce secteur. Là où on démolit trois maisons, on n’en reconstruira qu’une, par exemple. Ou encore, on démolit une courée insalubre et on transforme l’espace récupéré en petits jardins qui seront alors revendus aux propriétaires des maisons en front de rue. Les plans prévoient d’aménager le maximum d’espaces publics: placettes, aires de jeux, parkings...

Square" La terrasse" à l’angle des rues Lalande et Paul Bert en 1986.

Stratégie de reconquête. Quoi qu’il en soit, certains îlots vétustes et insalubres sont condamnés; on envisage la

destruction de 180 logements dans les deux ans: il s’agit des cœurs d’îlots Monge, Prévert, Franklin, Guesde, Marie Buisine, de la pointe triangulaire Beaurepaire – Franklin - Babylone, de la pointe Lannes – Beaurepaire - d’Estaing, et de quelques habitations situées face à l’église Saint Rédempteur

Jean Luc SIMON reconnaît que l’on se débat avec un problème insoluble : "Des logements actuellement salubres se trouvent condamnés à devenir insalubres, faute de parvenir à les assainir, mais nous ne croyons pas à des opérations "gros paquets". Il nous faut des actions exemplaires, proches des gens, susceptibles de leur rendre courage plutôt que de les effrayer. Sur ce point, les réaménagements de rues, réfections de chaussées et de trottoirs, plantations dans les rues, nous semblent particulièrement motivants".

Il est évident que la tâche est ingrate : "de nombreux logements sont à l’abandon ; il suffit d’arpenter le quartier pour constater que le passage des dézingueurs finit de les ruiner et deles rendre irrécupérables ". C’est une course contre la montre à laquelle se livrent la ville et l’équipe opérationnelle.

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Au point que le Comité de quartier s’émeut, et adresse une lettre à Paul QUILES, ministre de l’Urbanisme, du Logement et des Transports, en visite à Roubaix au mois d’avril 1985 :

" Le Pile est classé quartier "DUBEDOUT", et depuis 1977, on y parle de réhabilitation. Depuis 1980, divers projets sont élaborés. Et pourtant, depuis cette date, la situation des habitants n’a que peu évolué ; de plus, une bonne partie de cette évolution s’est dirigée dans lesens contraire des attentes et des projets de départ. Aujourd’hui, en 1985, les habitants en ont assez !

Assez de voir un quartier qui meurt à petit feu, gagné par la gangrène des maisons vides, murées et démurées, détruites spontanément, saccagées en dehors des actions de la résorption de l’habitat insalubre, une situation qui engendre un climat de lèpre et d’insécurité.

Assez de voir un quartier dans lequel aucun équipement digne de ce nom ne permet aux enfants et aux jeunes de trouver un lieu d’activités éducatives autre que la rue et son cortège de dégradations. Les quelques associations de bénévoles qui résistent encore, font ce qu’elles peuvent en dépit de la disproportion entre les besoins et les réponses possibles.

Assez de vivre dans un quartier où n’existe pas d’espace aménagé et dans lequel tout terrain laissé libre est transformé spontanément en dépôt d’immondices.

Notre quartier, monsieur le Ministre, est en passe de perdre son identité. Cela, nous ne pouvons l’accepter ! Et même si un sentiment de lassitude nous envahit, nous ne nous avouons pas battus. Nous attendons de vous que les moyens nécessaires à une véritable réhabilitation de notre quartier soient donnés dans le cadre du Développement Social des Quartiers".

Le 24 août 1986, la Voix du Nord titre :"Au Pile, la rénovation se poursuit".

Oui! Lentement! Plus de 15 maisons ont été complètement rénovées par l’Office H.L.M, la SAHRNORD, le C.I.L, le C.A.L; 35 autres maisons sont en chantier. A l’angle des rues du Pile et de Condé, 30 appartements et 4 maisons individuelles neufs sont en construction; il y a également 11 maisons anciennes en chantier dans le même pâté de maisons. Les démolitions des maisons les plus insalubres ont commencé: rue Marceau, cour de la rue Delezenne, rue Desaix, rue de Condé, rue de Leuze. En 3 ans, 150 familles ont bénéficié d’une prime à l’amélioration de l’habitat.

Devenir ouvrier de sa propre maisonVoilà ce que propose François CHAVANEAU, que nous connaissons déjà. Directeur du

CAL-PACT, il a le souci de trouver des solutions pour hâter la résorption de l’habitat insalubre et freiner la dégradation des logements neufs. Réagissant au délabrement de la Cité Familiale, il expliqua lors d’une interview à Nord-Eclair, que de nombreuses erreurs ont été commises, notamment dans la construction, en voulant faire des économies de bouts de chandelle, et dans l’installation d’une population de familles à problèmes. "La vision que l’on a en pénétrant dans la Cité est frappante, explique-t-il, c’est celle de l’ancien centre social, dévasté comme par un ouragan, cassé et réparé deux fois ; cela a contribué à l’attitude suicidaire des habitants, qui n’ontplus eu de respect pour leur logement. Ce qu’il faut prendre en compte, c’est la dégradation. Je peux vous faire visiter une maison neuve... et vous la faire visiter dans 5 ou 10 ans : vous verrez ladifférence".

Au journaliste qui lui demande si cette automutilation par les habitants est un cercle vicieux, il répond : "Sans doute oui. On dit vivre dans une société à une vitesse, mais en fait, il y en a plusieurs; il faut accepter qu’il y ait d’autres Français que le Français moyen. Ce qu’il nous fautconstruire, ce sont des habitats adaptés: rue d’Estaing, ils ont adapté leur habitat, ils n’ont pas ceque l’on appelle les éléments de confort, mais leur confort à eux, c’est d’être bien dans leur maison".

Alors, François CHAVANEAU, évoquant les habitants de la cour Roussel, qui ont choisi de rénover eux-mêmes leur habitat, parle d’une autre issue: le rachat. "On pourrait faire le pari de rendre les gens propriétaires de leur maison pour pas très cher, on leur prête un technicien et on leur dit : faites vous-mêmes les travaux, devenez les ouvriers de votre propre maison".

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La cour ROUSSEL : la courée –miracle

En plein cœur du Pile, le petit monde de la cour Roussel, au 49 de la rue d’Estaing, s’est pris par la main et a décidé de jouer les maçons pour améliorer son cadre de vie, puis de repeindre en plus gai la courée, et créer un jardinet, témoin visible d’une volonté d’embellissement.

Le journaliste Alain PUISEUX1, en 1986, a retracé la démarche de monsieur RENARD, un habitant, initiateur de cette auto réhabilitation: citons quelques passages de son article, impressionnant de vécu.

"Pourquoi je fais tout ça ? Parce qu’il y a 15 ans que j’habite ici, et qu’ici, je me sens chez moi. Si tout le monde s’y met, qu’on arrive à quelque chose, nous aurons démontré qu’il y a moyen de vivre dans une courée de Roubaix".

Alors, il a décidé ses voisins à manier la truelle et la pioche. Ils ont défoncé le sol de la courée pour en changer le système d’écoulement des eaux. Plusieurs façades ont été repeintes. D’autres travaux sont en projet, comme la réfection de l’entrée de la cour, la réfection des toitures, des plafonds, la pose de tuyauteries et de sanitaires.

" Vous voyez ce mur! Si je ne le refais pas, il s’écroule! Mais dans ma tête, il est déjà fait: j’aime ces briques, elles sont formidables".

Au milieu de la cour trône un sapin de Noël, fierté des habitants :" Maintenant, au 49 de la rue d’Estaing, on ne rentre plus dans une courée, on rentre dans un endroit où il y a un jardin, et ce n’est pas la même chose. Il fut aussi soigner le coup d’œil... "

Le propriétaire et les co-locataires sont arrivés à un arrangement à l’amiable, qui satisfaittout le monde: "le premier paie les matériaux, les seconds offrent l’huile de coude et le savoir-faire, même si monsieur RENARD, comptable de son métier, avoue n’avoir jamais tenu une truelle auparavant. Et puis, il y a bien sûr la prime à l’amélioration de l’habitat, versée par l’intermédiaire de l’équipe opérationnelle".

Aussi enthousiaste que son mari, madame RENARD prend la parole : "Puisqu’on dit partout que le Pile, ça bouge, nous voulons montrerque le Pile bouge dans le bon sens, grâce à ses habitants".

Et monsieur RENARD conclut : "A faire tout ça, j’en attrape même des regrets. Pourquoi la rue d’Estaing devrait-elle rester danscet état ? Demain, j’aurai beau me casser la tête à faire un beau dallage, la rue restera aussi triste...Et la ferme du bout, celle qui est abandonnée, on ne pourrait pas en faire une fermette modèle" ?

Pourquoi pas.

La meilleure façon de réhabiliter...

Décidément, le Pile devient un champ de curiosité, ce qui s’y passe ne laisse pas indifférent ; si l’on n’atteint pas la médiatisation de l’Alma-Gare, de nombreux articles attestent néanmoins l’intérêt des médias locaux.

Alain PUISEUX2 dans un autre article, rend compte d’expériences que François CHAVANEAU n’aurait pas désavouées : Au 10 de la rue de Condé, un coiffeur a investi une demi-douzaine de millions de centimes, comme on disait encore à l’époque, dans la maison en ruine de ses grands-parents; il a fait refaire l’électricité, le sanitaire, le carrelage, les peintures... Et la ruine,

1 Nord Eclair : 20 septembre 1986 2 Nord Eclair : 21 février 1987

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raconte notre journaliste, est devenue une petite maison coquette, vite louée à une vieille dame du quartier. Cette opération n’était pas rentable financièrement, d’autant plus que notre coiffeur est passé à côté des primes, et pourtant...

Deuxième exemple de réhabilitation: celle entreprise par monsieur NIZIO. En 1986, il a acheté deux maisons jumelles au 27 de la rue du Progrès et a effectué lui-même tous les travaux d’aménagement, aidé de son frère.

Et l’on pourrait citer bien d’autres exemples, qui prouvent que les procédures mises en place par l’équipe opérationnelle du Pile commencent à être connues.

De nouvelles normes de confort...

Toutefois, au-delà des problèmes de financement, apparaît dans ce quartier une nouvelle façon de réhabiliter, loin des normes de confort en vigueur: c’est l’idée, soutenue par les gens de terrain, selon laquelle le meilleur des logements n’est pas forcément le plus confortable, le plus équipé. Les techniciens sont nets: à quoi servent les installations de chauffage dont on ne peut payerles factures ? Et le même journaliste relève que la tendance est d’installer au Pile des godins, de petits poêles mixtes bois charbon, en guise de chauffage central, et de délaisser le gaz de ville au profit des bouteilles de butane achetées à l’unité chez l’épicier du coin ! " Ce qui est important, soulignent les promoteurs de ces opérations, c’est que les habitants puissent contrôler directement leurs charges. Ce qu’il faut avoir, c’est le confort de la liberté d’utiliser son logement ".

Ces nouvelles normes, définies, non pas en fonction de standards de confort, mais en fonction des ressources des locataires et de l’environnement du quartier, nous apparaît bien aller dans le sens de la démarche du CAL-PACT: on réhabilite pour la population qui est là !

L’îlot Delezenne: on n’avait pas construit au Pile depuis 70 ans !

Le 25 janvier 1986, André DILIGENT pose la première pierre d’un nouveau lotissement rue Delezenne, en présence de Jacques-Yves MULLIEZ, vice-président de la SAHRNORD. L’événement est d’importance, comme le soulignent à la fois La Voix du Nord et Nord-Eclair: plus qu’une opération d’urbanisme, c’est un symbole de renouveau pour ce vieux quartier.

Le chantier devrait s’achever en février 1987 par la livraison de 31 logements neufs répartis en deux petits ensembles. Les journaux se plaisent à souligner la qualité de la réalisation future: chaudières individuelles à condensation, antennes, maçonnerie en brique, label d’isolation trois étoiles, label acoustique 12 points. Note de qualité générale: 4 sur 5.

Auparavant, pour novembre 1986, la SAHRNORD doit mener à bien sur le même îlot la réhabilitation de 12 logements anciens; le tout sera réparti autour d’un patio calme abritant des

aires de jeux et 30 garages. "Enfin du neuf ! s’est

exclamé le Sénateur-maire, qui aurait voulu, prendre le Premier Ministre Laurent FABIUS par la main pour l’emmener au Pile lui prouver que ce qui est fait pour lutter contre la résorption de l’habitat insalubre n’est pas possible sans l’aide de l’Etat".

Cette opération Delezenne nous donne l’occasion de mettre en lumière les énormes difficultés à surmonter pour réaliser un projet

de réhabilitation au Pile. Pour en arriver à la pose de la première pierre, ce 25 janvier 1986, il a fallu 6 ans: le temps nécessaire pour acheter les 20 immeubles qui devaient être rasés, dont 15 se

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trouvaient en courées. Il a fallu une détermination sans faille de la part de la mairie et de la SAHRNORD, pour surmonter la complexité des procédures juridiques, traiter avec les propriétaires, attendre que les maisons soient vides.

Les mêmes problèmes se posent pour réhabiliter une courée. Un exemple: l’Office Départemental du Nord, qui a racheté il y a 15 ans tout le secteur Lannes pour bâtir des maisons, n’a jamais pu commencer les travaux, parce qu’on ne savait pas à qui appartenait un petit bout de terrain !

Un autre exemple: un projet de réhabilitation de courée a longtemps été bloqué, parce qu’une des maisons était bâtie sur un terrain qui n’appartenait pas au propriétaire de la maison.

Pascal HERMAN connaît très bien ces problèmes de R.H.I qui peuvent durer des années; les mots reviennent, lancinants, à chaque rencontre: acquisition, expropriation, démolition, réaménagement. Il sait d’expérience que lorsqu’une R.H.I. démarre, c’est 5 ou 6 ans d’attente.

"Avoir la maîtrise d’une courée avec un seul propriétaire pour vingt maisons pose beaucoup moins de problèmes" reconnaît-il avec humour, et... philosophie!

La démolition n’est pas le plus facile, et nous touchons là également à une spécificité du Pile: des maisons imbriquées les unes dans les autres, des maisons bien retapées, collées entre deux ruines murées, etc... Comment faire, sans casser la maison du voisin ? Il n’est pas question de prendre un bulldozer, un bâton de dynamite, une grue; il faut travailler dans la dentelle, par l’intérieur, sortir les gravats avec une brouette pour faire place nette. Comme l’a écrit Florence TRAULLE : " Un travail de précision, délicat comme une fine dentelle!" 1

Ce qui n’a pas pour autant empêché quelques bavures. Monsieur et madame BRACKE se rappellent fort bien l’arrivée intempestive d’une cheminée dans la cuisine rénovée de leur maison rue de Condé. C’était pendant la démolition de la courée intérieure lors de l’opération Delezenne !

Les raisons d’y croire : des courées qui font peau neuve

Toutes les courées ne méritent pas d’être démolies; on sait que cet habitat correspond à un besoin, et que la vie peut y être rendue agréable; mais cela suppose que la courée soit convenablement rénovée, et que la ville s’implique sur le plan financier. C’est ce qu’a tenté la municipalité sur la cour Leconte, rue de Condé. Cette expérience a été relatée avec bonheur par la presse, décidément passionnée par ce qui se passe au Pile: le nombre d’articles que nous avons retrouvés, consacrés à ce quartier, fut pour nous une manne inépuisable.

La municipalité, qui intervient déjà dans certains domaines (assainissement, éclairage) va s’occuper de réhabiliter les espaces extérieurs de cette cour. Elle fait appel à l’Association Bataclan, dont l’objectif, sur la métropole, est d’améliorer l’environnement urbain en collaborationavec les habitants. Bataclan va établir le projet technique avec les propriétaires et les locatairesconcernés, qui, d’ailleurs, selon leur disponibilité, participeront aux travaux.

Le résultat est surprenant ! On a construit un trottoir en béton et un muret de briques devant les maisons, un caniveau central, on a mis en place une allée en pavés autobloquants, des clôtures, et des portillons. Un petit coin de paradis!

Car les habitants en ont profité pour procéder, dans le cadre cette fois, des procédures habituelles, à la rénovation de leurs maisons respectives. Encore aujourd’hui, on peut voir des jardins engazonnés, un parasol, des arbustes ornementaux, une balancelle,...

Oui, la vie en courée peut être sympa! Mais encore des inquiétudes !

1 Titre de l’article de Florence TRAULLE : Nord Eclair

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Nous sommes en 1987, la fin du P.L.D.S. approche, et l’on commence à s’interroger sur les grandes réalisations effectuées depuis 1983. Jackie MINART, le permanent-habitant recruté en 1985, ne peut que citer la placette de jeux rue Paul Bert. Il se bat, avec les militants du Comité de quartier et des autres associations, pour l’implantation d’un centre social et la destruction des îlots en ruine, comme rue Lannes, qui donnent une très mauvaise image du quartier: maisons vides, friches , dents creuses sont de véritables chancres dans le tissu urbain! Dans Nord-Eclair du 8 février 1987, Jacky MINART, interrogé par la journaliste Françoise BONIS sur cette lassitude que l’on ressent, reconnaît que, s’il y a des trous et des espaces, c’est que ça bouge un peu. " Mais, à ce rythme-là, on en a pour 20 ans à terminer la première tranche de R.H.I. Il y en a trois de prévues. Je crains que les habitants ne se désespèrent, s’ils ne voient pas leur quartier prendre concrètement un nouveau visage".

Le Comité de quartier, qui a beaucoup fait pour qu’une dynamique s’installe, mais qui ne souhaite pas la solution adoptée à l’Alma, nous le savons, constate lui aussi que le quartier se transforme peu: " Ici, il faut un travail plus lent, pour garder au Pile son caractère ": explique le Président du Comité de quartier, qui n’est autre à l’époque que Raymond PLATTEAU, co-auteur de cet ouvrage. " Mais ça ne signifie pas qu’il faille travailler au compte-gouttes; si nous sommes favorables à une transformation progressive, cela ne veut pas dire que nous admettons l’immobilisme "!

Jacky MINART lance alors un cri du cœur :" On ne peut rien faire contre les dégradations des maisons une fois qu’elles sont abandonnées, alors, il faut agir vite, avant qu’il ne soit trop tard, on ne peut pas suicider 9 000 habitants comme cela" !

Diable! Y aurait-il un manque de lisibilité de ce qui est accompli, autrement dit une remise en cause de cette fameuse politique de la dentelle? Nous allons revenir plus loin sur ces interrogations: laissons aux différents acteurs le temps de prendre un peu de recul, pour nous intéresser à ces fameux lieux de vie du Pile, dont nous avons esquissé la philosophie lors de l’expérimentation d’un projet collectif dans la cour BONTE.

Les lieux de vie du Pile Nous savons que les habitants de la cour du Pile, dont Mamie ROMETTI et NENETTE,

ont voulu participer à sa réhabilitation, avec l’aide de techniciens, et mettre en place une vraie vie collective en créant une maison commune, là où l’on se rencontre pour mettre sur la table les petits problèmes de voisinage, où l’on trouve une table d’hôtes pour les travailleurs du quartier, et l’unedes seules salles de bain collectives de toute la ville!

Au début de 1986, le lieu de vie a été déplacé jusqu’au 162 bis de la rue du Pile. Jules GANTIER en a été l’animateur; lors de l’inauguration des travaux de rénovation,

le 17 novembre 1988, on a pu apprendre que c’est en grande partie grâce à lui que les habitants de la cour ont pu organiser des séjours de vacances avec le CAL-PACT, et des rencontres avec le professeur TITRAN.

Les nombreux témoignages que nous avons recueillis sont éloquents: Jules GANTIER a été un véritable gestionnaire pendant des années, il a assuré le suivi de l’expérimentation mise en place, il a été en quelque sorte, le garant de la règle initiale, celui qui a conservé le sens du projet par delà les années; il a été accompagnateur sans être censeur, tel le sage dont la parole est issue des Anciens.

"Nénette"

Comme la journaliste Florence TRAULLE, nous avons rencontré cette pasionaria de la cour du Pile. Nénette est souvent sollicitée, mais elle aime tant raconter sa vie ! " Vous savez, j’aime ma courée et mon quartier". J’ai fait mon nid au Pile, et j’y suis bien ! Ici, c’est pas plus mauvais qu’ailleurs, et au moins, tout le monde se serre les coudes; la mentalité dans la cour, c’est grave ! "

Nénette habite la cour BONTE depuis 27 ans. " En fait, j’ai été relogée ici par le CAL-PACT, car j’avais trop de bêtes, et devant les maisons, à l’époque, il y avait une grande prairie.

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Vous savez, on est bien dans cette cour, on se sent en famille; les gens font leur vie ici, ce sont plutôt des R’Mistes, ils n’ont pas de boulot, ils vivent de récupération de bois ou de ferraille.

On s’entraide, on se respecte. Je suis un peu la maman de la cour, j’ai vu tous les gosses grandir ; il y en a deux qui ont eu leur bac, et ils vivent ici. Ça a toujours été plein de mondechez moi, mais il fallait filer droit ".

Nénette a accueilli de nombreux enfants, jusqu’à 14 ou 15. " Des cas sociaux, comme on dit, des gamins placés ici par un juge, des enfants perdus et des mères abandonnées, des couples sans toit, des lambeaux de famille parfois", écrit Florence TRAULLE. " Ceux qu’elle a aimés, qu’elle a un peu rudoyés quand elle l’estimait nécessaire, ceux qui se souviennent de la petite maison dans la courée... ".1

Photographie Guy SADET : Nord Eclair 26 mars 1996

Quels sont les objectifs des lieux de vie ?

Pour Bruno RIVES, auteur d’un rapport sur l’expérience du Pile, réalisé en 1987, les activités communes déployées dans les lieux de vie contribuent à briser l’enfermement dans la grande pauvreté, et à accroître les chances des enfants; ces lieux permettent aux familles de nouer des relations entre elles et d’y côtoyer divers acteurs sociaux, notamment du C.A.M.S.P.2 et des partenaires comme le CAL-PACT.

Ils donnent aux familles un lieu où elles peuvent se sentir chez elles, un lieu qu’elles peuvent investir.

Ils ouvrent une dynamique accessible aux familles très démunies, qui ne fréquentent pas habituellement les équipements (Centre Social, PMI, halte garderie...). Raymond PLATTEAU précise qu’il était accueilli dans le lieu de vie pour parler de l’école et de la scolarité des enfants ; les mamans de la cour n’osaient pas venir aux réunions organisées par les enseignants dans l’école.

Le témoignage de Christian MONTAIGNE

" Les lieux de vie partent des problèmes que nous avons constatés dans une partie de la population sous-prolétaire que nous hébergions au centre d’accueil du CAL-PACT, rue Saint Antoine; on observait bien la reproduction de la pauvreté d’une génération sur l’autre. On s’est dit qu’on devait travailler avec les familles pour qu’elles soient parties prenantes. Il fallait que les gens aient une vraie volonté de s’en sortir, qu’ils soient acteurs de leur propre devenir; alors, donnons leur les moyens, donnons leur une maison qui sera la leur, dont ils auront la clé, qu’ils pourront aménager par eux-mêmes, pas une maison qui ressemble à une institution comme une mairie.

C’était ça l’idée: partir des habitants eux-mêmes, car ce n’est pas parce que l’on fait del’encadrement que les gens réussissent, ce n’est pas parce que les enfants vont obligatoirement à l’école qu’ils apprennent nécessairement à lire.

Alors, les gens ont appris à gérer cette maison, à utiliser la salle de bain, à la rendre propre pour le suivant, à établir des règles. Il est extraordinaire que, pendant les 10 ans d’existence de ces lieux de vie, celui de la rue de Condé ou celui de la rue du Pile, aucune effraction ne se soitproduite !

1: Nord Eclair 26 mars 96 2 Centre d’Action Médicale et Sociale Précoce

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La seconde idée, c’était de permettre aux habitants de se rassembler et de faire appel aux différentes aides qu’ils pouvaient avoir; en effet, avec Bruno RIVES, on a constaté qu’ils ne se rendaient pas toujours dans les structures sociales dont ils pouvaient bénéficier.

Ces lieux n’étaient pas des lieux de permanence, c’étaient des lieux qu’ils possédaient,où ils invitaient qui ils voulaient. Ecoutez, je pense au docteur TITRAN: les gens ne voulaient pas aller à l’hôpital voir un pédiatre derrière son bureau, çaimpressionne, alors, ils ont invité le docteur TITRAN à la maison commune, pour partager un repas; et, autour de ce partage, il y a eu une consultation pédiatrique qui a eu plus de poids qu’à l’hôpital, car les gens comprennent plus facilement à travers des rapports de proximité et de sympathie.

Pour moi, la prise de parole est un pouvoir: mais c’est bien gentil de dire aux gens : vous avez la parole, ils ne la prendront pas si on ne les met pas dans un cadre de confiance. Si on fonctionne, non plus en détenteur de pouvoir, de savoir, mais en partageur des difficultés de chacun, la parole retrouve du sens.

C’étaient des lieux où l’on prenait des initiatives. Je pense à ces repas que les familles préparaient une fois par semaine pour les travailleurs sociaux du quartier, mais aussi à cette épicerie constituée par Jules GANTIER. On avait constaté que des ménages, ayant peu de ressources, avaient des fins de mois difficiles.

Alors, des familles ont fait des réserves alimentaires; celles qui en avaient besoin venaient se servir; le mois suivant, quand elles touchaient leur paie, elles remboursaient ce qu’ellesavaient pris, ce qui permettait de racheter de la nourriture. Elles géraient bien ça, mais le jour oùon a commencé à créer des lieux où on distribuait gratuitement des aliments, on a tué l’initiative ! Pourquoi continuer, ont dit les gens, on va aller au distributeur ! "

L’équipe opérationnelle, lors d’un bilan, en 1987, reconnaît qu’elle ne peut évidemment pas annoncer que l’on a réussi par les lieux de vie, à sortir beaucoup de familles des difficultés qu’elles connaissaient parfois depuis 20 ans ou plus.

Des réussites, des bouts de réussite, des résultats spectaculaires ou non. Cela ne peut être vu que dans la durée.

Les lieux de vie ont insufflé en tout cas une formidable dynamique, et cette synergie là, on ne la gommera pas !

On s’attache en effet à mettre en œuvre ce que nous appelons les 4 axes du DSQ : le bâti, le social, l’environnement et l’économie. On ne peut envisager la réhabilitation du Pile si on ne travaille pas parallèlement dans ces 4 secteurs : il ne suffit pas de rénover la maison, il faut aussi être avec les gens. Le rôle des agents sociaux, au sein de l’équipe pluridisciplinaire, prend alors toute son importance.

L’action d’Anne- Chantal BERNARD en faveur des personnes âgées s’inscrit dans cette démarche et dans le cadre des projets consacrés en France aux lieux de vie.

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La Cité bleue Le 24 mars 1988, le docteur GHYSEL, député et premier adjoint, reçoit des mains de

Michèle BARZACH, ministre de la Santé, le trophée Cité bleue, récompensant l’action menée par la Ville de Roubaix en faveur des personnes âgées dans le quartier du Pile. Selon les journaux, une centaine de dossiers avaient été examinés à travers la France, et 18 retenus.

Le projet, élaboré par Anne Chantal BERNARD au sein du C.C.A.S et de l’équipe opérationnelle du Pile et soumis à la réflexion des habitants, a pour objectif de permettre aux personnes âgées de ce secteur de continuer à vivre dans leur quartier, malgré la perte d’autonomie qu’amène le vieillissement.

L’hébergement accueillera en priorité des "Pilés" dont l’état ne nécessite pas de plateau technique médical important, mais davantage une présence continue.

Selon le descriptif du projet : "le domaine, situé au cœur du quartier, en un lieu permettant à la fois de bénéficier de l’animation naturelle de la rue et de faciliter l’intervention de l’entourage, regroupera des petits collectifs avec des appartements au rez-de-chaussée, des dominos, et des hébergements collectifs. Dans chaque cas, la personne âgée conserve son mobilier, gère ses ressources, bénéficie de l’allocation logement ou de l’A.P.L, ainsi que des services habituels proposés par la ville: aide ménagère, restauration, soins à domicile".

Projet extrêmement original, fruit de longues réflexions...

Le docteur GHYSEL en a rappelé les grands lignes pour la presse: " respecter l’autonomie et l’environnement habituel des personnes âgées, conforter les solidarités déjà fortement établies dans le quartier, et promouvoir l’utilité sociale des anciens. Le tout grâce à dessolutions souples, dans un habitat adapté. Il convient ensuite de favoriser la participation active des retraités dans ces lieux de vie. Ainsi, des rencontres conviviales se déroulant à l’intérieur de l’hébergement collectif rassemblent les responsables, les résidents, les familles, les amis et voisins. Il est essentiel de maintenir la solidarité du quartier, et d’éviter le désengagement des proches. Il faut donc soutenir les familles, les aider à participer à des séances d’information et de formation.

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C’est pourquoi j’annonce la nomination d’un travailleur social assurant les fonctions de relais de quartier, et la présence d’animateurs assurant une présence permanente"1.

Cette remise de distinction fut d’ailleurs l’objet d’une querelle politique, entre les nouveaux et anciens élus, dont la presse fut le moyen d’expression. La réponse de Pierre PROUVOST ne se fit pas attendre et nous la retraçons ci-après.2

Le mouvement associatifLe mouvement associatifLe mouvement associatifLe mouvement associatif

Au début des années 1980, les animations reposent essentiellement sur le Comité des Fêtes et l’Union Commerciale. Les commerçants sont les forces vives du quartier; promoteurs de lien social, ils forment un tissu de solidarité étendu, une des composantes de l’âme du Pile.

Les autres associations, le Cercle Artistique Roubaisien, la Solidarité, l’Amicale Jean Macé-Pasteur, le cercle Saint-Alexandre, évoluent dans un périmètre restreint, comptent beaucoup d’adhérents mais sont sans relations entre elles.

Quand les commerces commencent à péricliter, on assiste à une prise de relais du lien social par d’autres partenaires: aucune cassure ne se produit. Extraordinaire cohérence interne au Pile: la fin des commerces correspond à la naissance du militantisme social; l’A.L.D.P va en être le terreau.

1 Nord Eclair : 23 mars 1988 2 Nord Eclair : 24 mars 1988

Roubaix cité bleue : Pierre PROUVOST dénonce : les geais qui se parent des plumes des paons...

Monsieur Pierre PROUVOST, conseiller régional, ancien député maire, nous prie d’insérer notamment : " C’est sans surprise que j’ai appris par votre journal (édition du 19.03) que la ville de Roubaix avait été primée au concours national Cité bleue 1988, en tant que ville de plus de 100 000 habitants, dont l’action a été particulièrement exemplaire dans la qualité du service apporté aux personnes âgées, et notamment s’agissant de l’habitat. Sans surprise, car Roubaix, avec ses 740 logements pour personnes âgées, dont 540 en foyers logements, était en 1982 la ville de France la mieux équipée en la matière, et avait eu l’honneur de recevoir la visite de monsieur FRANCESHI, alors secrétaire d’Etat au troisième âge.

Ma surprise vient du fait que, comme dans beaucoup de domaines, la municipalité de monsieur DILIGENT tire les marrons du feu en allant recevoir ce prix à Paris. Aucune référence aux politiques menées par Victor PROVO et par moi-même- je rappelle que pendant mon majorat, furent mises en service 4 résidences (Potennerie, Beaumont, Alma-Gare et Trois-Ponts) soit 320 logements, et aucune allusion à l’action inlassable du docteur SAVINEL, initiateur de ces politiques dès 1971.

Depuis 1983, date de l’arrivée de messieurs DILIGENT et GHYSEL en mairie, seuls les 30 logements de la résidence Voltaire, projet mis en route en 1982 par l’équipe municipale que j’animais, ont été mis à la disposition des personnes âgées de Roubaix ! 30 sur un total de 770 et ce, en l’espace de 5 ans !

Victor PROVO avait coutume de fustiger les coucous qui pondent dans les nids des autres; s’il était encore des nôtres, il parlerait certainement des geais qui se parent des plumes des paons "!

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L’Association Laïque pour le Devenir du Pile

Elle est créée en mars 1981 par des instituteurs de l’école Pasteur, voulant ouvrir leur établissement sur la vie. Comme nous le soulignions dans le chapitre sur le Pile interpellé, l’A.L.D.P devient rapidement un moyen d’expression pour les enseignants et les parents, rassemblés autour de la volonté de promouvoir une école dans le quartier, un quartier dans l’école.

Bernard LEROY qui prend le poste de direction en septembre1981, se souvient : "Ce sont Richard LIETAR et Raymond PLATTEAU qui sont à l’origine de la création de l’Association. Avec les enseignants, ils ont voulu ouvrir l’école, montrer aux enfants confinés dans leur rue ou leur courée, d’autres lieux, et envisager de travailler avec les parents. Je souligne cette démarche sociale à laquelle j’ai adhéré; elle permettait une nouvelle manière de réfléchir dans le quartier".

L’Association est donc antérieure au D.S.Q. Autour de l’école, elle s’inscrit dans la démarche inverse des amicales d’anciens élèves, là, ce sont les acteurs pédagogiques qui vont promouvoir leurs idées à l’extérieur. L’A.L.D.P. a fait des émules et d’autres écoles roubaisiennes, comme Henri Carette, Albert Camus, Paul Bert, Léandre Dupré…, ont choisi cette voie pour donner aux enseignants une entité juridique qui les aide à gérer leurs projets.

L’A.L.D.P s’est vraiment développée quand elle a bénéficié d’un local au 129 rue du Pile, premier siège du comité de quartier, qui a été géré en suivant deux objectifs

• être un lieu de pédagogie annexe de l’école, • être un lieu de rencontre et d’éducation ouvert sur l’extérieur.

Cette ouverture et cette participation ont enrichi l’école:" On intègre les idées de personnes extérieures, on peut parler de nos problèmes et des problèmes des familles sur un autre mode".

Par ailleurs, depuis 1983, l’A.L.D.P a choisi d’être un partenaire actif des actions engagées dans le quartier dans le cadre du D.S.Q, ce qui sera facilité par la présence de Raymond PLATTEAU, président des deux associations. Ce faisant, elle en a profité pour augmenter son périmètre d’intervention, sa richesse d’actions, sa dynamique interne et externe. Le D.S.Q a permis en effet de rencontrer des partenaires, et d’apporter des moyens financiers. Ces moyens, même s’ils sont peu nombreux, permettent aux bénévoles de se sentir reconnus.

En 1985, elle est la première association à organiser un stage lecture pour les parents1; une bibliothèque B.C.D, ouverte au profit des élèves, mais également en dehors du temps scolaire, est créée (des parents y animeront tous les jours des ateliers lecture). Peu à peu, l’A.L.D.P diversifie ses prestations, et des militants autres que des parents s’investissent. Elle est présente aux journées du D.S.Q. de Gennevilliers dont le thème était :"Ecole et quartier".

"L’A.L.D.P fait battre le cœur du quartier". Un journaliste, Philippe MARTIN, lui a consacré un article enthousiaste: " Il faut parler du site informatique confié à l’école, mais aussi géré hors du temps scolaire par l’A.L.D.P, qui est parvenue à le transformer en une source de revenus, en organisant des stages d’initiation par le biais de conventions avec le CREFO et l’ARFEM, citer un pool secrétariat permettant de réaliser des travaux pour l’extérieur, et la miseen place d’un labo photos".

Mais notre journaliste se passionne pour un des aspects les plus originaux de l’A.L.D.P: sa radio : "Dans un petit studio à l’étage émet en effet Radio Pile, une radio interne à l’établissement. Extraordinaire outil pédagogique, car on y conçoit des émissions faites par les enfants, pour les enfants. Surtout, la radio est le principal instrument d’ouverture sur le quartier.

1 Photographie Nord Eclair

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Gérée à la fois par le Comité de Quartier et par l’A.L.D.P, elle est totalement ouverte aux habitants, auxquels s’adresse par exemple une émission comme Fréquence–Pile-Magazine, diffusée en direct chaque samedi midi; elle a permis notamment aux jeunes du quartier de parler de sujets délicats comme le racisme, de relancer également des figures locales comme celle d’Octave VANDEKERKHOVE ".

Philippe MARTIN termine en louant l’équipe des 21 enseignants de l’école Pasteur et de l’école Boileau, qui, sous la direction de monsieur LEROY et de madame BULTEZ, travaillent en profondeur à faire vivre le quartier.

Une passionnante expérience pédagogique intimement liée à l’existence de l’A.L.D.P.

Le témoignage de Raymond PLATTEAU. " Oui, cette radio a été un outil formidable; nous avons fait une émission sur le conte

qui a eu beaucoup de succès; d’anciens élèves sont venus parler aux écoliers de leur vie au collège, ce qui permettait de dédramatiser cette transition toujours délicate. Nous disposions également d’un matériel portable qui donnait la possibilité aux enfants de faire des reportages à travers le quartier.

En ce qui concerne le budget de l’A.L.D.P, nous avons essayé d’avoir le maximum de ressources propres, en organisant des fêtes, en fournissant des prestations grâce au site informatique; en revanche, nous avons demandé à la municipalité un poste d’animateur à mi-temps. A l’époque, le Pile ne disposait d’aucune structure, d’aucun moyen propre, il n’y avait pas de centre social, et c’était en fait un peu l’A.L.D.P qui en jouait le rôle".

Bernard LEROY ou la passion d’un directeur.1

"Je suis arrivé à l’école Pasteur en septembre 1981, après avoir passé 11 ans à l’écolePierre de Roubaix. J’ai toujours eu pas mal d’engagements, administrateur à la F.A.L, trésorierde l’U.S.E.P, vice-président du Comité des fêtes, organisateur du Centenaire des lois laïques, président de l’A.L.D.P. Ici, on a toujours fait un travail pédagogique de fond, ce qui nous a permis d’avoir 10 ans d’avance sur l’Education Nationale. On a travaillé très tôt en 4cycles: 1 : la maternelle, de 2 à 5 ans ; 2 : le cycle II ou objectif lecture, qui mélange grands de maternelle et petits de l’école primaire de 5 à 7 ans ; 3 : le cycle élémentaire; 4 : le cycle moyen ou préparation au collège.

En 1983-84, on a passé une année complète à faire un bilan sur ces cycles ! Chaque cycle est doté d’une pédagogie globale, et l’on essaie de faire travailler les enfants en groupes. Chaque groupe travaille dans des salles différentes, avec des maîtres différents selon les matières ;on a d’ailleurs dit que l’école Pasteur était une école où les classes n’existaient pas, une école avec une ambiance particulière... Un journaliste de"la vie catholique" a même écrit qu’on avait l’impression d’être dans une grande maison familiale! Oui, il y avait des enfants partout, ne serait-ce que par la configuration des bâtiments!

Je pense au spectacle qu’on a réalisé en 1984 sur l’histoire du Nord avec ses traditions et le personnage du p’tit Quinquin depuis sa naissance jusqu’à son entrée dans la mine. Il y avait 500 gamins sur la scène! Ça a marqué. La dynamique partait de l’école et allait sur le quartier.

1 Interview de Bernard LEROY : juin 2003

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En 1986-1987, on a parlé d’une nouvelle école; le projet d’urbanisme a été fait avec les élèves, en lien avec la C.A.U.E1, et on a suivi le chantier. Commencée en 1992, l’école a été ouverte en 1996. L’extérieur n’est pas forcément engageant, mais l’intérieur est fonctionnel, même si les espaces sont petits. Je tiens à dire qu’elle n’a jamais été inaugurée officiellement".

Après plus de 20 ans de bons et loyaux services, Bernard LEROY s’en va, un peu amer: "il y a des choses que je n’ai pas vu bouger depuis que je suis ici! Pas de projet global

pour le Pile: on ne voit que des cataplasmes sur des jambes de bois. Vous me demandez ma plus grande satisfaction? C’est d’avoir réussi, dans ce quartier

où peu de choses ont évolué, à avoir une école neuve! " Décidément, l’histoire de cette école, c’est beaucoup la sienne !

On a pu dire que l’ancienne école, 133 rue du Pile, était laide et sale, avec une architecture peu adaptée à la pédagogie. Avec son architecture lourde, que d’aucuns ont qualifiée de "stalinienne"2, la nouvelle école semble avoir privilégié la sécurité à l’esthétique, ce qui n’empêche pas d’y pratiquer une pédagogie ouverte.

Le Comité de Quartier

En 1977, suite à la démarche volontariste de la mairie, se forme au Pile un groupe de personnes qui vont essayer de créer une entité militante. On va réfléchir sur le devenir du quartier et participer aux échanges, qui ont lieu avec les élus et les services municipaux, sur la prochaine réhabilitation annoncée dans le cadre des procédures de la ville. Mais, on l’a vu, les habitants ne serassemblent guère autour de ce projet qui les concerne pourtant directement.

Pour créer une dynamique, on utilise le film vidéo : "Le Pile : demain, et vous ? " pour mener un travail de concertation avec les habitants, et chercher quel projet on peut faire ensemble.

Dès ces années, le Comité de Quartier adopte la démarche qui sera toujours la sienne : promouvoir la parole des habitants, être à l’écoute des besoins et des attentes, participer à l’élaboration d’un meilleur cadre de vie. L’Alma et le Pile se réfèrent en partie au même système de valeurs; là où ils sont différents, c’est sur les moyens d’action: à l’Alma, on fait du syndicalisme de luttes urbaines, au Pile, on avance par consensus, à petits pas, sans faire de forcing; on donne du temps au temps.

1 Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement 2 André DILIGENT qualifiait ainsi l’architecture d’Euralille.

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Différence également avec un Roger SINKO1, très mobilisateur, plutôt à la tête d’un comité de défense d’habitants.

Le Comité de Quartier du Pile, qui n’était encore qu’un groupe informel, est fondé officiellement le 6 octobre 1983. " Lorsque je suis arrivé comme enseignant à l’école Pasteur en 1977" dit Raymond PLATTEAU," j’ai travaillé avec les membres du Comité, et c’est assez naturellement qu’en 1983, lorsqu’on a fondé l’Association, que je me suis impliqué à l’intérieur de celle-ci; à l’époque, il y avait peu de militants, j’en ai pris la présidence. Aujourd’hui, j’en suis le trésorier".

Les actions du Comité ont été variées mais sont restées autour des thèmes de l’information et de la concertation. Si la première action symbolique fut une exposition sur la mémoire du quartier, rapidement les actions d’information et de mobilisation ont été menées. Le journal de quartier a été abandonné au profit de l’oral par le biais de la radio.

Une émission régulière sur les ondes de Radio Boomerang, est préparée et présentée par Raymond PLATTEAU et Yves GARBARINI, animateur de la Fédération des Associations Laïquesde Roubaix, chaque samedi de 11 à 12 heures, ainsi qu’une émission de divertissement, "le petit train du souvenir", préparée et animée par un habitant de la cour du Pile, Dominique WESPELAERE. Du Pascal SEVRAN avant l’heure !

Et puis aussi, une tentative qui n’a pas eu de suite: "L’café, y passe ! ", une heure avec Manou, Henriette et Trottinette, trois dames du Pile, égrainant souvenirs, recettes, histoires et anecdotes, bavardages autour d’une tasse.2

Fréquence Pile Magazine, c’est l’occasion de faire venir un élu, un chef de projet, un grouped’habitants, le représentant d’une structure, une personnalité locale, un groupe de jeunes ou d’enfants… et de dialoguer en direct sur les ondes.

Les problèmes sont posés et parfois des solutions apparaissent. On fait également des reportages dans le quartier, qui sont diffusés au cours de l’émission du samedi.

Une anecdote significative :" On annonce que la Caisse d’Epargne, installée sur la place Carnot, va fermer ses portes durant les deux mois d’été. Quelques personnes s’en émeuvent et on décide de mener une action de revendication. Pas de tract, pas de réunions, mais une présence, micro d’interview et magnétophone à la porte d’entrée de la Caisse un samedi matin. A chaque fois qu’une personne entre ou sort, on l’interroge. Les employés, derrière leur guichet, regardent avec étonnement, se penchent, se concertent et l’un d’eux vient demander la raison de cette présence. Je lui explique et après être rentré, il téléphone, sans doute au siège central. Discussion, et il sort en me disant : arrêtez tout, on va trouver une solution. Est-ce que l’ouverture de deux demi-journées durant l’été est suffisante ? C’était inespéré ! Nous avons gagné cette année-là. La succursale a été fermée l’été suivant définitivement, mais nous n’avions pas été prévenus ! "3

L’information, c’est aussi la rencontre dans la rue entre les militants et les habitants. Jean TRACKOEN, permanent-habitant et militant de la première heure, et Paul CORNEILDE, personnage incontournable du quartier, ont souvent fait du porte à porte pour interpeller, mobiliser les " Pilés".

La concertation, entre les techniciens de l’équipe opérationnelle du 41 rue du Pile et les militants du Comité de quartier, est permanente, et une réunion, qu’on a appelée "atelier de base",

1 Roger SINKO est président du comité de défense des habitants du Sartel depuis plus de 20 ans. 2 Le travail se fait en relation étroite avec l’école Pasteur et l’ALDP, où le studio de radio du quartier est installé. Quelques cassettes de ces émissions sont à disposition à la médiathèque de Roubaix. 3 Raymond PLATTEAU, juin 1986.

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nous rassemble chaque semaine. Les échanges y sont fructueux et les projets se construisent avec les techniciens.

Concertation également avec les élus. Michel BAUDRY rencontre les habitants et les administrateurs du Comité de quartier, tous les deux mois, en mairie, et lorsque le salon du conseil d’administration est trop exigu, il reste la salle des conférences.

La concertation, c’est aussi les rencontres sur le terrain. Le Comité de Quartier organise de manière régulière des tours de quartier avec les

édiles municipaux. On prépare un itinéraire, on rencontre les personnes qui ont des choses à dire, à montrer, et de coins de rues en coins de rues, de points noirs en points noirs, le groupe chemine dans le Pile. On explique, on montre, on met en relation les élus avec une population qui ne les rencontre que dans le quartier. Et bien entendu, on photographie la scène pour les archives !1

Comme beaucoup de responsables, Raymond PLATTEAU a dû faire face à des problèmes de militantisme et de représentativité. Un comité de quartier n’est pas issu d’élections; au nom de qui parle-t--il ?

Et nous retrouvons notre ami Marc VANDEWYNCKELE, et ses idées sur la mise en place d’une démocratie participative, le rôle des Comités de Quartier, leur légitimité. Pour l’A.P.U,l’utopie consiste à vouloir représenter toute la population d’un quartier; c’est la raison pour laquelle d’ailleurs, ses membres tiennent à ce que la vie des associations se développe, afin de traduire toutes les divergences inévitables entre les couches de la population.

Quel pouvoir réel peut exercer un comité de quartier dans les décisions qui sont prises par la municipalité ? Quelles compétences faut-il acquérir pour se construire une vision large des problèmes, sans toutefois s’éloigner de la réalité quotidienne? Comment, au Pile, être à la fois performant sur les projets de la Condition Publique ou du canal, et sur le suivi du Square Ansart ?

1 Derrière André DILIGENT et Michel BAUDRY qui accompagnent le président du comité de quartier, on remarque Jean Luc SIMON, René VANDIERENDONCK et Pierre DUBOIS.

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Michel ROCARD disait : "Il faut réinventer la démocratie de base, celle du quartier, du voisinage. Il faut accroître avec le temps l’aptitude qu’ont les habitants à se prendre en charge et devenir acteurs".

Nous ajouterons que, dans les quartiers, il ne peut y avoir de militants sans professionnels. Et on ne peut espérer aboutir s’il n’y a que des professionnels sans militants.

Le sociologue Jean- Marie DELARUE1, évoquant les difficultés de ce qu’on appelle aujourd’hui la gouvernance, cite pour sa part l’exemple de certains maires " qui ont dû affronter de nouvelles formes de dialogues et de représentation ; leur réactions, devant une demande sociale, a été parfois de demander : combien êtes-vous ? "

La politique a longtemps été une chasse gardée; mais n’y a-t-il pas encore et toujours une ambiguïté, que relève Marc VANDEWYNCKELE : " Comme disait un maire devenu ministre, dans une assemblée de quartier : à vous les petits problèmes de la vie quotidienne, à moi et à mes techniciens les grands projets".

Chemin difficile que celui de la démocratie locale ! Que de crises à surmonter, comme celle du militantisme déclinant....

Durant ces années là, le Comité de Quartier a assumé l’interface entre la population et la municipalité, il a été selon nous, le veilleur qui a gardé la maison, apportant à la composition de son bureau un caractère pluriel tout à fait remarquable: on y côtoyait en effet le curé de Saint Rédempteur, le pasteur de la Mission évangélique, des athées, des représentants des Maghrébins... On y rencontre aujourd’hui une conseillère municipale communiste issue de l’immigration2, quelques militants de la première heure, et une diversité de personnes ressentant bien les sensibilités du quartier.

Cette association a toujours été très dynamique et forte en propositions et actions innovantes. Cinq salariés apportent aujourd’hui un concours indispensable au rayonnement de cette structure. Dominique DUMONTET, permanent depuis 1991, est militant au Pile depuis plus de vingt ans. Garmia AARRAS, notre première employée au secrétariat, en 1985 dans le cadre des Travaux d’Utilités Collectives, est aujourd’hui notre écrivain public. Après Amine KEBE, Aude ELCROIX, est la journaliste de quartier, et grâce à elle, nous éditons un journal chaque mois. Ouardia BOUMAD assure l’accueil et la relation avec les personnes ressources du quartier et Fatima HADERBACHE fait l’entretien des locaux.

En 1987, André DILIGENT crée L’A.D.Q.R.3

Il s’agit là d’une volonté municipale : promouvoir une concertation accrue avec la population. Le bureau de cette association, qui gère les fonds de la politique de la ville, est composé de 4 élus et de 3 représentants des habitants, ce qui apporte sensiblement la parité dans les décisions; d’ailleurs, l’absence relativement fréquente, d’un ou plusieurs conseillers dans une réunion, tend à donner le pouvoir aux habitants.

Peut-être est-ce là le début d’un changement d’échelle dans la perception de la ville : on s’aperçoit que les problèmes localisés sur un quartier, s’étendent à un secteur plus large, et qu’on ne peut pas rénover sans toucher à son voisin.

On avancera de plus en plus vers cette nouvelle dimension: le second plan, de 1989 à 1995 sera celui du découpage de la ville en secteur regroupant plusieurs quartiers, et le troisième, 1995-2000, sera celui du contrat de ville et de l’intercommunalité.

1 Revue Territoire N° 32 octobre 1991 2 Nawal BADAOUI, militante active du quartier du Pile, fut présidente de l’A.G.A.P.E, puis présidente du Comité de Quartier (elle en est aujourd’hui coprésidente). Depuis 2001, elle est conseillère déléguée auprès de Françoise THILLIEZ, maire des quartiers Est. 3 Association pour le Développement des Quartiers de Roubaix.

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L’ A.I.R.: le poil à gratter d’André Diligent !

On ne parle plus de l’Alma, mais son esprit et son aura demeurent. Après le temps de la création, du rêve, est venu le temps de la vie quotidienne... Les militants de ce quartier considèrent que leur mission se termine.

Mais pourquoi ne pas lancer des expériences avec d’autres, perpétuer cette synergie libératrice de l’Alma dans une forme de regroupement d’associations inter-quartiers ?

Les A.P.F, puis la C.S.C.V. ont toujours eu le souci de partager, d’étendre leurs réflexions, de ne pas se fixer de limites de territoire. Très rapidement après la naissance des premiers comités de quartiers, des rencontres systématiques s’organisent sur des thèmes qui intéressent le plus grand nombre. Une fois par mois, de manière régulière, les comités de quartiers se retrouvent dans une salle du "Carrefour" Grand’ Rue, et le débat s’installe. L’Alma et la C.S.C.V y jouent un rôle essentiel, l’un apportant ses expériences, ses actions de terrain et son questionnement, l’autre son ouverture aux quartiers et aux villes extérieures. Sur la base du volontariat, les quartiers participent ou non à ces réunions. On y prépare les colloques, les visites des élus nationaux, les rencontres avec les responsables roubaisiens, on s’organise pour participer à une action collective, soit issue du groupe, soit le plus souvent, sur l’initiative d’un comité.

L’A.I.R 1 naît en 1987, de cette volonté des comités de quartier et de la C.S.C.V, de favoriser une dynamique des habitants au niveau de la ville.

Les actions d’un quartier, relayées par les autres, ou les actions collectives ont donné plus de poids à la parole et aux actions des comités dans leur quartier.

Pour André DILIGENT, l’A.I.R était un partenaire à l’échelle de la cité : " La concertation est la meilleure et la pire des choses; où commence le pouvoir des

uns et des autres ? Les comités de quartier ont-ils été une opposition? Oh ! Peut-être un poil à gratter, sachant que Roubaix est la seule ville de France où on a donné de l’argent à des comités de quartier, donc des finances sur des fonds publics. Mais c’est peut-être un poil à gratter indispensable. Vous savez, la démocratie, c’est la démonstration d’un régime qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité de chacun. Mais on meurt avant d’avoir été satisfait, elle est toujours à construire... "2

1 La suppression du "Q" de Association Inter Quartiers de Roubaix, permettra au nouveau sigle d’être un mot prononçable et accepté par tous. En outre, cela cadrait bien avec l’esprit d’ouverture et le dynamisme de cette nouvelle association. 2 Interview André Diligent 27 novembre 2001

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Indispensable en 87, incontournable dans les dix années suivantes, l’A.I.R a participé au côté des comités de quartiers à la construction de la dynamique de concertation à Roubaix. Promoteurs de l’idée de démocratie participative, au fil des ans, des militants de la première heure sont entrés dans le conseil municipal pour y faire avancer leurs idées.

Mais, au fil des années, l’A.I.R n’a pas échappé aux problèmes existentiels; en 2003, lors d’une Assemblée extraordinaire, les comités de quartier qui la composent (ceux de l’Epeule, du Pile, des Hauts-Champs, de l’Hommelet, d’Echo, du Cul de Four, de l’Alma, du Nouveau Roubaix, du Fresnoy-Mackellerie, et de Moulin-Potennerie) ont réfléchi sur les objectifs de l’Association :

"Mais qu’est-ce que l’A.I.R ? Si nous voulons grandir, il faut commencer par répondre à cette question. Qui sommes-nous ? Travaillons sur un projet de refondation" : a résumé Ernest GONGOLO. 1

Pour Mehdi BERRABAH, le président en 2002, il n’y a pas de problèmes fondamentaux : " Il s’agit de se donner une parole commune, de mobiliser des moyens sur le projet d’A.I.R comme centre de ressources, de contribuer à développer des initiatives sur le quartier".

Après 15 ans d’existence, l’A.I.R, comme l’écrit la Voix du Nord, a du mal à trouver son souffle et à se forger une identité.

Inquiétude de bon aloi, signe de bonne santé. Temps de débat. Richesse des idées.

L’A.G.A.P.E.: un sigle porteur de signes.2

"Le Pile apparaît comme un quartier de seconde zone", lit-on encore dans la presse en 1987. " Ce qui frappe le plus, c’est l’absence quasi-totale d’équipements publics, peu ou pas d’espaces verts, pas de terrain de sport, très peu de services publics ou para publics, et surtout, sans doute, pas de centre social".

Si les associations apportent toute leur énergie à faire face aux multiples problèmes d’un secteur qui se "quart-mondise", si l’A.L.D.P, les comités de quartier, sont en quelque sorte la préfiguration du centre social que tous attendent et espèrent, si la Solidarité, avec d’autres, sont des oasis dans ce désert socio structurel, ils ne peuvent tout faire...

Dès 1984, des habitudes de travail en commun se prennent. On agit ensemble, on partage. La gestion du poste de liaison école - quartier sera un élément structurant de cette dynamique.

Un poste d’animateur est créé sur le territoire, son bureau se situe dans les locaux de l’équipe opérationnelle et l’A.M.E. est l’employeur administratif. Le recrutement de la personne, ses missions sur le terrain et la gestion des actions au quotidien seront assurés par un collectif comprenant l’A.L.D.P, la Solidarité, le Comité de Quartier, l’A.M.E3 et l’équipe opérationnelle. Cette première expérience préfigure bien ce que pourrait être la gestion collective d’un équipement. Des opérations d’été sont organisées pour les préadolescents, ainsi que des actions de soutien scolaire.

Habitants et associations vont revendiquer les équipements sociaux indispensables à un quartier de 9 000 habitants, et mettre en œuvre les outils pour y parvenir. Ils fondent l’A.G.A.P.E en 1985. Dominique DUMONTET en sera le premier président.

Les objectifs sont les suivants : • doter le quartier d’un équipement éclaté en deux locaux.

1 Ernest CONGOLO : président du Comité de quartier des Hauts-Champs. 2 A.G.A.P.E2 : Association de Gestions et d’Animation des équipements du Pile et sainte Elisabeth. (le S de Ste Elisabeth étant supprimé): sigle subtil proposé par Dominique DUMONTET, de la Mission Populaire Evangélique, et adopté par tous, ce qui relève d’une grande ouverture d’esprit, dans un milieu majoritairement laïque. Ces majuscules font référence au mot grec agapé, qui veut dire : charité, amour fraternel (St PAUL : 1ère épître aux Corinthiens, chapitre 13 ; si je n’ai pas la charité, je ne suis rien.). Référence également aux agapes, repas empreint de convivialité pris en commun entre chrétiens . 3 Association des Maisons de l’Enfance: elle assure la gestion des LCR

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• mettre en place une équipe professionnelle permanente au sein d’une association, l’A.G.A.P.E, regroupant des associations, des habitants et des partenaires du quartier pour contribuer à mettre en œuvre le projet de développement social du secteur.

Très vite des associations vont adhérer : au début, le Comité de quartier du Pile, la Solidarité, l’A.L.D.P, le Comité des Fêtes, l’Association Sainte-Elisabeth, l’Association de la Jeunesse d’Ingouville, l’Association des résidents d’Ingouville, puis par la suite, l’Aile Droite, l’Union des Commerçants, l’Athlétique Club Roubaisien, le L.C.R Jacques Prévert, le Cercle Saint Alexandre, l’Action Catholique des Enfants, l’Association Jules Guesde1. Elles seront 13 au maximum.

Comme le souligne Philippe MARTIN, notre journaliste de référence pour cette période, l’A.G.AP.E accueille des représentants des associations, mais aussi des membres individuels, habitants du quartier qui souhaitent participer à une réflexion collective dans deux directions :

• le futur centre social du quartier • la politique jeunesse.

Les idées fourmillent, inspirées des besoins des habitants : une outilthèque, un lieu artistique, des régies de quartier, un club de prévention, l’objectif étant la mise en place d’une structure pour les jeunes, avec des moyens et des locaux, etc...Toutes n’aboutiront pas, mais une dynamique s’installe, instaurée par les associations, dont chacune a son histoire et sa philosophie. Complémentaires et non concurrentes, elles s’enrichissent de leurs mutuelles différences.

Nous avons rencontré quelques acteurs de l’A.G.A.P.E : tous nous ont parlé de cet esprit qui animait les adhérents: "On s’accompagnait les uns les autres; administrateurs et salariés participaient en commun aux réflexions. Il y avait la volonté exprimée que chacun soit militant dans ce qu’il faisait, et que les administrateurs soient professionnels, donc formés".

Autre témoignage : "Les membres de l’AG.A.P.E ne baissaient pas les bras. Si l’un de nous les baissait, il y en avait toujours un pour les lever. Chacun de nous était là à un moment donné. Et face à la lassitude d’être seulement témoins, nous nous sommes donné les outils pour rester ".

Cet esprit va être mis au service du dossier que l’A.G.A.P.E va s’attacher à traiter: la création d’un centre social

Un centre social, pour quoi faire ?

Tout le monde est persuadé de l’urgence d’un centre social, les choses ne doivent plus traîner. L’A.G.A.P.E affine son projet: elle ne veut pas de n’importe quel centre social, et il est important qu’elle en soit le gestionnaire. Cette structure doit compléter et enrichir ce qui existe déjà; par exemple, souligne-t-on, il serait absurde d’y installer un site informatique alors que l’A.L.D.P en possède un...

Les adhérents font un cheminement intellectuel et prennent en compte les autres réalisations d’équipements du même type. On organise la visite du centre social de l’Alma, du Fresnoy, de la Maison de Développement du Cul de Four. On discute avec les administrateurs, avec les directeurs de centre et deux orientations s’imposent: d’une part, il faut préserver la vie associative sur le quartier et non l’intégrer, la phagocyter, dans la nouvelle structure, et d’autre part les militants pensent qu’ils n’auront pas les moyens des autres centres.

Alors on préfère construire au fur et à mesure, ne pas aller trop vite, dans l’esprit du Pile, ne pas démarrer "trop gros". Les administrateurs vont jusqu’à décider :" Une halte-garderie ! Oui, mais, dans le quartier où le besoin ne se fait pas encore sentir, est-ce bien raisonnable de promouvoir un équipement qui pourrait apparaître comme disproportionné. Le choix est fait de n’ouvrir que quelques demi-journées par semaine, mais en contrepartie, le personnel sera très qualifié ".

1 L’association Jules Guesde s’est créée en 1990. Elle travaille en direction des publics jeunes que ce soit dans le cadre d’actions de loisirs, d’aide scolaire, d’insertion, de prévention santé. Elle occupe les anciens locaux du centre social, le 301 rue Jules Guesde ; elle est un intervenant essentiel du quartier sur les problématiques jeunesse.

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Cela entre bien dans la ligne que le Pile a adoptée: construire ensemble, grandir ensemble... Il s’agit donc pour les militants d’éviter l’éparpillement des actions, de constituer progressivement un véritable projet de quartier et de mettre les usagers en position d’être acteurs dans chacune des activités proposées.

Toujours ce temps du mûrissement, pour respecter les rythmes du groupe, être prêt à revenir en arrière éventuellement, pour adapter sa vitesse à celle des habitants: ce sont d’ailleurs les principes des lieux de vie dont nous avons parlé plus haut.

Un directeur introuvable. Cette rigueur intellectuelle se manifeste dans l’embauche du directeur du futur centre

social. Mais l’A.G.A.P.E, qui place la barre très haut, se heurte à des difficultés de recrutement. Dominique DUMONTET explique : "Les candidats ne se bousculent guère, ils

deviennent hésitants au regard des conditions à la fois matérielles et pécuniaires qui leur sont proposées. Alors, oui, c’est vrai que nous avons du mal à trouver l’oiseau rare; et cependant, nous maintenons nos exigences, parce que le quartier du Pile n’est pas n’importe quel quartier. Nous ne trouvons pas de gens qui ont de l’expérience ; certes, nous pourrions peut-être prendre un directeur en début de carrière, mais cela n’intéresse pas l’A.G.A.P.E : nous ne voulons pas qu’il fasse son expérience sur le Pile ".

En 1987, trois dossiers ont déjà été présentés à la C.A.F, maître d’œuvre dans le domaine des centres sociaux. Le dernier consisterait en une structure éclatée en deux parties :

- un bâtiment neuf place Carnot, à côté de l’ancienne caisse d’épargne, - un bâtiment réhabilité, dans le quartier Ste-Elisabeth, rue des Fossés.

Mais les interrogations demeurent quant au financement. Le directeur de la C.A.F de Roubaix Tourcoing pense qu’il est prématuré de se prononcer sur la participation de son organisme : " La C.A.F a déjà en charge le centre de Fresnoy-Mackellerie qui s’achève, et notre budget n’est pas extensible ".

Michel BAUDRY, adjoint aux quartiers D.S.Q., déclare de son côté : "En la matière, la Ville ne saurait se substituer à la C.A.F ".

Alors, le Pile en vient à se demander si le centre social verra bien le jour : " Au Fresnoy, on aura un superbe centre social pour 3000 habitants ; on sort de l’argent de partout. Ici, au Pile, nous sommes 9000 et nous ne voyons rien venir ", s’indigne un responsable de l’A.G.A.P.E.

Après bien des avatars, un accord est trouvé entre les partenaires pour financer le centre social : la C.A.F de Roubaix prend en charge 30 %, la Ville de Roubaix donne son accord de principe pour une prise en charge à hauteur de 20 %, et le Comité régional de D.S.Q. à 50 % ; nous sommes en 1988.

La maquette du futur centre social, appelé la Maison des deux quartiers, est présentée dans la presse en octobre 1989. Un an auparavant s’était ouvert dans un local provisoire au n° 301 de la rue Jules GUESDE, "un centre social de poche", selon l’expression d’un journaliste de la Voix du Nord. " Malgré l’exiguïté des locaux, l’équipe d’animation composée du directeur, Abdel REKIK, de Maria Manuela VARGIU, de Moulouck BENSAFIA et de Myriam CHASTAING, a pu mettre en place plusieurs activités, qui sont autant d’occasions pour se rencontrer et retrouver goût à la vie, même si les conditions d’existence demeurent précaires".

Exemple du temps perdu, le centre social est le dernier à avoir été construit à Roubaix. Preuve du peu d’intérêt porté à un quartier qui, pourtant, par sa démarche associative, les exigences intellectuelles de ses militants, veut montrer qu’il a droit au respect.

Laissons Martine BULLE, la nouvelle directrice du centre social, s’exprimer peu après son arrivée : "On sent que la solitude s’était installée. Certaines personnes ont mis longtemps avant de venir faire un tour ".

En effet, il était temps !

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Une sacrée bonne femme1

La nouvelle est annoncée dans la presse le 9 juillet 2003 : Martine BULLE quitte la Maison des deux quartiers dont elle avait pris la direction il y a 12 ans. Décision sans doute difficile à prendre pour quelqu’un d’aussi impliqué dans le paysage social du quartier, mais peut-être vaut-il mieux partir quand on se sent encore bien là où on est ! Et puis, comme elle le dit elle-même : " la quarantaine arrivant, c’était le moment ou jamais de changer de voie ! "

Elle a beaucoup donné, Martine BULLE, menant de son autorité et de ses initiatives un centre social qui a grandi avec elle. Pensez donc ! " A son arrivée il y a 12 ans, l’équipe était maigre ; une quinzaine de personnes avaient du mal à remplir l’espace réservé. Désormais, il faudrait plutôt pousser les murs pour accueillir les 65 personnes qui y travaillent ".

Malgré les responsabilités, Martine Bulle s’est toujours sentie à son aise au contact de la population; elle a su faire passer ses idées dans cet esprit du Pile que nous avons souvent analysé. " Je n’ai jamais hésité à discuter, à répéter plusieurs fois s’il le fallait, le sens de nos valeurs et du respect. Les jeunes et les habitants doivent comprendre qu’on est là avec eux et pour eux. Pour cela, il faut répondre à leurs besoins et non lancer des projets à tout bout de champs ".

Laisser le temps... Mais les projets élaborés, comme l’agrandissement des locaux, le nouveau centre petite

enfance, seront menés à bien: les travaux devraient commencer bientôt. " Et si l’ancienne directrice était invitée à poser la première pierre ? " conclut le

journaliste, reprenant le souhait exprimé par l’assistance lors de la cérémonie organisée en son honneur.

Cette "sacrée bonne femme" en effet, le mériterait bien !

Le bilan de ces six annéesLe bilan de ces six annéesLe bilan de ces six annéesLe bilan de ces six années Si, au cours du festival D.S.Q, qui a eu lieu à Roubaix en 1987, on souligne les

bienfaits de la procédure Développement Social des Quartiers, une question domine les débats: qu’en est-il des moyens financiers que l’Etat s’est engagé à apporter ?

En 1988, au bout de 5 années de D.S.Q, les partenaires roubaisiens éprouvent le besoin de se rencontrer pour établir un bilan, et se positionner face aux incertitudes de l’avenir.

"Sous les mots des sous ? "lit-on dans la presse. André DILIGENT, président depuis quelques mois de la Commission Nationale D.S.Q,

interpelle d’ailleurs Albin CHALANDON en visite à Roubaix : "Nous avons 50 ans de retard dans le programme de réhabilitation, il nous fallait arrêter cette spirale infernale et agir le plus rapidement possible. Vous êtes peut-être le 24ème ministre à venir visiter les courées de Roubaix ; nous ne voulons pas d’un Roubaix à deux vitesses".

Il insiste à nouveau sur France Culture: "Nous manquons d’argent public. Je l’ai dit à tous les ministres qui sont passés chez nous, mais ils n’entendent pas tout. Le malaise est profond. Tout est fait dans la Communauté urbaine pour que les pauvres, et j’ai du respect pour eux, se réfugient à Roubaix. Nous sommes les oubliés".

Le journaliste Dominique SERRA a noté dans un article une répartie piquante de cet infatigable avocat des causes roubaisiennes :" Ma ville, c’est comme New York: j’ai à la fois la Cinquième Avenue et Harlem".2

1 Source : la Voix du Nord du 9 janvier 2003 2 Voix du Nord : journal de l’année 2002

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Voyons le point de vue de Daniel DELEPAUT, président de l’A.I.R, exprimé lors d’un colloque en 1987 :"Les habitants ont la volonté d’être les acteurs principaux du D.S.Q, et non de simples exécutants". Et l’orateur se lance dans un discours incisif et pédagogique, avec un postulat de base :" Il ne peut y avoir de D.S.Q sans solidarité de tous, et nous ne pouvons accepter que les quartiers n’étant pas sites P.L.D.S ne reçoivent parfois que des miettes. Oui au bénévolat, mais non pas sans moyens. En ce qui concerne l’accompagnement social, il y a un déséquilibre préjudiciable à la vie des quartiers, en raison de la place privilégiée accordée aux travailleurs sociaux et aux techniciens. Les uns et les autres sont une aide précieuse pour les habitants qui en ont exprimé la demande, mais cela sous-entend leur participation et un contrôle. Les financements passent, les habitants demeurent".

Toutefois, Daniel DELEPAUT reconnaîtra, au cours d’un débat en direct en 1989 sur France Culture, que l’Association Inter-Quartiers est passée d’un statut de revendications à un statutde gestion :" Nous sommes devenus des partenaires. Nous sommes reconnus comme l’expression de la citoyenneté vécue dans les quartiers".

Le D.S.Q, au Pile, a-t-il répondu globalement aux problèmes de ce quartier qui veut se battre ? A-t-on donné de vrais moyens à l’équipe opérationnelle pour la réalisation de travaux de réhabilitation, selon la politique adoptée: cette fameuse politique de la dentelle? Les habitants, les associations ont-ils été réellement des interlocuteurs, dans cette bataille du Pile contre la paupérisation ? Est-ce que, au Pile, ça a bougé ?

Voyons un point de vue de Jean Luc SIMON :" Pour réhabiliter, il faut une équipe qui donne une assistance technique gratuite aux habitants, mais il faut aussi ce que j’appelle une ambiance, avoir un schéma d’aménagement clair, afin de savoir ce qu’on va démolir, et ce qu’on va faire à la place, créer des espaces, s’appuyer sur la R.H.I, et ne pas vider le secteur de ses habitants. Cette ambiance se limite à pas grand-chose jusqu’à maintenant: des logements neufs rue du Pile et rue Delezenne, ressentis positivement, un square au carrefour des rues Lalande et Paul .Bert, avec redistribution de jardins, la réfection de l’éclairage public et de certaines voiries. Mais la réhabilitation est œuvre de longue haleine, et on ne sait pas ce qui se passera après le 31 décembre 1988".

Au cours de ce chapitre, nous avons noté les inquiétudes de nombreux militants associatifs devant la lenteur des réalisations, et la lassitude des habitants qui ne voient pas le quartier prendre un nouveau visage. " A ce rythme là, il faudra 20 ans ! Il n’y a pas de logique d’ensemble et c’est tellement lent que la pauvreté s’installe ! ", dit un "Pilé" au cours d’une réunion. "De toute façon, je suis mieux ici que dans un appartement, parce que je n’ai pas d’argent pour payer un loyer", dit un autre.

Ces deux remarques ne résument-elles pas les difficultés, voire les contradictions, rencontrées pour faire évoluer le Pile ?

Lenteur mais aussi difficultés spécifiques. Le magasin d’alimentation "les 4 saisons", situé place Carnot, à côté du café, "Aux sportifs", est resté trop longtemps fermé. Vandalisé, il a dû être démoli. Un aménagement parking pour voitures le remplace aujourd’hui. Les opérations ont duré près

de 10 ans, 10 ans de nuisance, de danger, de laideur. Les urbanistes se heurtent à une difficulté inhérente au bâti de la ville, comment

aménager les coins de rue ? Une autre difficulté apparaîtra par la suite: comment aménager les anciens commerces ?

Si l’équipe opérationnelle donne une nouvelle impulsion associative dans le quartier, si le Comité de quartier, présent sur tous les fronts, est partenaire des techniciens et a mission de

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mobiliser les gens, si le Comité des Fêtes, toujours actif derrière son président Paul CORNEILDE, est promoteur de manifestations, si l’A.L.D.P et La Solidarité mettent en place un cadre d’actions socio-éducatives, si l’Union des commerçants poursuit ses activités, réussissant à pallier pour un temps la fermeture des magasins, il reste que les difficultés demeurent, latentes, sournoises, et dévoreuses d’énergie.

Il y a de quoi être inquiet en effet, notamment sur la reconduction du D.S.Q. au Pile, donc du maintien de l’équipe opérationnelle. Laissons des représentants des habitants du quartier, et de l’équipe du Pile, exprimer leur point de vue.

Pour Raymond PLATTEAU, la philosophie même du D.S.Q. est la participation des habitants; et, si des réalisations ont eu lieu, notamment dans le domaine du bâti, de la R.H.I, de l’aménagement des voiries, le D.S.Q. n’est pas achevé pour autant. " Je pense au contraire que nous sommes dans une phase où un accompagnement est nécessaire, peut-être plus encore aujourd’hui qu’hier. Il serait absurde que l’on dise: puisque les actions sur le bâti sont bien engagées, on peut déplacer l’équipe des techniciens sur un autre secteur. Notre inquiétude est que, notamment en matière de développement social, où l’on n’est pas très avancé à ce jour, les actions engagées soient stoppées: cela risquerait de briser la dynamique d’un certain nombre de secteurs et de faire retomber des personnes du quartier, plus bas qu’elles ne l’étaient il y a quelques années. C’est pourquoi il est nécessaire que le quartier continue de bénéficier des moyens et de la présence de techniciens. Nous sommes demandeurs du maintien de l’équipe opérationnelle, même si elle est différente. Si le D.S.Q. s’arrêtait aujourd’hui, tout le travail de mobilisation que l’on a entamé tomberait à l’eau".

Raymond PLATTEAU évoque alors un exemple concret : " On a parlé d’aménagement d’espaces; c’est vrai que l’on va créer des espaces verts. Très bien, mais s’il n’y a pas une politique d’accompagnement dans la gestion de ces espaces, ils risquent de se dégrader et de produire une image encore plus négative, puisqu’on dira: vous voyez, on ne peut rien faire dans ce quartier ! Il faut donc s’orienter vers un type de gestion des équipements qui associe et responsabilise les habitants, sinon, on se trouvera dans des situations de dégradation comme à Ingouville, et il faudra recommencer tout ce qui aura été fait. Nous sommes en D.S.Q., or, on a dit et redit que le D.S.Q., c’est l’imagination; alors, qu’on nous donne les moyens d’imaginer ! "

Et le Pile, 10 ans plus tard, est toujours en devenir. 20 ans plus tard, on parle encore de dépérissement… Le Pile se hâte lentement. Effets pervers de la politique de la dentelle ?

La lenteur des réalisations est une des caractéristiques du quartier. Sur le cliché de la rue Marceau, pris en 1990, on remarque deux maisons murées depuis près de 10 ans et un café déserté. Seules deux maisons sont encore habitées avant l’entrée du square Ansart. Aujourd’hui, 13 années plus tard, les maisons et le café ont été démolis et une palissade de chantier les remplace. Quant aux deux maisons, elles sont murées !

En plus de 20 ans, les 25 mètres de linéaire de ce front à rue restent toujours problématiques. Alors,

la lassitude des riverains n’est-elle pas justifiée ? Comment encore les mobiliser ?

A la lumière des réflexions d’un Jean Luc SIMON interviewé, précisons le, en 2002, nous allons comprendre... Les années ont passé.

Regard lucide, analyse sans concession.

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" Ce projet était un projet ambitieux; la vision globale, c’était un mélange de bâti neuf qui ressemble à l’ancien, comme l’équipement du Domicile collectif et l’îlot Delezenne; du nouveau avec "de la classe", mais qui ne tranche pas avec le Pile: on ne voulait pas tuer le Pile. Par comparaison avec le Fresnoy, on avait un quartier de 9 000 habitants, on ne pouvait pas tout refaire.

Comme je le disais à l’époque, il faudrait beaucoup de persévérance, ne pas s’arrêter pendant 20 ans. On savait que c’était risqué, car le processus de pauvreté pouvait nous rattraper. On savait aussi que ce projet allait coûter cher (j’ai déjà souligné ce point), aussi cher que de toutraser.

Il fallait y croire, croire aux habitants, jouer gagnant avec eux, croire que les collectivités allaient s’investir au bon rythme.

Oui, c’était un gros projet, mais il fallait y mettre des millions. Cette politique qu’on a mise en place, elle a réussi au Fresnoy; ce secteur est plus petit, et ça se voit beaucoup plus. Ici, il y avait un problème d’échelle, de territoire trop vaste. En 1982, on avait certes un schéma clair, une base de travail, mais on a vite découvert que les pouvoirs publics étaient réticents. Votre projet, disaient-ils, ça tient sur 500 logements, pas sur 3500. Et ils n’avaient pas tort ! Il aurait fallu 5 fois les moyens du Fresnoy.

En fait, les services n’y croyaient pas; les techniciens nous disaient: vous êtes fous, ça va avoir un prix exorbitant, et ça ne se verra pas ! Ils avaient raison de ce point de vue, mais tortdu point de vue de l’urbanisme, selon nous. Alors, disons le, ça n’était pas rentable politiquement, et on était à contre-courant de l’urbanisme opérationnel; finalement, on était culottés de croire que les politiques et les techniciens allaient y adhérer! "

Et le Pile n’a jamais été opération prioritaire...

Le temps de l’élu.

Pour un maire, le temps compte: il doit obtenir des résultats s’il veut être réélu. Après avoir médité cet aphorisme de LA HARPE1 :" En France, le premier jour est pour l’engouement, le second pour le dénigrement ", Alain PEYREFITTE écrivait en 1976, ces phrases sur l’univers politique: " Un maire sait qu’à compter de la date de son élection, il lui faut une année pour élaborer des projets et procéder aux études nécessaires, puis deux ans au moins pour obtenir les crédits correspondants. Ce n’est guère avant la quatrième année de son mandat (dans le meilleur des cas) que les réalisations municipales sortent de terre". Et Alain PEYREFITTE ajoute : " Les faits ont aussi leur despotisme et ils ne vont point du même pas que le désir".2

Entre un Bernard CARTON, adjoint à l’urbanisme, et un Marc VANDEWYNCKELE, adjoint aux quartiers (nous dirions, dans le contexte de la mise en place de la démocratie participative de 1977 à 1983 : adjoint à la parole des habitants), les préoccupations ne sont pas lesmêmes : l’un doit produire des plans d’aménagement, l’autre produit du débat; pour eux aussi, le temps est différent.

En 1989, les quartiers en P.L.D.S sortent de plan, sauf le Pile, qui est le seul à conserver les mêmes procédures, en étant intégré dans le secteur 2 avec Moulin et l’autre partie de Sainte Elisabeth. Peut-être reconnaît-on par cette décision sa spécificité, et la nécessité du travail à poursuivre dans ce quartier de la "longue patience"?

Le Pile sera d’ailleurs constamment repris dans les plans successifs. Une nouvelle équipe opérationnelle sera mise en place, mais sur un territoire plus vaste:

on passe de 9 000 habitants à 20 000 ! Une nouvelle période pleine d’événements commence...

1 La HARPE : homme politique suisse (1754.1838). 2 Alain PEYREFITTE : Le mal français. Plon

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Le Développement SociLe Développement SociLe Développement SociLe Développement Social Urbainal Urbainal Urbainal Urbain et les contrats de planet les contrats de planet les contrats de planet les contrats de plan

En 1989 se met en place le D.S.U dans le cadre du 10e plan, qui s’étalera jusqu’en 1993. Soulignons, sans nous étendre sur la profusion de sigles souvent hermétiques, que, à partir de 1989, se succèderont toute une série de procédures compliquées de par leur chevauchement, versatiles, tant au niveau ministériel que local.

Les procédures D.S.Q, qui les précèdent, peuvent être considérées à part; elles arrivent à la fin d’un processus de mûrissement qui a fait prendre conscience de nombreux aspects, notamment humains, des problèmes d’une ville.

C‘est donc l’appellation D.S.U qui remplace progressivement et avec difficulté, l’ancien sigle D.S.Q. La création de ce concept pour l’intégration des quartiers dans la ville correspond à la volonté de traiter le quartier, non seulement pour lui-même, mais par rapport à la ville, voire à l’échelle de l’agglomération.

On passe du quartier à la ville. Roubaix, par exemple, qui avait 5 quartiers en procédures D.S.Q, en 1983, en compte 12 à partir de 1989 : 5 sont classés en grande difficulté (le Pile, l’Hommelet, Sainte-Elisabeth, Moulin-Potennerie et l’Epeule), 4 en quartiers sensibles (Oran-Cartigny, le Cul-de-Four, le Fresnoy et les Trois-Ponts) et 3 en procédure de sortie de plan (l’Alma, le Nouveau Roubaix et les Hauts-Champs). Ainsi, la presque totalité de la ville bénéficie de l’aide de l’Etat.

On assiste à un changement d’échelle; on passe de la "proximité à la centralité", selon une expression de Georges VOIX1. La ville devient un filtre obligé dans le cadre de ces procédures. On retourne en quelque sorte vers le centre, pris dans le sens de centralisation, notamment des services; autrement dit, il s’agit d’un retour vers la mairie, vers le pouvoir; la décision échappe au terrain, elle est de plus en plus éloignée de la périphérie.

Les équipes opérationnelles, qui étaient rattachées à un quartier, vont travailler sur un secteur plus large; les partenaires seront dès lors différents. Un exemple : Patrick FORTIN et Jean Luc SIMON, qui évoluaient, sous l’égide du CAL-P.A.C.T, dans un Pile allant jusqu’à la rue de Lannoy, vont intervenir sur le secteur 2, constitué par les quartiers de Moulin-Potennerie, de SainteElisabeth et du Pile, dans le cadre de l’A.D.Q.R2, nouveau gestionnaire des moyens pour l’ensemble de la ville.

Les édiles municipaux se rendent compte que la politique de la ville apporte de l’argent, ce qui permet de mettre en chantier un grand nombre de projets dépendant de cette manne financière; on se dit alors qu’il faut assujettir la politique municipale à la politique de la ville. Roubaix bascule dans un système différent, dans lequel on va se rassembler autour d’un projet, et se positionner au sein de nouveaux lieux de décisions. On change encore d’échelle, on entre dans l’ère de l’intercommunalité et des contrats de plans, dans le cadre des procédures Etat-Agglomérations.

Cela n’est pas une nouveauté, mais davantage le résultat d’une évolution entamée plus de vingt années auparavant. C’est en 1967 que la Communauté Urbaine voit officiellement le jour et c’est depuis 1986 que la Région possède ses représentants élus au suffrage universel.

Cette décentralisation s’accompagne d’un transfert de compétences, à la fois de l’Etat vers les Régions, Départements et Agglomérations, mais aussi des communes vers ces mêmes instances.

1 Directeur de l’Observatoire Urbain de Roubaix 2 Association pour le Développement des Quartiers de Roubaix

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Evolution de ces institutions : petit rappel

http://www.cr-npdc.fr site du Conseil Régional

La Région C’est en 1919 que l’idée de région prend corps. Impulsés par le gouvernement

de l’époque, les "Groupements économiques régionaux" sont envisagés comme une institution à vocation économique au service de la reconstruction.

En 1954, les "Comités d’expansion économique" se situent en relais entre l’Etat et les départements : 23 régions de programmes, création des plans régionaux de développement social et économique et d’aménagement du territoire. En 1964, on institutionnalise les "Circonscriptions d’actions régionales" avec à leur tête un Préfet.

La grande réforme du général De GAULLE n’ayant pu se réaliser après le référendum de 1969, c’est en 1972 que se créent les "Etablissements publics régionaux" dont les compétences sont limitées. Elles ne disposent pas de services propres.

Le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais est installé en janvier 1974. Il compte 108 membres (les parlementaires, les représentants des Conseils Généraux et les représentants des villes de plus de 30 000 habitants et des Communautés Urbaines). Il est présidé par Pierre MAUROY.

La loi du 2 mars 1982 donne à la Région un statut de collectivité territoriale et des compétences propres (formation professionnelle et lycées). La tutelle du Préfet est supprimée et le président prépare et exécute les délibérations de l’Assemblée Régionale.

En 1986, les élections des Conseillers Régionaux se feront au suffrage universel direct. Les compétences augmentent et au-delà de l’aménagement du territoire, la Région devra déterminer des choix dans les secteurs de l’enseignement, des transports, de la culture, du tourisme et définir les moyens nécessaires. C’est Noël JOSEPHE qui sera président de 1986 à 1992. Il sera remplacé par Marie Christine BLANDIN. En 1998, Michel DELEBARRE en deviendra le nouveau président.

2003, la Région a une existence constitutionnelle, elle devient une collectivité territoriale.

Passation de pouvoir entre Noël JOSEPHE et Marie Christine BLANDIN.

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http://www.lillemtropole.fr site de la Communauté Urbaine de Lille

La communauté urbaine de Lille

Elle est crée en 1967 sous la forme d’un Etablissement public de

coopération intercommunale. Conformément aux textes, elle prend en charge les plans d’urbanisme ( POS puis PLU), la création et l’équipement des ZAC (Zones d’activités concertées), les transports en commun, les services du logement et les organismes d’HLM, les actions de réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre, l’eau et l’assainissement, la collecte des ordures ménagères, la voirie et la signalisation, les parcs de stationnement, les abattoirs et le marché d’intérêt national, les services de lutte contre l’incendie.

Elle gère en outre, le stadium Lille Métropole et le musée d’art moderne.

Ses compétences s’accroissent en 2003 dans les domaines du développement économique, la valorisation du patrimoine paysager, l’aménagement et la gestion de terrains d’accueil pour les gens du voyages, les équipements et réseaux d’équipements sportifs et culturels, le soutien et la promotion d’événements métropolitains.

En janvier 2002, elle reçoit la taxe professionnelle d’agglomération. Elle fut présidée par Augustin LAURENT de 1967 à 1971, par Arthur

NOTEBART de 1971 à 1989. Pierre MAUROY est en poste depuis 1989. Le Conseil de Communauté comprend 170 membres dont 43 vice-

présidents. Elle emploie 2135 agents pour un territoire de 61 145 hectares et une

population de 1 091 500 habitants (densité 1 785 habitants/Km2, 2ème après Paris). Possédant 84 Km de frontière avec la Belgique, la métropole lilloise forme avec les arrondissements de Courtrai, Mouscron, Roselaere, Tournai, Ypres, une agglomération de 1,8 millions d’habitants.

Chaque commune désigne ses représentants au sein de toutes les tendances politiques.

pour la ville de Roubaix : • sont vice-Présidents :

René VANDIERENDONCK, ville renouvelée et du contrat de ville Renaud TARDY, qualité urbaine et espace public Slimane TIR, espace naturel métropolitain

• Sont conseillers communautaires : Jean François BOUDAILLIEZ, Guy CANNIE, Bernard CARTON, Guy

HASCOET, Marie Agnès LEMAN, Christian MAES, Jean Pierre MARESCAUX, Max André PICK, Henri PLANCKAERT, Arnaud VERSPIEREN.

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Le grand virage du D.S.ULe grand virage du D.S.ULe grand virage du D.S.ULe grand virage du D.S.U L’avènement de ce pouvoir décentralisé a fait naître des inquiétudes au sein des

communes périphériques de Lille. Dès 1977, la municipalité, sous la mandature de Pierre PROUVOST, avait participé à la création d’une nouvelle entité, le Versant Nord-Est, regroupement des communes autour de Roubaix et Tourcoing, pour assurer une forme de contrepouvoir à la primauté de Lille sur la métropole.

Se situant dans une opposition ouverte, André DILIGENT développera ce concept pour mettre l’accent sur les disparités d’attribution des moyens au sein de l’agglomération. Ne pas faire Lille au détriment des autres communes sera une revendication constante des élus roubaisiens. Dénoncer, soit, mais il fallait aller au-delà et se donner les moyens.

En 1987, André DILIGENT, Gérard VIGNOBLE et Lucien DEMONCHEAUX, respectivement maires de Roubaix, Wasquehal et Leers, avaient décidé d’unir leurs efforts pour favoriser le développement économique et la création d’emplois dans cette partie de la métropole, pour que l’agglomération rattrape son décalage en terme de taux de chômage.

Ils créaient le S.I.A.R (Syndicat Intercommunal de l’Agglomération Roubaisienne). C’était une première française, initiée dans une période noire de l’économie locale: on y allait par lourdes charrettes de licenciements. L’objet était de manifester une solidarité économique par le biais d’une mise en commun d’une partie des recettes de la taxe professionnelle. Par la suite, en 1990, le S.I.A.R s’élargissait à cinq autres communes: Croix, Hem, Lannoy, Lys-lez-Lannoy et Wattrelos.

Après 14 ans d’actions, le S.I.A.R disparaîtra au profit de la Communauté Urbaine, avec la satisfaction du devoir accompli.

René VANDIERENDONCK, pour sa part, a très vite été projeté, aux côtés d’André DILIGENT, dans les problèmes d’une métropole qui recommence à travailler, après avoir évolué dans un état de rapport de force tel, qu’il n’y avait plus de progression possible. En novembre 1988, il négocie la charte des maires, qui a pour objet de régler les conditions d’un fonctionnement de lamétropole, après le départ d’Arthur NOTEBART. Pierre MAUROIS le remarque dans ce travail de négociateur, et l’appelle comme conseiller délégué à la Communauté urbaine, où il va s’occuper du Contrat d’agglomération, au sein d’une C.U.D.L enfin pacifiée, selon ses propres paroles. Dans le cadre de ses fonctions, René VANDIERENDONCK sera vite persuadé que: "si l’énoncé des problèmes se trouve dans les quartiers et la ville, le périmètre des réponses se trouve à d’autres échelles territoriales". Il en tiendra compte quand il deviendra maire.

Sur le plan roubaisien, ce changement d’échelle se fait sentir. Si le Conseil Municipal établit un projet pour Roubaix, il va le défendre ailleurs, plus haut.

Pour René VANDIERENDONCK, on ne peut pas faire autrement que de travailler dans l’intercommunalité: "Si vous voulez faire une politique de logement social, et ne pas tout concentrer dans le même quartier, comment allez-vous procéder, si dans le même temps, vous ne travaillez pas dans l’intercommunalité pour faire que d’autres produisent aussi du logement social! Le problème est que l’on complexifie les choses, que de nombreux partenaires entrent, et qu’il y a moins d’autonomie". La décision a tendance à échapper au terrain.

Donnons un exemple concret. En 1989, André DERVAUX, Inspecteur de l’Education Nationale à Roubaix, pense mettre en place, avec le soutien de la municipalité une maison de la lecture. Ce projet était réalisable dans le cadre du D.S.Q très localisé sur la ville avec le soutien des autres Inspecteurs, dont Bernard GOEMINE, détaché comme Directeur des services de l’Education auprès de Madame SCHAEFFER, adjointe au maire.

Les initiatives "lecture" sont nombreuses, originales durant cette période : actions pour les parents au Pile, à l’Alma, lancement des BCD1 , formation des encadrants, poste d’agent de liaison école – quartier, actions périscolaires…. Roubaix apparaît comme une ville où il se passe

1 Bibliothèque Centre Documentaire, l’équivalent à l’école élémentaire du Centre de Documentation et d’Informations du collège.

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des choses. Les évaluations de l’Institut National de la Recherche Pédagogique, les visites des autorités, le dynamisme des acteurs, tout concourt à la promotion des idées nouvelles.

Mais, pour être finançable dans le cadre du D.S.U, le projet doit prendre une dimension communautaire. Le concept est transformé en Maison de l’Education, et inscrit à ce titre dans le Contrat d’Agglomération.

Deux observations : • Les interlocuteurs ne sont plus les mêmes : on passe des acteurs de terrains

locaux (élus de la ville, enseignants, militants associatifs…) aux acteurs communautaires (élus communautaires, instances académiques et dirigeants des groupements associatifs). Et on passe alors d’un territoire à dimension "humaine" à un territoire comprenant 86 communes.

La petite idée a pris de l’ampleur.

• On respecte l’équilibre communautaire ! Un autre équipement, "un centre de ressources sur la toxicomanie" est prévu sur

Lille et "une maison de la petite enfance" doit voir le jour à Tourcoing. Ils doivent fonctionner selon les mêmes contraintes, et si la Maison de l’éducation roubaisienne tentera d’exister malgré les difficultés (elle fermera en 1999), les autres centres de ressources resteront à l’état de projets ou d’ébauche.

Dans une étude sur la politique de la ville, le sociologue Julien DAMON le reconnaît : "Le passage du D.S.U aux Contrats de Villes a multiplié les enchevêtrements institutionnels ; la récupération depuis 1994, par les mairies, du Développement Social, est manifeste. La fonction de Chef de projet devient de plus en plus technique et donc plus éloignée des habitants, elle se rapproche de celle d’adjoint du Secrétaire Général de mairie".

Proximité, centralité, intercommunalité ! La complexité est devenue une dimension de l’action. Il n’est pas dans nos intentions de détailler les innombrables procédures mises en place etde faire entrer le lecteur dans cette forêt de sigles qui les accompagnent: un chapitre n’y suffirait pas; intéressons-nous seulement aux grands projets, dont la finalité est de dynamiser des zones urbaines en crise à Roubaix-Tourcoing.

Présentons d’abord le projet URBAN, initiative lancée par la commission européenne en 1994, dans le cadre du FEDER1. En France, 13 zones urbaines défavorisées ont été retenues, dont deux dans le Nord-Pas de Calais (Roubaix-Tourcoing et Valenciennes).

Soulignons brièvement, tant s’interpénètrent les procédures, que se construit une articulation entre URBAN et le Grand Projet Urbain apportant des financements allant jusqu’à 75% pour chaque projet.

A Roubaix-Tourcoing, une dizaine de quartiers sont concernés (environ 70 000 habitants). Le secteur contient en particulier la zone de l’Union, qui devrait

constituer à l’horizon 2005-2010 le second pôle de développement de l’agglomération lilloise.

1 FEDER : Fonds Européen de Développement Régional

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Les Zones Franches Urbaines s’inscrivent, elles, dans le cadre du Pacte de relance pour la ville. Depuis le 1er janvier 1997, 44 secteurs en France, regroupant 600 000 habitants, doivent bénéficier de mesures pour aider à l’implantation d’activités économiques et à la création d’emplois. Ils sont choisis selon des critères objectifs; notamment: avoir plus de 10 000 habitants, un taux de chômage supérieur de 25 % à la moyenne nationale, une proportion de jeunes supérieure de 36 % à la moyenne nationale.

Selon la revue FACE1, le cas de Roubaix figure comme une réussite. Roubaix est aussi un cas unique pour la France, surtout parce que c’est tout le centre-ville qui a été placé en Zone Franche.2

René VANDIERENDONCK, se plaît à évoquer le bilan positif des Z.F.U, avec le plus souvent des créations pures d’activités, et non des transferts d’emplois comme on pouvait le craindre : " Les Z.F.U constituent un véritable outil pour participer à la résorption de plans sociaux qui portent sur des milliers d’emplois". Il apparaît d’ailleurs que des entreprises ne seraient pas allées s’implanter dans ces quartiers s’il n’y avait pas eu la création des Zones Franches.

La dernière petite merveille de la politique de la ville, née en 1999, s’appelle le Grand Projet Ville (G.P.V). 50 sites recevront ce label en France. Dans le Nord, le G.P.U de Roubaix-Tourcoing devient le G.P.V de Lille-Roubaix-Tourcoing. Le périmètre d’intervention évolue encore; chaque secteur va bénéficier de fonds des Conseils Régionaux, des Conseils Généraux et même de fonds européens. René VANDIERENDONCK s’inscrit dans cette véritable mobilisation pour un renouveau de la politique urbaine.

Plan de la Zone Franche roubaisienne : mairie de Roubaix De la zone de l’Union (comprenant le Cul-de-Four et l’Alma), au quartier Sainte Elisabeth (en

englobant entièrement le Centre), le périmètre suit un axe Nord-sud dont le Pile est exclu.

1 Revue FACE N° 155. Mai 2003 2 Plan des services économiques de la ville.

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Mais tout cela ne se fait sans créer quelques mécontentements. Les commerçants et artisans des quartiers "oubliés" par les procédures ne manqueront pas de se faire entendre parfois vigoureusement. Pour ce qui concerne directement le secteur 2, on s’aperçoit que seul le quartier Sainte Elisabeth est retenu dans le dispositif des zones franches. La rue Jules Guesde, déjà sinistréedans certains de ses tronçons du Pile et de Moulin-Potennerie, ne pourra bénéficier des avantages prévus. Or, ceux-ci ne sont pas négligeables.

Quels sont ces avantages ? • Exonération de la taxe professionnelle pour une durée de 5 ans pour les

entreprises existantes et les nouvelles implantations (sauf déplacement à l’intérieur de la commune).

• Exonération d’impôt sur les sociétés ou sur le revenu pour les entreprises individuelles pendant 5 ans, dans la limite de 400 000 francs.

• Exonération de la taxe foncière sur 5 ans. • Exonération sur 5 ans des cotisations patronales de sécurité sociale pour les 50

premiers salariés, à condition qu’ils soient du quartier.

Qu’en sera-t-il au bout des cinq années fatidiques ?

Le bilan de la procédure "Zone Franche" tel que le présente Nord Eclair, le 22 novembre 2002, indique" Roubaix est un exemple de réussite du dispositif avec 6000 emplois créés en 5 ans, dont 40 % pour des Roubaisiens…. La Zone Franche Urbaine à la roubaisienne, c’est avant tout le centre ville. … Les zones des autres villes du département ont produit moins d’emplois, 3000 à Lille-Loos et 100 à Calais…"

Et La Voix du Nord du 21 février 2003 souligne : "…plus de 5000 emplois ont été créés, le taux de chômage est en recul, de 29,1 % en janvier, il est à 22,4 % en septembre 2002…"

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René VandierendonckRené VandierendonckRené VandierendonckRené Vandierendonck ou un maire pragmatiqueou un maire pragmatiqueou un maire pragmatiqueou un maire pragmatique

René VANDIERENDONCK a fêté ses 20 ans de présence à Roubaix en 2003. "Je ne suis pas Roubaisien d‘origine, mais il y a dans Roubaix des choses qui renvoient

complètement à mon histoire. Mon père était tisserand, ma mère est revenue d’Algérie en1947, et sa famille en 1962. J’ai donc un rapport assez compliqué, assez charnel avec l’Algérie, et ici, il y avait beaucoup de choses qui me plaisaient; j’étais confronté au réel, c’était pour moi une manière de renouer avec une double filiation.

J’arrive à Roubaix comme directeur de cabinet d’André DILIGENT le 1er septembre 1983. Je suis d’abord perçu comme l’homme de dossiers, le technicien; en ce sens là, je le complétais bien".

René VANDIERENDONCK découvre le fonctionnement d’une commune, il apprend la manièreDILIGENT. Et, lui qui n’était pas politique, envisage d’être élu:"Une ville, c’est comme une femme", commente-t-il avec ce sens de l’humour qui le caractérise, "elle ne se laisse pas approcher d’un coup, d’un seul; l’amour se construit au fil des ans, au fur et à mesure que la relation s’approfondit".

En 1989, il devient 1er adjoint, chargé de l’Urbanisme et de l’Aménagement, et se trouve projeté d’entrée de jeu dans la politique de la ville, ayant des contacts multiples et variés avec des acteurs de terrain de tous horizons. Il s’occupe de dossiers à enjeux, et tout passe par lui. Au sein de la municipalité, et, ne l’oublions

pas, de la Communauté urbaine, il prend une stature politique et apporte à André DILIGENT une vision urbanistique essentielle au moment où la ville bascule dans les procédures de la politique de la ville. "Une des grandes forces d’André DILIGENT était de bien choisir ses collaborateurs", nous a dit Pierre DUBOIS.

La succession

Ce n’est pas sans un pincement au cœur que, le 28 mai 1994, André DILIGENT transmet son écharpe de maire à son 1er adjoint: des problèmes de santé l’obligent à se démettre des fonctions qu’il occupait depuis 12 ans. " Roubaix ne peut avoir un maire au rabais", déclare-t-il courageusement.

Selon Hubert LEDOUX : "Quand René VANDIERENDONCK s’installe dans le fauteuil de premier magistrat, il a une petite idée de ce qu’il veut faire pour sa ville. Devant l’état de délabrement économique de la cité, il faut un projet fort, propre à remobiliser les Roubaisiens, et redonner de l’énergie à une population qui n’y croyait plus, tant les claques avaient succédé aux désillusions. Il décide donc de se donner les moyens de la réussite, et pour cela, va bousculer les cartes politiques".1

A en croire René VANDIERENDONCK, s’il est possible de succéder à André DILIGENT, il est difficile de lui ressembler : "Ce que j’appréciais le plus chez lui, c’était son humanité, sa qualité d’accorder le même type d’attention à la personne qu’il avait en face de lui,

1 Supplément à la Voix du Nord 1999

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quel que soit son statut, le même type de disponibilité à n’importe quel problème, dès lors qu’il sentait l’humain là-dedans. Il m’était infiniment supérieur, il appartenait à la race des géants. Roubaix lui doit beaucoup".

Mais si le nouveau maire a reçu en héritage ce rapport très engagé qu’avait André DILIGENT avec sa ville, l’approche des problèmes montre très vite une différence de style et de méthode. "Mon prédécesseur avait établi une stratégie qui consistait à réveiller le patriotisme des acteurs, à partir d’un combat pour l’égalité de traitement entre l’ensemble des secteurs de la métropole, et il avait construit à Roubaix, et par voie d’homothétie avec le Versant-Nord-Est, une guerre de tranchée envers ce qu’il considérait comme un secteur privilégié de la métropole: le sud (l’axe des Emirats !.) Il a fait apparaître et reconnaître le rapport de force, et à partir de là, il a contribué à changer un peu le fonctionnement de la politique métropolitaine.

Et moi, j’arrive à un moment où je n’ai plus à refaire la guerre, je suis comme un diplomate au Traité de Versailles. André Diligent voulait que justice soit rendue à sa ville, il a gagné une guerre, mais c’était une guerre de tranchée; derrière, ce qu’il fallait, c’était ramener desmoyens de la Communauté Urbaine dans ce pataquès; et l’essentiel de mon travail a consisté à continuer son action, que je ne dénigre pas, qui était un préalable obligé, pour arriver à une 2ème

phase, c'est-à-dire un projet de territoire pour une ville qui était une mine à ciel ouvert de toutes les procédures de la politique de la ville (elle en a encore les stratifications géologiques : D.S.Q, D.S.U, Contrats de ville...)".

Arrêtons-nous sur ces propos, et essayons de comprendre ce qui apparaît comme deux moments de l’Histoire. André DILIGENT a porté les problèmes, créé des rapports de force décisifs, attiré l’attention sur la paupérisation de sa ville, quitte à faire du misérabilisme, ce qu’on lui a souvent reproché d’ailleurs. Rappelons cet épisode de 1993, qui fit beaucoup de bruit dans le microcosme roubaisien: suite à une campagne de sensibilisation appuyée, la ville de Menton, envoya deux semi-remorques, chargés de vivres et de vêtements, pour les bidonvilles de Roubaix ! Un tollé général s’ensuivit, et le convoi termina son périple à Tourcoing, devant la porte des Restos du cœur !

René VANDIERENDONCK arrive à l’étape suivante; il est en quelque sorte le 2ème

étage de la fusée, et va surtout s’attacher à chercher des réponses. La différence, c’est qu’il le fait dans une échelle résolument métropolitaine.

Une politique pragmatique

André DILIGENT, pour qui l’important, ce n’était pas tant la compétence technique de l’homme que le type d’idées qu’il pouvait défendre, avait cherché des hommes de terrain à l’extérieur des partis politiques pour constituer son équipe en 1989: c’était l’ouverture vers la société civile. Entrèrent notamment au conseil municipal: Salem KACET, Jackie MINARD (à gauche), Marie Madeleine LECLUSE. A noter que Jackie MINARD 1 fut remplacé par

Jean-Marc ALSBERGHE2 (à droite) dès 1991.

1 Jacky MINARD fut le permanent-habitant du comité de quartier du Pile de 1986 à 1989. Militant du quartier Sainte Elisabeth, il travailla sur le territoire du Pile élargi jusqu’à la rue de Lannoy, et fut remarqué dans sa tâche par André DILIGENT qui fit appel à lui en 1989. 2 Jean Marc ALSBERGHE fut directeur de l’Association des Loisirs Saint Michel. Il ne fera qu’un mandat politique et se retirera en 1995.

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René VANDIERENDONCK renforce ce procédé et fait entrer le docteur TITRAN, Marie-Agnès LEMAN, et des personnes issues des Partis de Gauche (André RENARD, Robert CAILLEAUX, Jacques FONTAINE et Pierre DUBOIS). Pour le maire, c’est la rencontre de gens suffisamment engagés, intéressés par un mandat local, en dehors des affrontements politiques, qui a permis cette pratique, que Roubaix n’a pas inventée: "Nous l’avons peut-être mis en vitrine plus que d’autres".

René VANDIERENDONCK n’a pas sollicité de mandat national. Cela tient à la conception qu’il se fait de son rôle de maire: "Je suis un élu de Roubaix, maire d’une ville qui est regardée comme le creuset de la politique de la ville. J’ai des responsabilités régionales; pour avoir des moyens, la région, ça compte, et ça comptera encore plus dans l’avenir. Donc, j’ai choisi d’articuler ces mandats là, qui me semblent cohérents avec Roubaix, et d’être présent sur ces territoires, car la politique de la ville a besoin de militants dans ce champ là. Je ne ramènerais pasforcément plus de moyens si j’étais parlementaire. Vous savez, la politique, je ne la vis pas mal, parce que je suis sur le terrain, et, sur le terrain, on n’a pas d’accès de paranoïa. Roubaix est le meilleur antidote contre la paranoïa, car le peu que vous faites, comparé à ce qui reste à faire, vousincite à la modestie; ça donne du sens à ma vie".

Pour justifier ses choix pour Roubaix, René VANDIERENDONCK emploie volontiers des formules imagées: "L’action politique, c’est la capacité à assumer les réponses que l’on propose: moi, je suis un maire en "CDD", et j’ai des comptes à rendre aux Roubaisiens. Roubaix est une course à handicap, il faut refaire une distance sur ceux qui sont devant’.1

Alors, on va avancer, réfléchir à toutes les fonctions urbaines de la ville, et établir une stratégie de reconquête: bâtir des projets forts, créer quelque chose qui puisse à nouveau attirer du monde, redonner de l’attractivité à la ville, donc retravailler son image.

On va entreprendre la reconquête de Roubaix grâce à un projet de rénovation qui va s’appuyer à la fois sur l’arrivée du métro et sur la redynamisation de son commerce.

Selon Michel CONSTANS, ancien adjoint à l’urbanisme: "On avait un centre ville en train de crever, une industrie morte, un commerce en déclin: plus rien n’attirait. On s’est dit : ce qui marche aujourd’hui, c’est l’Usine, le seul pôle d’attraction roubaisien jusqu’alors; à partir de là, le choix politique a été de dire: il faut une piqûre de cheval, transformer le centre ville, amener des investisseurs; mais ce n’est pas uniquement avec la population roubaisienne au faible pouvoir d’achat qu’on les attirera! Il faut faire venir les gens de l’extérieur. Un projet à deux locomotives a été établi : Mac Arthur Glenn, et Casino. Je crois qu’aujourd’hui, c’est une réussite par l’impulsion donnée. Vous savez, si on réussit le centre, on réussit la ville".

D’aucuns ont pu dénoncer le "tout pour le centre": allait-on négliger la périphérie ? Pour Michel CONSTANS, le pari était de dire qu’à partir du centre se produirait un effet tache d’huile. Pour le maire, il n’était pas question d’un centre-ville reconquis, sans retombées concrètes pour les quartiers :" Le centre-ville, c’est le quartier des quartiers, mais sa rénovation ne doit pas désespérer les autres. Quand un franc est investi au centre-ville, un franc va aussi dans des opérations de quartiers. En la matière, il faut échapper au dilemme roubaino-roubaisien".

René VANDIERENDONCK n’éprouve pas d’état d’âme quant à sa clarification politique : "En juin 1994, je fonde "Mon parti, c’est Roubaix". J’ai trouvé honnête, moi qui avais déjà travaillé avec Pierre MAUROIS en 1988, et obtenu beaucoup de Michel DELEBARRE, et maintenant de Daniel PERCHERON, d’en tirer les conséquences au niveau de mon positionnement politique. Je me sens mieux depuis que j’ai fait ce choix là".

Ajoutons qu’en 1997, au second tour des élections législatives, il soutient la candidature de Guy HAESCOET, représentant des verts et du

Parti Socialiste, devant Michel GHYSEL (photo archives municipales).

1 Voix du Nord septembre 2003

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Selon Hubert LEDOUX: "Le maire affronte crânement les secousses qui bousculent régulièrement sa majorité, y compris quand il décide de partir avec Michel DELEBARRE sur la liste socialiste aux élections régionales, ce qui lui a permis de devenir vice-président du Conseil Régional en charge de la politique de la ville ».1

Maire pragmatique, maire atypique. Arrêtons-nous sur ce parcours et posons clairement cette question: peut-on parler de revirement politique, sans tenir compte de la spécificité politique de Roubaix. Si le combat de classes fut le moteur essentiel de la politique de la première moitié du XX ème siècle, avec l’avènement du socialisme incarné par Jean LEBAS, la seconde moitié, hormis le mandat de Pierre PROUVOST, est caractérisée par l’établissement du consensus politique avec Victor PROVO et André DILIGENT.

René VANDIERENDONCK s’inscrit dans cette alternative. Il a travaillé avec Pierre MAUROIS, dans le cadre de la Communauté urbaine, avant de devenir 1er adjoint à Roubaix, il a voté MITTERRAND en 1988, et André DILIGENT le sait; pour nous, sa fibre personnelle est autant à gauche qu’à droite, et il a trouvé aussi bien chez l’homme DILIGENT que chez l’homme MAUROIS, des repères: il finit par se positionner, probablement après avoir vécu des moments difficiles.

A-t-il insulté l’Histoire ?

Citons un de ses propos2 : "Quand je vois ce que Roubaix a obtenu, alors que nous

quémandions sans succès dans le passé auprès d’hommes proches de mes idées, je n’ai rien à regretter. Roubaix, c’est une course de fond, rien n’est gagné, rien n’est acquis, mais quand on se bat pour un projet, on se donne les moyens de le réaliser. C’est ce que je fais ; le moment venu, les Roubaisiens jugeront".

1 La Voix du Nord : supplément le renouveau de Roubaix 1999 2 même source

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Le PileLe PileLe PileLe Pile : un quartier toujours en rupture: un quartier toujours en rupture: un quartier toujours en rupture: un quartier toujours en rupture ????

Le bilan du D.S.Q établi en 1988, a montré que ce qui a été fait au Pile se limite à peu de choses: des logements neufs rue du Pile et rue Delezenne, un square rue Lalande, la réfection de l’éclairage public et de certaines voiries. Les inquiétudes demeurent, et de nombreux habitants dénoncent la lenteur des réalisations; rappelons ce que disait l’un d’eux : "A ce rythme là, il faudra 20 ans" !

En 1989, le Pile, qui retrouve son territoire traditionnel (de la gare du Pile à la rue Pierre de Roubaix), est intégré dans le secteur 2 avec les quartiers de Moulin-Potennerie et de Sainte Elisabeth; il continuera donc à bénéficier du travail d’une nouvelle équipe opérationnelle.

1 2 3 A gauche, le quartier de Moulin-Potennerie (1), séparé de son voisin par la rue Jouffroy et du

Coq Français. Au centre Sainte Elisabeth (2) dont l’artère centrale, la rue de Lannoy sera incluse dans la zone franche urbaine. A droite, le triangle du Pile (3), juste après la rue Pierre de Roubaix. Cerclées de noir, apparaissent les zones reprises en procédure Z.P.P.A.U.P1 et P.R.I.2

Pendant la période qui va suivre, les projets vont aboutir: la construction du centre social (la Maison des deux quartiers), le Domicile Collectif, la nouvelle école Pasteur; c’est la phase de réalisation. Le grand virage de la rénovation est-il enfin amorcé... ?

Las ! Le Pile ne va pas tarder à retomber dans l’oubli; le Pile ne sera toujours pas prioritaire. C’est que la période 1995-2002 correspond pour Roubaix à de nouveaux découpages3 et de nouveaux choix stratégiques; c’est le projet de l’Union, dans l’optique des Jeux Olympiques 2004 de Lille, c’est le projet de redynamisation du centre-ville.

Si le quartier est constamment repris dans les plans successifs, s’il conserve donc des procédures de Développement Social, il n’est, en réalité, ni intégré dans le Grand Projet Urbain, ni situé en Zone Franche. Alors que le Cul de Four, l’Hommelet et les berges du canal sont inscrits

1 Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager. 2 Périmètre de Réhabilitation Immobilière. 3 La ville sera découpée en 5 secteurs et une mairie de quartier sera créée pour chacun d’eux. Le Pile et Sainte Elisabeth dépendront de la mairie des quartiers Est, Moulin-Potennerie, de la mairie des quartiers Sud. Il faudra attendre la volonté des trois quartiers pour travailler sur un axe commun, la rue Jules GUESDE, pour reprendre le partenariat.

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dans les plans du G.P.U. il n’y a pas de Grand Projet pour le Pile. Au Pile, rien de nouveau ! Cité sans enjeu, cité sacrifiée, le Pile doit se contenter des procédures de R.H.I.

Mais la résorption de l’habitat insalubre, nous le savons, a des effets négatifs. Dans ce quartier horizontal, où vivent beaucoup de propriétaires occupants, une procédure de R.H.I peut prendre plusieurs années avant d’aboutir à une démolition. Alors, autour, la gangrène s’installe, et il faut songer à entamer une nouvelle procédure! Fait significatif: le Pile va entrer dans la R.H.I n° 9 !

Et des militants se remettent à dénoncer les effets pervers de la lenteur. Donnons la parole à Marie Henriette VANDECANDELAERE: "On n’aurait jamais imaginé le temps qu’il faudrait pour voir réalisé ce qu’on proposait, et qu’on a obtenu. Mais plus le temps a passé, plus le quartier s’est dégradé. Et puis, on a le sentiment qu’on était plus entendu par la 1ère équipe opérationnelle du Pile. Du ressentiment ! Non ! Mais de la désillusion, l’impression qu’on n’en verra jamais le bout "!1

Des responsables du Comité de Quartier du Pile, tels Dominique DUMONTET et Raymond PLATTEAU, n’acceptent pas le manque de considération à leur égard; le premier lance en 1996 un véritable coup de gueule : "On a souvent le sentiment d’être considérés comme un problème, on nous demande d’oublier qui nous sommes, d’où on parle; notre identité, c’est la proximité. Tenez: on fait des colloques sur la Ville Renouvelée, jamais on ne nous en a parlé. On est quoi ? Des habitants; sur le reste, circulez, il n’y a rien à voir! Sur l’économie, par exemple, on a des difficultés à se faire entendre: on nous cantonne dans le social. C’est quoi le projet de la ville sur le Pile pour les 10 ans qui viennent ? On ne sait pas s’il y en a un ! Si on dialogue avec la mairie, c’est une relation d’amour et de haine: on doit toujours prouver qu’on n’a pas fait de faute, mais, au fond, on est condamné à vivre ensemble".

Le second surenchérit : "Difficiles, les rapports avec la ville! Au fil des ans, le dialogue n’a pas évolué, il s’est compliqué avec les relais intermédiaires qui se sont multipliés. Avant, on était en direct avec les adjoints; aujourd’hui, on a créé toute une variété de techniciens qui se sontinterposés entre nous et les élus. Je me pose une question: serait-on plus écouté quand on est combatif, jusqu’au-boutiste? Ceux qui veulent construire passent-ils après ceux qui revendiquent ? Qu’on nous reconnaisse au moins comme consensuels" !

Mais les militants associatifs ont toujours relevé le défi; au Pile, malgré les moments de lassitude, on ne baisse pas les bras. Comme nous l’a dit un acteur de terrain : "Certes, quelquefois, on a l’impression de ne jamais aller au bout de ce qu’on est en train de mettre en place, mais on est toujours en train d’imaginer autre chose. Pour nous, Il y a le temps du débat, et le temps de la réalisation ; il faut conserver les deux; émettre des projets donc, et essayer de les faire aboutir. Essayer...

1 Nord Eclair mars 1996

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Le cercle des projets avortésLe cercle des projets avortésLe cercle des projets avortésLe cercle des projets avortés

La première opération mise en place fut appelée: le Pile à cœur (déjà !) et concernait la propreté des rues. L’objectif était de responsabiliser chaque propriétaire, chaque locataire, à l’entretien de son trottoir. Retrouver en quelque sorte : " cette coutume librement consentie qui faisait de Roubaix, ville industrielle s’il en fût, un modèle de propreté". On a discuté de ce projet avec tous les partenaires : la ville et ses services, la propreté urbaine, la C.U.D.L, la T.R.U, le centre social, les écoles… et au bout d’un an, une Charte officielle peut être signée entre chaque habitant et le maire.

C’est une véritable pédagogie d’accompagnement qui se met en place. Le quartier est partagé en secteurs; les rues du premier secteur sont nettoyées au "karcher" avant le début de l’opération, les

habitants sont prévenus individuellement et ceux qui participent à cette opération et qui acceptent designer le contrat, reçoivent, si besoin est, une poubelle neuve, une balconnière et une jardinière fleurie. Le lancement se fait un samedi matin avec signature officielle, pot de l’amitié, en présence des médias locaux dont canal 9.

La procédure doit se reproduire pour chacun des secteurs définis du quartier. 6 mois sont nécessaires pour achever le travail.

Le projet initial se trouve détourné quand la municipalité, après une simple sensibilisation, met en place, dans les mois qui suivent, la même procédure dans d’autres quartiers.

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L’A.P.Q.R1 embauche des T.U.C. pour assurer le nettoyage au lieu de participer à l’entretien général du quartier en aidant les habitants à prendre en compte leur environnement! Plus qu’accompagner, on va se substituer aux habitants. On a gardé la forme, on a oublié l’esprit !

Nord Eclair a surpris le groupe de travail au 62 rue Desaix. On y retrouve les militants du quartier, le comité et le centre social, les responsables des services techniques de la ville, de la propreté urbaine, de la

Communauté Urbaine, de la TRU, du PRI.

Déresponsabilisation ! Déception !

Le second projet touche au suivi des réalisations, notamment en ce qui concerne les espaces publics. Nous avons évoqué plus haut avec Raymond PLATTEAU, la nécessaire politique d’accompagnement de ces équipements, pour éviter une dégradation rapide, à la fois, du site, et de son image : "Il faut s’orienter vers un type de gestion qui associe et responsabilise les habitants", disait-il.

Pour Michel COUPLET, l’exemple du square Gustave ANSART, inauguré en 1993, est devenu un cas d’école... "On a dit qu’on voulait un square fermé, avec une grille et une clé ; on ne voulait pas un terrain vague ouvert à tout le monde. La clé, c’était important pour nous permettre de gérer; par exemple, repérer rapidement les problèmes, réparer.

C’était Michel DELAHAYE,2 par convention avec la mairie, qui s’en occupait. Il modulait l’ouverture des portes: l’été, il ouvrait plus tôt et fermait plus tard. Peu à peu, ça n’a plus marché. Un jour, la mairie a décidé que le gardien du square Destombes ferait l’affaire, mais il venait fermer à 19 heures !

Qu’ont fait les gamins ? Vous pensez bien qu’ils se sont mis à passer au-dessus de la grille ! Et les dégradations ont commencé... Voyez son état aujourd’hui ! Quand on fait des équipements, il faut donner les moyens de les utiliser, et faire en sorte qu’ils durent. Un terrain de basket: oui, mais avec un animateur présent, et de l’entretien !"

Déception !

1 Association pour la Propreté des Quartiers de Roubaix 2 Michel DELAHAYE a assuré l’ouverture et la fermeture des portes des squares du quartier durant plus de deux années. En outre, il était détenteur de la clé de l’accès à la benne que les services de voirie avait installée près de la boulangerie, place Carnot. Des habitants venaient parfois chez lui, rue de la Tortue, le dimanche matin, pour lui demander de les aider à déposer leurs gravats…Michel râlait mais répondait toujours présent.

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Photographie du square Ansart peu après son ouverture. Les grilles existent, la porte s’ouvre et se ferme, les pelouses

sont propres, les arbres promettent.

Cette vision n’est plus celle d’aujourd’hui.

Le troisième projet avorté concerne les propositions économiques émises par le Comité de quartier et l’A.G.A.P.E.. Afin de mieux comprendre les besoins des habitants en matière d’emplois, un agent économique, Isabelle DESMARET, est recruté au niveau bac+5. " Bien des

idées ont été développées grâce à elle, nous y avons vu plus clair. Isabelle a rencontré individuellement tous les commerçants et artisans des quartiers. Son travail dans le secteur Pile, Moulin, Sainte Elisabeth a provoqué du dynamisme; nous avons rencontré CAMAIEU, le P.R.I, le club GAGNER, nous avons parlé de projets communs comme la création d’un restaurant d’entreprise dans la gare du Pile puis place Carnot. Cela veut dire que nous nous occupions d’économie; nous avons travaillé avec un promoteur qui réhabilitait des logements, nous avions une part sociale et nous pouvions intervenir dans le recrutement des locataires pour reloger des gens du quartier. Un des objectifs de cet agent était de créer 30 emplois en un an (15 le furent) et de promouvoir le dialogue entre les habitants et les entreprises. 1

Son contrat n’a pas été renouvelé par l’Etat mais, de son côté, sur le même profil, le P.R.I2 a recruté 4 agents pour les 4 secteurs de la ville (cette structure s’est appelée "le pas pour l’emploi"). Mais le P.R.I c’est un service, pas une dynamique ! "

Déception!

Ajoutons à cette liste le projet de régie de quartier de proximité.

L’objectif était de contrôler les dégradations qui se produisent dans le bâti, de répondre rapidement à l’appel d’un habitant, bref, d’avoir plus de prise sur les nuisances; après avoir rencontré l’Association Nationale des Régies de Quartiers, l’idée de transposer en secteur horizontal ce qui se faisait en vertical, s’est fait jour. Déjà, à l’Alma, le système des ronds rouges avait fonctionné avec efficacité3.

Plutôt que d’alerter les services centraux, la création d’une régie et d’un service de proximité, devait permettre à la fois souplesse et rapidité. Un murage détruit doit être refait dans la

1 Exemplaire N° 0 du journal réalisé durant cette période. Il en paraîtra un tous les deux mois. 2 Plan Roubaisien d’Insertion 3 Code des ronds rouges apposés aux fenêtres pour les réparations urgentes.

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journée. Une porte ouverte sur une maison vide doit être refermée aussitôt. C’est une idée sur laquelle la Ville n’a pas voulu s’engager en 1990. De toute évidence, une mairie ne tient pas à ce qu’une association gère des actions réservées aux services "municipaux", association dont elle va devoir en fin de parcours contrôler la bonne gestion!

Seule l’outithèque1, accordée à l’AGAPE et gérée par La Solidarité, existera, mais elle ne gèrera que l’outil, pas l’action. Ce n’était que la moitié de la demande. Projet avorté !

Déception !

Nous n’aurions garde d’oublier une action d’insertion en direction de personnes marginalisées du Pile, mise en place par l’A.G.A.P.E: le projet EVASION. Sortir certains habitants de leur isolement, voilà la grande idée. Un groupe d’habitants, en lien avec des agents sociaux, devient le porteur du projet, fait des propositions de voyages, organise les visites (réservations, transport, etc...), prend les inscriptions, et ouvre son comité d’organisation aux personnes "isolées"pour leur permettre de tisser des liens avec d’autres. Dans le cadre de ce véritable tourisme social, un énorme travail a été réalisé par Michel COUPLET et un groupe d’usagers, aidés par les conseillères de la Maison des Deux Quartiers. En plus de la constitution d’un épais dossier pour chaque visite2, de l’élaboration d’un QUID présenté dans l’autocar..., on assure l’encadrement de tous, et la responsabilité du bon déroulement de la sortie. Les travailleurs sociaux viendront accompagner certaines familles en difficultés avant de passer le relais aux bénévoles, avec une certaine réticence. On se souvient encore dans le quartier, de la journée organisée à Saint-Omer, et du séjour d’une semaine à Maroilles, en 1993 !

On va même jusqu’à évoquer l’achat d’une caravane qui pourrait servir de lieu de vacances au bord de la mer, et dont la gestion serait assurée par le groupe.

Les agents sociaux, se sentant exclus, ne vont pas vraiment faciliter la reconduction de l’action, une subvention sera refusée, et le projet capotera... Il apparaît clairement dans ce cas de figure, qu’un groupe d’habitants ne peut être entièrement indépendant

Déception ! Mais, au Pile, en effet, on ne manque ni d’imagination...ni d’obstination !

1 Projet de gestion d’un stock d’outillage divers dont le prêt est accompagné d’une aide technique soit à la conception soit à la réalisation. Cette action a permis à des personnes démunies de rendre plus accueillant leur logement. 2 Suivez le guide pour le voyage à Bruxelles. On y décrit les monuments à visiter avec des informations sur leur histoire.

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La politique de la ville et ses difficultésLa politique de la ville et ses difficultésLa politique de la ville et ses difficultésLa politique de la ville et ses difficultés Au cours de cet ouvrage, nous avons évoqué de nombreux aspects de la politique de la

ville, qui, d’année en année, nous l’avons dit, prend de l’ampleur. La création d’un ministère a-t-elle contribué à éclaircir le champ des ambitions

initiales ? François MITTERRAND avait annoncé qu’il se donnait cinq ans pour réussir la

politique de la ville. En décembre 1990, il crée un ministère de la Ville dont Michel DELEBARRE est le premier titulaire. Auparavant Ministre de l’Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer, il n’aura sous son autorité que la Délégation Interministérielle à la Ville (D.I.V.) et disposerade 31 directions, agences et services différents. François MITTERRAND lui dit que le nombre de ses collaborateurs passera de 120 000 à 40! Selon le sociologue Jean Marc STEBE : "Michel DELEBARRE relève le défi, et effectue un gros travail législatif. Quand il quitte ses fonctions, en 1992, les lois sont votées, l’essentiel du travail est fait. Il y a moins de grains à moudre pour son successeur Bernard TAPIE, qui a d’ailleurs une autre méthode: exalter les rêves banlieusards".

"Acteurs innombrables, coordination difficile, activité fluctuante, la politique de la ville est un domaine difficile à explorer": a écrit Jean Pierre BRIERE1. Ne s’apparente-t-elle pas quelquefois en effet à une aventure parmi des forêts de sigles impénétrables, à travers des grands projets urbains, des conventions de sortie de plans, des pactes de relance, des opérations de renouvellement, des contrats d’actions...?

Pour Pierre DUBOIS, adjoint au Maire, Maire des quartiers Sud, la politique de la ville n’est pas un long fleuve tranquille ; les principales difficultés rencontrées sont les suivantes:

• complexité des dispositifs. • effets pervers des financements croisés où l’accord se fait le plus souvent sur le

plus petit dénominateur commun, ce qui pénalise les projets. • essoufflement des habitants. Le temps des habitants n’est pas celui des élus et

des techniciens. • changements unilatéraux de règles du jeu.

Complexité des dispositifs, manque de lisibilité. André DILIGENT avait dénombré 47 politiques contractuelles qui s’appliquaient dans sa ville; Pierre DUBOIS, lors d’une interview réalisée en 2002, avait de son côté recensé 240 actions, toutes soumises à une étude de dossiers! "La politique de la ville suit des tuyauteries compliquées. On peut se désespérer en disant qu’elle consiste à remplir des fiches et encore des fiches pour la ville; en réalité, c’est autre chose, mais les contingences du quotidien, c’est souvent ça !"

Des militants de mouvements associatifs ont dénoncé ce filtre obligé, cette paperasserie de plus en plus complexe dans laquelle ils ne se retrouvent guère: leur exaspération s’est d’ailleurs manifestée dans un article: "ras-le bol des fiches! Les quartiers en ont assez! " Nous avons déjà évoqué plus haut cette inflation galopante qui transforme les chefs de projet en rédacteurs de ficheset les éloigne du terrain.

Selon notre adjoint au maire :" Tout conduit les habitants à douter d’une politiqueconsidérée pourtant comme prioritaire. A cela s’ajoute le problème des financements : le retrait d’un partenaire peut remettre en question, du jour au lendemain, la réalisation d’un projet ».

René VANDIERENDONCK, lors de l’interview qu’il nous a accordée, a reconnu, les effets d’annonce, placés en "tête de gondole", qui amènent à privilégier, au gré des modes, un projet en faveur des personnes âgées, ou un projet contre la délinquance, ou encore la mise en place d’un contrat éducatif local.

Donnons encore la parole à Pierre DUBOIS: "La politique de la ville a besoin de stabilité et de durée ; elle n’est ni une voiture balai, ni le magasin d’accessoires où l’on vient faire ses emplettes".

1 Jean Pierre BRIERE : Rapport sur la politique de la ville

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Evoquons enfin un aspect dont nous n’avons pas parlé jusqu’à présent: le champ des compétences interministérielles dans lesquelles s’inscrivent les ministres de la ville. Ceux-ci doivent avoir prise sur les événements. Or, tout est souvent conditionné par les finances. De plus, chaque ministère n’a-t-il pas tendance à vouloir conserver son monopole? De nombreux élus locaux, confrontés aux mêmes difficultés au sein d’un conseil municipal, admettent que travailler de manière transversale est compliqué; qui est prêt à abandonner une partie de son pouvoir? Qui doit prendre la décision ? La transversalité n’est-elle qu’un outil dérangeant, un poil à gratter, un pouvoir d’interpellation avant la dilution dans le grand entonnoir des projets perdus? "Cela dit, reconnaît Pierre DUBOIS, la transversalité produit des choses extraordinaires, elle permet à des gens de travailler ensemble, de se parler; ça crée des habitudes de travail, mais hélas pas toujours de l’efficacité! "

Pour Claude CHALINE: "L’adoption d’une politique de la ville, spécifique, est nécessairement interministérielle, et interfère avec plus de concurrence que de complémentarité".1

Invité par le maire de Roubaix à la cérémonie des vœux de Janvier 2002, Claude BARTOLONE, ministre délégué à la Ville, fit à cette occasion un discours résolument optimiste ; "René VANDIERENDONCK est un pilier de la politique de la Ville, il a une grande facilité à venir me réclamer des chèques, mais je sais qu’avec lui, cela ne sera pas thésaurisé. On a affaire dans cette région à des passionnés. C’est le plus Grand Projet de Ville de France. La politique de la Ville, c’est réinstaller l’envie du collectif, en partageant le même destin. Il faut rebâtir un terrain sur lequel on pourra jouer collectif. Bâtissez un Roubaix solidaire ",2 a conclu le ministre.

"Manifestement, ces deux là sont très complices" écrivit de son côté un journaliste de Nord Eclair.3 "Au-delà de l’humour, ils savent très bien que la politique de la Ville n’est pas qu’une tirelire ! "

Domaine complexe et toujours en mouvement, la politique de la Ville ne cessera jamais d’alimenter les réflexions des chercheurs et des sociologues. Mais, pour Jean Pierre BRIERE, les historiens auront eux aussi à s’y intéresser, afin de répondre à cette question:"La politique de la Ville, rendez-vous manqué ou révolution? "

1 Claude CHALINE. La politique de la ville. Que sais-je ? 2 La Voix du Nord 13 janvier 2002 3 Nord Eclair 13 janvier 2002

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Le Pile aujourd’huiLe Pile aujourd’huiLe Pile aujourd’huiLe Pile aujourd’hui " Un arbuste surgit d’un toit, des mauvaises herbes s’échappent d’une fenêtre du

premier étage, une usine désaffectée impose sa masse lugubre, mais au détour d’une rue, çà et là, une façade rénovée, un immeuble collectif récent, une courée réhabilitée, apportent une touche incongrue dans ce quartier du Pile où les friches à l’abandon, les dents creuses, côtoient de petits squares et des îlots neufs.

Paradoxes, impressions contradictoires qui assaillent les sens et ne peuvent laisser indifférent celui qui circule dans ce périmètre dense... "

Voilà ce que écrivions il y a quelque 5 ans dans le préambule du Pile à cœur I. L’image du quartier a-t-elle changé ? Ces premières impressions que le découvreur de

1998 ne pouvait s’empêcher de ressentir, ces impressions subjectives, qui, bien que fugaces, finissent par pénétrer votre inconscient, le visiteur de 2003 ou le nouveau venu dans le quartier, peuvent-ils encore les éprouver ?

Aude ELCROIX, salariée depuis une année au Comité de quartier du Pile nous a livré son tout premier regard : " J’ai vu un quartier gris, triste ; je me suis dit : je vais y travailler, certains y vivent, comment font-ils pour y rester ? "

Si, dans l’exercice de son métier de journaliste, Aude a découvert une réalité humaine attachante, elle a aussi découvert ce que de nombreux "Pilés" dénoncent aujourd’hui : un quartier dégradé et de plus en plus sale !

A l’évidence, la propreté du quartier laisse à désirer. Est-ce admissible ?

Mais que faire face aux dépôts clandestins qui existent, et dont il est bien difficile de se débarrasser, tant le problème est récurrent!1

Madame DIOT, qui habite au 20 bis de la rue d’Estaing dans un joli domino, nous a livré son témoignage : "Avant, ce n’était pas comme ça ! Regardez devant chez moi ! Ça pouvait être un beau terrain ! C’est devenu un terrain vague, un véritable dépotoir ". Madame VIERA, qui habite dans la même rue, au n° 47, surenchérit : " On y voit de tout, personne ne vient nettoyer, etça attire la vermine, les rats ! On se sent abandonné, on dirait qu’on n’existe pas, sauf pour les impôts locaux ! "

Il suffit de peu pour qu’un endroit devienne un lieu poubelle, les riverains de la rue du Pile, de la rue Desaix, l’ont constaté à leurs dépens.2

Dominique DUMONTET le déplore : " On n’a jamais eu un quartier aussi sale ! Voyez la rue Copernic et la rue Réaumur ! Elles sont dans un état épouvantable ! Je crois que la lassitude s’installe ; il n’y a plus d’intervention des pouvoirs publics, ni des riverains ! Comme on sait que la teinturerie du Pile, à côté, va être détruite, on ne fait plus rien ! On ne va pas nettoyer seul devant chez soi si les voisins

n’agissent pas ! Il y a peu de temps encore, une habitante de la rue Desaix nettoyait tous les jours 1 Photographie rue Lannes, le 22.12.2003. Comité de Quartier 2 Photographie rue Marceau le 22.12.2003. Comité de Quartier

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son trottoir, elle a fini par abandonner ! On devrait pouvoir relancer la dynamique de l’opération Pile à cœur, pour que chacun se sente responsable de la propreté de son quartier, mais comment réussir aujourd’hui à mobiliser les habitants, quand ceux-ci voient des agents de la propreté urbaine recrutés pour le faire ! "

Le Pile n’est d’ailleurs pas le seul à subir ce qui apparaît comme un phénomène roubaisien ; 135 lieux de dépôts clandestins ont été recensés à Roubaix ; si la ville vient d’obtenirune 4ème fleur au palmarès des villes fleuries, quand aura-t-elle sa 1ère étoile au firmament de la propreté urbaine ?

Il faut se rendre à l’évidence, les points noirs abondent encore au Pile ...Nous avons maintes fois évoqué ces espaces publics, dont le square Ansart est un triste exemple; devenu lui aussi lieu poubelle, ce coin de verdure dépérit, entre ruines et détritus : si on le traverse encore, on n’y joue plus depuis longtemps !

" On rencontre trop de maisons fermées" écrit Aude ELCROIX dans le Pile Infos de septembre 2003. " Qu’elles soient vides, dévastées, en passe d’être démolies, ou attendant désespérément les travaux de la S.E.M, le constat est simple ; cela traîne et ne donne aucune impression de suivi ".

Lenteur toujours des réalisations: la maison attenante au Comité de quartier du Pile, rue Desaix, rachetée par la S.E.M, doit être rénovée depuis un an, mais en attendant les travaux, le premier étage, fenêtres ouvertes, laisse pénétrer la pluie, et la végétation envahit la façade.

Au coin de la Place Carnot, l’ancienne boulangerie du Pile, fermée depuis près de 10 ans et encadrée de barricades, témoigne des méfaits du temps sur le bâti qui n’est plus entretenu : Roubaix-habitat, qui a racheté le terrain, envisage des travaux, démolition, construction de maisons individuelles, fermeture de l’angle, mais si le projet est fait depuis fort longtemps, le démarrage del’opération n’est semble-t-il pas encore programmé !

Lenteur, pourrissement de situations au fil des années, effets pervers de destructions après lesquelles aucun projet n’est prévu, et qui deviennent ces fameuses dents creuses, véritables chancres dans le paysage "pilé".

Mais comme le suggèrent certains observateurs, peut-être vaut-il mieux conserver une maison en ruine plutôt que la détruire et laisser pendant des années le terrain libéré devenir une friche génératrice de désagréments...Voilà ce à quoi le Pile est souvent confronté :"avoir le choix de ses nuisances! " Et de poser encore et encore cette question récurrente: y a-t-il jamais eu une réelle volonté d’appréhender ce quartier et de le traiter d’un bout à l’autre ?

Le site de la rue de Condé prolongée est un exemple significatif d’une politique menée en dépit du bon sens. Rue aujourd’hui complètement laissée à l’abandon, elle était autrefois un coin de paradis, appelé le bout du monde : " Maintenant ", disent les riverains, " c’est l’enfer ! "

Cas éloquents, caractéristiques d’une époque révolue, l’âge d’or des commerces, dont les cafés situés en coin de rues sans ouverture sur l’arrière montrent les difficultés de réappropriation. Mais, même en front à rue, les façades de la boucherie VANDECANDELAERE, et de la droguerie SIX, sont les témoins ô combien visibles d’une évolution inéluctable. 1

Rappelons ce que nous disait Marie-Henriette : " Quand j’ai arrêté en 1998, beaucoup de successeurs potentiels sont venus me voir, attirés par le chiffre d’affaires, mais quand ils voyaient les nombreuses maisons murées, ils repartaient,

1 Photographie de la Droguerie SIX le 22.12.2003. Comité de Quartier. La droguerie s’est effondrée en janvier 2004. Aujourd’hui elle est rasée.

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découragés. " Et ce que Monsieur et madame SIX, les larmes aux yeux, nous ont avoué en 2002 : "Au moment de notre retraite, nous n’avons pas laissé une ruine ! "

Un cas d’école: la Teinturerie du Pile.

Nous sommes en 1985. L’article de Nord-Eclair, dont nous allons inspirer, titre : "Au pile, une teinturerie performante. Fondée en 1935 par Achille BEGHIN et Henri DESCAMPS, la teinturerie du Pile fête cette année là son cinquantième anniversaire. La caractéristique essentielle de la teinturerie est de teindre uniquement sur écheveaux et bobines. Elle ne travaille qu’à façon, et son succès auprès des clients s’explique par sa grande souplesse, même pour des commandes de faible importance. Elle peut ainsi répondre dans les délais les plus courts aux fluctuations de la mode en matière de pulls et laine à tricoter. Quelques chiffres donneront une idée de l’évolution de l’entreprise durant ces dernières années. Sa production était de 1500 tonnes de matière teinte, et 5,5 millions de francs de chiffre d’affaires en 1970. Elle est passée à 2500 tonnes et 35 millions de francs en 1984. La production quotidienne est de 12,5 tonnes, soit 200 000 Km de fils. Malgré les progrès de la productivité, le personnel augmente d’année en année ; il est aujourd’hui de 167 personnes. L’été dernier, la teinturerie a fait un nouvel effort de modernisation, elle a automatisé sept machines à teindre, avec microprocesseurs et unité centrale. "On poursuivra la modernisation, précise Jacques DESCAMPS, le P.D.G. On va vers une teinturerie entièrement automatique. Nous croyons en l’avenir, parce que les responsables ont un esprit de conquête, de combat et un désir de vaincre." L’usine a senti le boulet passer tout près en 1973 : la chute du bayadère, sur lequel avait misé en partie la teinturerie, avait provoqué une chute brutale du chiffre d’affaires et obligé à 30 licenciements. Les responsables ont su donner le coup de reins nécessaire. " Sans cette volonté de vaincre, une entreprise ne peut s’en sortir", dit aujourd’hui Jacques

DESCAMPS.

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La teinturerie du Pile a fermé en 1990. Mais que s’est-il donc passé, pour que, en 5 ans, tout s’écroule ? Pour se développer et accueillir dans de bonnes conditions les nombreux camions qui manoeuvraient, l’entreprise, trop à l’étroit, avait besoin de trouver de l’espace dans le secteur.

Cette seule raison a-t-elle provoqué le déclin de l’entreprise ? Le fait est que cette "vieille dame" qui a fait vivre des familles du quartier, est devenue une nouvelle friche industrielle1.

Trois fois victime d’actes de pyromanie et de vandalisme, elle pose à l’évidence un problème aux riverains. Pendant des années, aucun projet n’a été proposé ; et le cycle infernal a recommencé : quelques habitants ont quitté leur maison, d’autres n’ont plus entretenu la leur. Ce n’est que le 28 janvier 2002 que le devenir de la Teinturerie du Pile a été posé, lors d’une réunion publique organisée par le Comité de quartier du

Pile, et que des informations ont pu être glanées, notamment la confirmation de l’achat de la Teinturerie par la Mairie, grâce à des fonds du FEDER et du G.P.V. et de sa démolition, prévue au cours de l’année 2002. Mais, selon Véronique DUCEUX, chargée de l’Aménagement dans les quartiers : " Rien n’a été décidé en aval, tout reste à faire ".

Pour le Comité de Quartier, cet espace est un enjeu : le terrain est situé au cœur du Pile, sa restructuration réorganisera en partie le quartier et préfigurera la restructuration d’autres lieux, comme la rue Jules Guesde, la place Faidherbe, la rue Dampierre, l’espace Lannes-d’Estaing. L’intérêt d’une concertation avec les habitants est de construire un projet cohérent répondant à leursattentes. Cela prend dès lors une importance vitale.

Selon Michel FALISE, la démocratie participative consiste à " mettre au maximum dans le coup de la décision publique les citoyens et leurs organisations, et se décline en quatre niveaux : informer correctement, consulter et demander l’avis à titre consultatif, concerter, c’est à dire prendre en compte les autres avis en modifiant au besoin le projet initial, et enfin co-décider. "

Mais pour lui, la tendance à l’enfermement existe : "Entre le réflexe de ceux qui veulent défendre leur intérêt particulier: ne touchez pas à mon jardin, et le comportement d’élus soucieux de conserver leur chasse gardée, ça n’est encore qu’une idée à la mode, mais ça avancera... "2

A la fin de l’année 2003, la Teinturerie du Pile est toujours debout ; et l’on ne sait pas, après sa destruction, ce qu’on va produire : seul un nettoyage et un verdissement provisoire de la zone sont proposés, ce qui correspond, selon le Comité de quartier, à la majorité des vœux exprimés par les habitants : aérer un secteur fortement peuplé, ne pas construire de nouveaux logements. Mais un plan d’aménagement clair, on l’attend encore !

Si, pour ce cas, la concertation semble avoir porté quelques fruits, il reste que ce que nous appellerons l’endémie régnant au Pile, persiste: une dizaine d’années sont nécessaires pour envisager une destruction, et ne proposer qu’une utilisation temporaire des lieux ; quatre à cinq ans sont encore indispensables pour établir un projet définitif.

Au Pile, on se hâte toujours lentement ! Mais, pouvait-on faire autrement ?

1 Photographie Comité de Quartier, décembre 2003. 2 Rencontres internationales sur la démocratie participative. Interview la Voix du Nord du 6 novembre 2003.

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Les effets pervers de la politique de la dentelle: lenteur des réalisations, manque de visibilité, lassitude, nous sont connus.

Au Pile, on n’a pas appliqué la politique du bulldozer, dont les "Pilés" pouvaient constater non loin, les résultats dévastateurs à leurs yeux. Cependant, des architectes de Grande-Synthe à qui on présentait le plan du quartier en 1986, eurent cette réflexion sans appel : " Il faut dé densifier, aérer ce quartier. Dans un premier temps, il faudrait raser ça ! " Et "ça", ils le montrèrent en posant le doigt sur le plan du quartier, à l’emplacement des îlots lanières, formés par les rues Marie Buisine, Condé, Desaix et Marceau.

Il aurait fallu...Mais on ne l’a pas fait ! Le "tout de suite" n’existe pas au Pile !

L’enjeu valait-il qu’on le fasse ? Rappelons-nous, le plan CHAVANEAU, qui préconisait un traitement doux des réalités du quartier, excluant tout bouleversement brutal du cadre bâti ! Dans ce contexte, on n’a pas pu le faire, et on n’a pas forcément voulu non plus !

Raser deux rangées de maisons pour agrandir le site de la teinturerie du Pile et faciliter la circulation des camions, cela valait-il la peine ?

Quand il s’est agi d’appliquer cette solution pour le maintien de la Redoute à Roubaix, la réponse a été "oui", car il y avait un enjeu économique de taille.

Au Pile, on a pris en compte les préoccupations des gens: c’est l’enjeu humain qui a été privilégié. La logique humaine a pris le pas sur la logique urbaine.

Un exemple: Rue d’Antoing, la maison d’une dame âgée qui avait à charge un fils malade, devait être rasée, selon un plan local de résorption, en même temps que les maisons en ruine attenantes. Devant le désarroi manifesté par cette habitante au cours d’une réunion publique, la décision de ne pas procéder à la destruction de la maison fut prise. L’îlot ne pouvant être rebâti entièrement, le plan de reconstruction ne s’est pas appliqué. Un an plus tard, les nuisances étaient devenues telles que la dame âgée fut obligée de partir; pendant plusieurs années, une palissade resta posée devant ce site, dont on ne s’occupait plus...Aujourd’hui, la palissade existe toujours.

Il aurait fallu...

Un regard politique sur le Pile aujourd’hui.

Après les réflexions de Jean Luc SIMON sur la politique menée au Pile dans le cadre du D.S.Q : "projet ambitieux qui consistait à maintenir le tissu urbain dans le tissu existant, mais projet non rentable politiquement, à contre-courant de l’urbanisme opérationnel," selon son analyse, nous attendions celles du maire de Roubaix.1

"Sur le Pile, il y avait des acteurs hors pair; mais qu’y avait-il comme procédure de la CommunautéUrbaine. Il y avait une procédure que la loi de 1970 lui avait déléguée expressément, la R.H.I; et tout le problème de l’urbanisme se limitait au fait que la Communauté Urbaine n’arrivait que contrainte et forcée dans un quartier, non pas au titre de la politique de la ville pour faire de la concertation avec les habitants, et pour établir des perspectives sur le quartier qu’on voulait demain, mais pour se défaire de telle ou telle courée et la confier à une équipe opérationnelle".

L’attitude de la Communauté, telle que le maire la décrit, montre bien que celle-ci externalisait le problème et le sous traitait. De temps en temps, elle payait l’addition, mais René VANDIERENDONCK maintient qu’il n’y avait là pas d’urbanisme. Les

1 Interview réalisée le 30.09.2003

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questions, c’étaient des questions de procédures, où la Communauté Urbaine entrait, mais de manière strictement instrumentalisée. "Quel projet de territoire, pour quoi faire, avec qui, elle ne s’est jamais posée ces questions".

Et d’ajouter que si le Pile a toujours été dans les plans depuis 1983, le tâtonnement successif des politiques n’a jamais été à l’échelle des problèmes : " les O.P.A.H ou la R.H.I, étaient des opérations pour guérir certainement des blessures urbaines, mais ici, il fallait appliquer des thérapies de choc!

Il n’est pas faux de dire que les habitants n’ont pas vu le soleil de la politique de la ville pendant longtemps. En tout cas, ils n’ont pas eu la concentration de moyens que d’autres quartiers ont eus, c’est clair !

Avant, on n’avait ni les moyens juridiques ni les moyens financiers, et au bout du compte, ça faisait une politique d’homéopathie, plutôt qu’un traitement chirurgical ! C’est seulement aujourd’hui que des outils à la hauteur des problèmes se trouvent à peu près mis en place. "

René VANDIERENDONCK termine son propos en évoquant des solutions au regard des caractéristiques du Pile.

"Au Pile, vous avez 3500 propriétaires qui sont appauvris; il faut trouver des systèmes de financements, il faut amener les conditions pour que l’investissement privé redémarre et qu’il s’inscrive dans une spirale vertueuse; mais si on veut que de l’argent privé arrive, il faut mettre del’argent public!

Il y a maintenant sur le Pile de l’espoir: il est classé en G.P.V, et on a obtenu de Jean Louis BORLOO la possibilité de présenter des dossiers sur l’habitat privé: c’est la réhabilitation requalifiante, c’est la requalification des services publics (maison de la petite enfance, extension du Centre Social, projet de travail sur la Condition Publique). "

Mais on peut s’attendre à ce que tout cela soit encore long, et le temps de l’habitant est différent de celui de l’élu.

Ce quartier ne nie pas les difficultés auxquelles il est confronté aujourd’hui, pourtant, il ne verse pas dans le misérabilisme. On y rencontre des gens qui se battent pour affirmer un message : faire face, mettre en œuvre cette résilience, qui est confiance en l’avenir, capacité à rebondir, aptitude à vivre, en dépit de l’adversité.

Ce que Michel COUPLET a exprimé autrement : " les causes difficiles sont celles à défendre".

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.Au terme d’un si long voyageAu terme d’un si long voyageAu terme d’un si long voyageAu terme d’un si long voyageAu cours de cette étude, nous avons passé plusieurs décennies à Roubaix, vécu avec le

Pile interpellé, réagi avec le Pile en mouvement, qui voulait améliorer son cadre de vie tout en conservant son âme, nous avons relaté bien des luttes urbaines, nous avons participé à l’éclosion de la politique de la ville, et rencontré de nombreux acteurs engagés. Richesse des événements, richesse des hommes...

Et c’est au terme de ce parcours, que nous avons trouvé des éléments de confirmation des positions que nous avions prises, dans les propos tenus par des chercheurs universitaires lors du colloque sur l’évolution de l’urbanisme à Roubaix qui s’est tenu en novembre dernier.1

Ils nous serviront dans l’écriture de ce bilan. "De Roubaix humilié, sacrifié sur l’autel du développement de Lille et de Villeneuve

d’Ascq", comme l’écrit Rémi LEFEBVRE dans un mémoire sur le métier de maire à Roubaix2, "au Roubaix redressé, reprenant progressivement sa place sur l’échiquier politique de la métropole", clamé par René VANDIERENDONCK lors de son discours des vœux en 1995, nous avons suivi un chemin difficile, semé de coups d’éclat, comme ceux d’André DILIGENT en 1989 et en 1992 à la préfecture de Lille. Et nous avons assisté à l’élaboration des choix politiques pour modifier l’image de la ville.

Pari gagné ? Dans ce dernier chapitre, nous prendrons le temps de réfléchir, sereinement sur le

renouveau annoncé; dans ce Roubaix apaisé, nous nous interrogerons sur ce nouvel enjeu qu’est la culture; enfin, nous considèrerons, tant ce questionnement nous apparaît essentiel dans l’évolution de Roubaix, l’influence respective des maires qui se sont succédé depuis 50 ans, et nous évoquerons avec René VANDIERENDONCK les satisfactions et les difficultés liées à la fonction de maire aujourd’hui.

Mais bien sûr, nous terminerons notre voyage dans le Pile... inachevé; car, pour ce quartier, bien des points d’ombre demeurent, bien des choix sont à opérer. Qu’adviendra-t-il notamment du site de la Condition Publique, chargé de tant d’espoirs de renouveau?

Nous réfléchirons enfin sur l’impact des militants des mouvements associatifs des années quatre-vingts, et débattrons sur le rôle aujourd’hui de ce Comité de quartier du Pile qui nous a tant accompagné au cours de notre périple.

Regards sur la villeRegards sur la villeRegards sur la villeRegards sur la ville

"Roubaix: ici, vous êtes ailleurs. Ici, nos châteaux sont ceux de l’industrie. Ici, l’enfer du Nord mène au paradis ! "

La nouvelle brochure éditée par l’Office du Tourisme de Roubaix3, en 2003, mise à fond sur la communication et la nouvelle image de la ville, loin des clichés et des a priori.

Pour Yves LACOMBLEZ, le

1 Colloque " Roubaix : 50 ans de transformations urbaines et de mutations sociales", 27 et 28 novembre 2003 2 Le métier de maire à Roubaix : étude d’un apprentissage à travers la succession d’André DILIGENT. Les Cahiers de Roubaix. 3 Photographie de l’ancienne usine teinturerie SCREPEL-MOYART, TOUSSAINT et Cie, site actuel de l’Office de tourisme. Cette teinturerie a été fondée en 1862.et a employé plus d’une centaine de personnes. Les bâtiments ont été reconstruits après la première guerre mondiale et c’est en 1930 que s’élèvera, dans le style art-déco, les salles accueillant la direction, la comptabilité et les réunions du conseil d’administration, ainsi qu’un magasin.

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président, Sophie WILHELM, la directrice : " Roubaix ne se découvre pas évidemment. Il faut creuser pour déceler sa diversité culturelle, sociale. Roubaix est à la fois ville du monde, et villedifférente. Vous allez forcément y découvrir quelque chose d’autre. De l’extérieur, on a une image stéréotypée ; nous misons sur nos différences, nous montrons que nous sommes là où on ne nous attend pas "

Pour Mickaël ECHEVIN, chargé des relations publiques, l’Office du Tourisme met l’accent sur le côté décalé de Roubaix : "Vous êtes dans une ville hors du commun, surprenante : voyez la Piscine, aujourd’hui musée d’Art et d’Industrie, l’usine Motte-Bossut, devenue Centre National des Archives du Monde du Travail, si insolite avec ses tours crénelées et son pont-levis, le musée du Jacquard, etc...Nous jouons la carte de notre différence et nous avons des atouts. Roubaix est devenu une ville touristique à part entière; 12 000 personnes par an viennent s’informer à l’accueil, nous organisons des circuits d’une journée pour des groupes, notamment de Belges et de personnes du 3ème âge. C’est vrai que depuis octobre 2001, la Piscine connaît un succès considérable (300 autocars, 280 0000 visiteurs s’y sont rendus en un an) mais elle est un moteur pour voir autre chose à Roubaix.

Je peux vous dire que l’Office du Tourisme se porte bien: nous sommes 7 à y travailler, et nous avons 4 guides conférenciers. "

Selon Jean Cécile HEADLEY, journaliste à la Voix du Nord : "Roubaix a gagné le pari de sa reconversion en destination touristique, et vient d’obtenir le prestigieux label ville d’art et d’histoire. Adieu clichés, Roubaix est dynamique, riche, surprenante, paradoxale. "1

Alors, oui, une nouvelle image de Roubaix. Les visiteurs d’un jour, qui ne connaissent Roubaix que par ces fameux a priori : ville pauvre et triste, repartent, selon Mickaël ECHEVIN, assez étonnés : "Ils ne s’attendaient pas à voir une ville chouette, sympathique, tant ils en avaient une image négative ! "

D’autres visiteurs, qui ont quitté Roubaix il y a quelque 20 ans, et qui y reviennent, constatent, comme l’a souligné Michel DAVID lors de sa présentation du colloque

sur les transformations urbaines et les mutations sociales, qu’ils ont vu les métamorphoses de cette ville avec une certaine émotion.2

Pour Didier PARIS, un des nombreux intervenants: "Roubaix attire l’attention, tant au sein de la métropole que vue de l’extérieur par l’ampleur des changements qui se sont opérés ".

Michel CONSTANS citait en 1999 cette gageure qu’était l’ouverture de la "Grande brasserie de l’Impératrice Eugénie", place de la Liberté : "On disait qu’un tel restaurant à Roubaix, ça ne marcherait jamais ! Eh bien, c’est un succès ! "

Evelyne LELIEUR et son mari, Vincent, cherchaient à s’installer à Roubaix. Quand cette opportunité s’est présentée, ils ont foncé. "Beaucoup de restaurateurs lillois hésitent à se lancer dans l’aventure roubaisienne. Ici, nous avons rencontré des gens qui ont souffert des crises qui ont marqué la cité. Maintenant, tout semble en place pour un nouveau départ ; ceux qui auront hésité trop longtemps s’en mordent les doigts. Je crois que Roubaix est la commune de la métropole qui offre le plus de potentiel. "3

1 La Voix du Nord : septembre 2003 2 Photographies des façades rénovées de la Grand ‘Place. 25.01.2004 3 Supplément à la Voix du Nord. 2003

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Et quand les investisseurs en viennent à s’intéresser à l’immobilier roubaisien, quand le Nouvel Observateur publie un article sur l’intérêt de ce patrimoine, qui incite des ménages de la métropole lilloise à venir y élire domicile, le pari n’est-il pas en passe d’être gagné ?1

Il ne s’agit pas de la première intervention d’un magazine à audience nationale sur la vie roubaisienne. Mais les précédentes n’avaient pas le même ton. Rappelons-nous les articles de 1969 sur la situation des courées dans la ville. Et si on fait le rapprochement avec l’article du magazine allemand "Der Spiegel" sur la montée de l’extrême droite en 1984, on peut constater que cette fois-ci, on parle de Roubaix de manière positive.

"Auparavant, lit-on dans cette revue d’audience nationale, les gens ne voulaient pas entendre parler de Roubaix en raison de la mauvaise image de la ville. Or, le patrimoine immobilier de Roubaix est très intéressant. On y trouve, entre autres constructions, de belles maisons de caractère des XIXème et début du XXème siècles. Aujourd’hui, aux environs du parc Barbieux, les prix avoisinent ceux de Lille."

L’hebdomadaire, éclectique comme il se doit, cite d’autres exemples : "Dans le secteur du Nouveau Roubaix, les petites maisons bourgeoises de 150 m2 avec

50 m2 de jardin sont très recherchées. A proximité du quartier de l’Epeule, près de la place du Trichon, le choix des jeunes ménages lillois se porte de plus en plus sur ces petites maisons de 90 m2 habitables avec cour, cotées 68 000 euros, dont le ravalement de façade peut bénéficier de subventions municipales. "

Le programme: "Les Muséales" (55 appartements neufs en face de la piscine-musée) a bien évidemment retenu l’attention des journalistes nationaux, comme celle de nombreux Roubaisiens, sensibles au fait que l’on peut construire aujourd’hui du haut de gamme à Roubaix.2

Mais dans le registre de l’originalité, la palme revient aux initiateurs de lofts dans une ancienne usine textile. Citons encore le Nouvel Observateur : "Au mois de mars 2003,

Odile et son mari Tony se portent acquéreurs d’un plateau à aménager dans l’ancienne usine textile du Sartel, idéalement située à deux pas du centre-ville et du métro. Pour 77 800 euros à peine, ils s’offrent 140 m2 de surface au sol et 115 m2 de terrasse...où tout reste à faire ! Soit, pour rendre les lieux habitables, 41 000 euros de travaux. Peu importe quand on a l’esprit loft. Et de citer l’heureux propriétaire :" Dès avril, nous quittions notre appartement de Marcq-en-Baroeul pour camper dans notre loft."

En ce qui concerne le centre-ville, beaucoup s’accordent à lui trouver une bonne image, digne de la deuxième ville du département. Michel DAVID, songeant probablement aux critiques faites sur le "tout pour le centre", s’est exprimé sur l’opposition entre le centre et les quartiers au sein de la ville : pour lui, ce débat est obsolète : "La contradiction est que le centre était dans un état sinistré identique à celui des quartiers ; le déséquilibre ne peut se percevoir qu’à l’échelle dela ville ; comment changer la situation des quartiers dans une ville où il n’y avait pas de centre. Onn’a pas renouvelé le centre, on a construit un centre-ville".

Un des thèmes du colloque portait sur le passage d’une politique forte de secours et d’assistance, à une politique dite de ville renouvelée, une ville en train de se faire, qui a obtenu des résultats et qui a encore des défis à relever. Quels sont les argumentaires qui ont justifié cette approche?

Nouvelle philosophie, nouvelles orientations ?

1 Nouvel Observateur N° 2025 2 Photographie des "Muséales". 25.01.2004

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Le regard de René VandierendonckLe regard de René VandierendonckLe regard de René VandierendonckLe regard de René Vandierendonck1111

"Ville renouvelée! C’est moi qui ai inventé la formule. Elle s’est faite par rapport à l’imaginaire qu’on a tous de la ville nouvelle. Je me souviens d’Edgar PISANI qui passait en hélico au-dessus des champs de betteraves d’Annappes : c’est là qu’on a construit la ville nouvelle! Moi, j’ai repris cet imaginaire: ville nouvelle, mais le "RE" voulait dire qu’il ne s’agissait pas ici de mettre en place une"tondeuse autotractée", mais une logique de reconquête urbaine qui devait mobiliser un très important concours financier extérieur pour pouvoir réussir.

Faire des opérations sur des friches industrielles (acquérir, dépolluer, construire, créer des parkings) c’est le symétrique de la ville nouvelle au sens où ça ne peut marcher que si un investissement public est d’abord puissamment injecté, pour casser le ghetto et les éléments répulsifs à l’investissement privé. Le but, c’est que l’investissement privé revienne. Il faut stopperles mécanismes qui empêchent la ville de se transformer ".

Pour le maire, c’est un travail de longue haleine : " Le débat, c’est Roubaix, il faut raisonner à la bonne échelle. Ville renouvelée: c’est croire au renouvellement urbain, c’est reconquérir progressivement, mais ce n’est pas gagné d’avance, comme pour le centre".

René VANDIERENDONCK livre alors quelques réflexions sur ce fameux projet à deux locomotives : "Vous savez, on n’a pas déliré: 30 000m2 de commerces avaient disparu, il fallait les retrouver. Le seul positionnement positif que Roubaix avait à l’époque, c’était l’Usine ! Alors, l’idée a été de retrouver un concept de rue et de s’appuyer sur un pôle de magasins d’usines. Il y a eu un plaidoyer pour une conviction : c’est que le commerce en ville a une quasi fonction de service public; il n’a pas seulement une fonction économique, il permet qu’une ville garde une image, que les gens échangent, se rencontrent ".

Le regard des acteurs…Le regard des acteurs…Le regard des acteurs…Le regard des acteurs…

Un an de Géant à l’Espace Grand Rue. Joël MOUQUET, patron du Géant Casino, savait où il allait et s’était fixé trois rendez-

vous bilan: à six mois, à un an, à trois ans. Trois mots, selon lui, caractérisent l’année écoulée: interrogation, euphorie et réalisme. Nous allons reproduire l’essentiel de ses propos, avec l’aimable autorisation d’Hubert

LEDOUX.2

"Quand nous préparions l’ouverture, c’était la grande interrogation ; ce que nous proposions était nouveau avec, comme concept, l’implantation d’un hyper en centre-ville. Cela faisait beaucoup d’incertitudes. L’euphorie, c’est l’ouverture. Ce projet était l’aboutissement d’unecréation, avec l’embauche de Roubaisiens3, le plan de formation, le sentiment de répondre à un besoin économique et de participer à notre niveau au renouvellement de la cité. Mais la réalité économique s’impose immédiatement: le plan de sauvegarde a permis de réduire la voilure afin de pérenniser l’outil. S’il y a eu effectivement 86 suppressions d’emplois, on compte 19 licenciements et tout indique que d’ici fin février, nous aurons reclassé tous ceux qui se présentent à la cellule de reconversion".

1 Entretiens avec le Maire les 30 septembre et 10 décembre 2003. 2 La Voix du Nord : octobre 2003 3 Sur les 600 emplois, on prévoyait l’embauche de 250 roubaisiens.

Photographie de l’espace Mac Arthur Glenn : dimanche 25 janvier 2004

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Les enseignements à tirer, selon Joël MOUQUET, sont les suivants : "Pour un Roubaisien sur deux, Géant n’est pas le magasin principal; nous devons convaincre, quartier par quartier qu’il y a chez nous qualité et service. Car toutes les remontées des gens qui nous fréquentent sont positives. Nous nous heurtons au poids des habitudes qui dirigent la clientèle potentielle vers la périphérie. Le nombre de passages en caisse est élevé, mais il s’agit à chaque fois d’un petit panier, car 50% de notre clientèle est piétonne".

Le patron de Géant, continuant son analyse, évoque le phénomène de la fréquentation promenade : " Excellente pour l’Usine ou Mac Arthur Glenn, mais pas pour l’alimentaire. A nous de transformer cela en actes d’achats".

Pour Joël MOUQUET, Géant Casino a de l’avenir : "L’hyper est bien placé dans l’espace Grand Rue, c’est un élément moteur de l’ensemble, et nous développons un bon partenariat avec la galerie. Il reste ce que nous appelons les freins psychologiques ".

Selon Marc BARES, le patron de l’Espace Grand Rue : "La première année de fonctionnement du centre commercial du centre-ville permet d’être optimiste. La clientèle est jeune. Un constat : les "quadras", qui ont un pouvoir d’achat plus important, sont sous représentés. On ne vient pas assez en famille, il faut que nous parvenions à augmenter la fréquentation du week-end, et pour cela, nous comptons sur l’ouverture du cinéma1 qui contribuera à faire redécouvrir la ville le soir. Le pari est de récréer autour de l’Espace Grand Rue, une véritable économie de centre-ville".

Pour de nombreux observateurs, Roubaix est entré dans la modernité. Selon Rémi LEFEBVRE : "René VANDIERENDONCK est très impliqué dans la constitution d’une image forte de la ville autour de sa fonction internationale et technologique. Il s’agit pour lui de requalifier une image très stigmatisante de Roubaix en diffusant des représentations valorisantes".

Et l’"Eurotéléport"2 devait être le symbole de cette nouvelle image : "Il regroupe sur 16 hectares un ensemble d’activités de haute technologie centrées autour de la communication. Il comprend à la fois une des quatre Zones de Télécommunication Avancée du pays, un centre international de la communication, vitrine technologique, tête de réseau grâce à ses paraboles et son réseau câblé, et une zone d’entreprises. Roubaix s’aligne en définitive sur le modèle technopoliste des Eurocités."

1 Photographie du Duplexe, cinéma du centre ville, ouvert le 17.01.2004 2 Entrée de l’ancienne usine Motte-Bossut, aujourd’hui Eurotéléport. Au fond, les archives du monde du travail.

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Remi LEFEBVRE a appréhendé Roubaix avec un triple regard de politiste, d’historien et de sociologue; laissons-nous porter par ses réflexions : "La richesse pour moi de cette cité est qu’elle traite du décloisonnement des disciplines, car, dans cette ville, plus que dans d’autres, les réalités sociales et économiques sont fort impliquées ; aucune analyse de Roubaix ne peut faire l’impasse sur l’histoire de la ville, tant le présent de cette ville est façonné par l’histoire, à travers ses murs, ses usines, ses musées."

La culture à Roubaix: nouvel enjeuLa culture à Roubaix: nouvel enjeuLa culture à Roubaix: nouvel enjeuLa culture à Roubaix: nouvel enjeu ???? Les regards que nous

portons sur Roubaix nous amènent à évoquer à nouveau ces paysages industriels, créés à l’époque où l’usine a pris possession de la ville, comme le souligne notre premier chapitre. Roubaix ne peut miser sur ses monuments historiques, mais Roubaix a des vestiges industriels et des sites qu’elle s’est réappropriés pour en faire des lieux commerciaux ou culturels. La ville a réinvesti une grande partie de ce patrimoine qui a marqué notre vie.

Le projet de la Condition Publique participe de cette politique d’utilisation de friches à des fins culturelles. A notre sens, s’il s’agit d’un enjeu capital pour le Pile, et nous en reparlerons, l’enjeu pour Roubaix est tout aussi important. Le site deviendra-t-il un quartier d’artistes ? Les bâtiments ont déjà accueilli la " Braderie de l’Art" (rappelons que celle de 2003, la 13ème édition, a rassemblé plus d’une centaine d’artistes venus du monde entier), et sont toujours le siège des "Transculturelles " qui animent la ville durant trois semaines, de novembre à décembre, chaque année.

Ne peut-on rêver à un Montmartre à Roubaix ? La place Faidherbe peut-elle être notre place du Tertre ?

On a aussi besoin d’un tel regard.

En tout cas, si l’on en juge par le dernier thème abordé lors du colloque: "Après l’économique et l’urbain, la culture devient-elle un enjeu central de la ville ? ", on peut se demander si elle n’apparaît pas comme une nouvelle panacée, chargée de régler ce que la politique de la ville n’a pas résolu. La culture comme lien social ?

Pour René VANDIERENDONCK: "L’engouement pour la culture ne doit pas surcharger l’importance qu’elle a dans le renouveau d’une ville; cela dit, il est indéniable qu’elle joue sur l’image de la ville, donc sur la volonté d’y investir, d’y habiter, comme elle joue égalementsur la cohésion sociale.

Le témoignage roubaisien est qu’on peut réussir des lieux culturels, des pratiques culturelles de qualité dans tous les quartiers, et pas seulement dans les opéras, mais il ne faut pas attendre de la culture plus que ce qu’elle peut donner ; elle peut contribuer à susciter des logiquesd’investissement privé: je pense aux gens des classes moyennes qui ne peuvent pas acheter à Lille, et qui sont contents de trouver du beau et du moins cher dans une ville qui donne envie; une ville qui a le projet d’essayer de faire vivre ensemble des gens quelle que soit leur origine. En ce sens, oui, elle est riche en elle-même de renouveau ".1

1 Entretien du 10 décembre 2003.

Photographie de l’ancienne usine textile, entre la rue du Coq Français et la rue des filatures ; réhabilitée, elle accueille les étudiants de l’I.U.P Infocom.

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Figures de maires Figures de maires Figures de maires Figures de maires Tableau en 4 actesTableau en 4 actesTableau en 4 actesTableau en 4 actes

Quatre maires se sont succédé depuis la Libération : nous avons évoqué ces 50 ans de mandature mayorale à travers des figures d’hommes qui appartiennent à l’Histoire de Roubaix. La problématique que nous posions en préambule à notre ouvrage : "chacun n’a-t-il pas contribué, au-delà des jugements partisans, voire des rumeurs, et selon le contexte dans lequel il a évolué (et évolue encore pour le dernier), à apporter sa pierre à l’édifice? ", s’est trouvée confortée au fur et à mesure que nous avancions dans nos recherches. C’est pourquoi nous allons replacer ces hommes sur le devant de la scène, comprendre leur façon d’être et de faire, et confirmer nos analyses.

Rendons à César...

. Victor PROVO est un homme du terroir. Maire proche de ses administrés, tout en

rondeur aimable, il se préoccupe des problèmes de sa ville, et poursuit une œuvre sociale impressionnante. Sous son autorité, on construit des salles de sports, des crèches. La cité dispose d’une école de Plein Air, d’un Centre Aéré qui accueille gratuitement pendant les vacances d’été 4 à 5000 enfants.

Maire bâtisseur, il donne un nouveau visage à Roubaix; on assiste à la rénovation d’une partie importante de la ville: des quartiers sont rasés et reconstruits, d’autres s’urbanisent.

Victor PROVO, c’est la figure du paritarisme à la mode roubaisienne; c’est l’apport du C.I.L, créé en 1943, c’est la gestion paritaire avec sa représentation ouvrière et patronale; c’est 4000 logements construits de 1948 à 1962.

Victor PROVO, c’est le paternalisme social, protecteur: on assiste à la mise en place d’un consensus, nouvelle configuration des rapports sociaux. Nous avons évoqué cette époque d’avant guerre où Roubaix, en ébullition permanente, était agité par de grandes grèves, notamment celle de 1931. .

Carrière longue et bien remplie… Maire bâtisseur et pacificateur, Victor Provo a profondément marqué Roubaix de son

empreinte. Et déjà, ce maire apparaît comme le garant d’un consensus local et tient une grande

place dans le destin de la ville. Pour Rémi LEFEBVRE, résumant cette période : "Roubaix n’est plus la ville des querelles, mais de la réconciliation et du travail".1

C’est un homme jeune, Pierre PROUVOST, qui va succéder à Victor PROVO.

1 Colloque roubaisien des 28 et 29 novembre 2003.

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Le nouveau maire, qui s’inscrit dans le courant animé par Hubert DUBEDOUT, a perçu les évolutions de la société et veut être de son temps. Il ambitionne d’emmener Roubaix dans la modernité et d’avoir un destin national. Homme de conviction, il veut faire bouger les choses: " Il a secoué le cocotier", nous ont dit certains acteurs de l’époque.

Et il applique des méthodes modernes; il s’est d’ailleurs constitué une équipe à sa mesure (on parlerait aujourd’hui de staff), s’entoure de gens compétents, se rend avec les élus dans les quartiers pour y rencontrer les habitants, les écouter et prendre des notes; c’est tout le conseilmunicipal qui descend dans la rue.

Il promeut la concertation par le biais des comités de quartiers, met en place le Centre d’Informations Municipales et des Commissions extra-municipales, crée l’I.RE.P…

S’inscrivant cependant dans la continuité de l’œuvre de Victor PROVO, il achète le Château du Nouvion pour y accueillir des colonies et des classes vertes de Roubaix, il poursuit la construction de salles de sport et la rénovation de la ville; en 1980, on inaugure le 26ème équipement sportif de la cité. Notons que, la même année, Roubaix obtient le 1er prix au palmarès des villes fleuries ! Il nous paraît également important de signaler un événement émanant de l’ère PROUVOST: en 1978 a eu lieu le 1er festival de l’amitié.

Et il fait des choix; il mène à terme l’opération Alma-Gare, Alma-Centre, impulse la création du Versant Nord-Est. Confronté au déclin du textile et au nombre croissant des friches industrielles, il prend des initiatives pour leur traitement ; l’aménagement de l’Avenue des Nations-Unies est entrepris sous sa mandature. Pierre PROUVOST montre bien sa volonté d’agir pour sortir Roubaix de l’ornière.

Mais la façon d’être et de faire du maire crée rapidement des tensions; il impose son autorité dans les services municipaux, ce qui ira jusqu’à provoquer des mouvements de grèves.

Ecueil du caractère, mais aussi, selon nous, écueil, ressenti à Roubaix, de la politisation de la société française: l’Union de la Gauche s’ancre dans le paysage politique. Pierre PROUVOST adhère aux idées du programme commun, il se trouve à l’aise dans le P.S. nouveau. L’équipe que Pierre PROUVOST a constituée ne comprend plus les anciens élus centristes, notamment André DILIGENT, Michel BAUDRY, et s’ouvre aux représentants du P.C. et du P.S.U.

A Roubaix disparaît la culture "centriste", caractéristique de l’ère PROVO; à Roubaix disparaît ce consensus local, véritable ciment politique d’une ville complexe, qui cherche son identité, une ville dans laquelle les habitants veulent peut-être se reconnaître dans leur maire.

Et Pierre PROUVOST ne sera pas réélu en 1983.

Pour les uns, il est apparu comme un" idéologue ayant cassé le lien du consensus", pour d’autres, comme un homme politique n’ayant pas le charisme voulu, cette fibre roubaisienne qui fait les maires reconnus. Pour Rémi LEFEBVRE: "Pierre PROUVOST est un peu une figure repoussoir de l’histoire politique roubaisienne". Cette période lui apparaît d’ailleurs comme une parenthèse que la victoire d’André DILIGENT va refermer.

Et pourtant...

Echec ?

Le paradoxe est que, selon nous, Pierre PROUVOST a impulsé des mouvements essentiels dans la ville, en la propulsant dans la modernité et en faisant des choix ; nous avons déjàavancé avec Pierre DUBOIS, que si André DILIGENT a pu réussir des choses à Roubaix, c’est pour une bonne part, parce que son prédécesseur avait eu la volonté de les démarrer.

Nous voudrions insister sur le fait que c’est Bernard CARTON, son adjoint à l’Urbanisme, qui est allé avec d’autres à Paris, défendre les dossiers préconisant le développement social de 5 quartiers à Roubaix. Le maire savait déléguer. C’est l’époque où de nombreux ministres viennent voir la ville, et où l’on prend conscience qu’il ne faut pas seulement intervenir dans les Z.U.P périphériques, mais aussi dans les centres anciens dégradés et les secteurs horizontaux.

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Rendons encore à César...

Pierre PROUVOST, qui avait compris, avant beaucoup d’hommes politiques, l’impact économique majeur que représentait la Redoute, n’a pas hésité sur les décisions à prendre pour conserver cette firme dans le giron roubaisien.

Homme incompris ? Homme dont le bilan a été refoulé dans l’histoire de la cité ? A-t-on ignoré un bon maire ?

. 6 mars 1983 : le jour où la ville a basculé ! Il suffit d’un tour de scrutin à André DILIGENT pour ravir Roubaix aux socialistes. La

Gauche, invaincue depuis le début du XXème siècle, a perdu son fief. Le nouveau maire est un élu roubaisien depuis 1947; député en 1958, sénateur en 1965,

il mène, au début des années 70, des combats dans le domaine de l’audiovisuel qui lui valent une notoriété nationale. "Un homme qui fait de la politique avec son cœur en se servant de sa tête" : disait Simone VEIL1. Les Roubaisiens le connaissent et l’estiment.

André DILIGENT est un personnage qui passe bien; les Roubaisiens retrouvent en lui, la bonhomie de Victor PROVO, cette proximité avec le territoire, qui rassure. " J’allais jusque 11 heures le soir discuter avec les gosses, ou me promener seul les mains dans les poches, et parler avec les gens à droite et à gauche"2... Le nouveau maire n’hésite pas à se déplacer sur le terrain au moindre incident, le jour ou la nuit. Il se sent investi d’une mission permanente, son engagement politique est pour lui un sacerdoce :" Je suis entré à Roubaix comme on entre en religion. Je ne pense qu’à elle. Je vis, je dors, je mange avec elle".3

Il est proche de ses administrés, et il sait travailler avec des gens de sensibilité différente. Il propose même 2 postes d’adjoint au P.S, qui refuse, et nomme, en 1984, Bernard CARTON comme membre de la commission nationale D.S.Q. En 1989, il ouvre son conseil municipal à des personnalités de la société civile. Rappelons d’ailleurs ce qu’il nous disait lors d’une interview: "Moi, je crois plus aux hommes qu’aux systèmes. Victor PROVO, je l’aimais bien, j’étais plus à gauche que lui!" Il aimait rappeler avec un malin plaisir que Pierre MAUROY lui avait suggéré de rejoindre le P.S en 1971 !

Maire apolitique, se jouant des appels du pied que lui lançaient des hommes de gauche, assurément !

En tout cas, maire atypique !

1 La Voix du Nord du 5 février 2002 2 Cité par Rémi LEFEBVRE dans le métier de Maire. Les cahiers de Roubaix page 17 3 Nord Eclair du 5 février 2002

En avril 1998, Pierre PROUVOST est fait officier de la légion d’honneur. Emile DUHAMEL est fait chevalier dans la même promotion. Si pour celui-ci, c’est Georges SEGUY qui va le décorer, au cours d’une manifestation en mairie de Roubaix à laquelle assistent près de 200 personnes, c’est sous les dorures de l’hôtel de Lassay, résidence du Président de l’Assemblée Nationale que Laurent FABIUS décorera Pierre PROUVOST qui vient d’être élu président du groupe des anciens députés. Aucun Roubaisien n’assistera à cette cérémonie. Photographie : Nord Eclair avril 1998

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Avec André DILIGENT, on assiste bien à Roubaix au retour de ce consensus disparu sous la mandature de Pierre PROUVOST. Citons Rémi LEFEBVRE : "Le maire va reprendre à son compte la tradition de la 3ème force, cette alliance nouée après 1945 entre les démocrates chrétiens et les socialistes, qui, à Roubaix, est le substrat de la vie politique locale. André DILIGENT va chercher rapidement à dépolitiser ; le "diligentisme" a consisté en un art consommé du consensus ! " 1

Ses combats pour la reconnaissance de la ville. Combat pour redonner de grands équipements à Roubaix, pour obtenir des ressources,

des crédits, des investissements. Et se font l’Usine, les archives du Monde du Travail, l’école de police; nombre de projets concernant la petite enfance, les écoles, les collèges et lycées, les transports, l’urbanisme se concrétisent; trois mairies annexes s’ouvrent; Roubaix devient ville universitaire.

Lors d’une interview, André DILIGENT nous a livré, avec une satisfaction non dissimulée, ces commentaires de politologues observateurs du microcosme roubaisien :" En 1986, on disait : jamais une ville n’a eu autant de mérite à lutter. En 1990, on parlait de miracle roubaisien ! "

Combat pour que la Communauté Urbaine, plus attachée au développement de Lille et de Villeneuve d’Ascq qu’à celui du Versant Nord-est de la Métropole, soit bipolaire (deux têtes : Lille et Roubaix-Tourcoing).2

Combat pour que Roubaix ne devienne pas un quartier du Grand Lille. Comment accepter, a-t-on pu lire dans la presse, que, lorsque la Communauté accordait 22 000 francs à Lille et à la ville nouvelle, Roubaix ne percevait que 1 800 francs ! André DILIGENT va mener une résistance farouche, émaillée de coups médiatiques, comme l’occupation en 1989, d’un salon de la Préfecture afin de réclamer une meilleure répartition des crédits. "Préparé à une action de longue date, il emmène un pyjama entre deux dossiers... dans son attaché-case! Ce soir-là, André DILIGENT - Don Quichotte sort de la préfecture entre deux C.R.S ! "3

Combat pour l’intégration des familles d’origine étrangère; et Roubaix est devenue une ville symbole en France. Il évoquait parfois son patchwork roubaisien : "J’ai l’impression que le monde entier vit ici ; dans chaque pays où je me rends, on connaît cette ville qui a accueilli un frère, un parent, un ami".

On lui attribue le renouveau de la ville. Il reste bien des analyses à approfondir sur ce point ; comme nous le soulignions, André DILIGENT a récolté les fruits de nombreux dossiers impulsés par son prédécesseur, et il est tout aussi clair que beaucoup de projets qui ont vu le jour dernièrement, trouvent leurs racines au cœur des années DILIGENT. Citons un jugement que lui-même portait sur son action : " En 1994, le train était bien sur les rails; tout n’était pas fait, mais c’était parti ! Nous avions préparé les conditions actuelles du renouveau de Roubaix".

On lui attribue également le maintien de la cohésion sociale; citons le sociologue Philippe BATAILLE : "Tenant la barre tant bien que mal, le grand timonier a fait en sorte qu’elle ne parte pas dans tous les sens ".4

1 Rémi LEFEBVRE : intervention au colloque des 28 et 29 novembre 2003 2 Photographie Nord Eclair janvier1985 3 La Voix du Nord du 5 février 2002 4 Cité par Rémi LEFEBVRE dans le métier de maire : les cahiers de Roubaix page 11

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Devenu figure emblématique, véritable statue du Commandeur, artisan de la fierté retrouvée des Roubaisiens, André DILIGENT a accompli sa mission.

"Le temps est venu de prolonger la trace du sillon, et d’accrocher la charrue à l’étoile.... "1

Succession difficile que celle d’André DILIGENT... Si le "vieux lion", qui démissionne

en mai 1994, a préparé sa sortie et désigné son dauphin, le nouveau maire, adoubé par le Conseil Municipal, n’a guère la tâche facile.

René VANDIERENDONCK, imposé comme chef de cabinet, puis comme 1er adjoint en 1989, a donné des preuves de sa compétence, mais, homme de dossiers, il doit se faire connaître des Roubaisiens. Homme de l’ombre, il doit se transformer en homme public ! Beaucoup écorchent son nom, et l’on mettra longtemps à l’orthographier correctement !

Le maire va s’employer à se forger une image, un style, qui feront de lui quelqu’un d’identifiable par la population; et dès le début de son mandat, on le voit très souvent sur le terrain,

serrant des mains, fumant la pipe, plaisantant; René VANDIERENDONCK a la rondeur rassurante, l’humour facile, et le sens des formules qui frappent. On est loin de l’image de froideur que donnait Pierre PROUVOST.

Et peu à peu, il va s’imposer, asseoir sa légitimité, et assumer des choix importants; on va accepter ce maire qui n’avait aucun passé politique, aucun mandat national, mais qui s’inscrit dans le consensus restauré par son prédécesseur, et dans la construction de l’identité locale, qui, ne se faisant plus en opposition à Lille, aura un caractère apaisé, dans une échelle métropolitaine.

Les difficultés de la gouvernance pour René VANDIERENDONCK.

"Quand on est maire, on est au-delà des clivages, on rassemble des gens d’horizons différents ; et on les rassemble sur quoi ? Sur des projets, à condition qu’ils aient été associés etpartie prenante. Quand j’ai été élu, j’ai travaillé sur des dossiers, et je me suis trouvé sur le chemin de Pierre MAUROY et Michel DELEBARRE, d’autres hommes qui étaient des hommes de projets. Pour porter un projet pour sa ville, il ne faut pas être hémiplégique, ne voir que d’un seul côté. Ilfaut savoir reconnaître ceux qui ont apporté les moyens. Vous savez, le métier de base d’un maire, c’est de rassembler".

René VANDIERENDONCK évoque alors un article du Nouvel Observateur, dans lequel Pierre MAUROY, recourant à la géométrie, pose subtilement les préceptes de la fonction : "Un ministre est au sommet d’une pyramide. Un maire, lui, doit être au centre d’un cercle".2

"Mais je ne me définis pas par rapport à la notion de consensus; je n’aime pas ce terme, qui est ambigu et renvoie idéologiquement à une cohabitation Gauche- Droite, type 3ème

force; je dis que politiquement, il faut être situé; j’ai cherché à ne pas être dans un magma consensuel. Un maire ne doit pas faire un consensus mou".3

Pour René VANDIERENDONCK, la crédibilité du maire par rapport aux habitants se trouve dans la proximité. Et pourtant, écartelé entre les différentes échelles territoriales, à la

1 Cette ligne est la dernière de son livre : "La charrue et l’étoile" : éditions COPRUR 2 Nouvel Observateur N° 2228 3 Entretien du 10 décembre 2003

Photographie :le soir des élections : Nord Eclair 1995

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recherche des moyens pour sa ville, le maire peut-il être proche de ses administrés ? Comment peut-il encore exercer le rôle de garde-champêtre, être là, pour prendre les décisions quotidiennes qu’appelle la vie collective de tout groupe humain ?

"C’est difficile, ça relève de la quadrature du cercle. Beaucoup de choses faites par le maire (obtenir des subventions par exemple), ne sont pas perçues par les habitants. Ce qu’ils jugent, c’est votre capacité à être présent dans les problèmes qu’ils rencontrent, à répondre à des courriers; savez-vous qu’il y a plus de mille lettres qui arrivent en mairie par jour ! De toute façon, quand je vais à une réunion, je sais que je vais me faire engueuler !".

Ce qui arriva pendant sa rencontre avec les habitants de l’Alma1, ce quartier dans lequel il faut bien vivre dans l’attente des travaux de requalification.

Le maire a d’abord présenté les différents objectifs du projet aux habitants inquiets. Puis après avoir expliqué qu’une vaste opération comme celle de l’Alma ne se fait pas en un jour, qu’il faut préalablement réfléchir à la faisabilité et trouver les financements (35 millions d’euros, dont 85% de subventions !), il a conclu avec un humour désarmant : "Je suis conscient que tout ça va procurer des nuisances...trois ans, c’est long, mais c’est le temps d’un dossier. Si vous trouvez plusvite, je suis prêt à vous rembourser la différence! "

Au cours des entretiens qu’il nous accordés, René VANDIERENDONCK est revenu plusieurs fois sur les problèmes de temps et de crédibilité, qui, à l’évidence, le tourmentent.

" Les gens attendent que les services publics au quotidien, soient plus réactifs. On est dans un monde où il ne faut pas avoir peur de l’intercommunalité, mais il faut veiller à ce qu’elle ait une légitimité et faire que les compétences s’exercent au contact de la population: c’est la subsidiarité, tout ce qui peut être fait au plus près des gens, doit rester au plus près. Vous savez, vous n’êtes crédible sur la politique de la ville que si vous améliorez vos réponses de proximité : c’est la preuve. Il n’y a pas de déclaration d’amour, il n’y a que des preuves d’amour".

Et puis, le temps de l’habitant n’est pas le même que celui de l’élu. "J’ai beaucoup de regrets, ils tournent tous autour de l’échelle temps, c’est à dire ce décalage entre l’urgence et le processus de décision; la pression du temps, c’est ma hantise permanente".

René VANDIERENDONCK exprime également son souci de l’écoute et de la transparence, et ses préoccupations quant au rôle des comités de quartier et à la participation des habitants.

Le maire reconnaît volontiers que sa position sur les comités de quartier s’est modifiée: "J’avais d’abord dit qu’ils étaient un mal nécessaire; aujourd’hui, je dis qu’ils sont un bien souhaitable. Bien sûr qu’ils ont une fonction grain de sable, mais je m’aperçois que c’est précieux dans une ville, ça fait avancer, et ça empêche de faire des bêtises ! "

Pour le maire, il y a une histoire des comités de quartier, qu’il faut respecter ; il a d’ailleurs empêché, nous a-t-il dit, que les conseils de quartier soient un cadre venant contester leur légitimité: " Les habitants parlent par les comités de quartier; quand on veut y ajouter des acteurs, économiques, commerciaux, on fait un conseil de quartier: c’est une autre histoire".

René VANDIERENDONCK évoque peu son bilan; selon un intervenant au colloque, le maire ne fait point d’autosatisfaction, alors même qu’on lui fait crédit d’avoir changé la ville ; il préfère de toute évidence mettre

1 Réunion qui s’est tenue le 11 décembre 2003

Bulletin d’informations municipales: septembre 1994

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en avant ses projets pour Roubaix et évoquer une aventure collective qui donne du sens à sa vie.1

C’est aussi le message qu’il nous a délivré lors de notre dernier entretien en décembre 2003.

"Vous savez, tous les problèmes de la société française qui valent le coup, qui ont du sens, sont dans cette ville. Oui, on dit que l’image de Roubaix a changé ; bien sûr, ça ne me fait pas déplaisir, mais j’ai peu de temps pour me satisfaire de ce que j’ai réalisé dans une ville qui incline à la modestie, car je peux vous faire dans la même journée un beau circuit (le festival de Cannes) et le parcours de l’épouvante (le festival d’Avoriaz). Mais quand vous avez trouvé l’âme de Roubaix, vous ne pouvez qu’avoir confiance dans la capacité de cette ville à se renouveler, à court terme et à long terme; ce n’est pas un sprint, c’est un travail de longue haleine...une course de fond".

"Cette ville me donne beaucoup plus que ce que je lui apporte. J’ai envie de dire à la manière d’André DILIGENT :Regarde ton sillon et l’étoile de tes valeurs, et rien d’autre ! ".

Quatre maires, quatre destins au service de Roubaix

Ville creuset, ville laboratoire, ville apparaissant, selon le maire actuel, comme une mine à ciel ouvert de toutes les politiques de la ville, Roubaix a vu des dizaines de ministres parcourir les champs d’expériences des quartiers où se mettaient en place des formes de participation des habitants et des procédures que l’on ne voyait nulle part ailleurs. De nombreux sociologues sont venus étudier la cité et pénétrer "la mythologie que produit cette ville, décrite comme ne faisant rien comme les autres"2.

On voit même aujourd’hui des anthropologues publier des études sur les pratiques et les représentations au sein de ce "peuple de Roubaix", décidément sujet inépuisable !

Une ville-monde qui fait maintenant le pari de la culture, élément moteur du renouveau : "la culture qui recoud les déchirures... "3

Quatre maires donc, qui ont contribué à façonner cette image actuelle de Roubaix, qui ont scellé leurs pierres sur des fondations qu’ils ont utilisées, dans un contexte qu’il ne faut jamais occulter. C’était déjà l’analyse de Pierre DUBOIS qui nous disait lors d’une discussion sur le bilan de Pierre PROUVOST: " L’important, c’est de ramener à la durée ; 30 ans, c’est peu, et c’est beaucoup, le changement se faisant sur une longue période". Dans le cadre de notre étude sur les maires depuis la Libération, c’est une époque de 50 ans que nous avons évidemment considérée.

Des maires qui ont fait des choix pour leur ville, avec leur style propre, parfois contesté. Tous ont été pragmatiques par bien des aspects, dans le domaine social, économique, politique.

Pierre PROUVOST, puis André DILIGENT, véritable commis voyageur roubaisien, et René VANDIERENDONCK, courtier habile, ont su utiliser leurs réseaux, leurs relations pour obtenir des moyens pour Roubaix.

Claude BARTOLONE n’a-t-il pas dit lors de la cérémonie des vœux de 2002 : " Il est vrai que René a tendance à venir retirer des chèques facilement. Mais ce n’est pas de l’argent thésaurisé ! " 4

Et souvenons nous de ce que disait le Général de Gaulle : "Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités". Des réalités politiques roubaisiennes qui font qu’un maire, sous peinede périr sous les "fourches Caudines" de la réprobation, ne saurait déroger à la construction de l’identité locale, et à la tradition ancrée du consensus. C’est l’idée, souvent émise lors du colloque, selon laquelle un maire ne saurait être pris en défaut de "roubaisianité".

1 Intervention de Rémi LEFEBVRE lord du colloque des 28 et 29 novembre 2003. 2 Michel DAVID : intervention au colloque des 28 et 29 novembre 2003 3 Nord Eclair : cérémonie des vœux de maire, janvier 2004 4 Nord Eclair : janvier 2002

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A Roubaix, le maire doit-il avoir la fibre roubaisienne, c'est-à-dire cette capacité à s’investir en permanence, à donner des preuves d’amour, à faire le don de soi, à s’identifier à sa ville ? René VANDIERENDONCK, en tout cas, au cours des entretiens qu’il nous a accordés, nous a livré ce qu’il croit : "Pour moi, vous savez, l’histoire de mes rencontres avec cette ville, fait que progressivement, vous vous prenez à vous rendre utile, et à devenir amoureux des valeurs qu’elle contient".

Ce que Jean-Louis BORLOO, pour sa part, a récemment exprimé ainsi : " L’expérience de maire m’a marqué à vie, je me sens charnellement partie prenante... "1

La réussite, dans cette ville, en effet, passe par cet amour spirituel et physique : Roubaix se donne si vous vous donnez....

Roubaix, une histoire d’amour...

Le Pile à cœur ouvertLe Pile à cœur ouvertLe Pile à cœur ouvertLe Pile à cœur ouvert Au moment de terminer cet ouvrage, posons un regard lucide sur ce quartier, dont nous

avons retracé l’évolution au sein de l’urbanisme roubaisien. Une histoire tourmentée ! Nous avons décrit tant de situations difficiles, tenté de

décrypter tant de décisions, et de comprendre tant de réactions d’acteurs politiques et associatifs, évoqué tant de craintes de la part des "Pilés". Nous avons eu nous-même tant de questionnements quant aux démarches !

Mais pouvait-on faire autrement ?

Ces cheminements nous conduiront à réfléchir sur le rôle du Comité de Quartier du Pile aujourd’hui, alors qu’il vient de fêter ses 20 ans d’existence, et nous nous interrogerons sur l’espoir de renouveau que représente le site de la Condition Publique.

Notre première analyse portera sur le Pile "victime".

Le Pile a été victime de sa situation territoriale. Rappelons brièvement quelques unes de ses caractéristiques. Quartier longtemps retiré du centre, le Pile vit au rythme de ses manifestationsfestives. Les usines se sont implantées tardivement à sa périphérie et en nombre relativement faible. L’habitat couvre près de 80 % de sa superficie ; ce tissu urbain très dense, où les courées sont nombreuses, a noué un maillage social qui a provoqué, chez les "Pilés", un rapport affectif puissant au territoire. La population, essentiellement ouvrière, est homogène et constitue une proportion élevée de petits propriétaires occupants, qui entretiennent bien leur maison.

Nous sommes alors dans un quartier calme, refermé sur lui-même, où l’on se sent bien, qui n’attire pas l’attention. Et, bien sûr, ses habitants sont peu revendicatifs, le Pile n’est pas unquartier contestataire.

Toutes ces caractéristiques s’enchaîneront quand le Pile sera interpellé, à la fin des années 70.

Quand on leur annonce que le quartier va être réhabilité, on s’oriente vers un traitement en douceur, qui sera nécessairement long et continu, et qui tiendra compte des préoccupations des gens : ce sera la politique dite de la "dentelle.

Rappelons que pour beaucoup de techniciens, on ne pouvait casser le Pile, ce serait trop long en regard de l’imbrication des logements et des procédures concernant inévitablement une forte quantité de propriétaires. Mais cette politique non agressive, qui correspondait à ce que voulait les habitants, a bien arrangé la municipalité.

Le Pile va être victime de son manque d’enjeu politique. Pourtant, c’est bien la municipalité qui annonce la prochaine réhabilitation, c’est elle qui envoie à Paris, Bernard

1 Nouvel Observateur du 25 septembre 2003

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CARTON, Pierre DUBOIS, François CHAVANEAU, défendre leur projet. Projet de réhabilitation, certes, mais projet qui comprend l’élargissement de la rue Pierre de Roubaix en vue d’y implanter la future ligne de métro.

Les services de la ville s’aperçoivent que ce plan de développement très ambitieux coûtera excessivement cher dans le temps, et qu’il n’aura pas d’impact visuel fort, le projet métro étant suspendu. Le projet n’est plus rentable politiquement. Ajoutons que, à l’époque, comme nous l’a rapporté Pierre DUBOIS, on devait finir l’Alma, on n’avait pas les moyens d’injecter des sommes énormes sur tous les quartiers en même temps !

Dès lors, on n’adhèrera pas totalement au processus, et les millions nécessaires à une réhabilitation du quartier ne viendront pas au rythme voulu ! D’ailleurs, René VANDIERENDONCK, analysant la triste réalité du Pile, a admis, souvenons nous, que les tâtonnements successifs des politiques menées n’ont jamais été à la hauteur des problèmes; les O.P.A.H, et la R.H.I étaient des opérations pour guérir des blessures urbaines, alors qu’il aurait fallu appliquer des thérapies de choc !

Le manque d’enjeu est un des malheurs du Pile...

Il est clair que tous les projets municipaux ont intérêt à bénéficier, à l’échelle roubaisienne et communautaire, d’une locomotive ayant une grande lisibilité politique; le métro, en l’occurrence, était cette locomotive! Ce projet d’envergure aurait ouvert le Pile vers l’extérieur, etamené une dynamique forte; ce quartier refermé sur lui-même, qu’on ne visite pas, aurait eu une vitrine, apportant de réels moyens.

Le Pile victime encore, si l’on considère que les techniciens de l’équipe opérationnelle se retrouvent avec un secteur élargi, allant jusqu’à la rue de Lannoy, secteur sans doute trop vaste pour être traité efficacement !

Mais il faut vivre... Sans projet porteur, sans vrai rapport de force, comme à l’Alma, comment le Pile peut-il

se prendre en charge, rassembler les énergies, trouver des moyens d’expression pour les habitants, créer de l’espérance... ?

Résultante de tous ces paramètres, on assiste à la montée d’un militantisme social et... pédagogique !

L’A.L.D.P est créée en 1981 par de instituteurs de l’école Pasteur qui veulent ouvrir leur établissement au quartier et à la ville. Cette association s’oriente rapidement vers une démarche sociale qui prend en compte la promotion des personnes. Ce sont bien les acteurs pédagogiques qui veulent promouvoir leurs idées à l’extérieur, contrairement à l’Alma, où ce sont les habitants qui veulent changer l’école.

L’association "Comité de Quartier", qui n’est au départ qu’un groupe informel, est créée officiellement en 1983; il y a peu de militants à l’époque, c’est Raymond PLATTEAU, enseignant à l’école Pasteur, qui en prend la présidence; il est également président de l’A.L.D.P depuis 1981.

Des habitants et 13 associations vont créer l’A.G.A.P.E, pour gérer le centre social. C’est Dominique DUMONTET, militant du Comité de quartier, permanent de la mission évangélique protestante à la Solidarité, qui en est le premier président en 1985.

DUP Lannes-d’Estaing : Commencée avant 1990, le terrain libéré sera engazonné et restera ouvert, en face au square Ansart. Peu utilisé, servant ponctuellement de lieu de dépôts clandestins, il n’y a, aujourd’hui, pas de projet défini sur cet espace.

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Ces militants, en phase avec des modes de pensée et de modes de faire pédagogiques, fondés sur l’accompagnement des habitants, portent un regard sur l’individu, pour l’aider à grandir, avancer avec lui, afin qu’il se prenne en charge.

Ce qu’ils essaient de mettre en place est naturellement pédagogique; ils vont façonner des outils selon les besoins exprimés, apprendre aux habitants à s’en servir, expérimenter avec eux, prendre le temps du mûrissement. Ils ne veulent pas brusquer les choses; pour eux, la seule pédagogie valable en profondeur consiste à travailler dans la durée; le risque serait d’emmener les habitants trop vite dans un mouvement revendicatif mal compris. Rappelons que le Pile se trouve en pleine interpellation quand s’achève tragiquement l’expérience de la Limace bleue; les participants et les opposants en ont gardé un traumatisme profond ! Personne ne veut revivre une telle dérive !

La démarche adoptée par nos militants prend en compte toutes ces idées; ils la privilégient parce qu’elle correspond aux caractéristiques de la situation et aux décisions concernantla "dentelle": lenteur, quotidienneté... Selon eux, le contexte n’a jamais été favorable à une autre démarche.

C’est pourquoi, au Pile, on ne travaille pas sous la pression, le Pile n’est pas l’Alma ; c’est le consensus qui est toujours recherché.

Cheminement non conflictuel, mais exigeant, sans concession! Rappelons nous ! On ne souhaite pas pour le centre social un équipement disproportionné! On préfère n’ouvrir la halte-garderie que quelques demi-journées par semaine, tant que le besoin ne se fait pas encore vraiment sentir ! On ne veut pas d’un directeur en début de carrière, qui ferait son expérience au détriment du Pile!

Il est bien difficile de juger les résultats d’une telle démarche? Les habitants s’inscrivent davantage dans une situation d’opposition que dans un cadre consensuel; les "Pilés" ne sont pas entrés dans un rapport de force parce qu’il n’y a pas eu de grand projet qui les aurait mobilisés et fait réagir, comme à l’Alma, et parce que les militants associatifs ont privilégié le "faire ensemble" plutôt que le "faire pour". Peut-on regretter que ceux-ci n’aient pas réussi, pour parler comme un BOURDIEU, à rendre collective la somme des problèmes individuels des habitants ?

Ces militants ont-ils été trop pédagogues? Comme le disait Philippe MERIEU, la pédagogie est une utopie concrète au service de

l’éducation.

Ils ont assumé en tout cas ce risque!

Les Comités de quartier: 25 ans déjàLes Comités de quartier: 25 ans déjàLes Comités de quartier: 25 ans déjàLes Comités de quartier: 25 ans déjà !!!!

Dans le cadre de notre ouvrage, nous avons recueilli nombre d’expressions imagées, émises par des élus, concernant les comités de quartier:"ils sont un poil à gratter pour la municipalité; ils ont une fonction grain de sable; ils étaient un mal nécessaire, ils sont aujourd’hui un bien souhaitable; ils évitent de faire des bêtises... "

Pour Marc VANDEWYNCKELE, adjoint aux quartiers, en 1977, rappelons nous, l’idée était de développer la démocratie participative, d’établir de nouveaux rapports entre la municipalité et la population, de rendre le citoyen actif à toutes les phases d’une loi ou d’un projet, de lui laisser le temps de s’exprimer, de l’écouter.

Marc, très vite, découvre les visions diverses apparues sur le pouvoir des habitants et leur légitimité. Chemin difficile que celui de la démocratie locale! Beaucoup de villes ayant mis en place des comités de quartier les ont vu disparaître; si, à Roubaix, ils ont tenu, c’est, selon l’adjoint aux quartiers, parce que les fondations étaient bonnes, et basées sur du sens !

A la recherche d’une identité.

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La référence commune à ces instances roubaisiennes est la charte des quartiers, signée avec la municipalité en 1989: les comités deviennent des partenaires privilégiés et obtiennent des moyens qui leur permettent de disposer d’un local et d’embaucher un permanent-habitant à mi-temps. Leur socle est commun, mais les modes de fonctionnement peuvent être différents, selon les caractéristiques de chaque quartier, et la conception que les militants se font de leur engagement.

Que doit être le rôle des comités de quartier ? Les ambiguïtés apparaissent nombreuses; ils reçoivent une aide de la mairie : celle-ci peut-elle tolérer une dimension sinon conflictuelle, du moins revendicative? Jusqu’où peut aller leur liberté d’expression? Qui représentent-ils? Au service de qui sont-ils? Sont-ils les porte- parole des habitants? Reconnaissons le, les comités de quartier ont des difficultés à définir leur mission, leurs problèmes existentiels sont récurrents.

Catherine NEVEU, dans un ouvrage récent, s’est attachée à analyser, au-delà de la diversité des situations, et de l’histoire de chacun des quartiers, cette expérience de citoyenneté.

Relevons quelques points de son étude.1

Selon ses observations, recueillies au fil des mois passés à Roubaix : "Les comités de quartier seraient d’abord et avant tout, des espaces sociaux, au sens d’espaces de société, des lieux de la société civile, de rencontre et de débat commun; le mode de fonctionnement ne se situe plus dans la revendication, l’implication des habitants se résume à une présence: ce qu’on demande aux habitants, c’est d’être là. D’un rôle d’habitant actif, relevant d’une logique d’action, on passe à une contribution passive. Beaucoup, parmi les militants, considèrent que, même si tout allait bien, ilfaudrait que les comités de quartier existent".

Le Comité de quartier du Pile : la continuité en mouvement

Comment le Comité de quartier du Pile s’inscrit-il dans cette histoire? Comment vit-il la quotidienneté, la proximité, les problèmes liés à la participation? Comment reste-t-il cohérent dans un contexte difficile? Notre immersion à tous deux au sein de cette association, pour l’un en tant que militant convaincu de longue date, pour l’autre en tant que découvreur passionné par la recherche de l’identité du Pile, nous a permis de pénétrer un vécu riche, que Nawel BADAOUI a analysé avec nous lors d’un entretien récent. Pour étayer sa pensée, elle évoque tout d’abord les signaux émis autour du site de la Condition Publique.

"Si on peut transformer l’image du quartier, tant mieux, mais il n’y a pas que l’image, il faut surtout améliorer la vie quotidienne des habitants, il faut qu’ils vivent correctement. S’ils participent à l’élaboration du Projet de la Condition publique, très bien, mais qu’est ce que ça va leur apporter au niveau de leur vie ?

Nous, on dit: on est confronté avec eux à un quotidien lourd à porter, alors, s’il n’y a pas d’effets sur leur vie, on ne joue plus, on n’a pas de temps à perdre !

On a une responsabilité par rapport aux habitants, on ne veut pas avoir la réputation d’être toujours en réunion, et jamais en dialogue avec eux. Bien sûr, il y a le temps du débat, et le temps de faire, mais pour moi, le temps du débat avec les gens, c’est déjà une action, parce qu’on accepte de changer, d’évoluer; on avance, des choses mûrissent, et c’est à taille humaine !"

Pour les salariés et les administrateurs, le Comité de quartier est un lieu, un moment pour l’expression, autrement dit, un lieu d’échange et de ressources.

" Pour nous, explique Nawal, le 62 rue Desaix, c’est un point de réunions, des salles, avec des outils pour permettre à un maximum de gens de participer.

Mais le Comité de quartier, ça se passe aussi dehors, c’est tout autour, aux coins de rues; ce n’est pas aux gens de se caler sur la vie de l’association; si on veut favoriser la

1 Catherine NEVEU : Citoyenneté et espaces publics. PUF. Dans cet ouvrage, l’auteur présente des fonctionnements comparés de plusieurs comités de quartier, dont celui du Pile. A la lecture de l’étude préalable à ce travail présentée en 1998 dans une réunion organisée par l’A.I.R., le comité de quartier du Pile s’était montré plus que réservé sur les thèses soutenues, le reproche principal consistant dans la différence de recueil et de traitement des informations sur les structures qui entrent dans la comparaison. Nous continuons de penser que Catherine NEVEU n’a pas complètement appréhendé la réalité du comité de quartier du Pile et c’est pourquoi les propos de notre ouvrage peuvent apparaître en contradiction avec les siens.

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participation, c’est bien au Comité de quartier de tenir compte des disponibilités des uns et des autres; sinon, on les fragilise encore plus, et on les met dans des cases où ils ne peuvent pas aller".

Un administrateur ajoute que l’on ne fait jamais de réunions publiques au siège du Comité: les militants préfèrent emmener les élus voir des habitants dans la rue, des "Pilés" qui ne viendraient pas forcément ici, ou qui, autrement, ne parleraient pas!

Raymond PLATTEAU, sensible aux critiques concernant la représentativité des habitants, est très clair : "Le seul qui soit représentatif des habitants, c’est l’élu de quartier; nous, nous ne sommes que des militants qui permettent la parole des gens. Nous ne sommes pas des porte-parole, mais plutôt des porte-voix: nous tenons le micro".

Remarques que Nawal retient pour expliquer la démarche de l’association : "Si un problème survient rue Soult, ce sont les habitants eux-mêmes qui vont agir. Nous,

on est avec eux, à la limite, ils nous utilisent; on se met à leur disposition. Ca ne sert à rien de vouloir aller trop vite! C’est d’ailleurs la démarche qu’a choisie Denise BOUCHEZ, maire des quartiers Nord; pour l’organisation de la Fête des jardiniers, elle leur laisse beaucoup de latitude, elle ne demande pas à ses services de préparer un programme tout fait. Elle dit: les gens ont des idées, c’est eux qui préparent. Et ce sont les techniciens des services qui se mettent à leur disposition".

La démarche du Comité, est là encore, exigeante. "Notre exigence est de nous donner les moyens de nous mettre à la disposition de

autres. Ce qui nous aide dans la mise en place de notre démarche, c’est que, chez nous, il n’y a pas d’enjeu de pouvoir, nous prenons les décisions en commun; nous organisons par ailleurs des journées de formation auxquelles participent, ensemble, salariés et administrateurs. Le fait que nous ayons 5 co-présidents n’est pas un gag, c’est caractéristique de cette volonté de partage ! "

Pour l’équipe, le fonctionnement du Comité de quartier du Pile tend à s’écarter des chemins traditionnels; et Nawal d’expliquer que, même si peu de personnes viennent au conseil d’administration, ce n’est pas traumatisant, la vie du Comité existe quand même, ça fonctionne.

"Le défi qu’on s’est lancé depuis quelques semaines, c’est de décrire et d’écrire ce qu’on a pu inventer, car on a dû inventer quelque chose! Un vrai mode de fonctionnement démocratique ! On ne sait pas vraiment...

On est en train de découvrir que des liens de confiance se sont créés avec des gens qui ne se connaissent pas et qui font vivre l’association ! "

Assurément, des choses se passent au 62 rue Desaix, et...autour ! Des choses qui ne passent pas dans la presse, qui ne seront pas sur la photo !

Assurément, quelque chose qui relève encore de la démarche pédagogique. Eduquer pour libérer...

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Le Pile enfin dans les grands projets...Le Pile enfin dans les grands projets...Le Pile enfin dans les grands projets...Le Pile enfin dans les grands projets... Pour René VANDIERENDONCK, il y a maintenant au Pile de l’espoir; ce quartier est

classé en G.P.V. Comme l’écrit Brigitte LEMERY1 : "Le Grand Projet Ville, faisant suite à la résorption de l’habitat insalubre, saupoudrant trop son action, va offrir les conditions d’un véritable lifting urbain du territoire grâce à une vaste opération de réhabilitation requalifiante. C’est une O.P.A.H nouvelle vague audacieuse, se donnant les moyens de changer la ville. Cette opération pilote de Lille Métropole communauté urbaine, qui concerne 10 quartiers répartis sur Roubaix, Tourcoing, Wattrelos, est unique en France par son ampleur ; elle touche dans notre ville : l’Epeule, l’Hommelet, Pile, Moulin et Sainte Elisabeth".

Les moyens mis en œuvre pour inciter les propriétaires à réhabiliter l’extérieur et l’intérieur de leur maison, sont très importants. Une chance pour le Pile de changer son image de quartier dégradé et paupérisé ?

On constate au cours de l’année 2003, que des travaux de rénovation sont effectués, rue Desaix, rue J. Guesde... Mais le territoire ne s’embrase guère: les petits propriétaires du Pile ne s’empressent pas de solliciter des subventions qui les obligent à monter des dossiers compliqués, et à adhérer aux objectifs de la Z.P.P.A.U.P2, ce qui amène des contraintes architecturales et esthétiques comme l’interdiction du P.V.C.... Ils préfèrent ne rien demander, et effectuer des travaux comme ils le désirent !

Par contre, les bailleurs sociaux, notamment Logicil, Roubaix habitat, sont attirés par les avantages fiscaux; ils rachètent de nombreuses maisons, les réhabilitent pour les louer.

Mais à qui ? Et d’aucuns de poser le problème, récurrent lui aussi, de l’arrivée de personnes en difficultés, ce qui ne manquera pas de renforcer le caractère déshérité du Pile. Ainsi, pour de nombreux observateurs, la concentration de logements sociaux n’est pas souhaitable; comme il n’est pas souhaitable, selon les vœux exprimés par les habitants lors d’une concertation relative au projet de la Teinturerie du Pile, de construire de nouveaux logements, alors qu’il faut plutôt aérer un secteur fortement peuplé; les statistiques de 1999 concernant la densité de population parlent d’elles-mêmes:

• Pile centre : 15 576,2 habitants au km2 • Pile est : 11 355,3 • Pile nord : 7 052,2

A Roubaix, la densité est de 7427,5 habitants au km2.

Au Pile, la réhabilitation requalifiante n’est donc pas la panacée; si elle n’est pas un échec patent, elle n’apparaît pas non plus comme une réussite...

La Condition Publique : la nouvelle locomotive?

"Elle sera un haut lieu de la culture régionale; ce sera un lieu branché (40% de la population roubaisienne a moins de 25 ans), un lieu qui aura les pieds et la tête dans le 21e siècle... Un lieu intégré dans l’opération Lille 2004; un lieu pour la création dans son ensemble, pour toutes les cultures; un lieu mélangé où l’artiste se sentira bien pour créer... "

Les articles publiés dans la presse locale depuis quelque trois ans sont dithyrambiques et annoncent un projet de grande ampleur, à la fois culturel, économique et citoyen.

Ces propos se confirment aujourd’hui: "La condition publique sera la manufacture culturelle du Pile, une salle internationale de quartier, un nouveau lieu de pratiques et de convergences artistiques, espace du savoir et du faire culturel, baptisé maison Folie par Lille 2004 ! "

1 La Voix du Nord 5 octobre 2003 2 Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager.

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Le chanteur Manu Chao lui-même, avant le concert qu’il a donné en 2003 à la Condition publique, a expliqué pourquoi il a été séduit. "Ce projet, encore fou et flou, doit créer une sorte de festival des petites expériences et des utopies de quartier. Ces ides doivent venir d’en bas et non plus des élites culturelles... "

Comme le soulignait l’article que nous avions écrit dans le "Pile à cœur I", le site de la Condition publique a de quoi frapper les esprits1 :" Cet édifice aux dimensions impressionnantes allie parfaitement esthétisme et fonctionnement. Il se démarque dans l’îlot par de longues façades. On peut encore lire clairement à l’intérieur la façon dont il fonctionnait : une rue intérieure coiffée d’une verrière, avec un sens unique de circulation, desservant de vastes quais de déchargement ainsi que de grandes halles ".2

Et nous donnions les caractéristiques de la toiture, peu connues des Roubaisiens à la sortie de notre ouvrage : "Plate et recouverte de plaques goudronnées, elle aidait au maintien de la fraîcheur et de l’humidité à l’intérieur. Mais, avec le temps, et l’accumulation des poussières de charbon issues des cheminées (près de 20 cm d’épaisseur), une végétation folle a envahi cet espace".

On sait aujourd’hui que les toits- terrasses, étudiés par la botaniste Liliane AMOTA, recèlent : "des plantes rares de diverses origines issues du conditionnement des textiles, par pollinisation ou par la main espiègle de l’ouvrier".3

Voilà donc un bel équipement qui devrait satisfaire le plus grand nombre. Car pour les concepteurs, les atouts sont nombreux. Et la presse d’évoquer la grande halle pouvant accueillir 800 personnes4, une salle de spectacle de 600 places, des studios d’enregistrement, des résidences d’artistes, des ateliers de création...

Mais très vite, des craintes se font jour au sein du microcosme roubaisien, quant aux processus de décision accélérés, qui ne sont pas en faveur de la concertation. Des élus ne veulent pas que la Condition publique ne soit qu’un support pour la satisfaction d’une minorité: " Le projet sera d’autant plus pertinent qu’il s’intègrera de façon cohérente à la politique culturelle que veut promouvoir la municipalité. Nous ne voulons pas d’un O.V.N.I. ! ", avaient déclaré les Verts lors d’un débat public.5

Il est temps de nous inquiéter des enjeux pour la population.

1 La condition Publique était à Roubaix le lieu où l’on pratiquait le conditionnement d’un textile, notamment le stockage de la laine brute et le calcul de son taux d’hygrométrie avant son utilisation par les industriels. 2 Photographie de la rue couverte en cours de réfection. Février 2004 3 La Voix du Nord du 18 avril 2003 4 Photographie de la salle, travaux en cours où l’ouverture des côtés permet à la lumière naturelle de descendre. 5 La Voix du Nord du 5 octobre 2001

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Pour le Comité de quartier du Pile : une cascade d’interrogations...

• La Condition publique ne sera-t-elle qu’un lieu culturel métropolitain ? • Ce projet va-t-il créer une vraie dynamique qui modifie l’image du quartier? • Va-t-on traiter le site seul, en le dissociant de son environnement? • Les "Pilés" vont-ils pouvoir s’approprier cet équipement ? • En quoi ce projet pourra-t-il changer la vie des habitants du Pile et améliorer

leur quotidien ?

Le projet de la Condition publique est la nouvelle locomotive pour Roubaix ; mais cette locomotive ne peut "rouler" que grâce à l’aide de la Communauté urbaine; dès lors, la ville subit des contraintes auxquelles elle ne peut se soustraire.

Levons cette ambiguïté : Il est évident que la Condition publique ne peut être pas être qu’un projet "pilé". Mais le Pile, qui attend depuis longtemps un signal fort, ne peut pas ne pas bénéficier de

son impact. Revenons au problème de la concertation locale: quatre groupes ont vu le jour dans le

cadre de la "maîtrise d’usages". Le groupe "voisinage", composé des habitants riverains du bâtiment, le groupe "associatif", regroupant les associations du quartier du Pile et d’autres quartiers, le groupe "Education-jeunesse", impliquant les jeunes et les représentants du milieu éducatif roubaisien, et le groupe "acteurs culturels", associant les acteurs culturels intervenant dans l’agglomération lilloise.

Concertation il y a eu. Et si, aujourd’hui, le groupe "voisinage" fonctionne bien, que se passera-t-il demain quant à l’utilisation des locaux par les personnes du quartier du Pile, voire des autres quartiers roubaisiens ?

Ce sera un équipement communautaire dont les frais de fonctionnement seront à la charge de la communauté, où les acteurs culturels seront nombreux. Voilà un danger : la culture ne sera-t-elle que métropolitaine ? Les ateliers de création ne vont-ils accueillir que des artistes connus sur le plan régional, national ou international ?

Si le renouveau de Roubaix passe par la ou les cultures, ne faut-il pas que l’enracinement populaire soit réel.

La Condition publique : le splendide isolement1 ou l’ouverture au Pile... ?

Le problème est posé : comment ce lieu fera-t-il vivre le Pile, et comment le Pile le fera-t-il vivre ?

La Condition publique ne doit pas être le "Fresnoy"2 du Pile, cet équipement qui, n’établissant aucun lien véritable avec les habitants, n’est qu’un monde à part.

Si Patrick BOUCHAIN, l’architecte chargé de la rénovation du bâtiment, a livré des réflexions intéressantes sur ce chantier qui est pour lui, un acte de culture, un haut lieu de partage, il reste qu’il s’agit d’un projet ville dans un espace intra-muros que les Pilés ne s’approprieront pas forcément.

Pour le Comité de quartier du Pile, pourquoi ne pas proposer à proximité, d’autres vecteurs que la culture : une salle de sport, une piscine ? L’idée est que ce lieu et ses abords soient attractifs et que les "Pilés" aient envie d’y venir.

Dès lors, il s’agit d’élargir la réflexion sur l’ensemble de l’îlot, qui comprend également les usines Bayart et Vanoverberghe, et de les intégrer dans l’environnement.

Dans un mémoire de fin d’études, un jeune architecte a précisément travaillé sur la valorisation de cet espace au sein du quartier. Le projet qu’il a développé prend en compte les différents enjeux évoqués plus haut, et apporte des solutions.

1 En référence à la non-participation aux affaires étrangères que sa qualité d’île permit à l’Angleterre : Littré 2 Le Fresnoy, ancien cinéma – dancing – salle de sports de combats, très fréquenté à Roubaix. Après sa transformation en centre culturel cinématographique, il n’attire plus les foules !

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Pierre LE HAY1 traite la question de l’accessibilité aux différents espaces ; l’entrée des artistes se ferait par la place Faidherbe, celle du public par les friches industrielles Bayard Vanoverberghe. L’ouverture se tournerait donc vers le coeur du Pile, par la rue Franklin.

Son projet agit sur deux échelles : d’une part " la création d’un espace public en cœur d’îlot, ce qui permet de travailler sur la façade arrière du bâtiment du Conditionnement, et rend la rue couverte publique", et d’autre part la différenciation de ses façades: "à la façade massive et institutionnelle donnant sur le boulevard Faidherbe répond une façade poreuse sur la place, pouvant s’ouvrir complètement sur l’espace public. La place publique s’appuie également sur une de grandes qualités du bâtiment : son toit jardin. La grande poésie de ce jardin suspendu doit être offerte à tous, et le projet tente de magnifier son accessibilité".

Voilà donc un projet global qui prend en compte l’îlot, et aussi l’environnement. Et cela change tout ! Un projet d’envergure qui peut rassembler les habitants, et apporter le pôle d’attraction, la dynamique dont a tant besoin le Pile, un projet qui peut modifier le quartier dans saconception urbaine: création de nouvelles circulations, de nouveaux parcours, de nouvelles pratiques, arrivée de nouveaux investisseurs...2

Un projet d’ampleur qui peut changer la vie des habitants... Cette approche architecturale et environnementale sera-t-elle prise en compte ? Aujourd’hui, seul le bâtiment de la Condition publique est concerné; va-t-on traiter

l’ensemble ? Selon René VANDIERENDONCK, on s’en est donné les moyens puisque la mairie a racheté les friches Bayard et Vanoverberghe; on n’en serait donc qu’à une 1ère tranche de travaux ?

Mais à quand la seconde ? Ne va-t-on pas retomber dans cette fatalité du Pile: la lenteur endémique; Va-t-on attendre 5 ans, 10 ans, 15 ans encore ? Va-t-on appliquer, aux friches industrielles, les effets pervers de la dentelle ?

1 Pierre LE HAY : La Condition Publique, reconversion d’un îlot industriel à Roubaix. Travail personnel de fin d’études : Ecole d’Architecture de Paris-Belleville. Juin 2003 2 Plan d’ensemble réalisé par Pierre LE HAY dans son travail de fin d’études.

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Une dernière fois, tournons la pageUne dernière fois, tournons la pageUne dernière fois, tournons la pageUne dernière fois, tournons la page………… Faisons un pari sur l’avenir. Le Pile a pu connaître le découragement, le doute, mais il a toujours rebondi.

Nous avons connu le Pile interpellé, le Pile en mouvement, le Pile en rupture, le Pile à cœur ouvert, nous connaissons une nouvelle fois le Pile interpellé.

A Roubaix, certains, qui ne croyaient pas au projet centre-ville, s’accordent à lui trouver une bonne image, avec des retombées pour la ville, cité aux couleurs du futur, selon une expression municipale.

Alors, croyons en ce projet de la Condition publique, "nouvelle utopie concrète" pour l’ensemble d’un quartier.

Dans sa longue histoire, le Pile a eu des raisons de craindre, il n’a sans doute jamais connu tant de raisons d’espérer...

Si l’âme du Pile a changé dans les dernières décennies, elle n’a pas disparu, parce que le Pile est de nouveau en mouvement, le mouvement de la vie.

C’est pourquoi nous n’écrirons pas le mot qui clôt tout ouvrage...

Le Pile est en marche, le débat continue...

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3. Historama3. Historama3. Historama3. Historama

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HistoraHistoraHistoraHistoramamamama Le choix de regarder en arrière par le biais d’une revue de presse étalée sur 40 années

tient à plusieurs raisons. D’abord, la durée retenue correspond à une période suffisamment longue pour avoir des informations globales, et aussi parce que le Pile à Coeur présentait bien le Pile d’hier, celui des souvenirs anciens qui se situent dans les années 1960.

Ensuite, pour pouvoir aborder la réalité d’aujourd’hui, il est indispensable de tenir compte des événements d'hier. Mais la mémoire du passé est sélective, elle tient compte des événements de la vie personnelle et chacun de nous se construit ses propres références historiques. Feuilleter un quotidien local, dans l’ordre chronologique, jour après jour, mois après mois, année après année, nous a permis de reclasser nos souvenirs, de les relativiser, de découvrir ou redécouvrirdes faits ignorés ou oubliés, qui, remis dans leur contexte, apportent une vision plus objective du passé.

En outre, le fait de retrouver au hasard des pages un événement personnel, un visage connu, une anecdote oubliée, apporte au lecteur des moments de joie ou d’émotion qu’on regrette dans l’instant de ne pouvoir partager.

Séparées en trois rubriques d’informations, " en France et dans le monde ", "à Roubaix" et "au Pile", les notes sont teintées de subjectivité, chacun a sa propre lecture des

événements; nous les avons synthétisées par décennies. Ce découpage, qui peut sembler arbitraire, correspond bien à des périodes d’élaboration des dispositifs d’Etat qui ont accompagné la vie quotidienne des habitants du quartier du Pile.

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1962: 1962: 1962: 1962

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Les grands de l'époque se nomment KROUCHTCHEEV, MAO TSE TOUNG, DE GAULLE, ADENAUER, KENNEDY

Après 10 tentatives reportées par la N.A.S.A, GLENN, astronaute américain, fait trois fois le tour de la terre à bord de la capsule "Mercury". Scott CARPENTER fera la même chose quelque temps après..

Le mur de Berlin est érigé depuis deux ans. C'est la guerre froide, et en octobre, l'arrivée de missiles russes à Cuba crée un grave incident. C'est le blocus. On frôle le conflit.

En juin s'ouvre le marché commun agricole. Le paquebot "France" effectue sa première traversée transatlantique le 3 février. Le 16 août, à 11 heures, les équipes de forage italienne et française se rejoignent sous le Mont-Blanc.

Rick VAN LOOY gagne Paris-Roubaix et Jacques ANQUETIL son 3ème

tour de France. En février, un accord de cessez-le-feu

en Algérie est signé avec le F.L.N. La lutte pour le pouvoir provoque de nombreux attentats dans la communauté algérienne de France. En Algérie, l'O.A.S. se manifeste quotidiennement malgré les arrestations des généraux SALAN et JOUHAUD.

Le Général de GAULLE demande par référendum les pleins pouvoirs. Ils lui sont accordés le 8 avril par une majorité importante (90,7 % de OUI).

Michel DEBRE démissionne et Georges POMPIDOU devient 1er ministre. Monsieur MAZIOL nouveau ministre de la construction, viendra à Roubaix voir le chantier Anseele et les courées de l'Alma.

L'indépendance de l’Algérie est proclamée le 2 juillet. Il faudra quelque temps pour que les autorités s'installent; les militaires français restent sur le terrain pour aider au maintien de l'ordre.

La vague d'attentats de l'O.A.S. s'intensifie. Le Général de GAULLE échappe à une embuscade à Petit-Clamart. Les auteurs sont arrêtés rapidement.

On vote à nouveau. Le référendum du 28 novembre adopte l'élection du Président de la République au suffrage universel par 61,75 % de OUI contre 38,25 % de NON. Près de 24 % des Français se sont abstenus.

Après la démission du gouvernement POMPIDOU, les élections législatives donnent à l’U.N.R (Union pour la Nouvelle République) une majorité très confortable.

Et Georges POMPIDOU redevient 1er

ministre. Rubrique des faits divers: le

présentateur télé, Jacques ANGELVIN, est arrêté à New York pour trafic d'héroïne.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix

Chaque jour, l'information concernant Roubaix occupe généralement moins de deux pages. La publicité s'imbrique dans les articles et les petites annonces font moins d'une page. La rubrique des "demandes d'emploi" fait moins d'une colonne, les "offres" en couvrent trois ou quatre. On parle très régulièrement du mouvement associatif et de leurs manifestations: bals, concours, jeux, repas, fêtes…

Il semble que cette année-là, la mode soit de mettre en place des sections de parents d'élèves (Amicale Ferdinand Buisson, Amicale des Arts, Amicale Jean Macé-Pasteur…).

Le conseil municipal, dirigé par Victor PROVO, vote en mars le budget de la ville: 3 231 millions de nouveaux francs.

217

Discussion sur les grands projets d'urbanisme et la disparition des courées. Les Longues-Haies ne seront plus qu'un souvenir. La S.E.M. (Société d'Economie Mixte) créée en 1957 est maître d'oeuvre. Les travaux, commencent dès 1958: 1137 maisons sont à démolir, près de 3500 personnes sont concernées!

Depuis 1955, à Roubaix-Tourcoing, 126 firmes textiles ont fermé leur porte (totalement ou partiellement).

On inaugure un immeuble H.L.M. au carrefour du boulevard de Reims et de la rue Jean Baptiste Notte; les Hauts-Champs se terminent et accueilleront 6 500 habitants dont 2 500 Roubaisiens. On met la dernière main au groupe scolaire Brossolette pour la rentrée des classes. La nouvelle église Saint-Sépulcre sera ouverte au culte prochainement.

Les grands projets au niveau roubaisien, mais aussi au niveau de l'agglomération, ne manquent pas: autoroute de Gand, contournement de Lille, grandes voies express; reconstruction du pont Nickès; aménagement du quai de Gand ; construction de 500 logements pour le projet Anseele.

On commence à parler de la Z.U.P. des trois-Ponts et on envisage la réhabilitation d’un nouvel îlot: Notre Dame-Alma-Gare!

En novembre, le stationnement réglementé fait son apparition au centre ville: Vive la zone bleue!

Par ailleurs, le parc Barbieux s'enrichit d'un golf miniature; la ville de Roubaix reçoit le prix spécial de

l'urbanisme pour la réalisation de la résidence du Parc et de la tour du "fer à cheval".

A la foire de Lille, la société "Bâtir" présente sa nouvelle maison construite en 40 jours.

Monsieur BODART-TIMAL est le lauréat de la société des Sciences, des Lettres et des Arts de Lille.

Et au PileEt au PileEt au PileEt au Pile …

François DEBUISNE, du cercle Saint Rédempteur, est le roi de la bourle de cette année.

Le couple VANHOOLANT, 323 rue Jules Guesde, reçoit la coupe des "Anciens du Pile", attribuée au café ayant rapporté le plus d'argent grâce à des jeux, concours…

La braderie du 1er mai connaît un franc succès.

Le quartier du Pile accueille les fêtes quinquennales en septembre: deux jours de liesse, de jeux divers, de spectacles dont une "marche des facteurs".

La coupe MAMADOU (tournoi de boules lyonnaises) est remportée par la quadrette LEROY.

La Solidarité fête le départ de mademoiselle Madeleine RICHARD et accueille le pasteur DREVET.

On déplore le décès de monsieur Robert LUYSCH.

On peut lire dans un article du 14 août: " La gare du Pile est promise à un bel avenir".

218

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1963: 1963: 1963: 1963

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

L'année commence par une vague de froid, on parle de l'hiver le plus rigoureux depuis 1912. Les températures sont basses, le verglas et la neige seront présents alternativement jusque fin février.

La récolte des fleurs est anéantie sur la Côte d'Azur, et la neige couvre Marseille. On atteint plusieurs fois – 25° dans le Centre et – 20° dans le Nord.

Dès janvier, en France, on parle de la retraite à 60 ans et de l'allongement des congés payés. Le patronat y est hostile et de nombreux conflits sociaux vont naître.

Grève des mineurs le 1er mars, extension le 20 à la S.N.C.F et à l'E.D.F, La pénurie menace! Un accord est signé le 4 avril. Les mineurs obtiennent 11% d'augmentation et la 4 ème semaine de congés.

Bastien THIERY, responsable de l'attentat du Petit-Clamart, est exécuté.

Valéry GISCARD d'ESTAING, ministre des finances, lance un emprunt d'un milliard. Les prix sont taxés: le paquet de gauloises à 1,35 francs, le litre d'essence à 0,94 et en grande surface, le bifteck à 12,95 le kilo. La consultation médicale passe à 10 francs, la visite à 13. Les tarifs S.N.C.F augmentent de 11%, ceux de l'EDF de 7%.

La retraite des vieux passe à 1600 francs en 1994.

Les salariés du textile de Roubaix -Tourcoing obtiennent la 4ème semaine de congés.

Un nouveau complot contre le général de GAULLE est déjoué. Il devait se produire lors de sa visite à l'Ecole Militaire.

En juin, le pape Jean XXIII meurt après une semaine d'agonie. Paul VI lui succède le 22.

Valentina TERECHKOVA est la première femme de l'espace.

On adopte le principe du tunnel sous la Manche. Le premier train passera en 1969!

L'Afrique et le sud-est asiatique sont source d'incidents, prémices de conflits futurs.

A Saigon, la révolte des bonzes s'intensifie et l'immolation publique de plusieurs d'entre eux frappe les esprits.

Le Maroc et l'Algérie sont en conflit déclaré et BEN BELLA nationalise les terres. Le retour des "pieds-noirs" s'accélère. En Afrique noire, les changements de présidents sont fréquents.

Le 12 octobre, mort de Jean COCTEAU et d'Edith PIAF.

A Dallas, le 22 novembre, le président John KENNEDY est assassiné par Lee OSWALD, qui sera abattu par Jack RUBY.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Bilan de l'état civil pour l'année 1962:

3 779 naissances, 1 928 décès (dont 300 pour des causes cardio-vasculaires), et 810 mariages.

En janvier, on peut pratiquer les sports d'hiver au parc Barbieux. Le canal gelé emprisonne les péniches.

Le stand de tir va disparaître. Des immeubles le remplaceront rue de Carihem.

219

Les travaux du pont Nyckès sont commencés et on évoque la démolition de l'Hippodrome, ouvert en 1882, et fermé depuis 1957. Son remplacement par une tour, avec commerces au rez-de-chaussée, est envisagé.

La maquette de la nouvelle gare douanière est présentée. Les travaux sont à engager dès cette année.

Bilan de la zone bleue: depuis son lancement, plus de 6000 infractions ont été relevées.

Une exposition sur la marionnette à la bibliothèque municipale remet en lumière le théâtre "Louis RICHARD". Léopold, son petit-fils, raconte ses souvenirs et présente des éléments de spectacle.

Au conseil municipal de mai, on déplore le manque de logements à Roubaix. Les anciennes halles de la rue Pierre MOTTE vont disparaître. Toutes les écoles de la ville auront le téléphone avec un poste dans le logement de fonction du directeur. Ommelet s'écrira dorénavant avec un H.

Plus de 1200 candidats se présentent au Certificat d'Etudes Primaires. Les lauréats reçoivent un dictionnaire et vont une journée à la mer.

Battu à Sochaux 6-1, le C.O.R.T démissionne de la ligue professionnelle.

Le tour de France arrive à Roubaix: étape gagnée par l'Irlandais ELLIOT qui prend le maillot jaune. Jacques ANQUETIL gagne à Paris.

Les Hauts-Champs se peuplent et les syndicats de locataires se mettent en place. On compte 1 habitant sur 2 de moins de 20 ans et 58% des actifs sont des employés ou des ouvriers.

Le conseil municipal présente le projet du futur centre commercial de la rue de Lannoy. On lui prédit un rayonnement régional.

Un autre projet est proposé par les commerçants: davantage de place pour le petit commerce (160 magasins) et un piétonnier central.

Sur l'initiative de Roger LEMAN, animateur, les jeunes de la Guinguette construisent seuls un local rue de l'Alma. Le Maire et de nombreuses personnalités l'inaugurent le 26 octobre.

Au conseil municipal de novembre, André DILIGENT fait une intervention remarquée sur le thème de la jeunesse.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…

C'est Fernand LEFEVRE, cafetier à l'angle de la rue Lannes et Beaurepaire, qui remporte la coupe des anciens du Pile.

Les beloteurs du "Vieux Chêne" se sont réunis pour leur banquet annuel. Les 26 équipes se sont quittées tard dans la nuit!

L'amicale Jean Macé-Pasteur fête le départ à la retraite de monsieur PONCHEL, directeur de l'école de garçons, boulevard de Mulhouse.

En juillet, on édifie un nouveau bâtiment au centre d'hébergement du boulevard de Beaurepaire.

En septembre : le globe-trotter, Octave VANDEKERKHOVE, de retour du Kenya, raconte ses souvenirs de voyage dans le quotidien Nord Eclair: une saga de 6 épisodes sous le titre "Trois semaines avec les bêtes sauvages".

220

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1964: 1964: 1964: 1964 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Cette année est une année olympique, mais les Français n'y brilleront guère : des espoirs, mais peu de médailles et peu de victoires.

Les "Grands" voyagent: le pape PAUL VI se rend à Jérusalem et le général de GAULLE va au Mexique au cours du printemps puis, en automne, dans plusieurs pays d'Amérique du Sud.

Les conflits: • En février, les Américains

s'engagent au Vietnam (aide militaire).

• En août, un bâtiment de guerre U.S. est attaqué par des vedettes Viêt-Cong. La riposte entraînera le début de l'escalade.

• Les Grecs et les Turcs s'affrontent à Chypre où l'ONU tente de séparer les belligérants.

• Le Congo belge est en proie aux émeutes.

En avril, le Général De GAULLE se fait opérer de la prostate.

A chaque grand départ et retour de vacances, c'est l'hécatombe sur les routes: en cause : la vitesse.

On prépare un projet d'étalement des vacances et un nouveau baccalauréat.

Des spécialistes, après études, déclarent que les autoroutes payantes ne sont pas rentables.

Fuyant le chômage et la misère, près de 2 000 Algériens débarquent chaque jour à Marseille.

André DILIGENT, député du Nord, présente un rapport sur l'O.R.T.F à l'Assemblée Nationale.

Le 28 mai, NEHRU meurt victime d'une crise cardiaque.

Eric TABARLY gagne la "transat" en solitaire.

Droits civiques: l’égalité entre blancs et noirs est reconnue aux U.S.A.

Inauguration par NASSER du barrage d'Assouan. ABOU SIMBEL est en danger.

Sports : ANQUETIL gagne son 5ème

tour de France, POULIDOR est second à 55 secondes. Eddy MEERCKX est champion du monde amateurs. Cassius CLAY est champion du monde des lourds à 22 ans.

JOHNSON est élu président des Etats Unis, KROUCHTCHEEV est destitué.

Jean Paul SARTRE refuse le prix NOBEL de littérature.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Il y a 500 ans, le seigneur Pierre de

ROUBAIX ramenait des croisades une épine de la couronne du Christ. On faisait construire la Chapelle SAINT-SEPULCRE.

Les pompiers sont sortis 800 fois l'an dernier.

Conseil municipal de printemps: budget 42,5 millions ; une rue KENNEDY à Roubaix.

Le projet "métropole" inquiète les élus roubaisiens.

Les commerçants du centre se prononcent pour la fermeture des magasins le dimanche et le lundi matin.

On va construire une nouvelle salle de sports dans l'enceinte du parc des sports.

La place des Halles est percée, des pavillons préfabriqués vont y être installés.

Au supermarché Auchan, avenue Motte : le litre d'essence est à 0,90 Fr. C’est la moins chère de France!

221

La foire de printemps s'installe sur les ruines de l'îlot Anseele: 500 forains sont attendus.

Nord Eclair programme une série d'articles sur Moulin–Potennerie : tout un quartier est passé au crible. Sur un cliché de l'époque, on peut remarquer que de la bière est servie dans les cantines scolaires.

Carnaval de Roubaix: 3 jours de fêtes avec musiques et fanfares, 50 groupes costumés, bal et feu d'artifice.

Au conseil municipal de juillet, Roubaix adhère au syndicat des communes de l'arrondissement de Lille.

La destruction de l'hippodrome est achevée le 10 juillet.

Un premier immeuble sort de terre avenue Brame.

Le service militaire est obligatoire pour tous les Français. Etre soldat est encore l’occasion d’une fête.

Le monument aux morts est découpé pour être déplacé. Fin des travaux pour novembre.

C'est la première rentrée universitaire sur le campus d'Annappes.

Les loisirs :

Il existe encore 14 cinémas à Roubaix: Colisée, Casino, Fresnoy, Noël, Rex, Tramway, Familia, Universel, Royal, Etoile, Lacroix, Renaissance, Capreau, Alcazar.

La salle du Fresnoy met face à face l'Ange Blanc et Von Chenok

Et au PileEt au PileEt au PileEt au Pile …

C'est le café GUELTON, 25 rue deCondé, qui remporte la "coupe des anciens".

Antoine VERHOEVEN, demeurant 102 rue Marie Buisine, reçoit la médaille militaire et la croix de guerre.

Le grand prix cycliste des commerçants réunit 42 concurrents.

Le cercle Saint Rédempteur gagne brillamment la ½ finale du championnat des cercles catholiques, mais c'est le cercle Saint Luc, de Lys, qui remporte le trophée en ce 26 juillet.

Florimond DEWILDE, président des prisonniers de guerre du Pile, reçoit la médaille militaire.

Jacques VERSLYPE, du Boule-Club du Pile, est sacré meilleur joueur de boules lyonnaises.

C’est Lucien CAUDRON et Marcel BRAEM qui remporte le challenge de belote des anciens.

222

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1965: 1965: 1965: 1965 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

La nouvelle guerre d'Indochine commence. Les belligérants entament un processus d'escalade dans les actions meurtrières: à l'attaque des bases du sud, celle de Da-Nang en particulier, vont répondre les bombardements massifs au Nord

Winston CHURCHILL décède en février.

La compétition est-ouest pour la conquête de l'espace se poursuit. Le Russe LEONOV sort 20 minutes de sa capsule. La lune devient un enjeu. On en fait le tour et on en photographie la face cachée. On s'approche de Mars.

Le prix du lait est fixé à 0,397 F. le litre.

Plus de 4 milliards ont été joués par les Français au PMU en 1964.

En avril, la France se passionne pour le mariage de Sylvie et Johnny.

Les salaires du textile sont augmentés de 6 centimes/heure et seront le 1er mai à 1,94 F.

Renault présente la R16 et Peugeot la 204.

Réforme de l'Education Nationale ; à la rentrée on inaugure les nouvelles secondes: A - littéraire, C – scientifique, T - technique. Cela préfigure, les premières A, B, C, D et T.

Coup d'état en Algérie: BEN BELLA est destitué par BOUMEDIENE.

On inaugure le tunnel du Mont Blanc. Le 16 juillet le plus froid du siècle :

12° à Lille.

Dramatiques incendies de forêt en Corse et dans le Var.

Le ministère de l'Education veut engager les collectivités locales dans le sens de la mixité pour les écoles de 6 à 14 ans. Débats passionnés dans la presse.

Albert SCHWEITZER meurt le 7 septembre.

Présentation du 5ème plan: bâtir une économie puissante; création du Plan d'Epargne Logement.

Le conflit indo-pakistanais débute. Panne d'électricité monstre dans l'est

américain. Le soir du 10 novembre, New York est privé de lumière durant 10 heures.

Le 20 décembre, après avoir été mis en ballottage, le général de GAULLE est réélu président de la République avec près de 55 % des suffrages face à François MITTERRAND.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix

En 1964, les pompiers sont sortis 1500 fois.

Le P.A.C.T. fête ses dix années d'existence.

20 000 ouvriers du textile sont au chômage sur le secteur de Roubaix-Tourcoing. 5 usines ont fermé leurs portes, 6 ont relancé une activité nouvelle.

Dernière réunion du conseil municipal élu en 1959. Le budget approche les 5 milliards de francs.

L'office municipal des sports est créé le 7 février.

On achète les terrains pour la construction du Foyer de jeunes travailleurs.

223

En mars, on inaugure le centre commercial du Lido.

L' Association Populaire des Familles déclare que "c'est le manque d'eau qui reste le problème des courées à Roubaix". Une enquête sur 152 courées constate la présence de 5162 personnes dont 1271 enfants de moins de 10 ans dans 1748 maisons.

Aux élections municipales de mars, la majorité de Victor PROVO est reconduite avec 53 % des suffrages. Sont adjoints: André DILIGENT et Michel BAUDRY pour le M.R.P., Pierre PROUVOST pour la S.F.I.O.

Au conseil municipal: rénovation et aménagement sont deux thèmes récurrents. On y parle des Trois-Ponts, de l'îlot Anseele ("l'os à moelle" atteint son 13ème étage), du centre et des voiries.

Projet du nouveau groupe scolaire Buffon: 16 classes et une salle de sports.

Nord Eclair publie une série d'articles sur le changement de visage de la ville et présente les nouvelles réalisations.

On tente la première expérience de reclassement des chômeurs âgés.

La rue du Vieil Abreuvoir passe en rue piétonne au mois d’octobre.

Les Amicales Laïques d'Anciens Elèves deviennent des Foyers de Jeunes et d'Education Populaire

Et au Pile …Et au Pile …Et au Pile …Et au Pile … Le cercle symphonique Jean Macé-

Pasteur fête ses 40 ans. La coupe des anciens du Pile est

attribuée à monsieur et madame LORTHIOIR, 7 rue Bourdaloue.

Le tissage DEFFRENNE de la rue Dampierre est détruit par un incendie.

C'est l'équipe LEFEVRE qui remporte la coupe de belote des anciens.

Remise de décorations au Pile:sont récompensés Edmond LELEUX, président du Comité des Fêtes, Paul VANHOUTTE, président de la Chorale Jean Macé-Pasteur, Marius AUPOIX, président du Comité d'Entraide.

C'est Georges DHELLEMMES qui est le nouveau roi de la bourle du Cercle Saint Rédempteur.

Nord Eclair du 28 avril relate le récit des évènements tragiques survenus à l'usine Motte-Blanchot rue Monge: cache d'armes découverte le 27.06.1941. 5 jeunes en fuite. Le père de l’un d’eux, monsieur JEANSENS (concierge) est fusillé, la mère, est déportée.

Le Pile honore une de ses religieuses, sœur Marie Solange.

Le cercle Saint Rédempteur remporte le trophée de la fédération de bourle des cercles catholiques.

C’est la mode des LAVO-RAMA: le 4ème s'installe au 209 rue Jules GUESDE.

La FAL quitte la rue d'Alsace et s'installe au 20 rue de Lille.

Les centres d'apprentissages du textile (11 à Roubaix) recrutent des élèves. Deux slogans: un bon métier et un apprentissage payé.

Conférence en avril à la FAL: invitée par Maître DESCAMPS, madame Georges VIENNET parle de la suppression de la peine de mort.

224

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1966: 1966: 1966: 1966

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde Vincent Auriol, ancien président de la

République, meurt à 81 ans. Jean Bodel Bokassa organise un

putsch en Centrafrique. Les Associations Populaires des

Familles lancent un dossier noir sur le logement.

Après les élections législatives de décembre, Georges POMPIDOU devient 1er

ministre, Roland NUNGESSER, ministre du logement.

L'affaire BEN BARKA crée des tensions entre la France et le Maroc.

Le 1er février, Lille n'a plus de tramway.

Luna IX se pose sur la lune le 3 février.

Michel DEBRE, ministre des finances annonce les mesures du Vème plan : plus de 2 700 logements sociaux seront construits en 3 ans.

La durée du travail est réduite de 60 à 54 heures; le SMIG augmente de 2,12%, les allocations familiales de 4,5%, l'allocation vieillesse passe de 1 900 à 2 000 F.

La France se retire de l'O.T.A.N. Un aller simple Paris-Nice, sur Air

Inter, coûte 244 F. Le Général de GAULLE passe 3 jours

à Lille en avril.

En juin, naissance de la Communauté Urbaine de Lille: 88 communes et 925 000 habitants.

La palme d'or de Cannes à Claude LELOUCH pour "Un homme et une femme".

Le 22 juin, le général de GAULLE est en visite à Moscou.

La taxe sur les appareils télé est fixée à 100 F.

Budget de l'état: dépenses en hausse de 10,5%.

320 000 demandes de téléphone sont en instance; attente moyenne de 16 mois.

L'escalade se poursuit au Viêt-Nam. Saigon et Hanoï sont des cibles potentielles.

En été, MAO TSE TOUNG installe la révolution culturelle en chine.

On inaugure l'usine marémotrice de la Rance.

En Italie, inondations catastrophiques dans le nord du pays: 2 mètres d'eau dans les villes. Florence est sinistrée

La Chine possède l'arme nucléaire. En décembre, l'autoroute A1 est

ouverte, un tronçon de 180 Km relie Lille à Paris.

On estime le nombre des chômeurs à 298 000.

4 jeunes sur 10 entrant dans la vie professionnelle n'ont pas de formation sérieuse.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix

En 1965, les pompiers sont sortis 957 fois, dont 22 fois pour rien.

Le froid est glacial en janvier; -17° à Lille, la mer gèle à Dunkerque.

Un incendie détruit 1 000 m2 de dépôt à la Lainière.

Au conseil municipal de mars, le budget est fixé à 5 milliards d'anciens francs.

Le centre d'accueil du PACT est ouvert 8, rue Saint-Antoine.

Une maison des jeunes et de la culture s’ouvre 16, rue du Pays.

Roland NUNGESSER en visite à Roubaix. Au programme:courée de la rue Vaucanson et immeuble de l"os à moelle".

C'est le jubilé Georges VERRIEST. Match de gala entre les anciens du CORT (Da Rui, Delepaut, Kopaniat, Leenaert, Gianessi, Hilt, Boury, Kretschmar, Strikane, Singier) et ceux du LOSC (Van Gool, Lemaitre, Bigot, Clauws, Prévost, Lechantre, Baratte, Tempowski, Strappe, Lefevre).

225

Certificat d'Etudes Primaires, 1175 candidats, 16% d'échecs.

Le pont Nyckès est ouvert à la circulation en juillet.

Centre aéré de Roubaix: le "pont-rouge" accueille 4 000 enfants en moyenne pour un coût total de 40 millions d'anciens francs.

Le 29 juillet, inauguration du centre social de Carihem.

Dès août, les premiers occupants s'installent au H13.

Les Trois-Ponts sont démolis. La dernière ferme de Roubaix, rue de Charleroi, va disparaître.

Un Nord Eclair spécial sur les courées de Roubaix où vivent encore près de 25 000 personnes.

21 000 enfants de 2 à 14 ans se préparent pour la rentrée.

On tente l'expérience du chauffeur-receveur de bus sur une ligne roubaisienne.

Monsieur PISANI, ministre de l’équipement, est en visite à Hem. Les A.P.F l'interpellent sur le problème des courées à Roubaix.

Il y a 200 enfants en crèche à Roubaix et 500 dans le Nord

Au conseil municipal de décembre, deux thèmes importants: la rénovation et les constructions scolaires (on envisage 3 salles de sports supplémentaires).

Les courées de l'Alma vont disparaître mais les A.P.F manifestent et tendent une banderole sur laquelle on peut lire: "urbanisation, d'accord! Mais, quand? Pour qui?"

Et au PileEt au PileEt au PileEt au Pile …

Le Cercle Artistique Roubaisien reçoit 3 000 F de subvention pour mettre en scène Carmen de BIZET.

Prosper HOSTE, président honoraire du C.A.R et du cercle symphonique Jean Macé-Pasteur, et François WINANTS sont nommés chevalier du mérite philanthropique

Le 6 mai, cérémonie au café VERSLYPE: un "Pilé", MAMADOU est fait chevalier de l'ordre de l'éducation civique ;

Monique, Chantal et Béatrice VAN LAERE, les triplées du Pile, font leur communion solennelle à Saint Rédempteur.

L'amicale Jean Macé-Pasteur fait ses adieux à Robert DELNESTE.

32 doublettes pour le concours de boules lyonnaises sur la place Carnot.

Octave VANDEKERKHOEVE fait une causerie sur "le chemin des Incas".

Le Comité d' Entraide à l'honneur: Alphonse MAZINGUE et Robert MARECHAL sont décorés.

La coupe des anciens du Pile est attribuée au café tenu par monsieur et madame SCRIGNAC, 111 rue Marie Buisine.

226

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1967: 1967: 1967: 1967

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Intensification des combats au Vietnam. Le Viêt-Cong attaque les bases U.S et Saigon.

GRISSOM, WHITE et CHAFFEE : premiers morts de l’espace. Ils sont carbonisés dans leur cabine Apollo.

Les relations Chine-U.R.S.S. sont tendues.

TOUTANKHAMMON s’expose à Paris.

Législatives de mars : 80 % de votants au 1er tour ! L’Union pour la 5me

République obtient une petite majorité, 2 sièges. Jacques CHIRAC est élu à 35 ans.

Conflits sociaux en série : licenciements à la C.I.M.A, Berliet, Saint-Nazaire…

. Incendie et naufrage du Torrey-Canyon. et première marée noire en France : 80 km de plage souillées entre Bréhat et Trégastel.

4ème gouvernement POMPIDOU : le 6 mai, Edgar PISANI est nommé ministre de l’équipement et du logement. Mais il en démissionne le 29 et il est remplacé par Xavier ORTOLI.

La guerre des 6 jours éclate au Moyen Orient. Les incidents se poursuivront toute l’année.

Tornade sur le Nord : Pommereuil, village dévasté : 180 maisons sur 240 sont inhabitables.

Le SMIG, les allocations familiales sont augmentés ; allègement de la TVA ; hausse sur le gaz, l’électricité et les cotisations de la Sécurité Sociale qui, déjà, est déficitaire !

Affaire de dopage au tour de France remporté par Roger PINGEON. Tom SIMPSON s’écroule dans l’ascension d’un col et décède.

Cette année-là, au cours d’un voyage officiel au Canada, le Général De GAULLE lance le fameux "Vive le Québec libre". Il annule sa visite à Ottawa et rentre en France plus tôt que prévu. On parle d’incident grave !

Aux U.S.A, toujours empêtrés dans le conflit vietnamien, une flambée d’émeutes

raciales se déroulent dans diverses grandes villes. A Détroit, 5000 gardes fédéraux sont appelés en renfort pour intervenir. New York et Milwaukee sont touchés.

En octobre, premières images de la télévision en couleur.

Limitation de vitesse pour les débutants : ils ne pourront pas dépasser le 90 Km/heure.

Il y a 50 millions d’habitants en France.

L’âge de fin de la scolarité obligatoire passe de 14 à 16 ans. Il faudra construire des établissements. En attendant, on s’arrangera.

Les centres d’apprentissage du textile se font connaître. Au nombre de 6 aux environs de Roubaix, ils s’inscrivent à la suite de la prolongation de la scolarité. Les enfants de 12 à 16 ans sont scolarisés dans le collège à l’intérieur de filières (1: cycle long, 2 : cycle court, 3 : transition pratique et 4 : éducation spécialisée). Le passage, à partir de 16 ans, des jeunes sans diplôme vers ces centres sera une voie vers la vie active.

227

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Les vœux du Maire :

• Synchroniser les opérations Alma et Trois-Ponts

• La grand poste sera le Centre Culturel de Roubaix

En janvier, les A.P.F ouvrent le dossier noir du logement.

Le budget municipal sera de 60 millions. Les taxes augmentent aussi.

"Un secteur qui se paupérise" : 3 articles du journal Nord-Eclair sur les problèmes du Galon d’Eau, de l’Entrepont et du Laboureur.

Le LIDO devient le paradis des lèche-vitrines.

Enquête du 12 avril : Taudis = maladie + délinquance. Dans l’agglomération de Roubaix-

Tourcoing, 19 % des logements ont - de 20 ans, 22 % ont de 20 à 60 ans, 47 % de 60 à 100 ans et 12 % ont + de 100 ans dont ¼ en courées. Les courées représentent 37 % des logements de la Guinguette.

Léonie VANHOUTTE, résistante de la dernière guerre, décède à l’âge de 85 ans.

18 mai : dernier spectacle de Jacques BREL, c’est à Roubaix.

Lille devient le siège de la Communauté Urbaine. André DILIGENT l’accepte mais avec réticence. Augustin LAURENT, maire de Lille, devient le premier président de cette structure.

Lancement de l’opération Carihem - avenue Brame. Un pont va enjamber la voie ferrée.

Au nom du conseil municipal, André DILIGENT propose une charte économique qui confirme la vocation textile de Roubaix – Tourcoing.

Le foyer d’accueil de l’avenue Brame est inauguré. Il en est de même pour le nouvel hypermarché Auchan à Roncq le 24 août.

Les groupes scolaires ne sont pas en reste : L’ Inspecteur d’Académie et le Maire inaugurent l’école Albert Camus, le groupe scolaire Buffon, l’école Jean Macé rue d’Anzin, le C.E.S de la rue Dupuy de Lôme et l’extension du Lycée Baudelaire.

Victor PROVO est élu président du Conseil Général du Nord.

Après le dossier noir du logement, les A.P.F préparent celui de l’emploi.

Au conseil municipal de novembre, on aborde l’élargissement et la rénovation de la Grand Place où circulent 40 000 véhicules chaque jour. Une nouvelle piscine sera construite à la Potennerie.

Conférence à la Société d’Emulation : Jacques PROUVOST y parle des courées.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Exposition au 58 rue Hoche. Le Boule Club du Pile remporte, pour

la deuxième année, la coupe Raymond HAZEBROUCK

Le 4 mai, c’est la braderie : affluence record.

A partir du 10 juin, un mois de bonnes affaires chez les commerçants du quartier.

En juillet, fêtes quinquennales au Pile : 48 heures de festivités.

• Course cycliste dans les rues • Tournoi de foot place Carnot • Spectacle sous chapiteau • Tournoi de basket et de boules

lyonnaises • Cortège folklorique avec chars • Match de catch • Spectacle de variétés • Bal du dimanche soir • Tombola : 1er lot, un vélo solex

Manifestation de promotion pour la gare du Pile.

L’école des filles, rue du Pile, aura une nouvelle cour de récréation, grâce à l’acquisition des terrains de la cour Orange.

L’abbé MATHIAS, ancien prêtre de Saint Rédempteur, quitte le Sacré Cœur pour Sainte Elisabeth.

228

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1968: 1968: 1968: 1968

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde Il fait froid en janvier ! – 45° aux

U.S.A, – 10° sur la Côte d’Azur. Séisme en Sicile : plus de 600 morts

et 60 000 sinistrés. Au Vietnam, bataille acharnée autour

de Khe San. Saigon est attaquée ainsi que 12 autres villes du sud. 10 000 G.I sont envoyés en renfort.

Le 6 février, début des Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble, où Jean Claude KILLY brillera.

La crise : compte tenu de l’indice des prix, les fonctionnaires espèrent 6 % d’augmentation. Ils en auront 2,5. Le dollar chute. L’or flambe.

En avril, l’assassinat du pasteur Martin LUTHER KING déclenche une série d’émeutes.

L’agitation estudiantine se développe à Rome, à Paris, à Bonn…C’est le début du printemps de Prague.

4ème semaine de congés pour tous. Printemps chaud ! Manifestations, violences, grèves vont

se succéder durant le mois de mai. La province suit dans le calme. Le 20, le pays est paralysé, les négociations trouvent les premiers accords le 26 : le SMIC passe de 384 à 520 F. par mois, les salaires augmentent de 10 %. Après le voyage surprise du général de GAULLE à Baden-Baden et l’appel à la radio, l’ordre revient.

L’Assemblée Nationale est dissoute, les grèves et les négociations vont se poursuivre durant le mois de juin. Le 20, 200 000 irréductibles poursuivent leur mouvement, mais il n’y aura plus de manifestation après le 14 juin.

Dans le même temps, les négociateurs pour la paix au Vietnam se retrouvent à Paris. Ce sera long.

Le 6 juin, Bob KENNEDY est victime d’un attentat.

Le bac 68 sera tout oral. Les élections législatives donnent à

l’U.D.R. 355 députés sur 487! Dans la région, 12 circonscriptions sur les 37 sont gagnées par la majorité.

Maurice COUVE DE MURVILLE

devient 1er ministre. Dès juillet, la hausse des prix, des taxes, des impôts est un sujet à l’ordre du jour. Philippe DECHARTRE est à l’équipement et au logement.

Le 20 août, les troupes de la Russie et de ses alliés entrent en Tchécoslovaquie.

Aux Jeux Olympiques de Mexico, le mouvement étudiant provoque des heurts. La répression est sévère.

Crise monétaire en France, le franc chute et on parle de plus de 10 % de dévaluation. Mesure repoussée.

Richard NIXON est élu président des U.S.A.

A Roubaix A Roubaix A Roubaix A Roubaix

Bilan mitigé de l’année 1967 : urbanisme : des réalisations mais aussi des interrogations. Emploi : le nombre des chômeurs a quadruplé, plus pour les hommes que pour les femmes, plus pour les manoeuvres que pour les cadres.

Les pompiers sont intervenus 1 625 fois mais plus souvent pour des accidents routiers que pour des incendies.

Le conseil municipal doit partager ses compétences avec la communauté urbaine qui percevra 3,5 millions d’impôts de la ville.

C’est le centenaire de la Fanfare DELATTRE.

Inter quartiers à Roubaix : des jeux comme à Inter villes sur toutes les places.

Le 13 mai, 30 000 manifestants à Lille ; le 20, 600 usines sont occupées dans la métropole. Le conseil municipal vote un crédit de 200 000 francs pour les grévistes. Les cantines scolaires sont gratuites. En juin, les enseignants reçoivent une avance de 300 F. mais la situation reste confuse : certaines écoles, la S.N.C.F, la C.I.M.A... sont toujours en grève.

Le recensement de 1962 donnait les indications suivantes : 112 000 habitants dont 47,5 % de sexe masculin, 86,7 % de français de naissance, 4,4 de nationalisés, 6,2 % d’étrangers et 4,4 % d’algériens.

Les premiers résultats du nouveau recensement montrent une augmentation de

229

la population, 115 000 habitants, et du nombre des étrangers, 17 %.

La première tour des Trois-Ponts est terminée, on ébauche le futur centre social.

Le ministre du logement en visite à Roubaix, à la cour Pollet, rue de l’Hommelet et au Fort des quatre Jumeaux.

Hubert CARON est le président du conseil roubaisien des jeunes.

En finale, c’est le quartier Epeule-Alouette qui remporte les jeux de l’Inter quartier, le Pile se classe troisième.

Cette année encore, les petites annonces laissent apparaître que l’espace pris par les demandes d’emploi est nettement inférieur à celui occupé par les offres. Mais, paradoxalement, la situation s’aggrave et Roubaix compte de plus en plus de chômeurs.

Lancement d’une opération Ville propre, en relation avec les festivités organisées dans le cadre de la commémoration de la Charte des drapiers.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Tiercé des proverbes chez les

commerçants : vainqueurs, 2 écoliers. Le bilan des manifestations commerciales est positif.

La gare du Pile voit son chef partir à la retraite.

Noël DELESTRAIN est le roi de la bourle au cercle Saint Alexandre.

Malgré la pluie, la braderie du Pile s’efforce de faire belle figure.

C’est aussi sous la pluie que la place Carnot accueille les épreuves de l’inter quartier.

Encore des fêtes au Pile : course cycliste, fête de la bière, gala de catch et bal sous chapiteau.

Une page entière de publicités pour les commerçants du quartier en fête.

Logo de la campagne de propreté à Roubaix.Affiches, autocollants, … fleuriront afin de sensibiliser toute la population de la ville qui sera encore, durant quelques années, la lauréate du concours des villes fleuries

230

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1969: 1969: 1969: 1969

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Richard NIXON fait son entrée à la Maison Blanche ; les négociations de paix au Vietnam se poursuivent à Paris.

Réforme scolaire : grandes vacances du 28 juin au 8 septembre, plus de classes le samedi après-midi et remplacement du jeudi par le mercredi pour équilibrer la semaine.

Cette année-là, on inaugure la limitation de vitesse à 90 Km/heure pour les jeunes conducteurs. Les accidents de la route sont meurtriers. On comptera 130 morts et 1 000 blessés pour les départs du 14 juillet.

La retraite à 60 ans, on en parle. Une enquête réalisée par Nord-Eclair donne comme résultat : d’accord à 90 % !

Le chômage est toujours en augmentation dans la région, même si les offres d’emploi restent supérieures aux demandes.

Référendum sur la régionalisation : "oui, mais" de Giscard et 52,86 % de non !

Le général de GAULLE présente sa démission.

C’est Georges POMPIDOU qui est élu le 16 juin avec 57,8 % des suffrages, contre 42,2 % à Alain POHER. Mais déjà 31 % d’abstentionnistes.

Jacques CHABAN-DELMAS devient 1er ministre, Valéry GISCARD d’ESTAING va aux finances, Albin CHALANDON est à l’équipement, avec un secrétariat d’état au logement confié à André VIVIEN.

Le 16 juillet, Apollo 11 part vers la lune. Le 21, "ils ont marché sur la lune" et

ce, en direct devant un demi milliard de téléspectateurs !

Le 24, ils sont de retour sur terre. Eddy MERCKX remporte son 1er tour

de France. Le franc est dévalué de 12,5 %. Le 21 août, jour anniversaire des

émeutes, Prague revoit les barricades et les chars soviétiques.

La législation sur les bidonvilles s’appliquera aux courées.

Mesures sociales : augmentation du S.M.I.G. de 3,8 % (il passe à 3,27 F/heure), prime de 100 francs pour les familles nombreuses et 3 % de mieux pour les retraités et les fonctionnaires.

DUBCEK démissionne à Prague. Le "printemps" est bien fini.

Au Moyen Orient, les incidents sont permanents. Au sud Liban, on crée une zone réservée aux Palestiniens.

Et de nouveau, mais cela passe plus inaperçu, les astronautes d’Apollo 12 marchent sur la lune en novembre.

A Roubaix A Roubaix A Roubaix A Roubaix C’est l’année du 500ème anniversaire

de la Chartre des Drapiers. 7 mois de manifestations et de festivités.

Les Hauts Champs et Longchamps en expansion continue. Bientôt plus de 16 000 habitants.

Jacques PROUVOST donne une conférence sur "la femme dans l’histoire de Roubaix".

Triste constat : la mortalité infantile n’a pas régressé à Roubaix depuis 8 ans.

Le 1er février, l’opération Anseele atteint le boulevard Gambetta. L’usine HUET est démolie.

On inaugure une nouvelle salle de sports boulevard de Mulhouse.

231

Un budget municipal en hausse ; Roubaix est "sinistré par sa vétusté", les charges sont trop lourdes.

Maurice SCHUMANN, ministre des Affaires Sociales, vient inaugurer officiellement le Foyer des Jeunes Travailleurs, rue d’Alger.

C’est la fête ! Journée officielle des jumelages, inauguration du rond-point de l’Europe et cortège carnavalesque de plus de 5 Km dans les rues de Roubaix. Tour de France : Prologue à Roubaix le 30 juin, ALTIG est maillot jaune.

Projet Alma-Gare, peut être pour le 6ème plan !

Un constat fait lors de l’assemblée générale des locataires du groupe Anseele : 2/3 des locataires ont déjà quitté le quartier !

Sous un soleil de plomb, le championnat de France de pétanque se déroule au parc Barbieux. 600 joueurs sont venus de tous les départements. L’équipe du Gard remporte le trophée.

Le 4 août, orage sur la région : 50 cm d’eau dans les rues les plus basses de la ville

On achève l’opération Anseele avec 376 nouveaux logements.

Les Associations Populaires des Familles de Roubaix sont reçues par André VIVIEN. Thème : pour une démolition humaine des courées.

Le ministre remet en cause les subventions pour Roubaix. Plus de 400

manifestants "contre les courées". Des porte-parole iront à Paris.

En novembre, Roubaix organise un grand colloque sur l’urbanisme.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Le pont du Galon d’Eau est remis à

neuf. Monsieur et madame LAMMENS-

CAUDRON fêtent leurs noces d’or. Ils furent cafetiers place Carnot, à l’enseigne "À la maison du charron"

Le Comité des Commerçants présente son projet annuel de festivités : braderie, exposition, grande quinzaine publicitaire, illuminations, bal, fête de la bière, course cycliste…

En mai, le Cercle Artistique Roubaisien remporte le prix du festival international d’art lyrique à Vichy.

On fête le centenaire de la création du théâtre Louis RICHARD. "P’tit Morveux" en visite chez le maire, exposition et conférence par Léopold RICHARD, petit-fils du fondateur.

Octave VANDEKERKHOVE en conférence au cercle culturel de la FAL : "Trois semaines au Népal".

L’équipe du cercle Saint-Rédempteur en finale du tournoi de bourles organisé dans le cadre des festivités pour l’anniversaire de la charte.

40 anciens sont reçus pour Noël au café "Au vieux chêne"

L’église Saint-Rédempteur doit être consolidée. Des travaux sur la charpente sont réalisés.

Bruxelles et Alma, même combat.

232

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 197: 197: 197: 1970000

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Conflit au Nigeria : 1,5 millions de réfugiés fuient vers la brousse.

En janvier, on commence à évoquer le rôle de Lille comme carrefour de l’Europe du Nord grâce aux T.G.V. qui transiteront vers Londres, Bruxelles, Amsterdam…

Georges MARCHAIS devient le patron d’un P.C. qui exclut Roger GARAUDY.

Déclaration de Jacques CHABAN-DELMAS : "Plus de bidonvilles en 1972".

Par arrêté préfectoral, naissance de Villeneuve d’Ascq. Villeneuve en Flandre fut longtemps une dénomination possible.

Limitation de vitesse: 110 Km/H sur les routes, libre sur les autoroutes. Les Automobiles-clubs n’y sont pas favorables, pourtant le bilan des départs de Pâques plus lourd que l’an dernier fait réfléchir : 74 morts et 804 blessés.

Avalanches à Val d’Isère (39 morts) et au Plateau d’Assy (52 victimes).

Apollo 13 : incident et retour en catastrophe. Accueil délirant après 3 jours d’angoisse.

Après 18 mois d’interruption, les raids U.S. reprennent sur le Vietnam.

Le Brésil, vainqueur de l’Italie, devient pour la 3ème fois champion du monde de football à Mexico.

Etude INSEE : 59 % des adultes et plus de 50 % des enfants ne partent pas en vacances.

Le salaire des métallurgistes sera mensualisé.

La rentrée des classes sera difficile : 1/3 seulement des postes demandés par les syndicats sont accordés.

Vacances meurtrières : 235 morts pour les départs d’août, soit 25 % de plus que l’an dernier.

Les troubles et les combats entre les Jordaniens et les Palestiniens amènent l’intervention de la Syrie et l’avènement du roi HUSSEIN. Les USA mettent leurs forces en alerte.

Nécrologie : BOURVIL meurt le 23 novembre à l’âge de 53 ans, NASSER le 28, à l’âge de 52 ans.

Lille-Marseille, direct par autoroute. Hausses en série : essence, timbres,

SNCF…Boîte de nuit en feu à Saint-Laurent

du Pont : 142 jeunes victimes.

Lundi 9 novembre : le Général de GAULLE décède à Colombey-les-deux-Eglises. Hommage du monde entier. 50 000 personnes assistent aux obsèques dans le petit village qui devient lieu de pèlerinage.

Catastrophe asiatique : typhon dans le golfe du Bengale, au Pakistan : 700 000 morts et plus de 5 millions de sinistrés.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix

C’est en janvier que le service des urgences de l’hôpital est inauguré.

Le C.I.L est lauréat du concours de la maison individuelle. Il construira 4 000 logements dans la région.

La mortalité infantile est toujours de 30 pour 1000 à Roubaix !

Les logements des Forts Briet et Sioen vont enfin être démolis. Les habitants s’organisent avec l’A.P.F et se regroupent pour défendre leurs intérêts. Pause gymnastique pour 700 femmes dans diverses entreprises de Roubaix.

233

La fête des écoles publiques de la ville, organisée par la Fédération des Amicales Laïques de Roubaix et les enseignants, connaît chaque année un succès immense.

En février, le gaz naturel arrive à Roubaix.

Au conseil municipal : pas d’impôts nouveaux ; aide pour les habitants des courées ; début de l’opération Alma-Gare en fin d’année ; construction d‘un groupe scolaire aux Trois-Ponts.

Il y a 21 125 étrangers à Roubaix, soit 18 % de la population.

Victor PROVO est réélu président du Conseil Général.

En grève depuis 5 semaines, les ouvriers de Stein et Roubaix organisent des quêtes sur la voie publique.

MERCKX gagne Paris-Roubaix. En mai, le C.O.R.T. disparaît et

l’Excelsior renaît. Préoccupations du conseil municipal :

économie et logement. Inauguration de la piscine de la rue

Dupuy de Lôme.

En juin, les A.P.F. mobilisent les habitants et murent quatre maisons, rue de Wasquehal.

Les parlementaires en visite à Roubaix : au programme, les courées.

4000 enfants de 4 à 14 ans fréquentent quotidiennement le centre aéré municipal.

Le groupe "Boussac" confirme plus de 1 000 licenciements dans le Nord.

Au Conseil municipal de novembre : une crèche et un centre commercial aux Trois-Ponts ; seconde tranche du groupe scolaire Camus ; une salle polyvalente rue de Rome ; une crèche, rue Marie Buisine.

Le 19, ouverture de l’hypermarché Auchan Leers.

On commence à distribuer les poubelles hermétiques aux Roubaisiens.

Pose de la première pierre de la maternité Paul GELEE.

Meeting au fort Briet. Le cartel de défense des habitants se mobilise contre les termes d’un courrier de l’ORSUCOMN

Et au PileEt au PileEt au PileEt au Pile………… Le Cercle Artistique Roubaisien

organise une soirée cabaret flamand à l’amicale Pierre de Roubaix.

L’équipe VERSLYPE remporte le tournoi de la boule infernale.

Le 7 mai, beau succès de la braderie du Pile sous le soleil.

Le 31, kermesse de la Solidarité. Au cours d’une réunion publique au

Pile, Victor PROVO déclare :" Nous nous sommes consacrés au logement parce que nous avons pensé que c’était le plus urgent. Si des courées sont à démolir, certaines ne le sont pas".

150 maisons de 15 courées du Pile ont reçu l’eau potable à domicile

234

Cette année là: 1971Cette année là: 1971Cette année là: 1971Cette année là: 1971

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Le S.M.I.C est fixé à 3,63 francs, soit 718 francs pour 44 heures.

Pour la 3ème fois, on marche sur la lune. SHEPARD et MITCHELL y ramasseront 54 kg de cailloux en 48 heures.

L’Algérie nationalise son gaz naturel ; O.P.E.P. : le baril de pétrole passe de 2,45 à 3,55 dollars

FERNANDEL meurt à 67 ans. Les fonctionnaires seront augmentés

de 6 % cette année. Eddy MERCKX remporte Paris-Nice,

Milan-San Rémo, le tour de France et le championnat du monde.

100 000 paysans en colère à Bruxelles. Manifestations violentes.

Le Nord va tester le paiement des impôts par mensualités.

Les conflits sociaux sont importants et touchent les fonctionnaires, les enseignants, les métallos,la poste,Renault, la S.N.C.F. (plus de 4 semaines de grève) et les lycéens (contre la loi DEBRE).

Hausse en mai : EDF, +3 % et Fuel + 6,5 %. L’inflation est en moyenne de 0,5 % chaque mois.

En juin, 15 000 manifestants dans les rues de Lille.

François MITTERRAND devient le nouveau leader du P.S.

Soyouz 11 : le défaut de fermeture du sas provoque la mort des trois cosmonautes.

Augmentations : allocations familiales de 5,3 % et S.M.I.C. de 4,6 %.

Un nouveau "LEM" sur la lune. SCOTT et IRWIN y font plus de 6 kilomètres en "auto".

Naissance de la Fédération Arabe Unie entre la Libye, l’Egypte et la Syrie.

Mort de KROUCHTCHEEV en juillet et de Louis AMSTRONG en août.

L’industrie textile régionale a perdu 4800 emplois en 1970.

La Chine Populaire entre à l’O.N.U. Pékin y remplace Formose.

En octobre, la Grande Bretagne adhère au Marché Commun.

Proposition du gouvernement : le traitement des fonctionnaires sera augmenté de 7,7 % en 1971 et de 5,5 % en 1972. Refus des syndicats

Un conflit au Cachemire entre l’Inde et le Pakistan. 14 jours de combats.

Le dollar est dévalué de 7,89 %. C’est la seconde fois de son histoire.

Pour le salon du confort ménager, les entreprises nationalisées font une publicité importante. Le choc pétrolier n’a pas encore eu lieu.

235

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Bilan 1970 des interventions des 89

pompiers : 3 066 sorties, soit 8 à 9 par jour.

Inauguration de la Maison des Jeunes, place de la Fosse-aux-chênes.

Hauts-champs et Longchamps : les habitants s’organisent avec le soutien des A.P.F. Problèmes évoqués : loyer, absence de terrain de jeux, prix du chauffage.

Résorption des courées : démolition et construction de 209 logements rue de l’Hommelet.

Construction d’immeubles de standing, rue Verte à Croix.

Aux élections municipales de mai, Victor PROVO est élu au 1er tour avec 53 % des suffrages. Quant à la parité, il y a 5 femmes sur les 37 élus !

Le 13 mai, peu après les élections, Jean DELVAINQUIERE décède à l’âge de 59 ans. Alain FAUGARET lui succède.

Installation de parcmètres en centre ville. Les commerçants se sentent brimés.

Tornades sur la France. A Roubaix, le Galon d’Eau est sous l’eau ! 100 % des serres et cultures de la métropole détruites.

Soldes, publicités… sont présents en grand nombre dans les quotidiens.

Ouverture du parking de Roubaix 2000 : 1 franc pour 1 heure 15 de stationnement et première quinzaine gratuite.

Colisée 2 : 220 places de cinéma. Rue Archimède : la cour Lepoutre est

privée d’eau depuis 3 semaines : mobilisation des habitants, mais il faudra encore 1 semaine pour rétablir le circuit.

La rentrée à Roubaix : effectif chargé et importante population étrangère dans certaines écoles. Record : rue de Naples avec 88 % !

Des disparités existent entre les trois circonscriptions :

Roubaix-Nord : moyenne de 50 % pour les garçons et 55 % chez les filles.

Roubaix-Ouest : moyenne de 54 % Roubaix-Est: moyenne de 24 % mais

rue du Pile, 37 %, rue Pierre de Roubaix, 46 %)

Les effectifs sont en moyenne de 40 élèves à l’école élémentaire et de 50 à l’école maternelle

Les demandes d’emploi occupent une colonne du journal, les offres occupent une page.

Au conseil municipal de novembre, Victor PROVO prône le retour aux centres d’apprentissage de jadis pour répondre aux problèmes de la prolongation de la scolarité et des filières… La municipalité doit investir dans des locaux provisoires.

30 % des familles touchées par les "opérations courées" sont prises en charge par le P.A.C.T où Pierre DUBOIS fait son entrée.

Le 10 décembre, on apprend le décès de Charles BODART-TIMAL.

Et au PileEt au PileEt au PileEt au Pile………… Le Cercle Artistique Roubaisien se

distingue : "les cloches de Corneville" au théâtre Pierre de Roubaix et cabaret flamand à l’amicale.

Succès habituel de la kermesse de la Solidarité et de la braderie du Pile.

Le match de foot entre jeunes et anciens du Pile est contrarié par le mauvais temps.

A l’assemblée générale du C.A.R, on y présente les projets pour l’année 1972 : au programme, 8 opérettes.

La rue Pierre de Roubaix et la rue du Coq Français sont mises en sens unique.

Octave VANDEKERKHOVE à la FAL : "un périple en Afrique du Sud".

La coupe de belote du Vieux Chêne est remportée par le duo THESSE-SIX.

236

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1972: 1972: 1972: 1972

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Le 1er janvier, décès de Maurice CHEVALIER.

Les hausses : alcool 5%, tabac 3% .Le coût de la vie en 71 + 6 %.

Le 22 , naît l’Europe des 6. CHABAN-DELMAS à Roubaix pour

présenter le projet "nouvelle société". Dans les courées, il déclare :" Qui n’a pas vu ça n’a rien vu".

Début de l’affaire de Bruay. Inculpation du notaire, maître LEROY, par le juge PASCAL.

Et de 5. Apollo 16 dépose YOUNG et DUKE pour plusieurs jours sur la lune.

67 % de oui pour l’entrée dans le marché commun de la Grande Bretagne.

Le sénateur André DILIGENT présente un rapport sur la publicité à la télévision.

C’est en mai que les pourparlers de paix au Vietnam reprennent à Paris.

Année scolaire 1972-73 : des zones de vacances en février, le jeudi cède la place au mercredi, et la mixité, dans les écoles élémentaires, se généralise. Rentrée : le 12 septembre.

A partir du 24, on code les enveloppes de courrier.

Capture de la "bande à BAADER" en Allemagne.

Démission de Jacques CHABAN-DELMAS, Pierre MESMER le remplace ; Olivier GUICHARD est à l’équipement.

Dans le dossier de Bruay, le juge PASCAL est dessaisi de l’affaire.

Eddy MERCKX remporte le tour de France.

L’alimentation est responsable en partie de la hausse du coût de la vie, 7,30 % cette année.

Eddy MERCKX bat le record de l’heure : 49,8 km.

Raymond SOUPLEX, alias l’inspecteur BOURREL, meurt le 23 novembre à l’âge de 71 ans.

NIXON élu président des Etats-Unis avec 65 % des suffrages.

Ouverture des Jeux Olympiques de Munich le 26 août. Prise d’otages israéliens par des Palestiniens : 10 athlètes et 2 délégués sont tués.

Riposte d’Israël : raid de l’aviation au Liban et incursion dans les camps palestiniens. De nombreuses victimes.

63 % des Français sont pour la peine de mort .

Plan GISCARD contre l’inflation : baisse de la T.V.A. et + 0,25 % pour le livret écureuil.

Apollo 17. CERNAN et SCHMITT restent 3 jours sur la lune.

23-12 : 16 rescapés d’un avion perdu depuis 2 mois à 3000 mètres dans les Andes sont retrouvés.

Le 31.12, on a la 3ème chaîne à la télé.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix

Les pompiers sont sortis 2 634 fois en 1971.

Les Associations Populaires des Familles fêtent leurs 20 ans. " Tous les problèmes importants de notre vie, logement, pouvoir d’achat, santé, éducation, loisir, sont abordés par l’A.P.F " souligne Roger LEMAN. ( Nord Eclair du 10 janvier)

Résorption de l’Habitat Insalubre : destruction des courées dans les secteurs Hommelet, Moulin, Epeule et Alma.

Au conseil municipal, hausse des impôts locaux de 17 %.

On parle de fusion, Lille avec Hellemmes, Ronchin, Fives, Villeneuve d’Ascq et Roubaix avec Hem, Croix, Lys, Leers, Lannoy.

237

Tous les maires des communes "concernées" sont contre.

A.P.F. de Roubaix nord : "nous voulons une ville nouvelle".

Meeting au Fort Frasez : après l’incendie d’une maison et le retard pour reloger les sinistrés, squat d’une maison rue des Anges.

Ouverture, dès la rentrée, du lycée Jean Moulin, boulevard de Paris.

A l’Alma-Gare, les A.P.F. mettent au point un autre plan d’urbanisme.

Conseil municipal : l’Alma démarrera en 73 : 64 hectares compris entre la rue de Tourcoing, le canal, la voie ferrée et l’avenue Jean LEBAS.

Emission de télévision en direct de Roubaix, "Hexagone" présente la vie de trois familles de l’agglomération et organise le débat entre des représentants des familles et Edgar FAURE. De débat, peu ou point, mais des revendications et des interrogations, beaucoup.

La mixité dans les écoles élémentaires de Roubaix pose le problème des installations sanitaires.

André DILIGENT fait l’objet d’articles du journal. Une enquête du C.R.E.G.E. sur la résorption des courées montre qu’en moyenne, on y trouve des personnes plus jeunes, plus d’étrangers (52 %), plus de personnes seules et des revenus moins élevés. Pierre MAUROY, Victor PROVO et Léonce CLEREMBEAUX vont au ministère de l’équipement pour plaider le dossier de l’Alma.

A Roubaix, les H.L.M. poussent comme des champignons à la place des courées (rue de l’Hommelet, rue de l’Epeule, rue Descartes, îlot Ingouville et Grand Rue).

Impôts locaux : ils sont de plus en plus chers, il y a de moins en moins de contribuables à Roubaix,

La Grand Place transformée en immense terrain de pétanque pour les championnats de France. Sur le sable recouvrant les pavés, les Bouches-du-Rhône et les Pyrénées-Orientales se distinguent

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…

Manifestation des A.P.F. rue Dampierre pour le relogement d’une famille.

Nouveau triomphe du Cercle Artistique Roubaisien dans le "Pays du sourire".

Banquet et coupe de belote au Vieux Chêne au profit des anciens.

Au concours fédéral de boules, les Roubaisiens maîtres chez eux.

La cour Orange : un jardin fleuri ! Philippe DELESTRAIN, roi de la bourle

1972 au cercle Saint Rédempteur. 500 spectateurs font un triomphe à

"Rêve de valse", interprété par le C.A.R Exposition colombophile au café

VERSLYPE, place Carnot. Un turbotrain, le TGV 001 en visite

gare du Pile pour l’inauguration du pont de Carihem.

Claire LOSFELD, organiste depuis 52 ans à Saint Rédempteur, décède quelques minutes après la messe du 9 avril.

Match de foot humoristique organisé par le Vieux Chêne sur la place Carnot et toujours au profit des anciens.

Au concours fédéral de boules, les Roubaisiens maîtres chez eux.

238

1962196219621962----1972197219721972 Dans le monde.Dans le monde.Dans le monde.Dans le monde. Sur fond de guerre froide, la compétition entre U.S.A. et U.R.S.S. trouve un terrain

d’expression dans la conquête de l’espace. Si la première femme cosmonaute et la première sortie dans l’espace sont soviétiques, la lune appartiendra dès 1969 aux Américains qui y déposeront des astronautes à six reprises.

Les processus de décolonisation et la création d’Etats nouveaux font naître des conflits de pouvoir en Afrique, en Asie et au Moyen Orient. Israël est isolé par les états arabes et le problème des Palestiniens est crucial en Jordanie et au Liban.

En aidant le Vietnam du sud, les Américains se trouvent entraînés dans un conflit qui ne trouvera sa solution que 9 années plus tard. Pendant ce temps, la Chine accède au rang des grandes puissances: entrée à l’O.N.U, arme nucléaire.

L’Europe se construit lentement. Du marché commun agricole en 1962 à l’entrée de la Grande Bretagne, 10 années passeront.

La crise économique n’épargne aucun pays industrialisé et a des répercussions sur l’ensemble de la planète: dévaluation, montée du chômage, hausse des prix, tout concourt à créer un mécontentement qui trouvera une expression violente en 1968.

L’O.P.E.P. se crée en 1972 et fixe le prix du baril de pétrole. Ce moyen de pression des pays non industrialisés aura des suites économiques importantes et marquera la fin des "Trente Glorieuses".

Les figures emblématiques de la seconde guerre mondiale disparaissent, une nouvelle génération de leaders politiques s’installe.

Et eEt eEt eEt en Francen Francen Francen France Le conflit algérien trouve sa solution au début de la décennie, mais les relations entre les

deux pays mettront du temps à se stabiliser. Les différences d’idées sur la fin de la colonisation créeront l’O.A.S., les attentats, une droite extrémiste.

Le gaullisme, mis parfois en difficulté, résiste aux événements et s’installe dans la durée avec la 5ème République et ses institutions. Le référendum devient un mode de consultation fréquemment utilisé. Une opposition dispersée tente de se regrouper autour de François MITTERRAND, Georges MARCHAIS et Michel ROCARD. Cette redistribution de la lutte électorale, en 2 pôles, semble plus en accord avec l’esprit de la constitution.

La politique des grands travaux se poursuit par la mise en service du tunnel du Mont Blanc, de l’autoroute Lille-Marseille, du T.G.V., de l’usine marémotrice de la Rance, du Concorde, du paquebot "France". Le tunnel sous la Manche est programmé, Lille devient carrefour européen.

La route tue. Les constats mettent en cause la vitesse et l’alcool. La limitation de la vitesse fait son apparition pour les jeunes conducteurs.

Le malaise économique crée de nombreux conflits. Les grèves sont fréquentes dans le secteur public. Les augmentations successives du S.M.I.C. et des prestations sociales sont contrebalancées par une hausse des prix continuelle. Les avantages salariaux des accords de Grenelle, en 1968, vont vite s’estomper. La quatrième semaine de congé est acquise.

Le chômage devient en France une réalité préoccupante. Même si le niveau des offres d’emploi reste supérieur à celui des demandes, l’entrée dans la vie active est un problème. Les constats sombres sur la formation initiale des jeunes amène un regard réformiste sur l’Education Nationale : réorganisation des congés scolaires et de la semaine de travail, diversification des filières du baccalauréat ; pourtant, effectifs toujours chargés et rentrées des classes difficiles. Laquerelle privé-public provoque des manifestations importantes.

On bâtit, on bâtit beaucoup, mais les bidonvilles existeront encore en 1972.

239

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Roubaix reste un bastion socialiste. Les alliances S.F.I.O. - centristes assurent les succès

électoraux et la pérennité de l’équipe en place. Victor PROVO, maire immuable depuis 1945, préside le conseil municipal. La perte du poste de député ne change pas les choix de la ville, par contre la naissance de la Communauté Urbaine de Lille, la place de Roubaix et de Tourcoing au sein de la métropole ainsi que la création d’un 3ème pôle, Villeneuve d’Ascq, sont plus préoccupants.

La crise économique touche Roubaix. Elle avance plus ou moins masquée. On licencie dans le textile, on parle de délocalisation, mais les centres d’apprentissage restent de bons pourvoyeurs de main d’oeuvre peu qualifiée. Le recours aux personnes issues de l’immigration est permanent et le taux des étrangers à Roubaix va augmenter de manière significative: 18 % de la population globale, mais au niveau des écoles, près de 40 % en moyenne des élèves sont étrangers ou issus de l’immigration. La particularité du logement roubaisien accentue ce phénomène.

Si Roubaix semble être une ville en essor, les problèmes du logement sont une charge importante. La résorption des courées, la création d’une ville au nouveau visage, les relogements, font pousser des immeubles comme des champignons. Les opérations Edouard Anseele, Hauts-Champs et Trois-Ponts sont menées rondement, mais c’est insuffisant. La courée, symbole de pauvreté, d’inconfort et de nuisances, persiste. Même si l’on démolit, il y a tellement à faire que cela prendra du temps. Malgré les progrès médicaux, Roubaix est une ville où la mortalité infantile reste très élevée.

Pour aller vite, on occupe les terrains vides, on s’attaquera aux îlots à détruire ensuite. L’Alma se prépare. Le P.A.C.T. ouvre une voie nouvelle au relogement.

Le logement est un enjeu politique. Négociations entre élus locaux et nationaux sont fréquentes, que ce soit à Paris ou sur le terrain où une nouvelle entité apparaît, l’habitant.

La montée en puissance des A.P.F. locales instaure une forme de contre-pouvoir aux projets des élus. Cela se manifeste par des actions de terrain qui regroupent militants et habitants. Ces actions localisées correspondent à des préoccupations dépassant largement le cadre du local: urbanisme, santé, cadre de vie, éducation, loisirs...

Mais Roubaix bâtit aussi des groupes scolaires, des collèges, des salles de sports, des crèches et une piscine. On investit dans des équipements, le souci de faire du social est prégnant: lePont-Rouge accueille 4 000 enfants gratuitement pendant 6 semaines l’été et les centres récréatifs du mercredi se multiplient.

La vie culturelle et festive est beaucoup décentralisée. Chaque quartier a son cinéma, son union commerciale, son comité des fêtes et d’entraide, ses associations laïques, cultuelles, sportives. Les grandes festivités y marquent les saisons: braderies, fêtes, banquets, tournois. La fête des écoles, les foires de printemps et d’hiver, les grands événements sportifs (Paris-Roubaix, tour deFrance, tournois de football..), les manifestations culturelles de la charte ou du jumelage, sont à l’échelle de la ville. Le sport reste populaire même si Roubaix est absent au niveau national.

Le commerce reste un élément moteur de la vie roubaisienne et les Unions Commerciales sont les interlocuteurs privilégiés des élus. Un phénomène qui ne semble pas poser question: l’apparition des hypermarchés en périphérie. Auchan est à Roncq, Roubaix et Leers, Monoprix, Miniprix sont au centre, les marchés Gro pas très loin, et tout cela cohabite avec les commerces de quartiers. Pour combien de temps encore?

Et au PileEt au PileEt au PileEt au Pile Si en 1961, le journal Nord Eclair réalise une série d’articles sur le Pile, ce quartier

n’attire que peu l’attention. La vie y est rythmée par les manifestations locales, les problèmes de logements ne sont pas préoccupants, l’immigration y est acceptable.

L’ Union Commerciale est forte, le Comité de Fêtes est actif, les lieux de vie comme les commerces et les cafés y sont nombreux, les associations ont chacune leur public, la solidarité entre générations fonctionne, les personnages importants sont reconnus, le cercle artistique rayonne.

Le Pile vit au rythme de ses événements festifs.

240

En conclusion, on peut dire que le monde a pris un autre visage : de nouveaux pays, émergent, de nouveaux rapports de force s’établissent, le tiers monde devient une réalité. Cela a des répercussions sur l’économie et chaque état se préserve. L’Europe en construction s’établit en troisième force des pays industrialisés.

La France vit sur les acquis des années d’après guerre, le bouillonnement de 1968 fera plus parler qu’agir. Bien que l’on assiste à la montée d’un certain anti-américanisme, les modèles capitalistes sur la réussite, la consommation, les loisirs sont une réalité.

Roubaix est encore une ville importante qui produit, mais cette production est en déclin. Son image se ternit sans que cela soit dramatiquement perçu par ses habitants.

Photographie Roger DELBECQ : bulletin d’information municipale

septembre 1970

241

Plan de la cour BONTE, rue du Pile. Cet ensemble de maison sera l’objet de toute l’attention du C.A.L dans la période qui va suivre. Il s’y créera notamment une dynamique collective de réhabilitation urbaine et de gestion d’un lieu de vie.

242

Cette année làCette année làCette année làCette année là : 1973: 1973: 1973: 1973

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Entrée de l’Irlande, du Danemark et de la Grande Bretagne dans le marché commun.

Augustin LAURENT démissionne de son mandat de maire de Lille. Pierre MAUROY lui succède.

Le 27 janvier, après 30 ans de conflits, c’est enfin le cessez le feu au Vietnam.

Incendie criminel du C.E.S de la rue Pailleron. 21 morts !

Le dollar est dévalué de 10 %. Crise monétaire et répercussion sur le prix du pétrole. Hausse de l’or de 15 %.

Elections législatives de mars : Léonce CLERAMBEAUX devient député de Roubaix. La gauche passe de 124 à 177 sièges. Pierre MESMER est premier ministre, Joseph FONTANET est à l’équipement.

Olivier GUICHARD déclare :" On ne bâtira plus de grands ensembles".

Défilé lycéen contre la loi sur les sursis.

Décès de PICASSO le 10 avril. Début du scandale du Watergate.

Onze collaborateurs de Richard NIXON démissionnent. Les travaux de la commission d’enquête du Sénat sont présentés en direct à la télé.

Le SMIC passera à 1000 francs en juillet. Hausse des salaires de 6 %.

6 ans après le coup d’état, la république est proclamée en Grèce.

Le Bourget : le frère jumeau de Concorde, le Tupolev 144, s’écrase après le décollage : 14 morts.

Inquiétude pour la santé de Georges POMPIDOU. En Espagne, FRANCO laisse le pouvoir.

Vitesse limitée à 100 km/h sur les routes, ceintures obligatoires à l’avant, plus de poids lourds le dimanche.

Allocations vieillesse : + 7 %. Rupture de freins : un autocar belge

s‘écrase dans le torrent en bas de la côte de Laffrey : 44 morts

LIP : usine occupée, autogestion des salariés. Réactions : évacuation de l’usine et plan de sauvetage.

Au Chili, après une tentative de putsch, les militaires mettent en doute la légalité du gouvernement de Salvador ALLENDE

LIP, toujours en conflit depuis 140 jours. Les payes sauvages s’organisent.

Le 12 septembre, débute la révolte des militaires au Chili. Le général PINOCHET prend le pouvoir, Salvador ALLENDE se donne la mort au siège de la République. Répression brutale, exécution sommaire et plus de 7 000 arrestations.

Arrivée du premier Concorde aux U.S.A

Fernand RAYNAUD se tue en voiture le 28 septembre.

Nouvelle poussée à Gauche. Pierre PROUVOST est élu Conseiller Général à Roubaix Est.

Le 6 octobre, nouvelle guerre au Moyen Orient. 2 fronts contre Israël, en Syrie et au Sinaï. Après 15 jours de conflit, la Libye décide de doubler le prix du baril du pétrole. Cessez le feu le 10 novembre mais il faut une force d’interposition : les casques bleus. Les produits pétroliers augmentent encore.

Le manque d’énergie pétrolière amène des restrictions en Belgique, aux Pays-Bas (vitesse, aménagement de la semaine scolaire, chauffage) et plus de circulation le dimanche! Ce dispositif sera repris par 5 autres pays. En France : limitation de la vitesse sur les routes à 90 Km/h et 120 sur les autoroutes ; éclairage réduit après 22 heures ; plus de télé après 23 heures.

L’embargo des pays arabes provoque une récession importante en Europe.

Le blocage des prix alimentaires provoque une grève des P.M.E alimentaires.

En fin d’année, les prix du pétrole brut seront encore doublés.

Georges POMPIDOU annonce une année 1974 difficile. Le coût de la vie a augmenté de 9 % cette année ! Le S.M.I.C. est en hausse de 20 % en 1 an.

On fait la première saignée à Sangatte pour le tunnel sous la Manche.

243

Un attentat palestinien à l’aéroport de Rome : explosion d’un boeing de la Pan- Am, 30 morts.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix A une conférence donnée aux parents

d’élèves, on déclare :" Le textile offre une chance de progrès et de réussite".

En 1972, les sapeurs-pompiers sont sortis 5 fois plus qu’en 1971 !

Etat civil : moins de mariage mais recul de la mortalité infantile : moins 2 %.

Inauguration de la nouvelle crèche, rue Marie Buisine le 3 février, du groupe scolaire Léo Lagrange et de l’autopont de Carihem le 10, puis le 17, c’est au tour des salles de sports de la rue de Rome et de la rue Dupuy de Lôme. Il y a maintenant 10 salles de sports à Roubaix !

Les impôts locaux vont augmenter de 12,54 %.

Depuis 3 jours, rue de Toulouse, une courée est privée d’eau.

On inaugure toujours : le C.E.S de la rue d’Alger et le lycée Jean Moulin.

Avant le démarrage de l’opération Alma, les A.P.F mobilisent les habitants et dénoncent les loyers trop élevés dans les logements anciens.

Inquiétude au conseil municipal où l’on parle d’expatriation d’une partie de l’industrie textile. En cause : le manque d’espace et la qualification de la main d’œuvre.

En mai, Nord-Eclair réalise deux semaines de reportages sur le nouveau quartier des Trois-Ponts, où les habitants commencent à s’organiser.

On y trouve même des permanences syndicales pour le logement.

700 familles seront concernées par le premier périmètre de rénovation de l’Alma.

Le P.A.C.T s’appellera dorénavant le C.A.LP.A.C.T.

Insécurité: la délinquance s’accroît avec 8423 affaires en 1972, (3601 en 1965) et les effectifs de police diminuent.

Roubaix est cette année la ville la mieux fleurie du Nord.

Une série d’articles sur l’îlot Anseele donnent la parole aux habitants. On y manque de locaux collectifs, d’espaces verts. Il y a une cabine téléphonique pour 5000 habitants.

Le feu vert est donné pour le démarrage de l’opération Alma.

En novembre, bilan d’activités des Associations Populaires des Familles de Roubaix-Nord. Les commissions, 1-enseignement, 2-femmes chef de famille, 3-sociale et 4-logement, présentent leurs travaux. Il est demandé la création d’ateliers d’urbanisme, où les techniciens, les usagers et les financeurs pourront dialoguer.

Conseil Général : budget en hausse de 50 %.

Adoption du P.O.S de Roubaix par la C.U.D.L

Victor PROVO déclare dans un entretien à Nord Eclair :" Il n’y aura pas plus de chômage à Roubaix qu’ailleurs".

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Succès cette année pour le C.A.R :"Le

pays du sourire" en janvier et "la cocarde de Mimi Pinson" en septembre, plus une animation sous chapiteau place Carnot en avril avec des airs de la belle époque.

Octave VANDEKERKHOVE fait un exposé sur les bêtes sauvages en début d’année, et sur l’Indonésie en fin d’année.

Bilan positif pour le Comité des Fêtes. La braderie est réussie, et les fêtes quinquennales se sont terminées par un carnaval et un gala de catch.

La place Carnot est en sens giratoire. La cour 91 rue Dampierre est un

modèle de petite oasis fleurie. Crime au Pile : Carmen PETIT est

assassinée au 124 rue du Pile.

244

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1974 : 1974 : 1974 : 1974

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

La pénurie s’installe. Le gaz est rationné de 25 % dans 53 départements. Les Belges peuvent rouler un dimanche sur deux.

Le lingot d’or vaut 19 630 francs, il cotait 10 580 il y a un an ; en février, il atteindra 27 505 francs.

Pierre MAUROY est élu président du Conseil Régional.

En hausse : super à 1,75 F (+ 0,40) ; essence 1,62 F (+ 0,37), EDF-GDF +16 %; le charbon suivra.

Accord entre Israël, Syrie et Egypte. Nouveau gouvernement MESMER :

Olivier GUICHARD est à l’Equipement, Christian BONNET au Logement. Jacques CHIRAC est ministre de l’Intérieur.

Catastrophe aérienne à Ermenonville : 345 morts.

Le 8 mai, inauguration de l’aéroport Roissy-Charles de GAULLE.

Conflits sociaux en série dans le secteur public mais aussi dans le secteur privé avec les banques, Stein, le textile, la GBM… Il n’y a pas de réponse sur l’augmentation du pouvoir d’achat.

En mars, Georges POMPIDOU, qui est indisposé, reporte ses voyages à l’étranger.

Son décès survient brutalement le 2 avril.

Les élections présidentielles auront lieu le 5 et le 19 mai. 12 candidats.

La hausse des prix du 1er trimestre : 4,2 %.

Au 1er tour, MITTERRAND est en tête avec 43,36 % des voix, GISCARD D’ESTAING en obtient 32,85. Le grand perdant est Jacques CHABAN-DELMAS avec 14,64. Arlette LAGUILLIER apparaît avec 2,5 % et Le PEN 0,5 %.

Plus de 30 millions de téléspectateurs suivent le débat entre les deux tours. Le 19 mai, c’est Valéry GISCARD d’ESTAING qui l’emporte avec 50,7 % des suffrages.

L’Inde possède la bombe A. Jacques CHIRAC devient 1er ministre

d’un gouvernement dans lequel on trouve beaucoup de nouvelles têtes: Robert GALLEY à l’Equipement, Jacques BARROT au Logement, Simone VEIL à la Santé, René HABY à l’Education Nationale, Jean Pierre FOURCADE aux Finances et Françoise GIROUD à la Condition Féminine.

Les prix, en hausse de 1,6 % en avril et de 1,2 % en mai, provoquent la mise en place d’un plan d’austérité. Crédits plus chers, 10% de hausse sur le dernier tiers provisionnel!

On accorde le droit de vote et la majorité civile à 18 ans ; la pilule sera en vente libre ; le S.M.I.C passe à 6,40 F. de l’heure ; les allocations familiales (+ 12 %), le minimum vieillesse et les pensions sont revalorisés.

En juillet, c’est la fin de l’O.R.T.F. Les trois chaînes seront concurrentes.

Le "France" est désarmé à l’automne. 1er MERCKX, 2ème POULIDOR. Ce

sont les podiums du tour de France et du championnat de monde.

Colère paysannes et révoltes dans les prisons. Beaucoup de dégâts.

Rattrapé par le scandale du Watergate, NIXON quitte la Maison Blanche. Gérald FORD devient le 30ème président des U.S.A.

Le roi des rois, Haïlé SELASSIE, est destitué par l’armée en Ethiopie.

On parle de tickets de rationnement pour l’essence, elle augmentera de 0,50Fr ; et la vitesse sera limitée à 130 km/h sur les autoroutes et 110 sur les routes.

Automne chaud. Grèves : ORTF, EDF &GDF, Education Nationale, SNCF, PTT…

En novembre, on dénombre 43 000 demandes d’emploi non satisfaites dans le Nord et 689 000 en France.

245

La loi VEIL sur l’avortement est adoptée par 284 voix contre 189.

Les licenciés économiques bénéficient d’une année de traitement. Les cotisations ASSEDIC seront augmentées.

Catastrophe minière à Liévin.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA RoubaixLes pompiers sortent plus à cause des

accidents de circulation. (+ 512 en 1973) Les A.P.F mettent la pression : à

l’Epeule, cour DEWAILLY ; à l’Alma où les réunions du mercredi soir font un tabac ; aux Trois-Ponts pour le chauffage trop cher.

Jacques PROUVOST est le nouveau président de la société d’Emulation.

Le 11ème Auchan voit le jour à Grande Synthe.

Les habitants de la C.U.D.L ont jusqu’en mai pour faire leurs observations sur le plan d’occupation des sols. On y prévoit la liaison Trois-Ponts – canal par la rue Lannes, le percement entre la rue de Maufait et la rue de Lannoy pour faire suite à l’élargissement de la rue Pierre de Roubaix.

On inaugure la crèche Henri NOYON aux Trois-Ponts.

Au conseil municipal, Léonce CLERAMBEAUX déclare :" les habitants de l’Alma veulent un A.P.U, la formule est vague et complexe. Il faut que la population comprenne que la discussion ne peut s’engager qu’à partir d’un avant - projet". La réponse des A.P.F se fera par écrit et par acte. Ils boudent l’inauguration d’un local d’accueil à l’Alma: " Il faut distinguer permanences et A.P.U ".

Le Pont-Rouge n’accueillera plus les enfants de plus de 12 ans.

On prévoit la construction d’un palais des sports de 2000 places boulevard de Belfort.

Les anciens de l’Alma visitent les foyers logements. Ils diront ensuite où va leur préférence.

Chaque année à Roubaix, il y a plus de logements qui se dégradent que de neufs qui se construisent. Le C.A.L-P.A.C.T, où monsieur Edouard PICK est réélu président, propose de lancer un plan de développement de l’agglomération.

Roubaix 2000. C’est difficile, un plan d’urgence s’impose pour mettre le centre sur orbite. 5 000 m2 de surface au sol sont disponibles. Le déficit est de 6,5 millions.

En octobre, présentation du projet de 773 logements à l’Alma. L’accueil reste peu favorable.

C’est en novembre que le premier face à face entre les consultants parisiens et les A.P.F a lieu.

On inaugure la salle de sports, rue de Coligny, et le foyer restaurant du boulevard de Belfort.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…

René HARLE, chef de gare au Pile, part en retraite.

Le Cercle Artistique Roubaisien présente "les mousquetaires au couvent".

Ses projets pour l’année prochaine : 5 opérettes et pour la première fois, un opéra.

Succès habituel de la braderie. Combat au sommet au Cercle Saint

Alexandre pour le titre de "roi de la bourle". André GHYSEL, l’aîné du club, bat en finale le benjamin, Xavier DELAPORTE.

Animation des quartiers : chapiteau sur la place Carnot. Musique, théâtre, cirque… trois jours de festivités.

246

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1975: 1975: 1975: 1975

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Georges MARCHAIS est hospitalisé pour un malaise cardiaque.

Le chômage est en forte hausse : + 17 000 dans le nord depuis 1973. Et 46 % des chômeurs ont moins de 25 ans.

Les Anglais disent NON au tunnel sous la Manche. Pourtant, les travaux sont commencés.

La Gauche est en crise : désunion et remise en cause du programme commun.

Margaret THATCHER est le nouveau leader du parti conservateur.

On commence à parler de la réforme HABY : le collège unique, 35 élèves par classe en maternelle, scolarité obligatoire dès 5 ans…

C’est le premier enduro du Touquet. Le président GISCARD d’ESTAING

en voyage en Centrafrique est reçu par le Maréchal BOKASSA.

Les tarifs de la SNCF augmentent de 8,5 %.

Le roi FAYCAL d’Arabie est victime d’un attentat.

Au Vietnam, des milliers de réfugiés fuient l’invasion des combattants du Nord. La bataille de Saigon se prépare.

Nouvel accident à Vizille, au bas de la côte de Laffrey : 27 morts et 25 blessés.

Marché de l’emploi en crise : les offres diminuent et le nombre des chômeurs passe la barre de 800 000 en mai.

Jean Claude CASADESSUS prend la direction de l’orchestre de Lille, ancien orchestre de l’ORTF.

Au Cambodge, les Khmers rouges prennent le pouvoir.

En juin, début des manifestations de lycéens contre la réforme HABY.

Au Portugal, les élections donnent la majorité au P.S de Mario SOARES.

Les villes de la région perdent des habitants au profit de leur banlieue. 115 000 Nordistes ont dû partir, 30 000 rien que pour le bassin minier.

Fermé depuis 8 ans, le canal de Suez est re-ouvert au trafic le 5 juin.

Le SMIC en hausse de 6 % passe à 7,55 F. et les salaires des fonctionnaires seront au minimum de 1660 F. par mois.

A Lyon, le juge RENAUD est exécuté par des truands.

En juillet, le Portugal est au bord de l’affrontement armé. La crise durera plusieurs mois.

1ère arrivée du tour de France sur les Champs-Elysées où Bernard THEVENET finit en jaune devant Eddy MERCKX.

Explosion d’un terril à Calonne-Ricouart: 5 morts et de gros dégâts.

Plan de relance du gouvernement, 30 milliards pour enrayer le chômage, dont 5 pour les consommateurs (250 F. par famille pour la rentrée), 9 pour les entreprises (allègements et reports de charges), 13 pour les grands travaux et 2 pour les collectivités territoriales. Bilan dans 6 mois.

Le chômage est en hausse de 17,5 % en septembre !

Les fruits et légumes ont augmenté de 21 % en 1 an.

Hassan II, roi du Maroc, organise la première marche verte et pénètre au Sahara espagnol.

En octobre, plus de 1 000 000 de chômeurs en France, dont 278 000 de plus de 6 années.

Décès du caudillo Franco. Le prince Juan Carlos est couronné roi et prend les fonctions de chef d’Etat.

Mesures économiques : l’intérêt du livret A passe de 7,5 à 6,5 % et les cotisations sociales maladie augmentent de 0,75 %.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix

Les centres sociaux de Roubaix présentent leur programme : ils se trouvent rue de l’Epeule, à la tour E des Trois-Ponts, rue Carpeaux, rue du Luxembourg, au centre de la Guinguette et La Maison, rue de Lille.

247

Au conseil municipal, austérité à l’ordre du jour : la construction du palais des sports est reportée et les impôts communaux sont en hausse de 19,8 %.

Les patrons des maternités de Roubaix sont hostiles à l’I.V.G

Les A.P.F. organisent une visite des courées avec rencontre avec les habitants de la Barbe d’Or pour entendre des témoignages en direct.

Dans une maison de l’Hommelet, autour de la table de la salle à manger, Léonce CLERAMBEAUX dialogue avec les habitants sur l’urbanisme du quartier.

La Lainière et Kuhlmann réduisent leur personnel.

Il y a 131 % de demandeurs d’emploi en plus à l’ANPE de Roubaix-Tourcoing ; 37 usines ont procédé à des licenciements.

Faute de terrains à bâtir, Roubaix est saturé sur le plan démographique. Hem, au contraire, a doublé sa population en 15 ans.

Chaud ! Chaud ! 35 ° à Roubaix : le 5 août, on nage dans le canal.

Le centre aéré "new look" propose beaucoup d’activités extra-muros, mais son effectif est passé de 5000 à 3200 dont 42 % d’immigrés.

Jusqu’à l’automne, Nord-Eclair va proposer une série de chroniques de Charles BODART-TIMAL, "Roubaix sous la révolution".

On inaugure la sixième crèche roubaisienne, boulevard Montesquieu.

Le rapport entre les offres et les demandes d’emploi s’est brutalement modifié:

3 demandes pour 2 offres en 1973 2 demandes pour 1 offre en 1974 4 demandes pour 1 offre en 1975 Victor PROVO annonce qu’il quittera

ses fonctions en 1977. En octobre, c’est le début des histoires

de "Julie, ch’est mi " dans le quotidien.

Une série d’articles mettent en exergue les rapports tendus entre les villes de l’agglomération.

Le 31 décembre, Auchan s’installe à Roubaix 2000.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Acquisition par la ville des immeubles

situés à l’angle des rues Paul Bert et Lalande. On y fera un espace public.

Premier succès du C.A.R cette année avec " Valses de Vienne".

Au printemps, réunion avec les habitants à La Solidarité, boulevard de Belfort. Une question : Quel urbanisme pour l’avenir du Pile ? On évoque la création d’un comité de quartier.

Braderie du Pile, le jeudi de l’Ascension : Gymkhana équestre sous le soleil.

Accident rue de Condé. Heureusement, pas de victime

248

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1976: 1976: 1976: 1976

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde Le coût de la vie a augmenté de 9,5 %

l’an dernier. "Concorde" peut atterrir aux U.S.A En février, on arrête Patrick HENRY

pour le meurtre du petit Philippe. Nicole ROUGERIE, qui est déléguée

régionale à la Condition Féminine, vient à la rencontre de familles défavorisées.

Les hausses : électricité 15,4 % et gaz, 7,5 %.

Malgré la qualité des enseignants, 52 % des Français trouvent que le système scolaire fonctionne mal.

Grève en série en France. On commence avec les fonctionnaires.

Aux élections cantonales, poussée de la Gauche : le P.S gagne 194 sièges, le P.C., 75. Tous les autres partis en perdent.

En France, on passe pour la première fois à l’heure d’été.

LIP, de nouveau en difficulté, le dépôt de bilan est proche.

Face aux étudiants, qui manifestent ou qui sont en grève, Alice SAUNIER-SEITE envisage le report des réformes universitaires.

Si le chômage semble amorcer une baisse, le coût de la vie est en hausse de près de 1 % chaque mois.

Tremblement de terre dans le Frioul en Italie. 1000 morts et 50 000 sinistrés.

Il fait chaud, il fait sec. 25 mm d’eau au lieu de 106 habituellement en deux mois. Les agriculteurs sont inquiets.

Le Stadium Nord, juste terminé, accueille les championnats de France d’athlétisme.

Détournement par les Palestiniens d’un avion d’Air France vers Entebbe en Ouganda. 82 israéliens gardés en otages sont libérés par un raid de l’armée israélienne qui détruit une partie des installations de l’aéroport et plusieurs Mig 31 de l’armée ougandaise.

14 juillet à Lille : défilé inhabituel, 1500 militaires et 350 véhicules.

Guy DRUT médaillé d’or aux J.O de Montréal.

Cambriolage du siècle à Nice. Ils sont passés par les égouts et ont fracturé 350 coffres pour un butin de plus de 50 millions. Albert SPAGGIARI, cerveau de l’affaire se fera arrêter quelques mois plus tard.

Licenciements en série: 250 au tissage Lestienne; 45 à monoprix; 700 chez Lesage à Bailleul; 4 000 pour la fin d’activité d’Usinor à Trith saint Léger.

Catastrophe de Sévézo : la dioxine contamine 70 000 personnes.

Beyrouth : guerre civile entre Palestiniens et Phalangistes. Vision d’horreur dans les camps.

C’est à Paris qu’ils passent aussi par les égouts pour forcer 130 coffres de la Société Générale.

Remaniement ministériel : Raymond BARRE devient 1er Ministre et ministre des Finances, Jacques BARROT reste au Logement. Jacques CHIRAC, en froid avec le Président, postulera pour les municipales à Paris et prendra la direction du R.P.R

31 août, fin de la sécheresse : des vacances très ensoleillées, mais il y aura un impôt supplémentaire pour couvrir la note de 10 milliards.

Simone VEIL présente la campagne anti-tabac.

Le plan BARRE sous le signe de l’austérité. Le super à 2,25 F. En novembre, tous les jours, quelque chose : protestations, manifestations, grèves, …

Décès de Jean GABIN, André MALRAUX, MAO TSE TOUNG.

Jimmy CARTER, nouveau président des Etats-Unis.

249

Pour les municipales de 77, un accord PS-PC est conclu dans la moitié des 220 villes de plus de 30 000 habitants.

TF1 en couleur en décembre. A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix

La priorité pour Roubaix : refaire le centre.

Au palmarès des villes fleuries de France, Roubaix est 5ème.

Pillages, incendies, immondices, eau potable coupée, tel est le lot des habitants de la Guinguette.

Les A.P.F multiplient leurs interventions. "Opération survie", pour obtenir une rencontre des habitants de l’Alma avec le conseil municipal ; un marché à Toufflers…

Roubaix est relié au réseau autoroutier le 9 avril.

Après 16 jours de grève, le travail reprend à la T.R.U

Plus de 1000 manifestants dans les rues pour le défilé du 1er mai.

Pierre PROUVOST présente à la presse le manifeste socialiste pour Roubaix.

Dès juillet, lancement de la campagne électorale pour les municipales. Une liste de la gauche unie et une autre portée par André DILIGENT seront en présence.

L’office HLM souhaite abandonner la construction des grands ensembles collectifs au profit de logements intermédiaires.

A l’Alma, réunion aux chandelles, durant laquelle Roger LEMAN propose du code des "ronds rouges" apposés aux fenêtres pour les réparations urgentes.

La mobilisation ne faiblit pas et les habitants du secteur de la Barbe d’Or manifestent parce qu’ils n’ont pas été consultés sur les constructions futures.

Au conseil municipal, vote d’une aide pour les personnes relogées.

Une maison des techniciens, rue de France, au service des habitants.

Les abattoirs sont détruits, on les remplacera par un C.E.T

Le pont Beaurepaire sera démoli et reconstruit.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Les établissements COUCKE se sont installés à la Condition Publique.

L’incendie du voisin, les transports VALCKE sera la cause de gros dégats, les pompiers ayant dû noyer toute la zone

Une nouvelle société au Pile : L’Amicale des anciens et des sympathisants du C.A.R

En novembre, la résidence Dampierre est inaugurée.

.

250

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1977: 1977: 1977: 1977

En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde A la cour d’assises de Troyes, Robert

BADINTER sauve la tête de Patrick HENRY.

Hausse des prix en 76 : 9,9 %. Le record de 74 (15,2 %) n’est pas battu !

Le torchon brûle entre GISCARD et CHIRAC. Celui-ci annonce sa candidature à la mairie de Paris.

Après 33 mois de détention au Tchad, Françoise CLAUSTRE est libérée par Hissen HABRE.

Ouverture du centre Beaubourg : succès immédiat avec 18 000 entrées.

Chômage : + 5 % en 1 an, la moitié des demandeurs d’emplois ont – de 25 ans.

1er tour des municipales de mars : poussée à Gauche. Confirmation au second tour, les 2/3 des villes de plus de 30 000 habitants seront gérées par l’alliance PS-PC. Pierre MAUROY est maire à Lille, Jacques CHIRAC à Paris.

Les nouveaux immeubles ne pourront pas avoir plus de 6 étages dans les grandes villes, et 4 dans les villes moyennes.

Aux Canaries, collision entre deux boeing sur la piste d’envol : 547 morts.

Second gouvernement BARRE. Les conflits sociaux ne s’apaisent pas, les licenciements se poursuivent, les grèves sont dures. 7 semaines au port de Dunkerque.

La crise au Moyen Orient est permanente. Le Liban est un enjeu pour ses voisins.

Bernard HINAULT fait son entrée dans la cour des grands après ses victoires dans Gand-Wevelghem, Liège-Bastogne-Liège et le Dauphiné libéré. Bernard THEVENET gagne le tour.

Mesures sociales : plan pour l’emploi des jeunes et retraite à 60 ans avec 70 % du salaire.

Rien que dans le Nord, 100 000 jeunes cherchent du travail.

Les fruits et légumes ont augmenté de 20 % en 1 an !

La polémique PC-PS au sujet de la force de frappe remet en cause la politique étrangère du programme commun.

La réforme HABY se met en place : CP à rythme différencié, 24 élèves en 6ème

avec des heures de soutien, et instauration des conseils d’écoles.

Les Radicaux quittent le sommet de la Gauche en septembre. Le 23, la rupture est consommée. La Droite, au contraire, passe des alliances.

André DILIGENT est élu secrétaire général du C.D.S

Enfin, la paix !

Le S.M.I.C à 1700 francs. par mois, soit 9,79 de l’heure.

Détournement d’un avion de la Lufthansa vers Mogadiscio. L’ enjeu est la libération des membres de la bande à BAADER. Une opération commando libère les 91 otages.

Le "France" est acheté par un P.D.G d’Arabie Saoudite pour devenir un hôtel flottant.

Loi GUERMEUR : égalité de salaires entre enseignants du public et du privé.

En novembre, Auchan V2 est ouvert à Villeneuve d’Ascq.

Le R.E.R est opérationnel à Paris. Le chômage continue à s’aggraver

pour les jeunes. Le 23 décembre, l’Union de la

Gauche a vécu ! Cette année, Charlie CHAPLIN, La

CALLAS, GOSCINY, Jacques PREVERT, Elvis PRESLEY, Jean ROSTAND, nous ont quittés.

251

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Etat civil : 3440 naissances et 1772

décès, dont 31 enfants âgés de moins de 1 an. La mortalité infantile est en baisse, elle passe sous les 30 0/00.

Pierre PROUVOST conduira la liste d’union de la Gauche aux municipales. André DILIGENT présente son programme électoral et déclare : "pour sauver Roubaix de la clochardisation, qu’on lui donne les crédits prévus pour la ville nouvelle…"

Renaissance du carnaval de Roubaix : un succès.

En mars, au conseil municipal,Victor PROVO fait un discours d’adieu à la vie communale; on y annonce une hausse.des impôts locaux de15 %.

Pierre PROUVOST est élu maire avec 53 % des voix. Le nouveau conseil est composé de 26 P.S, 11 P.C. et 2 P.S.U.

Bernard CARTON, nouvel adjoint à l’urbanisme, poursuit la concertation avec l’Alma. Mais des frictions apparaissent très vite, la concertation avec les autres quartiers se passe mieux.

Gustave ANSART présente son livre : "de l’usine à l’Assemblée Nationale".

Conférence de presse du maire : présentation de la pénétrante de l’Alma,de l’extension de La Redoute et d’un projet de zone industrielle à l’Entrepont.

La concertation se met en place dans la ville. Les élus se rendent dans tous les quartiers et dialoguent avec la population. Marc VANDEWYNCKELE, adjoint, est chargé des relations avec les quartiers.

Circulation : la rue du Coq Français, la rue de Lille et la rue Jean Moulin sont mises en sens unique malgré les réticences des commerçants.

On inaugure un secteur piétonnier reliant Roubaix 2000 à la Grand Place.

Le Fresnoy se constitue en Comité de Quartier.

Colloque sur l’industrie textile à Roubaix. Le tiers monde exportateur est mis en cause.

Présentation officielle du schéma d’aménagement de l’Alma.

Création de l’Office Municipal de la formation permanente et de la culture (I.R.E.P.). Gérard DEBOUVERIE, est l’adjoint de référence. Le bus municipal serpente dans les quartiers et Marc VANDEWYNCKEKE parle de maison de quartier. Le Sartel se constitue en comité. Au Pile, le Comité des Fêtes est inquiet de l’émergence de ces associations. Ce n’est pas concurrent, c’est complémentaire, dit l’Adjoint.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Michel GHYSEL, mais ce n’est pas

l’adjoint du futur maire de Roubaix, devient le roi de la bourle au cercle Saint Alexandre.

Monsieur et madame BARBE, rue Desaix, vainqueurs du concours de pronostic de la braderie, iront aux Baléares.

Les "poussins" de l’A.C.R., place Carnot, sont champions de football du district UFOLEP.

Remise de médailles pour onze employés du personnel de la teinturerie du Pile.

252

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1978: 1978: 1978: 1978 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Dès janvier, l’échéance électorale de mars est dans les esprits. Il n’y aura pas de désistement automatique du PC pour le PS qui reste sur la défensive. Points noirs du début d’année :

• Enlèvement du Baron EMPAIN. • Mort accidentelle de Claude

FRANÇOIS. • Aldo MORO enlevé par les

Brigades Rouges. L’AMOCO-CADIZ s’échoue au nord

de Brest : 220 000 T. de pétrole à la mer.

Au second tour, la majorité garde le pouvoir avec 288 députés contre 199.

La rançon du Baron EMPAIN n’est pas payée. L’intervention des anti-gangs et la détermination de l’Etat vont amener sa libération le 29 mars. D’autres auront moins de chance : Aldo MORO et le Baron BRACHT seront assassinés.

Raymond BARRE reste 1er Ministre. Hausse des tarifs publics : EDF +10 %, SNCF +15 %, super +10,5 %, tabac +15 %.

Au Zaïre, les rebelles prennent en otage 2 500 Européens. 1 750 parachutistes belges et un bataillon de la légion étrangère sautent sur Kolwezi.

Projet anti-chômage des syndicats allemands : les 35 heures et 6 semaines de congés payés.

On s’attend à 2 000 licenciements à Usinor Denain.

Pierre PROUVOST, nouveau député du Nord, interpelle le Ministre de l’Industrie sur la situation roubaisienne : diminution des emplois de 3 % par an depuis 1958. On atteint 7 % en 1977 !

Au Liban, ARAFAT est mis en difficulté par les extrémistes palestiniens. La Syrie intervient militairement.

Explosion d’un camion de propane près d’un camping en Espagne : 200 morts et 600 blessés.

Bernard HINAULT gagne son 1er tour de France.

En juillet, en Angleterre, naissance, du 1er bébé éprouvette.

Le pape PAUL VI est mort.

Le groupe BOUSSAC est repris par les Frères WILLOT, mais on prévoit 704 licenciements.

85 000 jeunes cherchent du travail dans la région.

Loi martiale en Iran. L’armée sauve le trône du Chah.

A Camp David, sur l’initiative de Jimmy CARTER, SADATE et BEGUIN parlent de paix.

L’Etat prend le contrôle d’Usinor et de Sacilor, mais la menace pèse sur 4 000 emplois. 5 500 seront supprimés!

Jacques BREL meurt à 49 ans. 33 jours après son élection, le pape

Jean Paul 1er est terrassé par une crise cardiaque.

Le nouveau pape, élu dès le premier jour du conclave, est polonais. Il prendra le nom de Jean Paul II.

Les Boot-people font leur apparition au large du Vietnam

Suicide collectif d’une secte au Guyana : 400 morts.

Route du rhum : arrivée de BIRCH qui devance MALINOWSKY de 97 secondes. Alain COLAS n’atteindra jamais les Antilles.

Décès du Président BOUMEDIENNE

253

François MITTERRAND est accueilli à la Fête de la Rose de Roubaix par Pierre PROUVOST.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix A la cérémonie des vœux, le maire

déclare :"Les services communaux doivent répondre à de nouvelles exigences. Il faut ouvrir les services pour tenir compte des besoins des habitants".

On met en place 12 commissions extra municipales.

Des cinémas ont disparu dans les quartiers ( Rex, Tramway, Alcazar, Studia), de nouveaux se sont ouverts en centre ville (Colisée 1, 2, 3) et le Casino se transforme en Club 7.

Marc VANDEWYNCKELE dit lors d’une réunion à Oran-Cartigny : "La formation des comités de quartiers permettra de concrétiser de façon efficace la participation des habitants à l’élaboration du budget municipal. "

1er festival de l’amitié : une semaine de rencontres et de festivités.

Dépôts de bilan des Ets Lepoutre frères : 500 emplois supprimés.

Les 8 maires du versant nord-est déclarent :"Nous ne voulons pas des miettes tertiaires."

Tissage Deffrenne: après 15 mois de luttes et d’incertitudes, le conseil municipal intervient et propose le rachat de l’usine roubaisienne.

L’enseignement spécialisé roubaisien se transforme : l’école de perfectionnement disparaît, l’école de plein air perd 6 classes, des classes d’adaptation sont ouvertes dans les écoles de quartiers.

Une commission consultative des immigrés sera élue prochainement.

La population étrangère est en progression à Roubaix. Quartiers % de 68 à 75 Fresnoy 24,4 + 6 % Alma 27,8 + 6 % Guinguette 36 + 5 % Cul de Four 31,7 + 6 % Oran Cartigny 21,7 + 5 % Hommelet 29,2 + 11 % Centre 23 + 7 % Epeule 25,4 + 8 % Pile 26,3 + 8 %

Suite des rencontres élus-habitants:12 nouvelles réunions prévues sur le terrain durant le mois de septembre.

Le ministre Michel D’ORNANO est en visite à Roubaix. Le Député-maire lui propose la signature d’un contrat avec l’Etat pour le financement des opérations Alma-Gare et Alma-Centre.

Etude prospective de la Chambre de Commerces : il faudra quitter Roubaix-Tourcoing pour trouver du travail. Entre 1962 et 1985, 90 000 emplois textiles auront disparu.

Un questionnaire est remis aux habitants pour qu’ils donnent leur avis sur les priorités du budget municipal.

I.R.E.P : Bertrand SCHWARTZ y fait un exposé sur l’éducation permanente.

Au conseil municipal de décembre, décentralisé à l’Alma : "On va faire du neuf dans le style roubaisien, les associations de quartiers auront un local".

1978, année du sablage de l’Hôtel de Ville.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… La réhabilitation du Pile : ni l’Alma,

ni Anseele. La position des habitants devra être connue avant le début du projet.

H. DEBUISNE, roi de la bourle du cercle Saint Rédempteur.

254

Cette annCette annCette annCette annéeéeéeée----làlàlàlà : 197: 197: 197: 1979999 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Il fait froid. La neige est tombée dans la nuit de la Saint Sylvestre et le verglas s’installe. On roule mal dans le Nord et en Ile de France. La rentrée scolaire est perturbée, La situation perdurera durant le mois de janvier.

Le Chah quitte l’Iran. Le pays attend le retour de l’Ayatollah KHOMEINY.

Les élus locaux vont à Matignon: 6800 emplois seront créés en 3 ans.

Le coût de la vie a augmenté de 9,7 % en 1978.

KHOMEINY acclamé à Téhéran par 5 000 000 de personnes. Le conflit avec l’armée va mettre la capitale à feu et à sang. Le nouveau régime s’installe dans la terreur et fait procéder à de nombreuses exécutions sommaires.

L’OPEP fait monter le prix du pétrole. Actions dures des sidérurgistes dans

les villes de France touchées par la crise. 5000 emplois seront supprimés à Denain, où 5 CRS sont blessés par balle au cours d’affrontements violents.

Il y a 1 341 000 demandeurs d’emploi en mars.

Le traité de paix entre Israël et l’Egypte est signé.

Margaret THATCHER devient 1er

Ministre. Le marché commun est remis en cause.

Incident nucléaire dans une centrale de Pennsylvanie. Des milliers d’habitants fuient sur les routes.

Nouvelles africaines : Amin DADA est destitué en Ouganda, et en Centrafrique, BOKASSA est accusé du meurtre de dizaines d’écoliers.

Le lingot d’or a gagné 37 % en 1 an. Il vaut plus de 44 000 francs en avril, et passera les 70 000 en décembre !

Ce sont les premières élections au parlement européen. 81 sièges pour la France dont 25 pour l’U.D.F, 22 pour le P.S, 19 pour le P.C et 15 pour le D.I.F.E (Chirac).

Simone VEIL quitte le ministère de la Santé pour l’Assemblée Européenne dont elle sera la 1ère Présidente.

L’Irak fournira le tiers du pétrole dont la France a besoin.

En juillet, ceinture de sécurité obligatoire en ville. Apparition de la nouvelle pièce de 2 F.

Les Vietnamiens continuent de fuir leur pays malgré les attaques pirates et les risques de naufrage. Au Cambodge, les Khmers Rouges font subir un véritable calvaire à la population.

Le "France" s’appellera "Norway" et naviguera sous pavillon norvégien.

Et toujours des hausses : le super à 3,06F, l’électricité + 6,4 %, le tabac + 15 % et l’alcool + 10 %. Le pain a augmenté de 22 % en 1 an ! En août, à Rungis, les légumes de consommation courante sont hors de prix.

3ème pacte pour l’emploi ; Robert BOULIN se rend dans le Nord où l’on trouve 116 000 personnes sans travail.

En septembre, c’est la fin du programme "Concorde".

BOKASSA est destitué ; Robert BOULIN se suicide ; Jacques MESRINE est abattu dans sa voiture.

En Iran, 59 otages sont retenus à l’ambassade des Etats-Unis. Les femmes et les noirs sont libérés après 1 mois de détention. La tension monte entre les deux pays.

Le S.M.I.C passe à 12,93 francs de l'heure, soit 2240 francs par mois.

C’est en décembre qu’éclate l’affaire des diamants de BOKASSA.

1er tir de la fusée Ariane : 1er échec. Le budget 1980 n’est pas voté par

l’Assemblée Nationale. Moscou installe à Kaboul un

gouvernement "ami".

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Le froid paralyse la circulation et les

services techniques sont pris de court. On déblaye les rues au bulldozer. Les ennuis dureront plus d’un mois.

Etat civil : 3 759 naissances, 806 mariages, 237 divorces et 1659 décès.

Les pompiers sont sortis plus de 5000 fois en 78. Il y a eu au moins un incendie par jour.

Roubaix reçoit le second prix des villes fleuries de plus de 20 000 habitants.

Le questionnaire municipal montre que 73 % des habitants donnent la priorité aux mesures en faveur de l’emploi.

255

On va rénover les H.B.M. du Nouveau Roubaix. La concertation est en marche. Marc VANDEWYNCKELE se dépense sans compter.

Budget municipal : de la prudence, peu de place pour le rêve.

Bernard CARTON est élu Conseiller Général en mars.

A l’Alma, on n’est jamais à cours d’idées ! On parle de créer une caisse d’épargne pour financer l’emploi de proximité.

On inaugure le Centre Culturel du Forum, la médiathèque.

Bilan des concertations : 130 réunions en 2 ans.

L’Alma-Gare passe à la télé. Commentaire des "LEMAN" : "une émission quelconque", et du maire : "on n’a pas montré l’expérience de concertation".

Le centre aéré accueille 2 800 enfants par jour pendant les vacances. La facture se monte à 2 300 000 francs.

On commence à parler de la drogue. On compte 30 drogués notoires, et 2 morts par overdose en 14 mois.

On prépare une école révolutionnaire à l’Alma : un groupe scolaire décloisonné et ouvert sur le quartier.

On envisage d’acheter un château et un parc en Thiérache pour les colonies et les classes vertes de Roubaix.

Le Comité de Quartier de la Justice se transforme en association.

Au Fresnoy, lancement d’une opération d’amélioration de l’habitat.

Le 12 décembre, TF1 consacre une émission sur le cyclotourisme à l’école Brossolette de Roubaix. Coïncidence

malheureuse, Jacques LIARD, l’enseignant qui a lancé cette activité, est décédé brutalement le 6 du même mois.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Les "bourleux" du cercle Saint

Alexandre jouent malgré les travaux

La zone bleue va s’étendre dans la rue Jules Guesde jusque la rue de Condé.

La rue Desaix a eu peur ! On a parlé trop vite de la construction du foyer de personnes âges au coin de la rue Delezenne.

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1980: 1980: 1980: 1980 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

En Afghanistan, les Soviétiques lancent une vaste offensive contre les rebelles musulmans.

Record pour le prix de l’or. Le Napoléon passe de 400 à 1130 F. et le lingot côte 84 900 F.

Tout augmente, le gaz et l’électricité de 11 %, le super vaut 3,28 F/l.

Incidents en Corse où un C.R.S est tué. A Ajaccio, la grève générale, lancée par les nationalistes, est suivie à 100 %.

L’occupation russe de l’Afghanistan provoque le boycott des Jeux Olympiques de Moscou. Les U.S.A, l’Allemagne de l’Ouest ne participeront pas aux compétitions.

Andreï SAKHAROV, chef de file des dissidents, est arrêté à Moscou.

Sous la tutelle des Ayatollah, BANISADR devient le président de la République iranienne.

Joseph FONTANET, ancien ministre, victime d’un attentat, décède le 2 février.

Marguerite YOURCENAR et Michel DROIT sont élus à l’Académie Française.

En mars, il y a 1 447 000 demandeurs d’emploi. Le SMIC passe à 13,66 F/h.

En Iran, les otages sont toujours retenus à l’Ambassade U.S, une opération commando des forces américaines se solde par un échec.

Nécrologie : mort du Maréchal TITO, de Jean Paul SARTRE, d’Alfred HITCHCOCK.

Les Français vont à Moscou. Alain BONDUES y remporte la médaille d’argent de la poursuite sur piste.

Jean Paul II en visite en France. Les hausses de l’été : les "gauloises"

passent à 2,90 F. et la consultation médicale à 46 F.

Bernard HINAULT gagne 2 étapes du tour mais renonce au pied des Pyrénées : tendinite. ZOETEMELK finira en jaune. Le "blaireau"prendra sa revanche à Sallanches où il endossera le maillot arc-en-ciel.

Le conflit des marins–pêcheurs de Boulogne s’étend aux autres ports français et durera deux mois.

C’est la grève aux chantiers navals de GDANSK où Lech WALESA est porte parole du comité inter - grèves. C’est la naissance du syndicalisme polonais en dehors des instances du P.C. Moscou apprécie peu et tente de faire pression.

On licencie : Boussac Saint Frères, (884 dans le Nord et La Somme). Quant à Manufrance, c’est fini !

La guerre est déclarée entre l’Irak et l’Iran. La route du pétrole est coupée. Les prix vont encore monter.

Une année de crise au Moyen Orient ; le Liban est sous tension ; les attentats se multiplient dans le monde et touchent les lieux publics (aéroports, kermesse de la bière à Munich, synagogue de Paris…).

Valéry GISCARD d’ESTAING vient à Lille où 5 000 manifestants lui réservent un accueil houleux.

Séisme en Algérie : 2000 tués, 50 000 blessés, 300 000 sinistrés; élan de solidarité en France.

Ronald REAGAN est élu président des Etats-Unis.

La hausse des prix de 1980 sera de plus de 13 % ; le super a été augmenté 6 fois (il est à 3,66 F.) ; le tabac et l’alcool sont sources de revenus ; la consultation médicale passe à 50,00 F

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Vœux du maire : 1980 sera une année

difficile. De grandes réalisations montrent que la ville bouge mais il faut réhabiliter et il reste 3 000 taudis à détruire.

"Le canal de Roubaix sera conservé et même élargi…" déclare le Conseil de la C.U.D.L. !

L’association "Son et couleur" intervient dans les écoles roubaisiennes dans lesquelles les fresques murales vont fleurir.

Concertation: création d’un Comité des Fêtes et d’Animation à l’Hommelet, d’une Association loi 1901 au Cul-de-Four, en février, et en mars, à l’Epeule ; pour la ville, création d’un poste d’agent de développement : Christian DELEPORTE.

On continue d’inaugurer : la salle de sports de la rue du Pays (26ème équipement sportif de la ville), et la maternelle Jacques PREVERT. Les 228 logements de Carihem feront l’objet d’une réhabilitation.

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La ville achète le château du Nouvion et "Le Colisée" devient une grande salle de spectacle municipale.

Suite à la visite du maire, Pierre PROUVOST à Florence, un colloque sur les comités de quartiers se prépare. Grenoble, Amiens seront invités.

Le lycée VAN DER MERSCH aura une section sports études de cyclisme.

Près de 200 musulmans occupent un immeuble de la Fosse-aux-Chênes. Ils réclament une mosquée.

On bâtit : pose de la 1ère pierre du groupe scolaire Elsa Triolet et du parking silo avenue des Nations-Unies.

On voyage : les élus repartent à la rencontre des habitants en faisant le tour des quartiers.

On inaugure : le LEP Lavoisier ; la salle de sports de la rue Watt.

On visite : le nouvel immeuble de la rue du Fontenoy est un but de promenade !

On licencie : 410 emplois chez Lepoutre-Maille, 140 chez Sterckman, 50 suite à l’incendie de la filature Prouvost. Chez Deffrenne, rue Dampierre, c’est fini.

Les cuisinières des cantines scolaires sont en grève. Elles refusent que leurs mutations soient décidées par la ville.

Roubaix 1ère ville fleurie de France.

Pierre PROUVOST interpelle le Président lors de sa visite sur le problème du textile. L’Etat accorde des crédits supplémentaires. La priorité sera donnée au Fresnoy – Mackellerie.

Un journal parisien classe Alain FAUGARET et Pierre PROUVOST dans la catégorie des députés absents. On le dit, mais sur quels critères ?

Le métro : à Lomme ou à Roubaix-Tourcoing ?

Nord Eclair consacre une série de reportages sur les entreprises qui font la renommée de Roubaix :

La Lainière : 4265 personnes rue d’Oran, 321 embauches en 1979.

Verspieren : 1ère des assurances de provinces.

Les Ets Pronal, rue des Arts. La Redoute : 5800 salariés, 30 % de la

VPC en France. La Sté Lemaire et Cie : exportation de

machines de blanchisserie dans 60 pays. Les Tapis Saint Maclou : deux

millions de m2 de moquette par an. Damart : 1400 personnes, renom

international. Auchan : 30 salariés avenue Motte en

1961, 9000 aujourd’hui dans la région. Les Trois Suisses : numéro 2 de la

VPC en France, 6400 personnes, 600 points de vente.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Présentation du livre : " Mon ami

MAMADOU"

Assemblées générales : l’Union Commerciale est satisfaite, le Comité de quartier se pose des questions sur le désintérêt des habitants. Le Pile compte 3135 logements, dont 777 dans 114 courées.

Les établissements Lepoutre, rue Kellermann, sont détruits par un incendie.

Le Pile en fête : grand succès sous le soleil pour la ducasse et les fêtes quinquennales avec la naissance des premières boucles roubaisiennes.

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1981: 1981: 1981: 1981 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Le chômage a progressé de 11 % en France mais de 16 % dans le Nord en 1980. Face à la pénurie, on relance la production de charbon.

Une demi-heure avant l’investiture de Ronald REAGAN, l’Iran libère les otages qu’ils détiennent depuis 444 jours.

Année électorale : la campagne se prépare dès janvier. Jacques CHIRAC, candidat du RPR à la dent dure.

La France livre 6 "mirages" à l’Irak. Hausse du dollar, flambée des prix,

montée du chômage. On dénombre 1 680 000 demandeurs d’emploi.

La tentative de coup d’état en Espagne se solde par un échec.

En février, on assiste à la première évasion de prisonniers par hélicoptère.

Boussac Saint-Frères : on parle de 1000 licenciements. Le chômage a augmenté de 19,7 % dans le Nord en 1 an. Le chiffre d’affaire de l’industrie textile est passé de 15,3 à 2 %.

Attentat contre Ronald REAGAN à Washington.

Le 13 avril, HINAULT remporte Paris-Roubaix et on assiste au premier vol de la navette Columbia.

1er tour des présidentielles : GISCARD, 28,3 ; MITTERRAND, 25,8 ; CHIRAC, 18 et MARCHAIS, 15,3. "Oui, mais" de CHIRAC, et désistement de MARCHAIS. Après le face à face télévisé, Jules CLAUWAERT déclare :"un débat utile mais non décisif".

Le 13 mai, attentat contre le pape, place Saint Pierre à Rome. Son état est jugé critique.

Pierre MAUROY est 1er Ministre, Roger QUILLOT est ministre du Logement et de l’Urbanisme.

Le patronat à l’Elysée : un premier contact plutôt rugueux !

Boussac Saint-Frères : dépôt de bilan Les nouvelles augmentations : le

S.M.I.C. : 10 % (16,72 de l’heure) ; les allocations familiales : 25 % ; l’allocation logement : 50 % ; l’essence, 3,93 le litre.

54 000 emplois seront créés. La facture sera payée par l’impôt sur la fortune.

Un gouvernement de Gauche avec quatre ministres communistes.

Succès du lanceur "Ariane" qui est maintenant opérationnel.

On va nationaliser cette année les grandes banques privées, Dassault, Matra, la sidérurgie, Rhône-Poulenc, Saint Gobain, Thomson… Tout augmente : l’électricité, 15 % ; le gaz, 7 % ; les loyers, 12 % et le chauffage dans les collectifs, 20,7 %.

On instaure les 39 heures et la 5ème semaine de congés.

Bernard HINAULT, et de trois ! Le mariage de Charles et Diana est

suivi par 750 000 000 de téléspectateurs. A la rentrée scolaire, on lance les

Zones d’Education Prioritaire. 48 % des élèves de 6ème ont du retard.

La peine de mort est abolie en France le 18 septembre.

Dévaluation du franc, blocage des prix, augmentation limitée des salaires et un objectif pour Jacques DELORS : faire passer l’inflation de 14 à 10 %.

Le président SADATE est assassiné. Pierre MAUROY en visite à l’Alma :

rue du Renouveau ou rue des Luttes Populaires ? La question est posée.

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Assassinat du juge MICHEL à Marseille.

Trou de la sécurité sociale : tout le monde paiera.

En Pologne, après des semaines d’incidents et de grèves, le général JARUSELSKI met le pays en état de siège. Les leaders syndicaux sont arrêtés. Les grèves s’étendent, il y aura près de 40 000 arrestations. La troupe tire sur les grévistes : 7 morts et 100 blessés.

Le S.M.IC passe à 18,15 francs/heure.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Roubaix 2000 : le bâtiment qui n’a

pas 10 ans est dans un triste état. Il y aura jugement pour malfaçons.

L’émission de FR3, "Mosaïques", est consacrée à Roubaix.

Après le Centre d’Information Municipale, Roubaix aura son Centre d’Information sur l’Habitat.

Le budget municipal est en forte hausse.

Enclavée dans les travaux de l’avenue des Nations Unies, l’église Notre Dame n’accueille plus les messes.

Le carnaval annuel prend place au rang des grandes fêtes populaires.

Au conseil municipal, accord pour la réhabilitation du Pile. On rase les taudis, on améliore, on construit des maisons et des équipements sur un Pile élargi qui va jusque la rue de Lannoy, soit 60 hectares, 3 135 logements et 9 000 habitants.

L’Alma tient la vedette. On le visite et on écrit sur le sujet.

Alain BONDUES est champion du monde de poursuite.

Motte-Bossut dépose son bilan, 660 salariés sont en sursis.

L’" os à moelle" devient une résidence à problèmes.

L’I.R.E.P, dont les buts sont de former et rendre responsable le citoyen, et

de promouvoir la vie associative, se dote d’un centre de ressources audio-visuelles (C.R.A.V.).

On crée à Roubaix l’Observatoire Urbain. Sur 110 000 habitants, on compte 21 000 étrangers dont 8988 Algériens, 1023 Marocains, 4959 Portugais, 659 Espagnols, 497 Polonais.

60 habitants du Sartel sont présents au dernier conseil municipal, où les problèmes de leur quartier ne seront pas évoqués !

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Le Pile compte une centenaire parmi

sa population. Fêtée en janvier, elle décédera le 17 novembre.

On ne parle plus du Cercle Artistique Roubaisien dans la presse, mais des anciens du C.A.R.

14 juillet : gala de catch sur la place Carnot.

Octave VANDEKERKHOVE est récompensé à Paris. Il reçoit la Rose d’Or des Rosati de France.

Un musée au Pile. Trois maisons de la place Carnot seront transformées en bistrot, en intérieur ouvrier et en pièce à l’"otil".

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1982: 1982: 1982: 1982 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Neige, pluie, verglas… au Nord de la Loire, la France frissonne. On atteint -24° à Lesquin le 14.

Le super est à 4,32F. Pierre MAUROY en visite à Roubaix

et Tourcoing. Création du centre de promotion du textile et mise en place des contrats de solidarité : 130 000 nordistes de 55 à 60 ans sont concernés.

Série d’attentats en Corse et à Paris, 55 au total. Les autonomistes refusent le plan DEFFERRE.

Le dollar et l’or sont en hausse. Le lingot se côte à 69 000 F.

L’I.V.G sera remboursée par la sécurité sociale.

Le mauvais report des voix à Gauche et le déclin du P.C amène des gains de sièges pour l’opposition aux cantonales.

En mars, le métro de Lille ouvre ses portes au public.

En avril, c’est le début des incidents aux Malouines. Suivra un conflit armé.

1 mort et 63 blessés dans l’attentat de la rue Marbeuf. La Syrie est au banc des accusés.

100 000 manifestants à Paris pour la défense de l’enseignement privé.

En Pologne, l’état de siège se maintient avec moins de pression, le couvre-feu est levé et 1000 personnes sont libérées.

Raid contre l’aéroport des Malouines, le croiseur "Belgrano" est coulé par les Anglais, les Argentins répliquent et coulent le destroyer anglais,"Sheffield". Le missile français, "exocet" montre son efficacité ! L’invasion de l’île par les Anglais coûtera de nombreuses vies ; le 15 juin marquera la fin des hostilités.

Attentat à la voiture piégée devant l’Ambassade de France à Beyrouth : 14 morts. La ville est assiégée par l’armée israélienne.

Dévaluation du franc, blocage des prix et des salaires. La rigueur revient.

Jean Loup CHRETIEN vogue dans l’espace à bord d’un Soyouz soviétique.

France – Allemagne en demi-finale de la coupe du monde. Un match d’anthologie, 3 à 3, qui se termine par les tirs au but.

Modification de la loi électorale : dans les villes de plus de 50 000 habitants, introduction d’une partie d’élus à la proportionnelle et 25 % de femmes.

1227 détenus sont libérés en Pologne ; parmi eux, aucun leader de Solidarnosc.

Un 4ème tour pour Bernard HINAULT avec en prime la victoire sur les Champs Elysées.

Accident sur l’autoroute de Beaune : un car heurte un camion, prend feu : 44 enfants tués.

Après un mois d’encerclement, les armées israéliennes donnent l’assaut à Beyrouth.

Attentat contre un restaurant juif , rue des Rosiers à Paris: 6 morts et 22 blessés.

Les palestiniens sont évacués de Beyrouth. Les troupes françaises arrivent le 20 août en force d’interposition.

Et de nouveau, des affrontements violents à Varsovie et à Gdansk : 3 morts, des centaines de blessés, 4000 arrestations.

12 000 petits patrons manifestent dans les rues de Paris.

Le président du Liban est assassiné 3 semaines après son élection. Les milices chrétiennes massacrent les civils palestiniens dans le camp de Chatila. La force multinationale revient.

Voiture piégée à Paris, 40 blessés. C’est le 20ème attentat en deux mois !

Le textile a perdu 10 % de ses emplois en 1981, soit 4000 postes à Roubaix-Tourcoing.

Augmentations: cotisations ASSEDIC + 33 % ; la consultation médicale passe à 60 francs.

Décès de Léonid BREJNEV ; son successeur est ANDROPOV.

Attentat à Tyr contre le Q.G de l’armée israélienne : 150 morts.

Lech WALESA est libéré après 11 mois d’internement. L’état de siège sera supprimé en Pologne le 31 décembre.

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La météo en cause : 1982, une année "catastrophe". En France, les inondations sont les plus importantes depuis 1936.

Les disparus de cette année : la princesse Grâce de Monaco, dans un accident de voiture, Pierre MENDES-FRANCE, Ingrid BERGMAN, Romy SCHNEIDER, Patrick DEWAERE.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Screpel-Pollet : dépôt de bilan. Ce ne

sera pas le seul cette année à Roubaix. Bernard CARTON est nommé à la

commission pour le D.S.Q qui est présidée par Hubert DUBEDOUT.

Les pompiers sont sortis 6 281 fois, soit 19 fois par jour.

Chaque mercredi, les centres récréatifs de Roubaix accueillent près de 1200 enfants.

Le 1er avril, un comité de quartier se met en place à la résidence Ingouville.

Dans le bassin d’emploi, le nombre des chômeurs indemnisés a augmenté de 32% en 1 an.

La délinquance est un sujet préoccupant pour les élus roubaisiens. Pierre PROUVOST participe à un groupe de travail sous la présidence de Pierre MAUROY, André DILIGENT propose des mesures immédiates. C’est le début de la campagne des municipales de 1983.

On inaugure le nouveau groupe scolaire de l’Alma centre.

A Lille, un nouveau métier, écrivain public.

Motte-Bossut : cette fois, c’est fini. On programme 458 licenciements.

Le C.A.L. se montre inquiet de la paupérisation des quartiers anciens.

Roubaix est la ville la moins sûre du département. Les actes de délinquance sont en progression de 53 % en six mois.

Alain BONDUES, 2ème médaille d’or. On inaugure le secteur piétonnier de

la Grand’rue. Arthur NOTEBART dit

"OUI" au métro Tourcoing -Roubaix - Hem.

Dans les quartiers, de plus en plus de personnes participent aux réunions avec les élus qui y vont pour entendre plus que pour répondre.

Kuhlmann, l’usine est condamnée. Au conseil municipal, aide financière

de la ville aux écoles privées et effort budgétaire pour les secteurs roubaisiens retenus par la commission DUBEDOUT.

Résultat du recensement : 102 834 habitants dont 82 086 Français. Les étrangers d’origine européenne représentent 8,4 %, maghrébine, 10,2 %, autres, 1,5 %. On assiste à une baisse de la population des quartiers anciens (Alma, Cul-de-Four moins 30 %) et des personnes âgées à Roubaix (moins 2 000). La population active est aussi en baisse (moins 10 %) et on compte 17 % de sans emploi.

EEEEt au Pile…t au Pile…t au Pile…t au Pile… Il reste 150 commerces au Pile. On

attend beaucoup de la future réhabilitation. Hubert DUBEDOUT en visite à

Roubaix et au Pile. Deux associations qui s’opposent :

"Trois-Ponts-Pile" (association support à une action de prévention pour les jeunes) et les "Chevaliers de Roubaix".

Après de multiples rebondissements, jeunes, amis de la limace bleue, mairie, enseignants, chacun reste sur ses positions. Le décès tragique d’un membre actif de l’association marquera la fin de l’expérience.

La Caisse d’Epargne, place du Pile, n’ouvrira plus que 2 jours par semaine. La pétition du Comité de quartier recueille plus de 600 signatures.

Sur le parking de la gare du Pile, on inaugure le Marché d’Intérêt Local, qui remplace les anciennes halles aux légumes du centre-ville.

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1972197219721972----1982198219821982 Dans le mondeDans le mondeDans le mondeDans le monde Avec la fin des hostilités au Vietnam, on aurait pu croire que le monde allait se trouver

dans une période de paix, mais la défaite des U.S.A a un goût amer, et les conflits vont se poursuivre, d’autant plus que la situation de crise économique va favoriser un climat propice aux changements.

Dans le Sud-est asiatique, le Cambodge voit s’installer un régime de terreur avec les Khmers ; au Moyen Orient, après une nouvelle guerre contre Israël, le Liban est au centre des enjeux entre Palestiniens, Syriens, Israéliens. Si l’Egypte et Israël se tournent vers un processus depaix, les Palestiniens s’orientent de plus en plus vers l’action terroriste. Putschs, attentats et prise d’otages seront choses courantes en cette décennie. Le monde entier sera touché et nul ne sera à l’abri de leurs effets. L’insécurité grandit et devient une préoccupation essentielle dans les pays occidentaux.

Comme l’économie, la politique se mondialise. Elle n’est plus le fait de quelques nations fortes, mais de l’ensemble des peuples. La crise du Moyen Orient est un enjeu mondial, par ses choix politiques et ses enjeux économiques. Les zones de conflits, Chili, Israël, Cambodge, Centrafrique, Ethiopie, Iran, Liban, Afghanistan, Argentine, sont des lieux d’affrontements directs. Les attentats se situeront où les enjeux sont politiques, Paris, Rome, Beyrouth et dans des lieux publics, aéroports, ambassades, la rue, mais viseront également des personnalités dirigeantes à l’échelon planétaire, FAYCAL d’Arabie, REAGAN, le nouveau pape Jean Paul II, SADATE…

Cette montée du terrorisme international est renforcée par les revendications internes des autonomistes corses, basques, irlandais qui utilisent aussi des moyens violents.

Après CARTER, les U.S.A. élisent Ronald REAGAN, qui entraîne son pays vers le protectionnisme économique et la défense des valeurs du monde. L’URSS, qui se trouve empêtrée dans le conflit afghan et l’après BREJNEV, peut difficilement s’opposer à ce leadership. Les contestations s’expriment par la voix des dissidents, comme SHAKAROV, et prennent aussi la forme de mouvements sociaux, comme SOLIDARITE en Pologne. La répression brutale ne suffit plus, les voies discordantes se font entendre, le "Pacte de Varsovie" se fissure, d’autant que la crise et la reconnaissance par le monde occidentalisé du personnage emblématique de la révolte, Lech WALESA, favorisent le développement des idées nouvelles.

Beyrouth, plaque tournante des enjeux du monde, verra l’arrivée de la force d’interposition de l’O.N.U, les casques bleus, qui seront pris pour cible par les mouvements extrémistes palestiniens.

L’Europe avance peu à peu dans sa construction. L’Irlande, la Grande Bretagne et le Danemark rejoignent les six dès 1973, mais l’arrivée au pouvoir du parti conservateur en Angleterre, avec Margaret THATCHER, donne un coup d’arrêt brutal à cette édification. Le Portugal, l’Espagne, la Grèce, avancent vers un régime démocratique, mais cela se fait parfois dans la douleur. Comme en France, la crise économique provoque des mécontentements qui amènent une poussée des mouvements de Gauche vers le pouvoir.

Les augmentations unilatérales du prix du pétrole font souffrir tous les pays industrialisés, la rigueur fait suite à l’expansion. On constate deux conséquences directes : la première concerne la pénurie des sources d’énergie avec les restrictions qui l’accompagnent, mais les mesures, parfois draconiennes, de limitation de la consommation sont insuffisantes pour satisfaire aux besoins ; la seconde amène l’augmentation des tarifs à la consommation, mais cela entraînera des crises monétaires, de l’inflation, des dévaluations, une récession économique, du chômage.

L’or, valeur refuge à la place du dollar, verra son coût multiplié par 10 en 8 ans.

En FranceEn FranceEn FranceEn FranceLe décès brutal de George POMPIDOU va amener une refonte de la politique. La Droite

se déchire pour le contrôle de la majorité. Entre Valéry GISCARD d’ESTAING, nouveau Président, et Jacques CHIRAC, 1er Ministre, les différends seront nombreux. Un autre couple du style,"je

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t’aime, moi non plus", s’affronte pour le leadership de la Gauche. Entre accords, désaccords, les résultats des scrutins seront alternés, la Gauche remportant les municipales et perdant les législatives l’année suivante. Pourtant, les clivages se marquent davantage, des hommes nouveaux apparaissent, les rapports de forces changent et le Centre se fragilise, deux blocs antagonistes se constituent avec une poussée des extrêmes. Les discours se radicalisent et un nouveau langage politique s’affirme plus clairement. La crise économique fait exprimer des revendications, soit par des manifestations, des mouvements de grève, des slogans, soit par des contre propositions qui sont élaborées, réfléchies, argumentées collectivement.

Une nouvelle approche de la politique se met en place, elle s’appelle citoyenneté, participation, concertation. Les années GISCARD ont permis l’émergence de nouvelles valeurs concernant la place de la femme dans la société, la contraception, le travail et le loisir, le logement… mais les échecs successifs des dispositifs inspirés du libre échange dans la lutte pour l’emploi, vont amener la Gauche au pouvoir avec François MITTERRAND. Cela marquera le début d’une période d’alternance mais surtout la mise en œuvre de procédures différentes dans leurs inspirations idéologiques : nationalisation, partage du travail, développement inégalitaire de l’action sociale, partage du pouvoir.

La crise a frappé de plein fouet la France mal préparée à cet événement. La spirale infernale est enclenchée dès 1973 selon le déroulement suivant : hausse des prix, inflation, chômage. La crise fait disparaître des pans d’activités fragilisés par le processus de délocalisation,en particulier les activités ne nécessitant pas une main d’œuvre très qualifiée, comme le textile, ou à la rentabilité faible, comme la sidérurgie, le charbon.

L’inflation sera de 10 % en moyenne par an, avec des pointes à 15 %, la monnaie et l’épargne ne sont plus aussi rentables, l’or coûte cher et la "pierre" devient un investissement intéressant par le biais des crédits à la consommation, dont les taux d’intérêt sont en constante augmentation. Le chômage touche les plus fragiles, jeunes sans qualification, adultes en fin de contrat. Les mesures sociales d’aide sont incitatives mais ont peu d’effet. Le nombre de demandeurs d’emploi qui était de 500 000 en 1973, atteindra les 2 000 000 en 1981. Dans la même période, le SMIC passe de 4,85 à 18,15 F. et le litre de super qui valait 1,25 F. sera acheté 4,32 F.

C’est la fin des grands projets prestigieux: l’abandon du "France", vendu aux Norvégiens, et du "Concorde", dont on arrête le développement, en sont les signes extérieurs.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix 2 mandatures, 2 styles, 2 projets. Victor PROVO termine son dernier mandat municipal en 1977 et avec lui s’arrête une

certaine idée de la gestion d’une ville. Roubaix, qui a acquis sa richesse dans le passé, a poursuivi sa politique de reconstruction et de résorption de l’habitat insalubre. La réhabilitation va naître de la situation particulière de la ville, dans laquelle la disparition de l’activité principale, le textile, fait apparaître de nombreuses friches industrielles.

L’urbanisation, qui est le choix des nouveaux élus, est aussi une revendication de la population, le paritarisme a atteint ses limites.

L’arrivée de Pierre PROUVOST amène une nouvelle composition du conseil municipal : entrée des communistes, exclusion des anciens alliés centristes, une nouvelle conception du rôle de l’élu, des services publics et de la place du citoyen. Préparé par une réflexion issue des courants depensée de la décennie précédente, mais vécue sur le terrain au quotidien par des quartiers précurseurs comme l’Alma, l’Hommelet…, la concertation sera le mot d’ordre de la nouvelle municipalité à partir de 1977 et de nouvelles pratiques se mettent en place rapidement. Les élus se rendent sur le terrain, ils écoutent, discutent, présentent les projets, demandent les avis, donnent les informations. C’est un progrès, mais un progrès qui dérange les habitudes. Si certains quartiers, comme le Sartel, l’Epeule ou le Fresnoy, vont se saisir de cette opportunité pour entrer dans une concertation qui s’apparente au syndicalisme urbain, d’autres seront plus réticents. 1977 est l’année de la rencontre systématique avec les habitants de tous les quartiers. 1978 voit la mise en place despremières associations "comités de quartier". 1979 est déterminante pour la proposition des sites retenus dans le cadre des futures réhabilitations.

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Dans cette nouvelle approche de la démocratie de proximité, on ne manque pas de faire référence aux expériences extérieures, comme à Grenoble, ou en Toscane.

Au-delà de cette nouvelle approche, on poursuit la politique d’investissements, même si la crise limite les réalisations. En 1977, il y a 24 salles de sports, 17 terrains de football, 3 piscines, et on augmente encore ce capital avec une nouvelle crèche, deux groupes scolaires, des structures sociales de quartiers, deux salles de sports …

Un nouveau regard sur les loisirs se met en place et les centres récréatifs du mercredi se développent, le centre aéré se délocalise en devenant payant, on investit dans un équipement extérieur, le château du Nouvion. La ville change de visage et sa gestion se modernise. La façade ravalée montre un visage plus agréable de l’Hôtel de Ville et le Centre d’Informations Municipales offre une ouverture aux habitants. Le cœur de la ville, avec Roubaix 2000, même s’il n’est pas une réussite totale, a modifié la vie roubaisienne. Il n’y a plus de cinémas de quartier, tout est regroupé au centre, le Colisée se transforme en centre de la danse et du ballet, les friches Motte-Bossut sont destinées à un espace culturel. Les manifestations roubaisiennes prennent le pas sur les animations locales, le carnaval est roubaisien, ainsi que les grands événements sportifs et les manifestations comme le festival de l’Amitié…Seules restent encore ancrées dans les quartiers, les activités à caractère commercial, les braderies, les fêtes d’écoles.

La montée du chômage roubaisien, en particulier celui des jeunes, provoque une réflexion sur l’éducation permanente et amène la création de la Mission Locale, du CRAV, de l’Observatoire Urbain…. En même temps, la progression des actes de délinquance produit un sentiment d’insécurité dans les quartiers, le ras-le-bol de certains devant l’inefficacité des moyens de répression et un désir d’autodéfense. La création au Pile d’une association impulsée par quelques commerçants : "Les chevaliers de Roubaix", montre que les problèmes sont bien ancrés et sont teintés de xénophobie. La crise a fait naître le repli communautaire, la peur de l’autre, l’insécurité.

Le textile roubaisien est moribond, la Lainière tient encore le coup, mais déjà Boussac a été mis en liquidation. Heureusement, Roubaix reste la ville de la vente par correspondance, et La Redoute, Damart, les Trois Suisses, Saint-Maclou, Verspieren, Auchan ont une renommée nationale et sortent Roubaix de l’anonymat. Mais on sent grandir dans les quartiers les signes alarmants d’une paupérisation de la population.

Roubaix se trouve en outre confronté à la dynamique de la Communauté Urbaine de Lille, prise en compte tardivement. Une bipolarité de la métropole se crée, mais l’impact du Versant Nord-Est trouve difficilement sa place. La création de la Société d’Economie Mixte du Versant Nord-Est a pour but de favoriser un nouvel essor économique et de réclamer des moyens supplémentaires pour désenclaver ce secteur. Roubaix réussira sa négociation avec l’Etat et sera reconnu site prioritaire de la future politique de la ville.

1982 voit la municipalité présenter le bilan de 6 années de mandat en vue des municipales de l’année suivante. Politiquement, Roubaix est dans le coup, à gauche, avec un département, une région et un état majoritairement de son bord. Le bilan de Pierre PROUVOST est important au niveau des réalisations et des voies ouvertes. Pourtant, de nombreux signes alarmants existent, et de nouvelles données, notamment au niveau de la délinquance, interviendront.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Si en 1973, le Cercle Artistique Roubaisien tient encore le haut de l’affiche, il la quittera

à l’arrivée de l’Atelier Lyrique. Le Cercle Saint Alexandre, l’Amicale Jean Macé Pasteur, l’Union Commerciale et le Comité des Fêtes continuent à animer un quartier qui apprend sa prochaine réhabilitation sans mobilisation excessive. Hormis quelques bonnes volontés, la majorité des habitants ne participe que de loin à cette réflexion qui pourtant les concerne directement. Les associations voient même d’un œil dubitatif l’émergence d’un comité de quartier et l’arrivée d’une équipe opérationnelle au 41 rue du Pile. On se sent peu concerné par des projets qui n’ont pas l’envergure de ceux de l’Alma.

Les commerçants, qui sont encore 150 en 1982, espèrent de cette réhabilitation une reprise de leurs activités et gardent la nostalgie des années 60.

Pourtant, les problèmes existent. Le quartier se paupérise, se dégrade lentement, mais sûrement. Les conflits entre les jeunes (dont certains sont issus de la mouvance de l’expérience de la "Limace bleue") et les commerçants (dont certains ont participé à la mise en place de

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l’association des "Chevaliers de Roubaix") sont révélateurs de la tension et du malaise interne. Mais cela ne débouche pas sur une prise de conscience collective, comme ce fut le cas à l’Alma.

En conclusion, au cours de ces dix années, la crise économique et l’avènement du terrorisme international provoquent une période de bouleversement mondial. L’Europe se construit lentement et la mondialisation est en marche.

La France est gouvernée par la Gauche unie autour d’un PS fort. Les enjeux à venir sont énormes : inflation, chômage, nouvelle forme de démocratie. Le logement a fait place à l’urbanisation et les processus d’action deviennent de plus en plus complexes dans le cadre de la décentralisation. La ville perd de son autonomie et cède certaines de ses compétences à la Communauté Urbaine. Elle doit davantage négocier avec le Département et la Région, mais aussi avec l’Etat, qui se réserve des secteurs d’intervention prioritaire comme l’emploi, l’éducation, ou l’urbanisme.

Roubaix a pris un virage très net et a changé de visage. Les élus, avec Pierre PROUVOST, se sont impliqués dans les quartiers, auprès des habitants, avec plus ou moins de réussite.

Dans le même temps, Roubaix est devenue une ville à problèmes. La vie y est difficile, la crise a touché tout le monde, mais les services d’aide, les nombreuses associations, la vie de voisinage, maintiennent le tissu social. On y parle encore de solidarité.

Le Pile reste ce qu’il était. Quartier mis en avant parce que choisi pour être réhabilité, il ne semble pas saisir pleinement cette opportunité pour se secouer et sortir de sa torpeur.

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----llllàààà : 1983: 1983: 1983: 1983 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Les vœux télévisés du Président, en direct de Latché, ne passent pas : la grue servant de poste relais n’est jamais arrivée !

Instauration d’une taxe sur les magnétoscopes : 471 F.

Le F.N.L.C est dissout. Le commissaire BROUSSARD entre en piste.

2 gendarmes sont tués dans une embuscade en Nouvelle Calédonie.

L’inflation a été de 9,7% en 1981. Après avoir été inculpé en mars 1979,

Maurice PAPON l’est de nouveau cette année.

On inaugure le métro lillois. Cette année voit la disparition de

Louis de FUNES, de HERGE, de Louison BOBET, de Tino ROSSI.

Klaus BARBIE est extradé de Bolivie. La fuite des capitaux en Suisse est

évaluée à 33 milliards de francs. Municipales de mars : la Gauche est

en échec dans de nombreuses villes, (Roubaix, Grenoble, mais aussi Hem, Tourcoing, Lys-lez-Lannoy, Roncq). Le Versant Nord-est de l’agglomération est dans l’opposition, de même que 24 des 36 villes de plus de 100 000 habitants !

C’est le 3ème gouvernement de Pierre MAUROY. Roger QUILLOT reste ministre du Logement.

Le temps de la rigueur revient : dévaluation et hausse généralisée des services et des impôts.

Attentat devant l’Ambassade des U.S.A à Beyrouth: 40 morts.

Le projet de loi "SAVARY" provoque beaucoup de remous dans le milieu étudiant et autour de l’école privée.

41 fûts de dioxine de Seveso sont découverts près de Saint Quentin (02).

Nuit bleue en Corse le 24 mai : 29 attentats !

4000 policiers dans la rue : des sanctions seront prises envers les délégués syndicaux.

Yannick NOAH, vainqueur à Roland GARROS.

La Communauté Urbaine augmente le nombre de ses conseillers, 140 au lieu de 100, et Arthur NOTEBART reste président.

Attentat à Orly : 5 morts et 56 blessés. On détruit la première tour des Minguettes à Vénissieux.

Le taux d’intérêt de la caisse d’épargne passe de 8,5 à 7,5 %.

7 371 emplois sont supprimés chez Peugeot -Talbot, dont 1905 licenciements.

Un boeing coréen survole l’espace soviétique. Il est abattu par un Mig 23 : 269 passagers tués. Forte tension diplomatique.

Attaque du Q.G. français à Beyrouth : 2 soldats tués.

C’est Rodolphe PESCE qui succède à Hubert DUBEDOUT à la tête de la commission nationale D.S.Q, et Paul QUILES remplace Roger QUILLOT à l’Urbanisme et au Logement.

Lech WALESA obtient le prix Nobel de la Paix.

Camions suicides à Beyrouth contre les Quartiers Généraux des occupants : 56 soldats français, 183 marines et 30 soldats israéliens sont tués. On est proche du conflit avec la Syrie, les Palestiniens sont envoyés dans les pays arabes.

On parle de plus en plus de fermer les puits de mines dans le Nord. 8 000 emplois sont menacés dès 1984.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Un Roubaisien, Pierre COQUANT,

est concurrent du Paris Dakar. Le Colisée nouvelle formule est

ouvert officiellement en janvier. La criminalité a quadruplé en 18 ans

dans l’agglomération. 5700 vols à la roulotte, 2600 vols de voiture et 2150 cambriolages.

On pose la 1ère pierre de la salle de sports de l’Alma et de celle de la rue Delespaul, la 18ème à Roubaix.

La campagne pour les municipales est tendue et cela se jouera à peu. Néanmoins, Pierre PROUVOST part gagnant. Deux "face-à-face" avec André DILIGENT sont organisés, l’un sur FR 3, l’autre sur France Inter, mais rien n’est joué.

267

Un sondage SOFRES donne 48 % d’intentions de votes au maire sortant, 45 % à son adversaire.

On vote le budget municipal qui sera mis en œuvre après les élections.

Recensement :

On trouve sur la liste du maire sortant le nom d’un certain nombre de militants de quartier : Roger SINKO, Henri ISEBAERT, Paul CORNEILDE, Agnès DELEPAUT.

Coup de théâtre électoral. André DILIGENT est élu au 1er tour avec 69 voix de majorité (50,01%), Pierre PROUVOST ne totalise que 36 % des suffrages. Il en avait obtenu 53 % en 1977. "Roubaix aux Roubaisiens" fait 10 %.

André DILIGENT est le nouveau maire d’un conseil municipal, élu avec une part de proportionnelle, dans lequel on trouve des représentants de l’opposition.

François MITTERRAND à Roubaix. La dernière visite présidentielle remontait à 1959. Le maire demande :"Qu’on nous aide à remonter la pente".

L’association de défense du Sartel maintient sa fermeté à l’égard des nouveaux élus. Au Nouveau Roubaix, une table ronde du Comité de Quartier met en présence l’ancien et le nouvel adjoint aux quartiers, Marc VANDEWYNCKELE et Michel BAUDRY.

Un carnaval enjoué, 4000 roubaisiens dans les rues.

Les élus du versant Nord-est rencontrent Pierre MAUROY.

Au conseil municipal, la présence de l’opposition fait naître le débat.

L’équipe pédagogique de l’école Diderot, avec Jean Claude DERAIN, prendra en main les destinées de l’école Elsa Triolet.

23 juin, c’est l’été. Un orage violent éclate en soirée et plusieurs quartiers de la ville sont sous un mètre d’eau. Il y a au moins 1000 sinistrés.

Les subventions DSQ arrivent dans les quartiers du Pile, de l’Alma, du Cul-de-Four, du Fresnoy et du Nouveau Roubaix. Les moyens attribués permettent l’embauche d’un salarié permanent dans chaque structure.

René VANDIERENDONCK est le nouveau directeur de cabinet du maire.

IBM à Roubaix : + 300 emplois. Pennel et Flipo – 170.

André DILIGENT retrouve son siège de Sénateur.

Le 4 octobre, Victor PROVO décède. Il aura été 35 ans maire de la ville. Plus de mille personnes dont Pierre MAUROY et Lionel JOSPIN, lui rendent un dernier hommage.

Tension entre les commerçants, Roubaix Carnaval et la mairie : en cause, le jour retenu et le coût du projet.

La délinquance est à l’ordre du jour du conseil municipal de décembre. Les choix s’orientent vers les mesures de prévention.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…,

Une équipe opérationnelle composée de techniciens et d’animateurs sociaux, s’installe au 41 rue du Pile. Objet : mettre en œuvre les actions d’aménagement.

Les "Chevaliers de Roubaix" passent en direct à TF1 dans l’émission" le marché de la peur".

Le cercle Saint Alexandre va fêter ses 100 ans. Le 3 mai, décès de François WINANTS.

Le 4 juillet, création de l’association Comité de Quartier du Pile.

Son et Couleur encadre un groupe d’ados pour réaliser la fresque rue Lalande.

A la fin de l’été, les nuits sont agitées rue de Condé. Les vitrines des commerces sont brisées régulièrement. Gare aux vandales !

268

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1984: 1984: 1984: 1984 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

L’inflation a été de 9,2 % l’an dernier, avec le train de hausse de la rentrée : tabac (5 %), loyer (3,2%), EDF (5%), taxe sur les assurances (de 9 à 18%). Le SMIC est à 22,78 F et le super augmente de 0,65 F.

Le dollar, à 8,64F, continuera son ascension jusqu’en décembre.

Décès d’ANDROPOV : c’est Valentin TCHERNENKO, 72 ans, qui lui succède.

On défile dans les grandes villes de France pour soutenir l’école privée. Ils seront 250 000 à Lille, 800 000 à Versailles.

Routiers en colère : 240 barrages et "opérations escargot" pendant plusieurs semaines.

Massey-Fergusson: 464 suppressions; le charbon ne sera plus extrait des mines du Nord : 3000 emplois menacés.

Conflit Irak-Iran : on parle d’armes chimiques.

En mars, fin de la présence française à Beyrouth où 88 soldats auront été tués.

En 1 an, le chômage a progressé de plus de 11 %. On craint d’atteindre les 2 500 000 demandeurs en fin d’année.

A Lille, la manifestation pour la laïcité rassemble 30 000 personnes, 150 000 à Paris.

Les métallurgistes allemands font grève pour la semaine de 35 heures sans réduction de salaire !

Après plusieurs semaines de négociations et de ruptures, la manifestation nationale pour l’école privée est suivie par 1 000 000 de personnes.

Aux élections européennes, sur les 81 sièges français, 41 vont au groupe UDF et RPR, 20 au PS, 10 au PC et 10 au FN. Il y a eu 42,9 % d’abstentions.

La France est championne d’Europe de football.

Le métro lillois s’exporte en Floride. Baisse des taux de l’épargne de 1%.

Le 13 juillet, le projet Savary est retiré, on parle d’un référendum pour septembre, mais le 18 juillet, changement !

Pierre BEREGOVOY remplace Jacques DELORS, Paul QUILES arrive à l’Urbanisme, Michel DELEBARRE est au Travail et Jean Pierre CHEVENEMENT est propulsé à l’Education. Il n’y a plus de ministres communistes.

Laurent FIGNON gagne le tour devant Bernard HINAULT.

La France revient avec 26 médailles des Jeux Olympiques de Los Angeles qui se sont déroulés sans les pays de l’Est.

En septembre, 1 000 000 de jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi. On lance le programme des T.U.C. (Travaux d’Utilité Collective).

Assassinat du petit Grégory à Lépanges.

Les Russes envoient 70 000 hommes en Afghanistan.

Attentat à Brighton contre un hôtel qui accueille le gouvernement de Margaret THATCHER : 7 morts, 30 blessés.

Assassinats : le Père POPIELUSZKO, aumônier de Solidarité, et Indira GANDHI.

9 vieilles dames sont assassinées dans

le 18ème arrondissement de Paris. Ronald REAGAN est réélu président

des Etats-Unis avec 60 % des voix. En Nouvelle Calédonie, les heurts

sont violents entre les "Caldoches" et les "Kanaks". Edgar PISANI est le délégué du gouvernement pour deux mois. Les débats sont houleux à l’Assemblée, où GISCARD d’ESTAING revient comme député.

269

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Vœux du maire : "1984 sera une

année difficile". Roubaix compte 17,5 % de chômeurs et 42 % des habitants ne sont pas imposables.

Roubaix et Tourcoing vont travailler ensemble.

Les actions DSQ se mettent en place dans la ville

Bernard CARTON est désigné comme membre de la commission nationale DSQ avec des personnalités comme Bertrand SCHWARTZ, Gilbert BONNEMAISON, Roland CASTRO…

Roubaix est la ville où le % des naissances est le plus important de France.

Les commerçants sont contre le projet d’implantation des magasins d’usine avenue Motte, mais c’est fait ! Ouverture le 11 mai.

Motte-Bossut deviendra un centre international de communication et accueillera les archives du monde du travail.

Les "Chevaliers de Roubaix" ont plus de 1000 adhérents. Ils travaillent en harmonie avec le parti de Marcel LECLUSE, "Roubaix aux Roubaisiens".

On inaugure la salle de sports de l’Alma. L’hôpital Victor Provo accueillera ses malades en septembre. Pour le transfert, un pont ambulancier sera mis en place. Mais l’inauguration se fera sans la présence d’un ministre.

On fait la fête dans la gare qui vient d’être réhabilitée.

Le versant Nord-Est a perdu 5 200 emplois en un an.

Grande manifestation à Roubaix : 500 personnes marchent derrière Marcel LECLUSE pour défendre la sécurité.

La pauvreté est le thème central du dernier conseil municipal qui va durer près de 6 heures.

Gérard VIGNOBLE, maire de Wasquehal, est exclu pu PS.

Diminution de la délinquance: 28 % en 1982, 12,7 % en 1983. On espère mieux en 1984.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Cour BONTE : la réhabilitation va

commencer, le CAL va aider les habitants qui organisent un concert en soirée.

Une nouvelle association au Pile, la "Jeunesse du Pile", organise une fête à la Solidarité sur le thème du dialogue culturel. Comme d’autres, elle demande la gestion d’un local.

En mars, le Comité de Quartier organise une exposition sur la mémoire du Pile.

Bourles : le tournoi du centenaire de Saint Alexandre est remporté par Saint Louis Leers.

L’église Saint Rédempteur va fêter ses 100 ans.

Beau succès de la braderie et du tournoi de football pupilles organisé par l’Amicale Club de Roubaix.

Plusieurs réunions entre les habitants et l’équipe opérationnelle. Le Pile repris en procédure DSQ, c’est 8 750 habitants, 3 000 logements dont 700 en courées.

270

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1985: 1985: 1985: 1985 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

L’hiver attaque en force en ce début d’année : neige, verglas et froid (-16° à Lille, -30° à Reims et – 41° dans le jura). Et cela va durer jusqu’en février, avec quelques répits.

Edgar PISANI propose pour la Nouvelle Calédonie un état indépendant associé à la France. Les incidents persistent, et la mort du leader indépendantiste, Eloi MACHORO, provoque l’état d’urgence. La rencontre entre François MITTERRAND et Jean Marie TJIBAOU va calmer un peu les tensions.

Le dollar à 10 F. et le super à 5,74 F. Les prix libres des carburants amènent la concurrence entre les hypermarchés. La baisse atteint 0,42 F/l à la pompe !

Les fonctionnaires porteront un badge avec leur nom : fin de l’anonymat.

Affaire Grégory : Bernard LAROCHE est remis en liberté.

Le P.S est la cible du P.C (qui exclut Pierre JUQUIN) et de la F.E.N, qui lui reproche sa reculade face aux tenants de l’école privée.

L’" Ecole CHEVENEMENT" remet au goût du jour la morale, l’instruction civique, l’histoire et la technologie.

Changement pour les élections de 86: on votera à la proportionnelle pour les européennes et les législatives.

Ronald REAGAN veut changer le gouvernement du Nicaragua et soutient les opposants.

Cantonales : 1er tour favorable à l’opposition, le FN obtient 8,5 % des voix.

Mort de TCHERNENKO et arrivée de Mikhaïl GORBATCHEV, il n’a que 54 ans.

Le SMIC passe à 24,90 F. le 1er avril. C’est l’année de SOS racisme et de

son slogan :"Touche pas à mon pote".

Affaire Grégory : la mère serait le corbeau. Le père de l’enfant, Jean Marie VILLEMIN, tue son cousin Bernard LAROCHE.

L’Europe passe à 12 avec l’entrée de l’Espagne et du Portugal. Les autonomistes basques de l’ETA font parler d’eux.

Michel ROCARD démissionne du gouvernement.

Sport : Marc MADIOT remporte son 1er Paris-Roubaix; finale dramatique de la coupe des champions à Bruxelles où les supporters anglais provoquent la mort de 42 supporters italiens.

Les frères WILLOT sont condamnés à la prison.

Le Moyen Orient reste un foyer constant de troubles : 3 avions détournés en quelques jours, 40 otages américains libérés contre la libération de 300 détenus chiites en Israël ; voitures piégées à Tripoli (60 morts) et à Beyrouth ; bombes dans un 747 d’Air India (329 tués), dans un 737 égyptien (60 morts) ; prise d’otages des passagers de l’"Achille LAURO" (1 tué). En décembre, fusillades aux aéroports de Vienne et de Rome (17 morts, 115 blessés).

Christine VILLEMIN, inculpée du meurtre de son fils.

En juillet, une bombe fait sombrer le "Raimbow Warrior" en Nouvelle Zélande.

Succès des T.U.C. Ils sont 15 000 dans le Nord.

Et on continue à perdre des emplois : Dunkerque, Croix, Trith saint Léger…en tout près de 1500 !

HINAULT, gagne son 5ème tour mais "La Redoute" et "Renault" quittent les rangs des équipes professionnelles.

Le 8 août, on parle de l’implication des services secrets français dans l’affaire du "Raimbow Warrior". Le 21 septembre, Charles HERNU sera contraint à la démission.

Télé : Philippe De DIEULEVEULT disparaît sur le fleuve Zaïre.

Dépôt de bilan des COOP du Nord : 4650 salariés inquiets.

Les 9 maires du Versant Nord-est, venus plaider la cause de leurs communes, sont refoulés brutalement de la préfecture par les C.R.S.

Le téléphone passe à 8 chiffres. Explosion d’un volcan en Colombie.

Les Français regardent avec horreur

271

l’agonie de la petite Omayra, emprisonnée par la boue.

COLUCHE lance à Lille le premier restaurant du cœur.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Roubaix et Tourcoing ont été oubliés

par la CUDL. Entre 1977 et 1983, 82 % des investissements ont été réalisés sur Lille et Villeneuve d’Ascq, 11 % sur le Versant Nord-Est.

Le pourcentage des chômeurs est de 8,75 en France et de 17 % à Roubaix !

21 février, on patine sur le canal et les terrains de sports sont impraticables depuis sept semaines.

Constat : le Colisée n’est pas assez utilisé, les amateurs de lyrique se plaignent.

Des Roubaisiens en vedette :

Michel GHYSEL, Bernard CARTON délégués cantonaux. Le FN passe les 20 % !

L’ancienne caserne des pompiers fera place à la nouvelle Caisse d’Allocations Familiales.

La presse le dit : "Au Sartel, les inondations ne seront plus qu’un mauvais souvenir" ! Ce qui n’empêche pas les habitants de se rendre en mairie pour manifester plusieurs fois dans l’année.

A Mons-en-Baroeul, les immigrés votent pour élire leurs représentants au conseil municipal.

Des problèmes à l’Alma : les immeubles de la Barbe d’Or sont dégradés, le vandalisme est quotidien, l’école Elsa Triolet a été cambriolée 50 fois en 1 an !

Incendies d’usines et perte d’emplois qui les accompagnent : c’est la série noire. Sont touchés les Ets Cavrois, la filature des Longues Haies (Ets Motte Porisse), les Ets Caulier rue du Flocon à Tourcoing, chez Nollet, rue de la Vigne, Peau Douce à Leers.

Les cambriolages font peur aux Roubaisiens ; dans le journal, on donne des conseils avant les départs en vacances.

Inquiétude pour le CAL : l’insalubrité, dûe aux squatters et au vandalisme, gagne 300 maisons par an, qui s’ajoutent aux 4000 déjà touchées.

Auchan quitte l’avenue Motte et Roubaix 2000. AS ECO le remplace.

Massey-Fergusson, c’est fini. 1150 licenciements de plus.

Union des maires :

La piscine de la rue des Champs est fermée, la toiture menace de tomber, on détruit la grande barre des Hauts-Champs et on commence à réhabiliter les Trois-Ponts.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Le 15 janvier, Mamadou N’DIAYE

nous quitte. La teinturerie du Pile à l’honneur pour

son cinquantenaire. La démolition d’une courée provoque

de gros dégâts rue de Condé, chez monsieur BRACKE, voisin du chantier.

Le roi de la bourle au cercle Saint Alexandre, c’est Jean WAUQUIER.

Une classe de CM2 de l’école Pasteur transplantée à Douai pour y pratiquer le canoë.

272

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1986: 1986: 1986: 1986 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

L’inflation a été de 4,75 % en 1985. Paris-Dakar tragique : 7 morts, dont

Thierry SABINE et Daniel BALAVOINE, victimes d’un crash d’hélicoptère.

Les voitures d’occasion de plus de 5 ans devront subir un contrôle technique avant toute vente.

Les plans en reliefs vont quitter les Invalides pour Lille.

C’est signé ! Trois tunnels, un de service et deux ferroviaires, passeront sous la Manche.

Le 27 janvier, la navette Challenger explose peu après son départ.

L’Etat amène 10 000 emplois pour le Nord, mais rien pour le Versant Nord-est !

Corason AQUINO est élue présidente des Philippines et remplace Ferdinand MARCOS.

Olaf PALME, 1er ministre de Suède, est assassiné.

En février, Jean Paul KAUFFMAN, Philippe ROCHOT et 5 autres personnes sont otages du jihad islamique à Beyrouth. Deux seront libérés le 21 juin, deux le 11 septembre, un le 25 décembre. On craint pour la vie de Michel SEURAT, enlevé le 22 mai.

On vote 2 fois à la proportionnelle : aux législatives et aux régionales.

Il y aura cohabitation !

La région reste à Gauche mais de peu. Noël JOSEPHE reste président.

Le FN passe les 20 % à Roubaix, Tourcoing … Jacques CHIRAC devient 1er

Ministre et utilise les ordonnances pour faire passer les lois importantes :

• La privatisation pour les entreprises publiques

• Le retour au scrutin majoritaire Michel GHYSEL devient député. Il

prend la place d’Albin CHALANDON, nommé ministre.

Raid américain sur Tripoli : 70 morts. Le but de Ronald REAGAN : renverser KHADAFI !

Accident nucléaire à Tchernobyl.

Le 20 juin, COLUCHE se tue en moto.

Au mondial de football de Mexico remporté par l’Argentine de MARADONA, la France (3ème) et la Belgique (4ème) échouent aux portes de la finale.

Trou de la sécu : les cotisations sociales augmentent de 1 %.

LEMOND est le premier Américain à remporter le tour de France. HINAULT, second, arrête sa carrière.

Durant l’été, les chantiers navals de Dunkerque manifestent, bloquent les routes et les voies ferrées.

Le plan PASQUA contre le terrorisme s’applique à Paris, mais les attentats, cinq en dix jours, se multiplient. Ibrahim ABDALLAH, un agent de l’ambassade de Syrie, est arrêté.

A la rentrée, il y a près de 2 500 000 demandeurs d’emplois en France, dont 850 000 de moins de 25 ans.

Le 13 novembre, Thierry le LURON décède des suites d’une longue maladie.

Georges BESSE, patron de la régie Renault, est assassiné par les brigades rouges.

Education : les lycéens et les étudiants manifestent contre le projet DEVAQUET. Ils seront 25 000 à Lille, et dix fois plus à Paris. Lors des heurts avec les CRS, Malik OUSSEKINE est tué par un policier d’une brigade motorisée. Le projet est retiré mais les manifestations se poursuivront.

Des remous sociaux en fin d’année: pas ou peu de trains durant les fêtes !

273

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA RoubaixEtat civil : plus de naissances (2015),

et moins de décès (1123), de mariages (543) et de divorces (303), qu’en 1984.

Laurent FABIUS, en visite, promet plus de moyens pour le Versant Nord-est.

Hiver chaud : 16 incendies criminels en une semaine dans l’agglomération roubaisienne.

Le peintre BEN BELLA décore les pavés de Paris-Roubaix.

On fait la "queue" à la frontière belge où le super coûte 1 Fr de moins au litre !

On inaugure une nouvelle salle de sports, rue des Pyramides.

Après les élections, le magazine allemand, "Der Spiegel", consacre un long article sur la montée de l’extrême droite à Roubaix. Un portrait sans complaisance.

Le comité de quartier E.C.H.O. se constitue en association.

A l’Alma, on met en place des stages "lecture" pour que les parents aident mieux leurs enfants. Le Cul-de-Four fera de même, mais c’est au Pile, en 1985, que s’était déroulée la 1ère action.

Les avis sont partagés sur le PLDS. On craint les étiquettes.

Un trou de 510 000 F à la régie technique de l’Alma. On va vers un dépôt de bilan.

Un film à Roubaix : Gérard BLAIN tourne "Pierre et Djamila", mais on craint pour l’image de la ville. Le square Jouhaux, qui sera détruit peu après, servira de décor et les scènes de rue auront pour cadre Wattrelos.

1500 familles se sont adressées au C.A.L-P.A.C.T l’an dernier. "On atteint la limite du supportable". Des solutions ?

La S.E.M. est en déficit de 46 millions de francs : trop de friches et de bâtiments industriels en stock.

La Grande Brasserie Moderne présente sa dernière création : la Septante.

Roubaix accueille les universités : IUT C, à l’ancienne poste, et l’IPRA, rue du Maréchal LECLERC.

En septembre, Marcel TACHAU remplace Pierre DUBOIS à la direction de l’Urbanisme de la ville.

Des débats houleux au conseil municipal. Le trou de la SEM au cœur des affrontements.

272 emplois sont supprimés à Stein-Industrie.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… On va refaire l’îlot Delezenne.

En mars, incendie rue Lannes.

Léon SIX, cité pour son courage à la bataille de Verdun, reçoit, 70 ans après, la médaille militaire.

La cour ROUSSEL, rue d’Estaing, est montrée en exemple.

Après 16 ans de présence, l’abbé DELBART quitte Saint Rédempteur.

274

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1987: 1987: 1987: 1987 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Le personnel roulant de la SNCF qui a entamé la grève l’an dernier ne reprendra le travail que le 20 janvier.

Le journaliste Roger AUQUE est enlevé à Beyrouth.

L’inflation a été de 3,1 % en 1986. Les Palestiniens assiégés dans les

camps par les milices chiites Amal en sont réduits à manger de la chair humaine !

A Paris, les instituteurs défilent en rangs serrés pour manifester contre le projet de statut des maîtres- directeurs.

Ibrahim ABDALLAH est condamné à la prison à vie.

Le 7 mars, un car ferry chavire à l’entrée du port de Zeebrugge et se retourne. Après renflouage, on retirera 208 corps des cales, il y a 408 rescapés.

TF1, privatisé, est racheté par le groupe Bouygues.

Le 11 mai, le procès de Klaus BARBIE s’ouvre à Lyon. En juillet, il sera condamné à perpétuité.

Le SIDA devient une préoccupation nationale.

La promotion 1987 de l’école de journalisme de Lille s’appellera "Jean Paul KAUFFMANN", détenu au Liban depuis deux ans.

Mathias RUST, aviateur allemand, pose son CESNA sur la place rouge à Moscou. Il sera mis en prison mais son action provoquera des "mutations" chez les responsables de l’aéronautique soviétique!

Wahid GORDJI, iranien responsable de l’attentat de septembre 1986 (11 morts, plus de 100 blessés), se réfugie dans son ambassade. Les incidents vont jusqu’à la rupture des relations diplomatiques entre la France et l’Iran. On craint des représailles.

Plus de 400 tués lors d’incidents entre Saoudiens et Iraniens lors du dernier jour du pèlerinage de La Mecque. Le régime de KHOMENY, de plus en plus isolé, est en guerre contre l’Irak depuis 8 ans.

Michel POLAK interdit d’antenne à TF1, c’est la fin de "Droit de réponse".

Jean Marie LE PEN déclare lors d’une émission de radio :" l’extermination des juifs est un point de détail de l’histoire".

En Tunisie, le président Habib BOURGUIBA est destitué pour sénilité.

Jean Louis NORMANDIN, détenu depuis mars 86, et Roger AUQUE, janvier 87, sont libérés par le Hezbollah. On espère d’autres libérations pour Noël. Elles ne viendront pas.

Arrestation de Thierry PAULIN, inculpé du meurtre de 18 vieilles dames à Paris.

Les Russes sont toujours en Afghanistan. Ronald REAGAN et Mikhaïl GORBATCHEV signent un traité pour la destruction des missiles à moyenne portée. Le désarmement en en route.

Jacques ANQUETIL, DALIDA, Lino VENTURA, Marguerite YOURCENAR... nous ont quittés cette année.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix La vague de froid du début d’année ne

stoppe pas l’ardeur des grévistes de Stein et du peignage Amédée Prouvost.

Cette année, le quotidien donne une place importante aux quartiers, en particulier aux cinq qui sont en procédure PLDS, procédure qui se termine en 1988 et dont on fait les bilans. Le Pile, le Cul-de-four, le Fresnoy, le Nouveau Roubaix et l’Alma sont directement concernés.

En février, les Comités de Quartiers et la C.S.C.V. (Confédération Syndicale du Cadre de Vie) présentent des propositions pour faire avancer Roubaix et apporter des solutions pour l’avenir.

275

A l’Alma, la régie de quartier est au cœur des débats.

Au Cul-de-four, les projets avancent.

André DILIGENT est nommé président de la Commission Nationale du Développement Social des Quartiers.

Roubaix accueille la manifestation régionale contre le racisme, en ouverture de la 10ème édition de son "Festival de l’amitié".

Les représentants nationaux des actions "Contrats Familles" se réunissent à Roubaix. C’est le Pile, par l’intermédiaire du CAL-PACT, qui est destinataire de cette action.

Conseil municipal agité : les élus de Gauche quittent la séance, et Marcel LECLUSE (Roubaix aux Roubaisiens) s’inquiète de voir les associations de quartier noyautées par des militants de Gauche !

La marche pour la sécurité, organisée par les Chevaliers de Roubaix, rassemble 130 personnes.

Le Syndicat Intercommunal de l’Agglomération Roubaisienne (S.I.A.R) se crée avec Roubaix, Leers et Wasquehal.

Pour la 1ére fois, Roubaix participe à Inter villes, mais c’est Cavaillon qui gagne.

En 5 ans, la ville a perdu 278 commerces. Une série de reportages est réalisé en août sur ce secteur d’activité.

Le cinéma est en crise : Colisée 2 et 3 ferment, A.B.C est en sursis à Tourcoing. Et pourtant, on tourne : une voiture qui explose, c’est Etienne CHATILIEZ qui démarre "La vie est un long fleuve

tranquille" ; un char russe en flamme devant Motte-Bossut, c’est "Le complot", avec pour interprète principal, Christophe LAMBERT.

DMC rachète Amédée PROUVOST. On inaugure la nouvelle CAF le 23

septembre. Les radars fleurissent sur les bas-côtés

du Grand Boulevard vers Lille. L’antenne sud est mise en circulation

le 26 octobre. Les ministres se sont succédés à

Roubaix cette année : GALLAND, NOIR, MONORY, PASQUA, CHALANDON, BARZAC, …. seul Jacques CHIRAC qui passe à Lille ne viendra pas.

Au festival des DSQ, Daniel DELEPAUT, président de l’Association Inter Quartiers, créée en mars, est critique vis-à-vis de la mise en œuvre de la participation des habitants.

La gestion de la cuisine centrale sera confiée à la SODEXO.

François CHAVANEAU quitte le CAL-PACT qu’il a intégré en 1961. Il a participé à son évolution, "on est passé de l’âge de la pierre à l’âge de la personne", dira Christian MONTAIGNE.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Les commerçants lancent l’opération

"Pilou" : des voyages à gagner. L’usine TRATO, rue Molière,

fabrique 150 000 tubes fluorescents par an. Le comité de Quartier est présent dans

les articles de presse :

276

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1988: 1988: 1988: 1988 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Présidentielles : Jacques CHIRAC est candidat. En février, Raymond BARRE se déclare. A Gauche, MITTERRAND ou ROCARD ? On attendra jusqu’en mars, lorsque le Président sortant, au plus haut dans les sondages, dévoile son jeu.

Yves MOUROUSI est écarté du 13 heures de TF1, Jean Pierre PERNAUD le remplace.

Il y aura 9 candidats.

Le Nord est en déclin, plus de 600 000 habitants sont partis. Il faudrait créer 25 000 emplois annuellement, on en perd 12 000 ! En 30 ans, 400 000 emplois sont supprimés pour 260 000 créés.

Un boeing koweitien est détourné sur Chypre. 3 otages sont tués et l’avion quitte Larnaka pour Alger, où tous sont libérés après 16 jours de négociations.

Abou JIHAD, chef palestinien, est assassiné.

A Ouéva, en Nouvelle Calédonie, 27 gendarmes français sont capturés par le FLNKS. Entre les deux tours des élections présidentielles, ils sont libérés par la force (16 ravisseurs et 2 militaires sont tués).

Hasard ou coïncidence, c’est le même jour que Jean Paul KAUFFMANN, Marcel CARTON et Marcel FONTAINE retrouvent la liberté après 3 ans de captivité.

François MITTERRAND est réélu avec 54 % des suffrages, Michel ROCARD est 1er ministre, les législatives auront lieu en juin.

Pas de majorité sans alliance, la Gauche joue l’ouverture au centre et à la société civile. Entrent au gouvernement : Jean Pierre SOISSONS, Lionel STOLERU, Bernard KOUCHNER, Alain DECAUX Jean Marie RAUSCH, Brice LALONDE, et pour très peu de temps, Léon SCHWARTZENBERG.

Gérard VIGNOBLE et Bernard CARTON découvrent le palais Bourbon.

Gare de Lyon : un train sans frein percute une rame à l’arrêt, 60 morts.

Le projet R.M.I. (Revenu Minimum d’Insertion) prend forme, il sera financé par l’impôt sur les grandes fortunes.

Excommunication de Monseigneur LEFEVRE par le Vatican.

Un croiseur US se croit attaqué et détruit un boeïng iranien : 289 victimes.

Un bateau de croisière, le "City of Pôros", est attaqué par des terroristes en mer Méditerranée, 9 morts.

La guerre Irak - Iran se termine en août quand se met en place une force d’interposition. Le conflit a provoqué plus d’un million de morts en 8 ans.

Jean Marie TJIBAOU vient à Paris avec le représentant des "Caldoches".

En Pologne, les grèves et les manifestations amènent un nouveau couvre-feu, le ton se durcit entre JARUSELSKI et WALESA.

Et toujours des mouvements sociaux. Mikhaïl GORBATCHEV cumule les

pleins pouvoirs en URSS : chef de l’Etat et chef du parti.

A Nîmes, un orage provoque torrents et coulées de boue au travers de la ville : 11 morts, 45 000 sinistrés.

277

Emeutes à Alger et dans les grandes villes du pays. La répression militaire est sanglante, on parle de 400 tués.

L’inflation est réduite et le chômage recule de plus de 2 %. C’est le meilleur résultat depuis 10 ans.

Georges BUSH est élu président des Etats-Unis d’Amérique.

La "Perestroïka" provoque la montée des autonomies nationalistes en Arménie, en Azerbaïdjan, en Géorgie, et dans les Pays Baltes… La guerre en Afghanistan a provoqué la mort de 13 620 militaires russes.

Tremblement de terre en Arménie, 30 000 morts.

Un boeïng de la Pan Am s’écrase en Ecosse, à Lockerbie. Il s’agit d’un attentat.

Les décès de cette année : le père Joseph WRESINSKI, fondateur d’ATD Quart Monde, Alain SAVARY, Pierre DESPROGES….

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Les élus socialistes font le tour des

quartiers, comme il y a 10 ans.

Décès du président de "Réussir A Roubaix", Marcel LECLUSE, fondateur de l’association "Amitié Partage".

Le "Printemps" devient le principal actionnaire de La Redoute.

Un centre pour délinquants, 62 rue d’Oran. Tollé général et refus des habitants.

La nouvelle cuisine centrale est mal acceptée par le personnel communal qui se

met en grève. La réponse est: "venez visiter les locaux et entendre les explications".

A l’Alma, 8 ans après la construction, on commence déjà à parler de réhabilitation

En juillet on organise des fêtes nautiques sur le canal. En août, il faudra

une campagne importante de propreté pour le nettoyer.

La ville envahie de vélos, c’est l’accueil de la semaine fédérale des cyclotouristes.

Le centre aéré, sous sa forme décentralisée, est satisfaisant. On continuera cette formule dans l’avenir.

Michel BAUDRY et Alain FAUGARET sont élus au Conseil Général.

Roubaix et Hem vont accueillir l’Ecole de Police.

Danielle MITTERRAND visite la cour Fontier dans le quartier Moulin-Potennerie.

R.M.I : la file d’attente pour s’inscrire est impressionnante devant le CCAS.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… On inaugure le nouvel îlot Delezenne

en février. Michel GHYSEL reçoit le trophée

"Cité Bleue" des mains de Michèle BARZACH pour le projet du domicile collectif du Pile.

La Chambre de Commerce honore l’U.C.A.P et le dynamisme de Marie Henriette VANDECANDELAERE .

La médiathèque organise exposition, conférences, manifestations culturelles pour l’anniversaire de la disparition d’Octave VANDEKERKHOVE. Textes et chansons sont remis à l’honneur.

278

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1989: 1989: 1989: 1989 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Janvier est marqué par la fin du conflit en Afghanistan.

Le nouveau septennat aura comme priorité l’Education, mais le plan Jospin ne suscite pas que des satisfactions : langues étrangères à l’école, indemnité ZEP et avancement au mérite.

Depuis un an, il y a eu 13 agressions sexuelles avec meurtre sur des enfants.

André BERGERON quitte F.O, et Marc BLONDEL arrive.

Salman RUSHDIE est condamné à mort par KHOMEINY pour son livre :"Les versets sataniques".

"Les Biscottes" à Lille, c’est fini, les deux immeubles sont détruits.

On inaugure la Pyramide du Louvre. Le Liban est toujours au centre des

conflits du Moyen Orient. Le tanker "Exxon Valdez" s’échoue

sur les côtes de l’Alaska. Un sous marin soviétique coule au

large des côtes de Norvège : pas de survivants.

Tragédie à Sheffield : une bousculade provoque 93 morts lors de la ½ finale de la Cup.

Thierry PAULIN meurt du sida en prison.

En Chine, les étudiants occupent la place Tien An’Men et fraternisent avec les soldats du rang malgré la loi martiale. Epuration au sein des dirigeants du parti, occupation de la place par les chars, répression militaire sanglante, arrestations et condamnations à mort par dizaines. Deng XIAOPING garde le pouvoir.

Jean Marie TJIBAOU et Yelwéné YELWENE, leaders du FLNKS, sont assassinés en Nouvelle Calédonie. Les négociations avec Jacques LAFLEUR se poursuivent néanmoins.

Paul TOUVIER, chef de la milice lyonnaise en 1943, est arrêté dans un prieuré de Nice, où il était caché depuis la guerre.

Elections en Pologne : victoire des représentants de "Solidarité".

Mort de l’Ayatollah KHOMEINY. Ses funérailles sont l’objet de crises collectives d’hystérie. On déchire son linceul !

Lors de son voyage en Allemagne, Mikhaïl GORBATCHEV reçoit un accueil enthousiaste de la part de la population.

Aux élections européennes, il y a près de 51 % d’abstentionnistes. Les Verts occuperont 12 des 81 sièges français.

La C.U.D.L élit Pierre MAUROY à sa présidence. André DILIGENT est 1er vice Président.

Le SMIC dépasse 5000 F. en juillet. A Luxon, un tueur fou abat 1 adulte, 3

enfants et il en blesse 8 autres en une demi heure.

Greg LEMOND gagne le tour avec 8 secondes d’avance sur Laurent FIGNON. Il remportera aussi le championnat du monde.

Tadeusz MAZOWIECKI, militant de "Solidarité" devient 1er ministre en Pologne.

Danièle GILBERT est en garde à vue : la bague du bonheur était une escroquerie !

Le rideau de fer n’est plus une frontière, des milliers d’Allemands de l’Est passent à l’ouest par Prague.

GORBATCHEV dit "NON" à la réunification.

Un DC 10 explose en vol au dessus du Sahara après son escale à N’Djaména. C’est un attentat. Il y a 171 victimes.

Des grèves partout, l’automne est chaud !

Chez Peugeot, la publication par le Canard Enchaîné de la feuille d’impôts de son PDG, Jacques CALVET, ajoute à la tension : blocage des négociations, usine occupée.

Les services des impôts feront grève plus d’un mois, suivis par les douaniers, les gardiens de prison…

Le 23 octobre, jour du 33ème

anniversaire de l’insurrection de 1956, on proclame l’instauration de la République en Hongrie.

279

Les Allemands de l’Est manifestent et réclament plus de libertés.

Le port du foulard à l’Ecole devient une affaire d’Etat.

New York élit un maire "black". Plan ROCARD pour le Versant Nord-

est : 52,5 millions pour la création d’emplois nouveaux. On instaure la Contribution Sociale Généralisée, la CSG.

Le 11 novembre, on casse le mur de Berlin. La joie populaire est à la mesure de l’événement, fêté à sa manière par Miroslav ROSTROPOVITCH.

Le général PINOCHET, battu aux élections, reste chef des armées.

Au Liban, le nouveau chef de l’Etat est victime d’un attentat. C’est le 7ème

homme politique assassiné depuis le début de la guerre, il y a 14 ans.

A Prague, on fête le retour d’Alexandre DUBCEK, mais c’est Vaclav HAVEL qui est élu président.

Seule la Roumanie ne s’ouvre pas. Mais la répression sanglante des manifestations de Timisoara va entraîner la chute du pouvoir. Nicolae et Elena CEAUSESCU sont arrêtés et exécutés le 25 décembre, après un procès sommaire.

Ils nous ont quittés en 1989 : Salvador DALI, André CAYATTE, Bernard BLIER, Georges SIMENON, Andreï SAKHAROV

AAAA RoubaixRoubaixRoubaixRoubaixLes élections municipales vont être le

centre des préoccupations du début d’année. La liste d’André DILIGENT, avec René VANDIERENDONCK en second, obtient 41 %, devant la liste de Gauche menée par Bernard CARTON, 33 %, et le FN, 22 %. Le FN présentait deux listes au 1er tour, celle de Yann PHILIPPEAU et celle de Jean Pierre GENDRON, époux de Marine Le PEN.

André DILIGENT est maire. Le Docteur Salem KACET est adjoint à la santé, Jacky MINARD, ancien permanent habitant du Pile, est adjoint aux quartiers, Marie Madeleine LECLUSE est adjointe à la à la solidarité…

Roubaix 2000 : plus de 35 millions d’investissement et Intermarché s’installe.

On licencie toujours dans le textile en crise.

Vincent GERNIGON,

en mission humanitaire en Afghanistan, est tué dans un accrochage.

Les élus du Versant Nord-est tentent de rencontrer le Préfet et défilent symboliquement dans les rues de Lille. On s’accorde pour reconnaître la nécessité de mesures exceptionnelles.

12 quartiers de la ville vont bénéficier des aides de l’état dans le cadre du Xème

plan, 5 sont classés en grandes difficultés, 4 en quartiers sensibles et 3 en sortie de plan.

Incendie tragique dans une courée de la rue Jules Guesde : sans électricité, on s’y éclairait à la bougie. Bilan : 4 morts.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Le centre social, (Maison des Deux-

Quartiers), se met en place et les actions démarrent.

Ingouville est enfin réhabilité et privatisé. Il n’y a plus d’appartements vides.

Avec l’Ecole Pasteur et l’A.L.D.P (Association Laïque pour le Devenir du Pile), on commémore le bicentenaire de la Révolution.

280

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1990: 1990: 1990: 1990 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Début d’année contrasté. En URSS, la dissidence gagne l’Azerbaïdjan, l’Arménie, ainsi que les Pays Baltes…L’armée réprime très violemment les manifestations. La Perestroïka est menacée. Le PC perd son hégémonie en URSS.

Mais plus près de nous…

Nelson MANDELA est libéré, il était détenu depuis le 5 août 1962 !

On retrouve des traces de benzène dans quelques bouteilles de Perrier aux USA. 160 millions de bouteilles sont retirées de la vente. "C’est fou" !

C’est l’an I de la nouvelle école JOSPIN. Plus de redoublements, cycles de 3 ans, 26 heures pour les enfants au lieu de 27 et la semaine de 4 jours est à l’étude.

La Lituanie et l’Estonie se proclament indépendantes. Le pouvoir central réagit.

Les Allemands de l’Est votent librement. Le parti du Chancelier Helmut KHOL gagne des élections.

Mikhaïl GORBATCHEV est élu président de l’URSS mais il est hué lors du défilé du 1er mai.

A Carpentras, le cimetière juif est profané.

Vache folle : même si on doute de la transmission de la maladie à l’homme, la France interdit l’importation de bœuf anglais.

Election en Algérie : abstention record à 44 %, le FIS est majoritaire. Mais il est divisé sur la manière de diriger le pays : modération ou radicalisation ?

Le 23 juin, c’est la 724ème et dernière émission "Apostrophe".

En juillet, le deutschemark passe à l’Est.

Panique à La Mecque : 1426 pèlerins meurent écrasés ou asphyxiés dans un tunnel reliant les lieux saints.

L’Allemagne remporte la coupe du monde de foot en battant l’Argentine 1-0.

Greg LEMOND : et de trois. En un an, 400 000 emplois on été

créés en France. Début du conflit Irak Koweït. En 12

heures, les troupes de Saddam HUSSEIN envahissent et contrôlent le Koweït. Réprobation, embargo, rien n’y fait. Les Irakiens enlèvent des ressortissants occidentaux pour en faire des boucliers humains. Les Américains, les Britanniques envoient des troupes en Arabie Saoudite et la France détache une partie de sa flotte. Les Ambassades ne sont plus des refuges, on compte plus de 4000 otages dont une partie (femmes et enfants), sont libérés peu à peu. L’Irak annexe le Koweït ; l’ONU accepte en décembre l’usage de la force.

Le Loto augmente ses tirages, deux le mercredi. Le billet de loterie disparaît.

La réunification allemande est signée le 3 octobre après 45 années de division.

GORBATCHEV : prix Nobel de la paix Lech WALESA : président de Pologne. Mise en minorité dans son parti M. THATCHER démissionne. John MAJOR lui succède.

Après une semaine de revendications en France, les lycéens descendent dans la rue à Paris. Mais il y aura des casseurs !

Le S.M.I.C. à 5 400 F. le 1 décembre. La C.S.G. est adoptée par les députés

avec 5 voix de majorité. La jonction des équipes anglaises et

françaises est réalisée à 100 mètres sous la Manche.

L’Angleterre n’est plus une île !

281

Michel DELEBARRE dirige le 1er ministère chargé de la Ville.

Les mines du Nord- Pas-de-Calais vont fermer après 270 années de fonctionnement.

AAAA RoubaixRoubaixRoubaixRoubaixLes tempêtes successives provoquent

de gros dégâts. En deux mois, 10 % des arbres du parc Barbieux ont été déracinés.

Le premier conseil municipal est de nouveau perturbé par le F.N.

Les "cerveaux" (chefs de projets, directeurs des services) quittent les services municipaux, mais aussi les quartiers.

Le recensement de l’année fait apparaître une perte de 4 % de la population, Roubaix compte moins de 100000 habitants.

Lancement à Lille des opérations "Eté Jeunes" par Claude EVIN.

Max André PICK est le nouveau directeur de cabinet du Maire.

Il y a 2 369 bénéficiaires du R.M.I. et 1000 demandes en attentes !

Le 60 rue d’Oran est attribué au Comité de Quartier, ECHO.

L’ Association Inter Quartiers, qui s’est installée rue de Blanchemaille, ne compte plus parmi ses adhérents, le Comité des Trois-Ponts

De 5, on passe à 11 avec la venue de l’Hommelet, de Sainte Elisabeth, de Moulin-Potennerie, de l’Epeule, des Trois-Ponts, des Hauts-Champs et d’ECHO (Entrepont-Cartigny-Hutin-Oran).

En juillet, c’est le démarrage du "6 minutes Lille".

Alphonso CATA décède brutalement. Il avait donné aux "Ballets du Nord" une dimension internationale.

Cent millions de francs pour l’intégration sont répartis sur 60 sites pilotes. Les quartiers en difficultés de Roubaix en font partie.

Roubaix Ville Lecture. Trois jours de colloque au centre aéré (avec expositions

sur les thèmes de la presse, du conte et de la poésie), intervention magistrale de Jean FOUCAMBERT sur l’apprentissage de la lecture, 10 conférences décentralisées, et 20 ateliers dans les quartiers regroupent plus de 1 000 participants.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Le Comité de Quartier interpelle

Salem KACET sur la question de la fermeture des centres de soins dans les quartiers.

L’église Saint Rédempteur, fermée pour cause d’insécurité, sera reconstruite. En attendant, une salle du cercle Saint Alexandre accueille les paroissiens.

Sous le soleil, succès des boucles du Pile, de la braderie et de la fête du livre durant laquelle Laurent MARTY dédicace son ouvrage : "Chanter pour survivre".

La Maison des Deux Quartiers occupe le 301 rue Jules Guesde.

La teinturerie du Pile, PME fondée en 1935, que l’on encensait il y a deux ans, est

en redressement judiciaire. Cinéma : rue Monge, dans les locaux

de Texticolor, on tourne "Cheb", avec un second rôle tenu par un habitant du quartier, Nadji BEIDA.

Grande foule place Carnot pour la ducasse et l’envol du ballon.

L’école Pasteur ne sera pas réhabilitée, elle sera reconstruite.

Mais le directeur, les enseignants, les parents d’élèves demandent que les travaux d’entretien ne soient pas pour autant négligés. Les effectifs y sont pléthoriques (un CE 2 avec 44 élèves…) et que fait-on en attendant la naissance du nouveau groupe scolaire ?

282

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1991: 1991: 1991: 1991 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

La guerre est imminente en Irak. En France, on défile pour la paix, mais on active le plan vigipirate et on fait des réserves alimentaires ; des missiles "Scud" tombent sur Israël, les puits de pétrole brûlent au Koweït.

Jean Pierre CHEVENEMENT quitte le gouvernement.

42 jours après le début de l’opération "Tempête du désert", c’est le cessez-le-feu en Irak. Les révoltes kurdes, au nord, et chiites, au sud, enveniment la situation.

Serge GAINSBOURG disparaît. En avril, la Géorgie vote massivement

pour son indépendance. En Irak, des millions de personnes

fuient la répression sanglante. Une zone de sécurité est créée, mais sans intervention militaire.

Cyclone au Bengladesh: 92000 morts. La barre des 2,6 millions de chômeurs

est de nouveau franchie. Le gouvernement s’inquiète pour les

retraites, Michel ROCARD démissionne.

La Croatie et la Slovénie votent leur indépendance.

Incendie aux thermes de Barbotan : 20 morts.

En Inde, assassinat du 1er Ministre ; Mouvements sociaux : ils sont

nombreux cette année à la SNCF. Ils touchent aussi les professionnels de la santé, en particulier les infirmières. Les cotisations sociales sont en hausse, il faut boucher "le trou de la sécu".

Dans la Yougoslavie qui se démantèle, les incidents seront nombreux entre l’Etat (à majorité serbe) et les territoires qui revendiquent leur liberté.

Au cours du mois d’août en URSS, un coup d’état est organisé contre Mikhaïl GORBATCHEV. Boris ELTSINE appelle au soulèvement et s’oppose aux putschistes. Il sort grand vainqueur des événements. Très vite, l’Ukraine se proclame indépendante et rejoint les Pays Baltes. En septembre, le mouvement touchera 15 républiques d’URSS qui adopteront la "Déclaration des droits de l’Homme".

Les chars yougoslaves entrent en Croatie.

Des paras français et belges arrivent au Zaïre pour protéger la population européenne.

"Magic Johnson", séropositif, arrête le basket.

Yves MONTAND nous quitte en novembre.

Gérard d’ABOVILLE termine sa traversée du pacifique à la rame ; la bande à NOAH remporte la coupe Davis en battant les U.S.A.

Terry ANDERSON, dernier otage au Liban, est libéré après 2454 jours de détention.

Renault a supprimé 4 620 postes cette année, il y en avait eu 2 346 en 90 et on en prévoit 3 746 en 1992.

283

Le 25 décembre, c’est fini pour Mikhaïl GORBATCHEV. Boris ELTSINE, président de la Fédération de Russie, est le nouvel homme fort de l’Est.

La 5 en péril : le groupe Hachette se retire.

Le nombre de demandeurs d’emplois aura augmenté de 11,7 % cette année.

AAAA RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix Résultat de recensement de 1990 : la

région compte 31 villes de plus de 20 000 habitants. Roubaix en compte 98 179.

La Ville et la CAF signent le "Contrat Petite Enfance".

Des remaniements au sein de l’équipe municipale : Jacky MINARD est remplacé par Jean Marc ALSBERGHE, nouveau conseiller spécial, qui prend la responsabilité du développement social urbain.

Gérard VIGNOBLE est le nouveau président du Versant Nord-est qui regroupe 350 000 habitants pour 11 communes.

Marc MADIOT remporte son second Paris-Roubaix.

On décentralise les services avec l’installation de la mairie annexe boulevard de Fourmies.

Création de deux nouvelles fédérations roubaisiennes : la F.A.R (Fédération des associations de Roubaix) qui regroupe 5 comités de quartiers refusant l’A.I.R et la F.A.J (Fédération des associations de la Jeunesse).

V.E.V Prouvost : la lainière ne sera pas fermée mais il y aura 1500 suppressions d’emplois dans le groupe.

LOGICIL loge 1 Roubaisien sur 5, dans 6 598 logements dont 85 % en collectif. C’est près de 47 % du parc H.L.M de la ville.

Les "Chevaliers de Roubaix" s’installent boulevard de Strasbourg. Ils emploient plus de 100 jeunes TUC (travail d’utilité collective).

Albert PROUVOST, le fondateur du C.I.L, s’éteint le 6 septembre.

Elus et habitants se retrouvent à la campagne pour les états généraux du D.S.U.

Les quartiers en ont assez :

CAMAIEU : avenue Motte, c’est parti !

André DILIGENT et Salem KACET sont présents au débat sur l’intégration d’Antenne 2.

Le textile a perdu 2 000 postes cette année, 48 000 depuis 20 ans.

Un nouveau logo pour la ville.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Un comité des fêtes plein de

dynamisme et de projets. C’est le Pile qui organisera les fêtes quinquennales. Régis DESWARTES, son président, prendra la responsabilité du comité directeur des festivités de la ville.

La résidence pour personnes âgées, rue Dampierre, fête ses 15 années d’existence.

L’école Pasteur sera reconstruite rue de Condé.

L’équipe des techniciens D.S.U se met en place pour les quartiers Moulin-Potennerie, Sainte Elisabeth et Pile.

284

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1992: 1992: 1992: 1992 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Le F.I.S remporte le 1er tour des élections en Algérie. Le Président CHADLI démissionne, l’armée se déploie, le second tour n’aura pas lieu. Les leaders islamistes sont arrêtés.

Les 12 de l’Union Européenne reconnaissent la Croatie et la Slovénie : c’est la fin de l’état yougoslave.

Un Airbus s’écrase sur le Mont Sainte Odile dans les Vosges : 87 morts.

Le P.S. est en forte baisse dans les sondages avant les élections régionales. Edith CRESSON rassemble 61 % de mécontents.

Scandaleux: Georges HABACHE, un des leaders du F.P.L.P, est soigné dans un hôpital parisien.

Albertville : ouverture brillante des J.O. d’hiver sur une chorégraphie de Philippe DECOUFFLE. La France y remporte 9 médailles.

En Mars, après le référendum sur l’indépendance de la Bosnie, Sarajevo est au centre d’affrontements sanglants.

Le F.I.S est interdit par les autorités algériennes.

En Afrique du Sud : 70 % de Oui permettent au président DE KLERK de lancer ses projets anti-apartheid.

Elections régionales : 70 % de votants, le P.S, avec 18 %, est le grand perdant, le F.N entre dans toutes les régions. Il n’y a pas de majorité franche dans le Nord-Pas-de-Calais : Ecologie=6, PC=15, PS=27, Verts=8, UDF & RPR=27, BORLOO=13, FN=15, Chasse=2. Après le retrait de la candidature DELEBARRE, c’est Marie Christine BLANDIN qui sera présidente de Région !

Résultats des cantonales : le Nord bascule à droite. Jacques DONNAY est le

nouveau Président. Michel BAUDRY (action sociale) et Michel GHYSEL (santé) sont vice-présidents. Bernard CARTON est élu à Roubaix-Est.

Remaniement ministériel : Edith CRESSON quitte Matignon où arrive Pierre BEREGOVOY ; Bernard TAPIE devient ministre de la Ville.

Paris-Roubaix : victoire de Gilbert DUCLOS-LASSALLE.

Emeutes raciales aux U.S.A, 4000 soldats en renfort à Los angeles, San Francisco, Las Végas, Atlanta. Plus de 40 morts et des dégâts importants.

Catastrophe à Bastia : les tribunes du stade Furiani s’effondrent sous le poids des spectateurs : 10 morts, 521 blessés.

Le juge FALCONE est tué par la mafia à Palerme.

En juin, les routiers bloquent les routes. L’armée débloque la situation après 7 jours de négociations mais les "opérations escargot" se poursuivent.

Mohamed BOUDIAF, président de l’Algérie, est assassiné.

La Tchécoslovaquie se divise après la demande de séparation de la Slovaquie. Vaclav HAVEL démissionne.

Affaire du sang contaminé : les ministres face au tribunal.

La 5 est remplacée par ARTE. Les J.O. de Barcelone voient la

victoire de Marie Josée PEREC sur 400 m. La France revient avec 29 médailles.

Bosnie : bombardement et blocus de Sarajevo. C’est l’horreur dans les camps de prisonniers musulmans, on parle de nettoyage ethnique.

Les avions alliés doivent protéger les populations chiites du sud de l’Irak des représailles de Saddam HUSSEIN.

François MITTERRAND est opéré d’un cancer de la prostate. "Je resterai jusqu’au terme de mon mandat".

L’O.R.C.E.P., en dépôt de bilan, et la S.A.E.N, en difficulté, mettent en cause la gestion des élus socialistes.

La France dit Oui à Maastricht, mais du bout des lèvres : 51,05 %.

Entrent au Sénat : Pierre MAUROY et André DILIGENT.

Intempéries dévastatrices dans le Vaucluse (36 morts et 24 disparus).

285

Plusieurs villes sont sinistrées, en particulier Vaison-la-Romaine.

Un Boeing israélien s’écrase sur un immeubles à Amsterdam : 290 morts.

Bill CLINTON est élu 42ème président des Etats-Unis.

En Somalie, la guerre civile empêche l’arrivée de l’aide humanitaire. La situation des femmes et des enfants y est dramatique. L’O.N.U autorise l’envoi d’une force d’interposition. Les Marines américains, les soldats français débarquent à Mogadiscio.

Le gouvernement vote des crédits importants pour la disparition des corons et des courées. "Il ne doit rien rester dans 10 ans".

Le 31décembre, les frontières sont ouvertes au sein de la communauté européenne et le permis à 12 points fait son apparition.

AAAA RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix Des démarches commerciales plus

que douteuses et le fonctionnement du prêt P.A.P entraînent un surendettement dont plusieurs familles du Carihem font les frais.

Les grévistes de Stein ont le soutien de Robert LAJOINIE.

On inaugure le nouveau lycée du textile et des arts appliqués.

La MADESC, centre social du Cul-de-Four, est en liquidation judiciaire.

Aux régionales, le FN arrive en tête à Roubaix avec 25,33 % des voix.

Record pour la métropole lilloise : la délinquance y a augmenté de 23,4 % en 1991.

Les élus du Versant Nord-Est sont de nouveau dans la rue.

L’équipage Sodifac-Roubaix remporte le tour de France à la voile.

La ville de Roubaix s’expose au centre technique municipal : on y présente les 120 métiers municipaux.

Une parole pour les Rmistes, AIR se met au service des exclus.

Bonnes nouvelles culturelles pour le Musée de la piscine et pour Samirami théâtre.

Roubaix à la "Marche du siècle" sur FR3. 24 minutes de reportage sur la pauvreté, mais pas de misérabilisme.

La B.D. sur Roubaix sort le 15 décembre.

On suit l’exemple du Pile, et d’autres quartiers s’engagent dans les "opérations propreté".

Intermarché quitte Roubaix 2000.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… On démolit l’angle des rues Lannes et

d’Estaing. "Opération propreté" lancée par le

Comité de Quartier et les services de la ville et de la C.U.D.L.

Fêtes : ce sera l’année du Portugal.

286

1919191983838383----1919191999992222 Dans le mondeDans le mondeDans le mondeDans le monde Les U.S.A restent le pays leader du monde occidental et cette prédominance va se

trouver renforcée par l’effritement et la disparition de son rival de toujours, l’U.R.S.S. Cette décennie verra la fin du communisme soviétique, et seuls la Chine, l'Albanie, Cuba et la Corée du Nord vont poursuivre dans la voie du marxisme.

ANDROPOV et TCHERNENKO ne feront qu’un passage éclair au Kremlin, et Mikhaïl GORBATCHEV sera l’homme du changement. L’arrêt du conflit en Afghanistan et la "Perestroïka" amèneront la fin de l’hégémonie soviétique à l’est ce qui entraînera d’une part, l’indépendance des pays frères, et d’autre part, l’émergence des volontés autonomistes des provinces de l’union. En quelques années, le mur de Berlin, symbole du rideau de fer, va s’écrouler, les pays alliés du pacte de Varsovie vont se proclamer indépendants par des élections, comme en Allemagne, en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Hongrie, ou par la force, comme en Roumanie. Là où, par le passé, les mouvements patriotiques avaient déjà exprimé leur dissidence, les opposants arriveront au pouvoir par la voie démocratique : Vaclav HAVEL à Prague, Lech WALESA, à Varsovie. A Bucarest, le coup d’état contre le couple CEAUCESCU, leur arrestation et leur exécution amèneront des élections libres.

Quant aux autonomies régionales, l’éclatement de l’Union fera naître des républiques indépendantes, au sud, avec l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Georgie, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, la Mongolie, et à l’ouest avec l’Ukraine, la Biélorussie et les Pays Baltes (Estonie, Lituanie et Lettonie).

Cette séparation se fera plus difficilement, avec des interventions militaires, et la perte de ces territoires amènera une tentative de putsch fomentée par des anciens communistes ; le coup d’état manqué sera annonciateur de l’arrivée d’hommes nouveaux, comme Boris ELTSINE, président de Russie, et la disparition des anciens comme Mikhaïl GORBATCHEV, lui-même.

Il est intéressant de remarquer que l’année où Lech WALESA fut prix Nobel de la paix, GORBATCHEV était président de l’URSS et que l’année où WALESA devint Président de la Pologne, Mikhaïl GORBATCHEV, ancien président, reçut à son tour le prix Nobel !

Cette volonté d’indépendance va toucher d’autres pays et d’autres régions du monde. Les Slovaques et Tchèques font scission ; les Croates, les Bosniaques, les Slovènes réclament à leur tour une autonomie de gestion que les dirigeants serbes refusent. Les Balkans sont de nouveau un foyer de conflits qui ne se généralisera pas.

Les USA et les pays de l’Europe de l’ouest, s’appuyant sur les décisions de l’O.N.U, se placent en force d’interposition, mais ne peuvent empêcher la violence et les massacres. C’est en Bosnie que l’on parlera d’épuration ethnique et que le viol des femmes musulmanes sera considéré comme un acte de guerre.

Interposition également au Zaïre, en Somalie et au Moyen Orient, où le combat des Palestiniens pour avoir un territoire et exister en tant que nation, ne trouve d’expression que dans la lutte armée contre Israël et les pays accusés de ne pas les aider. La décennie sera marquée par deux types d’actions violentes : les attentats et les prises d’otages.

Attentats au Moyen Orient, en Israël, contre les militaires et les civils, au Liban, à Beyrouth, contre les forces d’interposition, les casques bleus américains , français ; attentats dans les pays étrangers, en France, en Angleterre et aussi pour la première fois aux USA (parking du World Trade Center). Il y aura des bombes et des prises d’otages dans les aéroports, dans les avions, sur les bateaux, … Lockerbie, N’Djaména, deux noms qui renvoient à une catastrophe aéronautique provoquée.

Les Iraniens avaient préfiguré ces actions avec la prise d’otages de l’ambassade des USA à Téhéran, les Palestiniens vont suivre et les journalistes occidentaux (KAUFFMAN, CARTON, FONTAINE, NORMANDIN, AUQUE) en feront les frais, Terry ANDERSON sera le dernier libéré après 2 454 jours de détention.

L’ayatollah KHOMEINY disparaît ; la guerre Irak – Iran se termine en 1988. Avec plus d’un million de morts, on pouvait s’attendre à un répit. Il fut de courte durée. L’invasion du Koweït

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et son annexion par les troupes de Saddam HUSSEIN, vont déclencher un riposte armée autorisée par l’ONU et orchestrée par les USA. "Tempête du désert" est le nom de code de l’opération terrestre qui parachève les bombardements massifs de l’Irak et met fin aux hostilités en deux mois.

La paix ne s’installe pas pour autant, les désirs d’autonomie des Kurdes au nord, et l’opposition des Chiites au sud, sont réprimés par la force et trop longtemps considérés comme une affaire intérieure. Il n’y aura plus d’interventions militaires mais une surveillance et un embargo qui affame le peuple. George BUSH, malgré sa victoire militaire, n’est pas réélu président des Etats Unis. Il laisse la place à Bill CLINTON.

La Chine, elle aussi, connaît des contestations internes : mouvements étudiants, occupation de la place Tien An Men, … le "Printemps de Pékin" s’achève par une répression sévère, des milliers d’arrestations, des dizaines d’exécutions et la pose d’un couvercle sur l’expression libre du peuple.

Violence toujours : Olaf PALME, 1er Ministre suédois, Indira GHANDI, puis quelques années plus tard, son fils, Rajiv, sont assassinés. En Algérie, la montée électorale du Front Islamique du Salut, puis son interdiction, amène l’assassinat de Mohamed BOUDIAF, suivi de vagues d’attentats et de répressions qui font un second lieu de conflits dans le bassin méditerranéen.L’I.R.A et l’E.T.A ne sont pas en reste dans cet engrenage de la violence qui touche aussi le sport : la finale de la "Cup" à Sheffield, la finale de la coupe des champions à Bruxelles laissent sans vie plus de 150 personnes.

Ces dix années sont marquées par des catastrophes naturelles: inondations au Bengladesh, éruption volcanique en Colombie, mais aussi par le premier grave accident nucléaire, à Tchernobyl, la marée noire en Alaska de l’Exon Valdez et la chute d’un boeing sur un immeuble à Amsterdam..

C’est aussi la libération de Nelson MANDELA et le début d’un processus de négociations pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud.

L’Europe passe à 12, et les frontières sont ouvertes à l’intérieur de la communauté européenne.

En FranceEn FranceEn FranceEn FranceAvec l’arrivée de la Gauche au pouvoir en 1981, va commencer une série d’alternances

politiques qui se concrétise par une nouvelle forme de gestion, la cohabitation. Les municipales de 83 vont entamer sérieusement le crédit que les Français avaient

accordé massivement aux socialistes, le PS ne gère que le tiers des grandes villes, l’instauration de la proportionnelle pour les européennes, les régionales et les législatives ne change rien : la Droiterevient aux affaires, Jacques CHIRAC est premier ministre, et il retourne rapidement aux privatisations et au scrutin majoritaire. La sécurité, prise en charge par Charles PASQUA, ministre de l’Intérieur, s’oriente davantage vers la répression.

Les faits marquants sont l’émergence des mouvements écologistes et l’arrivée sur la scène politique du Front National, qui a des élus dans les régions et à l’Assemblée Nationale. Le score qu’il réalise dans certaines villes du Sud et du Nord lui laisse entrevoir la possibilité d’accéder au pouvoir. Les intégrismes fleurissent, et les courants nationalistes font parler d’eux : le "détail " de Jean Marie LE PEN, la négation des chambres à gaz dans des milieux universitaires, les attentats anti-sémites, sont contrebalancés par les mouvements anti-racistes, la tenue des procès TOUVIER, BARBIE, la mise en examen de Maurice PAPON.

Après la réélection de François MITTERRAND, les gouvernements de Michel ROCARD, d’Edith CRESSON, première femme à Matignon pour un bref moment, et de Pierre BEREGOVOY, s’ouvrent aux personnalités de la société civile : Bernard KOUCHNER, Alain DECAUX en 1988 puis Bernard TAPIE, qui sera ministre de la Ville en 1992.

Une nouvelle montée de la Droite s’amorce avec les cantonales et les régionales de 92, qui voient la Gauche perdre la plupart des régions et des départements, dont des bastions comme le Nord, et la région Nord-Pas-de-Calais, où Marie Christine BLANDIN sera la seule Présidente verte de France.

Les changements de gouvernement n’amènent pas la fin des conflits sociaux. Ils sont nombreux et touchent de nombreux secteurs, publics et privés. L’inflation est contrôlée, mais le

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chômage joue au yoyo avec les statistiques : chaque baisse est suivie d’une hausse, on reste au-dessus de la barre des 2,5 millions. Les mesures en faveurs des jeunes (les T.U.C, les contrats jeunes volontaires) sont une soupape de sécurité pour une population de moins de 25 ans qui se trouve confrontée aux problèmes de l’emploi. Le R.M.I permet d’insérer une partie des plus démunis et des bas niveaux de formation. La C.S.G va transférer une partie des recettes de la sécurité sociale sur une population plus étendue, mais les difficultés de gestion se poursuivent : le trou de la sécu n’est jamais comblé et le problèmes du financement des retraites pointe à l’horizon.

Les offres d’emploi changent de nature et des secteurs entiers de l’industrie disparaissent : le textile, les houillères, une partie de la sidérurgie, une partie de la constructionautomobile. Mais comme le dit le quotidien Nord Eclair du 12 juillet 1992 : "de 82 à 92, la France a changé. Près d’une exploitation agricole sur deux a disparu, leur nombre est passé de 700 000 à 400 000, celles qui restent ont gagné en superficie. On trouve moins de commerçants (les bouchers, moins 28 %, les épiciers, moins 27 %, les boulangers, moins 10 %) et plus de P.M.E (plus 26 % soit 40 000, avec une progression importante chez les garagistes, les agences immobilières, et dans le secteur du tourisme (voyages, hôtellerie, restauration). Il y a 500 000 cadres de plus, mais 400 000 emplois d’ouvriers non qualifiés ont disparu. D’autres se sont créés dans les PME (secteurs du nettoyage, de la manutention).

Comme le conclut l’INSEE, les emplois non qualifiés se déplacent de l’industrie au tertiaire, du monde de l’ouvrier vers celui des employés de commerce ( 100 000 vendeurs et caissières de plus) , des services aux particuliers (70 000 assistantes maternelles de plus) et le tourisme( 100 000 serveurs et employés d’hôtellerie)".

L’Europe est acceptée du bout des lèvres, la tentation du repli sur soi est présente sur toute la palette de l’échiquier politique. L’éducation est toujours en question : la loi SAVARY n’est pas acceptée, la querelle "Ecole publique", "Ecole privée", les infirmières, les agents des impôts, et ceux de la SNCF, les employés de banque, les routiers, les médecins déclenchent une suite de mouvements sociaux qui montrent le mécontentement général et les indécisions électorales.

A l’extérieur, la France participe aux grandes opérations programmées par l’O.N.U : au Liban, (où 88 militaires seront tués), en Somalie, au Zaïre et en Irak, mais avec moins de détermination que ses alliés. La classe politique française est par ailleurs divisée sur l’opportunitéd’une participation française et Jean Pierre CHEVENEMENT, ministre de la Défense, quittera ses fonctions à cette occasion.

La Nouvelle Calédonie est indépendante mais cela se fait dans la douleur. Des leaders autonomistes sont tués, des gendarmes sont pris en otage puis libérés par la force. On met près de deux ans pour trouver une solution acceptable pour les différents partis.

Erreur fatale que la participation des agents secrets français dans la lutte contre Green Peace. Le "Rainbow Warrior" coule et avec lui Charles HERNU, Ministre des Armées. Ce ne sera pas le seul homme politique a être concerné par les "affaires", celle du sang contaminé qui touche Edmond HERVE, Georgina DUFOIX et Laurent FABIUS, celle des abus de biens sociaux, à Nice, atteint Jacques MEDECIN qui s’enfuit à l’étranger, celle de l’O.R.C.E.P. met Noël JOSEPHE sur la sellette.

Le tunnel sous la Manche est en voie d’achèvement. Le SIDA, fléau du siècle, trouve un concurrent avec la maladie de la "vache folle". COLUCHE qui vient de créer les "Resto du Coeur", trouve la mort accidentellement.

A Roubaix.A Roubaix.A Roubaix.A Roubaix. Un début d’année qui s’apparente à un séisme politique : Pierre PROUVOST est battu

au premier tour des municipales. Un vote de contestation, une troisième liste "Réussir à Roubaix" qui fait 10 % en jouant sur l’insécurité et la délinquance, et …André DILIGENT se retrouve à la tête de la municipalité roubaisienne. Il s’y maintient en 89 et ouvre davantage sa liste à des personnalités de la société civile, Salem KACET par exemple. Il s’entoure d’une équipe qui se renforce au fil des années. René VANDIERENDONCK, d’abord chef de cabinet, devient ensuite 1er

adjoint.

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Malgré l’élection de Bernard CARTON à l’Assemblée Nationale et au Conseil Général, le PS ne se relève pas et ne retrouve pas la gestion de la ville.

Le conseil municipal, dans lequel on trouve des conseillers de l’opposition, devient un lieu de débats politiques, mais aussi de blocage pratiqué par le FN. Celui-ci, peut envisager la prisedu pouvoir, mais si Roubaix présente des problèmes liés aux thèmes proches du "fonds de commerce" de ce parti, il est régulièrement battu.

La politique roubaisienne veut échapper à l’emprise de la métropole lilloise, elle est rejointe dans ce combat par d’autres communes voisines et l’entité Versant Nord-est s’impose comme une des composantes incontournables de la communauté urbaine.

Roubaix devient une ville qui se paupérise de plus en plus, le chômage y est en moyenne de 17 %, plus de deux fois la moyenne nationale, et atteint plus de 30 % dans certains quartiers. 42 % des foyers ne sont pas imposables ! Les procédures de développement social, qui concernent 5 quartiers en 82, sont étendus à la presque totalité de la ville. La délinquance et l’insécurité sont au cœur des débats et Roubaix apparaîtra plusieurs fois sur le petit écran pour évoquer les problèmes de l’immigration, de la pauvreté. Un magazine allemand fera même un reportage sur la ville.

Et pourtant, on poursuit les efforts de construction d’équipements publics : salles de sports, Lycée textile, nouvelle caserne de pompiers, nouvelle caisse d’allocations familiales. Mais les friches encombrent les tiroirs de la S.E.M qui ne peut tout raser. Alors, la piscine deviendra un musée, l’usine Motte-Bossut avenue du Général Leclerc devient le Centre des Archives du Monde du Travail, celle de l’avenue Motte, les magasins d’Usine. L’ancienne poste se transforme en centre universitaire comme quelques autres usines désaffectées. Reprise par le Printemps, La Redoute, qui reste à Roubaix, et CAMAIEU, qui crée ses unités hommes et enfants, ne peuvent masquer le déclin économique de la ville. Le textile s’éteint inexorablement, les commerces de proximité ne sont plus remplacés, les cinémas ont fini par quitter le centre, Roubaix 2000 est toujours dans les difficultés,seul le Colisée reste un lieu de culture, mais la dynamique des Ballets du Nord n’est pas complètement reconnu par l’ensemble des habitants, même si son partenariat avec la "danse de rue" est une réalité. C’est un art qui n’est pas encore populaire.

La participation des habitants à la vie de la cité est facilitée par la mise en place des Comités de Quartiers, et une association fédératrice de cette dynamique, A.I.R, devient le partenaire roubaisien des élus. La politique de la ville se pratique à Roubaix, où elle est source de projets et permet l’expression des associations d’habitants.

L’aide sociale, développée lors de la phase industrielle de la cité, se poursuit avec d’autres financeurs, l’état et la région, par l’intermédiaire des procédures des contrats de plan, et les organismes sociaux. Le nombre de centres sociaux roubaisiens est nettement supérieur à la moyenne des autres villes, et le R.M.I fait un succès au centre d’action sociale.

Mais les problèmes persistent et on voit mal comment s’en sortir !

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… L’arrivée des équipes opérationnelles a donné une nouvelle impulsion associative dans

le quartier. Le Comité des fêtes, toujours actif derrière son président, Régis DESWARTES, est promoteur de manifestations qui rassemblent une partie de la population, souvent la plus ancienne et de culture européenne. Mais, en collaboration avec d’autres associations, en particulier l’A.L.D.P, l’organisation de rencontres à caractère sportif, comme les "boucles du Pile", concerne tous les habitants. Le mot collaboration est mis en exergue avec le démarrage des actions du centre social "Maisons des deux Quartiers", dont la gestion implique 13 mouvements associatifs du quartier qui se dynamisent les uns les autres.

Parmi ces associations, l’Union des Commerçants et des Artisans poursuit ses activités d’animation et de promotion du commerce de proximité, et pour un temps, pallie la fermeture successive des magasins.

Quant au Comité de Quartier du Pile, il est très présent sur tous les fronts, même si la participation des habitants reste aléatoire et ponctuelle. La naissance du Comité Quartier Sainte Elisabeth incite à la concertation interne (deux comités sur le périmètre D.S.Q), et détermine des choix qui incluent le partage et la coopération.

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A partir de 1989, l’équipe opérationnelle quitte le territoire du Pile et son secteur d’intervention s’étend à Sainte Elisabeth et Moulin Potennerie pour former le secteur II. Le partenariat avec les autres comités est une nécessité mais surtout un choix qui est renforcé par la naissance de l’Association Inter Quartiers de Roubaix.

Partenariat également avec les techniciens de la C.U.D.L, de la ville… pour le lancement de l’opération propreté "Pile à Coeur".

La teinturerie du Pile, qui vient de fêter ses cinquante années d’existence est contrainte de déposer son bilan. Le quartier "s’enrichit" de friches industrielles, réaffectées pour certaines, abandonnées définitivement pour d’autres.

Les projets se concrétisent : square Lalande, îlot Delezenne, centre social, réfection des principales voiries (adieu les pavés et vive le tout-à-l’égout). D’autres projets sont actés : reconstruction de l’école Pasteur, construction d’un équipement pour personnes âgées dépendantes, reconstruction de l’école Notre Dame de Lourdes et de l’église Saint Rédempteur,…

En conclusion, encore dix années de mutation pour le monde, la France, Roubaix et le Pile.

La disparition de l’URSS donne aux Etats-Unis d’Amérique le leadership incontesté du monde. Garant de la sécurité, ils sont le bras armé de l’ONU et leur présence n’est pas neutre, ils sont au pouvoir. Pourtant, malgré leurs efforts, ils ne parviennent pas à faire cesser la guerre au Moyen Orient et le terrorisme s’internationalise de plus en plus. Fait sans précédent, un attentat estperpétré à New York contre le symbole de la puissance économique de l’Amérique au World Trade Center.

L’Europe se construit à la fois de manière institutionnelle (Europe des 12), et de manière désordonnée (éclatement de l’Union Soviétique, de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie). Le communisme est en voie de disparition.

L’Afrique est toujours en agitation. Roubaix n’est plus une grande ville, son industrie se meurt, son passé ne lui apporte plus

que des désagréments. Elle est peut être la ville de France la plus aidée par les procédures d’Etat. Elle en a besoin et elle se bat pour être reconnue. Ses habitants continuent à soutenir les élus sortants, mais bien que les votes de protestations soient nombreux, la ville ne bascule pas vers le Front National.

Le Pile connaît un développement de sa vie associative. On coopère, on s’épaule dans l’intérêt de tous, même si cela n’est pas toujours évident. La réhabilitation est en marche, mais c’est long, et cela demande beaucoup d’énergie pour parfois peu de résultats. Le Pile reste ce qu’il est, unquartier un peu refermé sur lui-même, dans lequel, par choix ou parce qu’ils ne peuvent en partir, les habitants disent qu’il fait encore bon vivre.

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Une page du journal pour le lancement de l’opération propreté ; Pile à cœur.

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1993: 1993: 1993: 1993 En FEn FEn FEn France et dans le monderance et dans le monderance et dans le monderance et dans le monde

Il n’y a plus de frontières dans l’Europe des 12.

Pierre BEREGOVOY, en visite à Lille, annonce que le métro sera financé.

Christine VILLEMIN est innocentée du meurtre de son fils.

Deux jeunes anglais de 10 ans tuent un petit garçon de 2 ans à coups de pierre.

Législative de mars , le P.S dans la tourmente : dans le Nord, 3 députés sur les 14 sortants ! La Droite a 458 députés, la Gauche, 92.

Suicide de Pierre BEREGOVOY.

C’est le plan de rigueur : C.S.G (+ 1,3 %), essence (+ 0,28 F.), retraite (vers 40 années de cotisations).

Prise d’otage dans une école maternelle de Neuilly. Le RAID intervient. Les otages sont libérés, le ravisseur est tué.

Le 18 mai, on inaugure la ligne TGV Lille-Paris.

L’Olympique de Marseille est

champion d’Europe ! Explosion à Métaleurop : 6 morts Noël JOSEPHE est mis en examen. Affaire O.M. – V.A. On parle de pots

de vin et de match truqué. On s’intéresse aux rapports entre Bernard TAPIE et Jacques MELLICK. Ils se sont vus à Paris le 17 juillet, mais à la même heure, le maire de Béthune était dans sa ville !

INDURAIN gagne le tour de France, Lance AMSTRONG est champion de monde.

L’Etat d’Israël et le Peuple Palestinien se reconnaissent mutuellement.

En Russie, Boris ELTSINE est destitué, le parlement se rebelle, la guerre civile est proche.

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Les Verts choisissent Dominique VOYNET contre Antoine WAECHTER. La barre est à gauche.

A plus de 300 Km/H, le TGV Lille-Paris déraille près d’Amiens, mais reste debout.

Bernard TAPIE est mis en examen. La Belgique est en deuil.

AAAA RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix On tourne un téléfilm "Des fenêtres

pour les oiseaux" avec Annie CORDY. L’Association Inter Quartiers organise

une journée sur le logement. Après le décès de monsieur DHAU-

DECUYPERE, adjoint au maire, c’est Jean Marc ALSBERGHE qui le remplace et Roger CLABOETS revient au conseil municipal.

Deux semi-remorques de vivres et de vêtements sont envoyés par les pompiers de Menton pour les "bidonvilles" de Roubaix. Le convoi ira à Tourcoing pour les Restos du cœur.

Décès d’Aimé SEVE, principal du collège Jean Lebas.

Michel GHYSEL est élu député (suppléant René VANDIERENDONCK), ainsi que Colette CODACCIONI à Lille et Jean Louis BORLOO à Valenciennes.

Pour la deuxième fois, Gilbert DUCLOS-LASSALLE remporte Paris-Roubaix.

L’ Eglise Saint Joseph, rue de France, est classée monument historique. C’est une première pour Roubaix.

Le voilier "SODIFAC Roubaix", est second du tour de France à la voile. Son skipper disparaît en mer 3 mois plus tard.

On inaugure le centre national des "Archives du Monde du travail. "

CAMAIEU, entreprise citoyenne, offre 350 emplois aux habitants des quartiers Trois-Ponts, Pile, Sartel Carihem.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… "La belle invention roubaisienne", tels

sont les propos de Salem KACET, adjoint à la santé, lors de l’inauguration du lieu d’accueil temporaire pour la petite enfance de l’A.G.A.P.E, rue Franklin

C’est le cri de détresse du libraire de la rue Bourdaloue.

Le groupe "Evasion" de l’AGAPE, est en séjour à Maroilles pour une semaine.

L’Association "Les Chevaliers de Roubaix" est mise en liquidation judiciaire. 5 employés, 45 T.U.C. sont concernés. On crée une nouvelle association "Chômage et réinsertion" pour prendre le relais.

Incendie, rue d’Estaing.

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1994: 1994: 1994: 1994 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

800 000 personnes manifestent à Paris contre la loi Falloux. On compte 400 bus de la région.

Seconde explosion en deux ans chez Métaleurop.

Incendie du Parlement de Bretagne à Rennes.

Les conflits en Algérie et en Bosnie se poursuivent. L’OTAN abat 4 avions serbes, mais les agressions contre la population se multiplient.

En mars, commence le procès de Paul TOUVIER.

Jean Louis BORLOO démissionne de l’Assemblée Nationale.

Nelson MANDELA est le premier Président sud-africain de couleur.

Aerton SENNA se tue dans un accident sur le circuit d’ Imola.

Le 6 mai, le tunnel sous la Manche est inauguré.

Les actionnaires feront-ils une affaire ?

Martine AUBRY, dont on avait envisagé la candidature à Roubaix pour les municipales, postulera, mais à Lille.

Israël reconnaît le principe de l’autonomie palestienne.

Le Brésil remporte la coupe du Monde de football, INDURAIN son 4ème

tour de France. Le suisse Tony ROMMINGER bat le record de l’heure en couvrant 55,291 Km.

C’est la fin de l’état de guerre entre la Jordanie et Israël.

La guerre se poursuit au Rwanda où des milliers de réfugiés sont sur les routes et meurent chaque jour.

CARLOS, ennemi public N° 1, est arrêté au Soudan.

Cette année est marquée par l’affaire de la josacine empoisonnée au cyanure.

François BAYROU, ministre de l’Education, réitère son refus du port du voile islamique à l’école.

On inaugure Euralille.

Un ferry sombre en mer Baltique : 900 morts

La région a perdu 20 000 emplois en 1993.

C’est au cours d’une visite à Lille que Jacques CHIRAC se déclare candidat à la présidentielle.

En novembre, le premier Eurostar arrive à Londres.

C’est à Anne SINCLAIR, au cours de "7 sur 7", que Jacques DELORS annonce qu’il ne sera pas candidat.

"Bernard Tapie" est mis en liquidation judiciaire.

Un Airbus d’Air France est aux mains de quatre islamistes sur l’aéroport d’Alger. Il part pour Marseille Marignane, où a lieu l’exécution de trois otages. Le G.I.G.N. donne l’assaut, les terroristes sont tués, l’équipage et les 173 passagers sont libérés.

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AAAA RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix Thérèse CONSTANS, adjointe à la

culture, décède le 6 janvier. La délinquance a augmenté de 4,75 %

dans le Nord. A.I.R et la Ville signent la convention

"Ecrivains Publics".

Le Versant Nord-est compte 30 000 chômeurs dont 10 000 à Roubaix, soit un taux de 27,5 % ! 120 000 jeunes sont sans emploi dans le Nord.

Robert CAILLEAUX sera le nouvel adjoint à la culture.

Alain FAUGARET et Michel BAUDRY sont élus au Conseil Général, où Jacques DONNAY prend la présidence.

L’USINE a 10 ans. Elle compte 75 magasins et occupe 240 personnes.

André DILIGENT démissionne et laisse la place de maire à son premier adjoint.

On signe le contrat de plan 1995, mais l’Etat ne versera que la moitié des sommes promises pour l’Union.

L’usine Michelin de Lys ferme ses portes.

Désenvoûtement mortel à la mosquée de la rue Archimède.

Deux nouvelles entreprises dans les quartiers Est de Roubaix: CAMAIEU et BOSSU-CUVELIER (qui est relocalisé).

André DILIGENT accueille au Sénat les représentants de l’A.I.R.

On évoque la construction d’un centre commercial entre la Grand Rue et l’avenue des Nations Unies, le projet "Maison des services" des Trois-ponts se prépare.

Au sénat, André DILIGENT fait adopter un amendement sur la désignation des représentants dans les communautés urbaines.

On ouvre la rocade Nord-ouest de Lille.

On est écolo à Roubaix.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… On inaugure cette année dans le

quartier : • L’église Saint Rédempteur et le

lotissement qui l’accompagne • Le domicile collectif et les dominos

pour personnes âgées, rue de Condé • On pose la première pierre de la

future école Pasteur, rue de Condé • On prévoit la construction d’une

résidence universitaire à la Condition publique, boulevard de Beaurepaire : 178 studios sont prévus !

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Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1995: 1995: 1995: 1995 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Monseigneur GAILLOT, démissionné par le Vatican.

On inaugure le pont de Normandie, nouvelle prouesse technologique française.

Le vent fait tomber une grue sur un lycée à Toul : 6 morts.

La délinquance a baissé de 7 % dans le Nord.

Chute de la banque Baring à Londres. Un "golden boy" a mal parié !

1995, année du procès VA-OM. . Les faux témoignages de Bernard TAPIE et de Jacques MELLICK sont dévoilés par le tribunal ; les peines seront lourdes: prison ferme, inéligibilité et amende.

L’attentat au gaz "sarin" dans le métro de Tokyo provoque la mort de 12 personnes et en intoxique 5 500.

1er tour des présidentielles : CHIRAC, 20,6 % ; JOSPIN, 23,4 %; BALLADUR, 18,4 %et LE PEN, 15,1%.

Jacques CHIRAC sera élu au second tour avec 52,67 % des voix. Alain JUPPE arrive à Matignon et trois Nordistes entrent au gouvernement : Alain VASSEUR, à l’agriculture, Colette CODACCIONI, à la solidarité entre les générations et Françoise HOSTALIER, à l’enseignement scolaire.

Le Nord n’est plus un bastion industriel : 75 % des salariés sont employés dans le secteur tertiaire.

La France reprend les essais nucléaires.

Lille est la candidate officielle de la France pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2004, dans un site éclaté sur la région.

Serbes, Croates, Bosniaques, tous pratiquent les horreurs de la guerre, malgré la présence des forces de l’O.N.U. sur le terrain. Il faudra plusieurs frappes aériennes de l’O.T.A.N, en représailles, pour arrêter les bombardements serbes sur Sarajevo.

Le 24 juin, les petites Julie et Melissa disparaissent en Belgique.

Drame dans le tour remporté par Miguel INDURAIN : le coureur italien, Fabio CASARTELLI se tue en descendant le col du Portet-d’Aspet.

Attentats à Paris : une bombe dans le

R.E.R à la station Saint-Michel (3 morts) et Place de l’Etoile, une bombe placée dans une poubelle, (17 blessés).

La piste islamique est privilégiée. Ce sera le début du plan vigipirate.

Le taux d’alcoolémie au volant passe de 0,7 à 0,5 g/litre.

Un adolescent tue sa famille et fait un carnage dans les rues du village de Cuers, dans le Var : 14 morts.

On recherche dans la région lyonnaise, le principal suspect des attentats de l’été à Paris.

Sa mort sera suivi d’un nouvel attentat dans le RER : 29 blessés. Le plan vigipirate continue.

Les Québécois disent NON à l’indépendance avec juste 50,6 % des voix !

Arrestations à Villeneuve d’Ascq de 4 islamistes qui préparaient un attentat sur le marché de Wazemmes.

Le plan JUPPE pour la réforme de la sécurité sociale provoque l’inquiétude des familles et la grogne des syndicats.

L’automne est chaud. Lech WALESA est battu aux

élections présidentielles polonaises. On découvre 16 corps sur le plateau

du Vercors. On pense à un suicide collectif

297

des adeptes de "l’Ordre du Temple Solaire".

En novembre, Léon ZITRONE nous quitte, et pendant ce temps…

AAAA RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix La bataille pour les municipales sera

rude. On parle d’une liste "associative". Marc VANDEWYNCKELE participe au débat "Osons une parole d’habitants".

R.A.V.E.L, une agence immobilière à vocation sociale, est présentée en mairie.

Jean Claude SARRAZIN quitte La Redoute pour rejoindre le staff de campagne de Jacques CHIRAC.

On pose la 1ère pierre du château du cinéma à Lomme.

La Lainière dégage des bénéfices mais en fin d’année, de nouveau, on parlera de restructuration.

Rue de Lannoy, la SARL RETOUR s’installe. On y récupère des ordinateurs pour les recycler dans les écoles.

René VANDIERENDONCK présente sa liste pour les municipales. Elle est ouverte pour 1/3 à des personnalités civiles. Michel GHYSEL, pour le R.P.R, conteste la représentativité de son parti. Il fera scission et présentera une liste concurrente. Marie Christine BLANDIN est N° 2 sur la liste P.S. de Bernard CARTON.

Les acteurs de "Roubaix Horizon" seront bien présents, mais sur 4 listes.

Au 1er tour, 45 % d’abstention (30 % en France). Après le retrait de la liste GHYSEL, on aura une triangulaire au second tour remporté par le maire sortant avec 37 %, devant la liste PS, 35,8 %.

La. friche Phildar, rue d’Avelghem, est détruite par un incendie.

C’est le 1er juillet que la déchetterie du Sartel ouvre ses portes.

Bataille à la C.U.D.L pour l’élection du nouveau président. L’amendement d’André DILIGENT a fait entrer au conseil 18 maires de petites communes. Ils sont déterminants pour le choix.

Pierre MAUROY est réélu, le maire de Roubaix, René VANDIERENDONCK est vice-président à la ville renouvelée et au contrat de ville. Les indemnités mensuelles des élus seront de 20 592 F pour le président, 10 296 F pour les 43 vice-présidents et 6 069 F pour les conseillers.

Le S.C.O.R (Sporting Club Ouvrier Roubaisien), qui joue en nationale 1 de la ligue de football, dépose le bilan.

On découpe la ville en 5 secteurs qui auront à leur tête un maire adjoint : le centre pour Jacky PAOLI, le nord pour Saadi LOUGRADA, l’est pour Jean Claude HERKENRATH, le sud pour Gérard LOUVIEAUX et enfin l’ouest pour Zora ZAROURI.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… On inaugure cette année la salle

Deville. Salle de sport de proximité, elle sera utilisée rapidement à 100 %.

On refait la place Carnot, on termine l’église du Saint Rédempteur, ainsi que les habitations de l’angle de la rue Fénelon -boulevard de Mulhouse, et le béguinage de la rue de Condé.

L’école Pasteur, ça avance, on parle d’ouverture au printemps.

298

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1996: 1996: 1996: 1996 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

C’est le début du scandale de l’Association pour le Recherche contre le Cancer (A.R.C) et des malversations de son président, Jacques CROZEMARIE.

Le taux des intérêts du livret A passe de 4,5 à 3,5 %.

Un président nous quitte.

Les hommages se succèderont durant une semaine dans la presse.

C’est la fin du service militaire obligatoire.

Les attentats en séries retardent le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens : 27 morts, 19 morts …

Un homme armé pénètre dans une école maternelle à Dunblane (Ecosse). Il tue l’institutrice, 16 bambins et en blesse 16 autres.

La France suspend ses importations de viandes bovines anglaises.

Pour le centenaire de Paris-Roubaix : 3 équipiers "Mapei" (MUSEEUW, TAFI et BORTOLAMI) passent ensemble, bras levés, la ligne d’arrivée.

La grève des médecins se poursuit contre les ordonnances du plan JUPPE sur la santé.

Le P.S.G. remporte la Coupe des Coupes.

7 moines français sont enlevés et assassinés par le G.I.A en Algérie.

A Noeux-les-Mines, on aménage le terril en piste de ski.

L’ancien maire de Grenoble, Alain CARIGNON, est condamné à 5 ans de prison.

Un Boeing de la TWA s’écrase en mer peu après son décollage de New York. On compte 230 victimes, dont 45 Français.

Attentat à Atlanta durant les Jeux Olympiques. La France revient avec 37 médailles. Marie José PEREC fait le doublé en or sur 400 et 200 mètres.

Deux fillettes, Sabine et Laetitia, sont enlevées en Belgique. Elles sont retrouvées dans la cave du ravisseur (il s’agit de Marc DUTROUX) et sont libérées. Mais l’affaire ne fait que commencer.

On retrouve les corps de deux fillettes (Julie et Mélissa) enfouis dans le jardin de DUTROUX, puis plus tard, ailleurs, les corps de deux autres enfants, An et Elfje, enlevées l’année précédente.

Les sans-papiers sont évacués par la force de l’église Saint Bernard à Paris.

Les milices islamistes entrent dans Kaboul.

Le téléphone passe à 10 chiffres sur tout le territoire ; le carnet de santé fait son apparition.

Bill CLINTON est réélu président des USA ; Boris ELTSINE est hospitalisé pour un triple pontage coronarien.

Lille se dote d’un "Conseil Communal de Concertation". Il sera composé de personnes non-élues et constituera la première instance de la démocratie participative.

Incendie dans le tunnel sous la Manche : pas de victimes mais une locomotive, 5 wagons, 15 camions sont

299

détruits. Il faudra plusieurs mois de travaux pour réparer les dégâts.

Les routiers bloquent les routes à 6 reprises. Ce n’est qu’après 5 jours de blocus et devant la possible pénurie d’essence, qu’on arrivera à un accord.

Nouvel attentat dans le R.E.R : une bonbonne de gaz explose : 2 morts, 7 blessés graves, dont 3 dans un état critique, et 27 blessés légers.

L’équipe de France de tennis remporte la coupe Davis. Et de 2 pour Yannick NOAH.

En décembre, on inaugure la Bibliothèque Nationale de France.

A A A A RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix Etat civil de 1995 : 549 mariages, 302

divorces, 2081 naissances (un des plus forts taux de natalité en France).

On s’attend à une hausse de 10 à 15 % des impôts locaux.

CAMAIEU, c’est 20 millions d’aide publique pour une promesse de 350 emplois créés.

Pascal PERCQ, reprenant les propos d’Umberto BATTIST, vice-Président du Conseil Régional, tire le bilan de 15 années de D.S.Q :" On a planté, transformé des quartiers, mais l’évaluation de ces nouveaux contrats Etat-Région a montré que la parole des habitants restait encore à entendre… De 1989 à 1994, 60 quartiers ont bénéficié de moyens spécifiques… Aujourd’hui, c’est 150 dans la Région. Le taux de chômage est passé de 16,2 % en 1982 à 26,2 % en 1990.

Comment obtenir des résultats quand la machine à exclure vient sans cesse nous renvoyer de nouvelles populations en détresse …"

Au Fresnoy, un automobiliste est abattu par des braqueurs.

Les agressions pourraient amener la fermeture du cinéma "Les Arcades". Roubaix sera-t-elle la seule ville de France de près de 100 000 habitants qui n’a pas de cinéma ?

La librairie "Les Lisières" ouvre grand Place.

Le périmètre de la future zone franche roubaisienne provoque bien des questions.

Les super gendarmes du R.A.I.D interviennent à l’aube dans une maison de la rue Henri Carette. Fusillade, incendie de

la maison, et assaut... on y découvre un dépôt d’armes ; 4 malfaiteurs sont tués, 2 s’enfuient et sont rattrapés près de Courtrai (Belgique), où l’un est tué et l’autre arrêté.

CAVROIS-MAHIEU, la dernière filature de Roubaix, est mise en liquidation judiciaire. Elle poursuivra ses activités avec l’aide de la ville.

La Lainière change de main, mais le premier acte est le licenciement de 300 personnes.

Le centre ville sera commerçant avec l’arrivée des magasins d’usine du groupe Mac Arthur Glenn et l’implantation d’une grande surface commerciale.

Le centré aéré municipal sera payant. Remous au conseil municipal : le

docteur LAMARCQ, adjoint à la santé, quitte ses fonctions et Jacques LAMAIRE, adjoint au commerce, est mis en demeure de démissionner.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… L’ancienne école Notre Dame de

Lourdes, boulevard de Mulhouse, devrait être transformée en logements, mais …

Le Pile a les honneurs de la presse ! En mars, une semaine de reportages

sur le quartier et ses habitants.

"Pilou", l’opération de promotion des commerçants du quartier, fête ses 13 ans.

300

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1997: 1997: 1997: 1997 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Vague de froid, verglas sur les routes de France. Dans la vallée du Rhône, les automobiles et le T.G.V sont bloqués et la situation est pénible pour les usagers.

En Europe, on compte 294 morts en quelques jours.

Jean HEDERN HALLIER se tue en chutant à vélo.

La grande distribution (Auchan en tête) constitue le secteur le plus important de l’économie régionale : 150 millions de chiffre d’affaires annuel et 65 000 emplois.

Les tueries sont quotidiennes en Algérie et chaque jour apporte son lot d’horreur.

Deng XIAOPING, le "fossoyeur du printemps de Pékin", s’éteint à 92 ans.

Disparition tragique au Portel durant le carnaval. Deux ferrailleurs sont inculpés.

Renault ferme son usine belge de Vilvoorde : 3100 emplois supprimés.

Le rêve est fini : Lille n’accueillera pas les Jeux Olympiques de 2004.

Les internes des hôpitaux font grève et bloquent la circulation des voitures et des trains.

Incendie à La Mecque durant le pèlerinage : 350 morts et 2800 blessés.

En avril, on parle de possible dissolution de l’Assemblée Nationale, le 22 c’est fait. Jacques CHIRAC a pris la décision. On votera en juin.

Tony BLAIR devient 1er ministre en Angleterre.

Le LOSC quitte la D1 et retrouvera Wasquehal, qui, lui accède à la D2.

Au 1er tour des législatives, retour de balancier à Gauche. Alain JUPPE quittera Matignon et Jacques CHIRAC intervient à la télévision.

Cela ne suffira pas, une vague rose submerge le parlement. Le PS passe de 75 à 268 députés, l’U.D.F perd 98 sièges et le R.P.R 127 !

Il y aura cohabitation. C’est Lionel JOSPIN qui arrive à Matignon, Martine AUBRY est N° 2.

Le commandant COUSTEAU nous quitte.

Le 1er juillet, Hong Kong redevient chinoise.

Une sonde américaine se promène sur Mars ; la station orbitale MIR est mise en péril suite, à une erreur humaine. Les U.S.A enverront une équipe de secours pour réparer les dégâts et prolonger la mission.

Jeanne CALMENT s’éteint le 5 août à l’âge de 122 ans et 154 jours.

Martine AUBRY présente le projet des "emplois-jeunes" qui peut amener la création de 350 000 postes.

Journées mondiales de la jeunesse sur l’hippodrome de Longchamp. 1 million de fidèles viennent voir le Pape.

Si en 1996, on parlait de suppression, Ségolène ROYAL annonce la réouverture de 800 classes maternelles et élémentaires.

Tragédie en Algérie, des familles entières égorgées. On estime le nombre de victimes supérieur à 200. Un autre massacre aura lieu un mois plus tard.

A Calcutta, un million et demi de personnes assistent aux obsèques de Mère Térésa.

301

Le 30 août, dans la nuit, Lady DI est blessée mortellement dans un accident de circulation à Paris.

"Euralille" tremble, mais le mystère ne sera pas éclairci.

Le gouvernement annonce les 35 heures hebdomadaires en 2000, ce qui provoque la grogne du C.N.P.F.

Le procès PAPON commence en octobre. Verdict l’an prochain.

Les routiers bloquent les routes pendant 5 jours. On compte plus de 150 barrages dans la région !

La tension monte entre les USA et l’Irak, d’où les experts de l’ONU sont expulsés.

Carnage en Egypte, à l’entrée du temple d’Hatshepsout. Un groupe intégriste abat 57 touristes.

Décès de Georges MARCHAIS. Le Mondial 98 offre aux Français un

tirage au sort facile. Toyota s’installe à Valenciennes avec

2000 emplois à la clé. Lille-Bruxelles : 38 minutes en TGV.

A A A A RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix L’arrivée de la Zone Franche à

Roubaix ne fait pas que des heureux. Le Fresnoy, la rue de la Vigne, la rue Jules Guesde, se mobilisent pour en obtenir les effets.

Les Roubaisiens du Centre en visite à Troyes pour rencontrer les commerçants du groupe Mac Arthur Glenn.

Les mairies de secteur sont opérationnelles en février.

Lionel DUMONT, survivant de l’assaut du RAID rue Henri Carette, est arrêté à Sarajevo pour braquages.

Il sera condamné à 20 ans de prison. Guy HASCOET sera candidat pour

les verts et le P.S. à Roubaix. Au 1er tour, il est soutenu par René VANDIERENDONCK, et avec 30 % des suffrages, il bat Michel GHYSEL (22,5 %) et le représentant du F.N (23,8 %). Il sera élu au second. Dominique BAERT, pour le P.S, enlève le siège de Gérard VIGNOBLE.

La rupture est consommée entre René VANDIERENDONCK et la Droite ( R.P.R et U.D.F). Gérard VIGNOBLE reproche le revirement du maire, mais Jean Pierre BALDUYCK, maire P.S de Tourcoing, souhaite son passage à Gauche.

Après Mac Arthur Glenn, c’est un " Géant Casino" qui s’implantera au centre ainsi qu’un complexe cinématographique.

Pour la première fois, on patine sur la Grand’ Place de Roubaix.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… C’est au Pile qu’Emile DUHAMEL et

son épouse fêtent leurs noces d’or. En mai, le plus petit musée du monde

ouvre ses portes au 62 rue Desaix. Les artistes du Pile exposent.

302

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1998: 1998: 1998: 1998 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Les massacres se poursuivent en Algérie. On compte 750 tués en 10 jours, plus de 1000 depuis le début du Ramadan.

Le réseau téléphonique s’ouvre au privé, Bouygues, SFR et France Télécom enregistrent 850 000 abonnés de plus en un mois.

Les chômeurs ne cessent de manifester, avec occupation des locaux de l’ASSEDIC. Pourtant le chômage a baissé de 1,7 % l’année dernière.

Le préfet Claude ERIGNAC est assassiné en Corse.

On vote cette année pour les Régionales (à la proportionnelle) et pour les Cantonales. René VANDIERENDONCK est N° 2 sur la liste PS de Michel DELEBARRE, et Marine LE PEN, N° 2 sur la liste du F.N. Il y a 1 017 candidats pour la Région.

Après Vilvoorde en Belgique, c’est en France que Renault va supprimer 2700 postes.

Aux Régionales, c’est l’abstention qui l’emporte. Le PS sort gagnant : François LEOTARD est battu en PACA et Edouard BALLADUR en Ile de France. Michel DELEBARRE sera élu président de la Région, René VANDIERENDONCK sera vice-Président chargé de la politique de la ville, mais la majorité est floue. Le groupe BORLOO et les extrêmes peuvent être déterminants et arbitrer les votes.

Aux cantonales, la majorité va au PS dans le Nord (+ 15 sièges), et le PS gagne 11 départements français.

Maurice PAPON est condamné à 10 ans de réclusion criminelle.

Bill CLINTON est embarrassé par l’affaire Monica LEWINSKY.

La police belge est encore sur la sellette. Marc DUTROUX s’empare de l’arme d’un policier et s’évade. Il est repris trois heures plus tard.

Roland DUMAS, Jean TIBERI, Alain JUPPE… mis en accusation.

Le RC Lens, champion de France de football après une saison de rêve : finaliste de la coupe de France et demi-finaliste de la coupe de la Ligue.

Le projet de loi AUBRY sur les 35 heures est adopté par le parlement.

L’Inde et le Pakistan procèdent à des essais nucléaires.

Le Mondial commence à Paris. La France, la Croatie, les Pays-Bas et le Brésil forment le dernier carré. A Lens, des hooligans allemands blessent sérieusement un gendarme. Mais c’est la joie de la victoire qui embrasera le pays au terme de la rencontre avec le Brésil.

Le PACS (Pacte Civil de Solidarité) divise les opinions.

Eric TABARLY disparaît en mer. L’équipe Festina, convaincue de

dopage, est exclue du tour de France, malgré les dénégations de Richard VIRENQUE.

Attentat anti-américain au Kenya et en Tanzanie : 119 morts et plus de 4000

303

blessés. On soupçonne un milliardaire saoudien, Oussama Ben LADEN.

Il y aura des représailles au Soudan et en Afghanistan.

Le rapport STARR accable Bill CLINTON. On peut tout voir sur internet.

Gerhard SCHRODER détrône Helmut KOHL du poste de Chancelier en Allemagne.

En France, le service national entre en vigueur.

C’est la grogne : les lycéens manifestent, les retraités sont dans la rue, les transports sont en grève, et les chômeurs réclament une prime de Noël.

Sous la pression de l’O.T.A.N, les Serbes quittent le Kosovo.

Le Général PINOCHET est arrêté à Londres, les Lords ne votent pas son immunité, il est inculpé de génocide par un juge espagnol.

A A A A RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix Francine GUILLAUME, alias "Julie

Ch’est mi", s’en est allée. Le Plan Roubaisien d’Insertion s’est

donné 4 ans pour remettre 2000 personnes à l’emploi. Après 2 ans, la moitié du contrat est remplie.

André DILIGENT soutient Arnaud VERSPIEREN aux cantonales, il regrette la dissidence du R.P.R mais invite les conseillers municipaux U.D.F à ne pas quitter la majorité municipale.

Pour le P.S, Renaud TARDY et Bernard CARTON sont élus conseillers généraux.

René VANDIERENDONCK déclare : "…faire de la culture qui soit le moteur d’une dynamique pour l’insertion sociale et économique des jeunes…

… je me félicite d’avoir fait ce choix. Quand je vois l’Alliance et tout ce qui s’est passé à Droite, je me dis merci mon dieu que je sois sorti de ce bazar….

… Le plus important, c’est l’honnêteté intellectuelle…"

Orage et déluge sur la métropole.

Le Roubaisien Arnaud TOURNANT devient champion du monde du kilomètre et de vitesse par équipe sur la piste de Bordeaux.

La S.R.I.E.M est à vendre. Son parc de logement est repris par l’O.P.A.C- H.L.M de la ville de Roubaix.

Madame MASSART quitte ses fonctions de maire à Hem. Francis VERCAMER est élu.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…

Drame rue de Condé, dans un logement du CAL PACT.

62, rue Desaix, c’est le plus petit musée local !

304

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 1999: 1999: 1999: 1999 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

En janvier, les allocations familiales, les retraites et le RMI augmentent, mais aussi, le tabac et le gazole.

On peut payer en Euros ! C’est Anne Marie CAPARINI (UDF)

qui est élue président de la région Rhône-Alpes avec les voix de la Gauche. Charles MILLON est battu.

Un an après l’assassinat du Préfet ERIGNAC, aucune indication sur les meurtriers.

La scission est amorcée entre Jean Marie LE PEN et Bruno MEGRET.

Affaire du sang contaminé : trois ministres devant les juges. Laurent FABIUS et Georgina DUFOIX sont relaxés, Edmond HERVE est condamné.

Tour du monde à la voile : Isabelle AUTISSIER fait naufrage et est récupérée par l’Italien, Giovanni SOLDINI.

Une étudiante lilloise, disparue depuis deux mois, est retrouvée découpée en morceaux, dans des sacs, au fond de la Deûle.

Tour du monde en ballon réussi en un peu plus de 20 jours par PICARD et JONES.

Claude ALLEGRE ne fait pas que des heureux. Les profs défilent à Paris.

Roland DUMAS, mis en cause par Christine DEVIERS-JONCOUR, se met en congé du conseil Constitutionnel.

En Yougoslavie, les frappes aériennes de l’OTAN contre les serbes n’empêchent pas les Kosovars de fuir leur pays.

Incendie tragique dans le tunnel du Mont Blanc : 40 morts, le tunnel est fermé.

Abdelaziz BOUTEFLIKA est élu président en Algérie et Ehud BARAK 1er

ministre en Israël.

En Corse, la paillote "Chez Francis" est incendiée. Le Préfet Bernard BONNET et le colonel de gendarmerie Henri MAZIERES sont mis en cause. Le gouvernement est chahuté. Peu de temps après, on arrête 4 des 5 assassins du Préfet Claude ERIGNAC. Yvan COLONNA est introuvable.

Slobodan MILOSEVIC est inculpé par le Tribunal Pénal International de La Haye.

Européennes : 53,24 % d’abstentions ! Sur les 20 listes en présence, la liste PS obtient 22 % des suffrages, la liste PASQUA 13 %, la liste SARKOZY 12 %.

Chute d’un téléphérique dans le Dévoluy : 20 morts.

Après avoir résisté au cancer, Lance AMSTRONG remporte son 1er tour de France.

On a recensé 60 millions d’habitants en France. On en compte 182 284 à Lille et 95 629 à Roubaix, 2ème ville régionale.

John KENNEDY Jrs disparaît dans un accident d’aviation.

Lunettes pour tout le monde ! Vladimir POUTINE nouveau 1er

ministre russe.

305

Séisme en Turquie : 12 500 morts et 35 000 blessés. La solidarité s’organise.

Le taux de TVA passe de 19,6 à 5,5 % sur les travaux immobiliers.

Après le retour sur terre des derniers cosmonautes, la station "MIR" est livrée à l’espace.

José BOVE est écroué pour le saccage d’un Mac Donald.

La famille du docteur GODART disparaît en mer : mystère !

Loi sur la concorde civile en Algérie : 98,63 % de OUI.

La séparation entre le Timor Oriental de l’Indonésie se fait dans le sang.

Inondations dans le midi : 27 morts. 8 spéléologues sont bloqués dans un

gouffre du Lot. Il faudra creuser un tunnel d’accès .pour les délivrer 10 jours plus tard.

Collision ferroviaire près de Londres : plus de 100 morts. Le manque d’entretien des compagnies privées est en cause.

Attentats contre l’U.R.S.S.A.F et la D.D.E à Ajaccio.

Condamnation de Jacques CROZE-MARIE à 4 ans de prison.

La loi sur les 35 heures est adoptée. Maurice PAPON fuit en Suisse, d’où

il est extradé pour être emprisonné. Les Russes entrent en Tchétchénie. La

guerre trouve un nouveau théâtre. Naufrage de "l’Erika" au large du sud

Finistère. Tempêtes sur la France à quelques

jours des Fêtes: 50 morts et des milliers d’arbres abattus. 68 départements sont en situation de catastrophe naturelle.

A A A A RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix Lille propose la fusion avec Lomme.

Le maire de Roubaix va plus loin, il est d’accord pour une métropole unique. Les débats sont ouverts dans les communes.

On plante les arbres de la Grand’ Place. Ils sont malades : il faudra les enlever et en replanter d’autres.

4 conseillers municipaux, dont Max André PICK, Adjoint, quittent la majorité municipale.

C’est fini !

Référendum local sur 11 communes 80 % de Non pour la fusion avec Lille.

Le maire souhaite la démission d’une conseillère municipale, maire de quartier, directrice de l’A.P.E.Q.R. Sa gestion du service d’insertion de la propreté urbaine est mise en cause. On soupçonne des d’abus.

La Ville et les comités de quartiers signent la Charte pour une Démocratie Participative.

On inaugure la ligne 2 du Métro et dans la foulée, l’ouverture des premiers magasins Mac Arthur Glenn.

René VANDIERENDONCK dit dans la presse:"…Sur Roubaix, 30 000 m2 de petits commerces avaient fermé en centre ville. On se retrouvait avec une absence d’offres commerciales. Plus un magasin d’alimentation au centre. Il fallait une stratégie de reconquête…Jamais on ne fera repartir l’investissement privé si le cœur de la ville périclite. Aucune stratégie de développement n’est possible ou alors , on fait du social à tout va…Ce qui m’a décidé à passer à Gauche, c’est l’ambiguïté d’un Philippe VASSEUR, leader de la Droite, spéculant sur le soutien tacite du FN aux régionales . J’ai décidé que je n’en serai pas…"

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Le nouveau pont du Sartel est ouvert à

la circulation. Plusieurs articles de presse sur le ras-

le-bol des habitants.

Le C.A.L-P.A.C.T réhabilite la cour Vromant, rue de Condé.

306

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 2 000: 2 000: 2 000: 2 000 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Le passage à l’an 2000 fait étinceler toutes les capitales du monde. La Tour Eiffel brille de mille feux à zéro heure.

Ouf ! Il n’y a pas eu de bogue informatique.

Le général Pinochet est libéré pour raison médicale. Il rentre au Chili, où il recouvre rapidement la santé.

Trop de réfugiés des Balkans. On installe un centre d’hébergement provisoire à Sangatte pour les candidats au passage vers l’Angleterre.

Philippe VASSEUR quitte la scène politique.

La grève des urgences du secteur hospitalier est suivie de manière importante.

Joerg HAIDER est nommé au poste de vice-chancelier en Autriche. L’extrême droite accède au pouvoir.

Le ministre des Finances annonce une "cagnotte" de 30 milliards.

Les Russes sont accusés d’atrocités envers le peuple tchétchène.

Lionel JOSPIN repart sous les jets de pierres, de son voyage en Cisjordanie.

Réforme de la garde-à-vue (enregistrement et présence d’un avocat) et loi sur la parité en politique. Les municipales de 2001 devront en tenir compte.

Education, impôts, santé, la grogne est dans la rue. 200 000 manifestants, 800 000 grévistes. Le "mammouth" se rebiffe. Il n’y aura pas de réforme de l’administration fiscale. Claude ALLEGRE, Christian SAUTER et Catherine TRAUTMAN s’en vont ; le gouvernement est remanié..

2000 : l’année du football nordiste.

Calais va en finale de la coupe de France, Lens est ½ finaliste de la coupe U.E.F.A et Lille accède à la ligue 1 après un parcours remarquable (sur 38 matchs, 25 victoires, 8 nuls et 5 défaites).

21 otages sont retenus sur l’île de Jolo aux Philippines. 4 d’entre eux sont tués au cours d’une tentative de libération par l’armée.

Pour la première fois depuis 14 ans, le trou de la sécu est comblé!

Jacques CHIRAC lance la réforme du mandat présidentiel.

Après le mondial, place à l’Euro !

Un pique-nique géant le long de la méridienne verte rassemble les Français.

Catastrophe en série :

Les autres supersoniques sont consignés au sol. Verra-t-on encore cela ?

Un sous-marin russe, le Koursk, est victime d’une collision en mer Baltique. Il s’échoue avec ses 100 hommes à plus de 120 mètres de profondeur. Il n’y aura pas de survivants.

En désaccord avec le gouvernement, Jean Pierre CHEVENEMENT s’en va. Daniel VAILLANT le remplace.

Libération des otages de Jolo.

307

Le paiement d’une rançon et la médiation de KHADAFI ont porté ses fruits.

Après les marins -pêcheurs, les taxis et les agriculteurs, ce sont les routiers qui bloquent la circulation. L’essence manque. En 4 jours, la France est paralysée.

Le mouvement de contestation gagne les autres pays d’Europe. La Belgique, l’Allemagne, la Grande Bretagne connaissent aussi le chaos.

La cassette posthume de Jean Claude MERY embarrasse l’Elysée.

Le quinquennat est adopté, mais il y a eu 69,29 % d’abstention au référendum.

En Yougoslavie, MILOSEVIC est battu aux élections présidentielles par Vojisla KOSTUNICA. C’est le peuple qui le renvoie.

Après l’échec des négociations de paix, la violence reprend au Moyen Orient. Israéliens et Palestiniens reprennent la spirale attentats – représailles. Il y aura 176 victimes en 1 mois.

Pour consacrer tout son temps à Lille, Martine AUBRY quitte le gouvernement.

Le "Lévoli Sun", transportant des produits chimiques, fait naufrage au large des côtes normandes.

Vache folle : le doute s’installe. Les farines animales sont interdites dans l’alimentation du bétail.

On assiste en France à la première plainte d’une personne souffrant de la maladie de Creutzfeld-Jacob.

Il faudra plus d’un mois de procédures de comptage de voix et de recours en justice avant que Georges W. BUSH soit reconnu président des Etats-Unis.

Louise Marie CASSETTA et Michel ROUSSIN, tous deux proches du président, sont accusés de détournement et de recel d’abus de biens sociaux.

Les disparues de l’Yonne : Emile LOUIS, chauffeur de car, reconnaît sept assassinats.

A A A A RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix André PETRIEUX, ancien adjoint au

maire, directeur d’école honoraire, décède des suites d’une longue maladie.

On inaugure au Nouveau Roubaix : la poste, le centre familial Carpeaux et l’antenne A.N.P.E.

A l’Alma, la relocalisation des services : Roubaix Habitat, Maison de l’Initiative…, va entraîner le relogement de plus de 60 familles. La grogne s’installe.

On crée une "Maison de la santé" rue du Collège pour faire face aux "urgences non urgentes".

Il faudra 40 mois de travaux pour redonner son lustre d’antan à l’église Saint Martin.

Malgré la réprobation du maire de Hem, l’association des maires du Versant Nord-est est dissoute.

Juillet est catastrophique : moins de soleil qu’au mois de mars, et en trois heures, autant de pluie que dans un mois entier. Le Sartel en a assez d’être sous les eaux.

Arnaud TOURNANT revient de Sydney avec une médaille d’or. David DOUILLET y est brillant, Marie José PEREC y est fugace.

Changement de territoire : on passe du G.P.U au G.P.V.

Un Croisien est assassiné dans la station de métro Epeule. Ses funérailles seront suivies par plus de 5000 personnes.

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Un nouveau salarié au comité de

quartier :

Le groupe "Chrétiens Musulmans" du Pile organise une rencontre entre 200 personnes dont des imans et deux évêques.

308

Cette annéeCette annéeCette annéeCette année----làlàlàlà : 2: 2: 2: 2001001001001 En France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le mondeEn France et dans le monde

Restructuration chez "Danone". 3000 emplois menacés.

On instaure la prime à l’emploi, par crédit d’impôt.

Séisme au Salvador : 666 morts et 4000 disparus.

Laurent -Désiré KABILA, président de la République Démocratique du Congo, est assassiné. La guerre civile s’installe.

La retraite mobilise les fonctionnaires. A Lille, au cours de la manifestation, un pompier de la région a la main arrachée par une grenade.

Séisme en Inde : 15 000 victimes. Alfred SIRVEN est arrêté aux

Philippines : le procès "Elf" peut se poursuivre.

Après le foot, c’est au tour du handball français d’être champion du monde.

Ariel SHARON est élu en Israël, où la violence continue.

A Sangatte, le centre des réfugiés est cause de problèmes. 26 000 y ont déjà été accueillis, et le passage vers l’Angleterre reste le seul objectif. 190 interpellations en une seule nuit.

José BOVE est condamné à 2 mois de prison.

Après la vache folle, c’est la fièvre aphteuse qui ravage les exploitations agricoles anglaises. Cette maladie touchera la Belgique, l’Allemagne, la France, où 6000 bêtes seront abattues.

Les Talibans détruisent les statues géantes de Bouddha sur le site de Bamiyan.

Municipales de mars : peu de bouleversements, la prime va aux sortants. Mais il y a des surprises : Jean TIBERI cède la place à Bertrand DELANNOE, Lyon passe à Gauche, Jack LANG quitte Blois, Elisabeth GUIGOU ne gagne pas à

Avignon, et Martine AUBRY est élue à Lille avec moins de 50 % des suffrages.

Jacques CHIRAC est convoqué par le juge ALPHEN dans le cadre de l’affaire des HLM de la ville de Paris. Il n’ira pas.

Slobodan MILOSEVIC est arrêté par les forces de l’OTAN. Il quittera Belgrade pour La Haye.

Crue dramatique de la Somme : 1500 habitations sous les eaux et 1700 personnes évacuées.

L’euthanasie est légalisée aux Pays-Bas.

A Vimy, 12500 personnes sont déplacées pour sécuriser un dépôt de munitions.

Pierre MAUROY est élu président de la C.U.D.L. et Daniel PERCHERON, P.S, occupe le siège au Conseil Régional.

Escalade de la violence dans les rapports israélo-palestiniens : 560 tués en 6 mois.

Un T.G.V relie Calais à Marseille en 3 heures 29 minutes.

Emeutes en Kabylie : 51 morts et 1000 blessés en 2 mois.

Roland DUMAS est condamné à 6 mois de prison ferme. Il fera appel.

A.O.M- Air Liberté est en dépôt de bilan.

Sommet du G8 à Gênes : un sommet de violence. 150 000 anti-mondialistes envahissent la ville.

Le nationaliste corse, François SANTONI est assassiné à Ajaccio.

La population de Sangatte ne veut plus du centre de réfugiés (1600 pour 800 habitants) et Eurotunnel également.

Le commandant MASSOUD est assassiné en Afghanistan.

Et le 11 septembre…

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Ben LADEN est le suspect N° 1. L’émotion est considérable dans le monde entier. La tension monte et George BUSH prépare l’Amérique à la guerre. La bourse chute.

A Toulouse, l’usine chimique AZF explose : 18 morts et 600 blessés.

Des enveloppes suspectes circulent aux Etats-Unis. La peur gagne beaucoup de pays.

La compagnie d’aviation belge "Sabena" est en faillite.

Catastrophe toujours ! Un Air Bus avec 255 passagers s’écrase sur un quartier de New York.

Après deux mois de bombardements intensifs par des forces occidentales, un gouvernement d’union est installé en Afghanistan qui n’a pas connu de paix depuis 23 ans. Mais Ben LADEN est introuvable.

Lionel JOSPIN se déclare candidat pour les présidentielles de 2002.

Le chômage est en hausse de 1,5 % en novembre, les grèves en série se poursuivent.

Le kit "euro" est en vente le 15.12.01

A A A A RoubaixRoubaixRoubaixRoubaix Fait divers dramatique : un jeune

Roubaisien tué à Mouscron. Une marche silencieuse réunit plus de 1000 personnes mais cela dégénère. Alors…

"Casino" va créer 600 emplois au centre-ville, dont 250 pour des Roubaisiens.

Aux municipales, Roubaix retourne à Gauche, René VANDIERENDONCK reste maire, mais on compte 53 % d’abstentions.

Sont élus au Conseil Général : Michel CARNOIS et Alain FAUGARET.

Résultat du recensement de 1999 : Roubaix compte 96 959 habitants, soit 11,4 % de moins qu’en 1975. Il y a moins d’enfants de 0 à 9 ans, mais plus de jeunes de 10 à 14 ans (+ 8 ,6 %) et de 15 à 19 ans (+8,4 %). Les 60-74 ans représentent 9,4 % de la population. En 1975, il y avait 21 493 étrangers (19,6 %), en 1999 ils représentent

14 %.Les personnes seules sont près du tiers, en augmentation de 4 %.

Le taux d’activité qui était de 93,8 % en 1975, est de 67 % en 1999. Roubaix dispose de 38780 logements dont 42,2 % de maisons individuelles. Il y a 37,8 % de propriétaires et 11,5 % des habitations sont inoccupées.

Roubaix installe son musée à la piscine. Dès l’ouverture, la foule se presse : 4 000 personnes pour l’inauguration et plus de 10 000 en deux jours.

C’est la 11ème édition de la " Braderie de l’Art".

Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile… Dans certaines rues, les camions

ESTERRA ne peuvent circuler. Alors, les poubelles restent là !

On va démolir la teinturerie du Pile, mais en attendant…

Insécurité dans les immeubles du square Destombes : Logicil va privatiser. Sur le terrain voisin, on aménage des jardins, une nouvelle association se crée.

Sœur Marie Christine quitte le quartier, après 25 années au service de la population, pour rejoindre l’Alsace.

Le Pile à Cœur, mémoire et histoire du quartier, est officiellement présenté par son auteur lors d’une manifestation à la Condition Publique.

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1919191993939393----2002200220022002 Dans le mondeDans le mondeDans le mondeDans le monde Cette décennie, qui verra le monde entrer dans le XXI ème siècle et troisième millénaire,

sera marquée par la violence engendrée par les conflits ethniques et culturels. Malgré les tentatives constantes de Bill CLINTON, le président de la première puissance mondiale, la paix ne sera que provisoire. Le conflit entre Israéliens et Palestiniens ne trouvera que des moments de solution, des moments d’espoir de paix, souvent vite oubliés par la reprise du cycle des attentats et des représailles. Les extrémistes des deux camps imposeront leur conception par la force et Israël se laissera même tenter par l’expérience du pouvoir aux nationalistes.

Un changement significatif se produira dans le mécanisme des attentats meurtriers avec l’apparition des bombes humaines, kamikazes martyrs de la foi, qui porteront la terreur au cœur même de la cité, parmi les civils innocents. La riposte ne sera que plus importante et le nombre des victimes ira en augmentation.

Gendarmes du monde, les Américains seront sur tous les fronts, aussi bien en Europe, dans les Balkans, qu’au Moyen Orient, en Irak, et en Asie, en Afghanistan.

Cette situation de leader les mettra rapidement en face des agressions qui auront lieu sur leur propre territoire. Des véhicules piégés feront de nombreuses victimes dans des attentas anti-américains au Kenya et en Tanzanie, les U.S.A entreront dans une phase de représailles envers des états suspectés d’aider le terrorisme, le Soudan, l’Afghanistan. Pour la première fois on parlera d’unréseau international et du milliardaire saoudien, Oussama Ben LADEN.

Mais ils seront frappés aussi à Atlanta, malgré les mesures de sécurité renforcée, prises pour les Jeux Olympiques. En septembre 2001, des avions détournés par des islamistes s’écraseront sur les tours du "World Trade Center", et sur le "Pentagone". Le monde, frappé de stupeur et d’indignation, entrera dans la phobie du terrorisme et la lutte contre les réseaux deviendra un enjeu mondial.

L’Afghanistan, tombé aux mains des talibans, en fera les frais. Bombardé durant deux mois par les forces occidentales, Kaboul sera "libéré" et confié à un gouvernement d’union nationale, mais la traque de Ben LADEN continue.

Les Etats-Unis ne seront pas les seules victimes de cette spirale de violence. Les conflits prendront une connotation culturelle et cultuelle. Les Islamistes frapperont aussi ceux qui sont supposés être les alliés de leur ennemi. L’Egypte sera touchée par l’attentat contre des touristes, autemple d’Hatshepsout, ainsi que le Pakistan et la France.

Attentats, mais aussi massacres. Ils sont quotidiens en Algérie, malgré les tentatives de réconciliation de son président,

Abdelaziz BOUTEFLIKA. On comptera jusqu’à 750 victimes en 10 jours (assassinats de prêtres français, émeutes en Kabylie). L’Algérie vivra des moments difficiles, aggravés de plus, par des catastrophes naturelles (inondations tragiques à Alger).

Massacres aussi lors de la séparation entre le Timor Oriental et l’Indonésie, où, comme en Bosnie, on parlera d’épuration ethnique.

La guerre dans les Balkans trouvera sa solution autant par les interventions des forces de l’O.T.A.N, pour protéger et séparer les belligérants, que par la voie démocratique. Slobodan MILOSEVIC, battu aux élections en Serbie, sera capturé pour être mis en accusation devant le tribunal pénal international de La Haye.

Mais cela ne fera pas taire les velléités nationalistes qui loin de s’éteindre, prendront de l’ampleur avec les arrivées au pouvoir de leurs représentants en Autriche, au Danemark, au Pays-Bas. En France, le score de Jean Marie Le PEN exclut Lionel JOSPIN du second tour des présidentielles.

Violence en gestation, de nouveau en Irak, où Saddam HUSSEIN, après avoir rétabli son autorité en réprimant les Kurdes au Nord et les Chiites au sud, veut toujours s’affirmer comme défenseur du monde arabe et tient tête au monde. Les incidents avec les enquêteurs de l’ONU sur l’état de l’armement irakiens, provoqueront une tension qui, par la suite, amènera un nouveau conflit.

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Le climat n’est pas à la sérénité ; l’Inde et le Pakistan se défient en procédant à des essais nucléaires, pendant que les islamistes prennent en otages des touristes dans l’île de Jolo.

La Russie est aussi confrontée aux nationalismes de ses provinces. Boris ELTSINE laisse la place à Wladimir POUTINE, et les troupes russes s’engagent dans un conflit en Tchétchénie. Confrontée à ce conflit et à une économie en reconstruction sur un autre modèle que collectiviste, cette grande puissance essaie de garder son ancien prestige mais en vain. Les Américains envoient une sonde et un robot sur la planète Mars, les Russes, eux, sont contraints d’abandonner l’aventure spatiale et laissent "mourir" la station orbitale Mir.

La Chine entre dans l’ère de l’économie de marché et s’affirme comme le pays avec lequel il faudra compter. Outre qu’elle représente la population la plus importante, son essor économique et technologique la situe parmi les plus grandes puissances. Pékin, candidate à l’organisation des Jeux Olympiques, affirme sa volonté de prendre rang dans le concert international.

Et comme si la violence humaine ne suffisait pas, une série d’accident et de catastrophes naturelles vont encore endeuiller la planète :naufrage d’un ferry en mer Baltique, crash d’un boeing de la TWA en mer, au large de New York, incendies dans le tunnel du Mont Blanc et dans le tunnel sous la Manche, incendie à La Mecque durant le pèlerinage, collision ferroviaire en Angleterre, crash du Concorde sur un hôtel près de Paris, crash d’un Air Bus sur un quartier new-yorkais, explosion de l’usine AZF à Toulouse, séisme dévastateur au Salvador, séisme en Turquie…

L’Europe se construit. De 12, elle passe à 15 et la monnaie unique entre en application. Il n’y a plus de frontières et l’Angleterre n’est plus une île. Le tunnel sous la Manche et l’Eurostarrelient les pays et les hommes. Cette ouverture ne va pas sans poser quelques problèmes et les arrivées massives de clandestins des pays en difficulté sont plus ou moins bien maîtrisées. Le sentiment de protectionnisme se développe et prend plusieurs aspects : le nationalisme avec les rejets qu’il produit, et l’anti-mondialisme avec le conflit entre pays riches et pays pauvres. La construction politique reste à faire, et elle est nécessaire au moment où, plus d’une dizaine d’autrespays, autonomes depuis peu, sont tentés par l’aventure européenne. Unie, l’Europe peut rivaliser avec les U.S.A, divisée, elle reste dépendante.

Cette dépendance se traduit sur le plan économique par une embellie de quelques années, qui risque d’être suivie d’une période de récession provoquée par les conséquences des attentats. Le marché boursier est à la fois fort et fragile. La faillite d’une banque anglaise, suite aux mauvais choix d’un "golden boy", en est l’exemple.

Des hommes nouveaux apparaissent sur le plan politique, ils sont les dirigeants de demain.

En FranceEn FranceEn FranceEn France En politique, l’alternance se poursuit et cette décennie sera marquée par deux

cohabitations. La première, François MITTERRAND – Edouard BALADUR, débutera après la déroute du PS, suivie du suicide de Pierre BEREGOVOY. Après la victoire sans appel de Jacques CHIRAC, l’erreur de la dissolution d’un parlement fortement à Droite, amènera la seconde, avec la Gauche revenue aux affaires.

Ce système de cohabitation devra disparaître en 2002. La réforme du quinquennat fera élire la même année, députés et président de la République, la seule incertitude réside encore dans l’ordre des scrutins. Mais si la lutte politique est âpre, la montée d’un phénomène de désintérêt pourla "chose publique" se manifeste, en particulier par l’augmentation constante du nombre des abstentionnistes, et ce, quelle que soit la nature de l’élection : 53 % aux municipales roubaisiennes de 1995, 53,24 % aux européennes de 1999, 69,29 % au référendum sur la durée du mandat présidentiel de 2000 !

Une part de ce détachement de l’électeur provient de la perte de confiance de celui-ci envers "l’élu", sentiment renforcé par les affaires et les scandales qui impliquent diverses personnalités qu’elles soient locales ou nationales : Noël JOSEPHE et l’Office Culturel du Conseil Régional ; Bernard TAPIE , Jacques MELLICK et l’affaire V.A-O.M ; Alain CARIGNON et la

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compagnie des eaux à Grenoble; Alain JUPPE, Jean TIBERI et la gestion du RPR et de la ville de Paris ; Roland DUMAS, Alfred SIRVEN, Christine DEVIERS-JONCOUR et l’affaire ELF; Dominique STRAUSS-KAHN et la MNEF; Laurent FABIUS, Georgina DUFOIX, Edmond HERVE et l’affaire du sang contaminé ; et même Jacques CHIRAC sera éclaboussé par l’affaire des H.L.M de la ville de Paris et par la cassette posthume de Jean Claude MERY…

On peut ajouter à cela la gestion de l’Association pour la Recherche contre le Cancer par Jacques CROZE-MARIE, et dans un autre registre, l’affaire des paillotes en Corse qui implique un préfet, un colonel de gendarmerie, et éclabousse le ministre de l’Intérieur du moment, Jean Pierre CHEVENEMENT. Celui-ci, d’ailleurs, fera encore parler de lui, mais pour une autre raison, lors de sa guérison miraculeuse, après une intervention chirurgicale durant laquelle il "décède".

Ce climat de méfiance intervient aussi dans la nature des relations sociales entre les salariés, les entreprises et l’Etat.

Les mouvements sociaux, les manifestations, les grèves seront nombreuses et dures. Elles seront provoquées par la restructuration d’un pays confronté aux problèmes liés à la compétitivité, et à la remise en cause du maintien du niveau de vie et des prestations sociales. Le projet des retraites mettra le gouvernement d’Alain JUPPE en difficulté, puis celui de Lionel JOSPIN, malgré l’embellie de la fin du siècle où on verra le "trou de la sécu" comblé. Mais la France ne parvient que mal à réduire le chômage et la fracture sociale. La création des emplois-jeunes, la disparition du service national, la loi sur les 35 heures, la réforme de la sécurité sociale, mettront dans la rue les fonctionnaires et encore les infirmières, les médecins, les enseignants, les services publics, et aussi les routiers, les chauffeurs de taxi, les avocats, les parents d’élèves. Chaque tentative de réforme est contestée et la contestation inclut un autre regard sur le fonctionnement de la société en général. Au-delà des corporatismes, une vision plus large qui tient compte des problèmes écologiques planétaires, du mondialisme, du partage des richesses, se met peu à peu en place. La pérennisation des "restos du coeur", les mouvements pour le droit au logement, pour les sans-papiers, pour le commerce éthique, pour l’économie solidaire, font apparaître sur la scène des hommes nouveaux. Citons Monseigneur GAILLOT, José BOVE, et en général, la renaissance des franges plus extrêmes de l’échiquier politique, la gauche dure, les nationalistes. La fracture entre Bruno MEGRET et Jean Marie LE PEN affaiblit le FN, mais il reste présent, ponctuellement au moment des élections.

La violence touche la France comme elle atteint les autres pays. Une série d’attentats et d’actes criminels ont pour origine les relations internationales et le terrorisme. Le détournement d’un Air Bus sur Marseille par 4 islamistes algériens, les attentats du RER, la traque et la mort de Khaled KELKAL, le démantèlement d’un réseau à Roubaix, montre que la France n’est pas à l’abri. Le plan "Vigipirate", les militaires dans les gares , et beaucoup d’autres petites choses comme la suppression des poubelles, la destruction des sacs abandonnés …, tout cela amène un fort sentiment d’insécurité, en plus de l’insécurité latente due à la petite délinquance. Et même si l’Etat montre sadétermination comme dans les affaires de prise d’otages de l’Air Bus, de l’école maternelle de Neuilly, de la rue Henri Carette à Roubaix, on ne se sent pas rassuré.

A cela, il faut ajouter d’autres faits divers liés à la déviance sexuelle. Si l’affaire Marc DUTROUX se passe en Belgique, les quatre jeunes filles de Boulogne, l’étudiante de Ronchin jetée dans la Deule, les disparues de l’Yonne, et bien d’autres encore, donnent une image pénible de la réalité du pays.

Ajoutons à cela les catastrophes imprévisibles, les inondations dans la Somme et le Midi, la tempête qui ravagera les forêts de 68 départements …

Et comme si cela ne suffisait pas, le nationalisme corse se mettra en lumière avec l’assassinat du Préfet Claude ERIGNAC, et celui du nationaliste François SANTONI. Il faut encore y ajouter les nombreux ravages des bombes nocturnes posées généralement contre les édifices publics ou les intérêts privés.

Pourtant, si la France va mal, elle a encore bien des aspects positifs. Dans un pays qui a perdu sa prédominance rurale et des pans entiers de son industrie lourde, les succès du T.G.V, du tunnel sous la Manche, du pont de Normandie, de la Bibliothèque Nationale de France, attestent la volonté de rester parmi les grands de ce monde. Impression renforcée par les sportifs avec des

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victoires aux Jeux Olympiques, à la coupe Davis de tennis, au mondial et à l’Euro de football, au mondial de handball, sans oublier les résultats prometteurs en rugby et en basket.

A RoubaixA RoubaixA RoubaixA Roubaix Si en 1993, Roubaix apparaissait comme une ville à secourir, à tel point que des

collectes ont eu lieu dans le midi pour lui venir en aide, on peut dire que malgré ses difficultés, elle tend à se placer comme seconde ville de la région par le nombre de ses habitants et son dynamisme.

Changement important sur le plan de la politique, Roubaix revient à Gauche. Le départ d’André DILIGENT est volontaire, il propulse son dauphin, René VANDIERENDONCK sur le devant de la scène. Celui-ci conduira Roubaix vers la recherche de solutions directement issues des procédures institutionnelles. La ville sera le plus grand terrain d’application des Zones Franches, duG.P.U, du G.P.V Après avoir cherché son identité dans une opposition à Lille-Métropole, elle la trouvera au sein de la majorité communautaire et régionale.

La rupture avec la Droite se fera graduellement, au cours des scrutins successifs, et le retour à gauche se fera en douceur avec la médiation des personnes issues de la société civile. Roubaix marche peut être à contre courant : elle est à Droite, sous les gouvernements de Gauche et à Gauche quand la Droite revient aux affaires.

Sur la route de la modernité, Roubaix se bâtit autour d’un nouveau centre-ville. L’arrivée du métro, le remplacement de Roubaix 2000 par des magasins d’usines avec Mac Arthur Glenn, la construction du nouveau centre commercial Casino, l’ouverture du Musée de la Piscine, de la librairie" Les lisières", des archives du monde du travail, la réhabilitation de l’église Saint Martin , des façades et de l’espace de la Grand’ Place, le retour des grands cafés brasseries ( Impératrice Eugénie, Leffe,..), le projet de la Condition Publique, donnent de Roubaix l’image d’une ville dynamique, qui se bat avec ses armes , avec son patrimoine, avec ses hommes, pour sortir de la crise du textile. La dernière filature, Cavrois-Mahieu, a fermé ses portes, La Lainière, c’est fini, mais il reste à utiliser les friches comme un atout et non comme une malédiction. Cependant, si la bataille du Centre est en passe d’être gagnée, il n’en est pas forcément de même pour les quartiers périphériques.

Les problèmes persistent, les mouvements associatifs semblent s’essouffler, la concertation, avec les processus de décentralisation, suit de nouvelles voies, plus proches par la mise en place des mairies de quartiers et des services annexes, plus lointaines par les lieux de prisede décision qui deviennent métropolitains.

Roubaix, comme le Nord, a perdu sa vocation industrielle et s’ouvre à la création d’emplois tertiaires, avec CAMAIEU, et ses 350 emplois, avec Casino, et ses 600 emplois.

Mais il y a toujours 27,5 % de chômeurs. Il s’agit d’une moyenne : dans certains quartiers, elle y est très nettement supérieure !

Les problèmes de délinquance sont en baisse, mais plusieurs incidents viennent mettre la ville sous les feux de l’actualité : intervention du R.A.I.D, rue Henri Carette, meurtre d’un jeune homme dans la station de métro"Epeule", assassinat d’un jeune des Trois-Ponts à Mouscron, ce dont profiteront des individus pour mettre un quartier en déroute.

Mais, terminons sur une note plus optimiste : Roubaix se voit à la télé ("Des racines et des ailes" en direct de la Piscine) ; après Alain BONDUES, c’est au tour d’Arnaud TOURNANT d’être le "sportif roubaisien" ; les manifestations culturelles comme la Fête de l’Amitié, les Transculturelles et la Braderie de l’Art, la patinoire de Noël,… restent des points incontournables del’animation de la ville.

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Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…Et au Pile…

On note un certain nombre d’initiatives d’habitants, les nouvelles associations comme l’A.G.A.P.E, et sa Maison des Deux Quartiers, l’A.J.G, l’A.L.D.P… sont bien implantées. Leurs actions compensent le déclin des commerces qui ont de plus en plus de difficultés à exister.

On inaugure le domicile collectif pour personnes âgées dépendantes, la nouvelle église Saint Rédempteur, la nouvelle école Pasteur, la salle de sports "Deville", les restos du cœur, mais si le quartier a parfois les honneurs de la presse, la vie n’y change guère, et les problèmes n’y sont pas résolus.

Le quartier se dégrade lentement mais sûrement, la population change, la qualité de vie y est moins bonne.

Le projet de la Condition Publique, dans laquelle Serge LEROY présente son travail de mémoire et d’histoire en 2001, pourra-t-il le sortir de l’oubli ?

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AnnexeAnnexeAnnexeAnnexe

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Les Sigles

CAUE Conseil d'Architecture d'Urbanisme et d'Environnement, 88 en France

Issu de la loi du 3 janvier 1977, structure départementale dépendant du Conseil Général

CIV Comité Interministériel des Villes (créé en 1984).

Programme 1999 : " pour des villes renouvelées et solidaires" • Programme national de renouvellement urbain • Moyen pour la revitalisation économique, l’accès à l’emploi, le lien social • Actions pour le développement des quartiers "acteurs de solidarité"

CNV Conseil National des Villes

Créé par décret du 28 octobre 1988, organe consultatif de la politique de la ville, 40 membres (25 élus et 15 personnalités qualifiées) . Il commande des études et des recherches correspondant aux priorités générales de la politique de la ville : lutte contre les processus d’exclusion, prévention de la délinquance, adaptation de la politique pénale.

Communauté d’Agglomération créée par la loi CHEVENEMENT sur l’organisation urbaine.

Regroupe 50 000 personnes dont au moins 15 000 dans la commune centrale. Statut d’établissement public de coopération intercommunale. Compétences : développement économique, aménagement, transport, logement, politique de la ville, taxe professionnelle obligatoire.

Contrat d’Agglomération Objectif de contractualisation des agglomérations en 2003. 14 agglomérations ont été

sélectionnées dans une opération "Sites témoins pour les contrats d’agglomération" avec la DATAR et l’association des Maires des Grandes Villes de France.

Contrats de Ville Démarrés à titre expérimental en 1989 avec 13 sites.

1993 : 185 sites - 1994 : 214 contrats – 1999 : 1300 quartiers Programme 2000-2006 : contrats de 7 ans, s’étendent aux villes et agglomérations, avec

toujours priorité aux quartiers défavorisés.

DIV Délégation Interministérielle à la Ville

Créée par décret du 28 octobre 1988 sous l’autorité du Ministre délégué à la Ville et à l’Intégration.

DSQ Développement social des Quartiers

Commission Nationale pour le Développement des Quartiers créé par décret le 6 février 1986. 400 quartiers concernés et 1989.

DSU Dotation Solidarité Urbaine : créée en avril 1981

Développement Social Urbain : concept créé par la circulaire du 22 mai 1989 ; la politique de développement de quartier devient politique de développement de la ville.

FEDER Fonds Européen de Développement Régional

FAU Fonds d'Aménagement Urbain des centres- villes et des quartiers

Décret du 24 août 1976

FSU Fonds Social Urbain

Créé en juin 1984.

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GIP Groupements d’Intérêts Publics

Structures juridiques de pilotage des GPV

GPU Grands Projets Urbains

Procédure initiée en juillet 1991. Créées en 1994, remplacée par les GPV en 2000 : 13 sites

GPV Grands Projets de Ville

Programme 2001.2006 : 838 milliards d’Euros de crédits d’Etat + fonds des Conseils Régionaux et Généraux. 50 sites en France

HVS Habitat et Vie Sociale

Groupe interministériel créé par arrêté du 3 mars 1977. Réflexion sur la réhabilitation des grands ensembles, initiée en 1974.

OPAH Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat

Loi du 13 juillet 1991. Inciter propriétaires, bailleurs et locataires à améliorer l’habitat.

PACT urbain Programme d’Aménagement Concerté du Territoire.

PLDS Plan Local de Développement Social des Quartiers

La commission est installée le 23.12.81 par le Conseil des Ministres, le décret d'application sera pris en 1986.

ZPPAUP Zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager

Issues de la loi de décentralisation de 1983

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Bibliographie

Mallak BENAISSA : Etude de cas, le quartier du Pile à Roubaix IUT sociologie Lille Jacques BAROU : les réseaux de solidarité, contrat familles quartier du Pile Caroline BARTHE : L’habitat : le quartier du Pile, la RHI mémoire de recherche Jean Luc BRIERE : Rapport sur la politique de la ville Archives nationales Louis Jean CALVET : Chansons et société Payot Albert CAMUS : Le mythe de Sisyphe Gallimard Claude CHALINE : Les politiques de la ville Que sais-je ? PUF Didier CORNUEL : Le mirage urbain Anthropos

Didier CORNUEL, Bruno DURIEZ : Transformations économiques et évolutions Observatoire urbain des rapports sociaux, restructuration urbaine : Histoire du C.I.L. à Roubaix Centre d'analyse et de

développement. Villeneuve d'Ascq Julien DAMON : La politique de la ville Documentation française Michel DAVID, Alain GUILLEMIN, Philippe WARET :

: L’immigration belge à Roubaix les cahiers de Roubaix Thierry DELATTRE, Jean Paul POPELIER, Philippe WARET : Mémoire en Images de Roubaix Editions Alan Sutton André DILIGENT : La charrue et l’étoile Coprur Annie FOURCAUT : Faire l’histoire des grands ensembles Université Paris 1 Paul Marie de la GORCE, Paul MOSCHETTO

: La cinquième République Que sais-je ? PUF Isabelle GROC, Yvan DOUMENC: Etude entre habitants et institutions Experalliance

Guy HERMET : La démocratie Flammarion Amine KEBE : Mémoire DEA IUP INFOCOM Roubaix Ghislaine KHELIFI-CAVRIL : Mémoire IUT B Tourcoing Maurice LECLERC : de la mule-jenny à l’ordinateur Vent du Nord Rémi LEFEBVRE : Le métier de maire les cahiers de Roubaix Pierre LE HAY : T.P.F.E. La Condition Publique, reconversion

d’un îlot industriel à Roubaix Ecole d’Architecture Paris

C. LEMAIRE, O. MANGIN : BD Roubaix, depuis toujours Le Téméraire Serge LEROY : Le Pile à cœur mémoire et histoire Imprimerie Vial : Monographie sur l’Epeule, l’Alouette, le Trichon Théodore LEURIDAN : Histoire de Roubaix Archives municipales Laurent MARTY : Chanter pour survivre Fédération Léo Lagrange Catherine NEVEU : Citoyenneté et espace public PUF Ouvrage collectif : Histoire d’une métropole Lille, Roubaix,Tg Privat Ouvrage collectif : Le Nord, de la préhistoire à nos jours Bordessoules

Ouvrage collectif : Luttes urbaines et architecture Atelier d’Art Urbain Isabelle PAILLARD : Territoire de la communication Documentation française Alain PEYREFITTE : Le mal français Plon Jean PIAT : Evénements mémorables de Roubaix Office du Tourisme Pierre PIERRARD : La vie quotidienne dans le Nord de la France au XIXéme siècle Hachette Albert PROUVOST : Toujours plus loin Rare-Book Jacques PROUVOST : Histoire des courées Société d'émulation Roubaix

Denis ROUSSEAU, George VAUZEILLES : L’aménagement urbain Que sais-je ? PUF

Jean Marc STEBE : La réhabilitation de l’habitat social en France Que sais-je ? PUF

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Alexis de TOCQUEVILLE : De la démocratie en Amérique Garnier-Flammarion 1835 Carlos VAINER : Gouvernances n° 80 Annales de la recherche urbaine

Gérard VANDERLINDEN : Pots’ burre édité par l’auteur Maxence Van Der MEERSCH : Quand les sirènes se taisent Imprimerie Nationale Nord-Eclair : Articles de Françoise BONIS, Jules CLAUWAERT, Joël COTRAN,

Maurice DECROIX, Jacques GEUS, Gaston GILMAN, Philippe MARTIN, Alain PUISEUX Florence TRAULLE, Michel VASTEL, Claude VINCENT : Photographies Guy SADET, Charles VANDEWYNCKELE

La Voix du Nord : Articles de Laurent DECOTTE, Isabelle DUMOULIN, Jean Cécile HEADLEY, Hubert LEDOUX, Brigitte LEMERY, Jean Luc PITEUX, Dominique SERRA, Bernard VIREL

: Photographies de Philippe PAUCHET Le Nouvel Observateur, Le Monde, Le Figaro, la revue Territoire. Les bulletins d’informations municipales et les documents photographiques du service des Archives de

la Mairie de Roubaix et de l'Observatoire Urbain. Les sites internet de la Communauté Urbaine de Lille, du Conseil Général, du Conseil Régional, de la Politique de la Ville.

Iconographie Collection privée : pages 17-18-19-20-24-25-41-42-67-77-86 Lucien DELVARRE pages 40-49-50-51 Archives municipales : pages 23-30-31-35-36-53-61-100-103-104-117-127-135-170-171-172 Les cahiers de Roubaix : pages 32-33 Nouvel Observateur : page 97 Archives du Comité de Quartier du Pile et de Raymond PLATTEAU : pages 43-44-48-76-87-89-101-121-122-130-137-138-139-141-142-143-146-147-151-152-

153-159-160-161-168-174-177-178-182-183-185-186-189-190-191-192-193-194-195-203-206-208-241

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Remerciements

Nous remercions vivement

Le Comité de Quartier du Pile, les salariés : Dominique DUMONTET, Garmia ARRAS, Ouardia BOUMAD, Aude ELCROIX, Amine KEBE, et les administrateurs : Michel COUPLET, Anne Marie DAL, Nawal BADAOUI, Yamina BADAOUI.

Le Fonds de Participation des Habitants, ses membres et son président, Fabrice BELIN.

Le service des Archives de la Mairie de Roubaix, en particulier Thierry et Viviane DELATTRE, Dominique GILME, Chérif GHOUL, Jean Paul MARESCAUX .

Le quotidien Nord-Eclair, ses rédacteurs, ses journalistes et ses photographes. Le quotidien La Voix du Nord, ses rédacteurs, ses journalistes et ses photographes. L’Observatoire Urbain de la ville de Roubaix, Georges VOIX, Patricia POULAIN Le Musée du Patrimoine de Wattrelos, Francis BOHEE Le S.I.A.R , Philippe COLETTE L’Office du Tourisme de Roubaix L'équipe M.O.U.S, Sophie DEJONGHE Le CAL-PACT La Société d’Emulation de Roubaix Les organisateurs du colloque des 27 et 28 novembre 2003, les chercheurs, les

universitaires pour leurs interventions. sans qui cet ouvrage n’aurait pu être aussi riche et documenté.

Nous tenons à exprimer notre vive reconnaissance à

Michel BAUDRY, Bernard CARTON, Michel CONSTANS, Patrick CORNILLE, Daniel

DELEPAUT, André DILIGENT (�), Pierre DUBOIS, Emile DUHAMEL, Philippe GRAVELOTTE, Bernard GRELLE, Alain GUILLEMIN, Patrick FORTIN ; Pascal HERMAN, Marie Agnès et Roger LEMAN, Christian MONTAIGNE, Bernard LEROY, Michel PARENT, Pierre PROUVOST, Jean Luc SIMON, René VANDIEREDONCK, Marc VANDEWYNCKELE, Philippe WARET,

pour les entretiens riches et de qualité qu’ils nous ont accordés.

Notre profonde gratitude envers

Madame BARISEAU, madame CHAPELLE-HERBAUT, monsieur et madame CLABOETS, madame Marie Paule DELOBEL, monsieur et madame DELVARRE, madame DELPLANQUE, madame DERRYX, madame DIOT, madame DERUYPER-COQUET, monsieur et madame DESCOT-SIX, madame HENNEBELLE, monsieur et madame LEVY, madame Nelly MASQUELIER (dite Manou), madame PLATTEAU-VANSCHOORISSE et sa sœur Hélène, madame SELOSSE-PREZ, monsieur et madame SIX, madame VIERA

pour leurs précieux témoignages.

Nos chaleureux remerciements à tous ceux qui nous ont manifesté de l'intérêt, et qui nous ont encouragés dans nos recherches

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