De la "pointe de sagaie" à la "Culture de Lussac-Angles", il y a plus qu'un pas. Argumentaire.

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S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 23 Christophe Delage Musée de Préhistoire Lussac-les-Châteaux (Vienne) [email protected] DE LA "POINTE DE SAGAIE" A LA "CULTURE DE LUSSAC- ANGLES", IL Y A PLUS QU'UN PAS. ARGUMENTAIRE. 1. INTRODUCTION 1.1. CONSIDERATIONS HISTORIOGRAPHIQUES Dès les premiers travaux, au XIXº siècle, les chercheurs avaient remarqué la particularité de petites pointes en bois de renne, à biseau simple (et souvent une cannelure sur une ou les deux faces). Au début du XXº siècle, il était possible d'en faire l'inventaire et la cartographie. Gabriel de Mortillet et Gustave Chauvet firent d'excellentes synthèses des connaissances sur ce thème, dans quelques ouvrages de Préhistoire assez novateurs pour l'époque (G. et A. de Mortillet 1900 ; Chauvet 1910). Il apparaissait que l'essentiel des découvertes se concentrait sur le Sud-Ouest de la France : Aquitaine et Pyrénées. Dans le même temps, le chanoine Henri Breuil travaillait, au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye, sur les collections archéologiques de la grotte du Placard (Charente) issues des fouilles de A. de Maret. L'étude des patines et des résidus de sédiments sur l'industrie en matières dures animales de ce gisement (combinée à celle de La Madeleine) lui permit de proposer la première subdivision chronologique de la séquence magdalénienne en six phases (Breuil 1912, 1959). La contribution principale de H. Breuil qui nous intéresse dans cet article fut d'élever cette pointe de sagaie en marqueur chronologique ou "fossile directeur" de son Magdalénien III, plus tard renommé Magdalénien moyen. Mais le meilleur était encore à venir. Entre 1912 et 1957 (qui marque l'introduction de l'appellation "pointe de sagaie de type Lussac-Angles" par Jacques Allain ; cf. Allain et al. 1985 ; Pinçon 1988), les découvertes de nouveaux gisements et leurs fouilles s'accélèrent. On peut ici mentionner les deux plus illustres : Le Roc-aux-Sorciers, à Angles-sur-l'Anglin (Vienne), est reconnu par Lucien Rousseau en 1927 (Rousseau 1933), tandis que les niveaux archéologiques de la grotte de La Marche (Lussac-les- Châteaux, Vienne) sont mis au jour en 1937, par Léon Péricard (Péricard et Lwoff 1940). Les nombreuses campagnes de fouilles des décennies suivantes, menées respectivement par Lucien Rousseau, puis Suzanne de Saint-Mathurin et Dorothy Garrod, pour le premier, et Léon Péricard et Stéphane Lwoff, puis Louis Pradel, pour le second, apportèrent une masse d'informations incroyables au dossier et changèrent irrémédiablement la vision de ce Magdalénien III (cf. Lwoff 1942, 1943, 1962 ; Pradel 1960 ; de Saint-Mathurin 1950, 1969). Avec les années 1980-1990, et l'implication de chercheurs, comme Jean Airvaux dans le Sud-Vienne, notamment à Lussac-les-Châteaux (La Marche, Les Fadets, Le Réseau Guy-Martin, etc.) et à Savigné (Le Puits au Chaffaud), ou Geneviève Pinçon et son équipe à Angles-sur-l'Anglin (Le Roc-aux- Sorciers), les recherches se sont affinées et la production des connaissances en a grandement bénéficié (cf. Airvaux et al. 2001 ; Iakovleva et Pinçon 1997).

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S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 23

Christophe Delage

Musée de Préhistoire

Lussac-les-Châteaux (Vienne)

[email protected]

DE LA "POINTE DE SAGAIE" A LA "CULTURE DE LUSSAC-

ANGLES", IL Y A PLUS QU'UN PAS. ARGUMENTAIRE.

1. INTRODUCTION

1.1. CONSIDERATIONS HISTORIOGRAPHIQUES

Dès les premiers travaux, au XIXº siècle, les chercheurs avaient remarqué la particularité de petites

pointes en bois de renne, à biseau simple (et souvent une cannelure sur une ou les deux faces). Au

début du XXº siècle, il était possible d'en faire l'inventaire et la cartographie. Gabriel de Mortillet et

Gustave Chauvet firent d'excellentes synthèses des connaissances sur ce thème, dans quelques

ouvrages de Préhistoire assez novateurs pour l'époque (G. et A. de Mortillet 1900 ; Chauvet 1910).

Il apparaissait que l'essentiel des découvertes se concentrait sur le Sud-Ouest de la France : Aquitaine

et Pyrénées.

Dans le même temps, le chanoine Henri Breuil travaillait, au Musée des Antiquités Nationales de

Saint-Germain-en-Laye, sur les collections archéologiques de la grotte du Placard (Charente) issues

des fouilles de A. de Maret. L'étude des patines et des résidus de sédiments sur l'industrie en matières

dures animales de ce gisement (combinée à celle de La Madeleine) lui permit de proposer la première

subdivision chronologique de la séquence magdalénienne en six phases (Breuil 1912, 1959). La

contribution principale de H. Breuil qui nous intéresse dans cet article fut d'élever cette pointe de

sagaie en marqueur chronologique ou "fossile directeur" de son Magdalénien III, plus tard renommé

Magdalénien moyen.

Mais le meilleur était encore à venir. Entre 1912 et 1957 (qui marque l'introduction de l'appellation

"pointe de sagaie de type Lussac-Angles" par Jacques Allain ; cf. Allain et al. 1985 ; Pinçon 1988), les

découvertes de nouveaux gisements et leurs fouilles s'accélèrent. On peut ici mentionner les deux plus

illustres : Le Roc-aux-Sorciers, à Angles-sur-l'Anglin (Vienne), est reconnu par Lucien Rousseau en

1927 (Rousseau 1933), tandis que les niveaux archéologiques de la grotte de La Marche (Lussac-les-

Châteaux, Vienne) sont mis au jour en 1937, par Léon Péricard (Péricard et Lwoff 1940). Les

nombreuses campagnes de fouilles des décennies suivantes, menées respectivement par Lucien

Rousseau, puis Suzanne de Saint-Mathurin et Dorothy Garrod, pour le premier, et Léon Péricard et

Stéphane Lwoff, puis Louis Pradel, pour le second, apportèrent une masse d'informations incroyables

au dossier et changèrent irrémédiablement la vision de ce Magdalénien III (cf. Lwoff 1942, 1943, 1962

; Pradel 1960 ; de Saint-Mathurin 1950, 1969).

Avec les années 1980-1990, et l'implication de chercheurs, comme Jean Airvaux dans le Sud-Vienne,

notamment à Lussac-les-Châteaux (La Marche, Les Fadets, Le Réseau Guy-Martin, etc.) et à Savigné

(Le Puits au Chaffaud), ou Geneviève Pinçon et son équipe à Angles-sur-l'Anglin (Le Roc-aux-

Sorciers), les recherches se sont affinées et la production des connaissances en a grandement bénéficié

(cf. Airvaux et al. 2001 ; Iakovleva et Pinçon 1997).

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On pouvait dès lors penser que les conditions étaient réunies pour que des progrès marquants dans la

connaissance de ce Magdalénien moyen aient lieu en cette fin du XXº siècle et ce début de XXIº

siècle. On est en effet passé de la reconnaissance, à la fin du XIXº siècle, d'un artéfact particulier, la

pointe de sagaie, à sa datation au début du XXº siècle, puis enfin à sa mise en association avec d'autres

traits culturels bien typés et à leur traduction en termes de territoire et de géographie humaine (cf.

Dujardin et Pinçon 2000 ; Dujardin et Tymula 2005 ; Pinçon et al. 2011). On était à l'aube de

l'introduction d'une nouvelle dimension, très forte de sens et d'implications : celle de Groupe ou

"Culture de Lussac-Angles". Cette nouvelle ère portait l'espoir de recherches à venir, dans un esprit

plus anthropologique, sur des thèmes - rarement abordés pour le Paléolithique (parce que le contexte

s'y prête généralement peu) - tels que l'organisation et la complexité socio-politiques de groupes de

chasseurs-collecteurs, etc.

Mais, de mon point de vue (et ça n'engage bien sûr que moi), c'est le contraire qui semble se produire

depuis une dizaine d'années. La position actuelle de certains chercheurs - position qui reflèterait de

sérieux blocages paradigmatiques, ainsi que des retours en arrière théoriques et méthodologiques - les

conduit à des vues très critiques, voire négatives, sur la valeur chronologique, et même culturelle, de la

pointe de sagaie de Lussac-Angles, ainsi que sur d'autres dimensions de ce "faciès" (pour utiliser une

expression "politiquement correcte") du Magdalénien moyen ; par conséquent, il deviendrait même

problématique, dans l'ambiance générale actuelle, de parler de "Culture de Lussac-Angles" et de

discuter de ses expressions matérielles et symboliques sur un territoire bien défini, limité à la Vienne et

la Charente.

Je pense que des points de vue fort divergents se dessinent actuellement au sein de la recherche

paléolithique française, qui pourront difficilement être conciliés. Dans cet article, j'aurai l'occasion

d'exposer les questionnements et problèmes soulevés par la recherche présente, mais je ne compte pas

entrer dans ces débats. Au cours de ces dernières années passées à m'imprégner de 150 ans de

recherche sur ce thème, la qualité des travaux produits et des résultats acquis m'ont progressivement

convaincu de la validité - au moins archéologique, si ce n'est encore anthropologique - de cette entité

culturelle, que Jacques Allain, déjà en 1985, avait osé appeler "culture de Lussac-Angles" (Allain et al.

1985 : 95). Je me propose donc de tracer les grandes lignes - en même temps que l'argumentaire

détaillé - d'une recherche qui reste à mener sur cet horizon dans le Sud-Ouest de la France.

1.2. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES

Mon objectif est clair : évaluer les connaissances actuelles pour savoir s'il serait raisonnable et justifié

de parler d'une "Culture de Lussac-Angles", quelque part dans le Sud-Ouest de la France au sein du

Magdalénien moyen.

Toute "ethnie" est historiquement, culturellement et spatialement déterminée, et ne peut se comprendre

que comme tel. Notre définition doit donc être envisagée sous trois angles : celui de la chronologie, de

la géographie humaine et des traits caractéristiques de son "milieu intérieur".

La procédure analytique que je me propose de suivre tient donc compte de ces différentes dimensions :

1. Il s'agit, dans un premier temps, de mettre l'accent sur la reconnaissance des marqueurs culturels,

c'est-à-dire des "fossiles directeurs", qui pourraient caractériser cette entité ethnique. Toute la

discussion sur ce thème visera une définition culturelle - encore toute provisoire - de ce groupe et, dans

le même temps, sera teintée de l'influence de la géographie humaine, illustrée par les travaux de P.

Deffontaines, L.-R. Nougier, etc. A ce stade, la présence dans un niveau archéologique des traits

typiques considérés un à un sera traduite, de manière qualitative, par un simple point sur la carte de

distribution des sites. Cette étape se fonde bien évidemment sur un long recensement de la

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bibliographie spécialisée sur le sujet, puis l'accès et la lecture du plus grand nombre possible de

publications référencées.

2. Que fait-on alors de ces supports visuels cartographiques ? Les gisements, sous forme de points, se

retrouvent répartis, de manière inégale et irrégulière, sur une grande partie du territoire français, avec

toutefois une relative concentration sur le grand Sud-Ouest. Mais c'est une zone encore bien vaste pour

en faire le territoire d'un groupe ethnique spécifique, à cette époque du Magdalénien moyen. Jusqu'à

présent, on doit reconnaître que peu d'effort a été mis en oeuvre pour traduire la distribution

géographique des marqueurs culturels caractérisant l'horizon chronologique du Magdalénien III sous

forme de cartes (cf. Pinçon 1988 ; Bourdier 2010a ; Fuentes 2010 ; Sauvet et al. 2010). Je propose

ensuite de passer à une traduction cartographique quantitative de l'abondance des marqueurs culturels

recensés. Au lieu de prendre en compte la seule présence/absence des fossiles directeurs, matérialisée

par des points de même diamètre sur les cartes dans l'étape 1, le nombre d'objets pour chacun des traits

identifiés est maintenant quantifié par des points de taille différente. A terme, il s'agira de mettre en

évidence éventuellement des zones de plus forte concentration dans la répartition spatiale des vestiges.

3. L'étape suivante concernera la distribution temporelle de ces marqueurs culturels. Des niveaux

archéologiques ayant livré des fossiles directeurs précédemment identifiés, certains ont été datés par la

méthode du Carbone 14 (conventionnelle ancienne ou SMA). La fiabilité radiométrique et

archéologique de ces datations devra être rigoureusement évaluée. La discussion portera sur la valeur

chronologique de ces traits culturels typés.

Au total, si des zones de plus forte concentration dans la répartition spatiale des vestiges apparaissent,

on pourra alors débattre, sur des bases factuelles plus fondées, de cette distribution différentielle et de

ses implications, notamment en termes culturels, à savoir sa validité pour la définition et la

reconnaissance d'entités culturelles plus précises, et surtout réalistes, au Magdalénien moyen.

2. DEFIS EPISTEMOLOGIQUES

2.1. LA "CULTURE DE LUSSAC-ANGLES" EN VIENNE-CHARENTE : UN GROUPE

ETHNIQUE PARTICULIER ?

Si l'on arrive à mettre en évidence, en reprenant les critères de géographie humaine et de chronologie

que nous avons énoncés précédemment, que dans un créneau temporel de quelques siècles des traits

culturels bien spécifiques se trouvent concentrés sur une zone géographique bien délimitée et de taille

raisonnable (à l'échelle d'une ethnie), comme je compte le démontrer plus loin concernant la région

Vienne-Charente au "Magdalénien III", alors on se trouve confronté à une situation à la fois stimulante

et intrigante - archéologiquement et anthropologiquement - dont il faut essayer de rendre compte. Il

pourrait bien sûr s'agir d'un artifice de la recherche : les préhistoriens devraient alors évaluer la durée

et l'intensité des travaux, les problématiques, les méthodologies mises en oeuvre et les connaissances

acquises. D'autres biais pourraient également être passés au crible : chronologiques,

environnementaux, taphonomiques (voir ci-dessous). Sur le plan des comportements humains, ces

vestiges archéologiques exhumés pourraient éventuellement refléter des activités spécialisées et ces

gisements des lieux aux fonctions bien spécifiques au sein du vaste territoire des Magdaléniens. C'est

dans ce sens que l'on pourrait comprendre le dernier ouvrage de J. Buisson-Catil et J. Primault (2012) :

Le Roc-aux-Sorciers. Rencontre avec le peuple magdalénien.

A côté de ces dimensions qui peuvent participer à un degré ou un autre de la multiplicité des facettes

d'une communauté humaine, il en reste une dernière qui présente, à mes yeux, le plus de potentiel,

celui de "culture". Toutefois, quelques considérations (qui sont loin de faire le tour et d'épuiser le sujet)

paraissent nécessaires concernant l'emploi de ce concept, qui ne va pas sans ambiguïté au sein de la

science préhistorique. Très rapidement après le début des recherches préhistoriques, les chercheurs ont

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été confrontés à une grande variabilité des vestiges archéologiques exhumés. Dès lors, se posait la

question de rendre compte et de donner un sens à cette diversité. Pour le Paléolithique, qui nous

intéresse ici, les préhistoriens ont progressivement reconnu et défini - non sans mal - de nombreuses

subdivisions (Paléolithique ancien/inférieur, moyen, supérieur/récent), elles-mêmes découpées en

sous-périodes (pour le Paléolithique supérieur français, par exemple : Châtelperronien, Aurignacien,

Gravettien, Solutréen, Badegoulien, Magdalénien, Azilien). Dans la littérature spécialisée, chacun de

ces étages peut également se trouver exprimé en d'autres termes, comme "techno-complexes",

"civilisations" (ex. moustérienne [Baffier 2010 : 113] ou magdalénienne [Leesch 2012 : 47]),

"traditions culturelles" (Otte 2012 : 24), ou "cultures", qui tous paraissent équivalents ; même si c'est

celui de "techno-complexe" qui semble le plus approprié actuellement (en l'état des recherches et des

connaissances), dans la mesure où ces entités sont définies en se fondant sur l'étude des méthodes de

débitage et de l'outillage des assemblages lithiques (cf. Jaubert 2010 : 84-88). Il semble plutôt s'agir de

"traditions" techno-typologiques qui transcendent les dimensions de temps (période chronologique

précise) et d'espace (distribution géographique précise et limitée). A côté de cette échelle très large, les

chercheurs ont également noté la présence, principalement à partir du Paléolithique supérieur/récent,

de "particularismes culturels régionaux" (Buisson-Catil et Primault 2012), d'un "émiettement

géographique des traditions" (Bon 2010 : 138), d'une "grande mosaïque culturelle" (Baffier 2010 :

115), que l'on trouve traduits sous des appellations telles que "foyers" (cf. Breuil 1912 ; Laplace 1962),

"provinces" (Smith 1966), "faciès", ou encore "cultures".

Depuis quelques décennies, les chercheurs sont toutefois particulièrement hésitants - pour ne pas dire

réticents - à faire usage de cette dernière expression pour les sociétés du Paléolithique (cf. articles in

Clottes 2010 éd.). J'aimerais avancer ici quelques raisons pour rendre compte de cette attitude. Tout

d'abord, on peut observer, depuis le début du XXème siècle, un jeu de balancier entre deux extrêmes

de la recherche, l'une qui met la priorité sur l'unité, l'homogénéité, le fonds commun des grandes

entités culturelles à travers l'Europe (que l'on peut traduire par l'Aurignacien, le Magdalénien, etc.), et

l'autre qui met l'accent sur la diversité, les différences, les particularismes, l'émiettement, à un niveau

plus local. Actuellement, la tendance semble plutôt être à la recherche d'unification. Dans ce contexte,

le terme de "culture" est toléré dans un sens très général, équivalent aux étages chronologiques (du

Paléolithique supérieur/récent notamment). Toutefois, même si le balancier penchait dans l'autre

direction, il n'est pas certain que des avancées heuristiques dans la reconnaissance et la définition plus

fines d'entités ethniques au sein des différentes sous-périodes du Paléolithique supérieur/récent soient

observables. En effet, il semble qu'un deuxième niveau d'obstacle, plus tacite et inconscient, et donc

profondément enraciné dans la pensée scientifique, soit en jeu. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs-

collecteurs du Paléolithique apparaissent comme des sujets d'étude qui ne peuvent bénéficier, de par

leur nature intrinsèque, des mêmes outils théoriques et méthodologiques d'analyse et surtout

d'interprétation que les communautés humaines qui leur sont postérieures. Il est intéressant de

remarquer à ce propos que le terme de "culture" est aisément usité pour la Préhistoire récente et la

Protohistoire. C'est avec le Néolithique que les préhistoriens commencent à être à l'aise pour parler de

"cultures", comme Blicquy/Villeneuve-Saint-Germain, Cerny, Seine-Oise-Marne (SOM), Peu-Richard,

etc. (cf. Lichardus et Lichardus-Itten 1985 éds. ; Beeching et al. 1991 éds. ; Guilaine 2011 ; articles in

Clottes 2010 éd.). Cette vision était légitimée - consciemment ou non - par une dichotomie aux

multiples visages : Paléolithique/Néolithique, sociétés de chasseurs-cueilleurs/agricoles,

nomades/sédentaires, etc. Récemment, les préhistoriens ont repoussé la limite de leur "zone de

confort" intellectuel jusqu'au Mésolithique. Dans ce cas, ils admettent plus facilement que les

particularismes régionaux, la grande et complexe mosaïque culturelle européenne traduisent des

"cultures", comme le Groupe de Bertheaume (Blanchet et al. 2006 ; autres exemples in Barbaza 2010 :

237-238). La dichotomie est maintenue, mais en des termes différents, avec une plus forte connotation

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climatique et environnementale, semble-t-il : sociétés du Quaternaire/Pléistocène supérieur versus

"civilisations postglaciaires" (Barbaza 2010 : 248).

La littérature française, sans être particulièrement abondante, reflète donc bien le malaise ressenti par

les chercheurs face à ce thème, depuis les débats virulents entre N. Pigeot et J. Zammit, le scepticisme

de S. Cleuziou, jusqu'aux réflexions théoriques actuelles de P. Boissinot. Alors pourquoi s'obstiner

encore et toujours à refuser de postuler des "cultures" (ou des "groupes ethniques") particulières

également au Paléolithique supérieur (parce qu'il s'agit bien d'une obstination sans fondements

factuels) ? Tout cela me semble plus relever de choix paradigmatiques de la plupart des chercheurs

français que refléter une quelconque réalité des sociétés humaines paléolithiques considérées.

Les implications, pourtant très sérieuses au niveau du potentiel interprétatif, sont sans doute mal

comprises et appréciées par les scientifiques. Les avancées théoriques et méthodologiques de

l'anthropologie des techniques ont montré qu'il était bien illusoire de vouloir analyser quelque aspect

que ce soit de la culture matérielle sans l'éclairer des nombreuses facettes du système culturel

complexe dont elle est issue (approche superbement résumée par l'expression de "fait social total" de

Marcel Mauss). Même si ce concept n'est pas toujours mis en problématique et en pratique dans la

recherche, c'est malgré tout un principe directeur qui ne fait pas de doute dans l'esprit des préhistoriens.

Alors comment étudier des comportements humains, quand on ne se situe pas au niveau individuel,

mais supra-individuel, du collectif, du groupe, sans parler de culture(s), d'ethnicité ? Je peux

comprendre en fait l'emploi et la préférence pour des appellations telles que techno-complexes ou

traditions techniques, parce que la plupart du temps la définition d'ensembles culturels repose

seulement sur des assemblages de silex taillés (typologie et/ou technologie). Par contre, quand on

dispose d'une multiplicité de traits disparates, comme l'industrie lithique, celle en matières dures

animales, les éléments de parure, l'art mobilier et pariétal (etc.), concentrés dans un territoire bien

délimité (comme celui de la Vienne-Charente au Magdalénien - voir ci-dessous), il ne s'agit plus de

coïncidence, de hasard ou d'état de la recherche, mais bien d'un état de fait, de réalité préhistorique.

Il n'est pas exagéré de considérer que ces objets (que les archéologues nomment, dans leur jargon,

"fossiles directeurs") sont multi-dimensionnels et surtout codifiés (voir leur description ci-dessous). Ils

sont le résultat de pratiques, de chaînes opératoires plus complexes qu'il n'y paraît au premier abord. Ils

ne peuvent donc être réalisés de manière individuelle, voire individualiste, en dehors de tout contexte

culturellement et historiquement déterminé. De ce fait, ils ne prennent sens pour les acteurs eux-

mêmes que dans ce cadre précis ; et les préhistoriens ne peuvent leur donner du sens que replacés dans

ce contexte et en relation avec d'autres pans de la société considérée. Par ailleurs, ils peuvent faire

l'objet de manipulations (idéologiques, symboliques, rituelles, religieuses, etc.) et de traitements

particuliers essentiels à la vie et la reproduction de ces groupes. Enfin, dernier élément non négligeable

à considérer, les manières de penser et de faire - qui sous-tendent les fossiles directeurs dont nous

parlons ici - perdurent sur plusieurs siècles. De ce fait, elles doivent participer directement à la

reproduction du système social dans son ensemble et ne peuvent être qu'acquises par apprentissage et

imitation, puis transmises de génération en génération.

Après 150 ans de recherches, il est clairement démontrable que le Magdalénien du Sud-Ouest de la

France en général et le "Magdalénien III" de la région Vienne-Charente en particulier ont le potentiel

factuel pour alimenter un tel discours à forte connotation anthropologique.

2.2. LA "CULTURE DE LUSSAC-ANGLES": DES CHASSEURS-CUEILLEURS

SEDENTAIRES ?

Avant de pouvoir aller plus avant dans le raisonnement, je voudrais attirer l'attention ici sur un autre

défi de taille. Le titre de cette section paraît anodin au premier abord, mais il est bien révélateur d'un

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autre malaise de la recherche paléolithique. A la lecture de la littérature spécialisée, on retire le

sentiment d'un consensus concernant le type de mobilité de ces chasseurs-collecteurs. Jérôme Primault,

comme bien d'autres de sa discipline, a insisté, dans plusieurs publications récentes, sur le fait que les

sociétés paléolithiques étaient toutes nomades (Primault 2012 ; Buisson-Catil et Primault 2012). Or,

pour qui veut se donner la peine de chercher, les exemples de chasseurs-collecteurs sédentaires

abondent maintenant dans la littérature. Peut-on excuser un préhistorien de ne pas connaître des

exemples ethnographiques et ethnohistoriques, comme ceux des Indiens de la Côte nord-ouest de

l'Amérique du Nord ? Sans doute pas (ou plus). En tout cas, il devrait être au courant des cas

archéologiques célèbres, comme le Jomon du Japon, le Natoufien d'Israël ou le Gravettien de

République tchèque. S'agit-il donc d'incompétence scientifique ou de malhonnêteté intellectuelle ? Par

contre, quand un anthropologue aussi réputé qu'Alain Testart, qui collabore depuis longtemps avec des

archéologues, aborde ce thème on peut espérer une critique renouvelée et stimulante pour les

préhistoriens (Testart 2012a). Or il n'en est rien. En effet, A. Testart balaie en un peu plus de deux

pages la question de la sédentarité des sociétés paléolithiques pour conclure à "une impossibilité ou

une improbabilité d'un tel régime au paléolithique supérieur" (p. 228). Le sujet pouvait pourtant

mériter un traitement plus détaillé : il fait appel aux traces d'habitation et d'architecture, ainsi qu'à

l'épaisseur des couches, mais, de manière surprenante, il ne s'appuie à aucun moment sur les études

archéozoologiques de saisonnalité. L'occasion est donc bien manquée, de mon point de vue,

particulièrement au regard de cette phrase : "dans l'état actuel de nos connaissances [sic], le type de

résidence le plus couramment acceptable pour le paléolithique supérieur est celui des courts

campements d'été, légers, comme à Pincevent" (p. 228). D'abord, pourquoi est-ce que les stations

estivales seraient plus représentatives des groupes paléolithiques (et de leurs cycles annuels) que celles

des autres saisons, et en particulier hivernales ? Ensuite, que faire de grands gisements du Sud-Ouest,

comme Le Placard, La Madeleine, Laugerie, Le Mas-d'Azil, Isturitz, pour lesquels certains n'hésitent

pas à parler de "méga-sites" ?

On ne peut alors que se plier à une réalité bien affligeante : la sédentarité de certaines sociétés

paléolithiques - dans des contextes historiques, culturels et écologiques bien déterminés - dérange ! Si

l'on fait une lecture attentive de la littérature archéologique francophone de ces vingt dernières années

sur la manière dont les préhistoriens décrivent et perçoivent les sociétés de chasseurs-cueilleurs

paléolithiques, que constate-t-on ? Que la dichotomie Paléolithique/Néolithique est fortement ancrée

dans la pensée comme un des principes clés à l'interprétation et la compréhension de ces deux types de

sociétés ; que les sociétés paléolithiques sont vues en miroir négatif des sociétés néolithiques et de ce

fait les traits constitutifs forts de ces dernières sont toujours considérés comme absents des premières ;

et que les sociétés paléolithiques sont vues, en définitive, comme des sociétés égalitaires et nomades.

Pourtant, la liste des "contre-exemples" est suffisamment longue et les sociétés de chasseurs-cueilleurs

sont trop variées, pour que l'on continue à suggérer des corrélations simplistes et réductionnistes entre

d'une part le Néolithique et l'agriculture, et d'autre part, la sédentarité, la complexité sociale,

l'augmentation de la population, etc. Alain Testart (2012a, 2012b) a très bien commencé à montrer que

des traits jusque-là considérés comme des marqueurs forts de la Néolithisation (poterie, polissage des

pierres dures, etc.) apparaissaient ici ou là, indépendamment, dans des contextes culturels pré-

néolithiques. Il est temps d'insister sur les faiblesses d'un raisonnement circulaire, qui explique soit

l'agriculture par la sédentarité, soit l'inverse, la sédentarité par l'agriculture.

Il me semble essentiel que les chercheurs aient maintenant le courage d'aborder ce thème plus

ouvertement et objectivement, et surtout qu'ils ne posent plus comme principe inébranlable et

incontestable de leurs études que le nomadisme est de règle au Paléolithique, mais voient plutôt cette

formule comme une hypothèse à tester.

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2.3. LA "CULTURE DE LUSSAC-ANGLES" : EXEMPLE DE CHASSEURS-COLLECTEURS

TRANSEGALITAIRES (COMPLEXES) ?

Il nous faut encore aborder un dernier défi de taille : de quel type de société paléolithique parle-t-on ici

? Ces communautés de chasseurs-cueilleurs-collecteurs ayant disparu depuis fort longtemps, c'est le

raisonnement par analogie - avec l'ethnologie essentiellement - qui prime dans la reconstruction de leur

mode de vie, de leurs déplacements, de leur organisation socio-politique, etc. La littérature récente les

concernant est d'une telle abondance qu'il est parfois difficile de se tenir à jour des derniers

développements concernant ces différents thèmes. Il n'est pas de mon propos d'en faire ici une

synthèse détaillée. Mais je voudrais tout de même insister sur quelques points essentiels liés à la

variabilité de ces sociétés humaines.

Depuis le XVIIº siècle et le siècle suivant des Lumières, l'interprétation des sociétés de chasseurs-

cueilleurs a été tiraillée entre une vision de "nobles sauvages" en harmonie avec la nature et une autre

de "simples brutes" à la limite de la survie. Au cours du XXº siècle, la conception générale a été,

jusque dans les années 1960, celle de populations pauvres dont la survie dépendait de la quête

incessante de nourriture. Avec la conférence "Man the Hunter" (1966), la perspective s'est

complètement inversée, au point de reconnaître dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs des sociétés

d'abondance, au sein desquelles la mobilisation des membres pour les activités de subsistance ne

demandait pas plus de quelques heures de travail quotidien. A la fin des années 1970 et au tout début

des années 1980, un nouveau courant de pensée s'est développé, qui porte un regard différent sur ces

sociétés. Un des maîtres mots devient alors "diversité". Il s'agit de regarder non plus aux régularités,

mais à l'extrême variabilité que présentent ces communautés, en termes d'organisation politique,

sociale, économique, etc. Jusqu'à cette époque, les "cas extrêmes" de chasseurs-cueilleurs, aussi bien

du domaine ethnologique (Indiens du sud de la Californie, Calusa de Floride, ...) qu'archéologique

(Jomon, Natoufien...), qui ne s'ajustaient pas au modèle communément admis, celui élaboré au

colloque Man the Hunter (1966), étaient globalement oubliés, considérés comme des cas particuliers

non importants. A cet effet, nombre d'investigations ethnographiques menées chez les groupes de

chasseurs-cueilleurs sédentaires ou semi-sédentaires de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord (de

la Californie à la Colombie britannique) demeuraient non publiées, conservées sous forme de notes

jusqu'aux années 1970. Avec la décennie suivante, ces groupes particuliers ont été progressivement

rétablis et confirmés dans leur légitimité anthropologique.

Différents chercheurs ont alors tenté d'élaborer une typologie de ces groupes humains pour mettre un

peu d'ordre dans ce foisonnement. De toute cette littérature, j'aimerais retenir une typologie qui

distingue trois types de sociétés de chasseurs-cueilleurs :

- Bushman/Eskimo

- Aborigène australien

- Premières Nations de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord.

Le type australien est très particulier et unique à ce continent. On peut raisonnablement penser qu'il

correspond à une évolution des cultures humaines spécifique seulement à ces régions du monde. De ce

fait, ce type n'a pas de rôle à jouer dans nos réflexions théoriques sur les sociétés de chasseurs-

cueilleurs paléolithiques. Par contre, les deux autres types ont beaucoup plus de potentiel heuristique

pour notre propos. Mais pour les rendre plus opérationnels sur les plans de la problématique, des

hypothèses à tester et de la procédure méthodologique à élaborer, il me paraît plus judicieux de les

traduire dans des termes qui peuvent être mieux reconnaissables archéologiquement :

- les sociétés de chasseurs-cueilleurs égalitaires, nomades (Type Bushman/Eskimo)

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 30

- les sociétés de chasseurs-cueilleurs complexes/transégalitaires, sédentaires (Type Indiens de la côte

nord-ouest de l'Amérique du Nord).

Ces deux types pourraient en fait correspondre aux deux extrêmes d'un éventail de variations sociétales

qu'il ne faudra pas négliger, même si elles sont difficiles à reconstituer à partir des seuls vestiges

matériels exhumés depuis 150 ans de recherches préhistoriques.

Pourquoi alors insister sur cette variabilité sociétale ? Les sociétés paléolithiques me semblent

globalement assimilées, sans discussion et équivoque, avec la version égalitaire et nomade (Type

Bushman/Eskimo). Elles sont perçues comme des "sociétés de nature". Elles exploitent un

environnement qui est entièrement sauvage. Elles sont en outre différentes de la nôtre dans la mesure

où elles ne produisent pas leur nourriture ; les animaux et plantes domestiques sont généralement

absents de leurs activités et produits de subsistance. Qu'elles soient dans un état d'abondance et

d'harmonie avec la nature, ou dans un état précaire de survie, ces communautés sont généralement

considérées comme primitives, avec une organisation sociale et des moyens techniques simples. En

conséquence, l'influence des modèles écologiques s'est faite sentir très tôt dans l'analyse de ces

sociétés, et notamment de leurs modalités d'adaptation à la nature.

Pour ma part, j'estime que ce serait un point de vue bien éloigné de la réalité et des débats

anthropologiques sur ce type de sociétés que de les considérer comme un bloc simple et homogène. Il

me paraît temps de contester ces positions de principe a priori. Le temps est également venu de mettre

au jour et déconstruire de nombreux préjugés et présupposés bien teintés d'ethnocentrisme

(européocentrisme) - dont on peut faire remonter les racines aux XVII-XVIIIème siècles. Ces préjugés

et raccourcis simplistes et réductionnistes sélectionnent arbitrairement les aspects de nomades et

égalitaires pour ces chasseurs-collecteurs, aux dépens d'autres caractéristiques de cette nébuleuse

complexe ; et font toujours s'opposer les sociétés paléolithiques de chasseurs-cueilleurs à celles

néolithiques agricoles, qui représentent à nos yeux nos racines occidentales, par excellence. Il serait

essentiel à l'avenir de ne pas plaquer des idées et considérations théoriques d'emblée préconçues sur les

faits archéologiques et d'utiliser prudemment les modèles qui sont supposés rendre compte de l'une ou

l'autre de ces catégories.

Envisager les sociétés de chasseurs-cueilleurs préhistoriques en s'inspirant de toute la complexité et la

variabilité des exemples ethnographiques et ethnohistoriques pourrait être le point de départ d'une

attitude plus novatrice pour l'analyse et la compréhension de leur organisation et de leur évolution. Les

relations socio-politiques entre les membres d'une communauté et le corps idéologique qui en légitime

l'organisation déterminent largement la nature et les objectifs des activités techno-économiques ou

symboliques. On devrait donc s'attendre à ce que la structuration techno-économique d'une société

varie en fonction de sa position sur le continuum "non-complexe"/"complexe".

Sur la base de ses vestiges matériels, abondants et diversifiés, et de leur nouveauté comparée aux

périodes antérieures, le Magdalénien moyen de la région Vienne-Charente serait trop élaboré pour être

assimilé aux sociétés "non-complexes". Dans le même temps, la présence de traits et/ou de

comportements plus sophistiqués pose problème concernant un éventuel rattachement aux sociétés

"complexes". La Culture de Lussac-Angles ne pourrait-elle pas être considérée alors comme un

exemple du type "intermédiaire", semi-complexe ? On peut sérieusement se demander s'il n'y aurait

pas quelques arguments à faire valoir dans ce sens.

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 31

3. DONNEES CULTURELLES, GEOGRAPHIQUES ET CHRONOLOGIQUES DU

MAGDALENIEN III

3.1. REVUE DES MARQUEURS CULTURELS ("FOSSILES DIRECTEURS")

Après 150 ans de recherche, le Magdalénien moyen (anciennement III de la classification de H. Breuil)

peut être caractérisé globalement par une belle diversité des vestiges archéologiques. Depuis une riche

et abondante industrie sur matières dures animales jusqu'à des œuvres d'art pariétal et mobilier

exceptionnelles, en passant par toute une gamme d'éléments de parure, des colorants, de nombreux

restes humains et animaux, la collection des restes exhumés est impressionnante.

Quelques types d'objets ou des manières de faire bien spécifiques, marqueurs culturels et

chronologiques de cette phase du Magdalénien, se laissent aisément reconnaître dans ce lot. A l'heure

actuelle, l'inventaire communément accepté - tout en n’étant ni définitif ni exhaustif - met l'accent sur

de nombreux traits (Dujardin et Pinçon 2000 ; Dujardin et Tymula 2005 ; Pinçon et al. 2011).

J'aimerais ici attirer l'attention sur les suivants : les pointes de sagaie de type Lussac-Angles, le

débitage lamellaire de type "La Marche", les dents de chevaux gravées de motifs géométriques, ainsi

que l'art mobilier et pariétal.

La pointe de sagaie dénommée de "type Lussac-Angles" peut être considérée comme le "fossile

directeur" par excellence de ce "faciès". Cet artéfact présente des caractéristiques techniques et

typologiques constantes, qui peuvent être décrites comme suit : il s'agit de pointes courtes, de module

et de largeur variables, toujours réalisées en bois de renne ; à l'extrémité opposée à la pointe se

trouvent un pan oblique, un biseau simple ; enfin, une fine rainure/cannelure longitudinale a été

creusée sur une ou les deux faces planes de l'objet. Cette pointe présente une distribution géographique

étendue, depuis le sud du Bassin parisien jusqu'aux Pyrénées françaises et la région cantabrique, en

passant par le Poitou-Charentes, le Limousin, le Massif central et le Sud-Ouest aquitain (figure 1). En

se fondant sur différents arguments, plusieurs chercheurs (cf. Langlais et al. 2010 ; Sauvet et al. 2010)

ont fait valoir leur scepticisme quant à la valeur chronologique de ce fossile directeur (voir ci-dessous).

Dans l'industrie lithique, il existe quelques traits bien spécifiques de ce Magdalénien moyen. A côté

d'armatures bien typées (i.e. lamelles à dos à base tronquée), une "méthode de taille très originale" est

également bien caractéristique de ce faciès, au point qu'on la nomme "débitage de type La Marche".

C'est à partir de "lames-nucléus" que cette méthode a été reconnue et définie avec des critères précis

par certains chercheurs (J. Pelegrin et O. Parisot notamment), dans les années 1990. Au nombre d'une

trentaine d'exemplaires à La Marche, Stéphane Lwoff avait bien mis en évidence leur caractère

"spécial" au sein de l'industrie lithique ; mais il avait interprété ces pièces sur lame comme des outils,

ses "ciseaux à facettes" (Lwoff 1967). Il s'agit en fait de nucléus. Il fallait une bonne lecture

technologique et chronologique des gestes ("schéma diacritique") pour ordonner la succession des

enlèvements et comprendre la fonction des diverses modifications des supports laminaires : dans le cas

des ciseaux à facettes, les négatifs sur la face supérieure de la lame correspondaient à des enlèvements

considérés par S. Lwoff comme antérieurs au débitage du support de l'outil-ciseau et la retouche

proximale et/ou distale inverse (= troncature) leur était postérieure ; alors que dans le cas du "débitage

de type La Marche", il ne s'agit plus de troncature inverse, mais de préparation de plan de frappe, à

partir duquel des lamelles sont débitées sur la face supérieure du support (cf. Angevin 2010 : 18 ;

Chehmana et Beyries 2010 : 456). Ce schéma de taille s'apparente à un autre, sans doute contemporain,

celui du Rocher-de-la-Caille ; le critère pour les différencier se plaçant au niveau des techniques

d'extraction des supports : ce dernier met en œuvre la pression tandis que le type La Marche utilise la

percussion. D'autres variantes, comme celle d'Orville, existent pour lesquelles des recherches sur leur

caractérisation techno-économique et leurs affinités chronologique et géographique sont en cours (cf.

Chehmana 2009, 2011).

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 32

Cette méthode de débitage produit de tels nucléus en nombre plutôt élevé et étrangement comparables

au Roc-aux-Sorciers et à La Marche. Ailleurs, on en trouve actuellement quelques rares exemplaires à

La Corne-de-Rollay, à Enval-Sol de la Grange, à Gazel, à Bize, et peut-être aux Petits Guinards

(Angevin 2010 ; Langlais 2010).

Les dents de chevaux gravées sont une autre forme d'expression bien typique de ce faciès (cf. Mazière

et Buret 2010 ; Airvaux 2011). Des formes géométriques (principalement des triangles) remplies d'un

quadrillage fin et minutieux ne semblent présentes que sur des dents animales. Celles-ci ne

correspondent pas à n'importe quelle espèce : il s'agit toujours de chevaux. Qui plus est, ce sont

toujours de jeunes chevaux de moins de trois ans, des poulains. Ensuite, ces gravures n'apparaissent

pas sur n'importe quelles dents : ce sont toujours des incisives qui sont choisies pour servir de supports.

Enfin, c'est toujours sur la partie linguale, au sommet de la dent, dans une zone légèrement incurvée

que se loge la gravure. Des séries de plusieurs incisions régulières et parallèles ont également été

notées sur nombre de ces dents. Au total, ces pièces apparaissent plus complexes qu'il n'y paraît au

premier abord, car elles sont fortement codifiées.

Figure 1 - Carte de distribution des pointes de sagaie de Lussac-Angles (présence quantifiée) (DAO : C. Delage

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 33

Dans ce sens, avaient-elles une valeur et une fonction sociales particulières ? On peut se poser la

question, dans la mesure où ces dents gravées ne sont présentes que dans quelques rares gisements de

ce faciès ou de cette période : Le Roc-aux-Sorciers, La Marche, Le Puits au Chaffaud (Vienne),

Montgaudier (Charente), et Laugerie-Basse (Dordogne).

L'expression artistique, sous diverses formes (art mobilier et pariétal), est une pratique courante au sein

de ce faciès. Concernant l'art pariétal, on compte deux abris sous roche (Le Roc-aux-Sorciers et La

Chaire-à-Calvin) où la sculpture en bas-relief a découpé la paroi calcaire, à l'air libre. Par contre, dans

la seule grotte ornée actuellement connue, le Réseau Guy-Martin, des hommes ont utilisé une

technique différente, la gravure fine, pour couvrir certaines zones propices.

L'art mobilier a mis en œuvre diverses matières : parmi celles qui nous sont parvenues, on trouve en

majorité la pierre, mais également les restes animaux (dents, os et bois). Un certain nombre de

gisements livre de tels vestiges esthétiques : Le Roc-aux-Sorciers, Le Taillis-des-Coteaux, La Marche,

Les Fadets, Les Terriers, Le Puits au Chaffaud, Montgaudier, Le Placard et La Chaire-à-Calvin. La

technique employée est exclusivement la gravure fine et superficielle. Une autre caractéristique de

cette forme d'art se définit par l'enchevêtrement des traits gravés. Les chercheurs qui se sont attelés à

cette tâche sont loin d'avoir eu tout le succès escompté dans la "lecture" de ces milliers de pièces, mais

le déchiffrage a montré que de nombreux sujets se trouvaient superposés (cf. Airvaux et al. 2001 ;

Pales et Tassin de Saint-Péreuse 1969, 1976, 1981, 1989).

Les sujets représentés sont communs aux deux types d'art. On y trouve de nombreux animaux

représentés : chevaux, rennes, bouquetins, bisons, etc. Mais l'humain y tient également une place de

premier choix ; thème qui singularise particulièrement l'art de ce faciès. Ces sujets humains sont

illustrés sous deux formes : des femmes enceintes et des têtes. Les femmes enceintes sont dans la

tradition de celles ("Vénus") du Gravettien, même si elles ne sont ici jamais en ronde-bosse. Mis à

part, les traits anatomiques de la grossesse, parfaitement reconnaissables, certains détails sont à noter :

les extrémités des membres (mains et pieds) sont souvent absentes, ainsi que parfois la tête (thème que

l'on retrouvera dans les femmes du type Gönnersdorf-Lalinde, au Magdalénien supérieur) ; le souci de

représenter les vêtements (ceintures, pagnes, manteaux, etc.). A côté de ces femmes, on trouve une

multitude de têtes, généralement de profil (sauf une - exceptionnelle - de face), de facture parfois

réaliste, parfois caricaturale (comme simiesque).

3.2. SYNTHESE CARTOGRAPHIQUE : DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE DES

GISEMENTS DE L'HORIZON MAGDALENIEN III

Au total, ces traits, présents seuls ou associés dans un même assemblage, se retrouvent dans une

quarantaine de gisements actuellement. Leur distribution spatiale permet d'établir une première carte

de points, une sorte de "territoire" de présence maximale du faciès Lussac-Angles. Il est à peu près

certain que cet état des lieux est loin d'être exhaustif. Il reste sûrement bon nombre de gisements à

mettre au jour à l'intérieur de ce territoire. Par ailleurs, de nouvelles découvertes pourraient élargir les

limites maximales de cette aire de répartition, notamment vers le Nord et l'Est de la France. Quoi qu'il

en soit, ces deux cas de figure sont tout à fait envisageables et de futures études pourraient être

orientées dans ces deux directions pour enrichir le cadre ainsi établi. Malgré tout, les travaux à venir ne

devraient pas bouleverser et remettre en cause les fondements théoriques et méthodologiques de

l'argumentaire que j'essaie de présenter ici. Ils devraient seulement le conforter en élargissant la base

de données.

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 34

Que l'on essaie ensuite de traiter non plus de la présence/absence des fossiles directeurs, mais de leur

quantification, et le résultat graphique peut se traduire en une carte illustrée par la figure 2. Plusieurs

dimensions d'une géographie humaine déjà complexe pour l'époque sont alors à noter :

- si l'on considère chaque trait séparément, on se rend compte tout de suite d'une bipartition nette au

sein de ce grand territoire français d'expansion du faciès Lussac-Angles. On aurait une zone de plus

forte concentration, située sur la Vienne et la Charente, et une zone plus diffuse couvrant la plus

grande partie de ce territoire ;

- ce premier niveau de distribution différentielle est conforté par un deuxième. Il se trouve en effet que

la zone de plus forte concentration est aussi celle où les gisements reconnus combinent plusieurs, sinon

tous les marqueurs culturels ; ce qui n'est pas le cas de la zone plus diffuse où les sites ne livrent

généralement qu'un seul trait - et pour celui-ci qu'un seul, voire quelques objets uniquement.

Figure 2 - Carte de distribution de la zone à forte densité des marqueurs culturels de Lussac-Angles

(territoire de la Culture de Lussac-Angles) (en gris) et de la zone à faible densité des marqueurs (aire de

diffusion) (en orange) (DAO : C. Delage)

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 35

Je viens ici de mettre en évidence certaines (traits culturels et spatialité) des composantes principales

de la Culture de Lussac-Angles. Il me reste encore à aborder une autre dimension essentielle à la

définition de cette entité ethnique, sa chronologie.

3.3. DISTRIBUTION TEMPORELLE DES MARQUEURS CULTURELS

Il y aurait beaucoup à dire concernant les différentes datations radiométriques effectuées en vue d'une

évaluation critique rigoureuse de leur fiabilité. Le détail d'une telle discussion n'étant pas le sujet du

présent article, je me contenterai ici d'exposer seulement les arguments majeurs qu'un tel travail

pourrait produire.

Le tableau 1 présente, de façon synthétique, les caractéristiques principales, ainsi qu'une évaluation

critique de leur fiabilité méthodologique/radiométrique et leur validité archéologique, des datations

disponibles concernant la phase Lussac-Angles du Magdalénien moyen. Ce tableau appelle toutefois

quelques commentaires sur chacune de ces mesures.

Au Roc-aux-Sorciers, quatre datations sont disponibles pour le Magdalénien moyen. Si l'on se réfère

au Tableau 1, le bilan de fiabilité/validité paraît bien négatif. Aucune mesure ne peut être d'emblée

conservée comme fiable. Celle de la Couche C (GifA-94190) est à exclure définitivement. Concernant

la Couche D sous-jacente, les deux dates de Gröningen (GrN-1913 et GrN-1903) pourraient

éventuellement s'avérer correctes, à la seule condition que de nouvelles mesures soient effectuées ce

qui permettrait de confirmer leur validité. Dans ce contexte, GifA-94191 apparaît quelque peu

problématique, car elle est plus ancienne de plusieurs siècles. Par rapport à ce qu'on peut lire

Tableau 1 - Datations radiométriques (C14) des gisements magdaléniens de la Culture de Lussac-Angles

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 36

actuellement dans la littérature concernant ce gisement, il me semble qu'il faille rajeunir de quelques

siècles la limite inférieure de cet ensemble. Avec toutes les réserves méthodologiques sur la fiabilité de

ces mesures, cet ensemble du Magdalénien moyen pourrait s'étaler grossièrement de 14 700 BP à 13

800 BP.

L'Ensemble II au Taillis-des-Coteaux a été attribué au Magdalénien moyen. A l'heure actuelle, une

seule mesure radiométrique a été réalisée, sur un os de renne, provenant du niveau EG-IIg. Cette

datation semble tout à fait valable méthodologiquement et archéologiquement. Qui plus est, elle est

intéressante parce qu'elle pourrait révéler une des occupations les plus anciennes dans la région pour le

faciès Lussac-Angles (si l'on considère comme irrecevables les dates des Fadets et des Terriers, à

Lussac-les-Châteaux, Vienne ; voir ci-dessous).

Concernant Les Fadets, une seule datation radiométrique est disponible. Toutefois, on ne possède

aucun élément d'information (sur le matériau daté, la nature de l'analyse, le contexte archéologique

d'origine, etc.) pour être en mesure d'en évaluer correctement la fiabilité. Selon J. Airvaux (et al. 2001 :

75), l'échantillon analysé proviendrait de la couche attribuée au Magdalénien moyen à faciès Lussac-

Angles. Cet auteur précise que cette datation lui paraît "assez ancienne" (Airvaux et al. 2001 : 75),

compte tenu de nos connaissances actuelles sur le cadre chronologique de ce faciès. Il la considère

toutefois comme correcte. De ces quelques considérations, il ressort clairement que cette mesure est

problématique et que de nouvelles datations sont nécessaires pour affiner la chronologie de cet horizon

dans ce gisement.

On ne dispose pas plus d'informations sur la datation Gif-7355 des Terriers pour en évaluer

correctement la fiabilité. Quoi qu'il en soit, cette mesure me semble bien trop ancienne pour

correspondre à un niveau attribué au Magdalénien moyen à faciès de Lussac-Angles.

La seule mesure radiométrique de l'abri/grotte de La Marche présente nombre de points

méthodologiques (analyse ancienne, méthode C14 conventionnelle, moyenne obtenue sur un lot d'os,

contexte archéologique non précisé) qui nous font habituellement douter de sa fiabilité, ou même nous

font la rejeter catégoriquement. Toutefois, ici, la datation correspond parfaitement aux attentes des

archéologues. Elle a donc été, dès sa publication, acceptée sans équivoque.

La seule datation radiométrique du Réseau Guy-Martin apparaît tout à fait cohérente, compte tenu des

attentes archéologiques, fondées initialement sur la nature des vestiges exhumés (sagaies de Lussac-

Angles, plaquettes gravées de même facture stylistique que celles de la grotte de La Marche, etc.).

Nous avons ici affaire à un rare exemple, pour la région, de datation raisonnablement fiable.

Le Puits au Chaffaud n'est pas mieux connu sur le plan de la chronologie absolue que celles des Fadets

et des Terriers. Une seule datation radiométrique est disponible, mais on ne possède aucune

information pour en juger de la validité. Qui plus est, elle me semble trop ancienne pour être attribuée

à la phase Lussac-Angles du Magdalénien moyen.

Au Locus 10 de l'Abri Paignon, à Montgaudier, un niveau a livré une industrie en matières dures

animales bien caractéristique du Magdalénien moyen. Une seule mesure radiométrique correspond à

cet horizon dans ce gisement. Celle-ci a été réalisée selon la méthode conventionnelle et assez

anciennement, en 1981-82. De plus, les marges statistiques sont importantes. Enfin, elle apparaît bien

trop récente, issue d'un contexte archéo-stratigraphique confus et peu maîtrisé. On peut d'ores et déjà

émettre de sérieux doutes sur sa validité méthodologique et chronologique. G. de G. Sieveking, parlant

au nom du laboratoire d'analyse (British Museum), a porté un avis sur la plupart des datations obtenues

(in Burleigh et al. 1983 : 47), sauf sur la mesure BM-1916 qui nous intéresse ici, qui elle n'a jamais été

commentée. Depuis, J. Airvaux (et al. 2001 : 181) est un des rares auteurs à la retenir (avec BM-1912)

sur les dix datations disponibles ; ces deux mesures correspondent-elles à celles qu'il juge comme les

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 37

plus crédibles de l'ensemble ? Pourtant, BM-1916 est bien discutable et je pencherais même pour l'écarter définitivement du corpus.

Des commentaires qui précèdent, on peut tirer le bilan suivant :

- Au total, onze datations radiométriques - éventuellement douze, si l'on inclut une mesure du Roc-de-Sers : 14 680 ± 80 BP (OxA-10337/Ly-1380) - sont actuellement disponibles pour la zone de plus grande concentration des fossiles directeurs de Lussac-Angles.

- Près de la moitié d'entre elles me semblent erronées (i.e. Les Terriers, Les Fadets, Le Chaffaud, Montgaudier, ainsi qu'une des mesures du Roc-aux-Sorciers) ; cinq autres me paraissent raisonnablement cohérentes (i.e. Le Taillis des Coteaux, La Marche, le Réseau Guy-Martin, ainsi que les deux dates les plus récentes de la Couche D au Roc-aux-Sorciers) ; la dernière (la plus ancienne du Roc-aux-Sorciers) étant plus discutable, dans l'état actuel des connaissances.

- Il y a une dizaine d'années, V. Dujardin et G. Pinçon (2000 : 218) parlaient d'un "millénaire" pour la durée totale de la phase Lussac-Angles, entre 15 000 et 14 000 BP ; récemment, G. Sauvet et ses collègues (2010 : 78-79) ont suggéré un créneau entre 16 500 et 14 500 BP pour le Magdalénien III (équivalent du faciès Lussac-Angles). Il ne s'agit ici que de quelques exemples parmi d'autres, qui révèlent le malaise des chercheurs et l'ambiguïté actuelle de positionnement temporel de cet horizon. Quoi qu'il en soit, mon évaluation critique des datations de la région Vienne-Charente me conduit à affiner ces estimations chronologiques antérieures. La limite inférieure de cette phase pourrait se situer vers 14 700 BP (non calibré), correspondant à la datation du Taillis des Coteaux, et éventuellement à la plus ancienne du Roc-aux-Sorciers. La limite supérieure serait à placer autour de 13 800 BP, si l'on retient ici la mesure la plus récente de la Couche D du Roc-aux-Sorciers. En datations calibrées (programme IntCal09), cet horizon s'étalerait entre 16 432 BP et 14 813 BC.

Cette proposition doit être perçue comme un travail encore très préliminaire qui va demander beaucoup de recherches pour mieux cerner le cadre de chronologie absolue de cet horizon. Nombre de niveaux pour lesquels les mesures radiométriques sont incohérentes (i.e. Les Terriers, Les Fadets, Le Chaffaud, Montgaudier, Roc-aux-Sorciers) devront faire l'objet de nouvelles analyses. Par ailleurs, plusieurs gisements également attribués à cette phase ne sont pas encore datés : Le Placard, La Chaire-à-Calvin, La Piscine, etc.

Il serait judicieux que ce programme soit mené en relation, ou même à la suite, d'une reprise de l'étude des collections, notamment des artéfacts en matières dures animales. Cette dernière pourrait éventuellement aboutir à identifier des outils bien typés qui pourraient corroborer la présence du faciès Lussac-Angles et qui pourraient surtout servir d'échantillons aux nouvelles mesures radiométriques.

Dans le présent essai sur cette phase du Magdalénien moyen, je n'ai pas inclus - intentionnellement - les datations de niveaux/gisements situés à l'extérieur la zone de plus grande distribution des fossiles directeurs du faciès Lussac-Angles. De nombreuses mesures sont disponibles ; le lecteur qui souhaite en savoir plus peut se référer aux corpus publiés in Langlais (2010) et d'Errico et al. (2011). Toutefois, aucun effort d'évaluation critique de la validité méthodologique et chronologique de ces datations n'a encore été entrepris sérieusement. Cet effort demanderait un travail de lecture et d'acquisition de connaissances en vue de se familiariser avec le contexte archéologique qui dépasse les objectifs fixés pour le présent article. On peut anticiper, à la suite de notre étude sur la région Vienne-Charente, que la plupart de ces mesures seraient discutables, voire erronées ; celles, jugées cohérentes, seraient rares. Toutefois, ce travail nécessaire confirmerait les conclusions déjà exposées précédemment ici : 1) qu'il y a un besoin urgent de nouvelles datations radiométriques pour préciser la chronologie absolue de cet horizon du Magdalénien moyen, à l'échelle de tout le territoire français ; et 2) que la phase Lussac-Angles semble s'étaler grossièrement entre 14 700 et 13 800 BP (non calibré).

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 38

Je ne peux pas terminer ce chapitre sans aborder les doutes émis par certains chercheurs sur la valeur

chronologique et de fossile directeur de la pointe de sagaie de Lussac-Angles. Cette position est

principalement tenue par des spécialistes travaillant sur la région Aquitaine et les Pyrénées (cf.

Langlais et al. 2010 ; Sauvet et al. 2010). Ainsi, J.-M. Pétillon et M. Langlais, en se fondant sur leurs

observations récentes à la Grotte des Scilles, seraient enclin à penser que certaines de ces pointes

puissent être présentes antérieurement au Magdalénien moyen, dans la région cantabrique française et

espagnole. Par ailleurs, G. Sauvet et ses collègues verraient ces artéfacts dans des niveaux postérieurs

au Magdalénien III, à Canecaude, Gazel ou Enlène par exemple. Le débat est donc ouvert.

J.-M. Pétillon précise avec raison qu'aucune de ces pièces n'a encore été l'objet de datation

radiométrique directe. Mais je voudrais aussi insister sur le fait que les discussions futures et les

avancées sur ce sujet devront reposer sur un grand discernement, et parfois même une plus grande

prudence, si elles veulent produire des connaissances fiables et durables. Certains chercheurs font

preuve d'une trop grande confiance dans le radiocarbone, à tel point qu'ils osent remettre en question

l'attribution chrono-culturelle des assemblages et des couches archéologiques proposée par les

archéologues au profit de ces dates absolues (cf. Dujardin et Tymula 2005 ; d'Errico et al. 2011). Dans

un autre ordre d'idées, on peut se poser des questions sur les critères d'attribution typologique des

artéfacts en matières dures animales. Si, à la Grotte des Scilles, les deux pointes identifiées par J.-M.

Pétillon comme des pointes de sagaie de Lussac-Angles, étaient en fait des pointes à biseau simple

d'un autre type, les implications chrono-culturelles seraient tout autres ! Cette position mérite d'être

relevée, car je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse bien dans ce cas de sagaies de Lussac-Angles.

4. PISTES DE RECHERCHE

A partir de là, on ouvre un chantier de réflexions et d'interprétations où l'essentiel reste à construire.

Deux grands axes de questionnements qui semblent s'imposer d'eux-mêmes s'offrent à nous :

synchronique et diachronique.

4.1. NIVEAU SYNCHRONIQUE

Il est tout d'abord intéressant de montrer que les chercheurs travaillant sur l'Aquitaine et/ou les

Pyrénées (notamment ceux affiliés aux Universités de Bordeaux et de Toulouse) sont en décalage

évident concernant les analyses et interprétations du Magdalénien moyen avec ceux directement

impliqués sur la région Vienne-Charente. La figure 2 et toutes les données compilées pour la réaliser

peuvent également nous fournir matière à discussion sur ce sujet. Comment expliquer la variabilité, la

diversité des vestiges archéologiques et des phénomènes humains à cette époque ? Que pourrait

représenter cette concentration, cette convergence de certains traits culturels en une même zone bien

délimitée géographiquement, le Poitou-Charentes ?

Mettre en avant l'état des recherches est tout à fait légitime, mais il est tout de même de peu d'utilité

comme facteur explicatif ici. En effet, il serait difficile de convaincre qui que ce soit que les recherches

en Dordogne ou dans les Pyrénées, par exemple, ont été moins nombreuses et de moins bonne qualité

qu'en Poitou-Charentes. Il ne fait plus de doute que les connaissances actuelles pour tout le Sud-Ouest

de la France au Magdalénien sont le résultat inégal d'environ 150 ans de problématiques et de

méthodes d'études mises en oeuvre par de nombreuses générations de chercheurs. Un autre facteur à

considérer pourrait concerner la taphonomie, les phénomènes post-dépositionnels d'altération des

couches archéologiques. Il est tout à fait possible que ces derniers aient joué un rôle non négligeable

dans la distribution différentielle de certaines catégories de vestiges, notamment les matières animales

supports d'objets très typés (e.g. pointes de sagaie de Lussac-Angles, éléments de parure, etc.). Par

contre, d'autres marqueurs culturels forts, faisant appel au minéral (i.e. débitage de silex de type La

Marche, art mobilier et pariétal), seraient peu ou pas affectés. Ce facteur taphonomique ne peut donc

pas tout expliquer. La dimension chronologique devra être explorée à sa juste valeur, et ce à l'échelle

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 39

de tout le territoire national. Comme je l'ai exposé précédemment, les chercheurs ne sont pas d'accord

sur la contemporanéité de tous ces traits culturels. Donc ce facteur pourrait encore livrer des surprises,

même si - pour ma part - je pense que le créneau temporel se précise, entre 14 700 et 13 800 BP (non

calibré). Les considérations environnementales et climatiques sont un autre facteur à ne pas écarter.

Elles sont même devenues un des centres d'intérêt de l'Ecole de Bordeaux pour la compréhension des

comportements humains et des changements culturels (P.-Y. Demars, W. Banks et ses collègues). Des

conflits paradigmatiques sont à prévoir avec d'autres vues qui ne mettraient pas la même valeur de

causalité dans le monde naturel extérieur pour expliquer l'humain. Il reste enfin la question des

activités pratiquées sur les sites concernés et leur position au sein du cycle annuel. Celles-ci pourraient

également rendre compte de différences dans la quantité et la diversité des vestiges présents dans les

nombreuses stations du Sud-Ouest de la France au Magdalénien moyen. Ce facteur a certainement

contribué à la géographie humaine de l'époque. Mais il est loin d'être suffisant pour expliquer toutes les

disparités sur un si vaste territoire.

Pour faire preuve d'honnêteté, ces différents facteurs ont été ici écartés rapidement, sans que je fasse

appel à toute la rigueur analytique et aux données factuelles requises. Le tableau est encore incertain,

fondé encore trop sur des intuitions. Il faudra à l'avenir considérer sérieusement ces faiblesses

méthodologiques afin d'y remédier, si l'on veut pouvoir produire des connaissances plus fiables et

durables. Peut-on néanmoins aller plus loin dans nos analyses ? Après avoir écarté cette multiplicité de

facteurs, il en existe un autre qui présente, à mes yeux, le plus de potentiel, celui de "culture" ; à la

condition impérative qu'il soit formulé et exploré comme il se doit.

Ne pourrait-on pas définir, au niveau de la région Charente-Vienne, un ensemble cohérent que l'on

pourrait dénommer "Culture de Lussac-Angles" ? Quand on lit les écrits de Jean Airvaux ou de

Geneviève Pinçon (et ses collègues Oscar Fuentes et Camille Bourdier), on retire l'impression de

particularismes culturels très typés dans cette zone géographique (cf. Dujardin et Pinçon 2000 : 216-

218). Il en est de même dans le dernier ouvrage de J. Buisson-Catil et J. Primault (2012). Toutefois, le

contenu de celui-ci, ainsi que la formulation du titre - Le Roc-aux-Sorciers. Rencontre avec le peuple

magdalénien - appellent quelques commentaires. Les auteurs semblent, en effet, considérer le

Magdalénien comme un seul et même groupe supra-régional. Même s'ils acceptent ces

"particularismes" régionaux, ils mettent l'accent et privilégient avant tout l'unité et la cohérence de

cette grande nappe culturelle, qu'ils traduisent par "le peuple magdalénien". Ainsi, le Roc-aux-Sorciers,

tout en témoignant de traits culturels spécifiques à ce site et à la région, est interprété comme un lieu

de passages répétés de chasseurs-collecteurs nomades qui se déplacent sur un grand territoire où se

multiplient des occupations de nature similaire. De leur point de vue, il n'est nul besoin de faire

intervenir le concept de "Culture" ou "Groupe de Lussac-Angles" (ce qu'ils ne font à aucun moment

dans leur livre). Pour ma part - et motivé par une vision différente - j'aurais préféré comme sous-titre :

"Rencontre avec un peuple magdalénien".

La présence de marqueurs culturels très typés que l'on retrouve en abondance et en association sur

quelques sites de la région Vienne-Charente au cours de cet horizon anciennement appelé Magdalénien

III n'est pas le résultat d'heureux phénomènes de coïncidence ou de hasard. Dans l'état actuel des

connaissances, un tel ensemble cohérent ne se retrouve ni aux périodes précédentes ni aux suivantes.

Jacques Allain l'avait bien perçu dès les années 1980, lorsqu'il proposa l'appellation de "culture de

Lussac-Angles" (Allain et al. 1985), et je ne peux que souscrire à ses vues. Toutefois, je suis conscient

qu'il faudra conforter les propositions avancées ici et les hypothèses à tester par des procédures

méthodologiques rigoureuses et par un raisonnement solide, bien enraciné dans une littérature

anthropologique sur ce thème (i.e. culture, identité, ethnicité) riche et varié.

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 40

Si l'on s'attelle plus précisément au niveau synchronique, deux voies me sembleraient essentielles à

explorer : l'une qui concerne le "milieu intérieur" de la Culture de Lussac-Angles, dans la région

Vienne-Charente ; l'autre qui s'étend à toutes les autres régions où l'on trouve ses marqueurs, mais en

faible quantité.

TERRITOIRE A FORTE DENSITE DE MARQUEURS : REGION VIENNE-CHARENTE

La première étape d'une étude multiple et pluri-disciplinaire de cette Culture de Lussac-Angles

pourrait consister à analyser toutes les catégories de vestiges archéologiques exhumés : habitat, faune

et industrie en matières dures animales, éléments de parure (coquillages, "stomach beads"), industrie

lithique, colorants, restes humains, art pariétal et mobilier, etc. Cette dernière dimension a fait l'objet

des recherches les plus abondantes et les plus poussées - à l'opposé des autres, pour lesquelles nos

connaissances sont encore très limitées.

Cette première étape pourrait également viser à mettre en évidence les caractéristiques écologiques et

géographiques de ce territoire et des lieux de vie passés. Ces derniers correspondent aux sites

magdaléniens suivants : Le Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l'Anglin, Vienne), Le Taillis-des-Coteaux

(Antigny, Vienne), La Piscine (Montmorillon, Vienne), La Marche, Les Fadets, Le Réseau Guy-Martin

et Les Terriers (Lussac-les-Châteaux, Vienne), Le Puits au Chaffaud (Savigné, Vienne), Montgaudier

(Montbron, Charente), Le Placard (Vilhonneur, Charente), La Chaire-à-Calvin (Mouthiers-sur-Boëme,

Charente). On pourrait éventuellement y ajouter Le Roc-de-Sers (Sers, Charente) et Les Palets-de-

Gargantua (Saint-Rémy-sur-Creuse, Vienne).

La recherche préhistorique est maintenant mûre et rigoureuse - sur le plan méthodologique - pour

produire des connaissances renouvelées et fiables de cette culture magdalénienne. Par contre, on peut

légitimement s'inquiéter de ce qu'elle se contente du factuel (observations des données) et du

comparatif (comparaison entre sites, entre périodes) et qu'elle s'aventure peu ou pas dans le domaine

interprétatif, notamment pour explorer plus avant la dynamique interne ou le "milieu intérieur" de ce

groupe. Or le potentiel est bien présent, avec la Culture de Lussac-Angles, pour dépasser les exposés

archéologiques traditionnels et débattre de questions plus anthropologiques, comme la nature de cette

société (complexe/non-complexe), comme je l'ai rapidement abordé précédemment dans la section sur

les défis épistémologiques. Pour se faire, je suis convaincu que l'étude de la nature des déplacements et

des modalités du cycle annuel constitue un des fondements du raisonnement.

Pour le cas archéologique qui nous concerne ici, la question de la saisonnalité d'occupation des sites

me paraît encore loin d'être résolue. D'une part, les données disponibles sont peu nombreuses et

éventuellement fragiles. D'autre part, elles font l'objet d'interprétations contradictoires entre

chercheurs. Des observations sur les saisons d'abattage d'animaux proviennent seulement du Roc-aux-

Sorciers et de La Marche. Concernant le premier gisement, les observations sont toutes récentes,

réalisées sur l'ensemble du matériel. Quand on compare les échantillons osseux issus des deux fouilles

(celle de L. Rousseau et celle de S. de Saint-Mathurin), il ressort clairement que la collection

Rousseau, étudiée par Olivier Bignon-Lau, est quantitativement trop faible pour être utile à notre

propos. Par contre, le travail de Patricia Valensi sur la collection de Saint-Mathurin, avec plus de 30

000 restes, est maintenant incontournable (consulter www.catalogue-roc-aux-sorciers.fr). Sur la

question de la saisonnalité, l'auteure conclut à "une occupation de longue durée" au Magdalénien

moyen. Ni l'abattage des chevaux ni celui des rennes n'a été mené toute l'année, mais leur exploitation

combinée s'étale sur pratiquement tout le cycle annuel ; janvier étant éventuellement le seul mois sans

évidence de chasse. En ce qui concerne La Marche, les observations de P. et J. Bouchud (in Pradel

1960 : 187, 189) ont porté sur l'échantillon osseux récolté lors des fouilles de L. Pradel dans les années

1950 ; les collections Péricard/Lwoff et Airvaux n'ayant pas encore fait l'objet d'étude spécialisée.

Concernant la collection Pradel, les dents de renne seules (une vingtaine de spécimens) ont fourni des

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 41

informations sur la saisonnalité au Magdalénien : le gisement aurait été occupé "en permanence", "sur

les mois d'hiver, de printemps (décembre à avril) et sur les mois d'été (juin à octobre)" (Bouchud).

Pour mieux saisir la spécificité de ces modalités, il n'est pas inutile de les comparer à d'autres données

disponibles, comme celles du Roc-aux-Sorciers au Magdalénien supérieur. Pour cette dernière période,

nous avons des témoignages de présence très saisonnière : "une occupation estivale dans la couche

RSB5 et automnale dans la couche RSB3" (Valensi).

Les occupations de "longue durée" au Magdalénien moyen, comparables pour les deux gisements, ne

sont donc pas anodines. Une telle situation aurait dû rendre perplexes les chercheurs. Il n'en a rien été.

Dans les années 1950, les observations archéozoologiques de saisonnalité (travaux de J. Bouchud et Y.

Guillien, entre autres) en étaient à leur début et ce sujet ne faisait pas encore trop débat ; par contre, P.

Valensi n'a pas été plus loin dans la présentation de ses résultats, mis en ligne en 2009. Les travaux des

uns et de l'autre n'ont été ni repris ni commentés. En fait, les quelques chercheurs récents, qui auraient

pu les intégrer à leurs propres réflexions (cf. Pinçon 2010 ; Buisson-Catil et Primault 2012), ont

contourné le problème en les écartant tout simplement. Ils ont préféré faire appel aux données de O.

Bignon-Lau, qui propose une occupation à la belle saison (à partir d'un petit échantillon). Un tel choix

soulève bien sûr des problèmes déontologiques et méthodologiques majeurs. Comme je l'ai montré

précédemment, il est motivé par cette croyance inébranlable dans ce mythe de la grande mobilité des

chasseurs-collecteurs magdaléniens. Pourtant comment ne pas introduire ici le concept de "sédentarité"

pour expliquer la situation en présence ? Les termes de cette discussion sont donc posés.

En définitive, on disposerait donc de quelques localités de chasseurs-collecteurs qui pourraient bien

être sédentaires : Le Roc-aux-Sorciers et Lussac-les-Châteaux. Je ne parle pas intentionnellement du

seul gisement de La Marche, mais de l'ensemble incluant la Vallée des Petits Moulins qui se poursuit

en aval par celle de l'Arrault, où sont implantés quatre sites globalement contemporains au

Magdalénien moyen : Les Fadets, La Marche, le Réseau Guy-Martin, Les Terriers (d'amont en aval).

Je verrai donc plutôt une communauté de sédentaires étirée spatialement sur environ 2 km dans cette

vallée. Les autres sites connus dans le département (Le Taillis-des-Coteaux, La Piscine, Le Chaffaud)

semblent être des occupations saisonnières et devraient être plutôt, dans cette optique, considérées

comme des stations "satellites". Pour ce qui est des sites de Charente, leur nature, ainsi que leur

relation, sont plus difficile à apprécier. Le Placard a fait l'objet de fouilles anciennes ; à Montgaudier,

les travaux, quoique plus récents, laissent une impression de confusion concernant la compréhension

archéo-stratigraphique. On peut toutefois se demander si de riches et épais niveaux du Magdalénien III

n'ont pas été mis au jour, témoignant d'un autre foyer de sédentaires dans cette portion de la vallée de

la Tardoire. Quant à La Chaire-à-Calvin, elle serait également une localité périphérique, à activités

saisonnières et peut-être plus spécialisées (art pariétal).

On pourrait également ajouter quelques autres établissements, non encore identifiés, mais que l'on peut

aisément soupçonner dans le réseau complexe d'acquisition et de transport de certains matériaux

essentiels à la vie du groupe. Il y aurait tout d'abord des gîtes de surface pour la collecte des silex du

Turonien supérieur, situés au sud de la Touraine, autour des vallées de la Creuse et de l'Anglin (cf.

Primault 2003). Au nord de cette région, il y aurait ensuite des affleurements miocènes ("faluns") où

sont présents en abondance des coquillages fossiles très prisés par nos Magdaléniens (cf. Cordier 1957

; Granger et Airvaux 2010). Enfin, Nicolas Mélard (2006) et Pascaline Gaussein (2012) ont proposé

que les fines plaquettes gravées à surface régulière et grain fin - trouvées à La Marche et au Taillis-

des-Coteaux - pourraient être d'âge kimméridgien, et que leur localité d'extraction se situerait dans la

région de Châtellerault. Dans chaque cas, nous aurions affaire à une source unique et plutôt bien

circonscrite pour la collecte, à partir de laquelle les matériaux seraient transportés et diffuseraient sur

tout le territoire de la Culture de Lussac-Angles.

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 42

Le modèle d'organisation de l'espace que ces données disparates sous-tendent ne me paraît pas si

éloigné de celui du Néolithique et des sociétés agricoles sédentaires, avec une fragmentation spatiale

des activités si caractéristique. On peut dès lors se demander s'il ne faudrait pas recadrer l'angle de vue

et la formulation des questionnements à l'instar de ceux de cet autre domaine de recherche. Là encore,

le débat est ouvert, mais en des termes qui devraient être renouvelés.

A terme, cette dynamique nouvelle de populations plus denses regroupées dans des "villages" pour des

périodes de l'année plus longues pourrait devenir un sujet très stimulant à analyser. Parallèlement au

fait de comprendre le phénomène de stabilisation des groupes et de fixation des territoires en analysant

ses attributs matériels (saisonnalité, structures d'habitat, etc.), il serait intéressant d'envisager

l'agencement social qui en est à l'origine. Celui-ci est intangible, invisible ; il est de nature relationnelle

et structurale. Le monde des matérialités est précisément déterminé par un autre, celui des structures,

qui donne sens et valeur aux objets et aux pratiques humaines, dans un contexte historique et social

déterminé.

Dans les années 1990, des chercheurs (cf. Arnold 1996) ont produit un important effort terminologique

et conceptuel de clarification de la notion de "société complexe". Jeanne Arnold notamment a proposé

d'orienter les discussions en termes d'organisation et de structure, et non plus de richesse et diversité

des vestiges matériels. Les vraies sociétés transégalitaires de chasseurs-collecteurs pourraient ainsi

reposer sur les caractéristiques suivantes : le contrôle spécifique du travail par des individus non

apparentés, l'institutionnalisation et la légitimation de la hiérarchie sociale, la permanence d'un pouvoir

centralisé héréditaire. Les témoins archéologiques de la Culture de Lussac-Angles ne semblent pas

assez accusés pour documenter une telle structuration de l'organisation et de la reproduction de ces

communautés. Malgré tout, l'apparition d'habitats relativement permanents (plus riches et diversifiés et

de taille plus grande qu'auparavant, qui livrent souvent des structures du quotidien particulières), de

manifestations artistiques (pariétal et mobilier) tout à fait exceptionnelles, l'intensification d'échanges

d'objets exotiques et de matières premières avec les groupes voisins, etc., sont parmi les marqueurs

privilégiés d'une évolution culturelle unique à la région. Elles reflètent, à n'en pas douter, de nouveaux

comportements liés à des modifications sociétales profondes. Mais tout archéologue sait que leur

interprétation est difficile (dans les limites méthodologiques et heuristiques de la discipline) et peut

soulever de nombreux débats. Il me semble que ce serait malgré tout une erreur de ne pas vouloir

essayer d'explorer plus avant ce thème. Ce n'est que de cette manière que l'on pourra affiner la

formulation des modèles et des hypothèses à tester. C'est donc à une analyse critique des concepts de

sédentarité et de complexité sociale, appliqués à des communautés en transition, que la suite du

raisonnement doit s'attacher.

Pour rendre compte des nouvelles spécificités de la Culture de Lussac-Angles, nous pourrions ainsi

avancer l'hypothèse d'une réorganisation complète du système sociétal. Pourrait-elle se traduire sous la

forme de nouvelles relations, qui affecteraient le maintien des contacts entre les groupes voisins, les

modalités d'exploitation des ressources et de gestion de territoires mieux délimités, et le rapport entre

les individus d'une même communauté, au niveau de la production, de l'éthique de partage et de la

parenté ? Ces nouvelles configurations pourraient alors se répercuter dans :

- l'augmentation de la population et la nature démographique ;

- l'accès aux ressources naturelles et l'intensification de leur exploitation (avec la possibilité de

stockage) ;

- le domaine de la production et de la distribution des biens, avec une division du travail non seulement

entre les sexes et les classes d'âge, mais également en fonction des activités mises en oeuvre ;

- des cérémonies collectives et des pratiques mortuaires plus diversifiées et élaborées ;

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 43

- des formes simples de hiérarchie sociale ;

l'ensemble étant légitimé par une idéologie et des valeurs nouvelles appropriées.

TERRITOIRE A FAIBLE DENSITE DE MARQUEURS : RESTE DE LA FRANCE

Ensuite, il sera essentiel d'établir la possible contemporanéité des niveaux archéologiques - livrant des

marqueurs culturels associés à la Culture de Lussac-Angles - situés à l'intérieur et en dehors de la zone

Vienne-Charente, avec le Magdalénien moyen de cette dernière région. Cette question permettra

d'élaborer des problématiques anthropologiques plus ambitieuses sur la compréhension de la nature des

relations et des contacts entre groupes voisins et plus éloignés. Quand on réfléchit en ces termes, la

première pensée qui vient généralement à l'esprit est celle de diffusion, puis celle d'acculturation qui

lui est associée. Mais les phénomènes de résistance à ces infiltrations d'objets ou d'idées sont tout aussi

présents. Les comportements humains collectifs sont toujours plus complexes qu'il n'y paraît au

premier abord, et les exemples ethnographiques sont toujours là pour nous le rappeler.

Considérons les nombreuses occurrences de la zone à faible densité des marqueurs culturels de Lussac-

Angles, de la figure 2. Les chercheurs mettant l'accent sur l'unité de cette vaste nappe culturelle se

sentiraient confortés dans l'idée de parler de "civilisation" pour le Magdalénien. Pour ma part, je

préfère l'expression de "sphère d'interactions ou de contacts", au moment du Magdalénien III, pour

rendre compte des rapports entre la région Charente-Vienne et d'autres entités culturelles

contemporaines, proches et plus éloignées. En effet, ces occupations pourraient n'être, en définitive,

que le reflet de phénomènes de diffusion - très certainement non uniformes - d'objets, d'idées, de

manières de faire et sans doute aussi de personnes. Les différents marqueurs que nous avons choisis

(voir ci-dessus) ne se retrouvent pas tous - qu'ils soient pris individuellement ou associés - sur tous les

sites. Ils ont donc une vie et un sens indépendants les uns des autres, en dehors du territoire de Lussac-

Angles. Pourquoi ? Est-ce lié aux activités pratiquées ? A la saison d'occupation ? A certaines classes

d'individus ? Participent-ils à des échanges (économiques, symboliques, matrimoniaux) ? etc. Les

questions sont très variées ; essentiellement parce que nous sommes encore dans un grand flou

artistique concernant les comportements humains qui sous-tendent la présence et la distribution de ces

fossiles directeurs sur un vaste territoire.

Les réponses peuvent faire débat. Mais, de mon point de vue, il ne fait pas de doute que ces

campements sont extérieurs au territoire de la Culture de Lussac-Angles. D'ailleurs, si l'on accepte la

présence de la Culture de Lussac-Angles, on peut raisonnablement supposer la présence d'autres

cultures à la même époque. Quelles sont-elles ? Que se passe-t-il par exemple en Dordogne ? Pourrait-

on parler de la "Culture de Laugerie" ? Il est encore prématuré de répondre. Par contre, à l'Est/Nord-

Est de notre région Vienne-Charente, se développe dans les départements d'Indre et d'Indre-et-Loire un

groupe "à forte personnalité", le Groupe de La Garenne - représenté par les grottes et abris sous roche

du côteau de La Garenne (Saint-Marcel, Indre) et haut-lieu du "faciès à navettes" (cf. Allain et al.

1985) - que certains chercheurs (Bourdier 2010a, 2010b ; Fuentes 2010 ; Pinçon 2010 ; Pinçon et al.

2011) considèrent comme contemporain de celui de Lussac-Angles. Toutefois, la position

chronologique de cette dernière entité culturelle est loin d'être établie avec certitude. Pendant

longtemps, Jacques Allain a insisté sur les incertitudes concernant ce sujet, tout en proposant un

positionnement postérieur au faciès de Lussac-Angles (Allain et al. 1985) ; point de vue qui est encore

soutenu par J. Primault. Un Projet Collectif de Recherches récent sur les gisements de La Garenne a

produit de nouvelles datations radiométriques. L'équipe scientifique semble toutefois toujours aussi

indécise quant à la chronologie absolue de la Grotte Blanchard et du Grand Abri (cf. Desprié et al.

2009). Au total, les datations fiables sont peu nombreuses, mais elles me semblent suffisamment

cohérentes (dans l'état actuel de nos connaissances - 2013) pour affirmer que le faciès à navettes

précède celui de Lussac-Angles de quelques siècles (peut-être entre 15 600 et 14 800 BP non calibré)

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 44

(voir ci-dessous). Si cette interprétation s'avérait confirmée, à l'avenir, par de nouvelles mesures

radiométriques, elle remettrait en cause les fondements (notamment en termes de géographie humaine)

des recherches en cours de l'équipe du Roc-aux-Sorciers sur leurs analyses de l'art du Magdalénien

moyen de la région. Les traits spécifiques des manifestations artistiques (pariétal et mobilier) des deux

groupes sont analysés - en partie - en termes d'opposition culturelle du graphisme et de l'iconographie,

de part et d'autre de la Creuse : concernant les représentations humaines, une stylisation et une

schématisation caractérise le faciès à navettes, tandis celui de Lussac-Angles est marqué d'un grand

réalisme (Oscar Fuentes) ; quant à la frise sculptée du Roc-aux-Sorciers, elle pourrait constituer un

marqueur ethnique fort et matérialiser la limite territoriale de la Culture de Lussac-Angles face au

groupe opposé de La Garenne (Camille Bourdier). Si l'on accepte que ces deux cultures ne sont pas

contemporaines, mais se succèdent dans le temps, la région de Touraine-Berry se retrouve alors vide

de peuplement humain au Magdalénien moyen, au moment où s'épanouit la Culture de Lussac-Angles

en Poitou-Charentes.

C'est donc, sur le plan régional, cette dynamique nouvelle, qui s'instaure entre des groupes voisins, qui

présente un intérêt certain pour la recherche. Les systèmes sociaux, de fluides, souples et ouverts (chez

les sociétés nomades), devraient progressivement montrer, avec la réduction de la mobilité, des signes

de rigidité, de relative fermeture, sous la forme par exemple de règles d'exclusion. Les avantages des

réseaux ouverts devraient décliner en même temps que la distance entre les groupes et leur flexibilité

serait sur le point de décroître dans une région donnée. Les dents de chevaux gravées de formes

géométriques seraient une des meilleures illustrations par l'archéologie de cette fermeture du territoire

de Lussac-Angles, dans la mesure où elles sont attestées quasiment toutes dans la région Vienne-

Charente (une seule est extérieure à ce territoire et provient de Laugerie). A terme, il pourrait y avoir

chevauchement des territoires d'exploitation. Différentes options se présenteraient alors aux

communautés confrontées à ces problèmes d'accès et d'usage de certaines ressources précises. La mise

en place de réseaux d'alliance et de coopération serait une première modalité, qui contraste

particulièrement avec celle de compétition pour ces territoires, sous la forme par exemple de guerres

intermittentes. Les restes humains, partiellement étudiés, ne témoigneraient d'aucun mauvais

traitement dû à des violences domestiques ou des guerres. De plus, la position et la nature des

campements saisonniers et des villages ne révèlent aucun souci défensif de protection contre

d'éventuels agresseurs. Il semble donc que les communautés de la région aient été assez souples dans

leurs relations mutuelles. Il restera encore à explorer les modalités de maintien et de reproduction de

ces éventuels réseaux d'alliance et de coopération. Les exemples ethnographiques comprennent

habituellement des fêtes inter-tribales, de nature cérémonielle et rituelle, des échanges plus soutenus de

biens matériels et/ou d'épouses potentielles, etc.

4.2. EVOLUTION CULTURELLE DU MAGDALENIEN MOYEN

L'évolution culturelle au sein du Magdalénien, et notamment au cours de la phase moyenne, est l'autre

grand thème de réflexions. Il peut se décliner sous plusieurs formes. Tout d'abord, il serait intéressant

de bien connaître ce qui précède et suit la Culture de Lussac-Angles.

Concernant l'épisode juste antérieur, j'ai exposé précédemment les difficultés présentes liées au

positionnement chronologique du "Faciès à navettes". Même si les datations actuellement disponibles

m'ont convaincu de l'antériorité de cette dernière entité culturelle sur celle de Lussac-Angles, il faut

encore être prudent et nous avons cruellement besoin de nouvelles mesures radiométriques pour

surmonter les obstacles du moment. Quoi qu'il en soit, il y aurait de fortes probabilités que le Groupe

de Lussac-Angles trouve ses racines dans celui de La Garenne (ou le faciès à navettes). Les villages

d'agrégation d'hiver, que pourraient être La Garenne, Le Placard et Le Roc-de-Marcamps,

correspondraient à des moments de vie sociale, cérémonielle, rituelle, artistique, etc., beaucoup plus

S.E.R.P.E Bulletin n°62 2012- 45

intenses et pourraient constituer des lieux de fermentation et d'expérimentation de nouvelles pratiques

culturelles qui se seraient concrétisées et épanouies ensuite avec la Culture de Lussac-Angles.

Le Magdalénien supérieur - sous la forme du "Faciès des femmes schématiques sans têtes" (Bosinski

2011) - succéderait au Magdalénien moyen de Lussac-Angles, vers 13 800-13 500 BP (non calibré). Il

serait représenté, en Poitou-Charentes, dans au moins quatre gisements : Le Chaffaud, Le Bois-Ragot,

La Marche, Le Roc-aux-Sorciers. Il est actuellement peu connu. Les données factuelles sont donc rares

pour alimenter la discussion sur le passage d'une phase à l'autre.

Il reste donc encore beaucoup d'efforts et de réflexions pour formuler les bonnes hypothèses si l'on

veut un jour pouvoir dessiner des contours plus clairs et précis à cette trajectoire évolutive complexe.

Enfin, on peut se demander si, au cours des 800 ans (environ) d'expansion de la Culture de Lussac-

Angles, il n'y aurait pas d'évolution interne décelable. Plusieurs lignes d'évidence permettent d'avancer

dans ce sens. Sur le plan stratigraphique, la plupart des couches archéologiques attribuées à cette entité

font entre 30 et 50 cm d'épaisseur. Les fouilles anciennes (XIXème et début du XXème siècle) n'ont

jamais individualisé de sous-couches et une grande confusion règne encore actuellement concernant la

séquence sédimentologique de la plupart de ces gisements (ceux de Lussac-les-Châteaux et ceux de

Charente). Par contre, quand on considère des travaux récents, il apparaît clairement que ces épaisses

couches impliquent de nombreux niveaux plus fins, comme au Taillis-des-Coteaux où environ six

épisodes ont été mis au jour (Primault et al. 2010). Dans un autre ordre d'idées, G. Pinçon a reconnu de

nombreux changements au sein de la frise sculptée du Roc-aux-Sorciers, qui se traduisent par des

destructions/reprises des parois figurées et une évolution de l'iconographie : "l'étude de l'art... montre

bien des évolutions et des changements dans les mentalités de ce groupe" (Dujardin et Pinçon 2000 :

218 ; cf. Iakovleva et Pinçon 1997).

Une telle approche des données archéologiques me paraît tout à fait possible et elle donnerait

certainement des résultats prometteurs - comme cela a été exposé plus haut.

REMERCIEMENTS

Cet article est la version remaniée étendue d'une communication faite aux journées de la SERPE, aux

Eyzies en août 2012. A ce propos, je voudrais remercier René Mottet et Jean Duhamel pour leur

invitation et leur accueil chaleureux.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

AIRVAUX, Jean 2011 : Les incisives de chevaux gravées du Magdalénien moyen de Lussac-Angles.

Préhistoire du Sud-Ouest 19/2011-2 : 137-195, 47 fig.

AIRVAUX, Jean, avec la participation de André CHOLLET, Jean CLOTTES, Antoine CLOUTOUR, Louis

DUPORT, Valérie FERUGLIO, Jeanne-Marie GRANGER, Michel LAVERRET et François LEVEQUE

2001 :L'art préhistorique du Poitou-Charentes. Sculptures et gravures des temps glaciaires. Paris : La maison

des roches. 223 p.

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