La question des campagnes arvernes à la fin de l’Antiquité : état des lieux et problématiques...

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325 La question des campagnes arvernes à la fin de l’Antiquité : état des lieux et problématiques de recherche Sandra CHABERT Les recherches archéologiques portant sur les périodes de la fin de l’Antiquité et du début du Haut Moyen Âge ont fait l’objet d’un profond renouvellement depuis le début des années 1990. Les informations livrées par les sources écrites conjuguées à la rareté des données archéologiques ont longtemps favorisé un discours centré sur la désertion des campagnes. Cette désaffection était alors expliquée comme la conséquence directe et généralisée des « grandes invasions barbares » des IV e -V e siècles qui succédaient à la « crise du III e siècle ». « La Gaule toute entière brûlait comme une torche », peut-on encore lire dans les manuels universitaires (Kaplan, Picard, Zimmermann 1994 : 14). Très tôt pourtant, certains auteurs regrettaient l’absence de recherches portant sur l’Antiquité tardive. Dès 1953 par exemple, en introduction du manuel Des Romains aux BarbaresTableaux historiques de la Gaule au Bas- Empire, G. Grossi (1953 : 9) déplore que les IV e -V e siècles soient « trop souvent ignorés ; pourtant ils devraient être étudiés avec soin dans notre pays et devraient tenir une large place dans nos manuels historiques ». Mais la présence ténue, voire diffuse, des témoins archéologiques (que ce soit les vestiges ou le mobilier), en particulier en zone rurale, rendait difficile l’abord et la compréhension de cette période. On lui préférait de ce fait les siècles précédents, plus visibles et livrant des vestiges plus imposants. Quant aux siècles mérovingiens, seules les découvertes de nécropoles du nord de la Gaule livrant de riches ensembles mobiliers témoignaient paradoxalement du peuplement des campagnes. CHAPITRE 8

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La question des campagnes arvernes à la fin de l’Antiquité :état des lieux et problématiquesde recherche

Sandra CHABERT

Les recherches archéologiques portant sur les périodes de la fin de l’Antiquitéet du début du Haut Moyen Âge ont fait l’objet d’un profond renouvellementdepuis le début des années 1990. Les informations livrées par les sources écritesconjuguées à la rareté des données archéologiques ont longtemps favorisé undiscours centré sur la désertion des campagnes. Cette désaffection était alorsexpliquée comme la conséquence directe et généralisée des « grandes invasionsbarbares » des IVe-Ve siècles qui succédaient à la « crise du IIIe siècle ». « La Gauletoute entière brûlait comme une torche », peut-on encore lire dans les manuelsuniversitaires (Kaplan, Picard, Zimmermann 1994 : 14).Très tôt pourtant, certains auteurs regrettaient l’absence de recherches

portant sur l’Antiquité tardive. Dès 1953 par exemple, en introduction dumanuel Des Romains aux Barbares… Tableaux historiques de la Gaule au Bas-Empire, G. Grossi (1953 : 9) déplore que les IVe-Ve siècles soient « tropsouvent ignorés ; pourtant ils devraient être étudiés avec soin dans notre payset devraient tenir une large place dans nos manuels historiques ». Mais laprésence ténue, voire diffuse, des témoins archéologiques (que ce soit lesvestiges ou le mobilier), en particulier en zone rurale, rendait difficile l’abordet la compréhension de cette période. On lui préférait de ce fait les sièclesprécédents, plus visibles et livrant des vestiges plus imposants. Quant auxsiècles mérovingiens, seules les découvertes de nécropoles du nord de la Gaulelivrant de riches ensembles mobiliers témoignaient paradoxalement dupeuplement des campagnes.

CHAPITRE 8

Des problèmes d’ordre archéologique et méthodologique se sontlongtemps posés dans l’approche de la période comprise entre les IIIe et VIIesiècles (Février 1978 ; Van Ossel 1997 : 7-8). Nombre de ces vestigesconnaissent un arasement important. De fait, pendant longtemps, les tracesténues qui subsistaient n’étaient pas systématiquement détectées lors desfouilles archéologiques, en particulier les structures en creux (Durost 2011).Paradoxalement, plus que par la découverte des structures de l’habitat, c’est àtravers les nécropoles que l’occupation des campagnes tardo-antiques a puêtre appréhendée (Van Ossel 1993).En outre, la difficulté à dater précisément ces vestiges a entraîné un vide

archéologique dans beaucoup de régions. La méconnaissance des céramiquesde la fin de l’Antiquité et du Haut Moyen Âge, cumulée à la rareté du mobiliermonétaire, a constitué un frein à la compréhension des rythmes del’occupation. L’appréhension de cette période devait donc commencer parune reprise des mobiliers archéologiques et par l’établissement de leurchronologie.Enfin, la période de la fin de l’Antiquité, ce « Bas-Empire », souffre d’un

regard pessimiste, si ce n’est dépréciatif, que les recherches récentes s’efforcentde combattre. Déclin, baisse démographique, « squattérisation » des villae,sites-refuges sont des termes récurrents dans les études anciennes, qu’il fautdésormais remettre en question au moyen d’approches renouvelées.À partir des années 1990, les grandes opérations d’archéologie préventive

ont occasionné la découverte de sites de la fin de l’Antiquité et du HautMoyen Âge, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de recherche, tant dansles zones septentrionales de la France que dans sa partie méridionale. Vingtans plus tard, l’Auvergne accuse un retard notable dans ce domained’investigations. Cette lacune avait notamment été remarquée lors du bilan,effectué en 2005, sur la programmation scientifique en Auvergne (Alexandre2010). La réalisation d’un état des connaissances par le biais d’une reprise desdonnées archéologiques, dans le cadre d’un travail de doctorat sur Lescampagnes de la cité des Arvernes et de ses confins de l’Antiquité tardive au HautMoyen Âge, réalisé sous la direction de F. Trément, doit permettre de dresserun tableau de la cité des Arvernes et de son développement durant cettepériode.

1. Bilan des travaux au niveau national

Le bilan des travaux menés durant ces vingt dernières années sur la Gaulede l’Antiquité tardive fait état d’une relative diversité des approches selon lesrégions, ou plus exactement selon les données disponibles au sein de chacuned’elles.

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1.1. Dans la moitié nord de la GauleLes travaux portant sur les campagnes et les établissements ruraux de la moitié

nord de la Gaule se sont attachés à établir une typologie de l’habitat encaractérisant ses formes et ses fonctions. Les rythmes et les modes du peuplementpour chacune des régions étudiées ont ainsi été mis en avant. L’impulsion a étédonnée par le travail majeur de P. Van Ossel (1992), publié au début des années1990, portant sur les établissements ruraux dans le nord de la Gaule. La reprisecritique de l’ensemble des données anciennes et récentes lui a permis de battreen brèche l’hypothèse d’une désertion des campagnes durant les IVe-Ve siècles.La synthèse d’É. Peytremann (2003) constitue un complément à ce travail, lazone d’étude et la fourchette chronologique ayant été élargies à l’ensemble dela moitié nord de la Gaule entre les IVe et XIIe siècles.La forte activité de l’archéologie préventive depuis les années 1990 dans

la moitié nord de la France a favorisé la mise au jour de nombreux sitesd’habitat tardo-antiques et alto-médiévaux. Le mobilier retrouvé en contextestratifié a, dès lors, permis de préciser la chronologie des céramiques,favorisant ainsi la compréhension des rythmes d’occupation. De plus, lafouille des établissements a débouché d’une part sur l’acquisition de plansautorisant les approches typologiques précises et, d’autre part, sur la récoltede données diversifiées permettant de cerner les activités économiquespratiquées (au moyen de l’étude des restes végétaux et des restes fauniquesnotamment). Le programme collectif de recherche sur L’époque romainetardive en Île-de-France, coordonné par P. Ouzoulias et P. Van Ossel, aoccasionné un renouvellement complet des connaissances sur les campagnestardo-antiques de cette région, tant du point de vue des modes deconstruction, des activités pratiquées que des mobiliers consommés89. Ledéroulement de colloques sur l’Antiquité tardive dans l’Est de la Gaule (Kasprzyk2011) a favorisé la diffusion de l’actualité de la recherche. Le programme collectifde recherche Habitat rural du Haut Moyen Âge en Île-de-France, coordonné parF. Gentili, A. Lefèvre et N. Mahé, s’est inscrit dans la continuité chronologique.La réalisation de notices de sites, allant de pair avec les études céramiques, aété lancée dans un souci de mise en commun et de diffusion des connaissances(Gentili, Lefèvre, Mahé 2003 ; Gentili, Lefèvre 2009).Enfin, certains travaux ont porté sur une cité antique en particulier, visant à

mettre en lumière son développement sur la longue durée (tel que le travail deC. Gandini (2006 ; 2008) sur la cité des Bituriges Cubes), ou bien durantl’Antiquité tardive exclusivement. Dans sa thèse, M. Kasprzyk (2005) dresse unportrait de la cité des Éduens et de Châlon entre la seconde moitié du IIIe siècleet le premier tiers du VIe. L’auteur souligne un certain nombre deméconnaissances persistantes : agglomérations essentiellement vues à travers lesenceintes et les édifices chrétiens, campagnes qualifiées de friches, ou encore

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pratiques religieuses trop souvent considérées comme systématiquementchristianisées.Les différents résultats, bien que reposant sur des données inégales selon

les zones appréhendées, ont mis toutefois en lumière un certain nombre detendances communes. L’idée de campagnes tardo-antiques désertées estclairement battue en brèche. Au contraire, une permanence de l’habitat a étéobservée dans chacune des régions étudiées. Les campagnes franciliennes, enparticulier, se singularisent par la forte densité de leurs établissements, malgréune baisse du nombre de sites par rapport à la période précédente. Cettediminution correspond d’avantage à un déclin progressif et continu qu’à unechute brutale (Ouzoulias, Van Ossel 1997). En outre, elle s’amorce, pour laplupart de sites, durant le IIIe siècle (Kasprzyk 2005), parfois même avant(Van Ossel 1992 ; Gandini 2006 ; 2008). Le IVe siècle apparaît, dans plusieursrégions, comme un moment de relative stabilisation – notamment dans lacité des Éduens et dans la Gaule du nord – (Kasprzyk 2005 ; Van Ossel 1992),avant une nouvelle vague d’abandons après le milieu du IVe siècle. Cette datepourrait ainsi correspondre à une nouvelle rupture dans les rythmes del’occupation, comme c’est par exemple le cas chez les Éduens. L’habitat semblese stabiliser après la seconde moitié du Ve siècle (Kasprzyk 2005), avant unpic d’émergence de sites durant les VIe-VIIe siècles (Peytremann 2003). EnÎle-de-France notamment, le VIe siècle est marqué par un certain nombre denouveaux sites qui s’implantent systématiquement aux emplacements desanciens établissements gallo-romains. Même après un abandon de plusieurssiècles, ces emplacements semblent constituer des marqueurs dans le paysage.L’ancienne trame du peuplement ne serait donc pas totalement effacée(Ouzoulias, Van Ossel 2001 : 160).Au vu de ces résultats, les chercheurs ont proposé deux modèles

d’occupation. Le premier correspond à une continuité dans l’occupation desétablissements du Haut-Empire, jusque durant les IVe-Ve siècles, ce quisignifierait un maintien de l’état de l’économie agraire (Van Ossel 1997 : 98-99). Les habitats qui périclitent sont ceux d’envergure modeste. Cetteobservation a conduit à la question d’un recentrage de l’occupation autourd’établissements plus résistants et de statut plus important (Gandini 2006 ;2008), ce qui serait finalement une alternative à l’hypothèse d’une catastrophedémographique, comme le remarque M. Kasprzyk (2005). L’habitat restepourtant dispersé jusqu’au VIe siècle. Une tendance au regroupement nes’observe que plus tard (Peytremann 2003). Pour P. Van Ossel (1997 : 103),l’abandon des habitats ne serait pas dû à un scénario catastrophe mais feraitplutôt suite aux aléas d’une économie active. Le second modèle d’occupation se caractérise par un devenir différencié

des établissements (Van Ossel 1997). La continuité d’occupation observée

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sur certains habitats peut, par exemple, s’accompagner d’un changement dansla nature de l’occupation mais aussi d’une activité de construction ou deréfection, d’un rétrécissement de la surface habitable, ou bien encore d’unrepli des fonctions économiques sur l’habitat. Entre la fin du IVe siècle et lapremière moitié du Ve, la distinction entre pars urbana et pars rustica sembleen effet disparaître, des installations agricoles se retrouvant dans la partiehabitée de l’établissement, tels que des séchoirs par exemple (Van Ossel 1992 ;Kasprzyk 2005). Si certains établissements sont abandonnés après une périodede déclin, d’autres sont des créations propres à la période tardo-antique. Laconstruction de ces nouveaux bâtiments peut être en maçonnerie mais, àpartir de la première moitié du IVe siècle, les matériaux périssables sontégalement employés : bâtiments sur poteaux plantés ou sur sablières basses,constructions mixtes, structures excavées tels que les fonds de cabane. Il s’agitici de nouvelles formes de l’habitat propres au début du Haut Moyen Âge,en rupture avec la morphologie et l’organisation de l’habitat romain (VanOssel 1997 : 94 ; Ouzoulias, Van Ossel 2001 : 169 ; Peytremann 2003).L’impact des invasions est relatif et inégal d’un site à l’autre. Certains

niveaux archéologiquement reconnus correspondent à des destructions par lefeu survenues dans la seconde moitié du IIIe siècle. Après un temps d’abandon,ils sont suivis d’une nouvelle phase de construction (Van Ossel 1992). Dansla cité des Éduens, dans la seconde moitié du IIIe siècle, les nombreux dépôtsmonétaires découverts sont les seuls témoins d’un contexte de trouble enl’absence de traces de destructions violentes dues aux Germains. M. Kasprzykattribue les abandons observés à un environnement socio-économiqueinstable, qui conduit les habitants à faire des choix pouvant être radicaux, telque l’abandon des sites ruraux de petites dimensions. Des traces d’incendiessont observées à partir du milieu du IVe siècle, Autun est alors occupéependant un temps par les Germains. Au milieu du Ve siècle, la présence deces derniers est avérée par le mobilier funéraire. La présence de militaria estperceptible dans les villes dotées d’une enceinte (Kasprzyk 2005). L’imagereflétée n’est ainsi plus celle de cités dévastées par les barbares.

1.2. Dans la moitié sud de la GauleLa recherche archéologique menée dans la moitié sud de la France se

démarque avant tout par le rôle des opérations programmées. Ces recherchesont, en particulier, été impulsées dès les années 1960 par P.-A. Février. Cedernier a développé le concept d’Antiquité tardive pour qualifier une périodedevant être abordée par l’archéologie à travers tous ses aspects, notamment àtravers la question de l’habitat et non plus seulement de la christianisation(Février 1978 ; Février, Leyge 1986).Depuis, la question du peuplement des campagnes et des formes de

l’habitat a été abordée sous deux angles différents, mais non exclusifs. Le

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premier a consisté en une approche monographique de sites ayant fait l’objetde fouilles, tels que la villa des Prés Bas à Loupian (34 ; Pellecuer 2000). Lagenèse de l’établissement, son développement, les modifications structurelleset fonctionnelles qu’il connaît, ainsi que son devenir (abandon, réoccupation),sont ainsi cernés de manière précise. La seconde démarche a consisté en uneapproche spatiale d’un territoire dans une perspective diachronique. Le territoireest alors pris dans son ensemble afin d’aborder la trame de son occupation. Lamise en œuvre conjointe de prospections pédestres systématiques, deprospections aériennes et de la photo-interprétation a ainsi mis en évidence laprésence de diverses formes d’occupation du sol en dehors de la seule villa qui,pendant longtemps, était restée au centre des recherches (Trément 1994 ; 1996a ;1996b ; 1997). La création de programmes collectifs de recherche a favoriséla mise en place d’une méthodologie permettant la caractérisation des sitesselon des critères utilisés dès lors par un grand nombre de chercheurs90.Les limites méthodologiques et interprétatives de la prospection pédestre sont

bien connues : lisibilité différentielle en fonction du degré d’enfouissement desvestiges et de la nature du sol, vue partielle des vestiges plus ou moins détruitsen sous-sol, difficulté d’interprétation pour des sites qui paraissent abandonnésmais qui se déplacent de quelques centaines de mètres, etc. Pourtant, les apportsde cette pratique n’en ont pas moins été conséquents. Outre la cartographie dessites par période chronologique, les données issues des prospections au sol ontautorisé un raisonnement en termes de hiérarchie et d’ensembles spatiaux(Raynaud 2001a : 251) et ont ainsi favorisé la mise en évidence des rythmesd’occupation et des réseaux d’habitats (Trément 1999a ; Trément dir. 2001). Lesdonnées issues des fouilles archéologiques ont permis, dans un second temps,d’éclairer certains points que les prospections ne pouvaient percevoir, tels que lasuccession des fonctions des établissements, leur évolution morphologique, oubien encore leur importance économique. Enfin, les travaux de longue haleinepour une meilleure connaissance des céramiques communes des Ve-Xe sièclesont permis, dès les années 1990, de dater les sites avec plus de précision. Ilfaut, en particulier, citer ceux réalisés par le groupe de chercheurs composantla CATHMA (Céramiques de l’Antiquité Tardive et du Haut Moyen Âge ;Leenhardt, Raynaud, Schneider 1993 ; Leenhardt et al. 1997) et ceux menéssur les céramiques communes du site de Saint-Blaise (Pelletier 1997 ; Pelletier,Valauri 1994).Dans un premier temps centrées sur les densités de peuplement, les

prospections ont ensuite été mises au service de la compréhension des relationsentre l’habitat et l’environnement, afin de cerner les modes et les systèmes del’occupation du sol. Le programme de recherche Archaeomedes a favorisé uneapproche interdisciplinaire, conjuguant prospections au sol, intégration desdonnées environnementales et utilisation de techniques informatiques

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empruntées aux géographes (en particulier l’utilisation d’un systèmed’information géographique – SIG –, l’élaboration de typologies à l’aided’outils statistiques du type analyses factorielles – AFC – et la classificationascendante hiérarchique – CAH). Un certain nombre de descripteurs a étédéfini afin de caractériser les sites découverts en prospection selon une grilled’analyse commune, favorisant ainsi la réalisation d’une typologie des sites.Les différentes classes sont déterminées en fonction de la superficie estiméedu site, de la présence de matériaux de construction et de la nature dumobilier (Van der Leeuw, Favory, Fiches 2003).Pour les périodes qui nous occupent ici, les résultats obtenus au moyen de

ces nouvelles méthodes ont été présentés lors de tables rondes et de colloques,qui ont ainsi débouché sur la mise à mal des idées préconçues relatives auxcampagnes de la fin de l’Antiquité. En 1995, la table ronde portant sur Lacrise du IIIe siècle en Gaule Narbonnaise a permis de périodiser les rythmes del’occupation des campagnes du sud de la France et de remettre ainsi enquestion la datation, jusque-là admise, de l’amorce d’un déclin des campagnes(Fiches 1996b). Trois ans plus tard, le IVe colloque de l’Association pourl’étude du monde rural gallo-romain (AGER) concernait les campagnes de laGaule à la fin de l’Antiquité (Ouzoulias et al. 2001). Ce colloque a marquéune nette avancée, tant dans les données acquises que dans la réflexion mêmedes chercheurs : la fin de l’Antiquité était désormais bien ancrée dans lesproblématiques de recherche.Si les investigations ont largement concerné les zones de plaine, les

préoccupations se sont ensuite déplacées vers d’autres champs thématiques,en particulier les sites d’habitat longtemps considérés comme marginaux,notamment les sites de hauteur et les grottes. Les premiers ont été pendantlongtemps victimes d’une historiographie ancienne (Bourgeois 2006).Qualifiés de sites-refuges et d’habitats temporaires, ces sites perchés passaientpour être l’illustration du climat d’insécurité causé par les invasions barbares.Jusqu’au début des années 2000, ils étaient essentiellement connus à traversles recherches menées sur les oppida protohistoriques, dont certains faisaientl’objet d’une réoccupation tardo-antique ou alto-médiévale. Désormais, lareprise des données anciennes et la mise en œuvre de sondages ou de fouillesarchéologiques ont favorisé un renouvellement profond du discours, ainsi quela redécouverte de ces sites dans maintes régions91. Il faut en particulier citerles programmes Établissements perchés et fortifiés de la fin de l’Antiquité et duHaut Moyen Âge en France méditerranéenne (IVe-IXe s.) : destins singuliers ouévolution générale ? coordonné depuis 2000 par L. Schneider (2004) et Lessites de hauteur de l’Antiquité tardive et du Haut Moyen Âge dans le départementdu Jura, coordonné depuis 2002 par P. Gandel et D. Billoin (2011).L’existence dans le Midi de la France de programmes fédérateurs de

chercheurs a favorisé l’acquisition de données selon un protocole commun,

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autorisant les comparaisons des résultats. Plusieurs phases de peuplement ontété mises en évidence grâce aux nombreuses données issues des prospections.Longtemps attribuée à la fin du IIIe siècle, il est désormais admis que laprétendue « crise » qui touche les campagnes doit être placée antérieurement.C’est en effet à partir du IIe siècle que le maillage des sites se détend (Fiches1996b), comme cela a, par ailleurs, pu être perçu dans le nord de la Gaule.Ces observations ont été faites dans l’ensemble du Midi : en Languedoc(Mauné 1996 ; Raynaud 2001a), en Provence (Trément 1996b ; Brun,Congès 1996). L’explication proposée par la plupart des chercheurs n’est pluscelle d’une baisse démographique, mais celle d’un mouvement deconcentration foncière. La diminution, observée par l’archéologie, des activitésviticoles en Provence serait, pour partie, liée à un changement dans lesconteneurs employés : les habituelles amphores auraient été remplacées parles tonneaux et les foudres en bois (Brun, Congès 2001). Les établissementsqui semblent touchés par ces abandons sont ceux de taille moyenne, alors queles sites de plus grande envergure de type villa se maintiennent. Toutefois,comme le remarque C. Raynaud, en l’absence de fouille de ces établissementsde taille modeste, et donc en l’absence d’indicateurs de fonction d’habitationde ces bâtiments, il n’est pas possible de déterminer si ce resserrement autourdes villae correspond également à un regroupement de la population, ou bienseulement à un recentrage des fonctions économiques. Bien que l’on soit tentéd’attribuer ces établissements de taille moyenne aux exploitations familialeslibres, poursuit-il, il est difficile de trancher sur leur statut : sont-ils des centresd’exploitation individuels ou bien des dépendances d’établissements plusimportants (Raynaud 2001a : 250) ? Dans ce dernier cas, la baisse du nombrede sites ne pourrait pas être assimilée à un recul de l’activité agricole (Trémentdir. 2001). Le IVe siècle semble être un siècle relativement stable. Les établissements

qui continuent d’être occupés sont ceux de type villa, mais, dans la zoneprovençale, rien ne permet de déterminer si leur importance est la même quedurant le Haut-Empire (Trément dir. 2001). En Languedoc, dans le nord-estdu Biterrois, si le processus de baisse du nombre de sites se poursuit, on noteégalement quelques créations (Mauné 2001), même si celles-ci restentmarginales.Les recherches menées en Aquitaine montrent un scénario relativement

différent. Les IVe-Ve siècles sont en effet marqués par un essor spectaculairede l’architecture domestique des notables, aussi bien en milieu rural qu’enmilieu urbain. Certaines villae apparaissent alors plus riches qu’elles nel’étaient deux siècles plus tôt. Cette vitalité atteste la prospérité économiquedu Sud-Ouest à la fin de l’Antiquité (Balmelle 2001). Entre la fin du IIIe siècleet le Ve siècle, les villae du Haut-Empire sont toujours occupées. Certaines

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font l’objet de remaniements, d’autres de véritables reconstructions. Lemobilier décoratif, de même que le vaisselier, sont des marqueurs du hautrang social de leurs occupants.Durant la seconde moitié du IVe siècle et au début du Ve, de nouvelles

villae apparaissent sur des emplacements vierges de constructions antérieures.C’est également à ce moment-là que les mosaïques prennent de l’ampleur(Balmelle 2001 : 115). Ce phénomène est également remarqué en Languedoc,par exemple sur la villa des Prés Bas à Loupian. Cette dernière acquiert, eneffet, un caractère luxueux à la fin du IVe siècle et au début du Ve, le bâtimentrésidentiel doublant de surface (Pellecuer 2000). Dès le courant du Ve siècle,pourtant, cet établissement connaît un étiolement. L’occupation du secteurreste toutefois importante avec la création d’un édifice religieux à fonctionbaptismale autour duquel se développent de nouveaux habitats. C. Pellecuery voit une reconversion volontaire des lieux, afin d’adapter l’exploitationdomaniale à de nouvelles conditions économiques. La fin de la villa n’est doncpas synonyme de la fin du domaine (Pellecuer, Pomarèdes 2001 : 253-255). Un net regain de l’occupation du sol est également observé dans le reste

du Midi durant les Ve et VIe siècles, allant probablement de pair avec unnouvel élan de l’activité agricole (Trément dir. 2001). En Provence, autourdes étangs de Saint-Blaise, le phénomène de créations de sites est massif àpartir du milieu du Ve siècle, le nombre d’implantations étant alors aussi élevéque durant le Haut-Empire (Trément 1994 ; 1996a ; 1996b ; 1999a). Denombreux établissements connaissent alors une phase de redémarrage de leursactivités après un hiatus de deux siècles, tandis que d’autres font seulementl’objet d’une réoccupation partielle (tel que le site des Soires à Saint-Mitre-les-Remparts : Trément 1994 ; 1997). Les sites de type villa se raréfientglobalement, mais ils restent des points d’ancrage du peuplement et laprésence des élites demeure visible dans le paysage (églises, nécropoles). Quantà la répartition du peuplement, il semble que le regroupement de populationssur les hauteurs ne remette pas en question la dispersion de l’habitat dans leszones basses. Un phénomène identique est observé en Languedoc, où les sitesse maintiennent dans la plaine et en bas des coteaux (Raynaud 2001a). EnAquitaine, les marqueurs chronologiques du VIe siècle sont plus rares. Lesfouilles ayant généralement oblitéré les niveaux de cette période, le devenirdes demeures aristocratiques est, de fait, difficile à cerner. Certainsétablissements connaissent un changement dans leur fonction ; ils sont, parexemple, convertis en espace funéraire (Balmelle 2001 : 117 ; Jacques 2006).D’autres ont leur plan transformé, telle que la villa de Séviac, à Montréal-du-Gers, dont les mosaïques sont perforées par l’installation de bâtiments surpoteaux (Gugole 2006). S’agit-il alors d’un habitat temporaire ? Ou d’uncampement ? Tout au plus est-il possible d’avancer que ces demeures perdent

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leur fonction résidentielle, au profit d’un probable regroupement desattributions économiques (Balmelle 2001).Il ressort de l’ensemble de ces observations que la trame du peuplement

reste celle d’un habitat dispersé. La permanence du réseau des villae attesteraitle rôle de ces dernières comme noyau du peuplement. La perte de leur côtémonumental n’enlève rien, en revanche, à leur rôle économique. Parallèlement,un perchement de l’habitat se remarque dans les campagnes provençales etlanguedociennes à partir des Ve-VIe siècles. Les recherches menées jusqu’à présentont montré que ces sites recouvraient une grande variabilité de formes, defonctions (religieuses, artisanales, administratives avec les bâtimentsaristocratiques) et de rythmes d’occupation (Schneider 2010 ; 2004). Certainssont, en effet, occupés durant tout l’Empire (tel que l’oppidum du Camp de Césarà Laudun, 30). D’autres connaissent une succession de perchement et de« déperchement » (oppidum de Nages, 30). Il existe également des créations oudes réoccupations aux Ve-VIe siècles (oppidum de Saint-Blaise, 13 ; Roc dePampelune à Argelliers, 34). Enfin, certains sites se caractérisent simplementpar une occupation éphémère, ou continue jusqu’à l’époque carolingienne(Schneider 2004 : 180-181). L. Schneider (2004 : 175-176) identifie quatregrands types de sites, allant de la forteresse militaire de statut public auxvéritables agglomérations, en passant par des fortins intermédiaires de statutincertain et des bourgades sommairement fortifiées.Ces sites, loin de constituer des lieux de refuge fermés sur l’extérieur, sont

insérés au contraire dans les circuits commerciaux comme l’atteste la présencede produits venus d’Afrique du nord et de Méditerranée orientale (amphores,luminaires ; Schneider 2010 : 139). La présence d’un rempart n’implique pasnécessairement un rôle militaire. Peut-être s’agit-il davantage de la protectiondes biens stockés sur ces sites que de la défense d’un territoire et de sapopulation (Kasprzyk 2005). Une volonté d’ostentation peut également sous-tendre ces constructions. De plus, lorsque des prospections sont menées auxalentours des sites de hauteur, les données montrent une occupationrelativement continue. Les prospections menées autour de l’oppidum de Saint-Blaise par F. Trément dans le cadre de sa thèse vont même dans le sens d’unmouvement de conquête agraire au Ve siècle (Trément 1994 ; 1999a). Laquestion désormais posée est celle de la place de ces habitats dans le paysage.Quel rôle jouent-ils dans la structuration du territoire ? S’agit-il d’un nouveauréseau d’agglomérations ? Contrôlent-ils les itinéraires commerciaux (Gandel,Billoin 2011) ? Quelles relations entretiennent-ils avec les centres épiscopauxlorsqu’ils sont dotés d’églises (Schneider 2004 : 182) ?Enfin, la reprise de données anciennes a occasionné la réouverture du

dossier de l’occupation tardo-antique des grottes, qualifiées de sites-refuges àl’instar des sites de hauteurs. Mais ces deux types d’occupation relèvent-ils

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des mêmes impératifs (Raynaud 2001b : 450) ? La diversité des cas débouchesur un panel varié d’interprétations concernant les raisons de la fréquentationdes grottes. Ces dernières sont qualifiées, tour à tour, d’habitats saisonniers,de refuges (or les données reprises par C. Raynaud, pour la Gauleméditerranéenne, ne mentionnent pas la présence d’éléments ayant servi austockage de vivres ni à la mise en défense du site), mais aussi de bergeries, delieux à fonction artisanale (atelier de métallurgie, de bronzier), de sanctuaireset de nécropoles (Raynaud 2001b : 465-467). Cet éparpillement des hypothèses invite, comme le prescrit C. Raynaud

(2001b : 452), à une reprise, au cas par cas, de ces sites afin de cerner leursrythmes d’occupation et les modalités de leur délaissement. Il s’agira ensuitede les intégrer dans leur contexte local, afin de déterminer si ces espacescorrespondent à un système de peuplement spécifique, ou bien s’ils sontinsérés dans un système plus vaste (on pourrait y voir une nouvelle formed’équipement agraire lié à une recolonisation agricole). Ce tour d’horizon des travaux menés au niveau national montre combien

la recherche archéologique sur la Gaule de l’Antiquité tardive a été renouvelée,notamment grâce à un apport de données nouvelles (opérations préventives,prospections pédestres systématiques). Le discours pessimiste, voirecatastrophiste, appliqué à l’Antiquité tardive, jusqu’alors appréhendée commeune période de crises ou de déclin généralisé, n’est ainsi plus de mise. Desformes de l’habitat, jusqu’ici considérées comme « marginales » (sites dehauteur, habitats « précaires », grottes), apparaissent désormais comme deséléments structurants et complémentaires dans la gestion des terroirs. Ilapparaît que cette période ne doit plus être considérée comme une « période-charnière » ou « de transition » entre l’époque romaine et le Moyen Âge, maisqu’elle doit être étudiée pour elle-même, comme une période à part entière,ce que justifie d’ailleurs sa longue durée.

2. Le cas de l’Auvergne

Située à mi-chemin entre ces régions productrices de données, l’Auvergneconnaît, quant à elle, un retard notable dans ce domaine de recherche. Or,grâce aux interventions de l’archéologie préventive ainsi qu’auxdéveloppements des prospections et des recherches paléoenvironnementalesau cours des dix dernières années, le corpus a été enrichi de nouvelles donnéesexploitables, en particulier pour le bassin de Clermont.

2.1. Des études centrées sur le bassin clermontois et la Grande LimagneLes synthèses des Cartes archéologiques de la Gaule relatives à l’Auvergne

sont avares d’informations concernant l’Antiquité tardive. Dans la Carte

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archéologique du Puy-de-Dôme, cette période n’est mentionnée queponctuellement, notamment pour les décors de sol (Provost, Mennessier-Jouannet 1994b : 55-91). Les IVe-Ve siècles sont ainsi passés sous silence, lasynthèse traitant directement l’Auvergne mérovingienne (cette dernière,réalisée par G. Fournier, reprend les observations issues de son travail de thèse ;Fournier 1962). La même absence est notée dans les CAG du Cantal et de laHaute-Loire (Provost, Vallat 1996 ; Provost, Remy, Pin-carré 1994). Ces carences illustrent l’inégale répartition de l’activité archéologique en

Auvergne. Les travaux sont, en effet, plus intenses dans l’Allier, qui faitactuellement l’objet de grands travaux d’aménagement du territoire, ainsi quedans le Puy-de-Dôme, en particulier dans le bassin clermontois, où seconcentre une grande partie de l’activité économique régionale. Le département du Cantal a fait essentiellement l’objet de recherches

programmées, notamment avec la mise en œuvre de prospections (pédestreset aériennes) et de sondages archéologiques. Pour l’Antiquité tardive, le travailréalisé par R. Roche-Mercier (1996 : 167) dans le nord-ouest du départementn’a pas permis la détection de sites tardifs. Le secteur sud, correspondant auCarladez, appréhendé par les recherches de J.-L. Boudartchouk (1998), a,quant à lui, livré un certain nombre de sites attribuables à la fin de l’Antiquité.La fréquentation des zones de plus de 1000 m d’altitude est avérée par la miseau jour, sur la commune de Pailherols, d’un vaste enclos bâti en pierres sèches(Surmely 2008). La fonction de cette structure, qui pourrait dater de la finde l’Antiquité au vu des quelques céramiques associées, n’est toutefois pasdéterminée (Surmely 2008 : 46). La période mérovingienne est mieux perçuedans les travaux réalisés. Elle est notamment illustrée par la présence d’habitatsregroupés en petites unités, ceints par un enclos et construits en matériauxpérissables sur solins de pierres (tel que le site des Roussillons ; Roche-Mercier1996 : 240). Au-dessus de 1200 m, l’habitat devait probablement êtretemporaire et occupé durant l’estive. Les recherches menées dans ledépartement du Cantal confirment ainsi une occupation tardo-antique etalto-médiévale des secteurs d’altitude, pourtant souvent considérés commeétant en marge des grandes zones peuplement.Le travail majeur et pionnier de Gabriel Fournier, publié en 1962,

représente la première et unique synthèse sur Le peuplement rural en Basse-Auvergne durant le Haut Moyen Âge. À l’instar des travaux réalisés par sonpère, P.-F. Fournier, G. Fournier prend en compte de manière systématiqueles données archéologiques, ouvrant ainsi de nouveaux champs de réflexions.Dès lors, il aborde l’espace non pas d’un point de vue uniquement juridique,économique ou social mais « à travers les textes et les vestiges matériels del’empreinte de l’homme sur le sol et dans la nature » (Fournier 1962 : 59).Présenté par sujets thématiques (bourgades routières, établissements agricoles,

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châteaux et églises), ce travail débute par la répartition du peuplement et sonévolution (Fournier 1962 : 85). L’auteur regrette le manque de donnéesarchéologiques se rapportant à la période des IVe-Ve siècles. Cette lacune estcompensée, dans une certaine mesure, par les informations contenues dans lesécrits de Sidoine Apollinaire (431-470), évêque de Clermont au Ve siècle, et deGrégoire de Tours (538-594), évêque de Tours au VIe siècle, qui se rend trèsrégulièrement en Auvergne dont il est originaire. Les écrits de ces deux auteurssont riches d’informations sur l’Auvergne des Ve-VIe siècles et permettent àG. Fournier de proposer un aperçu du peuplement des campagnes durant cettepériode. Avant toute chose, celui-ci relativise l’impact supposé des invasionsgermaniques. Très peu d’indices archéologiques vont en effet dans le sens dedestructions d’habitat et, d’après la toponymie, les implantations germaniquesseraient également peu fréquentes (Fournier 1962 : 78-79). Enfin, la périodedes VIIe et VIIIe siècles est totalement absente de la synthèse de G. Fournier,du fait de l’absence de données archéologiques comme de sources écrites.L’auteur passe ainsi directement à la question des IXe-XIe siècles (Fournier1962 : 84 et 100).Pour les IVe et Ve siècles, le schéma de peuplement proposé par G. Fournier

se caractériserait par une répartition inégale de l’occupation, qui s’inscriraitdans la continuité de la période précédente. L’occupation humaine seconcentrerait autour de la vallée de l’Allier, avec une préférence pour les sitesde plaine (en Limagne) et les versants peu inclinés. Les habitatscorrespondraient majoritairement à des exploitations agricoles, dans unpaysage nettement anthropisé. Intercalées au milieu de cet habitat dispersé,on compterait quelques bourgades routières (des vici tels que Gannat, Artonneet probablement Lezoux), tandis que quelques églises commenceraient à êtrebâties (sans qu’aucune d’entre elles ne soit toutefois archéologiquementavérée). À cette occupation de plaine, s’opposeraient de vastes zones fortementboisées (les Varennes par exemple) et faiblement peuplées. G. Fournier conclutsur cette période que, contrairement aux autres régions fortement touchéespar les invasions, l’Auvergne n’a probablement pas dû connaître de recul dansson peuplement, ou, en tout cas, que de façon atténuée (Fournier 1962 : 477).Il est alors l’un des rares auteurs à ne pas conclure à une baisse démographiquedes campagnes face à l’absence de vestiges archéologiques.D’après les textes, l’époque mérovingienne serait marquée par la même

disparité entre les zones de plaine, riches et densément peuplées, et les zonesde plus hautes altitudes, en périphérie, boisées et faiblement occupées. Lessites de plaine seraient les mêmes que ceux des premiers siècles de notre ère.Ils correspondraient essentiellement à des demeures aristocratiques dont lavocation serait agricole, d’après les descriptions, dans les sources écrites, dechamps de céréales et de vignobles à proximité. Les textes indiquent aussil’existence d’exploitations paysannes indépendantes (Fournier 1962 : 478).

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Intercalés de dix à vingt kilomètres, une douzaine de vici se répartiraientmajoritairement le long des routes. Bien que leurs fonctions soient difficilesà cerner, ces agglomérations devaient, pour G. Fournier, avoir desresponsabilités économiques, administratives et fiscales, comme en témoignela présence récurrente d’un atelier monétaire, notamment à Billom et àArtonne, où des monnaies ont été retrouvées avec le nom des vici frappédessus. Toutes seraient le siège d’une paroisse, identifiée par la présence deplusieurs églises et d’un baptistère, comme les recherches récentes menées parF. Gauthier (2007) l’ont montré à Brioude. G. Fournier (1962 : 479) n’écartepas pour autant l’existence, dans les alentours de ces agglomérations,d’établissements aristocratiques et d’églises constituant autant de noyauxsecondaires de peuplement.Parallèlement, de nouvelles formes d’habitat apparaissent, fréquemment

à l’emplacement d’occupations gallo-romaines ou même gauloises. Ces sites,attestés par les textes et avérés par l’archéologie, correspondent à des forteressesrurales. Implantées sur des hauteurs aux défenses naturelles, celles-ci sontdotées pour certaines d’églises (La Couronne à Molles, 03). La plupart d’entreelles ont livré des céramiques dites « wisigothiques » qui, on le sait maintenant,sont en fait des productions non pas septentrionales mais bien méridionalesde dérivées de sigillées paléochrétiennes, ou bien des imitations locales de cesdernières : c’est le cas notamment des sites de Massiac (Suc de Lermu, 15),de Chastel-sur-Murat (15), de Saint-Flour (15), de Ronzières (63) et de Saint-Floret (63). Certaines de ces forteresses sont mentionnées dans les écrits deGrégoire de Tours comme ayant subi une attaque par les troupes de Thierry :Chastel-Marlhac (15) et Vollore (castrum Involautrum, 63). Ces forteressesauraient rempli des fonctions à la fois de refuge pour la populationenvironnante, mais aussi de résidence permanente ou temporaire pour lesfamilles aristocrates voire royales (Fournier 1962 : 359-360). La variété deleur mode de construction incite G. Fournier à penser que certains de cessites n’étaient que temporaires et ne servaient de refuge qu’en cas de danger(au moyen, par exemple, d’aménagements très sommaires dans lesanfractuosités naturelles). D’autres, en revanche, auraient été construits à desfins essentiellement résidentielles pour l’aristocratie. Certains sites localisésdans les zones boisées constitueraient pour l’auteur une sorte de relais deshabitats situés en plaine. De plus, situés pour la plupart à proximité de zonescultivables (Chastel-Marlhac, Ronzières), ces habitats ont probablement dûinfluer sur le peuplement environnant (rôle de pôle de peuplement ?).Quelques unes de ces forteresses sont marquées par une permanence de leuroccupation jusque dans le Moyen Âge central, occupation matérialisée par laprésence de châteaux féodaux comme à Saint-Floret, de monastères commeà Saint-Flour, ou de paroisses comme à Ronzières (Fournier 1962 : 362-363).Les zones boisées seraient, quant à elles, marquées par des occupations

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disparates. Ces secteurs sont qualifiés de repères de brigands (d’après Grégoirede Tours), de lieux de refuge temporaires, ainsi que de lieux de retraitepermanente d’ermites. Ces zones de forêts seraient, toutefois, complémentairesdes secteurs de plaine et intégrées à l’économie agricole de la région, par le biaisd’activités d’élevage et de chasse que les habitants des plaines venaient y pratiquer(Fournier 1962 : 480).L’un des apports du travail de G. Fournier est d’avoir eu systématiquement

recours aux données archéologiques, lorsqu’il en disposait, afin d’éclairer lesinformations livrées par les textes. En outre, la lecture critique des sourcesécrites des Ve et VIe siècles lui permet de nuancer la portée des invasionsgermaniques, qui n’ont, somme toute, eu qu’un impact relatif sur lepeuplement des campagnes arvernes. Enfin, ce travail met déjà en avantl’apparition de nouvelles formes d’habitat, tels que les sites de hauteur et lesgrottes-ermitages.Depuis ce travail conséquent, aucun nouveau bilan n’a été réalisé du fait

d’une carence documentaire et de l’imprécision chronologique des sites tardifset alto-médiévaux. Le colloque de Clermont-Ferrand consacré en 1991 àL’Auvergne de Sidoine Apollinaire à Grégoire de Tours n’a fait qu’aborder demanière marginale la question de l’habitat rural (Fizellier-Sauget 1999). Seulsles articles relatifs aux sites de hauteurs de Chastel-sur-Murat (Boudartchouk1999) et de Ronzières (Fournier 1999), ainsi que celui portant sur l’ermitagede Tillo à Brageac (15 ; Boudartchouk, Lapeyre 1999), abordent les questionsdes nouvelles formes de l’habitat à la fin de l’Antiquité. Les autrescommunications concernent en grande majorité l’archéologie funérairemérovingienne (Sauget, Fizellier-Sauget 1999). Dans le cadre de sa thèse sur l’Histoire de l’occupation du sol dans la Limagne

des buttes (Puy-de-Dôme) de l’Âge du Fer à l’Antiquité tardive, P. Vallat (2002)a mené une série de prospections au sol. L’utilisation d’un certain nombre dedescripteurs, selon la méthode employée par le programme Archaeomedes, luia permis de réaliser une classification hiérarchique des sites (Vallat 2002 :112-122). Les prospections ont été concentrées sur le ramassage des sitesarchéologiques, le mobilier hors-site n’ayant pas en effet été récolté faute detemps. Les espaces mis en culture ou délaissés par une quelconque occupationn’ont ainsi pas pu être mis en évidence, ce qui affaiblit la compréhension,dans leur ensemble, des dynamiques de peuplement. En outre, la secondelimite des résultats réside dans la méconnaissance relative des céramiquestardo-antiques et alto-médiévales. La détection des sites relatifs à ces périodesainsi que leur périodisation sont alors fortement restreintes, comme l’auteurle rappelle à plusieurs reprises (Vallat 2002 : 104, 696). Certains aspectsressortent toutefois de l’analyse des sites repérés. L’occupation maximale dela zone d’étude semble se placer entre la seconde moitié du IIe siècle et le

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LA QUESTION DES CAMPAGNES ARVERNES À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ : ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

début du IIIe (alors que cette fourchette chronologique correspond à l’amorced’une période de desserrement de la maille de l’habitat rural dans le Midi dela France). Aux IIIe-IVe siècles, une baisse globale est remarquée : seulement31% des sites du Haut-Empire sont encore occupés, tandis qu’aucune créationn’est identifiée. À l’instar de ce qui est largement observé dans le reste de laGaule, P. Vallat remarque que les établissements de type villae connaissentune permanence dans leur occupation, contrairement aux bâtiments de taillemodeste qui présentent une plus grande tendance à l’abandon. L’explicationde ce phénomène serait une restructuration foncière accompagnée d’un relatifrecul démographique (Vallat 2002 : 667). Le Ve siècle est marqué par uneaccentuation de la baisse amorcée à la période précédente. Le réseau del’habitat se simplifie, avec une prédominance des villae, qui prendraient alorsde l’importance au vu de leur nombre (Vallat 2002 : 668). Ces dernières selocalisent préférentiellement en plaine et en bas de versants, tandis que lespentes sont essentiellement occupées par de « grandes fermes ». Enfin, durantla période mérovingienne, la baisse de l’occupation du sol se poursuitparallèlement à l’émergence de trois vici (Billom, Vic-le-Comte etprobablement Tallende : Vallat 2002 : 69892) et à l’apparition d’occupationsperchées (déjà mentionnées dans la synthèse de G. Fournier : notammentl’occupation du Puy Saint-Romain, celle du Gros Turluron à Billom et celledu Puy Saint-André à Busséol ; Vallat 2002 : 700). Ces grandes tendancessont également remarquées dans les autres secteurs de la Limagne ayant faitl’objet de prospections.Dans la continuité des recherches menées dans le sud de la France,

F. Trément (2004a) a lancé en 1997 un vaste programme de prospectionssystématiques et de recherches archéo-environnementales en Auvergne et plusparticulièrement en Grande Limagne. Ce programme de recherche a permisde brosser un tableau de l’occupation des campagnes entre la fin de l’Antiquitéet le Haut Moyen Âge. Les prospections conduites dans le Grand Marais(commune de Saint-Beauzire), le bassin de Sarliève et la Limagne des Buttes(autour de la commune de Billom) ont livré un corpus très importantd’établissements agricoles. Ces données, qui, par leur nombre, autorisent uneétude synchronique précise, font l’objet d’une reprise exhaustive dans le cadrede la présente étude. Les schémas d’occupation qui se dessinent, malgré destendances communes, semblent spécifiques à chacune des fenêtres d’étude.Dans le Grand Marais, bien que marqué par aucune création, le réseau

structurant des grandes villae de rang A se maintient dans son ensemble à lafin de l’Antiquité (près de 80% des grandes villae sont occupées du Haut-Empire au Bas-Empire, dont la totalité pour les établissements les plusluxueux) (Dousteyssier, Segard, Trément 2004 : 126). Plutôt qu’à undépeuplement, on assisterait à une réorganisation foncière des campagnes à

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LES ARVERNES ET LEURS VOISINS DU MASSIF CENTRAL À L’ÉPOQUE ROMAINE

la fin du Haut-Empire (Trément 2004a ; Dousteyssier, Segard, Trément2004 : 129). Un peu plus de 40% seulement de ces grandes villae ont uneoccupation continue entre le Haut-Empire et le Haut Moyen Âge. L’abandonobservé pour les grands établissements de rang B est encore plus marqué,puisque seule la moitié de ces derniers connaît une occupation tardo-antiqueet moins de 20% d’entre eux persistent durant le Haut Moyen Âge. Quantaux établissements de taille et de confort modestes, il semble ne plus en resterde traces. La répartition des sites reste toutefois stable : aucun secteurtopographique n’apparaît privilégié par la présence des habitats (Dousteyssier,Segard, Trément 2004 : 129).Parallèlement à ces résultats, les données paléoenvironnementales, dont

l’acquisition a été favorisée par le tracé de la bretelle autoroutière A710,mettent en lumière une augmentation de l’humidité à la fin de l’Antiquité,ainsi qu’une érosion importante des versants du fait de leurs défrichementsréguliers. Les matériaux sédimentaires colmatent les cours d’eau, ce quientraîne des débordements et des inondations à chaque orage (Ballut 2000b :107 ; Trément et al. 2004a ; b).Dans le bassin de Sarliève, le même phénomène de maintien des grandes

villae s’observe pour l’Antiquité tardive et le Haut Moyen Âge, au détrimentdes sites de rangs inférieurs qui sont, pour la plupart, abandonnés (Trémentdir. 2007 : 313). En outre, les sites occupés sont essentiellement localisés dansles zones basses, en bordure du marais, ce dernier étant remis en eau entre lesIIIe-IVe siècles et le Xe siècle (Trément dir. 2007 : 341). Selon F. Trément,l’occupation de ces zones basses laisserait supposer une nouvelle organisationdes versants et des plateaux, réservés désormais à l’élevage ou à la viticulture,ce qui irait dans le sens du schéma décrit par Sidoine Apollinaire dans seslettres (Trément dir. 2007 : 313). La répartition des indices de sites relatifsau Haut Moyen Âge témoignerait de l’existence d’un petit habitat disperséau pied des versants. Par ailleurs, la rétraction des zones d’épandageindiquerait un recul des cultures en faveur d’une exploitation pastorale dumilieu, tout comme la présence d’un niveau noir très charbonneux au fondde l’ancienne cuvette marécageuse (Trément dir. 2007 : 314-316).Un premier traitement des données issues des prospections menées

actuellement dans le secteur de Billom révèle l’existence de plusieurs profilschronologiques des sites. Bien que peu nombreuses, certaines donnéescorrespondraient à de possibles créations de sites à la fin de l’Antiquité, ceque les deux fenêtres d’études précédentes ne montrent pas. Des indices desites du Haut-Empire sont toutefois décelés sous ces occurrences ; il reste àles préciser. D’autres sites présentent une rupture dans l’occupation entre leHaut-Empire et le Haut Moyen Âge, d’autres encore ne sont créés que durantcette dernière période. Les données de cette fenêtre d’étude, en cours de

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LA QUESTION DES CAMPAGNES ARVERNES À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ : ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

traitement, devraient livrer un schéma d’occupation qui se singularise parrapport aux secteurs prospectés dans le bassin de Clermont.L’ensemble des travaux réalisés en Auvergne montre ainsi que, loin d’être

totalement désertées, les campagnes continuent d’être occupées durant lessiècles tardo-antiques. Toutefois, seules les grandes tendances du peuplementdes espaces ruraux sont perçues. Ceci est en grande partie dû à des problèmesméthodologiques. La période couvrant les IVe-VIe siècles n’est, en effet, perçuequ’au travers du prisme déformant du Haut-Empire ; les données se retrouventdès lors enfermées dans un schéma de ruptures ou de continuités d’occupationpar rapport aux Ier-IIe siècles. L’étude de l’Antiquité tardive en tant que périodehistorique à part entière permettra de s’affranchir de ce point de vue finaliste.En outre, lors des prospections, la période du Haut-Empire est

essentiellement détectée grâce à la présence des céramiques fines. Ces dernièressont diversifiées et facilement identifiables, telles que les sigillées. En revanche,pour la fin de l’Antiquité, et surtout ensuite pour le Haut Moyen Âge, onconstate une baisse des productions fines au profit d’une multiplication descatégories de céramiques communes, comme le montrent les études en cours(cf. infra). En l’absence de typologie, les céramiques communes sont plusdifficilement identifiables et datables. Les sites tardo-antiques et alto-médiévaux sont ainsi plus malaisément détectables lors des prospectionspédestres. À cette lacune s’ajoute la quantité généralement faible descéramiques retrouvées sur ces sites, en regard du nombre élevé des artefactsdatés du Haut-Empire. Ce fait a été constaté lors des prospections menéesdans le Grand Marais et dans le bassin de Sarliève, mais les prospectionsconduites dans le secteur de Billom montrent que cela n’est pas une règlegénérale. Faut-il voir là la conséquence de changements dans la culturematérielle (présence de vaisselle en bois ?) et dans les habitudes deconsommation ? Ou bien dans les formes de l’habitat (nouveaux modes detraitement des rejets domestiques) ? Ces nouvelles pistes de rechercheobligeront peut-être à nuancer le classique scénario démographique d’unebaisse de la population.

2.2. Approfondir la recherche sur l’Antiquité tardive en Auvergne :perspectives de rechercheL’étude en cours est axée sur la compréhension des modes de

développement dans la cité arverne tardo-antique et alto-médiévale des IVe-VIIIe siècles. Il s’agit de caractériser les formes et les réseaux de l’habitat, etd’évaluer leur rôle dans la dynamique des campagnes. Les schémas depeuplement qui en découleront pourront alors être confrontés à ceux établispar G. Fournier (1962) à partir des sources écrites (textes de SidoineApollinaire et de Grégoire de Tours).

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LES ARVERNES ET LEURS VOISINS DU MASSIF CENTRAL À L’ÉPOQUE ROMAINE

Une telle étude implique une triple démarche. La première correspond àla reprise des données permettant la datation des sites, à travers la réalisationd’études céramologiques d’ensembles cohérents (cf. infra). La deuxièmeconsiste à dresser un inventaire exhaustif des occurrences tardo-antiques etalto-médiévales connues pour l’ensemble de la région Auvergne. Les donnéesantérieures doivent être appréhendées avec un recul critique suffisant, afin des’affranchir des hypothèses anciennes. La limite évidente d’une telle approcheréside dans la disparité de l’état d’avancement de la recherche selon les régions.Si le bassin de Clermont-Ferrand a pendant longtemps concentré lesrecherches archéologiques du fait d’un élan urbanistique important, lesdépartements du Cantal et de la Haute-Loire sont bien souvent délaissés parles opérations archéologiques d’envergure. Depuis quelques années, ledépartement de l’Allier connaît, quant à lui, un renouveau de sadocumentation. En outre, les différentes recherches ont été menées selon desméthodes variant avec chaque chercheur, ce qui limite parfois les possibilitésde comparaison et de synthèse. Avoir plusieurs échelles d’analyse est ainsifondamental. La troisième démarche de ce travail est de conduire l’étude selontrois échelles d’analyse. Celle du site permet tout d’abord de dresser unetypologie de l’habitat et de comprendre l’histoire spécifique de chaqueétablissement. L’analyse à l’échelle de la microrégion permet ensuite depercevoir les déplacements ou les regroupements des établissements, ainsi queleur organisation en réseaux et leur insertion dans l’environnement. L’analyseà l’échelle de la cité, enfin, permet d’appréhender les évolutions concernantl’organisation du territoire, les modes de mise en valeur agricole et lesévolutions de la culture matérielle.

Questionnements à l’échelle de la microrégionLa reprise des données issues des prospections menées dans le cadre du

programme Dyspater permet d’analyser le peuplement à l’échelle de lamicrorégion. Ces données, acquises selon une méthode systématique, autorisentl’approche des dynamiques spatiales du peuplement d’un secteur donné.

Il s’agit ici de dépasser le débat centré sur les continuités ou les rupturesde l’occupation des campagnes qui est mis en avant par les étudesdiachroniques. On l’a vu à travers l’historiographie, les travaux récents ontdémontré que les phénomènes observés ne doivent plus être perçus en termesde déclin si l’on veut comprendre le développement des systèmes depeuplement des campagnes, leur organisation et leurs spécificités.

Dans un premier temps, le retour au mobilier céramique récolté doitpermettre de préciser la chronologie des sites. Si une diminution globale dunombre de sites est attestée, il reste à en déterminer les modalités : est-ce une

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LA QUESTION DES CAMPAGNES ARVERNES À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ : ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

baisse brutale ou le fruit d’un processus plus long ? Le réexamen descéramiques doit ainsi conduire à une périodisation affinée de l’occupation. La classification des sites en fonction de descripteurs employés dans le

programme ANR Archaedyn (qui prolonge les programmes Archaeomedes I etII) doit permettre de caractériser la fonction, voire le statut des sites. Lescritères retenus sont la superficie de la concentration des artefacts, lesmatériaux de construction et de décor ainsi que la nature du mobilier(éléments de stockage, éléments céramiques, éléments liés à l’artisanat, etc.),celui-ci permettant de déduire les activités pratiquées et la chronologie dessites. Cependant, le site ne doit pas être la seule entité archéologiqueconsidérée. Les espaces intercalaires, qui font l’objet d’une mise en valeuragricole, ou qui ne sont pas occupés, doivent également être perçus. Pour cela,un protocole permettant la détection de ces espaces a été mis en place, àl’image de la méthode établie par A. Moreau dans le cadre de sa thèse (Moreau2008 : 114-115). Il s’agit de déterminer des combinaisons céramiques quiseront le reflet d’un type d’occupation ou d’usage du sol (sites, zonesd’épandage, etc.). La norme des assemblages céramiques est donnée par leszones intercalaires, sans vestiges enfouis détectés. Lorsque l’ensemble descéramiques récoltées sur un espace donné se traduit par un assemblagedifférent de celui des zones intercalaires, alors on se trouve potentiellementsur un site. Si la répartition des artefacts est diffuse et qu’aucune phasechronologique ne se détache de l’ensemble, alors on est probablement enprésence d’un bruit de fond ou d’un épandage (le bruit de fond se trouve àproximité d’un site, il résulte de l’étalement des vestiges par les labourssuccessifs ; le mobilier est alors généralement bien conservé).Des résultats précédents découleront la caractérisation des réseaux de

l’habitat. Le raisonnement se fera en termes de hiérarchie des sites etd’ensembles spatiaux correspondant à des pôles de peuplement. Ladiminution du nombre de sites observée dans le bassin de Clermont est-elleà mettre en relation avec la rétraction du chef-lieu de cité Augustonemetum,alors restreint dans une enceinte de trois hectares (Trément 2002d : 205 ;Dartevelle 2010 : 143) ? Certaines élites urbaines sont alors les propriétairesdes grands domaines ruraux. Le maintien des grandes villae signifie-t-il untransfert de ces élites dans leurs propriétés rurales ? Cela a-t-il conduit à desmodifications structurelles de ces bâtiments ?

L’explication actuelle, pour la diminution du nombre d’établissements detaille moyenne dans les campagnes, est celle d’un regroupement domanial.Pour valider cette hypothèse, il importe avant tout de déterminer la place dessites délaissés dans l’occupation du sol et leur rôle dans l’économie descampagnes. En l’absence de fouille, il est impossible d’appréhender la fonctiond’un habitat sur la moyenne durée. Le recours à la photographie aérienne

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peut livrer certaines pistes de recherche. Sur les communes de Culhat (63) etde Montaigu-le-Blin (03), des photographies aériennes montrent unesuperposition de deux villae bâties successivement au même emplacement,mais selon une orientation nettement différente (Fig.1-2). Cette discordancedes plans semble correspondre à un hiatus dans l’occupation, les murs dupremier établissement ayant été arasés afin de permettre la construction desnouvelles structures. Or ces dernières occupent une superficie inférieure àcelle du premier bâtiment. Le statut ne semble pas pour autant être modifié,les deux plans étant en effet typiques de villae. En l’absence de donnéeschronologiques, il n’est évidemment pas possible d’affirmer que le deuxièmeétat se rattache à l’Antiquité tardive (Dousteyssier, Segard, Trément 2004 :138). Les réaménagements de villae du Haut-Empire réalisés à la fin del’Antiquité sont toutefois connus dans d’autres régions, comme en Languedocsur la villa des Prés Bas à Loupian (Pellecuer 2000), ou bien en Aquitaine(Balmelle 2001). Mais seules des modifications dans le plan sont observées etnon pas un arasement total permettant une nouvelle construction affranchiede la précédente. En outre, la superficie, plus petite, du nouvel établissementirait à l’encontre de l’hypothèse du regroupement domanial. Dès lors, on peuts’interroger sur les modalités de ce resserrement de l’habitat observé dans lescampagnes : signifie-t-il un regroupement de la population au sein d’un grand

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Fig.1 : Plans superposés de deux villae sur la commune de Culhat (63), Le Bourg, d’après le redressement dephotographiques aériennes obliques. Les deux clichés, pris à onze ans d’écart, témoignent bien de l’impacturbanistique récent sur le site (d’après Laisné, Tripeau 2003 dans Dousteyssier, Segard, Trément 2004 : 136,fig.16 ; clichés J. Pouzadou, CERAA 1989 et B. Dousteyssier 2011).

établissement existant ? Les deux exemples précités invitent à nuancer cettehypothèse. Les bâtiments délaissés avaient-ils tous vocation d’habitation, ousont-ils des entités à fonction avant tout économique, ce qui expliquerait leurabandon ?

Enfin, les études paléoenvironnementales permettent de replacer leshabitats dans leur contexte paysager. Les résultats de ces travaux montrentque le système de drainage reste globalement efficace durant l’Antiquitétardive (Trément 2004a ; Trément et al. 2004a ; b). Des désorganisations sontcependant observées (Ballut 2000b ; Guichard 2000). Sont-elles laconséquence d’un climat plus humide, d’un manque d’entretien, ou biend’une diversification des activités agro-pastorales mettant à profit les marais(Trément et al. 2004a ; b ; Trément dir. 2007) ? En outre, quelle part donneraux changements dans les pratiques culturales attribués à la fin de l’Antiquité :charrue à roue, fléau, meilleur assolement des champs (Ouzoulias 1997 : 18) ?Enfin, la « crise » des milieux observée aux VIe-VIIe siècles dans plusieursrégions, telles que le Jura ou le bassin rhodanien, est-elle également visible enAuvergne ? S’accompagne-t-elle d’une variation dans l’occupation du sol ? Lareprise récente des données dans le sud de la France a montré que ces sièclespeuvent aussi bien être des temps d’abandon dans certains secteurs que despériodes de reconquête dans d’autres (Leveau et al. 2000 ; Durand, Leveau2004).

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Fig.2 : Plans superposés de deux villae sur la commune de Montaigu-le-Blin (03), les Grands Prés, d’après leredressement de photographies aériennes obliques. On peut voir la zone thermale dans la partie sud du site(redressement S. Chabert ; cliché B. Dousteyssier).

De nouvelles formes de l’habitatLe dépouillement bibliographique exhaustif des études régionales permet

de dresser l’inventaire des sites attribués à la fin de l’Antiquité et au HautMoyen Âge circonscrits dans la cité des Arvernes (hors Clermont-Ferrand).Ce travail, en cours de réalisation, a déjà livré un peu plus de 200 occurrencesarchéologiques (hors sites détectés par les prospections pédestres et aériennes).La plupart d’entre elles concernent les départements du Puy-de-Dôme et del’Allier, et dans une moindre mesure le Cantal, où il s’agit essentiellement dedécouvertes isolées. 20% des mentions correspondent à des sites d’habitat.Le reste se répartit inégalement entre les sépultures et les nécropoles (trèsnombreuses, surtout pour le Haut Moyen Âge), les découvertes d’ensemblesmonétaires (peu fréquentes, toutefois, avec 6% des mentions), les fosses etfossés isolés, les sites artisanaux (fours de potiers, mines, carrières) et lesagglomérations. S’il n’est pas possible de reprendre l’ensemble des élémentscéramiques permettant la datation de ces occurrences (notamment parce quele mobilier est difficile, voire impossible, à retrouver), les descriptions parfoisprécises des céramiques qui accompagnent la mention de la découvertepermettent toutefois de valider ou de rectifier certaines chronologies.Trois tendances se dessinent dès à présent.

L’évolution des villaeLa première, mise en lumière par les opérations d’archéologie préventive,

concerne l’évolution des villae du Haut-Empire à la fin de l’Antiquité.Plusieurs scénarios sont attestés. Fréquemment, l’occupation del’établissement devient diffuse au IVe siècle (villa de Champ Chalatras auxMartres-d’Artière, 63 ; Vallat, Cabanis 2009). D’autres sites témoignent d’undéplacement de l’occupation (l’emprise fouillée atteste, en effet, la fréquentationdu lieu à la fin de l’Antiquité, sans que les structures d’habitat correspondantessoient pour autant détectées : villa de Maréchal à Romagnat, 63 ; Liegard,Fourvel 2000 ; 2001). D’autres établissements font l’objet de réaménagements,certains précédant l’abandon des lieux (villa de Champ Madame à Beaumont,63 ; Alfonso, Blaizot 2004), d’autres suivis par un changement dans la naturedu site, qui perd alors son statut de villa durant les VIe-VIIe siècles (villa desChazoux à Gannat, 03 : Ferdière 2002 ; site de l’Enfer à Orcet/La Roche-Blanche, 63 – localisé à proximité d’une villa : Baucheron, Caillat, Deberge2005). En revanche, aucune création n’est avérée. Le phénomène de permanencedu réseau des villae reconnu en prospection doit, ici, être mieux caractérisé à lalumière des données de fouilles. Gardons toutefois à l’esprit l’impératif de tempsqui régit les opérations d’archéologie préventive, dont sont issus la majorité dessites fouillés. Cette contrainte entraîne, bien souvent, des décapages quioblitèrent les niveaux supérieurs tardo-antiques, donnant ainsi une vuetronquée de la chronologie des sites.

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LA QUESTION DES CAMPAGNES ARVERNES À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ : ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

L’évolution des techniques de constructionLa deuxième tendance concerne l’évolution des techniques de

construction. L’une des raisons de la « discrétion » des structures d’habitat del’Antiquité tardive réside dans la mise en œuvre de matériaux périssables,avérée à partir du Ve siècle, voire peut-être dès le IVe, pour la construction debâtiments sur poteaux plantés appartenant à des exploitations agricoles. Dansl’Allier, le site de Millefleurs à Monteignet-sur-l’Andelot (03) est constitué detrois ou quatre bâtiments de plans rectangulaires, dont la fonction n’est pascertaine du fait de leur mauvais état de conservation. Le mobilier associé serapporte à une occupation domestique (présence de faune et de céramique)mais aussi à des activités métallurgiques (découverte de scories) et pastorales(comme le prouvent les analyses palynologiques). Des datations par leradiocarbone ont permis de placer la chronologie du site entre la fin du Vesiècle et le début du VIe (Liegard 2004).Dans le Grand Marais, le site des Douzaines Hautes à Malintrat (63 ;

Guichard 2000 : 69-70) s’implante sur un secteur qui fait l’objet d’une miseen valeur agricole intensive durant l’époque romaine. On compte, en effet,de nombreux fossés et des caniveaux maçonnés. À la fin de l’Antiquité, troisbâtiments sur poteaux porteurs sont construits selon une même orientation ;ils n’ont livré aucun élément permettant leur datation. Ils sont associés à deuxpuits, un four domestique93 ainsi qu’une fosse rubéfiée (Fig.3). Lecomblement de la plupart de ces structures contenait un certain nombre decéramiques. Leur étude a été réalisée dans le cadre du travail de doctoratprésenté ici94. Tous ces éléments constituent un ensemble assez cohérentchronologiquement, qui se rapporte aux IVe-Ve siècles (Fig.4). On retrouveassociées de manière récurrente les céramiques lissées gris bleuté, lescéramiques peintes à décor ocre et celles présentant un engobe ocre brossé.Ces deux dernières catégories seraient plutôt à rattacher au seul Ve siècle. On

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LES ARVERNES ET LEURS VOISINS DU MASSIF CENTRAL À L’ÉPOQUE ROMAINE

Fig.3 : Site des Douzaines Hautes, Malintrat (63). Restitution du plan d’ensemble (d’après Guichard 2000 : 72,fig. 68).

note également la présence de sigillées tardives de Lezoux, probablement àplacer durant la dernière phase de cette production, soit entre la secondemoitié du IVe et le début du Ve siècle. L’élément le plus tardif semble être unpot non tourné à fond plat, mis au jour dans le comblement d’un des deuxpuits (Fig.4). Il présente, comme d’autres tessons issus du même comblement,des traces de rubéfaction (éléments à mettre en rapport avec la fosse rubéfiéeà proximité ?). Ce type de production est inhabituel pour la région ; il rappelleles céramiques communes non tournées de tradition germanique connuesdans le Nord-Est de la France, notamment en Alsace (Châtelet 2003). Aucuneautre correspondance typologique ou morphologique n’a été trouvée dans labibliographie. Très largement diffusée dans toute la Germanie dès le IVe siècle,cette production se retrouve jusqu’au VIe siècle. S’agit-il ici d’une telleimportation ? Ou bien signifie-t-elle une implantation germanique sur cesite ? L’isolement de ce vase au sein de cet ensemble céramique à caractèrelocal permet d’en douter. Quelques éléments de tradition germanique sonttoutefois connus dans la région95, mais leur rareté ne permet pas de conclureà des implantations de populations exogènes.En l’absence de niveaux de sol, le terminus post quem de ces structures est

donné par les céramiques issues des différents comblements ; il peut ainsi êtreplacé aux alentours du Ve siècle (sans exclure le VIe). Probablement peu detemps après l’implantation des bâtiments, on assiste à l’apparition d’unpaléochenal qui vient déstructurer le site, le coupant littéralement en deux(Fig.3). Des événements pluviométriques importants conjugués à une érosiondes sols, du fait de leur exploitation intensive depuis plusieurs siècles,occasionnent des débordements fréquents du ruisseau, ce qui affecte certainesstructures (Guichard 2000 : 69-70). Le site est-il alors encore occupé, ou bienl’apparition du cours d’eau conduit-elle à son abandon ? Le mobilier retrouvédans le comblement du paléochenal a livré un grand nombre de céramiquestardo-antiques mais aussi des éléments plus tardifs (notamment descéramiques décorées à la molette ainsi qu’une monnaie de Pépin IId’Aquitaine datée du IXe siècle) qui indiqueraient que le site est encorefréquenté durant la période carolingienne (Guichard 2000 : 70).La fonction des bâtiments n’est pas cernée avec précision. La présence d’un

four domestique et les céramiques retrouvées attestent, toutefois, uneutilisation des lieux en tant qu’habitation. Les céramiques correspondent, enoutre, à un vaisselier d’une certaine qualité, qui dénote avec son contexte dedécouverte, à savoir un habitat construit en matériaux périssables. À proximité, juste au nord de l’emprise des sondages, la présence d’un

établissement gallo-romain a été reconnue en prospection pédestre96. Lemobilier récolté se compose de fragments de briques d’hypocauste ainsi quede céramiques datées du Haut-Empire et, surtout, de l’Antiquité tardive97 etdu Haut Moyen Âge. La présence des fragments d’hypocauste indiquant la

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LA QUESTION DES CAMPAGNES ARVERNES À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ : ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

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présence de pièces chauffées, ainsi que la diversité des céramiques, invitent àconsidérer ce site comme un établissement d’envergure et de statutrelativement important.Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour le site des Douzaines

Hautes. Les structures mises au jour par la fouille sont-elles à rattacher àl’établissement gallo-romain détecté à proximité, dont elles seraient desdépendances agricoles ? La concordance du mobilier retrouvé en fouille et enprospection irait dans ce sens. Au contraire, ces structures ne correspondraient-elles pas à une création, issue d’un déplacement de l’habitat depuis le site antique ?Le passage à des constructions en matériaux périssables n’est pas nécessairementle résultat d’une paupérisation des campagnes : la même activité économiquepeut aussi bien être effectuée dans un bâtiment en bois que dans uneconstruction en dur (Ouzoulias 1997 : 18). Le vaisselier, diversifié et d’unerelative qualité, en serait l’illustration.

L’occupation des hauteursEnfin, la troisième tendance observée dans le peuplement des campagnes

à la fin de l’Antiquité est l’occupation des hauteurs, un phénomène déjà misen lumière par G. Fournier (1962 : 330-364). Certains de ces sites perchéssont connus depuis la fin du XIXe siècle. C’est notamment le cas du site deChastel-sur-Murat (15), exploré par J.-B. Delort puis par J. Pagès-Allary entre1891 et 1914. Le dépouillement bibliographique en cours a jusqu’à présent révélé

l’existence de près de 20 sites de hauteur, répartis inégalement au sein de lacité des Arvernes (la plupart d’entre eux sont localisés dans l’actueldépartement du Cantal). Les données disponibles sont très variables etinégales selon les sites. Si certains ont fait l’objet de fouilles archéologiques(par exemple : Chastel-sur-Murat et Saint-Victor-de-Massiac, 15 ; Ronzières,63 ; La Couronne à Molles, 03 ; Boudartchouk 1999 ; Tixier, Liabeuf 1984 ;Fournier 1999 ; Martinez 2011), ce n’est pas le cas pour la majorité d’entreeux, souvent attestés par les sources écrites seulement (dans les écrits deGrégoire de Tours : castrum Thigernum de Thiers et castrum Involautrum àVollore, 63), ou localisés par la seule découverte de céramiques dites« wisigothiques » (comme le Suc de Lermu à Charmensac, 15 et le Puy deMontcognol à Chapdes-Beaufort, 63) ou bien encore par la mise au jour desépultures (site de Montgebrout à Salzuit, 43).Dans l’attente d’une meilleure caractérisation de ces sites, en cours de

réalisation, quelques traits généraux sur leur chronologie et leur typologieressortent toutefois d’un rapide inventaire. La chronologie de l’occupationvarie d’un site à l’autre : de quelques siècles pour certains (par exemple, le Sucde Lermu à Charmensac, 15), elle peut s’échelonner du IVe siècle au Moyen

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LA QUESTION DES CAMPAGNES ARVERNES À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ : ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

Âge central (comme à Saint-Flour ou Saint-Floret). Dans ce dernier cas,toutefois, rien ne permet d’affirmer que l’occupation est continue. Uneoccupation protohistorique est, en outre, généralement mentionnée (Suc deLermu, Rochemur à Saint-Etienne-de-Chomeil, 15). À ce sujet, il faut resterprudent face aux schémas continuistes d’occupation, souvent encouragés parl’historiographie. Les sondages de vérification réalisés par J.-L. Boudartchoukà Chastel-sur-Murat ont, en effet, bien montré que, contrairement auxsuppositions anciennes, aucune occupation de cette hauteur n’était antérieureà l’Antiquité tardive (Boudartchouk 1999 : 94).Tous les sites perchés ne sont pas dotés d’une enceinte maçonnée, comme

c’est notamment le cas à La Couronne. Certains, entourés de falaises,possèdent en effet une protection naturelle (notamment dans le Cantal àChastel-sur-Murat et Chastel-Marlhac). D’autres sont ceints d’une levée deterre (comme à Ronzières), probablement surmontée d’une palissade en bois. L’habitat n’est pas toujours détecté sur ces sites réputés être des refuges

pour la population. On note toutefois la présence de « cases » à Chastel-sur-Murat (Boudartchouk 1999). Les sépultures sont, en revanche, plusfréquemment découvertes (à Chastel-sur-Murat également, à Ronzières, àMontgebrout, ou bien encore à La Couronne).Beaucoup de ces lieux sont actuellement occupés par des églises. Certains

de leurs vocables pourraient remonter à la période mérovingienne (Fournier1962 : 330 sq.), mais les confirmations archéologiques font généralementdéfaut. Les fouilles en cours du site de La Couronne, dirigées par D. Martinezdepuis 2010, ont permis la redécouverte de ce site. Aménagé sur un plateauet clos par une enceinte maçonnée, son occupation s’étend de la fin del’Antiquité (quoique des indices de fréquentation du Haut-Empire soientavérés) jusqu’au Moyen Âge central. Entre autres résultats, il est désormaisétabli qu’une église est aménagée sur le plateau dans le courant du Ve siècle,à partir d’un établissement préexistant (Martinez 2011 : 69). Desaménagements creusés dans le rocher à l’intérieur de l’abside attestent laprésence de reliques (Martinez 2011 : 68). La présence de nombreuses citernesinstallées contre le grand bâtiment, qui sera ensuite l’église, laisse supposer laproximité d’habitations, toutefois non détectées à ce jour.Les données fragmentaires issues des sites de hauteur rendent délicate la

détermination de leurs fonctions. La présence militaire, si elle semble avéréesur certains sites (Chastel-sur-Murat, La Couronne ?), ne doit pas conduire àconclure trop rapidement à une fonction défensive, comme les recherchesrécentes l’ont clairement montré dans d’autres régions. La présence d’églisesindique que ce sont des lieux également habités et organisés. De plus, ladécouverte récurrente de céramiques importées (en particulier les dérivées desigillées paléochrétiennes languedociennes, les sigillées d’Argonne et les

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LES ARVERNES ET LEURS VOISINS DU MASSIF CENTRAL À L’ÉPOQUE ROMAINE

céramiques décorées à l’éponge du Poitou) montre que ces sites ne sont pasisolés mais intégrés dans des circuits commerciaux à longue distance. Seule lapoursuite des fouilles archéologiques permettra de mieux caractériser lafonction de ces sites et de préciser leur place dans le territoire.

3. Conclusion

Les recherches archéologiques menées en France durant ces vingt dernièresannées ont entraîné un renouvellement complet des connaissances portantsur les campagnes de la fin de l’Antiquité et du début du Haut Moyen Âge.Le développement des prospections pédestres a permis une approche spatialedes espaces étudiés, venant ainsi mettre en contexte les sites ayant fait l’objetde fouilles extensives. Il est désormais établi que, loin de connaître unedésertification, les espaces ruraux continuent d’être largement exploités etd’être occupés par un habitat dispersé. La baisse du nombre de sites,auparavant justifiée par l’impact des « invasions barbares », s’amorce en réalitédès le IIe siècle de notre ère et se poursuit durant le IIIe. Le IVe siècle apparaîtalors comme une période relativement stable, marquée par un délaissementdes établissements de taille modeste au profit des sites économiquement fortsde type villa. Ce n’est qu’au Ve siècle que l’on assiste à un nouvel élanéconomique avec l’implantation de nouveaux établissements. Desinterrogations persistent cependant, en particulier concernant le statut et lafonction des établissements d’envergure moyenne. Par ailleurs, l’apparitionde nouvelles formes d’habitat est observée, telles que les constructions enmatériaux périssables, mais aussi les sites de hauteurs. Ces derniersapparaissent complémentaires des occupations de plaine. Occupés parfois dèsle IVe siècle puis durant la période mérovingienne, voire au-delà, ces sites,qualifiés jusqu’à il y a peu de sites-refuges, présentent en réalité desdéveloppements et des fonctions variés, qui témoignent d’un ancrage dansles réseaux d’habitat environnants.La reprise des données pour la cité arverne de la fin de l’Antiquité et du

Haut Moyen Âge, désormais bien avancée, permet d’observer de semblablestendances (permanence de la villa, apparition des constructions en matériauxlégers, émergence de sites de hauteur). Les prospections menées dans le bassinde Sarliève et le Grand Marais, à proximité du chef-lieu de cité antiqueAugustonemetum, ainsi que celles réalisées dans le secteur de Billom, zone pluséloignée à l’est, livrent des données différentes d’un secteur à l’autre. Si lesmodalités d’occupation du sol des IVe-VIIIe siècles sont encore à caractériserde manière précise, il apparaît déjà que ces secteurs témoignent dedynamiques d’occupation qui leur sont propres. Les schémas de peuplementpourront dès lors être confrontés à ceux fournis par les sources écrites misesen perspective par Gabriel Fournier (1962).

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LA QUESTION DES CAMPAGNES ARVERNES À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ : ÉTAT DES LIEUX ET PROBLÉMATIQUES

NOTES :1. La route qui, depuis la vallée du Rhône, conduisait en territoire arverne par la vallée de l’Ardèche et le col

du Pal, était probablement la plus difficile. César (B.G., VII, 8, 2-3), qui l’emprunte en février 52, la décrit ainsi :« Les Cévennes, qui forment barrière entre les Helviens et les Arvernes, étaient en cette saison, au plus fort de l’hiver,couvertes d’une neige très épaisse qui interdisait le passage : néanmoins, les soldats fendent et écartent la neige surune profondeur de six pieds, et, le chemin ainsi frayé au prix des plus grandes fatigues, on débouche dans le pays desArvernes. Cette arrivée inattendue les frappe de stupeur, car ils se croyaient protégés par les Cévennes comme par unrempart et jamais, à cette époque de l’année, on n’avait vu personne, fût-ce un voyageur isolé, pouvoir en pratiquerles sentiers ».

2. Dans un article consacré aux Premiers travaux de dessèchement du Marais de Limagne d’après les textes du MoyenÂge, M. Boudet (1890) spécifie le sens du mot Limagne, qui est selon lui un terme générique, utilisé du Velay et duCantal jusqu’aux confins du Berry, qualifiant des bas-fonds gras et limoneux, autrefois recouverts par les eaux : « Lalimagne est une terre d’alluvion, vaseuse, fertile, profonde et plate » (Boudet 1890 : 15). L’Allier, en particulier, formeun chapelet de dépressions qui sont autant de limagnes. La véritable Limagne, toutefois, est, selon l’auteur, « le plat-fond du grand Léman d’Auvergne, entre Gergovie, Clermont, Riom, Aigueperse, Maringues, Artonne et l’Allier » (Boudet1890 : 16). Les lacs de Sarliève et du Cendre en font partie.

3. Cette étude a été complétée par celle réalisée dans le cadre de l’aménagement du Parc Logistique de Gerzat(Delhoume 1998). Ces travaux ne sont pas publiés.

4. Les sources médiévales et modernes insistent sur ce trait caractéristique du paysage limagnais.5. Notes manuscrites de Jean Savaron d’après Delarbre (1805 : 16) et Tardieu (1877 : 55).6. Ces termes ont le sens de fossé, béal, canal, bief, c’est-à-dire un creusement artificiel destiné à diriger les eaux

vers un point précis.7. C. Jullian (1908-1926, V : 402) écrit également, dans son Histoire de la Gaule, à propos du sol de l’Auvergne :

« Par ses sites et par sa valeur, il a dans ce pays une magnificence à la fois physique et morale que nos générationsmodernes ont trop longtemps méconnue. Il apportait de la santé et de la foi autant que de la richesse et du travail ».

8. Legrand d’Aussy 1795, I, lettre XXI ; III, lettre LXIII ; Rabani-Beauregard, Gault 1802 : 16-17 ; 20-21 ; Delarbre1805 : 6-9 ; 13-20 ; 233-236 ; Mathieu 1857 : 11 ; Lecoq 1866 ; 1867 ; Tardieu 1877 : 200 (rubrique Limagne) ;Pommerol 1886 : 7-9 ; Boudet 1890 : 12, 17-19.

9. « Si autrefois l’Océan a couvert l’Auvergne, comme mille faits divers semblent concourir à le prouver,certainement il a dû séjourner plus long-tems dans le bassin creux du marais que dans le reste de la contrée, et leremplir encore, lors même qu’il avait abandonné celle-ci déjà en grande partie » (Legrand d’Aussy 1795, I, lettre XXII :349-350). « D’où vinrent les eaux suffisantes pour remplir un lac d’une circonscription égale au moins à celui deGenève ? Je présume que ce fut un résidu de celles du déluge, qui, ne pouvant franchir les limites, s’y fixèrent, et furententretenues par les rivières et ruisseaux multipliés et abondans qui y abordent » (Delabre 1805 : 13). La confusion destemporalités est bien visible sous la plume d’A. Rabani-Beauregard : « Les découvertes modernes nous ont appris quel’Océan a couvert anciennement de ses eaux ces vastes campagnes, qui composent aujourd’hui le domaine des dieuxchampêtres, et que les vaisseaux ont pu voguer à pleines voiles aux lieux même où s’élèvent des cités florissantes »(Rabani-Beauregard, Gault 1802 : 16). A. Tardieu (1877 : 3) fait encore référence au « déluge européen qui donna, ànotre sol, ses reliefs actuels ».

10. « Il était donc infiniment plus facile et plus économique à un Bituit, à un Luern, à un Psanit, à un Celtil, à unVercingétorix, un Vergasillaun ou un Épadnact, pour ne parler que des chefs arvernes frappant monnaie dont lesmédailles nous sont parvenues, de faire creuser un réseau de canaux dans le Marais, qu’à un baron, à un comted’Auvergne, à un roi du Moyen Âge, voire même à un intendant de Louis XIV » (Boudet 1890 : 56).

11. « Rome, du reste, même dans les temps de sa plus grande prospérité, n’a rien tenté en Gaule qui soitcomparable à ce que feront ces hommes [les moines médiévaux et les ingénieurs royaux], n’a rien laissé sur notre solqui soit à mettre en regard de l’œuvre française des dix derniers siècles » (Jullian 1908-1926, V : 180). Cette idée seretrouve chez A. Grenier (1931, I : 113).

12. A. Delarbre (1805 : 256) écrit : « Il est à croire que le dessèchement de ce lac s’est fait plusieurs fois, dans lestemps les plus reculés, et il n’existoit sûrement pas du temps de César, puisqu’il n’en fait aucune mention dans sesCommentaires ».

13. G. Syméoni (1561 : 97) écrit : « Ayant César faict deux camps, un grand, et l’autre petit, eu respect à la longueurde la montaigne, et ayant cavé ces fossez doubles de XII pieds, que les modernes appellent tranchées, pour asseurer l’unet l’autre, ie dy que depuis avec le temps s’estans remplis des eaux, qui découlent de la montaigne de Gergoye, et deCornon, et par les pluyes, et neiges qui se fondent, ils ont fait, s’eslargissans, ce lac, qui est auiourdhuy appellé Sarlieue,mesme que sa forme plus longue, que large nous en fait foy ». L’antiquaire florentin déduit, probablement de la lecturede l’Epitomé de Florus, que le lac est le résultat du travail des Romains : « César bloqua Gergovie en l’environnant d’unetranchée soutenue de bonnes palissades, d’un large fossé par lequel il fit couler l’eau de la rivière, de dix-huit petits fortset d’un bon parapet » (Epitomé, III, 10). Or Florus confond le siège de Gergovie avec celui d’Alésia.

14. « On a maintes fois reproché à César de ne pas avoir parlé du lac de Sarlièves, desséché sous Louis XIII. On amême voulu conclure de ce silence que le lac n’existait pas à l’époque gauloise. Mais aucun argument géographiqueou géologique ne permet de nier l’existence de ce lac au temps de César. Et si le proconsul ne le mentionne pas, c’estqu’il était dans ses habitudes de ne point parler des détails de terrain qui n’avaient pas joué un rôle dans les opérationsmilitaires proprement dites » (Jullian 1901 : 378 n.1).

15. É. Desforges et P.-F. Fournier (1933 : 48) affirment : « L’emplacement même des fouilles n’est plus discernableaujourd’hui. Il n’est pas certain que, lorsque M. Vergnette a situé l’emplacement des objets découverts “en pleine

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cuvette de l’ancien lac”, l’expression n’ait pas dépassé sa pensée (sur la carte qu’il a donnée, le n°8 qui marquel’emplacement de cette découverte, serait peut-être plus exactement placé un peu plus à l’est). L’emplacement de cesobjets pourrait s’être trouvé sur la rive orientale de l’ancien lac, à l’endroit où elle dessine un promontoire de naturesableuse, très visible sur la carte d’état-major ». G. Fournier (1970 : 271) reprend cette dernière hypothèse à soncompte : « Antoine Vergnette […] signalait la découverte de sépultures à incinération de l’époque gallo-romaine auxabords du lac de Sarliève, dans un site qui figure trop à l’ouest sur la carte et qui doit être reporté sur la terrasse degraviers qui forme la rive orientale du lac ».

16. L’origine de la précoce maîtrise hydraulique arverne reste un mystère. Pour J.-P. Daugas, J.-P. Raynal et L. Tixier(1982 : 18), « il est hautement vraisemblable que le schéma technique utilisé reprend très largement une dynamiquenaturelle observée, la création d’un exutoire ». On peut imaginer aussi que les Arvernes se sont inspirés des techniquesobservées chez les Étrusques et les Romains lors de leurs incursions en Italie au IVe s. av. J.-C. Ils ont en effet été lestémoins de la remise en état des réseaux hydrauliques dans la plaine du Latium par la nouvelle aristocratie romaineissue du patriciat et de la plèbe. Sur cette question, voir R. Carré (1999).

17. Au départ, J.-P. Daugas et al. (1978) envisagent même plus largement les implications culturelles des mutationsdu milieu : la paludification contemporaine du début du Subatlantique aurait ainsi provoqué l’apparition de « groupesd’affinités lacustres » dans la plaine à l’extrême fin de l’Âge du Bronze, ainsi que l’isolement des groupes locaux duPremier Âge du Fer et du début du Second Âge du Fer par rapport à leurs voisins.

18. J.-P. Daugas et J.-P. Raynal (1988) font du volcanisme l’un des facteurs explicatifs de la néolithisation du MassifCentral.

19. L’hypothèse d’une dégradation climatique au Ier s. av. J.-C. avancée par les auteurs sur la base du perchementde l’habitat est un exemple de raisonnement circulaire.

20. Un séisme « effrayant » est attesté en 542 par Grégoire de Tours. De violents tremblements de terre sontsignalés au XVe siècle (1477, 1479, 1490). Moins forts ensuite, ils sont fréquents dans la seconde moitié du XVIIIe siècle(1752, 1756, 1765, 1796) (Pelletier 1969).

21. Pour J.-J. Macaire, J.-G. Bréhéret et A. Fourmont, « on peut donc supposer que la dépression a une origineinitiale néotectonique, liée au rejeu des grands accidents nord-sud de la Limagne, possible dans un contexte devolcanisme actif au Tardiglaciaire et au début de l’Holocène » (Trément dir. 2007 : 320).

22. Les effets de l’érosion et du ravinement sont très précisément décrits par Legrand d’Aussy (1795). La cause enétait clairement imputée aux défrichements et aux déboisements opérés dans les zones de montagne : « Ledéfrichement des montagnes plantées en bois a produit un autre mal, bien plus grand encore [que la rareté et la chertédu bois], et sur-tout bien autrement irréparable. Lorsqu’on eut abattu les arbres et arraché leurs souches, on voulutlabourer le terrein ; et l’on y sema du blé. On eut une récolte, il est vrai ; mais qu’arriva-t-il ? Les terres, sans appui etsans consistance sur un sol très-incliné où elles n’étaient plus retenues par les racines des plantes, furent bientôt la proiedes eaux pluviales. Portées dans les vallons, elles allèrent les engraisser ou les encombrer ; mais la montagne resta nue etstérile. Je connais cent endroits, que depuis très-peu de tems on a décharnés ainsi. Les paysans d’alentour me disaientl’année où ils les avaient vu labourer ; moi, je n’y apercevais plus qu’une roche aride. Ainsi se conduit l’avide ignorance.Elle ouvre la poule aux œufs d’or, et la tue. Profit d’un jour, ruine pour jamais ; voilà sa devise » (Legrand d’Aussy 1795,III, lettre LXIII : 191-192). L’érosion était si intense sur la bordure orientale du plateau des Dômes que les paysans lamettaient à profit pour récupérer sans effort des matériaux de construction prêts à l’emploi : « À Clermont, à Riom, etdans plusieurs autres villes dont les environs ont des montagnes de granite, on n’emploie, pour sabler les jardins et pourbâtir, que le gravier qu’apportent les pluies. Les paysans font, d’espace en espace, des estacades dans les ravins et ruisseauxqui descendent de ces montagnes ; le sable y est arrêté, et il ne leur en coûte que de le ramasser » (Legrand d’Aussy 1795,I, lettre XXI : 343-344). Et l’auteur d’ajouter : « Il n’est pas possible d’apprécier tout ce qu’annuellement les pluies, lesorages et la fonte des neiges amènent et descendent de matières dans la plaine. La quantité en est incalculable ».

23. « La présence d’un important peuplement de type évolué et déjà ouvert aux influences méridionales dans larégion clermontoise avant la conquête n’a vraisemblablement pas été étrangère au choix du site du chef-lieu de la cité.La permanence d’un habitat à Gergovie au début de l’époque romaine et la fondation de Clermont à la même époquene sont pas des faits contradictoires » (Fournier 1970 : 278).

24. F. Trément a assuré la coordination du projet dans le cadre de ces deux programmes, complétés par deuxprospections thématiques du Ministère de la Culture. L’ensemble des données a été publié dans la revue Gallia en 2007(Trément dir. 2007).

25. Responsables : Jean-Jacques Macaire (2002-2003), puis Jean-Gabriel Bréhéret (2005-2006).26. La réalisation des opérations d’archéologie préventive a été confiée à l’AFAN (1999-2000), sous la responsabilité

de G. Vernet (Vernet et al. 2005).27. Les cartes figurent au chapitre suivant, dans lequel les dynamiques de l’habitat sont analysées de manière plus

approfondie.28. Voir les cartes au chapitre suivant.29. Y. Miras (2004 : 271) établit un parallèle entre l’augmentation de l’hydromorphie et le recul de la pression

agro-pastorale sur le plateau des Millevaches au Bronze moyen et au Hallstatt.30. C’est le cas aux Chazoux (Gannat) et peut-être également à Champ-Madame (Beaumont) et Maréchal

(Romagnat), ainsi qu’à Saint-Ours-les-Roches dans les Combrailles et à Chassenard dans l’Allier.31. Contrairement à une idée reçue, la diffusion de l’espèce T. aestivo-compactum n’est pas limitée aux régions

climatiques les plus favorables du sud de la France. Les identifications de M. Hajnalová sur le tracé de l’A710 et de J. Wietholdau Mont-Beuvray prouvent que les blés nus sont une céréale commune à l’Âge du Fer dans le centre de la France.

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AU CŒUR DU TERRITOIRE ARVERNE : LA GRANDE LIMAGNE

32. Pensons aux chiens de garde du roi Bituitos mentionnés par Appien (Celtique, 11) ! : « Tandis que Cn. Domitiuspassait par le pays des Salyens, il rencontra un émissaire du roi des Allobroges [en fait des Arvernes] Bituitos, en luxueuxappareil, avec une escorte formée de gardes, couverts de bijoux, et de chiens (car les barbares de ce pays se font garderaussi par les chiens) ».

33. Au Ve siècle, la villa que Sidoine Apollinaire possédait à Avitacum (Aydat ?) était dépouillée de tout marbreexotique si l’on en croit son propriétaire : « La face intérieure des murs [de la salle froide des bains] se satisfait de laseule blancheur de la pierre polie […]. Si d’autre part tu t’inquiètes de mes marbres, c’est un fait que Paros, Carystos,Proconèse, la Phrygie, la Numidie, Sparte n’ont point déposé en ces lieux les plaques aux couleurs variées de leurscarrières, et les pierres de mes thermes n’offrent point non plus aux regards cette apparence trompeuse d’un semisd’écailles que donnent les rochers d’Éthiopie et leurs montagnes de pourpre teints d’un rouge naturel. Mais si nous nesommes riches de la solidité d’aucune pierre étrangère, ma chaumière ou, si tu préfères, ma cabane, possède au moinsla fraîcheur du pays » (Sidoine Apollinaire, Epistulae, II, 3-15).

34. La plus ancienne mention de Belde remonte au XIe siècle (Fournier 1970 : 279 et n.54). C’est, dans les dernierssiècles du Moyen Âge, le siège d’un domaine qui éclate ultérieurement en trois domaines portant le nom de Beaulieu.

35. Sur la « crise environnementale de la fin de l’Antiquité et du Haut Moyen Âge », voir Leveau et al. 2000 etDurand, Leveau 2004.

36. Sur la pratique des feux agro-pastoraux à la fin de l’Antiquité et durant le Haut Moyen Âge, voir la synthèsed’A. Durand et P. Leveau (2004 : 201-204).

37. Le cas du Biopôle de Saint-Beauzire est significatif : alors que le grand décapage ouvert en 1999 au sud del’emprise a permis de restituer le système parcellaire dans son ensemble (Mennessier-Jouannet et al. 1999), l’évaluationréalisée au nord en 2002 au moyen de tranchées étroites et espacées interdit toute lecture globale en terme de réseaux(Mennessier-Jouannet et al. 2002).

38. Il est peu probable en effet que l’érosion des « hauts » explique à elle seule l’absence de fossés à Saint-Beauzire.39. V. Guichard (2000 : 144) est également très critique à l’égard des propositions issues de l’analyse

morphologique du parcellaire moderne. Selon lui, « les différents réseaux quadrillés qui ont été discernés necorrespondent en effet à aucune réalité historique ». Il est nécessaire d’évaluer l’apport des études morphologiques àtravers une confrontation systématique avec les données archéologiques, travail qui a été entrepris en 2006 par CarlottaFranceschelli (Franceschelli, Trément 2011).

40. Rappelons que le marais de Sarliève se localise au pied de l’oppidum de Gergovie, aux portes d’Augustonemetum,au point de jonction de la voie reliant Lyon et Saintes et de la voie du Midi, et qu’il est bordé par un chapeletd’établissements interprétés comme des villae.

41. Après les travaux de J.-P. Daugas et L. Tixier (1978), entre 1970 et 1980, et, depuis le milieu des années 1990,les recherches systématiques conduites par F. Trément (Trément et al. 2004a ; 2004b ; Trément dir. 2007).

42. Il s’agit du projet Dynamiques paysagères dans le Grand Marais de Limagne de l’Âge du Fer à l’époque moderne.Une approche archéologique et paléoenvironnementale dans la longue durée. Constitution d’un système d’informationspatiale, développé par Carlotta Franceschelli et coordonné par Frédéric Trément.

43. Le projet La gestion de l’eau dans le Grand Marais de Limagne. Un défi de longue durée, a été retenu par ClermontCommunauté dans le cadre du dispositif Développement Culturel Métropole 2010, section Archéologie et Environnement.C’est dans cette dernière phase qu’un MNS (Modèle Numérique de Surface) de la zone d’étude et plusieurs MNT(Modèles Numériques de Terrain) de détail des secteurs-clés ont été réalisés par photogrammétrie aérienne (précisionplanimétrique et altimétrique entre 1 et 2 m), afin d’obtenir une image fidèle de sa morphologie de surface, auxdénivelés souvent imperceptibles à l’œil. Les MNS et MNT ont été réalisés par une équipe mixte des Universités deBologne et Pavie, composée par Pier Luigi Dall’Aglio, Luisa Pellegrini, Clara Paltineri, Michele Silani et Davide Zizioli.Un grand merci à Erwan Roussel et à Franck Vautier, de la plateforme IntelEspace (MSH, Clermont-Ferrand), pour leuraide dans les premières phases du travail, et au CRAIG (Centre Régional Auvergnat de l’Information Géographique),pour nous avoir fourni les vues aériennes de haute précision pour le secteur d’étude (CRAIG-TopoGEODIS-2009).

44. Amherdt 2001 : 433, qui toutefois n’exclut pas la possibilité d’une rédaction dans l’année 469. 45. Sur la diffusion de l’image des champs de blé comparés à une étendue d’eau dans la littérature latine, voir

Amherdt 2001 : 446. Sidoine même l’utilise dans son Carm. 2, 108 : Protulit undantem segetem sine semine campus. 46. Devillers, Stoehr-Monjou 2009 : 55-56. Un vif remerciement à Annick Stoehr-Monjou, pour les intéressants

échanges d’idées sur la poétique de Sidoine.47. Le motif de l’appel au pays d’origine, « petite patrie » à laquelle les provinciaux restent très liés, malgré leur

volonté d’intégration au monde romain (Bonjour 1975), est d’ailleurs assez fréquent dans la littérature latine tardive.On le trouve par exemple dans la lettre 34 d’Ausone, adressée à son ami Paulin (voir Amherdt 2001 : 436-437, 445-446), où le territoire de Bordeaux est présenté avec des traits similaires à ceux utilisés par Sidoine, avec notammentune idée commune de fertilité et de richesse en eau (vignes sur les collines, champs fertiles, prés verdoyants…).

48. Charlet 2008. Sur l’intertextualité, comme caractère majeur du style de Sidoine, voir Stoehr-Monjou 2009,qui parle à cet égard de « poétique de l’éclat ».

49. Selon André 1949 : 61, le mot piceus s’affirme précisément comme « réaction poétique devant l’usure desautres termes », tels niger.

50. Pour une définition du vers d’or et une analyse de son usage dans l’œuvre poétique de Sidoine, voir Stoehr-Monjou 2009 : 220-223.

51. Pour une synthèse sur la question, voir Trément 2004a.52. A titre de comparaison, la plaine du Pô, elle aussi exposée à une forte contrainte humide, se caractérisait

pendant l’Antiquité tardive par la proximité et le mélange de terres cultivées et de zones humides ou boisées (Ruggini1995 : 30-31).

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53. L’importance des travaux d’entretien pour la « survie » des réseaux de drainage anciens ressort, a contrario,des Panégyriques Latins. Dans le Remerciement à Constantin, probablement écrit en 312 ap. J.-C., l’abandon desaménagements hydrauliques dans la plaine de la Saône aboutit à l’enfrichement de terres autrefois destinées à uneagriculture fructueuse : […] nunc autem interclusis vastitate meatibus, quicquid humilitate sua fuerat uberius, in voraginesest [stagna] conversum (8, 6, 5). « …Aujourd’hui que les dévastations ont obstrué les canaux, les terres basses, qui parleur situation même étaient plus fertiles que les autres, sont transformées en fondrières et en marécages ».

54. Sur l’importance du phénomène de l’agros continuare pendant l’Antiquité tardive, voir Ruggini 1995.55. Ruggini 1995 propose cette dynamique pour la plaine du Pô, dont l’exploitation agricole n’était

raisonnablement possible que par le moyen d’interventions de drainage et de bonification régulières et coordonnées.56. Varro, De re rust., 1, 14 ; Pall., Op. agr., 6, 3.57. Colum., De re rust., 2, 2, 9 : Nam quarum recta sunt latera, celeriter aquis vitiantur et superioris solis lapsibus

replentur. 58. Colum., De re rust., 2, 2, 9 : […] ad solum coartatas imbricibus supinis simili facere conveniet.59. Cato, De agri cult., 43, 1 : Eos lapides consternito : si lapis non erit, perticis saligneis viridibus controversus conlatis

consternito ; si pertica non erit, sarmentis conligatis. 60. Colum., De re rust., 2, 2, 9-11 ; Pall., Op.agr., 6, 3.61. La consultation des rapports d’opération archéologique a été autorisée par le Conservateur Régional

d’Auvergne, Frédérik Letterlé, que nous souhaitons ici remercier. Un remerciement doit être également adressé à tousles responsables d’opération, pour l’accord qu’ils ont voulu donner à la publication de quelques-uns de leurs résultats.

62. Sans compter que, de fait, la fouille archéologique permet au mieux de proposer une datation pour leremplissage de la structure, sans qu’il soit possible de trancher quant à sa phase de creusement, pour laquelle leremplissage ne constitue qu’un terminus ante quem.

63. Il s’agit principalement des contextes fouillés à Lempdes, ZI Les Fontenilles (Vernet 1996) ; Cebazat/Gerzat,Parc Logistique (Vernet et al. 1998) ; Saint-Beauzire, Biopôle (Mennessier-Jouannet et al. 1999) ; Clermont-Ferrand,Chemin de Gandaillat (Dunkley, Gauthier, Wittmann 2005) ; Gerzat, Chantemerle (Arnaud 2001) ; Gerzat, Rochefort,Hameau des Peupliers (Alfonso et al. 2001) ; Gerzat, Rochefort, Champfleuri (Alfonso et al. 2005) ; Clermont-Ferrand,Les Pradeaux, Champ Redon, Les Grands Rhonez, Pradoux (Pouenat et al. 2005) ; Clermont-Ferrand, CHU d’Estaing,rues d’Estaing, Molière, du Ressort (Baucheron 2006) ; Clermont-Ferrand, Parc Industriel des Gravanches, le Clos Brûlé(Pouenat et al. 2006) ; Clermont-Ferrand, Le Pâtural (Deberge, Collis, Dunkley 2007).

64. Sur ce système de drainage et d’assainissement, voir Pesavento Mattioli 1998. Sur sa large diffusion en Gaule,notamment dans le secteur du Rhône, voir Laubenheimer 1991; Antico Gallina 1996; Allinne 2005.

65. Est également attesté, bien que moins souvent, le cas de vastes couches d’amphores disposées à l’horizontale,toujours dans le but de consolider le terrain.

66. A propos du décalage, souvent important, entre période de production/consommation des amphores et contextede réemploi, il est instructif de considérer le site de Bibracte, où sont signalés de nombreux dépôts d’amphores « rarementen rapport avec la consommation des denrées contenues dans les récipients » (Olmer 2003 : 136-142). Pour la plaine dela Limagne, ce décalage a été observé, entre autres, dans le cadre des fouilles pour l’A710 (Guichard 2000).

67. La question est développée, entre autres, par Guichard 2000 ; Trément et al. 2004a ; 2004b ; Deberge, Collis,Dunkley 2007.

68. Pour la palynologie, voir les études de J. Argant (dans Mennessier-Jouannet et al. 1999 : 15-18) et B. Prat(2006) ; pour la carpologie, voir Hajnalova 2007.

69. Sur l’existence de divisions profondes au sein de l’aristocratie gauloise, autour de la position à tenir vis-à-vis deCésar voir, récemment, Lafon 2009 ; Tranoy 2010 ; Franceschelli, Trément 2011.

70. Parmi les nombreux contextes de fouille qui ont montré ce phénomène, il y a par exemple l’habitat d’Aulnat-La Grande Borne, à l’est de Clermont, fréquenté à partir du IIIe s. av. J.-C. sur une surface d’environ 150 ha, etabandonné vers la fin du siècle suivant. Une dynamique analogue semble concerner la villa de Champ Madame àBeaumont, au sud de Clermont (Alfonso, Blaizot 2004), ainsi que le site du Pâtural, au cœur du Grande Marais (Deberge,Collis, Dunkley 2007), qui présentent un hiatus d’environ un siècle entre les dernières traces de fréquentation de l’Âgedu Fer (fin IIe-début Ier s. av. J.-C.) et les premières occupations d’époque romaine (Ier s. ap. J.-C.).

71. Suivant Deberge, Collis, Dunkley 2007 : 265, il paraît difficile d’attribuer ce phénomène de hiatus dans ladocumentation exclusivement aux difficultés de reconnaître le mobilier de cette époque, par ailleurs bien connu dansles proches contextes de hauteur.

72. Analyses conduites par J. Argant, dans le cadre de l’opération du Biopôle de Saint-Beauzire (Mennessier-Jouannet et al. 1999 : 15-18).

73. Etude archéozoologique de S. Jones, dans Guichard 2000 : 112-120.74. L’archéologie le montre bien, avec la découverte de nombreux systèmes de fossés de l’Âge du Fer (voir infra).

Trément 2010a : 167-169 souligne que la période qui suit la conquête romaine de la Gaule se caractérise moins par deréelles avancées sur le plan technique que sur le plan organisationnel.

75. Franceschelli, Trément 2011. Pour le Moyen Âge, Abbé 2005.76. Le cadastre actuel de la zone d’étude a été mis à disposition, au format vectoriel, par la Direction

Départementale de l’Equipement du Puy-de-Dôme, que nous souhaitons remercier ici. 77. Il s’agit plus particulièrement des vols IGN des années 1956, 1960 et 1978, acquis par aimable concession du

CERAMAC (Centre d’Etudes et de Recherches Appliquées au Massif Central) de Clermont-Ferrand, que nous remercions.78. Il s’agit d’un vol aérien de l’IFN (Institut Forestier National), effectué en 1985 à l’échelle de 1:17.000.

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79. Il est utile de préciser que ce que l’on peut espérer associer à un dessin parcellaire ancien, éventuellementplanifié, n’est pas la matérialité de la structure – voie, fossé… – qui fait partie du paysage actuel (ou de l’époque dudocument planimétrique), mais sa forme (Franceschelli 2009).

80. Guichard 2000 ; Guichard et al. 2007. Nous tenons à remercier Vincent Guichard pour nous avoir permis laconsultation de la documentation de cette opération.

81. Avec l’exception importante du Pâtural, dont la fouille a concerné une aire d’environ 9000 m2 (Deberge,Collis, Dunkley 2007).

82. La technique de construction de cette voie présente des points en commun avec la description faite par lepoète Statius à propos de la voie Domitienne, en Campanie (Silvae, IV, 3, 40-45).

83. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que sa largeur d’environ 6 m, attestée par la fouille, correspondapproximativement à 20 pieds romains (1 pied = 0,296 m), mesure préconisée par les sources sur l’arpentage romainpour le cardo maximum (Igino Maior, Constitutio limitum, 157, 11 Th.). Or, même si dans l’état actuel de la réflexion iln’est pas possible d’aller si loin dans l’interprétation de cet axe routier, son importance, depuis l’Antiquité, paraîtindubitable. Sa technique de construction « pauvre » ne s’oppose pas à cette lecture, comme l’atteste le fait que nousla trouvons utilisée, un peu partout dans le monde romain, dans des voies dont l’importance est universellementreconnue. C’est par exemple le cas de la voie Aemilia, ouverte en 187 dans le piémont entre Ariminum et Placentia,dont la chaussée est dallée en contexte urbain mais empierrée ailleurs (Dall’Aglio 2006 : 71).

84. BD ORTHO®, 1999.85. La présence de drainages naturels différemment orientés par rapport à la centuriation est attestée dans le

territoire d’Orange (Jung 2000 : 357, 359, 362). En Italie, le phénomène a été observé par exemple dans le territoirede Faenza (Ravenne), où certains éléments de l’hydrographie mineure naturelle, bien qu’intégrés au système centurié,gardent toutefois une orientation divergente par rapport à celle qui prédomine (Franceschelli, Marabini 2007 : 140-141).

86. C’est par exemple le cas du territoire de Milan, en Italie du nord (Antico Gallina 1992 : 65-66 ; Dolci 2006 :93-94).

87. Pour une remise en question récente du paradigme du « Romain dessiccateur », voir Leveau 2007b. Sur lesujet, voir également Traina 1988.

88. La présence d’espaces humides en contexte de plaine centuriée est attestée dans le territoire de Parme, enItalie, par l’entreprise d’assèchement d’un marais effectuée à l’initiative de Caius Praeconius Ventilius Magnus dans lecourant du Ier s. ap. J.-C. près de la ville (Susini 1960 : 153-155). A Padoue, dans un territoire assurément centurié,Pline l’Ancien évoque la culture de la vigne en milieu palustre (Nat. Hist., 14, 110).

89. Les avancées de ces travaux sont rendues largement accessibles grâce aux publications des Documents detravail. Par exemple : Ouzoulias, Van Ossel 1994 ; 1995 ; 1997 ; Van Ossel dir. 2011.

90. Citons en particulier le programme collectif de recherche Occupation des sols en Narbonnaise depuis la conquêteromaine jusqu’au Moyen Âge, coordonné par F. Favory et J.-L. Fiches (1994), issu des travaux du GDR 954 Archéologiede l’espace rural méditerranéen dans l’Antiquité et le Haut Moyen Âge.

91. Par exemple : en Provence (Trément dir. 2001), dans la moyenne vallée du Rhône (Ode, Odiot 2001), en Isère(Porte 2011), en Ardèche (Clément 2011), en Aveyron (C. Saint-Pierre dans Gruat et al. 2011) et dans le Sud-Ouest(Balmelle, Petit-Aupert, Vergain 2001).

92. Il faut toutefois noter l’absence, pour Vic-le-Comte et Tallende, de vestiges archéologiques venant confirmerces créations.

93. L’étude carpologique du comblement du four domestique a montré une forte proportion de blé tendre etune quasi-absence de grains d’orge, ce qui va dans le sens d’un dépôt lié à la préparation de nourriture (Guichard2000 : 123).

94. Mes remerciements vont ici à Vincent Guichard, responsable de l’opération ayant mis au jour ce site, pourm’avoir autorisé l’étude et la publication de ces données.

95. Il est notamment possible de citer les fibules ansées d’influence danubienne mises au jour sur le site de Saint-Jean à Lezoux (63). Creusées dans un habitat gallo-romain alors abandonné, deux inhumations attribuées à la fin duVe siècle ont été découvertes en 1975 lors des travaux de déviation de la route reliant Lezoux à Courpière. Elles onttoutes les deux livré un très riche mobilier (Vertet, Duterne 1999).

96. Je remercie ici Bertrand Dousteyssier pour cette information orale. Prospections pédestres réalisées en 2000par Bertrand Dousteyssier et Maxence Segard.

97. On compte notamment des céramiques lissées gris bleuté, des sigillées tardives, des céramiques grisesmérovingienne et probablement des céramiques peintes à décor ocre.

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