Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme comme science sociale

21
Luigi Manzione, architecte, docteur de l’université de Paris 8 [email protected] Gaston Bardet (1907-1989), théoricien et polémiste, représente une des figures-clés de l’urbanisme français du XX e siècle, mais une figure encore peu explorée. Après un très long oubli, Bardet se propose à l’attention seulement à la fin des années 1970 dans un article de J.-L. Cohen (1978), où l’on remarque l’intérêt de l’analyse urbaine dans le contexte d’une idée de l’urba- nisme comme science « expérimentale ». En 1989, à l’occasion de la dispa- rition de Bardet, J.-L. Cohen pointe l’originalité et la vigueur de sa contribution théorique par rapport aux principales références (Marcel Poëte, Patrick Geddes, Lewis Mumford) (Cohen, 1989). Il en retrace ensuite le profil (Cohen, 1996), en dégageant la redécouverte d’« une pensée de la com- plexité » qui réarticule la morphologie urbaine et la morphologie sociale, en opposition au réductionnisme fonctionnaliste. J.-L. Cohen restitue les traits d’une conception d’ensemble de la vie urbaine, laquelle s’enrichit dès les années 1940 de l’organisation hiérarchique et communautaire des « éche- lons » et se confronte, ensuite, avec la notion d’organisation polyphonique. Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme comme science sociale Luigi Manzione

Transcript of Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme comme science sociale

Luigi Manzione, architecte, docteur de l’université de Paris [email protected]

Gaston Bardet (1907-1989), théoricien et polémiste, représente une desfigures-clés de l’urbanisme français du XXe siècle, mais une figure encore peuexplorée. Après un très long oubli, Bardet se propose à l’attention seulementà la fin des années 1970 dans un article de J.-L. Cohen (1978), où l’onremarque l’intérêt de l’analyse urbaine dans le contexte d’une idée de l’urba-nisme comme science « expérimentale ». En 1989, à l’occasion de la dispa-rition de Bardet, J.-L. Cohen pointe l’originalité et la vigueur de sacontribution théorique par rapport aux principales références (Marcel Poëte,Patrick Geddes, Lewis Mumford) (Cohen, 1989). Il en retrace ensuite leprofil (Cohen, 1996), en dégageant la redécouverte d’« une pensée de la com-plexité » qui réarticule la morphologie urbaine et la morphologie sociale, enopposition au réductionnisme fonctionnaliste. J.-L. Cohen restitue les traitsd’une conception d’ensemble de la vie urbaine, laquelle s’enrichit dès lesannées 1940 de l’organisation hiérarchique et communautaire des « éche-lons » et se confronte, ensuite, avec la notion d’organisation polyphonique.

Économie du lien et biopolitique.Gaston Bardet et l’urbanisme

comme science sociale

Luigi Manzione

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 193

Espaces et sociétés 140-141194

En 1999, Jean-Pierre Frey relit la pensée de Bardet – qu’il définit commele « principal théoricien de l’urbanisme des années 1930 aux années 1950 » –sous l’angle du rapport espace-société (Frey, 1999). Auteur aux intérêts plu-ridisciplinaires, Bardet propose, selon J.-P. Frey, une image de la société bienplus complexe et argumentée que celle de ses adversaires. Conçu en tant que« science sociale », l’urbanisme devient, en opposition aux tendances « pro-gressistes », une discipline plus proche de l’analyse que de la création, ayantpour objet le rapport des groupes avec l’espace et l’inscription au sol de leursactivités. En 2001, J.-P. Frey confirme la centralité de la catégorie de la conti-nuité dans le discours (et dans la pratique) de Bardet, avec la mise en évi-dence de l’influence de Frédéric Le Play (Frey, 2001) : continuité d’aborddans les tissus urbains, laquelle serait assurée par l’emploi de la « topogra-phie sociale ».

En 2000, Enrico Chapel focalise son attention sur le travail méthodolo-gique de Bardet et sur la visualisation de la ville au moyen d’un « véritablesystème de statistique graphique pour l’urbanisme » (Chapel, 2000a ; v. aussiChapel, 2000b). Il explore l’entrelacement de la sphère de la méthode et dela doctrine, en reconnaissant dans la topographie sociale un outil, à la fois, dereprésentation et de conceptualisation de la ville comme agrégat social.E. Chapel éclaire aussi le lien de Bardet avec le groupe Économie et huma-nisme à propos de la constitution d’une méthode d’enquête sur base sociolo-gique, à l’origine de l’organisation en échelons.

LIER OU RÉGLER ?

Le thème principal du présent article concerne la formation chez Bardet,entre 1934 et 1948, d’une idée d’urbanisme comme science sociale.L’attention sera portée moins sur les aspects méthodologiques et épistémo-logiques de cette construction doctrinale, sur lesquels les études plus hautcitées apportent des éclairages importants, que sur une position de Bardetque je définirais d’équilibre instable entre, d’une part, une approche com-munautaire (économie du lien) et, d’autre part, une posture régulatrice (bio-politique), au sens défini par Michel Foucault comme contrôle ducorps-espèce « traversé par la mécanique du vivant », que Bardet sembleviser dans la forme des groupes sociaux établis sur le territoire. Sans vouloiraborder ici ces questions, on peut remarquer que les origines de cette pos-ture remontent à la seconde moitié du XVIIIe siècle, à partir de certainesnotions-clés (comme celle de population), de formes de connaissance(comme la statistique et la démographie), de pratiques (l’hygiène, la sécuritépublique, etc.) (Foucault, 2004). Ce qui nous intéresse, c’est que, sur la basede la co-implication des termes espace et pouvoir – comme l’a montréAndrea Cavalletti – ces notions sont toutes en liaison avec la formation de

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 194

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 195

l’urbanisme moderne conçu comme discipline. Si l’attention des urbanistespeut se concentrer sur la « spazialità immanente ai rapporti di potere »,c’est parce que la notion de population devient une sorte de « macchinaregolabile » (Cavalletti, 2005, p. 3-10). Une machine à observer et gouver-ner au travers de la gestion des conditions de vie : agir sur le territoirerevient alors à agir sur le corps de la population (où la famille représente lesegment privilégié), c’est-à-dire établir des seuils et des normes. On verraalors que la question essentielle de la limite, avec les modalités pour définiret régler cette limite sur le terrain opérationnel, est bien posée chez Bardetpar rapport à la composition des groupes et à l’espace qu’ils occupent. Cettequestion est posée encore sous la forme d’une métaphore : la tradition deshygiénistes à Le Corbusier opérait sur la métaphore du corps et de ses pro-portions, tandis que Bardet adopte la nouvelle métaphore de l’espèce (oubien du groupe), dont les proportions se mesurent au moyen des indices dequalité de la vie.

Or, l’idée de connaître et de représenter la vie urbaine par la topographiesociale dans ses moindres détails – habitant par habitant – de manière pourainsi dire microphysique, selon une technique que Bardet compare à l’intro-duction du microscope en biologie, ne recèle-t-elle pas une intention de sur-veillance, un souci d’adaptation des phénomènes de population auxprocessus économiques ? La prospection des interstices les plus cachés de lavie des habitants, véhiculée par des outils tels que les diagrammes et les car-togrammes, ne constitue-t-elle pas une sorte de traduction technique – uneparmi les traductions possibles par les appareils disciplinaires – du « regarddu pouvoir » dont parle Foucault (Foucault, 2001) ? Certains passages de laréflexion de Bardet autoriseraient, d’un côté, une lecture de ce genre, là où ilétend au corps social le regard (ré-)cognitif que les hygiénistes avaient posésur le corps anatomique de l’habitant de la ville, selon une démarche qu’onpourrait définir de type « anatomo-politique » ; là où il insiste sur les catégo-ries de la stabilité et de l’équilibre (Bardet, 1943c, p. 252), sur la transforma-tion des « prolétaires en artisans-paysans » (Bardet, 1941, p. 351), sur les« sociétés simples et closes » (Bardet, 1943a, p. 242), sur la grande villecomme « lieu où se cacher » (Bardet, 1948, p. 109). De l’autre côté, les réfé-rences à la continuité et au lien, en opposition au conflit et à la ségrégation(Bardet, 1947, p. 131), signalent la richesse de ce discours qui reste réfrac-taire aux classifications et aux généralisations.

Il convient alors d’explorer cette pensée tout au long de son déroulement– à partir de la formation de Bardet à l’urbanisme – et suivre les trajectoiresde cette aventure intellectuelle pour chercher des réponses à ces interroga-tions. Critique envers l’enseignement de l’École nationale des beaux-arts, ils’inscrit à l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris (IUUP) en 1928. Élèvede Marcel Poëte, il y soutiendra en 1932 une thèse sur La Rome de Mussolini

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 195

Espaces et sociétés 140-141196

1. Le manuscrit est conservé à la bibliothèque de l’IUUP (cote 70 et 70 bis, multigraphié,208 p.). Le livre publié porte le sous-titre Une nouvelle ère romaine sous le signe du faisceau,que Marcel Poëte lui avait suggéré pour la commercialisation (Bardet, 1937).

– Contribution à l’étude du plan régulateur 1931 1. La « sympathie » pourl’objet de son étude est claire : le mythe de la « Troisième Rome » ne le laissepas indifférent, non seulement du point de vue des pratiques urbanistiques,mais aussi de celui de l’organisation sociale et économique du régime. Sonintérêt pour les thèmes de la culture de Vichy, ou plus génériquement dedroite – dont on ressent l’écho dans ce premier ouvrage – n’est toutefois pasune adhésion explicite, mais se situe dans le « portrait d’une génération »,marquée par l’hégémonie de l’Action française sur le milieu universitaireentre la fin des années 1920 et le début des années 1930 (Ory et Sirinelli,1987, p. 119-143). Certains éléments de l’idéologie vichyssoise, par ailleursmélangés avec la pensée leplaysienne, se retrouvent dans la formation deBardet : le spiritualisme et la centralité de la religion (ensuite le mysticisme),la conception organiciste de la société, le rôle de la famille comme celluleprimaire et fondamentale (et la politique familiale et nataliste), une tendanceantimoderne (et, sous certains aspects, antiurbaine) s’exprimant par le rura-lisme et le « retour à la terre », la critique du machinisme industriel. La lec-ture de la thèse permet de repérer l’émergence de ces thèmes quicaractériseront ensuite sa pensée, ainsi que l’ébauche d’un programme quireprend les nœuds de l’enseignement de Poëte (Calabi, 1997), en premier lieula centralité de l’homme et l’importance des habitants et de la « culture intel-lectuelle et morale » dans l’étude de la ville.

L’ordre social se rétablit – tant pour Bardet que pour les théoriciens durégime en Italie – grâce au retour à la terre, stratégie d’apaisement desconflits qui soutient la « bonifica integrale » (assainissement intégral), opé-ration à la fois technique et sociale réalisée par le régime au cours des années1930. Cette opération concerne précisément le contrôle de la population, sonbut étant celui de distribuer sur le territoire des colonies de paysans par leurtransfert du nord vers le sud du pays. Ruralisme versus urbanisme : c’est déjàlà la thérapie que Bardet dénomme urbanisme rural, préconisant son emploi,non seulement sous un régime autoritaire, « contre les dangers sociaux del’hypercondensation urbaine » (Bardet, 1937, p. 266). Mais la ville n’est pasexclusivement le lieu du conflit et du désordre. Comme « être moral », avantmême qu’entité matérielle, elle se fonde sur la visibilité du lien de la civitasdans son paysage de pierre. Cette notation à la conclusion de La Rome deMussolini nous permet de suivre l’évolution de sa réflexion et d’en recon-naître les lignes de développement. Que l’attention sur l’homme et son milieunaisse dans le cadre des propos contenus dans ce qui a été lu comme une apo-

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 196

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 197

logie de la politique urbaine et territoriale menée par le fascisme en Italie peuten effet étonner (Cohen, 1978, p. 84). Le discours de Bardet est complexe etses références assez hétérogènes, pour ne pas dire ambiguës ; pour simpli-fier : Pierre Joseph Proudhon à côté d’Alexis Carrel (à qui, par ailleurs,Bardet se référera constamment dans Le nouvel urbanisme de 1948)…

Une tentative de refondation disciplinaire a lieu dans le premier livre àcaractère général sur la matière écrit par Bardet : Problèmes d’urbanisme(Bardet, 1941). L’urbanisme est déjà défini comme une « nouvelle sciencesociale ». Comme pour Poëte, il s’agit d’« une science à faire », à la fois del’urbanisme et de l’urbanisation. La réflexion bardétienne sur les fondementsdisciplinaires montre, on l’a vu, des correspondances avec une constellationprécise de chercheurs : Poëte, en premier lieu, pour la vision évolutionnistede la ville (Poëte, 1929 et 1938) ; Émile Durkheim pour la conception de lasociété, notamment la classification génétique et morphologique des socié-tés ; René Maunier pour la notion de ville comme « espace social » et le clas-sement des groupes ; Jean Brunhes et Lucien Febvre pour la disposition de laville sur les plans de la géographie et de l’histoire ; Patrick Geddes et LewisMumford pour la vision organique de la ville.

Pour l’étude des questions urbaines à partir de l’observation directe desfaits sociaux et des relations familiales et communautaires, Frédéric Le Play,représente une référence pour Bardet – et, avant même, pour Geddes(Chabard, 2008) –, mais peut-être de façon moins évidente. Certains points dedoctrine s’inspirent, de manière plus ou moins explicite, du mouvementleplaysien : la centralité de la famille, l’importance du logement comme fac-teur de stabilité, l’intérêt porté à l’enquête sur les conditions de vie en milieuurbain. On peut rappeler que l’École de Le Play donne vie à une pensée empi-rique où le mot ville ne constitue pas un objet spécifique d’étude. Sous cetangle, le leplayisme se situe dans une position marginale par rapport à la for-mation d’une science urbaine au tournant du XIXe et du XXe siècle (Savoye,2001, p. 74). Par ailleurs, Bardet remarquait lui-même que l’apport de Le Play– précurseur de l’urbanisme social – à la discipline urbanistique est moinsdéterminant que celui de Geddes, puisque son école – comme d’ailleurs leCollège des Écossais créé par Geddes à Montpellier en 1924 – forma moinsdes urbanistes au sens strict que des sociologues (Bardet, 1948, p. 19).

Sur les traces de ces auteurs, et sous l’impulsion des sciences humaineset sociales en cours de redéfinition, Bardet entend l’urbanisme comme« connaissance des choses » et science de faits. À cause de la nature encoreinitiale de la discipline, l’habitus propre du scientifique est à prendre demanière critique, car son objet ne concerne pas des phénomènes isolés qu’onpeut soumettre à des procédés rigoureux de formalisation. On aura alorsrecours à l’intuition – au sens de la sympathie entre l’observateur et sonobjet – pour saisir la vie de l’organisme-ville. Même s’il s’agit d’une notion

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 197

Espaces et sociétés 140-141198

2. Le groupe fut fondé à Lyon en 1941 par Louis-Joseph Lebret, avec René Moreux, Jean-Marius Gatheron, François Perroux, Gustave Thibon, Edmond Laulhère et Alexandre Dubois.

encore rudimentaire, l’adoption de la perspective organiciste anticipe unevision de l’aménagement fondée sur les concepts d’unité biologique et d’évo-lution et représente bien la coupure entre Problèmes d’urbanisme et les « trai-tés » des années 1920 et 1930 (de George Burdett Ford à René Danger).

L’ÉMERGENCE D’UN ESPACE SOCIAL

Le regard critique sur le sort de l’urbain annonce déjà l’ouverture deBardet vers une dimension plus large de la discipline, affranchie de la nor-mativité des hygiénistes et de la technicité des ingénieurs. En vertu de sonattention aux problèmes socio-économiques et aux questions intellectuelleset spirituelles, l’urbanisme pourra s’établir comme une « science des agglo-mérations humaines », une science de l’espace de la ville au sens de « la pro-jection de toute société sur la portion de l’étendue qu’elle occupe » (Bardet,1941, p. 147). D’après Maunier (Maunier, 1910), la ville se compose d’unemultiplicité de « groupements secondaires » : les « groupes locaux » et les« associations personnelles ». À la première catégorie appartiennent lesgroupes enracinés dans une portion spécifique du site urbain ; à la seconde lesgroupes dépourvus d’une base géographique définie, « sources de l’instabi-lité des sociétés modernes ». En 1943, Bardet réarticulera cette compositionsur trois groupes fondamentaux : de parenté, de localité et d’activité (Bardet,1943a, p. 235).

L’espace urbain est donc un espace social, que Bardet définira en 1945« complexe et hétérogène » (Bardet, 1945a, p. 41-42). Sa stabilité est liée àla limitation de l’extension des groupes sur le territoire, selon un dispositifgéographico-sociologique que Bardet développera au contact du groupe chré-tien Économie et humanisme (Pelletier, 1996)2. La distinction des groupesexplique aussi l’évolution de la ville au sens poëtien (Bardet, 1935) : commepour Poëte, la « science de l’évolution des villes », en tant qu’« étude desmodalités d’existence d’une cité au cours des âges », est à la base de l’urba-nisme. S’inspirant notamment de l’évolution biologique, Bardet introduit lanotion d’échelon, quartier ou sous-quartier caractérisé par la présence d’unemixité sociale et de certains modes de vie. L’échelon est un outil analytique– sa vérification est possible grâce à la topographie sociale mise en évidencepar les enquêtes et les observations in loco – et, en même temps, un principede transformation de la ville (Bardet, 1943a, p. 238).

Comme il le laissait entendre dans La Rome de Mussolini, le milieu opti-mal pour l’homme n’est pas la grande ville, mais l’agglomération aux dimen-sions limitées. Cela renvoie, d’une part, à un noyau circonscrit de vie sociale,

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 198

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 199

doué d’identité civique et d’équilibre, et d’autre part à une structure urbaineencore suffisamment souple pour accueillir des possibilités d’épanouisse-ment. C’est une déclaration de continuité par rapport à la tradition des géo-graphes français : en référence à Vidal de La Blache (Vidal de La Blache,1903), Bardet motivera en 1943 sa préférence pour le village comme modèled’établissement et, en même temps, comme communauté sociale (Bardet,1943b , p. 262), entendue comme un tout organique, œuvre de l’histoire et dela géographie. Il y a sans doute ici une exaltation apriorique des vertus du vil-lageois, avant même que les procédés de la statistique graphique étalent lesseuils optimaux de composition de la population à l’appui de cette convictionmûrie au sein d’une « claire vision de l’urbaniste » (Bardet, 1945, p. 278),prélude à une manière inédite de penser les établissements humains, etcapable de conjuguer nature, culture et société dans un dessein conçu entermes organiques. Non sans ambition, c’est la « doctrine des urbanistes de laseconde moitié du XXe siècle » que Bardet veut établir. La perspective d’unurbanisme pour l’homme, fondé sur la recherche (et la reconstitution) desgroupes sur la base des « lois naturelles », est bien esquissée dans Problèmesd’urbanisme. « Nous sommes toujours ramenés à des problèmes de hiérar-chie, d’échelle, de recherche d’optima basés sur l’homme, avec ses possibili-tés limitées d’association sans désagrégation individuelle. […] il ne s’agitpoint de philosophie sociale, mais de retrouver, à l’intérieur des massesagglutinées existantes et amorphes sur des kilomètres carrés, les groupessociaux qui y sont implicitement contenus, qui s’y trouvent potentiellementpuisqu’ils correspondent aux possibilités physiologiques, psychologiques etsociologiques de l’être humain. » (Bardet, 1941, p. 320-321). Il ne s’agitdonc pas d’inventer des modèles ex nihilo, mais de reconnaître un ordre dansle chaos de l’« amorphisme actuel », de repérer dans ce qui existe, et au pointde convergence entre urbanisme et humanisme (Bardet, 1943c, p. 251), lesvirtualités du développement futur.

DÉVOILER LA VILLE

Si Problèmes d’urbanisme avait traité de la discipline en formation,Principes inédits d’enquête et d’analyse urbaines (1942) entend présenter la« technique de l’urbanisme appliqué ». Alors que le premier représente lasynthèse des études menées par Bardet au cours des années 1930, le secondest la projection de son travail dans un domaine de « recherches plus pra-tiques ». S’ouvre un horizon nouveau, comme il l’affirmera dans la note bio-graphique du Nouvel urbanisme (Bardet, 1948), où il écrit qu’à la date de1942 « à son activité de technicien commence à s’ajouter celle de socio-logue ». Selon Geddes, la renaissance de la sociologie ne sera qu’« en tantque science des villes » (Geddes, 1915, p. 248) : cette idée sera pour Bardetune référence incontournable. L’urbanisme est une « science d’observation »

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 199

Espaces et sociétés 140-141200

à la manière de Poëte. L’analyse est sans doute une forme de connaissancescientifique : c’est sur ce présupposé que Bardet en fait le fondement du plan.Dans ce contexte, la reconnaissance et la comparaison des tissus urbains sefont par le regard, outil éminemment sensible. La dimension diagnostique,que l’observation rend possible et communicable grâce aux outils de la sta-tistique graphique, dirigera les pratiques de transformation des villes. Aumoyen des enquêtes, est possible le repérage précis des groupes et des com-munautés agglomérées, à partir de l’individu. Bardet pose l’École de Le Playcomme fondement des enquêtes urbaines (Bardet, 1945a, p. 52) ; il citenotamment la contribution de Pierre du Maroussem, de la Société d’écono-mie sociale, au sujet de la méthode de la monographie et de l’enquête per-sonnelle (Bardet, 1948, p. 278 ; du Maroussem, 1900).

Bardet s’intéresse dès la fin des années 1930 à la représentation des résul-tats des enquêtes au moyen de diagrammes susceptibles de traduire par dessignes les phénomènes soumis à l’observation (Chapel, 2000a). Ces résultatsseront étalés sur l’espace territorial pour élaborer un cartogramme, à la foisanalytique et synthétique – le plan de topographie économico-sociale (fig. 1)– « représentant chaque habitant, actif ou non actif, suivant sa profession ouson genre de vie en son lieu propre […]. C’est un monde ignoré qui s’offre ànos yeux et qui assure au Nouvel urbanisme son caractère expérimental »(Bardet, 1945a, p. 54). Après avoir tracé les lignes d’une méthodologie dedéfinition d’unités organiques sur base socio-économique, dans Le nouvelurbanisme, Bardet en recherche encore – par analogie – les principes dans lesthéories des sciences exactes. Au moment où il considère la topographiesociale moins comme un outil analytique que comme une méthode de recom-position de la ville par le filtre de ses éléments constitutifs, il semble être bienau clair sur la portée novatrice des procédés qu’il transplante de la statistiqueà l’urbanisme pour la constitution d’une « science urbaine ».

Bardet admet la nécessité d’une vérification continuelle de la théorie sur leterrain, mais son appel à la scientificité se déroule a posteriori : il lie, en effet,ses principes aux familles du discours scientifique par une sorte de fondationpour ainsi dire extérieure. La présence constante de la métaphore biologiquerévèle, en particulier, que l’intention scientifique en fonction de justification –ce qu’on pourrait appeler l’« appel aux manuels d’histoire naturelle » – se pose,comme dans le cas de Le Corbusier, comme garantie (supposée) de vérité desénoncés. C’est par le recours à l’analogie, à la métaphore et à d’autres procé-dés d’hybridation parmi disciplines et savoirs que le discours de Bardet trouveun statut à sa manière scientifique. Or, on peut se demander si cet appel à lascientificité représente l’aboutissement « naturel » d’une logique – commeBardet l’affirme implicitement – ou s’il s’agit, au contraire, d’une perspectiveidéologique. Les profils psychologiques et les plans de topographie sociale nesont pas, au fond, d’une grande utilité en eux-mêmes, mais pour leur capacité

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 200

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 201

Figure1–Plandetopographiesociale:Louviers

(Source:Bardet,1948,p.116)

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 201

Espaces et sociétés 140-141202

d’établir le projet urbain. Utilisées pour doter la discipline d’un statut d’ob-jectivité, ces méthodes exercent, néanmoins, une fonction démonstrative, cequi demeure une démarche encore interne à une perspective idéologique. Lafondation épistémologique reste donc difficile : c’est un chapitre controverséqui manifeste, par ailleurs, la richesse d’un savoir irréductible à des défini-tions figées (Manzione, 2006).

Cela dit, il sera possible de replacer les enquêtes proposées par Bardetdans le contexte qui leur est propre. Leur visée est de déterminer les « unités-résidentielles » où aura lieu la répartition des activités qui figurent dans leprofil psychologique, représentant « la mentalité des habitants d’après leurgenre de vie » (fig. 2). La configuration du profil rend possible une lectureimmédiate des caractères qualitatifs des communautés sur le territoire : c’estjustement cette « mise en scène » qui fait le point de force de ces « expres-sions visuelles révélatrices », lesquelles permettent de suivre les processuséconomiques et sociaux d’une agglomération et d’établir le plan de topogra-phie sociale. De ce point de vue, la conclusion de Principes inédits de 1942– un texte qui affichait des intentions de petit traité – revêt une importancebien au-delà des limites déclarées. Bardet trace ici les lignes directrices d’undiscours « à contre-courant », fondé sur l’« ordre des véritables valeurshumaines » (Bardet, 1942, p. 119). Il se pose déjà en outsider, dans unecondition où il sera relégué (et se reléguera même volontairement) au lende-main de la seconde guerre mondiale. La définition de l’urbanisme – repriseet développée dans Le nouvel urbanisme – met en évidence la continuité desa pensée dans la dialectique entre la persistance d’un noyau de concepts-clés, formulés dès 1934 (Bardet, 1934, p. 3), et sa réorientation continuellepar rapport au mouvement de ses intérêts intellectuels : « […] la science desagglomérations humaines […] s’adresse […] à des organismes fixes, dont onpeut détecter aisément la structure, la topographie sociale, les groupes de voi-sinages, structures que l’on peut affirmer, stabiliser, organiser, diriger, parl’intérieur, organismes dont on peut augmenter ou réduire, cloisonner oufusionner les étendues occupées » (Bardet, 1948, p. 212).

Figure 2a – Profil psychologique(Source : Bardet, 1944, p. 212)

PROFESSIONS LIBÉRALES

DOMESTIQUES

COMMERCE

IND. HÔTELIÈRE

IND. MATÉRIAUX NON MÉTALLIQUES

CUIR, BOIS, VÊTEMENTS

AGRICULTURE, PÊCHE, FORÊT

IMPRESSION LUXE

SERVICES ADMINISTRATIFS

TRANSPORTS

BÂTIMENT

IND. CHIMIQUE

IND. MÉTALLURGIQUE

IND. EXTRACTIVES

200 100 0 100 200

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 202

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 203

Le corpus doctrinal en formation révèle la confiance de Bardet dansl’établissement d’un principe de synthèse et d’une méthode ; confiance peut-être surprenante si l’on pense qu’à ce moment-là se renforce son pessimismeà l’égard du destin de la ville contemporaine. En 1948, ses argumentations senourrissent de deux nouvelles références fondamentales : Oswald Spengler etJosé Ortega y Gasset. La perspective du déclin de la civilisation occidentaleet de la « rébellion des masses » alimente la dimension critique bardétienne,en la différenciant de la leçon de Poëte. Bardet recueille ce patrimoine, en legreffant sur la tradition du Musée social, de la Section d’hygiène urbaine etrurale et de la Société des architectes-urbanistes, et se charge, avec ambition,de le traduire au sens opérationnel, avec la conjugaison du regard du statisti-cien et du sociologue.

PENSER LA VILLE PAR SES HABITANTS

On a vu que la plupart des éléments constitutifs de la réflexion de Bardetse retrouvent déjà à la fin des années 1930. La guerre produira une césure surle développement de son discours, ainsi que sur sa position dans le milieuprofessionnel de l’urbanisme en France, ce qui n’exclut pas une continuité àl’égard de quelques thématiques essentielles. Pour Bardet, la renaissance dupays dans l’après-guerre est encore étroitement liée à une vision ruraliste.Loin des mythologies des théoriciens italiens – qu’il avait lus lors de la rédac-tion de sa thèse sur la « Rome de Mussolini » – son idée de ruralisme prendune connotation métaphorique pour impliquer le « drame social de l’époqueactuelle », c’est-à-dire la construction de sociétés ouvertes par la rupture desanciennes communautés renfermées (Bardet, 1945a, p. 70-71), avec la trans-

Figure 2b – Profil sociologique(Source : Bardet, 1948, p. 35)

300 200 100 0 100 200 300

Professions libérales

Domestiques

Industrie hôtelière

Cuir, bois, vêtements

Agriculture, pêche, forêt

Commerce

Ind. des matériaux non métalliques

Inpression luxe

Services administratifs

Transports

Bâtiment

Industries chimiques

Industries métallurgiques

Industries extractives

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 203

Espaces et sociétés 140-141204

3. On remarque l’influence d’Économie et humanisme sur la formulation des échelons : lematériel d’observation utilisé par Bardet pour sa conceptualisation provient, en partie, desenquêtes de Louis-Joseph Lebret sur les villages bretons.

formation de regroupements stables et aux dimensions limitées en des foulesinstables et anonymes. Ainsi, l’individu est devenu l’atome d’une multitude.Le retour à la terre coïncide alors avec l’énonciation d’un modèle viable decommunauté locale, où « Le bien commun du tout est au-dessus de celui dela partie. Il est donc essentiel de n’orienter fermement chaque groupementque là où il est humainement impossible de ne pas lui laisser sa propre direc-tion. C’est une question d’échelle » (Bardet, 1948, p. 311).

L’idée d’une constitution échelonnée de la société montre des conso-nances avec le principe de subsidiarité, que Bardet emprunte probablementaux écrits de François Perroux (Perroux, 1938) et, avant même, de Proudhon,même s’il n’en fait jamais une allusion explicite dans ses textes. Sur ce point– sur lequel convergent au long des années 1930 la doctrine catholique et lecorporatisme des régimes totalitaires (Millon-Delsol, 1992) – se manifeste,d’ailleurs, sa recherche d’un équilibre entre les instances communautaire etorganiciste et l’exigence de stabilité et d’ordre. La notion de communautéstructurée ne prend pas une valeur exclusivement doctrinale : Bardet en parlenon pas en théoricien de la société, mais sur la base de la connaissance qu’ilen a obtenue par échantillons, au moyen du travail accompli sur le terrainavec le Laboratoire d’enquêtes et d’analyses urbaines, fondé en 1943. Lescommunautés auxquelles il se réfère sont l’abstraction surveillée (et la réduc-tion) des types différents de groupements qu’il relève dans le vif des enquêtesréalisées sur les agglomérations urbaines et rurales françaises. Sa conceptionnaît justement là : de l’observation des groupes réduits à trois catégories fon-damentales – les échelons – qui se distinguent en patriarcal, domestique etparoissial (Bardet, 1943a) 3. L’ensemble des échelons, dont l’articulation estbien visible dans l’exemple de Radburn d’Henry Wright, forme l’aggloméra-tion – la cité humaine contemporaine – limitée dans le nombre des familles(pas plus de dix mille). Leur définition, avec la délimitation précise dunombre des habitants, est une démarche de détection, et non pas de créationex nihilo. D’où la différence entre l’échelon et la neighbourhood unit : le pre-mier est le résultat d’une enquête et se constitue, en tant que tel, a posteriori ;la seconde est, en revanche, un modèle défini a priori, faisant abstraction desregroupements sociaux existants.

Cet accent sur les limites des agglomérations mûrit au-dedans d’uneconception fondée moins sur la reproposition mythifiante de communautésperdues que sur un discours élaboré en termes biologiques. Ces soucis s’ins-crivent dans la réflexion sur les rapports entre territoire et sécurité, qu’on adéjà évoquée et qui remonte à Thomas Robert Malthus et, avant même, à

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 204

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 205

Giovanni Botero. La conceptualisation des échelons a donc une doublevisée : d’un côté, des implications liées au discours biopolitique ; de l’autre,un sens de la limite dans la préfiguration des scènes futures de l’urbain. Larépartition des agglomérations suit de près la typologie des échelons, avecdes formations hypo-urbaines, insuffisantes pour donner lieu à l’unité orga-nique de la ville, et des formations hyper-urbaines (cité humaine, métropolerégionale, métropole capitale), souvent nuisibles à cause de la dimensionexcessive de leur population. À l’instar de la définition des agglomérations,celle des échelons rappelle – comme on l’a montré plus haut – la centralitéde la notion de population, non sans des affinités avec l’idée foucaldienne degroupe défini par les biopouvoirs sur la base de certains caractères présentéscomme « naturels », lesquels permettent la formation d’une apparente homo-généité parmi les membres du groupe. Les limites de ces agglomérationssont, elles aussi, de nature somme toute biologique et se traduisent dans unesérie de seuils démographiques. Ce qui doit être ici assuré – me semble-t-il–, c’est le fonctionnement optimal par rapport à une notion élargie de sécu-rité (comprenant le bien-être individuel et collectif). Dans l’espace ainsidéfini, c’est-à-dire au-dedans de ces seuils, les processus de la vie apparais-sent maîtrisables et modifiables (Foucault, 1976). Au-dehors, il y a le chaos,la maladie ou bien, comme le dira ensuite Bardet, « nékropolis ».

Au travers du prisme des unités constitutives des agglomérations, il par-vient à examiner la population sur les trois plans de la société familiale, éco-nomique et politique. Hormis la première, qui se matérialise dans l’échelonpatriarcal, il s’agit de sociétés en elles-mêmes imparfaites. Pour cela, l’agré-gation de plusieurs échelons s’avère nécessaire pour former une unité capabled’assurer les avantages propres à la communauté. Les accents sur l’espritcivique dénotent un souci inédit à l’époque chez les urbanistes praticiens quinégligeaient souvent de s’interroger sur les communautés existantes, en fai-sant tabula rasa des connotations locales ; pour Bardet, en revanche, c’est latopographie sociale – ce qui « bouillonne » au-dessous des apparences de laville de pierre – la matière première d’un plan qui doit recoudre et non passéparer.

Aux tendances technocratiques, répandues à l’époque de la secondereconstruction, il oppose une idée d’urbanisme biologique qui construit l’ha-bitat à partir du bas, et aux diverses échelles, selon une approche régionalistefondée sur la fédération d’unités primaires. La « technique de l’urbanisme »,dans l’acception bardétienne, revient à son caractère originaire de savoir de(et pour) la communauté civique, qui se réalise au moyen du travail, encoretout à accomplir, sur les corps sociaux. Mais cela demeure une utopie dansles conditions contemporaines du développement du capitalisme : Bardet lesait bien, mais il n’arrive pas à – ou, peut-être, il ne veut pas – mener à termeles prémisses d’un discours qui aurait comporté, en amont d’hypothèses

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 205

Espaces et sociétés 140-141206

purement disciplinaires, la nécessité de transformations structurelles par lemoyen de la politique. Une réforme de l’habitat présuppose, en somme, unprojet politique dont il croit pouvoir faire l’économie. Pour lui, la refondationdes méthodes d’aménagement suffira à créer un « type nouveau de milieuvivant » (Bardet, 1945a, p. 104-105). C’est là, au fond, le point de saconstruction doctrinale qui rend inopérant son propos, mais aussi le nœudqu’en a permis une pluralité d’interprétations : tour à tour conservatrice ouprogressiste, réaliste ou utopiste, innovatrice ou d’arrière-garde.

POUR UN URBANISME DU LIEN

Au milieu des années 1940, la pensée de Bardet atteint sa pleine matu-rité. Il est parmi les personnalités les plus médiatiques de l’urbanisme fran-çais, même au-delà des frontières nationales, malgré ses rapports difficilesavec le milieu des professionnels engagés dans la reconstruction. Après lasynthèse tentée dans L’urbanisme, il se consacre à la rédaction de sonouvrage le plus ambitieux : Le nouvel urbanisme. On remarque ici, en pre-mier lieu, le déplacement de l’horizon de sa réflexion : les thématiques denature sociale, économique, politique, même philosophique, prévalent sur lesquestions strictement disciplinaires. Si l’on pense à la constellation de réfé-rences qui figurent dans ce livre, on peut tirer la confirmation de la continuitédes intérêts de Bardet et, en même temps, le sentiment qu’il est en train d’êtreabsorbé dans des domaines discursifs qui l’amèneront bien loin de l’urba-nisme conçu comme savoir-faire.

Le travail diagnostic accompli depuis 1943 (Bardet, 1944, p. 224) conso-lide la centralité du zoning parmi les thèmes de la « doctrine de l’urbanismescientifique ». Mais il s’agit d’une notion problématique. Les résultats despointages lui permettent de redéfinir son discours, en polémique avec les« planistes » : leurs zones homogènes représentent des entités « désincar-nées », dépourvues de toute relation avec les aspects « bio-psycho-sociolo-giques ». L’obsession pour les zones est, en effet, à l’origine « de l’inhumain,de l’irréel, de l’urbanisme officiellement pratiqué ». Sa critique montre quela logique d’inclusion des échelons représente l’alternative à la logique d’ex-clusion du zoning, et que les échelons sont les seuls remèdes aux zones des« banlieues d’ambiance hypnogène » (Bardet, 1948, p. 292, 296). Avec uneanticipation remarquable, il pose la question de la mixité à la base de l’orga-nisation des agglomérations, en référence à Herbert George Wells et, ensuite,à Aldous Huxley. L’étude de la ville dans l’histoire permet de relever, en par-ticulier, que la présence de quartiers mixtes n’est pas un principe abstrait,mais une qualité propre aux tissus existants. Le programme encore embryon-naire d’un urbanisme du lien, que Bardet avait annoncé dans L’urbanisme, seréorganise dans Le nouvel urbanisme. La connotation scientifique reste

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 206

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 207

4. Paru dans le numéro de février de la revue Économie et humanisme, il est signé parAlexandre Dubois, Jean-Marius Gatheron, Louis-Joseph Lebret, Marie-Réginald Loew, Marie-Fabien Moos, René Moreux, François Perroux et Gustave Thibon.

encore assez forte, mais le projet de/sur la ville perd progressivement sa placecentrale pour devenir rien d’autre qu’une modalité d’une action globale sur lemilieu de vie de l’homme. L’attention vers les solutions techniques cède duterrain à une vision complexe de l’homme, dans laquelle se croisent desapports anciens et nouveaux : d’Alexis Carrel à Jacques Maritain, de ThomasHuxley à Marcel Malcor.

À ce moment-là, l’intérêt de Bardet pour les études sociologiques segreffe sur l’approfondissement des thématiques religieuses. Le rapport avecÉconomie et humanisme est essentiel pour comprendre sa recherche à venir.À la base de la réflexion du groupe, qui participera activement à l’élaborationde la politique d’aménagement du territoire et de reconstruction en France,réside la constitution d’une nouvelle approche des sciences sociales sur lanotion d’« économie humaine », ouverte à un regard d’ensemble sur lessociétés et les cultures. Dans le Manifeste de 1942 4, on retrouve les noyauxdu nouvel urbanisme selon Bardet, à partir de la nécessité d’établir uneméthode pour l’étude des « complexes sociaux », étude à effectuer à partir del’observation directe. Le fondement des analyses du Manifeste réside dans leconstat de la rupture des communautés naturelles et de l’ordre traditionnel,provoquée par le développement vertigineux de la technique. C’est la rupturede l’harmonie entre l’économique et l’humain, propre aux petits groupes plusou moins délimités, auprès desquels la production et l’échange sont réglés parle contact « de prochain à prochain ». Au service, à la base des communautéstraditionnelles, se substitue le profit, et cette économie du profit conduitl’homme à sa « dénaturation ». L’alternative est l’« ordre organique », où les« liens vivants » parmi les hommes peuvent se construire au-dedans d’uneéconomie communautaire. Chez Bardet, ce passage de l’acceptation à la cri-tique des excès de la technique et du capitalisme – à partir du Nouvel urba-nisme – semble signer l’affaiblissement d’une perspective de typebiopolitique au sens évoqué plus haut, avec l’accentuation d’une approche detype solidariste. D’un autre côté, ce passage semble dissoudre une certainesympathie juvénile pour l’organisation de la ville et du territoire sous unrégime autoritaire comme le fascisme en Italie, jusqu’à l’identification –après la seconde guerre mondiale – de la brutalité de quelques réalisationsmodernistes avec la « violence des régimes totalitaires » (Bardet, 1945b,p. 8).

L’interrogation implicite de Bardet se concentre encore autour de la rela-tion des phénomènes de population avec les processus économiques, c’est-à-dire autour de la fonctionnalité de cette sorte de dispositif qui est l’analyse

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 207

Espaces et sociétés 140-141208

urbaine (et de sa déclinaison opérationnelle : la topographie sociale) par rap-port au maintien des équilibres du système capitaliste. Son objet est encoreune idée d’espace comme champ de distribution optimale des processus de lavie. Mais l’analyse de la population – la décomposition et recomposition dela ville dans les « colonies » de ses habitants, passés au crible des enquêtes etclassés en échelons – semble poursuivre désormais moins un dessein decontrôle social que l’établissement d’une notion différente de mesure, d’unelimite, encore en référence à l’univers biologique, qui permet l’articulationorganique de la vie urbaine. S’agit-il d’un renversement de perspective ? Ilest difficile de le dire. Il reste toutefois que pour Bardet, ainsi que pour Éco-nomie et humanisme, la communauté représente la forme de groupement oùse nouent les relations fondamentales (basées sur le sang, sur le travail et surle lieu), de sorte que les hommes peuvent composer « un tout organique faitde situations et de fonctions complémentaires ». Le Manifeste de 1942 préfi-gure une économie du lien entre les « vraies cellules sociales », ou pour ledire en termes bardétiens, entre les divers échelons, « groupementsd’hommes qui se connaissent, s’épaulent et se contrôlent les uns les autres etqui, surtout, sont liés les uns aux autres par une communauté de destin ».

Dans ce cadre, l’idée d’un urbanisme pour l’homme naît de la prise deconscience de cette dissociation profonde de l’unité humaine. Le chemin àsuivre est, au contraire, celui de la civitas et du retour au réel. Dans le sillagede la pensée anglo-saxonne, non sans une veine d’utopie proche de Mumford(Mumford, 1938), les solutions se détachent encore sur l’horizon des méta-phores empruntées au discours clinique. La maladie s’appelle mégapolis ; lediagnostic réside encore dans l’appareil des « enquêtes et analysesurbaines » ; la thérapie coïncide avec la construction de la cité humaine. Lesproblèmes des métropoles mondiales n’auront aucune solution, selon Bardet,au niveau de l’urbanisme technique. Il recommande de se méfier de l’idée,prônée par la culture technocratique, de l’urbanisme comme discipline auservice de la politique, voire comme technique de la décision politique surl’espace de la ville et du territoire, selon les urbanistes italiens des années1930-1940 et Le Corbusier.

AU-DELÀ DE L’URBANISME

Vis-à-vis des ruines de la seconde guerre mondiale, ces solutions serontencore de type scientifique, mais à chercher là où la certitude peut se conjugueravec la justice. Une organisation différente des conditions de vie est possible enmilieu urbain, sur la base d’une critique de l’économie libérale sans règles etdu machinisme destructeur (Bardet, 1948, p. 136). Il faudra alors recomposer àl’échelle du local une économie fondée sur le principe du « proche en proche »,aux dimensions (et aux ambitions) limitées. Ce modèle de communauté s’en-racine dans le territoire, dans son histoire et dans sa géographie (Bardet, 1948,

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 208

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 209

p. 147). Le passage de la « masse » à la « communauté » peut avoir lieu seule-ment dans cette « communauté de communautés » qui est la cité humaine,(Bardet, 1948, p. 204). La détection des communautés naturelles, au sens deformations d’ordre psycho-social, est alors à la base du nouvel urbanisme. Ence sens, une nouvelle « leçon de l’Antiquité » – que Poëte avait illustrée dansIntroduction à l’urbanisme – se dégage ici, et se renforce justement du côté del’action sociale de l’urbaniste (fig. 3). Mais l’on voit bien que l’utopie bardé-tienne sera démentie par la réinvention du modèle tayloriste, d’abord, et par ladiffusion du modèle globaliste ensuite.

Figure 3a – « Leçon de l’histoire » et action sociale de l’urbanisteAlbi – Topographie sociale de la vieille ville en 1856

(Source : Bardet, 1948, p. 197)

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 209

Espaces et sociétés 140-141210

La vision du « nouvel urbanisme » se résume, enfin, en trois adjectifs– corporel, biologique, harmonieux – lesquels tissent la toile de fond de l’ur-banisme essentiel : la théorie et la pratique des échelons, la critique duzoning, l’accent sur l’homme comme mesure du plan, le rappel au devenirincessant de la réalité. Ce sont, en bref, les principes de base d’une manièrede concevoir la discipline qui n’est plus celle que Bardet avait esquissée dansProblèmes d’urbanisme. S’il y a chez lui a une certitude abandonnée demanière définitive, elle concerne l’idée péremptoire d’une science de l’urba-nisme. L’assurance dans une technique qui découlerait sans médiation de laformulation pertinente des principes théoriques – de la « façon juste de poserles questions », au dire de Poëte – semble progressivement s’évanouir dansLe nouvel urbanisme. La complexité du réel, aiguisée par les expériences des-tructrices de la guerre, n’admet plus de telles simplifications. L’entrelacementmultiforme d’éléments sociaux, économiques, politiques et culturels requiertà présent une vision renouvelée de la technique, où les aspects éthiques occu-

Figure 3b – « Leçon de l’histoire » et action sociale de l’urbanisteAlbi – Topographie sociale de la vieille ville en 1936

(Source : Bardet, 1948, p. 197)

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 210

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 211

pent une place fondamentale. C’est donc là le noyau du nouvel urbanismeconçu aussi comme nouvel humanisme, comme l’affirme Bardet lorsqu’ilécrit qu’« une technique sans éthique est pire qu’un fléau de la nature ».

Son idée d’urbanisme se noue à l’élaboration d’une stratégie d’organisa-tion – le terme organisation renvoie, par ailleurs, encore au mot organisme –des établissements sur le territoire au moyen de la fédération d’unités ou decorps préexistants. L’urbaniste doit déplacer son regard du côté des forma-tions sur lesquelles il travaille. Il doit avoir la capacité, et la modestie, des’éclipser en tant qu’« auteur » afin de lire et d’interpréter les mouvements dela réalité. La triple caractérisation disciplinaire évoquée par Bardet apparaît,en conclusion, comme la dernière frontière sur laquelle sa pensée peut avan-cer sans perdre la tangibilité d’un discours qui reste celui d’un urbaniste, maisqui est tout près de se dissoudre dans les sciences sociales. Son éloignementde l’urbanisme, conçu comme savoir (et savoir-faire) spécifique, est spécu-laire à l’oubli progressif dont cette figure a fait l’objet de la part de la culturedisciplinaire des années 1950 aux années 1970, marquée par l’hégémoniecorbuséenne et par les élites de l’« État urbaniste » (Claude, 2006), avec lerejet de toutes les approches antimodernes et corporatistes de l’entre-deux-guerres. Il serait intéressant d’explorer dans une recherche à venir les raisonsde cette réception problématique de Bardet, et les obstacles qui ont empêchéde saisir la complexité de sa réflexion, parmi lesquels a sans doute agi le tour-nant mystique de la dernière partie de son parcours intellectuel. Déjà en 1948,il s’est aventuré vers un horizon dangereusement entrevu au-delà de cette tan-gibilité, alors qu’il annonce que l’urbanisme biologique n’est plus une fin ensoi, mais plutôt la phase préliminaire d’un urbanisme spirituel, à son tourétape initiale de cette dérive mystique qui le conduira de plus en plus loin del’espace de la ville et du territoire.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BARDET, G. 1934. « Naissance de l’urbanisme », Urbanisme, juill., dans G. Bardet,1946. Pierre sur pierre. Construction du nouvel urbanisme, Paris, LCB, p. 3-6.

BARDET, G. 1935. « La science de l’évolution des villes, base de l’urbanisme »,Revue d’Administration Communale, mai-juin, dans Pierre sur pierre, cit.,p. 24-39.

BARDET, G. 1937. La Rome de Mussolini. Une nouvelle ère romaine sous le signe dufaisceau, Paris, Massin.

BARDET, G. 1941. Problèmes d’urbanisme, Paris, Dunod.BARDET, G. 1942. Principes inédits d’enquête et d’analyse urbaines, Paris, Colma.BARDET, G. 1943a. « Les échelons communautaires dans les agglomérations

urbaines », Économie et humanisme, n° 8, in Pierre sur pierre, cit., p. 233-249.BARDET, G. 1943b. « Le ruralisme : esquisse d’une doctrine », Sources, déc., in

Pierre sur pierre, cit., p. 257-270.

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 211

Espaces et sociétés 140-141212

BARDET, G. 1943c. « Principes d’une politique nationale d’urbanisme », L’Hygiènesociale, juill.-août, in Pierre sur pierre, cit., p. 250-256.

BARDET, G. 1944. « Principes d’analyse urbaine », in Pierre sur pierre, cit., p. 211-232.

BARDET, G. 1945a. L’urbanisme, Paris, Presses universitaires de France.BARDET, G. 1945b. « L’Expression architecturale des villes sera commandée par leur

structure sociale », Reconstruction, n° 3, sept., p. 6-8.BARDET, G. 1947. « L’Urbanisme, science sociale », Chantier, p. 125-131.BARDET, G. 1948. Le nouvel urbanisme, Paris, Vincent & Fréal.CALABI, D. 1997.Marcel Poëte et le Paris des années vingt : aux origines de l’« his-

toire des villes», Paris, L’Harmattan.CAVALLETTI, A. 2005. La città biopolitica. Mitologie della sicurezza, Milan, Bruno

Mondadori.CHABARD, P. 2008. Exposer la ville : Patrick Geddes et le Town planning movement,

thèse de doctorat en architecture (sous la dir. deY. Tsiomis), Paris, Université deParis VIII.

CHAPEL, E. 2000a. Cartes et figures de l’urbanisme scientifique en France (1910-1943). Recherche sur le rôle et les fonctions de la statistique et de l’unificationgraphiques dans la production des doctrines urbaines, thèse de doctorat enurbanisme et aménagement (sous la dir. de Y. Tsiomis), Paris, Université deParis VIII, p. 131-133 et p. 230-274.

CHAPEL, E. 2000b. « De la cartographie statistique au ‘nouvel urbanisme’.L’exemple de la topographie sociale de Gaston Bardet », communication auColloque Cartographie, géographie et sciences sociales, Tours, Centre d’étudeset de recherches sur l’urbanisation du Monde arabe (URBAMA), 21-23 sept.

CLAUDE, V. 2006. Faire la ville. Les métiers de l’urbanisme au XXe siècle, Marseille,Parenthèses.

COHEN, J.-L. 1978. « Gaston Bardet. Un humanisme à visage urbain », ArchitectureMouvement, Continuité, n° 44, p. 74-77.

COHEN, J.-L. 1989. « Ville sur ville, le destin de G. Bardet », L’architecture d’au-jourd’hui, n° 265, p. 78-82.

COHEN, J.-L. 1996. « Le nouvel urbanisme de Gaston Bardet », Le visiteur, n° 2,p. 134-147.

FOUCAULT, M. 1976. Histoire de la sexualité 1. La volonté de savoir, Paris,Gallimard.

FOUCAULT, M. 2001. « L’œil du pouvoir », Dits et écrits 1954-1988, Paris,Gallimard, v. II : 1976-1988.

FOUCAULT, M. 2004. Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France(1977-1978), Paris, Le Seuil-Gallimard.

FREY, J.-P. 1999. « L’espace social d’une pensée urbanistique », Les Études sociales,n° 130, p. 57-82.

FREY, J.-P. 2001. « Gaston Bardet, théoricien de l’urbanisme ‘culturaliste’ »,Urbanisme, n° 319, p. 32-36.

GEDDES, P. 1915 (1994). L’évolution des villes. Une introduction au mouvement del’urbanisme et à l’étude de l’instruction civique, Paris, Temenos.

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 212

Économie du lien et biopolitique. Gaston Bardet et l’urbanisme… 213

MANZIONE, L. 2006. Déclinaisons de l’« urbanisme comme science». Discours etprojets : Italie et France. 1920-1940, thèse de doctorat en architecture (sous ladir. de Y. Tsiomis), Paris, Université de Paris VIII.

MAROUSSEM (du), P. 1900. Les enquêtes. Pratique et théorie, Paris, Alcan.MAUNIER, R. 1910 (2004). L’origine et la fonction économique des villes. Étude de

morphologie sociale, Paris, L’Harmattan.MILLON-DELSOL, Ch. 1992. L’État subsidiaire : ingérence et non-ingérence de

l’État. Le principe de subsidiarité aux fondements de l’histoire européenne,Paris, PUF.

MUMFORD, L. 1938 (1996). The Culture of Cities, NewYork, Harcourt Brace.ORY, P. ; SIRINELLI, J.-F. 1987 (2004). Les intellectuels en France. De l’affaire

Dreyfus à nos jours, Paris, Perrin.PELLETIER, D. 1996. Économie et humanisme. De l’utopie communautaire au

combat pour le tiers-monde, 1941-1966, Paris, Cerf.PERROUX, F. 1938. Capitalisme et communautés de travail, Paris, Sirey.POËTE, M. 1929 (2000). Introduction à l’urbanisme, Paris, Sens & Tonka.POËTE, M. 1938. Paris, son évolution créatrice, Paris, Vincent, Fréal et Cie.SAVOYE, A. 2001. « Pensée leplaysienne et questions urbaines dans la Réforme

sociale (1881-1914) : du logement ouvrier à l’aménagement des villes », dansV. Berdoulay et P. Claval (sous la dir. de), Aux débuts de l’urbanisme français.Regards croisés de scientifiques et de professionnels (fin XIXe-début XXe siècle),Paris, L’Harmattan, p. 71-82.

VIDAL DE LA BLACHE, P. 1903 (1994). Tableau de la géographie de la France, Paris,Éditions de la Table ronde.

Espace&Ste? 140-141: Espace&Sté 140-141 15/01/10 19:21 Page 213