Etat et développement économique local. Un lien à repenser.

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NATIONS UNIES COMMISSION ECONOMIQUE POUR L'AFRIQUE Bureau pour l’Afrique du Nord ____________________________________________________________________________________________ XXVIème réunion du Comité Intergouvernemental d’Experts (CIE) Rabat (Maroc) 22 25 février 2011 Alain PIVETEAU Économiste, Chargé de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) UMR Prodig / Université Montesquieu Bordeaux IV Etat et développement économique local Un lien à repenser Les deux dernières décennies marquent de la part des opérateurs et des chercheurs, un regain d’intérêt pour les dynamiques socio-économiques de niveau local. L’objectif d’industrialisation ne correspond plus à un mode d’accumulation de long terme soutenu par la puissance publique centrale et fondé sur une production de masse taylorisée et mécanisée assurée par de grandes entreprises. Il s’ouvre dorénavant à la contribution, sous des formes variées, de territoires et de petites entreprises organisées en districts, Systèmes productifs locaux (SPL) ou autres clusters. Si de telles poches de croissance localisée, d’abord identifiées dans les pays développés, ne correspondent à ce jour que partiellement à la réalité productive et industrielle des économies du Sud 1 songeons, en première approche, au faible degré d’industrialisation en Afrique –, elles invitent le chercheur et le praticien à modifier leur regard sur le rôle des petites entreprises dans un contexte d’urbanisation où justement s’agglomèrent des activités de production et de service fussent-elles artisanales et encore confinées aux caractéristiques discutées de l’informalité. En plus d’une réévaluation du potentiel des formes traditionnelles de l’industrie entamée au milieu des années 1980 (Scott 2001) et avant de désigner des émergences productives fondées à des échelles infra-nationales sur la construction territoriale, le développement local recouvre aux Suds, et particulièrement en Afrique, une réalité 1 L’expression « pays du Sud » ou les « Suds » d’usage courant concerne en fait une variété de pays aux différences sociales, politiques et économiques reconnues. Elle désigne souvent les pays de l’ex-Tiers-Monde en regroupant de façon arbitraire les pays émergents et les pays en développement. Sans pouvoir revenir sur l’histoire de ces classifications, on considère ici les pays du Sud dans leur rapport singulier à l’objectif d’industrialisation relativement aux pays du Nord de veille tradition industrielle. La suite du texte intéresse surtout les pays d’Afrique. Des exemples retenus sur d’autres continents viendront élargir l’aire de validité des commentaires.

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NATIONS UNIES

COMMISSION ECONOMIQUE POUR L'AFRIQUE

Bureau pour l’Afrique du Nord

____________________________________________________________________________________________

XXVIème réunion du Comité Intergouvernemental d’Experts (CIE)

Rabat (Maroc)

22 – 25 février 2011

Alain PIVETEAU

Économiste,

Chargé de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

UMR Prodig / Université Montesquieu Bordeaux IV

Etat et développement économique local Un lien à repenser

Les deux dernières décennies marquent de la part des opérateurs et des chercheurs, un

regain d’intérêt pour les dynamiques socio-économiques de niveau local. L’objectif d’industrialisation ne correspond plus à un mode d’accumulation de long terme soutenu par la puissance publique centrale et fondé sur une production de masse taylorisée et mécanisée assurée par de grandes entreprises. Il s’ouvre dorénavant à la contribution, sous des formes variées, de territoires et de petites entreprises organisées en districts, Systèmes productifs locaux (SPL) ou autres clusters. Si de telles poches de croissance localisée, d’abord identifiées dans les pays développés, ne correspondent à ce jour que partiellement à la réalité productive et industrielle des économies du Sud1 – songeons, en première approche, au faible degré d’industrialisation en Afrique –, elles invitent le chercheur et le praticien à modifier leur regard sur le rôle des petites entreprises dans un contexte d’urbanisation où justement s’agglomèrent des activités de production et de service fussent-elles artisanales et encore confinées aux caractéristiques discutées de l’informalité.

En plus d’une réévaluation du potentiel des formes traditionnelles de l’industrie entamée au milieu des années 1980 (Scott 2001) et avant de désigner des émergences productives fondées à des échelles infra-nationales sur la construction territoriale, le développement local recouvre aux Suds, et particulièrement en Afrique, une réalité

1 L’expression « pays du Sud » ou les « Suds » d’usage courant concerne en fait une variété de pays aux différences

sociales, politiques et économiques reconnues. Elle désigne souvent les pays de l’ex-Tiers-Monde en regroupant de façon

arbitraire les pays émergents et les pays en développement. Sans pouvoir revenir sur l’histoire de ces classifications, on

considère ici les pays du Sud dans leur rapport singulier à l’objectif d’industrialisation relativement aux pays du Nord de

veille tradition industrielle. La suite du texte intéresse surtout les pays d’Afrique. Des exemples retenus sur d’autres

continents viendront élargir l’aire de validité des commentaires.

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possible (Leloup et al. 2002) plus qu’effective et de nouvelles voies discutées d’accès à l’industrialisation. En plus de ces considérations sur l’essor productif de régions, la centralité du « local » dans les discours sur le développement provient d’une série d’ajustements des espaces politiques, administratifs et économiques à la nouvelle donne mondiale. Les récents mouvements de décentralisation prolongent ainsi les phases antérieures de libéralisation, d’ouverture commerciale et de privatisations des économies. Ces changements d’ordre institutionnel et politique modifient profondément les modes précédents d’une régulation étatique et centrale. Ce faisant, ils habilitent et légitiment un grand nombre d’acteurs impliqués dans la mise en œuvre d’un développement local aux objectifs multiples. Ainsi, dans les pays du Sud, l’industrialisation et le développement économique semblent parfois s’effacer au profit d’objectifs plus immédiats comme ceux regroupés autour de la lutte contre la pauvreté.

Le développement local, aux Suds, s’affiche donc comme une promesse d’amélioration significative des conditions de vie des populations. Cette promesse globalisée, soutenue en Afrique par la totalité des organismes de coopération et des institutions d’aide, dérive d’un échec : celui de l’État démiurge du développement et des politiques de développement par le haut. Dans les pays d’ancienne tradition industrielle, la « localisation » des approches du développement émerge d’une situation de crise : celle des systèmes productifs de type fordiste et de leur recomposition. Loin de résumer les rapports singuliers et pluriels que l’Afrique entretient avec « le développement local », cette remarque préalable suffit pour interroger les conditions de mobilisation de ce paradigme d’actions et de pensées – auquel sont associées les approches en termes de Systèmes productifs locaux – dans des pays aux trajectoires productives et institutionnelles éloignées de celles où il a vu le jour.

Ce fait de distanciation se prolonge par un autre constat : celui d’un glissement graduel qui mène des analyses positives de faits de croissances localisées à des pratiques plus volontaires de consolidation, d’activation et/ou de promotion de nouvelles dynamiques de croissance locale et, plus largement, de mise en œuvre du développement local. A l’appui de la littérature existante, de connaissances acquises sur le fonctionnement des économies urbaines des pays pauvres (en particulier sur les activités informelles), de travaux de terrains réalisés plus particulièrement au Sénégal , la présente communication n’a d’autre ambition que de fournir quelques points de repères sur les enjeux et les écueils de ce glissement.

Pour cela, les propos qui suivent reviennent sur les processus et conditions qui mènent aujourd’hui à une actualité forte du « développement local ». Faute de recouvrir des réalités productives et programmatiques similaires ou même convergentes, le « développement local » devient sans conteste un signifiant récurrent dans la quasi-totalité des discours sur le développement au moment où l’État-nation, constituant essentiel de l’ambition développementaliste post-indépendance, se transforme au profit de configurations État et société diverses (Bach 1998 : 17). La communauté hétérogène des « développeurs » s’accorde ainsi pour attribuer aux opérations et actions collectives de plus grandes échelles (géographiques) des caractéristiques propres d’efficacité. Les ou des espaces infra-nationaux sont quant à eux parés d’un potentiel de mobilisation et de coopération propice à l’émergence de croissances. Pourtant cette « forme organisationnelle » de la production, structurée sur un espace géographiquement retreint et porteuse d’apprentissage collectif (Gilly et Pecqueur 1995 : 305) et de développement, se rencontre peu dans les pays du Sud. D’où la question abordée des conditions d’émergence de telles formes productives, du rôle des politiques publiques, et en particulier, de l’aide-projet maintenue à de nouvelles échelles et confiée à la responsabilité et à l’engagement de nouveaux acteurs.

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1. Le développement local entre objet d’analyse, outil d’analyse et stratégies d’action

Dans un contexte manifestement mondialisé, de mise en concurrence accrue des économies nationales, d’exacerbation des facteurs classiques de la compétitivité (coûts et législation du travail, fiscalité, niveau de protection des industries nationales, etc.), le développement local renvoie à de nouvelles organisations productives, de nouvelles formes d’industrialisation apparues dans des Régions qui gagnent (Benko et Lipietz 1992). La performance de ces Régions tient, presque paradoxalement, à la qualité de ressources construites localement et à l’articulation économiquement vertueuse de rapports marchands et non marchands entre une diversité d’acteurs impliqués. Dit d’une autre façon, le « développement local » signale pour les théories économiques du même nom une série de réussites productives dans des zones infra-nationales qui, à force d’observations et d’études, tendent à être érigées en modèles de développement local.

Un objet d’analyse

Pour les économistes régionaux, le « développement local » est en premier lieu un objet d’analyse. Il évoque très directement un ensemble de dynamiques productives repérées d’abord dans les pays industrialisés en pleine crise post-fordiste. A la fin des années 70, début des années 1980, des observateurs constatent que certaines régions restent compétitives alors que, la généralisation de la crise économique aidant, la plupart des vieux bassins industriels se confrontent à de lourdes restructurations. L’inaptitude des outils habituels de l’analyse économique à expliquer le déclin d’anciens bassins industriels et l’émergence de nouvelles régions industrielles ouvre la voie à tout un pan inédit de recherches. Quels sont les facteurs-clefs et les fondements de ces croissances localisées inattendues ? Tel peut-être résumé le programme qui conduira à dégager plusieurs modèles de développement local2 en fonction de la forme des organisations productives territorialisées, des contextes socio-économiques qui les accueillent, de leur spécificité.

A partir de premières observations sur les régions de la troisième Italie (Vénitie, Emilie Romagne et Toscane) puis d’études de cas largement diffusées sont ainsi mis à jour des districts industriels, des Systèmes productifs localisés (SPL), des milieux innovateurs, des clusters, etc.3. On s’accorde en général à reconnaître la plasticité de ces définitions peu stabilisées. Mais le rôle de l’entreprise en général, de l’agglomération de petites entreprises et des interactions avec le territoire en particulier, nourrit une partie importante des travaux sur le développement économique local. Toutes ces analyses renouvellent les conceptions du développement économique en faisant du niveau « local », conçu comme une entente performante, construite et instituée entre les petites entreprises et leur territoire, le lieu et la condition d’émergence possible de nouvelles dynamiques de croissance. Le territoire productif n’est pas nécessairement circonscrit à un espace administratif, ni donné. Il se construit avec la mobilisation d’acteurs « composites » qui se coordonnent, éventuellement de façon provisoire, pour « résoudre un (ou des) problème(s) productif(s) particuliers(s) » ou pour « réaliser un projet de développement collectif » (Zimmermann 1998 ; Leloup et alii 2003). A des degrés divers selon les formes d’organisations productives localisées étudiées et les approches retenues, ces travaux vont mettre l’accent sur quatre fondements conceptuels du territoire productif et, partant, du développement local : les externalités spatiales, les économies d’agglomérations, les ressources et les proximités (Samson 2004 : 132).

2. Pour une approche d’ensemble de ce programme, on consultera le dossier « Développement local, quels

modèles ? », et en particulier l’article de G. Benko « Les théories du développement local » paru dans Sciences Humaines, Hors Série n°8 – Février-Mars 1995.

3 Les toutes premières constatations de A. Marshall sur l’étonnante réussite de regroupements de PME dans l’Angleterre du XIXème, seront retravaillées par G. Beccatini et G. Garofoli à propos de la troisième Italie, avant d’être étendu en France par C. Courlet et B. Pecqueur et aux USA par A. J. Scott. Cf. I. Samson (2004).

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Chaque région dispose de ressources génériques, spécifiques et latentes, que la mobilisation, la créativité, les relations locales entre les hommes sont susceptibles de valoriser et d’activer de façon originale. Une des conclusions générales de ces analyses et des observations de terrain qui les soutiennent concerne ainsi le rapport des acteurs au territoire. Le développement local émerge d’une construction de territoires par les acteurs présents localement qui conduit à le spécifier et, ce faisant, renforce sa compétitivité sur les marchés internationaux. On s’éloigne de la figure première du « district industriel » marshallien tout en conservant l’idée d’une autonomie relative des territoires dans les dynamiques de développement. Ce point fait débat.

Les approches régulationnistes critiquent ainsi la thèse de J. Piore et C. F. Sabel (1984) d’une généralisation de la « spécialisation flexible » dans le monde capitaliste à venir. Pour ces deux auteurs en effet, la rigidité de la production de masse de l’ère fordiste laisserait place à une organisation de la production plus « artisanale », à des regroupements d’entreprises coopérant localement entre elles pour faire face aux évolutions rapides de la demande mondiale en combinant flexibilité du rapport salarial et haut niveau de qualification. Divers travaux mettent en cause l’unicité d’une telle organisation productive post-fordiste, le « district industriel», comme traduction spatiale idéal-typique (Lipietz et Benko 1995). On observe plus sûrement, entre pays et au sein de même pays, des formes variées et mêlées de régulations entre les firmes ainsi qu’une grande diversité d’évolutions des territoires reposant sur des combinaisons institutionnelles propres y compris à l’échelle locale. De l’outil d’analyse aux stratégies d’actions

L’analyse du développement local conduit alors à penser et à comprendre cette « variabilité spatiale des processus économiques », son rapport au régime d’accumulation d’échelle nationale et à la mondialisation (Gilly et Pecqueur 1995 : 310). D’un objet d’analyse redécouvert, le territoire productif, on aboutit à la mise au jour de nouvelles logiques de développement. A la suite des travaux de « l’École de la proximité » (Gilly et Torre 2000), trois « catégories polaires » de développement local (Gilly et Perrat 2004) ou trois logiques de développement (Pecqueur 2005) permettent de qualifier4 différentes organisations productives suivant le mode de valorisation des ressources et les formes de proximités sollicitées.

Le processus d’agglomération des activités productives met en jeu une proximité essentiellement géographique des acteurs économiques. Il correspond à un mouvement de concentration spatiale d’activités lié à et produisant des externalités pécuniaires – diminution des prix relatifs des facteurs de production. Il s’agit d’une juxtaposition sans cohérence forte d’établissements hétérogènes qui n’entraîne pas de logique industrielle propre à l’agglomération. Les relations entre acteurs ne font pas système et ne vont pas au-delà du partage de certaines ressources à l’origine d’économies d’échelle. L’agglomération peut être auto-entretenue et/ou résulter de politiques publiques actives (op. cit) telles que le zonage, la mise à disposition de sites et l’incitation financière.

Le processus de spécialisation repose à la fois sur de la proximité géographique et sur de la proximité organisationnelle ou industrielle, autrement-dit sur une interaction forte entre les acteurs locaux tournés vers la poursuite d’un objectif industriel partagé (résolution d’un problème productif ou réalisation d’un projet collectif). Le tissu économique local se structure autour d’une activité industrielle ou d’un produit. L’agglomération et la cohérence des activités reposent sur des externalités technologiques qui entraînent des changements dans les conditions de la production. La concentration d’activités spécialisées peut être spontanée, d’origine privée, liée à la présence de ressources ou d’actifs spécifiques. Elle peut aussi provenir d’une stratégie publique d’attraction et de différenciation du territoire (op. cit.) (pôle d’excellence, marketing territorial, etc.) sous la responsabilité de collectivités locales.

4 Les trois paragraphes qui viennent sont très directement inspirés de ces deux publications.

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Le processus de spécification concerne le territoire. Il s’appuie sur une proximité institutionnelle combinée aux deux autres formes de proximité. Une multiplicité et une diversité d’acteurs (économiques, sociaux, institutionnels) adhèrent à des règles d’action partagées et se reconnaissent dans un système commun de représentations. Le territoire qui se dessine favorise l’établissement de compromis socio-politiques rendant compatible, pendant un temps, les rapports d’intérêts contradictoires. Cette qualité de coordination liée à la dynamique de territorialisation, ou « gouvernance locale » selon J.-P. Gilly et B. Pecqueur (1995), permet l’intégration entre elles de ressources productives, techniques, commerciales et de compétences ; l’articulation par exemple d’activités de production, de formation et de recherche. Elle offre ainsi la possibilité d’infléchir les dynamiques de production en les rendant plus flexible. La spécification repose donc sur une « capacité créatrice » du tissu socio-économique, une auto-organisation du territoire par l’intermédiaire de structures privées et/ou publiques et sur l’internalisation de certains effets externes (op. cit.). Sa performance, bien qu’instable, tient à une qualité d’adaptation aux évolutions et contraintes externes, conséquence de postures « proactives » des acteurs présents localement rendues convergentes grâce à un processus institutionnel de mise en compatibilité. On parle alors plus volontiers de système (plutôt que de tissu) productif local dont on comprend dès lors qu’il a à voir avec l’action collective, la coopération et la spécification des ressources.

L’agglomération, la spécialisation et la spécification ne constituent pas des étapes successives d’un cheminement de développement linéaire qui coaliserait au final ces trois dynamiques. Chacune d’elle fonde un mode particulier de développement, le passage d’un mode à un autre pouvant aller dans deux sens : celui qui conduit à la construction territoriale ; celui qui mène à l’opposé à une déconstruction territoriale (Zimmermann et al. 1998). Le développement local, auquel renvoient très directement les approches en terme de SPL, correspond à un processus de spécification des ressources soutenu par un recouvrement de plus en plus dense des trois formes de proximités. Moins que la durabilité des organisations productives, ce recouvrement leur assure une capacité d’adaptation aux contextes environnants (locaux, nationaux et mondiaux).

Dans cette acception, le développement local se confond avec la construction de territoires productifs à des niveaux infra-nationaux et avec la production d’avantages compétitifs localisés. C’est un processus fondamentalement endogène, ouvert sur le monde5, restant soumis aux contraintes formées à des niveaux plus élevés – l’endogénéité référant au caractère fondamental de la mobilisation des acteurs locaux et des pratiques de réciprocité inscrites socialement dans le territoire. Vraisemblablement, c’est aussi un processus long, puisqu’il relève d’une construction sociale voire d’une culture ancienne (Bagnasco 1988), incertain puisqu’il dépend de fragiles équilibres entre des intérêts différents et opposés, spontané bien que cette dernière propriété prête à discussion. Le « spontanéisme des districts italiens, pour lesquels les interventions publiques sont restées discrètes mais constantes » dispute au rôle plus volontaire de l’État en France qui a cherché quant à lui à institutionnaliser les territoires productifs sous la forme de SPL (DATAR 1999 : 31).

En s’imposant en tant que nouvel objet d’analyse, le développement local on le constate, participe d’un questionnement plus général sur les politiques de développement et les acteurs de ces politiques. Ce questionnement « déborde aujourd’hui le travail académique de repérage, de classification et de modélisation » entrepris par la recherche et diffuse largement dans les milieux de l’action opérationnelle – gouvernements nationaux, régionaux, agences techniques de développement, etc. – sans toujours parvenir à contourner le risque normatif et prescriptif d’une transformation de « l’objet » en

5 Elle ne réfère pas une dynamique auto-centrée ou autarcique, une autre dimension qui peut se trouver

associée à l’endogénéité dans des approches de nature localiste.

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« recettes » (Faure et Labazee 2005). Cela peut être les cas lorsque sont envisagées les stratégies de promotion et de mise en œuvre des SPL6.

Ce passage, loin d’être neutre au plan épistémologique, ne l’est pas moins davantage aux plans institutionnel et politique. Il engage au moins quatre séries de changements :

- le probable déplacement des lieux de croissance et le renouvellement des facteurs de développement, notamment l’importance accordée aux agglomérations, aux territoires et aux externalités qu’ils génèrent ;

- la transformation des rapports entre acteurs privés et publics mais aussi entre pouvoirs locaux, centraux et globaux dans un environnement manifestement mondialisé qui projette les décisions et les initiatives en-deçà et au-delà de l’échelon central ;

- l’évolution des formes habituelles de l’action publique, la prise en compte de nouvelles contraintes et de probables stratégies de redéploiement de l’État ;

- le changement encore incertain du mode de régulation de l’activité économique. Ces faits généraux trouvent à s’exprimer à des degrés différents selon les pays. Ils font

des analyses centrées sur les observations localisées une échelle d’étude privilégiée des articulations du local et du global et un outil pour comprendre les changements en cours dans l’ordre économique et institutionnel. Une telle option méthodologique ne signifie pas pour autant que les dynamiques de croissance soient partout le résultat d’une mobilisation d’acteurs locaux ou d’essence « territoriale » ni, dans ces cas d’absence, qu’elles puissent l’être.

On peut certes observer au Nord que la réalité de dynamiques de croissance localisées met en cause les formes habituelles de l’intervention publique. En France, par exemple, les conceptions et pratiques de l’aménagement du territoire qui prévalaient en régime de croissance ont été bouleversées. Le développement local et endogène a paru comme une conception alternative de l’aménagement du territoire dans laquelle l’État ne conduisait plus sous une forme interventionniste et surtout de façon uniforme le rattrapage territorial. Il est censé fournir les outils contractuels et les conditions institutionnelles nécessaires à la mise en œuvre localement de stratégies différenciées de développement (Lipietz 2001). Une bascule logique à l’endroit des pays du Sud est parfois faite en partant du constat inverse d’un « retrait » généralisé de l’État et d’une décentralisation administrative propices à la « libération » des ressources territoriales pour affirmer la possibilité du développement local.

2. Une manifestation rare et une inspiration forte : les conditions institutionnelles de mise en œuvre du développement local

Les considérations socio-productives et territoriales dont il vient d’être question peuvent-elles concerner les pays en voie de développement ou les pays émergents ? Une double réponse positive est habituellement avancée. En premier lieu, des formes d’organisation productive localisée portant trace d’une émergence territoriale sont identifiées et étudiées dans de nombreux pays des Suds. Elles préfigureraient par leur présence la possibilité de nouvelles voies pour l’industrialisation et le développement. En second lieu, même dans les régions où ces formes productives sont relativement absentes, comme sur le continent africain, les configurations institutionnelles issues des programmes d’ajustement et de la mondialisation seraient favorables au renouvellement de stratégies de développement fondées sur l’implication des acteurs locaux.

Les points qui suivent nuancent successivement les deux éléments de la réponse. L’importance des activités informelles dans les économies du Sud, loin de manifester une prédisposition sociale ou quasi culturelle à un développement local et spontané, traduit surtout un affaiblissement des régulations institutionnelles de l’économie, une incapacité

6 La typicité et l’unicité de l’atmosphère industriel marshallien comme facteur principal du développement

local s’oppose conceptuellement au principe d’une reproduction volontaire et décrétée que suggère le recours

aux politiques publiques.

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de l’État « à produire et faire respecter des normes socialement acceptées encadrant le marché » (Lautier 1994 : 115). En Afrique, cette impuissance régulatrice a longtemps cohabité avec une administration et une bureaucratie pléthoriques. Elle prend racine dans une relation particulière de l’État à la société qui, vingt années après les premiers programmes d’ajustement structurel puis sous l’injonction de la « bonne gouvernance », semble encore loin d’être bouleversée.

Les territoires productifs face au poids de l’informel

D. Requier Desjardin (1996) signale l’effacement de l’ancienne frontière érigée par les théories du développement. En se localisant, les problématiques de développement intéressent dorénavant toutes les économies, y compris les plus industrialisées. En retour, l’accent mis sur les territoires et la proximité des acteurs comme nouvelles sources de l’accumulation interpelle l’analyse des dynamiques productives des pays en développement7. L’expansion du secteur informel urbain et les externalités qui lui sont parfois associées pourraient-elles être analysées en terme de système productif local ou de district industriel néo-marshallien et échapper aux approches en terme de survie (op. cit.) ?

Depuis la fin des années 80, les modèles de développement local inspirés des expériences européennes s’appliquent à l’industrie à petite échelle et tentent de s’ajuster à la réalité des pays en développement à travers le concept de cluster (Nadvi et Schmitz 1999) ou de SPL (Hattab Christmann 2004 ; Courlet et Hollard 2004). Tout en continuant à exprimer l’idée de concentration sectorielle et géographique, le cluster ne vérifie pas nécessairement d’autres caractéristiques du district comme la coopération inter-firmes ou l’efficacité de la régulation socio-culturelle des relations inter-entreprises (op. cit.). Il s’assimile à une forme embryonnaire de territoire productif de laquelle peut émerger une forme productive spécifique plus performante à condition qu’une configuration institutionnelle ajustée produise les incitations adéquates. Sur la base d’une analyse de six clusters au Kenya, au Ghana et en Afrique du Sud, la promotion de groupements d’entreprises est alors présentée par D. McCormick (2003) comme une des nouvelles stratégies pouvant conduire à relancer l’industrialisation en Afrique en améliorant l’« efficacité collective » d’agglomérations de petites unités plutôt qu’en cherchant à appuyer des entreprises isolées.

Des organismes de coopération et de développement, comme l’OCDE ou l’ONUDI, proposent de transformer les Systèmes productifs locaux en modèle d’action ou en « outil de développement territorial ». Une des questions posées en janvier 2001 à Paris lors du premier congrès mondial des SPL illustre parfaitement ce point. Pour les pays en développement, il s’agit alors de savoir comment favoriser l’émergence de formes productives approchantes, notamment en Inde, en Amérique centrale et en Afrique, à partir des tissus existants d’activités artisanales ou informelles. On peut signaler comme autre traduction de cette transformation de « l’objet » en « stratégie », la recherche de synergies favorables au développement des activités économiques locales à travers la mise en œuvre de coopérations décentralisées Nord-Sud : après les États, puis les populations, ce sont les espaces locaux et leurs institutions qui entrent en coopération.

Les facteurs clefs des dynamiques productives locales mis en avant par les approches en termes de SPL, autrefois considérés comme des obstacles, représentent des nouveaux leviers d’action pour des opérateurs soucieux de favoriser des dynamiques de croissance singulières à partir de l’histoire propre et des spécificités socio-culturelles des territoires (Hattab Christmann 2004). Le regroupement spatial d’activités autour d’un même produit, les modes particuliers d’échanges et de coopération, la forte articulation de l’organisation productive aux ensembles sociaux, l’accumulation de savoirs-faire locaux issue de

7 F. Leloup, L. Moyart et B. Pecqueur (2003) ont proposé récemment une mise en perspective des liens

entre décentralisation, gouvernance locale et développement territorial en Afrique de l’Ouest.

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l’histoire productive du territoire, le rôle des institutions locales dans la coordination des acteurs économiques sont les ressorts de croissance localisée.

Pourtant de récents travaux sur des complexes industriels de PME au Brésil, en Inde et au Mexique (Fauré et al. 2005) mettent en lumière une variété d’adaptations socio-productives à la globalisation qui correspondent mal aux approches parfois « standardisées » qui les décrivent. Les adaptations s’opèrent et s’observent à l’échelle locale certes. Mais elles dépendent des redéploiements spatiaux des firmes multinationales, des compétitions entre pays du Sud pour l’accès au marché mondial et des conjonctures économiques des pays du Nord. Au vu de ces travaux, l’autonomie du « local », principe au fondement de certaines approches du « développement local », perd de sa force normative. Une diversité de processus d’ajustements socio-productifs face aux effets de la mondialisation est mise en lumière. La stabilité et la durabilité de ces réorganisations demeurent tout aussi fragiles que des formes plus fordiennes de la production. Au sein des ensembles locaux de PME, les relations entre acteurs locaux expriment moins souvent les dimensions de solidarité, de partenariat, de coopération et de mobilisation censées garantir l’avantage territorial de tels ensembles productifs, qu’elles traduisent des hiérarchies de pouvoirs et des rapports de domination au fondement des trajectoires observées (op. cit. 22).

En Afrique, les dynamiques significatives d’agglomération industrielle de petites entreprises restent l’exception en dehors de quelques cas remarquables, comme Sfax ou Ksar Hellal en Tunisie ou en encore Midrand en Afrique du Sud, étudiées à maintes reprises mais qui peinent à être reproduites ailleurs. Si à l’appui de ces îlots exemplaires ou autres cas signalés au Maroc sous forme de SPL on doit reconnaître l’existence de dynamiques productives locales en Afrique, on peut s’interroger, au vu de la rareté présente, sur les rapports qui s’établissent avec un changement socio-productif de plus vaste ampleur et qui pourrait concerner plus directement le développement. Par exemple, au Sénégal, la distribution très inégalitaire dans l’espace national des facteurs qui concourent aux dynamiques de développement local rend difficile le nécessaire rééquilibrage des croissances urbaines depuis des échelons décentralisés (Piveteau 2005). Peu d’espaces paraissent à moyen terme être concernés par un développement productif de ce type.

Deux socio-économistes, Y.-A. Fauré et P. Labazée (2005) le soulignent à l’appui d’enquêtes de terrain sur les tissus productifs urbains d’Afrique de l’ouest : « la « grégarité » des installations, petites et moyennes, autour des mêmes métiers et spécialités [ ] et aux abords des complexes industriels modernes mais sans liens économiques directs avec eux [ ] ne peut tenir lieu de « grappes » d’entreprises, même dans une définition lâche où celle-ci peut être encore admise. Des réciprocités y sont sans doute observables, mais elles débouchent sur des coopérations techniques et stratégiques si limitées qu’elles ne permettent pas de structurer l’organisation professionnelle [ ]. En Côte-d’Ivoire, où il ressort des études menées dans cinq des principales capitales régionales que les spécialisations productives observables ne concernent, en chaque cas, que la première transformation des produits du cru et qu’elles ne génèrent presque jamais une division accentuée du travail ; l’exiguïté des marchés locaux et nationaux d’une part, et d’autre part le faible contenu technologique des productions exportées, rendent improbable l’émergence – voire l’intérêt – d’une dynamique complexe s’appuyant sur les proximités spatiales ». Malgré la proximité géographique des petites activités, la fréquence et la densité des rapports sociaux, les échanges et contacts professionnels demeurent faibles. Dans un contexte de fort sous-emploi, la solidarité sociale n’entraîne pas de solidarité technique et donne rarement lieu à de l’innovation.

Resterait donc les activités informelles ou, dans une perspective optimiste, « l’économie populaire » pour servir de levier local alternatif à une économie africaine en manque de moteur industriel. « Reposant essentiellement sur une valorisation des ressources locales, ces pratiques populaires, mettent l’accent sur les individus qui les animent, leurs compétences et savoir-faire, leurs réseaux relationnels, les procédures de redistribution de revenus qu’elles induisent. Des capacités d’organisation, de

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mobilisation, voire de flexibilité et d’innovation caractérisent ces activités profondément ancrées dans un espace, une histoire, une communauté » (Leloup et alii 2003). Cette conception des petites activités essentiellement urbaines propose finalement d’établir un pont entre les caractéristiques supposées de l’informelle et les facteurs clefs des dynamiques productives locales. Elle véhicule au moins trois représentations sujettes à discussion.

En premier lieu, elle suppose plus ou moins explicitement qu’il existe entre ces activités ou, plus, entre les individus qui les animent, une convergence d’intérêts favorable à l’action collective. Or l’informel regroupe, souvent pour les besoins de la comptabilité et d’autres constructions statistiques, des activités hétérogènes et des individus qui n’ont pas entre eux les mêmes objectifs et les mêmes intérêts (apprentis, domestiques, petits patrons, employés, aides-familiaux, etc.). La question est alors davantage celle de la nature des compromis qui permettent de faire tenir en équilibre « tout ce petit monde » et, éventuellement, de leur difficile déplacement.

En deuxième lieu, il s’agit bien de revenir sur les conditions de croissance interne et externe d’activités qui combinent une grande flexibilité (rapport salarial par exemple, non respect des règlements, etc. ?) avec une faible productivité. Or on sait à l’appui de nombreux travaux sur la question que très peu d’activités informelles parviennent à sortir d’un équilibre socio-productif précaire.

Enfin, la sur-valorisation des activités informelles - une économie populaire inventive et solidaire, une réponse endogène à la froideur et à la violence sociale du développement capitaliste – et les discours émerveillés sur quelques parcours hors norme médiatisés par des agences de développement en mal de succès exemplaires - une pépinière d’entrepreneurs schumpéterien – gomment l’origine d’un phénomène pourtant massif dans les économies des Suds et qui demeure peu comparable à l’informalité qui caractérise les systèmes économiques des pays développés (Lautier 1994). L’informalisation d’une partie importante des économies en développement, en particulier des économies urbaines, provient de l’échec du projet développementaliste et industrialiste auquel se sont surajoutés l’impasse sociale des ajustements structurels et, probablement, les effets d’une projection brutale des économies pauvres dans la compétition mondiale8. Elle procède alors de l’incapacité de l’État à conduire le projet de développement et, plus profondément, à encadrer le marché et à garantir les droits sociaux. Loin d’un phénomène « périphérique ou résiduel » (op. cit), l’informalisation participe du mode de régulation des économies aux Suds en caractérisant localement le « rapport social d’emploi » (Gilly et Pequeur 1995) et en qualifiant, y compris par une croissance des activités illicites, les modes d’insertion internationale des économies pauvres et émergentes. On est conduit à se demander si la faiblesse institutionnelle de l’État et le rapport dialectique qu’elle entretient avec la société et l’économie n’hypothèque pas toute forme de développement productif qu’il soit ou non pensé et impulsé localement ? Plus modérément, dans ces conditions institutionnelles de déploiement des activités économiques, la remarque formulée il y a plus de quinze ans par Georges Courade demeure d’actualité (1990) : « L’Afrique a encore à faire pour que sa débrouillardise se transforme en miracle économique italien ».

Des processus contingents face aux politiques publiques

A la lumière des précédentes réflexions, il est patent de constater que dans la plupart des pays d’Afrique le développement local, dont la nature contingente se révèle à l’occasion d’approches inductives, n’est pas plus effectif que le développement tel qu’il a pu être conçu au lendemain des indépendances. La réflexion glisse alors graduellement

8 Dans un rapport récent, le BIT constate l’extension patente de l’emploi informel dans les trois pays du

Maghreb (Barbier 2006 : 43). En Algérie, il serait passé de 25% à 47% de la population occupée entre 1985 et 1997. Au Maroc, il représenterait la moitié des emplois occupés en 1999 et un tiers en Tunisie. L’emploi informel totaliserait 40 à 50% de l’emploi non agricole au Maghreb.

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vers deux champs d’interrogation complémentaires : la possible levée des limitations institutionnelles à la mise en œuvre spontanée du développement local et le rôle des politiques publiques.

Le « retrait » de l’État central, son contournement par le haut (régionalisation, mondialisation, mise sous tutelle des politiques macro-économiques) et par le bas (décentralisation, aide et coopérations décentralisées, poids des ONG et de leurs opérations locales, etc.), sont parfois présentés comme un élément structurel et du contexte institutionnel favorable à l’émergence de dynamiques croissances localisées. La verticalité des programmes et politiques de développement due à la toute puissance de l’État (thèse d’un État fort) pourrait enfin laisser place à la multiplication d’approches innovantes et ajustées parce qu’horizontales. En quelque sorte, en Afrique, les territoires et les acteurs qui les font seraient libérés par l’effondrement du mythe de l’Etat-développeur. Les conditions de possibilité presque mécaniques pour un développement local sont à relativiser puisque le point de départ de cet enchaînement logique reste lui même contestable.

La fin du mythe de l’Etat-développeur et les transformations évidentes de ses modes d’intervention dans et sur l’économie n’indiquent pas pour autant que les façons de gouverner aient radicalement changé. Le rapport de « tolérance » de l’État vis-à-vis des activités informelles et illicites l’illustre. Compte tenu de l’importance de l’informel dans les économies africaines, il s’agit d’un rapport de fait. Il suggère que demeure une forme de contrôle indirect de l’État sur l’économie et de l’économie sur l’État (Lautier 1994 : 106-108) parfaitement articulée aux mouvements de privatisations et continuant de relever de pratiques néo-patrimoniales (Médard 1990). Perdure ainsi une capacité très faible de régulation et de mise en œuvre des politiques publiques, d’autant plus faible qu’elle a eu à subir plusieurs programmes d’ajustement. Certaines analyses vont jusqu’à émettre pour l’Afrique le principe d’un renforcement de l’interventionnisme de l’État par un mécanisme wéberien de « décharge » des fonctions précédemment « publiques » confiées à des acteurs « privés » venant contribuer aux modes de reproduction clientélistes de l’État (Hibou 1999). Il convient en effet de noter l’étroitesse et l’originalité historiquement constituées en Afrique des relations entre l’État et la société (rapport fonctionnel plus qu’institutionnel), comme entre l’État et l’économie (confusion entre le privé et le public). Quelques doutes peuvent alors être formulés quant à la possibilité de voir à l’échelle locale se former de nouvelles coalitions de croissance plus efficientes et plus justes sous le simple effet de l’institution de nouveaux pouvoirs locaux (décentralisation), du « retrait » apparent de l’État central et de l’habilitation d’une multitude d’acteurs dans les affaires du développement. Le manque ou le défaut de capacité régulatrice de l’État à l’échelle nationale lié à sa nature néo-patrimoniale – capacité dont K. Polanyi (1944) a montré qu’elle est allée de paire avec le développement du capitalisme et la construction des marchés – a peu de chance d’être inversé par une simple réduction de l’interventionnisme économique de l’État central (privatisation, déréglementation, décentralisation) et par la seule instauration de processus électoraux plus compétitifs et transparents. Par exemple, des études récentes attestent au Sénégal l’Afrique du déplacement aux échelles locales de proximités des phénomènes de clientélisme et de corruption (Blundo 2001). La profusion de micro-institutions contre l’approfondissement institutionnel : Logique « projets » et construction territoriale au Sénégal

Au Sénégal, l’intérêt grandissant pour le développement local combiné à celui pour la décentralisation indique trois changements importants dans les stratégies de développement9 : l’habilitation d’une pluralité d’acteurs, anciens et nouveaux, privés, publics et associatifs, dans les affaires publiques et les opérations de développement ; la

9 Les paragraphes qui suivent reprennent les conclusions d’une recherche conduite au Sénégal sur les

rapports entre dynamiques de décentralisation et dynamiques de développement local (Piveteau 2005).

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décentralisation des cadres politico-administratifs ; une relégitimation sous l’effet d’incitations à la « bonne gouvernance » du rôle des politiques publiques dans les processus de développement. Ces principes généraux d'une nouvelle organisation de l'action publique, mises en œuvre sous l’injonction des institutions de financement international et des agences d’aide et de coopérations, reçoivent un écho très favorable de la part des acteurs extra-étatiques qui expriment ainsi leur adhésion à la critique de l’interventionnisme et de l’autoritarisme de l’État-développeur.

Concrètement de très nombreux projets et programmes d’appui au développement local et à la décentralisation sont lancées depuis le début des années 1990 par l’ensemble des coopérateurs actifs au Sénégal (bilatéraux, multilatéraux, décentralisés et associatifs). La plupart comporte un volet important de renforcement des institutions publiques locales.

Des observations et enquêtes menées dans la commune de Saint-Louis, au Nord Ouest du pays, autorisent quelques remarques. Elles se résument simplement : compétition entre opérateurs associatifs et publics pour la maîtrise des ressources exogènes (projets et aide) ; conflits de légitimité entre les organismes impliqués10 ; discontinuité dans la capitalisation et le stockage de l’information notamment sur l'économie locale ; coûts probablement élevés des dispositifs contractuels en renouvellement constant (coûts de transaction).

Les administrations et services publics localement présents fonctionnent entre eux suivant un mode concurrentiel. La communication entre ces services et, plus encore, la circulation horizontale d’informations sont des faits rares. Les bases de données locales, complément nécessaire à l’activité de programmation, de suivi et d’évaluation n’existent pas, tout en faisant l’objet de projets impulsés par les bailleurs de fonds. L’information locale continue d'être éparpillée dans différents services. Quelle que soit sa valeur utile, elle représente pour celui qui la détient une ressource d’autant plus négociable qu’elle circule peu et continue d’être convoitée par de nombreux organismes d'action, d’étude ou de recherche.

L’action de développement local met presque systématiquement en jeu l’appui et le financement d’un projet extérieur (organisation internationale, coopération décentralisée ou ONG). Une logique d’offre oriente les choix de la politique publique locale. Dit autrement, la décentralisation cadre d’exécution des programmes de développement local, met en relation des porteurs de projets hétérogènes. Elle accentue la compétition entre acteurs économiques, entre organisations représentatives mais aussi entre services et organismes publics. La capacité financière des projets et des programmes peut sembler sans commune mesure avec celle des institutions publiques locales. Elle pousse au cloisonnement entre les organismes en charge du développement local, favorise les situations d'asymétrie et les comportements opportunistes. Tout ceci n'est pas nouveau, mais les lois de décentralisation paraissent renforcer le pouvoir des différents opérateurs extérieurs en leur donnant la possibilité de traiter directement avec un des trois niveaux de collectivités territoriales. Plutôt que de favoriser la construction d'une territorialité, la décentralisation produirait à l'échelle locale davantage de discontinuité en laissant les mains libres aux très nombreux projets, davantage « d’exterritorialité » que de « proximité ». Une décentralisation achevée, transférant de nouvelles compétences à des collectivités territoriales encore fragiles, peu expérimentées et aux ressources propres limitées, renforcerait mécaniquement le pouvoir d’opérateurs externes – divers, aux objectifs parfois contradictoires et producteurs de discontinuités – en affaiblissant du même coup la maîtrise locale, la cohérence et l’efficacité des politiques publiques (notamment en terme d’investissements).

La formation des politiques publiques au Sénégal dépend fortement des conditions de distribution et d'insertion de l'aide extérieure qui orientent alors le processus de

10. Les Agences régionales de développement, bras technique des collectivités territoriales créées par la loi

de décentralisation de 1996 ont suscité des craintes au sein de structures de la coopération décentralisée, plus anciennes à Saint-Louis, et qui, de fait, ont vu progressivement leurs prérogatives réduites. Des conflits de positionnement ont pendant un temps freiné les opérations en cours.

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décentralisation. Le rapport d’aide, qui institue une relation de dons entre acteurs « aidant » et acteurs « aidés », marque la plupart des « projets » de développement local et caractérisent nombre d’initiatives collectives locales. Si, aujourd'hui, l'échelon local se voit plébiscité c’est comme niveau pertinent d'exécution des programmes et de mobilisation des acteurs autour d'objectifs nationaux consensuels, a-politique, contenus dans des documents stratégiques aux logiques sectorielles dont la trame et l’ingénierie globalisées opèrent dans de nombreux pays. On songe en particulier au renforcement de la coordination centrale privilégiée dans des documents de politique économique comme le Document stratégique de réduction de la pauvreté ou le Programme nationale de bonne gouvernance. La technicisation des processus de décisions qui accompagne ces nouveaux cadres de coordination entre acteurs externes et internes, auxquels est associée une clientèle technique nationale, s'exprime au détriment d’une construction plus politique ou plus conflictuelle des choix publics dépouillant ainsi la décentralisation d'une part de ses fonctions régulatrices.

S’agissant d’opérations d’échelle locale, cela renvoie à la capacité des collectivités locales à coordonner les acteurs locaux entre eux (coordination horizontale) puis avec des acteurs nationaux et internationaux (coordination verticale). Ce défi de gouvernance locale dépend tout autant de la volonté et de la capacité des nombreux acteurs de l’aide à jouer le jeu de l’interface publique. En Afrique de l’ouest, la question se déplace ainsi vers la gouvernementalité d’économies aidées, vers le rôle pivot de l’État central et des collectivités décentralisées, vers la construction politique de choix publics opérés dans un environnement où la prolifération d’institutions et de techniques de développement – prolifération à laquelle contribuent les très nombreuses ONG et leurs ingénieries de projet – pourrait l’emporter sur l’approfondissement institutionnel.

Si les décentralisations prolongent et renforcent parfois les précédents mouvements de privatisation et de dérégulation des économies, elles reportent également une partie importante des efforts de développement (et de leur financement) sur les acteurs « communautaires ». Ce transfert, auquel le travail des ONG demeure étroitement lié, ne peut se faire sans tenir compte des défaillances de communauté11. Il serait hasardeux de reconduire un aveuglement comparable à celui des « anciennes » stratégies de développement face aux défaillances de l’État et aux défaillances de marché. Les ONG de développement et leurs partenaires communautaires n’ont pas fait montre d’une plus grande efficacité dans la mise en œuvre du développement. Il n’existe pas d’avantages absolus ou comparatifs de l’action non gouvernementale, du « petit » projet ou de la démarche participative. L’amélioration de l’impact du travail de l’aide-projet suppose un meilleur ancrage institutionnel des projets et une articulation renforcée avec les pouvoirs publics.

J. Steffensen et S. Trollegaard (1999) résument l’espoir qui anime l’esprit décentralisateur : avec l’accroissement de la responsabilité en matière de gestion basée sur la performance, l’attention des dirigeants ne serait plus fixée sur les projets (cas spécifiques) mais sur l’orientation générale des politiques. Dans le contexte d’un pays pauvre comme le Sénégal, c’est le contraire qui semble se produire. La décentralisation démultiplie aux échelons locaux les carences bien connues du développement aidé – en terme de capacité d’absorption, d’appropriation, d’intégration – en compliquant la coordination des interventions externes et en favorisant le déploiement de logiques rentières. C’est d’ailleurs moins la nature externe des intervenants qui fait problème – en soi elle n’est pas un handicap à la construction de dynamiques locales – que la polyarchie de l’aide, devant des pouvoirs locaux faibles. La domination de la logique projet à l’échelon local, les inégalités de pouvoir entre acteurs impliqués dans l’aide, la faiblesse des ressources financières mobilisables dans nombre de collectivités augurent des difficultés à concrétiser une telle ambition.

11 Sur les risques de captation, de détournement et d’abus par les élites et leaders locaux dans les

procédures d’aide décentralisée impliquant des ONG locales, cf. J.-P. Platteau (2003).

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Conclusion

Il ne suffit pas que l’État central ne prenne plus directement en charge l’activité économique, que des cadres d’actions publics décentralisés voient le jour, que des acteurs locaux soient habilités à participer aux actions de développement, ni que les redéploiements spatiaux de l’économie mondiale s’opèrent sur un principe de délocalisation/relocalisation pour que les pays du Sud, et en particulier, ceux d’Afrique voient leur croissance économique, puis leur développement, fondés sur une mobilisation de ressources et d’acteurs locaux et « profitent » de ces nouvelles opportunités.

En marge d’une variété de transformations productives localisées dont les complexes multi-factoriels et les effets en termes de croissance, d’équité, de répartition, de différenciation infralocale et interlocale, bref de développement continuent d’être analysés et débattus, le développement local dans les pays du Sud et particulièrement en AFrique fait surtout l’objet d’incitations fortes de la part des organismes de développement et des agences d’aide. Il se manifeste par une foultitude de programmes et de projets connectés aux circuits de l’aide et de la coopération.

L’informalité des configurations productives urbaines domine en Afrique. Elle montre que la production peut-être localement et socialement située, s’appuyée sur une mobilisation de ressources locales, faire preuve d’ingéniosité ou de débrouillardise, provenir d’une multitude de petits établissements géographiquement proches, sans pour autant que des coopérations ne s’établissement entre les entrepreneurs, que les solidarités sociales ne donnent lieu à des solidarités techniques, qu’un processus de spécialisation ou d’innovation ne soit engagé ni que cette proximité surtout géographique n’élève les performances de l’économie locale au-dessus des contraintes qui la cantonne : étroitesse des marchés locaux, faible niveau de productivité associé un à haut degré de flexibilité, stratégie d’accumulation extensive pour faire face à l’incertitude sociale et économique.

En revanche, l’importance de l’économie informelle aux Suds révèle un mode de gouvernement aussi bien central que local dont la compatibilité avec le développement local et les conditions de son déploiement pose problème. La question centrale demeure celle de la nature ou du degré d’État, de son rapport à l’économie et à la société et des effets en termes de croissance et de développement.

Par la mise en œuvre d’une méthode originale et inductive, A. Markussen (2000) a pu montrer que la puissance de l’État et/ou de compagnies multinationales pouvaient jouer un rôle majeur dans la constitution de territoires productifs performants (les « lieux-aimants »). Suivant les approches en termes de gouvernance locale (Dupuy, Gilly et Perrat 2000), l’action de l’État n’est pas neutre. Elle « influence la construction de compromis institutionnels territoriaux. L’action publique localisée diffère en fonction de leur cohérence et de leur dynamique ».

L’actuel redéploiement de l’action publique constaté au Sénégal et plus généralement en Afrique, invite donc à étudier les nouveaux compromis qui s’établissent à l’échelle locale avant de les inscrire dans de nouveaux mode de développement ou de les évaluer par rapport aux normes prescriptives qu’un recours abusif aux « modèles-recettes » permettrait d’édicter.

Cette simple précaution épistémologique se trouve renforcée par des différences évidentes dans les conditions générales qui au Nord ont permis les émergences productives qualifiées de « développement local » et celles qui prévalent dans la plupart des pays du sud : l’existence d’une base industrielle forte, la présence de mécanismes de redistribution et de solidarité inter-personnels et a-spatiaux (fiscalité, sécurité sociale, etc.), le niveau élevé de formation. Ajoutons enfin que dans les pays pauvres, l’articulation des économies domestiques avec l’extérieur s’opère par deux canaux principaux et singuliers : la migration et l’aide ; c’est le cas au Maroc et au Sénégal. Ils contraignent chacun à leur manière la mobilisation et l’activation de ressources locales, orientent le jeu des acteurs locaux et pèsent en définitive sur les conditions de possibilités d’un développement local.

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