Biologie des cellules souches et perspectives thérapeutiques: enjeux interdits?

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REVUE GÉNÉRALE Biologie des cellules souches et perspectives thérapeutiques : enjeux interdits ? Stem cell biology and therapeutic hopes: forbidden game? C. Carron a, * , L. Besse a,1 , A. Besse b,1 , C. Durand a a Laboratoire de biologie du développement, UMRCNRS 7622, université Pierre-et-Marie-Curie, 9, quai Saint-Bernard, 75005 Paris, France b Centre de recherche Vitry-Alfortville, Sanofi-Aventis, 13, quai Jules-Guesde, 94400 Vitry-Sur-Seine, France MOTS CLÉS Cellules souches embryonnaires et adultes ; Thérapie cellulaire ; Reprogrammation nucléaire Résumé La biologie des cellules souches et leur application thérapeutique constituent à lheure actuelle un des sujets les plus excitants des sciences du vivant. L intérêt majeur de ces cellules en biologie fondamentale comme en médecine régénérative, réside dans leur capacité unique à aussi bien sautorenouveler que sengager dans une ou plusieurs voies de différenciation. Néanmoins, de nombreuses questions demeurent et, à ce jour, très peu de pathologies peuvent être traitées par des approches fondées sur ces cellules. La rareté ou linaccessibilité des cellules souches adultes, labsence de marqueurs permettant de les iden- tifier physiquement et de les purifier ainsi que notre connaissance extrêmement limitée des mécanismes fondamentaux qui président à leur autorenouvellement sont autant de raisons qui limitent leur utilisation dans des approches cliniques. Les cellules souches embryonnaires, par leur exceptionnel potentiel de prolifération et de différenciation, apparaissent comme une alternative aux cellules souches adultes mais leur manipulation chez lhomme est à lorigine dun large débat dans nos sociétés pour des raisons à la fois éthique et juridique. Enfin, lutilisation de cellules souches (ou des précurseurs qui en sont dérivés) dans un cadre thérapeutique nécessite de définir avec une grande précision les conditions expérimentales permettant leur amplification in vitro et in vivo, de vérifier leur intégration fonctionnelle au sein du tissu lésé et de sassurer de labsence de potentiel tumorigène. Ces points seront abordés dans cette revue afin de permettre aux lecteurs de prendre contact avec les enjeux et les limites actuelles de la biologie des cellules souches. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Morphologie 91 (2007) 1423 Abréviations : Cellules ES, cellules souches embryonnaires ; CSHs, cellules souches hématopoïétiques ; KTLS, cellules c-kit + Thyl ow Lin - Sca-1 + ; MAPCs, multipotent adult progenitor cells ; CSNh, cellules souches neurales humaines ; CSEh, cellules souches embryonnaires humaines. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Carron). 1 Les deux auteurs ont contribué à part égale. 1286-0115/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.morpho.2007.06.001

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Morphologie 91 (2007) 14–23

REVUE GÉNÉRALE

Biologie des cellules souches et perspectivesthérapeutiques : enjeux interdits ?

Stem cell biology and therapeutic hopes:forbidden game?

C. Carrona,*, L. Bessea,1, A. Besseb,1, C. Duranda

a Laboratoire de biologie du développement, UMR–CNRS 7622, université Pierre-et-Marie-Curie, 9, quai Saint-Bernard,75005 Paris, Franceb Centre de recherche Vitry-Alfortville, Sanofi-Aventis, 13, quai Jules-Guesde, 94400 Vitry-Sur-Seine, France

MOTS CLÉSCellules souchesembryonnaires etadultes ;Thérapie cellulaire ;Reprogrammationnucléaire

Abréviations : Cellulesc-kit+ThylowLin-Sca-1+ ; MAPCembryonnaires humaines.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : carron@c

1 Les deux auteurs ont cont

1286-0115/$ - see front mattedoi:10.1016/j.morpho.2007.0

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Résumé La biologie des cellules souches et leur application thérapeutique constituent àl’heure actuelle un des sujets les plus excitants des sciences du vivant. L’intérêt majeur deces cellules en biologie fondamentale comme en médecine régénérative, réside dans leurcapacité unique à aussi bien s’autorenouveler que s’engager dans une ou plusieurs voies dedifférenciation. Néanmoins, de nombreuses questions demeurent et, à ce jour, très peu depathologies peuvent être traitées par des approches fondées sur ces cellules. La rareté oul’inaccessibilité des cellules souches adultes, l’absence de marqueurs permettant de les iden-tifier physiquement et de les purifier ainsi que notre connaissance extrêmement limitée desmécanismes fondamentaux qui président à leur autorenouvellement sont autant de raisonsqui limitent leur utilisation dans des approches cliniques. Les cellules souches embryonnaires,par leur exceptionnel potentiel de prolifération et de différenciation, apparaissent commeune alternative aux cellules souches adultes mais leur manipulation chez l’homme est àl’origine d’un large débat dans nos sociétés pour des raisons à la fois éthique et juridique.Enfin, l’utilisation de cellules souches (ou des précurseurs qui en sont dérivés) dans un cadrethérapeutique nécessite de définir avec une grande précision les conditions expérimentalespermettant leur amplification in vitro et in vivo, de vérifier leur intégration fonctionnelle ausein du tissu lésé et de s’assurer de l’absence de potentiel tumorigène. Ces points serontabordés dans cette revue afin de permettre aux lecteurs de prendre contact avec les enjeuxet les limites actuelles de la biologie des cellules souches.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

llules souches embryonnaires ; CSHs, cellules souches hématopoïétiques ; KTLS, cellulespotent adult progenitor cells ; CSNh, cellules souches neurales humaines ; CSEh, cellules souches

u.fr (C. Carron).

art égale.

7 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Biologie des cellules souches et perspectives thérapeutiques : enjeux interdits ? 15

KEYWORDSEmbryonic and adultstem cells;Cell therapy;Nuclear reprogramming

Abstract Stem cell biology is one of the most exciting subjects in life science nowadays. Themajor point in stem cell biology is the extraordinary capacity of these cells to self-renew andto give rise to different cell types. Nevertheless, major issues remain to be cleared and veryfew diseases can actually be cured based on stem cell therapy. Adult stem cells remain diffi-cult to locate, isolate and amplify in a homogeneous fashion and, thus, limit their therapeuticapplication in clinical trial. Embryonic stem cells could represent a new hope in stem celltherapy but in addition to the scientific difficulties, over ethical and judiciary issues shouldbe addressed. In order to cure routinely patients, controlled conditions for stem cell isolation,amplification, differentiation, and administration must be defined and effective tissue inte-gration have to be established. In this review we will discuss these different aspects of stemcell biology.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Un des enjeux centraux de la médecine a toujours été decontourner et réparer les effets débilitants d’une maladieou d’une lésion traumatique sur les tissus et les organes.Dès la fin des années 1960, certaines pathologies ont puêtre prises en charge à l’aide d’implants artificiels capablesde pallier des défauts essentiellement mécaniques (dès1967, les premières greffes de valves cardiaques et de han-che artificielle ont été effectuées). Avec les progrès de lachirurgie transplantatoire, le remplacement de tissus etd’organes entiers a été rendu possible. Cependant, cestechniques présentent des inconvénients majeurs : incapa-cité des implants artificiels à intégrer des signaux de régu-lation endogènes, obligation de les remplacer au boutd’une quinzaine d’années, nombre restreint de donneursd’organes, réactions de rejet de greffe, nécrose, effetssecondaires des traitements immunosuppresseurs sur leconfort de vie des patients transplantés. Dans une sociétéoù ses membres sont de plus en plus âgés, la question de lamédecine réparatrice devient un problème de santépublique majeur.

Les cellules souches adultes, fœtales et embryonnairesreprésentent une source potentiellement illimitée de cellu-les aux capacités de différenciation extrêmement variées.Très légitimement, la question de leur utilisation en théra-pie réparatrice a été soulevée et étudiée. Au-delà des ques-tions scientifiques qui feront en partie l’objet de cetterevue, l’utilisation des cellules souches embryonnaires està l’origine d’une réflexion éthique d’ampleur mondialedont l’histoire ne fait que commencer.

Logique des cellules souches

L’étude de la biologie des cellules souches répond à unecertaine logique et nécessite une méthodologie particu-lière. Ces cellules ont, en effet, deux propriétés fondamen-tales qui les distinguent des autres types cellulaires et quipeuvent paraître à première vue paradoxales. Elles sontcapables de se diviser sans se différencier (propriétéd’autorenouvellement), ce qui permet de maintenir et/oud’amplifier un contingent de cellules souches tout au longde la vie ou, au contraire, de s’engager dans une ou plu-sieurs voies de différenciation et ainsi donner naissance àun ou plusieurs types de cellules spécialisées (propriété depluripotence). Cette propriété des cellules souches est

impliquée dans le renouvellement des tissus dans descontextes à la fois physiologiques mais aussi traumatiques.Du fait de leurs capacités d’autorenouvellement et de dif-férenciation, ces cellules représentent des outils privilégiésdans le cadre de la médecine régénérative et d’approchesde thérapies cellulaire et génique.

Il existe deux types de cellules souches qui se distin-guent sur le plan de leur origine et de leur potentiel deprolifération et de différenciation : les cellules souchesembryonnaires (cellules ES : embryonic stem cells) et lescellules souches adultes (Fig. 1).

Les premières dérivent de la masse cellulaire interne desembryons de mammifères au stade blastocyste (stadeatteint après 4,5 jours de développement chez la souris).Ces cellules sont pluripotentes car elles peuvent participerin vivo à tous les tissus de l’organisme hormis certainesannexes embryonnaires. Seuls l’œuf fécondé et les deuxou quatre premiers blastomères ont cette capacité et sontqualifiés de totipotents. De façon très intéressante, les cel-lules ES prolifèrent in vitro à l’état indifférencié dans desconditions expérimentales définies. Par ailleurs, en fonc-tion des conditions de culture utilisées in vitro, il est pos-sible d’engager les cellules ES dans de multiples voies dedifférenciation (hématopoïétique, endothéliale, neurale,musculaire). Les cellules ES sont donc évidemment unmodèle de choix pour les biologistes intéressés par les pro-blèmes de différenciation cellulaire [1].

Les cellules souches adultes sont mises en évidence dansdivers tissus (Fig. 1). Elles peuvent s’autorenouveler, maisne donnent naissance qu’à un ou plusieurs types cellulairesspécifiques de leur tissu d’origine. L’étude de la biologiedes cellules souches adultes pose aux biologistes et aux cli-niciens deux questions essentielles :

● quelle est leur identité moléculaire et cellulaire ?● Quels mécanismes régulent leurs capacités d’autorenou-

vellement et de différenciation ?

Il est en effet à ce jour impossible de purifier à homogé-néité des cellules souches adultes. Cela est principalementlié au fait que ces cellules n’expriment aucun marqueur desurface qui leur soit spécifique. En revanche, des suspen-sions cellulaires peuvent être enrichies en cellules souchessoit sur la base de l’expression de combinaisons de mar-

Figure 1 Les différents types de cellules souches. Tout organisme multicellulaire se développe à partir d’une cellule, l’œuf,résultat de la fusion des gamètes. L’œuf fécondé et les premiers blastomères sont qualifiés de totipotents car ils ont la capacitéde donner naissance à un organisme complet. Chez les mammifères, l’embryon à la fin de la période de clivage est appelé blasto-cyste et contient au niveau de la masse cellulaire interne des cellules capables de contribuer à la genèse de tous les types cellu-laires de l’organisme à l’exception de certaines annexes embryonnaires. Ces cellules souches embryonnaires sont pluripotentes.Dans les stades ultérieurs du développement (chez le fœtus et chez l’adulte), des cellules souches aux propriétés de différencia-tion plus restreintes existent et ont été mises en évidence dans divers tissus (moelle osseuse, muscles, cerveau, intestin et épi-derme notamment). Ces cellules souches de type adulte sont multipotentes : elles ne donnent naissance qu’à un ou plusieurstypes cellulaires spécifiques du tissu dans lequel ces cellules souches résident. Il est intéressant de noter ici que différents typesde cellules souches (hématopoïétiques, mésenchymateuses et éventuellement pluripotentes) ont été mises en évidence dans lesang de cordon [16,17].Figure 1 Different types of stem cells. Every multicellular organism comes from a single cell that is the product of gametes’fusion. Newly fertilized egg and the first blastomers are totipotent because of their properties to give rise to every type of tis-sue. In mammals, at the end of the segmentation phase, the blastocyste contains in the inner cell mass in which cells able tocontribute to every cell type of the embryo except the extraembryonic structures. Thus, the embryonic stem cells are told pluri-potential. Later during the development and in the adult tissues, stem cell with more restricted potentials have been identifiedin several tissues (bone marrow, muscle, brain, intestinal tract, liver or epidermis). These adult stem cells are multipotential andare restricted to certain lineages. Interestingly, several types of stem cells (hematopoietic, mesenchymal and pluripotential cells)have been detected in blood from umbilical cord [13,14].

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queurs de surface (phénotype de surface), soit en fonctionde la position des cellules dans le cycle cellulaire (les cel-lules souches et les progéniteurs les plus immatures sont eneffet relativement quiescents sur le plan mitotique etmétabolique) [2–4]. Dans le cas du système sanguin, les cel-lules souches hématopoïétiques (CSHs) qui assurent lerenouvellement quotidien des différentes catégories de cel-lules sanguines peuvent être isolées à partir de la moelleosseuse chez la souris adulte par tri cellulaire sur la basede la combinaison de certains marqueurs de surface. LesCSHs murines expriment en effet les marqueurs c-kit, Sca-1 et Thy mais n’expriment pas les marqueurs de différen-

ciation des différentes lignées de cellules sanguines(Ter119 pour les érythrocytes, Gr-1 et Mac-1 pour les granu-locytes et les macrophages et B220 et CD3 pour les lympho-cytes B et T respectivement) [5]. Il s’agit donc d’un phéno-type de surface complexe nécessitant l’utilisation de huitanticorps différents. La rareté de ces cellules rend leurpurification encore plus délicate; les cellules KTLS(c-kit+ThylowLineage-Sca-1+) ne représentant en effetqu’approximativement 0,01 % des cellules totales de lamoelle osseuse.

Les cellules souches adultes sont donc identifiées sur labase de leurs propriétés fonctionnelles d’autorenouvelle-

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ment et de différenciation. Le test biologique le plus perti-nent pour identifier une cellule souche hématopoïétique,par exemple, consiste à transplanter des souris receveusesadultes létalement irradiées avec les cellules que l’on sou-haite tester. L’irradiation a pour but d’éliminer toutes lescellules endogènes qui prolifèrent et de libérer les microen-vironnements ou « niches » où sont localisées les cellulessouches. Dans ce type de test, l’injection d’une seule CSHdoit être capable de restaurer à long terme le systèmesanguin de l’animal receveur. Par ailleurs, cette celluleinjectée doit pouvoir contribuer à la production de toutesles catégories de cellules sanguines (érythroïdes, myéloïdeset lymphoïdes). La reconstitution est alors dite« multilignée ». Il est fondamental de noter que, mêmedans le cas des cellules souches hématopoïétiques qui sontcelles pour lesquelles la communauté scientifique possèdele plus de données, l’identification des cellules souches estdonc rétrospective. Une cellule souche est ainsi identifiée aposteriori sur la base de ses propriétés de prolifération etde différenciation mises en évidence in vivo et/ou in vitro.

De façon intéressante, C. Verfaillie et al. ont identifiédans la moelle osseuse adulte chez l’homme, la souris etle rat, une population cellules adhérentes extrêmementrares appelées MAPCs (multipotent adult progenitor cell)et présentant des propriétés de prolifération et de différen-ciation inattendues [6–8]. Ces cellules sont en effet obte-nues à partir de cellules mononuclées et une période deculture in vitro de trois à quatre semaines. À l’issue decette période de culture, les MAPCs sont sélectionnéesnégativement après déplétion des cellules CD45+ Ter119+.Les cellules ainsi sélectionnées ne représentent que 0,1 à0,5 % des cellules mononuclées totales et seulement 0,02 à0,05 % d’entre elles génèrent des colonies de cellules adhé-rentes in vitro. Les résultats obtenus par cette équipe sug-gèrent que les MAPCs présentent une grande capacité deprolifération et conservent une morphologie et un caryo-type stable même après de nombreux passages. Sur leplan de leur potentiel de différenciation, les MAPCs génè-rent in vitro des dérivés cellulaires des trois feuillets pri-mordiaux (ectoderme, mésoderme et endoderme). Par ail-leurs, l’injection d’une cellule MAPC dans un blastocystereceveur de souris montre que 33 % des souris nées de cesmanipulations sont chimériques (taux de chimérisme de 0,1à 45 %) et que les MAPCs injectées contribuent à presquetous les tissus somatiques. Ainsi, l’ensemble de ces travauxsuggèrent que les MAPCs présentent des caractéristiques decellules souches pluripotentes (caractéristique marquéeégalement par l’expression des gènes Oct-4 et Rex-1,gènes impliqués dans le maintien des cellules ES à l’étatindifférencié). Dans la mesure où les MAPCs sont identifiéesin vitro, il sera important de vérifier si ces cellules existentréellement dans la moelle osseuse de manière physiolo-gique.

Les mécanismes cellulaires et moléculaires qui contrô-lent l’autorenouvellement et la différenciation des cellulessouches adultes sont encore très largement inconnus(Fig. 2). Ces mécanismes impliquent des facteurs intrinsè-ques (récepteurs de surface, facteurs de transcription,molécules du cytosquelette et régulateurs du cycle cellu-laire par exemple) et des facteurs extrinsèques (cytokines,interleukines et molécules de signalisation, notamment

produits par les cellules du microenvironnement au seindesquels les cellules souches sont maintenues) [9]. De nom-breuses études ont été réalisées ces dernières années afind’identifier les gènes préférentiellement exprimés par lescellules souches. Ces approches ont consisté à comparer leprofil d’expression génique de cellules souches embryonnai-res et adultes (hématopoïétiques, neurales, épidermiques,notamment) avec celui de cellules différenciées. De lamême façon, les profils d’expression de différents typesde cellules souches ont été comparés [10–12]. Ces travauxont révélé que, bien que les cellules souches embryonnaireset adultes expriment en commun plusieurs catégories degènes, il est pour autant difficile de définir une signaturemoléculaire commune aux différents types de cellules sou-ches.

En revanche, de nombreuses données suggèrent que,chez la souris et l’homme, des voies de signalisation« ubiquitaires » comme les voies Notch, BMP (bone morpho-genetic protein), Wnt et Shh (sonic hedgehog) jouent unrôle essentiel dans l’autorenouvellement des cellules sou-ches [13–15]. L’enjeu consiste maintenant à comprendrecomment, à l’échelon cellulaire, ces signaux intrinsèqueset extrinsèques s’intègrent pour finalement engager unecellule souche dans une voie d’autorenouvellement, de dif-férenciation ou encore de mort cellulaire (Fig. 2). Laconnaissance de ces signaux est incontournable dansl’optique d’une utilisation thérapeutique de ces cellules.

Espoirs thérapeutiques, les cellules souches :nos futurs médecins ?

Une distinction stricte doit être faite entre les espoirs quisont suscités par les cellules souches et les réalités expéri-mentales et cliniques. À l’exception de la manipulation descellules souches adultes issues de la moelle osseuse, encorepeu de données ont été acquises chez l’homme et encoremoins dans le cas des cellules souches embryonnaireshumaines. Notre vision de thérapies fondées sur l’utilisationdes cellules souches repose donc en grande partie sur desexpériences effectuées dans des modèles animaux.

Recherche de la cellule souche idéale

Au fur et à mesure que de nouvelles données expérimenta-les sont acquises, la liste des pathologies humaines pouvantpotentiellement être soignées à l’aide des cellules souchesprend de l’ampleur (Tableau 1). Dans l’optique d’une géné-ralisation et d’une standardisation de l’utilisation des cellu-les souches pour la transplantation, la cellule « idéale »devrait répondre à plusieurs critères :

● être aisément obtenue et purifiée ;● maintenir sa capacité de multipotence ;● pouvoir in vitro être différenciée à loisir ;● être de préférence autologue au patient ;● pouvoir être modifiée génétiquement ;● pouvoir être amplifiée en culture ;● être non tumorigène.

Figure 2 Les facteurs impliqués dans la régulation des cellules souches. Un des enjeux essentiels de la biologie des cellules sou-ches est de comprendre comment une cellule souche (ici une cellule souche hématopoïétique) décide de s’engager en fonctiondes circonstances dans une voie de différenciation, d’autorenouvellement ou encore de mort cellulaire par apoptose. Ces déci-sions sont contrôlées par des facteurs intrinsèques (par exemple ici l’expression de gènes codant des facteurs de transcriptiontels que Runx1, GATA-2) et des signaux extrinsèques émis par les cellules du microenvironnement où sont maintenues les cellulessouches (notion de niches). Des voies de signalisation majeures telles que Sonic Hedgehog (Shh), Notch, Wnt et la voie réguléevia les facteurs BMP (bone morphogenetic proteins) jouent un rôle essentiel dans ces processus de régulation.Figure 2 Molecular factors implicated in stem cells regulation. A crucial question in stem cell biology is to understand how a sin-gle stem cell (a haematopoietic stem cell in this example) commits specifically in a particular way (self-renew, differentiation orapoptosis). These commitments are controlled by intrinsic factors (transcription factors like Runx1 or GATA-2 in that particularcase) or by extrinsic signals produced by the stem cells’ microenvironment (also know as the stem cell’s niches). Major transduc-tion pathways like Sonic Hedgehoh (Shh), Notch, Wnt and BMP signalling play a crucial role in that kind of cellular regulation.

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Actuellement, il est difficilement concevable qu’un typede cellules souches réponde à tous ces standards. Ainsi, plu-sieurs stratégies sont envisageables, chacune limitée par letype cellulaire que l’on souhaite remplacer ou par les pro-blèmes techniques inhérents à la pathologie (Fig. 3). Dansle cas de la réparation d’infarctus du myocarde, plusieurssources de cellules ont été testées dans des modèles ani-maux ou chez l’homme (cellules embryonnaires, myoblastessquelettiques, cellules de la moelle osseuse, cellules dusang périphérique, progéniteurs endothéliaux ou encorecellules progénitrices cardiaques), chacune aboutissant àdes résultats variables, voire contestés.

Un grand nombre de désordres neurologiques sont, euxaussi, potentiellement des cibles de thérapie fondée surl’utilisation des cellules souches. Parmi ces troubles, lamaladie de Parkinson a été une des premières pour lesquel-les des expériences de greffes cellulaires ont été tentéeschez l’homme, notamment de cellules mésencéphaliquesfœtales chez des patients aboutissant à une améliorationnotable de leurs symptômes. Cependant, certains effetssecondaires engendrés à la suite de ces opérations (notam-ment des dyskinésies inexpliquées) ont mis un frein à cesinvestigations [18]. De solides espoirs résident néanmoinsdans l’utilisation des cellules souches afin de guérir cettemaladie. En effet, il est possible de dériver de manièrereproductible in vitro des neurones de type dopaminergiqueà partir de lignées de cellules souches neurales humaines(CSNh) et de cellules souches embryonnaires murines, deprimates non humains et humaines [19,20]. Si ces résultatssont très encourageants, plusieurs questions demeurent.

Tout d’abord, il n’existe pas de protocole permettantl’obtention de grandes quantités de neurones dopaminergi-ques hautement purifiés et homogènes à partir de CSEh.Cet exemple illustre parfaitement une des étapes limitan-tes de l’utilisation générale des cellules souches enthérapie : l’amplification et la purification des cellules invitro, prérequis indispensable à la réimplantation chez lepatient (Fig. 3). Que la source de cellules soit embryonnaireou adulte, dans les modèles animaux, la quantité de cellu-les greffées est le plus souvent considérable (greffe de 9 108

myoblastes dans le cas d’un modèle de la dystrophie deDuchenne ou encore injection de 109 cellules CD34+ issuesde la moelle osseuse dans les modèles d’ischémies cardia-ques) et il est difficilement envisageable d’obtenir en rou-tine de telles quantités de cellules par des moyens d’ampli-fication cellulaires classiques. Pour pallier cette difficulté,il pourrait être envisagé de compter sur la capacité réplica-tive intrinsèque des cellules souches afin d’effectuer cetteétape d’amplification in situ après transplantation. Cepen-dant, chez l’adulte, les cellules souches sont majoritaire-ment quiescentes. Par ailleurs, la tumorigénicité des cellu-les une fois greffées, qu’elles soient embryonnaires ouadultes est une préoccupation non négligeable. Dans le casdes premières, la crainte principale réside dans la possibi-lité de former des tératomes après la greffe ; pour laseconde catégorie, la formation de tumeurs n’est pas écar-tée. Ce dernier point prend d’autant plus d’importancedans la mesure où il a été montré récemment que les cel-lules souches adultes seraient des acteurs privilégiés lors del’émergence de certains cancers [21]. Plusieurs stratégiessont proposées afin de contourner ces risques. La formation

Tableau 1 Pathologies pouvant potentiellement être prises en charge par une thérapie fondée sur l’utilisation des cellulessouches. À ce jour, peu d’essais cliniques ont été effectués chez l’homme. La majeure partie des résultats acquis sur la purifi-cation, la caractérisation, la différenciation et les capacités réparatrices des cellules souches adultes ou embryonnaires a étéacquise dans des modèles animaux. Pour certaines pathologies ou traumatismes comme le diabète de type I, les scléroses, lesaccidents vasculaires cérébraux ou les lésions de la moelle épinière, l’utilisation des cellules souches dans les modèles ani-maux sont prometteurs mais non encore applicables chez l’homme [36,37]Table 1 Human diseases for which a treatment based on stem cell is proposed. Nowadays, few clinical trials have been perfor-med on humans. Most of the knowledge on purification, isolation, differentiation and healing properties of adult stem cells hasbeen acquired in animal models. For certain pathologies or traumas like diabetes mellitus, multiple sclerosis, ischemic heartfailure or spinal cord injury, animal models present very promising results but are not applicable in humans yet [33,34]

Maladie humaine Type de traitement pratiqué Principauxmodèlesanimaux

Essais cliniques utilisant descellules souches humaines

Système nerveuxMaladie de Parkinson Essentiellement symptomatique

Traitements dopaminergiques (L-Dopa)Agonistes dopaminergiquesAnticholinergiques

SourisRatPrimate nonhumain

Transplantation de cellulesmésenchymateuses fœtaleschez des patients [18]

Chorée de Huntington Essentiellement symptomatiqueNeuroleptiquesAntidépresseur

SourisRatPrimate nonhumainNématode

Thérapie intracérébraleimplants fœtaux neuraux[23]

Scléroses en plaque Palliatif et préventifCorticostéroïdesImmunosuppresseurs ou immunomodulateurs enfonction du type d’atteinte

SourisRat

Pas de données chez l'Homme

Accidents ischémiquescérébraux

PréventifAnticoagulant ou anti-agrégant plaquettaireRéparationChirurgie

SourisRatGerboisePrimate nonhumain

Pas de données chez l'Homme

Lésion de la moelle épinière Rééducation fonctionnelle Rat Pas de données chez l'Homme

Système cardiovasculaireInfarctus du myocarde Préventif

Bêtabloquants, inhibiteurs calciques, anticoagu-lant ou antiagrégant plaquettaireRéparation–remplacementChirurgie (angioplastie, pontage, implant)Transplantation cardiaque en cas d’insuffisanceimportante

SourisRatMouton

Greffe de myoblastes [28]Implantation de cellules deMO autologue [29–31].

Système musculaireDystrophie musculaire deDuchenne

Traitements freinateurs ou symptomatiquesKinésithérapieAppareillage

SourisChien

Injection de précurseursmyogéniques dans le muscle[32,33]

Système osseuxLésion traumatiqueOstéogenèse imparfaite

Réparation–remplacementChirurgieAppareillage

SourisRatLapin

Transplantation allogéniquede cellules de moelle osseusede donneurs sains [34].

Lésions/Maladie cornéeSyndrome de Stevens-Johnson

Réparation–remplacementChirurgie kératoplastique

SourisRatLapin

Implantation de cellulessouches limbiques [35]

DentsRéparation–remplacementUtilisation de matériaux synthétiques polymères

SourisRatChien

Pas de données chez l'Homme

(suite)

Biologie des cellules souches et perspectives thérapeutiques : enjeux interdits ? 19

Tableau 1(suite)Maladie humaine Type de traitement pratiqué Principaux

modèlesanimaux

Essais cliniques utilisant descellules souches humaines

PeauAccident traumatiqueMaladie génétiqueÉpidermolyse bulbeuse

RéparationAutogreffe

SourisLapin

Greffe autologue de tissuépidermique amplifié in vitrocouramment pratiquéeTransplantation de cellulessouches épidermiques modi-fiées génétiquement. [24]

Système hématopoïétiqueLeucémies Traitement curatif

ChimiothérapieRadiothérapieTransplantation de moelle osseuse

Souris Transplantation de cellulessouches hématopoïétiquescouramment pratiquée

Système endocrinienDiabète sucré Traitement symptomatique

InsulinothérapieSourisRat

Pas de données chez l'Homme

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de tératomes peut être prévenue par l’optimisation de pro-tocoles permettant une différenciation totale et homogènedes cellules ES dans le type cellulaire requis (notammentpar une étape de prédifférenciation ou par le maintien deces cellules en culture sur plusieurs générations avantl’implantation). Par ailleurs, la topographie du sited’implantation des cellules (cavité ou tissu clos), peutinfluencer, respectivement, positivement ou négativementla formation de ce type de tumeur chez des primates nonhumains. D’autres protocoles se proposent d’introduire desgènes de sélection sous le contrôle de promoteurs spécifi-ques du type cellulaire souhaité afin d’enrichir la popula-tion transplantée en cellules spécifiées et d’éliminer aumaximum des cellules immatures qui pourraient être àl’origine des tumeurs. Des tests d’innocuité devront doncêtre mis au point selon des critères stéréotypés afin de per-mettre une réimplantation sans danger. Actuellement, lacommunauté scientifique fournit un effort considérableafin de dresser une liste de critères de standardisation descellules souches humaines embryonnaires et adultes [22].Ces classifications sont effectuées in vitro ; la question desavoir si in vivo les cellules se comporteront de manièreidentique reste la grande inconnue.

Intégration fonctionnelle des cellules souches :une étape cruciale

Une autre question fondamentale est la capacité des cellu-les greffées à s’intégrer de manière stable et fonctionnelledans le tissu du patient. Pour la maladie de Parkinson, lacapacité des cellules dopaminergiques dérivées de CSEh àsurvivre, à réinnervé le striatum et à permettre la restau-ration d’une fonction nerveuse normale est encore incon-nue, y compris dans des modèles animaux. En ce quiconcerne la chorée de Huntington, de rares études cliniquesont montré que des cellules neuroblastiques fœtales pou-vaient survivre avec succès dans la zone implantée, formerdes contacts synaptiques et résister au processus dégénéra-tif qui les entoure [23]. Plusieurs essais cliniques de phase Isemblent concorder pour dire que l’utilisation de cellules

myoblastiques ou de cellules dérivées de la moelle osseuseautologue serait envisageable dans le cas de l’infarctus dumyocarde. Cependant, certaines questions demeurent,notamment en ce qui concerne l’utilisation des cellules sou-ches issues de la moelle osseuse. En effet, dans ce cas, lescauses de l’amélioration de l’état des patients atteintsd’accident ischémique restent encore largement non iden-tifiées. Les cellules injectées ne participent pas directe-ment à la réparation du tissu lésé. Ce phénomène a égale-ment été observé dans des modèles murins dans lesquelsdes cellules souches embryonnaires humaines ont étéimplantées [24]. Ces observations donnent lieu à de nouvel-les hypothèses sur le mode de fonctionnement des cellulessouches greffées : celles-ci pourraient en réalité agircomme des catalyseurs de la réparation tissulaire en sécré-tant des facteurs clés, recrutant à leur tour les cellules sou-ches ou les progéniteurs endogènes, et non participer direc-tement à la guérison de la lésion.

L’intégration fonctionnelle des cellules souches reposeaussi sur le respect et la reconstitution de l’organisationtridimensionnelle de la zone lésée. Cette question est,bien entendu, fondamentale pour un fonctionnement céré-bral ou cardiaque normal mais aussi pour d’autres organescomme les dents ou les articulations. Des stratégies de bio-compatibilité sont en plein essor actuellement afin de pro-duire les meilleurs supports biosynthétiques qui servirontde « tuteur » aux cellules souches greffées [25,26].

Les maladies génétiques comme le diabète, l’épidermo-lyse bulleuse ou encore la dystrophie musculaire deDuchenne, soulèvent des difficultés supplémentaires carelles excluent l’utilisation directe de cellules souches adul-tes issues du patient. Dans ce cas de figure, l’utilisation descellules souches issues du patient doit être couplée avecune modification de leur génome avant l’implantation. Cetype d’approche a été utilisé récemment avec succès parl’équipe de Michele De Luca sur un patient atteint d’épider-molyse bulleuse ayant reçu des greffes de cellules souchesde peau transduites par un vecteur rétroviral exprimant laforme sauvage du gène LAM5, gène muté dans cette patho-logie. Ces travaux ont montré une intégration des cellules

Figure 3 Les différentes stratégies envisageables pour une thérapie fondée sur l’utilisation des cellules souches. En fonction dutype de pathologie considéré, plusieurs stratégies peuvent être choisies. A. Les cellules souches peuvent être prélevées chez lepatient, amplifiées, voire même prédifférenciées in vitro avant réimplantation. Ce type de traitement ne peut être envisagé uni-quement dans le contexte où la pathologie n’est pas de résultat d’une mutation somatique. Dans ce cas, une thérapie géniquedoit alors y être couplée. B. Des cellules souches de type hématopoïétiques et mésenchymateuses peuvent être isolées à partirde sang de cordon ombilical. Il a peu de données actuellement sur les potentialités de ces cellules qui permettraient de contour-ner les importants problèmes éthiques en rapport avec l’utilisation des cellules souches embryonnaires. C. Les cellules souchespeuvent provenir de la masse cellulaire interne d’un blastocyste, isolées en culture et spécifiées de manière contrôlée in vitroavant réimplantation. Les potentialités des CSEh commencent à être bien caractérisées in vitro, mais très peu de données sontconnues à ce jour in vivo quant à leurs capacités à s’intégrer de manière effective chez l’adulte. D. Dans ce cas, le patrimoinegénétique du patient est introduit dans des cellules souches embryonnaires. Cette méthode, dite de transfert nucléaire, ne serapas applicable aux maladies génétiques pour les mêmes raisons qu’en A. Mis à part les cas d’autogreffe de cellules souches adul-tes qui excluent tout rejet de la part du patient, les autres stratégies posent des problèmes immunologiques plus ou moins éten-dus. Cependant, il a été montré que les cellules souches embryonnaires humains étaient moins immunogènes que des cellulessouches adultes. La méthode de transfert nucléaire semblait être une bonne alternative afin d’éviter les rejets puisque le patri-moine génétique du patient est introduit pour élaborer un blastocyste « médecin ». Cependant, très peu de choses sont connuessur l’importance de l’expression de l’ADN mitochondrial de l’ovocyte qui lui sera différent de celui du patient.Figure 3 Potential strategies using stem cell in regenerative medicine. Based on the particularities of each disease, several stra-tegies are possible. A. Stem cells can be isolated from the patient, amplified and even predifferentiated in vitro before trans-plantation. This kind of therapy can only be applied if the disease is not the result of a somatic mutation. In that particularcase, a genetic therapy must be added. B. Haematopoietic and mesenchymal stem cells have been isolated from umbilical cord

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blood. These cells could allow to bypassing major ethical problems related to embryonic stem cells manipulation. C. Stem cellderived from inner mass can be isolated in culture, specified in vitro before reimplantation. HESC’s potential become well cha-racterized in vitro, however, the question of their efficient integration in vivo remain largely unknown. D. In that case, thepatient’s genome is introduced in embryonic stem cells. This method, known as nuclear transfer, cannot be applicable in thecase of a genetic disease as in A. Exception made of self-transplantation, which is the only way to avoid reject, the others strate-gies are facing immunological issues. Although, it as been proposed that embryonic stem cells are less immunogenic than theiradult counterpart, very few is know about the immunological tolerance. Nuclear transfer method could represent a very powerfulsolution for graft tolerance. However, very few data are available on the importance of the mitochondrial DNA expression whowill still come from the ovocyte.

C. Carron et al.22

transplantées qui ont participé de manière tout à fait coor-donnée à l’élaboration d’un tissu épidermique sain [27].

Cellules souches médecins, quel avenir ?

Des progrès fondamentaux ont été réalisés ces cinq derniè-res années dans la connaissance de la biologie et la manipu-lation des cellules souches. Malgré certains résultats detests cliniques extrêmement prometteurs, des points res-tent encore à régler afin d’optimiser l’amplification et ladifférenciation ciblée des cellules souches, de déterminerl’importance des signaux environnementaux ou encore demettre au point les protocoles d’administration des cellulesles plus efficaces. N’oublions pas qu’à terme, les méthodesdéveloppées devront pouvoir être pratiquées à grandeéchelle, dans un cadre médicohospitalier et que pour lemoment, peu de recherches sur les méthodes d’amplifica-tion en masse ou sur le contrôle-qualité des cellules sou-ches sont effectuées.

La reprogrammation de cellules somatiques adultes encellules pluripotentes capables de générer des cellules destrois feuillets primordiaux, constitue actuellement unealternative prometteuse. Historiquement, la reprogramma-tion nucléaire de cellules adultes, dont l’efficacité est trèsfaible, a été mise en évidence initialement chez l’amphi-bien puis, plus récemment, chez les mammifères [38–40].Cette technique repose sur le transfert de noyaux de cellu-les somatiques dans des ovocytes énucléés (Fig. 3). Cesdeux dernières années, des équipes américaine et japonaiseont montré que des approches alternatives à cette tech-nique étaient envisageables. Sur la base d’expériences defusion entre des cellules fibroblastiques adultes et des cel-lules ES humaines, l’équipe du Dr Melton a réussi à conférerà des cellules fibroblastiques un phénotype et des capacitésde prolifération et de différenciation identiques aux cellu-les ES. Dans ces cellules hybrides, le programme génétiquedes cellules ES semble également prédominer sur celui descellules somatiques [41].

Très récemment, une nouvelle catégorie de cellules sou-ches ont été obtenues in vitro : les cellules iPS (pour indu-ced pluripotent stem cells) à partir de cellules somatiquesadultes. Trois publications indépendantes ont reporté lapossibilité de reprogrammer des cellules fibroblastiquesmurines en cellules souches de type embryonnaire. Cettereconversion cellulaire surprenante repose sur l’expressionectopique de quatre gènes clés Oct4, Sox2, c-Myc et Klf4(exprimés par les cellules ES) et ne fait pas appel à l’utili-sation de cellule souche embryonnaire. Les cellules ainsiproduites présentent toutes les caractéristiques de cellules

souches embryonnaires et sont, notamment, capables degénérer tous les feuillets embryonnaires primordiaux [42–45]. Cette nouvelle technique d’obtention de cellules sou-ches de type embryonnaire pourrait représenter une solu-tion séduisante à de nombreux problèmes, notamment éthi-ques qui freinent la recherche sur cette catégoriecellulaire.

Ces travaux ouvrent véritablement de nouvelles pers-pectives dans la compréhension des mécanismes moléculai-res qui président à la reprogrammation des cellules somati-ques adultes et ouvrent une voie inédite d’investigationdans la production de cellules souches qui pourraient,dans un cadre thérapeutique, fournir à loisir des dérivés tis-sulaires sains.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Mme Sophie Gournetpour son excellent travail d’illustration et les Prs MartinCatala et Thierry Darribère pour leurs critiques pertinentesdu manuscrit. Cet article a été rédigé dans le cadre del’unité d’enseignement de développement humain etmurin de Master I de biologie moléculaire et cellulaire del’université Pierre-et-Marie-Curie-Paris-VI.

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