Le Paléolithique moyen de l'Abric Romaní. Comportements écosociaux des groupes néandertaliens

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Article original Le Paléolithique moyen de lAbric Romaní. Comportements écosociaux des groupes néandertaliens Middle Palaeolithic of the Abric Romaní. Ecosocial behaviours of Neandertalian groups Kenneth Martínez *, Joan García, María Gema Chacón, María Cristina Fernández-Laso Àrea de Prehistòria, Universitat Rovira i Virgili, Place Imperial Tarraco, 1, 43005 Tarragone, Espagne Disponible sur internet le 05 décembre 2005 Résumé L Abric Romaní est lun des sites archéologiques les plus importants du début du Pléistocène supérieur de la Péninsule Ibérique, avec des niveaux archéologiques appartenant au Paléolithique moyen et un des niveaux Aurignaciens le plus ancien de lEurope occidentale. Les lignes de recherche ont été centrées sur linterprétation des schémas de gestion et de consommation des ressources naturelles et de la répartition spa- tiale des activités réalisées à lintérieur du site. Pour ce faire, il est apparu nécessaire de réaliser des fouilles systématiques sur toute la surface de chaque niveau archéologique. Les résultats de presque vingt-cinq ans de fouilles modernes ont permis de conclure que les groupes de Néandertaliens ont organisé leurs occupa- tions dans le site sous la forme de zones domestiques autour de foyers. En fonction de lintensité de loccu- pation mise en relation avec la durée des occupations et avec le nombre dindividus qui les formaient, ces zones domestiques de base ont évolué, ce qui représente la marge de variabilité des impacts spatiaux des occupations néandertaliennes dans le site. De la même manière, la gestion des ressources lithiques et faunis- tiques permet dappréhender sa variabilité en rapport avec lintensité des occupations à partir des modèles techniques très clairs de la production lithique et de la capture, introduction et traitement des gibiers. Cette variabilité reposant sur des comportements humains bien établis sinterprète comme les moyens dadaptation nécessaires de ces groupes humains aux situations historiques et paléoenvironnementales changeants. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/ L anthropologie 109 (2005) 815839 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K. Martínez). 0003-5521/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anthro.2005.10.001

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Article original

Le Paléolithique moyen de l’Abric Romaní.Comportements écosociauxdes groupes néandertaliens

Middle Palaeolithic of the Abric Romaní.Ecosocial behaviours of Neandertalian groups

Kenneth Martínez *, Joan García, María Gema Chacón,María Cristina Fernández-Laso

Àrea de Prehistòria, Universitat Rovira i Virgili, Place Imperial Tarraco, 1, 43005 Tarragone, Espagne

Disponible sur internet le 05 décembre 2005

Résumé

L’Abric Romaní est l’un des sites archéologiques les plus importants du début du Pléistocène supérieurde la Péninsule Ibérique, avec des niveaux archéologiques appartenant au Paléolithique moyen et un desniveaux Aurignaciens le plus ancien de l’Europe occidentale. Les lignes de recherche ont été centrées surl’interprétation des schémas de gestion et de consommation des ressources naturelles et de la répartition spa-tiale des activités réalisées à l’intérieur du site. Pour ce faire, il est apparu nécessaire de réaliser des fouillessystématiques sur toute la surface de chaque niveau archéologique. Les résultats de presque vingt-cinq ansde fouilles modernes ont permis de conclure que les groupes de Néandertaliens ont organisé leurs occupa-tions dans le site sous la forme de zones domestiques autour de foyers. En fonction de l’intensité de l’occu-pation mise en relation avec la durée des occupations et avec le nombre d’individus qui les formaient, ceszones domestiques de base ont évolué, ce qui représente la marge de variabilité des impacts spatiaux desoccupations néandertaliennes dans le site. De la même manière, la gestion des ressources lithiques et faunis-tiques permet d’appréhender sa variabilité en rapport avec l’intensité des occupations à partir des modèlestechniques très clairs de la production lithique et de la capture, introduction et traitement des gibiers. Cettevariabilité reposant sur des comportements humains bien établis s’interprète comme les moyens d’adaptationnécessaires de ces groupes humains aux situations historiques et paléoenvironnementales changeants.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/

L’anthropologie 109 (2005) 815–839

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (K. Martínez).

0003-5521/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.anthro.2005.10.001

Abstract

The Abric Romaní is one of the most important Upper Pleistocene sequence of the Iberian Peninsula,with archaeological levels belonging to the Middle Paleolithic and with one of the earliest Aurignaciansamples from Western Europe. Research has been focused on the interpretation of patterns of manageand consume of natural resources and the spatial organization of the activities inside the site, and for thatreason, the fieldwork strategy is lead to excavate the whole surface of the site. The results of more than25 years of research on the Abric Romaní conclude that Neanderthal communities settled in the siteforming domestic groups around hearths. Depending on the intensity of occupation, related to the lengthof occupation and with the number of people of these groups, this spatial domestic structure evolvesforming the variability spectrum of settlement impacts in the site. In the same way, the manage of lithicand faunal resources increases its variability following the intensity of occupation, using clears technicalpatterns of lithic production and for catching and processing faunal preys. This variability from behaviorswell established is interpreted like the way for adapting new historical and environmental situations.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Abric Romaní ; Néandertaliens ; Comportements humains ; Industrie lithique ; Faune ; Remontages ;Tracéologie ; Répartition spatiale

Keywords: Abric Romaní; Neanderthals; Human behaviors; Lithic industry; Faunal remains; Refitting; Micro-wearanalysis; Spatial organization

1. Introduction

L’Abric Romaní renferme une des principales séquences du Paléolithique moyen de laPéninsule ibérique. Découvert en 1909, il a été jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle legisement catalan présentant les restes archéologiques les plus anciens et un des seuls gisementsespagnols fouillés systématiquement à cette époque (Ripoll et Lumley, 1964–1965 ; Muro etal., 1989 ; Bartrolí et al., 1995). À partir de 1983 et jusqu’à ce jour des fouilles systématiquesont été reprises dans le gisement, dirigées par l’équipe actuelle (Carbonell et al., 1996). Ladurée et l’intensité des recherches réalisées dans ce gisement et les conditions optimales deconservation du lieu l’ont converti en un site archéologique de référence pour l’interprétationdes comportements des groupes d’hominidés du Paléolithique moyen. Dans cet article nousallons reprendre les résultats les plus remarquables de la recherche archéologique réalisée jus-qu’à ce jour, centrées dans l’interprétation des comportements écosociaux des groupes deNéandertaliens à partir de la façon dont ils ont organisé la production et la consommation desressources naturelles et la répartition spatial de ses activités. En résumé, nous exposerons lesrésultats de l’étude géochronologique de la séquence stratigraphique, l’organisation de la pro-duction lithique, la capture et le traitement des proies animales et la distribution spatiale desoccupations dans l’abri. La méthodologie de fouilles aussi bien que la recherche ont été orien-tées dans le but d’obtenir des interprétations synchroniques de type ethnoarchéologique.

2. Présentation du site

L’Abric Romaní se trouve dans la localité de Capellades (Barcelone), à 280 m au-dessus duniveau de la mer. Il s’agit d’un abri orienté vers le Nord-Est, situé sur un passage naturel pri-vilégié connu sous le nom de l’Étroit de Capellades, de 7 km de long par 4 km de large, qui

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bénéficie du passage des eaux de la rivière Anoia traversant la chaîne montagneuse Prélittoralequi fait communiquer l’intérieur du pays et la Dépression centrale avec le littoral méditerra-néen, à quelques centaines de kilomètres. À cet endroit, sur la rive droite du fleuve, se dresseune construction travertinique en forme de falaise de 60 m de hauteur connue comme Cingleradel Capello, où s’ouvrent de nombreuses cavités (Muro et al., 1987). L’abri a 25 mètres delongueur maximale, avec une orientation de la paroi NO–SE, qui dessine en plan deux conca-vités peu profondes séparées par une large convexité. Dans la corniche de l’abri se sont for-mées quelques coupoles sphériques ou semi-sphériques de dissolution qui, à cause de la fusionde rideaux stalactitiques avec des stalagmites du sol, ont créé deux petites cavités nomméesCoveta Ripoll et Coveta Nord (Vallverdú, 2001). Ces espaces, qui restent individualisés dansle même abri, présentent des conditions spéciales d’habitabilité qui n’ont pas échappé auxpopulations d’hominidés du Paléolithique moyen, comme en témoignent les importantsimpacts anthropiques (Fig. 1)

3. Stratigraphie, chronologie et paléoenvironnements

Les datations réalisées par U/Th et C14 (AMS) ont placé le cadre géochronologique de lasuccession stratigraphique entre 40 et 70 ka BP (Bischoff et al., 1988). Les datations par 14C(AMS) se limitent à la partie supérieure de la stratigraphie, jusqu’à la couche J (Carbonell etal., 1994). Une recherche spécifique a été menée afin de documenter la géochronologie de latransition au Paléolithique supérieur (Bischoff et al., 1994). Les dates obtenues par 14C pour leniveau A, en moyenne 36,78 ka BP, et celles obtenues par U/Th pour les plates-formes qui lerecouvrent, montrent une différence entre les âges radiocarbone et les âges calendaires de5,6 ± 1,5 ka. Ces dates font de l’Abric Romaní un des sites de l’Europe occidentale où l’Auri-

Fig. 1. Localisation géographique et carte géomorphologique de l’Abric Romaní (Vallverdú, 2001).Fig. 1. Geographic location and geomorphological map of the Abric Romaní (Vallverdú, 2001).

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gnacien est le plus âgé. Bien que ce niveau du Paléolithique supérieur ancien ait été fouilléentièrement pendant les fouilles du début du XXe siècle et malgré les critiques portant sur l’in-tégrité des restes datés (Zilhaô et d’Errico, 1999), les dépôts de ce niveau sont encore conser-vés dans divers témoins stratigraphiques (Arteaga et al., 2001) (Fig. 2).

Actuellement la Section Coveta Nord (SCN) permet de décrire la stratigraphie de l’AbricRomaní. Il s’agit d’une coupe transversale à la fouille, de 12 m de large pour 10 m de hautqui comprend la totalité des niveaux fouillés (A–M). Son âge se situe entre celui de la plate-forme de base du niveau M (54,2 ± 3,3 Ka) et celui de la dernière plate-forme de travertin(40,8 Ka BP) (Vallverdú, 2001) (Fig. 3).

L’interprétation de la stratigraphie à partir de l’étude de cette coupe montre une évolutionmorphologique d’une sédimentation clastique d’abri sous roche (couches archéologiques M àH) vers une cavité ou grotte (couches archéologiques E jusqu’à A). Ces observations permet-tent de conclure que le dépôt de l’abri a été formé par la fragmentation mécanique et la sédi-mentation chimique constitué par une alternance de dissolution et précipitation de la cornichetravertinique du Capelló. La sédimentation d’abri-sous-roche présente des processus sédimen-taires gravitaires, alors que des flux hydriques sont peut importants et sont liés au système dedrainage. De cette façon, le rôle structurel du processus sédimentaire est assumé par les blocsdétachés de la corniche, qui créent un obstacle qui retient les sédiments provenant de la dété-rioration du plafond, et qui remplissent la zone intermédiaire entre la paroi et les blocs, demanière analogue à un système de corniche basale (Vallverdú, 2001). À partir du niveau E etjusqu’au plafond de la séquence, les remplissages appartiennent à un système de grotte. Cettecavité est configurée à partir de la fusion du rideau carbonaté avec le remplissage du pied del’abri-sous-roche. Par conséquent, les différences observées dans la séquence sont peu fréquen-tes selon la verticale, où les mécanismes de sédimentation gravitationnelle et de gouttière etcascade sont toujours les agents de formation principaux, mais elles sont fondamentalementlatérales. En effet, les remplissages sédimentaires montrent dans différentes zones des facièssédimentaires en fonction de leur position par rapport à la paroi de l’abri et au rideau carbo-naté (Vallverdú, 2001).

Par ailleurs, dans la SCN on distingue deux faciès autochtones carbonatés : un faciès grisformé par des dépôts d’éboulis de détachement et des sédiments édaphiques, et un facièsbrun jaune, composé par des dépôts de flux hydriques. Il y a aussi un faciès allochtone silici-clastique : le faciès brun de sédiments éoliques et édaphiques. La distribution verticale et laté-rale des dépôts montre l’association de deux faciès autochtones, tandis que le troisième facièsapparaît dans des points précis de la succession, avec des contacts abrupts de faciès. Les facièsgris se forment par dégradation de la construction travertinique qui apporte graviers, plaquetteset blocs. Les épaisseurs maximales se trouvent à côté de la paroi et diminuent vers l’extérieur.L’avance ou recul du rideau carbonaté est le facteur déterminant dans le développement de cesfaciès.

Les faciès brun jaune de sables et granules ont pour processus dominant la sédimentationhydrique et biochimique. Ces dépôts trouvent leur origine dans le rideau carbonaté et leurzone de dépôt est extérieure au pied de corniche. Dans la partie haute de la séquence ces sédi-ments sont largement dominants. Finalement, le faciès brun siliciclastique d’origine éoliquemarque la fin de la sédimentation chimique par un changement dans le moyen sédimentaire.Cependant, ces apports apparaissent pour la première fois dans la séquence vers les44,6 ± 1,7 ka, dans le niveau E, pendant un période de chute de megablocs.

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En résumé, l’humidité et le dessèchement du rideau carbonaté déterminent sa croissance ouréduction : dans la première situation environnementale sont développés les faciès brun jauneet dans le deuxième les faciès gris. Ces deux processus sédimentaires caractérisent la structurebasique du gisement, ou il n’y a pas de discontinuités importantes. Les occupations humaines

Fig. 2. Datations et reconstruction paléoécologique de la séquence stratigraphique de l’Abric Romaní (Vallverdú, 2001).Fig. 2. Datations and palaeoecological reconstruction of the Abric Romaní stratigraphic successsion (Vallverdú, 2001).

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dans l’abri ont lieu sur des lits de faciès gris (ou bien elles ont été uniquement conservées sureux), ce qui indique l’existence d’un environnement sec. Dans la partie haute de la séquence,les occupations sont liées à des faciès jaunes, mais il y à aussi des dépôts clastiques, ce quiindique l’existence à la région des phénomènes saisonniers avec une grand variance du niveaud’humidité. Quant au premier des niveaux correspondant à un environnement de grotte, leniveau E, il se trouve dans un faciès brun, formé dans un environnement local sec, marquépar l’absence de sédimentation autochtone (Vallverdú, 2001).

En ce qui concerne l’analyse pollinique de la séquence, elle a permis de relier les différentsniveaux archéologiques avec des évènements paléoclimatiques bien déterminés (Burjachs etJulià, 1994). En fonction des variations des différents taxons végétaux dans la courbe d’AP,

Fig. 3. Stratigraphie de l’Abric Romaní. Section Coveta Nord jusqu’au niveau L (SCN) (Vallverdú, 2001).Fig. 3. Stratigraphy of the Abric Romaní. Section Coveta Nord until level L (SCN) (Vallverdú, 2001).

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exclusion faite du Pinus qui paraît moins sensible aux changements climatiques, cinq phasespaléoclimatiques différentes ont été proposées. Les deux premières zones correspondent auxniveaux archéologiques qui se trouvent au-dessous des niveaux fouillés jusqu’à ce jour. Dansla première phase, datée de 70,2 à 65,5 ka BP, on observe deux phases chaudes, caractériséespar des pourcentages élevés de pollens d’arbres, où des taxons thermophiles comme le Quer-cus ou les Olea-Phillyrea ont été identifiés, séparés par une phase froide où les Poacéesdeviennent dominantes. La deuxième zone, de 65,5 à 56,8 ka BP, correspond à une phasefroide et humide qui est liée au stade isotopique 4, avec une prédominance de Poacées, d’Ar-temisia et de Pinus, et la présence de Cyperaceae et de Cosmarium, interrompue par de courtsévènements chauds. C’est dans ce contexte que les premiers niveaux archéologiques du gise-ment ont été identifiés.

La zone 3 où se trouvent les niveaux archéologiques les plus anciens excavés, entre 56,8 et49,6 ka BP, correspond à une phase relativement froide, déterminée par la présence d’Artemi-sia, de Poacées et de Pinus. Elle est interrompue par de nombreuses pulsations chaudes ethumides, comme l’indique la présence de taxons mésothermophiles et même thermophiles,bien que dans des proportions réduites. Ces pulsations chaudes oscilleraient chaque 1000 anset coïncideraient avec les pics obtenus dans les courbes isotopiques. La zone 4, entre 49,5 et46,2 ka BP, qui comprend les niveaux H et I, correspond à l’évènement climatique le plusfroid et le plus sec de la séquence, caractérisé par un paysage de steppe formée par les Poa-cées, les Astéracées et Artemisia, avec un pourcentage très bas de pollens d’arbres. La zone5, dans la partie supérieure (Ensemble II) montre une tendance graduelle et prononcée versdes conditions chaudes entre 46,2 et 40,8 ka BP, qui sont liées à l’interstade Hengelo et l’ex-pansion d’une forêt thermophile. Elle commence avec l’expansion de taxons pionniers, Junipe-rus et Pinus, suivie par l’augmentation de Quercus et Olea-Phillyrea (Burjachs et Julià, 1994).Au toit de la séquence, dans le niveau A (Paléolithique supérieur), on enregistrerait le débutd’une détérioration climatique graduelle (Burjachs et Julià, 1996) (Fig. 4).

4. L’industrie lithique

L’étude de l’industrie lithique dans le gisement a été réalisée selon quatre modes analyti-ques :

● la sélection et la gestion des matières premières ;● la structure morphotechnique de l’assemblage lithique ;● la dimension spatiale et temporelle des séquences de débitage, c’est-à-dire la reconstructiondes chaînes opératoires ;

● la dynamique morphofonctionnelle, à partir de l’analyse microscopique des déformationspar l’usage qui nous permet d’interpréter les manières et les critères techniques d’utilisation.

À partir de ces cadres d’étude et surtout des relations qui s’établissent entre matières pre-mières, séquences de débitage et utilisation des objets, il est possible d’évaluer le degré d’exi-gence technique dans la capacité technologique de ces communautés.

Le silex est la matière première la plus utilisée, bien que, dans quelques niveaux, et surtoutdans la partie basse de la séquence fouillée, le quartz et le calcaire atteignent des pourcentagessignificatifs, jusqu’à 30 %. Ces deux matières premières sont largement représentées aux alen-tours du site, dans la zone même de l’Étroit de Capellades, localisés dans les formations paléo-

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zoïques et triasiques de la chaîne Prélittorale. Par contre, le silex, même s’il a pu être récoltéde manière abondante dans les formations paléogènes situées à la limite de la Dépression cen-trale et de la chaîne Prélittorale, se trouve à plus de 10 km au nord-ouest du gisement. Cepen-dant, les éléments corticaux identifiés dans les restes lithiques indiquent que cette roche a étérécoltée dans des dépôts secondaires liés aux cours des fleuves. Quoi qu’il en soit, ni dans lelit du fleuve Anoia ni sur les terrasses de celui-ci dans l’Étroit de Capellades, les quantités degalets de silex ne sont guère importantes. On en conclut donc que ces groupes faisaient proba-blement des parcours vers le sud au long de la chaîne Prélittorale pour s’approvisionner desilex.

Par conséquent, les différences observées pour les pourcentages de matières premières danschacun des niveaux archéologiques semblent indiquer une adéquation de la sélection auxbesoins techniques et non pas un simple approvisionnement reflétant la diversité présentedans l’environnement plus immédiat (Vaquero, 1997).

On observe quelques associations intéressantes entre les matières premières et les typesd’objets. Ainsi, même s’il n’a pas été trouvé beaucoup des percuteurs, tous sont sur des galetsen calcaire et la plupart de grande taille, ces derniers ayant probablement été utilisés pour frac-turer les os et profiter de cette façon de la moelle. Seules les variétés de calcaire de meilleurequalité, avec un pourcentage important de silice (Si) dans leur composition, ont été utiliséescomme le silex dans les séquences de débitage. Quant au quartz provenant des dépôts de ver-sant qui entourent le gisement, il a été utilisé pour des séquences complètes d’exploitation réa-lisées à l’intérieur, sans grande complexité technique. C’est l’inverse pour le silex, qui est uti-lisé exclusivement pour les séquences de débitage avec des méthodes plus complexes et d’unefaçon économique, certainement en relation avec la plus grande distance de ses gîtes d’appro-visionnement. Pour ce qui est des objets retouchés, ils ont été élaborés presque exclusivementen silex, puisque moins de 10 % d’entre eux correspondent à d’autres matières (quartz et cal-caire). D’autres roches apparaissent de façon occasionnelle dans quelques-uns des niveaux :quartzite, jaspe, porphyre et granit. Ils correspondent toujours à des objets de grande taille(éclats bruts ou outils retouches) qui apparaissent isolés de leurs séquences de production.

4.1. Structure morphotechnique

4.1.1. Séquences d’exploitation (débitage)Dans le gisement, et surtout pour les nucléus de silex et de variétés fines de calcaire, l’ex-

ploitation a été organisée en prenant comme surface de percussion le plan horizontal et endivisant le volume en deux surfaces d’éclatement opposées. Cette structuration du débitageoffre une large marge de variabilité selon le rapport que les deux surfaces d’exploitation main-tiennent. Ainsi, deux critères techniques ont été définis pour exprimer la variabilité observéedans les nucléus du gisement : la symétrie et la hiérarchie entre les deux surfaces d’éclatement.Ces mêmes critères permettent de différencier les principales méthodes de débitage présentesau Paléolithique moyen : le Levallois et le discoïde (Boëda, 1993). Deux phases techniquesont été différenciées dans la séquence archéologique à partir de la manière dans laquelle s’ex-priment diachroniquement la symétrie et la hiérarchie dans l’ensemble de nucléus (Vaquero,1999b) :

● Les niveaux supérieurs (B–F/G), qui se caractérisent par la prédominance de stratégies dedébitage hiérarchisées, dans lesquelles une des deux surfaces s’exploite de façon préféren-

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tielle, tandis que l’autre s’utilise comme surface de préparation. Les nucléus présentent unesection asymétrique et c’est la face supérieure, exploitée avec un angle plat, qui est utiliséepréférentiellement. Dans ces mêmes niveaux, on reconnaît un pourcentage supérieur detalons facettés et de délinéations concaves sur la face ventrale qui, avec une augmentationde l’utilisation du silex, semble souligner un meilleur contrôle technique de l’exploitation,comme preuve d’une volonté de standardiser ou prédéterminer la taille et la forme deséclats (Vaquero et Carbonell, 2003).

● Les niveaux inférieurs (I–L), qui se caractérisent par une plus grande présence de stratégiesnon hiérarchisées, dans lesquelles les deux faces sont utilisées sans distinction en tant quesurfaces d’exploitation et de préparation. Tant les nucléus symétriques que les asymétriquesont été identifiés, bien que les derniers prédominent, les deux surfaces ayant tendance à pré-senter en général des morphologies coniques.

Quant aux nucléus asymétriques hiérarchisés, la question se pose quant à leur attribution àla méthode Levallois centripète ou à celle du discoïde (Lenoir et Turq, 1995). Si nous nouscentrons dans la définition de Boëda (1993) pour la première, outre les six critères qu’il utilisepour différencier les deux méthodes, cet auteur souligne une différence fondamentale : dans lesnucléus Levallois, la structure d’exploitation prépare celle d’une surface connue comme préfé-rentielle tandis que, dans les discoïdes, le débitage s’organise en vue de la réduction systéma-tique de tout le volume. De cette façon, dans les nucléus Levallois il est possible de recons-truire de façon continue les convexités latérales distales prédéterminantes qui permettent dedélimiter la forme et les dimensions des éclats préférentiels. C’est ce dernier aspect techniqueque les nucléus hiérarchisés de l’Abric Romaní n’accomplissent pas pour pouvoir les classercomme Levallois, puisque les négatifs de la surface d’éclat préférentielle sont cordales sansdifférences entre eux. Nonobstant, ceci n’empêche pas que ces nucléus présentent une clairehiérarchie entre les deux surfaces. Pour maintenir l’exploitation de ces nucléus, il est néces-saire de réaliser continûment des extractions tangentielles qui enlèvent une partie de l’arête etcomposer de cette façon la convexité nécessaire de la surface d’éclatement préférentielle. Pourcette raison, les éclats débordants sont nombreux dans l’ensemble de produits.

Finalement, les remontages réalisés de séquences d’exploitation montrent comment cemodèle de débitage s’est établi depuis le début de l’intervention sur des galets entiers sélec-tionnés et s’est maintenu jusqu’à la fin. On n’observe pas, comme il a été observé dans d’au-tres gisements, des changements dans la méthode de débitage à mesure que l’exploitationavance (Dibble, 1995). On observe uniquement dans les moments finaux deux options pourprofiter au maximum du nucléus avant de l’abandonner. Dans quelques cas, on observe unedernière grande extraction envahissante qui enlève une bonne partie de la surface d’éclatement.Dans d’autres, la structure bifaciale du nucléus se modifie en ouvrant une nouvelle plate-formede percussion sur la face transversale, d’où l’on extrait des produits de tendance laminaire.

Jusqu’au niveau M, ce schéma morphotechnique exprime toute la variabilité du gisement.Mais à partir de ce niveau, on observe des modifications dans les séquences de façonnage etdans les nucléus récupérés. Au niveau M, bien que ces mêmes méthodes soient présentes, cesont les façonnages peu développés qui dominent et les plus habituelles sont les structuressymétriques, biconiques. De même, les produits montrent les dimensions (longueur, largeur etépaisseur) et les formats (surface) les plus grands de toute la séquence. Ceci indiquerait que lesnucléus introduits étaient de taille plus grande que dans les autres niveaux, puisqu’il ne semblepas qu’il y ait de différences dans les phases d’exploitation présentes, car les restes corticaux

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sont peu importants, à l’instar de ce qui se passe dans toute la séquence. De la même façon,bien que sur les nucléus on n’observe pas ces extractions, le pourcentage de produits laminai-res est le plus élevé de toute la séquence, plus de 8 %, des éclats. Il a aussi été trouvé dans ceniveau autant de nucléus discoïdes que de nucléus Levallois. Le changement dans les séquen-ces de débitage du niveau O semble être plus radical, puisqu’on y a récupéré des éclats d’unetrès grande taille, exceptionnels pour toute la séquence, et surtout un nucléus Levallois longi-tudinal unipolaire, complètement différent de ce qui était jusqu’à ce moment l’assemblagelithique du site.

En attendant que ces nouveaux niveaux M, N et O, excavés pendant ces dernières années,soient étudiés, il semble que la stabilité morphotechnique qui s’est maintenue à l’AbricRomaní pendant plus de 14 000 années, des niveaux B à L, se soit altérée (Fig. 5).

4.1.2. Séquences de configuration (façonnage)Les séquences de façonnage sont marquées par la maîtrise absolue des denticulés de la clas-

sification typologique, avec des pourcentages pouvant atteindre dans quelques niveaux 90 %du total de retouches. Dans la séquence archéologique, la seule variation qui est observée estcelle du pourcentage de racloirs qui, dans la partie la plus haute, augmente et atteint 20 % auniveau E, ce qui est encore loin de l’abondance des denticulés. Dans le groupe de denticulés,nous incluons les denticulés latéraux, qui sont majoritaires, et, à une moindre échelle, les enco-ches. Quant aux racloirs, ils sont latéraux et la retouche est marginale et peu envahissante, cequi indiquerait une faible intensité de celle-ci. Les objets retouchés seulement sur un bord pré-dominent ainsi que ceux où la retouche n’arrive pas à occuper toute la longueur du tranchant.

Les supports sélectionnés pour réaliser la retouche montrent des caractéristiques récurrentesqui indiquent l’existence de quelques modèles clairs de sélection, surtout quant à la taille.Ainsi, parmi les objets retouchés, ce sont les supports de grande taille qui dominent et, au furet à mesure que la taille décroît, on observe une augmentation de l’épaisseur. Cette augmenta-tion ne s’explique pas par l’existence de séries successives de retouches sur le même support,comme l’a démontré Vaquero (1997) et doit donc répondre à un besoin fonctionnel. De même,bien qu’elles correspondent à une morphologie qui s’obtient de façon récurrente sur les pro-duits des méthodes de débitage du gisement, les retouches ont de façon générale une sectiontransversale asymétrique, à laquelle s’oppose au bord retouché un bord abrupt, qui correspondsouvent à des dors naturelles ou à la plate-forme de percussion des éclats débordants (Fig. 4).

Fig. 5. A. Nucléus centripète, niveau K. B. Denticulé, niveau K.Fig. 5. A. Centrípetal core, level K. B. Denticulate, level K.

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4.1.3. Chaînes opératoiresLes processus de débitage sont dominés par leur fragmentation spatiale et temporelle, autant

dans l’abri qu’entre l’abri et l’extérieur. Cette caractéristique s’observe fondamentalement pourle silex, dans l’exploitation des nucléus, puisque ce n’est que très rarement que tous les procé-dés d’exploitation ont été réalisés à l’intérieur du gisement. C’est uniquement dans les niveauxavec un impact anthropique élevé qu’on a observé des séquences presque complètes. Mêmedans le niveau Ja, les hominidés ont introduit des blocs bruts de grande taille de silex qui, enn’étant pas exploités, sont interprétés comme réserve des matières premières (Kuhn, 1992 ;Conard et Adler, 1997). De façon générale, les nucléus de silex ont été introduits principale-ment dans un état avancé de réduction pour être finalement épuisés à l’intérieur de l’abri. Parcontre, pour le calcaire, ce sont les phases initiales qui dominent, ainsi que celles de décorti-cage. Le nombre de nucléus récupérés sur cette matière première est très faible, peut-êtren’ont-ils pas été épuisés jusqu’au bout et ont-ils été transportés sur d’autres sites. La présenced’une ou des séries de phases d’exploitation selon la matière première est à mettre en relationavec la distance des sources de matières premières, soit un comportement typique des homini-dés pendant le Paléolithique moyen. Les roches les plus lointaines rentrent dans le gisementdans un état avancé d’exploitation, après avoir été testées et même après avoir déjà obtenuquelques produits de débitage. Ce comportement est souvent lié à des stratégies d’approvision-nement d’individus dans l’obtention et le transport des matières premières (Kuhn, 1992, 1998 ;Geneste, 1988).

Quoi qu’il en soit, la méthode de débitage utilisée est la même pour toutes les matières pre-mières et les procédés de taille identifiés dans l’abri ont pour but principal d’obtenir le plusgrand nombre possible d’éclats. Les nucléus ne sont pas abandonnés avant qu’ils ne soientcomplètement épuisés, ce qui se produit quand il n’est plus possible d’obtenir des éclats supé-rieurs à 2 cm.

Finalement, les remontages directs et indirects indiquent qu’un grand nombre d’objetsretouchés sont rentrés dans le gisement déjà préparés, ou ont été élaborés sur des grands éclatsdébités à l’extérieur, transportés jusqu’au site pour être retouchés. Il est rare qu’un supportobtenu dans les séquences de débitage réalisées à l’intérieur du site ait été façonné. À partirde ces observations, on peut en déduire que les denticulés ont eu un rôle important en rapportavec la mobilité des groupes d’hominidés (Tableaux 1–3).

4.2. Analyse fonctionnelle

Les études fonctionnelles réalisées dans le gisement cherchent à définir des modèles fonc-tionnels, en identifiant les rapports entre les modèles d’objets (taille, forme et bords tranchants)avec les actions et les matières travaillées (Martínez, 2005). Pour cette étude, tous les objetsretouchés en silex et dans un bon état de conservation ont été sélectionnés jusqu’au niveau L,soit un total de 211 objets représentant 60,2 % de tous les objets retouchés récupérés dans legisement. Par contre, une sélection de 179 éclats a été réalisée. Ceux-ci représentent à peine6,7 % du total d’éclats de l’assemblage lithique du site, mais pour les formats les plus grands(au-delà de 1225 mm2) le pourcentage atteint le chiffre significatif de 15 % des éclats. À cesobjets il faut ajouter l’analyse réalisée sur 32 éclats qui appartiennent aux remontages identi-fiés dans les niveaux Ja, Jb, K et L. Ces derniers objets sont l’objet d’une problématique par-ticulière, car les remontages avaient été réalisés avant l’analyse fonctionnelle, et nous avonsvérifié expérimentalement que cette pratique affecte à la surface des objets avec des fractures

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Tableau 2Distribution de l’assemblage lithique par matières premières et niveaux archéologiques. (*) C.II niveaux archéologiquessupérieures de la séquence stratigraphique (B, C, et D). Les valeurs entre parenthèses sont les pourcentagesDistribution of the lithic assemblage by raw materials at each archaeological levels. (*) C.II and uppermostarchaeological levels (B, C, and D). Values in parenthesis are percentages.

Niveaux Silex Quartz Calcaire AutresC.II (*) 799 (88) 34 (4) 60 (7) 9 (1)E 1928 (90) 56 (3) 110 (5) 55 (2)F-G 518 (81) 70 (11) 26 (4) 22 (3)H 169 (65) 5 (2) 65 (25) 22 (8)I 278 (50) 147 (26) 121 (21) 9 (2)Ja 3785 (72) 628 (12) 769 (15) 71 (1)Jb 1261 (86) 111 (7) 61 (4) 19 (1)K 843 (47) 503 (28) 342 (19) 88 (4)L 996 (83) 39 (3) 118 (10) 37 (3)

Tableau 1Distribution de l’assemblage lithique par catégories morphotechniques et niveaux archéologiques. (*) C.II niveauxarchéologiques supérieures de la séquence stratigraphique (B, C, et D). Les valeurs entre parenthèses sont lespourcentagesDistribution of lithic assemblage by morphotechnical categories and archaeological levels. (*) C.II uppermostarchaeological levels (B, C, and D). Values in parenthesis are percentages.

Niveaux Éclats Fragmentsd’éclats

Nucléus Outilsretouchés

Galetsentiers/cassés

Fragments Total

C.II (*) 362 (40) 432 (48) 34 (4) 42 (5) 5 (–) 27 (3) 902E 883 (41) 1053 (49) 38 (2) 81 (4) 12 (1) 82 (4) 2149F-G 218 (34) 385 (60) 12 (2) 11 (2) 1 (–) 9 (1) 636H 128 (49) 44 (17) – 14 (5) 7 (3) 68 (26) 261I 205 (37) 314 (56) 6 (1) 12 (2) 5 (1) 13 (2) 555Ja 1846 (35) 2660 (51) 73 (1) 149 (3) 32 (1) 493 (9) 5253Jb 607 (41) 736 (51) 11 (1) 40 (2) 5 (–) 55 (3) 1454K 528 (29) 607 (27) 13 (–) 36 (2) 4 (–) 588 (33) 1776L 550 (46) 474 (40) 17 (2) 32 (3) 8 (–) 109 (9) 1190

Tableau 3Classification des outils retouchés par des groupes typologiques. (*) C.II niveaux archéologiques supérieures de laséquence stratigraphique (B, C, et D). Les valeurs entre parenthèses sont les pourcentagesRetouched artefacts classification by typological groups. (*) C.II uppermost archaeological levels (B, C, and D). Valuesin parenthesis are percentages.

Niveaux Racloirs Encoches–Denticulés

Grattoirs Retoucheabrupte

Lames Burins Total

C.II (*) 9 (16) 37 (67) – 2 (3) 5 (9) 2 (3) 55E 19 (19) 62 (64) 2 (2) 7 (7) 7 (7) – 97F-G – 9 (69) – 2 (15) 2 (15) – 13H – 14 (93) – – 1 (6) – 15I 2 (14) 10 (71) – 1 (7) 1 (7) – 14Ja 2 (1) 140 (84) 1 (0.5) 13 (7) 11 (6) – 167Jb 3 (6) 42 (87) – 1 (2) 2 (4) – 48K 3 (8) 32 (89) – – 1 (2.7) – 36L 17 (42.5) 21 (52) – 1 (2.5) 1 (2.5) – 40

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et des éraflures qui peuvent éliminer ou conduire à confondre les déformations d’utilisation.Ainsi, l’analyse fonctionnelle a été réalisée sur un total de 422 objets.

L’analyse a montré un faible pourcentage de déformations par utilisation, interprétées uni-quement dans 14,6 % des objets analysés, pourcentage qui est certainement conditionné parla patine blanche qui recouvre une bonne partie des objets lithiques du gisement. Cette altéra-tion a été reproduite expérimentalement, en immergeant des objets dans des solutions alcalineset on a pu vérifier comment cet environnement détruit les polis d’utilisation. Pour résumer lesrésultats, pour les 57 objets présentant des déformations dues à l’utilisation, on a interprété uneprédominance d’actions longitudinales de boucherie, suivies d’actions transversales de grattagesur peau fraîche et un seul exemple de déformations par le travail de bois sur un éclat. On aobservé une préférence pour les tranchants d’angle simple en actions longitudinales de bouche-rie, surtout dans des actions de dépouillement et de découpage de masse musculaire. Parcontre, les denticulés ont concentré les actions transversales de grattage de peau en plus desactions de boucherie (dépeçage et de décharnement), dans lesquelles des parties dures de l’ani-mal intervenaient. Ces résultats montrent des modes d’utilisation flexibles basés sur des objetsversatiles, mais sur lesquels on observe certaines tendances comme le travail préférentiel desdenticulés dans les actions les plus exigeantes, comme le grattage de la peau, et dans desactions de boucherie qui en frôlant l’os, useraient de manière plus intense les tranchants. L’as-pect le plus important de ces résultats est probablement la quasi-absence d’évidence du travailsur les bois, surtout si l’on tient compte du fait que tant les denticulés que les encoches, sontnormalement des objets attribués au travail spécialisé sur les végétaux. Seulement on a docu-menté deux denticulés avec polis indéterminés qui peuvent être liées au travail du bois(Fig. 6).

5. L’assemblage osseux

Grâce aux analyses zooarchéologiques et taphonomiques, on a pu déterminer que l’originedes accumulations des restes de faune dans le gisement doit être attribuée exclusivement àl’activité humaine. De la même manière, l’incidence d’autres agents et/ou de processus tapho-nomiques dans la formation de ces accumulations, toujours postérieure aux occupationsanthropiques, sont réduits (Cáceres, 2002 : 585). Les espèces d’herbivores dominantes sontCervus elaphus, Equus caballus et Bos primigeniu, et, ponctuellement, on y identifie la sous-famille des Caprinae, et la famille des Suidae et Rhinocerotidae. Les espèces d’habitats fores-tiers et de plaine seraient principalement présentes et, en moindre quantité, des espèces d’habi-tats rocheux.

Quant à la quantité de restes osseux de carnivores, elle est très réduite, et ce sans d’impor-tantes preuves de consommation par les humains, à l’exception de quelques exemples dans lesniveaux supérieurs. Généralement, leurs restes se trouvent dans des zones marginales de l’abriet dans les plates-formes du travertin qui séparent les différents niveaux archéologiques. De lamême manière, aucune accumulation osseuse qui puisse être attribuée à l’action de ces ani-maux n’a été identifiée. Leur présence dans les niveaux archéologiques se limite à des restesde coprolithes et à quelques morsures qui sont postérieures à l’action humaine. Quand il a étépossible d’établir la séquence d’intervention sur les os, l’action humaine est toujours antérieureà celle des carnivores.

D’autre part, les hominidés ont utilisé un même modèle pour la sélection des proies et leurtraitement dans tous les niveaux archéologiques de la séquence. Ils ont effectué un transportdifférentiel selon leurs catégories de taille. Ce sont les individus adultes qui dominent et,

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selon la taille de l’animal, les parties anatomiques introduites varient. Ainsi, pour les animauxde grande taille (> 350 kg) ce sont les parties avec un contenu élevé de viande qui sontreprésentées, principalement par le squelette crânien et l’appendiculaire, sans inclure de cedernier les parts plus distales. Par contre, la représentation squelettique des individus de taillemoyenne (350–150 kg) et petite (< 150 kg) est complète, ce qui indique que ces animaux ontété introduits entiers dans le site. Une fois à l’intérieur, les carcasses animales ont été traitéesintensément, comme le démontre un assemblage osseux dominé par les petits fragments, ce quiexplique aussi le faible pourcentage de détermination anatomique et taxonomique. À traversdes marques de découpe on a reconnu les différentes actions liées avec la boucherie :dépouillement, décarnisation et désarticulation, et on a aussi identifié la fracturation des oslongs frais pour en extraire la moelle. Finalement, l’abondance des restes brûlés semble indi-quer qu’après la consommation des restes animaux, les os ont été jetés dans les foyers, soitpour les utiliser comme combustible soit comme mesure de nettoyage de la zone d’habitat(Cáceres, 2002).

Il faut souligner le fait qu’il n’a été retrouvé que quelques épiphyses dans les niveaux exca-vés. Ces parties des os sont souvent attractives pour les carnivores, car elles concentrent desgraisses et de la matière musculaire. Cependant, le faible pourcentage de morsures dans l’en-semble du registre fait douter de la destruction par les carnivores de ces restes. De même, l’ab-sence presque complète de ces éléments implique qu’ils ont été systématiquement éliminés, cequi semble mieux correspondre à une conduite humaine. De fait, on a vérifié comment, pour

Fig. 6. A. Coupe de matière animale tendre. B. Raclage de la peau fraîche.Fig. 6. A. Cutting soft animal matter. B. Scraping fresh hide.

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fracturer les diaphyses, on séparait d’abord les épiphyses et celles-ci, quand elles étaient déta-chées de la diaphyse de l’os, ont pu être transportées hors du campement ou être éliminées enles jetant dans les foyers soit comme combustible ou par mesure prophylactique, comme déjàmentionné (Vaquero et al., 2001b).

Les altérations postdépositionnelles des restes osseux se limitent à une action minimale depiétinement et de morsures et plus souvent, à l’émoussé et au polissage produit par l’action del’eau. On doit souligner la présence importante de vermiculassions produites par les plantes àla surface des os qui, après la crémation, est l’altération qui affecte le plus souvent l’assem-blage osseux. Cette action des plantes indique l’existence dans l’abri de conditions d’humiditésuffisantes pour maintenir de riches communautés végétales. En outre, l’inexistence quasiabsolue d’altérations atmosphériques indiquerait un enfouissement rapide ou que les os aientété protégés par la végétation (Cáceres, 2002).

En résumé, le modèle identifié dans la capture et le traitement des animaux, ainsi que lespreuves d’un accès primaire aux herbivores, nous permet d’affirmer la pratique d’activitéscynégétiques dans l’acquisition des proies par les hominidés (Tableaux 4–7).

6. L’analyse spatiale

Dans l’Abric Romaní, grâce à la dynamique sédimentaire consistant dans la formation deplates-formes de travertin, des structures et des restes archéologiques peu communs ont étéconservées. De même, la formation continue de plates-formes de travertin a limité l’extensiontemporelle des palimpsestes qui forment les différentes unités archéologiques. Dans le mêmetemps, à cause des conditions optimales de ces structures carbonatées pour la datation par laméthode U–Th, nous savons qu’entre les plates-formes de sommet et de base qui ferment lesniveaux archéologiques, il y a souvent des contenus qui représentent seulement 1000 ans. Par

Tableau 4Liste des macromammifères identifiés dans l’Abric Romaní groupés par niveau archéologique (PI = Plate-formeInférieure au niveau correspondant)Identified taxa by archaeological levels of the Abric Romaní (PI = Travertine platform under the archaeological level).

A B C D E F G H I J K LProboscidi indeterminat XStephanorhinus hemitoechus X XEquus caballus X X X X X X X X X X X XEquus asinus X X XBos primigenius X X X X X XCervus elaphus X X X X X X X X X X X XCapra pyrenaica X X X X X X XRupicapra rupicapra X X X X X X XUrsus spCanis lupus X XVulpes vulpes XPanthera leo spelaea PIPanthera pardus PILynx pardina X X XFelis sylvestris X XHyaena spelaea XCrocuta crocuta X X

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ailleurs, sur ces plates-formes de travertin, l’impact calorifique des foyers est resté bien marquéavec la rubéfaction du substrat, ce qui permet de reconnaître facilement ces structures. Ainsi,187 foyers ont été excavés du niveau I jusqu’au niveau N. La plupart d’entre eux sont plats etne présentent aucun type de structuration, car ils ont été réalisés directement à la surface.Cependant, on a exceptionnellement identifié quelques foyers sur plaquettes de travertin, dansle niveau Ja, des foyers délimités partiellement par des blocs de travertin, dans le niveau L ouassociés à des cuvettes naturelles ou à des cuvettes excavées dans le niveau E. Les foyers selocalisent principalement dans deux zones du site : le long de la paroi et dans des alignementsparallèles dans la zone moyenne de l’abri, séparés de quelques mètres (environs 4 m) de la

Tableau 7Modifications identifiées dans les restes osseux produits par les hominidés (marques de découpe et fracturation) et parles carnivores (morsures) dans les niveaux archéologiques H, I, Ja, K and LBone modifications due to hominid (cut-marks and anthropic fractures) and carnivores (gnawing) at levels H, I, Ja, Kand L.

H I Ja K LMarques de découpe 20 55 226 120 69Fractures anthropiques 95 175 728 278 32Marques de morsures de carnivores – 29 95 73 7

Tableau 6Nombre Minimum d’Éléments (NME) identifiés dans les niveaux archéologiques H, I, Ja, K et L, groupés par segmentsanatomiques. (*) L’omoplate est incluse dans la catégorie d’extrémités, tandis que le bassin est inclus dans la catégoriedu squelette axialMinimum Number of Elements (NME) recovered at levels H, I, Ja, K and L, grouped by anatomical segments. (*)Scapular waist is included into the extremity category, while pelvic waist is included into the axial skeleton category.

petite Taille grande Taille moyenne TailleH I Ja K L H I Ja K L H I Ja K L

Squelette crânien 3 7 41 2 13 3 9 33 8 23 2 – 8 2 2Squelette axial 1 – 6 2 2 9 5 49 15 7 – – 32 1 –

Extrémités 7 9 75 13 8 6 24 86 23 39 – – 11 2 –

Métapodes 2 – 19 2 2 3 8 36 22 22 – – 2 – –

Extrémités distales – – 3 1 – 1 1 14 5 – – – 3 5 –

Tableau 5Nombre de restes (NR) et Nombre Minimum d’Individus (NMI) des herbivores identifiés dans les niveauxarchéologiques H, I, Ja, K et LNumber of Remains (NR) and Minimum Number of Individuals (NMI) of the herbivores recovered from levels H, I, Ja,K and L.

H I Ja K LNMI NR NMI NR NMI NR NMI NR NMI NR

Rhino 1/0 1 – – 3 29 – – – –

Cheval 2 56 7 86 11 339 4 56 6 34Cerf 2 141 7 117 7 339 10 335 5 97Grand Bovidé – – 1 5 5 80 1 15 1 6Petit Bovidé – – – – 2 5 – – – –

Indéterminé 397 1627 5193 2158 866

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paroi. Le rôle des foyers est très important pour comprendre l’organisation des occupationsdans l’abri. Ils sont le centre des activités sociales et économiques des groupes d’hominidésqui ont habité ce site, impliquant l’habitude de se réunir autour du feu avec toutes les possibi-lités induites, comme une communication plus importante entre les membres renforçant lacohésion sociale (Vaquero et al., 2004).

Ce même dépôt de carbonates a permis de conserver des positifs et des négatifs d’objetsanthropisés en bois. Dans la plupart des cas, ils sont carbonisés, ce qui implique qu’ils sontdirectement liés aux occupations anthropiques, tandis que dans d’autres cas, ils se trouventau-dessus du sol occupé. Parmi les premiers, on remarque des objets plats de forme ovaledans le niveau I qui, lors des premières études, ont été interprétés comme des récipients (Car-bonell et Castro-Curel, 1992 ; Castro-Curel et Carbonell, 1995) et des objets en bois pointusrécupérés dans le niveau K, qui pourraient correspondre à une sorte d’instrument. La relationspatiale entre les foyers et les accumulations d’éléments en bois a été aussi identifiée, permet-tant de les interpréter comme combustible potentiel pour alimenter le foyer. Un autre exempleest un tronc de plus de trois mètres de long dans le niveau I qui a été introduit dans l’abri sansdoute pour délimiter la zone domestique et servir de banc (Carbonell, 2002). L’analyse anthra-cologique indique une sélection quasi exclusive de Pinus sp pour élaborer les objets anthropi-sés en bois et comme combustible pour les foyers, très probablement parce que, comme l’in-dique l’analyse palynologique, la forêt de pins s’est maintenue de manière stable dansl’environnement du gisement (Allué, 2002).

Grâce aux excellentes conditions sédimentaires, la méthodologie de fouille a été orientéevers l’excavation en extension de toute la surface de l’abri (près de 300 m2) pour connaîtreles divers types d’occupations et leur organisation spatiale, à partir de la répartition de l’assem-blage archéologique et ses rapports. Cette ligne de recherche a commencé surtout à partir desniveaux archéologiques peu ou pas affectés par les tranchées des excavations anciennes réali-sées dans le gisement, en s’appuyant sur l’enregistrement systématique de la totalité des vesti-ges mis au jour et sur l’utilisation d’outils analytiques comme les études des remontages.

Ainsi, les remontages lithiques, entre autres variables, montrent comment les niveauxarchéologiques ont été peu affectés par des phénomènes postdépositionnels. Les distances deslignes de connexion entre les objets remontés sont majoritairement inférieures à un mètre.C’est uniquement dans les niveaux où l’impact anthropique est le plus élevé, comme dans leniveau Ja, que cette distance atteint une moyenne de presque deux mètres (Vaquero, 1999a).De même, les remontages qui unissent les fractures sont ceux qui présentent les distances lesplus courtes, car ils correspondent très probablement à des accidents dus au débitage ou à desfractures postdépositionnelles qui ont fait que ces restes ont pu demeurer sur place. Les remon-tages d’exploitation, qui unissent des éclats ou des éclats avec le nucléus, sont les connexionsqui dominent largement. Ils reflètent l’importance des activités de débitage dans la formationdes dépôts archéologiques, tandis que les remontages de façonnage ne sont qu’occasionnels, àl’exception de celui qui a été trouvé dans le niveau H (Carbonell, 1992).

Sur la surface archéologique, l’assemblage n’apparaît pas dispersé au long de l’abri, mais ilse concentre sous forme d’impacts archéologiques bien définis. De cette première observationon peut conclure que l’intérieur de l’abri était utilisé de façon différentielle par les groupesd’hominidés et qu’ils ont choisi certains espaces selon le relief, la morphologie de la paroi etla situation par rapport à la corniche de l’abri. Ainsi, les zones principales d’occupation sontsouvent concentrées à l’intérieur de l’abri, à côté de la paroi et surtout dans les concavitésque la ligne de paroi de l’abri dessine. Dans ces points, les densités de matériaux sont plus

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élevées que dans les zones externes. De la même façon, la composition du registre archéolo-gique varie en fonction de cette localisation spatiale. Les impacts archéologiques les plus den-ses s’organisent toujours autour de foyers, auxquels s’associe le registre archéologique depetite taille formé surtout par des restes lithiques de taille et des fragments osseux, résultat dela consommation des proies introduites. L’importance du registre, la possibilité d’effectuer desremontages et la conservation des restes de combustion des foyers attestent de l’état originel dela plupart de ces accumulations de matériaux archéologiques.

Ces accumulations sont la structure spatiale de base des impacts anthropiques dans l’abri etdoivent répondre en conséquence à la structure sociale de base des groupes d’hominidés. Lesfoyers dessinent en plan une forme ovale avec un diamètre maximal de 150 cm et la dispersiondu registre associé atteint 250 cm depuis le centre. Les densités les plus élevées se concentrentsur un côté du foyer, comme on l’observe parfaitement dans un exemple du niveau K. Comptetenu de ces dimensions, le nombre d’individus réunis autour du foyer qui ont créé l’accumula-tion archéologique n’aurait pas excédé une dizaine. Si on considère le type de registre et lesmodèles ethnographiques, on peut comparer ces accumulations à des aires domestiques ou àdes zones de déchets type drop (Binford, 1980).

Dans les niveaux avec une densité moins élevée, ces accumulations se montrent spatiale-ment séparées et les remontages identifiés connectent toujours des pièces de la même accumu-lation. Ils arrivent parfois même à se différencier des autres du même niveau par la matièrepremière introduite. Un exemple singulier peut être observé au niveau K, où une accumulationlocalisée au centre de l’abri contient les restes de deux séquences intenses de façonnage denucléus en calcaire. Ces objets en calcaire, 211 en tout, se concentrent sur 6 m2 et quelqueséclats seulement de ce même calcaire ont été localisés en dehors de l’accumulation, mais sanspouvoir être connectés directement avec les autres. Cette homogénéité dans la structure internedes accumulations et, en même temps, les différences trouvées par rapport à la matière pre-mière, semblent indiquer une claire diachronie entre elles.

Ce type d’organisation spatiale, définie comme des accumulations autour de foyers, s’iden-tifie dans tous les niveaux et, au fur et à mesure que l’occupation se prolonge dans le temps,elle montre des variations (Vaquero et Pasto, 2001). On constate d’abord le fait que quelques-unes de ces accumulations présentent divers foyers superposés, ce qui doit être interprétécomme la réactivation successive pendant une même occupation du foyer. Ce serait le cas del’accumulation du niveau L. Lorsque le séjour se prolonge à un même endroit, des nouvellesressources y sont introduites et des nouvelles activités s’y déroulent, ce qui augmente l’hétéro-généité du registre, bien que toujours dominé par la petite taille des éléments. Dans d’autrescas, ces centres domestiques sont associés au moyen de remontages lithiques et de la fauneavec des zones externes dans lesquelles des accumulations osseuses ont été enregistrés avecdes évidences d’activités in situ. Dans ces cas, on pourrait proposer la complémentarité desactivités réalisées dans les deux zones (zones domestiques–zones d’activités spécialisées) et, àleur tour, leur contemporanéité (Vaquero et al., 2001a). Finalement, dans les niveaux avec l’in-tensité d’occupation la plus élevée, comme dans le niveau Ja, on observe l’articulation de toutl’espace interne à travers l’échange d’objets lithiques entre les diverses accumulations domes-tiques. Les remontages montrent comment le débitage d’un même nucléus a été réalisé au seinde quelques-unes de ces accumulations, en faisant qu’il soit déplacé dans l’abri. Deux possibi-lités doivent être considérées : que ces zones domestiques unies par des remontages aient étéactives en même temps ou qu’elles aient été diachroniques. S’il s’agissait de la seconde option,dans les occupations successives de l’abri dans un même niveau archéologique, les restesabandonnés à l’intérieur précédemment auraient été réutilisés, surtout les nucléus. Si, par

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contre, il s’agissait de la première hypothèse, nous parlerions d’une structure des campementsde type modulaire (Binford, 1998), où les différentes familles qui composaient un groupe seréunissaient chacune à leur tour autour d’un foyer. De ce fait, nous serions devant des groupesavec une même organisation sociale que les références ethnographiques (Yellen, 1977 ;O’Connell, 1987).

En dehors de ces impacts organisés autour de foyers, le registre se distribue sur la surfaceen forme d’accumulations dispersées et peu denses de matériaux. Ces restes sont souvent for-més par des éléments osseux de différentes tailles, mais à la différence de ce qui se passe avecles accumulations de la zone plus intérieure de l’abri, les os de grande taille sont bien repré-sentés. Dans certains niveaux, ces accumulations correspondraient à des zones de traitement dela faune, puisque l’indiquent aussi l’homogénéité taxonomique et celle des parties anatomi-ques, la présence de restes de petite taille, de remontages et l’analyse taphonomique. Dansd’autres cas, les restes osseux semblent être accumulés dans des zones externes comme consé-quence d’activités de nettoyage qui ont conduit à l’accumulation de déchets dans des pointsdéterminés, avec un registre propre aux zones d’accumulation de déchets du type toss (Bin-ford, 1980).

Dans ces zones externes moins denses, le nombre de restes lithiques est notoirement réduitet les éléments qui s’y localisent sont différents de ceux que proviennent des zones de l’inté-rieur de l’abri. Si autour des foyers les restes de débitage sont quasi exclusifs, ce qui indique-rait que c’est à ces endroits qu’étaient réalisées les activités de production lithique, dans leszones moins denses, un ensemble formé d’objets lithiques de grande taille en forme d’éclatset d’objets retouchés a été récolté. Dans certains niveaux on a retrouvé également des accumu-lations de blocs de calcaire fracturés avec des marques d’impacts sur leurs surfaces associées àdes restes osseux. Cette association indiquerait que ces blocs ont participé au traitement descarcasses animales. Comme dans le gisement on a identifié le nettoyage des zones domesti-ques, éliminant de celles-ci les éléments les plus gênants, on ne peut rejeter l’hypothèse quecette localisation spatiale soit liée à cette pratique. Cependant, à cause de l’homogénéité dansles types d’objets présents, comme dans le niveau E, où 13 % des objets qui ont été trouvésdans la partie Est de l’abri sont retouchés, il est possible que d’autres accumulations aientservi de zone pour la réalisation d’activités spécialisés. Il peut exister, donc, une structurationspatiale de l’abri selon les activités en fonction du niveau archéologique.

La relation des accumulations les plus complexes avec un registre plus divers et de longuesséquences de débitage implique que le facteur déterminant dans la variabilité de ces accumula-tions soit la durée des occupations et la composition numérique du groupe. Sur cette base, on aidentifié des niveaux avec une baisse de l’intensité d’occupation et avec une structure spatialesimple, formée par diverses accumulations associées à des foyers séparés spatialement. Cesoccupations de courte durée, à cause du faible développement des séquences du débitage,alternent avec d’autres où l’on observe une complémentarité entre les zones domestiques etcelles de possibles activités intenses ou spécialisées, séparées de quelques mètres. Finalement,dans les niveaux dont l’intensité d’occupation a été plus élevée, on observe l’articulation detoute la zone centrale et interne de l’abri dans un même évènement occupationnel, tandis queles zones externes, hors de la protection de la corniche, auraient été mises à profit pour accu-muler les déchets des occupations. Ces différences entre niveaux dans la structuration de l’es-pace et, en conséquence, dans l’intensité d’occupation, ne sont pas accompagnées de différen-ces dans les caractéristiques du registre lithique ou faunistique (Fig. 7).

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7. Conclusion

Les résultats des recherches qui sont menées dans le gisement de l’Abric Romaní montrentdes comportements humains planifiés pour l’exploitation et l’occupation du territoire. La struc-ture de base de l’organisation écosociale s’est maintenue invariablement tout au long de prèsde 14 000 ans. La marge de variabilité ne dépasse jamais quelques modèles répétitifs mais fle-xibles. Dans tous les cas, on observe que la sélection anthropique s’impose sur les conditionsdu paléoenvironnement. Ainsi, par exemple, dans l’approvisionnement en matières premières,on observe des différences entre les niveaux, bien que les ressources que l’environnementoffrait, n’aient sans doute pas varié. La préférence pour le silex s’impose dans toute laséquence, même s’il a fallu aller le chercher à une plus grande distance. Ce seraient donc les

Fig. 7. A. Plan de répartition spatiale de l’assemblage archéologique du niveau Ja. B. Plan de répartition spatiale del’assemblage archéologique du niveau L. (Vaquero et al., 2004)Fig. 7. B. General distribution of archeological remains from Level Ja. B. General distribution of archeological remainsfrom level L. (Vaquero et al., 2004)

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exigences techniques des différentes chaînes opératoires qui ont motivé cette sélection. De lamême façon, la sélection dans certains niveaux d’autres matières premières, comme le quartzou le calcaire, a dû répondre à des besoins concrets du moment. Ainsi, cette sélection différen-tielle des possibles matières premières montre la flexibilité des comportements humains pours’ajuster à des situations changeantes.

De la même façon, les aptitudes des différentes matières premières ont été fréquemmentproposées comme facteur déterminant de la variabilité morphotechnique du registre lithique.Dans l’Abric Romaní, la structure de base des séquences de débitage, tant d’exploitation (débi-tage) comme de configuration (façonnage), a été appliquée indistinctement. On n’observequ’une préférence pour certaines matières selon certains types d’activités : le silex a été utiliséexclusivement dans des séquences de débitage, tandis que le calcaire a été utilisé pour desséquences de production lithique, mais aussi comme percuteurs et pilons d’os. Le quartz, bienque son importance soit moins marquée dans le gisement, a était utilisé uniquement dans desséquences de débitage, mais comme dans l’abri il est fréquent d’identifier le processus completdu débitage, avec des chaînes opératoires réduites, ce matériau a probablement été utilisé d’unemanière plus opportuniste.

De même, la maîtrise d’un même type d’objet retouché, le denticulé, bien que les condi-tions de l’environnement aient varié comme l’indique l’analyse palynologique, contredit certai-nes interprétations qui lient les racloirs et les denticulés à une série d’environnements, en fonc-tion du besoin de plus ou moins réutiliser les objets (Dibble et Rolland, 1992). De plus, onattribue aux racloirs un caractère plus mobile qu’aux denticulés. Cependant, et ce indépendam-ment du type de retouche, tous les objets retouchés présentent ce caractère quand ils sont intro-duits déjà façonnés dans le gisement, isolés de leurs séquences du débitage.

Ce même comportement réglé se déduit de l’analyse fonctionnelle. Tous les objets avec desdéformations d’utilisation présentent un seul tranchant utilisé, ce qui implique qu’un modèled’outil existait, dans lequel on différenciait parfaitement les tranchants actifs des zones par oùl’objet serait tenu, probablement sans nécessiter un emmanchement (Lemorini, 2000). Lesmodes et les critères techniques d’utilisation se maintiennent stables tout au long de laséquence : tous les objets, retouchés ou non, ont été utilisés de la même façon pour lesmêmes actions. On observe seulement une préférence pour les tranchants semi-abrupts desdenticulés pour les actions transversales de grattage de peau, tandis que les éclats ont servi depréférence pour des actions de boucherie sur des matières molles. Ainsi, on déduit à nouveaudes modèles clairs et répétitifs, bien que flexibles pour s’ajuster à des besoins ponctuels.

Quant à la capture et au traitement des proies animales, ils ont été marqués par la captured’individus juvéniles–adultes d’Equus et Cervus et l’introduction différentielle de leurs restesselon la taille de l’animal. C’est un comportement très commun dans les gisements de cettepériode et qui est attribué au déplacement vers les campements uniquement des parties anato-miques des animaux les plus lourdes et avec la plus grande quantité de viande. Dans le registrefaunistique, tout au long de la séquence, la différence fondamentale serait exprimée par leNMI, qui détermine la quantité de recours introduits et qui montrerait l’existence de variationsdans la durée des occupations.

Finalement, la répartition spatiale des campements se structure à partir des foyers et desactivités qui se déroulent autour d’eux. Au fur et à mesure que les occupations se prolongent,elles suivent les modèles ethnographiques qui expliquent la dispersion des restes et l’articula-tion spatiale qui se produit en conséquence, en observant alors une augmentation de la comple-xité de ces structures archéologiques de base. Ainsi on observe d’abord la multiplication de

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celles-ci dans divers points de l’abri, mais sans une relation entre elles qui pourrait indiquerleur diachronie. Dans d’autres cas, on a enregistré des accumulations avec plusieurs foyerssuperposés, ce qui implique la réactivation répétée d’un même foyer, avec augmentation etdiversification du registre accumulé. Un autre modèle spatial est celui que constituent les accu-mulations autour de foyers qui sont liées par l’échange d’objets avec des accumulations plusdispersées dans la zone externe de l’abri, avec un registre composé surtout par des restesosseux. Finalement, dans les niveaux où un impact anthropique est le plus intense, on observeune dualité entre un espace central complètement articulé, ce qui indique la contemporanéitédes différentes accumulations de foyers, et une zone externe qui ne semble pas avoir accueillides activités in situ et dont les restes ont été déplacés à cet endroit à partir des zones principa-les d’occupation pendant des activités de nettoyage. Comme les structures spatiales les pluscomplexes sont liées à un nombre plus élevé de séquences de débitage, à une diversité plusgrande des types et des matières premières et à des procédés de production lithique plus com-plets à l’intérieur, nous relions la variabilité spatiale des campements avec la durée des occu-pations, ce qui implique que ces groupes organisaient l’exploitation du territoire à travers unréseau hiérarchisé de campements. Compte tenu du fait qu’il ne semble pas que, selon les don-nées fonctionnelles, les activités réalisées aient varié dans les campements stables et les occu-pations de courte durée, il est probable qu’elles reflètent des pratiques de groupement et dis-persion des groupes et une mobilité résidentielle plus ou moins élevée pendant un mêmecycle annuel.

Enfin les différences observées dans les niveaux du sommet de la séquence signalent danstous les cas une intensification de l’exploitation du territoire. Ainsi, la diversité de proies cap-turées a augmenté, les méthodes du débitage se sont mieux structurées et sont devenues plusexigeantes, en commençant par la sélection exclusive du silex dans la production lithique. Il ya aussi un pourcentage plus élevé de déformations par utilisation. Même s’il faut tenir comptede l’incidence différentielle due aux phénomènes d’altération, ceci impliquerait la réalisationd’activités plus intenses et prolongées. Tout ceci coïncide avec un accroissement de la fré-quence d’occupation de l’abri, juste au moment où celui-ci commence à récréer un environne-ment de grotte (Vallverdú, 2001).

Les résultats des recherches réalisées pendant ces vingt dernières années dans l’AbricRomaní montrent la complexité sociale de ces groupes d’hominidés, avec des comportementsplanifiés et flexibles qui se sont maintenus invariablement pendant 14 000 ans (Carbonell etVaquero, 1998). Dans tous les cas, on observe une organisation de l’exploitation qui s’imposeaux conditions de l’environnement, avec une variabilité minimale qui refléterait la marge desajustements sans altérer l’organisation écosociale qui s’est maintenue dans la zone pendant lapremière partie du stade isotopique 3. On observe uniquement une accentuation de l’exploita-tion de l’environnement dans la partie supérieure de la séquence, déjà près du changementabrupt que représente le niveau Aurignacien dans le gisement, ce qui peut être interprétécomme le reflet de la situation historique qui a favorisé le développement du Paléolithiquesupérieur.

Remerciements

Les fouilles de l’Abric Romaní sont financées par le Département de la Culture de la Gene-ralitat de Catalunya, la Mairie de Capellades et l’entreprise Arts Gràfiques Romanyà-Valls, SALes recherches sont financées aussi par le Programme pour la Recherche SGR GENCAT2001SGR000131 de la Generalitat de Catalunya.

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On voudrait remercier Àlex Martínez, Brigitte Deniaux et Florent Détroit pour la correctionet traduction du texte en français.

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