Face aux images médiatiques : enjeux politiques du numérique au cinéma
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Face aux images médiatiques
Les enjeux politiques du numérique au cinémaSarah Leperchey
Les spectateurs actuels croient de moins en moins aux images
journalistiques ; cette évolution, paradoxalement, constitue une
réelle menace pour le cinéma politique contemporain. François Jost
formule le problème de la façon suivante : « “Est-ce que vous vous dites que les choses se
sont passées vraiment comme le journal, la radio ou
la télévision les racontent ?” Qu’à cette question,
rituellement posée, d’année en année, ceux qui
répondent par l’affirmative soient de moins en
moins nombreux depuis 1989, c’est-à-dire depuis le
scandale du faux charnier de Timisoara et la
retransmission “en direct” de la guerre du Golfe,
peut suggérer aussi bien une perte de confiance
dans les médias qu’une perte de confiance dans le
récit et, singulièrement, le récit visuel. » (Jost,
1997, p. 124)
Le soupçon qui pèse sur la sphère médiatique encourage le
développement d’une attitude spectatorielle marquée par une
incrédulité croissante, où le récit visuel, discrédité, est
consommé comme pur spectacle, avec détachement, sans être
appréhendé dans son lien à la réalité. Pour Youssef Ishaghpour,
l’emprise grandissante des circuits information/communication a
conduit à un nouveau régime de visibilité : désormais, « c’est
l’invraisemblable qui prédomine, les images et les effets
ponctuels, sans espace, sans temps, sans cohérence : une sorte de
décharge primaire, de choc généralisé qui doit constamment
augmenter sa mise » (1986, p. 10). Cet « effet télévision » a
submergé et dissous l’illusion cinématographique (p. 7).
Le problème est d’autant plus complexe que le cinéma lui-même a
joué un rôle dans ce phénomène de déréalisation des images
audiovisuelles. On peut considérer, en effet, que le passage au
numérique a encore renforcé le scepticisme des spectateurs.
Aujourd’hui, à Hollywood, le recours aux images composites est
devenu systématique : les techniques d’incrustation numérique ne
sont pas réservées aux films qui utilisent ouvertement des effets
spéciaux — elles sont fréquemment utilisées dans le seul but de
réduire les coûts de production. Le spectateur en est tout à fait
conscient, et ce savoir le rend naturellement beaucoup moins
disposé à recevoir les images filmiques en termes d’empreinte. Il
se laisse bercer par le ballet des points lumineux ; les motifs
qui se forment et s’assemblent sur l’écran lui apparaissent
détachés de tout ancrage spatio-temporel, comme s’ils n’existaient
qu’au présent de la projection. Les images de cinéma sont de moins
en moins perçues comme des traces (photographiques) ; dans la
production commerciale dominante, elles deviennent de simples
vecteurs de sensations physiques (Jullier, 1997, p. 57).
Dans ce contexte, la première tâche du cinéma politique actuel,
c’est de réaffirmer le lien entre l’image et le monde — il y va de
son effectivité. Les cinéastes contemporains ne peuvent se
contenter, dans la filiation des expérimentations des années 1960
et 19701, d’opérer le démontage critique des effets de vérité que
génère le discours audiovisuel. Il leur faut tout autant (et les
deux projets peuvent sembler contradictoires) restaurer la
capacité du spectateur à croire en l’image.
1 Je pense, entre autres, aux films de Chris Marker, Robert Kramer, Jean Rouch,
Gilles Groulx, Alain Resnais, Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin…
Face à cette double contrainte, certains réalisateurs font état,
au sein de leurs films, de la difficulté qu’ils éprouvent à rendre
compte d’une réalité saturée par les flux du spectacle médiatique.
Pour éclairer ce type de démarches, il est important de bien
cerner les enjeux politiques du passage au numérique. En effet, si
la généralisation des images virtuelles tend à aggraver la perte
de crédibilité du récit visuel, les évolutions techniques récentes
ouvrent aussi de nouvelles possibilités aux cinéastes, notamment
en termes de liberté économique. On peut considérer
qu’aujourd’hui, face au discours médiatique, la résistance du
cinéma (du cinéma en tant qu’art) s’organise à partir du numérique.
Pour creuser cette question, il faut tout d’abord mesurer quel a
été l’impact de l’utilisation des logiciels de montage et du
format DV sur le cinéma de ces vingt dernières années. On pourra
ensuite approfondir l’analyse en étudiant deux films, Redacted
(Brian De Palma, 2007) et Août (avant l’explosion) (Avi Mograbi, 2002).
Avec Redacted, nous verrons comment le cinéma peut engager une
réflexion sur les nouveaux modes de circulation et de réception
des images qui accompagnent le développement des techniques
numériques et d’internet. Le film d’Avi Mograbi, lui, nous
montrera dans quelle mesure la légèreté de l’équipement numérique
permet d’inventer de nouvelles stratégies pour repenser les
possibilités d’existence du cinéma politique face à l’inflation
des images médiatiques.
Spectacles virtuels et rhétorique de l’authenticitéL’enjeu politique du passage au numérique, c’est la mise à
l’épreuve de la relation entre image et réalité. Comme on l’a vu,
la généralisation des images virtuelles a engendré un nouveau type
de spectacle hollywoodien, qui cherche de moins en moins à
mobiliser la croyance du public. À la fin des années 1980, le
succès commercial de Willow (Ron Howard, 1988) marque l’avènement du
blockbuster à effets spéciaux numériques ; le modèle de production
qui s’était développé à partir des triomphes de George Lucas (La
Guerre des étoiles, 1977) et Steven Spielberg (Les Aventuriers de l’arche
perdue, 1981) s’impose définitivement en se dotant de moyens
techniques inédits. Les possibilités offertes par les logiciels de
postproduction permettent d’accroître la dimension spectaculaire
des films grand public, or le blockbuster repose sur la démesure. Il
s’agit de sidérer le spectateur en le projetant dans un véritable
tourbillon d’action — d’où une surenchère de moyens et d’effets
spéciaux, mis au service d’aventures proprement surhumaines
(Berthomieu, 2003, p. 38).
Les péripéties deviennent de plus en plus invraisemblables,
empêchant l’adhésion émotionnelle. Cette conséquence est
parfaitement assumée par le pionnier du genre, George Lucas, qui
déclarait en 1981 : « Mes films sont plus proches d’un tour de
manège (amusement park ride) que d’une pièce de théâtre ou d’un
roman » (Jullier, 1997, p. 37). Le modèle du parc d’attractions
est très éclairant. L’intrigue, qui est au fondement de la
tradition dramatique et de la tradition romanesque, passe au
second plan ; ce qui compte désormais, c’est de procurer au public
des sensations fortes. On ne cherche plus à créer l’illusion, mais
à provoquer une réaction immédiate, physique, en submergeant le
spectateur d’un déluge de sons et de lumière.
Dans l’esthétique dominante de la production hollywoodienne
actuelle, les films, déconnectés de toute réalité existante, se
donnent ouvertement comme de purs simulacres, de pures apparences.
Le danger qui menace ce cinéma des effets spéciaux, c’est
l’inconsistance. Pour Vincent Amiel et Pascal Couté, « la
revendication de l’apparence n’implique […] pas seulement une
déréalisation du monde qui nous entoure, mais bel et bien une
déréalisation du cinéma lui-même » (2003, p. 20). Les films, ne
renvoyant qu’à eux-mêmes, renoncent à modifier notre vision du
réel, à ouvrir notre perception : ils perdent leur effectivité.
Cette tendance a suscité, rapidement, une réaction (médiatique)
éclatante, avec le manifeste du Dogme 95. Proclamant leur rejet du
cinéma « cosmétique » (cosmeticized to death), Lars von Trier, Thomas
Vinterberg, Soren Kragh-Jacobsen et Kristian Levring édictent dix
commandements (ou vœux de chasteté) qui interdisent, entre autres,
le recours à l’éclairage additionnel et au mixage sonore, et
imposent le tournage en extérieurs et en décors naturels (Prédal,
2000, p. 9). Bien entendu, les effets spéciaux sont prohibés. Le
Dogme semble promouvoir une sorte de retour aux sources du cinéma
direct : le troisième commandement, notamment, oblige le cadreur à
travailler caméra à l’épaule, dans des conditions proches du
reportage (l’action ne fait pas l’objet d’un découpage préalable)2.
Le style de Festen (Thomas Vinterberg, 1998) et des Idiots (Lars von
Trier, 1998) est marqué par un amateurisme agressif, délibéré
— des mouvements erratiques, des faux raccords, des flous, des
décadrages, des surexpositions et des sous-expositions. La
définition même de l’image est très médiocre : pour des raisons
budgétaires, les deux cinéastes ont tourné avec un équipement non
professionnel, à savoir des petites caméras mini-DV, qui venaient2 Le terme « cinéma direct » sera employé ici de façon très large. Il désignera
une esthétique, « produit d’une idéologie néo-naturaliste, dominante dans les
“nouveaux cinémas” des années soixante », qui se traduit avant tout par « la
simultanéité du tournage et de l’événement représenté » : l’action filmée
n’est pas « préstructurée, répétée, etc. [...] c’est l’acte de filmage lui-
même qui crée l’événement filmique. » (Marie, 1980, pp. 78-79).
d’être mises sur le marché à destination du grand public (Prédal,
2008, p. 15).
La pauvreté délibérée de l’esthétique de Festen et des Idiots leur
permet, paradoxalement, de gagner en réalisme. C’est que, pour le
spectateur contemporain, « la sophistication technique est devenue
trop attachée aux “images qui mentent” du clip et de la
publicité », tandis qu’une « image “sale” (une image avec du
grain, un peu floue, qui bouge beaucoup) montrée au JT du soir »
est perçue comme « une image “vraie” (sinon les journalistes ne la
montreraient pas, ils mettraient une belle image s’ils en avaient
une) » (Jullier et Marie, 2007, p. 56). Il faut souligner ici
combien la démarche des cinéastes danois s’écarte de l’idéologie
du direct, qui prescrivait de rompre avec l’académisme du passé
pour instaurer un rapport authentique à la réalité (Chateau, 2003,
p. 88). Chez Thomas Vinterberg et Lars von Trier, les
imperfections techniques font l’objet d’un usage calculé ; il
s’agit de connoter l’amateurisme, pour créer un effet d’authenticité.
De ce point de vue, on peut étudier le parallèle qui s’établit,
avec Les Idiots, entre le projet des personnages (dans le film) et le
projet du Dogme. Les Idiots raconte l’expérience de vie communautaire
d’une petite bande de trentenaires qui veulent explorer leur
« idiot intérieur ». On voit notamment les personnages jouer les
handicapés mentaux au cours de sorties de groupe (visite d’usine,
piscine, etc.) ; le but, assez mal éclairci, semble être de mettre
à nu les préjugés et l’hypocrisie de la société danoise. Bien
entendu, les membres de la communauté se placent en situation
d’imposture, ce que souligne une scène très dérangeante, au cours
de laquelle ils sont confrontés à de jeunes trisomiques. Stoffer
(Jens Albinus), le leader du groupe, finit par pousser à la
radicalisation en mettant les autres au défi de faire les idiots
dans la « vraie vie » — dans leur cadre de travail, au sein de
leur famille. Cette quête de sincérité, forcément biaisée, aboutit
à un échec. On devine que Lars von Trier, à travers ses
personnages, livre une réflexion critique sur ses propres
expérimentations au sein du Dogme. Lui aussi, en cherchant à se
débarrasser de son savoir-faire professionnel, joue à faire
l’idiot — et lui aussi se trouve pris au piège de l’imposture. Le
désir de renouer avec l’innocence et la spontanéité du cinéma
direct ne peut que mener à une impasse : tout se passe comme si le
cinéaste admettait d’emblée que sa tentative avait un caractère
désespéré.
L’exemple du Dogme 95 ouvre plusieurs pistes de réflexion. On note
tout d’abord que Lars von Trier et Thomas Vinterberg font un usage
du numérique qui s’inscrit à rebours de l’esthétique
« publicitaire » associée, d’ordinaire, aux logiciels de montage
virtuel. Le tournage en mini-DV permet d’obtenir une image très
brute, un côté « pris sur le vif » qui s’oppose radicalement au
rendu très léché que favorise la postproduction numérique (où l’on
retouche, corrige, retravaille les couleurs, où l’on ajoute des
transitions et des effets spéciaux, etc.)
De fait, les petites caméras DV et HD, incroyablement légères et
faciles à manier, ont encouragé de nombreux cinéastes à renouer
avec les pratiques du cinéma direct — on sait que leurs
prédécesseurs, dans les années 1960, avaient eu recours au 16 mm
pour pouvoir tourner en caméra portée. Gilles Delavaud qualifie
certaines fictions de la collection « Petites caméras » d’Arte
(1999) de fictions-reportages ou docu-fictions, en soulignant que,
dans ce cas précis, l’emploi du format mini-DV vient se rattacher
à une longue tradition : « Inventer un nouveau réalisme en tirant
parti de l’interférence entre réalité et fiction a été l’un des
apports majeurs de la Nouvelle Vague (c’est même par ce trait que
Godard la définissait) » (2004, p. 265) Des films comme Wesh wesh,
qu’est-ce qui se passe ? (2001), L’Esquive (2003) ou Charly (2007), tous
portés par un désir intense de saisir, de capter quelque chose du
monde, s’inscrivent clairement dans cette filiation. Rabah Ameur-
Zaïmèche, Abdellatif Kechiche et Isild Le Besco se servent de la
légèreté de leur matériel de prise de vue pour s’immerger de façon
très souple dans une réalité profilmique donnée, et rendent
compte, avec force, du contexte sociopolitique qui sous-tend la
trajectoire de leurs personnages.
À l’heure actuelle, les petites caméras DV et HD constituent un
outil idéal pour les cinéastes qui luttent contre la déréalisation
des images. Ce constat met clairement en évidence l’ambivalence du
numérique puisque, comme on l’a vu, la généralisation des effets
spéciaux et des images de synthèse contribue, par ailleurs, à ce
phénomène de déréalisation.
Il faut pointer, pour finir, que le style « direct » lié au
tournage en petite caméra numérique peut faire l’objet d’une
récupération ; il peut être imité et exploité à des fins
spectaculaires. C’est une dérive à laquelle Lars von Trier
succombe (tout en la dénonçant) lorsqu’il réalise Les Idiots. On
assiste à l’émergence d’une tendance qui consiste à détourner la
connotation d’authenticité qui s’attache à l’image « sale » pour
conférer un surcroît de réalisme à des productions de pur
divertissement. Cloverfield (Matt Reeves, 2008) renouvelle le genre du
thriller en adoptant le principe suivant : tout ce qu’on voit à
l’écran (à savoir l’attaque de New York par un reptile
préhistorique géant) est censé avoir été filmé par les
protagonistes de l’action. Pour accréditer cette fiction, l’image
reproduit les caractéristiques d’un enregistrement amateur :
mauvaise définition, décadrages, mouvements heurtés, sous-
expositions, etc. Mais ces procédés s’accompagnent d’effets
spéciaux (destruction de buildings, incendies, visions fugitives
du monstre) qui nous rappellent que nous avons bien affaire à un
blockbuster hollywoodien. La qualité très médiocre des prises de vue,
loin de faire obstacle à l’ambition du grand spectacle, y
contribue activement : il s’agit de reproduire l’effet-choc
qu’avaient créé les premières images de l’effondrement des tours
du World Trade Center — images amateurs, prises sur le vif, qui
avaient circulé en boucle sur les chaînes de télévision du monde
entier au moment des attentats du 11 septembre 2001.
Dans les années 1960, le reportage télévisé avait constitué une
source d’inspiration stimulante pour un cinéma politique marqué
par l’idéologie du « direct ». En mélangeant effets spéciaux et
(pseudo) images d’actualités, Cloverfield montre combien ce modèle
devient problématique dans le contexte actuel, où l’information
elle-même est régie par des logiques spectaculaires.
Redacted : le zapping et la banalisationAvec Redacted, le cinéma se laisse submerger par les images
journalistiques. Brian De Palma veut rendre compte des nouveaux
moyens de communication qui se sont imposés avec le développement
des techniques numériques. Comment, aujourd’hui, prenons-nous
connaissance de ce qui se passe à travers le monde ? À quel type
d’images avons-nous accès ? Quels rapports entretenons-nous avec
elles ? En cherchant à décrire la façon dont les événements nous
parviennent, De Palma interroge, en creux, la fonction du cinéma
politique dans un environnement contemporain saturé par
l’omniprésence des images médiatiques.
Revenons-en à la genèse du film. En faisant des recherches sur la
guerre en Irak3, De Palma s’aperçoit que le conflit fait l’objet
d’un traitement médiatique très spécifique, marqué par l’émergence
d’internet comme nouveau support d’information : « J’ai découvert
que les informations y étaient présentées via des procédés
uniques, blogs, images postées sur YouTube… Ces informations que
j’ignorais m’arrivaient à travers des procédés que j’ignorais
également. Je me suis donc dit : c’est ainsi que l’histoire doit
être racontée, car c’est ainsi qu’elle l’est » (2008, p. 12).
La trame narrative de Redacted est simple et linéaire : des membres
d’une unité stationnée en Irak font un raid au cours duquel ils
violent une fille de quinze ans, puis la tuent, ainsi que le reste
de sa famille. Le mode de récit choisi par De Palma, cependant,
densifie le propos initial, en lui conférant une grande
complexité. En effet, le spectateur est chargé de reconstituer
l’histoire à partir de bribes, d’extraits — des vidéos amateurs,
des reportages télévisés (sur des chaînes qui évoquent la BBC et
Al-Jazeera), un documentaire français, des bandes de caméras de
vidéosurveillance. Certains « documents » sont présentés comme
s’ils étaient visionnés en ligne, sur Internet ; ils sont encadrés
par des pages d’accueil (des blogs, des sites du type YouTube ou
site d’Al-Qaida). Redacted entretient, donc, la fiction du found
footage : les images que nous visionnons n’auraient pas été tournées
en vue de faire un film, mais correspondraient à du matériau
accumulé de façon éparse, enregistré dans différents contextes, à
des fins très diverses4. En fait, bien entendu, tout a été écrit,
3 On désignera ici, très précisément, l’occupation du pays par les troupes
américaines, de mars 2003 à août 2010.4 Notons que le cinéaste argentin Mario Andruzzi a, lui, bel et bien réalisé un
film de montage à partir de vidéos récupérées sur internet, vidéos qui
joué, mis en scène. On a simplement reconstitué le style et
l’aspect de chaque type d’images.
Le recours à des « documents » fictifs permet de rendre compte
d’une certaine réalité du conflit, qui correspond à ce qu’on
pourrait appeler son mode d’existence médiatique. En fait, Redacted
fonctionne à deux niveaux. En premier lieu, le film livre un
discours sur la guerre en Irak (en dénonçant les exactions
commises par l’armée américaine) ; en second lieu, il s’attache à
restituer la façon dont l’information est produite, la façon dont
elle circule et dont elle est reçue — puisqu’il est clair que
cette guerre se mène aussi (se mène peut-être d’abord) avec des
images.
Ce qui frappe, d’emblée, c’est l’incroyable abondance du matériau
disponible. Partout, sans cesse, des caméras sont en train de
tourner, et ce qu’elles enregistrent nous parvient quasiment en
temps réel. Désormais, ce qui a échappé aux caméras de télévision
a quand même été filmé (par des téléphones portables, par des
caméras de vidéosurveillance, par les petites caméras DV des
touristes et des cinéastes amateurs), et toutes ces images sont
immédiatement accessibles sur internet. Le développement des
techniques numériques a créé une situation inédite : n’importe
quel citoyen américain peut, s’il le souhaite, découvrir la
« vérité » sur l’occupation en Irak — une « vérité » qui, pour De
Palma, ne passe pas par les grands médias traditionnels (De Palma,
2008, p. 12). Reste à mesurer l’impact de ce bouleversement. Le
public se sent-il plus impliqué, est-il mobilisé par la masse
d’information à laquelle il a désormais désormais accès ? L’un des
personnages de Redacted aborde directement cette question — et sa
avaient été mises en ligne par différents protagonistes du conflit (Irakiens,
Américains, Kurdes, etc.). Ce film, Iraqi Short Film, date de 2008.
réponse n’est guère encourageante.
Angel Salazar, dit « Sally » (Izzy Diaz), s’est engagé dans
l’armée américaine pour financer ses études. Il espère intégrer
une école de cinéma, et a entrepris de réaliser un film-choc sur
son quotidien en Irak. Quand deux membres de son unité déclarent
qu’ils vont effectuer un raid pour agresser une jeune Irakienne
(qui passe quotidiennement par leur checkpoint pour se rendre à
l’école), Sally décide de les suivre avec une caméra clandestine.
Il enregistre, sans intervenir, le viol de la jeune fille, avant
de s’enfuir, horrifié. Plus tard, il se confie à un psychologue.
Il ne parle pas des exactions auxquelles il a assisté, mais il
parvient à formuler ses angoisses de façon détournée, en évoquant
la mort de son supérieur, qui a sauté sur une mine alors que lui-
même, Sally, était en train de le filmer. Manifestement rongé par
la culpabilité, écœuré par son propre comportement de voyeur
complice au moment du raid, Sally dit en substance à son
interlocuteur : on filme et on reste impuissant, tout ça pour
obtenir des images que visionneront des gens tout aussi
impuissants — qui sauront, et ne feront rien (« That’s what everyone
does, they just watch and they do nothing; but they make a video for people to watch and
they do nothing »).
Ce constat, terrible, renvoie à un problème bien réel. Il ne
suffit pas que les images soient visibles, ni même qu’elles soient
vues ; encore faut-il qu’on y croie, encore faut-il pouvoir
appréhender, réaliser, saisir vraiment la portée des événements. Les
internautes sont confrontés à une accumulation de matériau brut,
non hiérarchisé ; dans ce flux incessant de vidéos amateur, de
bribes de reportages, de témoignages improvisés, tout est
susceptible d’avoir été truqué, détourné, falsifié — chacun en est
conscient. Comment, dans ce contexte, échapper au scepticisme, au
détachement ? La surabondance de l’information qui circule sur
internet engendre, en elle-même, un effet pervers de banalisation.
De Palma pose le problème, mais n’apporte pas de solution. Redacted
ne rompt pas avec la logique qu’il dénonce — bien au contraire, il
la reproduit. Le film prend la forme d’un zapping qui recrée les
conditions de réception qu’expérimente le
téléspectateur/internaute contemporain. La mise en retrait de
l’instance narrative (liée à la fiction du found footage) renforce
encore cette logique. On ne nous montre pas la guerre en Irak, on
nous montre la façon dont elle est racontée : comme si les images
médiatiques avaient absorbé toute la réalité. En fin de compte, De
Palma se borne à prendre acte de l’impuissance du cinéma, condamné
à recycler les images banales (banalisées) qui circulent en flux
continu à la télévision et sur internet. De ce point de vue, la
proposition que constitue le film ne tient pas, car De Palma se
donne un but (dénoncer la guerre en Irak) dont il constate lui-
même l’inanité : Redacted ne peut que montrer ce qui a déjà été
montré, faire voir ce qui a déjà été vu — en vain.
Le film, cela dit, est intéressant à double titre, et pour les
analyses qu’il propose, et pour la tentative même qu’il
représente, tentative qui pointe, en creux, les difficultés
auxquelles se heurte le cinéma politique contemporain. La forme du
zapping d’une part, qui retrace le développement des échanges sur
internet, et les propos de Sally d’autre part, qui mettent en
cause le pouvoir des images, désignent deux principaux obstacles :
les cinéastes actuels ne peuvent se contenter d’informer (puisque
l’information est déjà là, en ligne, accessible à tous), ils
doivent s’efforcer de briser la passivité des spectateurs (« They
just watch and they do nothing »). En ce qui concerne ce dernier point, on
peut penser que De Palma s’est fourvoyé en recourant aux mêmes
procédés qu’un film comme Cloverfield. Le cinéaste, en espérant que de
faux « documents » donneraient davantage de réalisme et d’impact à
son projet5, joue la carte de la dramatisation et du spectaculaire,
ce qui ne peut qu’encourager, en dernière instance, le spectateur
à adopter une attitude de voyeurisme passif.
On a vu que d’une certaine façon, à travers les propos de Sally,
Redacted assume son propre échec : le cinéma, semble nous dire De
Palma, ne peut échapper à l’« effet télévision ». Ce fatalisme
est-il justifié ? Pas nécessairement, comme le montre l’exemple de
Août (avant l’explosion), où Avi Mograbi part du même constat que le
cinéaste américain, mais choisit une stratégie très différente, et
parvient à résister à l’inflation des images médiatiques.
Août (avant l’explosion) : l’engagement dans la fictionAoût (avant l’explosion) adopte une forme très fragmentée, qui s’articule
autour de trois dispositifs distincts. Premier dispositif : une
petite caméra est installée dans l’appartement d’Avi Mograbi, et
sert d’interlocuteur à trois protagonistes, le cinéaste, sa femme
et son producteur. C’est Mograbi qui endosse tous les rôles — pour
jouer sa femme, il se coiffe d’une serviette-éponge rose, nouée en
turban sur sa tête, pour figurer son producteur, il enfile une
casquette. On assiste à une série de saynètes comiques où les
personnages se disputent copieusement (par caméra interposée),
tout en débattant du travail du cinéaste. Ce dernier explique
qu’il veut faire un film sur le pire mois de l’année en Israël, le
mois d’août, quand il fait une chaleur si accablante que tout le
5 De Palma a expliqué : « Mon idée était de raconter l’histoire en usant de
moyens documentaires, en faisant en sorte que le public prenne bien
conscience que tout cela est fabriqué, mais qu’il y croie lui-même » (2008,
p. 12).
monde devient fou. L’« épouse », d’abord sceptique, se prend
d’intérêt pour le projet, mais critique avec virulence les
premières tentatives de son mari.
Le producteur, lui, est là pour un autre tournage, que le cinéaste
a laissé en chantier : une fiction sur la veuve de Baruch
Goldstein, le colon responsable du massacre d’Hébron6. Août...
intègre des « chutes » censées correspondre à ce tournage. Ce sont
des bouts d’essai, qui forment un second dispositif : plusieurs
actrices reprennent les mêmes répliques — des propos tenus par la
veuve lors du procès de son mari — en les interprétant chaque fois
de façon différente. Le troisième dispositif, lui, renvoie au
projet du « mois d’août ». Il s’agit d’images que Mograbi a
tournées avec sa petite caméra numérique au cours de
pérégrinations quotidiennes dans les rues de Tel-Aviv, à la veille
de la seconde Intifada. Les séquences, à mesure qu’elles se
succèdent, dressent le portrait d’une société israélienne minée
par la violence (bataille rangée dans la salle d’attente d’un
médecin, empoignades entre automobilistes à un carrefour bloqué
par la police, etc.). Le cinéaste fait directement les frais de la
paranoïa ambiante : il est sans cesse pris à partie, et tout le
monde essaie de l’empêcher de filmer (« C’est pour quelle
télévision ? », « À qui allez-vous vendre ces images ? »).
Avec ses différents dispositifs, Août (avant l’explosion) relève
typiquement d’un modèle de production qui a été largement porté
par les nouvelles possibilités qu’offre le numérique, au plan
technique comme au plan économique. La partie autofictionnelle
tournée dans l’appartement de Mograbi fait intervenir des split
screens qui ont été réalisés en postproduction, par un travail
d’incrustation. Ces effets sont chargés de faire éclater toute6 Ou Massacre du Tombeau des Patriarches, qui a été commis le 25 février 1994.
l’absurdité du conflit israélo-palestinien, rejoué à petite
échelle par le cinéaste, sa femme et son producteur, qui s’avèrent
incapables de coexister dans le même cadre. Obligés de partager le
même corps, obligés d’occuper le même espace, le même territoire (le
salon), ils vivent dans des réalités séparées — ce que montre le
morcellement de l’image.
De façon intéressante, Mograbi n’a pas exploité à plein tout le
potentiel du numérique : « Le collage des fragments de cadre est
volontairement grossier, apparent. Ça aurait été facile de le
faire parfaitement avec After effects : on peut découper les corps
et les placer dans un cadre unique, etc. Le choix de cette low high
tech ou high low tech devait accentuer le ridicule de ces situations »
(Mograbi, 2005, p. 10). En règle générale, les effets spéciaux
virtuels servent à obtenir quelque chose de très lisse — le
trucage doit rester invisible. Mograbi fait le choix inverse, il
privilégie la discordance. « Accélérés, montages à l’envers […],
split screen, citations grotesques d’archives » : la menace
d’implosion qui pèse sur la société israélienne « affecte la forme
du film, sa surface, sa respiration » (Comolli, 2005, p. 72).
Août... lui-même est un objet hybride, à mi-chemin entre le
documentaire et la fiction. Dans son ouvrage sur les petites
caméras numériques, René Prédal note que « la DV semble l’appareil
le mieux adapté à deux genres antithétiques : le film confession
et le documentaire, avant tout pour sa maniabilité et son coût
extrêmement bas » (2008, p. 56). De fait, Avi Mograbi emprunte un
peu à ces deux modèles ; sa chronique estivale oscille entre le
reportage et le journal filmé. La légèreté de l’équipement
numérique a incité le cinéaste à tenir lui-même la caméra.
Lorsqu’il tourne dans les rues de Tel-Aviv, il se fait directement
interpeller, en tant que cadreur, par les gens qu’il veut filmer.
Cette approche permet à Août... de combattre une certaine forme de
déréalisation de l’image filmique. L’implication du corps de
Mograbi s’avère fondamentale : le spectateur est amené à partager
une expérience, quelque chose qui a été vécu à un moment précis, dans
un espace déterminé. Il y a une mise à l’épreuve du monde, qui
permet de réaffirmer le lien de l’image à la réalité.
Les rapports tendus qui s’installent entre filmeur et filmés
révèlent, en creux, l’ampleur de la médiatisation du conflit
israélo-palestinien. Chaque camp cherche à contrôler étroitement
son image. Il y a dans Août... une scène frappante où Mograbi tente
de filmer, sous les huées, l’arrestation (assez violente) d’une
famille arabe. Autour du périmètre d’action délimité par l’armée,
des badauds israéliens se sont attroupés. Très agressifs,
convaincus que Mograbi va « déformer » les faits, ils lui crient :
« Qu’est-ce que vous filmez ? », « Pourquoi vous ne filmiez pas
quand ils jetaient des pierres ? » Tout au long du film, le
cinéaste est obligé de répéter qu’il n’est pas journaliste — sans
cesse, il explique : « Je fais du cinéma. » Personne ne semble
bien saisir la différence. Il s’agit pourtant d’une question
essentielle, dans la mesure où Mograbi cherche, justement, à
donner une interprétation subjective des événements7 — à privilégier
une approche artistique, un travail fondé sur l’imaginaire, en
rupture avec les modes de communication du discours médiatique.
Comment filmer la politique ? L’autofiction permet à Mograbi
d’intégrer ce questionnement à son film. Le cinéaste a déclaré au
cours d’un entretien : « J’avais bien le projet d’un film sur la
7 Mograbi déclare : « Plus qu’être une alternative à la presse, ce que je ne
pourrai jamais vraiment représenter — j’agis à un tout petit niveau —, ce qui
compte pour moi, c’est exprimer mon point de vue, une voix unique, donner une
interprétation subjective. » (Lindgaard, 2005)
violence urbaine, mais pas celui-là. Je pensais qu’il suffisait de
sortir dans la rue pour capturer la vraie violence. Mais elle
semble toujours être ailleurs, elle n’apparaît que lorsqu’on ne la
cherche pas » (2005, p. 8). Le film Août..., sous sa forme achevée,
est l’histoire de cet échec. Au cours d’une scène très drôle, on
voit l’« épouse » harceler son mari : « Où qu’on aille, lui dit-
elle, il se passe des choses terribles, mais tu n’arrives à rien
filmer. » Elle lui lit les faits divers : « “Sur la plage de Tel-
Aviv, un jeune homme a été tué lors d’une dispute pour un transat”
[…]. Tu étais où, à ce moment-là ? » Loin d’être anecdotique, la
séquence engage une réflexion sur les limites du cinéma direct.
Pour saisir la réalité, on ne peut se contenter de filmer les
choses « telles qu’elles sont ». C’est d’autant plus vrai dans le
contexte très contemporain décrit par le film : dans cet
environnement social surmédiatisé, les événements sont cernés par
trop d’images parasites. Comme le pointe Cyril Neyrat :
« La caméra ne capte jamais que la propagande du réel,
le produit d’une communication politique généralisée
qui ne demande qu’à être enregistrée. Mograbi constate
la vanité du reportage. Sa caméra ne montre que ce
qu’“on” veut bien lui montrer. D’où la nécessité de
contrer cette machination par l’invention de
dispositifs narratifs suffisamment forts pour détourner
ces images, les subvertir, leur faire “rendre gorge”. »
(Neyrat, 2005, p. 4.)
La mise en scène de l’échec relève d’une stratégie de résistance,
elle révèle que le réel demeure insaisissable. De même, les
actrices qui font leur « bout d’essai », qui s’efforcent de
trouver le ton juste, nous rappellent que la recherche de la vérité
est un travail d’interprétation. Là où les images médiatiques
imposent de l’évidence, affirment la « présence tautologique d’une
réalité plus que réelle, définitive, insistante, haute en
couleurs » (Ishaghpour, 1986, p. 19), Août (avant l’explosion) interroge
les rapports problématiques qui s’instaurent entre le monde et ses
représentations. À partir d’une forme hybride, Mograbi invente ce
que Jacques Rancière appelle une « fiction politique du réel »8 :
en venant se greffer sur l’approche documentaire, l’autofiction
ouvre la voie à un questionnement éminemment politique sur les
limites du visible.
En partant de l’analyse de Redacted et d’Août (avant l’explosion), nous
sommes en mesure de déterminer plus clairement le rôle que joue le
numérique dans la redéfinition actuelle des rapports entre cinéma
et images médiatiques. On peut tenter un premier bilan en
réexaminant les relations qui s’instaurent au sein du triangle que
forment les trois pôles de notre réflexion (le cinéma politique,
le numérique et le champ médiatique).
Un premier couple met en regard le développement des nouvelles
technologies et l’apparition de nouveaux modes de circulation des
images médiatiques. On assiste à l’émergence d’un double
phénomène, que le film de De Palma met bien en évidence : de plus
en plus de documents sont visionnés sur internet et, de plus en
plus souvent, ces documents sont produits par des amateurs, à
l’aide de petites caméras numériques ou de téléphones portables.
8 Désavouant les fictions politiques traditionnelles, Jacques Rancière leur
oppose les « fictions politiques du réel », qui se fondent sur une base
documentaire pour nouer « politique et récit fictionnel à un niveau plus
radical, celui des formes structurantes de l’enquête sur la vérité » (2000,
p. 63).
Il en résulte une incroyable accumulation d’information, qui a
pour effet pervers de contribuer à la banalisation des images
audiovisuelles.
Un second couple concerne les usages du numérique au cinéma. On
peut dire, très rapidement, que les évolutions techniques récentes
ont conduit à un réexamen des présupposés qui fondent le réalisme
cinématographique. L’apparition des petites caméras numériques,
notamment, a donné un second souffle au cinéma direct, non sans
soulever un certain nombre de problèmes, liés à la fois à
l’obsolescence des fondements idéologiques de cette pratique
(l’ontologie bazinienne invalidée par la prolifération des images
virtuelles), et à son inadaptation au contexte médiatique actuel.
Août (avant l’explosion) s’écarte de ce modèle en proposant une sorte
d’essai filmé qui se situe à mi-chemin entre le film confession et
le documentaire. Cette forme constitue peut-être la meilleure
façon, pour le cinéma politique, d’exploiter les nouvelles
possibilités qu’offre le numérique : on pourrait citer, en France,
les tentatives très probantes d’Agnès Varda (Les Glaneurs et la glaneuse,
2000), de Luc Moullet (La Terre de la folie, 2009) et d’Alain Cavalier
(Pater, 2011).
Un dernier couple nous ramène aux liens conflictuels qui
s’établissent entre le cinéma politique et la sphère
journalistique. Redacted et Août (avant l’explosion) prennent acte d’une
certaine impuissance du cinéma : tout se passe comme si la réalité
ne pouvait plus être appréhendée qu’à travers le prisme du
spectacle médiatique. De Palma décrit le règne d’une visibilité
généralisée — partout, tout le temps, des caméras sont en train de
tourner pour alimenter, en continu, les flux perpétuels du direct
télévisé. Avi Mograbi, lui, adopte la démarche inverse : il dit
l’impossibilité de filmer. Avec son double fictif, qui ne parvient
jamais à montrer ce qu’il veut montrer, qui échoue à enregistrer
les « faits », le cinéaste rétablit le réel dans sa dimension
problématique. L’engagement du corps du cinéaste s’avère, ici,
fondamental. De Palma, en adoptant la fiction du found footage,
propose un regard sans sujet, qui reproduit l’évidence obtuse des
images médiatiques. Mograbi, au contraire, construit un sujet, un
sujet immergé dans une communauté politique, un sujet qui lutte et
se débat : l’image est donnée comme le produit de cette lutte
— elle est redonnée dans son lien avec le monde.
Le cinéma politique continue à s’interroger, à se redéfinir, et
invente de nouvelles stratégies pour résister à la banalisation
des images. En tant qu’art, il est amené à jouer un rôle
primordial dans le contexte audiovisuel contemporain. S’il est
historiquement à la fois « produit et acteur majeur de la
scénarisation du monde », il est aussi « l’arme ou l’outil qui
— de l’intérieur — permet de démonter les constructions
spectaculaires […], qui montre quelles sont les limites du pouvoir
de voir » (Comolli, 2004, p. 8).
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recueillis par Cyril Neyrat, livret du coffret DVD Mograbi – 4 films,
France Arte Développement.
NEYRAT, Cyril, 2005, « Détourner le direct », livret du coffret DVD
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