« Le goût pour Chypre. Objets d’art et tissus précieux importés de Chypre en Occident...

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Cahiers du Centre d’Études Chypriotes 43, 2013 LE GOÛT POUR CHYPRE Objets d’art et tissus précieux importés de Chypre en Occident (XIII e -XV e siècles) Philippe TRÉLAT Abstract. This paper examines the spread in the West of precious fabrics and art objects produced in Cyprus under Latin rule. It is possible to provide a picture reflecting the diversity of Cypriote production based on the church and princely inventories and books of accounts: sheets, liturgical vestments, altar cloths, silk textiles, gold-thread embroideries, chests and caskets, copper candelabra, glass carafe, wooden icons. The trade manuals and the Italian notarial deeds confirm the export of the luxury goods from Famagusta to the main western ports. Pilgrims and Crusaders also provide Cypriote luxury items to the treasures of the cathedrals. The spread of the taste of Cyprus in the West owes a great deal to Anne de Lusignan’s departure to the Court of Savoy and the visit of Peter I, king of Cyprus, to different European capitals. Tout au long de la domination des Lusignan sur le royaume de Chypre (1192-1474), les voyageurs occidentaux n’ont de cesse de s’étonner et d’admirer la richesse ostentatoire de la noblesse insulaire. Lors des parties de chasse et des fêtes données dans les palais de la capitale, Nicosie, ils s’émerveillent des riches tissus rehaussés de broderies aux fils d’or et des joailleries dont se parent les élites. Le sire d’Anglure remarque, par exemple, les couvre-chefs « d’or, de pierres et de perles » portés par les femmes de la famille royale 1 . Si les récits de voyageurs peinent à convaincre en raison de leur propension à magnifier la réalité, un article du synode de Nicosie de 1256, qui prescrit quelques recommandations sur la garde-robe des clercs, dissipe tous les doutes : les vêtements seront fermés, taillés ni trop courts, ni trop longs ; les étoffes de couleur rouge ou verte seront bannies ; les manches brodées, les souliers pointus (à la poulaine ?), les brides, les selles, les éperons et les poitrails (harnois du cheval) doivent également être évités par les clercs 2 . La nécessité 1. Ogier d’Anglure 1878, p. 86. Pour d’autres témoignages littéraires sur le goût du luxe des élites chypriotes, voir Grivaud 2009, p. 354-355. 2. « Clausa deferant desuper indumenta, nimia brevitate vel longitudine non notanda, pannis rubeis vel viridibus, necnon manicis aut sotularibus consutitiis vel rostratis, frenis, sellis, pectoralibus et calcaribus deauratis, vel aliam superfluitatem gerentibus, non utantur » : Synodicum Nicosiense 2001, A. VIII. Voir également la loi somptuaire promulguée par les autorités vénitiennes au XVI e siècle : Grivaud 2009, p. 351-371.

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Cahiers du Centre d’ÉtudesChypriotes 43, 2013

LE GOÛT POUR CHYPREObjets d’art et tissus précieux

importés de Chypre en Occident (xiiie-xve siècles)

Philippe TRÉLAT

Abstract. This paper examines the spread in the West of precious fabrics and art objects produced in Cyprus under Latin rule. It is possible to provide a picture reflecting the diversity of Cypriote production based on the church and princely inventories and books of accounts: sheets, liturgical vestments, altar cloths, silk textiles, gold-thread embroideries, chests and caskets, copper candelabra, glass carafe, wooden icons. The trade manuals and the Italian notarial deeds confirm the export of the luxury goods from Famagusta to the main western ports. Pilgrims and Crusaders also provide Cypriote luxury items to the treasures of the cathedrals. The spread of the taste of Cyprus in the West owes a great deal to Anne de Lusignan’s departure to the Court of Savoy and the visit of Peter I, king of Cyprus, to different European capitals.

Tout au long de la domination des Lusignan sur le royaume de Chypre (1192-1474), les voyageurs occidentaux n’ont de cesse de s’étonner et d’admirer la richesse ostentatoire de la noblesse insulaire. Lors des parties de chasse et des fêtes données dans les palais de la capitale, Nicosie, ils s’émerveillent des riches tissus rehaussés de broderies aux fils d’or et des joailleries dont se parent les élites. Le sire d’Anglure remarque, par exemple, les couvre-chefs « d’or, de pierres et de perles » portés par les femmes de la famille royale 1. Si les récits de voyageurs peinent à convaincre en raison de leur propension à magnifier la réalité, un article du synode de Nicosie de 1256, qui prescrit quelques recommandations sur la garde-robe des clercs, dissipe tous les doutes : les vêtements seront fermés, taillés ni trop courts, ni trop longs ; les étoffes de couleur rouge ou verte seront bannies ; les manches brodées, les souliers pointus (à la poulaine ?), les brides, les selles, les éperons et les poitrails (harnois du cheval) doivent également être évités par les clercs 2. La nécessité

1. Ogier d’Anglure 1878, p. 86. Pour d’autres témoignages littéraires sur le goût du luxe des élites chypriotes, voir Grivaud 2009, p. 354-355.

2. « Clausa deferant desuper indumenta, nimia brevitate vel longitudine non notanda, pannis rubeis vel viridibus, necnon manicis aut sotularibus consutitiis vel rostratis, frenis, sellis, pectoralibus et calcaribus deauratis, vel aliam superfluitatem gerentibus, non utantur » : Synodicum Nicosiense 2001, A. VIII. Voir également la loi somptuaire promulguée par les autorités vénitiennes au xvie siècle : Grivaud 2009, p. 351-371.

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d’émettre de tels interdits laisse entrevoir les excès commis par les membres du clergé insulaire, amateurs de beaux vêtements et d’ornements raffinés, au même titre que leurs homologues occidentaux qui subissent des restrictions similaires.

La consommation de tissus et d’objets d’art par les élites chypriotes ne prête plus à discussion, alors que la diffusion de ces produits hors de l’île reste un sujet encore à examiner. Aujourd’hui, le nombre limité de pièces en provenance de Chypre, conservées dans les musées et les trésors des cathédrales occidentales, ne suffit pas à témoigner de la vitalité des exportations insulaires vers l’Europe occidentale 3. L’enquête doit également s’orienter vers les inventaires et les livres de comptes des édifices religieux et des hôtels princiers pour prendre la mesure du goût des élites occidentales pour les arts somptuaires chypriotes 4. Des travaux récents s’intéressant à la réception des produits de luxe orientaux à Bruges et à la diffusion des objets d’art byzantins dans les territoires de la couronne d’Aragon ont montré combien ces recherches peuvent être fructueuses 5. Plus rarement, les inventaires fournissent quelques données concernant les voies et modalités d’approvisionnement en articles de luxe. Toutefois, la documentation économique (actes notariés, manuels de commerce) se révèle plus instructive pour identifier les différents circuits de distribution.

Tissus et objets d’art chypriotes en OccidentAvant la conquête de l’île par Richard Cœur de Lion en 1191, les objets d’art

dont la provenance chypriote pourrait être identifiée semblent absents des sources occidentales. Les richesses de la Chypre byzantine médiévale s’ouvrent rarement sur des horizons économiques et commerciaux dépassant les frontières insulaires 6. Quelques

3. Les expositions récentes, Chypre. D’Aphrodite à Mélusine, présentée au Musée d’art et d’histoire, Genève, du 5 octobre 2006 au 25 mars 2007 (Campagnolo et al. 2006), et Mapping Cyprus. Crusaders, Traders and Explorers, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles du 22 juin au 23 septembre 2012 (L. Loizou Hadjigavriel éd.), ont fait découvrir principalement des manuscrits, des icônes et des monnaies de la période médiévale. L’exposition Chypre entre Byzance et l’Occident. ive-xvie s. présentée à Paris au musée du Louvre du 28 octobre 2012 au 28 janvier 2013 a exposé une plus grande variété d’objets avec notamment des tissus, des coffrets, un flacon, des camées, des pièces d’orfèvrerie liturgique et profane : Durand, Giovannoni 2012.

4. Aucune synthèse sur la production, la commercialisation et la diffusion des objets d’art chypriotes n’existe à ce jour. Les développements les plus intéressants figurent dans Enlart 1899, vol. 2, p. 699-704 ; Boase 1977, p. 193-194 ; Durand, Martiniani-Reber 2012, p. 266-271. Sur le textile chypriote, on consultera avec profit les études de Michel 1852, vol. 1, p. 306-307, vol. 2, p. 44-46, 210 et 226 ; Muthesius 2004, p. 237-255, et Jacoby 2012, p. 15-42. Nous n’aborderons pas dans cette contribution le vaste sujet de la circulation des manuscrits chypriotes en Occident. La plupart d’entre eux ont rejoint les bibliothèques des érudits occidentaux au xviie siècle. Sur cette question : Omont 1902, vol. 1, p. 1-26, 64-65, 192-193 et index ; Constantinides, Browning 1993, p. 19-38.

5. Stabel 2011, p. 21-40 ; Duran i Duelt 2012, p. 29-52.6. Durand 2012, p. 150-155. Les tissus chypriotes ne figurent pas dans les inventaires occidentaux

du haut Moyen Âge. De même, aucune indication dans le Liber Pontificalis, principale source sur

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mentions isolées ne permettent pas d’affirmer que des courants commerciaux antérieurs à la Troisième Croisade approvisionnaient l’Occident en produits de luxe. En 1071, le noble catalan Arnau Mir de Tost signale dans son testament, rédigé avant son départ en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, une chemise à la mode de Chypre (« ad guisa de Xipra ») 7. Dans le domaine de la littérature, un manuscrit du Roman de Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes décrit des chevaliers qui trouvent refuge sous une tente confectionnée avec « un drap de Chypre bien ouvrez » 8. Cette citation du xiie siècle fait peut-être écho à l’ouverture commerciale que connaît l’île à cette époque 9. L’activité des marchands vénitiens, présents à Nicosie et à Limassol, contribue pleinement au regain d’activité économique 10. L’embellie gagne les secteurs de l’artisanat des villes de Nicosie et de Cérines, comme le souligne l’auteur arabe Al-Idrīsī 11. Cependant, la part occupée par les métiers du luxe, ainsi que l’exportation de leurs productions, restent difficiles à évaluer 12.

À partir de la fin du xiiie siècle, les inventaires et livres de comptes occidentaux font état de la présence de produits en provenance de Chypre dans les trésors liturgiques et les mobiliers profanes. Les tissus précieux représentent la part la plus importante du luxe chypriote dans les inventaires de biens ecclésiastiques. En 1295, sous le pontificat de Boniface VIII, le trésor de la basilique Saint-Pierre du Vatican comprend des draps de Chypre, un pluvial de samit rouge, des chasubles (« planeta ») de différentes couleurs et matières (blanc, de diaspre blanc, de samit bleu, blanc et violet, de drap tartare), des tuniques, des dalmatiques et des orfrois, c’est-à-dire des ornements brodés, tous « de opere cyprensi » 13. Certaines étoffes portent des broderies représentant l’Annonciation, la Nativité et la Passion du Christ, tandis que d’autres sont ornées de médaillons dans lesquels sont inscrits des griffons et des aigles bicéphales, comme sur les différents vêtements

l’importation de tissus orientaux en Occident, ne permet d’identifier des étoffes confectionnées à Chypre : Sabbe 1935, p. 1261-1288 ; Martiniani-Reber 1999, p. 304.

7. Garcia 1979, p. 40 ; Bonnassié 1975, vol. 2, p. 793 et 841.8. BNF, ms fr. 12577 (ancien sup. fr. 430), fol. 116r°, col. 2 dans Michel 1852, vol. 1 p. 306. Bien

que les auteurs médiévaux aiment truffer leurs récits de noms de lieux exotiques, choisis pour la rime, la référence à une provenance précise d’un tissu devait évoquer un endroit bien réel pour le lecteur.

9. Sur la relative prospérité économique de l’île au xiie siècle : Cheynet 1993, p. 67-77.10. Papacostas 1999, p. 487-500 ; Papadopoulou 1983, p. 303-332.11. Mansouri 2001, p. 39.12. La découverte d’un moule d’orfèvre en stéatite lors des fouilles du site de l’ancienne mairie

(Palaion Demarcheion) à Nicosie en 2003 par Yannis Violaris témoigne de la production de petits objets précieux dans la capitale chypriote à la fin du xiie siècle : Durand, Giovannoni 2012, cat. n° 57, p. 170.

13. Molinier 1885, 20, 26-29, 32, 34 ; Molinier 1886, p. 647, 653, 654.

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liturgiques conservés dans le trésor de la cathédrale d’Agnani 14. D’autres inventaires du trésor de Saint-Pierre, datés des xive-xve siècles, font également mention de capes, chasubles, étoles et orfrois « de opere cyprensi » 15. La cour pontificale considérait donc le royaume de Chypre comme un centre d’approvisionnement important en vêtements liturgiques à côté de Lucques en Italie, de l’Espagne, et surtout de l’Angleterre où est confectionné le fameux « opus anglicanum » 16. Une lettre de remerciement du pape Benoît XII à l’archevêque de Nicosie pour l’envoi de vêtements de différentes couleurs confirme l’appétit du Saint-Siège pour le luxe en provenance de Chypre 17.

De manière générale, les tissus précieux chypriotes séduisent tous les ecclésiastiques chargés des achats pour le compte des grandes églises de la chrétienté occidentale. Fondée par Louis IX dans le palais royal de l’île de la Cité, la Sainte-Chapelle conserve dans son trésor au début du xive siècle une aube et un amict « de opere Cipri » 18. Les divers inventaires, postérieurs à 1480, comportent un grand nombre de chasubles, de chapes, de tuniques, d’étoles, de nappes d’autel (« fronterius », « mappa »), en baudequin, soie, satin et autres étoffes précieuses, toutes brodées à l’or de Chypre. Des motifs aussi différents que des fleurs de lis, des roses et des personnages bibliques ornent ces vêtements liturgiques 19. En 1396, le duc de Bretagne fait don d’un « baudequin de Chypre vert ouvré à oyseaux d’or » au trésor de la cathédrale Notre-Dame de Paris 20. Deux coussins de drap de Chypre, donnés par le cardinal de Lenoncourt, et une chape de drap d’or rouge de la même provenance figurent dans le mobilier de la cathédrale de Reims 21. Un établissement plus modeste comme la collégiale de Vernon fait l’acquisition d’une chasuble en camelot de Chypre pour 7 livres et 12 sols auprès de Jehan Quesnel, chasublier,

14. Sur les vêtements liturgiques de Boniface VIII (une chasuble, une dalmatique et un pluvial) conservés à Agnani : Morello 1990, p. 202-203 ; Mortari 1963, p. 19-21 ; Maltese 1961, p. 1920.

15. Müntz, Frothingham 1883, p. 11-12, 25-26, 33-34, 40, 42, 92, 93.16. Sur l’opus anglicanum : Ward 2007, p. 163-179 ; Morgan 2001, p. 27-40.17. Vidal 1913, col. 531.18. Vidier 1911, p. 22, 35, 53, 58.19. Vidier 1911, p. 71-91.20. Fagniez 1874, p. 99. Le baudequin (en italien, baldacchino ; en latin, baldekinus), une étoffe

de soie souvent brodée d’or, est utilisé fréquemment pour la confection des vêtements sacerdotaux : Michel 1852, vol. 1, p. 251-258 ; Gay 1887-1928, vol. 1, p. 133-136 ; Hardouin-Fugier, Berthod, Chavent-Fusaro 1994, p. 75-76.

21. Tarbe 1843, p. 100 et 117. L’inventaire du trésor de la cathédrale de Poitiers, daté de 1406, comporte une chape dorée de couleur rouge confectionnée avec un drap de Chypre (« panni de Chipre »), sans autre précision : Redet 1844-1845, p. 448. En 1419, l’inventaire de la cathédrale d’Amiens signale la présence de vêtements liturgiques confectionnés avec des tissus chypriotes : Garnier 1850, p. 320.

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établi rue du Grand-Pont à Rouen 22. Le même tissu est utilisé pour confectionner trois chapes conservées dans le trésor de la collégiale Saint-Amé de Douai 23.

Ailleurs en Europe, les tissus précieux chypriotes sont également prisés par les élites laïques et ecclésiastiques. L’inventaire des biens de Nicholas Hereford, prieur d’Evesham en Angleterre au xive siècle, renferme une mention de vêtement liturgique en tissu chypriote 24. Dans ce même pays, l’inventaire de la cathédrale de Petersborough, du xvie siècle, dénombre sept chapes en satin de Chypre 25. La garde-robe des princes et seigneurs fonciers suit la même tendance. Un drap de chypre blanc figure parmi les biens d’Henri VI en Angleterre 26. Henry le Scrope, lord Scrope of Masham, fait état d’un « baudekyn de Cipre » dans son testament, daté de juin 1415 27. Philippa, fille du futur roi d’Angleterre, Henri IV, part rejoindre son époux Éric, roi du Danemark, en 1406, avec un trousseau recelant plusieurs robes brodées à l’or de Chypre 28. Aux Pays-Bas, Philippe de Bourgogne, évêque d’Utrecht, compte des soieries chypriotes, « Een rocsken van Chipers satijn », dans son vestiaire 29.

Plus nombreuses que les tissus, les broderies « ouvrées de fil d’or de Chippre » et, plus rarement, d’argent de Chypre, sont légion dans les inventaires 30. Le trésor de la Sainte-Chapelle présente près de soixante-cinq mentions d’ « auri de chipra » dans l’inventaire de 1480. Des fleurs de lis, des anges, des images, des orfrois constituent les principaux motifs brodés sur les vêtements liturgiques 31. La chapelle de Jean de Lancastre, duc de Bedford, régent de France (1389-1435), inclut divers parements d’autels et habits sacerdotaux (« une chapelle de satin noir », « une chapelle de camocas noir ») brodés à l’or de Chypre 32. Les orfrois, les boutons, les fleurons, les roses, les « ymaiges » des

22. Deville 1911, p. 166. Le camelot, étoffe de laine de chameau ou de chèvre, constitue la production textile la plus célèbre de l’île au Moyen Âge. Les nombreuses mentions de cette étoffe dans les inventaires sont rarement accompagnées d’une provenance.

23. Dehaisnes 1865, vol. 5, p. 170.24. Dugdale 1819, vol. 2, p. 7.25. Gunton 1686, p. 60. Sur le satin de Chypre, tissu appartenant à la catégorie des soieries :

Michel 1852, vol. 2, p. 219-227 ; Gay 1887-1928, vol. 2, p. 330 ; Hardouin-Fugier, Berthod, Chavent-Fusaro 1994, p. 342.

26. Rotuli Parliamentorum 1776-1777, vol. 4, p. 481.27. Wylie, Waugh 1914-1929, vol. 3, p. 19.28. Baildon 1915-1916, p. 165-166.29. Sterk 1980, p. 226.30. La composition exacte du fil d’or de Chypre n’est pas totalement élucidée. Sa réalisation

consistait à couper de fines lanières de baudruche (pellicule faite du gros intestin du bœuf ou du mouton) qu’on recouvrait d’une mince pellicule d’or et entortillait autour du fil d’âme de soie. Voir Jaro 1990, p. 4057, et Jaro, Gondar, Toth 1992, p. 123.

31. Vidier 1911, p. 71-91.32. Stratford 1993, p. 184-190 et 193.

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tissus conservés dans les trésors des cathédrales d’Auxerre, de Reims, Bourges, Saint-Brieuc et Saint-Denis sont également « de broderie dor de Chippre » 33.

L’or de Chypre ornemente également les vêtements des laïcs. On dispose de renseignements détaillés sur l’utilisation du fil d’or grâce à la série des comptes de l’argenterie du royaume de France. L’officier chargé des achats d’étoffes pour la chambre royale enregistre pour la deuxième moitié du xive siècle des quantités importantes de fils d’or, draps d’or, broches d’or et rubans d’or de Chypre, achetés auprès de marchands parisiens 34. Les autres cours européennes notamment celles de Bourgogne et d’Aragon succombent, elles aussi, aux attraits de l’or et de l’argent de Chypre 35. Cependant, il semble que les artisans chypriotes aient subi la concurrence d’ateliers italiens pour la production de fil d’or 36. Aussi faut-il se garder de reconnaître des produits chypriotes derrière toutes les mentions d’auri de cipro des inventaires.

33. Bonneau, Monceaux, Molard 1892, p. 51-59 ; Guimart 1849, p. 584-585 ; Montesquiou-Fezensac 1973, p. 13, 66, 160, 183-185, 189, 258, 269-270, 280 ; Girardot 1859, p. 17-30 et 47. La mitre de la collégiale d’Écouis, sans doute exécutée dans un atelier anglais au xive siècle, comporte plusieurs personnages brodés de fils de soie polychromes et de fils d’or de Chypre, voir Fig. 1.

34. Douët d’Arcq 1851, p. 109, 133, 139, 146, 158, 326, 393 ; Douët d’Arcq 1874, p. 25, 78, 146-147, 192-196, 206 ; Delisle 1874, p. 339, 423, 676.

35. Petit 1888, p. 529-530, 537, 548, 569 ; Rubió y Lluch 1908-1921, vol. 2, p. 39, 69-70 ; Martínez Ferrando 1953-1954, p. 4, 48, 86, 164, 167, 169, 208.

36. Les statuts des merciers édictés en 1407 par Charles VII confirment cette hypothèse. L’ordonnance règlemente la vente « à Paris (d’)or et argent filé fait à Gennes que l’on appelle or et argent de Chippre qui se vend en canettes » : Bonnardot, Lespinasse 1886-1897, vol. 2, p. 250. Sur

Figure 1. Mitre provenant de l’église d’Écouis, xive siècle, musée municipal d’Évreux(reproduit avec l’aimable autorisation du musée municipal d’Évreux).

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Les articles de parfumerie comme les oiselets en provenance de Chypre se rencontrent fréquemment dans les inventaires occidentaux. La mode des brûle-parfums destinés à agrémenter les appartements des résidences princières est apparue en Occident au xiie siècle 37. Ces objets d’art, dont les inventaires n’indiquent pas souvent la provenance, sont réalisés dans des ateliers d’orfèvres qui leur font épouser des formes diverses (coffrets, caisses, cagettes, encensoirs, chandeliers, lanternes) 38. À l’intérieur des brûle-parfums, on disposait des oiselets de Chypre, petites boules de tissus qui étaient crevées pour que le parfum s’exhale 39. Selon Camille Enlart, le terme « oiselet » fait référence aux plumes d’ortolans ou de rolliers, des oiseaux communs sur l’île, couvrant les boules de tissu 40. Ces articles apparaissent dans de nombreux inventaires comme ceux de Charles V, de Charles VI, de la reine Charlotte de Savoie, des ducs de Bourgogne, du duc de Berry, de Charles, comte d’Angoulême 41. Cependant, tous les oiselets des sources occidentales n’ont sans doute pas une origine orientale. La présence d’une recette « pour faire oyselets de Chypre » dans un manuscrit médical du xve siècle dit « manuscrit du Cogner », conservé aux Archives municipales du Mans, indique que la préparation de ce parfum s’était largement diffusée hors de l’île 42.

Le royaume de Chypre avait également acquis au Moyen Âge une grande réputation en matière de production de coffres et de coffrets. L’utilisation du bois de cyprès a pu engendrer des confusions chez les rédacteurs des inventaires, qui font un amalgame entre l’essence du bois des coffres et l’île de Chypre. Les inventaires des trésors des papes avignonnais mentionnent par exemple des coffres « de cypresso », alors que l’inventaire

la concurrence des ateliers génois, vénitiens et lucquois en matière de produits de luxe orientaux, voir Stabel 2011, p. 23-24.

37. En 1174, Frédéric Barberousse aurait reçu du roi Baudoin de Jérusalem des brûle-parfums en forme de pomme. Launert 1974, p. 30.

38. Ces objets d’orfèvrerie sont également produits à Chypre : Jean, duc de Berry (1401-1416), a reçu en cadeau de la reine de Chypre « une pomme faicte de must, garnie d’or, pendant à ung laz et au bout ung bouton de perles » : Guiffrey, 1894-1896, vol. 2, p. 133 ; un brûle-parfum sphérique, d’inspiration orientale, figure parmi les biens de la dernière reine de Chypre, Catherine Cornaro : Hunt 1989, p. 170.

39. Le Ducatiana de Le Duchat donne la définition suivante des oiselets de Chypre : « c’étaient de petites balottes de toutes grandeurs, remplies de parfums exquis et qu’on joignit ensemble avec de la gomme pour leur faire prendre la forme de certains petits oiseaux de la peau desquels on les composoit afin de la faire crever à propos. » : Le Duchat 1738, vol. 1, p. 39.

40. Enlart 1899, vol. 2, p. 701.41. Laborde 1852-1853, vol. 2, p. 424-425 ; Laborde 1849-1851, vol. 2, p. 70, 132, 134, 183 ;

Tuetey 1865, p. 17 et 19 ; Labarte 1879, p. 24, 260, 290-291 ; Gay 1887-1928, vol. 2, p. 169 ; Guiffrey, 1894-1896, vol. 1, p. 50-51, 85, 88, 91, 94, 96-98, 273, et vol. 2, p. 17, 42-43, 69, 143 ; Henwood 2004, p. 210, 216, 220-221.

42. Dufournier-Nyssens 2005, p. 283-284.

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des biens de Charlotte de Savoie identifie trois coffres « de Chippre » 43. À la fin du xixe siècle, le collectionneur Victor Gay possédait dans sa collection d’antiquités un coffret de cyprès garni d’une plaque d’étain, aujourd’hui conservée au musée de Cluny. Le décor de la plaque est composé de huit cercles ajourés sur deux rangés par quatre, chacun enfermant un animal chimérique. Une inscription sur le bord de la plaque atteste la provenance chypriote 44. D’autres coffrets présentant des décors similaires, conservés dans divers trésors d’églises occidentales, peuvent avoir été importés de Chypre 45.

La dinanderie et l’orfèvrerie comptaient parmi les fleurons de l’artisanat chypriote. Malheureusement, il ne reste que peu de pièces permettant d’admirer la dextérité des artisans qui travaillaient principalement dans les ateliers de la capitale 46. Les sources occidentales proposent un exemple d’importation chypriote : sept candélabres en cuivre commandés par l’abbé Hugues de Lohes pour le presbytère de l’abbaye d’Anchin, près de Douai 47.

43. Hoberg 1944, p. 372, 386, 446, 461, 515 ; Tuetey 1865, p. 19. Voir également les inventaires de la cour d’Aragon mentionnant des « coffres de xiprer » : Masso Torrents 1905, p. 472, 477, 564. L’ébénisterie chypriote est représentée dans l’inventaire de la cathédrale de Reims par « cinq hanaps de bois de Cypre au fond desquels sont des bossettes d’argent. Un autre hanap de Cypre sans bossette » : Tarbe 1843, p. 84.

44. Gay 1887-1928, vol. 1, p. 403-404 ; Ph. Trélat « Plaque de coffret », dans Durand, Giovannoni 2012, cat. n° 121, p. 273.

45. Reliquaire de l’église Saint-Pierre de Saint-Pé-d’Ardet (cant. Barbazan, arr. Saint-Gaudens, dép. Haute-Garonne), aujourd’hui dans le trésor de la cathédrale de Saint-Bertrand-de Comminges : J. Ruiz, dans Durand, Giovannoni 2012, cat. n° 123, p. 274-275 ; reliquaire de l’église Sant Jaume à La Guàrdia dels Prats (Montblanc, Conca de Barberà, Catalogne, Espagne), aujourd’hui au musée diocésain de Tarragone : Carme Farré i Sanpera 2004, p. 81-84 ; reliquaire de la cathédrale Santa-Maria à Gérone (Catalogne, Espagne) : inv. TCG 73; reliquaire du monastère Santa Maria de de San Esteban de Nogales (Leòn, Espagne), aujourd’hui au Museu Nacional d’Art de Catalunya : Europe gothique 1968, cat. 495 p. 315 ; reliquaire de la cathédrale Sainte-Marie de l’Assomption, Bressanone/Brixen (Bolzano, Trentin-Haut-Adige, Italie), aujourd’hui au musée diocésain de Bresanone : Ori e argenti 2003, cat. n° 11, p. 89 : ici Fig. 2 ; reliquaire de la cathédrale Saint-Servais de Maastricht (Limbourg, Pays-Bas) : Bock, Willemsen 1873, p. 169 ; voir d’autres coffrets présentant des décors similaires dans des musées allemands : Müller 1955, p. 136-139.

46. On connaît l’existence de deux candélabres en fer forgé du xive siècle dans l’église Saint-Nicolas à Famagouste : Enlart 1899, vol. 1, p. 297-298. La réputation de l’orfèvrerie et de la dinanderie chypriotes avait largement dépassé les frontières insulaires. Le chroniqueur Froissart rapporte qu’un drageoir en or d’une valeur de dix mille ducats a été réalisé dans les ateliers nicosiates pour être offert au sultan Bayezid après la défaite de Nicopolis en 1396 : Froissart 1867-1877, vol. 3, p. 294. L’ensemble formé par le bassin d’Hugues IV, le plateau orné d’inscriptions arabes aux armes des Lusignan et un petit bassin commandé par le roi chypriote a une provenance encore discutée. Réalisés par des dinandiers syriens ou égyptiens, ces objets d’art présentent des décors en partie complétés dans des ateliers chypriotes : S. Makariou, dans Durand, Giovannoni 2012, cat. n° 98 et n° 99 (avec bibliographie antérieure).

47. Bibliothèque Municipale de Douai, ms 821 (Historia Aquicinctini monasterii compendium de François Bar), xviiie siècle, fol. 146 à 283, en partie traduit sans citation de sources dans Escallier 1852, p. 231.

« france de chypre » : p. trélat, objets d’art et tissus précieux 463

La verrerie de fabrication chypriote est également peu documentée, mais des pièces isolées pouvaient figurer dans les intérieurs des élites occidentales. L’inventaire du marchand majorquin Jaume Vilanova, en 1361, comprend six carafes en verre (« brocal ») de Chypre 48.

La tradition de l’icône peinte sur bois, fortement ancrée à Chypre à l’époque de la domination latine, a conduit les marchands à s’intéresser à ces objets d’art produits dans les ateliers de Famagouste et de Nicosie 49. Une icône de la crucifixion appartient à la reine Charlotte de Savoie 50. Un « tableau » de Chypre était conservé dans le mobilier du château de Germolles (cant. Givry, arr. Châlon-sur-Saône, dép. Saône-et-Loire) que Marguerite de Flandre avait reçu de son époux Philippe le Hardi (1342-1404) 51. Deux icônes de la Vierge réalisées en Chypre figurent parmi les biens du majorquin Joan de Vallobar en 1506 52.

48. Duran i Duelt 2012, n° 22 p. 36. Victor Gay possédait un flacon chypriote en verre au col long et étroit dans sa collection personnelle : Gay 1887-1928, vol. 1, p. 202. Sur l’activité de la verrerie en Chypre : Y. Violaris, « Flacon », dans Durand, Giovannoni 2012, cat. n° 65 p. 175.

49. Sur l’évolution de la peinture d’icônes à Chypre sous la domination latine : Weyl Carr 2012, p. 276-283.

50. « Ung petit tableau de Chippre, ouquel a ung cruciffys Nostre-Dame et Sainct Jehan », Tuetey 1865, p. 19.

51. Picard 1912, p. 184.52. « Dos imatges de Nostra Dona, obra de Xipra », Duran y Duelt 2012, n° 19 p. 36. On relève

également à Majorque en 1507, dans l’inventaire de l’apothicaire Baptista Rutlan, deux fauteuils de barbier provenant de Chypre : « dues cadires de barber obra de Xipra ». Aucune indication ne permet de savoir s’il s’agissait de pièces ayant une valeur artistique : Inventaire de Baptista Rutlan, Archivos del Reino de Mallorca, Not. Nicolas Tomas, T. 497 cité par Bénézet 2006, p. 109.

Figure 2. Reliquaire provenant de la cathédrale Sainte-Marie de l’Assomption, xiiie siècle, musée diocésain de Bressanone (Ori et argenti 2003, cat. 11, p. 89).

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L’enquête dans les inventaires et les livres de compte occidentaux révèle donc la place éminente occupée par les articles de luxe en provenance de Chypre dans les intérieurs et les garde-robes des élites urbaines et rurales. Cette diffusion massive d’objets d’art et de tissus s’explique par la circulation plus intense des biens en Méditerranée et l’établissement à Chypre d’un secteur artisanal puissant, soutenu par les Lusignan.

Voies et modalités d’approvisionnementÀ partir de la fin du xiiie siècle, le royaume de Chypre connaît un formidable

développement commercial, stimulé par la politique économique conduite par les Lusignan et le repli de marchands occidentaux et syriens de Terre sainte sur l’île 53. Sous le règne d’Henri II, une série d’ordonnances visant à assurer une qualité de production et établir des règles de concurrence dans les secteurs du textile et de l’orfèvrerie sont promulguées 54. Elles fournissent un cadre réglementaire sûr à des métiers probablement organisés sur un modèle occidental 55. Les artisans du luxe de Nicosie et de Famagouste bénéficient en outre de la présence d’hommes d’affaires et de commerçants pisans, génois, vénitiens et catalans pour écouler leur production de luxe, notamment vers l’Europe 56. Les deux principaux centres économiques insulaires sont ainsi connectés aux grands circuits commerciaux qui drainent la Méditerranée. Les voyageurs témoignent du dynamisme de l’artisanat nicosiate et famagoustain. Au xve siècle, le pèlerin dominicain Félix Fabri du monastère d’Ulm décrit l’effervescence des rues de Nicosie, où se côtoient des marchands de toutes nationalités en quête de colorants et de parfums, sans doute destinés à alimenter les brûle-parfums que l’on retrouve dans les inventaires occidentaux 57.

Après les épices et le sucre, les tissus précieux sont les produits de luxe qui font l’objet du plus grand nombre d’opérations commerciales dans les minutiers des notaires italiens. Lamberto di Sambuceto, notaire génois, instrumentant à Famagouste de 1296 à 1310, enregistre plusieurs contrats indiquant la vente et le transport de camelot de Chypre vers Gènes et Marseille 58. En 1301 et 1307, des pièces de bougran, une toile souvent utilisée comme doublure ou tissu d’emballage des marchandises, sont envoyées

53. Sur l’évolution économique et commerciale de l’île sous la domination des Lusignan, voir principalement Jacoby 1995, p. 387-454, et Balard 2007. Sur la politique économique des Lusignan, voir Grivaud 2001, p. 361-368.

54. Beugnot 1841-1843, vol. 2, p. 357-363.55. Sur l’organisation des métiers à Nicosie : Trélat (sous presse).56. Sur la position de Chypre au cœur des réseaux maritimes : Otten-Froux 2007, p. 123-128.57. « De universo mundo sunt in hac urbe mercatores, fideles et infideles. Multae sunt ibi apothecae

et pretiosae, quia aromata cruda orientis huc deferuntur et arte pigmentariorum conficiuntur, sed et in ipsa insula crescunt pigmenta et fluunt aromata ; ideo apothecae illius civitatis sunt quasi origines, ex quibus in alias mundi apothecas fluunt pigmenta. » : Fabri 1843, vol. 3, p. 230. Voir également le témoignage de Santo Brasca en 1480 sur la production de camelot à Nicosie : Grivaud 1990, p. 103.

58. Actes de Famagouste 2012, n° 298 p. 317 ; Polonio 1982, n° 130 p. 144-145, n° 246 p. 291-292.

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à Ancône 59. Les manuels de commerce des marchands occidentaux confirment le transit des tissus précieux par le port de Famagouste. Francesco Pegolotti, agent de la compagnie florentine des Bardi à Famagouste de 1324 à 1329, énumère les différents tissus qui sont échangés sur l’île : les draps d’or, les bougrans et diverses étoffes de soie, les camocas, les samits, les naques et les maramanti 60. L’or et l’argent filé apparaissent également parmi les produits écoulés à Famagouste 61. L’exploitation partielle de la documentation économique montre que l’exportation des tissus précieux chypriotes constitue une part non négligeable de l’activité des marchands 62.

Les pièces d’orfèvrerie et autres objets d’art n’affleurent pas dans les contrats commerciaux enregistrés chez les notaires, mais il fait peu de doute que ces produits trouvent également leur place dans les cales des navires génois et vénitiens 63. En 1427, le marchand génois Antonio Grillo devait recevoir du roi Janus, contre la somme de 6.000 ducats en or, une croix, une couronne, un ours, une farconum (?) et une harpe, soit les regalia en or et ornés de nombreuses pierres précieuses 64. Si la transaction ne s’est pas réalisée, l’intention indique néanmoins la capacité des marchands génois à négocier des objets précieux sur les marchés occidentaux. La diffusion des produits de luxe chypriotes sur les foires de Champagne et dans les boutiques des grandes villes dépend donc, en premier lieu, de l’activité des hommes d’affaires italiens et catalans qui dominent le commerce entre Chypre et la Méditerranée occidentale.

L’enrichissement des trésors occidentaux en objets d’art chypriote s’explique également par le fonctionnement parallèle de réseaux non-marchands. De riches bienfaiteurs, pèlerins, marchands ou croisés, revenus d’un voyage à Chypre, ont voulu laisser un souvenir prestigieux de leur séjour au royaume des Lusignan à une abbaye ou à une église auxquelles ils étaient attachés. Cette tradition est inaugurée en 1191 par Richard Cœur de Lion qui, après la conquête de l’île, s’empare de l’étendard du vaincu, Isaac Comnène, et le remet à l’abbaye de Saint-Edmond (Suffolk) 65. Le chevalier Othon de Grandson est connu pour avoir gratifié la cathédrale de Lausanne d’un antependium représentant la Vierge portant le Christ, entourée des archanges Michel et Gabriel, selon un modèle byzantin, mais accompagnée d’écritures en latin. Le devant d’autel aurait été brodé sur commande du chevalier vaudois au cours de son séjour à Chypre après

59. Balard 1984, n° 173 p. 242-243 ; Pavoni 1982, n° 220 p. 262-264.60. Pegolotti 1936, p. 78-79. Voir également Borlandi 1936, p. 33 et 68-69.61. Pegolotti 1936, p. 78 ; Gual Camarena 1981, p. 129.62. D’autres références au commerce du camelot chypriote sont relevées dans l’étude de Jacoby

2012, p. 22-31.63. Rappelons que seul un sixième des contrats commerciaux enregistrés par Lamberto di

Sambuceto comprend la mention des marchandises vendues.64. Archivio di Stato di Genova, filza 627, notaio Nicolò Garumbeo, dans Balletto 1993, p. 32-33.65. Stubbs 1867, vol. 2, p. 164 ; Dugdale 1819, vol. 2, p. 104.

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la chute d’Acre en 1291, peut-être en remerciement d’avoir eu la vie sauve lors de cet événement 66.

L’installation dans le royaume de Chypre d’hommes d’Église venus d’Occident a contribué tout au long de la domination latine sur l’île à la promotion des arts somptuaires chypriotes dans la province d’origine de ces clercs. En 1250, Guy de Pressieu, un Forézien parti en croisade avec Guy V, comte de Forez, s’établit dans le royaume de Chypre avec le futur doyen de la cathédrale de Nicosie, Bernard d’Écotay. Guy envoie un reliquaire d’argent contenant un morceau de la vraie croix à la prieure de Saint-Thomas-la-Garde 67. De manière analogue, l’archevêque Jean del Conte, arrivé en Chypre en 1319, envoie un antependium à la cathédrale de Pise, où il avait été titulaire du siège archiépiscopal de 1299 à 1312 68. Commandé par l’archevêque de Nicosie, ce panneau, mêlant les traditions iconographiques byzantine et gothique, illustre les connections dont disposent certains établissements ecclésiastiques occidentaux pour se procurer des tissus exotiques.

Les pèlerins jouent également le rôle d’intermédiaires pour la circulation d’objets précieux de Chypre vers l’Occident. Nompar de Caumont, offrant des oiselets et des coffrets réalisés dans l’île à sa femme et aux seigneurs de sa région, n’est certainement pas un exemple isolé 69. Nombreux sont les voyageurs à revenir de Chypre les bras chargés de présents de toutes sortes, même s’ils ne prennent pas tous la peine de garder une trace écrite de ces achats 70.

Les alliances matrimoniales contractées par les Lusignan avec les différentes cours princières d’Europe occidentale contribuent également à la diffusion du savoir-faire de l’artisanat chypriote. Les préparatifs d’un mariage royal nécessitent l’établissement de solides relations diplomatiques et des échanges de cadeaux de valeur. Ces alliances permettent donc la circulation d’objets d’art et parfois d’artisans qualifiés entre les différentes cours princières. Le mariage entre Louis de Savoie et Anne de Lusignan en 1432 a contribué à la diffusion du goût pour Chypre et à la consommation de produits en provenance de l’île. Les oiselets et coffres de Chypre apparaissent à plusieurs reprises dans l’inventaire des biens de Charlotte de Savoie, la fille d’Anne 71. La chapelle des ducs de Savoie renferme un reliquaire d’argent doré contenant les reliques de saint Benoît et

66. Campagnolo et al. 2006, n° 182 et p. 153-154 ; Durand, Martiniani-Reber 2012, p. 268-270. Voir également la soierie conservée dans le trésor de la cathédrale Saint-Jean à Lyon, dont l’attribution à un atelier chypriote a été proposée récemment : Martiniani-Reber, dans Durand, Giovannoni 2012, cat. n° 120, p. 272.

67. Gras 1873, p. 63.68. Sur l’archevêque Giovanni del Conte et son antependium : Bacci 2000, p. 343-386 ; Durand,

Martiniani-Reber 2012, p. 270-271.69. Nompar de Caumont 1858, p. 139.70. Parmi les cadeaux que peuvent escompter les pèlerins de passage à la cour des Lusignan

figurent les insignes de l’Ordre de l’Épée, du camelot, des manuscrits, divers animaux de chasse et des vivres : Cobham 1909, p. 34 ; Grivaud 1990, p. 47-48, 65, 129 ; Scalamonti 1996, p. 55 et 123.

71. Tuetey 1865, p. 17 et 19.

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de saint Jean de Monfort, ce dernier vénéré à Nicosie depuis le milieu du xiiie siècle 72. L’arrivée d’Éléonore d’Aragon à Chypre, en 1353, pour épouser Pierre Ier fournit un autre exemple de diffusion de produits de luxe. La reine chypriote fait parvenir à Éléonore de Sicile, l’épouse de Pierre le Cérémonieux, des tissus, divers parfums, de l’eau de rose, du bois d’aloès, du musc, de la civette, peut-être destinés à alimenter des brûle-parfums 73.

La diffusion des produits de luxe chypriotes par les Lusignan a des fins politiques et idéologiques évidentes, mais elle sert également les intérêts des artisans des deux principaux centres urbains insulaires. Les séjours de Pierre Ier dans les différentes capitales européennes entre 1362 et 1365, pour mobiliser les rois et princes de la chrétienté à son projet de croisade, s’inscrivent parfaitement dans cette stratégie offensive de promotion du luxe chypriote 74. De grandes réceptions ponctuent le voyage de Pierre Ier qui fait acte de générosité avec ses hôtes en leur offrant différents objets d’art de fabrication chypriote. Lors de son passage à Boulogne-sur-Mer en 1364, le roi chypriote aurait laissé une relique de la Vraie Croix placée dans un reliquaire par Wallerand le Mire, abbé de Notre-Dame 75. En Bretagne, Pierre Ier fait don au trésor de la cathédrale de Tréguier d’un cavalier en argent émaillé portant les armes du royaume de Chypre 76. Les registres d’Urbain V évoquent la lanterne d’argent que reçoit le pape des mains du roi. L’objet précieux rejoint le trésor de l’abbaye Saint-Victor de Marseille d’où était originaire Urbain V 77. Lors de son second voyage en Europe en 1368, le roi chypriote offre une lance et son manteau royal sur lequel ont été brodés son portrait et celui de son fils aux dominicains de Santa Maria Novella, à Florence 78.

En multipliant ces gestes de générosité, Pierre Ier participe à la diffusion de la mode de l’opus ciprense qui rencontre un écho jusque dans la littérature occidentale de la fin du Moyen-Âge. Ainsi, Eustache Deschamps relève dans sa Ballade pour les nouveaulx mariez et de leur mesnage le « Chypre or fin » comme indispensable au trousseau d’un jeune couple au même titre que l’aiguille, la pelote ou la soie 79. Symbole du luxe et par là même d’excès, l’or de Chypre orne les tapisseries d’une chambre à coucher d’une épouse

72. Fabre 1875, p. 71-72.73. Ferrer i Mallol 2004, p. 313.74. Lors de ses deux voyages en Europe, d’octobre 1362 à novembre 1365 et de janvier à octobre

1368, Pierre Ier traverse de nombreuses régions et fait étape dans plusieurs grandes villes telles que Venise, Gênes, Avignon, Bâle, Strasbourg, Mayence, Cologne, Paris, Rouen, Caen, Calais, Londres, Bruges, Erfurt, Prague, Cracovie, Vienne pour son premier voyage ; Naples, Rome, Sienne, Pise, Florence, Lucques, Bologne, Venise pour le second voyage : Iorga 1896, p. 144-201 et 370-381.

75. Le Roy 1681, p. 75.76. Tempier 1885-1886, p. 20-21.77. Archives Secrètes du Vatican, registre 298, fol. 104, cité par Müntz 1899, p. 400.78. Mas Latrie 1852-1861, vol. 2, p. 313.79. Raynaud 1878-1903, vol. 8, p. 138.

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de marchand dans le Livre des Trois Vertus de Christine de Pisan 80. Cette progressive banalisation d’un produit synonyme de rareté et de raffinement un siècle plus tôt témoigne peut-être de l’émergence de nouveaux centres de production occidentaux, concurrents des ateliers chypriotes.

Le succès de la diffusion des articles de luxe chypriotes en Occident aux xive-xve siècles repose sur la conjonction de plusieurs facteurs. Il s’inscrit tout d’abord dans un contexte plus général du développement d’un « goût pour l’Orient », identifié par Peter Stabel, chez les élites européennes 81. La qualité et la variété des articles produits à Chypre dans les différents secteurs du luxe (orfèvrerie, dinanderie, ébénisterie, parfumerie) correspondent au désir d’exotisme des consommateurs. L’artisanat chypriote, proche dans son organisation des métiers occidentaux et soutenu par les Lusignan, a réussi à produire des objets d’art et des tissus mêlant influences gothiques et orientales, attractifs aux yeux d’une clientèle occidentale. Les mentions dans les inventaires et livres de compte des hôtels princiers et des églises, ainsi que les rares pièces conservées dans les musées, sont les ultimes témoignages de cette histoire connectée à l’échelle méditerranéenne.

GRHIS, Université de Rouen, Normandie Université

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