La différenciation sociale des enfants

13
LA DIFFÉRENCIATION SOCIALE DES ENFANTS Wilfried Lignier et al. De Boeck Supérieur | Politix 2012/3 - n° 99 pages 9 à 21 ISSN 0295-2319 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-politix-2012-3-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Lignier Wilfriedet al., « La différenciation sociale des enfants », Politix, 2012/3 n° 99, p. 9-21. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Biblio SHS - - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - Biblio SHS - - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © De Boeck Supérieur

Transcript of La différenciation sociale des enfants

LA DIFFÉRENCIATION SOCIALE DES ENFANTS Wilfried Lignier et al. De Boeck Supérieur | Politix 2012/3 - n° 99pages 9 à 21

ISSN 0295-2319

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-politix-2012-3-page-9.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Lignier Wilfriedet al., « La différenciation sociale des enfants »,

Politix, 2012/3 n° 99, p. 9-21.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

Dossier

Différencier les enfants

Coordonné par Wilfried Lignier, Cédric Lomba et Nicolas Renahy

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

Volume 25 - n° 99/2012, p. 11-21 DOI: 10.3917/pox.099.0000

La différenciation sociale des enfants

Wilfried Lignier, Cédric Lomba et Nicolas Renahy

Résumé – Les sciences sociales ne constituent pas des sciences « habituelles » de l’enfance, par compa-raison avec les sciences cliniques et médicales en particulier. Pourtant, elles peuvent apporter beaucoup à la compréhension du jeune âge, autour des notions d’historicisation de l’enfance, de socialisation pri-maire ou encore de différenciation sociale des enfants. Cette dernière entrée est ici privilégiée, sachant qu’elle a l’avantage de ne pas exclure les deux autres – on parlera ainsi d’historicisation et de socialisa-tion différenciées. Nous insistons sur trois manières distinctes d’aborder la différenciation des enfants : par la différenciation « concrète » des enfances, par l’identification différentielle des enfants, par les perceptions enfantines des différences sociales. Nous évoquons par ailleurs les enjeux méthodologiques inhérents à l’étude de ces enquêtés particuliers que sont les enfants.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

12 La différenciation sociale des enfants

Enfance et sciences sociales

Puisque « le point de vue crée l’objet », on ne devrait jamais décréter a priori que tel ou tel aspect du monde qui nous entoure échappe, en lui-même, au regard des sciences sociales. Toutefois, on rencontre de facto une division du tra-vail intellectuel qui veut que certains objets, « préconstruits » en société, parais-sent relever naturellement de certaines disciplines. De ce point de vue, c’est peu dire que l’étude de l’enfance n’appartient pas aux sciences sociales. Lorsqu’il s’agit de parler publiquement, et légitimement, des enfants, lorsqu’il s’agit d’ex-pliquer comment les enfants grandissent, pourquoi ils pensent comme ils pen-sent, ou encore ce qui les pousse à agir, on attend bien moins les politistes, les sociologues, les historiens ou les anthropologues que les divers « psy », les cher-cheurs en sciences cliniques, cognitives ou biologiques – ces sciences qui sont, sans aucun doute, les sciences habituelles de l’enfance.

Les sciences sociales n’auraient-elles rien à dire sur l’enfance et les enfants ? Elles n’ont en tout cas pas tout à fait rien dit. D’abord, l’historicisation de la notion même d’enfance (le degré de spécification sociale des individus les plus jeunes), et au-delà du « sentiment de l’enfance » (le rapport effectif des parents à leur progéniture, l’idée d’une fragilité des enfants, etc.), va dans le sens d’une conception moins essentielle que celle qui fait de la situation enfantine un produit immédiat du degré de maturité affective ou biologique. Cette histori-cisation a été initiée en France par l’étude pionnière de Philippe Ariès 1, et pro-longée, ailleurs, à la fois par des recherches d’historiens comme Lloyd DeMause, Edward Shorter ou Lawrence Stone 2, mais aussi, d’une certaine façon, par des travaux sociohistoriques plus spécifiques, comme celui de Viviana Zelizer 3. Bien qu’aujourd’hui pris dans diverses controverses – l’idée de Ph. Ariès selon laquelle, en Europe, les enfants n’auraient cessé d’être vus comme des adultes miniatures qu’à l’époque moderne est battue en brèche par l’historiographie contemporaine 4 – cette tradition d’étude historique de l’enfance reste vive. Elle a surtout légué, par-delà les débats chronologiques ou méthodologiques, une idée forte : les manières de voir les enfants, ou du moins les normes les concer-nant, sont susceptibles de connaître des variations spectaculaires, qui tiennent notamment aux configurations institutionnelles dans lesquelles les enfants sont historiquement pris (la scolarisation ayant par exemple un effet manifeste de

1. Ariès (P.), L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Plon, 1960.2. DeMause (L.), The History of Childhood, London, Aronson, 1974 ; Shorter (E.), Naissance de la famille moderne, Paris, Seuil, 1981 [1975] ; Stone (L.), The Family, Sex, and Marriage in England 1500-1800, Harmondsworth, Penguin, 1977.3. V. Zelizer s’intéresse à l’évolution au début du XXe siècle des conceptions de l’enfance aux États-Unis, à partir d’un matériau très particulier, les assurances-vie pour enfants. Cf. Zelizer (V.), Pricing the Priceless Child: The Changing Social Value of Children, New York, Basic Books, 1985.4. Cf., pour une vue d’ensemble, Heywood (C.), A History of Childhood: Children and Childhood in the West from Medieval to Modern Times, Cambridge, Polity, 2001 ; Becchi (E.), Julia (D.), dir., Histoire de l’enfance en Occident, Paris, Seuil, 1998.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

Wilfried Lignier, Cédric Lomba et Nicolas Renahy 13

99

singularisation suivant l’âge 5). La prise en compte des réalités institutionnelles n’étant pas au cœur, loin de là, des approches habituelles de l’enfance, ce type de constat invite en lui-même à faire une place aux sciences sociales de l’enfance.

Sous l’impulsion en particulier de la sociologie, les sciences sociales sont par ailleurs également porteuses d’une compréhension théorique spécifique du jeune âge, autour de la notion de « socialisation ». Les premières années de l’exis-tence ont été définies, par des sociologues aussi différents qu’Émile Durkheim, George H. Mead, Talcott Parsons ou encore Peter Berger et Thomas Luckmann, comme la période par excellence de l’acquisition, plus ou moins consciente, plus ou moins passive, des diverses manières d’être, de faire et de penser qui permet-tent progressivement d’exister, d’agir et d’être perçu comme un membre à part entière d’une société donnée 6. Avec cette idée de socialisation, dite « primaire » au double sens de première et de primordiale 7, le geste sociologique a au fond consisté à renverser la perspective souvent adoptée d’un point de vue plus clini-que : non plus tant se demander comment un enfant devient adulte (comment il se « développe »), mais plutôt s’interroger sur la genèse, souvent précoce, de pro-priétés présentées par des personnalités sociales achevées – qu’il s’agisse de leurs « techniques du corps », de leurs comportements typiques ou encore de leurs schémas de pensée ordinaires. En France, cette tradition s’est avérée entretenue du fait de l’importance prise, à partir des années 1960, par la sociologie de Pierre Bourdieu. Si P. Bourdieu n’utilise en réalité que rarement la notion proprement dite de socialisation, la place conférée dans sa théorie de la pratique à des idées comme celles de formation de l’habitus, d’incorporation pratique, d’acquisition précoce de schèmes durables d’action et de pensée confère un poids théorique décisif aux premières années de l’existence 8. Il faut remarquer, toutefois, que l’importance de l’enfance du point de vue de la théorie de la pratique n’a pas vraiment donné lieu, ni chez P. Bourdieu lui-même ni chez les sociologues se réclamant de sa sociologie, à des études empiriques de l’enfance 9.

5. À ce sujet, cf. Chamboredon (J.-C.), Prévot (J.), « Le “métier d’enfant” : définition sociale de la prime enfance et fonctions différentielles de l’école maternelle », Revue française de sociologie, 14, 1973 ; Chamboredon (J.-C.) « Classes scolaires, classes d’âge, classes sociales. Les fonctions de scansion temporelle du système de formation », Enquête. Cahiers du CERCOM, 6, 1991.6. Pour une vue générale des approches sociologiques de la socialisation, cf. Darmon (M.), La socialisa-tion, Nathan, 2006 ; pour un bref aperçu de la compréhension anglo-saxonne de la notion – qui mobilise davantage les travaux psychologiques de Freud, Piaget ou Erikson, cf. Vigiliant (L.), Williamson (J.), « The Sociology of Socialization », in Bryant (C.), Peck (D.), eds, 21st Century Sociology. A Reference Handbook, Thousand Oaks, Sage, 2007.7. Berger (P.), Luckmann (T.), La construction sociale de la réalité, Paris, Armand Colin, 2006 [1re éd. 1966].8. Bourdieu (P.), Esquisse d’une théorie de la pratique, Genève, Droz, 1972 ; Bourdieu (P.), Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980. B. Lahire, dans la mesure où il préserve l’idée fondatrice suivant laquelle l’acquisition des dispositions des adultes se joue pour une grande part dans l’enfance, prolonge à sa façon cette tradition qui fait de la socialisation primaire la pierre de touche de la théorie sociologique de l’action (Lahire (B.), Monde pluriel. Penser l’unité des sciences sociales, Paris, Seuil, 2012).9. L’enquête ethnographique d’Annette Lareau sur la stratification sociale des modèles éducatifs, qui s’ins-pire explicitement de la sociologie de P. Bourdieu (bien qu’elle soit menée sur des terrains et dans un cadre

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

14 La différenciation sociale des enfants

Paradoxalement, les principales enquêtes sociologiques qui sont apparues ces dernières années en France – sous la bannière d’une « sociologie de l’enfance » prolongeant les childhood studies anglo-saxonnes 10 – entendent plutôt rompre avec la compréhension théorique de l’enfance véhiculée par la notion de socia-lisation : selon leurs auteurs 11, les sociologues auraient tort de rechercher avant tout dans l’enfance la genèse des propriétés adultes, mais devraient au contraire étudier l’enfance pour elle-même, en tant que réalité relativement autonome, marquée par une culture propre (la « culture enfantine », la « culture de pairs ») et par une action propre (l’agency des enfants, que négligeraient les approches en termes de socialisation, plus focalisées sur ce qu’on fait des enfants, et pas suffisamment sur ce que, eux, font). C’est dans cet esprit qu’a travaillé Julie Delalande, pour son étude des pratiques enfantines en cour de récréation, qui constitue une sorte de modèle d’enquête pour la sociologie de l’enfance franco-phone 12. De leur côté, toujours en se limitant au cas de la France, les branches plus classiques de la sociologie que sont la sociologie de l’éducation et la socio-logie de la famille s’intéressent de fait peu aux enfants comme êtres sociaux en devenir – la première parce qu’elle est essentiellement centrée sur l’ensei-gnement secondaire (donc sur des adolescents) et sur les seuls apprentissages scolaires (plutôt que sur la socialisation en général), la seconde parce qu’elle est largement centrée sur le couple. Au final, la socialisation, comme compréhen-sion théorique spécifique de l’enfance (disponible pour une mise à l’épreuve empirique), semble à la limite intéresser aujourd’hui davantage des secteurs des sciences sociales a priori moins immédiatement portés sur l’enfance. Pour s’en tenir à l’un d’entre eux, on peut signaler qu’en science politique la notion de socialisation paraît conserver une véritable importance théorique, en tant que mode d’explication des choix électoraux, des pratiques militantes ou encore du rapport aux institutions politiques 13 – et ce quand bien même les études menées par des politistes français auprès des enfants eux-mêmes restent rares et peu renouvelées depuis les travaux d’Annick Percheron 14.

intellectuel américains), constitue une exception (Lareau (A.), Unequal Childhoods: Class, Race and Family Life, Berkeley, University of California Press, 2003).10. Cf. l’ouvrage fondateur de James (A.), Prout (A.), eds, Constructing and Reconstructing Childhood, London, Falmer Press, 1990 ; pour une vue d’ensemble en français, cf. Montandon (C.), « La sociologie de l’enfance : l’essor des travaux en langue anglaise », Éducation et sociétés, 2, 1998.11. Cf. Sirota (R.), dir., Éléments pour une sociologie de l’enfance, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.12. Delalande (J.), La cour de récréation. Contribution à une anthropologie de l’enfance, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001.13. Cf. le dossier « Dimensions de la socialisation politique », Revue française de science politique, 2, 2002.14. Cf. Percheron (A.), L’univers politique des enfants, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques-Armand Colin, 1974 ; Percheron (A.), La socialisation politique, Paris, Armand Colin, 1993. Pour une présentation des travaux états-uniens, notamment d’inspiration behavioriste, cf. Joignant (A.), « La socialisation politique. Stratégies d’analyse, enjeux théoriques et nouveaux agendas de recherche », Revue française de science politique, 5, 1997.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

Wilfried Lignier, Cédric Lomba et Nicolas Renahy 15

99

Sciences sociales et enfances

Mais si les sciences sociales ont quelque chose de particulier à dire sur l’en-fance, c’est sans doute dans un registre finalement plus simple, plus trivial que ceux que l’on vient d’évoquer : celui de la différenciation sociale de l’enfance. La recherche de modèles généraux concernant le développement physiologi-que, affectif, cognitif dans l’enfance implique en effet souvent, y compris dans le détail des méthodes utilisées (le choix des sujets d’enquête ou d’expérience), une négation ou une minimisation des différences pourtant patentes entre les enfants, notamment si on les considère au prisme des variables classiquement mises en exergue par les sciences sociales : le genre, l’origine sociale, culturelle, nationale, résidentielle, etc. Implicitement ou explicitement, les variations obser-vées entre enfants sont typiquement inscrites par les sciences habituelles de l’en-fance dans l’étroit carcan du « normal » et du « pathologique », qui correspond à une réduction théorique tout à fait discutable de l’espace des lignes de variations (puisque l’on considère que différer signifie forcément dévier), et qui paraît du reste empreint de fortes connotations morales (puisqu’en général, il vaut mieux être un enfant normal…) 15. À rebours de cette perspective, les sciences sociales soulèvent des questions qui touchent à la fois aux principes et aux techniques d’étude de l’enfance : est-il légitime de partir de l’idée que les enfants se déve-loppent tous de la même façon, moyennant seulement quelques déviations – ou faut-il d’emblée chercher à rendre compte de la variation des manières d’être enfant, et de faire avec les enfants ? À quoi tiennent au juste les différences obser-vées ? Que doivent-elles aux conditions immédiates d’existence, aux lieux où les enfants vivent, aux personnes avec lesquelles ils interagissent au quotidien, etc. ? Que doivent-elles, au-delà, à des opérations symboliques, ponctuelles, qui se font à distance des enfants, en particulier des opérations institutionnelles, adminis-tratives, politiques ? Dans quelle mesure les différences entre enfants sont-elles sensibles pour les premiers concernés – enfants, parents, éducateurs divers – et partant, virtuellement prises en compte dans leur action ? Les enfants cherchent-ils eux-mêmes à se différencier ? La différenciation sociale des enfants est-elle homologue à celle des adultes, ou se présente-t-elle de manière singulière ?

C’est cette entrée par la différenciation sociale des enfants que nous avons retenue dans ce dossier. Elle est d’autant plus intéressante qu’elle permet en réa-lité d’intégrer, voire d’affiner les autres entrées évoquées – dans le sens, respec-tivement, d’une historicisation différentielle de l’enfance (à rebours de l’idée, sans doute trop générale, que chaque époque a « son » enfance) et d’une conception

15. Canguilhem (G.), Le normal et le pathologique, Paris, Presses universitaires de France, 1966. Le travail de Luc Boltanski sur la puériculture a montré tout ce que la mise en avant des manières « normales » de pratiquer l’enfance (en tant que parents et en tant qu’enfant) devait à une logique de normalisation, c’est-à-dire d’imposition de normes inséparablement morales et techniques par des personnes et des groupes sociaux socialement, symboliquement, dominants. Cf. Boltanski (L.), Prime éducation et morale de classe, Paris-La Haye, Mouton, 1969.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

16 La différenciation sociale des enfants

variationniste 16 des processus de socialisation enfantine (c’est-à-dire concevant qu’il ne s’agit pas tant de montrer comment on devient membre d’une société « en général », mais plutôt comment on en vient à y occuper une position distinc-tive, en termes de classe sociale, de genre, d’orientation sexuelle, etc.). L’accent est ici mis davantage sur la différenciation des enfants suivant leur milieu social d’appartenance. En tant que telle, l’idée de « différenciation sociale des enfants » n’a toutefois pas vocation à privilégier la différenciation suivant la classe sociale. Le choix de documenter plus particulièrement cette dernière tient au fait qu’elle paraît plus ignorée que d’autres, non seulement de la littérature habituelle sur l’enfance, mais aussi des travaux de sciences sociales récents sur l’enfance, par contraste notamment avec des travaux qui ont plus souvent mis en évidence la différenciation genrée des enfants 17. Karin A. Martin a par exemple observé dans cinq classes de maternelle des distinctions opérées par les enseignants, qui s’adressent au groupe en général lorsqu’il s’agit de réprimander le comporte-ment d’un garçon, et à la personne lorsqu’il s’agit d’une fille 18. Si d’autres types de différenciation sont également peu analysés, comme celles d’ordre ethnique 19, ce dossier prend le parti d’une certaine accentuation de la question des classes sociales, ce qui n’interdit pas, bien au contraire, de pointer et d’analyser dans les articles des effets de différenciation sociale imbriqués dans d’autres logiques.

De manière générale, penser la différenciation sociale des enfants passe for-cément par l’établissement d’un certain nombre de constats concernant les différences en question : par exemple, des constats statistiques attestant de la diversité de la vie culturelle en fonction de variables socio-démographiques 20. Mais, ce dossier voudrait, au-delà, contribuer à l’analyse d’un processus global (la différenciation dans son ensemble, qui amène à la dissemblance des enfants), et pas seulement à la description de chacun de ses résultats particuliers (les dif-férences, considérées à chaque fois dans leur registre propre). Les articles qui suivent touchent à au moins trois grands registres de différenciation sociale des enfants : la différenciation concrète, l’identification différentielle et la différen-ciation perçue.

16. Nous utilisons le terme « variationniste » pour marquer la parenté (et sans doute la complémentarité ?) de cette conception de la socialisation avec celle défendue par la linguistique variationniste. Ce courant de la linguistique entend en effet s’éloigner d’une vision unifiée de la langue, pour s’intéresser aux causes et aux conséquences des variations langagières, d’une culture à l’autre, d’un moment historique à l’autre, etc. Voir sur ce point Laks (B.), « La linguistique variationniste comme méthode », Langage, 108, 1992.17. Court (M.), Corps de filles, corps de garçon : une construction sociale, Paris, La Dispute, 2010 ; « Les objets de l’enfance », Cahiers du genre, 49, 2010 ; Octobre (S.), « Le genre, la culture et l’enfance », Réseaux, 4, 2011.18. Martin (K. A.), « Becoming a Gendered Body: Practices of Preschools », American Sociological Review, 4, 1998.19. Cf. Van Ausdale (D.), Feagin (J. R.), « Using Racial and Ethnics Concepts: The Critical Case of Very Young People », Amercian Sociological Review, 61, 1996.20. Octobre (S.), Détrez (C.), Mercklé (P.), Berthomier (N.), L’enfance des loisirs. Trajectoires communes et parcours individuels de la fin de l’enfance à la grande adolescence, Paris, La Documentation française, 2010.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

Wilfried Lignier, Cédric Lomba et Nicolas Renahy 17

99

La différenciation « concrète » des enfants

Un premier registre de différenciation recouvre un processus que l’on peut qualifier de « concret » : il s’agit de pointer des manières variées de grandir, en fonction des zones de l’espace social où les enfants naissent, et en fonction de propriétés plus individualisées – comme le sexe ou le rang dans la fratrie. S’inté-resser à la différenciation sociale des enfants, c’est alors observer les conditions d’existence qui les amènent à se singulariser. En fonction des configurations familiales dans lesquelles ils grandissent, les enfants pratiquent des activités spécifiques, comme le montrent Christine Mennesson et Samuel Julhe à partir des stratégies éducatives (artistiques versus sportives) des classes supérieures (intellectuelles versus économiques). Ils développent certains goûts indivi-duels, par exemple une prédilection pour un plat typique du pays d’origine des parents ainsi que le souligne Christine Tichit, ou encore, de façon plus abstraite mais néanmoins objectivable, un certain rapport à soi (comme se sentir ou non autorisé, en tant qu’enfant, à prendre la parole face à un public).

Il s’agit de préciser autant que possible la nature exacte du processus de diffé-renciation à l’œuvre, plutôt que de s’en tenir à l’idée vague que la fréquentation d’un milieu donné implique un apprentissage donné. Ce sont les modes exacts de transmission (du « milieu » vers l’enfant) qui doivent en particulier être analysés en évaluant le poids des logiques de distinction et de domination dans l’éducation des enfants, en mesurant l’importance des négociations potentiel-les entre enfants et parents dans le choix ou la poursuite d’une activité, ou en s’interrogeant sur le rôle des interactions langagières dans lesquelles les enfants sont pris au quotidien avec leurs parents – comme le font de manière très pré-cise les psychologues culturelles Peggy J. Miller, Grace E. Cho, et Jeana R. Bracey lorsqu’elles distinguent des manières différenciées de clore les controverses enfants/parents dans les familles de classes supérieures et dans les familles de classes populaires.

Des identifications différenciées

Les différences entre enfants n’émergent pas seulement au fil de la divergence concrète des manières de faire avec les enfants, ou des manières de faire des enfants eux-mêmes. Elles sont aussi une affaire de définition, de classement, bref d’identification distinctive des divers enfants ou groupes d’enfants. La reconnaissance publique des différences entre enfants a des effets potentiels sur leur vie quotidienne. L’effet différenciateur des logiques d’identification des enfants se donne en particulier à voir lorsqu’on se tourne vers des identifica-tions d’ordre institutionnel, au sens étroit du terme. Camille Salgues analyse la scolarisation d’enfants de migrants chinois d’origine rurale à Shanghai dans un contexte de ségrégation très marquée qui les amène à fréquenter des écoles privées de piètre qualité. Croisant observation du milieu scolaire et des familles, il souligne que le « fait scolaire » a des effets jusque dans l’espace domestique

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

18 La différenciation sociale des enfants

malgré le contexte précaire d’une scolarisation massive, malgré l’engagement minimal des enseignants auprès des élèves, et malgré les effets très improba-bles de l’école sur une ascension sociale espérée. Lorsque des institutions liées à l’État (et donc porteuses d’une forte légitimité), comme l’école, l’institution psycho-médicale ou l’institution judiciaire, distinguent les enfants en fonction de leurs compétences culturelles (niveau scolaire) ou de leur dangerosité, cela a des effets potentiels sur leur vie quotidienne, et donc sur leur avenir. Laurent Fourchard retrace ainsi l’histoire (des années 1930 aux années 1970) des poli-tiques publiques d’encadrement de l’enfance en Afrique du Sud qui, de facto, racialisent progressivement la qualification du mineur délinquant comme « dangereux » ou « en danger » – autrement dit, comme enfant à punir ou enfant à protéger. Les pouvoirs publics ne sont pas isolés dans ces processus de catégorisation, ils suivent parfois des mobilisations de professionnels, d’entre-prises privées et d’usagers/clients qui les pressent à intervenir sur des catégories spécifiques comme celles des enfants surdoués, hyperactifs, ou encore maltrai-tés 21. Ces processus d’identification différentielle ne laissent certes pas sans res-sources les acteurs concernés, les enfants et leurs porte-parole présentés comme légitimes (les parents). Stanislas Morel précise, s’agissant de l’encadrement des enfants en échec scolaire, que les identifications expertes (par des profession-nels scolaires, médicaux, « psy », etc.) ne se recouvrent que très partiellement, offrant dès lors des possibilités d’intervention aux parents des enfants concer-nés. Décisives dans la manière qu’elles ont d’informer les conditions spécifiques de socialisation des enfants, les logiques d’identification doivent quoi qu’il en soit être prises en compte dans l’examen général du processus de différencia-tion de l’enfance – qu’on ne saurait réduire à un processus se jouant unique-ment dans l’interaction directe avec les enfants.

Prendre en compte les perceptions enfantines des différences

Pour penser au mieux la différenciation sociale des enfants, il convient enfin de donner sa place à l’analyse des perceptions enfantines des différences entre enfants. S’ils sont objectivement différents les uns des autres, s’ils font par ailleurs l’objet d’identifications variées, dans quelle mesure les enfants sont-ils de surcroît eux-mêmes sensibles à ce qui les distingue ? Ce type de question peut paraître subsidiaire, mais tel n’est pas le cas pour autant que, attentif aux critiques des versions trop « passives » de la socialisation, on prend acte du fait que les trajectoires enfantines se font pour partie au gré de leur engagement « en première personne » dans le processus de leur propre singularisation. Dans

21. Lignier (W.), La petite noblesse de l’intelligence. Une sociologie des enfants surdoués, Paris, La Décou-verte, 2012 ; Conrad (P.), Potter (D.), « From Hyperactive Children to ADHD Adults: Observations on the Expansion of Medical Categories », Social Problems, 4, 2000 ; Noiriel (G.), « De l’enfance maltraitée à la maltraitance. Un nouvel enjeu pour la recherche historique », Genèses, 60, 2005.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

Wilfried Lignier, Cédric Lomba et Nicolas Renahy 19

99

cette perspective, la différenciation sociale des enfants n’est plus un processus fatalement transcendant pour les enfants (même s’il peut l’être, bien entendu) : cette différenciation peut à la limite être voulue par les enfants eux-mêmes, lorsqu’ils cherchent activement à différer d’autres enfants (à ne pas les fréquen-ter, à ne pas faire comme eux, etc.). Cette perspective oblige à déplacer le regard, en étudiant non plus seulement les adultes entourant les enfants mais les enfants eux-mêmes. Se pose dès lors la question des modalités d’observation, de recueil de donnés avec des enquêtés très jeunes 22. Les entretiens prolongés et les ques-tionnaires sont évidemment difficiles à mettre en œuvre avec des enfants. On peut dépasser cet obstacle en privilégiant, comme l’a fait A. Percheron à la fin de sa carrière, les « histoires de familles » plutôt que les grandes enquêtes qua-litatives 23. Sans étudier spécifiquement les perceptions, c’est dans un registre relativement comparable que P. Miller (et al.) récoltent les discours des mères et de leurs enfants ensemble, ou que Ch. Mennesson et S. Juhle interrogent les pratiques sportives et artistiques.

Mais afin d’enquêter les enfants eux-mêmes, et de les observer en situation, des dispositifs spécifiques, notamment d’ordre expérimental, peuvent se révéler intéressants. Ch. Tichit enquête ainsi en faisant participer les enfants à l’analyse de leurs pratiques alimentaires. D’autres recourent à des procédures plus expé-rimentales encore, se plaçant dans le sillage de l’enquête pionnière en sociologie de Bernard Zarca, lequel demandait à des enfants d’origines sociales différentes de hiérarchiser des métiers 24. C’est ce procédé qu’intègre, comme nous l’expli-que Bertrand Geay dans ce numéro, l’Étude longitudinale française sur l’en-fance (ELFE), qui entend suivre une cohorte de 20 000 enfants durant vingt ans en croisant des questionnaires et des entretiens avec les parents, des dispositifs expérimentaux, puis des entretiens avec les enfants afin de renseigner la diver-sité des processus de socialisation. Wilfried Lignier et Julie Pagis adoptent égale-ment un dispositif inspiré de B. Zarca, mais déplacent la focale en analysant non pas les résultats de l’expérimentation, mais les échanges entre les enfants relatifs aux procédures de classement. Ce déplacement est important dans la mesure où il vise à échapper à une posture évaluative – le degré de réalisme des classements enfantins – pour privilégier l’étude des manières de classer, et des raisons de classer. La démarche ainsi suivie n’est pas sans faire écho aux propos de B. Geay qui explique que les sociologues de ELFE, confrontés aux théories « psy » sur les enfants dans le dispositif d’enquête nationale, entendent étudier les sociali-sations différenciées des enfants, plutôt que de mesurer leur développement à

22. Danic (I.), Delalande (J.), Rayou (P.), Enquêter auprès d’enfants et de jeunes. Objets, méthodes et terrains de recherche en sciences sociales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006 ; Lignier (W.), « La barrière de l’âge. Conditions de l’observation participante avec des enfants », Genèses, 4, 2008 ; Fine (G.), Sands-trom (K.), Knowing Children: Participant Observation with Minors, Newbury Park, Sage, 1988.23. Lagroye (J.), « La socialisation politique. La pensée vivante d’Annick Percheron », Revue française de science politique, 44, 1994.24. Zarca (B.), « Le sens social des enfants », Sociétés contemporaines, 36, 1999.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

20 La différenciation sociale des enfants

l’aune de leur avance ou de leur retard par rapport à des standards prédéfinis. Ces déplacements rejoignent les questionnements sur les compétences politi-ques 25, dans le sens où il ne s’agit pas d’évaluer le niveau de connaissance des enfants ou des citoyens. Au contraire, les recherches présentées, très diverses dans leurs démarches, invitent à questionner les perceptions différenciées du monde social, les arguments avancés par les enfants pour justifier des classe-ments (par exemple sur l’utilité sociale des patrons, sur le statut des femmes de ménage, sur les rôles des hommes et des femmes, etc.), et sur les registres discur-sifs mobilisés pour reconnaître une controverse et y mettre fin (entre enfants et entre enfants et adultes, sur des problématiques banales comme la tenue vesti-mentaire, les comportements agressifs, etc.). Cette diversité est aussi une diver-sité de méthodes employées, tant il n’est pas simple d’étudier les enfances. Sur ce front comme sur celui de l’objet même de ce dossier, nous espérons susciter dia-logues et débats : pour s’en tenir aux dispositifs expérimentaux, et bien que leur mise en œuvre en contexte scolaire permette de limiter les effets de l’expérience comme artefact, leurs usages sont susceptibles de produire un « confinement provocateur 26 » s’ils ne s’accompagnent pas d’une analyse réflexive. Quant à la différenciation sociale des enfants, les perceptions, classements et registres dis-cursifs qu’elle engage mériteraient d’être davantage documentés en France. Cela permettrait de mieux comprendre comment cette différenciation se construit dans la pratique, mais aussi de préciser à quel point les ségrégations sociales qui traversent les mondes enfantins sont comparables, du point de vue de l’expé-rience qu’en font les enfants, à celles qui traversent les mondes adultes.

25. Blondiaux (L.), « Faut-il se débarrasser de la notion de compétence politique ? Retour critique sur un concept classique de la science politique », Revue française de science politique, 57, 2007.26. Lezaun (J.), Muniesa (F.), Vikkelsø (S.), « Provocative Containment and the Drift of Social-Scientific Realism », Journal of Cultural Economy, à paraître.

Wilfried Lignier est chercheur au Centre européen de sociologie et de science poli-tique (CNRS-EHESS-Université Paris 1). Ses travaux portent sur l’enfance, la socialisation, les stratégies éducatives, l’appropriation des savoirs médico-psychologiques en société. Il a publié récemment : La petite noblesse de l’intelligence. Une sociologie des enfants surdoués, Paris, La Découverte, 2012 ; « La cause de l’intelligence. Comment la supé-riorité intellectuelle enfantine est devenue une catégorie de l’action publique d’éduca-tion en France », Politix, 94, 2011.

[email protected]

Cédric Lomba est chercheur en sociologie au laboratoire CRESPPA (CNRS-Université Paris 8). Ses recherches récentes portent sur les relations entre groupes sociaux dans des espaces de travail (dans le sec-teur pharmaceutique ou la sidérurgie). Il a notamment publié « Les petites mains des petites entreprises : gestion informelle et fractures ouvrières », Sociologie du travail, 4, 2010 ; et avec Anne-Marie Arborio et al., dir., Observer le travail. Histoire, ethno-graphie, approches combinées, Paris, La Découverte, 2008.

[email protected]

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur

Wilfried Lignier, Cédric Lomba et Nicolas Renahy 21

99

Nicolas Renahy est sociologue, chargé de recherche à l’INRA (CESAER, Dijon). Il étu-die la structuration des groupes sociaux dans les mondes ruraux. Il a notamment publié : Les gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La Découverte, 2005 ; « Une lignée patronale à la mairie. Genèse et

vieillissement d’une domination personnali-sée (1850-1970) », Politix, 83, 2008 ; avec Ivan Bruneau, « Une petite bourgeoisie au pouvoir. Sur le renouvellement des élus en milieu rural », Actes de la recherche en sciences sociales, 191-192, 2012.

[email protected]

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Bib

lio S

HS

-

- 19

3.54

.110

.35

- 24

/10/

2012

11h

49. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Biblio S

HS

- - 193.54.110.35 - 24/10/2012 11h49. © D

e Boeck S

upérieur