La première édition russe de Palladio par Nikolaj Lvov et le problème du "vrai goût" palladien

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EHESS La première édition russe de Palladio par Nikolaj L'vov et le problème du "Vrai goût" palladien Author(s): Olga Medvedkova Source: Cahiers du Monde russe, Vol. 43, No. 1 (Jan. - Mar., 2002), pp. 35-55 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/20174657 . Accessed: 19/11/2013 07:43 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers du Monde russe. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.54.110.35 on Tue, 19 Nov 2013 07:43:35 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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La première édition russe de Palladio par Nikolaj L'vov et le problème du "Vrai goût" palladienAuthor(s): Olga MedvedkovaSource: Cahiers du Monde russe, Vol. 43, No. 1 (Jan. - Mar., 2002), pp. 35-55Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/20174657 .

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OLGA MEDVEDKOVA

LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV ET LE PROBL?ME DU ? VRAI GO?T ?

PALLADIEN*

La fortune de Palladio en Russie ne fut pas moins grande qu'en Angleterre. Elle ne fut

pas seulement li?e aux deux grands noms de Giacomo Quarenghi et de Charles

Cameron, mais ?tait due ?galement ? de nombreux architectes russes, parmi lesquels

Nikolaj L'vov fut l'un des plus importants. Dans les ann?es 1770-1790, surtout ?

Moscou, mais aussi ? la campagne o? se r?fugiait la noblesse russe lib?r?e du service

obligatoire par le manifeste de 1762, le palladianisme architectural trouva un champ

d'application d'autant plus vaste qu'il correspondait profond?ment ? un nouvel id?al

de vie. Pourtant ce ph?nom?ne n'a jamais fait l'objet en Russie d'une analyse aussi

profonde et pr?cise que celle que Rudolf Wittkower1 d'abord et plusieurs autres cher

cheurs ensuite2 ont consacr?e au palladianisme anglais. Nous ne pouvons citer en

effet que quelques articles qui traitent de ce sujet de fa?on tr?s g?n?rale3.

* Nous avons pu r?aliser cette ?tude gr?ce ? une bourse de l'?cole fran?aise de Rome, en avril

2001.

1. Rudolf Wittkower, Palladio and English Palladianism, Londres, Thames and Hudson, 1974.

Dans son livre Wittkower a brillamment d?montr? l'importance que peut avoir l'?tude des

publications architecturales pour la compr?hension du ph?nom?ne d' ? acclimatation ? d'un

style import?. Voir particuli?rement les chapitres ? English literature on architecture ?, p. 95

112 et ? English neoclassicism and the vicissitudes of Palladio's Quattro Libri ?, p. 73-94. Voir

?galement : L. Puppi, ? Il trattato del Palladio e la sua fortuna in Italia e all'estero ?, Bollettino

CIS A, XII, 1970, p. 257-272.

2. Voir notamment : Robert Tavernor, Palladio and Palladianism, Londres, Thames and

Hudson, 1991.

3. M. Irin, ? Il classicismo russo e il palladianesimo ?, Bollettino CISA, XII, 1970, p. 183-205 ; M. ILin, ? O palladianstve D. Kvarengi i N. L'vova ? (? propos du palladianisme de Quarenghi et de L'vov), in Russk iskusstvo XVIII veka. Materialy i issledovanija (L'art russe du XVIIIe

si?cle. Mat?riaux et recherches), Moscou, 1973, p. 103-108 ; Andr? Corboz, ? L'architettura

neoclassica in Russia ?, Bollettino CISA, XIII, 1971,p. 274-285 ;I. A.Bartenev,? Il Palladiane

simo in Russia?, in Palladio :1a sua ereditanel mondo. Milan, Electa Editrice, 1980, p. 127-147 ;

Cahiers du Monde russe, 43/1, Janvier-mars 2002, pp. 35-56.

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Dans cette ?tude, nous nous occuperons d'un seul aspect du palladianisme russe.

Aspect ou plut?t ?v?nement, car il s'agira de la premi?re ? et unique au XVIIIe

si?cle ? publication russe du premier des Quattro libri sulVarchitettura de Palladio

par Nikolaj L'vov4. Compar?e ? la tr?s riche production ?ditoriale europ?enne consacr?e au c?l?bre ouvrage de Palladio, cette unique ?dition russe peut para?tre sans beaucoup d'importance5. Le livre ne fut d'ailleurs imprim? qu'en 1798, c'est

?-dire post factum par rapport ? l'activit? architecturale li?e au mod?le palladien

qui se d?roula en Russie au moins pendant les vingt derni?res ann?es du si?cle.

Viktor Grascenkov, ? Nasledie Palladio v arhitekture russkogo klassicizma ? (L'h?ritage de

Palladio dans l'architecture du classicisme russe), Sovetskoe iskusstvoznanie'81, 2, 1982,

p. 201-230 ; Natalija Evsina, Russkaja arhitektura v epohu Ekateriny II(L'architecturerusse ?

l'?poque de Catherine II), Moscou, 1994, chapitre : ? Vkus Palladiev. Palladianstvo v Rossii ?

(Le go?t palladien. Le palladianisme en Russie), p. 92-119. Voir ?galement l'article de Debo

rah Howard, ? Four centuries of literature on Palladio ?, Journal of the Society of Architectu

ral Historians, 39, 3, octobre 1980, p. 224-241, dans lequel sont cit?es les ?ditions russes de

Palladio.

4. Cetyre knigi palladievoj arhitektury, vkoih po kratkom opisanii pjati Ordenov, govoritsja o

tom cto znat' dolzno pri str nii castnyh domov, dorog, mostov, ploscadej, ristalisc i hramov

(Les quatre livres de l'architecture de Palladio, dans lesquels apr?s une br?ve description des

cinq ordres, est ?crit ce qu 'il faut savoir pour la construction des maisons particuli?res, des rou

tes, des ponts, des places, des xystes et des ?glises), Saint-P?tersbourg, Snor, 1798. Nous avons

pu ?tudier les exemplaires de cette ?dition qui se trouvent ? la Biblioth?que nationale de Russie

(Moscou) et ? la Bibliotheca Hertziana (Rome). Nous tenons ? remercier M. Christoph Frank

pour l'aide qu'il nous a accord?e ? la Bibliotheca Hertziana, ainsi que pour la lecture de cet

article.

5. La premi?re tentative pour traduire les Quatre livres de Palladio en russe remonte ? l'?poque

p?trovienne. Il s'agit de la traduction r?alis?e, en 1699, par le prince Dolgorukov qui s?journait alors ? Venise et qui prenait des cours ? l'?cole de Gasparo Vacchia. Cette traduction ne fut

pourtant jamais imprim?e. Voir : Arhitektura cyviVnaja vybrana iz Paladiusa slavnago arhitekta i iz inyh mnogih arhitektov slavnyh ot matematika i arhitekta Kaspora Vekja pisana v

Venecii leta 1699 goda mesjaca sentjabrja uceniem i tscaniem buduci tamo gospodina knjazja

Dolgorukova... (L'architecture civile choisie dans le c?l?bre architecte Palladio et dans d'autres

nombreux et c?l?bres architectes par le math?maticien et architecte Gasparo Vacchia et ?crit

[traduit] ? Venise en l'an 1699 au mois de septembre, parles ?tudes et les soins de monsieur le

prince Dolgoroukov qui s'y trouvait alors) (Rossijskij Gosudarstvennyj Arhiv Drevnih Aktov ?

Moscou, cit? infra RGADA, f. 181, op. 1, d. 258/463). Pour l'analyse de cette traduction voir :

A. A. Tic, ? Neizvestnyj russkij traktat po arhitekture ? (Un trait? d'architecture russe

inconnu), in Russk iskusstvo XVIII veka. Materialy i issledovanija, Moscou, 1968, p. 17-31.

Les gravures de Palladio repr?sentant les escaliers ainsi que certains passages de son trait?

furent, quelques ann?es plus tard, introduits dans la premi?re ?dition russe de Vignole, Pravilo

o pjati cineh arhitektury... (La r?gle des cinq ordres de l'architecture...), parue en 1709, puis en

1712. Par ailleurs la biblioth?que de Pierre contenait de nombreuses ?ditions de Palladio. Le

nom de Pierre figure notamment parmi les souscripteurs de l'?dition de Palladio par Leoni en

1716. ? la fin des ann?es 1730, la traduction de Palladio fut entreprise par l'architecte Petr

Eropkin, ancien pensionnaire de Pierre Ier en Italie, ?l?ve de Sebastiano Cipriani. De cette tra

duction, qui, elle aussi, resta manuscrite, ne s'est conserv? que le Quatri?me livre (RGADA,

f. 16, op. 417, d. 1-28). On peut signaler par ailleurs quelques mentions de Palladio dans les

textes russes concernant l'architecture, notamment dans le Mnenie o raznyh pisateljah... (Opi nion sur diff?rents auteurs...) (1770), attribu? ? Bazenov, qui place Palladio en t?te des archi

tectes modernes, mais qui ne tente pourtant jamais de le faire traduire. (N. Morenec, ? Novye

materialy o V. I. Bazenove ? (Nouveaux mat?riaux sur Bazenov), Arhitekturnoe nasledstvo,

(Moscou), 1,1951, p. 102-103). Indirectement li?e ? Palladio fut en outre la Quatri?me ode de

Kantemir (ann?es 1730) qui reprenait les th?mes du po?me ?pique de Trissino, l'un des inspira teurs de Palladio. Voir : Valentin Boss, ? La quatri?me ode de Kantemir et Vitalia liberata de

Gian Giorgio Trissino ?, Cahiers du Monde russe et sovi?tique, IV, 1-2,1963, p. 47-55.

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 37

Pourtant il nous semble que cette ?dition m?rite qu'on la consid?re de plus pr?s. Non seulement parce que, ?tant donn? la pauvret? g?n?rale en ouvrages d'esth?

tique architecturale qui r?gnait en Russie, chaque ?dition de ce genre devenait auto

matiquement un ?v?nement, mais encore et surtout parce que le Palladio de L'vov

fut r?alis? avec un tel soin typographique, avec une telle d?pense d'?nergie et une si

profonde conviction que l'on ne peut lui refuser, m?me au regard de nombreuses

autres ?ditions europ?ennes de Palladio, d'?tre l'un des plus beaux Palladio du

XVIIIe si?cle. Par ailleurs, cet ouvrage comporte une introduction ainsi qu'un nombre assez important de commentaires qui nous permettent de reconstruire

l'attitude intellectuelle et esth?tique d'un des repr?sentants les plus cultiv?s et les

plus brillants de la noblesse russe, fascin? par l'art de b?tir.

Au moment o? son Palladio voyait le jour, Nikolaj L'vov (1753-1803) avait

quarante-cinq ans6. N? dans la propri?t? Cerencicy (plus tard NikoLskoe) dans le

gouvernement de Tver', au sein d'une famille noble, L'vov perdit t?t son p?re. Tr?s

jeune, il rejoignit Saint-P?tersbourg pour s'inscrire au r?giment Izmajlovskij, dont

l'?cole lui offrit une excellente formation, notamment dans le domaine des langues

?trang?res. Ce fut justement sa connaissance du fran?ais, de l'allemand et de

l'italien ainsi que quelques relations familiales qui lui ouvrirent les portes du

coll?ge des Affaires ?trang?res, o? il entra en 1776 pour y rester jusqu'en 1781.

Mais encore auparavant, en 1773-1775, alors qu'il servait au r?giment Preo

brazenskij, L'vov avait ?t? employ? ? plusieurs reprises comme courrier, ce qui lui

avait permis de visiter l'Allemagne et le Danemark. En 1776-1777, toujours

porteur de d?p?ches, il fit un voyage ? Londres, Madrid et Paris, o? il s'arr?ta pour

plusieurs mois (de f?vrier ? mai 1777). Au cours de ces voyages, L'vov se cultiva,

fr?quenta les mus?es, les spectacles, observa les monuments d'architecture. Il se lia

par ailleurs d'amiti? avec les ?crivains Kapnist, Hemnicer, Murav'ev et, ? la fin des

ann?es 1770, avec Derzavin. Enfin en 1781, L'vov r?alisa son voyage d'Italie, dont

le journal, enti?rement consacr? aux arts, fut r?cemment publi? par Konstantin

Lappo-Danilevskij7. En 1783 L'vov devint membre de l'Acad?mie russe et en 1786

membre honoraire de l'Acad?mie des beaux-arts. Il fut par ailleurs membre de la

Soci?t? libre d'?conomie. Au d?but des ann?es 1790 L'vov abandonna le service et

s'installa ? Cerencicy. Tout au long de sa vie, attir? par un grand nombre d'arts et de sciences ?

musique, dessin, gravure, histoire, g?ologie ? ainsi que par diff?rentes techniques,

6. Sur L'vov voir : M. V. Budylina, O. I. Brajceva, A. M. Harlamova, ArhitektorN. A. L'vov,

Moscou, 1961 ; N. I. Nikulina, Nikolaj L'vov, Leningrad, 1971 ; A. N. Glumov, JV. A. L'vov,

Moscou, 1980; N.A. L'vov, Izbrannye socinenija ( uvres choisies), pr?face de D.S.

Lihacev, ?d. K. Ju. Lappo-Danilevskij, Cologne, B?hlau, 1994. Dans tous ces ouvrages, l'ann?e 1751 est indiqu?e comme la date de naissance de L'vov. La c?l?bration ? Saint-P?ters

bourg et ? Tver' du 150e anniversaire de L'vov en 2001 a donn? lieu ? une exposition et ? plu sieurs colloques. Les travaux suscit?s par le jubil? ont permis de d?terminer sa v?ritable date de

naissance, soit deux ans plus tard qu'on ne l'avait cru. La nouvelle c?l?bration est donc pro

gramm?e maintenant pour l'an 2003.

7. N. A. L'vov, Italjanskij dnevnik (Journal italien), ?d. K. Ju. Lappo-Danilevskij, Cologne, B?hlau, 1998.

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L'vov privil?gia particuli?rement la litt?rature et l'architecture. Le r?le des voyages et surtout de son voyage italien dans sa formation d'architecte, par ailleurs dilet

tante, fut sans doute d?cisif. Comme l'?crivait plus tard son ami Murav'ev :

? ? la galerie de Dresde, dans la colonnade du Louvre, dans les cours d'Escurial

et, enfin, ? Rome, patrie des arts et des antiquit?s, il puisait ces formes majes tueuses, cette notion de simplicit? (ponjatieprostoty), cette harmonie (sorazmer nost') inimitable, qui respirent dans les uvres magnifiques des Palladio et des

Michel-Ange. ?8

L'vov commen?a ? pratiquer l'architecture juste avant son d?part pour Rome, en

1780. Son premier projet r?alis? fut celui de la cath?drale Saint-Joseph qui devait

comm?morer la rencontre entre Catherine II et Joseph II, rencontre qui d?boucha

sur une alliance entre la Russie et l'Autriche dans la guerre contre la Turquie. La

construction du monument fut pr?c?d?e d'un concours que L'vov remporta gr?ce ?

la protection du chancelier Bezborodko, l'un des auteurs du ? projet grec ? dans la

politique russe9. La cath?drale fut con?ue comme une r?plique de la Sainte-Sophie de Constantinople. Pourtant ce prototype fut ? traduit ? dans les formes de l'archi

tecture grecque antique. Cette combinaison devait justifier la pr?tention des Russes, ? la fois derniers Grecs et derniers Byzantins, au tr?ne de la Gr?ce moderne10. Pour

faire ? ? la grecque ?, L'vov utilisa dans son projet des portiques doriques et des

colonnes sans bases car, comme il l'?crivait lui-m?me, les bases ? n'ont jamais ?t?

utilis?es dans cet ordre dans la meilleure ?poque de l'architecture grecque, comme

en t?moignent toutes les ruines d'Ath?nes, ainsi que les temples de Paestum. ?n En

m?me temps, la coupole de la cath?drale s'inspirait de celle du Panth?on, mais

aussi, par sa double vo?te, de la coupole de l'?glise Saint-Pierre ? Rome.

Catherine II accepta sans doute le projet de L'vov gr?ce ? sa r?f?rence gr?co

byzantine qui s'inscrivait dans le contexte id?ologique du moment. Quant ? L'vov, il put d?montrer par ce projet sa capacit? ? r?aliser une parfaite adaptation du

8.Rossijskaja Publicnaja Biblioteka, Saint-P?tersbourg, manuscrits, fonds Olenin, n? 760 ;

publi? dans : N. A. L'vov, Izbrannye socinenija, op. cit., p. 361.

9. Voir sur le ? projet grec ? et son influence sur les arts et les lettres en Russie : Andrej Zorin,

Kormja dvuglavogo orla... Literatura i gosudarstvennaja ideologija v Rossii v poslednej treti

XVIII - pervoj treti XIX veka (En nourrissant l'aigle bic?phale... La litt?rature et l'id?ologie de

l'?tat en Russie au dernier tiers du XVIIIe et au premier tiers du XIXe si?cles), Moscou, NLO,

2001, chapitre I.

10. Sur l'id?e de construire la ? nouvelle Constantinople ?, notamment ? Carskoe Selo, voir :

Dmitrij Svidkovskij, ? Poetika arhitektury v russkom dvorcovo-parkovom ansamble epohi

Prosvescenija ? (La po?tique de l'architecture dans les ensembles russes des palais et jardins de

l'?poque des Lumi?res), in Hudozestvennye modeli mirozdanija (Les mod?les artistiques du

monde), Moscou, MI RAH, 1997, p. 209-222 ; Id., ? Prosvescenie i russkij sad vtoroj poloviny XVIII veka ? (Les Lumi?res et le jardin russe dans la seconde moiti? du XVIIIe si?cle), in Isto

rija sadov, (Moscou), 1,1994, p. 36-43.

11.Le projet fut grav? en 1782 avec les explications de L'vov. Cit? d'apr?s N.I. Glinka, ? Nikolaj L'vov ?, in Zodcie Sankt-Peterburga. XVIII vek (Les architectes de Saint-P?ters

bourg au XVIIIe si?cle), Saint-P?tersbourg: Lenizdat, 1997, p. 835.

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langage architectural qui tirait toute sa valeur et sa force ? parlante ? du m?lange savant entre un certain nombre d'?l?ments emprunt?s aussi bien ? l'antiquit? qu'? l'architecture moderne. L'heureuse id?e d'utiliser le portique manifestement grec

par l'emploi des colonnes doriques sans bases n'aurait sans doute pu lui venir ?

l'esprit sans la connaissance de certaines publications qui parurent ? la fin des

ann?es 1750 et au d?but des ann?es 1760, consacr?es aux antiquit?s de la Gr?ce et

de Paestum12. Ainsi, autre enseignement de cette histoire, pour la premi?re fois en

Russie, un dilettante ?clair? donnait une le?on d'architecture aux professionnels

gr?ce ? ses connaissances livresques. Parmi les livres d'architecture qui se trouvaient dans la biblioth?que de L'vov,

deux se sont conserv?s : une ?dition des cahiers de Neufforge13 et une Th?orie de

Part des jardins de Hirschfeld14. Dans les deux ouvrages on trouve une quantit? de

notes marginales de L'vov ainsi que ses dessins coll?s entre les pages, qui t?moi

gnent d'une lecture aussi attentive que cr?ative. De m?me, avant de partir pour

l'Italie, L'vov entreprit la lecture de Winckelmann. Le 9 mars 1781, peu avant son

d?part, il note, dans son cahier de travail, des citations de Winckelmann, tir?es de

l'?dition fran?aise15. Dans son Journal italien l'influence des id?es de Winckel

mann est parfaitement reconnaissable, renforc?e probablement par certaines

rencontres qu'il fit pendant ce voyage et notamment celle de Johann Friedrich Reif

fenstein, un des amis les plus proches de Winckelmann et l'agent artistique de

Catherine II ? Rome16. Cette influence est particuli?rement ?vidente dans la

description du groupe de Niob?, que L'vov a vu ? Florence17. ? l'?merveillement

12. Il s'agit des deux publications sur les antiquit?s de la Gr?ce de Le Roy et de Stuart et

Revert : Julien-David Le Roy, Les ruines des plus beaux monuments de la Gr?ce, Paris, H. L. Guerin & L. F. Delatour, Jean-Luc Nyon, Amsterdam, Jean Neaulme, 1758 ; James

Stuart, Nicholas Revett, The Antiquities of Athens. Measured and delineated by James Stuart

and Nicholas Revett, painters and architects, Londres, John Haberkorn, vol. 1,1762, ainsi que de plusieurs (non moins de huit) publications sur Paestum, parues entre 1764 et 1784. Sur les

publications des antiquit?s de Paestum voir S. Lang, ? The early publications of the temples at

Paestum ?, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 13,1950, p. 48-64. L'histoire du ? Doric revival ? est ?tudi?e dans : N. Pevsner, S. Lang, ? Apollo or Baboon ?, Architectural

Review, dec. 1948. Voir ?galement le catalogue de l'exposition : La fortuna di Paestum e la

memoria moderna del d?rico, 1750-1830, Florence, 1986, vol. 1-2.

13. J.-F. Neufforge, Recueil ?l?mentaire d'architecture, 1.1-8, Paris, 1757-1777. L'exemplaire de L'vov se trouve au Mus?e du ch?teau de Gatcina.

14. Christian Cay Lorenz Hirschfeld, Theorie des Gartenkunst, Leipzig, Weidmanus Erben und

Reich, 1775 (?dition en 5 vol., m?me ?diteur, 1779-1785 ; trad. fr. : Th?orie de l'art des jardins, m?me ?diteur, 5 vol., 1779-1785). L'exemplaire de L'vov se trouvait jusqu'en 1967 ? la biblio

th?que du Mus?e des beaux-arts Pouchkine ? Moscou.

15. Histoire de l'art chez les anciens. Par Mr. J. Winckelmann... Ouvrage traduit de l'allemand

par G. Sellius et r?dig? par G.B.R. Robinet, Paris, 1766. La citation est relev?e par Ju. K.

Lappo-Danilevskij, ? Ob "Ital'janskom dnevnike" N. A. L'vova ? (? propos du Journal italien

de L'vov), in N. A. L'vov, Ital'janskij dnevnik, op. cit., p. 36-37.

16. Sur Reiffenstein voir notamment : Christoph Frank, ? "Plus il y en aura, mieux ce sera".

Caterina II di Russia e Anton Raphael Mengs. Sul ruolo degli agenti "cesarei" Grimm e

Reiffenstein ?, in Mengs : la scoperta del neoclassico, a cura di Steffi R ttgen, catalogue de

l'exposition (Padoue, 2001), Venise,Marsilio, 2001,p. 87-95.

17. N. A. L'vov, Ital 'janskijdnevnik, op. cit.,p. 68.

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40 OLGA MEDVEDKOVA

devant cette uvre dans laquelle, ? la suite de Winckelmann, il voit ? l'exemple de

la perfection de la sculpture grecque [...] d'un style supr?me ? se m?le un credo de

sa nouvelle foi, tr?s proche effectivement de celui de Winckelmann et de Reiffen

stein18. La remarque sur la beaut? des draperies antiques est particuli?rement

significative: ?[...] la draperie (draperi) est merveilleuse; Mr Falconet ne

l'approuve pas dans son ouvrage, ce qui n'est pas ?tonnant, car sa simplicit? est

parfaitement ? l'oppos? des sculpteurs fran?ais de l'?cole de Bernini, dont tous les

drap?s sont gonfl?s par le vent [...] ?19. Depuis Perrault jusqu'? Falconet, la sup? riorit? des draperies chez les sculpteurs modernes fut l'un des arguments de la

th?orie fran?aise contre l'autorit? de l'Antiquit?. Le passage cit? du journal de

L'vov reprend ? la lettre la critique des positions esth?tiques de Falconet que l'on

trouve dans l'Histoire de Part chez les Anciens de Winckelmann20. Dans plusieurs autres passages, L'vov affirme la supr?matie de l'art ancien sur le moderne et ne

fait exception que pour quelques artistes : Rapha?l, Michel-Ange et, parmi les

contemporains, Mengs, ce ? nouveau Rapha?l ?.

Quant ? l'architecture, elle n'appara?t que tr?s peu dans le Journal. Pourtant le

nom de Palladio y figure d?j?. ? Venise, L'vov remarque l'?glise de San Giorgio

Maggiore. Plus tard, dans son ?dition de Palladio il racontera que ce fut justement ?

Venise qu'il avait achet? l'ancienne ?dition des Quattro libri. En effet d?s son

retour d'Italie, la r?f?rence palladienne devient de plus en plus pr?sente dans ses

projets, tels que le projet de l'H?tel des postes ? P?tersbourg qui date de 1782 ou,

trois ans plus tard, le projet de l'?glise Saints-Boris-et-Gleb de Torzok, en m?me

temps que plusieurs r?sidences et h?tels particuliers ? Moscou, ? P?tersbourg et en

province.

Ainsi, aux d?but des ann?es 1780, par ses voyages, ses rencontres, ses lectures,

L'vov se forme dans le domaine des arts et se transforme progressivement en une

sorte d'arbitre du go?t pour son entourage, dans lequel on trouve les meilleurs ?cri

vains et artistes de l'?poque. En effet, dans les souvenirs de ses amis, il appara?t comme un ? homme de go?t ? par excellence. Son cousin Fedor L'vov le d?crit

comme ? le g?nie du go?t (vkus), qui apposait son sceau sur les uvres de ses

amis. ?21 De m?me Derzavin ?crit :

? Il ?tait plein d'intelligence et de connaissances, aimait les sciences et les arts et se distinguait par un go?t raffin? et sup?rieur (vozvysennyj), gr?ce auquel aucun

d?faut, aucune qualit? d'une uvre artistique ou litt?raire ne pouvaient lui

?chapper. Les hommes qui pratiquaient les lettres, les diff?rents arts et m?me les

18. Voir, par exemple : Pascal Griener, L'esth?tique de la traduction : Winckelmann, les lan

gues etl'histoke derart (1755-1784), Gen?ve, Droz, 1998 (Histoire des id?es et critique litt?

raire, 373).

19. N. A. L'vov,Italjans'kijdnevnik, op. cit.,p. 68.

20. Histoire de l'an chez les anciens. Par Mr. J. Winckelmann. ..,op. cit, partie 1, chapitre 4.

Winckelmann renvoie aux R?flexions sur la sculpture de Falconet (Paris, Prault, 1761).

21. F. P. L'vov, ? Biografii rossijskih pisatelej. N. A. L'vov ? (Biographies d'?crivains russes.

N. A. L'vov), Syn otecestva,!!, 1822, p. 177.

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ L'VOV 41

m?tiers recouraient souvent ? ses conseils, et son jugement faisait souvent

loi. ?22

Comment peut-on comprendre cette notion de go?t, que L'vov lui-m?me employait si souvent ? ?tait-ce une construction intellectuelle consciente, un ? programme ?

ou seulement un vague ensemble d'appr?ciations et d'avis ? De prime abord cette

notion semble venir du vocabulaire fran?ais. En effet l'all?gorie du go?t appara?t dans presque tous les portraits des grands amateurs d'art fran?ais de l'?poque, notamment dans celui de Mariette grav? par Cochin ou dans celui de Cochin, grav?

par Gravelot23. Le g?nie du Go?t devient, ? la fin du XVIIIe si?cle, comme une

marque particuli?re fran?aise, en partie gr?ce ? Voltaire. Dans l'article ? Go?t ? du

volume 7 de Y Encyclop?die, Voltaire d?finit le go?t dans les arts par rapport au

go?t physiologique. Le go?t artistique est un ? discernement prompt ? qui recon

na?t rapidement, par la voie la plus courte, ce qui est beau, de m?me que la langue reconna?t ce qui est bon. Venu directement de la nature, le vrai go?t s'attache ? ce

qui est simple et naturel. La pr?f?rence pour ce qui est trop recherch?, ?tudi?, pour le burlesque, le pr?cieux et l'affect? est une sorte de maladie de l'esprit. Il y a donc

un bon go?t et un mauvais go?t. Le bon peut se former chez un particulier, bien s?r,

mais surtout au sein d'une nation. Sans mentionner la France, Voltaire d?crit bien

?videmment le bon go?t d'une nation par r?f?rence ? l'exp?rience fran?aise24. Si une nation atteint le bon go?t, elle est en droit d?juger les autres. Si le go?t est

dans la nature, ce jugement a une valeur universelle. Ainsi l'Europe peut-elle juger l'Asie et la France les autres pays de l'Europe25. Ce droit de juger que poss?de le

d?tenteur du go?t le plus naturel et donc le plus vrai appelle une sorte de dictature

du go?t. L'homme de go?t ne reconna?t aucune autorit?, sa position est celle du

critique libre qui regarde les ouvrages des Anciens d'un m?me il que ceux des

22. Gavrila Derzavin, Ob'jasnenija na socinenija Derzavina, im samim diktovannye (Explica tions des uvres de Derzavin, dict?es par lui-m?me), Saint-P?tersbourg, 1834, p. 60-61. Je

remercie M. Jean Breuillard d'avoir lu cet article et attir? mon attention sur la nouveaut? rela

tive de la notion de ? go?t ? qui n'appara?t en Russie, dans sa signification esth?tique, qu'au milieu du XVIIIe si?cle.

23. Frontispice du livre Iconologie par Figures ou Trait? complet des All?gories, Embl?mes

&c. Ouvrage utile aux Artistes, aux Amateurs, et pouvant servir ? l'?ducation des jeunes per sonnes. Par MM. Gravelot et Cochin, Paris, Le Pan, 1791,1.1. Dans l'explication de ce frontis

pice nous lisons : ? Les gr?ces ornent de guirlandes le buste de Cochin ; la muse de l'histoire

consacre le nom de cet artiste dans ses fastes, & tandis que le g?nie du dessin indique les pro ductions de Cochin, le dieu du go?t d?pose sur son buste la couronne r?serv?e ? ceux qu'il

inspire. ? (p. I).

24. Voltaire, ? Go?t ?, in Encyclop?die ou Dictionnaire raisonn? des sciences, des arts et des

m?tiers, vol. 7, Paris, 1757 [reprint 1966],p. 761.

25. Ibid., p. 761. Si Montesquieu, dans son ?fragment sur le go?t?? joint ? l'article de

Voltaire, se livre ? un d?veloppement philosophique beaucoup plus subtil, il n'en est pas moins

strict dans son expos? des r?gles du bon go?t. Ainsi dans le domaine de l'architecture, il ne

mentionne que celle des Grecs ? qui a peu de divisions & de grandes divisions ? et qui, par

cons?quent, ? imite les grandes choses... ? (Ibid, p. 764). Nous ne serons pas surpris de trouver

la citation de cet article dans l'ouvrage de David Le Roy consacr? aux antiquit?s grecques : J.

D. Le Roy, op. cit..

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42 OLGA MEDVEDKOVA

Modernes. Dans ses Observations sur les antiquit?s de la ville d'Herculanum,

publi?es en 175626, Charles-Nicolas Cochin est peut-?tre le plus critique de tous les

auteurs fran?ais. Il exalte sa libert? de jugement face aux Anciens en ?maillant ses

descriptions de remarques dignes du Diderot des Salons.

Or la notion de go?t chez L'vov, telle qu'il la formule notamment dans sa

pr?face de l'?dition bilingue d'Anacr?on27, ne ressemble nullement ? celle de

Voltaire. Cette pr?face est pour nous d'autant plus int?ressante qu'elle est tr?s

proche de celle dont L'vov dotera quatre ans plus tard son ?dition de Palladio. En

effet les deux langages, litt?raire et architectural, semblent composer pour L'vov

les deux faces d'un seul et unique langage humain. Ainsi, dans un des commen

taires, L'vov observe qu'Anacr?on ?crivait en langue ? dorique ?28.

Selon ses propres aveux, L'vov s'est form? un go?t artistique ? la suite de sa

d?couverte de l'art et de la litt?rature antiques. Cette d?couverte lui ? a purifi? le

go?t ?, l'a d?tourn? des faux attraits des po?tes fran?ais modernes et lui a fait sentir ? la grave et simple beaut? de la v?rit? ? (vaznuju iprostuju krasotu istiny)29. Ainsi

? la diff?rence de Voltaire, chez qui le go?t na?t d'un sentiment naturel, le go?t de

L'vov est le r?sultat de sa d?couverte de l'antiquit?. C'est de cette d?couverte que d?coule ensuite le sentiment de l'authenticit? (et

non l'inverse !), qui p?n?tre tous les ?crits de L'vov. Selon lui, seul celui qui puise ?

la source au lieu d'imiter les imitateurs est capable de cr?er des uvres originales. On sent ici l'h?ritage n?oplatonicien ; l'antiquit? se confond avec la beaut? id?ale.

Enfin ce go?t ancien, vrai et authentique, est aussi naturel par excellence, car

l'art antique est celui qui nous transmet ? le vif et tendre sentiment de la nature ?30.

Le go?t repr?sente pour L'vov une notion d'autant plus s?rieuse qu'elle est

connot?e par tout un ensemble de convictions sociales, morales et nationales. En

effet le go?t est pour lui une qualit? aristocratique (L'vov met particuli?rement en

valeur l'origine non seulement noble, mais royale d'Anacr?on). L'homme de go?t est vertueux, il ?chappe plus facilement aux p?ch?s, car il est prot?g? par le senti

ment de la honte mais surtout par le d?go?t (otvrascenie)31. Enfin ce go?t naturel est

parfaitement adapt? au caract?re de la nation russe, qui est tr?s proche, d'une part, de la nature et, d'autre part, de la Gr?ce. Ainsi la traduction du grec en russe produit l'effet de l'original et se distingue des fioritures ? la fran?aise.

26. Charles-Nicolas Cochin, Observation surtes antiquit?s de la ville d'Herculanum avec quel

ques r?flexions sur la peinture et la sculpture des Anciens ; & une courte description de quel

ques antiquit?s des environs de Naples, Paris, 1756. Voir ?galement : Christian Michel, Charles-Nicolas Cochin et l'art des Lumi?res, Rome, EFR, 1993.

27. [N. A. L'vov], Stihotvorenija Anakreona Tijskogo. Perevel *** (Po?mes d'Anacr?on. Tra

duit par ***), Saint-P?tersbourg, 1794.

28. Cit? d'apr?s l'?dition : N. A. L'vov, Izbrannye socinenija, op. cit., p. 143 (commentaires sur le 2e livre).

29. Ibid.,p. 108.

30./bid.,p. 107.

31. Ibid., p. 110.

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 43

? partir de ces id?es il nous sera maintenant plus facile de comprendre le ? Palladio russe ? de L'vov. Dans sa pr?face il repr?sente justement Palladio

comme l'incarnation d'un ? go?t pur ?, qu'il faut puiser ? sa source italienne. Pour

la premi?re fois en Russie, L'vov publie une ?dition architecturale bilingue russo

italienne. Cette circonstance m?me fait appara?tre le livre comme un v?ritable

manifeste de la nouvelle orientation ? italienne ? contre l'orientation fran?aise. La

pr?face de L'vov s'ouvre d'ailleurs par la citation du nom d'Algarotti qui, dans son

Essai sur l'Acad?mie de France qui est ? Rome?2, appelle Palladio le ? Rapha?l de

l'architecture ?. Or ce texte d'Algarotti est particuli?rement critique ? l'?gard de la

th?orie esth?tique fran?aise. Le frontispice33 du livre [ill. 1] repr?sente un pi?destal sur lequel figurent le titre

original des Quattro libri, l'ann?e de leur parution et, plus bas, le titre russe, ainsi

que le nom de l'?diteur L'vov. Alors que la plupart de ses ?ditions ?taient

anonymes, L'vov affiche fi?rement son nom dans cet ouvrage d'architecture,

publie son portrait34 ? la suite du frontispice [ill. 2] et signe l'introduction. Cette

attitude est proche de celle de lord Burlington qui, lui aussi, en 1730, a publi? les

dessins de Palladio avec son propre portrait sur la page de titre35 [ill. 3]. De fa?on

g?n?rale, le type culturel d'un ? nobleman-architect ? repr?sent? par Burlington, aurait pu servir de mod?le ? L'vov, bien qu'il ne cite jamais son nom36.

Toujours dans le frontispice, un amour coiff? d'une couronne d'?toiles ?rige sur

le pi?destal un m?daillon repr?sentant le buste de Palladio et le place ? c?t? d'un

autre m?daillon repr?sentant saint Georges, le protecteur de la Russie : tous deux se

retrouvent sous les ailes protecteurs de l'aigle. Le dieu du temps, Saturne, qui tient

32. Francesco Algarotti, Essais sur la peinture et sur l'Acad?mie de France ?tablie ? Rome, tra

duit de l'italien par M. Pingeron, Paris, Merlin Libraire, 1769 [Gen?ve, Minkoff reprints, 1972].

33. On peut lire sur la gravure : ? Invent? par Ivanoff, dessin? par A. Olenin et grav? par

Mayr ?.

34. Le portrait de L'vov est peint par Dmitrij Levickij, ami de L'vov, et grav? par Aleksandr

Gardeev. L'original du portrait (1770 ?) se trouve au Mus?e de la litt?rature ? Moscou, inv. X-836.

35. Burlington, Fabbriche Antiche disegnate da Andrea Palladio Vicentino e'date in luce da

Riccardo Conte di Burlington, Londres, 1730. Par ailleurs dans le frontispice de son ouvrage sur les bains des Romains, paru en 1772, Carles Cameron reprend tout le cadre du frontispice de

Burlington en rempla?ant le portrait de ce dernier par le buste de Palladio : Charles Cameron, The baths of the Romans explained and illustrated : with the restorations of Palladio corrected

and improved. To which is prefixed an introductory preface, pointed out the nature of the work; and a dissertation upon the state of the arts during the different periods of the Roman empire.

Description des bains des Romains, enrichie des plans de Palladio, corrig?s et perfectionn?s ; et

pr?c?d?e d'une pr?face, en forme d'introduction, sur la nature de cet ouvrage, et d'une disserta

tion sur l'?tat des arts, durant les diff?rentes p?riodes de l'Empire Romain ; en anglais et en

fran?ais, Londres, S. Leacroft, 1772 (r??dit? en 1774 et 1775) [ill. 4]. Nous pouvons ainsi voir

l'importance des messages que les ?diteurs des trait?s ? cachent ? dans leurs frontispices, de

m?me que la relation ?troite qui existe entre ces gravures.

36. Par ailleurs L'vov conna?t l' uvre de Kent dont il cite le nom dans son explication pour le

projet du jardin du comte Bezborodko ? Moscou, publi? dans : G. G. Grimm, ? Pr kt sada

Bezborodko v Moskve (materialy k izuceniju tvorcestva N. A. L'vova) ? (Le projet du jardin de Bezborodko ? Moscou (Mat?riaux pour une ?tude de l' uvre de L'vov), Soobscenija insti tu?a istorii iskusstv, 4-5,1954, p. 107-135.

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44 OLGA MEDVEDKOVA

dans sa main un sablier, s'allonge sur le pi?destal ? c?t? du portrait de Palladio. Au

pied du pi?destal, le g?nie du Go?t invite ? contempler ce portrait. Une autre figure

all?gorique repr?sente l'Architecture, v?tue d'un costume qui tient ? la fois d'un

costume grec ancien et d'un costume russe national. Elle est assise sur le chapiteau d'une colonne antique, un niveau de ma?on ? la main. ? c?t?, deux putti s'amusent

? tracer un dessin d'architecture ; le plus petit dessine, alors que le grand lui montre

du doigt l'effigie de Palladio.

Cette composition all?gorique n'est pas difficile ? d?chiffrer37. Elle repr?sente l'instauration en Russie d'un v?ritable culte de Palladio38. Le Temps (qui d'ailleurs

appara?t ?galement, mais en marge, dans le frontispice de l'?dition originale de

Palladio [ill. 6]) d?couvre la gloire de l'architecte, rappelant une repr?sentation

all?gorique du Temps R?v?lateur, ou encore du Temps et de la V?rit?, qui restait

dans ses diff?rentes variantes assez courante au XVIIIe si?cle39. Dans la composi tion de L'vov, le portrait de Palladio fait figure de la V?rit?, longtemps cach?e et

enfin d?couverte. De m?me, dans le frontispice dessin? par Sebastiano Ricci pour l'?dition anglaise de Palladio de 1716, r?alis?e par Giacomo Leoni40, un Saturne

tire le rideau pour montrer le buste de Palladio. On retrouve par ailleurs ce motif ?

le rideau tir? derri?re lequel le spectateur d?couvre la v?rit? ? dans le frontispice du trait? de perspective italien traduit et ?dit? par L'vov en 178841. La ? v?rit? ? qui

appara?t derri?re le rideau est repr?sent?e par un b?timent tr?s ressemblant ? la villa

Rotonda de Palladio. Dans l'?dition de Leoni, Brittania assise ? c?t? du portrait de

Palladio montre les armes de l'Angleterre. Dans l'?dition de L'vov, l'all?gorie de

37. Du moins dans sa signification la plus ?vidente. ?tant, comme beaucoup de ses amis, membre

actif de l'ordre des francs-ma?ons, L'vov ?tait tr?s vers? dans l'art des all?gories. L'un des pro

grammes all?goriques auxquels il participa fut celui du portrait de Catherine II en l?gislatrice r?a

lis? pour Bezborodko par Levickij (1783, Mus?e Russe, Saint-P?tersbourg) dans lequel apparais saient notamment les signes astrologiques. Dans son portrait publi? dans Palladio nous pouvons voir notamment, en bas, les branches d'acacia crois?es avec un compas, ce qui pouvait ?tre une

allusion ? l'ordre. Il est fort probable que l'amour ? couronne d'?toiles n'?tait pas sans rapport avec l'Astrologie. Par ailleurs la couronne d'?toiles signifiait l'immortalit? dans certaines gravu res ma?onniques. Ainsi on pourrait ?galement interpr?ter le frontispice de la fa?on suivante :

l'effigie de Palladio est r?v?l?e par le g?nie de l'immortalit? et/ou associ?e aux sph?res c?lestes.

38. L'id?e de mettre le portrait de l'architecte sous les armes de la Russie n'?tait pas nouvelle.

D?j?, dans le frontispice de la premi?re ?dition de Vignole en russe, l'aigle bic?phale se trouve

en haut de la composition. Vignola, Pravilo o pjati cineh arhitektury Jakova Barocija Devi

gnola. Poveleniem Velikago Gosudarja Car ja i velikago knjazja Petra Alekseevica Samoderzca

Vserossijskago ; Grydyrovana i napecatana... (La r?gle des cinq ordres de l'architecture de

Vignole. Par la volont? du Grand Souverain, Tsar et Grand Prince Petr Alekseevic, Autocrate

de toute la Russie ; Grav? et imprim?...), Moscou, 1709 [ill. 5].

39. Voir : Erwin Panofsky, ? Le Vieillard Temps ?, in Essais d'iconologie. Th?mes humanistes

dans l'art de la Renaissance, trad, fr., Paris, Gallimard, 1967, p. 105-150 ; Friz Saxl, ? Veritas

Filia Temporis ?, in Philosophy and History, Essays presented to Ernest Cassirer, Oxford,

1936,p.197-222.

40. Sur cette ?dition voir : Rudolf Wittkower, ? English neoclassicism and the vicissitudes of

Palladio's Quattro Libri. ?, op. cit., p. 73-94.

41. Il s'agit d'une ?dition trilingue d'un livre italien de perspective. Razsuzdenie oprospektive

vpol'zu narodnyh ucilisc, izdalN. L'vov, sent. 10 1788 goda. (Consid?rations sur la perspec tive pour le profit des ?coles publiques, publi? par N. L'vov le 10 septembre 1788).

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 45

l'Architecture se confond, ? cause de son costume, avec celle de la Russie qui se

rapproche ? son tour de celle de la Gr?ce antique. Autre remarque, dans l'?dition de

Leoni, Palladio est repr?sent? en jeune homme : ce portrait fut invent? par l'auteur

pour donner d'avantage de charme ? son ?dition. Ce m?me portrait du jeune Palladio appara?t dans l'un des dessins pr?paratoires de L'vov pour le frontispice de

son ?dition. Or, dans la version d?finitive, il le remplace par le ? vrai ? portrait

stylis? ? l'antique (les yeux sans pupilles!), qu'il copie dans l'?dition de Bertotti

Scamozzi[ill.7]. Le frontispice de L'vov ne nous surprend en fait que par un seul d?tail, ? savoir par

la date de l'?dition palladienne indiqu?e sur le pi?destal. Dans sa pr?face, apr?s avoir

?num?r? plusieurs ?ditions palladiennes fran?aises, anglaises et italiennes, notam

ment celles de Roland Fr?art, de Le Muet, de Leoni, et de Scamozzi, L'vov ?crit :

?[...] mais en m?me temps, un petit nombre d'amateurs de l'Architecture pure,

les connaisseurs et les artistes, attir?s davantage par la beaut? et la pr?cision des

profils que par le prix ?lev? de ces ?ditions, recherchaient la vieille ?dition

(Edicija) de Palladio, publi?e ? Venise en 1616 par Carampello, grav?e sur bois mais corrig?e par l'Auteur m?me. Cette ?dition devint enfin si rare et si ch?re,

qu'un certain libraire avis? trouva son compte ? la r?imprimer et ? reproduire l'original en imitant exactement ses d?fauts, qui apparurent sur les planches de

bois ? cause de leur usage ; mais il ne pouvait imiter les vraies beaut?s (dejs tviteVnye krasoty), que l'artiste aper?oit dans l'original. Cependant, m?me ces enfants de la cupidit?, sous le faux nom de leur p?re c?l?bre, se vendaient et continuent ? se vendre assez cher. Les bibliomanes ach?tent parfois une fausse

?dition au papier bruni et aux bordures rong?es, dans laquelle le connaisseur ne retrouve point l'Auteur. Pendant mon s?jour ? Venise, j'eus l'occasion, lors

d'une vente publique d'une grande et ancienne biblioth?que, d'acheter assez

cher l'?dition originale de Carampello [...]. ?42

Apparemment bien renseign? sur les diff?rentes ?ditions de Palladio, ? tel point

qu'il cite m?me la ? fausse ?dition ?, c'est-?-dire le reprint de l'?dition de 1570

publi? par Pasquali en 1768, L'vov prend celle de 1616 pour l'?dition originale de

Palladio. Or la date de la premi?re parution des Quattro libri ? 1570 ? ainsi que le

nom d'?diteur ? Franceschi ? ?taient bien s?r parfaitement connus de tous les

palladianistes. L'?dition de 1616 n'?tait en r?alit? que la quatri?me, faite sur les

planches de bois originales, bien que d?j? assez us?es. Ainsi le ? voyage

initiatique ? de L'vov ? Venise et l'achat du livre ? original ? qui rappelle celui de

Burlington, qui, lui, poss?dait dans sa biblioth?que dix exemplaires du livre dont

cinq de la premi?re ?dition, ?tait quelque peu compromis par son erreur sur la

date43.

42. ? Ot izdatelja ruskago Palladija ? (De la part de l'?diteur du Palladio russe), in Cetyre knigi

palladievoj arhitektury, op. cit., non pagin?.

43. Il existe une autre ?dition de Palladio du XVIIIe si?cle, celle de William Halfpenny, dans

laquelle l'auteur indique, probablement en se trompant, l'ann?e 1581 comme la date de la

premi?re parution, ?dition qui ?tait ? snob?e ? par le milieu ?rudit. Andrea Palladio 's fkstBook

of Architecture, Corrected from his Original Edition printed at Venice, 1581 (1751), voir R. Wittkower, op. cit.,p. 90.

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46 OLGA MEDVEDKOVA

Cette erreur, dont nous n'avons trouv? aucune explication, est d'autant plus

surprenante que dans sa pr?face L'vov insiste justement sur l'authenticit? de sa

publication qui remonte ? la source. Il ?crit :

?[...] j'ai employ? pr?s de huit ans pour la remettre en ordre ; compl?tant les d?fauts des planches de bois en les comparant avec les autres ?ditions sur cuivre,

j'ai dessin? les quatre livres de l'Architecture de Palladio, ce qui repr?sente plus de 200 dessins, compl?tement semblables ? l'original y compris dans ses

mesures, sans rien changer ni ajouter, et j'?dite Palladio avec toute l'authenticit?

que m?rite sa perfection. ?u

Ce d?sir d'authenticit? rappelle l'objectif que poursuivait le traducteur fran?ais de

Palladio, Fr?art de Chambray, qui opposait sa ? vraie ? ?dition ? celle de Le Muet45.

Il est ?galement proche de l'attitude des architectes-?diteurs anglais de Palladio, du

cercle de Burlington, tels que Colin Campbell (1728) et Isaak Ware (1738)46, qui

s'opposaient ? l'?dition de Leoni. Mais, dans le contexte russe, il s'agissait de la

premi?re ?dition nationale de Palladio. La seule r?f?rence russe implicite que nous

pouvons relever dans ce manifeste de l'authenticit? renvoie ? l'?dition de Vitruve

par Bazenov et Karzavin qui parut peu avant l'?dition de L'vov et qui repr?sentait une traduction ? partir de l'?dition fran?aise de Claude Perrault47. Mais pour L'vov, il ?tait visiblement question de d?passer en authenticit? toutes les ?ditions

44. ? Ot izdatelja ruskago Palladija ?, art. cit. L'vov r?alisa un ensemble de 109 dessins pour les livres III et IV de Palladio (Naucno-Issledovatel'skij Muzej Akademii Hudozestv ?

NIMAH, Saint-P?tersbourg). Avec les dessins grav?s pour le livre I, il y avait en tout 201

dessins. L'hypoth?se de Uvarova selon laquelle les dessins furent r?alis?s non par L'vov mais par Ivan Tupylev ne nous para?t pas convaincante. (N. I. Uvarova, ? O tom, cego ne

d?lai N. A. L'vov (k voprosu ob arhitekturno-graficeskom nasledii) ? (? propos de ce que n'a pas fait N. A. L'vov (la question de l'h?ritage architectural et graphique)), in Giacomo

Quarenghi i neoklassicizm XVIII veka, actes du colloque, Ermitage, Saint-P?tersbourg, 1994,p. 54-57).

45. Dans son ?dition, Fr?art de Chambray utilise deux fois le frontispice de l'?dition originale de Palladio, avec le texte italien d'abord, fran?ais ensuite, ce qui signifiait sans doute qu'en

changeant de pays et de langue Palladio restait fid?le ? lui-m?me.

46. Sur la page de titre de The four books of architecture by Andrea Palladio (1738) de Ware on lit : ? Literally translated from the original Italian and further Particular Care has been

taken to preserve the Proportions and Measures from the Original, all the Plates being Engra ved by the Autor's own hand. ? (Voir R. Wittkower, op. cit, p. 88). A comparer avec l'atti

tude de Leoni qui ?crivait :?[...] that the Work may in some sort be rather considered as an

Original, that an Improvement. ? (Ibid., p. 85). Il ne faut pas oublier que Charles Cameron

qui arrive en Russie en 1779 fut l'un des souscripteurs du livre de Ware. Voir sur Cameron :

Dimitri Svidkovskij, The Empress and the Architect, New Haven ? Londres, Yale Univer

sity Press, 1996.

47. Sokrascennyj Vitruvij Hi soversennyj Arhitektor. Perevod Arhitektura-pomoscnika Fedora

Karzavina (Abr?g? de Vitruve ou l'architecte parfait. Traduit par l'architecte adjoint Fedor

Karzavin), Moscou, imprimerie de l'Universit? de Novikov, 1789 ; Marka Vitruvija Polliona

ob Arhitekture, kniga pervaja i vtoraja s primecanijami doktora medicyny i Francuzskoj Akademii clena g. Pero [...] (De l'Architecture de Marc Vitruve Pollio, livre un et deux avec les

remarques du docteur en m?decine et membre de l'Acad?mie fran?aise M. Perrault), Saint

P?tersbourg, Acad?mie Imp?riale des Sciences, 1790.

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 47

europ?ennes. En effet, il oppose le palladianisme russe aux variantes fran?aise et

anglaise d?sign?es comme non authentiques.

? Je voulais que, dans mon ?dition, Palladio ressembl?t ? lui-m?me et non ? un

Fran?ais qui e?t charg? son go?t pur par des d?corations frisottantes, ou encore ? un Anglais qui e?t fait reposer ses graves beaut?s sur des allumettes [il ?voque, bien s?r, les colonnes, O. M.], tous deux voulant contenter le go?t de leur patrie.

Que le go?t Palladien soit dans ma patrie, car les boucles fran?aises et la finesse

anglaise ont d?j? assez d'imitateurs. ?48

Ainsi en retournant vers la source, les Russes devaient atteindre l'original dans sa

qualit? universelle et g?n?rale, sans se laisser s?duire par ses versions nationales.

Or, comme on s'en souvient, L'vov croyait que les Russes ?taient particuli?rement

capables de ce genre de d?marche.

Il y avait pourtant, selon L'vov, deux domaines dans lesquels les Anglais et les

Fran?ais auraient pu donner des le?ons aux Russes.

? Si on voulait emprunter quelque chose dans l'art de la construction ? telle ou telle nation, ce ne serait certainement pas les beaut?s, ni la proportion, ni le go?t de l'Architecture grave (vaznaja). Que les ma?ons anglais nous apprennent ? construire de fa?on simple, propre et droite ; et que les architectes fran?ais nous

apprennent ? distribuer les int?rieurs des maisons, car nous ne pouvons trouver chez les architectes anciens de ressemblance avec la vie moderne (po obrazu

nastojascejzizni). ?49

On sait que, dans ses propres constructions, L'vov employait des ma?ons anglais, notamment ceux que Cameron avait fait venir en Russie. La premi?re remarque

pouvait donc refl?ter sa propre exp?rience pratique. Mais c'est surtout la seconde

qui doit attirer notre attention. En effet, par ce commentaire, L'vov r?duisait le go?t palladien au domaine de l'architecture ext?rieure, c'est-?-dire aux fa?ades, et en

?vacuait la distribution int?rieure, la consid?rant comme du domaine fran?ais et par l? banalisant toute sa reconstruction du ? vrai go?t palladien ?. La propagande par les Modernes fran?ais (depuis Perrault jusqu'? Blondel) de la distribution ? ? la

fran?aise ?, confortable et adapt?e aux pays du Nord, a fait surgir au XVIIIe si?cle la c?l?bre formule : ? les fa?ades ? l'italienne, les int?rieurs ? la fran?aise ?. Les

raisons de la r?ussite de cette strat?gie moderne se trouvaient dans l'apparente ?vidence de ce constat : la distribution des pi?ces dans une maison devait servir les

besoins du particulier et ?tre donc adapt?e autant que possible ? sa fa?on de vivre, ? ses m urs et ? ses usages. En cons?quence, la distribution ?tait consid?r?e comme

un domaine qui ?chappait ? toute normalisation comme elle ?chappait ?galement au

souvenir de l'Antiquit?.

48. ? Ot izdatelja ruskago Palladija ?, art. cit.

49. Ibid.

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48 OLGA MEDVEDKOVA

Par cette construction th?orique, les Modernes fran?ais pr?tendaient contourner

l'immense tentative des architectes de la Renaissance italienne, de Bramante ?

Pirro Ligorio, qui avaient vis? ? reconstruire la maison antique dans la structure du

palazzo et de la villa, en se fondant sur les descriptions de Vitruve mais aussi sur les

ruines de la Rome antique. Selon les humanistes italiens, la distribution des

maisons ne devait pas suivre la fa?on de vivre et les caprices des particuliers en leur

procurant le maximum de confort, mais au contraire, les formes architecturales

int?rieures emprunt?es aux Anciens devaient faire rena?tre la noblesse, la grandeur et la vertu h?ro?que des Romains50. Dans son trait? d'architecture, Alberti ?voquait

d?j? la Vertu comme, ? la fois, la condition et le but supr?me de toute uvre archi

tecturale. Pour Daniele B?rbaro, auteur de l'?dition de Vitruve ? laquelle collabora

Palladio, l'architecture ?tait le mod?le du perfectionnement de la nature humaine.

C'est pr?cis?ment dans son ?dition de Vitruve, ? corrig?e ? par l'?tude de l'Anti

quit?, qu'appara?t pour la premi?re fois la reconstruction palladienne de la maison

priv?e des Anciens51.

Consid?rant que le temple antique avait h?rit? ses formes de la maison particu

li?re, Palladio fonda sa reconstruction de la maison antique sur le mod?le du

temple, la dota d'un portique et la couronna d'une coupole. Dans ses distributions

int?rieures, la sym?trie anthropomorphe, le syst?me des proportions ainsi que la

d?coration ?taient l'expression de sa foi en la nature divine de l'homme. Les ruines

de la Rome antique ?taient pour Palladio les t?moignages des formes de vie nobles

et vertueuses, sup?rieures ? tout ce que l'on avait pu inventer depuis. L'imitation de

la vertu antique ?tait la t?che la plus profonde de son entreprise architecturale52. Ce

n'est pas un hasard si le frontispice de ses Quattro libri comporte l'all?gorie de la

Regina Virtus, seule reine de la r?publique v?nitienne. Cette all?gorie ne r?appa ra?tra dans aucune ?dition palladienne du XVIIIe si?cle. Comme nous l'avons vu,

elle sera remplac?e par une figure ?voquant la Nation, ou encore par l'?vocation

iconographique de la V?rit?.

50. Une litt?rature tr?s importante est consacr?e ? cette question. Voir, par exemple : James S.

Ackerman, ? The Belvedere as a classical villa ?, Journal of the Warburg and Courtault Institu

tes, 14,1951, p. 70-91 ; Vicenzo Fontana, ? Raffaello e Vitruvio ?, in Vitruvio e Raffaello. II ? De Architettura ? di Vitruvio della traduzione in?dita di Fabio Calvo Revennate, a cura di

Vincenzo Fontana e Paolo Morachiello, Rome, Officina edizioni, 1975, p. 25-44 ; Christoph

Luitpold Frommel, ? Abitare all'antica : il Palazzo e la Villa da Brunelleschi a Bramante ?, in

Rinascimento da Brunelleschi a Michelangelo. La rappresentazione dell'architettura, a cura di

Henry Mill?n e Vittorio Magnago Lampugnani, Milan, Bompiani, 1994, p. 183-202 ; Maria

Losito, Pirro Ligorio e il casino di Paolo IVin Vaticano, V? essempio ? delle ? cose passate ?,

Rome, Fratelli Palombi editori, 2000.

51. Vitruvio, I died libri dell 'architettura tradotti e commentati da Daniele B?rbaro (1567), con

un saggio di Manfredo Tafuri (? La norma e il programma : il Vitruvio di Daniele Bararo ?) e

uno studio di Manuela Morresi, Milan, Edizioni il Polifilo, 1987.

52. Et pas seulement architecturale, d'ailleurs. Il s'agissait ?galement pour Palladio de voir

dans l'Antiquit? le mod?le de toute construction politique et civile : J. R. Haie, ? Palladio,

Polybius and Caesar ?, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 40, 1977, p. 240

255.

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1. Frontispice de l'?dition russe de Palladio par Nikolaj L'vov

(Ceivre foi/gi palladievoj arhitektury).

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2. Portrait de Nikolaj L'vov, grav? par Gardeev, d'apr?s l'original de Levickij,

publi? dans l'?dition russe de Palladio.

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3. Portrait de Burlington publi? dans Fabbriche Antiche disegnate da Andrea Palladio.

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4. Buste de Palladio publi? dans Charles Cameron, 77?e baths of the Romans.

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5. Frontispice de la premi?re ?dition de Vignole en russe

(Pravilo o pjati cineh arhitektury Jakova Barocija Devignola).

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6. Frontispice de l'?dition originale de Palladio (Venise, 1570).

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1. Buste de Palladio dans l'?dition de Ottavio Bertotti Scamozzi.

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8. Colonne toscane dans l'?dition originale de Palladio.

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9. Colonne toscane dans l'?dition russe de Palladio par Nikolaj L'vov.

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10. Chapiteau corinthien dans l'?dition originale de Palladio.

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11. Chapiteau corinthien dans l'?dition russe de Palladio par Nikolaj L'vov.

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 49

Or le d?veloppement suivant, que L'vov consacre ? la distribution int?rieure

chez Palladio, montre en fait toute la complexit? de sa position face ? ce probl?me fondamental :

? L'id?e que les Anciens avaient de la beaut? et de la majest? ne se conserve que dans les ruines des b?timents de cette ?poque et ne s'accorde en rien ? la n?tre. La

magnificence ne r?sidait pas alors dans la qualit? des choses, mais dans leur

proportion et leur composition (obrazovanie), au lieu qu'? notre ?poque le luxe nous a appris ? la trouver dans l'or, les riches tissus, les tapisseries, les d?corations des maisons. Pomp?e, apr?s avoir conquis l'Inde, employa tous ses tr?sors ? cons

truire un magnifique Amphith??tre ; les Fran?ais vendraient certainement le mat? riau de ce dernier s'ils pouvaient aujourd'hui racheter les raret?s indiennes pour d?corer le boudok ; mais dans ce boudoir, le H?ros romain se serait senti ? l'?troit et ?touff?. Palladio, qui avait form? son go?t sur les exemples de la magnificence ancienne, s'en tenait quelque peu, dans la distribution int?rieure et dans les

maisons particuli?res, ? la sym?trie s?v?re, ? la gravit? et ? la simplicit?, que l'Architecte de son si?cle n'osait trahir sans opprobre ; c'est pourquoi aucun parti culier des temps modernes ne trouvera confortable (pokojnyj) la distribution int? rieure de ses maisons. Palladio, qui avait en son temps une parfaite id?e de la maison avantageuse et confortable, n'avait pu pr?voir par une vision proph?tique les besoins et les caprices des hommes n?s 200 ans apr?s lui. Des garde-robes (ubornyja), des cabinets pour le repos, des divans [?] et autres petits comparti

ments ne comptaient pas parmi les pi?ces (poko?)53 ; les plans des maisons qui, dans leur simplicit?, avaient quelque chose de majestueux sous le rapport de l'art, offraient un logement beau et confortable aux hommes de m urs simples. Les

grands seigneurs ?taient contents quand on leur construisait des salles pour les exercices de la guerre54 et pour les portraits de leurs anc?tres, une biblioth?que, une galerie, une grande antichambre (prihozaja), un magnifique vestibule (seni). Il faut avouer que dans la distribution des pi?ces selon le go?t de son ?poque, Palladio ?tait d?cid?ment sup?rieur ? tous les autres Architectes de son temps ; il s'?tait d'autant plus distingu? parmi eux qu'il ?tait seul ? conna?tre le myst?re gr?ce auquel on communique aux habitations des hommes particuliers la magnifi cence et la gravit? (vaznost') des b?timents publics romains. Cette rare qualit?

distingue ses constructions de tous les autres b?tisseurs de son si?cle. Tel, bien s?r,

doit ?tre l'Architecte qui fonde sa doctrine sur les r?gles de Vitruve et sur les

exemples de l'Architecture ancienne. ?55

D'une part, donc, L'vov reproduit ici la conviction des Modernes fran?ais selon

laquelle la distribution int?rieure doit suivre les pratiques des diff?rents pays et des

diff?rentes ?poques, comme une sorte de costume qui ob?it ? la mode. Ainsi l'exp? rience palladienne perd sa valeur id?ale et intemporelle : Palladio se transforme en un

architecte de son ?poque, encore que le meilleur, qui a adopt? dans ses distributions

int?rieures les go?ts de son temps. D'autre part, ces go?ts de l'?poque de Palladio,

53. Note de L'vov : ? Cet arrangement bisarre auroit eu l'air d'un labyrinthe et un b?timent

construit selon cette m?thode eut ?t? regard? plut?t comme une ruche d'abeilles que comme

une habitation des hommes. B?timens et dessins d'Andr? Palladio par Scamozzi ? (en fran?ais dans le texte).

54. Note de L'vov : ? M?me auteur, et sur la m?me page ? (en fran?ais dans le texte).

55. ? Ot izdatelja ruskago Palladija ?, art. cit.

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50 OLGA MEDVEDKOVA

simples et nobles, sont d?crits avec la sympathie la plus vive et la plus profonde. Plus

encore, L'vov est parfaitement conscient que ces go?ts m?mes ont ?t? form?s sur un

grand mod?le, celui de l'Antiquit? romaine, qu'ils n'appartiennent donc pas compl? tement ? son ?poque, mais qu'ils ont une valeur humaine universelle. Le fait que les

habitations des hommes particuliers recevaient chez Palladio la magnificence et la

gravit? des b?timents publics romains est signifi? dans le texte de L'vov par le mot ? myst?re ? (tainstvo), tr?s fort par ses connotations religieuses.

Cette ambigu?t? de L'vov dans la question de la distribution provient sans doute de sa source d'inspiration qui, paradoxalement, n'est pas fran?aise, mais italienne, ?

savoir la th?orie architecturale v?nitienne du XVIIIe si?cle, celle de Tommaso

Temanza56, dont il reprend dans sa pr?face la biographie de Palladio57, ou encore de

Bertotti Scamozzi58, dont il cite la c?l?bre ?dition des b?timents de Palladio. Malgr? la complexit? de la pens?e de Temanza qu'il nous est impossible de d?velopper ici, et

malgr? la profonde diff?rence qui existe entre lui et Scamozzi59, nous pouvons relever

chez ces deux palladianistes un point commun. En r?ponse ? la critique fran?aise, de

plus en plus persistante, des distributions italiennes en g?n?ral et palladiennes en

particulier, les deux architectes soulignent que les maisons palladiennes ?taient

commodes pour les V?nitiens de son ?poque. Il font donc de Palladio l'architecte de son si?cle, qui adopta ses b?timents aux usages des commanditaires.

Pourtant, la pens?e de L'vov ne se r?duit pas ? la reproduction des maximes de la

th?orie architecturale v?nitienne de XVIIIe si?cle. Pour mieux comprendre son

originalit?, il faut bien savoir qu'on pouvait tirer de Palladio aussi bien une th?orie

puriste, en partie celle de Temanza, mais surtout celle de Francesco Miliza60, que le

sentiment de la libert? qui s'acquiert gr?ce ? l'intime connaissance de l'Antiquit?. Dans les commentaires de L'vov, nous voyons appara?tre de temps en temps les

56. Voir par exemple l'une des derni?res publication sur Temanza : Patrizia Valle, Tommaso Temanza e l'architettura civile. Venezia e il settecento : diffusione e funzionalizzazione

dell'architettura, Rome, Officina Edizioni, 1989.

57. Vita di Andrea Palladio vicentino egregio architetto scritta di Tommazo Temanza architetto,

edingegnere d?lia serenissima repubbhca di Venezia, Accademico ol?mpico di Vicenza, etrico vrato di Padova aggiuntevi in fine due scritture dello stesso Palladio f?nora in?dite, Venise, presso

Giambatista Pasquali, 1762 (r??d. dans : Vite dei pi? celebri architetti e scultori vana

ziani...,Venise, 1778, p. 284-408). Cette biographie de Palladio est la source principale de L'vov. Mais il cite ?galement la premi?re biographie de Palladio par Paulo Gualdo : in Giovanni Monte

nari, Del Teatro ol?mpico di Andrea Palladio in Vicenza..., Padoue, G. Conzatti, 1733 (r??d. par G. G. Zorzi, dans Saggi e memorie di Storia dell'arte, H, 1959, p. 93-104.)

58. J. Quentin Hughes, Introduction, in Le fabbriche e i disegni di Andrea Palladio, raccolti ed illustrati da Ottavio Bertotti Scamozzi, Vicence, 1796. R??d. Londres, Alec Tiranti, 1968. De ce m?me milieu, L'vov mentionne dans sa pr?face le comte Alessandro Pompei, auteur du livre

Li cinque ordini dell'architettura civile di Mich?le Sanmicheli, V?rone, 1735. Sur Pompei voir : Camillo Semenzato, ? Un architetto illuminista : Alessandro Pompei ?, Arte v?neta, 15, 1961, p. 192-200.

59. Voir notamment : L. Olivato, Ottavio Bertotti Scamozzi studioso di Andrea Palladio, Vicence, 1976 ; Id., ? Une relazione difficile. Lettere in?dite di Tommazo Temanza a O. B.

Scamozzi ?, Arfe v?neta, 33,1979, p. 169-173.

60. Giulio Carlo Argan, ? Andrea Palladio et la critica neo-classica ?, Arie, juillet 1930, p. 327

346.

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LA PREMIERE EDITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 51

?l?ments de la critique puriste et rigide dont L'vov pouvait voir l'exemple chez

Temanza. Ainsi s'acharne-t-il contre les ?abus? de Palladio61. En ?voquant l'entrecolonnement central que Palladio a fait plus large que les autres, L'vov ?crit :

? Dans ce cas Palladio ne respectait pas enti?rement la r?gle des architectes

grecs qui, dans leurs constructions magnifiques, nous ont laiss? peu d'exemples d'entrecolonnement central plus large que les autres. Le temple de Th?s?e

d'Ath?nes, les temples de Paestum, le Parthenon, et d'autres c?l?bres vestiges des b?timents d'Ath?nes t?moignent de cette v?rit?. Dans ce cas, Palladio incite ? sacrifier la beaut? de la composition g?n?rale, si agr?able ? la vue, aux besoins de mieux voir l'entr?e et ses d?corations. Mais pour cela il ne me semble pas

n?cessaire de r?duire l'entr?e ou d'?carter les colonnes, car le champ de vue

s'?largit quand nous nous approchons de l'objet, et celui qui entre dans le temple verra toujours de loin les deux parties de la porte, m?me si elle sont ferm?es des deux c?t?s par un quart de colonne. Il ne faudrait faire l'entrecolonnement

central plus large que les autres que si les colonnes sont plac?es contre les murs,

ou encore, que Dieu nous en pr?serve, si elles sont pos?es dans le mur. ?62

L'vov ? corrige ? donc Palladio par l'architecture grecque et redoute par ailleurs le

proc?d? typiquement baroque ? les colonnes engag?es dans les murs.

Pourtant, tout en mettant en garde contre les ? abus ? de Palladio, L'vov reven

dique une totale libert? pour l'architecte qui se nourrit de l'Antiquit?. Ainsi il

commente la r?flexion palladienne sur les proportions de l'ordre dorique :

? En prescrivant des r?gles rigoureuses et des mesures communes ? chaque ordre,

l'art a indubitablement aid? les ?l?ves et les artistes m?diocres, mais en revanche,

il a pos? des bornes aux talents sup?rieurs et au go?t. Buonarotti aimait ? dire que le v?ritable compas d'un bon architecte ?tait son il. Les ruines des b?timents

antiques, seuls flambeaux justes menant l'artiste ? la vraie magnificence et au bon

go?t, confirment la v?rit? du mot de ce grand homme. Parmi les temples antiques d'un m?me ordre, on n'en trouvera presque jamais deux qui aient les m?mes

proportions ; l'emplacement des b?timents n'?tait pas seul ? d?terminer ces diff? rences de proportions, leur usage m?me en ?tait la raison. Un temple dorique d'Hercule avait sept modules et demi ; les portes d'une ville du m?me ordre en avaient six et demi. L'un repr?sentait la virilit? et la beaut?, tandis que les autres ne devaient repr?senter que la virilit? et la solidit?. Ce commentaire ne sera peut-?tre

pas inutile ? l'artiste qui s'?cartera des sentiers battus quand il voudra ?prouver la th?orie sur des exemples tir?s des ruines de l'architecture antique. ?63

Cette fa?on de penser, qui rappelle les commentaires de Daniele B?rbaro sur le

texte vitruvien ou encore la fa?on de voir et de faire de Bernini, est tr?s proche de

l'esth?tique de Piranesi64, de Cl?risseau, de Peyre, des fr?res Adams et de

61. Cetyre knigi palladievoj arhitektury, op. cit., note 19,p. 32.

62. Ibid.

63.J6id.,note21,p.37-38.

64. Voir : Rudolf Wuttkower, ? Piranesi's "Par?re su l'architettura" ?, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes,!, 1938-1939, p. 147-173.

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52 OLGA MEDVEDKOVA

Quarenghi qui ?taient tous tr?s li?s ? Rome dans les ann?es 1750-1760. Dans les

uvres architecturales ainsi que dans les ?crits de ce dernier nous trouvons des

id?es tr?s proches du passage de L'vov que l'on vient de citer.

Il nous semble de fa?on g?n?rale que la lecture lvovienne de Palladio doit ?tre

mise en rapport avec la pr?sence en Russie de Giacomo Quarenghi65. On sait que les deux hommes furent unis par un travail commun sur l'?dition de l'album pour le

couronnement de Paul Ier66, ainsi que par le projet de la maison et du parc de Bezbo

rodko ? Moscou. Il est int?ressant de remarquer que dans ses commentaires,

lorsqu'il veut donner des exemples de la magnificence romaine, L'vov mentionne

le m?me monument ? le th??tre de Pomp?e ?

que donne en m?me temps

Quarenghi dans la description de son th??tre de l'Ermitage. Cette m?me attitude non dogmatique et non puriste, libre et artistique, p?n?tre le

style des gravures de l'?dition de L'vov que l'on doit ?galement, nous semble-t-il, attribuer ? l'influence de Quarenghi, lui-m?me brillant dessinateur. Les gravures de

L'vov67 [ill. 9 et 11] qui agrandissent les gravures originales de Palladio [ill. 8 et 10] sont ex?cut?es dans la technique du mezzo-tinto, qui reproduit les effets du clair

obscur dans un dessin libre lav? ? l'encre ou ? l'aquarelle jaun?tre. Pour

comprendre cette fa?on de reproduire les gravures de Palladio, il nous faut revenir ?

la biographie de Palladio par Temanza, collectionneur des dessins de Palladio et

ami proche de Quarenghi : ? Palladio fut un excellent dessinateur de toutes sortes

de choses. Dans ses aquarelles il utilisait une certaine teinte jaune. ?68 Dans son

?dition, L'vov semble donc vouloir imiter plut?t les dessins de Palladio que les

65. Sur Quarenghi voir par exemple : Giacomo Quarenghi. Architetto a Pietroburgo. Lettere e

altri scritti, A cura di Vanni Zanella, Venise, Albrizzi editore, 1988 ; Monumenta bergomensia XXI. I cinque album di Giacomo Quarenghi nella C?vica Bibilioteca di Bergamo, a cura di

Sandro Angelini, Bergame, 1967 ; Giacomo Quarenghi, a cura di Sandro Angelini, testo di

Vladimir Pilavskij, catalogo di Vanni Zanella, Bergame, Edizione dal Cr?dito Bergamasco, 1984 ; Giacomo Quarenghi. Architetture e vedute, Milan, Electa, 1994 ; Piervaleriano Agelini,

Miliza Korzunova, Giovanna Nepi Scir?, Disegni di Giacomo Quarenghi. Vedute e capricci, Galerie dell'Accademia di Venezia, Milan, Electa, 1996 ; I disegni di Giacomo Quarenghi al

Castello Sfonzesco, Venise, Marsilio Editori, 1998 ; Voir ?galement : Giacomo Quarenghi e il

suo tempo, atti del convegno, a cura di Silvia Burini, Bergame, Moretti & Vitali editori, 1995.

En langue russe voir par exemple : Milica Korsunova, Dzakomo Kvarengi, Leningrad, 1977 ; Viktor Grascenkov, ? Dzakomo Kvarengi i venecianskij neoklassicizm ? (Giacomo Quarenghi et le n?o-classicisme v?nitien), Sovetskoe iskusstvoznanie, 20, 1986, p. 301-366 ; Id. ? Dzakomo Kvarengi i arhitektura evropejskogo neoklassicizma ? (Giacomo Quarenghi et

l'architecture du n?o-classicisme europ?en), Rossija i Italija. Vstreca dvuh kul 'tur, (Moscou),

4, 2000, p. 69-84 ; A. Pavelkina, Giacomo Quarenghi, catalogue de l'exposition, Mus?e de

l'Histoire de Saint-P?tersbourg, 1998, Saint-P?tersbourg, 1998 ; Dzakomo Kvarengi. Arhitek

turnaja grafika, catalogue de l'exposition, Ermitage, Saint-P?tersburg, 1999.

66. Milica Korsunova, ? Dz. Kvarengi i N. A. L'vov. Sovmestnaja rabota v svjazi s koronaciej Pavla I ? (G. Quarenghi et N. A. L'vov. Leur travail commun ? l'occasion du couronnement de

Paul Ier), in Zarubeznye hudozniki i Rossija (Les artistes ?trangers et la Russie), Saint-P?ters

bourg, 1991, p. 56-61.

67. On lit sur certaines gravures : ? Sculpt. N. Lwoff, direx. N. Lwoff. ? D'autres ont ?t? gra v?es par J. C. Nabholz.

68. Tommazo Temanza, ? Vita di Andrea Palladio ?, in : Vite deipi? celebri architetti e scul

tori vanaziani..., Venise, 1778,p. 391.

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 53

gravures lin?aires et assez s?ches de son ?dition, voire m?me les rendre encore plus ? vivants ?69.

Il est vrai que, dans ses commentaires, L'vov souligne ? plusieurs reprises que les distributions palladiennes ne conviennent pas aux conditions climatiques de la

Russie :

? Palladio lui-m?me ne suivait pas toujours cette r?gle, fond?e sur la sym?trie des corps, qu'il adaptait parfois pour la commodit? de l'existence ; sans cela, de nombreux propri?taires auraient consid?r? leurs maisons comme une hydre ?ter nelle qui les torturait sans cesse et qui ne vieillissait pas, ils auraient attendu avec

impatience une fissure quelconque qui aurait annonc? la n?cessit? de les recons truire. En Italie, on peut certainement construire des maisons en suivant le plan d'un ?chiquier. L?-bas, le ma?tre occupe souvent un petit coin de sa maison,

tandis que dans les autres pi?ces, les tableaux et les marbres ne craignent pas le

froid. Les Italiens ignorent les courants d'air, en hiver la temp?rature de leurs

appartements est la m?me qu'au dehors ; en ?t?, au dehors comme dans les

appartements, les fen?tres et les portes sont ouvertes comme des grilles ; et

cependant, nous allons chez eux pour nous r?chauffer. Ainsi, la r?gle de l'?qui libre nous convient-elle ? Et quel ?quilibre ne serait corrig? par un froid de

moins 28 degr?s ? ?70

Il est vrai aussi que dans ses textes il exalte ? plusieurs reprises les traits sp?cifiques

que l'architecture en g?n?ral et l'art des jardins en particulier devraient adopter selon

lui sous l'influence du climat russe. Ce type de r?flexions correspond exactement ? la

critique fran?aise71. Pourtant L'vov construit lui-m?me plusieurs maisons dans les

propri?t?s des nobles, dont la sienne, selon la distribution palladienne. De fa?on g?n?

rale, le type de ? villa ? qu'il pratique dans les ann?es 1780-1790 est parfaitement

palladien : bloc cubique, salle centrale recouverte d'une coupole, portique ou loggia. Une ?troite relation entre l'architecture palladienne et les formes de vie dans une ? villa ?

surgit dans l'inscription sur la gravure qui repr?sente la maison de L'vov72 :

? Maison dans le village de Cerencicy, ? 15 verstes de Torzok. Projet?e, dessin?e,

colori?e, construite, grav?e et habit?e par Nikolaj L'vov ?73. Par ailleurs la correspon dance de L'vov avec Derzavin ? propos de la vie aux champs est remplie de topoi

antiques. La profonde compr?hension par Derzavin de l'esprit palladien appara?t bien

dans la formule po?tique qu'il donne de sa maison construite par L'vov : ? moj

hramovidnyj dorn ? (ma maison semblable au temple).

69. Voir Giangiorgio Zorzi, I disegni delle antichita di Andrea Palladio, Venise, Neri Pozza

editore, 1959.

70. Cetyre knigi Palladievoj arhitektury, op. cit., note 32, p. 58.

71. Jean-Marie Perouse de M?ntelos, ? Palladio et la th?orie classique dans l'architecture fran

?aise du XVIP si?cle ?,Bollettino CISA,XII, 1970,p. 97-105.

72. Mus?e du palais Voroncov ? Alupka.

73. Cit? par M. V Budylina ?tal., op. cit., p. 14.

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54 OLGA MEDVEDKOVA

Enfin dans son projet du parc de Bezborodko qui est chronologiquement tr?s

proche de l'?dition de Palladio (1797-1798)74 et qu'il r?alise en ?troite collabora

tion avec Quarenghi, L'vov suit le mod?le de la Renaissance italienne. Quarenghi

projette pour Bezborodko une maison presque enti?rement occup?e par le th??tre et

les galeries de peintures, c'est-?-dire une maison proche de l'id?al palladien selon

la description lvovienne. De son c?t?, L'vov pr?tend dans son jardin ? faire rena?tre

la magnificence des antiques jeux de gymnase ?. En s'inspirant de la villa

d'Hadrien, il place dans son jardin ? l'antique un amphith??tre, une naumachie, un

lyc?e, un hippodrome. Ces formes ne doivent surtout pas rester st?riles ni se r?duire

? la d?coration. Il faut au contraire que les jeux soient r?ellement pratiqu?s dans ces

lieux, sinon ils seront morts et inutiles. Ainsi L'vov partage la conviction des archi

tectes de la Renaissance italienne, selon laquelle l'architecture peut ?tre un moyen de faire rena?tre les pratiques antiques. Cette conviction, Quarenghi et L'vov la

transmettent au commanditaire qui ?crit en novembre 1797 ? Semen Voroncov :

? J'ai d?cid? d'entreprendre un nouveau b?timent qui, du moins, montrera aux

futures g?n?rations qu'? notre si?cle et dans notre pays on savait ce que c'est que le

go?t (znali vkus). ?75

Le ? vrai go?t ? palladien que L'vov voudrait atteindre est en r?alit? une id?e, un r?ve de l'architecture qui divinise l'homme, qui, aussi bien ext?rieurement

qu'int?rieurement, le fait remonter vers la supr?me noblesse et la vertu. ? travers ce

r?ve transpara?t l'id?al cic?ronien, qui r?appara?t ? l'?poque de L'vov, notamment

dans les ?crits sur l'architecture d'Algarotti qui compare l'architecture ? la m?ta

physique76. Ainsi L'vov ?crit dans un de ses commentaires :

? Quoique les frontons d?coratifs ne prot?gent pas les habitants des intemp?ries, ils n'en prot?gent pas moins la partie ? laquelle ils servent de couverture ; et

m?me s'il n'en est pas besoin, ils doivent au moins en donner l'image. Seul le

d?cor qui inspire l'id?e du n?cessaire est ? sa place ; les petits motifs d?coratifs

(kruzki, krjucki i vpadinki) figurant sur un b?timent bien proportionn? ne le d?corent pas plus que des pi?ces de brocart ne d?corent un cafetan bien coup? et

simple. ?77

Il nous est facile de reconna?tre la voix de Cicer?n derri?re celle de L'vov :

? Ce fronton du Capitole et ceux des autres temples sont le produit non de la beaut? mais de l'in?luctable n?cessit? ; car ce fut en calculant comment ?vacuer

74. G. G. Grimm, ? Pr kt sada Bezborodko v Moskve... ?, art. cit. L'album intitul? ? Sad

knazja Bezborodko pri moskovskom dome ? se trouve au Mus?e de l'Acad?mie des beaux-arts

? Saint-P?tersbourg (NIMAH), n? KP 100/3. Il contient les 11 dessins et une explication en

russe et en fran?ais : Kakim obrazom dolzno by bylo raspolozit' sad knjazja Bezborodki v

Moskve. De quelle fa?on il conviendrait de disposer le jardin du prince Bezborodko ? Moscou.

15.1bid.,p.m.

76. Francesco Algarotti, Saggio sopra l'architettura (1762) ?d. par Giovanni da Pozzo, Bari,

Latezza, 1963.

77. CetyreknigiPalladievojarhitektury, op. cit., note 29, p. 55-56.

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LA PREMI?RE ?DITION RUSSE DE PALLADIO PAR NIKOLAJ LVOV 55

les eaux pluviales des deux c?t?s du toit qu'on obtint ce noble dessin des

pignons comme r?sultante des n?cessit?s de la structure ? ? tel point m?me que, si l'on ?difiait une citadelle dans les cieux, o? nulle pluie ne pourrait tomber, on

jugerait infailliblement qu'elle manque tout ? fait de noblesse sans fronton. ?78

Ainsi L'vov suit ici l'id?al de l'architecture ? ? l'antique ? qui ne d?pend ni de

l'?poque, ni du climat. Il est en revanche capable de r?sister aux petits ? go?ts ?

provinciaux du temps et de la nation. Or le conflit entre ces deux visions de l'archi

tecture est presque irr?ductible. L'architecture est un art bien particulier : par sa

finalit? pratique, elle court constamment le risque de perdre son statut d'art lib?ral

pour lequel les humanistes italiens avaient tant combattu. Comme nous venons de

le voir, L'vov ?tait conscient de cette contradiction. Malgr? ses ambigu?t?s ? ou

peut-?tre gr?ce ? elles ? qui refl?tent ces tensions dramatiques, il r?ussit ? cr?er un

livre dans lequel on entend parfaitement l'?cho du ? vrai go?t palladien ?.

Centre d'?tudes du monde russe, sovi?tique et post-sovi?tique

54, boulevard Raspail 75006 Paris

o.medvedkova @ libertysurf.fr

78. Cicer?n,De Oratore,III, 180.

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