Le phénomène eurosceptique au sein du parti conservateur britannique

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Article paru dans Politique Européenne, n° 6, 202, pp. 53-76. Le phénomène eurosceptique au sein du Parti conservateur britannique 1 Agnès Alexandre-Collier Au lendemain de la ratification du traité de Maastricht, l'euroscepticisme au sein du Parti conservateur se définit non seulement comme un discours à l'égard de l'intégration européenne mais également comme un comportement parlementaire distinct. En tant que discours, l'euroscepticisme, fondé sur les valeurs thatchériennes du libéralisme économique et de l'indépendance nationale, s'articule autour de la défense du nationalisme, de la démocratie et du libéralisme. Du point de vue du comportement parlementaire, les "rebelles" eurosceptiques s'appuient sur toutes les ressources et stratégies disponibles, pour se mobiliser dans un vaste mouvement, dont la puissance aboutira à la défaite du parti aux élections de mai 1997 et juin 2001 et à la victoire, dans l'opposition, des attitudes eurosceptiques incarnées par le nouveau dirigeant, Iain Duncan Smith. Le traité d'Union Européenne signé en février 1992 a donné naissance, au sein du Parti conservateur britannique, à un courant d'opposition aux principes d'union politique et monétaire et à la politique européenne du gouvernement de John Major, élu en avril de la même année. Au sein de la Chambre des Communes, ce mouvement fut initié par un groupe de députés qui ont voté contre la ratification du traité malgré les consignes de leur propre parti. Ces députés furent également appelés eurosceptiques. Notre étude a pour objectif de définir le phénomène eurosceptique au sein de ce parti, non seulement comme un discours mais également et surtout comme un comportement parlementaire. La spécificité de cette attitude, fondée sur un mélange de nationalisme et de fondamentalisme idéologique, réside dans sa capacité à mettre en péril la cohésion partisane et la performance électorale du Parti conservateur, dans un contexte politique déstabilisant du fait de la nature de l'organisation partisane, de la procédure parlementaire de ratification du Traité de Maastricht, et des circonstances défavorables, en particulier la courte majorité dont disposait le parti à la Chambre des Communes. Il s'agira donc de montrer à la fois l'origine de ce phénomène eurosceptique et ses répercussions sur l'organisation partisane, ou comment le comportement eurosceptique, simple tendance intra-partisane devenue véritable faction, a favorisé l'émergence d'un clivage beaucoup plus puissant que les autres en raison de sa propre dynamique de mobilisation à l'échelle nationale, fondée sur une multitude de ressources et de stratégies. Par conséquent, l'importance du phénomène eurosceptique au sein du Parti 1 Cet article est tiré de la thèse de doctorat de l'auteur (2001). 1

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Article paru dans Politique Européenne, n° 6, 202, pp. 53-76.

Le phénomène eurosceptique au sein du Parti conservateur britannique1

Agnès Alexandre-Collier

Au lendemain de la ratification du traité de Maastricht, l'euroscepticisme au sein du Parti conservateur se définit non seulement comme un discours à l'égard de l'intégration européenne mais également comme un comportement parlementaire distinct.

En tant que discours, l'euroscepticisme, fondé sur les valeurs thatchériennes du libéralisme économique et de l'indépendance nationale, s'articule autour de la défense du nationalisme, de la démocratie et du libéralisme.

Du point de vue du comportement parlementaire, les "rebelles" eurosceptiques s'appuient sur toutes les ressources et stratégies disponibles, pour se mobiliser dans un vaste mouvement, dont la puissance aboutira à la défaite du parti aux élections de mai 1997 et juin 2001 et à la victoire, dans l'opposition, des attitudes eurosceptiques incarnées par le nouveau dirigeant, Iain Duncan Smith.

Le traité d'Union Européenne signé en février 1992 a donné naissance, au sein du Parti

conservateur britannique, à un courant d'opposition aux principes d'union politique et

monétaire et à la politique européenne du gouvernement de John Major, élu en avril de la

même année. Au sein de la Chambre des Communes, ce mouvement fut initié par un groupe

de députés qui ont voté contre la ratification du traité malgré les consignes de leur propre

parti. Ces députés furent également appelés eurosceptiques.

Notre étude a pour objectif de définir le phénomène eurosceptique au sein de ce parti,

non seulement comme un discours mais également et surtout comme un comportement

parlementaire. La spécificité de cette attitude, fondée sur un mélange de nationalisme et de

fondamentalisme idéologique, réside dans sa capacité à mettre en péril la cohésion partisane

et la performance électorale du Parti conservateur, dans un contexte politique déstabilisant du

fait de la nature de l'organisation partisane, de la procédure parlementaire de ratification du

Traité de Maastricht, et des circonstances défavorables, en particulier la courte majorité dont

disposait le parti à la Chambre des Communes. Il s'agira donc de montrer à la fois l'origine de

ce phénomène eurosceptique et ses répercussions sur l'organisation partisane, ou comment le

comportement eurosceptique, simple tendance intra-partisane devenue véritable faction, a

favorisé l'émergence d'un clivage beaucoup plus puissant que les autres en raison de sa propre

dynamique de mobilisation à l'échelle nationale, fondée sur une multitude de ressources et de

stratégies. Par conséquent, l'importance du phénomène eurosceptique au sein du Parti

1 Cet article est tiré de la thèse de doctorat de l'auteur (2001).

1

conservateur serait moins liée à la nature de l'enjeu européen, souvent considéré comme

générateur de factionnalisme qu'à la force intrinsèque de cet "euroscepticisme".

Malgré un usage de plus en plus courant de ce néologisme, la genèse du terme est

difficile à situer. On peut cependant formuler certaines hypothèses. Les éditions les plus

récentes des dictionnaires français semblent faire coïncider l'origine du phénomène

"eurosceptique" avec la création de l'Union Européenne au début des années 1990. C'est le cas

du Petit Larousse publié en 1997 qui y fait explicitement référence : "Personne qui doute de la

viabilité ou de l'utilité de la construction de l'Union Européenne". L'anglais situe toutefois la

naissance du terme "Eurosceptic" à une période antérieure à 1992. Dans son dictionnaire des

mots nouveaux2, Sara Tulloch cite un article du Times datant du 30 juin 1986, qui utilise le

terme pour qualifier la façon dont l'attitude de Margaret Thatcher vis-à-vis de l'Europe fut

perçue3. Selon elle, c'est vraisemblablement le débat sur l'enjeu européen qui a contribué, dans

la seconde moitié des années 1980, à la chute de l'ancien Premier ministre. Ainsi, l’expression

"eurosceptique" est initialement apparue au Royaume-Uni dans les années 1980 pour désigner

les partisans de Margaret Thatcher avant que son emploi ne soit généralisé.

Si l'on se fie strictement à l'épisode de la ratification du traité de Maastricht, le

comportement parlementaire des députés conservateurs ajoute une nouvelle dimension aux

définitions courantes de l'euroscepticisme. Le cas du Parti conservateur constitue en effet un

objet de recherche distinct, qui ne se réduit pas à une simple question de sentiment, de

perception, ou de discours à l'égard de l'Union Européenne. Au sein du groupe parlementaire,

le phénomène eurosceptique se traduit initialement par l'indiscipline de vote de certains

députés conservateurs sur de nombreux projets de lois liés à l'Union Européenne, à

commencer par la ratification du traité de Maastricht4, et aboutit parfois à un engagement

politique au sein d'organisations ou de groupes anti-Maastricht. L'indiscipline de vote

constitue donc le socle de cette mobilisation, c'est-à-dire le trait d'union entre l'opinion et

l'engagement. Selon le nombre des acteurs5 impliqués, cette "rébellion" parlementaire peut

aboutir à la scission du parti en deux, voire en plusieurs groupes d'attitudes à l'égard de

2 Tulloch Sara (1996). The Oxford Dictionary of New Words. A popular guide to words in the news. Oxford, Oxford University Press, p. 105-107.3 "Mrs Thatcher is seen in most of the EEC as a Euro-sceptic at best". In : Owen Richard, "Thatcher, still the sceptic in Europe", The Times, 30/06/86, p. 9.4 Sur chaque vote soumis aux consignes gouvernementales, les volumes des débats parlementaires (Hansard) nous fournissent la liste de ceux qui franchissent cette limite et constituent ainsi l'instrument de mesure le plus efficace de la rébellion parlementaire.

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l'intégration européenne en fonction des votes auxquels les députés ont été soumis. Ainsi

posé, le problème de l'euroscepticisme soulève la question du conflit au sein d'une

organisation partisane et des clivages intrapartisans. En d'autres termes, le phénomène

eurosceptique pose la question du factionnalisme ou inversement de la cohésion intra-

partisane que Kenneth Janda définit comme "le degré de congruence dans les attitudes et

comportements des membres de parti"6.

L'état des recherches sur les clivages internes du Parti conservateur

Pour reprendre la double caractéristique définie par Kenneth Janda, les travaux

antérieurs réalisés sur les clivages internes du Parti conservateur ont abouti à deux types de

typologies : celles centrées sur la dimension idéologique7 et celles centrées sur la dimension

comportementale. Les premières reposent généralement sur une analyse historique ou

politique s'inspirant d'archives et de documents bibliographiques. Celle que proposent Philip

Norton et Arthur Aughey (1981) a abouti à la construction de six catégories de Conservateurs8

spécifiquement axées sur l'idéologie susceptibles de caractériser indifféremment chaque

période de l'évolution du Parti, depuis 1945. Les auteurs postulent que "pour être utiles, elles

(les attitudes) ne peuvent être étudiées que dans leur contexte (particulier)" (p. 55). L'enjeu de

l'intégration européenne n'intervient donc que comme variable conjoncturelle ou contextuelle

qui ne modifie en rien les catégories structurelles de cette typologie. D'autres typologies,

construites sur la base de ces travaux, tiennent compte de cette donnée. Celle de Whiteley,

5 Par opposition aux 7 députés conservateurs (soit seulement 2% du groupe parlementaire) qui avaient défié les consignes de Margaret Thatcher en votant contre l'Acte Unique Européen en troisième lecture, on identifie ainsi, sous le gouvernement de Major, 47 Conservateurs (soit environ 14% des 331 députés du groupe parlementaire) qui se sont rebellés au moins une fois contre la progression actuelle de l'Union Européenne, qu'il s'agisse de la ratification du traité de Maastricht ou des votes ultérieurs imposant l'application de directives émises par la Commission Européenne. Certes, le choix d'un seul vote comme critère ne suffit pas. En revanche, la récurrence du vote indiscipliné constitue un témoignage pertinent de l'ampleur de l'action eurosceptique. Ainsi, au sein du Parti conservateur, 21 députés, soit seulement 6,4 % de l'ensemble du groupe, se sont rebellés de façon constante et systématique lors du processus de ratification.6 Janda Kenneth (1980), Political Parties: A Cross National Survey, New York, The Free Press, p. 118.7 L'adjectif "idéologique" ne renvoie pas au débat complexe sur la définition et les différentes connotations du terme "idéologie". Cependant, une remarque s'impose sur l'application de ce terme au Parti conservateur. Il faut en effet souligner le danger de construire des catégories idéologiques au sein d'un parti qui privilégie l'expérience et le pragmatisme à la doctrine et réfute officiellement son appartenance à une quelconque idéologie. Comme l'expliquent David Baker, Andrew Gamble et Steve Ludlam, "le Conservatisme britannique a évolué selon une tradition de diplomatie politique où les doctrines abstraites étaient subordonnées à une combinaison de réalités gouvernementales (la politique du pouvoir) et de réalités électorales (la politique du soutien)". In : "Mapping Conservative Fault Lines : problems of typology", article présenté au Congrès annuel de UK Political Studies Association, Swansea, mars 1994, p. 2.8 "Le conservatisme pessimiste (Pessimistic Torysm), le conservatisme paternaliste (Pate.rnalistic Torysm), le conservatisme progressiste (Progressive Torysm), le conservatisme combatif (Combative Torysm), la cinquième catégorie fondée sur les principes whig (Corporate Whiggery) et le néolibéralisme (Neo-liberalism). Aughey et Norton (1981, p. 53-89).

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Seyd et Richardson (1994, p. 185-203), en particulier, synthétise les six catégories de Norton

et Aughey pour ne retenir que trois traditions essentielles, qui sont apparues tout au long de la

période contemporaine à des degrés plus ou moins forts : le traditionalisme, le conservatisme

progressiste et l'individualisme (Whiteley et al., 1994, p. 190). Cette étude introduit un

élément nouveau qui consiste à analyser l'idéologie conservatrice en termes d'enjeux

politiques contemporains. C'est pourquoi, les divisions du Parti sur la question de l'intégration

européenne tiennent une place non négligeable mais elles ne sont analysées en fait qu'à la

lumière du thatchérisme. Les résultats de cette recherche aboutissent en effet à l'idée que les

attitudes à l'égard de la Communauté Européenne qui sont répertoriées comme "indices du

traditionalisme" (traditionalism indicators), peuvent être utilisées comme le plus fiable

instrument de prédiction des attitudes à l'égard de Margaret Thatcher.

Le second type de typologie est apparu en 1964, lorsque Richard Rose (1964, p. 33-

46) publie une étude axée non pas sur les idées mais sur les comportements des députés ou

des membres d'un parti. Il classifie ainsi les formes d'organisation des divisions intra-

partisanes, en distinguant les factions (selon lui, caractéristiques du Parti travailliste), les

tendances (propres au Parti conservateur) et les partisans non-alignés. Contrairement à la

faction qu'il définit comme "un groupe d'individus fondé sur des représentants du Parlement

qui cherchent à développer un large éventail de politiques grâce à une activité politique

consciemment organisée", la tendance est un "ensemble stable d'attitudes, plutôt qu'un groupe

stable de politiciens. Elle peut être définie comme un faisceau d'attitudes exprimées au

Parlement sur une large gamme de problèmes" (p. 37). Privilégiant la structure des

subdivisions aux dépens de leur contenu idéologique, Rose aboutit en fait à une typologie

axée sur le clivage "gauche-droite" qui a inspiré de nombreux autres politologues. Dans les

années 1990, Patrick Dunleavy (1993) démontre que les sentiments favorables ou

défavorables à l'Europe sont incompatibles avec cette tendance des typologies à s'inspirer de

l'axe gauche-droite et suggère ainsi la nécessité de reformuler ce type de classement, du fait

de l'importance qu'a revêtu cet enjeu depuis l'épisode de la ratification du traité de Maastricht.

Utilisant des instruments quantitatifs de mesure plus complexes, les typologies

"comportementales" fournissent généralement des catégories bien plus détaillées que les

précédentes mais pas toujours plus aptes à rendre compte des dissensions du Parti autour de la

question de l'intégration européenne. En effet, si elles s'appuient sur l'étude du comportement

parlementaire des députés au moment du vote, elles ne tiennent pas compte de la diversité de

leurs attitudes individuelles vis-à-vis de l'Europe. Toutefois, l'étude de Samuel Finer et al.

(1961) puis les typologies de Philip Norton, (1990 a et b), en se fondant sur la signature de

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motions ou l'indiscipline de vote, complétées par des entretiens avec les acteurs du parti,

accordent une place relativement importante à la nature des sujets de discorde mais elles ne

portent pas spécifiquement sur les questions européennes. Ainsi, un rapide bilan de ces

travaux nous montre que la dimension européenne y tient une place dérisoire, voire nulle. Elle

est intervenue parfois comme indice de prédiction ou facteur d'explication mais jamais

comme objet de recherche. En outre, l'inaptitude des typologies dites "idéologiques" à prendre

en compte cet aspect montre que la plupart des politologues continuent à le concevoir comme

un élément d'explication du comportement parlementaire plutôt que comme un facteur de

division idéologique proprement dit.

Au début des années 1990, certains observateurs ont proposé leur propre classification

des attitudes conservatrices à l'égard de l'intégration européenne qui commençait à faire l'objet

d'une abondante littérature. Citons, parmi d'autres, la typologie de Nigel Ashford (1992, p.

119-148) qui distingue six groupes d'attitudes à l'intérieur du Parti conservateur : les

fédéralistes (Federalists); les pro-européens de bon sens (Common-sense Europeanists); les

modernisateurs conservateurs (Tory modernisers); les néo-libéraux partisans de l'économie de

marché (Free market neo-liberals); les gaullistes conservateurs (Tory Gaullists) et enfin les

opposants au Marché Commun (Anti-marketeers). Si l'on se fie exclusivement à cette

classification réalisée avant la ratification du traité de Maastricht, les détracteurs de l'idée

européenne n'appartiennent qu'à la dernière catégorie citée, éventuellement à l'avant-dernière.

A l'inverse, la typologie proposée par Michael Spicer (1992, p. 166-185) donne le sentiment

que les eurosceptiques sont majoritaires au sein du Parti conservateur : on retrouve les

opposants au Marché Commun (anti-Common Marketeers) auxquels s'ajoutent les

constitutionnalistes (Constitutionalists), les patriotes (Patriots), et enfin les partisans de

l'économie de marché (Marketeers) essentiellement opposés à une Union monétaire

européenne. Ces typologies donnent finalement une certaine indication des principaux enjeux

qui structurent les attitudes à l'égard de l'intégration européenne mais leur intérêt reste limité.

On s'aperçoit en effet qu'elles ne résultent d'aucune méthode empirique particulière et ne sont

le fruit que d'une simple observation a priori du Parti conservateur. Ainsi dès 1992, une

équipe de trois chercheurs (Baker David, Gamble Andrew et Ludlam Steve, 1993 a et b, 1994,

1995, 1999), tentant de concilier les deux dimensions idéologiques et comportementales, a

choisi d'élaborer une typologie non pas des différentes tendances mais des différentes

dissensions qui ont lieu au sein du Parti conservateur. Les chercheurs ont finalement élaboré

un repère doté d'une abscisse "gouvernement étendu" / "gouvernement minimal" et d'une

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ordonnée "interdépendance" / "souveraineté" dans le but de l'appliquer aux dissensions à

l'égard de l'intégration européenne quelles que soient les allégeances partisanes.

Il résulte de ces recherches que le phénomène eurosceptique au sein du Parti

conservateur n'a jamais été étudié en tant que tel mais toujours dans le cadre de travaux plus

généraux sur les clivages intrapartisans. S'appuyant sur la double dimension idéologique et

comportementale que nous avons déjà évoquée, notre étude s'inscrit toutefois dans la lignée

de ces travaux antérieurs. Tout en isolant le phénomène eurosceptique des autres attitudes à

l'égard de l'intégration européenne, elle repose sur une double approche du sujet qui

examinerait à la fois le contenu de l'euroscepticisme, en cherchant à identifier la nature des

enjeux impliqués et des arguments utilisés, et la forme qu'il a pu revêtir dans ce contexte

précis, en apparaissant comme un type de comportement parlementaire spécifique visant à

influencer l'action du gouvernement.

Après avoir exploré les origines de ce phénomène au sein du Parti conservateur, nous

l'étudierons dans cette double dimension statique et dynamique afin de mieux comprendre

l'impact qu'il a pu avoir sur la défaite électorale du parti en 1997 et les douloureux efforts de

reconstruction qu'il accomplit actuellement.

Les origines de l'euroscepticisme conservateur

Sous sa forme actuelle, l'euroscepticisme apparaît comme l'aboutissement d'une

évolution qui suit étroitement celle de la construction européenne. Si l'opposition

conservatrice à l'idée européenne reste, jusque dans les années 1970, confinée à un groupe

d'irréductibles qui bénéficiaient du charisme d'Enoch Powell, et dirigée contre le Marché

Commun, l'euroscepticisme contemporain, quant à lui, puise ses racines dans le thatchérisme.

En effet, celui-ci s'incarne notamment dans le discours de Bruges du 20 septembre 1988

(Holmes, 1996)9 qui offre aux eurosceptiques du parti une vision économique et politique de

la Grande-Bretagne beaucoup plus large, dans laquelle s'insère harmonieusement leur propre

conception de l'Europe. Les valeurs de l'indépendance nationale et de la liberté symbolisées

pour l'ancien Premier ministre par les principes de libéralisme économique, semblent

parfaitement résumer la substance de l'argumentation eurosceptique.

D'autres éléments contribuent à entériner l'hypothèse des multiples liens existant entre

euroscepticisme et thatchérisme, concernant notamment l'origine et la rhétorique de ces deux

phénomènes. L'allégeance thatchérienne est explicitement formulée par certains acteurs en

9 Voir l'analyse du discours de Bruges par Robin Letwin Shirley (1992). Anatomy of Thatcherism, Londres, Fontana, 377 p.

6

termes de complicité eurosceptique. Toutefois, elle apparaît plus clairement encore dans la

confrontation entre la typologie élaborée par Philip Norton (1990a) et la liste des rebelles

eurosceptiques. Parmi les nombreux votes ou motions contre le traité sur l'Union Européenne,

prenons à titre d'exemple l'adoption du traité de Maastricht en troisième lecture, le 20 mai

1993. En examinant les listes de noms des 41 députés conservateurs qui ont voté contre et que

nous avons identifiés comme eurosceptiques, nous pouvons en effet constater, à la suite de

David Baker et al. (1993a, p. 160) qu'une majorité d'entre eux se situent à la droite du parti.

Parmi ces députés et à l'exception des députés élus en 1992 et qui par conséquent ne figurent

pas sur la liste de Norton, quatorze d'entre eux appartiennent à la catégorie des thatchériens

(Thatcherite). Aux côtés des thatchériens se situent les loyalistes (Party Faithful) dont on

trouve cinq représentants parmi nos eurosceptiques. Selon Norton, ces loyalistes regroupent

des députés attachés au style gouvernemental de Margaret Thatcher (Thatcher Loyalists) sans

pour autant partager scrupuleusement ses positions, ainsi que des fidèles du parti (Party

Loyalists) qui manifestent une loyauté de façon relativement constante mais non systématique

au dirigeant du parti. Parmi les rebelles, on compte également quatre populistes (Populists),

qui sont "opposés ou sceptiques à l'égard de la Communauté Européenne" et dont les

positions sont plutôt à droite en ce qui concerne la peine capitale ou l'immigration et à gauche

sur les questions économiques et sociales. Enfin, il n'y a parmi les eurosceptiques qu'un seul

modéré (wet). Philip Norton définit les "wets" et les "damps" comme deux sous-groupes de la

catégorie des députés critiques à l'égard du gouvernement de Margaret Thatcher (Critics). A

une exception près, donc, les critiques sont définis comme favorables à l'intervention étatique

et à la Communauté Européenne. Quelle que soit la motion ou le vote anti-Maastricht auquel

il est fait référence, la confrontation entre la liste des eurosceptiques et la typologie de Philip

Norton aboutit à l'idée que la majorité des députés hostiles à l'Union Européenne revendique

sa fidélité au thatchérisme.

L'adéquation entre euroscepticisme et thatchérisme n'est toutefois pas dénuée

d'ambiguïté. Pour la plupart des eurosceptiques, qui n'ont jamais accepté l'éviction de

Margaret Thatcher10, l'attirance qu'ils éprouvent pour le thatchérisme correspond à une forme

de nostalgie à l'égard d'une période qui semble révolue et que Paul Taggart identifie comme

"l'âge d'or du conservatisme" (1996b, p. 14). Le paradoxe est que le thatchérisme a été perçu

10 La thèse du complot organisé par les pro-européens pour la remplacer à la tête du parti est l'argument le plus répandu parmi les eurosceptiques comme en témoigne cet entretien avec le député John Wilkinson (bureau de Londres, 20/02/95) : "It was a plot against the Lady. If the truth was known!…It was a plot organised very well by Garel-Jones, the two Pattens, Mellor, Lamont, who had waited for that big opportunity to bring the Lady down. They all had in their minds the jobs they wanted and they were all rewarded when John Major got into power".

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en son temps comme une sorte de révolution dans différents domaines, du moins "une rupture

par rapport à l'époque du consensus d'après-guerre" (p. 14). De la même façon, cette fidélité

aux principes fondateurs du conservatisme qui caractérise l'euroscepticisme apparaît comme

une nostalgie similaire pour l'identité partisane originelle. L'euroscepticisme ne caractérise

pas vraiment les courants extrêmes d'un parti, comme certains observateurs ont pu le

suggérer11, mais reflète plutôt un certain "fondamentalisme" idéologique. De ce point de vue,

un parallèle avec la France peut s'avérer instructif. Au moment du référendum du 20

septembre 1992 sur la ratification du traité de Maastricht, les membres du R.P.R. qui ont

milité pour le "non" ont souvent été identifiés à ce qu'on appelle parfois le "gaullisme

historique", ce que Florence Haegel corrobore en évoquant le thème du "retour aux sources"12.

Quant au parti de Philippe de Villiers, il incarnait selon Jean-Louis Schlegel, les "valeurs de

l'enracinement"13, autant d'expressions qui confirment l'idée selon laquelle l'euroscepticisme

constituerait une version parmi d'autres de la substance originelle d'une idéologie partisane.

Dans le cadre théorique plus général des clivages partisans, cette hypothèse n'est pas si

éloignée de celle développée récemment par Gary Marks et Carole J. Wilson (2000) qui

démontrent que "le nouvel enjeu de l'intégration européenne s'insère dans les idéologies pré-

existantes des leaders, des militants et des circonscriptions de partis qui reflètent leurs

positions durables sur des enjeux nationaux fondamentaux" (p. 433). Autrement dit, le lien

entre l'attitude du parti à l'égard de l'intégration européenne et ses fondements et

positionnements idéologiques se vérifie. Prenant le cas des partis conservateurs, les auteurs

expliquent le scepticisme à l'égard de l'intégration européenne par un "conflit courant entre les

nationalistes et les néo-libéraux sur l'avenir de l'Union européenne, qui aboutit à un équilibre

précaire et une ambiguïté rhétorique destinée à éviter de coûteuses dissensions politiques et

l'impression d'une discorde interne" (p. 457).

Certaines théories du nationalisme fournissent également un cadre explicatif adapté au

discours eurosceptique. Nous faisons référence en particulier à l'approche primordialiste14 qui

constitue le pendant de l'idée de "fondamentalisme" doctrinal précédemment évoquée à

11 C'est notamment le cas de David Baker et al. (1993a) pour reprendre notre dernière citation de ces auteurs sur l'appartenance des rebelles à la droite du Parti conservateur.12 Haegel Florence (1990). "Mémoire, héritage, filiation. Dire le gaullisme et se dire gaulliste au R.P.R.", Revue Française de Science Politique, 40(6), p. 864-879.13 Schlegel Jean-Louis (1995). "Philippe de Villiers ou les valeurs de l'enracinement". Esprit, février 1995, n° 209, p. 54-67.14 Pour un examen plus détaillé de cette approche, voir :

Jaffrelot Christophe (1991). "Les modèles explicatifs de l'origine des nations et du nationalisme". In : Delannoi Gil et Taguieff Pierre-André. Théories du nationalisme. Paris, Editions Kimé, p.154-161.

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propos de l'identité partisane. L'euroscepticisme véhicule en effet un discours sur la primauté

de l'identité nationale qui postule la nation comme "donnée" prioritaire et la prégnance de ce

lien primordial (primordial tie)15 au même titre que la race, le langage, la région, la religion.

Orientation des attitudes et arguments eurosceptiques

Ayant réalisé entre 1994 et 1996 une trentaine d'entretiens auprès de députés

conservateurs ayant voté contre la ratification du traité de Maastricht, nous avons constaté que

les arguments eurosceptiques se structurent autour de trois stratégies16. La première consiste à

rejeter le principe de l'intégration européenne qui préside à la construction politique de

l'Europe pour défendre la souveraineté nationale, qui s'exprime à travers ses symboles (le

Parlement - "the mother of parliaments" - la monnaie, l'armée) et ses ennemis (le

fédéralisme17 - ou "F-word" pour certains eurosceptiques - l'Allemagne18 et dans une moindre

mesure la France). La deuxième stratégie vise à condamner les aspects "technocratiques" des

institutions communautaires, en particulier le déficit démocratique, tout en cherchant à

préserver et à promouvoir le modèle démocratique britannique. Enfin la troisième stratégie

consiste à critiquer la dimension sociale de l'Union Européenne en s'engageant dans la

défense opiniâtre des valeurs du libéralisme économique19. Parallèlement, la rhétorique

eurosceptique ne cherche guère à dispenser des remèdes. Parmi les quelques propositions

avancées par les députés eurosceptiques, la conception de l'"Europe des patries" remporte un

franc succès. D'autres acteurs privilégient plutôt la dimension économique pour préconiser la

création d'une vaste zone de libre-échange, en conformité avec leurs principes libéraux.

D'autres, enfin, souhaitent plutôt favoriser les échanges avec les pays anglophones, en

particulier les Etats-Unis, voire tout simplement quitter l'Union Européenne.

Sur la base des trois axes autour desquels s'articulent les arguments eurosceptiques, à

savoir la défense du nationalisme, de la démocratie et du libéralisme, le discours

15 Geertz Clifford (1963). "The integrative revolution – primordial sentiments and civil politics in the new states". In : Geertz C.(dir). Old Societies and New States. Londres, The Free Press of Glencoe, p. 109.16 Pour une analyse plus détaillée, voir Alexandre-Collier Agnès (2001), Chapitre 4 "Les arguments eurosceptiques".17 Comme l'explique le député conservateur John Butterfill (Chambre des Communes, 24/02/94) : "Federal in English means a relatively decentralised state with most decisions being taken locally and it is understood wrongly in England to mean a unitary and centralised state".18 Voir l'interview de l'ancien secrétaire d'Etat à l'Industrie, Nicholas Ridley qui dénonça "a German racket to take over Europe" in : "Saying the Unsayable about the Germans", The Spectator, 14/07/90.19 "A Single Currency and Conservatism are mutually exclusive. They are a contradiction in terms. Conversely a Single Currency and socialism are not. In the hands of socialists a Single Currency would be more powerful, more dangerous and more destructive than Clause 4 ever was!", in : Gill Christoher MP (1995), Speaking Out on Europe. Bruges Group Occasional Paper n°18, p. 6.

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eurosceptique révèle une fois de plus une extrême fidélité aux principes fondateurs du

conservatisme. Ces trois axes recouvrent les deux dimensions de l'intégration européenne

traditionnellement dissociées dans les approches théoriques, notamment dans celle de Gary

Marks et Carole J. Wilson (2000) sur les attitudes partisanes à l'égard de l'intégration

européenne : l'intégration politique qui postule que "l'Union européenne est devenue partie

intégrante d'un système politique à plusieurs niveaux (multi-level polity) dans lequel les

institutions européennes partagent le pouvoir avec les gouvernements nationaux et infra-

nationaux dans une multitude de domaines" (p. 436) et l'intégration économique, illustrée par

le marché unique et l'Union économique et monétaire. Dans cette perspective,

l'euroscepticisme découlerait de la tension extrême qui existe entre les tendances nationalistes

et néo-libérales qui caractérisent le Parti conservateur et dont l'issue ne peut être que son

implosion.

Les logiques de l'action collective eurosceptique

La notion de "phénomène" eurosceptique pour caractériser le cas du Parti conservateur

s'explique surtout par les prodigieuses capacités d'organisation dont ont fait preuve les

acteurs. Pour reprendre la terminologie mise au point par John D. McCarthy et Zald Meyer

(1987, p. 18-20), théoriciens de la mobilisation des ressources, leur logique d'action a reposé

sur des soutiens individuels et organisationnels (support base) et des stratégies et tactiques

spécifiques. Au moment de la ratification du traité de Maastricht, les ressources des

eurosceptiques ont été principalement médiatiques et financières comme en témoignent le rôle

joué par les journaux20 du groupe Murdoch ou le pouvoir exercé par des hommes d'affaires

tels que James Goldsmith ou Paul Sykes. Quant à leurs soutiens, ils provenaient

essentiellement des organisations partisanes locales, d'autres députés ou de membres du

gouvernement qui ont tenté d'user de leur influence et de leur pouvoir de négociation au sein

du Cabinet pour défendre la cause eurosceptique auprès des dirigeants. Mais les

eurosceptiques ont puisé l'essentiel de leurs forces dans la multiplication des associations et

groupes de pression qui se sont créés pour lutter contre la ratification du traité de Maastricht.

On peut ainsi remarquer qu'à la différence de la France, par exemple, où l'action ponctuelle

des eurosceptiques, notamment au moment du référendum du 20 septembre 1992, a nécessité

la création d'organisations éphémères, en Grande-Bretagne, en revanche, l'activité

20 Sur ce sujet, voir Wostyn David (1999). La perception par la Presse britannique de la ratification parlementaire du Traité de Maastricht au Royaume-Uni, Mémoire de DEA sous la direction de Michael Palmer, Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle, 104 p.

10

eurosceptique a été nettement stimulée par l'existence d'une vingtaine de groupes21 qui, pour

la plupart, n'ont pas disparu après leur création22. L'importance du Groupe de Bruges, de

Campaign for an Independent Britain, de European Foundation de William Cash et de

formations politiques tels que United Kingdom Independence Party n'a cessé de croître. Dans

le contexte du prochain référendum sur la monnaie unique, notamment, ces organisations

continuent de jouer un rôle crucial même si certaines d'entre elles ont changé de nom.

L'ampleur des ressources et l'étendue des soutiens eurosceptiques ont toutefois compensé

certaines carences comme leur relative faiblesse numérique et l'absence de dirigeant capable

de prendre la tête de ce mouvement.

Pendant la ratification du traité de Maastricht, les députés eurosceptiques ont

également disposé au sein de la Chambre des Communes de toute une gamme de stratégies

semblables à celles que Robert J. Jackson (1968, p. 292-307) avait énumérées pour décrire les

principales étapes du processus de rébellion parlementaire : la formation d’une coalition par

des députés liés par une communauté de pensée, l’action de rébellion proprement dite qui peut

être privée (par exemple, le recours à des méthodes extra-parlementaires comme la

publication de pamphlets), semi-privée (comme le dépôt ou la signature de motions, et dans

une certaine mesure, l’abstention) ou publique (comme le vote indiscipliné).

Parallèlement, ces multiples stratégies mises en œuvre par les eurosceptiques pour

faire échouer la ratification du traité ont contraint les chefs de file du parti à adopter des

mesures disciplinaires, allant de la convocation impérative (ou three-line whip, qui signifie

que la référence au projet est soulignée trois fois et que le député a affaire à une discipline de

vote maximale) à la dissuasion collective en passant par l'intimidation individuelle,

notamment le risque de démission forcée, de retraite anticipée, de suspension ou d'exclusion

forcée (withdrawal / resignation of the whip) (Jackson, 1968, p. 201-252). En dépassant

parfois le cadre de la bienséance23, les dirigeants se sont aperçus que les moyens de pression

traditionnels ne suffisaient pas toujours, comme en témoigne l'exclusion d'un de ces députés,

Rupert Allason, du groupe parlementaire, sanction qui n'avait pas été utilisée depuis un demi-

siècle.

Si l'on se fie à la définition de Richard Rose (1964, p. 33-46), l'euroscepticisme

conservateur apparaît, en termes de structure, comme un mouvement qui réunit toutes les

21 Voir l'enquête par questionnaire réalisée auprès de ces groupes, in Alexandre-Collier Agnès (2001), chapitre 6, "Les ressources des acteurs".22 Ces associations sont actuellement toutes répertoriées sur le site Internet : http://www. keele.ac.uk/socs/ks40/gbcrit.htm23 Voir le témoignange accablant de l'un des députés "rebelles" : Gorman Teresa MP (1993).

11

caractéristiques de la faction : la pérennité, l'organisation et la volonté de développer toute

une gamme de politiques au-delà des questions européennes. A la différence de la tendance

qui a traditionnellement caractérisé les dissensions internes du groupe parlementaire

conservateur, la faction se définit comme "un groupe d'individus fondé sur des représentants

du Parlement qui cherchent à développer un large éventail de politiques grâce à une activité

politique consciemment organisée" (Rose, 1964). Au lendemain de la ratification du traité de

Maastricht, c'est cette définition qui semble désormais s'appliquer à l'organisation du parti de

John Major et qui a permis la réorientation du parti vers une position nettement eurosceptique

sous William Hague.

A l'issue de cet épisode, les eurosceptiques ont profité, malgré leur échec, de la position

difficile du gouvernement, accrue par la courte majorité parlementaire, pour poursuivre une

action dont les effets ont été effectivement destructeurs pour l'organisation partisane.

Concrètement, la radicalisation de leur action a atteint son paroxysme dans l'exclusion

temporaire de neuf députés conservateurs qui avaient ignoré les consignes gouvernementales

concernant un vote du 28 novembre 1994 sur la contribution britannique au budget

communautaire. Certains pro-européens de la première heure ont même apporté leur soutien à

ces "dissidents", comme l'ancien Chancelier de l'Echiquier, Norman Lamont, qui figure

désormais parmi les eurosceptiques les plus virulents. Après la réélection, à la tête du Parti

conservateur, de John Major qui avait dû démissionner le 22 juin 1995 pour réaffirmer son

autorité, les élections générales de mai 1997 traduisent une nouvelle défaite du leader

conservateur devant la puissance de la mobilisation eurosceptique. Plusieurs facteurs

contribuent à précipiter cet échec : la création du Referendum Party par James Goldsmith qui

dispose de moyens financiers prodigieux pour élaborer sa campagne24; l'extrême

euroscepticisme, teinté de xénophobie, de certains jeunes candidats conservateurs25; une

diabolisation caricaturale du parti travailliste26; la désaffection croissante de certains organes

de presse qui apportaient traditionnellement leur soutien au parti de John Major; comme ceux

du groupe de Rupert Murdoch, notamment The Sun ou The Times, et enfin le désintérêt de

24 Pour plus d'informations sur le Referendum Party, voir : Carter Neil, Evans Mark, Alderman Keith et Gorham Simon (1998). "Europe, Goldsmith and the Referendum Party". Parliamentary Affairs, 51 (3), p. 470-485.25 Voir les propos du candidat Rupert Matthews pour la circonscription de Bootle : "For generations, the people of Bootle have fought to keep Britain free and independent. Now powerful people in the Establishment want to sell out and push Britain into a Federal Europe… Don't let them go away with it". Cité par : Critchley Julian et Halcrow Morrison (1997). Collapse of Stout Party. Londres, Victor Gollancz, p. 151. 26 Voir l'affiche électorale publiée à l'été 1996 par le Parti conservateur reproduisant une photographie de Tony Blair, aux yeux rouges et diaboliques, accompagnée du slogan "New Labour, New Danger".

12

l'opinion publique pour une campagne conservatrice trop exclusivement centrée sur l'enjeu

européen, comme l'indiquait par exemple un sondage MORI qui en octobre 1996 révélait que

seulement 22% des électeurs conservateurs considéraient l'Europe comme le sujet de

préoccupation le plus important27. L'alternance a ainsi donné lieu à la victoire, dans

l'opposition, des attitudes eurosceptiques qui ont trouvé un représentant sous les traits du

nouveau dirigeant du parti et fidèle partisan de Margaret Thatcher, William Hague.

La radicalisation eurosceptique du parti sous William Hague

En matière européenne, William Hague s'est immédiatement positionné comme un

Conservateur modéré de centre droit qui cherche à séduire les rebelles eurosceptiques sans

pour autant effrayer les loyalistes du parti (Turner, 2000, p. 241). Cet esprit de conciliation a

été rapidement assimilé à une certaine inconsistance qui n'a pas empêché le nouveau leader de

se lancer dans une nouvelle entreprise de mobilisation des ressources eurosceptiques. La

nouvelle orientation de son discours est apparue comme la première étape de cette démarche.

C'est d'abord sur la question de l'adoption d'une monnaie unique que son discours s'est mis à

évoluer. Il opta initialement pour une politique radicale qui exclut l'adoption de l'euro pour

très longtemps voire pour toujours. Quelques jours plus tard, il décida d'exclure le mot

"never" de son vocabulaire et de réduire cette période indéterminée à trois ou quatre décennies

: "because I do not know, déclara-t-il, in 30 or 40 years' time if we will be in a radically

different Europe or have a radically different proposition for a single currency, but I do know

that the principled objections I have to a single currency will hold good for a very long

time"28. Enfin, il réunit le cabinet fantôme qui prit une décision définitive, limitant l'exclusion

de la monnaie unique à 10 ans. En novembre 1997, il déclara devant le patronat britannique :

"We oppose Britain joining a single currency during the lifetime of this parliament and we

intend to campaign against British membership of the single currency at the next election"

(Hague, 1997b). C'est donc en appliquant cette politique attentiste que William Hague,

influencé par un environnement partisan de plus en plus eurosceptique, a progressivement

dessiné les contours de sa position européenne.

Dès lors, William Hague ne tardera à délaisser l'Union Economique et Monétaire pour

s'intéresser désormais à l'Europe politique. L'attitude du leader conservateur envers la

monnaie unique évoluera en effet vers une vision politique plus globale qui sera présentée

sous sa forme la plus accomplie dans le discours de Budapest, émaillé de références sous-

27 "Bogeyman in Brighton", The Economist, 19/10/96, p. 41.28 Hague William, Today Programme, BBC Radio 4, 12 juin 1997.

13

jacentes aux grands noms du parti, indices du fondamentalisme idéologique qui définit

l'euroscepticisme. Ce discours fut prononcé le 13 mai 1999 et reste, aujourd'hui encore, bien

connu dans les milieux conservateurs pour ses accents éminemment thatchériens, et pour cette

formule récurrente et d'inspiration churchillienne, cette fois-ci, qui deviendra le slogan

européen du parti : "in Europe but not run by Europe". On se souvient de la fameuse

expression de Winston Churchill prononcée en 1953 à la Chambre des Communes : "We are

in Europe but not of it"29.

Le lien de William Hague avec Margaret Thatcher ne s'arrête pas aux propos tenus par

le jeune homme devant son idole au congrès du Parti conservateur de 1977. Pour commencer,

le discours de Budapest rappelle étrangement le discours de Bruges prononcé onze ans plus

tôt par l'ancien Premier ministre et qui allait servir de texte fondateur aux eurosceptiques du

parti30. Tout comme Thatcher qui présenta à Bruges une vision européenne fondée sur le

libéralisme économique et l'indépendance nationale. Hague conclut son discours de Budapest

en évoquant trois principes fondamentaux autour desquels s'articule sa propre conception

européenne : la liberté, la démocratie et l'indépendance nationale. C'est en ces termes qu'il

s'adressa à son public hongrois : "Yours was a revolution made in the name of liberty, of

democracy and of national independence. And, as Europe enters the next century, I hope we

shall seek to organise our affairs on the basis of these same precepts. (…) These values are

not just Hungarian or British; they are truly European values". Margaret Thatcher elle-même,

reconnaissant la filiation, accorda son soutien indéfectible à son fidèle disciple: [Hague],

déclara-t-elle, "stands for the things I believe in – above all he offers a clear vision of Britain

as a free, sovereign nation with control over its own affairs"31.

On peut donc affirmer que la victoire de William Hague est celle du minimalisme

thatchérien car sa vision, loin d'être nouvelle, repose en fait sur une appropriation de valeurs

thatchériennes désormais prédominantes au sein du Parti conservateur et qui se sont

progressivement imposées comme le reflet de l'identité partisane originelle, comme nous

avons tenté de le démontré précédemment. C'est cette vision que Philip Lynch définit comme

"an authoritarian, individualist perspective, primarily associated with Thatcherite

conservatism, which views enterprise, individual liberty and state authority as the key

attributes of British identity" (Lynch, 2000, p. 66).

29 Cette conception avait déjà été exprimée bien avant par Winston Churchill dans un article du Saturday Evening Post datant du 15 février 1930. 30 Discours de Bruges, 20 septembre 1988, in Holmes, 1996.31 Thatcher Margaret, The Guardian, 19 juin 1997.

14

Au-delà du discours, William Hague chercha à s'attirer les soutiens. Ceux des

militants, tout d'abord, lui permirent d'asseoir la légitimité de sa position sur une base qui, si

elle ne partageait pas ses opinions sur l'Europe, avait au moins la réputation avantageuse

d'être extrêmement fidèle à la position de son dirigeant. C'est dans cet esprit que Hague décida

d'organiser, le 5 octobre 1998, un sondage sur la monnaie unique auprès des 300 000 militants

du parti. Si l'on se fie à la capacité de William Hague à mobiliser des soutiens, l'issue de cette

consultation (84,4% d'opposition à la monnaie unique) était prévisible, ce qui explique que

certains commentateurs actuels prévoient une dérive définitive vers une position

eurosceptique claire, officielle et quasi-unanime.

Enfin, dans la perspective d'une future élection à la tête d'un gouvernement

conservateur, William Hague chercha à mobiliser les soutiens des électeurs et de l'opinion

publique. Or, dans ce domaine, ces soutiens se sont avérés particulièrement ambivalents : il

semble qu'il existe en effet une contradiction flagrante entre d'un côté, l'opposition claire et

croissante de l'opinion publique britannique à la monnaie unique qui conforte ainsi

l'orientation adoptée par le Parti conservateur et de l'autre, la désaffection de l'électorat

conservateur à l'égard de son propre parti et de son leader. A la question suivante "Dans un

référendum, voteriez-vous pour ou contre le remplacement de la livre sterling par une

monnaie unique européenne ?", un sondage récent réalisé par l'institut MORI les 22 et 23 juin

2000 affichait une opposition de 64%, toutes préférences partisanes confondues alors que ce

chiffre avoisinait les 48% deux ans auparavant. Toutefois, lorsque la formulation des

questions est différente, les résultats le sont également : s'il subsiste une minorité de

Britannique favorables à l'adoption de l'euro, 58% d'entre eux préféreraient "organiser un

débat public avant de décider ou non d'adopter une monnaie unique après un référendum"

(57% d'électeurs conservateurs et 63% de travaillistes). Le plus intéressant est que la

proposition de William Hague d'exclure la monnaie unique pendant au moins dix ans ne

suscite que 10% d'approbation au sein de l'opinion publique et seulement 14% chez les

électeurs conservateurs. Parallèlement, les soutiens de l'opinion publique au Parti

conservateur et à son leader s'avèrent très limités puisque le même sondage indique que 47%

des Britanniques se disent prêts à soutenir le Parti travailliste contre seulement 34% pour les

Conservateurs. Quant à William Hague, lui-même, il n'est approuvé que par 32% des

personnes interrogées contre 43% pour Tony Blair.

La mobilisation des ressources médiatiques et organisationnelles ont constitué l'autre

élément-clé de cette démarche. William Hague a pu compter sur l'appui relatif de la presse et

des différentes organisations eurosceptiques qui se sont constituées depuis la ratification du

15

traité de Maastricht. La plupart des journaux comme le Daily Mail, le Daily Express et le

Daily Telegraph ont manifesté leur soutien à la politique de William Hague contre l'Union

Economique et Monétaire, à l'exception du Sun qui depuis les élections de 1997 semble

persister à soutenir Tony Blair malgré une profonde hostilité à l'euro. Certains commentateurs

(Butler et Westlake, 1999, p. 135-137) ont même souligné le rôle déterminant de la presse

dans le succès des Conservateurs aux élections européennes de 1999.

William Hague a pu également compter sur le soutien inconditionnel de la multitude

d'organisations qui se sont créées dans la mouvance de la campagne contre la ratification du

traité de Maastricht, en particulier celles qui font actuellement campagne contre l'euro comme

For Sterling!, Business For Sterling, Save the Pound, Domesday ou encore Euroland. La

campagne du Parti conservateur, officiellement lancée par William Hague le 15 février

dernier, repose elle-même sur un slogan - Keep the Pound - qui ressemble fort au nom de l'un

de ces groupes d'influence - lesquels se déclarent pourtant apolitiques - semant ainsi le doute

et la confusion dans l'esprit des électeurs conservateurs. Aux élections européennes de juin

1999, certains conservateurs eurosceptiques n'ont pas hésité à radicaliser leur position en

appelant à voter contre leur propre parti, en faveur du United Kingdom Independence Party,

groupuscule minoritaire qui revendique quelques sièges au Parlement de Strasbourg. Ceci

n'empêcha pas le Parti conservateur d'apparaître comme le grand vainqueur de ces élections,

remportant 36% des voix contre 28% pour les travaillistes et 12,7% pour les libéraux-

démocrates, preuve éclatante pour William Hague que sa politique de radicalisation

eurosceptique commençait à porter ses fruits. Du point de vue stratégique et tactique, pour

reprendre toujours la terminologie de McCarthy et Meyer (1987), la démarche du leader

conservateur a essentiellement reposé sur une double stratégie d'élimination des principaux

ténors pro-européens et de réhabilitation des eurosceptiques au sein du Cabinet fantôme. En

1997, il nomma Michael Howard aux Affaires Etrangères, Peter Lilley aux Finances et John

Redwood comme porte-parole de l'opposition dans le domaine de l'Industrie32 tandis que les

pro-européens John Gummer et Kenneth Clarke furent réduits au statut de simples députés.

Plus récemment, le grand retour de Michael Portillo, qui fut réélu le 25 novembre 1999 après

la mort du député Alan Clarke, puis nommé Chancelier de l'Echiquier au sein du Cabinet

fantôme en février 2000 témoignait d'une volonté de doter le parti d'une nouvelle coloration

fortement eurosceptique33.

32 Pour la composition du Cabinet fantôme, voir entre autres : "Hague hands out shadow jobs to just three women", The Guardian, 25/06/97.33 "William the unflappable", The Economist, 05/02/2000, p. 38.

16

Dans le même esprit, William Hague n'hésita pas à inscrire cette nouvelle coloration

dans un cadre plus autoritaire en imposant une contrainte de vote maximale (three-line whip)

pour obliger les députés à voter contre le traité d'Amsterdam en juin 1997, inversant ainsi

littéralement la stratégie politique de son prédécesseur John Major. Edward Heath fut le seul

Conservateur à transgresser la consigne.

Cette vaste mobilisation des ressources eurosceptiques qui consiste à rallier le parti

autour d'une position eurosceptique quasi-unanime ne permit ni de remporter les élections, ni

d'en restaurer la cohésion, puisque certains pro-européens continuent d'y exercer leur

influence. La radicalisation eurosceptique ne fut pas une stratégie payante pour le parti dont la

nouvelle défaite électorale du 7 juin 2001 ne fit qu'accélérer un processus d'implosion qui

devint impossible à gérer pour le jeune leader, comme en témoigne sa démission en

septembre de la même années. L'élection du nouveau leader refléta cruellement les divisions

du parti sur l'enjeu européen puisqu'il s'agissait de choisir entre Kenneth Clarke, une des

figures de proue du parti, pro-européen convaincu mais dont la position européenne est loin

de faire l'unanimité au sein du parti et Iain Duncan Smith, eurosceptique notoire qui avait fait

ponctuellement campagne pour le retrait du pays de l'Union Européenne, bref un représentant

fidèle des attitudes majoritaires à l'égard de l'Europe mais susceptible, à terme, de menacer

l'avenir du pays au sein de l'Union. Le choix final vint confirmer l'hypothèse d'une

radicalisation eurosceptique du parti, inquiétante à l'approche d'un référendum sur l'euro,

puisque le 13 septembre 2001, Iain Ducan-Smith fut élu avec 61% des voix contre 39% pour

son adversaire.

Les effets destructeurs du phénomène eurosceptique se sont non seulement manifestés

dans la défaite électorale du parti aux élections de mai 1997 et de juin 2001 mais dans son

incapacité actuelle à se reconstruire dans l'opposition. Aussi bien dans sa forme que dans son

contenu, l'euroscepticisme a imposé une nouvelle structuration du parti qui se juxtapose

désormais à l'axe gauche-droite. D'un point de vue comparatif, cette structuration caractérise

actuellement certains partis européens, parmi lesquels on pourrait citer le R.P.R. Il semble en

effet que l'enjeu européen soit devenu incontournable dans l'étude d'une organisation

partisane.

Au-delà du Parti conservateur, cette étude a surtout permis de faire ressortir certains

traits dominants de l'euroscepticisme contemporain qui pourraient s'appliquer à bien d'autres

cas, à commencer par les partis dits "souverainistes" qui émergent au moment des élections au

17

Parlement européen. S'appuyant sur un "discours des origines" qui allie une défense de la

primauté de la nation et des principes fondateurs d'une idéologie partisane, l'euroscepticisme

apparaît globalement comme une combinaison de "primordialisme" national et de

"fondamentalisme" partisan. Tel que nous le concevons dans cette étude, l'euroscepticisme

n'est pas seulement une attitude ou un discours mais il est aussi un comportement et une

démarche reposant sur un réseau de ressources variées et engageant une palette de stratégies,

dont l'objectif prioritaire – l'opposition à une union européenne politique, économique et

monétaire – se superpose à d'autres motifs de mécontentement et dont les effets clivants sont

potentiellement destructeurs.

Dès lors, analyser l'euroscepticisme devrait surtout permettre de mieux comprendre les

crises identitaires que traversent nos pays européens à l'heure du passage à la monnaie unique,

au moment où ils s'efforcent de préserver leur identité nationale face au défi de la

mondialisation, autrement dit de concilier leur histoire et leur avenir.

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