La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie : réflexion sur les...

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LA VILLE ET LA CULTURE DES « JEUNES » INFLUENCéES PAR LACROBATIE : RéFLEXION SUR LES AMBIVALENCES DES PRATIQUES URBAINES Julien LAURENT Université des Antilles et de la Guyane Pour les jeunes et moins jeunes qui s’adonnent au skateboard, réaliser des  tricks s’affirme comme leur finalité principale. La forme de l’activité la plus  valorisée se déroule dans l’urbain. Elle alterne des figures avec l’engin seul  et l’utilisation du mobilier par des  slides et des  grinds. Dans notre volonté de  décrypter les tendances de certains loisirs actuels, nous avons voulu mener  une réflexion sur les pratiques urbaines. Qu’est-ce que font, disent et pensent  les puristes ? Existe-t-il une filiation avec d’autres pratiques physiques ? Y  a-t-il une réelle volonté de marquer une rupture avec les sports compétitifs  « classiques » ? Les pratiques urbaines et notamment le skateboard laissent  entrevoir une manière de penser et d’agir particulière fondée sur une liberté  relative, la volonté de se détourner des contraintes sociales et parfois de vivre  pleinement sa passion allant jusqu’à se confronter aux interdits. Ce texte se veut un essai engageant une réflexion de fond sur le skate- board et, par extension, les pratiques urbaines. Cette réflexion s’appuie sur  un long travail de terrain mené dans le cadre d’une thèse en sociologie sur  le skateboard à Montpellier (Laurent, 2008a). Pour décrypter et comprendre  le skateboard, notre posture théorique se fonde sur l’interactionnisme sym- bolique  et  l’ethnométhodologie  (Coulon,  2002 ;  Garfinkel,  1985)  partant  du principe que les skaters constituent, au gré de leurs interactions, leur  pratique et que les experts sont capables de nous expliquer ses fondements.  En tant que pratiquant aguerri, nous avons donc pénétré pendant quatre  années  la  scène  skate  locale.  Des  centaines  d’observations  participantes  fournies en entretiens informels nous ont permis de vivre la pratique parmi  plusieurs groupes de skaters et d’évoluer en compagnie de rollers et bikers.  Employé quelques mois dans un skate-shop, nous avons pu relever le type  de consommation et la clientèle de ce point de vente. Pour terminer, une  vingtaine d’entretiens semi-directifs et une vingtaine de récits de vie ont  été  menés  avec  des  puristes  pour  qu’ils  retracent  leur  carrière  (Becker, 

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la vIlle et la culture des « jeunes » Influencées par l’acrObatIe :

réflexIOn sur les ambIvalences des pratIques urbaInes

Julien laurenT

Université des Antilles et de la Guyane

Pour les jeunes et moins jeunes qui s’adonnent au skateboard, réaliser des tricks s’affirme comme leur finalité principale. La forme de l’activité la plus valorisée se déroule dans l’urbain. Elle alterne des figures avec l’engin seul et l’utilisation du mobilier par des slides et des grinds. Dans notre volonté de décrypter les tendances de certains loisirs actuels, nous avons voulu mener une réflexion sur les pratiques urbaines. Qu’est-ce que font, disent et pensent les puristes ? Existe-t-il une filiation avec d’autres pratiques physiques ? Y a-t-il une réelle volonté de marquer une rupture avec les sports compétitifs « classiques » ? Les pratiques urbaines et notamment le skateboard laissent entrevoir une manière de penser et d’agir particulière fondée sur une liberté relative, la volonté de se détourner des contraintes sociales et parfois de vivre pleinement sa passion allant jusqu’à se confronter aux interdits.

Ce texte se veut un essai engageant une réflexion de fond sur le skate-board et, par extension, les pratiques urbaines. Cette réflexion s’appuie sur un long travail de terrain mené dans le cadre d’une thèse en sociologie sur le skateboard à Montpellier (Laurent, 2008a). Pour décrypter et comprendre le skateboard, notre posture théorique se fonde sur l’interactionnisme sym-bolique  et  l’ethnométhodologie  (Coulon,  2002 ;  Garfinkel,  1985)  partant du principe que  les  skaters constituent, au gré de  leurs  interactions,  leur pratique et que les experts sont capables de nous expliquer ses fondements. En tant que pratiquant aguerri, nous avons donc pénétré pendant quatre années  la  scène  skate  locale.  Des  centaines  d’observations  participantes fournies en entretiens informels nous ont permis de vivre la pratique parmi plusieurs groupes de skaters et d’évoluer en compagnie de rollers et bikers. Employé quelques mois dans un skate-shop, nous avons pu relever le type de consommation et la clientèle de ce point de vente. Pour terminer, une vingtaine d’entretiens semi-directifs et une vingtaine de récits de vie ont été  menés  avec  des  puristes  pour  qu’ils  retracent  leur  carrière  (Becker, 

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1985), pour qu’ils nous expliquent le skateboard et le sens de leur mode de vie. Leurs explications concordantes et des analogies au plan de l’analyse thématique viennent illustrer notre démonstration. Les données collectées lors des observations ont permis de vérifier la validité des propos tenus par les skaters lors des entretiens et des récits de vie.

Ces individus de 8 à 35 ans et de toutes origines sociales (nous avons mené un recensement auprès de cent skaters montpelliérains) sont projetés dans  une  culture  urbaine  et  nord-américaine  ancrée  dans  la  modernité, voire la surmodernité (Augé, 1992). Cette culture urbaine et ses pratiques se fondent sur des ambivalences. Parmi les plus flagrantes, nous avons pu relever que certains skaters passent pour des originaux, des rebelles, des antisociaux, des éternels adolescents mais aussi des ultra-consommateurs des marques spécialisées les plus prisées. L’autre ambivalence centrale concerne la pratique. Qu’est-ce que font les skaters quand ils disent qu’ils « rentrent des tricks », font du freestyle, « participent à un contest » ? Qu’est-ce que cette pratique nous apprend sur les autres loisirs et le sport ?

Le point de départ de notre réflexion émerge de l’analyse des con-duites motrices des skaters. Ils cherchent à être créatifs dans l’espace urbain, inventifs  quand  il  s’agit  de  mobiliser  le  mobilier,  originaux  en  exécutant certaines figures et surtout des mouvements stylisés : « Avant, il fallait plus être technique et maintenant tu vois un panel de style qui est intéressant à voir parce que chaque gars va faire vraiment son style de skate… c’est vrai-ment ton style qui correspond à ta personnalité et plus un faux truc qui va te pousser à faire des choses que tu n’as pas vraiment envie de faire » (CV).

À travers  leurs actes,  ils prouvent aux autres  leurs compétences et démontrent leurs différences. Cette forme d’expression renforce l’affirmation de sa personnalité, le « processus d’individualisation » qui, selon Lipovetsky (1981), règne dans nos sociétés actuelles. Seulement,  l’acrobatie n’est pas un terme employé par les skaters. Par contre, l’emploi du terme Freestyle est récurrent. Quelle est la véritable signification de cette notion employée depuis la fin des années 1980 par les jeunes inscrits dans ces subcultures (Hebdige, 1987) ? Ne serait-ce pas une réactualisation du terme acrobatie quant à lui banni de leurs discours ? Pourtant, cette notion se révèle comme incontournable lors de l’analyse sociologique, anthropologique et motrice des pratiques physiques urbaines. Permettrait-elle d’expliquer et de comprendre l’ambivalence qui règne dans ces activités qui peuvent, selon  le contexte, soit s’apparenter à des « arts urbains » chargés d’esthétique, soit à des sports compétitifs  où  la  performance  et  l’efficacité  sont  recherchées.  La  notion de  freestyle  employée  par  les  skaters  serait  une  possible  réactualisation de l’acrobatie et pourrait expliquer les ambivalences présentes dans cette pratique. Exécuter des acrobaties permettrait à la fois de se rapprocher du 

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modèle sportif, de réaliser des performances motrices hiérarchisables et s’en maintenir éloigné en insistant sur sa dimension artistique. Au fond, qu’est-ce que représente le freestyle dont parlent les jeunes ?

Le freestyle

La notion d’acrobatie se décline en freestyle sous l’effet de la « street culture ». La plupart des pratiques émergeant de l’environnement urbain font référence à cette notion. Elle est  retrouvée dans  les disciplines du hip-hop (Bazin, 1995),  le  tag et  le graffiti  (Poirier,  2005 ; Vulbeau, 1992),  le break-dance (Midol, 1995), le Krump1, le rap et ses formes de diction improvisée ainsi que dans les pratiques de « roule » (Calogirou et Touché, 1995) principale-ment représentées par le roller, le BMX et le skateboard (Loret et Waser ; Gibout, 2006a). Par extension et transferts culturels, les activités de glisse se sont également appropriées ce terme retrouvé dans le snowboard et dans le ski. Les « sports urbains2« engagent le passage du « stade ou du gymnase au quartier » (Vulbeau, 1993) à la ville. Le basket devient street ball. Cette forme hybride se pare de dribbles spectaculaires, de dunks et autres éléva-tions acrobatiques avant d’atteindre le panier. Le football de rue s’inspire également  de  ce  courant.  Les  pratiquants  mettent  au  point  de  nouvelles techniques, proposent une gestuelle faite de jongles. Toute une gymnastique urbaine est en train de se constituer sur un modèle commun alliant grâce, esthétique, acrobatie et efficacité. Ainsi, cette nouvelle « culture physique de la rue » se fonde sur l’exécution d’acrobaties, l’apprentissage ou l’élaboration de nouvelles « techniques du corps »  (Loudcher, 2006 ; Mauss, 1950). Ces mouvements acrobatiques tendent à affirmer comme finalité principale non pas un record mesurable et objectif mais l’exécution esthétique d’un geste considéré comme libre car choisi et libéré de toutes « contraintes » : le geste qui va impressionner ses pairs. 

Comme l’acrobatie, le terme freestyle signifie l’exécution de techniques corporelles. Il laisse envisager une utopique liberté. Les pratiquants disent choisir et se spécialiser dans des techniques, des styles, s’orienter entre les différentes formes et les divers environnements possibles3. Pourtant l’ana-lyse du skateboard tend à démontrer qu’il existe des normes internes, des figures momentanément valorisées par des modes techniques avec parfois des répercussions sur l’utilisation de la ville et son mobilier. L’élite internatio-nale établit des modes acrobatiques, des techniques incontournables visibles dans les vidéo films (Cretin, 2007) et la presse spécialisés. Les pratiquants se « doivent » plus ou moins de respecter cette « tendance du moment ». Ces influences relativisent cet esprit libertaire qui, dans les faits, se traduit plutôt par l’imitation des acrobaties valorisées. 

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fIgure 1

Wheeling Spot de Richter, Montpellier

Source : Laurent, 25 mai 2005

Dans  notre  volonté  d’expliquer  les  ambivalences  de  ces  pratiques, nous retracerons leur évolution. Ces activités troublent les repères moteurs et prennent tout leur sens dans la ville. L’accès à la troisième dimension révolu-tionne les manières de faire. Des acrobaties apparaissent et laissent la place à une double orientation conservant un fondement underground urbain et proposant une évolution sportive. Seulement, le terme acrobatie n’apparaît pas dans le discours des pratiquants. L’analyse de leurs actes laisse entrevoir une démarche créative, libre et codifiée. Dynamiser l’urbain se traduit par une agitation et donc des sanctions. Effectuer des figures acrobatiques offre une ambivalence fondamentale dans ces pratiques hybrides. Par l’acrobatie, elles conservent la possibilité de ne pas entrer dans une démarche sportive, compétitive, codifiée et préservent un héritage artistique propre à une mise en scène dans l’urbain. Comment ces pratiques en sont-elles venues là ?

Maturation et ambivalence consumériste

L’impulsion de la culture californienne (Caroux, 1978, p. 33 ; Pociello, 1981, p. 172) et du surf notamment a été déterminante dans l’émergence du ska-teboard. Le mythe interne à cette culture voudrait que le skate dérive du surf bien que des caisses à roulettes et autres trottinettes laissent entrevoir d’autres ancêtres à cet engin. Le roller en ligne, engin de déambulation éco-logique par excellence, dérive du patin à glace et du patin à roulettes4 déjà présent au début et au milieu du xxe siècle (Gibout, 2004b ; Loret et Waser, 

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2001). Une première « vague de mode » consacrée au surf et au skate dans les années 1950 et 1960 (Sayeux et Bodin, 2007) rend ces activités populaires. Le style de vie adopté par les jeunes Californiens reflète l’« American way of life ». Cette adhésion à la consommation de masse ne dure qu’une décennie. Dans les années 1970, les surfers et les skaters adhèrent à des mouvements contestataires et subculturels comme le punk rejetant le modèle de société prôné par leurs parents (Roszack, 1980). Ces deux conceptions de la vie se retrouvent chez  les skaters actuels. Ces derniers, en fonction de  leur ori-gine sociale, de leurs aspirations et des normes du groupe qu’ils intègrent, adoptent soit un mode de vie consumériste tourné vers l’achat des articles et des marques prisées, soit une démarche contestataire et subculturelle dont la « consommation ostentatoire » (Veblen, 1970) est bannie. Nos observations et les explications relevées indiquent que ce n’est qu’après avoir prouvé ses compétences à ses pairs que le pratiquant obtient le droit de se parer des attributs valorisés par la « mode » du moment (Monneyron, 2006 ; Simmel, 1988) et de la sorte afficher son « prestige » et son « rang » (Elias, 1985). Si ce n’est pas le cas, une sanction sociale se fait sentir : « Il y avait un petit team qu’on appelait le « World Industry Team » [en référence à une marque prisée au milieu des années 1990], c’étaient tous les gars qui suivaient la mode à fond, pas grand monde les aimait ces gars » (PC).

Dans la rue, il faut démontrer son style qui repose sur un accoutrement et des parures ; cependant, ceux-ci ne doivent pas être trop ostentatoires. L’adolescent skater doit habilement composer avec ces ambivalences pour ne pas être mis à l’écart par certains de ses pairs. L’apparence est incontournable mais que se passe-t-il quand ces jeunes décident de manipuler ces engins ?

Vertiges et vitesse dans la ville

Ces générations perpétuent l’héritage de la culture glisse (Loret, 1995). Ils sont en quête perpétuelle de nouvelles sensations de vertiges, l’ilinx cher à Caillois (1967). Cette composante du jeu prend ses distances avec une aspi-ration compétitive. Une première phase de découverte consiste à apprendre le pilotage de l’engin : « On faisait que des descentes, j’ai passé beaucoup de temps à rouler, un an à faire que des descentes, je ne savais pas qu’on pouvait faire des ollies » (GF). Il s’agit pour le débutant de ne pas succomber aux sensations  liées à  la vitesse et à  la perte d’équilibre. Afin de décupler ce vertige engendré par la roule, les pratiques urbaines se parent d’acrobaties en tout genre décuplant leur intérêt : 

[…] J’avais halluciné en voyant une vidéo, les gars y montaient sur des tables de pique-nique, je ne comprenais pas comment ils faisaient, c’était fou, ça je m’en rappellerai toute ma vie (JM). J’ai vu des jeunes qui faisaient du skate, ils étaient dans la rue et ils sautaient par-dessus des petites bites en béton et c’était fou de voir comment ils faisaient ollie, ça m’a fait halluciner

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parce que je n’avais jamais vraiment vu en vrai des gars qui sautaient, la planche qui restait collée aux pieds et là, direct, on a acheté une planche à deux avec un copain, ça a été le déclic l’envie de pouvoir sauter et avoir la planche collé aux pieds en l’air (MD). 

fIgure 2

Ollie Rives du Lez, Montpellier

Source : Laurent, 03 août 2006

Les pratiques urbaines ont depuis longtemps pénétré l’environnement urbain : « c’est à la fin des années 1970 que les rollers envahissent pour la première fois les avenues bitumées du Golden Gate Park de San Francisco » (Waser, dans Loret et Waser, 2001). Caroux relève un « véritable boom » du skateboard en France dès 1976 (Caroux, 1978). Certaines évolutions tech-nologiques comme l’utilisation de l’uréthane, un dérivé du plastic employé pour la confection des roues, vont faciliter l’accès à la ville et ces multiples terrains. Un espace sans véritable limite ni frontière devient alors accessible. Ces engins sont appréciés comme des nouveaux moyens de transport offrant une proximité malgré l’étendue de la ville et l’anonymat de rigueur dans ce type de décor (Ledrut, 1979, p. 48). Une frénésie inventive et créative s’em-pare de « bricoleurs » (Lévi-Strauss, 1962) de génie, fins techniciens et experts insufflant des mutations « révolutionnaires ». À l’image du surf, déclencheur de la culture glisse, l’engin skateboard par l’émergence de techniques acro-batiques permet aux  skaters de  se projeter dans  les airs. L’apparition du « ollie5 »,  marque  une  rupture,  la  fin  d’une  utilisation  incontournable  de 

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tremplins et autres rampes pour se projeter dans les airs. La conquête de la ville et de son mobilier devient possible et inarrêtable. Ces pratiques de déambulation offrant un déplacement dans un espace en deux dimensions obtiennent l’accès à la troisième dimension synonyme de sauts, d’acrobaties.

La troisième dimension et ses répercussions

L’invention de techniques corporelles rend possible la projection dans les airs.  Sous  un  effet  mécanique,  une  impulsion  de  la  jambe  arrière  suivie d’une phase de lévitation imprimée par la jambe avant, les skaters effectuent un ollie. Cette technique est assez complexe à apprendre. Dans les années 1990, pour la maîtriser, les skaters devaient faire preuve d’abnégation : « Ça représente six mois de pratique pour faire de bons ollies, alors les mecs s’arrêtent, ils ne continuent pas, c’est une sélection naturelle » (PC). Cette conception renforçait l’aspect élitiste, l’impression et la volonté de se sentir radicalement différent des autres adolescents et des sportifs. Le problème avec cette technique incontournable, c’est qu’elle se traduit par un claque-ment, une détonation produisant des nuisances sonores insupportables. Une multitude de figures, de tricks découlent de la maîtrise du ollie. La notion de « tricks », toujours utilisée au pluriel, sert à définir une figure ou l’ensemble des acrobaties possibles. Ce terme provient de l’anglo-saxon. Ses nombreuses significations méritent d’être analysées. Les sens attribués à ce mot renvoient à la notion de « truc » et signifie faire un tour, une farce, une blague, une ruse (Robert et Collins, 1993 : 866). Ces multiples sens correspondent à ce que nous observons dans la pratique. Quand il s’agit de faire un mouvement particulier difficile à mentionner, les skaters font des « trucs » pour le grand public. Les adolescents  jouent  littéralement des  tours aux adultes et  aux néophytes  qui  ne  comprennent  pas  comment  sont  exécutés  de  tels  mou-vements. Le mot trick signifie aussi une astuce, une manière de faire, un tour de main qui se rapproche de la technique. La ruse (de Certeau, 1990) fait partie intégrante de la pratique en ville. Les skaters doivent ruser pour profiter sur le long de terme de certains sites interdits. Le mot trick renvoie également à une manie, une habitude, un tic et même un don. 

Le skateboard déclenche cette révolution des tricks. Les snowboar-ders6 vont rapidement reproduire les figures du skate. Les techniques de la rampe des années 1980 deviendront leurs tricks standards dans les half-pipe des stations de sports d’hiver dans les années 1990. Les adeptes du roller « agressif » (Pedrazzinni, 2001) vont, comme les skaters, utiliser le mobilier urbain  pour  y  glisser  et  y  effectuer  des  acrobaties  sans  avoir  à  élaborer une technique particulière pour se projeter dans les airs. Même les surfers s’inspirent de ce que font les skaters. Ils tentent de reproduire les rotations possibles avec un skate utilisant la vague comme un tremplin.

274  Julien laurenT

Cette  mutation  a  conquis  de  nombreuses  générations  successives, séduites par la possibilité d’exécuter des figures dans les airs. Ce mouvement connaît un vif succès auprès des jeunes. La qualification d’acrobaties dites « agressives » dans le cadre du roller permet de démarquer cette forme de l’activité que pratiquent en majorité des adolescents de celle qualifiée de douce, appréciée par des populations adultes et postadolescentes qui parti-cipent à des déambulations massives comme les randonnées urbaines (Loret et Waser, 2001). Toutes ces pratiques mettent en évidence « deux visages » selon les attentes des pratiquants et pas forcément en rapport avec leur âge : une forme douce sans acrobatie où le pilotage et les sensations dominent, le freeride ; une forme agressive reposant sur des tricks, des acrobaties, le freestyle. Le fait ou non d’exécuter des figures avec l’engin permet de repérer deux approches, une ambivalence et donc divers types de conduites.

L’ambivalence offerte par l’acrobatie

En  établissant  l’acrobatie  ou  freestyle  au  centre  du  fondement  de  leurs activités,  les pratiquants recherchent une efficacité technique, une motri-cité maîtrisée. De ce fait, celles-ci ressemblent de plus en plus à certaines activités physiques et sportives. Pourtant, l’aspect esthétique, le style per-sonnel, la manière de faire permettent de maintenir à distance les normes rigoureuses imposées dans les sports. L’acrobatie permet de conserver une part  d’esthétique  inclassable,  difficilement  hiérarchisable.  Sous  prétexte d’une forme d’originalité, la « beauté du geste » permet de se distinguer sans pouvoir totalement classer. Le pratiquant, sous couvert de distinction, peut toujours tenter de se démarquer de ses pairs par son apparence, sa manière de  se  mouvoir  sur  son  engin.  De  la  sorte,  les  rapports  agonistiques  sont moins marqués que dans les sports bien qu’ils soient présents sous une forme larvée, non dite, informelle. S’exposer aux yeux des autres par l’exécution d’acrobaties  rend  la  comparaison  incontournable  dans  ces  communautés restreintes à quelques dizaines, voire centaines de puristes selon les villes.

L’acrobatie  offre  une  ambivalence,  un  double  visage à  ces  activités cernées  selon  le  contexte  comme  des  loisirs  esthétiques  essentiellement ludiques ou alors comme des sports. Ces activités subculturelles combattues et interdites dans certaines villes deviennent des pratiques sportives accep-tées  lors des compétitions organisées sur des équipements qui rappellent certaines installations sportives, facilitant la réalisation et la comparaison des performances (Laurent, 2007). 

Finalement,  maintenir  une  distance  entre  acrobatie  et  démarche sportive permet aux pratiquants de préserver une forme de « liberté » et le fondement originel associé à ces activités urbaines. Ceux-ci peuvent tran-

275La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie

siter un temps d’un courant subculturel en préservant un fonctionnement « autoorganisé »  (Chantelat, Fodimbi et Camy, 1996 ; Duret et Augustini, 1993), underground, contestataire et anti compétitif (Beal, 1995) propre à ce que nous observons dans la rue, mais aussi se rapprocher du modèle sportif, porter une chasuble marquée d’un numéro, des protections, respecter un ordre et un temps de passage durant une compétition. La démarche sportive reste désapprouvée et critiquée dans le milieu du skateboard : 

fIgure 3

Festival international des sports extrêmes, Montpellier

Source : Laurent, 17 juillet 2005

[…] J’ai toujours été contre ce genre de pratique sportive, en fait, on en faisait [des compétitions] pour rigoler des fois avec des potes mais d’en faire je trouvais ça ridicule, moi, avant, je faisais de la gymnastique mais le skate, ce n’est pas un sport comme on l’entend, c’est autre chose, c’est pas pareil (LA). J’ai fait quelques contests pour les sponsors mais c’était horrible, je me suis fait chier mais vraiment, au niveau de l’ambiance, c’est à chier, ça représente pas du tout le skate pour moi, c’est l’inverse du skate… Quand tu fais du skate, t’es libre enfin, tu vas dans la rue, tu vois un truc, tu prends ta board, tu vas skater et tu t’éclates et voilà tu as aucune obligation [rire], alors que là, t’es chronométré, tu as tout cet aspect réglementaire déjà son caractère j’aime pas et au niveau de l’ambiance et de l’état d’esprit des gens qui y participent,c’est horrible, le pire, c’est les Coupes de France, t’as toujours les mêmes têtes, des gars qui arrivent et qui ont la gagne, qui sont mauvais perdants, ils sont insupportables (GF). 

276  Julien laurenT

L’acrobatie ou freestyle permet de brouiller les conduites de ces néos-portifs en jean extra-large ou moulant et évoluant en dehors d’une institu-tion fédérale. En fonction de leurs préférences du moment, les pratiquants exécutent des acrobaties pouvant se rapprocher de certains sports tels que la gymnastique, la danse, le patin à glace… tout en rejetant, sous les prétextes d’esthétique et de normes trop contraignantes, ce même modèle. En préférant la dimension esthétique propre à l’acrobatie et l’utilisation de la rue, certains refusent la compétition. Ils disent se concentrer sur la création, la réalisation de gestes qui procurent des sensations ou retracent des exploits photogra-phiés selon des critères personnels. Cette démarche débouche sur une quête esthétique difficilement atteignable car jamais totalement satisfaisante.

Underground et sportivisation

Les skaters, les rollers et les BMX s’approprient l’espace urbain, un décor qui a joué un rôle prépondérant dans leur maturation. Cet environnement marque une  rupture  totale avec  les autres  sports. Dans  les années 1990, ces  activités  physiques  « marginales »,  peu  populaires,  sont  adoptées  par des minorités de jeunes urbains. Dans leurs discours, ils se disent discrets, désirent préserver leurs pratiques « non et anti commerciales » du « grand public » et souhaitent rester cachés. Démarche paradoxale au regard de leur visibilité liée à l’occupation de certaines places centrales dans la ville (Pégard, 1998). Dans les années 1990, ces jeunes peu nombreux, réunis en bandes (Fize, 1993), s’émancipent dans une culture qualifiée d’« underground ». Ils cherchent à se préserver des Autres considérés comme des menaces pouvant altérer  l’authenticité de  leur activité. Durant  cette période,  ces pratiques restent confinées. Les pratiquants refusent les normes et les valeurs de la société établie par les adultes. Ils s’investissent plutôt à proposer des cou-rants alternatifs en adoptant des normes subculturelles et anti sportives. Ce mouvement des pratiques urbaines situé à la « lisière des formes sportives » rappelle  la  notion  de  « quasi-jeux  sportifs »  utilisée  par  Parlebas  (1986) pour distinguer des activités aux normes plus souples que celles qui règnent dans les sports. Loret, avec l’émergence de la « culture de la glisse » (1995) à laquelle  il ajoute les pratiques urbaines, s’attend à une perturbation du modèle sportif. Cette classification et distinction entre « culture analogique » et « digitale » va être dépassée (Laurent, 2008b). Les pratiques urbaines vont s’inspirer de la « formule sportive » pour proposer des formes hybrides et ambivalentes mélangeant leurs spécificités au fonctionnement sportif : des compétitions par équipe pour diminuer le stress d’une performance indivi-duelle et pour ressembler davantage à la manière dont les skaters évoluent par groupe affinitaire dans la rue ; le best tricks, les skaters se défient sur un même obstacle à celui qui fera la figure la plus complexe techniquement et la plus esthétique.

277La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie

S’appropriant l’espace urbain pour y préserver un aspect « sauvage » ou  évoluant  dans  le  cadre  de  manifestations  où  règne  une  compétition acharnée entre les membres d’une élite, les pratiques urbaines ne peuvent se permettre de refuser la transformation sportive, synonyme de professionna-lisation, sponsoring et financement : « Ou l’on restait dans l’underground et à la limite il n’y a pas besoin d’association ou alors on fait une association et on profite des subventions, on embauche des skaters… » (VP). Avec l’entrée prévue mais retardée du skate aux Jeux olympiques, ceux qui soutiennent l’institutionnalisation envisagent de s’aligner sur les récompenses monétaires offertes dans les autres sports, ainsi ils souhaitent « une professionnalisa-tion, déjà aujourd’hui pour tout ce qui est initiation des écoles de skate, il y a une professionnalisation des associations et de ces membres il ne manque aujourd’hui que la professionnalisation des skaters » (VP).

Cette émancipation souhaitée par le secteur industriel, commercial et sportif fait émerger un aspect plus honorable, apprécié du grand public et rendant ces pratiques spectaculaires plus abordables. La démocratisation, la sportivisation et la commercialisation est en cours depuis la fin des années 1990. La rupture avec une période underground est consommée même si de nombreux pratiquants préservent des conduites rebelles en adéquation avec cette conception (Laurent, 2005). Le fait de proposer à la fois un visage sportif  lors  de  « contests7 »  durant  lesquels  s’affrontent  des  compétiteurs recherchant l’efficacité technique et l’exécution de l’enchaînement le plus accompli  pour  séduire  un  jury,  ainsi  qu’une  pratique  « agressive »  dans l’urbain, ces activités offrent une multitude d’options. Cette ambivalence accentue leur aspect inclassable. Nos observations nous permettent d’avancer qu’il n’est pas incohérent pour des experts d’évoluer la semaine en ville dans une formule urbaine autoorganisée et le week-end, participer à des compé-titions. Cependant, ces mêmes individus disent n’apprécier et ne valoriser que la pratique dans la rue. 

Le discours des pratiquants

Comme l’énonce Gibout, il s’agit de « mesurer l’écart entre d’une part, un discours produit par les usagers ordinaires sur leur pratique, et, d’autre part, sa réalité objectivée par l’analyse sociologique » (2004). Le discours produit par les puristes lors des entretiens et des récits de vie bannit le terme acro-batie ; Il est absent de leur langage car remplacé par le terme Tricks. Les représentations collectives associent généralement la notion d’acrobatie au monde du cirque. Cet univers renvoie à un imaginaire que les pratiquants des activités urbaines disent refuser. En tant que jeunes urbains participant à la vie de la ville et inscrits dans des pratiques innovantes, exposés à la street culture, cette connotation « populaire » liée à l’acrobatie et l’imaginaire des 

278  Julien laurenT

disciplines du cirque reflète, selon eux, un temps révolu concernant d’autres générations. Les modes langagières adoptées par les jeunes influencés par la culture américaine valorisent plutôt l’usage de la notion de freestyle.

fIgure 4

Slide, Lattes (34)

Source : Laurent, 23 avril 2006

Pourtant l’analyse des pratiques et des comportements adoptés par ces individus justifie la validité de la notion d’acrobatie. L’usage de ces engins et les finalités émises par les pratiquants démontrent une perpétuelle recherche d’efficacité afin de maîtriser (Gibout, 2006b) des sauts, rotations du corps ou de l’engin, des glissades multiples au grè des obstacles domptés dans la ville. 

Serions-nous en présence d’un phénomène qui tend justement à substi-tuer une notion à une autre sous l’effet d’une culture urbaine ? Est-ce que la notion de freestyle adoptée par les générations actuelles propose une signi-fication différente de celle d’acrobatie ? Que révèlent les actes, conduites et comportements des pratiquants ? Dans les discours relevés chez les skaters, ceux-ci font du freestyle, ils exécutent des tricks, ils apprécient la pratique « street » et ne mentionnent jamais la notion d’acrobatie. Ils se détournent également du terme sport pour parler de leurs activités : 

[…] Ce n’est pas vraiment un sport dans le sens où on l’entend, ça va être une activité physique, mais après ce n’est pas un sport avec un prof qui va donner des cours qui va te dire comment faut faire, tu n’as pas un but pour gagner quelque chose… je ne ressens pas ça comme un sport avec des règles, il faut faire comme ci pour que ce soit comme ça, il y en a des règles mais ce ne sont pas des règles écrites (LA).

279La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie

Une stratégie culturelle et notamment l’adoption d’un langage jeune expliquent ces conduites. Nos recherches démontrent que dans ces pratiques originales où règne une forte identité, les pratiquants ont la volonté de se distinguer  des  pratiques  du  passé.  Cependant  l’appropriation  de  la  ville comme scène où va se jouer une représentation (Goffman, 1973), l’aspect spectaculaire et spectacularisable de ces pratiques (Adamkiewicz, 1998) et les figures exécutées confirment la notion d’acrobatie. Les skaters, rollers et autres pratiquants de l’urbain animent certaines places publiques par leurs acrobaties et pitreries. Ceux-ci s’expriment avec leur corps, impressionnent par leurs réussites, font rire par leurs chutes. Ils engagent un échange visuel avec les citadins. Dynamiser l’espace public où une attitude de réserve doit être adoptée les fait passer pour des déviants. 

Endossant différents rôles, les skaters passent à la fois pour des acro-bates et des clowns. Ils assurent une représentation,  font sourire, rire  les badauds ou se révolter les riverains. Ces individus ne laissent pas indiffé-rents. Ils attirent l’attention par une animation visuelle et sonore. Les ratés fréquents se traduisent par des chutes et des cascades, qui font rire ou sont considérées comme des bouffonneries par des spectateurs éphémères. Les attitudes de certains pratiquants rappellent celles des clowns. Ce parallé-lisme est amplifié par les différentes parures et autres codes vestimentaires extrêmes  (extra-large  chez  les  adolescents  des  années  1990  et  proche  de la tendance rap, très moulant et influencé par le punk/rock pour les ado-lescents actuels). Ces tendances font office de référence dans ces milieux avant-gardistes, inventifs et forcément loufoques quand il s’agit de générer de la nouveauté. Les pratiquants soulignent également l’aspect sérieux de ces activités qui deviennent de plus en plus rationnelles, sportives et même professionnelles. Les plus talentueux sont récompensés par des sponsors se traduisant par une reconnaissance sociale dans et en dehors de ce milieu. Certaines acrobaties sur des rampes d’escaliers plus communément appe-lées hand rails ne laissent pas de place à l’échec parfois synonyme de graves traumatismes. La visibilité tant recherchée est obtenue par l’occupation de hauts lieux urbains dans la cité.

Une mise en scène créative et codifiée

L’acrobatie urbaine ne serait rien sans un public présent pour l’apprécier. Entourés par des pairs et des chalands, les skaters, rollers et BMX s’appro-prient des « spots ». Ces hauts lieux sont choisis en fonction d’une configu-ration particulière établie par différents paramètres : un  revêtement  lisse offrant  une  surface  de  roule,  sans  ce  premier  paramètre  la  tenue  de  la pratique sera altérée et grandement compromise pour le skate et le roller ; un périmètre  important pour enchaîner  les  figures ; un spot possède une 

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certaine valeur et devient attractif que si celui-ci propose un mobilier urbain décuplant l’intérêt d’y exécuter des tricks. Les principaux spots implantés dans les agglomérations françaises présentent de nombreux artefacts comme des marches, des bancs, des plans inclinés, tout un mobilier qui éveille la créativité  ludique.  Ainsi,  quelques  places  centrales  construites  avec  des matériaux nobles comme du marbre ou du carrelage deviennent des spots incontournables connus par la communauté nationale8 et des lieux de pas-sage où ils sont vus.

En l’absence de mobilier urbain, la philosophie du « do it yourself9 », attitude qui consiste à se débrouiller par ses propres moyens, devient incon-tournable,  la  plupart  des  pratiquants  refusant  toute  forme  d’institution-nalisation. Ces derniers bricolent des tremplins avec des matériaux qu’ils trouvent aux abords des spots urbains. Ceux qui résident dans des petites agglomérations ou des villages, pour pallier ce manque de mobilier et se sachant plus compétents dans la conception de spots que certains fournis-seurs de skate-park, se construisent leurs propres sites à l’écart des regards et en fonction de leurs attentes : 

[…] On construit des trucs, ça, c’est vraiment ce qu’on aime faire… Il y avait des planches partout, t’arrives dans le hangar, tu fais ton spot, on a construit des trucs là-bas, une courbe en béton, on avait pris des sacs de béton, on a cassé un mur pour agrandir, c’était génial, on était comme des gamins qui jouaient au Légo, on arrivait là-bas, il y avait des planches, on les mettait là, on mettait des chérons, c’était mieux qu’un skate-park, tu construisais tes modules, c’était le paradis (JM).

fIgure 5

Grab dans la cour du Hangar, Clappiers (34)

Source : Bouloiseau, 2005.

281La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie

Ce procédé rend compte de l’inventivité et de la créativité qui règne dans ces pratiques. Elles font penser à des pratiques plastiques où il s’agit de se confectionner son environnement et après y injecter du mouvement. 

Que ce soit « sur un spot de street », « dans un skate-park » ou un bowl (L’Aoustet et Griffet, 2001), de nombreuses règles de priorité permettent le partage de ces espaces entre les différents usagers. Ces pratiques consi-dérées comme « sauvage10 » du fait de la non-adhésion de la majorité à des institutions  représentatives  pourtant  existantes  ne  sont  pas  pour  autant inorganisées. Généralement règnent sur ces spots une organisation, un sens d’utilisation, des priorités, un ordre de passage, des règles qui  traduisent une hiérarchie, des rites d’usage (Segalen, 1998 ; Van Gennep, 1981). Cette codification devient perceptible lors de l’intégration des groupes de prati-quants. Normalement maintenues secrètes, ces règles ne sont pas clairement évoquées. Elles sont pourtant bien présentes dans l’esprit des pratiquants qui parviennent à maintenir une forme d’ordre. L’anarchie sur les spots peut être sanctionnée lors de la non-application de certaines règles de priorité, le non-respect des locaux prioritaires, un ordre hérité de la culture surf : « Il arrive sur le curb et grind et me passe devant faisant style qu’il ne m’a pas vu alors qu’il m’a vu arriver, du coup, je lâche ma planche pour que ça le gêne pour pas qu’il fasse son tricks et pour lui dire “vas y dégage c’est moi qui ride là tous les jours, c’est moi le prioritaire”, du coup, je balance ma planche et je lui ai dit de dégager » (PC).

Des  normes  internes  strictes  règnent  au  sein  de  ces  pratiques  et contrastent avec le non-respect de celles qui concernent l’appropriation de l’espace urbain. Ce comportement est illustratif de l’utopique liberté qui, par moments, semble régner dans ces pratiques, quand ces pratiquants par-viennent à occuper un périmètre dans la ville qui se prête à leurs acrobaties sans connaître l’interdit ou une sanction. Cet esprit de liberté, la « coolness » (Kerouac,  1960)  adoptée,  permet  de  contourner  les  possibles  contraints limitant l’épanouissement recherché par ces nombreux jeunes. 

Les inconvénients des tricks

Les figures réalisées par les skaters créent des nuisances sonores insuppor-tables. Réaliser des tricks passe par des impulsions se traduisant par des détonations  incontournables.  Ces  bruits  rythment  la  pratique,  indiquent l’efficacité technique, rendent compte de la réussite ou de l’échec (qui fait bien plus de bruit), traduisent le timing des différents mouvements à enchaîner. Les sonorités des différentes formes de raclement indiquent également les destructions engendrées sur le mobilier et la pertinence de la notion de grind qui signifie moudre ou aiguiser, terme employé dans le skate, le roller et le BMX (Gibout et Laurent, 2007). Ces pratiques font subir des dégradations au 

282  Julien laurenT

mobilier urbain que certains édiles considèrent de manière légitime comme intolérables : « Quand ils font ce genre de pratique, ils se rendent compte qu’ils cassent mais ils continuent, c’est ça qui est terrible […] C’est vrai que ces planches à roulettes on pourra dire tout ce qu’on voudra mais au point de vue de l’impact sur l’environnement aussi bien physique que sonore, c’est vraiment détestable » (M.P. adjoint au maire, délégué à la voirie).

Par ces sonorités et les dégradations causées, les pratiques urbaines, mais principalement le skateboard11, sont identifiées comme des pratiques déviantes (Becker, 1985). Ces jeunes, pour des raisons ludiques et acroba-tiques, n’observent pas les mêmes normes que celles adoptées par le reste de  la population. Est-ce à dire que ces  individus adoptent des  conduites anomiques,  ne  respectent  pas  les  normes  sociales  (Merton,  1997) ?  Tous sont conscients de leurs actes et des inconvénients de leur pratique : « Les gens savent ce que c’est le skate et savent aussi que ça fait du bruit, ceux qui vivent autour des spots ils ont l’habitude de virer les skaters parce qu’ils en ont marre d’entendre claquer les planches » (MA) ; « Quand tu vas skater dans les écoles, tu sais que t’as pas le droit, tu sautes le portail, tu sais que tu vas te faire virer au bout d’une demi-heure et t’as toujours un voisin qui se mêle pas de sa vie et qui va appeler la police » (GF). 

Seulement pour la réalisation de leur pratique et un épanouissement total dans le cadre de cette « passion » (Calogirou et Touché, 1995) débor-dante, à l’origine d’un style de vie (Veal, 2001), ces individus se moquent des normes, transgressent parfois les interdits pour profiter pleinement des sensations liées à la tentative, l’échec ou la réussite de certaines acrobaties : « Vis-à-vis de l’interdit, t’as pas le choix et après t’as des spots tellement tentant que tu es prêt à te faire bouffer le cul par un chien pour aller skater » (GF). Ainsi, certains pratiquants que nous avons suivi à Montpellier n’hésitent pas à pénétrer dans une résidence privée, une école primaire fermée, un entrepôt à l’abandon ou s’approprieront une friche urbaine pour profiter d’un possible spot éphémère et prouver qu’ils ne rentrent pas dans le rang social et sportif.

L’acrobatie limite la sportivisation

Avec l’émergence des skate-parks souvent construits à la périphérie pour limiter les nuisances causées, les conduites observées dans les autres sports resurgissent : 

[…] En skate-park, c’est plus officiel comme skate, les mairies cherchent à nous cloîtrer pour pas qu’on foute le bordel en ville, tu n’as pas la même impression que skater dans la rue, dans un park il y a un public, des gens qui skatent pas, il y a une ambiance « je vais faire le plus beau tricks »[…] il y a plus de modules donc des possibilités de montrer ce qu’on sait faire (MA). 

283La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie

Ces sites conçus pour faciliter le contrôle et l’organisation des pra-tiques urbaines deviennent des lieux de compétitions. 

Comme  le  terme  freestyle  préféré à  celui d’acrobatie,  la notion de « contest », plus souple et qui fait référence à un concours, remplace la notion de compétition. Ici la notion de concours prend tout son sens. Les skaters disent préférer se dépasser, mener une luttre contre leurs propres compé-tences qu’ils doivent sublimer et refusent la concurrence, le fait d’entrer en opposition contre un autre compétiteur. 

Des propos parfois contredits par ceux qui adhèrent à une carrière sportive et sont définis par les non-sportifs comme 

[…] des sportifs du skate, c’est limite, ils s’habilleraient en fluo avec échauf-fement avant, ils en font pas du tout de la même façon que moi, je ne peux pas les comprendre… tu as des skaters avec l’esprit compet, M est un super bon pote de skate mais M c’est un sportif, il fait pas de contest parce qu’il aime pas voir les gens et parce qu’il trouve ça ridicule dans le skate mais c’est un sportif, il skate pour la gagne et il a fait du tennis pendant dix ans, c’est un sportif mais ça n’empêche pas que je m’entende super bien avec lui mais quand on va skater, s’il arrive pas à skater il devient fou… (GF).

fIgure 6

Jurys et Contest, European Skateboard Cup, Montpellier

Source : Laurent, 31 octobre 2004

Ces « contests » sont organisés par l’institution fédérale ou les associa-tions locales qui ont généralement permis à la communauté locale d’obtenir un skate-park. Les compétiteurs sont jugés par un jury de pairs au regard de leurs performances avec tout le caractère subjectif que cette forme d’évalua-tion implique. Un site comme le skate-park modifie les comportements. Les pratiquants, consciemment ou inconsciemment, tentent d’être efficaces, de 

284  Julien laurenT

ne produire que les figures qu’ils maîtrisent afin de démontrer leurs com-pétences. Une sorte d’entraînement a été relevée chez certains qui tentent d’adopter une démarche sportive en vue de futurs compétitions.

Dans  de  nombreuses  villes  équipées  et  non  équipées,  la  pratique reste implantée dans la rue. Ce type d’environnement influence les valeurs et  les  normes  des  adolescents.  Ceux-ci  refusent  toute  assimilation  à  une pratique sportive. Ils se détournent des skate-parks considérés comme des sites sportifs annonçant la disparition du caractère urbain de leur pratique, anéantissant une liberté relative mais possible dans la ville. Ce décor et ces groupes affinitaires confinés et réduits partagent secrètement les savoir-faire et savoir-être propres à ces activités au départ marginales. La transmission des techniques quand elle a lieu se fait entre initiés avérés souvent sous forme de don/contre-don (Mauss, 1950), en échange d’un service ou après avoir prouvé son attachement passionnel, son investissement sans borne ni faille à la pratique et sa culture.

Pendant quelques années ces pratiques sont restées discrètes le temps de leur maturation. Avec le temps, elles se sont ouvertes à la commercia-lisation12 pour poursuivre  leur développement économique  synonyme de survie dans le champ des loisirs. Seulement la réalisation de tricks permet à ces acrobates de l’urbain de s’orienter selon leurs envies vers une démarche sportive et/ou alors préférer la quête du style, la dimension artistique qui consiste à profiter d’un décor urbain.

Conserver une dimension artistique et urbaine

La « stylisation de la vie moderne » (Clément, Defrance et Pociello, 1994) bouleverse les loisirs et passe par l’acrobatie avouée ou inavouée mais pour-tant incontournable dans les pratiques urbaines. Certains skaters apprécient révéler  leurs prouesses et cherchent à être visibles. D’autres plus discrets restent à l’écart et préfèrent n’interagir qu’avec des pairs : « à Montpellier ce qui me dérange vraiment, c’est les gens, le monde dans la rue, j’aime pas skater au milieu de la foule » (JM).

À l’image de la boxe surnommée le noble art, les pratiques physiques urbaines s’inspirent du domaine subjectif de la création pour proposer une dimension  supplémentaire,  rester  à  la  marge  et  se distinguer des  sports : « S.P. [un expert français] il a jamais fait de sport de sa vie et plein de fois on confronte nos conceptions, pour lui, le skate, c’est pas du sport et, moi, je disais « non, c’est pas du sport mais c’est un peu du sport quand même » et lui il voulait pas admettre, il disait « non, c’est que de l’art » (MD). Les pratiquants avouent fréquemment être déchirés entre ces deux conceptions. Nombreux sont ceux qui refusent le terme de sport évoqué par maladresse 

285La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie

ou de manière incontournable, inconsciente : « Dans le skate, il y a aussi, comme c’est un sport, une activité, quand je dis sport, ça me rend dingue… » (LA). D’autres utilisent la notion d’art pour qualifier leurs priorités, effectuer des gestes esthétiques, stylisés dans un décor urbain, des exploits qui seront photographiés rendant compte d’une acrobatie et d’une ambiance : 

[…] C’est un peu plus artistique que sportif et je peux faire un parallèle avec la gym, la gym, pour moi, ça s’appelle de la gymnastique artistique et c’est un truc que je retrouvais un petit peu dans le skate, il n’y a pas que de la performance il y a aussi une notion d’esthétique en skate, on essaye tout le temps de faire une figure mais de la faire jolie, tous les skaters que je connais ils font dans leur tête une image d’une figure qu’ils ont vu et qu’ils aiment et quand ils essayent de la refaire, ils essayent de la refaire pareil, ils se contentent pas de savoir juste faire la figure, ils essayent de la faire aussi jolie que celles qu’ils ont dans la tête (LA).

fIgure 7

Slide Place Albert I, Montpellier

Source : Laurent, 30 avril 2005

La notion d’acrobatie se révèle comme fondamentale dans le skate-board, le roller et le BMX. Cachées sous la notion floue et polysémique de freestyle, ces pratiques individuelles nécessitent la participation et l’interac-tion avec un groupe ou un public. Cette fonction acrobatique incontournable met  en  relation  des  pratiques  corporelles  qui  se  parent  d’une  dimension esthétique. La difficile définition de ces activités est justement causée par l’acrobatie permettant la jonction entre efficacité technique caractéristique du mouvement sportif et recherche d’esthétique, d’originalité, de style per-sonnel propre au mouvement artistique. Partagé entre une survivance d’une culture underground urbaine et une dimension sportive qui tend à se révéler, tous les pratiquants s’accordent sur un point sans le mentionner, leurs acti-vités sont dominées par l’acrobatie désormais modernisée par la notion de Freestyle soit la quête du trick efficace et esthétique effectuée dans la rue.

286  Julien laurenT

nOtes

  1.  Le film Rize, réalisé par David LaChapelle en 2004, retrace la naissance de ce mouvement, cette « nouvelle » discipline du hip-hop et de la danse urbaine.

  2.  Nous faisons une distinction entre sports urbains et pratiques urbaines. Les sports urbains dérivent des sports qui se sont déplacés vers la rue pour être plus abor-dable et correspondre à cette culture alors que les pratiques urbaines proviennent de la ville et effectuent en sens inverse une percée en direction d’équipement de type sportif comme les skate-parks.

  3.  La majorité des pratiquants se revendiquent comme des spécialistes de l’urbain mais  évoluent  également  dans  les  skate-parks  censés  reproduire  le  mobilier urbain ou proposer d’autres formes de pratiques et notamment celle nommée « courbe » quand il s’agit d’utiliser les rampes, quarters, bowls et autres structures en bois ou en béton.

  4.  Le  premier  brevet  d’invention  concernant  le  patin  à  roulettes  daterait  de 1819 et aurait été déposé par le français Petibled. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Patin_à_roulettes#Historique).

  5.  Mouvement basique du skate que nous décrypterons plus loin.  6.  Beaucoup étant déjà des spécialistes du skateboard qui ont tenté de reproduire les 

mouvements exécutés dans l’espace urbain sur la neige et dans les stations de ski.  7.  Nous expliquerons cette notion plus loin.  8.  Les principales agglomérations françaises présentent une voire plusieurs places 

de ce type, c’est le cas du Palais de Tokyo à Paris, de la place de l’Hôtel de ville à Lyon, de la place Masséna à Nice et anciennement la place du marché au fleur appelée place de la Préfecture par les skaters de Montpellier.

  9.  Le concept de « do it yourself/fuck off attitude » provient du mouvement punk et a été réemployé dans la culture skateboard et les mouvements plastiques naissants. Ce concept illustre la débrouille qui règne dans cette culture de la rue et la volonté de ne pas avoir à demander à des personnes extérieures une possible aide.

 10.  Au sens noble du terme comme l’utilise Lévi-Strauss (1962) démontrant l’étendue des savoirs de ces peuples premiers.

 11.  Il est difficile aux édiles de s’attaquer au roller pratique qui fédère des adultes et qui représente une pratique écologique honorable. Les services municipaux avec qui nous avons mené des entretiens ne sont pas encore éveillés par les méfaits causés par les bmx, engins métalliques beaucoup plus lourds. Par contre, le skate-board devient la cible principale des mesures et autres « dispositifs antiskate » disséminés dans les centres urbains pour limiter la pratique et les dégradations.

 12.  Des jeux vidéos ont rendu accessible et visible à tous les enfants et adolescents ces techniques « sacrées », « secrètes », undergrounds que préservaient intimement les passionnés.

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289La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie

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Julien laurenT

La ville et la culture des « jeunes » influencées par l’acrobatie : réflexion sur les ambivalences des pratiques urbaines

résumé

La ville, décor urbain par excellence, offre un terrain d’expression et l’appa-rition de nouvelles pratiques qui, depuis quelques décennies, séduisent les adolescents et les postadolescents. Ces pratiques se distinguent des activités sportives  des  générations  précédentes.  Pénétrant  la  ville  et  évoluant  en dehors d’un cadre institutionnalisé pourtant existant, « le skater investit le lieu de vie le plus ordinaire, le trottoir et le transforme en espace ludique » (Duret et Augustini, 1993, p. 43). L’analyse des pratiques urbaines que sont le skateboard, le roller et le BMX puis, par extension, les différentes formes de gestuelles et autres déplacements dans la ville permettent de cerner la pertinence et l’aspect incontournable de l’acrobatie à travers la notion de freestyle. Et si l’acrobatie permettait de mieux cerner certaines ambivalences au  fondement  du  skateboard  et  notamment  sa  double  facette  évolution sportive et autoconservation d’un héritage urbain esthétique ?

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Teens and Post-adolescents’ City and Culture Influenced by Acrobatics : Reflection on Urban Practice Ambivalences

abstract

The city, ultimate urban decor, provides a field for self-expression and has witnessed the birth of new practices that have enticed teens and post-adoles-cents alike, for the past decades. These practices differ from the sport activities of previous generations. As he penetrates the city and evolves outside of the existing institutionalized frame, “the skater besets the most common living environment, the sidewalk, and turns it into a play space” (Duret & Augustini, 1993 : 43). The analysis of urban practices such as skateboard, rollerblade and BMX, and by extension, the many forms of gestural and other trips within the city, have allowed us to recognize the relevance and unavoidability of acrobatics through the notion of freestyle. What if acrobatics allowed us to better identify some of the ambivalences we have towards skateboard, its double-sidedness in particular – meaning its sportive evolution and the auto-conservation of an urban aesthetics heritage ?

Julien laurenT

La ciudad y la cultura de los « jóvenes » influenciados por la acrobacia : reflexión sobre las ambivalencias de las prácticas urbanas

resumen

La ciudad, ambiente urbano por excelencia, ofrece un terreno de expresión y el aparecimiento de nuevas prácticas que, desde hace algunos decenios, seducen los adolescentes y los post-adolescentes. Estas prácticas se distinguen de las actividades deportivas de las generaciones precedentes. Penetrando la ciudad y evolucionando fuera de un marco institucionalizado y sin embargo existente, “el skater (patinador de planchas o de patines) invade el sitio de vida más ordinario, la acera y lo transforma en espacio lúdico” (Duret y Augustini, 1993, p. 43). El análisis de las prácticas urbanas tales que el monopatín (skater-board), el patín de ruedas alineadas (roller) y la bicicleta BMX y luego, por extensión, las diferentes formas de gestuales y otros desplazamientos en la ciudad permiten de delimitar la pertinencia y el aspecto incontornable de la acrobacia a través de la noción del estilo libre (Freestyle). ¿Y si la acrobacia permitiera de delimitar mejor ciertas ambivalencias al fundamento del mono-patín (skateboard) y principalmente su doble faceta evolución deportiva y autoconservación de una herencia urbana estética ?