L’ASSOCIATION HISPANO-ISLAMIQUE: RÉFORMISME RÉPUBLICAIN, AVENTURE INTELLECTUELLE OU INTÉRÊTS...

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, HESPERIS TAMUDA Vol. XXXIX, Fase. 2 2001 SOMMAIRE - SUMARIO Alain ROUSSILLON. - La réforme et ses usages. Perspectives marocaines ..... 7 Alain ROUSSILLON. - Salafisme, réformisme, nationalisme. Essai de clarification 15 Abdelmajid KADDOURI. - Les réformes au Maroc : usages politiques, usages sociaux 39 Jamaá BAlDA. - La pensée réformiste au Maroc a la veille du Protectorat 49 Khalid BEN SRHIR. - L'impossible réforme : le prograrnme de John Drurnmond Hay (1856-1886) 71 Moharnmed EL AYADI. - Du fondamentalisme d'Etat et de la nasüia sultanienne: a propos d'un certain réformisme makhzenien 85 Azzedine ALLAM. - De la sujétion a la citoyenneté. ltinéraire du concept de ra 'iya 109 Bettina DENNERLEIN. - Savoir religieux et débat politique au Maroc : une consultation des gens de Fes en 1886 119 Mourad ZARROUK. - L' association hispano-islamique : réformisme républicain, aventure intellectuelle ou intéréts économiques 133 Hassan RACIDK. - Jma 'a, tradition et politique 147 Bénédicte FLORIN. - Politiques d'habitat et réformisme social sous le Protectorat. A propos de quelques discours sur les cités de logement populaire 157 Mina KLEICHE. - Aux origines du concept de développement. Quand J' irrigation devient enjeu de réforme agricole : nouvelle mise en ordre du paysage rural marocain dans l' entre-deux-guerres 175

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,HESPERISTAMUDA

Vol. XXXIX, Fase. 2 2001

SOMMAIRE - SUMARIO

Alain ROUSSILLON. - La réforme et ses usages. Perspectives marocaines ..... 7

Alain ROUSSILLON. - Salafisme, réformisme, nationalisme. Essai declarification 15

Abdelmajid KADDOURI. - Les réformes au Maroc : usages politiques,usages sociaux 39

Jamaá BAlDA. - La pensée réformiste au Maroc a la veille du Protectorat 49

Khalid BEN SRHIR. - L'impossible réforme : le prograrnme de JohnDrurnmond Hay (1856-1886) 71

Moharnmed EL AYADI. - Du fondamentalisme d'Etat et de la nasüiasultanienne: a propos d'un certain réformisme makhzenien 85

Azzedine ALLAM. - De la sujétion a la citoyenneté. ltinéraire du concept dera 'iya 109

Bettina DENNERLEIN. - Savoir religieux et débat politique au Maroc : uneconsultation des gens de Fes en 1886 119

Mourad ZARROUK. - L' association hispano-islamique : réformismerépublicain, aventure intellectuelle ou intéréts économiques 133

Hassan RACIDK. - Jma 'a, tradition et politique 147

Bénédicte FLORIN. - Politiques d'habitat et réformisme social sous leProtectorat. A propos de quelques discours sur les cités de logement populaire 157

Mina KLEICHE. - Aux origines du concept de développement. QuandJ' irrigation devient enjeu de réforme agricole : nouvelle mise en ordre dupaysage rural marocain dans l' entre-deux-guerres 175

Daniel RIVET. - Des réformes portées par des réformistes ? La parenthése de1944-47 dans le Proteetorat francais au Maroe 195

Moharned TOZY et Béatrice HIBOU. - Une leeture d'anthropologiepolitique de la eorruption au Maroe : fondement historique d'une prise deliberté avee le droit 215

Mostafa BOULOUIZ. - Ouverture et réformes éeonomiques 237

Moharnrned Najib GUEDlRA. - Les réformes sociales au Maroe : levolontarisme politique faee aux eontraintes du réel 247

Myriarn CATUSSE. - L'entrepreneur politique dans la réforme. Diseours etpraxis de la libéralisation 261

Moharned MOUAQIT. - Le mouvement assoeiatif maroeain et la réforme 289

Frédéric VAIREL. - L'année 1993 : infortunes d'un dessein royal et parolespubliques 301

Hespéris-Tamuda, Vol. XXXIX, Fase. 2 (2001), pp, 133-145.

L' ASSOCIATION HISPANO-ISLAMIQUE :REFORMISME REPUBLICAIN, AVENTURE

INTELLECTUELLE OU INTERETS ECONOMIQUES ?

Mourad ZARROUK

L' Association Hispano-Islamique (AHI) est passée discrétement dansl'histoire de la Deuxiéme République espagnole et du monde arabe qui était alorssoumis a différentes puissances coloniales. L' AHI était pour les uns et les autresune facon de réaliser un réve. Elle ne poursuivait pas un mais plusieurs objectifs.Cette convergence d'intéréts et ce jeu d'alliances compliqué ont donné lieu a uneexpérience unique dans l'histoire du colonialisme.

CREATION DE L'AHI: UN CONTEXTE HISTORIQUE FAVORABLE?Le 14 avril 1931, la Deuxiéme République était proclamé e a Madrid. Les

élections municipales du 12 avril avaient été le détonateur qui avait fait exploser lamonarchie d' Alfonso XIII. Aprés la chute de la dictature de Primo de Rivera, lesespaces de liberté devaient faire leur apparition, non seulement sur le sol de laPéninsule ibérique, mais aussi dans les colonies espagnoles. C' est dans ce contexteque l' ARI, aussi dénornmée "Foyer Arabe de Madrid", voit le jour dans la capitale.Trois mois plus tard, l' AHI est reconnue officiellement par les autorités espagnoles.Dans la déclaration publiée par le Conseil constitutif de l' AHI, le président del'association, José Franchy y Roca, et son Secrétaire Général, Enrique de Rafols,évoquent en ces termes le contexte historique de sa création :

Le changement de systéme politique qui a eu lieu en Espagne, il y a déja plusd'un an, gráce a la volonté inébranlable du pays, a libéré le peuple espagnoldes chafnes qui entravaient ses idées et pesaient sur son existence. Ces chainesne lui permettaient pas d'exprimer librement ses nobles sentiments, deprogresser, d'étre tolérant et de savoir apprécier la grandeur de son passé etle role qu 'il doit jouer dans le futuro La proclamation de la République apermis a l'Espagne de couper tous les liens qu'elle avait avec un systémerigide, avec le fanatisme religieux et la haine. L'Espagne peut penser et secomporter librement. Actuellement, elle a une Constitution qui lui permet deveiller librement sur ses intéréts et d' entretenir des liens d' amitié avec tous lespeuples, sans que les jacteurs de religion et de race ne soient un obstacle."

(1) Declaración de la Associación Hispano Islamica, Archivo General de la Administración(AGA), África, sección política, caja MI79, expediente 13, carpeta Al. Toutes les traductions destextes espagnols et arabes sont de l' auteur.

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On peut dire que les circonstances en Espagne étaient, théoriquement,propices a la création de l' ARI, étant donné que la République avait dü concéderdes espaces de liberté impensables durant la dictature. Au Maroc, dans la zoned'influence espagnole, les "indigénes" n'étaient pas moins enthousiastes que lesEspagnols. 'Allál Al-Fási envoya une lettre au l':íajj 'Abdessalám Bennouna justeaprés le changement politique en Espagne dan s laquelle le leader du Mouvementnational marocain incitait les nationalistes du Nord a demander certaines réformesaux autorités républicaines. Il écrit ainsi a Bennouna :

Comme vous savez; les républicains sont arrivés au pouvoir en Espagne.Zamora a été élu, et ce dernier était le leader du parti d'opposition au seinde l'ancien Gouvernement. Ce changement est une circonstance propice quele Maroc pourra rentabiliser."

De fait, Héjj Abdessalárn Bennouna se chargera de former une délégation quidevait rencontrer Zamora a Madrid. Il profite également de l'occasion pour rédigerune lettre au nom des Marocains de la zone du Protectorat espagnol, signée par huitcents personnes, dans laquelle il demande que la République introduise desréformes politiques et sociales au nord du Maroc, dans le cadre du Protectorat.Bennouna ne manque pas de critiquer la politique espagnole au Maroc a l'époqued' Alfonso XIII, et exprime la satisfaction des Marocains en ce qui conceme laproclamation de la Deuxiéme République'".

Aprés avoir décrit la conjoncture politique de la création de l' ARI, lesrédacteurs de cette déclaration en exposent les objectifs :

Ces nobles idées ont poussé un groupe d'Espagnols, conscients de lagrandeur de l'histoire et de la pensée de I'Espagne arabo-musulmane, acréer a Madrid un centre culturel et un foyer islamique. Celui-ci devaitpermettre aux relations spirituelles, littéraires et raciales qui lient le peupleespagnol aux pays musulmans de se renouveler. Les souvenirs sontinoubliables, les souvenirs du Califat de Cordoue sont restés intacts et se sontpérennisés dans nos mémoires=

(2) Muhammad Darif, Al-ahzéb as-siyésiya al-maghribiya, Casablanca, Afrique-Orient, 1988,

Cornme on peut le voir, selon les statuts de l' ARI, l'objectif n'était passeulement d'établir des relations d'amitié entre les Espagnols et les Marocains,mais aussi d'englober le reste des pays arabo-rnusulmans. Ainsi, le premier destrente six articles statutaires énonce que

I'Association Hispano-Islamique est un organisme dont les statuts seconforment aux dispositions de la loi des associations en vigueur: CetteAssociation vise a favoriser par tous les moyens existant et licites l' échangeintellectuel et matériel entre le peuple espagnol et les pays musulmans. Pour

p.16.(3) tu«, p.16-18.(4) Declaración de la asociación Hispano Islámica, op.cit., carpeta Al

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atteindre ces objectifs, 1'AHI utilisera toutes les formes de publicité,conférences, congrés, assemblées, expositions, excursions, voyagesartistiques et scientifiques, bourses susceptibles de promouvoir la fraternitéhispano-islamique. Elle créera également un musée permanent en Espagnepour exposer des productions en provenance des pays musulmans et,inversement, exposera les productions espagnoles dans ces pays."

Concretement, l' AHI a pu réunir des personnalités arabes de différentesonalités'? :

- Président : José Franchy y Roca, ex-procureur de la République, député auxtes, Madrid ;

- Vice-Présidents : I'Emir Shakíb Arsalsn, président de l' Académie Arabe,:f de la délégation syro-palestinienne a la Société des Nations, Geneve ; EmiliolIando, ingénieur, avocat, professeur, Madrid;

- Trésorier : Merchol Marial, ingénieur, député aux Cortes ; Madrid ;- Secrétaire Général : Enrique Rafols, ex-député aux Cortes, ex-consul, Madrid.- Vice-Secrétaires : Muhammad AI-FasL licencié és lettres, président de

\ssociation des Étudiants d' Afrique du Nord a Paris, Paris ; Rodolfo Gilmumeya., licencié en Philosophie et Lettres, journaliste, Madrid;

- Membres : I':!e.jj Abdessalam Ben Larbi Bennouna, ex-ministre des FinancesI Makhzen, Tétouan ; Clara Campoamor, avocate, députée aux Cortes, Madrid;.ssn AI-Jabñ, membre de la Délégation syro-palestinienne a la Société desations, directeur de La Nation Arabe, Genéve ; M. Jaime de Argila, journaliste,arcelone ; Axmad Balafrej, licencié en Lettres, écrivain, Paris; Muhammad BenIassan El Ouazzani, licencié en Sciences Politiques de l'Université de Paris,ieneve ; Muhammad Dsved, poéte, professeur, Tétouan ; Abdelkhslek Torres,'résident de l' Association des Étudiants, Tétouan ; Marcelo de Argila., ingénieur,Iarcelone ; Alvaro Salvá, commercant, Barcelone ; Abdelaziz Tha'slibr, écrivain,.e Caire ; Axrnad }:{ilrniPacha, Directeur de la Banque Arabe, Jérusalem.

L' AHI ne s' est pas contentée d' attirer des personnalités d' élite, elle a puarteindre rapidement une partie de son objectif en créant deux succursales dans lemonde arabe, l'une a Tunis et l'autre au Caire.

Les membres de la" Délégation de l' AHI a Tunis" étaient : Bahri Guiga,avocat, membre du Destour; Muxammad Aslan, Interprete officiel du Protectorat;Tahar Sfar, avocat, écrivain. Membre du Destour, Boubker Laroussi, rédacteur enchef du Journal An-Nahda"

Cependant, la représentation de l' AHI a Tunis n' était ríen de plus que le fruitd'efforts déployés par Francisco Boliche, un Espagnol résidant en Tunisie, qui avait

(5) Estatutos de la Asociación Hispano-Islárnica, Tetuán, Tip Al Mahdia, 1932, p.l.(6) Asociación Hispano Islámica: Consejo Directivo, AGA, op.cit., carpeta Al.(7) Delegación de la Asociación Hispano Islámica en Túnez, AGA, op.cit., carpeta A2.

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profité d'un séjour a Madrid, a l' occasion de son service militaire, pour devenirsympathisant de l' Association. Durant une permission, il s'était rendu a Tunis pourconvaincre les intellectuels tunisiens de la nécessité de créer une succursale del' AHI dans leur pays'". Toutefois, la branche de l' AHI en Tunisie n'ajamais exercéla moindre influence.

Quant aux membres de la succursale de l' AHI au Caire, il s' agissait de :- Président : 'Abd Ar-Rahmán Fahmi ;- Vice-Président : Ibráhím Rátib ;- Trésorier : Dáüd Rátib ;- Secrétaire : 'Abd Al-Ghaní Ridá ;- Membres : Muhammad Rashid Ridá ; Fu'ád Bey Sálim ; 'Abd Al-Wahháb 'Azzám; Shaykh 'Abd Al-Wahháb ; Francisco A. Pons ; Taha Abdu Zayd ; Muhammad 'AliKamil(9).

Comme on le voit, l' AHI n'a pas seulement vu le jour en profitant d'unretournement de situation favorable aux ouvertures politiques mais elle a su attirerun certain nombre de personnalités qui faisaient partie de l'élite politique etintellectuelle espagnole et arabe.

Mais si l'arrivée des républicains au pouvoir aurait dü constituer un facteurfavorable pour l' AHI, ceux-ci n' en allaient pas moins étre parfois un véritableobstacle qui allait géner les activités de l' Association

LA RÉPUBLIQUE ESPAGNOLE ET L'AHI UN RÉFORMISMEMÉFIANT

La "politique marocaine" de la République espagnole a été, en fait, uneexpérience de courte durée, non dépourvue de contradictions et d'hésitations. En finde compte, elle apparait comme la continuation de l'oeuvre commencée en 1927,sous la dictature''?'. Ou, pour reprendre les termes du discours sur la Ille Républiquefrancaise, prononcé par Charles-Ange Laisant en 1885, "une telle République n'étaitqu'une fantasmagorie, une déplorable copie de la Monarchie sous un nomnouveau''''". Les républicains se sont montrés flexibles sur quelques aspectssuperficiels de la vie politique et sociale au "Maroc espagnol", Mais dans le fond, ilsn'ont pas toléré les initiatives qui auraient pu déboucher sur de vraies réformes dansles territoires contrólés par I'Espagne. La He République, semi-puissance coloniale,était préte a céder sur certaines revendications du Mouvement national nord-marocain, mais, en mérne temps, elle n'osait pas mettre en danger les intéréts de la

(8) Nota de Información, 22 de marzo de 1934, AGA, op.cit., carpeta A2.(9) Delegación de la Asociación Hispano Islámica en el Cairo, AGA,op.cit., carpeta A3.(lO) García Bemabé López, "La cruz y la espada", Historia 16, Extra IX España en África, avril

1979, p.47.(11) Daniel Mo!lenhauer, " A la recherche de la vraie République: quelques jalons pour une

histoire du radicalisme des débuts de la lIle République ", Revue Historique, Tome CCXCIXl3, 607,juilletlseptembre 1998, p.579.

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France et de l' Angleterre. De plus, elle était affectée par des dissensions internes quin'allaient pas manquer de se refléter négativement sur sa politique au Maroc.

La méfiance de la IIe République vis-a-vis des nationalistes marocains et, parextension, des militants nationalistes orientaux, ne s'est jamais démentie. Lesrépublicains observaient cornment le nationalisme nord-marocain était nourri par lepanarabisme rapporté d'Orient par les étudiants marocains qui avaient fait leursétudes en Égypte ou en Palestine?". Ils étaient également génés par les bonnesrelations qui existaient entre l'Émir Shakib Arsalan et le mouvement national aunord du Maroc. C'est done dans ce climat de "confiante méfiance", sous un régimede "dictature républicaine", que la République espagnole autorise la création derAm en 1932.

Les réserves des autorités espagnoles vis-a- vis de l'AHILes autorités républicaines considéraient que l' Am pouvait facilement se

convertir en une organisation susceptible de menacer les intéréts espagnols. L'allianceentre les nationalistes marocains et l'élite panarabiste de I'Orient n'était pas un faitméconnu. Mais le fait que cette alliance puisse avoir lieu dans le cadre d'unorganisme officiellement reconnu par les autorités espagnoles risquait d'avoir desconséquences d'une toute autre portée : a travers l' Afll, les nationalistes marocains,et arabes en général, auraient ainsi facilement pu rallier a leur cause les républicainsradicaux. D'autre part, selon un rapport de la Oficina Mixta de Información - lesservices d' information espagnols - a propos de l' Am, la France et l' Angleterre seseraient senties menacées par cette association. Ainsi, peut-on lire dans ce rapport qu'

II faudrait prendre en considération le fait qu'une association de cetteimportance sera observée d'un mauvais oeil par les puissances européennesqui ont des intéréts dans le monde musulman et qui, par conséquent,essayeront de placer toutes sortes d'obstacles sur sa routeP"

Cependant, pour les autorités espagnoles, la vraie menace provenait desmilitants du mouvement national nord-marocain, membres de l' Am, car ceux-ciauraient pu utiliser l' Association cornme instrument pour atteindre leurs objectifsnationalistes.

L'AHI a Tétouan: la succursale de tous les dangersLes pressions exercés par J:!:ajjAbdesslám Bennouna et Abdelkhálek Torres

sur l'Espagne, des l'arrivée au pouvoir des républicains, avaient pour but d'arrachera Madrid des réformes qui, a long terme, pourraient ouvrir la voie a l'indépendancedu Maroc dit espagnol. Les Espagnols - pour rester fidéles aux principes d'une"République impérialiste" ou pour ne pas géner les puissances coloniales - n'ont pascédé, voire ont réprimé le Mouvement national nord-marocain. Cela explique la

(12) Muharnmad Darif , op.cit., p.3J.(13) Informe de la Oficina Mixta de Información, s/f, AGA, op.cit., carpeta Al, p.S.

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passivité et mérne la satisfaction des nationalistes nord-marocains lors del'instauration du régime de Franco au nord du Maroc, en Juillet 1936.

Le 17 février 1934, le Haut Comrnissaire de 1'Espagne au Maroc envoya unelettre au Président du Conseil des Ministres pour l'informer qu'il allait recevoir unedemande d'autorisation de la part des autorités espagnoles pour la création d'unesuccursale de l' AHI a Tétouan. Le Haut Cornmissaire proposait que I'Espagne yréponde favorablement, mais il soulignait aussi que celle-ci devrait contróler lesmouvements de I'AHI et contenir ses activités afin qu'elles restent conformes a lapolitique de la République au Maree'!", Deux jours plus tard, la réponse duPrésident du Conseil des Ministres notifiait, depuis Madrid, au Haut Commissaired'interdire catégoriquement la création d'une succursale de l'AHI a Tétouan'!",

Les raisons de ce refus sans appel sont analysées de facon détaillée dans unrapport de la Oficina Mixta:

Tout eomme au moment OU la République a été proclamée, des quel'Association Hispano-Islamique a été eréée a Madrid, les indigénes de lazane espagnole ont eru que leurs aspirations allaient erre satisjaites. Quandils ont vu qu 'ils ne pouvaient pas arriver a ce qu 'ils voulaient, ils ontmanifesté contre nos gouvernants en portant leurs plaintes jusqu' aux pays del'Orient par le biais de la presse arabe. Aurait-il été prudent d'acceptertoutes leurs revendieations ? Non, selon les indigenes "éclairés" eux-mémes.Tout d' abord, paree que ees demandes sont le fait des indigénes arriérés dela zone espagnole, et, d'autre part, paree qu'il n'y a pas d'indigénescapables de réaliser ees ambitions. Est-ce que les Maroeains de notre zoneobtiennent des bénéfices en lisant les journaux arabes et en assistant auxconférenees ? Non, car ils veulent seulement eritiquer l' oeuvre desprotecteurs, sans prendre en eonsidération leurs intéréts. Ces campagnespartiales ne jont qu 'embrouiller les Maroeains : nos protégés veulent utiliser1'AHI eonzme un instrument politique supposé reeevoir et exéeuterimmédiatement toutes leurs revendicationsi'"

Si ce raisonnement explique la réticence des autorités espagnoles envers unereprésentation de l' AHI a Tétouan, il dépassait les précautions prises par une jeuneRépublique, soumise a la tuteIle d'autres puissances coloniales.

L' AHI: UNE AVENTURE INTELLECTUELLE ?

En príncipe, les objectifs culturels étaient placés au premier plan du prograrnmede l' AHI. Cette association prétendait ainsi encourager tous les efforts susceptibles deranimer les liens culturels entre les musulmans et ce qu'avait été al-Andalus'!". Maiscet objectif a tres vite été éclipsé par des intéréts larvés qui n'ont pas tardé a se

(14) AGA, op.cit, carpeta Al.(15) lbid.(16) Informe de la Oficina Mixta de lnformación.s/f, AGA, op.cit.,carpeta Al, pp. 4-5.(17) Voir la déclaration et le statut de l' AHI, op.cit.

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manifester. Parmi les membres de l' Alll, les intellectuels égyptiens étaient ceux quicroyaient le plus en une aventure intellectuelle et en un voyage a travers l'histoire.

L'élite intellectuelle égyptienne: A la recherche de l'esprit de l'AndalousieL'initiative de créer une représentation de l' AHI au Caire était une démarche

indispensable pour que la jeune association puisse "s'infiltrer" dans le reste dumonde arabe. Une représentation au Caire, fief des jeunes panislamistes etpanarabistes qui diffusaient leurs idées dans tout le monde arabo-rnusulman, allaitouvrir les portes de l'Orient arabe a l' ARI. Ainsi, le délégué espagnol de cetteassociation en Égypte, M. Montaner, déploya-t-il tout ses efforts pour réunir lesmembres les plus prestigieux de l'élite intellectuelle égyptienne, le 12 novembre1933, a l' occasion de l' ouverture du bureau de l' AHI au Caire.

Au nombre des personnalités présentes, on comptait : Ahmad Zaki Pacha,Shaykh Mahmüd Abu Al- 'Uyun, Mirza Bey Mushki, Muhammad AI-GhanimiNaftazání, Muhammad Wahid Al-Ayübí, Jarnil Ar-Ráfi'I, Ibráhím 'Abd al-Qádir Al-Máziní, Harnid Al-Malíjí, Tawfiq Habib, Muhammad Mas'üd et Muhyi Ed-dín Ridñ'!".

Le facteur historique a joué un róle décisif dans ce ralliement des écrivainségyptiens célebres a la cause de l' AHI. Ces intellectuels étaient prédisposés aentreprendre un voyage a travers I'Histoire pour réactiver l'esprit d'al-Andalus,dont l'évocation était de longtemps un thérne privilégié dans la littérature arabe.Aussi ne s'étonnera-t-on pas que, lors de la réunion inaugurale qui eut lieu dans unhotel du Caire, Ahmad Zaki Pacha prononce une conférence sur ce thérne etcélébrant la civilisation arabo-musulmane de l' Andalousie et le souvenir deGrenade et de Séville. Dans son propos, il évoqua les aspects positifs du contactentre les Arabes et les Espagnols, san s faire allusion aux relations entre ceux-ci etles Marocains. Puis ce fut au tour de Montaner d'exposer les objectifs de l' AHI.Quant a 'Abd al-Ghaní Ridé, aprés avoir qualifié le changement poli tique de"favorable", il avait a son tour exposé les objectifs de l' AHI et proposé des nomsde personnalités présentes a la réunion pour constituer un comité chargé de larédaction des statuts de la représentation de l' AHI au Caire'!",

Cependant, l'enthousiasme des intellectuels égyptiens ne faisait pas l'objetd'une unanimité indiscutable. Au cours d'une réunion qui eut lieu chez 'Abd al-'Aziz Tha'álibí, délégué de l' AHI en Orient, Montaner avait été interpellé parMuhammad 'Ali Táhir qui déclara :

Les habitants du Rif marocain ont plus souffert durant l' ére de la Républiqueque sous la dictature de la monarchie. II faut qu' en Égypte on sente ladifférence entre les deux systémes pour que l' Espagne puisse gagner lasympathie et l'amitié des musulmans. L'Espagne a devant elle une occasionde raZZierle monde musulman et ses marchés[ ...]. Mais, jusqu' a présent, nous

(18) AL-Ahram, 13 novembre 1933.(19) [bid.

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n' avons pas vu de différence entre la politique de l' Italie en Tripolitaine, dela France dans ses colonies ou de l'Espagne dans le Rif.

Quand Montaner lui eut répondu que le comportement de I'Espagne au Marocétait calqué sur la politique francaise en Algérie et au Maroc, 'Ali Táhir demandacornment, dans ces circonstances, le monde musulman pourrait tirer profit d'uneamitié avec I'Espagne, ajoutant :

Nous croyons que la manoeuvre de la création de I'AHI a pour seul objectifla conquéte par l'Espagne des marchés de l'Orient, au nom de cette amitiéP"

Ce genre d' anal yse réaliste des objectifs de l' AHI en Orient n' a toutefois passuffi a freiner le processus de création d'une représentation de l' AHI au Caire. Lesmembres du comité chargés de préparer les statuts de cette représentation secontentérent de demander a Montaner des garanties pour que le principe d' amitié nesoit pas utilisé indüment, et pour que des revendications en faveur des droits deI'hornme au Maroc dit espagnol émanent du siege de I'AHI a Madrid?".

Les intellectuels espagnols et marocains: l'alliance des pragmatiquesLes intellectuels espagnols et marocains avaient d'autres objectifs. Les

premiers ont vu cornment I'Espagne avait perdu son prestige en perdant ses coloniesoutre-mer, au moment mérne oü les puissances coloniales commencaient aconstruire leurs propres empires. Ils ont aussi vu cornment l'Espagne s'étaitimpliquée dans la guerre du Rif dans le but de soumettre une coloniemicroscopique, bien loin du "Maroc utile" de Lyautey, alors qu'au moins elle auraitpu faire valoir le facteur historique, en l'occurrence la nostalgie d' Al-Andalus, pouraffmner son lien avec sa colonie nord-africaine.

L'initiative de la "conquéte de l'Orient" fut prise par les membres espagnols del' AHI, qui appartenaient a la société civile et politique dont la majorité voulait gagnera sa cause, déc1arée essentiellement culturelle, les intellectuels arabes. Les produitsespagnols n'allaient pas tarder a envahir les marchés arabes qui, a l'époque,préféreraient les marchandises "andalouses" a celles des puissances colonialescornme l' Angleterre et la France. Tel était le vrai projet de l' AHI en Orient.

Selon Enrique Rafols, qui, avec Argila, peut étre considéré commel' éminence grise de l' AHI, l' esprit de l' Andalousie et les points de convergenceentre Arabes et Espagnols étaient des facteurs qui devaient étre mis au service desintéréts économiques. En ce sens, Rafols écrivait :

Le commerce n' est pas tout, méme s 'il est l' élément principal. Il y a aussi letourisme. Selon les statistiques soumises au controle des comités islamiques,plus de 100.000 familles arabes quittent leur foyer chaque été pour aller fairedu tourisme en Europe. Presque toutes ces familles se dirigent, bien sur, vers

(20) Al Muqattam ,19 novembre 1933.(21) [bid.

L'ASSOCIATION HISPANO-ISLAMIQUE 141

la France, l' Italie et vers 1'Allemagne, mais L'Espagne n' a pas fait de grandsefforts pour attirer cette masse touristique musulmaneP"

Quant aux intellectuels marocains de l' ARI, c' étaient des militants duMouvement national et ils avaient des objectifs politiques a atteindre. Ils n'osaientpas toujours revendiquer l'indépendance, mais il réc1amaient des réforrnes qui, along terrne, pourraient conduire a la décolonisation du Maroc. Ni les autoritésespagnoles ni les autres membres de l' AHI n'ignoraient les intentions desMarocains. La République espagnole n' avait pas hésité a surveiller strictement lesmembres nationalistes de l' AHI, et on a vu qu'elle n'avait pas autorisé I'ouvertured'une succursale de l' ARI a Tétouan. Quant aux rédacteurs de la Déc1aration del' ARI, Enrique Rafols et José Franchy y Roca, ils avaient tenu a neutraliser lesambitions politiques des militants marocains en soulignant que l' association sevoulait apolitique?",

Dans leur relation avec les autorités espagnoles, les Marocains nationalistesont maintenu un discours flexible qui ne dépassait pas les limites des revendicationsréforrnistes, avant que la stratégie du mouvement national ne change radicalement.En effet, pendant la "Phase réforrniste", qui a coincidé avec la création de l' ARI, lesrnilitants marocains, Torres, Bennouna, Muharnrnad Daoud, etc. utilisaient desréférences culturelles et historiques. Ils appelaient a une cohabitation semblable acelle de l' époque oü chrétiens et musulmans vivaient ensemble a Toléde, Grenadeou Cordoue. Ce genre de discours paraissait plus littéraire que politique et il était sipacifique qu'il frólait parfois la passivité. Mais, quoi qu'il en soit, ce discours nepeut étre analysé que dans son contexte historique. Abdelamajid Benjelloun a écrita ce propos:

En matiére de rapport entre colonisateurs et colonisés, il n' était pas demauvaise guerre de se mentir de temps en temps l'un a l'autre. C'était mieuxque de se mépriser l'un l'autre comme cela était le cas dans le Maroc ditfrancais, e'est d' ailleurs dans cet esprit qu'il faut considérer les protestationsd'amitié profonde d'un Hadj Abdessalam Bennouna.[. ..] Mais, quoi qu'il ensoit, il reste heureux pour l'historien versé dans les relations entre l'Espagneet le Maroc, en particulier; de se remémorer ces paroles agréables d'un autretemps et cela méme si elles n' étaient pas entiérement sincéresP"

Ainsi, entre le sens des affaires qui caractérisait les membres espagnols deI'AHI et les ambitions politiques des Marocains, l'aventure intellectuelle n'était-elle qu'un simple miroir aux alouettes.

(22) Rafols Enrique, "Nuevos rumbos: España en el Próximo Oriente", artículo de prensa sinfecha ni nombre del periódico, AGA. op.cit., capeta Al.

(23) La décIaration de l' AHI souligne que I'association n'avait aucune tendance politique oureligieuse susceptible de provoquer des discussions violentes ..., voir la décIaration de l' AHI, AGA.op.cit.

(24) Abdelmajid Benjelloun, "L'africanisme andalousianiste et arabiste espagnol et le Marocseptentrional dans les années 1930 et 1940". Revue d'Histoire Maghrébine, n° 89-90, Mai 1998, p. 29.

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INTÉRETS ÉCONOMIQUES : LE "GRAND SOUK" DE L'ORIENTSi I' on analyse la situation économique de I'Espagne lors de la création. de

l' AHI et si l' on observe le comportement de ses membres espagnols les plus actifs,cest-á-dire de ceux qui ont été a I'initiative de sa créatio~ (.Argila ~t Rafols),.on ~narrive a la conclusion que la création de cette assocíation avait des objectifspurement mercantiles.

L'on se rappellera que le monde entier avait été accablé par la crise de 1929,et que l'Espagne n'avait pas été él l'abri de ses conséquences. D'autre part, leCongrés panislamique de Jérusalem qui avaít eu lieu en 1930, bien avantI'instauratiop de la He République, avait aussi permis aux hornmes daffairescatalans de cibler le souk arabe.

L'AHI et la conjoncture économique critiqueDurant les années qui suivent la dépression économique de 1929, le nord du

Maroc connaít des complications en ce qui conceme l'exportation des pyrites de feret une sensible détérioration de son marché de travail?". Le nord du Maroc n'étaitpas l'Eldorado, le Sahara non plus. Les fragments du puzzle colonial étaient répartisél l'époque selon un équilibre de forces dans lequel l'Espagne avait un poidsinsignifiant. Les nouvelles colonies espagnoles avaient essentiellement pour roled'amortir le choc provoqué par la perte de Cuba et des Philippines en 1898.

Si la dépression économique a joué un róle décisif dans I'orientation desprojets économiques du secteur privé espagnol, il faut reconnaítre aussi que c'estle flair des hornmes d'affaires catalans qui les a poussés él tenter l'aventureorientale. Ainsi la crise économique les a-t-elle incités él chercher des issues loindes colonies et de la métropole. Une situation qu'Enrique Rafols décrit tresclairement :

En cette période critique, l'Espagne doit résoudre de toute urgence lesproblémes dont souffre ses exportations du fait de la crise économiquemondiale (oo.) Pour atteindre cet objectif, il est indispensable qu' elle profitede la soif d'indépendance qui régne dans les nations du Proche-Orient quisupportent contre leur volonté le Protectorat ou l'influence de la France, del'Angleterre, de l'Italie et de la Hollande (SiC).(26)

Cependant, il faut remonter él 1930, année de l'organisation du Congréspanislamique de Jérusalem, pour comprendre les raisons pour lesquelles leshornmes d'affaires catalans avaient jeté leur dévolu sur le marché arabe.

Dans un rapport confidentiel sur les activités de l' ARI, il est établi queLerroux, alors Ministre d'État - équivalent du Ministre des Affaires Étrangéres,

(25) Víctor Morales Lezcano, "El fracaso del marroquismo", Historia 16, año IV, extra IX,abril, 1979, p.l3.

(26) Voir Rafols Enrique, op.cit.

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dans la nomencIature employée a l'époque en Espagne -, avait envoyé Argila a ceCongrés en tant qu'observateur. Lors de son retour, celui-ci rédigea un rapportdétaillé sur tous les thérnes débattus?". Ainsi Argila s'était-il rendu compte que lesArabes avaient l'intention de boycotter les produits des grandes puissancescoloniales. Il avait aussi profité de l'occasion pour entrer en contact avec despersonnalités du monde arabe qui allaient lui étre utiles, lors de la création de l' AHIet de sa branche cairote.

Les hommes d' affaires catalans et la solution orientaleEn pleine crise économique, le Proche-Orient était devenu une source abondante

d'idées anti-coloniales qui se projetaient dans le reste du monde arabo-musulman. Leboycott annoncé des produits des grandes puissances coloniales, qui ne devait étre, audébut, qu'une simple manifestation de rejet de la domination politique et économiquea laquelle étaient soumis les peuples arabo-musulamans, n'allait pas tarder a se révélerune arme politique effective. Enrique Rafols souligne ce point quand il écrit quel' élément arabe refusait toute forme de soumission et que cet esprit rebelle se reflétaitdans les comités pour la non-coopération et le boycott anti-colonial, mis en place afinque les marchés arabes ne s'ouvrent qu'aux marchandises issues de pays neutres,c'est-á-dire qui n'appliquaient pas une politique irnpérialiste?". Évidemment, Rafolspensait que l'Espagne faisait partie de ces demiers, et c'est le point de vue que lesmembres espagnols de l' AHI ont tenté de répandre en Égypte(29).Mais, en réalité, lapréférence de l'Espagne s'expliquait non seulement pour des raisons historiques, maisaussi par la faiblesse de sa politique coloniale.

L' AHI avait des projets économiques ambitieux a proposer aux hommesd'affaires catalans auprés desquels Argila et Rafols servaient d'intermédiaires avecle monde arabe. Mais, les Catalans étaient conscients des frais de commissions qu'ilsépargneraient si Rafols et Argila pouvaient étre écartés. L' AHI avait deux objectifséconomiques immédiats : la participation a l' exploitation des champs de pétrole deKirkuk, au sud de Mossoul, en Irak, et la foire de Jaffa, dont le responsable étaitAhmad }:{ilmiPacha, Directeur de la Banque Arabe de Jérusalem?".

Le pétrole de Mossoul était une cible importante pour les Catalans. Mais unefois encore, la médiation de l' AHI était nécessaire. Ainsi, Enrique Rafols et NñríSa'Id, ex-rninistre du Roi d'Irak et représentant de son pays a Genéve, avaient tousdeux, en tant qu'intermédiaires, entamé des négociations pour qu'un groupe

(27) Información sobre las actividades de la AHI, 27 de marzo de 1933, AGA, op.cit .. , carpetaAl. p.I.

(28) Voir Rafols Enrique, ap.cit.(29) Le délégué de l' AHI au Caire, Montaner, a tenté de convaincre les Égyptiens que la

République ne menait pas une politique impérialiste au Maroe. Mais les étudiants marocains en Égypteinformaient la presse égyptienne sur la situation au Maroc dit espagnol, ee qui a semé les doutes surles objectifs de l' AHI en Orient arabe, sans toutefois suffire a empécher la création d'unereprésentation de cette association au Caire.

(30) Información sobre las actividades de la AHI, op.cit, p.4.

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espagnol puisse acheter le pétrole irakien, c'est a dire les 25% de l'exploitationattribués au Roi Faysal?" 11était mérne prévu qu'un ingénieur catalan fasse ledéplacement en Irak pour préparer une étude a ce sujet.

Le deuxiérne objectif économique immédiat de l' AHI visait a uneparticipation des Espagnols a la foire de Jaffa. Ainsi, en 1933, une délégationespagnole constituée essentiellement de cornmercants catalans fut admise, a titreexceptionnel, a l'Exposition cornmerciale des pays musulmans de Jaffa. On justifiala présence espagnole par le fait que 1'Espagne avait été un pays musulman etqu'elle était un pays qui protégeait des musulmans au Maroe. En bref, les Espagnolsétaient présents en tant que citoyens de l' "ex-Andalus". Cependant, l'admission desEspagnols a la foire de Jaffa n'était pas l'unique entorse faite par les organisateurs.En effet, la foire comptait aussi au nombre de ses objectifs celui de contrecarrer lapolitique économique sioniste dans la région. Des lors, étaient présents a Jaffa desjuifs séfarades qui s'étaient affrontés aux juifs sionistes et qui avaient préférés'associer aux musulmans pour mener a bien leurs activités commerciales?".

En ce qui conceme les échanges cornmerciaux, les Catalans avaient surtoutl'intention d'exporter les produits de leur industrie textile et d'importer du coton etdes oeufs, marchandises difficilement cornmercialisables en Orient.

En définitive, les buts de l' AID étaient done l'échange commercial,"l'infiltration" dans les champs pétroliers de l'Irak et le "détoumement" des touristesarabes vers l'Espagne. Projets qu 'Enrique Rafols avait résumés comme suit :

C'est une politique nouvelle, de grande envergure, avec des possibilitésincalculables. Le Gouvemement qui l'appliquera offrira a l'Espagne unavenir glorieux/".

Le destin devait réserver un autre avenir a l' AID et a l'Espagne toute entiére.En 1936 la guerre civile éclatait. A partir de 1939, la Ile République cessa d'existeret l'aventure intellectuelle était abandonnée par ceux qui y avaient cru. Enfin, aprésla mort de Bennouna, en 1935, le Mouvement national, guidé par AbdelkhalekTorres, misait sur le régime de Franco et la conquéte du "souk arabe" fut remplacéepar les plans de reconstruction d'une Espagne dévastée par la guerreo

Mourad ZARROUKUniversité auto no me de Madrid

(31) Información sobre las actividades de la AHI, 22 de marzo de 1933, AGA, op.cit, carpetaAl, p.3.

(32) lbid .. p.2.(33) Rafols Enrique, op.cu.