Les enjeux du pilotage des performances pour les managers logisitique

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1 Les enjeux du Pilotage des Performances pour les Managers Logistique Claude FIORE Adib BENSALEM Dans « La logistique : Une approche innovante des organisations » sous la direction de Nathalie Fabbe-Costes et Gilles Paché, Publications de l'Université de Provence (2013) Résumé : Le thème de cet article consiste à interroger les systèmes d’évaluation de la performance, qui n’ont cessé d’évoluer en passant de modèles monocritères basés sur le coût à des modèles de gestion multicritères tentant de cerner toutes les facettes de la performance logistique. Quelle que soit la méthode utilisée, la notion de risque apparaît notamment dans le cas d’un décalage entre la stratégie et l’opérationnel logistique, susceptible de se traduire par une rupture de flux d’une Supply Chain et n’est pas pris en compte par ces modèles. Nous proposons donc d’ouvrir un champ de recherche sur le pilotage des performances consistant à analyser l es articulations entre le top et le middle management. Abstract : The aim of this article is to investigate supply chain performance measurement systems, which are constantly evolving from monocriterion models based on cost to multicreteria models attempting to grasp all the complexity of performance. Our investigation sheds light on the gap between supply chain strategy and operational implementation; particularly on the aspect of risk management, which can cause supply chain breakdown and is not taken into account by the models reviewed. We thus suggest opening a field of research on the piloting of the performances consisting in analyzing the joints between the top and the middle management.

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Les enjeux du Pilotage des Performances pour les Managers Logistique

Claude FIORE

Adib BENSALEM

Dans « La logistique : Une approche innovante des organisations » sous la direction de

Nathalie Fabbe-Costes et Gilles Paché, Publications de l'Université de Provence (2013)

Résumé :

Le thème de cet article consiste à interroger les systèmes d’évaluation de la performance, qui

n’ont cessé d’évoluer en passant de modèles monocritères basés sur le coût à des modèles de

gestion multicritères tentant de cerner toutes les facettes de la performance logistique. Quelle

que soit la méthode utilisée, la notion de risque apparaît notamment dans le cas d’un décalage

entre la stratégie et l’opérationnel logistique, susceptible de se traduire par une rupture de flux

d’une Supply Chain et n’est pas pris en compte par ces modèles. Nous proposons donc

d’ouvrir un champ de recherche sur le pilotage des performances consistant à analyser les

articulations entre le top et le middle management.

Abstract :

The aim of this article is to investigate supply chain performance measurement systems,

which are constantly evolving from monocriterion models based on cost to multicreteria

models attempting to grasp all the complexity of performance. Our investigation sheds light

on the gap between supply chain strategy and operational implementation; particularly on the

aspect of risk management, which can cause supply chain breakdown and is not taken into

account by the models reviewed. We thus suggest opening a field of research on the piloting

of the performances consisting in analyzing the joints between the top and the middle

management.

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1. Les modèles d’évaluation des performances logistiques.

1.1 Evolution des modèles d’évaluation de la performance

Pour mieux comprendre les systèmes d’évaluation de la performance utilisés actuellement,

revenons brièvement sur leur évolution. Le pilotage par la performance dans l’entreprise

ancre ses origines dans les années 1920 lorsque D.Brown (1924) et A.Sloan créent plusieurs

outils de contrôle financier inconnus jusqu’alors : le contrôle de gestion est né. Des outils

d’optimisation mathématiques (recherche opérationnelle) voient le jour par la suite dans les

années 1940. L’informatique des années 1970 va contribuer à généraliser le contrôle

budgétaire à toutes les fonctions de l’entreprise et l’on voit se développer le début du pilotage

par la performance. Dans les années 1980, un pilotage des coûts axé sur les activités devient

alors essentiel pour certaines entreprises, c’est l’Activity Based Costing (ABC). Puis, dans les

années 1990, Kaplan et Norton proposent un outil de gestion multicritères (Balanced Score

Card) autour de quatre dimensions : finances, clients, processus, et apprentissage. Le modèle

SCOR fait son apparition en 1997. Il s’agit d’un modèle de référence qui fixe les standards et

bonnes pratiques de gestion de la chaine logistique. La figure 1 illustre le chronogramme de

cette évolution (Lauras, 2004). Les systèmes d’évaluation de la performance n’ont donc cessé

d’évoluer en passant de modèles monocritères basés sur le coût à des modèles de gestion

multicritères tentant de cerner toutes les facettes de la performance logistique devant mener à

la consécration ultime, le profit.

Figure 1 : Les évolutions des systèmes d’évaluation des performances

Source : d’après Lauras (2004), p. 117.

Nous focaliserons notre réflexion sur les évolutions récentes du pilotage de la performance

logistique et plus généralement supply chain.

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1.2 Les modèles récents d’évaluation de la performance logistique

La construction d’un système d’évaluation de la performance logistique est en réalité peu

évidente. La littérature sur le sujet est riche et les publications sont produites à un rythme

relativement constant depuis plusieurs décennies, voire croissant depuis une dizaine d’année.

Tableau 1 : nombre de publications par an sur les performances logistiques

Source : d’après Cuthbertson et Piotrowicz (2011), p. 583.

Alors que Gunasekaran et al. (2004) critique l’utilisation d’un nombre excessif d’indicateurs

dans les modèles de pilotage de la performance logistique, Beamon (1999) met en garde

contre l’utilisation simpliste d’un seul type d’indicateurs comme il est souvent le cas dans les

modèles centrés sur la mesure du coût logistique.

Les indicateurs, dans un bon système d’évaluation de la performance, doivent être

sélectionnés avec soin selon les objectifs stratégiques de l’organisation, ensuite il s’agit de

choisir les bons outils de mesure, décider de la fréquence de leur mise à jour et celle de la

remise en question du nombre et du choix des indicateurs (Beamon, 1999). Selon

Gunasekaran et al. (2004), les indicateurs à utiliser dans la mesure et l’amélioration de la

performance logistique sont ceux capables de saisir l’essence de la performance

organisationnelle. Pour une efficacité optimale, ce système de performance devrait représenter

un équilibre entre indicateurs financiers et non-financiers qui doivent constamment être liés

aux niveaux stratégiques, tactiques et opérationnels de prise de décision. L’autre difficulté

réside dans la délimitation du champ de l’étude. Lorsqu’il s’agit de mesurer la performance

supply chain, où débute la mesure et où s’arrête-t-elle ? Devrait-elle inclure une ou plusieurs

organisations ? Une ou plusieurs lignes de produits ? Beamon (1996) présente les

caractéristiques d’un système d’évaluation de la performance efficace. Selon lui, un système

efficace est inclusif (mesure tous les aspects pertinents), universel (permet la comparaison

sous différentes conditions), mesurable (les données sont facilement mesurables) et cohérent

(indicateurs compatibles avec les objectifs stratégiques de l’organisation).

Alors que Neely et al. (1995) classent les indicateurs utilisés dans les systèmes d’évaluation

de la performance supply chain en quatre catégories - qualité, délai, flexibilité et coût -,

d’autres auteurs proposent d’autres grilles de lecture.

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Otto et Kotzab (2003) soutiennent que la performance supply chain peut être mesurée selon

deux approches différentes. La première consiste à calculer le profit généré par l’activité

opérationnelle étudiée. La seconde se réfère à des objectifs préétablis. L’approche par le profit

est très complexe à mettre en œuvre. Comment isoler le profit engendré par un projet alors

que plusieurs actions sont en cours d’exécution avec des effets différents ? Bien qu’elle soit la

plus souhaitable, cette approche est techniquement et financièrement difficilement réalisable.

Otto et Kotzab (2003) portent donc leur attention plutôt sur l’approche par objectif. En

somme, le Supply Chain Management (SCM) apporte de la valeur lorsque les objectifs sont

atteints. Certes, cette approche présente des inconvénients non négligeables tels que la

difficulté de définir des objectifs atteignables mais rentables pour l’entreprise, ou encore les

situations conflictuelles entre des objectifs contradictoires émanants de fonctions différentes.

Cependant, l’approche par objectif a le mérite d’être plus accessible aux managers ayant

l’habitude de commencer leurs projets par l’identification d’objectifs SMART (Spécifiques,

Mesurables, Atteignables, Réalistes, et Temporels). Otto et Kotzab proposent donc un modèle

de performance logistique en 6 thèmes inspirés des travaux d’Otto (2002) : Dynamique des

Systèmes, Recherche Opérationnelle et Technologie de l’Information et Communication,

Logistique, Marketing, Organisation et Stratégie.

Tableau 2 : Les modèles de performances logistique et Supply Chain

Thème Indicateurs de performance

Dynamique des Systèmes

1. Utilisation de la capacité

2. Niveau de stock cumulé le long de la supply chain

3. Ruptures de stock chez le consommateur final

4. Délai de transmission de la commande

5. Délai d’adaptation aux changements de la

demande

6. Nombre de commandes « fantômes » ou annulées

Recherche Opérationnelle et

Technologie de l’Information et

Communication

1. Coût logistique par unité

2. Niveau de service

3. Délai de livraison

Logistique

1. Intégration, le nombre d’interfaces dans le

traitement d’une commande

2. Délais des processus

3. Délai du cycle de commande

4. Niveau de stock

5. Flexibilité

Marketing

1. Satisfaction client

2. Coûts de distribution par unité

3. Part de marché

4. Coûts de service du canal de distribution

Organisation et Stratégie 1. Coûts de transaction

2. Délai de réseautage

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3. Flexibilité

4. Densité des relations

Source : Traduit et adapté d’après Otto et Kotzab (2003).

Gunasekaran et al. (2004) recommande un système qui met l’accent sur trois types

d’indicateurs : Ressource, Produit, et Flexibilité. L’objectif des indicateurs Ressource est

l’atteinte d’un niveau d’efficience opérationnelle élevé. Ils sont constitués des niveaux de

stock, des besoins en main d’œuvre, de l’utilisation d’équipement et d’énergie, et du coût. Les

indicateurs Produit ont pour but une satisfaction client élevée. Ils sont donc représentés par la

réactivité aux demandes des clients, la qualité et les volumes produits. Et enfin, les indicateurs

Flexibilité ont pour objectif la capacité à s’adapter rapidement aux changements de la

demande. Slack (1991) identifie deux aspects à la flexibilité, l’étendue et la réaction.

L’étendue décrit jusqu’à quel point on peut apporter des changements et la réaction montre la

facilité avec laquelle on peut changer ce qui est prévu, et ce au niveau des dimensions de

volume, de la date de livraison, de la nature du produit, et de la mise sur le marché d’un

nouveau produit.

Cette évolution des systèmes d’évaluation des performances vers une approche multicritères

démontre la complexité croissante dans l’organisation des entreprises. Quelle que soit la

méthode utilisée, la notion de risque apparaît notamment dans le cas d’un décalage entre la

stratégie et l’opérationnel logistique, susceptible de se traduire par une rupture de flux, une

altération dans l’organisation et le fonctionnement d’une Supply Chain (Lavastre, Spalanzani,

2010).

Or, nous constatons qu’aucun des modèles d’évaluation de la performance décrits n’intègre la

gestion des risques inhérents au contexte logistique. Pourtant, plusieurs chercheurs

interpellent la communauté scientifique sur cet aspect. Christopher et Lee (2004) soulignent le

développement croissant des risques dans la chaine logistique et l’impératif de construction

d’un collectif d’indicateurs et de mesures permettant d’évaluer, de renseigner et d’influencer

les décisions stratégiques et opérationnelles des entreprises. Chen et Paulradj (2004)

concèdent également que le besoin est pressant en matière d’évaluation du risque en supply

chain management. Les travaux récents de Simangunsong (2011), qui recensent dans la

littérature les sources et stratégies de gestion du risque en supply chain management,

démontrent que ce domaine n’est pas encore stabilisé et que le besoin d’un modèle

d’évaluation global de la performance supply chain prenant en compte la gestion du risque est

d’actualité.

Il est donc vital de repenser l’évaluation des performances par un questionnement sur les

interactions entre les dirigeants et les managers logistiques.

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2. De l’évaluation au pilotage des performances logistiques : une nouvelle posture des

managers intermédiaires.

La littérature portant sur la gestion des risques en Supply Chain, montre que l’évaluation des

risques ne constitue qu’une étape transitoire, il est ensuite nécessaire de passer au

management de ces risques, puis au déploiement d’une stratégie collaborative de gestion des

risques au sein des différentes parties prenantes (Cf. le tableau 3).

Tableau 3 : Modèle de management des risques

Source : Traduit d’après Harland et al. (2003).

Sachant que les risques constituent des altérations au fonctionnement des organisations

logistiques, des ruptures dans les flux d’informations et de marchandises, il devient alors vital

de déployer des dispositifs d’amélioration continue tout au long d’une supply chain ou d’une

chaîne logistique afin de maîtriser, de réduire ces dysfonctionnements.

Comment identifier ces leviers d’actions en matière d’amélioration continue, si ce n’est par un

dialogue permanent entre les dirigeants de supply chain et les managers logistiques ? Car,

l’amélioration continue ne peut être effective sans une mobilisation de l’ensemble des parties

prenantes à tous les échelons hiérarchiques.

L’environnement économique des entreprises et les nouvelles formes de concurrence ont

fortement réduit le degré d’anticipation et augmenté le besoin de réactivité des organisations.

Aussi, assiste-t-on depuis une trentaine d’années à un mouvement important de restructuration

organisationnelle des entreprises. Afin de répondre à une évolution toujours plus rapide de la

demande des clients, les entreprises cherchent à mettre en place des structures plus souples

aux formes « modulaires », intégrées (Schilling et Steensma, 2001). Aussi, les chaînes

logistiques doivent être à la fois souples et agiles (Fabbe-Costes, 2007), réactives et intégrées.

Ces changements continus conduisent à rechercher de nouvelles cohérences dans la conduite

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d’une entreprise, de nouvelles formes de gouvernance, au cœur desquelles on identifie une

participation accrue des middle managers (MM) au pilotage stratégique. Le MM est de plus

en plus présenté comme un véritable acteur de la stratégie, ou du moins comme un acteur clé

devant contribuer à la mise en œuvre de la stratégie (Balogun et Johnson, 2004, Wooldridge

et al., 2008). Parmi l’ensemble de ses missions, le MM doit contribuer à la création de valeur

et piloter la performance de son ou de ses équipes. Il devient ainsi porteur de la mise en œuvre

de la stratégie dans l’opérationnel logistique. Si la vitesse de conception et de déploiement des

initiatives stratégiques devient le critère majeur de la conduite d’une entreprise, quelles

capacités d’action les managers intermédiaires doivent-ils mettre en œuvre?

Le MM se doit de contribuer activement au pilotage de la performance de la chaîne logistique.

Cette performance repose sur deux facteurs importants qui peuvent apparaître comme

contradictoires.

Tout d’abord, l’efficacité clients exige un pilotage transverse entre acteurs de la Supply

Chain, notamment par le biais de processus collaboratifs (CPFR, GPA, Flow Casting…). Le

MM logisticien va alors jouer un rôle d’interface entre acteurs de la supply chain (Fulconis et

Paché, 2005), et résoudre en toute autonomie, quantités de dysfonctionnements liés aux aléas

des pilotages de flux (problèmes techniques, commandes aléatoires des clients, management

des hommes…).

Par ailleurs, les exigences de rentabilité de chaque entreprise de la chaîne nécessitent un

renforcement des liens hiérarchiques. Par conséquent, les tâches de reporting prennent le pas

sur celles de pilotage dans les activités logistiques.

Cette ambivalence entre autonomie et contrôle n’est pas nouvelle dans les théories des

organisations, ce qui est nouveau c’est les conditions dans lesquelles elles s’exercent ; des

temps de plus en plus réduits, dans des contextes inter-organisationnels, qui mettent les MM

dans des postures particulièrement difficiles à tenir (voir par exemple Camman et Livolsi,

2007, à propos des Managers intermédiaires dans le contexte des prestataires de services

logistiques). Il semble alors indispensable de s’interroger sur le rôle et la place de ces acteurs

dans le contexte logistique. Plus généralement, Besson et Mahieu (2008) soulignent la

nécessaire redéfinition de l’engagement du manager intermédiaire dans le processus

stratégique, en tant « qu’acteur pivot des organisations post-bureaucratiques ». Dans ce

nouveau contexte organisationnel qui place la valeur au cœur des préoccupations de la

performance, il a pour rôle de déceler, évaluer et mettre en œuvre des opportunités de création

de valeur en jouant simultanément sur le double registre de la création d’offre et de

l’économie des ressources (Besson et Mahieu, 2008).

Ce qui constitue le cœur des performances logistiques telle que l’explicite la figure 2.

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Figure 2 : Définition des performances logistiques

Source : Elaboration personnelle.

Une performance est la capacité à atteindre des objectifs fixés en termes d’efficacité (capacité

à atteindre les objectifs fixés), d’efficience (degré d’atteinte des objectifs fixés à moindre

coût) et d’effectivité (répartition de la valeur créée en fonction des contributions respectives

de chaque acteur). Elle doit être destinée à satisfaire les clients, mais aussi les autres parties

prenantes d’une entreprise, les salariés et les fournisseurs.

En conséquence, arbitrer en permanence entre les trois composantes d’une performance

logistique exige une coordination des managers et des dirigeants pour l’ensemble des parties

prenantes d’une chaîne ou d’une supply chain. C’est ce que l’on appelle le pilotage des

performances, qui consiste à assurer le lien entre la présentation des objectifs de résultat, et la

définition des actions qui sont nécessaires à leur réalisation et sur lesquelles porte le pilotage

(Fiore, 2005). Les leviers d’action (paramètres d’amélioration des dysfonctionnements) font

le lien entre les objectifs stratégiques et les performances opérationnelles. Ils rendent

crédibles ces performances opérationnelles vis-à-vis de la hiérarchie, qui les valide, et du

personnel dont ils permettent la mobilisation.

Ce qui induit un rôle nouveau des middle managers logistiques, car les directions

d’entreprises demandent une double compétence aux managers intermédiaires :

D’une part, Une aptitude à entretenir une relation directe avec le marché (clients, parties

prenantes d’une chaîne logistique ou supply chain), un rôle de « marginal sécant » (Payaud,

2003 et Dietrich, 2009) : il doit développer une compétence à porter la stratégie de

l’entreprise auprès de ses collaborateurs. D’autres part, une capacité à entretenir une forte

relation avec ses collaborateurs, un rôle de « manager de proximité » (Payaud, 2003 et

Dietrich, 2009) : il doit cultiver une compétence de management d’un service ou d’une équipe

en tant qu’acteur du changement opérationnel.

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Un manager intermédiaire doit donc assumer trois grandes catégories de rôles :

Technique (en lien avec un métier opérationnel) ; il contribue ainsi à l’amélioration logistique

en termes de qualité et de productivité.

Relationnel (il s’agit d’animer des équipes, de répondre à leurs interrogations, de faire le lien

avec les directions, les clients et les fournisseurs) ; il doit alors identifier les inducteurs de

performances et élaborer son tableau de bord en concertation avec ses collaborateurs.

Gestionnaire (garant des ressources) ; il participe au reporting et à l’analyse de gestion.

Ces rôles prennent leur sens dans ce que l’on qualifiera de posture managériale du MM ;

"Parler de posture, signifie que ces managers sont acteurs de leur propre transformation et

de celle des finalités de l’organisation. C’est aussi parler d’un positionnement et des systèmes

de relations qui lui donnent sens, selon les contextes. " (Besson et Mahieu, 2008). Nous

l’avons évoqué, les organisations appartenant à une même chaîne logistique doivent, pour être

plus réactives, mettre en œuvre des démarches collaboratives. Les MM logistiques ont la

possibilité de prendre part à ces nouvelles formes organisationnelles. Cela repose sur

l’évolution de la façon dont ils incarnent leur métier. Le tableau 4 présente les principales

évolutions en termes de compétences et de périmètre d’actions des MM logisticiens selon si la

posture des MM est traditionnelle ou moderne. Il permet d’identifier les facteurs clivant

assurant l’émergence d’un véritable pilotage des performances logistiques au moyen d’une

nouvelle posture des middle managers

Tableau 4 : Evolution de la posture des Middle Managers logistiques

Posture traditionnelle des MM Posture moderne des MM

Contexte

d’apprentissage

Organisations fonctionnant dans

des environnements

relativement certains et stables

Organisations fonctionnant

dans des environnements

incertains, volatiles

Pilotage des

performances

Maîtrise et optimisation des

coûts logistiques

Piloter les risques, les

inducteurs de croissance

(valeur) et de coûts

Compétences

managériales

Manager une équipe

opérationnelle en fonction

d’objectifs de coûts et de qualité

Traduire les objectifs

stratégiques en performances

opérationnelles et les piloter

Compétences en termes

de management

Transactionnelles, centrées sur

la maintenance des

performances (qualité et coûts)

Transformationnelles

centrées sur la vision du

changement et l’adhésion des

collaborateurs

Périmètre de

management

Les différentes tâches d’une

opération logistique

Processus collaboratif entre

acteurs d’une supply chain

Source : élaboration personnelle

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Chacun des middle managers logistiques devient force de propositions et contribue, à son

niveau, à l’amélioration continue de la performance, à impulser une dynamique de progrès

permanent dans les organisations, sous fond de réduction des gaspillages et de superflu. Il doit

traduire les objectifs stratégiques en performances opérationnelles au moyen de

l’identification des inducteurs de croissance et de coûts permettant d’arbitrer entre les niveaux

d’efficacité et d’efficience, et intégrer dans cet effort la dimension essentielle de gestion des

risques logistiques.

Mais, comment impulser cette dynamique de progrès sans un profond changement dans les

méthodes de management ? C’est pourquoi les approches transactionnelles s’intéressent aux

échanges qui s’inscrivent dans une logique de transaction entre le manager et le subalterne.

Un leader transactionnel s’intéresse aux moyens de maintenir et d’améliorer le niveau ainsi

que la qualité de la performance de ses subordonnées. Cette approche tranche avec l’approche

transformationnelle où le leadership est définit comme « un processus qui provoque un

engagement mutuel du leader et du subordonné » (Burns, 1978). L’engagement conjoint du

leader et du subordonné repose sur une adhésion commune à une vision et à des valeurs

partagées avec le leader (Burns, 1978).

Aussi, est-il nécessaire de faire évoluer les MM, vers une nouvelle posture managériale

consistant en :

Savoir traduire les objectifs stratégiques en cibles opérationnelles.

Mettre en mouvement les collaborateurs

Piloter les changements opérationnels.

Conclusion

Le passage de l’évaluation au pilotage des performances logistiques requiert un certain

nombre de conditions, que nous avons tenté de présenter dans cet article :

Redonner des marges de manœuvre aux middle managers afin qu’ils deviennent acteurs des

dynamiques de progrès.

Axer leurs efforts sur l’efficacité clients tout en assurant une certaine équité dans la répartition

de la valeur ajoutée (efficience).

Mettre en place une véritable stratégie collaborative au sein d’une supply chain tournant le

dos à des pratiques de prédation en termes de création de valeur.

Ces conditions constituent la frontière en deçà de laquelle il ne saurait y avoir de véritable

pilotage des performances logistiques, mais uniquement des performances locales en

contradiction entre-elles.

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