Bulletin Apdhac N°40 Conflits armés en Afrique, migrations et droits de l'homme

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Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 1 Bulletin de l’APDHAC Au service de la vérité, de la justice et de la dignité humaine en Afrique centrale Editorial L’Afrique ou la malédiction des conflits ar- més et des mouvements migratoires ? « Conflits armés en Afrique, migration et droits de l’homme », le thème de ce Bulletin n°40 de l’APDHAC est d’une lancinante actualité, tant il s’annonce comme un ultime avertissement au célèbre slogan : « L'Afrique « noire » est mal partie » (René Dumont, 1962). En témoigne, la vague de naufragés migrants aux larges des côtes italiennes de Lampedusa et ailleurs, dont de mul- tiples morts et disparus ; la résurgence des con- flits en Afrique, notamment au Maghreb (Libye, Egypte et Tunisie), en Afrique de l’Ouest (Mali, Côte d’ivoire et Guinée), en Afrique de l’Est (Somalie, Kenya et Soudan du Sud) et en Afrique centrale (RCA et RDC), etc., entraînant la migra- tion de populations aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des Etats, et sonnant comme un orgue de jetée sur toute l’Afrique. Les conflits armés, aussi bien que l’insécurité, la dégradation de l’environnement et la pauvreté sont autant de causes de migrations et de dépla- cements forcés en Afrique. Certes, le phénomène n’est pas le propre de l’Afrique, en cette période de mondialisation, mais les contributions d’ici sont raisonnables, « non pas parce que l’utopie d’aujourd’hui est souvent la réalité de demain », mais parce que de nombreux éléments, disparates certes, ont déjà posé les jalons d’une gestion globale organisée de la migration en périodes de conflits armés. La question des migrations et des droits de l’homme dans des situations peu sûres et imprévisibles telles que les situations de con- flits armés ou de violence généralisée représente dès lors un grand défi. Cette question est an- cienne en Afrique, avec la fréquence des micro- déplacements transfrontaliers, notamment parmi les communautés qui vivent de part et d'autre des frontières nationales. Ces mouvements se pour- suivent, voire s'amplifient, et ce malgré les res- trictions croissantes imposées aux frontières 1 . Certaines contributions ont laissé voir que l’approche normative de la migration en période de conflits armés a surtout mis l’accent sur les droits des personnes concernées. Il existe bon nombre de conventions aux niveaux mondial et régional concernant les droits des personnes impliquées dans la migration, mais ces instru- ments sont dispersés dans différentes branches du 1 Voir Colloque sur les Migrations et protection des droits de l’homme, Organisation internationale pour les migrations (OIM), Dakar, Sénégal, 25 au 28 octobre 2004, 166 p, p. 5. droit (droits de l’homme, droit humanitaire, droit des travailleurs migrants, droit des réfugiés, droit des NTIC, droit du développement, etc.). Il n’existe aucun pôle de convergence qui les réunisse tous, ni aucune source d’information centrale donnant faci- lement accès à l’ensemble des informations corres- pondantes, et peu de tentatives ont été faites pour comprendre les relations unissant ces différents instruments les uns aux autres. De plus, le contenu exact ou la raison d’être de ces instruments ne sont pas toujours clairement perçus, et il règne à ce sujet une incertitude qui tient au manque d’information sur l’état d’avancement de leur ratification et de leur application par les Etats 2 . D’autres synopsis ont mis en perspective que le nombre croissant des migrants (travailleurs, réfugiés et déplacés internes) et la complexité des flux migratoires à l’intérieur des régions mettent en évidence la nécessité de développer des approches de coopération entre les Etats pour la gestion des migrations en période de crises. Ces partenariats de collaboration et de coopération doivent s’étendent à travers tout le continent africain, et même au-delà à d’autres pays et entités régionales. Les activités visant à prévenir et à gérer les conflits, à la promotion de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit, à l’éradication de la pauvreté et à la protection de l’environnement sont capitales pour assurer le succès futur des politiques de gestion des migrations au niveau national, régional et continental. Car ce sont principalement d'autres pays africains qui subissent le choc des fortes pressions migratoires liées aux conflits qui surviennent sur le continent. Une lecture prospective des textes de ce numéro témoigne donc d’un consensus sur le fait que des politiques intégrées doivent s’attaquer à la racine du problème migratoire en période de crises en Afrique. En espérant que la 20 ème session du Sommet de l'UA qui s’est tenue du 21 au 28 janvier 2013 à Addis Abéba, sous le thème « Panafricanisme et renaissance africaine », n’aura pas accouché d’une sourie et contribuera, à l’instar de l’hypothèse de la « malédiction des ressources » 3 , à conjurer la « ma- lédiction des conflits armés et des mouvements migratoires » en Afrique. Docteur Martial JEUGUE DOUNGUE 2 Voir Rapport de la Commission de l’Union africaine sur le cadre stratégique pour une politique de migration pour l’Afrique, Conseil exécutif, Neuvième Session ordinaire, 25 26 juin 2006, Banjul (GAMBIE), EX.CL/276 (IX), 45 p, p. 33. 3 Lire à ce sujet, Audrey AKNIN, « Le développement durable peut-il conjurer la malédiction des ressources ? », in Mondes en développement, 2009/4 n° 148, p. 15-30. Université Catholique d’Afrique centrale Association pour la promotion des droits de l’homme en Afrique centrale EX CATHEDRA N°40 Janvier 2014 Gratuit

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Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 1

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Editorial L’Afrique ou la malédiction des conflits ar-

més et des mouvements migratoires ?

« Conflits armés en Afrique, migration et droits

de l’homme », le thème de ce Bulletin n°40 de

l’APDHAC est d’une lancinante actualité, tant il

s’annonce comme un ultime avertissement au

célèbre slogan : « L'Afrique « noire » est mal

partie » (René Dumont, 1962). En témoigne, la

vague de naufragés migrants aux larges des côtes

italiennes de Lampedusa et ailleurs, dont de mul-

tiples morts et disparus ; la résurgence des con-

flits en Afrique, notamment au Maghreb (Libye,

Egypte et Tunisie), en Afrique de l’Ouest (Mali,

Côte d’ivoire et Guinée), en Afrique de l’Est

(Somalie, Kenya et Soudan du Sud) et en Afrique

centrale (RCA et RDC), etc., entraînant la migra-

tion de populations aussi bien à l’intérieur qu’à

l’extérieur des Etats, et sonnant comme un orgue

de jetée sur toute l’Afrique.

Les conflits armés, aussi bien que l’insécurité, la

dégradation de l’environnement et la pauvreté

sont autant de causes de migrations et de dépla-

cements forcés en Afrique. Certes, le phénomène

n’est pas le propre de l’Afrique, en cette période

de mondialisation, mais les contributions d’ici

sont raisonnables, « non pas parce que l’utopie

d’aujourd’hui est souvent la réalité de demain »,

mais parce que de nombreux éléments, disparates

certes, ont déjà posé les jalons d’une gestion

globale organisée de la migration en périodes de

conflits armés. La question des migrations et des

droits de l’homme dans des situations peu sûres

et imprévisibles telles que les situations de con-

flits armés ou de violence généralisée représente

dès lors un grand défi. Cette question est an-

cienne en Afrique, avec la fréquence des micro-

déplacements transfrontaliers, notamment parmi

les communautés qui vivent de part et d'autre des

frontières nationales. Ces mouvements se pour-

suivent, voire s'amplifient, et ce malgré les res-

trictions croissantes imposées aux frontières1.

Certaines contributions ont laissé voir que

l’approche normative de la migration en période

de conflits armés a surtout mis l’accent sur les

droits des personnes concernées. Il existe bon

nombre de conventions aux niveaux mondial et

régional concernant les droits des personnes

impliquées dans la migration, mais ces instru-

ments sont dispersés dans différentes branches du

1 Voir Colloque sur les Migrations et protection des droits de l’homme, Organisation internationale pour les migrations (OIM),

Dakar, Sénégal, 25 au 28 octobre 2004, 166 p, p. 5.

droit (droits de l’homme, droit humanitaire, droit

des travailleurs migrants, droit des réfugiés, droit

des NTIC, droit du développement, etc.). Il n’existe

aucun pôle de convergence qui les réunisse tous, ni

aucune source d’information centrale donnant faci-

lement accès à l’ensemble des informations corres-

pondantes, et peu de tentatives ont été faites pour

comprendre les relations unissant ces différents

instruments les uns aux autres. De plus, le contenu

exact ou la raison d’être de ces instruments ne sont

pas toujours clairement perçus, et il règne à ce sujet

une incertitude qui tient au manque d’information

sur l’état d’avancement de leur ratification et de

leur application par les Etats2.

D’autres synopsis ont mis en perspective que le

nombre croissant des migrants (travailleurs,

réfugiés et déplacés internes) et la complexité des

flux migratoires à l’intérieur des régions mettent en

évidence la nécessité de développer des approches

de coopération entre les Etats pour la gestion des

migrations en période de crises. Ces partenariats de

collaboration et de coopération doivent s’étendent à

travers tout le continent africain, et même au-delà à

d’autres pays et entités régionales.

Les activités visant à prévenir et à gérer les conflits,

à la promotion de la bonne gouvernance et de l’Etat

de droit, à l’éradication de la pauvreté et à la

protection de l’environnement sont capitales pour

assurer le succès futur des politiques de gestion des

migrations au niveau national, régional et

continental. Car ce sont principalement d'autres

pays africains qui subissent le choc des fortes

pressions migratoires liées aux conflits qui

surviennent sur le continent. Une lecture

prospective des textes de ce numéro témoigne donc

d’un consensus sur le fait que des politiques

intégrées doivent s’attaquer à la racine du problème

migratoire en période de crises en Afrique.

En espérant que la 20ème

session du Sommet de

l'UA qui s’est tenue du 21 au 28 janvier 2013 à

Addis Abéba, sous le thème « Panafricanisme et

renaissance africaine », n’aura pas accouché d’une

sourie et contribuera, à l’instar de l’hypothèse de la

« malédiction des ressources »3, à conjurer la « ma-

lédiction des conflits armés et des mouvements

migratoires » en Afrique.

Docteur Martial JEUGUE DOUNGUE

2 Voir Rapport de la Commission de l’Union africaine sur le

cadre stratégique pour une politique de migration pour l’Afrique, Conseil exécutif, Neuvième Session ordinaire, 25 – 26 juin 2006,

Banjul (GAMBIE), EX.CL/276 (IX), 45 p, p. 33. 3 Lire à ce sujet, Audrey AKNIN, « Le développement durable peut-il conjurer la malédiction des ressources ? », in Mondes en

développement, 2009/4 n° 148, p. 15-30.

Université Catholique d’Afrique centrale Association pour la promotion des droits de l’homme en Afrique centrale

EX CATHEDRA N°40 Janvier 2014 Gratuit

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 2

Les déterminants de l’émigration

internationale en période de conflits

armés

Le concept de migration1 suppose un

déplacement de populations humaines se

déroulant à la fois dans le temps et dans

l’espace. Il faut également signaler que

le principe migratoire n’est pas simple-

ment lié au concept d’Etat qui est de

création récente à l’échelle de l’histoire

de l’humanité2. Les individus se sont en

effet toujours déplacés hors de leurs

foyers et pays d’origine. Les migrations

peuvent être le fait des conflits armés ou

troubles internes. Ces conflits se carac-

térisent aujourd’hui par leur complexité

et leur diversité. La migration peut être

volontaire ou involontaire mais, la plu-

part du temps, elle procède d’un mé-

lange de choix et de contraintes3. En

Afrique comme ailleurs, les conflits

armés provoquent de nombreux flux

migratoires des populations vers des

pays voisins. Des mouvements des po-

pulations qui fuient la guerre pour les

pays de refuge sont perceptibles à

chaque fois, mouvements qui alimentent

par le fait même ce qui est connu

comme migration irrégulière4 et la crise

de réfugiés. C’est le phénomène

d’émigration5 internationale dont la

cause principale est le conflit armé. En

période de conflit armé ou de crise gé-

néralisée, un certain nombre de facteurs

conditionnent les déplacements des

civils vers les pays voisins pour éviter

de subir les exactions et les violations

découlant du phénomène de crise. Ces

facteurs appelés déterminants sont tribu-

taires aussi bien du pays d’accueil (I)

que du pays d’origine (II) où sévit la

crise.

1 Déplacement d'une personne ou d'un groupe de personnes, soit entre pays, soit dans un pays entre

deux lieux situés sur son territoire. 2 La notion d'Etat remonte au contrat social, théorie politique et philosophique développée aux XVIIe et

XVIIIe siècles par les philosophes (J. LOCKE, T.

HOBBES, J. J. ROUSSEAU) du droit naturel, postulant que l'individu se trouve au fondement de la

société et de l'État, lesquels naissent de l'accord

volontaire entre des individus libres et égaux. 3 Fédération internationale des Sociétés de la Croix-

Rouge et du Croissant-Rouge, Politique relative à la

migration, novembre 2009, p.2 4 Migration internationale contrevenant au cadre

légal du pays d'origine, de transit ou de destination. 5 L’émigration s’entend comme l’action de quitter son Etat de résidence pour s’installer dans un Etat

étranger.

I. Les facteurs de « pulsion »6

Il s’agit des facteurs qui déterminent ou

qui « poussent » les gens à quitter leur

pays d’origine en période de guerre. Si

ces facteurs sont multiples, notons que

certains sont notables ou déterminants

pour l’émigration.

A. L’obstruction des possibilités

d’emploi L’une des conséquences premières d’un

conflit armé est l’arrêt ou la diminution

des activités économiques. En effet, la

crise ouvre souvent droit à des compor-

tements qui portent atteinte à la fortune

économique aussi bien de l’Etat que du

privé. Au niveau de l’Etat, la fermeture

des institutions et établissements publics

obligent les fonctionnaires à ne plus se

rendre au travail. La conséquence im-

médiate est le non paiement des salaires.

Les personnes qui n’ont pour seul reve-

nu que les salaires se retrouvent donc en

difficultés. La situation n’est pas diffé-

rente dans le privé et le secteur informel.

Cet état de choses favorise le pillage des

magasins pour les besoins de subsis-

tance. Lorsque la situation devient in-

soutenable, il ne reste que la voie de

l’émigration du travail pour la subsis-

tance de la famille ou tout au moins des

membres de la famille qui ont échappé

aux exactions et violations graves des

droits de l’homme.

B. Les exactions et violations des

droits de l’homme Les parties au conflit se livrent souvent

à des exactions et des violations graves

des droits de l’homme qui conditionnent

le départ des civils vers d’autres terri-

toires. L’instinct de sauver sa vie, quitte

à perdre tous ses biens, animent les

populations qui sont prises pour cible

par les groupes armés. Pour ce qui est de

la RCA, par exemple, Human Rights

Watch (HRW) a rapporté dans son rap-

port du 10 mai 2013 que les rebelles en

s’emparant de Bangui, se sont livrés à

une frénésie de pillages, ont assassiné

des civils, et violé des femmes.

L’organisation à par la suite précisé

qu’un grand nombre de ces meurtres ont

été commis en ville en plein jour, ce qui

6 Expression empruntée à Kuzvinetsa Peter Dzvimbo, La Migration Internationale du Capital Humain

Qualifié des Pays en Développement, Banque Mon-

diale, Département des Ressources Humaines, Une étude de cas préparée pour une Conférence Régio-

nale de Formation sur L’Amélioration de

l’Enseignement Supérieur en Afrique subsaharienne : Ce qui marche ! Accra, du 23 au 25 Septembre

2003

dénote de la situation de chaos dans la

ville7. Les mêmes exactions sont percep-

tibles en RDC. Selon un décompte des

enquêteurs de l’ONU sur la crise congo-

laise, 17 personnes, dont deux garçons

avaient été tués dans l’offensive pour la

conquête de Goma, qui avait durée une

semaine. Pendant près de 10 jours

d’occupation de Goma et de la ville

voisine de Sake, au moins 11 civils

avaient été exécutés arbitrairement et les

combattants du M23 avaient commis 58

viols8.

C. La crise humanitaire Les conflits armés engendrent souvent

des crises humanitaires qui poussent les

populations à se déplacer et à se réfugier

dans des pays voisins. Ces populations

ont souvent besoin d’une aide humani-

taire d’urgence. Cette aide s’analyse

souvent en termes de fourniture d’abris,

de la nourriture, des équipements sani-

taires et des services médicaux. Le cas

le plus récent de la RCA présente des

situations insupportables dans lesquelles

vivent les personnes qui fuient les zones

de conflit. Selon le porte parole du

HCR9, la situation humanitaire en Ré-

publique centrafricaine continue de se

dégrader avec des dizaines de milliers

de personnes qui ont été contraintes de

fuir leurs maisons à cause des violences.

Dans la capitale Bangui, les combats et

la violence sectaire ont déplacé environ

159 000 personnes. Par ailleurs, 450

personnes auraient été tuées dans la

capitale et 160 autres à travers le pays,

selon la Société de la Croix-Rouge cen-

trafricaine et le Conseil danois pour les

réfugiés. A l'aéroport de Bangui, il y a

38 000 personnes. Il n'y a pas de la-

trines, ni d'installations sanitaires, ni

d'abri contre la pluie ou le soleil. Dans

ce genre de situation, la solution con-

siste à se réfugier ailleurs pour faire face

à la crise humanitaire. Cela n’est pos-

sible que si les pays sollicités présentent

des conditions d’attraction.

7http://fr.wikinews.org/wiki/RCA_:_de_graves_violations_des_droits_humains_commises_par_la_Séléka

_selon_HR, consulté le 25 décembre 2013. 8 http://radiookapi.net/lu-sur-le-web/2013/05/08/viols-en-rdc-lonu-denonce-les-

exactions-de-larmee-des-rebelles-congolais-

liberation/, (consulté le 25 décembre 2013). 9 Adrian Edwards, conférence de presse du 13 dé-

cembre 2013 au Palais des Nations à Genève sur la

dégradation de la crise humanitaire en RCA. http://www.unhcr.fr/52ab2938c.html, consulté le 26

décembre 2013.

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II. Les facteurs d’ « attraction »10

Les facteurs dits d’ « attraction » sont en

fait des éléments déterminants de

l’émigration internationale dans un con-

texte de crise ou de conflit armé. Ces

facteurs commandent donc le déplace-

ment des populations victimes des

guerres vers d’autres territoires.

A. La stabilité politique et la position

géographique Grâce à leur potentiel socio-économique

et à leur relative stabilité politique, cer-

tains pays font l’objet de sollicitation

par les personnes victimes de guerres et

qui recherchent des conditions de vie

meilleures. Les pays ainsi sollicités

deviennent des destinations des flux

migratoires. Pour la majorité des per-

sonnes qui entrent dans ces pays, leur

intention est d’obtenir l’asile ou le statut

de réfugié. La position géographique

constitue également un facteur détermi-

nant en termes de choix de destination

pour les personnes qui cherchent à

échapper aux exactions commises pen-

dant les conflits armés. S’il est vrai que

ces personnes ont souvent tout perdu en

termes de bien matériels et financiers,

leur premier reflexe est de migrer vers le

pays le plus proche de leur territoire,

pour éviter de faire face à des dépenses

exorbitantes, en pensant aussi à la pos-

sibilité de retour. Le Cameroun par

exemple constitue une zone privilégiée

des flux migratoires, en raison de sa

relative stabilité politique et de son po-

tentiel socio-économique actuel. Au

cours de ces dernières années, la popula-

tion a augmenté de manière significative

à cause des conflits qui se déroulent

dans les pays voisins. Les personnes qui

fuient les conflits dans leur pays

d’origine cherchent des conditions de

vie meilleures. Elles sont encadrées par

les autorités nationales et le HCR. La

priorité est souvent accordée aux activi-

tés nécessaires à leur survie, notamment

la réduction de la malnutrition et

l’anémie, la fourniture des abris, de

l’énergie domestique et de l’eau,

l’assainissement et l’hygiène, ainsi que

l’accès à l’éducation. Ces personnes

pourront également bénéficier des deux

principes qui sont les pierres angulaires

de la protection : le non-refoulement et

l'accès des réfugiés et des demandeurs

d'asile au territoire.

10 Expression empruntée à Kuzvinetsa Peter

Dzvimbo, op. cit.

B. La recherche d’un environnement

sain et vivable Au-delà des enjeux humanitaires évi-

dents, les conflits armés soulèvent

d’importants et de cruciaux enjeux envi-

ronnementaux. Ces enjeux paraissent de

plus en plus évidents quand on songe

aux effets immédiats que peuvent en-

gendrer les déplacements massifs de

populations ou l’installation de camps

de réfugiés. Par ailleurs, les situations de

conflit anticipé ou ouvert, ou les ten-

sions qui les précèdent et les accompa-

gnent, mobilisent en général dans les

pays impliqués des ressources finan-

cières pour l’armement ou le déploie-

ment et la stratégie militaire, ressources

qui ne sont plus disponibles pour le

bien-être et le développement écono-

mique des populations. Les conflits

armés s’accompagnent aussi d’un effon-

drement de la gouvernance environne-

mentale, qui engendre à son tour une

dégradation accélérée de

l’environnement. Parfois la destruction

provoque des dégradations irréversibles

dans les écosystèmes ; c’est le cas lors-

que des espèces peuvent être amenées à

l’extinction, ou que des écosystèmes

fragiles peuvent être irréversiblement

dégradés, ou des ressources irrémédia-

blement détruites ou contaminées. S’il

est vrai que personne ne se préoccupe de

l’environnement lorsque des vies hu-

maines sont en danger ou que des va-

leurs humaines fondamentales doivent

être défendues, notons qu’après les con-

flits, c’est sur l’environnement et ses

ressources que devra se fonder la re-

construction. On connaît à ces fins

l’importance de l’eau, de la biodiversité,

de la forêt, des espaces agricoles. Les

dommages causés à ces ressources peu-

vent entraîner, bien après les conflits,

des effets néfastes, voire létaux, sur les

populations affectées11

.

C. Les liens familiaux et

l’attachement à la patrie Si ces facteurs passent souvent inaper-

çus, il faut dire qu’ils s’avèrent détermi-

nant pour les étrangers qui se retrouvent

en territoire de conflit armé d’une part et

pour les nationaux d’un pays en conflit

qui ont des ramifications familiales au-

delà des frontières, d’autre part. Dans le

11 Al–Hamandou Dorsouma et Michel-André Bou-

chard, « Conflits armés et environnement », Déve-

loppement durable et territoires [En ligne], Dossier 8 | 2006, mis en ligne le 07 janvier 2013,

http://developpementdurable.revues.org/3365 ; DOI :

10.4000/développement durable.3365, consulté le 25 décembre 2013.

premier cas, les étrangers qui fuient les

hostilités dans un pays en crise bénéfi-

cient souvent du coup de pouce de leur

gouvernement. C’est ainsi qu’on assiste

dans la plupart du temps aux rapatrie-

ments des étrangers par leur gouverne-

ment comme c’est le cas avec l’Etat

camerounais. Des instructions ont été

données de rapatrier des camerounais

vivant à Bangui sur Douala pour leur

éviter de subir les exactions souvent

commises lors des conflits armés. Pour

certains de ces camerounais, ils étaient

la cible de quelques groupes armés selon

qu’ils étaient musulmans ou chrétiens.

L’un d’eux interviewé à l’aéroport de

Douala a laissé entendre qu’il remerciait

Dieu d’avoir survécu au carnage subit

par sa famille. Il a vu deux de ses en-

fants massacrés à la machette et brûlés

devant lui, au même titre que ses biens

mobiliers et immobiliers. Dans le se-

cond cas, le découpage des frontières à

l’ère coloniale a divisé des familles qui

ont gardé des liens jusqu’à ce jour. Ain-

si, il suffit qu’il y’ait crise ou troubles

sur un territoire donné pour voir des

familles migrer vers d’autres territoires

où elles ont gardé des liens d’affection

depuis des années. Cela est également

favorisé par le phénomène de mariage

entre les ressortissants de pays voisins.

Mais, il faut signaler que, ces deux fac-

teurs sont perceptibles dans des zones

ou sous-régions où la circulation libre

des hommes et des biens constitue une

réalité palpable.

ONANA Maurice Magloire

Expert en droits de l’homme

Président de l’ADDHAH

Secrétaire Exécutif du RAEDH

Une possible protection des naufragés

migrants en Droit international de la

migration ? À propos du naufrage du

3 octobre 2013 à Lampedusa

Encore un naufrage ! Le large des îles

italiennes est-il devenu le cimetière des

migrants ? Que faire pour stopper de

telles tragédies ? Il faut dire que la tra-

gédie de Lampedusa vient accroitre le

nombre de naufragés migrants à la quête

des meilleures conditions de vie12

. En

12 On estime à 20 000 le nombre de personnes qui ont perdu la vie au cours des deux dernières décennies en

essayant de rejoindre les frontières sud de l'Europe

depuis la bordure septentrionale de la Méditerranée (FIDH, « Le naufrage de Lampedusa : un coup de

semonce pour l'Union Européenne ? » Lettre ouverte

aux Ministres de l'Intérieur de l'UE et à la Commis-saire européenne aux affaires intérieures, 8 octobre

2013). Voir aussi les statistiques suivantes : Selon

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 4

effet, le phénomène migratoire a com-

mencé en 1992 et s'est progressivement

amplifié. La plupart des victimes sont

des personnes qui fuient la dictature et

les conflits se déroulant en Érythrée, en

Somalie, en Éthiopie et, plus récem-

ment, en Syrie, au Soudan, en Libye et

qui ont droit à la protection que leur

confère le droit international relatif aux

réfugiés et aux droits humains. C’est

ainsi que le flux des migrants qui pren-

nent le risque de voyager en mer dans

des conditions précaires posent ainsi des

problèmes particuliers aux États fronta-

liers13

. Certaines zones font ainsi l'objet

de tentatives récurrentes d'accostage,

tentatives se soldant souvent par la mort

des migrants à l’instar du Canal de Si-

cile entre l’Italie et le Libye, les en-

claves espagnoles au Maroc de Ceuta et

de Melilla ou les îles Canaries sont des

points d’entrée possibles sur le territoire

européen. Le 3 octobre 2013, une em-

barcation transportant environ 500 mi-

grants clandestins africains fait naufrage

près de Lampedusa, île italienne proche

de la Sicile. La catastrophe a fait 366

morts14

, ce qui en fait la plus grande

tragédie depuis de début du XXIème

siècle. Ce drame questionne à nouveau

l’effectivité du droit international de la

migration et de la protection des droits

de l’homme. Il soulève à nouveau la

question de la législation italienne et

européenne relative aux migrants clan-

destins qui arrivent de plus en plus

nombreux. Existe-t-il une protection

spécifique à l’endroit de naufragés mi-

grants en droit international de la migra-

tion? Quelles sont les mécanismes de

Le Centre international pour le développement des

politiques migratoires, au moins 10 000 immigrants

sont morts entre 1997 et 2007 en essayant de re-joindre les rives du sud de l'Europe. Selon l'ONG

United for intercultural action plus de 16 000

migrants sont morts entre 1988 et 2012. Les données collectées avant février 2011 ont été mises sous

forme de carte interactive par Le Mémorial des morts

aux frontières de l’Europe. Selon l’association Fortess Europe, basée en Italie, plus de 12 000

clandestins ont trouvé la mort et plus de 5 000 ont été

portés disparus entre 1988 et 2008, en tentant de traverser la Méditerranée dans la zone du Canal de

Sicile. En mer Méditerranée, ont perdu la vie 8 315

migrants. Dans le Canal de Sicile, 2 511 personnes sont mortes entre la Libye, l'Égypte, la Tunisie,

Malte et l'Italie, dont 1 549 disparus, et 70 autres ont

perdu la vie le long des nouvelles routes entre l'Algé-rie et l'île de Sardaigne; 4 091 personnes sont mortes

au large des îles Canaries et du détroit de Gibraltar,

entre le Maroc et l'Espagne, dont 1 986 disparus; 895 personnes sont mortes en mer Égée, entre la Turquie

et la Grèce, dont 461 disparus. 13 Djamchid MOMTAZ, « Les infractions liées aux activités maritimes », in Droit International Pénal,

sous la direction de Hervé ASCENSIO, Emmanuel

DECAUX et Alain PELLET, Paris, Editions Pedone, 2000, pp. 517- 518. 14 FIDH, op. cit.

renforcement des politiques migra-

toires ?

I. La protection spécifique des mi-

grants La Convention des Nations Unies de

1990 sur la protection des droits de tous

les travailleurs migrants et des membres

de leurs familles est un subtil amalgame

de codification et de développement

progressif15

. C’est ainsi que des bar-

rières sont mises en place autour de

l'Union européenne pour freiner la mi-

gration en vue de limiter les naufrages.

Mais il s’agit d’une protection limitée.

A. Les mécanismes de gestion com-

mune des frontières Face à la récurrence des naufrages des

migrants, l’UE a crée des agences spé-

cialisées de la gestion de ses frontières.

FRONTEX est l'Agence européenne

pour la sécurité et les frontières exté-

rieures de l’UE. Elle est responsable de

la coordination des activités des garde-

frontières dans le maintien de la sécurité

des frontières de l'UE avec les États non

membres. Frontex a été créée par le

règlement (CE) no 2007/2004 du Con-

seil de l’Europe du 26 octobre 2004,

modifié par le règlement (CE)

n°1168/2011 du 25 octobre 2011. Fron-

tex peut notamment signer des accords

avec des pays tiers, organiser des vols

de retour conjoints, échanger des don-

nées personnelles avec l’agence euro-

péenne de coopération policière Europol

et initier des opérations terrestres et

maritimes de contrôle des frontières.

Selon l’article 1 du Règlement (CE)

n°1168/2011 du 25 octobre 2011, Fron-

tex accomplit ses tâches dans le plein

respect des dispositions pertinentes du

droit de l'Union, y compris de la Charte

des droits fondamentaux de l'UE, du

droit international applicable, dont la

Convention de Genève relative au statut

des réfugiés, de ses obligations relatives

à l'accès à la protection internationale,

en particulier le principe de non-

refoulement, et des droits fondamen-

taux. En février 2008, la Commission

européenne examiné la possibilité de

créer un Système européen de surveil-

lance des frontières extérieurs (EURO-

SUR). Il s’agit d’un système destiné à

prévenir les mouvements de migrants et

à éviter des tragédies.

15 « Les droits de l’homme de tous les travailleurs

migrants et des membres de leur famille : la conven-

tion des nations unies du 18 décembre 1990 », in Migration et protection des droits de l’homme,

Cahier du CREDHO, n° 3, OIM, 2005, p. 81.

L’UE prévoit dans l’exercice du mandat

de ces deux mécanismes le lancement

des opérations de recherche et sauve-

tage. Mais il se pose le problème de leur

effectivité et de leur efficacité.

B. Les limites des mécanismes de ges-

tion des frontières Depuis la création des agences spéciali-

sées de la gestion des frontières de l’UE,

on peut constater que chaque année, des

centaines de migrants périssent dans des

naufrages, en tentant d’arriver en Eu-

rope pour demander une protection.

L’on peut se demander si FRONTEX

respecte véritablement les droits hu-

mains dans son fonctionnement ? Re-

foule-t-elle les migrants ou les secourt-

elle lorsqu’ils sont en danger de mort ?

En cas de violation des droits humains,

est-ce la responsabilité de l’Agence

FRONTEX qui est engagée ou celle des

États européens, ou bien, suivant les cas,

celle des États tiers ?16

1. Une politique de limitation de

l’immigration qui va à l’encontre de

la protection des droits humains

L’agence Frontex dont la fonction est de

surveiller et dissuader les mouvements

migratoires entraîne plutôt le recours à

des passeurs et trafiquants qui utilisent

des moyens et empruntent des itinéraires

toujours plus dangereux. Une approche

exclusivement sécuritaire oriente depuis

plus d’une décennie les politiques mi-

gratoires européennes, on le voit no-

tamment dans la délivrance restrictive

des visas, dans la construction de murs

et de barrières, dans le contrôle militari-

sé des frontières et le renvoi forcé dans

les pays d’origine, dans la sous-traitance

du contrôle migratoire à des États peu

démocratiques. Par ailleurs, les nau-

frages au large des frontières de FRON-

TEX, notamment à Lampedusa, à Malte,

en Sicile et au large des îles de la Grèce

continuent sans cesse de provoquer la

mort de migrants. Ces nouveaux dispo-

sitifs comme EUROSUR forcent plutôt

des personnes migrantes à emprunter

des chemins d'exil de plus en plus ris-

qués qui mettent leur vie en péril. Asso-

ciées aux possibilités limitées offertes

en matière de migration régulière et aux

embûches semant la route des procé-

dures de demande et d'octroi d'asile, ces

mesures font partie des causes qui pré-

cipitent encore le nombre des victimes

16 Rêzan ZEHRÊ, « Un jour pour les migrants et 365

jours pour les expulser », Journée internationale des migrants, Caritas Suisse, service de presse 17, 12

décembre 2013.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 5

qui meurent aux frontières de l'Europe

en cherchant à en atteindre le rivage17

.

2. L’absence de coercition comme

corollaire à l’ineffectivité des opéra-

tions de recherche et de sauvetage

L’UE et ses États membres n'ont pas

d'approche efficace et coordonnée pour

lancer des opérations de recherche et

sauvetage. Les récents naufrages meur-

triers montrent les limites des procé-

dures de sauvetage des bateaux de mi-

grants. En l'absence de règles précises et

harmonisées concernant ces opérations

et les procédures de débarquement, les

migrants continuent à être les victimes

d'un ensemble de politiques complexes

qui permettent aux États de fuir leurs

responsabilités et qui sont un facteur de

risques supplémentaires. Si les mandats

de Frontex et EUROSUR font certes

référence à des opérations de recherche

et sauvetage, il n'en reste pas moins que

la « lutte contre l'immigration illégale »

continue à primer sur de telles obliga-

tions. En outre, les lois nationales qui

rendent les opérations de sauvetage

passibles de poursuites judiciaires, en

les qualifiant d'activités visant à aider et

soutenir l'immigration clandestine, con-

tribuent à ce que des transporteurs pri-

vés manquent aux obligations qui leur

incombent au titre du droit maritime

international et ne portent donc pas

secours aux bateaux en détresse.

Au regard de ces limites, il faut dire que

la migration est un fait. On ne peut pas

lutter contre la migration en installant

des clôtures qui pourraient causer en-

core plus de naufrages au large des fron-

tières de l'Europe18

.

II. Le renforcement des politiques

migratoires La tragédie du Lampedusa est un sym-

bole de l’échec de la politique

d’immigration européenne. D’où la

recherche des solutions plus efficaces

qui peuvent être incitatives ou judi-

ciaires.

A. Les mesures incitatives Au niveau européen, la question migra-

toire est devenue omniprésente dans

l'actualité européenne. En effet, Giusi

Nicolini, maire de Lampedusa et Luigi

Manconi, président de la commission du

Sénat pour les droits de l’homme, ont

présenté au gouvernement une proposi-

tion de loi visant à convaincre les parte-

17 FIDH, op. cit. 18 Rêzan ZEHRÊ, op. cit.

naires de l’Italie de la nécessité

d’affronter, la question des migrants qui

fuient des situations de guerre, de fa-

mine, de persécution religieuse ou eth-

nique en étudiant avant tout tous les

moyens possibles pour permettre aux

réfugiés demandeurs d’asile d’exercer

leurs droits, avant de monter sur les

« bateaux de la mort »19

. Le Président

du Parlement européen a souligné qu’il

s’agit d’ « une tragédie qui doit marquer

un tournant dans la politique euro-

péenne »20

et promeut la création d’un

système d’immigration légale21

. A l'ini-

tiative de l’Union Africaine, plusieurs

pays africains comme la Tunisie, le

Tchad, l’Éthiopie ou la Mauritanie ont

fait du 3 novembre un jour de deuil

national pour rendre hommage aux vic-

times de ce naufrage et à toutes les

autres. Selon les Nation Unies, en l'ab-

sence de migrations, dans les cinquante

ans à venir, l'Union européenne verrait

sa population diminuer de 43 millions,

soit 11 %. Pour éviter cela elle aurait

donc besoin de 47 millions d'immi-

grants, soit presque un million par an, ce

qui correspond pratiquement à la situa-

tion actuelle22

. Elle est donc revoir in-

terpellée pour la révision de ses poli-

tiques d’immigrations.

B. Les mesures contraignantes

La garantie des droits aux migrants

irréguliers sonne comme une révolution

en droit international23

. Des solutions

judiciaires sont entrain d’être adoptées.

Dans cette perspective, il faut relever

qu’au regard du droit international du

respect de la dignité humaine, les États

sont liés par le droit coutumier qui les

oblige à porter secours aux immigrés

clandestins en détresse. Ils sont égale-

ment tenus de respecter le principe de

non-refoulement, et aussi, chaque mi-

grant intercepté a le droit de demander

l’asile. Il s’agit des principes qui

s’appliquent même en haute mer,

comme l’a confirmé l’arrêt de la Cour

européenne des droits de l’Homme de

février 2012 dans l’affaire Hirsi, Jamaa

et autres c/ l’Italie. Cette dernière avait

19 RFI, octobre 2013. 20 Martin SCHULZ, Conseil européen, 24 octobre 2013. 21 Martin SCHULZ, Allocution prononcée à

l’occasion du Conseil européen du 24 octobre 2013. « Migrations : l’UE veut renforcer ses frontières avec

Eurosur », in Le Monde, octobre 2013. 22 Joseph GRINBLAT, L'Atlas des migrations, Le Monde, Hors-série, 2008-2009, p. 8-9 23Yao AGBETSE, « La Convention sur les droits des

travailleurs migrants : un nouvel instrument pour quelle protection ?», Droits fondamentaux, n° 4,

janvier - décembre 2004, p. 55.

été condamnée pour ses pratiques de

refoulement vers la Libye. Selon la

Convention des Nations Unies sur le

droit de la mer du 10 décembre 1980 et

la Convention internationale de 1974

pour la sauvegarde de la vie humaine en

mer, les États méditerranéens sont res-

ponsables de zones de «recherche et de sauvetage». Les États ont des responsa-

bilités. C’est cette évolution qui a con-

duit les survivants des 63 migrants dans

un bateau au large de la Libye en 2011,

avec le soutien d’une coalition d’ONG,

à déposer en France une plainte mettant

en cause l’armée française pour non

assistance à personne en danger24

.

Même comme la décision des juges du

Tribunal de Paris reste attendue, cette

action est salutaire.

NOUAZI KEMKENG Carole Valérie

Attachée de Recherche au CNE / MINRESI,

Doctorante en Droit public,

Université de Yaoundé II – Cameroun

Phénomènes migratoires et Conflits

armés en Afrique centrale : Le cas

Centrafricain

La République centrafricaine (RCA)

subit encore les effets des crises poli-

tiques et militaires qui se sont succédé

pendant de longues années. Les viola-

tions des droits de l'homme continuent

de susciter l'inquiétude et le pays souffre

d'une pauvreté endémique, plus grave

encore dans les régions touchées par des

conflits. Le haut niveau de chômage

persiste25

. Et les départs massifs du pays

et des endroits jugés les plus dangereux

prennent de plus en plus des ampleurs.

D’ailleurs, à en croire Monsieur Fran-

çois Goemans26

, la montée récente de la

violence impliquant les milices d’auto-

défense et les combattants des forces

rebelles dissoutes dans le pays ont pro-

voqué la fuite d’environ 10% des 4,6

millions d’habitants de RCA. L’on peut

donc comprendre que le lien entre phé-

nomènes migratoires et conflits armés

en République Centrafricaine est inex-

tricable. Mais il est important de clari-

fier les termes de ce sujet pour mieux

l’aborder. La migration est un fait pour

une personne de se déplacer d’un pays

24 FIDH, 63 migrants morts en Méditerranée : l’armée française mise en cause pour non-assistance

à personne en danger, Rapport des migrants, 7 oc-

tobre 2013. 25 Confère rapport sur le profil d’opération 2013 du

UNHCR disponible sur le site : www.unhcr.fr,

(consulté le 27 Décembre 2013). 26 Directeur de l’opération de l’Organisation

Internationale des Migrations en RCA.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 6

dans un autre et d’y séjourner27

.Aussi,

c’est le déplacement d'une personne ou

d'un groupe de personnes, soit entre

pays, soit dans un pays entre deux lieux

situés sur son territoire. Le conflit armé

est une situation dans laquelle des Etats

emploient la force pour la solution d’un

litige les opposant28

. Dans d’autres sens,

le concept « conflit armé » est une ex-

pression générale qui s'applique à diffé-

rents types d'affrontements qui peuvent

se produire entre deux ou plusieurs enti-

tés étatiques, entre une entité étatique et

une entité non étatique, entre une entité

étatique et une faction dissidente et / ou

entre deux ethnies à l'intérieur d'une

entité étatique29

. Après ces clarifica-

tions, il convient de se poser la question

suivante : existe –t-il un rapport entre

les phénomènes migratoires et les con-

flits armés dans le cadre centrafricain ?

Les phénomènes migratoires sont dans

certains cas la résultante des conflits

armés et de ce fait font naître des diffi-

cultés quant à la gestion du flux migra-

toires. L’intérêt de cet article provient

du fait que le sujet est actuel et non

seulement la CEMAC et la communauté

internationale se sont mobilisées pour la

recherche des solutions de sorties de

crise afin d’éviter que l’Afrique Cen-

trale déjà berceau de l’immigration du

fait des conflits ne batte le record.

L’objectif est de montrer les effets du

conflit armé en lien avec les migrations

mais surtout de proposer des pistes pou-

vant aider à gérer les situations pré-

sentes. Avant de poursuivre l’analyse, il

convient de dire que le conflit en RCA

est un conflit armé interne. Pour la

commodité de cette réflexion, il con-

vient de dire que les phénomènes migra-

toires sont engendrés par les conflits

armés (I). Toutefois il faut pour y faire

face des stratégies de réponse aux im-

pacts de la migration en rapport avec la

recrudescence des conflits armés en

République Centrafricaine (II).

I- I. Les phénomènes migratoires en

RCA, résultante des conflits armés

D’après le Professeur MULAMBA

MBUYI Benjamin, « depuis que les

hommes habitent la planète terre, il y a

toujours eu des guerres, il y aura tou-

27 CORNU(G), Vocabulaire Juridique, 9e éd, mise à

jour, Août 2011, p. 653. 28 Ibid., p. 229. 29 VERRI (P), Dictionnaire du droit international des

conflits armés, CICR, Genève, 1988, p.36. Cette

définition permet de relever qu’il existe trois types de conflits armés : international, interne et

internationalisé.

jours des guerres, guerre entre les

peuples, guerre entre les Etats30

». Ces

guerres ont pour conséquence des dé-

parts tantôt volontaires pour raison de

protection de son droit à la vie (A) mais

aussi involontaire du fait des inconvé-

nients anormaux subis par

l’environnement (B).

A. Le départ volontaire au nom de la

protection du droit à la vie.

L’insécurité en République Centrafri-

caine favorise un déplacement continu

de la population. Le coup d'Etat des

troupes de la SELEKA et les affronte-

ments actuels ont provoqués des dépla-

cements de population. Des habitants

de Bangui ont fui vers les campagnes du

nord. Ils sont estimés à environ 20 000

par le Haut Commissariat aux Réfugiés

des Nations unies (HCR). Au 26 no-

vembre, des familles entières, à l'excep-

tion de leurs chefs, préféraient rester en

brousse considérant toujours Bangui peu

sûr31

. Au sens strict, le droit à la vie

protège l'être humain contre les atteintes

à l'intégrité corporelle de la part d'une

autre personne. Il s'agit donc principa-

lement de l'interdiction du meurtre,

condition indispensable à la vie en so-

ciété, sur laquelle tous les libéraux s'ac-

cordent. Le droit à la vie doit être com-

pris comme le droit de ne pas être tué.

Suite à des affrontements, entre des

éléments anti-Balaka32

et des forces de

l'ex-Séléka, une vague de déplacements

de populations33

a eu lieu à Bouca, dans

le nord de la République centrafricaine

(RCA). Des déplacements allant même

au-délà de la frontière centrafricaine ont

été constatés ; notamment pour la plu-

part des cas vers le Cameroun. Ce fut

pour sauvegarder son droit à la vie, droit

fondamental de l’homme. Toutefois,

l’on assiste aussi aux départs involon-

taires du fait de nombreuses atteintes à

l’environnement.

B. Le départ involontaire du fait des

atteintes à l’environnement ou de son

instrumentalisation à des fins mili-

taires. D’emblée, il faut définir

l’environnement. La définition la plus

élaborée est donnée par la CIJ dans un

avis du 08 Juillet 1996. Elle affirme en

effet que « l’environnement n’est pas

30 MULAMBA MBUYI( B), Cours de droit

international humanitaire dispensé en première année de licence, syllabus, inédit, ulpgl-goma, faculté de

droit, 2001-2002, p. 2. 31 Ibid. 32 Groupes d’auto-défense armés. 33 La deuxième en moins de deux mois.

une abstraction, mais bien l’espace ou

vivent les êtres humains et dont dépen-

dent la qualité de leur vie et leur santé, y

compris pour des générations futures34

.

Les conflits armés sont source de catas-

trophes majeures pour l’environnement.

Les luttes répétées pour affirmer qui

contrôle quoi, et les changements de

pouvoirs, ont des impacts dévastateurs

sur les vies humaines et sont « la cause

d’un effondrement de la loi » et des

autres modes de contrôle pendant et tout

de suite du déclin de la production agri-

cole et du commerce. Aussi, convient-il

de noter que l’impact négatif des con-

flits armés sur l’environnement est le

résultat de plusieurs facteurs tels que le

déplacement de populations humaines,

le manque d’application de la loi le

déclin de la sécurité de la propriété pri-

vée qui incite encore plus les popula-

tions à exploiter les ressources natu-

relles. Mais les parcs et les réserves

peuvent aussi souffrir d’un impact envi-

ronnemental encore plus important que

les zones non protégées car ils sont si-

tués dans les zones frontières éloignées

et peuvent « offrir » aux rebelles un

refuge où un point d’appui commode, en

violation de la convention sur

l’utilisation des techniques de modifica-

tion de l’environnement à des fins mili-

taires ou toutes autres fins hostiles35

.

C’est la raison pour laquelle des straté-

gies de réponse aux impacts de la migra-

tion en rapport avec la recrudescence

des conflits armés en République Cen-

trafricaine s’imposent.

II. Des stratégies de réponse aux im-

pacts des phénomènes migratoires en

rapport avec la recrudescence des

conflits armés en République Centra-

fricaine De nombreuses solutions peuvent être

proposées, à l’instar des forces

d’interposition comme ce fut le cas au

Mali et aujourd’hui en RCA avec la

participation de l’armée Française, de la

MISCA. Loin de cela, dans le cas

d’espèce, les stratégies appropriées sont

le dialogue, la réconciliation nationale

34 Voir CIJ, Avis du 08 Juillet 1996, Licéité de la

menace ou de l’emploi d’armes nucléaires,

Rec.1996, s .29. 35 Convention ENMOD qui stipule en son article 1er

que : « Chaque Etat partie à la présente Convention

s'engage à ne pas utiliser à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles des techniques de

modification de l'environnement ayant des effets

étendus, durables ou graves, en tant que moyens de causer des destructions, des dommages ou des

préjudices à tout autre Etat partie ».

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 7

(A) et le jugement des auteurs des exac-

tions causent des départs (B).

A. Le dialogue et la réconciliation

nationale Face aux difficultés que connaissent non

seulement les convois humanitaires pour

venir en aide aux déplacées centrafricain

mais aussi des rivalités sans cesse crois-

sante entre les ethnies et groupes reli-

gieux, il est plus que jamais souhaitable

d’entrer dans un processus de dialogue

et réconciliation nationale afin les cen-

trafricains se parlent en se regardant

entre eux. Aussi, Il faut une reforme du

secteur de la sécurité. La protection et la

réintégration des personnes et des com-

munautés déplacées et affectées par les

conflits

B. L’action de la justice La RCA est en outre tenue de respecter

le droit international relatif aux droits

humains, qui comprend des normes

issues du droit international coutumier

et des normes inscrites dans les traités

internationaux et régionaux auxquels le

pays est partie. Elle est également liée

par le droit international humanitaire qui

s’applique aux conflits armés ne présen-

tant pas un caractère international. Par

ailleurs, certains des actes dénoncés par

la communauté internationale peuvent

constituer des crimes de guerre ou des

crimes contre l’humanité, pour lesquels

il existe une responsabilité individuelle,

y compris une responsabilité hiérar-

chique36

. De ce fait, la justice centrafri-

caine, de façon indépendante et impar-

tiale devrait s’y pencher ; de même que

les juridictions internationales.

Eu égard à tout ce qui précède, il con-

vient de relever que les conflits armés

sont à l’origine des phénomènes migra-

toires. Le cas centrafricain est le plus

patent en zone CEMAC. Ils obligent les

populations à fuir pour sauver leur vie

mais aussi aboutissent à l’usage de

l’environnement comme moyen de

guerre rendant ainsi périlleux le flux

migratoires. Pour y remédier à long

terme, il faut un dialogue politique, le

pardon et la réconciliation nationale

débouchant sur des élections justes,

libres et régulière ; afin que les centra-

fricains reconstruisent leur pays et évi-

tent la répercussion de ce conflit armé

interne sur le développement de la CE-

MAC.

36 Amnesty international République centrafricaine

après des décennies de violence il est temps d’agir.

MBOUMEGNE DZESSEU Serges

Frédéric

Attaché de recherche au Centre Na-

tional d’éducation/MINRESI,

TCHINDA Giscard

Attaché de recherche au Centre Na-

tional d’éducation/MINRESI

L'émigration internationale des ca-

merounais : Essai d'analyse histo-

rique

Une relecture attentive de

l’historiographie africaine fait état de ce

que cette Afrique a connu une pluralité

de crises notamment socio-politiques

qui seraient à l’origine de son retard à

l’échelle internationale rendant ainsi

l’environnement délétère pour un

épanouissement personnel. Cet

environnement malsain serait à l’origine

du départ massif de ses populations à la

recherche d’un mieux-être à l’Étranger

notamment dans les pays du Nord

considérés comme riches. Comment en

est-on arrivé à cette situation ? Il va

s’agir ici d’analyser les différents

facteurs historique qui auraient

contribué à l’émigration internationale

des camerounais.

En s’appuyant sur l’idée selon laquelle

la migration fait partie de la nature

humaine, elle est devenue un phénomène

universel. Toutes les nations du monde

l'ont connue et continuent à la connaître

à des degrés divers, selon les époques et les circonstances, l’on peut se rendre

compte que l’histoire de l’humanité a

toujours été jalonnée de mouvements

des populations de part et d’autres des

frontières aussi bien nationales

qu’internationales. Il est alors possible

de présenter quelles que soient les forces

qui déterminent certains exodes

particuliers, ce phénomène qui a des

conséquences spécifiques non sans

complexité.

I. De la traite négrière à la

colonisation

L’historiographie retient le quinzième

siècle comme le début de la Traite

négrière par les Européens. Ce

commerce honteux des Noirs a

contribué à une émigration massive du

peuple africain en général et des

Camerounais en particulier pour les

plantations d’Amérique, paralysant ainsi

le développement des forces

productrices en Afrique Noire. (Canal,

1980 :52). D’après Elikia M’bokolo

(1995 :205), ‘‘la traite négrière prit effet suite à l’ouverture de l’Océan

Atlantique’’, d’abord dans le but de faire

du commerce international et ensuite

pour favoriser la vente des esclaves. Ce

transport maritime fut le canal emprunté

par les Européens pour exporter les

richesses de l’Afrique Noire et plus

spécialement les hommes valides et

intrépides dont regorgeaient les

différents pays de ce continent. C’est à

Bimbia, village camerounais situé au

bord de l’Océan Atlantique dans la

région du Sud-Ouest, à Douala, à

Bonabérie et surtout autour de l’estuaire

du Wouri que les esclaves étaient

embarqués pour l’Amérique. Il est

difficile de se faire une idée précise du

nombre d’esclaves vendus sur les côtes

camerounaises. Néanmoins, au XVIe

siècle, on pense que les Portugais

prenaient environ 500 esclaves par ans

(Mveng, 1979). Cette impitoyable

chasse à l’homme noir a contribué à la

déportation de près de 14 millions

d’individus (Nbgwa, 2008), considérés

comme un produit d’échange privilégié.

C’est ce qu’affirme E. M’bokolo

(1995 :206) en ces termes : ‘‘les

esclaves (…) représentent le seul bien,

voire le principal bien d’échange’’. Ce

qui précède montre que le Cameroun a

souffert terriblement de ce trafic

honteux qui a ravagé toute l’Afrique. Et

ce pendant près de 400 ans.

D’autres spécialistes de l’étude de la

traite négrière estiment à plus de 30000

le nombre d’expéditions négrières trans-

atlantiques effectuées dans des bateaux

contenant quatre cents cinquante à cinq

cents esclaves pour une quarantaine

d’hommes d’équipages (Pondi,

2007 :78). En outre, ils établissent avec

certitude que le taux de mortalité lors

des expéditions était compris entre 0 et

20%. Les esclaves gravement malades

ou décédés étaient jetés à la mer pour

servir de repas aux requins.

Toutes ces statistiques mettent en relief

la force productrice des pays africains,

et surtout camerounaise arrachée à leur

terre pour développer d’autres pays et

continents. La main d’œuvre des

travailleurs européens dont le statut

juridique était bien meilleur que celui

des Africains, mais qui ‘‘ployaient sous

les mêmes contraintes et conditions de travail et de vie’’ (M’bokolo, 1995 :215)

commença à être concurrencé avec

l’arrivée des Africains. Ces derniers très

habiles au travail, deviennent la main

d’œuvre quasi exclusive aussi bien dans

les plantations que dans les travaux

ménagers. Le commerce des Noirs

s’organisa alors en véritable système

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 8

coordonné par les Européens et donna

naissance à ce qu’on appela ‘‘le

commerce triangulaire’’. Las Casas étant

selon Daniel Abwa (2007 :20) ‘‘le

dernier coup d’accélérateur à l’histoire

de l’émigration forcée des Africains’’.

Cette prise de position de Daniel Abwa

permet de comprendre qu’on est là

devant le premier type d’émigration des

Camerounais et des Africains qui est

involontaire. Ce type d’émigration est

un facteur inhibiteur au développement

et est même l’une des causes du retard

du Cameroun et de l’Afrique.

Pour des raisons purement

économiques, les pays africains, après

avoir connu l’ignominieuse traite

négrière allaient à nouveau subir

l’impérialisme occidental. Cette

nouvelle forme de domination vidait

non seulement le continent de ses

ressources, mais utilisait son potentiel

humain, d’où l’émigration de certains

Camerounais comme Douala Manga

Bell pour des besoins de

communication. Même cette autre forme

apparemment volontaire ne sert que les

besoins de la métropole. Toujours pour

l’intérêt de l’occident, on a vu les

mouvements des Camerounais lors des

deux grandes guerres mondiales.

La première guerre mondiale a fait près

d’un million et demi de victimes

françaises. Dès 1915, la France mit sur

pied une politique destinée à attirer la

main d’œuvre, à la fois pour répondre

aux besoins de l’effort de guerre et puis

dès 1918 pour la reconstruction de la

France dévastée. (Naïr, 1999 :16).

Le bilan des deux guerres est lourd de

conséquences pour le Cameroun et

l’Afrique en général. Pour cette cause,

on a noté un exode massif des

populations camerounaises. En effet, ces

guerres européennes dans lesquelles les

Territoires d’Outre-Mer où les Colonies

furent contraintes de participer, aussi

bien en ressources économiques qu’en

ressources humaines, ont forcé les

Africains à l’émigration. Ce qui ‘‘permit

à la vieille Europe de triompher de

l’ennemi et de se libérer de la tutelle allemande’’ (Abwa, 2007 :22). Une fois

de plus, les troupes africaines et

singulièrement camerounaises venaient

de prouver leur bravoure au combat

pour l’intérêt de l’Europe. Au regard de

ce qui précède, il apparait que la

sélectivité des ressources africaines par

les Occidentaux n’est pas récente.

II. De l’indépendance à nos jours

Du fait de sa trajectoire historique

complexe, le Cameroun a connu dans

les années 1960 d’importantes vagues

migratoires. Cette migration vers les

pays du Nord a été déclenchée par

l’existence des relations politiques et

économiques entre ‘‘l’ancienne colonie’’

et sa métropole. À ce niveau, on a noté

deux types de mouvement des

Camerounais.

Le premier type était encouragé par

l’État nouvellement indépendant qui

avait besoin de cadres pour lancer son

évolution. En effet, plusieurs

Camerounais purent obtenir des bourses

pour aller poursuivre leurs études dans

les Universités du Nord. Même si cette

autre forme de migration prenait en

compte la volonté du migrant, elle

n’était véritablement pas favorable à

l’émergence d’un pays économiquement

puissant car les cadres formés l’étaient

beaucoup plus en théorie. En dehors des

disciplines à nécessité technique

marquée, les moules occidentaux

forgeaient des cadres quelque peu

déconnectés des préoccupations et des

aspirations africaines. Ils leur

inculquaient un savoir et un savoir-faire

ayant vocation à solutionner les

difficultés du lieu d’accueil, et qui

accouchait fatalement de produits

désarçonnés et stériles une fois mis en

situation hors du site de formation.

Le second type de mouvement des

populations des camerounais vers

l’Occident est plutôt involontaire. Il

s’agit là des personnes en désaccord

avec le système hérité de la colonisation

et surtout partisantes du principal

mouvement nationaliste camerounais :

l’UPC.37

Dans un cas comme dans l’autre, le

décalage entre les programmes de

formation, les compétences et les

besoins réels restent croissant. De nos

jours encore, les secteurs nationaux

prioritaires et même le marché de

l’emploi sous régionaux continuent de

poser un problème dans la mesure où il

y a dichotomie entre la formation et

l’emploi. Cet état de chose ne favorise

pas l’émergence économique du pays.

Les secteurs de l’enseignement

classique de formations universitaires

restent encore des voies d’excellence

alors même qu’ils sont pourvoyeurs de

chômeurs. Au Cameroun, dans 80% des

cas, ces formations sont destinées à la

37 À titre d’exemple, nous pouvons citer : Abel

Eyinga et Achille Mbembe entre autre.

fonction publique qui déjà peine à

recruter. Les formations techniques

comme le secteur de la mécanique de

pointe, de l’agriculture, de

l’électronique, de l’électrotechnique

sont encore marginalisées alors même

qu’elles répondent directement aux

besoins locaux. Ceci rend

permanemment dépendant du Nord.

La théorie de la dépendance illustre

mieux cette assertion en recherchant la

dépendance des pays du Sud ou encore

de la périphérie dans l’histoire de la

colonisation et par les échanges

commerciaux inégaux. S’opposant à la

théorie classique du commerce

international calqué sur le modèle

théorique de la modernisation pour

qui ‘‘tout pays peut augmenter son

revenu grâce au commerce, chaque pays

a avantage à se spécialiser dans l’exportation des marchandises qu’il

produit au meilleur coût relatif, le libre-échange produit une division

internationale du travail favorable à

tous puisqu’elle permet de produire plus de biens en utilisant au maximum les

facteurs de production et a accès à un

marché plus vaste. Le développement technique fera baisser le prix des

produits industriels, au profit des producteurs de matières première’’

(Smith, 2000), les théoriciens de la

dépendance pensent que les pays sous-

développés ne sont pas une image des

pays développés à un stade antérieur,

mais qu’ils font partie d’un système

mondial ayant forgé leur structure. De

même, les facteurs culturels ou religieux

ne peuvent pas expliquer le sous-

développement, car aucun pays n’est

foncièrement « traditionnel » et les

explications en termes de « cercles

vicieux de la pauvreté » sont erronées.

En effet, pour Samir Amin (1976), ‘‘le

sous-développement des pays de la

périphérie est le produit du développement du Centre, la division

internationale du travail maintient les

pays sous-développés dans un échange

inégal, les efforts d’industrialisation du

Tiers-Monde augmentent sa dépendance car son économie est extravertie.’’ En

menant une analyse profonde, l’on

pourrait mieux comprendre la

conjoncture des années 80-90 au

Cameroun où, les pays en

développement qui ont amorcé leur

transition politique et démographique

voient l’effectif de la proportion de leur

population en âge d’activité s’accroître

fortement sans qu’il y ait un

accroissement équivalent de l’emploi.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 9

Ceci est sans compter les versatilités qui

ont caractérisé l’économie du

Cameroun, à l’instar des villes mortes,

de la crise économique, de la baisse des

salaires, de la dévaluation du Franc

CFA.

Dans un environnement fortement

marqué par l’érosion des référents

éthiques et de plus en plus hanté par des

idéologies de domination et

d’affirmation de pouvoir, sévissait donc

une grave précarité économique qui

achevait de ruiner chez les intellectuels

tout espoir de réussite sociale dans leur

propre pays, ce qui conséquemment les

incita ainsi à l’émigration. Paul Biya

(2006 :2), Président de la République du

Cameroun l’avait sincèrement reconnu

et s’était alors interrogé en ces termes :

‘‘Comment faire lorsque la dureté de la

vie amène à donner la priorité à la satisfaction des besoins quotidiens,

lorsque la réussite sociale n’est pas toujours en rapport avec le mérite,

lorsqu’au terme du parcours scolaire ou

universitaire l’emploi n’est pas au rendez-vous ?’’

Un tel aveu présidentiel raisonne

comme le constat d’une crise sociale

profonde dont les jeunes diplômés sont

la principale victime. Et Françoise

Bahoken (2005 :11) faisait déjà

remarquer que : ‘‘La situation de

défaillance économique et sociale du

Cameroun dite de conjoncture, les

dévaluations du franc CFA et l’absence de perspectives de développement

conduisent depuis 1995 à une

accélération des flux de migrants Camerounais vers l’Europe de l’Ouest,

et de plus en plus vers l’Amérique du

Nord et le Canada en raison du durcissement des procédures d’entrées

légales en France’’. En s’insurgeant contre l’environnement

délétère du paysage socioéconomique

du Cameroun, Bahoken estime que le

flux des émigrants camerounais en

direction des pays riches du Nord est

motivé par le désir de mettre en valeur

son savoir et savoir-faire. Ceci afin de

générer des revenus devant permettre de

mener une vie de bien-être. Toutefois, il

faut signaler que l’émigration des

Camerounais vers le Nord pendant cette

période de crise ne concerne pas

exclusivement l’intelligentsia. Les

années 90 marquent le début d’une

véritable hémorragie humaine des

Camerounais dans toutes les directions

du monde. Ce type est volontaire bien

que provoqué par des conditions de vie

extrêmement difficile. D’ailleurs de nos

jours encore, cette ruée des

Camerounais vers le Nord continue.

Cependant, cette fois les capitaux

empruntent le sens inverse des

mouvements migratoires.

Conclusion

En bref, on se rend compte que

l’émigration camerounaise à travers la

traite négrière et les deux guerres

mondiales d’une part, l’avènement de

l’indépendance et la conjoncture des

années 90 d’autre part est un phénomène

qui s’enracine dans l’histoire. Cette

émigration, nous pouvons l’affirmer

sans risque de nous tromper, a drainé

avec elle une bonne partie des

compétences camerounaises vers les

pays du Nord.

KAMDAM Ronsard Stéphane

PLEG/Doctorant en Histoire des

Relations Internationales, Université

de Yaoundé I

Les migrations et la mondialisation :

quelles dispositions pour une facilita-

tion de mouvements temporaires des

personnes physiques conformément

aux dispositions du Mode 4 dans

l’Accord AGCS et des lois du travail

La mobilité des personnes, des biens et

des services est l’une des caractéris-

tiques de la mondialisation. On compte

aujourd’hui environ 190 millions de

migrants dans le monde, soit quelque

2.9 % de la population mondiale, contre

environ 2.2 % dans les années 70. L'Ac-

cord Général sur le Commerce des Ser-

vices (AGCS) définit le mode 4 comme

"la fourniture d'un service par un four-

nisseur de services d'un Membre, grâce à la présence de personnes physiques

d'un Membre sur le territoire de tout

autre Membre"(OMC, 2012 p317). Ain-

si, le mode 4 concerne les personnes

physiques étrangères qui entrent dans le

pays d'accueil pour: exécuter directe-

ment des contrats de services en tant que

travailleurs indépendants ou en qualité

d'employés d'un fournisseur de services

étranger; ou encore pour travailler dans

une filiale étrangère qui fournit des

services (personnes transférées à l'inté-

rieur d'une société ou recrutées directe-

ment par la filiale), négocier la constitu-

tion / l'acquisition d'un établissement

fournissant des services, commercialiser

un service, etc. Si leur nombre a globa-

lement augmenté en termes absolus, il a

évolué en dents de scie (Brian Keeley,

2009)38

. Cette situation a conduit plu-

sieurs chercheurs à considérer la relation

entre la migration et

l’internationalisation du commerce

comme un fait de la mondialisation. Car,

le mode 4 défini dans l'AGCS va au-

delà de la fourniture directe de services

par des personnes physiques étrangères.

La relation « migration-commerce »

dans le cadre de la mondialisation est

complexe et multidimensionnelle. En

effet, elle comporte des dimensions

politiques, économiques, sociales et

juridiques et fait intervenir plusieurs

acteurs dont les organismes

internationaux, les migrants, les pays

d’origine et d’accueil. Cette relation a

été abordée par de nombreux chercheurs

sur la base des modèles classiques de

Mundell (1957)39

et en utilisant le cadre

de Markusen40

et al (1997). Les deux

domaines se croisent de plus en plus, et

la nature de la relation est fonction du

cadre réglementaire de chaque pays

(Fatma et al, 2010). L’objectif de ce

papier est d’apporter quelques éléments

de réponse aux différentes questions

suivantes : Existe-il une relation entre la

migration et la mondialisation ? Le

commerce mondial peut-il être un

déterminant de la migration

internationale ? Quelles sont les

conditions nécessaires pour la

facilitation des mouvements des

personnes en rapport avec les

dispositions du commerce mondiale des

services en rapport avec les lois du

travail ?

Pour mener à bien notre analyse, nous

examinerons dans un premier temps, la

contribution théorique de l’évaluation de

la relation entre migration et de

l’internationalisation du commerce. Le

second point sera consacré à la mise en

évidence des barrières et des mesures à

mettre en œuvre pour la facilitation des

mouvements des personnes physiques.

I. Le lien entre la mondialisation du

commerce et migration

internationale : une contribution

théorique

Dans le cadre de l’évaluation de la

relation entre l’internalisation du

38 Brian Keeley, 2009) « Les migrations internatio-nales : Le visage humain de la mondialisation ». 39 Mundel, R.A, (1975): « International trade and

factor mobility », American Economic Review, 47, June, p.321-335. 40 Markusen James and Steven Zahniser (1998),

Liberalisation and incentives for labour migration: theory with applications to NAFTA, in R. Faini, J.

De Melo, K. Zimmermann (eds.), op. cit.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 10

commerce et la migration internationale,

plusieurs modèles théoriques ont été

développés. Il s’agissait pour chacun de

ces modèles d’examiner la nature de la

relation existante entre la migration et la

mondialisation du commerce et les

raisons susceptibles d’alimenter le

mouvement des personnes et des biens.

De ce point de vue, Fatma Mabrouk

(2010), sur la base du modèle « Hump »

Migration, distingue les effets de court

et de long terme de la libéralisation des

échanges mondiaux sur les migrations

entre les pays présentant des conditions

économiques différentes (pays

développés et pays en développement).

Il parvient à la conclusion que le libre-

échange entre nation est susceptible

d'augmenter les pressions migratoires en

provenance des pays moins développés

à court et moyen terme car la

libéralisation des échanges et la mobilité

des facteurs de productions sont

complémentaires. S’inscrivant dans la

même logique, le tableau ci-dessous

présente les résultats des différents

modèles développés et traitant de la

question du lien entre la migration et la

mondialisation des échanges

commerciaux.

Tableau : l’internationalisation du

commerce et la migration

internationale: Constatations théoriques

en rapport avec les modèles

économiques développés. Le modèle Relation entre commerce et

Migration

Heckscher-Ohlin-Samuelson Substitution

Différentes technologies Complémentarité

Rendements d'échelle

croissants

Complémentarité ou substituable

Facteurs spécifiques de

Ricardo-Viner

Complémentarité ou substituable

López et Schiff Complémentarité ou substituable

« Hump » Migration Complémentarité long terme et

Substitution à

long terme.

Feenstra-Hanson Possibilité de complémentarité/ pas

de

convergence entre les prix des

facteurs

Markusen et Venables Possibilité de complémentarité/ pas

de

convergence entre les prix des

facteurs

Sources : Fatma Mabrouk et al (2010)41

Suite à l’observation du tableau ci-

dessus présenté, nous pouvons affirmer

que la migration et l’internationalisation

du commerce sont étroitement liées.

Mais cette union est fonction de la

manière dont les instruments de l’étude

sont agencés. Ainsi, chaque modèle

parvient à un résultat spécifique tel que

présenter dans le tableau. Malgré tout, la

question de la mobilité des personnes

connait encore des restrictions. Car Il y

41Fatma MABROUK, Stéphane BECUWE (2010) : « Migration internationale et commerce extérieur:

quelles correspondances? ».

a l’écheveau de règles et de réglementa-

tions qui déterminent le statut juridique

et la possibilité d’installation des mi-

grants dans les pays d’accueils.

II. Les barrières et les mesures de

facilitation liées aux mouvements des

personnes

A. Types de barrières au mouvement

des personnes

Le mode 4, présence de personnes phy-

siques, fait référence aux personnes qui

se déplacent temporairement sur le terri-

toire où se trouve le consommateur pour

fournir le service, que ce soit comme

travailleur indépendant ou comme sala-

rié d'un fournisseur étranger. Cette re-

cherche du mieux-être par des individus

des mouvements migratoires dans le

monde42

. Considérée comme l’une des

composantes essentielles de la

mondialisation économique, les

migrations internationales constituent

une préoccupation des Etats et des

institutions internationales et non

gouvernementales au regard des

obstacles liés à la libre circulation et du

nombre de personnes candidates à la

migration chaque année. A l’heure de la

mondialisation, les migrations

internationales ne sauraient se résumer à

des mouvements de populations fuyant

une vie difficile dans des pays pauvres

pour rejoindre des contrées occidentales

riches de bienfaits économiques. Toutes

les régions du monde sont concernées

par ces flux, comme zone de départ,

d’accueil ou de transit, parfois l’une et

l’autre à la fois. En 2005, l’Europe est le

premier continent d’accueil de migrants

internationaux (34 %), suivie par l’Asie

(28 %), l’Amérique du Nord (23 %),

l’Afrique (9 %) et enfin l’Amérique

latine-Caraïbes (4 %). Cependant, les

raisons de migrer se complexifient :

elles sont économiques, politiques,

climatiques, familiales, ethniques,

religieuses, personnelles43

. A cet égard,

plusieurs facteurs militent en faveur de

la restriction à la migration. Il s’agit :

des barrières physiques (les mers et des

océans), les barrières financières (besoin

d’argent croissant pour tout

déplacement), les barrières légales (la

réglementation interne des pays en

matière migration), les barrières

42 OMC (2012) : « commerce des services, E-

learning » 365 p. 43Lydie Fournier Les migrations internationales Mis

à jour le 15/06/2011

http://www.scienceshumaines.com/les-migrations-internationales_fr_24921.html, consulté le 2013

Décembre

politiques. Pour ce qui est des pays en

développement, on peut noter la crainte

de la perte d’identité culturelle et le

« vol » des emplois des locaux. Quant à

l’Europe, elle favorise la migration

temporaire tel que spécifié dans le mode

4 de l’AGCS.

B. Mesures pour faciliter les

mouvements des

personnes conformément aux

dispositions de l’AGCS

Pour faciliter le mouvement des

personnes et afin de mieux mesurer ses

effets sur la mondialisation du

commerce et sur le marché du travail,

plusieurs mesures doivent être prises

autant dans le pays d’origine que dans le

pays d’accueil. De ce fait, il est

important qu’un accord sur le

recrutement soit signé entre les

partenaires afin de fixer les conditions

d’entrée dans le pays d’accueil et de

retour dans le pays d’origine pour les

candidats à la migration. De ce fait, les

conditions de recrutements et de

formation (condition d’entrée et séjours

dans le pays d’accueil).

Pour ce qui est des conditions de recrutement, elle nécessite une plus

grande transparence et d’équité. De ce

point de vue, le pays d’accueil doit

communiquer sur les disponibilités

d’offres d’emplois (caractéristiques,

durée, quotas) tout d’abord. Ensuite, la

mise en place d’une structure formelle

chargée de recruter les travailleurs et de

la signature des contrats de travail. En

fin, une vérification de la qualification

(diplôme académique et/ou expérience

professionnelle) est importante: le rôle

des associations professionnelles et

l’implication des pays d’origine dans le

processus.

S’agissant des conditions de formation

(conditions d’entrée et séjour dans le

pays d’accueil), il est nécessaire qu’une

règlementation soit mise en place dans

chaque pays. Néanmoins, on peut noter :

l’existence d’une structure chargée de

l’attribution des visas (types et durée),

l’organisation du transport, la

participation du pays d’origine et des

transporteurs pour vérification des

documents de voyage, le contrat de

travail : possibilité de contrat « multi

employeurs ». Le respect des termes du

contrat les employeurs est un impératif.

De ce fait, ils doivent s’acquitter de

leurs obligations (respect des droits de

travail, des dispositions de sécurité

sociale, exploitation des immigrés,

conditions de vie et de travail). Outre les

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 11

dispositions précédemment énoncées, il

importe que (i) l’extradition des

travailleurs ne respectant pas les

contrats soit organisé, (ii) le refus de

renouvellement du bénéfice du dispositif

par les entreprises ne respectant pas les

contrats. d’autres à mettre en place

s’articulent autour de la mise en place

d’un mécanisme de suivi pour respect de

la durée du séjour, de la formation des

travailleurs, du paiement d’une partie du

salaire dans le pays d’accueil et

perception du reste dès retour dans le

pays d’origine et enfin la garantie de

recrutement futur liée aux performances,

la mise sur pied des mécanismes liés à

l’amélioration des conditions

économiques et sociales des migrants

dans le pays d’origine. De plus, la mise

en place d’autres conditions comme la

participation à la vérification de

qualifications, l’assistance pour la mise

en œuvre des projets et de création

d’entreprises44

et l’inclusion des

migrants parmi les bénéficiaires des

programmes humanitaires.

EHODE ELAH Raoul,

Chercheur au Centre National

d’Education / MINRESI

Ph. D. candidat en économie à

l’Université de Yaoundé

Les migrations et la mondialisation

L’ère contemporaine se caractérise ma-

joritairement par les effets structurants

de la mondialisation qui touchent à

toutes les activités de l’homme. Du fait

des impacts de la mondialisation per-

ceptibles dans tous les domaines sociaux

dont celui de la paix et de la sécurité de

nombreux phénomènes se sont accen-

tués depuis le triomphe de l’idéologie

libérale. Il s’agit entre autres des mou-

vements migratoires qui se sont accélé-

rés au cours des dernières décennies

sous l’effet de la levée des verrous des

barrières inter nations.

La mondialisation se traduit par une

remarquable accélération du degré

d’ouverture des économies, une plus

grande amplitude des échanges des

biens et des services, ainsi que qu’une

plus grande circulation des capitaux et

des personnes à travers le monde. Ces

mouvements sont en outre amplifiés par

l’éclosion sans précédent des nouvelles

technologies de l’information et de la

communication dont le corollaire le plus

44 Notes de cours de M. le Professeur TCHABOURE Aime Gogue, sur la « Migration et Mouvements

temporaires de personnes physiques », 2013, 20 p.

perceptible est la compression de

l’espace et du temps. Le monde ainsi

réduit à un simple « village global »

devient propice aux phénomènes migra-

toires qui s’expriment par les déplace-

ments des populations ou des personnes

humaines d’un pays ou d’une région à

un(e) autre. Ces déplacements migra-

toires de la population vers l’extérieur

du pays d’origine sont qualifiés

d’émigration et d’immigration dans le

mouvement inverse. Au regard des défis

de la paix et de la sécurité auxquels les

nations et les régions sont confrontées

dans un contexte global, ou le contrôle

devient difficile, il y a lieu de

s’interroger sur les justifications pos-

sibles des déplacements humains et ses

impacts dans le monde. Ceci étant, les

phénomènes migratoires

s’accommodent-ils du contexte actuel de

la mondialisation ? Autrement dit, la

mondialisation accélère-t-elle les migra-

tions et leur impact dans le monde ?

Plus simplement, quels sont les liens

possibles entre la mondialisation et les

migrations ?

A nos jours, cette préoccupation se justi-

fie par le fait qu’aucun territoire ou Etat

membre du village global ne peut pré-

tendre ne pas être concerné par les dé-

placements humains. Il convient de ce

fait d’approfondir la compréhension de

cette réalité contemporaine en situant les

phénomènes migratoires dans la résul-

tante de la mondialisation (I), tout en

envisageant l’importance de les contenir

afin d’en limiter les éventuels méfaits

(II).

I. La mondialisation, moteur des phé-

nomènes migratoires Le contexte globalisant actuel est pro-

pice à des migrations multiformes (A)

qui ont des impacts (B) sur ce nouvel

ordre mondial.

A. Les migrations nées de la mondia-

lisation : caractéristiques et formes La mondialisation a ouvert de nouvelles

voies aux migrations qui sont moins

dépendantes des passés coloniaux. A ce

titre, l’internationalisation du modèle

occidental de consommation dans ce

contexte se caractérise par la libre circu-

lation de l’information et des biens, le

développement des moyens de trans-

ports de plus en plus allégés…Tous ces

effets de la mondialisation suscitent

l’envie accrue des populations de partir

pour réussir ailleurs, notamment dans

les pays occidentaux qui sont les plus

attractifs. Si tous les continents sont

alors concernés, l’Asie centrale et orien-

tale, l’Europe de l’Est et l’Afrique cen-

trale sont devenues depuis vingt ans de

nouvelles zones de mobilité.

La surpopulation, la pauvreté, les crises

politiques, les désastres environnemen-

taux, les regroupements à caractère

religieux ou ethnique, l’attraction du

mode de vie occidental sont les nou-

velles causes de mobilité. Ceux qui

migrent disposent de réseaux transnatio-

naux (familiaux, commerciaux, écono-

miques et parfois mafieux) et d’argent

pour franchir les frontières, même illé-

galement. Une seule exception, la mi-

gration forcée de réfugiés, qui se dé-

roule pour les trois quarts dans le tiers-

monde. Le profil des migrants évolue

également : les jeunes hommes ruraux et

peu qualifiés sont désormais rejoints par

des jeunes hommes qualifiés voire très

qualifiés des classes moyennes urbaines,

des femmes isolées, qualifiées, aspirant

à une indépendance, et même des mi-

neurs.

Quant aux formes, elles sont de nos

jours plus pendulaires, de courte durée,

permettant des allers et retours entre

pays d’origine et pays d’immigration.

Les politiques de visas tendent néan-

moins à provoquer l’installation durable

des migrants qui craignent de ne plus

pouvoir revenir et font venir leur fa-

mille.

La mondialisation des migrations se

poursuit, non sans effets compte tenu

des déséquilibres mondiaux et de la

meilleure connaissance des filières

d’entrée, y compris dans les pays à poli-

tiques de contrôle des frontières.

B. Les impacts des migrations du fait

de la mondialisation Le continent africain est le continent le

plus exposé aux migrations. L’on es-

time, compte tenu de l’imprécision des

statistiques, que les migrations légales

ou illégales provenant de l’Afrique sub-

saharienne à l’intérieur et à l’extérieur

de l’Afrique concernent 2 à 4 millions

de personnes par an45

.

La perte de nationaux talentueux ou la

« fuite des cerveaux » à cause de

l’image positive de l’Occident profite

aux pays d’accueil, qui utilisent ces

compétences hautement qualifiées pour

satisfaire les besoins de croissance. Par

ailleurs, l’existence dans certains pays

d’une diaspora trop importante crée la

difficulté à trouver sur place un travail

45Confère : Résolution 1611 (2008) de l’Assemblée

parlementaire du conseil de l’Europe.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 12

correctement rémunéré. Dans le même

sillage, la trop grande proportion de

migrants peut provoquer des réactions

de xénophobie dans le pays d’accueil,

pouvant générer des conflits sociaux

d’identité physique et culturelle.

D’autre part, grâce aux progrès des TIC

et la baisse des frais de déplacement, la

mondialisation maintien les migrations

en contact avec leur pays d’origine ou

établir des liens durables avec les dias-

poras et les réseaux transnationaux.

L’accent est également parfois mis sur

le rapatriement des compétences et du

savoir-faire, ainsi que des fonds sans

obliger les migrants à rentrer physique-

ment ou définitivement chez eux.

Toutefois, la dépendance excessive à

l’égard des compétences extérieures

pourrait limiter les investissements na-

tionaux, en plus des autres difficultés

d’insertion des migrants, d’où l’intérêt

pour les politiques de s’organiser pour

réguler le flux des mouvements migra-

toires.

II. L’impératif d’endiguer les migra-

tions dans le contexte de la mondiali-

sation Les défis de la stabilisation sociale re-

quièrent l’implication préalable de

l’Etat ou du territoire concerné (A),

avant d’envisager des solutions concer-

tées ouvertes (B) au plan régional et

international.

A. L’Etat, initiateur des solutions

endogènes De même que le développement des

pays africains ne viendra pas seulement

du seul soutien des pays industrialisés et

des aménagements sur la dette.

L'arrêt du phénomène migratoire et du

développement du continent africain,

qui est plus concerné par l’émigration,

notamment la fuite des cerveaux, passe

d'abord par la prise de conscience de la

vitalité ,de la créativité et des aspirations

de ses habitants, en majorité, par les

gouvernants à travers des programmes

de société fondés sur l'égalité des

chances, une distribution équitable des

revenus, la bonne gouvernance et l'unité

de ses peuples.

Les migrations irrégulières progressent

et les avancées technologiques offrent

des outils sans cesse plus sophistiqués

aux trafiquants et aux réseaux criminels

pour déjouer les efforts déployés par les

gouvernements afin de contrôler et sur-

veiller les mouvements migratoires. Ce

faisant, dans un contexte ou coexistent

des situations migratoires complexes, la

communication interne et la concerta-

tion dans une optique d’élaboration des

politiques et des programmes complets

et efficaces en matière de gestion des

migrations. Par exemple, le contrôle

préalable des profils individuels et la

nécessité d’une plus grande circonspec-

tion à l’égard des personnes représentant

une menace pour la sécurité.

B. Les solutions concertées régionales

et internationales Les Etats n’ayant pas la même législa-

tion malgré l’harmonisation progressive

des politiques internationales. En dépit

de nombreux accords bilatéraux et des

mécanismes de coopération régionale et

internationale mis sur pied pour gérer

certains aspects des migrations46

, les

migrants choisissent naturellement le

pays où ils trouvent le plus d’avantages

et le moins de risques, notamment d’être

reconduits. C’est pourquoi en matière de

connaissance et de gestion globale des

flux migratoires, de nombreux défis sont

à relever, lesquels se résument dans le

rapport de l’Assemblée parlementaire

du conseil de l’Europe du 18 avril 2008

sur l’immigration47

.

L’aide à l’Afrique subsaharienne et les

relations entre pays d’origine et pays

d’accueil serait favorisée dans les Etats

membres du conseil48

par le développe-

ment de la connaissance de l’Afrique

dans l’opinion publique, et notamment

l’encouragement des jumelages et le

relai des actions de coopération décen-

tralisée. Il serait également judicieux de

travailler à l’élaboration d’un fichier

central de spécialistes des diverses

langues africaines, susceptibles de con-

verser avec les ressortissants des pays

d’origine quand ceux-ci ont du mal à

communiquer avec les autorités;

d’encourager financièrement les trans-

ferts légaux de fonds vers le pays

d’origine, en prenant à leur charge une

partie des coûts de transfert;

d’encourager les transferts de savoir-

faire des membres de la diaspora vers

leur pays d’origine, par l’instauration

d’une procédure simplifiée de visas et la

prise en charge d’une partie du manque

46 A titre d’illustration, voir ALEINIKO (A), et

CHETAIL (V) dans la contribution de l’OIM, Cha-

pitre 18 : les normes juridiques internationales en matière de migrations, TMC, Asser Press, New

York, 2003. 47 Il s’agit du rapport de la commission des migra-tions, des réfugiés et de la population. 48 Ces Etats membres du conseil de l’Europe sont les

plus concernés par les mouvements migratoires en provenance de l’Afrique Subsaharienne ou les dé-

parts sont plus considérables.

à gagner pour ceux qui se déplaceraient

dans ce but; de prendre les mesures

nécessaires pour respecter les traditions

religieuses et les pratiques culturelles

des migrants originaires de l’Afrique

subsaharienne; de sanctionner les pra-

tiques contraires aux droits de l’homme,

comme l’excision et toute forme de

mutilation génitale; de mettre en place

ou de renforcer des mesures de discri-

mination positive à l’égard des migrants

subsahariens, notamment dans le do-

maine de l’éducation, du logement et de

la santé; de mobiliser un maximum de

ressources pour freiner ou enrayer les

pandémies qui plombent la croissance

des régions infectées de l’Afrique sub-

saharienne.

Dans la perspective d’un alignement

progressif des procédures relatives aux

migrants d’Afrique subsaharienne sur

celles des autres migrants, il est impor-

tant que soit remis à tout migrant origi-

naire de l’Afrique subsaharienne un

document d’accueil du migrant, préci-

sant ses droits et ses devoirs; que ces

derniers puissent bénéficier des services

d’un interprète dans leur langue

d’origine; que les pays d’accueil

s’efforcent de conclure des accords de

réadmission et de développer l’aide au

retour pour les personnes déboutées du

droit d’asile; que les pays concernés

renforcent la lutte et les sanctions contre

les réseaux de passeurs.

Par ailleurs, au niveau des Etats

membres, il est impératif de mettre en

place un observatoire national et des

observatoires régionaux des migrations;

de tenir un registre local des installa-

tions, destiné à suivre l’insertion et les

déplacements de ces migrants, afin

d’accueillir ou de venir en aide à des

populations souvent en grande difficul-

té; de sécuriser les reconduites par une

formule de charters internationaux, for-

tement encadrés, avec la garantie d’une

procédure judiciaire préalable et

l’établissement d’une procédure con-

tractuelle avec le pays qui s’est engagé à

la réadmission, dans le respect des droits

de l’homme pour les migrants recon-

duits.

En matière de migrations spécifiques les

Etats se doivent d’offrir une alternative

à l’asile politique pour les migrants qui

ne sont pas persécutés par le pouvoir

mais par une autre ethnie implantée dans

leur pays, ou par des groupes armés

opérant illégalement; d’organiser un

suivi personnalisé des étudiants mi-

grants, en collaboration avec les pays

d’origine et les services des consulats ou

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 13

des ambassades existant dans ces pays,

afin de faciliter la réussite universitaire

des uns et le retour au pays ou

l’insertion professionnelle des autres.

Au terme de notre analyse, nous rete-

nons que la libéralisation mondiale des

échanges et la circulation effrénée des

capitaux, des biens et services ont des

répercussions énormes sur les popula-

tions. Même si les frontières et le temps

sont abolis par l’avènement des techno-

logies de l’information et de la commu-

nication, il n’en va pas de même en ce

qui concerne les déplacements des po-

pulations. Ces flux migratoires du fait

de la mondialisation posent de nom-

breuses difficultés tant au pays de départ

qu’à celui de l’accueil. Au regard des

motivations de ces migrants qui sont très

variées (économiques, familiales, so-

ciales ou politiques) et se diversifient de

plus en plus divers et de ses impacts, de

ce phénomène plusieurs défis concer-

nant la maîtrise de ces migrations

s’imposent aux dirigeants de tous les

Etats. Dans ce contexte de mobilité, la

recherche de la stabilité humaine, so-

ciale et économique demeure un défi

majeur de l’ère actuelle, que la commu-

nauté internationale se doit de relever,

dans le respect de l’intégrité et du droit

des migrants.

NGOUNMEDJE Firmin

Doctorant à l’Université de Yaoundé

II Soa

Les migrations et les technologies de

l’information et de la communication

Selon le rapport annuel 2009 du Pro-

gramme des Nations unies pour le déve-

loppement (PNUD) intitulé « Lever les

barrières : mobilité et développement

humain », les migrations à l’échelle

mondiale concerneraient un milliard de

personnes dont 740 millions seraient des

migrants internes et 260 millions, des

migrants internationaux. Et parmi ces

260 millions de migrants internationaux

près de la moitié se déplaceraient dans

leur région d’origine et moins de 30%

partiraient d’un pays en développement

vers un pays développé (PNUD,

2009)49

. Le continent africain est le

continent le plus exposé aux migrations.

On peut estimer, compte tenu de

l’imprécision des statistiques, que les

49 Véronique LASSAILLY-JACOB, « Réflexions

autour des migrations forcées en Afrique sub-

saharienne », Perspectives de la géographie en Afrique sub-saharienne, Université de Cocody,

Abidjan : Côte D'Ivoire, 2009.

migrations légales ou illégales prove-

nant de l’Afrique subsaharienne à

l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique

concernent 2 à 4 millions de personnes

par an. Leur proportion augmente au

détriment des migrations internes, ren-

dues plus difficiles par les conflits ar-

més, qui touchent de près ou de loin

aujourd’hui 24 pays africains, et par la

fermeture des frontières pratiquée par

certains d’entre eux50

.

Les évolutions récentes du phénomène

migratoire montrent que les parcours

des migrants d’aujourd’hui passent aus-

si, et parfois bien avant d’investir le

parcours physique, par les territoires

numériques. L’un des changements

majeurs intervenu depuis les années

1980 dans le domaine des migrations

tient à la multiplication des communau-

tés en dispersion dans l’espace physique

et à leurs nouvelles formes de regrou-

pement, d’action, d’occupation et de

contrôle dans les territoires numé-

riques51

. Équipé en téléphone mobile,

Internet, etc., ce migrant connecté

s’inscrit dans une « modernité liquide

»52

et pourrait étendre ses racines par-

tout. Les conflits armés étant la princi-

pale cause des migrations en Afrique,

quelle est donc l’influence des techno-

logies de l’information et de la commu-

nication (TIC) sur ce phénomène ?

Cette interrogation nous conduit à éla-

borer un postulat divisé en quatre volets

principaux lesquels sont organisés selon

deux axes. L’un en effet considère les

usages des TIC par les migrants en lien

avec leur pays d’origine ou leur pays

d’accueil; l’autre distingue les usages

des TIC en phase pré migratoire ou post

migratoire. Au cœur de ce modèle se

tient la figure du migrant connecté. Ce

renouvellement de la conception du

migrant résulte de la conjoncture de

deux phénomènes: d’une part,

l’accroissement du rôle des réseaux et

de l’interconnexion; d’autre part,

l’accroissement de la mobilité interna-

tionale ; ces deux phénomènes étant

étroitement liés.

50 Voir à ce sujet Immigration en provenance de

l’Afrique subsaharienne, rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population,

Texte adopté par l’Assemblée le 18 avril 2008 (18ème

séance), Conseil de l’Europe, Assemblée parlemen-taire, Résolution 1611. 51 Dana DIMINESCU, Dominique PASQUIER

(coord.), « Les migrants connectés. T.I.C., Mobilités et migrations », Revue Réseaux, N° 159, Université

Paris-Est, disponible sur http://revue-reseaux.univ-

paris-est.fr/fr/numeros-precedents/document-1068.html (consulté le 15/01/2014). 52 Idem.

L’Afrique, qui connaît un nombre élevé

de conflits internes est le continent qui

compte le plus de réfugiés : aujourd’hui,

« […] près de 12 millions de migrants

forcés sont africains »53

. Les récents et

perpétuels conflits armés au Soudan, en

République centrafricaine, au Mali, en

Côte-d’Ivoire, pour ne citer que ces

Etats illustre à profusion cette malédic-

tion caractéristique du continent. Les

nouvelles TIC semblent être à l’origine

de modifications dans l’organisation des

mouvements migratoires. Cette réorga-

nisation des réseaux de migrants modi-

fie sensiblement le contact avec les

familles restées au pays. Le cybercafé

devient ainsi un véritable carrefour de

l’information et de la communication,

permettant une interconnexion entre le

pays d’origine et les différentes sphères

de la diaspora. Les nouvelles généra-

tions, plus aptes à s’approprier ces ou-

tils, deviennent les intermédiaires privi-

légiées dans leur pays. Ce rôle de « mé-

diateur » de la part des jeunes implique

de nouvelles responsabilités aux niveaux

politiques, économiques et information-

nels, qui sont responsables de potentiels

bouleversements dans les organisations

traditionnelles des pays d’origines54

.

En phase pré-migratoire et en lien avec

le pays d’accueil, les TIC offrent deux

opportunités pour les futurs migrants.

Parce que la mobilité va croissante, les

futurs migrants, avant même d’élaborer

leur projet migratoire, sont générale-

ment déjà en contact au moyen des TIC

avec d’autres migrants issus de leurs

réseaux familiaux et sociaux. En effet,

les non-migrants, les futurs migrants et

les migrants d’une ethnie sont liés. Ce

faisant, les coûts et les risques encourus

par la migration sont réduits et la tenta-

tion migratoire renforcée. Il est possible

de penser que les sites de réseaux so-

ciaux tels que Facebook (et d’autres

variantes), les courriels, et les cartes

d’appel téléphonique internationales ont

largement contribué à renforcer

l’interconnexion au sein des réseaux

migratoires. Les TIC constituent donc

une opportunité de migration dans le

sens où elles exposent les futurs mi-

53 Idimana KOTOUDI, Les migrations forcées en

Afrique de l’Ouest, Institut PANOS Afrique de

l’Ouest, Faits et documents, Novembre 2004. 54 Jonathan STEBIG, Yveline DEVERIN, «

L’appropriation des TIC par les diasporas : Analyse

des répercussions potentielles dans les pays d’origine», Les cahiers de NETSUDS [En ligne],

NETSUDS n° 3, Numéro intégral, mis à jour le :

10/05/2011, URL : http://revues.mshparisnord.org/netsuds/index.php?id

=221 (consulté le 15/01/2014)

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 14

grants à une réalité migratoire entrevue

à travers l’expérience des pairs.

En phase post-migratoire et en lien avec

le pays d’accueil les TIC représentent un

moyen d’intégration dans la société

d’accueil en ceci qu’elles permettent

l’accès à des informations, des services

et des opportunités pour les migrants

tels que des informations officielles

(ex. : sites Web gouvernementaux sur

différents aspects politiques, écono-

miques et sociaux) ou informelles (ex. :

sites Web de réseautage) ; un empower-ment, lorsque les migrants utilisent les

TIC pour se donner une voix et une

visibilité ou pour établir le dialogue

avec la société d’accueil (ex. : sites Web

de communautés ethniques) et diffé-

rents services, notamment liés à

l’emploi (ex. : sites Web de recherche

d’emploi) ou à l’éducation. « Cepen-

dant, bénéficier de ces informations,

opportunités et services permis par les

TIC demandent au préalable des compé-

tences TIC suffisantes »55

. La littératie

numérique56

prend ici toute son impor-

tance, de même que les initiatives qui la

soutiennent au sein du pays d’accueil.

L’accroissement du rôle des réseaux, de

l’interconnexion; ainsi que de la mobili-

té internationale favorisent également

les flux migratoires. L’information

qu’un peuple peut retirer d’un journal

officiel télévisé ou radio sur le caractère

inhérent d’un conflit au sein de sa com-

munauté l’amènera surement à prendre

des dispositions pour se protéger. Mais

la faiblesse institutionnelle, la maigre

culture africaine…en la matière consti-

tuent une réelle entorse à l’utilisation de

toutes les autres expressions des TIC et

partant freinent l’usage que les popula-

tions peuvent en faire en période pré ou

post conflictuelle.

L’enjeu quand on évoque la notion de

TIC dans les conflits armés est intime-

ment lié à l’usage qu’on a fait. Si les

moyens d’utilisation de ces technologies

étaient suffisamment vulgarisés en

Afrique, de nombreuses victimes au-

raient été épargnés. Si les populations

qui en ont accès l’utilisent de manière

intelligente et constructive, les ravages

des conflits armés pourraient dorénavant

être résorbés.

55 Simon COLLIN, Évaluation du cadre descriptif sur les TIC et la migration, 2012, disponible sur

http://simoncollin.weebly.com/eacutevaluation-du-

cadre-descriptif-sur-les-tic-et-la-migration.html (consulté le 15/01/2014) 56 La littératie numérique peut être entendue comme

l’ensemble des compétences de base techniques, cognitives, sociales et culturelles nécessaires à

l’utilisation des TIC au sein d’une société donnée.

MANGWA TAYOU Mireille Stéphanie

Doctorante, Assistante administrative

chargée des programmes à

l’APDHAC

Migration, développement et Droits

de l'Homme : Quelles dialectiques ?

Selon le rapport de la commission

mondiale sur les migrations interna-

tionales (CMMI) remis au Secrétaire

Général des Nations Unies le 05 Oc-

tobre 2005, la distribution géogra-

phique inégale des opportunités socio-

économiques, les problèmes de gou-

vernance et de respect des droits

humains, qui sont généralement à

l’origine de flux migratoires feront

que le nombre de personnes cherchant

à migrer va s’accroître sensiblement

durant les prochaines années. Les migra-

tions sont généralement effectuées des

pays les moins développés vers les pays

les plus développés. Alors les flux mi-

gratoires soulignent de façon ostensible

un fait : les migrants quittent la pauvreté

pour les zones dont l’environnement est

selon eux plus propice à la production

des richesses. Le sous- développement

est toutefois loin de constituer l’unique

facteur qui alimente les flux migratoires.

Ils peuvent être dus : aux conflits armés

et violations des Droits de l'Homme

sévissant dans la localité de départ, à

une catastrophe naturelle, aux condi-

tions environnementales hostiles comme

la sècheresse…Quel que soit le facteur

ayant déterminé la mobilité, celle-ci

draine avec elle une problématique dé-

terminante qui celle de la protection des

Droits de l'Homme dans un contexte de

migration. Le capital humain étant la

source première de production des ri-

chesses, sa mobilité impacte inévitable-

ment sur le développement tant du pays

de destination que du pays d’origine. La

migration soulève donc des questions

des Droits de l'Homme comme des vio-

lations de ceux-ci déclenchent des flux

migratoires ; parallèlement, un contexte

de sous-développement alimente les

phénomènes migratoires tandis que

l’exode ainsi créée influence la courbe

du développement. Quel le fil d’Ariane

lie Migration, développement et Droits

de l'Homme tel une triade ? A la base du

phénomène migratoire se trouve un déficit de développement et une viola-

tion des Droits de l'Homme (I), oppor-

tunément, le phénomène migratoire

motorise le développement et dynamise

la question de la protection des Droits

de l'Homme (II).

I. Migration : symptôme d’un double

déficit de développement et des droits

de l'Homme Au rang des facteurs qui déterminent la

décision de migrer se trouvent en bonne

place la quête des conditions matérielles

d’existence (A) et la quête d’une meil-

leure protection des Droits de l'Homme

(B).

A. La quête de l’amélioration des

conditions matérielles d’existence Les déséquilibres économiques entre les

pays sont notoires. Certains savent valo-

riser leur capital humain, leur potentiel,

ou possèdent des sources d’énergie ou

des minerais précieux qui peuvent per-

mettre d’avoir une économie de rente. À

l’inverse, d’autres ne savent pas créer

les conditions permettant l’essor éco-

nomique ou ne parviennent pas à valori-

ser leur atouts. Constatant ces écarts, et

lorsqu’il n’y a guère d’espoir

d’amélioration au pays, l’explication de

la migration internationale la plus

simple, la plus immédiate et sans doute

la plus proche du sens commun est de

dire que les gens vont la où ils peuvent

améliorer leur condition de vie et leur

qualité de vie. Le lien en surbrillance

entre la migration et le développement

est celui selon lequel les populations

incitées par le souci d’amélioration des

conditions matérielles d’existence vont

des zones économiquement plus défavo-

risées vers celle économiquement pros-

pères57

. Dans cette perspective, il con-

vient aisément que les inégalités dans la

répartition géographique des richesses et

du travail sont parmi les déterminants

essentiels de l’émigration des popula-

tions les plus défavorisées58

. Les mi-

grants sont donc des êtres rationnels qui

vont vers les régions où il existe une

chance de mieux gagner leur vie ; à

condition que les Droits de l'Homme y

soient respectés.

B. La quête d’une meilleure protec-

tion des droits de l'Homme

La violation des Droits de l'Homme est

à la source du phénomène migratoire. Si

beaucoup de déplacés ont librement

57 En 2001, le rapport sur le développement humain

du PNUD indiquait que plus de 21 000 médecins

nigérians exerçaient aux Etats-Unis. Il y aurait au total plus de cadres africains qui travaillent aux

Etats-Unis qu’en Afrique. en outre, plus 20 000

cadres ou étudiants quittent chaque année l’Afrique. 58 Migration internationale en Afrique de l’ouest face

à la crise, Richard LALOU.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 15

choisi de s’installer ailleurs pour des

raisons variables (familiales, éducatives,

professionnelles, recherche de terres

agricoles ou quête d’un emploi), des

dizaines de millions d’autres sont con-

traints de fuir les périls tels que les

guerres civiles, l’oppression gouverne-

mentale, les soulèvements politiques, les

persécutions ethniques, politiques ou

religieuses, ainsi que les catastrophes

environnementales comme la sécheresse

et la famine : il s’agit là de migrations

forcées ou involontaires59

. En 2009, la

RDC comptait environ 186 mille réfu-

giés dont 3 mille demandeurs d’asile,

principalement en provenance de

l’Angola, du Rwanda, du Burundi de

l’Ouganda, Soudan, Congo, RCA60

.

Plusieurs intellectuels ont également

quitté l’Afrique pour avoir manier une

plume jugée trop sarcastique et saty-

rique dans un contexte politique hostile

à la liberté d’expression. Entre 1961 et

1978, près de 6.000 intellectuels ouest-

africains ont dû fuir leur pays pour se

réfugier aux États-Unis d’Amérique où

ils espéraient être libres. Pour avoir

critiqué ouvertement (dans leurs ou-

vrages) le système totalitaire, certains

écrivains de la région ouest (WOLE

Soyinka, entre autres) ont été contraints

de vivre hors de leurs patries. D’autres

ont fait l’expérience des geôles61

.

Le déficit de développement et les viola-

tions des Droits de l'Homme sont des

facteurs qui dynamisent les flux migra-

toires de l’Afrique vers l’extérieur. Cer-

taines conditions réunies, la migration se

mue en outil de croissance en même

temps qu’un ferment d’amélioration des

Droits de l'Homme.

II. Migration : facteur de développe-

ment et d’amélioration des droits de

l'Homme. L’impact positif de la migration sur le

développement (A) est conditionné par

le respect des droits et libertés des mi-

grants (B).

A. Impact de la migration sur le déve-

loppement

59 Institut Panos Afrique de l’Ouest, les migrations forcées en Afrique de l’Ouest, 2005. 60 UNHCR, 2010. 61L’écrivain nigérian CHINUA ACHEBE en fournit l’exemple. Il a été persécuté par les autorités poli-

tiques de son pays après la parution, en 1966, de son

roman sarcastique intitulé A Man of the People, dont la version française – parue aux Éditions Abidjan –

s’intitule Le Démagogue. Le livre dénonce, en effet,

les dérives autoritaires d’un chef d’État africain ; c’est aussi une critique sociale des politiciens cor-

rompus d’Afrique. Achebe s’est exilé aux États-Unis.

Migration et développement sont des

phénomènes complexes et intiment

connectés62

. Selon qu’on situe l’analyse

du point de vu du pays d’origine ou du

pays d’accueil, la migration impacte le

développement à plusieurs niveaux.

Vue du pays d’origine, l’incidence de la

migration sur le développement entre-

tient des nuances. Il est postulé que la

migration appauvri le pays d’origine en

le vidant de son capital. Cet exode des

cerveaux et de la main d’œuvre consti-

tue un manque à gagner qui tire la crois-

sance vers le bas. Cependant, bien enca-

drée, la mobilité de la main-d'œuvre a

une incidence positive sur le dévelop-

pement, de diverses façons et à divers

niveaux.

La migration peut avoir pour effet de

résorber le chômage, accroître les reve-

nus, améliorer le niveau de vie, renfor-

cer le potentiel par exemple grâce à une

meilleure éducation. Les fonds envoyés

au pays par les migrants, à leur tour,

peuvent aider les individus, les familles

et les communautés à sortir de la pau-

vreté. Les rapatriements de fonds consti-

tuent une source importante de flux

financiers vers la région ; ils ont triplé

depuis 1990 pour atteindre plus de 12

milliards de dollars E.-U. en 2008. Pour

le Maroc et le Sénégal, ils représentaient

8 pour cent au moins du PIB63

. Ces flux

peuvent contribuer directement au déve-

loppement en appuyant les revenus dans

les pays d'origine, et indirectement dans

la mesure où les rapatriements de fonds

contribuent à soutenir l'éducation, l'in-

frastructure et l'investissement dans le

secteur privé. La mobilité des travail-

leurs contribue également au dévelop-

pement national. Dans les pays d'ori-

gine, les fonds envoyés par les migrants

peuvent aider à atteindre les objectifs de

développement nationaux et un solde

budgétaire positif64

.

Les pays de destination tendent à tirer

profit des migrations en ce sens que

l’afflux de travailleurs peut aider à ré-

pondre aux pénuries de main-d'œuvre

qualifiée ainsi qu'au vieillissement de la

population ; contribuer à la reprise po-

tentielle de nombreux secteurs tradition-

62 Séminaire de l’OIM sur la migration et le

développement, Genève, 1992. 63 Faire des migrations un facteur de développement, institut international d’études sociales, 2010. 64 Le montant global des transferts habituellement

reçu par les autorités maliennes ainsi que par les partenaires au développement est de 180 millions

d’euro (120 milliards de FCFA/ an). XVIe

Assemblée régionale d’Afrique, Communication de la section malienne, « la problématique de la

migration en Afrique :le cas du mali ».

nels tels que l'agriculture et les services ;

et participer au financement des pro-

grammes de retraite et autres mesures de

sécurité sociale. Dans le même temps, il

convient de pondérer ces bénéfices en

fonction de l'impact ou des consé-

quences perçu(es) que la présence des

travailleurs migrants peut avoir sur le

marché du travail des pays de destina-

tion, ce qui soulève d’importantes ques-

tions liées aux Droits de l'Homme.

B. L’amélioration des droits de

l'Homme entre migration et dévelop-

pement L’absence de protection des Droits de

l'Homme entrave le potentiel de déve-

loppement humain de la migration65

.

Les Droits de l'Homme garantissent le

respect des capacités, des libertés et des

responsabilités, c’est pourquoi ils per-

mettent le développement de chaque

personne comme celui de chaque socié-

té. Chaque droit de l’homme est à la fois

une fin et un moyen du développement

personnel et social. Car la réalisation de

chaque droit, liberté et responsabilité

permet le développement d’une res-

source humaine, capable de participer au

respect des équilibres civils, culturels,

écologiques, économiques, politiques et

sociaux. Développement personnel et

développement des sociétés sont insépa-

rables66

. Il est donc impératif, pour

qu’après la migration le développement

suive, que les droits des migrants où

qu’ils soient, soient respectés : lutte

contre le trafic des migrants, la xéno-

phobie, la discrimination, le racisme...

C’est sans doute à la faveur de cette

optique qu’il existe une panoplie de

textes protégeant les droits des mi-

grants67

.

Conclusion

La migration contribue au développe-

ment tant des pays de destination que

des pays d’origine en même temps

65 Les Droits de l'Homme, frein ou moteur au développement ? François A. DE VARGAS,

itinéraire, leçon inaugurale n°6, 2004. 66 Selon la définition qu’Amartya Sen donne du développement : « Pour l’essentiel, j’envisage ici le

développement comme un processus d’expansion des

libertés réelles dont les personnes peuvent jouir. De cette façon, l’expansion des libertés constitue à la

fois, la fin première et le moyen principal du

développement, ce que j’appelle respectivement le « rôle constitutif » et le « rôle instrumental » de la

liberté dans le développement ». Amartya SEN, Un

nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté. 1999, Chapitre 8, p.

56. 67 Il existe plus de 9 traité fondamentaux relatifs aux Droits de l'Homme auxquels s’ajoute des traités

particuliers.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 16

qu’elle déclenche des problématiques

relatives aux Droits de l’Homme. Le

lien entre migration, développement et

Droits de l'Homme peut être résumé de

la façon suivante : la migration est

source de développement à condition

que les Droits de l'Homme soient res-

pectés, le développement est source

d’amélioration des Droits de l'Homme et

rééquilibre les migrations. Alors « Il

faut arrêter de faire du répressif, du

sécuritaire ou même de la gesticulation

et de la diabolisation du phénomène

migratoire. « Ce n’est ni un phénomène

pervers, ni un phénomène criminel. Considérons – le et traitons- le comme

un phénomène naturel qu’il faut accom-

pagner, modaliser et positiver »68

.

MEFEUZA TSOFACK

Carlos Dumas

Doctorant à l’APDHAC/UCAC

Les liens entre migration, développe-

ment et droits de l’homme

Depuis la nuit des temps, les migrations

sont pour l'homme une manière coura-

geuse de manifester sa volonté de sur-

monter l'adversité et d'avoir une vie

meilleure69

. La révolution dans les do-

maines du transport et de la communica-

tion, ainsi que la mondialisation des

économies ont, plus que jamais, trans-

formé la perception de ce phénomène.

Les questions en matière d’asile, de

migration et de mobilité occupent une

place de choix parmi les missions assi-

gnées aux objectifs du millénaire pour le

développement70

. On se déplace plus

vite, plus loin ; dans le village le plus

isolé d’Afrique noire, on voit des

images de l’Europe prospère qui font

rêver. Mais les pays les plus convoités

tendent à se fermer pour préserver leur

niveau de vie, voire leur identité que

mettrait en péril la venue de populations

différentes par la culture, la langue, le

mode de vie, la religion, la couleur de la

peau ou les vêtements71

. Dans ce con-

68 Louis MICHEL, Commissaire Européen au Développement, décembre 2006. 69 Dialogue de haut niveau sur les Migrations interna-

tionales et le développement, Assemblée générale des Nations Unies, 14 et 15 septembre 2006, Le point

sur les migrations internationales, Rapport du Secré-

taire général (A/60/871), http://www.un.org/french/migration/background.htm

l. 70 Observatoire ACP sur les migrations, Rapport de la première réunion du Forum mondial sur la

migration et le développement, Belgique, du 9 au 11

juillet 2007 Bruylant Bruxelles, 2008, p. 48. 71 Alexandre PAPA FAYE, Migration et développe-

ment : de l’immigration subie à l’immigration choi-

texte, il est important de s’interroger sur

les liens que peuvent entretenir migra-

tions, développement et les droits de

l’homme. Pour mieux appréhender la

réponse à ce questionnement, il convient

d’envisager d’une part, le lien entre

migration et développement (I) et

d’autre part, le lien entre migration et

droits de l’homme (II).

I. La migration : un facilitateur du

développement pour les pays

d’origine et de destination L’impact de la migration sur le dévelop-

pement des pays d’origine réside essen-

tiellement dans les envois de fonds par

les migrants. Le rôle que jouent les en-

vois de fonds dans la réduction de la

pauvreté et leur contribution au déve-

loppement local, sous-régional, et natio-

nal est indéniable. Selon les estimations

de la Banque mondiale, les transferts

monétaires officiellement enregistrés

dans le monde représentaient un total

approximatif de 406 milliards de dollars

en 2012, soit une croissance de 6,5 %

par rapport à l'année précédente. La

Banque mondiale estime en outre que

les transferts de fonds pourraient at-

teindre 534 milliards de dollars d'ici

2015. Environ 325 milliards de dollars

de transferts monétaires vont aujourd'hui

vers les pays en développement. Dans

de nombreux pays, les transferts repré-

sentent une proportion importante du

produit intérieur brut (PIB)72

. Il est im-

portant de noter qu'il existe aussi un

important flux de versements en dehors

des mécanismes officiels, par exemple

par des contacts personnels, des

échanges informels ou des intermé-

diaires commerciaux comme Western

Union ou encore Moneygram. Enfin, il a

été estimé, en 2005, qu'entre 10 et 29 %

des envois de fonds reçus dans les pays

de l'hémisphère Sud sont envoyés par

des migrants également situé dans l'hé-

misphère Sud73

.

Au-delà de la réduction de la pauvreté

aux niveaux individuel et familial, il a

été découvert que les envois de fonds

contribuent plus largement au dévelop-

pement durable, et ce de plusieurs ma-

nières. Les envois de fonds peuvent

sie, in http://cadtm.org/Migration-et-developpement-

de-l, (consulté le 22/12/2013) 72 L'Organisation internationale pour les migrations,

Vers le dialogue de haut niveau sur les migrations

internationales et le développement de 2013, Rapport final des séries de dialogues de haut niveau, 2013, p.

23. 73 Ratha DILIP, W. SHAW, South-South Migration and Remittances, Banque Mondiale, Washington,

D.C., 2007.

contribuer à la formation de capital

humain. Une variété d'études nationales

et d'études comparatives internationales

a démontré que les envois de fonds sont

souvent ensuite investis dans l'éduca-

tion. Les envois peuvent également

contribuer au développement écono-

mique des régions rurales, en fournis-

sant par exemple un flux de capitaux

aux petites exploitations agricoles si-

tuées dans les zones rurales périphé-

riques. Les envois de fonds peuvent

engendrer des effets multiplicateurs au

sein de l'économie locale74

. Ils peuvent

également contribuer à la réalisation des

objectifs nationaux de développement.

Un examen approfondi des données

prélevées dans 71 pays a établi une forte

corrélation entre les envois de fonds et

la réduction de la pauvreté. Dans cet

examen, il est estimé qu'au niveau na-

tional, une augmentation de 10 % des

envois par habitant entraine une diminu-

tion de 3,5 % du nombre de personnes

vivant dans la pauvreté75

.

Au niveau macro-économique, lorsque

les fonds sont reçus à une échelle impor-

tante, ils peuvent aider à maintenir une

balance des paiements positive, mais

aussi aider les pays en développement à

maintenir une économie stable, à aug-

menter les réserves de change, et à rem-

bourser la dette. C'est de ces manières

que les envois de fonds ont contribué à

atténuer les répercussions de la crise

financière mondiale dans un certain

nombre de pays en développement, et

ont également servi d'« amortisseur »

suite aux catastrophes naturelles et aux

guerres civiles76

. Enfin, les emprunts

obligataires de la diaspora sont un autre

outil pour permettre aux pays en déve-

loppement de collecter les financements

externes «bon marché», en profitant de

ce que la diaspora, qui a une plus grande

tolérance aux risques de change, abais-

sera les coûts de l’emprunt. Les gouver-

nements pourront ainsi financer des

projets de développements sociaux im-

portants ayant un retour économique

très faible tels que les habitations, les

projets communautaires, etc.77

.

Mais, alors que les transferts et la con-

sommation pourraient booster la crois-

sance, ils peuvent aussi être néfastes,

74 L'Organisation internationale pour les migrations, op. cit., p. 24. 75 Adams, R.H, J. Page, Do international migration

and remittances reduce poverty in developing coun-tries? World Development, 2005, 33(10):1645-69. 76 PNUD, Towards Human Resilience, New York,

2011. 77 Observatoire ACP sur les migrations, op. cit., p.

118.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 17

dépendant du vaste contexte écono-

mique du pays bénéficiaire. Par

exemple, l’argent utilisé pour la con-

sommation peut, dans certains pays,

permettre en majorité l’achat des biens

importés, ce qui limite la contribution au

développement de l’économie nationale.

Ceci est un autre exemple de ce qui peut

arriver lorsqu’il y a absence

d’infrastructures adéquates pour faire le

lien entre les transferts et le développe-

ment équitable. Leur impact positif par

conséquent dépend de l’existence d’un

secteur privé domestique solide78

.

Dans le pays de destination, les migrants

qualifiés peuvent combler des lacunes

importantes sur le marché du travail, et

stimuler l'innovation. Aux États-Unis,

des recherches ont prouvé que les immi-

grants sont 30 % plus susceptibles de

former de nouvelles entreprises que les

citoyens nés aux Etats-Unis. En fournis-

sant une « main-d'œuvre souple », les

migrants moins qualifiés peuvent ré-

duire les coûts du travail pour les em-

ployeurs qui, à leur tour, pourront con-

server des prix bas pour les consomma-

teurs79

. Il apparaît que la migration

augmente relativement les sources de

revenus, les possibilités d'emploi et les

revenus financiers, moins pour les mi-

grants situés dans les pays en dévelop-

pement que pour ceux qui se trouvent

dans les pays développés.

Pour les pays de destination avec un

vieillissement et une prévision de crois-

sance négative de la population, les

travailleurs migrants peuvent aider à

répondre à des pénuries de main-

d’œuvre et permettre à l'économie na-

tionale de gagner en efficacité, réduisant

ainsi le coût des produits pour les con-

sommateurs domestiques et renforçant

la compétitivité des exportations. La

mobilité de main-d’œuvre entrante peut

diminuer le recours à l'externalisation, et

peut réduire les destructions d'emplois

locaux. Et malgré les inquiétudes con-

cernant l'effet contraire, il a été démon-

tré que la migration est un phénomène

qui a un effet négatif minime sur les

salaires et l'emploi dans les pays d'ac-

cueil80

. Lorsqu'elle est correctement

gérée, la mobilité de la main-d’œuvre

peut donc contribuer à la mise en œuvre

de stratégies pour assurer le dynamisme,

la flexibilité et la compétitivité de l'éco-

nomie des pays de destination.

78 Ibid, p. 116. 79 L'Organisation internationale pour les migrations,

op. cit, p. 28-29. 80 OIM, Rapport mondial sur la migration 2005,

Genève, 2005.

Ces liens tissés entre la migration et le

développement seront renforcés par le

respect des droits de l’homme.

II. Le respect des droits de l’homme :

renforcement des liens entre migra-

tion et développement Historiquement, les migrants ont sou-

vent été privés de leurs droits et soumis

à des mesures et actions discriminatoires

et racistes, dont notamment

l’exploitation, les expulsions de masse,

les persécutions et autres exactions. Les

violations des droits des migrants sont

monnaie courante tant dans les pays de

transit que de destination81

. Mais on le

sait, la politique d’immigration repré-

sente, pour tous les Etats, un enjeu tel-

lement important que ces derniers

n’hésitent pas à violer les dispositions

qui encadrent cette matière82

. Les évé-

nements du 11 septembre 2001 ont accé-

léré le processus d’érosion des droits

fondamentaux des étrangers qui se trou-

vent désormais associés à la menace

terroriste. Le contrôle de leurs mouve-

ments relève maintenant d’une logique

sécuritaire, voire militaire, nécessitant

des alliances stratégiques entre les Etats

et le déploiement de moyens techniques

sophistiqués83

. Pourtant, l’individu est

au centre de toute migration et cet indi-

vidu est protégé par le droit en sa double

qualité de migrant et de travailleur. Ce

double aspect fut particulièrement pris

en compte par les derniers développe-

ments normatifs intervenus en la matière

au niveau universel, à savoir la Conven-

tion des Nations Unies de 1990 sur la

protection des droits de tous les travail-

leurs migrants et des membres de leur

famille84

.

Si Cummins et Rodriguez relèvent que

« plus il coûte à un employeur d'embau-cher un travailleur migrant, et plus les

droits du travailleur migrant s'accrois-

sent, moins l'employeur est susceptible

81 Migration et droits de l’homme, Réunion d’experts

sur la migration et le développement, Alger, Algérie 3-5 avril 2006, Union Africaine, Aide-mémoire. 82 Alexandre PAPA FAYE, Migration et développe-

ment : de l’immigration subie à l’immigration choi-sie, in http://cadtm.org/Migration-et-developpement-

de-l, (consulté le 22/12/2013) 83 François CRÉPEAU, Delphine NAKACHE, Idil ATAK, Les droits des étrangers menacés par les

contrôles migratoires, L’Institut National de Statis-

tique et d’Economie Appliquée (INSEA, Rabat) et la Chaire de recherche du Canada en droit international

des migrations (Université de Montréal), l’Université

Ouverte 2007 sur le thème : Migration, droits de l’homme et développement, Rabat, du 27 au 30 Mars

2007, p. 107. 84 R. PERRUCHOUD, Migrations et protection des droits de l’homme, n°3, Droit international de la

migration, p. 71.

d'employer des travailleurs mi-

grants »85

, force est de constater que la

protection des migrants protège aussi les

travailleurs locaux en décourageant les

employeurs de recruter des migrants

parce qu'ils sont moins protégés. De

plus, il existe une forte corrélation entre

les droits des migrants et leur capacité à

contribuer au développement. Un grand

nombre de migrants ne suffit pas néces-

sairement à conduire au développement,

ce qui compte, c'est la protection des

droits de l'individu, de son bien-être et

de sa santé afin de renforcer la capacité

du migrant à accéder à un travail décent,

à développer son potentiel, et à écono-

miser de l'argent pour l'envoyer au pays.

Bien plus encore, un traitement diffé-

rencié pour les migrants et les travail-

leurs locaux saperait la base des sociétés

qui sont construites sur la non-

discrimination et des droits de l'homme,

et en particulier les sociétés multicultu-

relles et multiethniques86

.

Le respect pour les droits des migrants

sous-tend et renforce les liens positifs

pouvant être tissés entre les migrations

et le développement. La protection des

droits des migrants tant dans les pays

d’origine (avant le départ) et de destina-

tion est d’une importance fondamentale

pour réaliser son plein potentiel. En

effet, au-delà de l’impératif moral, la

protection des droits des travailleurs

migrants favorise l’efficacité et le coût-

efficacité, puisqu’un environnement

antidiscriminatoire permet aux femmes

et hommes migrants de déployer leur

plein potentiel. Il leur permet

d’améliorer leurs revenus et les condi-

tions de vie de leur famille, d’accroître

leurs contributions au développement et

de renforcer leur participation écono-

mique, culturelle et sociale dans les pays

d’origine et de destination. Refuser ou

entraver l’accès aux droits des migrants

comporte un risque élevé se traduisant

par une exclusion sociale et écono-

mique, portant de graves conséquences

pour eux-mêmes aussi bien que pour

leurs communautés d’accueil que celles

de leur origine.

Il faut bien comprendre que les droits

des migrants ne sont pas importants

seulement en raison de la nécessité et de

l’obligation de protéger les êtres hu-

mains, mais aussi en raison du lien qui

85 M. CUMMINS, F. RODRIGUEZ, “Is there a

numbers versus rights trade-off in immigration policy? What the data say”, Journal of Human

Development and Capabilities, 2010, 11 (2): 281-

303. 86 L'Organisation internationale pour les migrations,

op. cit, p. 98.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 18

existe entre ces droits et le développe-

ment. On s’est rendu compte que

l’absence de protection des droits de

l’homme entravait le potentiel de déve-

loppement humain de la migration,

même si c’est encore loin d’être le cas

aujourd’hui. La protection et le respect

des droits humains des migrants, tels

qu’établis par la législation internatio-

nale, régionale et nationale, sont néces-

saires pour s’assurer que les individus

vivent en sécurité et mènent une vie

productive, mais aussi pour veiller au

respect de l’Etat de droit et à l’existence

d’une société productive et qui fonc-

tionne bien dans son ensemble.

Il est ainsi primordial de protéger les

migrants et de leur assurer des condi-

tions de travail décentes dans un monde

où les droits découlent encore souvent

de la nationalité. Ceci pointe vers le

besoin d’une meilleure intégration des

migrants dans les pays de destination et

interpelle, parmi les mesures à prendre,

l’encouragement de la double citoyenne-

té afin de protéger les droits des mi-

grants et de faciliter leur intégration

dans les pays de destination, tout en leur

permettant d’entretenir des liens avec

leur pays d’origine. Cette façon de faire

pourrait aussi favoriser le développe-

ment dans le pays d’origine de diverses

manières (en facilitant la mobilité trans-

frontalière de la main-d’œuvre et en

augmentant les transferts de fonds des

émigrés).

Charles M. DONGMO GUIMFAK,

Avocat, Doctorant,

Universités de Poitiers/

Catholique d’Afrique centrale (co-

tutelle)

Les migrations internationales et dé-

veloppement du Cameroun : Une

perspective du Co-développement

Selon le Rapport de l’Organisation In-

ternationale de la Migration (OIM) de

2009, la mobilité internationale est au-

jourd’hui reconnue comme facteur de

développement87

. Partant du postulat

selon lequel la diaspora se définie

comme « un état de dispersion d’un

peuple ou d’un groupe ethnique à tra-vers le monde »

88, le Cameroun compte

une forte représentation diasporique qui

ne cesse de croitre. Selon Jean Pierre

GUENGUANt, « […] le problème posé

réellement par les migrations interna-

87 Roger Charles EVINA, Migration au Cameroun profil national, OIM, 2009, p.85. 88 Glossaire OIM N˚9, 2007.

tionales […] pourrait bien être, non pas

celui de leur arrêt, mais celui de leur régulation»

89. En effet, exiger un arrêt

ou une réduction des migrations interna-

tionales dans le contexte actuel de la

mondialisation des échanges pourrait

être considéré comme paradoxal.

Quelles sont ainsi les stratégies à adop-

ter pour réguler les migrations interna-

tionales dans une optique de maximisa-

tion de leurs effets positifs90

et de mini-

misation de leurs effets négatifs91

tant au

Cameroun92

que dans les pays d’accueil

?

La grille d’analyse jugée adéquate pour

l’interprétation de données collectées

relève des Relations internationales. De

manière plus précise, il sera question

d’employer l’objectivisme qui permettra

d’énoncer les nécessités sociales et les

mesures adoptées pour les résoudre.

Selon Fanny Pigeaud, 20 000 infirmiers

africains et docteurs émigrent chaque

année vers les pays occidentaux. Il en

est de même dans le secteur éducatif,

chaque année 5000 jeunes diplômés

sortent de l’université plusieurs choisis-

sent de poursuivre leurs études à

l’étranger. La France est la destination

de premier choix de la majorité des

migrants camerounais, ces derniers

étaient estimés en 1999 à 32 541 per-

sonnes. En 2005, ils sont estimés à 45

000 personnes93

. En 2007, le nombre

d’émigrés camerounais était estimé à

170 363 de par le monde94

.

Tableau : Emigrants camerounais,

par pays de destination, 1995-2005 PAYS EFFECTIFS %

France 38 530 23

Gabon 30 216 18

Nigeria 16 890 10

Etats-Unis 12 835 8

Allemagne 9 252 5

Tchad 5 135 3

Centrafrique 5 103 3

Congo 4 312 3

Burkina Faso 3 513 2

Royaume-Uni 3 468 2

Autres 41 109 23

Total 170 363 100

Source: OIM, 2009.

89 Jean-Pierre GUENGANT, « Migrations internatio-nales et développement : Les nouveaux para-

digmes », in Revue européenne de migrations inter-

nationales, vol. 12, n°2, 10ème anniversaire, p. 107-121. doi : 10.3406/remi.1996.1069, p.108. 90 Accélération du processus de développement

socio-économique. 91 Durcissement des législations migratoires et recru-

descence des actes de xénophobie. 92 Pays de départ. 93 Voir l'Institut National de la Statistique et des

Etudes Economiques. 94 Fanny PIGEAUD, « Cameroun : les citadins précédent les ruraux », Défis du Sud n° 77 – Bimes-

triel – mai, 2007.

Ce tableau présente l’effectif important

de la diaspora camerounaise. Il est im-

portant de mentionner qu’il ne s’agit là

que de chiffre estimatif. Ce qui justifie-

rait la variation des effectifs selon les

sources.

Tableau : Etudiants camerounais

dans l’enseignement supérieur à

l’étranger, par pays, 2000- 2006 Pays 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

France 3 279

3 315 3 563 4 612 4 963 5 043 5 387

Allemagne 3 628

4 141 4 464 4 896 5 332 5 393 -

Italie 665

745 679 897 1 041 1 364 1 405

Etats-Unis 834

754 967 1 171 1216 1 425 168

Autres pays 1 224 1 302 1 640 1 787 1 153 1 870 1 540

Source: OIM, 2009.

Selon Yves Alexandre CHOUALA,

lorsque le nombre de la diaspora devient

de plus en plus considérable, elle consti-

tue une conjoncture favorable à

l’affirmation nationaliste au sein des

pays d’accueil. Cette affirmation natio-

naliste glisse parfois dans la xénophobie

qui à son tour a une incidence considé-

rable sur les relations internationales et

régionales.

La diaspora joue un rôle central dans les

politiques d’influence et de puissance

des Etats. A l’instar du Cameroun, ce

dernier jouit d’une espèce d’influence

structurelle sur ses voisins gabonais et

équato-guinéen, avec plus de 50 000

camerounais sur son sol maitrisant les

secteurs vitaux et sensibles comme le

marché des vivres, le transport urbain, le

secteur non formel, etc. Par ailleurs, le

renforcement de la « politique promo-

tionnelle de l’Etat camerounais »sur la

scène internationale et sous régionale

dans l’optique d’une amplification des

gains matériels et symboliques prove-

nant du phénomène migratoire ou dias-

porique.

Considérant la question migratoire in-

ternationale dans son nouveau contexte

qui est celui de vecteur de croissance

économique et source de développement

social, l’impact des activités écono-

miques de la diaspora est de plus en plus

important sur les conditions de vie des

populations camerounaises. Selon le

rapport de l’OIM de 2009, les transferts

de fonds des camerounais vers leur pays

d’origine ont considérablement aug-

menté depuis 2001. Ceci est visible par

la multiplication des compagnies finan-

cières spécialisées dans les transferts de

fonds au Cameroun. La retombée de ce

fait est la stimulation de l’activité éco-

nomique du pays par l’initiation des

projets et autres activités génératrice de

revenus, ce qui contribue à la lutte

contre la pauvreté et pour la création

d’emploi. Par ailleurs, l’envoi des fonds

réduit la perte de devises causée par les

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 19

déficits de la balance des paiements.

Selon Tousse JUTEAU, la somme men-

suelle transférée par un camerounais

résidant aux Etats-Unis d’Amérique au

pays, est évaluée en moyenne à 150

dollars américains soit 90 000 francs

CFA95

.Ces transactions sont dites plus

productives que l’aide publique au déve-

loppement qui n’atteint pas toujours les

populations cibles. Par contre, les trans-

ferts d’argent sont personnalisés et dans

la plupart des cas ont pour but la prise

en charge des frais médicaux, la scolari-

sation, au paiement des loyers ou l’achat

des biens de consommation.

Tableau 32 : Transferts de fonds des

Camerounais vivant à l’étranger,

2000-2007 (en millions dollars améri-

cains)

20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

20

08

Envois

de

fonds

de

travail-

leurs

Rému-

néra-

tions

12 7 14

61

98 - -

- -

Sa-

laires

10 10 15 15 5 - - -

Trans-

ferts

mi-

grants

18 3 6 - - - - -

Total 40 20 35 76 10

3

77 13

0

16

7

16

7

Source: OIM, 2009.

Il est important de relever que ce tableau

rend compte uniquement des envois de

fonds enregistrés par les canaux offi-

ciels. Le volume réel de transfert si l’on

tient compte des envois non officiels est

certainement plus élevé. Selon la

Banque mondiale, le montant des envois

de la diaspora camerounaise était évalué

à 103 millions dollar américain en 2005,

soit 2,5% de l’aide publique au déve-

loppement. Aussi, les données de la

Banque mondiale indique que le mon-

tant des fonds transférés passe de 11

millions de dollars américain. en 2000, à

103 millions en 2004 et à 167 millions

en 2008, 0,8% du Produit Intérieur Brut

camerounais. C’est dans la prise en

compte de toutes ces données qu’un

nouveau concept fut élaboré par la

Communauté scientifique : le «Co-

développement ». Ce dernier consiste à

énoncer des mesures de facilitation pour

tout migrant96

désirant créer une activité

95 Tousse JUTEAU, « Diaspora, développement et

rayonnement international de l’Etat d’origine : cas de la diaspora camerounais aux Etats-Unis », Mémoire

de fin d’études, Institut des Relations internationales

du Cameroun, 2005. 96 Hommes d’affaire, universitaires, médecins,

ingénieurs, etc.

génératrice de revenus ou des projets

sociaux97

ou de faire profiter de leurs

compétences, connaissances et réseaux

de relation98

.

NZINO MUNONGO

Victorine Ghislaine

Chercheure - Researcher

MINRESI / CNE

Les conséquences des mouvements

migratoires (conséquences politiques,

économiques et socio- culturelles) en

période de conflits armés

Depuis la fin de la guerre froide, la vraie

menace pour le monde aujourd’hui n’est

plus le communisme. Des phénomènes

nouveaux ont émergé tels que le terro-

risme, la criminalité transfrontalière, la

piraterie maritime, les conflits armés.

Ceux-ci sont d’autant plus préoccupants

qu’ils ne sont plus seulement l’affaire

des Etats, mais aussi d’autres acteurs

(groupes d’individus, organisations

islamiques, organisations à caractères

politiques et économiques, multinatio-

nales). Il s’ensuit, curieusement que, le

monde n’a jamais retrouvé la paix et la

sécurité internationale, comme

l’espéraient certains auteurs après la

chute du mur de Berlin. Malgré les mul-

tiples efforts que fournissent les pou-

voirs publics nationaux en collaboration

avec les organisations internationales

(ONU), régionales (UA) et sous régio-

nale (CEDEAO), on assiste depuis plu-

sieurs années sur la scène mondiale à de

nombreux conflits armés dus à des

causes multiples avec entre autres les

contestations post électorales (RCA,

Egypte…), les différends frontaliers

(Cameroun-Nigéria), les modifications

de la constitution (Niger, Cameroun), la

violation des droits de l’homme (RCA,

Mali) et bien d’autres.

Un conflit armé peut opposer les forces

armées d’au moins deux Etats et on

parlera de conflit armé international par

opposition au conflit armé non interna-

tional qui oppose, sur le territoire d’un

même Etat, les forces armées régulières

à des groupes armés identifiables, ou

des groupes armés entre eux. Pour être

qualifiées de conflit armé non interna-

tional, les hostilités doivent atteindre un

certain degré d’intensité et se prolonger

97 Ecoles, dispensaires, etc. 98 Jérôme AUDRAN, « Gestion des flux migratoires : réflexions sur la politique française de Co-

développement », Annuaire suisse de politique de

développement [En ligne], vol. 27, n°2 | 2008, mis en ligne le 22 mars 2010, Consulté le 11 mars 2012.

URL : http://aspd.revues.org/187, p. 4.

un certain temps99

. La conséquence

immédiate des combats et du manque de

sécurité est le déplacement massif des

populations civiles vers les régions plus

calmes. Lorsqu'elles franchissent une ou

plusieurs frontières pour gagner un pays

d'accueil, ces populations en fuite pren-

nent le statut de « réfugiés »; si elles

demeurent dans leur pays d'origine, ces

populations seront alors qualifiées de

« personnes déplacées à l'intérieur de

leur propre pays »100

. Cette consé-

quence se décline aussi diversement et

se manifeste aussi bien sur le plan poli-

tique et socioculturel (I) que sur le plan

économique (II).

I. Incidences politiques et sociocultu-

relles du déplacement des populations

en période de conflits armés

Le déplacement massif des populations

vers d’autres régions a pour principale

cause la guerre. Ce déplacement en-

traine plusieurs conséquences. Dans un

premier temps, nous mettrons en lu-

mière les impacts de ce phénomène sur

le plan politique (A). Ensuite, nous pré-

senterons l’impact socioculturel d’un tel

phénomène (B).

A. Impacts politiques Les conflits armés occasionnent des

mouvements migratoires incontrôlés de

la population. Une forte population des

refugiés déplacés s’ajoutent à la popula-

tion autochtone créant ainsi un risque

énorme de désorganisation des Etats

voisins. La criminalité transfrontalière

en est l’une des conséquences majeures.

Elle implique que ces Etats redéfinissent

leurs politiques sécuritaires et prennent

des mesures d’accueilles qui s’imposent

en fonction de leurs moyens, des intérêts

et enjeux en présence et conformément à

leurs engagements internationaux.

A long terme, l’émigration à des consé-

quences sur la politique intérieure du

pays en crise, notamment la gestion post

conflit (réinstallation des populations,

organisations de nouvelles élections,

légitimité de l’équipe dirigeante).

Au-delà des incidences politiques, le

déplacement massif des populations

99 CICR, « Droit International Humanitaire ; réponses à vos questions », 2e éd., février 2004, p. 5. 100 Bob CHECHABO BALOKO, Impact

environnemental du déplacement des populations en situation de conflit armé : cas des réfugiés la

République Démocratique du Congo, mémoire

présenté en vu de l’obtention du Master pro (M2) en Droit International et Comparé de

l'Environnement 2007, Limoges / Faculté de Droit et

des Sciences économiques - Source : http://www.mémoireonline.com/08/09/2620,

(consulté en janvier 2014)

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 20

soulève d’importants et cruciaux enjeux

socioculturels.

B. Impacts socioculturels

Moins délibérés, mais toujours dévasta-

teurs, sont les effets des mouvements

migratoires sur le plan socioculturel.

Pendant les déplacements, l’on note de

pertes en vies humaines. C’est aussi le

lieu de violation flagrante des droits de

l’Homme (viol de femme, enlèvements,

prise d’otage…).

Par ailleurs, le déplacement des popula-

tions déclenche le processus de solidari-

té internationale. En période de conflits

armés, les organismes internationaux

(CICR, ONU etc.) se mobilisent en vue

d’apporter du soutien aux populations

en détresses. Ceci se matérialise généra-

lement à travers l’aide humanitaire ap-

portée aux victimes de guerres.

Bien que cette aide profite aux victimes,

elle pose néanmoins quelques défis

(impact environnemental, redistribution

de l’aide) qui sont de nature à ralentir

l’activité économique des pays concer-

nés.

II. Incidences économiques des mou-

vements migratoires en période de

conflits armés Il est important d’étudier la consistance

de ces conséquences dans le pays de

départ (A) et dans le pays d’accueil (B).

A. Dans le pays de départ Les principales conséquences de ces

phénomènes sont la fuite des cerveaux

et des investisseurs et le ralentissement

des activités économiques.

L’expression « fuite des cerveaux » a

été d’abord utilisée pour décrire

l’émigration des ingénieurs et des scien-

tifiques britanniques partis aux Etats

Unis dans les années 1960 puis a été

étendue au transfert de compétence

entre pays101

. Aujourd’hui elle est l’une

des conséquences des mouvements

migratoires en période de conflits armés

ayant une incidence grave sur

l’économie des pays en voie de déve-

loppement. Pendant les conflits armés,

une grande majorité de civils et plus

particulièrement des travailleurs quali-

fiés se déplace pour trouver refuge ail-

leurs et, si possible, y offrir leur savoir

faire. La fuite des cerveaux est un défi

majeur pour les pays en voie de déve-

loppement car elle entre en conflit avec

les objectifs de développement.

101 Cité par MIENDJEM (I.), Migration internationale des travailleurs, conférence, Université

de Dschang, mars 2011.

Ce phénomène pourrait également avoir

une incidence négative sur les mouve-

ments des capitaux et des investisse-

ments nationaux et étrangers. Les inves-

tisseurs et les entreprises tiennent

compte du climat politique, économique

et social du pays considéré pour décider

d’y investir ou non.

Tous ces phénomènes contribuent au

ralentissement de l’activité économique

du pays en crise entrainant des consé-

quences sur le pays d’accueil.

B. Dans le pays de destination

L’insécurité grandissante dans nos pays

et villes est la conséquence des mouve-

ments migratoires. Les pays riverains

aux pays en crises sont les plus atteints.

Ces pays sont victimes d’insécurité avec

la présence de nombreux sans papiers,

des prises d’otages, le phénomène de

coupeurs de route et de criminalité

transfrontalière (BOKO HARAM). Face

à une telle insécurité, ces pays se trou-

vent dans l’obligation de renforcer la

sécurité aux frontières par un surcroit de

déploiement sécuritaire. Pour prévenir

de tels besoins, certains Etats tel que le

Cameroun procède régulièrement aux

recrutements dans les forces armées et

de défenses, à l’achat et au renouvelle-

ment du matériel sécuritaire. Toute

chose qui vaut un coût considérable à

l’économie de ces pays (plus de dé-

penses militaires conduit à un délaisse-

ment ou un relâchement d’attention en

ce qui concerne d’autres secteurs tels

que la santé, l’éducation, la protection

de l’environnement).

Aussi, cette migration serait l’une des

causes de l’augmentation du taux de

chômage dans les pays de destination.

D’un coté certains estiment que,

l’augmentation de la main d’œuvre par

un apport des migrants qualifiés appor-

tera une baisse des salaires et une aug-

mentation du taux de chômage.

Par contre, d’autres soutiennent que, les

travailleurs migrants complètent les

travailleurs nationaux plus qu’ils ne les

remplacent. Il en résulte que les travail-

leurs migrants améliorent la perfor-

mance économique ; ils peuvent avoir

une incidence sur les salaires des travail-

leurs nationaux mais cette incidence est

faible102

.

Bien plus, la répartition des travailleurs

migrants par profession est pour

l’essentiel très différente de celle des

travailleurs nationaux. Ce qui prouvent

qu’ils ne sont pas en concurrence (les

102 Idem.

maliens qui fabriquent les marmites et

les ont appris aux camerounais, les

tchadiens qui eux, font le gardiennage)

mais en complémentarité.

Par ailleurs, les travailleurs migrants

provoqueraient une élévation du niveau

de consommation qui pourrait entrainer

un niveau d’augmentation de la main

d’œuvre et stimulerait la croissance

économique qui profiterait aux natio-

naux. En apportant leur capacité entre-

preneuriale, les migrants stimulent la

croissance économique dans les pays

d’accueils.

Les conséquences des mouvements

migratoires en période de conflits armés

nous permettent de dresser un portrait de

l’état de guerre qui n’est plus la bienve-

nue au 21e siècle. Les consciences inter-

nationales sont interpellées en vue trou-

ver des voies et moyens pour résoudre et

mettre fin à une telle barbarie.

TCHUENKAM KUISSI Sandrine

Doctorante à l’APDHAC

Actualités de l’APDHAC

Pour sortir de la pseudo fatalité afri-

caine liée au problème migratoire et des

droits de l’homme dans les conflits ar-

més, cette rubrique consacrée à

l’actualité de l’APDHAC vous pré-

sente l’Ecole doctorale régionale Droits

de l’Homme et Droit humanitaire et ses

axes de recherche prioritaires. Ensuite,

sont explicitées les conditions d’entrée

au Master droits de l’homme et action

humanitaire, également possible sous

réserve d’une formation initiale en

droits de l’homme (certificats, sessions,

etc.) et/ou d’une expérience profession-

nelle dans les domaines de la justice, des

droits de l’homme ou de l’action huma-

nitaire. Par ailleurs, le programme de

formation continue, communément

appelé « Certificats et diplômes

d’Université », vise en amont à réaliser

les idéaux de paix et de justice, et à

préparer à différentes carrières, par la

simplification des conditions d’accès, la

richesse et la diversité des modules de

formation. L’APDHAC organise égale-

ment d’autres formations, des manifes-

tations scientifiques, des séminaires, des

conférences, des ateliers… qui tous

promeuvent l'excellence dans la re-

cherche et maintiennent des pro-

grammes d'enseignement de qualité ; à

travers les valeurs d’humanité, d’égalité,

de progrès et de solidarité.

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 21

Doctorat Droits de l’Homme et Droit

Humanitaire

Depuis quelques années, il est possible

pour les titulaires du Master particuliè-

rement méritants de s’inscrire en Docto-

rat « Droits de l’homme et droit humani-

taire » à l’APDHAC/UCAC.

L’école doctorale régionale anime 28

groupes thématiques de recherche re-

groupés dans les 4 parcours spécialisés

du Doctorat. Le doctorant doit s’inscrire

dans un groupe en fonction de son sujet

de thèse :

1. Droit international des droits de

l’homme (Effectivité des conventions

internationales relatives aux droits de

l’homme ; réfugiés, populations dépla-

cées et migrants ; minorités et popula-

tions autochtones ; victimes, responsabi-

lités et réparations ; Démocratie, Etat de

droit, élections, gouvernance et lutte

anti-corruption ; Discriminations, inéga-

lités et violence ; Indépendance de la

justice, accès à la justice, procès équi-

table, délai raisonnable et droits de la

défense, etc.).

2. Droit international de

l’environnement (Effectivité des con-

ventions internationales relatives à

l’environnement ; responsabilité sociale

de l’entreprise ; développement du-

rable ; forêts du Bassin du Congo, codi-

fications, régulations, évaluations et

certifications environnementales ; bio-

diversité et aires protégées ; mondialisa-

tion et changements climatiques, etc.).

3. Droit international humanitaire (Effectivité des conventions internatio-

nales humanitaires, mouvements de la

Croix-Rouge et du Croissant-rouge en

Afrique ; intégration du droit internatio-

nal humanitaire dans les législations

nationales ; sociétés militaires privées et

droit international humanitaire ; sécurité

humaine et droit humanitaire ; droit

international humanitaire et opérations

de paix ; action humanitaire et recons-

truction, etc.).

4. Droit international pénal (Effectivi-

té du droit international pénal ; intégra-

tion des crimes internationaux dans les

législations pénales ; coopération entre

les juridictions internationales et les

Etats africains ; responsabilité pénale

internationale ; victimes et réparations

des crimes internationaux ; procès pénal

international ; droits de la défense et

preuves dans le procès pénal internatio-nal, etc.

L’école doctorale régionale entend no-

tamment revaloriser l’activité scienti-

fique au sein des universités d’Afrique

centrale dans les domaines des droits

de l’homme et du droit humanitaire, et

encourager la mobilité académique et

les réseaux thématiques structurés sur

les ateliers doctoraux. Il est prévu

l’organisation de trois ateliers :

- Les ateliers de recherche ont pour

objectif d’initier les doctorants à la re-

cherche scientifique. Le but est

d’accompagner le doctorant à publier au

moins un article scientifique par an

durant sa formation doctorale. Il s’agit

également d’encourager les doctorants à

participer aux manifestations scienti-

fiques.

- Les ateliers méthodologiques ont

pour objectif d’accompagner les docto-

rants dans la réalisation de leurs thèses.

Le but est de guider le doctorant dans

les procédures scientifiques du docto-

rat à savoir : l'admission définitive, la

confirmation, la soutenance privée et la

soutenance publique. Il s’agit également

d’initier les doctorants à différents outils

et techniques de recherche, et

d’encourager l’usage de l’anglais.

- Les ateliers de professionnalisation permettent aux doctorants, dès leur pre-

mière année de thèse, de rencontrer des

professionnels. Ces ateliers ont pour

objectifs de donner les outils nécessaires

à l’obtention d’un stage doctoral ou d’un

emploi, dans la sous-région et ailleurs. Il

s’agit de valoriser les compétences en

mettant en forme et en mots les expé-

riences vécues.

Des séminaires doctoraux proposés par

le directeur du doctorat comportant,

outre les situations d’ateliers ci-dessus,

la discussion d’apports de chercheurs

confirmés ayant travaillé dans des do-

maines proches des préoccupations des

membres du séminaire. Les séminaires

doctoraux comprennent des séminaires

fondamentaux, complémentaires et op-

tionnels.

Le programme de doctorat est réalisé

dans le cadre d’un contrat de recherche

pluriannuel (36 mois) qui implique,

outre le doctorant et l’Université catho-

lique d’Afrique centrale, les autres par-

tenaires intéressés par les résultats de la

recherche et la valorisation des produits

scientifiques. Il appartient à chaque

candidat de trouver, au besoin avec

l’appui du centre de recherche, les par-

tenaires techniques, opérationnels et

financiers pour l’exécution de son con-

trat de recherche. C’est l’une des condi-

tions d’admission au programme.

L’école doctorale a connu depuis lors,

son tout premier docteur, en la personne

de M. JEUGUE DOUNGUE Martial,

dans le sillage d’une thèse de Doctorat

en co-tutelle internationale, soutenue le

29 mai 2013 à l’Université de Nantes en

France. Il est l’actuel secrétaire acadé-

mique de l’APDHAC et enseignant-

chercheur aux Universités de Nantes et

Catholique d’Afrique centrale (AP-

DHAC). Autant dire que la perspective

d’un doctorat à l’APDHAC/UCAC est

bien effective et que l’Ecole doctorale

régionale entend relever de nombreux

autres défis.

Dr. JEUGUE DOUNGUE Martial

Master Droits de l’homme et action

humanitaire

En Master droits de l’homme et action

humanitaire (MDHAH), les cours, pour

le compte de l’année académique 2013-

2014, ont repris depuis le 01 octobre

2013 et les étudiants viennent

d’horizons différents : Cameroun,

Tchad, Centrafrique, Congo, Gabon,

etc.). Les étudiants inscrits pour suivre

cette formation sont au nombre de 88

répartis ainsi qu’il suit :

Master

1

Master

2

Total

Présence 39 30 69

Distance 6 13 19

Total 45 43 88

Les nouveaux étudiants inscrits en Mas-

ter 1 ont eu jusqu’au 15 novembre 2013

pour opérer un choix d’un sujet de mé-

moire. Une fois ce choix opéré et validé

par le Secrétaire académique, il leur

revient alors de préparer un avant-projet

de mémoire à soumettre avant leur dé-

part pour les congés de noël. Celui-ci a

fait l’objet d’une pré-soutenance du 06

au 10 janvier 2014. Quant aux étudiants

du Master 2, c’est désormais la dernière

ligne droite. Ceux-ci ont également leur

projet de mémoire avant leur départ

pour les congés de noël. Le mois de mai

est celui prévu pour le dépôt des mé-

moires qui feront l’objet d’une soute-

nance en juin 2014. Passé ce délai, les

retardataires seront renvoyés à la session

de décembre de la même année.

MANGWA TAYOU Mireille

Doctorante à l’UCAC/APDHAC

Assistante administrative et chargée

des programmes à l’APDHAC

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 22

Profil du diplôme de Master Droits de l’homme et action

humanitaire Que peut-on faire avec les droits de

l’homme à la sortie de l’Université ? A

quoi cela sert-il ? Quel service profes-sionnel peut rendre un master en

droits de l’homme ? Rien de tel pour

démontrer l’utilité d’un service que de

faire apparaître qu’il est l’objet d’une

demande dans la société. On ne peut

souhaiter, sans doute, une demande

dense et mesurable comme pour la

médecine ou l’informatique ; mais, il

s’exerce sur les droits de l’homme et

l’action humanitaire une attractivité

professionnelle toute différente et plus

tangible.

La demande vient d’abord du milieu

des organisations internationales et

régionales qui font des droits de

l’homme, de l’action humanitaire, de la

démocratie et du développement du-

rable non seulement la base de leurs

programmes de coopération technique.

La diplomatie des droits de l’homme

est dans une dynamique de développe-

ment constant qui attire et emploie de

nombreuses ressources humaines. De

même, les juridictions internationales ont un besoin croissant d’une expertise

de haut niveau pour assurer la répres-

sion des crimes internationaux. Ensuite,

les Etats ont besoin d’un personnel

qualifié et spécialisé pour respecter

leurs engagements internationaux et

constitutionnels. Enfin, d’une part les

organisations de la société civile et les

victimes des violations des droits de

l’homme ont besoin des matériaux

explicatifs pour mieux porter leurs

causes devant les tribunaux ou devant

l’opinion publique internationale. Et,

d’autre part, les entreprises et autres

acteurs économiques entendent

s’inscrire aujourd’hui dans le cadre

d’une dynamique de responsabilité

sociale et humaniste.

Ainsi, le secteur professionnel des

droits de l’homme et de l’action huma-

nitaire est donc vaste, transversal et

dynamique.

Le Master droits de l’homme et action

humanitaire est ouvert aux candidats

titulaires d’un diplôme BAC + 3 dans

les domaines du Droit, de la Science

Politique et des Sciences Sociales. A

titre exceptionnel, certains candidats peuvent être admis sur la base d’un titre

équivalent dans certains domaines des

sciences humaines, sous réserve d’une

formation initiale en droits de l’homme

(certificats, sessions, etc.) et/ou d’une

expérience professionnelle dans les

domaines de la justice, des droits de

l’homme ou de l’action humanitaire.

Dans tous les cas, le jury d’admission

évalue chaque candidature au regard du

dossier fourni et des résultats d’un

entretien sur convocation. Le Master

est structuré en quatre semestres consé-

cutifs comprenant chacun 30 crédits. La

formation présentielle se déroule selon

le même calendrier que la formation à

distance et selon les mêmes règles

d’évaluation.

Les enseignements sont organisés en

unités d’enseignement. Une unité

d’enseignement (UE) est constituée par

un regroupement de matières. Chaque

matière peut comprendre un cours ma-

gistral (CM), des travaux pratiques

(TPR) ou des travaux personnels

(TPE). Chaque semestre se termine par

une session d’examens. Sur la base des

notes des travaux (50 %) et des exa-

mens (50%), l’étudiant qui obtient une

moyenne égale ou supérieure à 12/20

dans une unité d’enseignement obtient

les crédits de l’UE. Les matières où la

moyenne est inférieure à 12/20 font

l’objet d’un examen de rattrapage. Pour

s’inscrire dans les matières des se-

mestres 3 et 4, l’étudiant doit valider

les 60 crédits des semestres 1 et 2.

Les évaluations des trois premiers se-

mestres comprennent des travaux pra-

tiques (analyse des dossiers, études de

cas, commentaires de textes et d’arrêts,

etc.), des travaux personnels (notes de

synthèse, colloques et séminaires, lec-

tures conseillées, etc.) et des examens

oraux ou écrits de fin de semestre.

Après la validation des trois premiers

semestres, la formation se termine au

quatrième semestre par : a) La rédac-

tion d’un rapport à l’issue d’un stage de

professionnalisation ; b) Le grand oral

devant un jury sur une spécialisation

choisie ; c) La soutenance d’un mé-

moire de recherche. L’APDHAC dis-

pose d’une bibliothèque spécialisée en

droits de l’homme et action humani-

taire.

Professeur BOUKONGOU Jean Didier

Directeur du Master

PROCÉDURE D’INSCRIPTION : Dossier à consti-tuer et à déposer avant le 5 juillet au secrétariat de l’APDHAC (Campus d’Ekounou) : Lettre de motivation (présentant éventuel-lement son expérience professionnelle), CV, copie d’acte de naissance ou autre acte officiel justifiant l’état civil du candi-dat, copie de chaque diplôme depuis le Baccalauréat, Relevés de notes, 2 photos d’identité, certificat médical. Frais d’examen du dossier : 15 000 FCFA Frais de scolarité : 1 300 000 FCFA + Frais de documentation et logiciels : 200 000 FCFA (Facultatif) + Frais d’assurance : 27 500 FCFA Héber-gement campus : 32 500 FCFA/mois

(places limitées)

Certificat droits de l’homme et action

humanitaire

Certificat 2013-2014

Dans le but de promouvoir la culture des

droits de l’homme, de la démocratie, de la

bonne gouvernance en Afrique, il est ou-

vert chaque année à APDHAC/UCAC,

depuis 1997, une ou plusieurs sessions de

formation d’auditeurs libres en droits de

l’homme et action humanitaire. Chaque

session dure environ trois mois et se ter-

mine par la délivrance aux auditeurs méri-

tants d’un « Certificat en droits de

l’homme et action humanitaire ».

Le public visé par cette formation est

large. La formation vise notamment les

membres du corps des forces armées et

police, les membres d’associations de

défense des droits de l’homme ou ceux

menant des activités dans les domaines

ayant un impact sur l’amélioration des

conditions de vie des populations, et toute

autre personne désireuse d’acquérir une

culture des droits de l’homme.

Cette année académique 2013-2014 dix

certificats ont été lancés (Expertise en

droits de l’homme ; Expertise anti corrup-

tion ; Expertise en démocratie et élec-

tions ; Expertise en gouvernance et biens

publics ; Expertise paix et sécurité ; Ex-

pertise en Genre ; Expertise en protection

des réfugiés et migrants ; Ingénierie de

l’action humanitaire ; Ingénierie du déve-

loppement durable ; Ingénierie de la RSE),

le certificat débutera le 20 février 2014. Le

programme du certificat a été structuré en

trois (03) modules pour chaque certificat,

pour permettre aux auditeurs d’aborder

toutes les questions actuelles sur les droits

de l’homme, de manière pratique et théo-

rique. Le module 3 est commun à tous les

certificats et est structuré tel qu’il suit Emplois et applications

Bulletin de l’APDHAC --- N°40 Janvier 2014 --- Diffusion gratuite --- [email protected] 23

Documentation et bases de don-

nées

Lobbying, leadership, Networ-

king & fundraising

Les personnes intéressées par la forma-

tion, peuvent passer déposer leur dossier

au Secrétariat de l’APDHAC à

l’Université Catholique d’Afrique Cen-

trale, campus d’EKOUNOU, sur la base

des informations ci-dessous.

Conditions d’accès

Les candidats doivent être titulaires d’un

diplôme de niveau BAC +2 ou Licence.

Les candidats n’ayant pas le diplôme

requis, mais qui peuvent justifier d’une

expérience professionnelle, peuvent être

admis à l’issue d’un test de niveau. Le

dossier de candidature est à déposer au

Secrétariat de l’APDHAC (Campus

d’EKOUNOU). Il devra comprendre :

· Un C.V + 1 demande manuscrite

· 2 photos + 1 photocopie du diplôme

· 1 copie d’acte de naissance (ou photo-

copie légalisée de la CNI, passeport,

carte de séjour)

· 10.000 FCFA de frais de dossier

4. Frais de scolarité

Le coût de la formation est de 200 000

FCFA pour chaque Certificat. Après ac-

ceptation écrite de la candidature par le

Directeur de l’APDHAC, le postulant

devra confirmer sa place par le règlement

des frais (200 000 FCFA). L’entrée en

salle n’est autorisée qu’après paiement des

frais.

BATA Pierre Thibaut

Assistant Administratif et scientifique

Coordonateur du certificat

Autres informations à l’APDHAC

Manifestations scientifiques de

l’APDHAC : Ateliers diplomatiques et

Conférences

Dans le cadre des manifestations scienti-

fiques, il est prévu l’organisation de Con-

férences publiques « EX CATHEDRA » et

des ateliers diplomatiques tout au long de

l’année académique 2013-2014. En corré-

lation avec les différentes formations de

l’APDHAC. Ces conférences publiques et

ateliers d’intégration professionnelle ont

pour objectif de permettre aux étudiants

d’approfondir leur connaissance sur les

problématiques que soulèvent les droits de

l’homme.

C’est dans cette optique que tous les

jeudis du 10 octobre 2013 au 16 janvier

2014, dix conférences ont été organisées

avec les thèmes suivants : Enjeux et défis

de la transparence des affaires publiques

en Afrique ; Sécurité humaine et respon-

sabilité de protéger : expériences récentes

(Lybie, Mali, RDC, RCA, Syrie, etc.) et

perspectives juridiques ; ‘Institutions

fortes’ et séparation des pouvoirs en

Afrique : éléments pour la consolidation

de l’Etat de droit et la protection des droits

de l’homme ; Les défis de la démocratie et

de la paix en Afrique de 2013 à 2016 :

approches comparées des dynamiques

électorales et de la stabilité des pays de la

CEMAC ; L’effectivité du « droit du dé-

veloppement durable » ; Le droit et la

pratique de l’ingérence humanitaire à la

lumière des crises arabes et africaines du

XXIème siècle ; Le juge international et la

protection des droits de l’homme en

Afrique ; Les enjeux et défis de

l’architecture panafricaine de paix et de

sécurité ; Management et droits de

l’homme ; Le responsable des projets

droits de l’homme face à l’Auditeur finan-

cier : normes, contraintes, enjeux et défis

pour un management efficace ; Normes et

pratiques de la RSE en Afrique centrale :

approches comparées des entreprises dans

la CEMAC ; L’Afrique face au change-

ment climatique : impacts, projets et pers-

pectives.

En plus des Conférences publiques, des

ateliers professionnels ont eu lieu. Les

ateliers diplomatiques se présentent sous

la forme d’un exposé magistral par le

Représentant résidant ou Chef de mission

d’une institution ou ONG internationale

basé au Cameroun. Ces ateliers visent

comme objectifs à : permettre aux diffé-

rents auditeurs de l’APDHAC d’acquérir

des connaissances sur le fonctionnement

des institutions et ONG internationales

œuvrant dans le secteur des droits de

l’homme et de l’action humanitaire en

Afrique, édifier les étudiants sur des ques-

tions d’actualité ayant un rapport étroit

avec ces institutions et ONG internatio-

nales, susciter davantage l’adhésion des

étudiants aux valeurs défendues par ces

institutions et ONG internationales et

établir un partenariat avec ces institutions

et ONG internationales. Pour le compte de

cette année académique, nous avons été

honorés de la présence de plusieurs repré-

sentants d’ONG, et de la fonction pu-

blique. A l’instar de Transparency Interna-

tional, HCR, IUCN, la direction de la

protection civile, AES SONEL, MINADT,

etc. Au delà des échanges, les différents

intervenants ont laissé à la portée des

étudiants une documentation importante

pour leur cursus. Au terme de toutes les

interventions, un rendez-vous a été pris

pour l’organisation d’une journée porte

ouverte de l’APDHAC ou toutes ces orga-

nisations viendront exposer leur savoir

faire, et donner la possibilité aux étudiants

et chercheurs d’emploi de déposer leur

CV. BATA Pierre Thibaut

Assistant Administratif et scientifique

Coordonateur du certificat

Bibliothèque

L’APDHAC est un centre de recherche qui

traite des problématiques liées aux droits de

l’homme et à l’action humanitaire. A cet

effet, il est doté d’une bibliothèque. Cette

dernière constitue le « Laboratoire » du

centre. En quête de connaissances approfon-

dies sur des questions de droits de l’homme,

les étudiants, enseignants et chercheurs

viennent régulièrement consulter la docu-

mentation disponible. Pour le compte de

l’année académique 2014-2015, les maisons

d’édition que sont l’Harmattan, Bruylant,

Oxford, les Presses de l’UCAC, etc. seront

contactées, et des centaines d’ouvrages

seront commandés pour compléter la docu-

mentation existante. Cette importante com-

mande répondra à n’en point douter aux

attentes de tous. Ceci est d’autant plus cer-

tain que les ouvrages commandés traitent

non seulement des questions de droit inter-

national public, de droit de l’environnement,

de droit humanitaire, de droits de l’homme

mais également de sociologie et de philoso-

phie. Le souci est donc de répondre à la

pluridisciplinarité qui caractérise une forma-

tion en droits de l’homme. De grands pla-

cards vitrés permettent d’assurer une meil-

leure protection et conservation desdits

ouvrages. Ils accueilleront les ouvrages en

provenance des différentes maisons

d’édition et librairies à solliciter. Outre la

recherche documentaire, la recherche sur

internet est également possible dans la bi-

bliothèque de l’APDHAC. Les usagers de

cette dernière disposent également d’une

connexion au réseau internet sans fil. Les

enseignements se font à l’aide d’un rétro-

projecteur suivant la présentation Power-

Point. L’APDHAC s’arrime ainsi à tous les

profils et tend à cultiver son image presti-

gieuse de pôle d’excellence régional en

matière de droits de l’homme et action hu-

manitaire, tout en s’adaptant à la modernité,

peut-on dire à la modernisation.

Dr. JEUGUE DOUNGUE Martial

Directeur de publication :

Pr. Jean Didier BOUKONGOU

Comité scientifique

Pr. Jean Didier BOUKONGOU

Pr. Bernard-Raymond GUIMDO

Pr. Marie-Thérèse MENGUE

Dr. Martial JEUGUE DOUNGUE

M. Parfait OUMBA

Secrétariat de rédaction

Dr. Martial JEUGUE DOUNGUE

M. Parfait OUMBA

M. Carlos MUKAM

APDHAC B.P. 11628

Université catholique d’Afrique centrale

http://www.apdhac.org