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LE DOPAGE DANS QUATRE GRANDS PÉRIODIQUES SPORTIFS FRANÇAIS DE 1903 AUX ANNÉES SOIXANTE. LE SECRET, LE PUR ET L'IMPUR Éric Perera et Jacques Gleyse De Boeck Supérieur | Staps 2005/4 - no 70 pages 89 à 89 ISSN 0247-106X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-staps-2005-4-page-89.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Perera Éric et Gleyse Jacques, « Le dopage dans quatre grands périodiques sportifs français de 1903 aux années soixante. Le secret, le pur et l'impur », Staps, 2005/4 no 70, p. 89-89. DOI : 10.3917/sta.070.0089 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 81.251.74.217 - 28/05/2014 18h11. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 81.251.74.217 - 28/05/2014 18h11. © De Boeck Supérieur

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LE DOPAGE DANS QUATRE GRANDS PÉRIODIQUES SPORTIFSFRANÇAIS DE 1903 AUX ANNÉES SOIXANTE. LE SECRET, LE PUR ETL'IMPUR Éric Perera et Jacques Gleyse De Boeck Supérieur | Staps 2005/4 - no 70pages 89 à 89

ISSN 0247-106X

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-staps-2005-4-page-89.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Perera Éric et Gleyse Jacques, « Le dopage dans quatre grands périodiques sportifs français de 1903 aux années

soixante. Le secret, le pur et l'impur »,

Staps, 2005/4 no 70, p. 89-89. DOI : 10.3917/sta.070.0089

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Le dopage dans quatre grandspériodiques sportifs français de 1903

aux années soixante.Le secret, le pur et l’impur1

Éric PERERA, doctorant

[email protected]

Jacques GLEYSE, professeur

[email protected] Corps et CultureJeune équipe 2416 Génie des Procédés symboliques

en santé et en sportMontpellier 1

etIUFM de Montpellier

BP 41522 Pl. Marcel Godechot

F–34092 Montpellier Cedex 5

RÉSUMÉ : Les médias écrits font part depuis la fin du XIXe siècle de procédés d’aides à la performancesportive ou d’aides ergogéniques. L’analyse des discours tenus en France montre qu’un revirement s’yproduit au tournant des années 1950, notamment avec l’affaire Malléjac. Alors que l’aide à la perfor-mance ne semble pas poser de problème majeur, ou du moins n’est pas l’objet d’une réprobation totale,ou n’est même pas évoquée précédemment, le discours change radicalement à ce moment. Massive-ment, le dopage fait l’objet à la fois de la réprobation journalistique et de la mise en place d’une véritablepolice, notamment dans le Tour de France cycliste. Les théories de l’anthropologue américaine MaryDouglas ainsi que le concept de secret vs transparence permettent peut-être d’apporter un début decompréhension à ce phénomène complexe, voire « ,oxymorique », et, en tout état de cause de quitter lesimple jugement de valeur pour analyser le système dans sa fonctionnalité paradoxale.MOTS-CLÉS : dopage, journaux sportifs, pur, impur, secret.

ABSTRACT : Doping in four great sportive French News papers from 1903 to the sixties. Secret, purityand impurity (danger)News papers since the end of the nineteenth century are describing process in sportive performancehelp or « ergogenics » helps. Analysis of discourses, in France shown that a rupture occurred in that dis-courses in the turn of 50th, especially with Malléjac affair. The help to performance production seemswithout major problem or at less is not the object of total reprobation or so far is not evoked before,discourse radically changes at this moment. Strongly doping is object of journalistic reprobation and toinstallation of a truth police especially in the cyclist Tour de France. Theories of American anthropolo-gist Mary Douglas (Purity and danger) as the concept of secret vs transparence permitted may by to bringa beginning of understanding of that complex, or perhaps « oxymoric » phenomenon, permitted in factto quit simple value judgement to analyze the system in its paradoxical functionality.KEY WORDS : doping, sportive papers, pure, not pure, secret.

1. Ce travail de recherche a été soutenu financièrement par une subvention de recherche inter-ministérielle (ministère de la Jeunesse,du Tourisme, Loisirs et du Sport ; ministère des Relations internationales ; ministère de l’Éducation – Canada et France) : Projet « Dopageet performance sportive : réflexion éthique sur une double contrainte », dirigé par S. Laberge et É. de Léséleuc.

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INTRODUCTION

La détection positive par le laboratoire derecherche de Châtenay-Malabry en août 2005,du septuple vainqueur du Tour de Francecycliste, encensé par les médias audio-visuels,Lance Amstrong, montre l’ambiguïté attachéeau phénomène du dopage et le rapport schi-zophrénique entretenu par les médias avec cephénomène. Le héros sportif est décrit un jourcomme un idéal de dépassement et de puretéascétique par les journalistes sportifs et le len-demain condamné comme tricheur et impurpar ces mêmes journalistes.

Plus généralement, le sport véhicule unidéal positif reconnu par le plus grandnombre : « Un idéal de pureté et de gratuité,voilà l’image belle, l’image dominante dusport. » (Parlebas, 1992, 858). Toutefois, rappe-lons que le sport est une activité humaine sou-mise à une tension contradictoire permanenteparce qu’elle est en quelque sorte « coincée »« entre mesure et démesure » (Pociello, 1996).L’excès rejoint le phénomène sportif et il estmis en avant notamment par J.-M. Brohm dansSociologie politique du sport, en 1976. L’auteurexpose une analyse critique du système sportifet dénonce, notamment, la pratique du dopingcomme consubstantiel au système. Le dopageest, comme l’argent, très présent depuis quel-ques années (environ 25 ans) dans la littératuresportive.

Effectivement, les pratiques dopantesposent la question du sport aujourd’hui (et sansdoute hier) et de nombreux auteurs considè-rent qu’au travers de ce phénomène est posé unproblème éthique majeur (Noret, 1990 ; Laure,1995 ; Petitbois, 1998 ; Jennings, 2000 ; Schnei-der, Hong, Butcher, 2004). C’est au nom de lasanté des sportifs de haut niveau comme desamateurs que le doping est stigmatisé.

Dans ce contexte, la communauté médicaleapparaît comme étant pratiquement la seuleinstance capable de définir les limites de cettepratique souvent vue comme un fléau (Yonnet,

1998 ; Brissonneau, 2003). Les risques sanitai-res liés au dopage sont de plus en plus souventdivulgués et traités de façon à mettre en gardeles athlètes mal avisés (Ducardonnet, Porte,Boulanger, 1995 ; Bourgat, 1999 ; Walder,1999). Parallèlement, la lutte antidopage tented’enrayer le phénomène en puisant à la sciencedes moyens toujours plus fiables de détection(Houlihan, 1999 ; Auneau, 2001 ; Mortram,2003) et en développant tout un arsenal de loiset de règlements de plus en plus contraignants,pas toujours appliqués.

Toutefois, l’homme, depuis des millénaires,est tenté de dépasser ses propres performancesnaturelles avec l’aide de substances artificielles,dans le but d’aller plus vite, plus loin, plus long-temps mais aussi lors de cérémonies rituelles. Iln’en demeure pas moins que l’histoire du sportrecoupe l’histoire du dopage et certains auteursn’hésitent pas à l’affirmer de manière très argu-mentée (De Mondénard, 2000 ; Laure, 2004).

De nos jours, le dopage demeure une réalitébien présente dans les esprits. Plus personne nesemble dupe ! Le Docteur De Lignières affirmedevant les caméras de télévision, à l’issue duCongrès de médecine du sport en 1980, que :« 70 % des athlètes français de haut niveau sedopent... » (Noret, 1990, 15). Le coureurcycliste T. Bourgignon brise un silence biengardé : « Tout le monde sait que les sportifs dehaut niveau se préparent et se soutiennent bio-logiquement et chimiquement […] arrêtonscette tartuferie. » (Pociello, 1999, 195).

Les lois antidopages se sont multipliéesdepuis une vingtaine d’année alors que la pra-tique du dopage semble exister, selon la littéra-ture, depuis l’avènement des sports. Pourquoiseulement depuis ce moment ? Comment etsur quels arguments certaines « aides » devien-nent problématiques, licites ou illicites ? Surquelles bases anthropologiques et archéologi-ques reposent-elles ? D’après G. Peters (inN. Midol, 1991, 125), ce ne sont que les subs-tances employées qui ont varié au cours dutemps et qui continuent à évoluer rapidement.

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C’est en reprenant le discours tenu sur ledopage ou, de façon plus générale, sur les aidesergogéniques dans les articles spécialisés dequatre grands périodiques français de 1898aux années soixante que nous tenterons decomprendre les déclinaisons du regard portésur l’utilisation de produits naturels et/ou arti-ficiels. L’occasion est également fournie dedépasser le simple jugement de valeur sur lesujet pour s’orienter vers une perspective his-torico-anthropologique du sujet.

Notons que le dopage semble devenir uneévidence au sortir de la Seconde Guerre mon-diale. D’un point de vue historique et anthro-pologique, la notion d’aides « ergogéniques »est un terme global qui offre la possibilitéd’appréhender le phénomène, entre autres,du dopage au cours du XXe siècle sans lesjugements de valeur qui y sont généralementassociés.

Les médecins du sport considèrent uneaide ergogénique comme étant « une procé-dure ou un agent qui procure à l’athlète unavantage compétitif au-delà de celui obtenupar des méthodes d’entraînement normales »(American coll. of Sports, 1996). Ainsi, ce con-cept englobe différentes notions telles que lespratiques du dopage ou encore celle de la dié-tétique.

Par conséquent, ce sont les fluctuations durapport aux différentes formes d’aides ergogé-niques qui nous intéressent dans cette étude.L’objectif est avant tout de détecter commentelles se différencient entre elles et sur quelsdéterminants au cours du XXe siècle en France.Plus précisément, il s’agit de comprendre com-ment et pourquoi certaines de ces aides ergogé-niques ont posé un problème éthique auxjournalistes et aux grands journaux sportifs, àun moment donné, pour enfin devenir illiciteset finalement illégales.

La source principale des informations pro-vient du discours écrit de quatre périodiquessportifs français : La Vie au grand air, L’Auto, LeMiroir des sports et L’Équipe.

De ce point de vue, nous considérons queles discours écrits médiatiques ont la valeur« d’une image arrêtée, d’un réel mouvant etpolymorphe » (Gleyse, 1995). Ainsi, ces dis-cours sont, sans nul doute, de précieux indica-teurs des interdits et des permis dans laperspective anthropologique.

En ce qui concerne leur parution, leXXe siècle est pratiquement couvert par ces qua-tre périodiques, d’un point de vue desévénements sportifs. Effectivement, les exem-plaires du journal L’Auto couvrent lapériode 1903-1914. La Vie au grand air est diffu-sée de 1898 à 1920. Le Miroir des sports, quant àlui, est publié au cours de la période allantde 1948 à 1968. Il est aussi paru de 1920 à1930, mais les exemplaires n’étaient pas tous dis-ponibles ou accessibles dans les archives. Enfin,le journal L’Équipe voit le jour au sortir de laSeconde Guerre mondiale, c’est-à-dire en 1946,et il a été consulté jusqu’en 1998, année de« l’affaire Festina », mais le texte qui suit s’inter-rompt au moment de plus forte rupture.

Ces journaux sont conservés à Paris, à laBibliothèque nationale de France FrançoisMitterrand, pour les hebdomadaires La Vie augrand air et Le Miroir des sports ; le journal L’Autoest archivé à la bibliothèque de l’INSEP, quantà L’Équipe, il a pu être consulté au Centre Geor-ges Pompidou.

UNE MÉTHODE POUR ANALYSER LES TITRESET LE CONTENU DES ARTICLES :SÉLECTION ET THÉORISATION

La concentration sur la temporalité de quel-ques événements sportifs précis réduit considé-rablement le nombre d’articles à consulter. Cechoix de temporalité est motivé principalementpar des manifestations sportives touchées pardes cas connus de dopage. Ainsi, il n’est pasaléatoire si on choisit la périphérie temporellede quatre événements : les Jeux olympiques, leTour de France, les Championnats du monded’athlétisme et les Coupes du monde de foot-

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ball à partir du moment où elles sont créées(autour de 1920). La concentration sur cescompétitions de grande envergure se justifieaussi par leur forte médiatisation et par leurimpact sur le public. Il en résulte un corpus de582 articles.

Ce corpus recueilli, l’analyse qualitative del’ensemble des articles sélectionnés en fonctiond’items prédéfinis permet de cerner le phéno-mène du doping en en formalisant finalement« l’ordre du discours » (Foucault, 1971), dansune perspective archéologique foucaldienne.

« L’archéologie analyse le degré et l’ensembledes perméabilités d’un discours : elle donne leprincipe de son articulation sur une chaîned’événements successifs ; elle définit les opéra-teurs par lesquels les événements se transcri-vent dans les énoncés » (1969, 218).

Dans cette perspective, l’analyse des diffé-rents articles se base sur un triptyque prenanten compte la dualité entre le pur et l’impur,conditionnée par le secret (et éventuellementpar son antonyme la transparence).

Le pur et l’impur sont des outils méthodi-ques utilisés par l’anthropologue Mary Douglas.Dans son ouvrage De la souillure, essai sur lesnotions de pollution et de tabou (rééd 2001, 1er éd.1966, Purity and Danger : An Analysis of Conceptsof Pollution and Taboo), elle propose uneréflexion sur la saleté, la souillure et la pureté.Elle montre que « la réflexion sur la saleté impli-que la réflexion sur le rapport de l’ordre audésordre, de l’être au non-être, de la forme aumanque de forme, de la vie à la mort. Partout oùles notions de saleté sont hautement structurées,on découvre, en les analysant qu’elles mettenten jeu ces thèmes profonds » (Douglas, 2001,27), c’est-à-dire, notamment, le pur et l’impur.Le parallèle avec la théorie de M. Douglas offrela possibilité de mettre à jour deux paradigmes.

Le pur, dans le domaine d’analyse qui est lenôtre, semble reposer sur l’idéologie du « menssana in corpore sano » (« un esprit sain dans uncorps sain ») qui vise la préservation de l’équili-

bre pensé comme nature, d’une sorte de puretéinitiale du corps. M. Douglas avance d’ailleursle fait suivant : « un “cœur pur”, un “espritpur”, une “intention pure” et beaucoupd’autres expressions expriment l’absence demotifs secrets, de double sens et de tricherie,donc d’être en présence de la vérité » (1998, 8).

Dans ce sens, « purifier au sens social veutdire supprimer la pollution ou les souillures quise sont accumulées, retourner à un état originelpur » (1998, 10).

« L’“impur” à l’inverse justifie un rejet. C’estune accusation, une exécration. À la manièred’une étiquette qui serait apposée à une per-sonne, cela peut lui assurer l’exil ou la mort »(Douglas, 1998, 9).

La stigmatisation faite aux procédés liés audopage pourrait peut-être s’inscrire dans cecadre. C’est du moins l’une des hypothèses quel’on peut poser à l’orée de cette exploration.L’exclusion des dopés, leur stigmatisationpourrait s’inscrire dans ce cadre également.

La pureté mise en danger « déchaîne lespassions des membres de toutes les sociétésquand celles-ci s’interrogent sur leur proprecondition » (Douglas, 2001, 201).

Le symbole du corps « pur » que suggèrent,en quelque sorte, les épreuves sportives seraitmenacé au cours du temps par « l’impureté »du dopage. Le dopage dans cette hypothèseconstituerait la limite de l’ordre social et enquelque sorte de la bienséance. Il menacerait lapureté sportive du corps de sa souillure.

Pourtant ce danger qui menace la puretés’articule sur une autre logique du sport cellequi, originellement, à été décrite par Pierre deCoubertin : la religion de l’excès ; le mens sanain corpore lacertoso (un esprit ardent, combatif,dans un corps entraîné, affûté). Il y a donc làun paradoxe extrêmement fort. Si religion del’excès il y a, on ne voit aucune raison de ne pasaller jusqu’au bout de cet excès (Citius, Altius,Fortius), notamment en prenant des substancesbio- et psychotropes.

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Mais cette pureté sportive semble d’autantplus menacée que le dopage frictionne avec lesecret.

Le secret constitue en effet, un troisièmeconcept primordial à prendre en compte poursaisir la mouvance contradictoire du « tout ourien », du pur et de l’impur. En effet, l’impurle devient souvent par le fait qu’il est considérépar une communauté plus large que celle descoureurs comme secret ou caché, on le verraplus loin. Selon Y. H. Bonello, « le secret n’apas besoin de se dissimuler pour êtreinsaisissable ; il peut demeurer inviolable,même révélé, car il n’est pas de l’ordre de lavérité. Il est au-delà. Au-delà de la parole.Bien évidemment il fonctionne sur le cryptageet le caché et se recouvre d’un voile. Il estfuyant, capable d’exploiter toutes les ressour-ces du mensonge et les formes du faux. Il sefait en nous autant que par nous » (Bonello,1998, 3).

Le triptyque ainsi composé, sera le repèrepour comprendre les mutations successives desdiscours tenus sur le dopage ou du moins l’aideà la performance et représentatifs d’une épo-que donnée. C’est un outil conceptuel qui per-met de cerner les limites des rapports sociauxstructurant un système.

Chaque société, en effet, créée un écart fon-damental, voire fondateur entre pureté et impu-reté. Ces notions induisent des modes de vie, descomportements sociaux et renvoient à d’autresdualités : ordre vs désordre, bien vs mal.

Il faut enfin préciser encore la méthode derepérage des articles dans les journaux. Les arti-cles étudiés se situent tous, comme on l’a pré-cisé, dans la périphérie des Coupes du mondenotamment de football (tous les quatre ans) etd’athlétisme (idem), des Jeux olympiques (à par-tir de 1896, tous les quatre ans) et du Tour deFrance (à partir de 1903, tous les ans). Cepen-dant, l’essentiel des articles qui ont été retenus,en fonction des indicateurs définis ci-après, tou-chent au Tour de France cycliste, semble-t-ildavantage sujet à suspicion. En outre, les thè-mes qui ont été choisis pour repérer les articlessont les suivants : dopage, doping, tricherie,nourriture, alimentation, soigneurs, entraîneur,mystère, poisons, médecins, soins, fraudes,« charge », « topette », excitants… mais aussi« secret, pur et impur, sain et malsain ».

Voici un tableau récapitulatif des articles etdes « analyseurs » les plus généraux utilisés, surl’ensemble de la période étudiée (l’article netraite que de la période allant jusqu’aux annéessoixante) :

Tableau 1.

THÈMES PÉRIODIQUES NOMBRE D’ARTICLES ANNÉES

ENTRAÎNEMENT, mystères et secrets d’entraîneurs,tricherie, topette

Vie au grand air 10 1900, 1903, 1913, 1919, 1920 L’Auto 4 1903, 1906, 1907, 1910Miroir des sports 6 1913, 1922, 1948, 1953L’Équipe 4 1947, 1955, 1988, 1996

DIÉTÉTIQUE, alimentation,nourriture

Vie au grand air 1 1913L’Auto 6 1904, 1907, 1908, 1913, 1914Miroir des sports 1 1957

L’Équipe 141947, 1951, 1959, 1962, 1963,

1964, 1965, 1966

POTIONS MAGIQUES, topettes, charges, excitants, dopants, médicaments… aides ergogéniques,poisons

Vie au grand air 0L’Auto 5 1907, 1908, 1914Miroir des sports 1 1956

L’Équipe 101947, 1948, 1969, 1971, 1972,

1976, 1980, 1987

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L’analyse du discours des journaux sportifsnous offre la possibilité de reconstituer unehistoire anthropologique du sport un peu par-ticulière où l’impureté semble se définir, pro-gressivement, corollairement à la pureté et oùle secret comme la transparence semblent êtredes médiateurs qui permettent de renforcervoire de définir le premier système d’exclusionbinaire.

LA RACE « PURE » COMME DÉTERMINANTDU SUCCÈS SPORTIF : 1898-1936

Au début du XXe siècle, un élément énigma-tique semble conférer aux étrangers, notam-

ment aux Américains une supériorité sportive.La clé de l’énigme est fondée sur des élémentsbiologiques, tenant à la pureté et à la sélectionde la race américaine, évoqués par d’éminentsscientifiques, notamment par le docteur Bellindu Coteau. L’expression « race pure » est l’unedes formules les plus employées pour expliquerl’exploit d’un coureur.

La race d’un champion, en ce sens, commecelle d’un « pur sang », est souvent évoquéealors comme un des éléments susceptible defournir la victoire. Plus une race sera « pure »,plus elle sera susceptible générer des cham-pions. C’est ce concept de « pureté naturelle »ou, mieux, « essentielle » qui, archéologique-

MÉDECINS ET SOIGNEURS « purs »

Vie au grand air 2 1900, 1911

L’Auto 91908, 1909, 1910, 1911, 1912,

1913, 1914Miroir des sports 0

L’Équipe 81968, 1972, 1976, 1980, 1987,

1988, 1995, 1996

MÉDECINS ET SOIGNEURS « impurs », rejetés

Vie au grand air 0L’Auto 3 1903, 1904Miroir des sports 1 1958L’Équipe 7 1952, 1959, 1960, 1961, 1998

FRAUDES ET SOUPCONS (secrets cachés)

Vie au grand air 0L’Auto 8 1903, 1904, 1905, 1911Miroir des sports 1 1920

L’Équipe 101950, 1952, 1953, 1955, 1961,

1988, 1996

CONTROLES ET ANTIDOPAGE (secret dévoilé)

Vie au grand air 0L’Auto 2 1903, 1908Miroir des sports 1 1966

L’Équipe 251963, 1964, 1967, 1968, 1972, 1974, 1977, 1981, 1987, 1988,

1992, 1996, 1998

DOPAGE RÉVÉLÉ(« impur » au grand jour)

Vie au grand air 0L’Auto 0Miroir des sports 2 1951, 1967

L’Équipe 251952, 1955, 1957, 1960, 1962, 1976, 1977, 1978, 1980, 1988,

1996, 1997, 1998

ARGENT(corrélé avec dopage et impureté)

Vie au grand air 0L’Auto 6 1903, 1904, 1906Miroir des sports 0L’Équipe 4 1952, 1953, 1988

THÈMES PÉRIODIQUES NOMBRE D’ARTICLES ANNÉES

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ment et anthropologiquement, est le consti-tuant fondamental du corps du sportif ou dumoins qui va être fabriqué comme tel au coursdu temps.

La notion de race « pure » ne pourra plusêtre utilisée après la Seconde Guerre mondialesauf de manière très sporadique. Bien avantcelle-ci, au début du siècle, elle joue souvent lemême rôle de justification, pour les journalis-tes, que celui de nourriture et de boissons sai-nes et pures. Il existe pour les journauxétudiés, de 1898 à 1936, au moins, des racesdégénérées (les races européennes qui viventdans un certain confort depuis longtemps),souillées par la civilisation et des races sélection-nées sur l’audace, le courage et la force telle la« race américaine ».

Un article de La Vie au grand air en 1900(LVAGA, 19000, 84), explique que « la raceanglo-saxonne » (p. 552) a des qualités que l’onne peut trouver en Europe. En effet c’est une« race jeune qui s’est développée dans le Nou-veau Monde [...] il y a la question d’atavismequi barre le chemin de la victoire à notre géné-ration (de Français). »

Plus clairement encore, on explique quec’est une race de pionniers qui a dû se battrecontre d’immenses difficultés et a connu enconséquence une sélection naturelle. Seuls lesplus forts ont survécu. La race est donc pure detoutes les tares ataviques et de la dégénéres-cence de la race française et des races euro-péennes en général, dégénérescences que l’onsuppose liées à la civilisation.

On retrouve cela encore en 1920 sous laplume du célèbre docteur Marc Bellin duCoteau, inventeur de la méthode sportived’éducation physique : « La race américaine estune sélection naturelle à la mode dudarwinisme : émigrés d’origine britanniqueayant eu à lutter pour s’acclimater d’abord,pour vivre ensuite. Les sujets issus de cettesélection ont de toute évidence un potentielénergétique supérieur à l’Européen stabilisé »(LVAGA, 412, 21).

Cette notion de dégénérescence de la raceest évoquée à la suite des théories de Darwin etsurtout de Galton par de nombreux médecinstravaillant dans le domaine de l’exercice, aucours de la période (voir à ce sujet J.-F. Marie,1994), notamment dans l’Encyclopédie des sportsde 1924 ou dans le Traité d’éducation physique endeux tomes dirigé par Marcel Labbé, en 1930.Les tares ataviques sont ici considérées commede « l’impur » structurel, finalement. La vic-toire s’explique donc par la « pureté de la race», par son absence de tares héréditaires liées àdes conditions de vie trop faciles. Le coureurgagne parce qu’il est « pur » de toute tare dégé-nérative.

Cette notion de « race pure », purifiée ounon dégénérée, est tout de même relativiséedès 1919 par certains journalistes, probable-ment à la suite du développement de l’interna-tionalisme et de la guerre de 1914. La Vie augrand air, en 1919 (358, 16), explique que« nous ne croyons pas à la fatigue ou à ladéchéance de la race française : nos athlètesbien entraînés peuvent rivaliser avec ceux dureste du monde. »

Certains, pourtant, au cours du XVe Tourde France, en 1920, continuent de l’utiliser :« Chez nos coureurs [entendons les Français],ce sont les nerfs qui dominent et agissent et quisont cause hélas ! des multiples abandons detous les ans tout aussi bien qu’ils commandentaux plus beaux exploits. On n’y changera rienc’est dans la race ! Contentons-nous de cettemodeste fiche de consolation » (LVAGA, 1920,416, 19).

Quelques pays européens peuvent parfoisêtre exonérés de l’impureté raciale : « Lesraces latines sont merveilleuses vraiment etce sont les trois Italiens Gana, Galetti et Pavesiqui passent dans l’ordre » (L’Auto, 17 juillet1907, p. 3).

On peut aussi retrouver cela pour les Belgeset les Suédois.

On voit donc que, dans un premier temps, ils’agit de constituer le « pur » sur les catégories

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usuelles au cours de la période, c’est-à-dire uneforme de naturalisme et une vision darwi-nienne (mal comprise) de la sélection des espè-ces. L’impur, lui, serait finalement lié à ladégénérescence, elle-même liée au « confort »industriel (finalement la pollution industrielledu sportif européen qui aurait perdu le sens dela sélection naturelle) moderne… À l’inverse, lapureté touche au naturel mais aussi à la sélec-tion de l’espèce par le combat avec la nature etavec les autres (les colons et pionniers améri-cains). Le fantasme d’une Amérique « pure »,bien décrit dans 1492 par Jacques Attali (1992),est donc bien présent. La vision « hippique » dela sélection de la race également. Le pur définitainsi l’ordre social sportif. Un sportif pur est unsportif du Nouveau Monde, sélectionné par lanature.

L’EAU PURE, ALIMENTATIONDU SPORTIF AMÉRICAIN DE HAUT NIVEAU

Un article du Miroir des sports du jeudi9 février 1922 (p. 90) est intitulé « Pour donnerconfiance aux coureurs : la bouteille mer-veilleuse ».

Le texte décrit, sous la plume de GéoAndré, quelques scènes des Jeux olympiquesde 1908 : « Aussitôt sur le terrain, je fus immé-diatement frappé par toutes les précautions demes adversaires alors que moi j’arrivais au sau-toir déshabillé et sans aucun apprêt. Je remar-quais, en outre, que les entraîneurs présentsdissimulaient sous des peignoirs certaines bou-teilles qu’ils saisissaient de temps à autre pouren donner à boire à leurs poulains. Il ne pou-vait y avoir aucun doute : ces bouteilles conte-naient des produits spéciaux qui devaientdonner aux sauteurs des qualités d’élasticité quim’étaient jusqu’ici inconnues. Malgré cesfameuses bouteilles magiques, je finis partriompher de tous, sauf du gagnant. [Ici, GéoAndré raconte qu’il dérobe une des bouteillesmagiques, car il est sûr que c’est un produitdouteux qu’elles contiennent.] Pour en avoir le

cœur net, j’allai chez un pharmacien luidemander l’analyse de mon eau. Il me futrépondu que celle-ci jouissait d’une grandepureté et qu’il n’avait dedans rien d’anormal. »

En fait, la morale de cette histoire a pourbut de démontrer qu’il n’y a donc « point desecrets sensationnels pour l’entraînement : lasimple logique et le bon sens secondés d’unelongue pratique et d’un esprit observateur »suffisent.

Un système « mythologique » se constitueici, valorisant une pratique saine, sans dopingdu sport de haut niveau. Derrière ces mots,c’est aussi une morale qui se profile, moralequi, dans le cas de Géo André, est constituée enéthique, autrement dit qui passe du construitcollectif au construit individuel. Le sportif estassocié symboliquement à la pureté de l’eau, àsa transparence. On comprend donc que toutce qui pourra ensuite entacher cette pureté etopacifier cette transparence sera susceptibled’altérer le mythe. L’impur pourra donc seconstituer face à cette pureté parfaite (qui, soitdit en passant, rejoint celle du baptême chré-tien, par l’eau pure… l’eau bénite).

La question pourtant importante qui sepose à la lecture de ces mots est celle-ci : pour-quoi Géo André tient-il ce discours ? De touteévidence il s’agit de la mise en place d’un sys-tème de prescription qui souhaite proscrire despratiques considérées probablement commemoralement répréhensibles : l’utilisation deproduits dopants ou tout au moins stimulants.« L’eau pure » s’affronte à « des produitsspéciaux » (relation d’opposition).

La nature, en quelque sorte, se trouve enmise en conflit avec la chimie ou la pharmaco-pée. Le pur est face à l’impur, mais l’on voitbien que c’est avant tout le secret qui est décisifpour qu’il y ait possibilité de soupçon. Or,comme Géo André lève le secret et dévoile « lepur », l’aide ergogénique proposée devient detoute évidence non problématique. Il semblebien, mais, à ce stade, il ne s’agit que d’unehypothèse, que ce triptyque (pur, impur,

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secret) soit explicatif de la logique de la trans-formation d’une aide ergogénique en dopage.Pourtant, dès lors que la notion de pureté et detransparence totale est établie, l’impur peutêtre cerné. Il faudra tout de même attendrel’après Seconde Guerre mondiale pour que leschoses deviennent évidentes. C’est, en effet, lerapport vie (nature, pureté, ordre) – mort(impureté, chimie, pollution, souillure, désor-dre…) qui va être sollicité pour prescrire leslimites de l’acceptable.

AVANT 1955, LA DÉFINITION DE LA PURETÉ

Avant l’affaire qui va défrayer le Tour deFrance 1955, le dopage n’est que très rare-ment évoqué explicitement par les médias étu-diés. Lorsqu’il l’est, il ne s’agit que desuspicion. On peut même se demander si unecertaine tolérance n’est pas de mise pour l’uti-lisation de produits stimulants finalementpresque associés à des « fortifiants ». C’estpourtant la pureté qui est mise en avant dansles pratiques des coureurs. C’est même unesorte de pureté ascétique.

LA CONSTRUCTION DE LA PURETÉDANS LA NOURRITURE ?

Les mises en scènes des corps des athlètes etdes coureurs vantent plutôt une alimentationsaine, avec éventuellement des aides curativestelles « les pointes de feu » (c’est-à-direl’implantation d’aiguilles rougies au feu dansdes zones inflammatoires : principe du traite-ment du mal par le mal).

Au début du XXe siècle, notamment dansLa Vie au grand air, ce qui est évoqué, ce sontplutôt des « fraudes en tout genre », notam-ment des clous semés sur la chaussée, des tri-cheries de type prise de raccourcis, utilisationde nourriture hors des points de ravitaille-ment… La pureté de l’athlète n’est pas vrai-ment remise en cause. C’est davantage lesystème qui est contesté.

Un article de ce périodique, en 1904 estexplicite : « Ils trichent tous dans cette course »(no 597).

Les rares éléments qui puissent être trouvésau début du siècle concernant les aides ergogé-niques sont : une nourriture saine (thé, cham-pagne, café, limonade, viande rouge…) et unentraînement rationnel (les coureurs améri-cains, en 1919, dans LVAGA).

Pourtant, comme on l’a vu, des éléments desuspicion existent en arrière-plan (en une sortede deuxième degré), tels l’article de Géo André,en 1922, et quelques autres textes qui serontétudiés plus loin.

Cela suppose donc que, dans un premiertemps, la notion de dopage soit déjà pensée(et pourquoi pas actée). Or il n’est pas sûrqu’au cours de cette période, on soit tout à faitcertain de ce qui est « dopant » et de ce qui nel’est pas. En tout cas, l’usage de produits médi-caux ne semble pas vue comme une atteinte à lapureté essentielle du sportif, car il semble quecette pureté soit en cours de définition. Enquelque sorte il faut délimiter d’abord le purpour pouvoir éventuellement plus tard présup-poser l’impur. Or, socialement, la définition dusportif de haut niveau n’est sans doute pas alorstotalement construite sur ce système mythologi-que. Il n’est même pas sûr que le fait d’ingérerun produit chimique puisse changer la natureconçue comme fondamentalement pure dusportif.

POUR PENSER LE DOPAGE DÉFINIR L’IMPURET LE PUR ?

Or, si l’on s’en tient aux archéologies réali-sées par Michel Foucault notamment concer-nant la folie et la sexualité, il faut comprendreque la folie se met vraiment à exister à partir dumoment où se développent la raison et la ratio-nalité (Foucault, 1962). Le discours sur ledopage ne peut exister alors, en quelque sorteque comme le contrepoint d’un état de « pureténaturelle », décrit dans les premiers articles sur

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le sport. Il ne peut exister que lorsque le« sain » et le « malsain » ont été mieux définis etmieux délimités ou plutôt lorsque l’on sera cer-tain que le sport est l’incarnation de la pureténaturelle du corps (pureté naturelle du corpsqu’il va falloir penser et construire dans un pre-mier temps).

Il convient donc, pour les médias, toutd’abord de faire le tour de la « pureté ». C’est lelot de la plupart des articles du début du siècle,au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondialeet peut-être même jusqu’à l’affaire Malléjac. Ils’agit en fait d’ériger le coureur et l’athlète enmodèles de pureté.

Globalement, à part le Koto, boisson à basede Coca (L’Auto, 27 juillet 1914, 5) préconiséepour améliorer le rendement dans les cols, trèspeu d’articles parlent de dopage au sens strictavant la Seconde Guerre mondiale. L’alcool estévoqué tantôt comme stimulant, tantôt commehandicapant dans les épreuves de montagne(« L’alcool est un poison violent », L’Auto,4 août, 1907, 3). L’eau est vantée. Le café et lethé sont plutôt valorisés, mais parfois aussidécriés pour leur fonction irritante.

Rien n’est dit sur l’atropine, la strychnineou d’autres dopants utilisés alors pour leschevaux et que l’on sait, par d’autres sources(De Mondenard, 1990), avoir été utilisés par leshommes au cours de cette période. Cela tientpeut-être au fait que l’impur et le pur ne sedéfinissent pas selon les mêmes limitesqu’aujourd’hui et qu’en outre ces pratiquessont des pratiques individuelles et non collecti-ves qui, de ce fait, ne peuvent pas être vues parles journalistes comme un « secret de famille »,comme ce sera le cas après la Seconde Guerremondiale.

LES SOIGNEURS IMPURS ?

Cependant, quelques soigneurs sont stigma-tisés comme connaissant des « secrets » que par-fois ils emportent dans la tombe… C’est cettenotion de secret perdu qui est perçue comme

gênante par les journalistes rédacteurs desarticles.

Un article, clairement, fait allusion, dansLa Vie au grand air, en 1900 (84, 41), à la piqûremagique dont seul un soigneur connaît larecette, mais dont le coureur lui-même ne con-naît pas le contenu : « Dans l’exercice de sesfonctions, le manager fait un peu acte de méde-cin et la seringue Pravaz, n’a pas de secret pourlui, si elle en conserve pour l’épiderme de sonpoulain » (LVAGA, 84, 41).

Deux éléments sont à noter dans ce courtpassage : la notion de secret qui laisse tout demême le coureur « pur » face à la possibilitéd’impureté de la seringue et le fait que le cou-reur soit appelé « poulain », ce qui renvoie auxcourses de chevaux et donc à un possibledopage ou du moins à l’utilisation de produitsimpurs issus de l’hippisme.

Très vite, face aux médecins, les soigneurssont mis à l’index. Ils sont perçus comme nocifspour les coureurs. Ils deviennent les véhiculesprivilégiés de l’impureté. Il est même questionde les supprimer et de les remplacer systémati-quement par des médecins.

On est persuadé que ce sont eux qui four-nissent aux coureurs les drogues que l’on soup-çonne d’être de plus en plus utilisées (à partirdes années trente mais surtout après laSeconde Guerre mondiale) mais sans preuve.Quelquefois, la suspicion s’exprime, maisaucune preuve n’est avancée. On parle, parexemple dans L’Auto du 8 juillet 1907, de pré-paration par les entraîneurs de « breuvagesréparateurs » sans autre précision.

De fait, les amphétamines sont certainementarrivées en France avec les soldats américainsqui ont débarqué en 1944 en Normandie etsurtout avec les pilotes de la RAF lors de labataille d’Angleterre, mais il n’est pas possible(selon d’autres sources disponibles) de direqu’avant cela il n’existait pas d’autres formes dedoping. Rien n’est en tout cas clairement indi-qué dans les articles des journaux étudiés, anté-rieurement à 1955.

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Ce qui est certain, c’est la mise en exerguedu rôle néfaste des soigneurs aussi bien en ath-létisme que dans le Tour de France : « Elleprouve que les fraudes on dû être nombreuseset que la suppression des entraîneurs et surtoutdes soigneurs est quasi illusoire » (LVAGA,1904, 232, 558).

Or pourquoi ceux-ci seraient-ils plus qued’autres les véhicules de « l’impur » ? Pourquoien outre les coureurs seraient-ils exonérés desprocédures de dopage ? En fait, il s’agit de faireporter la faute sur l’étranger (l’extérieur) maisaussi sur le plus faible au plan symbolique, afinde ne pas récuser le principe de « pureté » (par-fois naturelle, toujours avec la métaphore del’eau pure), mais aussi de la « pureté de la race» sur lequel se fonde l’activité sportive dès l’ori-gine et le cyclisme en particulier. L’être pur enconstruction, c’est le champion. Le soigneur,lui, peut être impur, ce qui n’altère pas la sym-bolique pure du premier, au contraire. On voitdonc bien que c’est ce concept de « pureténaturelle » ou « essentielle » qui est le consti-tuant fondamental du corps du sportif, pas dumonde sportif. Au contraire le négatif des soi-gneurs définit en quelque sorte le positif descoureurs.

L’AFFAIRE MALLEJAC.LA PURETÉ MISE EN DANGER ?

C’est la dichotomie pur vs impur, sain vsmalsain qui conduira à la naissance d’une véri-table lutte étatique contre le dopage à partirdes années soixante et à sa dénonciation par lesmédias audiovisuels et bien sûr écrits. Onretrouve bien évidemment de ce point de vueles systèmes d’oppositions et d’interdits mis enévidence par Mary Douglas (notamment dansL’Anthropologue et la Bible, 1999 mais aussi bienplus tôt dans Purity and danger, 1967) : « Laréflexion sur la saleté implique la réflexion surle rapport de l’ordre au désordre, de l’être aunon-être, de la forme au manque de forme dela vie à la mort. Partout où les notions de saleté

sont hautement structurées, on découvre, enles analysant, qu’elle mettent en jeu ces thèmesprofonds. C’est pourquoi la connaissance desrègles relatives à la pureté est une bonne façond’entrer dans l’étude comparée des religions »(Mary Douglas, 2001, 62).

En fait les interdits et les permis alimen-taires, nutritionnels, mais aussi comportemen-taux sont la métaphore de la structured’une société. Ainsi les aides ergogéniques,lorsqu’elles se muent en dopage (donc eninterdit alimentaire et nutritionnel), témoigne-raient de la société sportive dans laquelle elless’inscrivent.

Ce point de départ n’est pas, contredit parles articles recueillis, bien au contraire. Lesmédias écrits explorés ne se préoccupent pasdu dopage de manière claire avant l’affaireMalléjac (art. du Miroir des sports, 4 juillet 1955),c’est-à-dire au moment où l’on constate que del’opacité touche le comportement de certainsconcurrents au regard d’aides médicamenteu-ses. L’article cité ci-dessus affirme pourtantque « l’effondrement de Mallejac a remis ledoping d’actualité ». Cette remise d’actualitésemble, au regard de l’étude, davantage corres-pondre à une « mise d’actualité ». En effet,antérieurement, si cela doit certainement êtrediscuté entre les journalistes (anciens coureursla plupart du temps), les coureurs ou entraî-neurs, rien d’aussi évident n’apparaît dans lecorpus traité. Les journalistes sportifs n’évo-quent ces problèmes qu’exceptionnellement etsurtout la plupart du temps en les traitant avecdérision ou humour, comme si le dopage étaitun jeu peu important et qui de toute façon seretournait nécessairement contre celui qui lepratiquait. Ainsi, si le secret du dopage existe, ilest bien gardé par les médias ou du moins parles journalistes sportifs. Peut-être n’est-il pasune réelle préoccupation du temps.

C’est la défaillance proche de la mort (indi-quant de toute évidence un malaise dans lasociété sportive : voir le binaire vie-mort deMary Douglas) qui conduit à révéler le secret.

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L’effondrement de Mallejac entraîne uneenquête sur « le mal honteux du cyclisme, malprotégé par une véritable conspiration dusilence » (Le Miroir des sports, 1955/4/07, 39). Laquestion serait de savoir pourquoi les journalis-tes sportifs et les médias sportifs, sans douteinformés depuis longtemps du phénomène,décident alors de le laisser éclater pour le grandpublic. Sans doute, y ont-ils perçu un dangerpour l’équilibre du pouvoir dans la sociétésportive.

Le docteur Dumas qui est en quelque sortel’égérie de la lutte antidopage dans le Tour deFrance, selon l’article paru au même momentdans L’Équipe, affirme qu’il est « décidé à porterplainte pour tentative d’empoisonnement ».

Une question lors de cette affaire subsistepour les journalistes et le docteur : « qui a pré-paré la “ topette ” ? » Or, si le regard des jour-nalistes se tourne vers les soigneurs, comme cesera souvent le cas, le discours du DocteurDumas évoque lui une « conspiration du silencedes coureurs » : « Marcel Bidot a découvertrécemment dans une chambre des cachets quine sont délivrés que sur ordonnance et quipeuvent avoir des effets extrêmement redouta-bles. Quand il a demandé à qui ils apparte-naient ce fut la conspiration du silence [...] ici àL’Équipe nous n’avons cessé de nous élever con-tre le doping » (L’Équipe, 14 juillet 1959).

En réalité, en fonction du modèle théoriqued’analyse que nous utilisons, les coureurs nepeuvent qu’être « purs » puisqu’ils ont été sym-boliquement construits ainsi. S’ils préserventun secret, c’est pour le rester, mais paradoxale-ment une deuxième logique est extrêmementefficiente également : celle qui valorise la trans-parence absolue et donc le « non-secret », voiresa prohibition. Ainsi, tout produit « pur » peutdevenir « impur » s’il est entaché du sceau dusecret, sauf s’il s’agit du « secret médical » qui,lui, reste considéré comme licite et pur, finale-ment. Le médecin est alors perçu comme levecteur principal du rétablissement de l’ordresocial.

Après la défaillance de Malléjac, clairementet rapidement associée à la prise d’amphétami-nes, vient la mort du Danois Jensen en 1960(art. de L’Équipe, 30 août 1960) — on y revien-dra — qui fait éclater au grand jour d’une partla prise de « Ronicol » (médicament qui intensi-fie la circulation du sang) et, d’autre part, ladangerosité sanitaire réelle de ces produits.Une sorte de bascule du normal et du patholo-gique se produit là qui va finalement de lalimite de la vie à la limite de la mort. Le produitcensé guérir tue. Le modèle de pureté (le spor-tif) a été souillé par l’impureté (le produit chi-mique) et en est mort en victime expiatoire enquelque sorte.

À partir de 1964, Le Miroir des sports exprimeclairement qu’un contrôle antidoping s’est misen place.

Mais, dès le 13 juillet 1966, une grève descoureurs vise à protester contre « les contrôlesmédicaux qui ont eu lieu la veille au soir dans lecadre de la loi antidoping » (en cela ils disentfinalement – dans un double discours – sedoper en revendiquant un statut de « pureté »essentielle). Ils sont purs comme l’eau, paressence, c’est pour cela qu’ils ne veulent pas sesoumettre au contrôle, et souillés, impurs parleur refus de se soumettre au contrôle.

On voit donc que ce sont les acteurs eux-mêmes qui refusent ces contrôles. L’imagede Virenque, dopé « à l’insu de son pleingré », donnée par les « Le Guignols de l’info »,sur Canal Plus, en 2000, en France, doitdonc être finement analysée, car elle porteprobablement un certain statut de véracité auregard de ces premiers rapports au contrôle etnon seulement une perspective humoristique.Le coureur se trouve doublement investisymboliquement : le groupe, peut-être d’unemanière secrète, lui apprend à prendre desproduits dopants, la société lui impose lapureté essentielle (la métaphore initiale del’eau). Il est bien dopé à « l’insu de son pleingré », puisque sa symbolique pure interdittoute aide ergogénique et a fortiori le dopage et

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qu’à l’inverse le niveau de performance (ainsique les enjeux sportifs et financiers) requis parle Tour nécessite ce dopage mais dans le secretdes chambres et des hôtels.

Sans doute s’agit-il ici du système mis en évi-dence par Mary Douglas pour tout ce qui con-cerne les prescriptions nutritives, corporelles etautres, dans les grands textes religieux.L’impur permet de délimiter la cohésion de lasociété et du groupe social. Le mythe fonda-mental du sport serait donc la pureté naturelled’un individu, pureté assez proche finalementde la symbolique religieuse de l’Eden (avant lapomme et ou avant que Prométhée ait volé lefeu aux Dieux).

LES LIMITES DU SECRET ET DE LA PURETÉ

Dès l’avant Première Guerre mondiale, desprises de produits suspects sont décrites parles journalistes qui pourraient venir entacherl’idéal de pureté du sportif. Mais l’évidencen’apparaît, pendant longtemps, que lorsd’erreurs de dosages, peut-on supposer, ou decrises graves. Des malaises très caractéristiquessemblent alors témoigner de pratiques discu-tables pour les journalistes : « Je trouvaiDuboc dans d’affreux hoquets pris de nauséesqui le rendaient verdâtre, atteint d’une diar-rhée terrible et de vomissements douloureux.[...] Il attribua son malaise à l’ingestion demets dont il s’était ravitaillé au contrôled’Argelès [...] Je flairai moi-même un bidonqu’il avait à côté de lui et qui me paraissait nepas sentir l’odeur du thé » (L’Auto, 21Juillet 1911, p. 1).

C’est toujours derrière les produits nonrévélés que se dissimule le mal (cela revientfinalement à la possession par le Diable auXVIIIe siècle). Le secret crée la suspicion média-tique et journalistique : « et quelques médica-ments dont Bauget a le secret » (L’Auto,4 juillet 1914, 5) ; « Vous me permettrez de nepas livrer mon secret à mes concurrentséventuels » (LVAGA, 1920, 412, 14).

Parfois, la volonté de connaître ces secrets serapproche d’une forme de rumeur : « Certainscoureurs se livrent, dit-on, à une mystérieusealchimie de petits flacons destinés à rehausserle plafond de leurs possibilités en les plongeantdans un état d’hypnose » (L’Équipe, 26 juillet,1950, 7).

Le seul élément qui pourrait rassurer dansce domaine serait le contrôle médical car, dansce cas une caution permet de valider le secretou du moins de faire basculer vers la deuxièmelogique explicative, celle de la pureté. Un pro-duit validé par la médecine et non secret auxyeux des médecins devient automatiquement« pur ». Le secret medical, dans ce cas, annulel’autre secret : « On vous a déjà, à leur sujet,parlé de petites fioles mystérieuses, d’injectionsintramusculaires ou intraveineuses à dosesmassives [...] tout cela s’inspire, désormais, dansla préparation des progrès de la médecine »(L’Équipe, 1er août 1950).

Mais les médecins eux-mêmes peuventdevenir suspects au fur et à mesure que ledopage semble aussi porté par leur corporation(à l’exception de l’icône antidopage qu’est ledocteur Dumas dans le tour de France) : « Lemédecin personnel d’Ercole Baldini est venurendre visite au champion italien à la veille desétapes pyrénéennes. [...] Le médecin parti, Bal-dini s’est retrouvé de Luchon à Carcassonne »(Le Miroir des sports, 9 juillet 1962, p. 9).

À partir du moment où les contrôles antido-pages deviennent possibles et d’une certaineefficacité, les coureurs peuvent eux-mêmes êtrel’objet de la suspicion. Tom Simpson, quimourra d’une prise massive d’amphétamine,est soupçonné de dopage alors qu’il s’est faitquelque temps auparavant l’apôtre de la lutteantidopage… en disant ne compter que sur sonentraînement et sur sa vie saine : « Tom Simp-son n’a pas l’air très à son affaire. [...] NotreAnglais serait-il douillet ? [...] Il ne s’agit qued’une banale prise de sang à laquelle il a dû sesoumettre lors des opérations de contrôle àRennes » (Le Miroir des sports, 22 juin 1964, 10).

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DES ALLUSIONS

La notion de drogue est de toute façonomniprésente en arrière plan du discours jour-nalistique, même si, bien souvent, c’est pourprésenter un comportement « pur ». Ce com-portement s’inscrit justement comme une cau-tion antidrogue, même si le mot drogue estutilisé, laissant supposer d’autres droguespossibles : « Ce fut pour moi ma drogue »(L’Auto, 1er Juillet 1912, 5).

Dans ce cas, il s’agit du démarrage d’un autrecoureur, mais on peut supposer que si le cou-reur affirme cela, c’est qu’il existe d’autres for-mes de drogue qui sont utilisées. « Bobet est mondoping » (Le Miroir des sports, 25 juin 1951, 14).

Même lorsqu’un adversaire est décritcomme le doping (le stimulant devrait-on dire),cela signifie que le doping est bien validé par lescoureurs ou par les journalistes, même si icic’est d’un doping « pur » dont il est questioncomme dans l’article de Géo André cité plushaut. La suspicion existe bien, même si ledoping est banalisé ou plutôt dédramatisé :« Le doping de Louison (sa femme) » (L’Équipe,21 juillet 1951).

Mais, que l’on ne s’y trompe pas, ce discourscontribue aussi à protéger les coureurs de lasouillure du dopage en évoquant en quelquesorte des dopages « naturels », non chimiques.

Le 9 juillet 1952, un article explique qu’uneépidémie sème le doute parmi le Tour deFrance. Le nombre important de coureursmalades au départ de Luchon et présentanttous les mêmes symptômes (maux de ventre,certains ne tiennent plus debout) ne laisseguère de doute : le dopage est dans le peloton.

Les médecins personnels autres que ceuxdu Tour de France sont désignés responsablesdes défaillances causées dans le Tour. Cesmédecins externes au Tour sont jugés impurspar le médecin chef du Tour, le docteurDumas. Mais ce sont aussi encore une fois lessoigneurs qui sont les plus visés par ce dernier.

Dumas demande en effet, à l’UVF, en 1958,qu’un diplôme de masseur soigneur soit attri-bué aux auxiliaires qui encadrent les coureurs.Le changement de statut du soigneur s’accom-pagne d’une transformation du statut del’impur vers le pur. La spécialisation est, enquelque sorte, une forme de purification réta-blissant l’ordre.

Ces premiers incidents sèment le trouble eten annoncent d’autres plus violents : le30 août 1960, durant les Jeux olympiques deRome (on l’a dit plus haut), le Danois Jensendécède des suites d’un dopage. Mais les jour-naux ainsi que le Comité international olympi-que (CIO) tentent d’étouffer l’affaire et lerapportent tel un fait divers.

Il est important de signaler que l’article nar-rant cette mort suspecte est noyé parmid’autres, à la fois par sa taille, extrêmementpetite, et par la nuée d’articles qui l’entourent.Il en va de même, des résultats de l’analyse del’autopsie, révélant que le sportif était dopé. Le12 septembre 1960, un article du Miroir dessports explique que la commission exécutive duCIO déclare que E. Jensen était drogué. Cesrésultats n’apparaissent qu’une fois les Jeuxolympiques terminés. On en déduit que ledopage est extrêmement gênant pour l’imagedu sportif et plus largement du sport, voirepour les journalistes sportifs eux-mêmes. Mani-festement, la mort du Danois Jensen est unsujet rejeté à l’arrière-plan par une abondancede « bonnes nouvelles ». D’une certainemanière, « vendre du corps pur » est une prio-rité pour les chroniqueurs.

LA RÉVÉLATION DE L’IMPURETÉ

Suite à ces affaires une véritable omertamafieuse est révélée. L’affaire Malléjac est ledéclencheur de diatribes médiatiques : « depuisl’ouverture d’une enquête sur le doping [...]l’allure de la course avait sérieusement faibli eneffet » (L’Équipe, 21 juillet 1955).

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103Le dopage dans quatre grands périodiques sportifs français de 1903 aux années soixante

On peut même constater que plusieurs arti-cles dans L’Équipe, intitulés : « Pas de fuméesans feu » à partir de la fin des années cin-quante (1958) se consacrent uniquement audopage. En effet, le monde de la presse spor-tive a sans doute perçu l’impérative nécessité detoujours faire apparaître le sport comme« pur » et les sportifs comme « purs ». Il s’agitdonc de stigmatiser les produits « impurs » etceux qui les utilisent. On peut même se deman-der si certains éléments publiés ne relèvent pasdavantage du fantasme que la pharmacopéeréelle ou des aides ergogéniques. La nitroglycé-rine, désignée comme l’un des dopants utilisé,est effectivement un accélérateur sans pareilpour les moteurs des dragsters, mais on peuts’interroger réellement sur son utilité en ter-mes d’aide ergogénique. Pourtant, dans laperspective de Mary Douglas, cette définitionde la souillure n’est pas tant là pour elle-mêmeque pour ce qu’elle définit d’un ordre socialinterne.

On constate, dans ce qui suit, que les mas-seurs soigneurs sont toujours les premiersexposés alors qu’à l’inverse le médecin protégé,du moins au cours de cette période, par soncapital culturel et symbolique (ses études demédecine semblent agir comme un bouclieranti-suspicion et surtout on imagine que sonserment d’Hippocrate ad primum non nocere –tout d’abord ne pas nuire – rend impossibleson implication dans la mise en danger des cou-reurs) est celui qui conserve un statut de « pur» et de protecteur du « pur ». Un algorithmes’établit ainsi : sport = santé, médecine = santé,médecine + sport = pureté et santé.

« Pas de fumée sans feu.La vraie dynamite est entrée dans la course.[...] À Luchon, le Docteur Dumas a réuni lesmasseurs soigneurs de façon à lutter contre lanouvelle offensive des dynamiteurs du Tourde France. [...] Le danger est d’autant plusgrand que de nouveaux produits sont, paraît-il, utilisés et notamment, tenez-vous bien, desdérivés de la nitroglycérine ».

(L’Équipe, 12 juillet, 1958)

La série des articles « Pas de fumée sansfeu » se poursuit à la suite toujours de l’affaireMalléjac. L’idée dès lors développée, dans lamesure où il y a une impossibilité de contrôle etde mise en place d’une transparence totaledans le domaine de l’utilisation de produits,réside dans le fait de mettre en place un certainordre dans l’utilisation, ordre qui pourrait êtregéré par les médecins non corrompus, àl’inverse des soigneurs visiblement de plus enplus suspects d’impureté :

« Pas de fumée sans feu.D’après le docteur Talbot, c’est l’anarchiepleine et entière dans le domaine de la« charge » anarchie d’autant plus dangereuseque certains coureurs prennent n’importe quoiet n’importe comment. Et s’il faut admettre quelesdits coureurs ne peuvent pas marcher à l’eaude source, il importe pour leur sécurité qu’ils nefassent pas la course aux potions pour mieuxmener la course sur route ».

(L’Équipe, 9 juillet 1959)

Finalement, dans ce passage (et à partir de lafin des années cinquante d’une manière plusgénérale), le journaliste semblerait admettrequ’une « charge » non anarchique, peut-êtresous contrôle médical, serait acceptable dans lamesure où les coureurs « ne peuvent pas mar-cher à l’eau de source ». On voit encore réappa-raître la métaphore de la pureté virginale del’eau, mais cette fois le constat est tout à rebourspuisqu’il s’agit de dire que cette pureté ne per-met pas aux coureurs de fonctionner dans lesconditions normales de la course. Autrementdit, le concept de pureté semble avoir basculé ducôté du « contrôle médical » et non plus de celuidu produit lui-même (qui ne peut être impur s’ilest décrété recevable par la médecine).

On notera aussi que la dénomination dudopage a changé : « topette » est devenu« charge » certainement dans le langage descoureurs et dans le langage journalistique. Celaévidemment peut convaincre au plan anthro-pologique du fait que si un langage de ce type(codé) existe, c’est qu’il fait partie du signe de

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distinction du groupe et participe du lien socialdans le groupe. Le groupe, par ce langagecodé, se distingue des autres groupes et pro-tège son « secret » et son capital symbolique(voir Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire).Cela dit aussi que derrière le mot se dessinel’existence de la chose instituée…

En tout état de cause, à partir de cemoment, le dopage est bien devenu ou sembledevenu une certitude pour les journalistessportifs. Plus aucun doute ne subsiste. Il nereste plus que deux éléments pour que le sys-tème mythique touche ses limites : d’une part,la réalisation d’un sacrifice (ce sera Tom Simp-son) et, d’autre part, la délimitation du permis

et de l’interdit au regard de la vie et de la mort.Or la médecine reste le seul garant réellementpertinent dans ces domaines (c’est le biopou-voir défini par Michel Foucault). Les médecinsvont donc s’appliquer à délimiter le licite etl’illicite. Les articles en témoignent. La trans-parence dans l’utilisation de produit est l’unedes conditions du licite. C’est également ce quiconstitue le produit comme produit pur.

Le tableau qui suit permet de comprendrece qui relève du pur et ce qui relève de l’impurmais aussi comment le secret peut jouer unrôle dans la définition de la pureté et del’impureté. Les articles étudiés sont éloquentsde ce point de vue.

Tableau 2

AIDES NON SECRÈTES LICITES ET PURES ?

Le docteur Dumas, égérie de la lutte contrele dopage dans le tour de France, utilise parexemple une substance que l’on pourrait pen-ser impure mais, comme dans ce cas, l’idée estde rendre plus « sain » et de s’orienter du côtéde la vie du coureur, voire de sa survie, le pro-duit non secret retrouve le statut de « pur ».Caché, il serait probablement « impur ». « Ledocteur Dumas lui a fait une infiltration denovocaïne » (Le Miroir des sports, 5 août 1956).

La déclaration d’un coureur, dix ans plustôt, suffit à rendre « pur » un produit, mêmesi la transparence n’est pas totale, puisquel’on ne sait pas ce qu’est le produit. On se sou-vient qu’en 1903 la seringue Pravaz dissimu-lant son contenu au coureur était soupçonnéed’« impureté » ou du moins faisait l’objet d’unecertaine suspicion : « J’aurais pas pu repartird’Aix malgré Manchon si je ne m’étais pas fait

faire 6 piqûres dans le genou d’un produit queje sais qu’il me réussit » (L’Équipe, 1er août1946).

Une défaillance peut même être expliquée,comme on le voit ci-dessous, par un produitsoignant alors que dans le cas d’une « potioncachée », celle-ci (voir l’épisode décrit plus hautde Luchon) était de manière implicite associéeà un doping mal dosé ou à une absence dedoping : « Il n’y a rien d’alarmant dans l’état deVietto, il subit tout simplement le contrecoupdes piqûres de pénicilline mais cela passerarapidement » (L’Équipe, 10 juillet 1947).

Dans l’extrait qui suit dont un des protago-nistes est un futur journaliste sportif extrême-ment médiatique, on constate que le seul fait derévéler la prise de cachet suffit à ôter la suspi-cion. La notion de « secret », de dissimulationest donc bien une des clés pour ce qui concernele passage d’une aide ergogénique licite audopage (de l’autorégulation à l’hétérorégula-

Pur Impur

Secret Impossible sauf médical, médecin Topette, charge, dopage, soigneur

Non secret, transparentEau pure, sucre, alimentation équilibrée,

produits médicamenteux, fortifiants, prescriptions médicales

Impossible sauf dévoilement légal du dopage

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tion pour Yves Boisvert), pour le passage dupur à l’impur. Même si, dans ce qui suit, le con-tenu des « cachets » n’est pas révélé (ce pourraittrès bien être une « charge » anarchique !), lefait de rendre publique la « prise » supprime lestigmate et la suspicion.

« Chapatte n’avait pas dormi de la nuit [...]Robert absorba 7 cachets pour tenter d’apaiserla douleur ».

(L’Équipe, 25 juillet 1950)

Parfois, la métaphore de l’eau pure estreportée sur d’autres produits explicitementmis en exergue, dans ce cas le double systèmedu « pur » et du « non secret » coïncident et, defait, se superposent. Par exemple, le sucre estmontré comme aide ergogénique pure. Sablancheur est d’ailleurs souvent mise en avant,au-delà de ses qualités énergétiques. Des systè-mes mythiques plus profonds semblent doncorganiser le discours de la « pureté ».

Un produit douteux peut même être mis enavant dans la mesure où la révélation en estfaite par le coureur lui-même. Ainsi, quelquetemps avant l’affaire Malléjac, on constate quele journaliste qui rédige l’article qui suit nesemble pas du tout choqué par la propositionfaite à un célèbre coureur. Au contraire, ellesemble naturellement acceptée. Pourtant, ils’agit probablement d’une proposition de« charge ». La seule révélation finalement« purifie » le produit : « un vétérinaire desSaintes lui propose un produit sensationnel etinoffensif qui produit une “ telle révolutiondans le système nerveux ” qu’un cycliste quel-conque grimpe des côtes habituellement inac-cessibles pour lui » (L’Équipe, 10 juillet 1954).

CONCLUSION PROVISOIRE

L’analyse des articles de périodiques sportifsà grande diffusion de la fin du XIXe siècle auxannées soixante permet de tenter de détermi-ner les conditions d’émergence de la réproba-tion du dopage sportif mais aussi pluslargement les conditions de proscription et

d’autorisation de la prise de certains produits.Il permet de repérer au minimum à quelmoment le dopage sportif devient une réalité etun problème aigu pour le monde du sport engénéral et pour le monde médiatique en parti-culier.

Il semble bien qu’une rupture radicales’opère au moment de l’affaire Malléjac dans leTour de France 1955 qui fait considérer le cou-reur comme ne devant être au contact d’aucunproduit jugé dangereux pour sa propre santé.

Antérieurement, le discours cherche surtoutà définir les conditions de la pureté d’un cou-reur ou d’un athlète et si des éléments de sus-picion peuvent parfois se faire jour, rien n’estclairement révélé. En fait, le regard n’est pasalors tourné vers le produit mais davantagevers la définition de la pureté du sportif lui-même. La race est dans un premier temps con-çue comme l’élément majeur de constitution dela « pureté » du corps sportif. L’impur se situeen quelque sorte dans les gènes au cours d’unepremière période.

À la suite, dans la mesure où la race ne peutplus être évoquée comme élément décisif,notamment après la Seconde Guerre mondialeet le nazisme, c’est le régime alimentaire et lerégime sanitaire qui permettent de définir leslimites de la pureté d’un corps sportif. Les pro-duits chimiques et autres substances, bio- oupsychotropes, mettent en danger la pureté toutcomme les soigneurs ou les médecins corrom-pus. L’impur est toujours pensé comme élé-ment d’altération de la pureté sportive et celad’autant plus que le secret vient surdéterminerl’impureté. La métaphore de l’eau pure (trans-parente et sans élément additionnel) présenteest finalement celle qui est associée au corps dusportif, même au début des années cinquante.Tout produit pouvant corrompre cette eaupure est déclaré impur. À partir de ce moment,plus personne ne peut être exempt d’impureté.Même les médecins, protégés un moment parle serment d’Hippocrate, ne peuvent être lavésde tout soupçon.

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En fait, au travers de la définition du pro-duit dopant, dans les discours médiatiques,c’est à la fois le corps sportif et l’ordre sportifqui sont définis. Ceux-ci pourtant dans unesorte de double aveugle s’affrontent à un ordrecontradictoire celui de la performance et del’argent qui valident l’impur, face à cette puretéinitiale. On voit en tout cas qu’émerge au fil dutemps dans le discours médiatique la construc-tion d’un ordre social où le seul modèle ducorps est celui d’un corps idéalement pur etnon souillé par une pollution chimique, corps,microcosme, qui correspond bien, en ce sens, àune métaphore du monde dans lequel il sesitue ainsi qu’à la représentation du macro-cosme.

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WALDER, G. (1999), L’athlète et le dopage, Paris, Vigot.YONNET, P. (1998), Système des sports, Paris, Gallimard.

ZUSAMMENFASSUNG : Doping während dreier großer Perioden des französischen Sports von 1903 bis1998. Das Geheime, das Reine, das UnreineDie Printmedien sind seit dem 19. Jahrhundert an Prozeduren der sportlichen Leistungssteigerungund leistungsfördernden Mitteln beteiligt. Eine Analyse des Diskurses in Frankreich zeigt einUmschwenken dieser Diskurse Ende der 50ger Jahre, speziell mit der Affäre Malléjac. Obwohl Leis-tungshilfen zu diesem Zeitpunkt kein Problem zu sein scheinen, zumindest nicht völlig verurteilt wer-den bzw. nicht einmal erwähnt wurden, ändert sich der Diskurs plötzlich. Doping wird massiv vonJournalisten verdammt und führt zur Einführung einer wahrhaften Polizei bei der Tour de France. DieTheorien der amerikanischen Anthropologin Mary Douglas sowie das Konzept von Geheimnisvs Transparenz können vielleicht zu einem ersten Verständnis dieses komplexen, ja sogar widersprüch-lichen Phänomens beitragen. Auf jeden Fall erlauben sie es vom einfachen Verurteilen wegzukommen,um das System in seiner paradoxen Funktionalität zu analysieren.SCHLAGWÖRTER : Doping, Sportzeitungen, rein, unrein, geheim.

RIASSUNTO : Il doping nei quattro grandi periodi sportivi francesi dal 1903 al 1998. Il segreto, il puroe l’impuroI mass-media scritti fanno parte dalla fine del XIX secolo di procedure d’aiuto alla performance o diaiuti ergogenici. L’analisi del discorso tenuto, in Francia, mostra che si produce un’oscillazione in questidiscorsi attorno agli anni ’50, in particolare con l’affare Malléjac, mentre l’aiuto alla performance nonsembra porre problema maggiore o almeno non è oggetto di una riprovazione totale, o non è lo stessoevocato precedentemente, il discorso cambia radicalmente in quel momento. Massicciamente il dopingè oggetto contemporaneamente della riprovazione giornalistica e della messa in atto di una vera poliziain particolare nel Tour de France ciclistico. Le teorie dell’antropologa americana Mary Douglas, cosìcome il concetto di segreto contro trasparenza permettono forse di apportare un inizio di comprensionea questo fenomeno complesso e perfino ossimorico, permettendo in ogni stato di causa di lasciare il sem-plice giudizio di valore per analizzare il sistema nella sua funzionalità paradossale.PAROLE CHIAVE : doping, giornali sportivi, impuro, puro, segreto.

RESUMEN : El dopaje en cuatro grandes periódicos deportivos franceses desde 1903 hasta 1998.El secreto, el puro y el impuroLos medios escritos de comunicación, desdel final del Siglo XIX, revelan métodos para mejorar la marcadeportiva o ayudas ergo-génicas. El análisis de los discursos, en Francia, pone de manifiesto que unabáscula se produce en estos discursos al llegar los años 50, particularmente con el problema Malléjac.Mientras que la ayuda al resultado no parece plantear un problema primordial o a lo menos ser el objetode una reprobación total, y que no se menciona anteriormente, el discurso cambia radicalmente en esemomento. En masa, el dopaje encara la reprobación periodística y también la instauración de una ver-dadera policía, en particular en la Vuelta de Francia ciclista. Las teorías de la antropóloga americanaMary Douglas, así como el concepto de « secreto vs transparencia », permiten quizás empezar la com-prensión de este fenómeno complejo aun oximorico, y en cualquier caso permiten dejar el simple juiciode valor para analizar el sistema en su funcionalidad paradójica.PALABRAS CLAVES : dopaje, diarios deportivos, puros, impuros, secretos.

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