ATTEINTE OCULAIRE AU COURS DE LA MALADIE DE BEHÇET EN MEDECINE INTERNE AMBULATOIRE LIBERALE

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10 Journal Marocain des Sciences Médicales 2014, Tome XIX ; N°3 Article original ATTEINTE OCULAIRE AU COURS DE LA MALADIE DE BEHÇET EN MEDECINE INTERNE AMBULATOIRE LIBERALE Said Elkettani Cabinet de médecine interne Bd Abderrahmane Skiraj, N°2, Settat, Maroc RESUME Introduction, Objectif La maladie de Behçet est une vascularite systémique. L’atteinte oculaire en représente l’un des critères majeurs de diagnostic et de pronostic. Les séries publiées concernent presque exclusivement les patients suivis dans des hôpitaux. Ce travail a été entrepris pour déterminer les particularités cliniques, diagnostiques et pronostiques de l’atteinte oculaire de patients, pris en charge, dans un cabinet libéral de médecine interne, d’une ville moyenne marocaine en l’occurrence Settat. Patients et méthodes. Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective réalisée de septembre 2009 à mars 2014. Elle a concerné 89 patients âgés de 13 à 65 ans, dont 47,6% sont de sexe féminin, présentant une maladie de Behçet retenue sur l’une des quatre définitions les plus utilisées à savoir, Masson et Barns, Groupe International d’étude sur la maladie de Behçet, Comité de recherche japonais sur la maladie de Behçet et Davatchi. Les patients, atteints de maladie de Behçet, ont été divisés en deux groupes. Un premier groupe composé de 40 patients (44,9%) présentant une atteinte oculaire et un deuxième groupe composé de 49 patients (55,1%) sans atteinte oculaire. Résultats. L’atteinte oculaire occupe la deuxième place (44,9%) après l’atteinte cutanéo-muqueuse (97,8%) et avant l’atteinte articulaire (21,3%). La moyenne d’âge est de 42,4 ± 12,7 ans dans le premier groupe vs 38,9 ± 9,2 ans dans le deuxième groupe (p = 0,14). La même différence est constatée lorsqu’on compare les moyennes d’âge présumé du début de la maladie de Behçet. La proportion des hommes est plus élevée dans le premier groupe. L’aphtose bipolaire est significativement plus rare dans le premier groupe. Les manifestations oculaires sont dominées par l’atteinte uvéale (95,0%). Les vascularites rétiniennes ont été observées dans 12,5% et exclusivement chez les hommes. L'atteinte oculaire est bilatérale chez 47,5% des patients. Le choix du traitement dépendait du type de l’atteinte oculaire. Il s’agit d’une maladie particulièrement grave, 30,0% des patients ont une cécité. La cécité est significativement plus fréquente chez les hommes (p = 0,04). Conclusion. L’atteinte oculaire en milieu ambulatoire de médecine interne, dans une ville moyenne se singularise par sa fréquence et sa gravité. Mots-clés : Maladie de Behçet, cécité, manifestations ophtalmologiques, uvéite, vascularite. SUMMARY Ocular involvement in Behçet's disease in outpatient internal medicine liberal Introduction, Purpose Behçet's disease is a systemic vasculitis. Ocular involvement represents one of the major criteria for diagnosis and prognosis. The series published almost exclusively relates to patients followed in hospitals. This work was undertaken to determine the clinical features, diagnosis and prognosis of ocular involvement of patients, supported in a private practice of internal medicine, a Moroccan city average, namely Settat. Patients and methods. This is a retrospective study from september 2009 to mars 2014 , which involved 89 patients aged 13-65 years, 47.6 % were female, with Behçet's disease as defined by one of the four most used definition namely Masson and Barns , International study Group for Behçet's disease, Japanese research Committee on Behçet's disease and Davatchi. The patients with Behcet disease, were divided into two groups. A first group of 40 patients (44.9 %) with ocular involvement and a second group of 49 patients (55.1 %) without ocular involvement. Results. Ocular involvement is in second place (44.9 %) after reaching mucocutaneous (97.8%) and before joint damage (21.3 %). The average age was 42.4 ± 12.7 years in the first group vs 38.9 ± 9.2 years in the second group (p = 0,14). The same difference is found when comparing the averages presumed age of onset Behçet's disease. The proportion of men was higher in the first group. Bipolar ulceration were significantly lower in the first group. Ocular manifestations are dominated by uveal involvement (95.0%). Retinal vasculitis was observed in 12.5% and exclusively in male patients. Ocular involvement is bilateral in 47.5% of patients. The choice of treatment depends on the type of ocular involvement. This is a particularly serious disease, 30.0 % of patients suffer from blindness. Blindness was significantly higher among males (p = 0.04). Conclusion. Ocular involvement in outpatient internal medicine in a small town is distinguished by its frequency and severity. Keywords: Behcet's disease, blindness, ocular manifestations, uveitis, vasculitis. INTRODUCTION La maladie de Behçet (MB) est une vascularite, à prédominance veineuse, responsable de manifestations systémiques diverses. Son étiologie est inconnue. Elle

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Conduite à tenir Journal Marocain des Sciences Médicales 2014, Tome XIX ; N°3

Article original

ATTEINTE OCULAIRE AU COURS DE LA MALADIE DE BEHÇET EN

MEDECINE INTERNE AMBULATOIRE LIBERALE Said Elkettani

Cabinet de médecine interne Bd Abderrahmane Skiraj, N°2, Settat, Maroc

RESUME

Introduction, Objectif La maladie de Behçet est une

vascularite systémique. L’atteinte oculaire en

représente l’un des critères majeurs de diagnostic et de

pronostic. Les séries publiées concernent presque

exclusivement les patients suivis dans des hôpitaux. Ce

travail a été entrepris pour déterminer les particularités

cliniques, diagnostiques et pronostiques de l’atteinte

oculaire de patients, pris en charge, dans un cabinet

libéral de médecine interne, d’une ville moyenne

marocaine en l’occurrence Settat.

Patients et méthodes. Il s’agit d’une étude descriptive

rétrospective réalisée de septembre 2009 à mars 2014.

Elle a concerné 89 patients âgés de 13 à 65 ans, dont

47,6% sont de sexe féminin, présentant une maladie de

Behçet retenue sur l’une des quatre définitions les plus

utilisées à savoir, Masson et Barns, Groupe

International d’étude sur la maladie de Behçet, Comité

de recherche japonais sur la maladie de Behçet et

Davatchi. Les patients, atteints de maladie de Behçet,

ont été divisés en deux groupes. Un premier groupe

composé de 40 patients (44,9%) présentant une atteinte

oculaire et un deuxième groupe composé de 49 patients

(55,1%) sans atteinte oculaire.

Résultats. L’atteinte oculaire occupe la deuxième

place (44,9%) après l’atteinte cutanéo-muqueuse

(97,8%) et avant l’atteinte articulaire (21,3%). La

moyenne d’âge est de 42,4 ± 12,7 ans dans le premier

groupe vs 38,9 ± 9,2 ans dans le deuxième groupe (p =

0,14). La même différence est constatée lorsqu’on

compare les moyennes d’âge présumé du début de la

maladie de Behçet. La proportion des hommes est plus

élevée dans le premier groupe. L’aphtose bipolaire est

significativement plus rare dans le premier groupe. Les

manifestations oculaires sont dominées par l’atteinte

uvéale (95,0%). Les vascularites rétiniennes ont été

observées dans 12,5% et exclusivement chez les

hommes. L'atteinte oculaire est bilatérale chez 47,5%

des patients. Le choix du traitement dépendait du type

de l’atteinte oculaire. Il s’agit d’une maladie

particulièrement grave, 30,0% des patients ont une

cécité. La cécité est significativement plus fréquente

chez les hommes (p = 0,04).

Conclusion. L’atteinte oculaire en milieu ambulatoire

de médecine interne, dans une ville moyenne se

singularise par sa fréquence et sa gravité.

Mots-clés : Maladie de Behçet, cécité, manifestations

ophtalmologiques, uvéite, vascularite.

SUMMARY

Ocular involvement in Behçet's disease in

outpatient internal medicine liberal

Introduction, Purpose Behçet's disease is a systemic

vasculitis. Ocular involvement represents one of the

major criteria for diagnosis and prognosis. The series

published almost exclusively relates to patients

followed in hospitals. This work was undertaken to

determine the clinical features, diagnosis and prognosis

of ocular involvement of patients, supported in a

private practice of internal medicine, a Moroccan city

average, namely Settat.

Patients and methods. This is a retrospective study

from september 2009 to mars 2014 , which involved 89

patients aged 13-65 years, 47.6 % were female, with

Behçet's disease as defined by one of the four most

used definition namely Masson and Barns ,

International study Group for Behçet's disease,

Japanese research Committee on Behçet's disease and

Davatchi.

The patients with Behcet disease, were divided into

two groups. A first group of 40 patients (44.9 %) with

ocular involvement and a second group of 49 patients

(55.1 %) without ocular involvement.

Results. Ocular involvement is in second place (44.9

%) after reaching mucocutaneous (97.8%) and before

joint damage (21.3 %). The average age was 42.4 ±

12.7 years in the first group vs 38.9 ± 9.2 years in the

second group (p = 0,14). The same difference is found

when comparing the averages presumed age of onset

Behçet's disease. The proportion of men was higher in

the first group. Bipolar ulceration were significantly

lower in the first group. Ocular manifestations are

dominated by uveal involvement (95.0%). Retinal

vasculitis was observed in 12.5% and exclusively in

male patients. Ocular involvement is bilateral in 47.5%

of patients. The choice of treatment depends on the

type of ocular involvement. This is a particularly

serious disease, 30.0 % of patients suffer from

blindness. Blindness was significantly higher among

males (p = 0.04).

Conclusion. Ocular involvement in outpatient internal

medicine in a small town is distinguished by its

frequency and severity.

Keywords: Behcet's disease, blindness, ocular

manifestations, uveitis, vasculitis.

INTRODUCTION

La maladie de Behçet (MB) est une vascularite, à

prédominance veineuse, responsable de manifestations

systémiques diverses. Son étiologie est inconnue. Elle

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évolue par une alternance de poussées entrecoupées de

rémissions. Elle associe une aphtose buccale et/ou

génitale récidivante à d’autres manifestations, les plus

fréquentes étant cutanées (pseudofolliculite nécrotique,

érythème noueux), articulaires, oculaires, vasculaires

(thromboses, anévrysmes), neurologiques

(encéphalomyélite, méningite, hypertension

intracrânienne) et digestives. Les manifestations

ophtalmologiques sont dominées par les uvéites, les

vascularites rétiniennes et les thromboses veineuses

rétiniennes. La MB se distingue par l’absence de

marqueurs biologiques spécifiques. Son diagnostic est

purement clinique, il repose sur des critères

diagnostiques nombreux, donc plus ou moins sensibles

et spécifiques [1]. L’atteinte oculaire en représente l’un

des critères diagnostiques majeurs [2]. Elle présente

également un intérêt pronostique et thérapeutique. La

cécité en est la complication la plus redoutable [1, 3].

Les séries, de MB publiées, concernent presque

exclusivement les patients suivis dans des hôpitaux.

L’objectif de notre travail est de rechercher les

particularités épidémiologiques, cliniques et

pronostiques des manifestations ophtalmologiques des

patients suivis en milieu ambulatoire dans un cabinet

libéral de médecine interne d’une ville moyenne

marocaine, Settat en l’occurrence.

MATERIEL ET METHODES

Type d’étude : Il s’agit d’une étude descriptive

rétrospective, sur une période s’étalant de septembre

2009 à mars 2014, portant sur 89 patients suivis, au

cabinet de médecine interne. Ces patients sont adressés

par des confrères ophtalmologistes dans 28,1% des cas,

par d’autres confrères (13,5%) ou sont auto-référés

(58,4%). Les patients présentant une atteinte

ophtalmologique ont été adressés par les confrères

ophtalmologistes dans 62,5 % des cas.

Le diagnostic de MB a été retenu sur la présence d’au

moins une des 4 définitions (les critères diagnostiques),

Masson et Barnes [4], International study group for

Behcet disease de 1990 [2] Behcet disease research

Comitee of Japan de 1972 [5] et les critères de

Davatchi [6].

Fiche de dépouillement, données recueillies et

examen

Chaque patient a bénéficié d’un examen clinique

complet avec recueil de renseignements anamnestiques.

Un bilan biologique minimum avec une vitesse de

sédimentation, une évaluation de l’hypersensibilité

cutanée au point de piqûre ou de prélèvement sanguin

(point de prélèvement) voire un test pathérgique

(aiguille stérile 21G). L’examen ophtalmologique

systématique a comporté la mesure de l’acuité visuelle

(AV), l’examen à la lampe à fente et l’étude du fond

d’œil. Il a été complété par l’angiographie à la

fluorescéine, chaque fois que possible. Nous procédons

au dépistage précoce des atteintes ophtalmologiques

chez tous les patients MB identifiés. L’AV a été

classée en normale, basse et cécité (à partir de compte

les doigts qui est la définition légale de la cécité). Ont

également été précisées les données thérapeutiques et

évolutives. Les résultats des différentes atteintes

oculaires sont exprimés en nombre de patients et

d'yeux. Nous avons défini les formes sévères comme

celles comportant une atteinte postérieure ou une

vascularite.

Analyse statistique

Les patients ont été divisés en deux groupes. Un

premier groupe présentant une atteinte oculaire et un

deuxième groupe sans atteinte oculaire. Pour comparer

les fréquences des différentes variables étudiées (à

savoir l’âge, le sexe, l’existence de cas familiaux de

MB et l’association à d’autres atteintes graves

notamment vasculaires et neurologiques) dans chacun

des deux groupes, nous avons utilisé le test du χ2 de

Pearson. Après cette analyse univariée, deux modèles

de régression logistique non conditionnelle ont été

élaborés. Le premier pour déterminer les facteurs

prédictifs de l’atteinte oculaire (variable dépendante 1).

Le deuxième pour déterminer les associations entre la

sévérité de l’atteinte oculaire (variable dépendante 2) et

toutes les autres variables (variables indépendantes). La

sélection des variables pour le modèle est réalisée à

l’aide de la procédure de sélection pas à pas (stepwise)

où les critères d’entrée et de sortie des variables dans le

modèle ont été fixés à 10 %. Pour les analyses simples

et les modèles de régression logistique en analyse

principale, le seuil de signification statistique a été fixé

à 5 % (p < 0,05) [7]. Les analyses ont été réalisées à

l’aide du logiciel SPSS, version 20.

RESULTATS

I- Caractéristiques démographiques

Sur les 89 patients présentant une MB, suivis durant la

période de l’étude, 40 ont une atteinte oculaire, soit

44,9% des cas constituant le premier groupe.

Les patients du premier groupe sont plus âgés que les

autres, leur moyenne d’âge, lors de la première

consultation, est de 42,4 ± 12,7 ans (extrêmes : 23 à 65

ans) contre uniquement 38,9 ± 9,2 ans (extrêmes : 13 à

58 ans) dans le deuxième groupe (p = 0,14). La même

différence est constatée lorsqu’on compare les

moyennes d’âge présumé du début de la MB.

Il y a plus d’hommes dans le premier groupe (Tableau

1). Par ailleurs, lorsqu’on compare le sexe ratio selon

les tranches d’âge présumé du début de la MB on

constate que la proportion d’hommes diminue

progressivement selon les tranches d’âge (Tableau 2).

Les antécédents familiaux de MB sont retrouvés dans

2,5% des cas dans le premier groupe et dans 8,2% des

cas dans le deuxième groupe (p = 0,32).

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Tableau I : Caractéristiques cliniques des 89 patients présentant une MB

Signes cliniques Premier groupe : Patients avec

atteinte oculaire N(%)

Deuxième groupe : Patients

sans atteinte oculaire N(%)

P

Total 40 (44,9%) 49 (55,1%) --

Féminin 17 (42,5%) 22 (44,9%) 0,82

Masculin 23 (57,5%) 27 (55,1%)

Sexe ratio 1,4 1,2 0,99

Age moyen lors de la première

consultation 42,4 ± 12,7 38,9 ± 9,2 0,14

Age MB 33,2 ± 11,6 30,9 ± 8,5 0,28

Antécédents familiaux 1 (2,5%) 4 (8,2%) 0,24

Aphtose buccale 38 (95,0%) 49 (100,0%) 0,11

Aphtose bipolaire 18 (45,0%) 46 (93,9%) 0,00

Atteinte cutanée 9 (22,5%) 19 (38,8%) 0,10

Thrombophlébite 1 (2,5%) 4 (8,2%) 0,24

Manif digestives 1 (2,5%) 3 (6,1%) 0,24

Arthrite 10 (25,0%) 9 (18,4%) 0,44

Manif neurologiques 5 (12,5%) 1 (2,0%) 0,05

Test pathergique 3 (7,5%) 9 (18,4%) 0,13

Tableau II : Variation du sexe ratio selon les tranches de l’âge présumé du début de la MB

de l’ensemble des 89 patients

Féminins (nb) Masculins (nb) M/F P

12 à 29 ans 15 26 1,7

0,161 30 à 49 ans 20 23 1,2

50 ans et plus 4 1 0,3

Total 39 50 1,3

II- Manifestations extra-oculaires

La fréquence de l’aphtose bipolaire est

significativement plus basse dans le premier groupe

(p = 0,00). Les fréquences de l’aphtose buccale,

l’atteinte cutanée, l’atteinte digestive et les

antécédents familiaux sont plus basses dans le

premier groupe. Alors que les fréquences de

l’atteinte articulaire et de l’atteinte neurologique

sont plus fréquentes dans le premier groupe. La

thrombophlébite a été observée moins fréquemment

dans le premier groupe, tous ces patients sont de

sexe masculin (Tableau 1).

III- Manifestations oculaires

Chez 22,5% des patients l’atteinte ophtalmologique

a précédé les autres signes de la MB, chez 7,5% des

patients les signes étaient concomitants et chez 70%

des patients les signes ophtalmologiques sont

survenus après les signes cutanéo-muqueux ou

articulaires.

L’âge moyen du début présumé de l’atteinte

oculaire est de 35,9 ± 12,5 ans. L’AV est normal

chez 30,0% des patients et basse chez 40,0%. Dans

notre série les manifestations oculaires de la MB,

observées à la suite de l'examen ophtalmologique et

des données de l’angiographie à la fluorescéine,

sont dominées par l'uvéite (95,0%). Elle est

postérieure chez 42,5% % des patients. Les autres

lésions observées sont par ordre décroissant :

vascularite rétinienne (12,5 % des cas),

maculopathie (7,5 %), hyalite (uvéite intermédiaire)

(5,0 %) et une sclérite (2,5%). L’angiographie à la

fluorescéine, réalisée chez trois patients, a montré la

présence d’une fluorescence sous fovéale et d’un

œdème maculaire (Tableau 3).

L’atteinte est bilatérale chez 47,5 % des patients.

Donc en nombre total d’yeux 73,8% sont atteints.

La sévérité comme définie précédemment concerne

47,5% des patients. Il s’agit de 16 hommes (soit

une prévalence de 69,6%) contre uniquement 3

femmes (soit une prévalence de 17,6%) (p = 0,001).

La cécité est plus manifeste chez les patients qui ont

une forme sévère.

Tableau III : Signes oculaires et leur évolution chez les 40 patients, du groupe 1

Nb patients Nb Yeux Sévérité

Total 40 (100,0%) 59 (73,8%) 19 (47,5%)

AV : Normale 12 (30,0%) 16 (20,0%) 3 (25,0%)

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AV : Basse 16 (40,0%) 21 (26,3%)

4 (25,0%)

AV : Cécité 12 (30,0%) 22 (27,5%) 12 (100,0%)

Total des uvéites 38 (95,0%) 56 (70,0%) 18 (47,4%)

Uvéite antérieure 31 (77,5%) 43 (53,8%) 10 (31,3%)

Uvéite postérieure 17 (42,5%) 31 (38,8%) 17 (100%)

Intermédiaire 2 (5,0%) 4 (5,0%) 2 (1000%)

Uvéite totale 10 (25,0%) 19 (23,8%) 10 (100,0%)

Vascularite Rétinienne 5 (12,5%) 8 (10,0%) 5 (100,0%)

Atteinte Maculaire 3 (7,5%) 5 (6,3%) 3 (100,0%)

Sclérite 1 (2,5%) 1 (1,3%) 1 (100,0%)

Guérison 12 (30,0%) 16 (20,0%) 4 (33,3%)

Chronicité et récidives 4 (10,0%) 5 (6,3%) 0 (0,0%)

Séquelles & cécité 24 (60,0%) 38 (47,5%) 15 (62,5%)

Traitement :

Le traitement dépend du type de l’atteinte oculaire

et de sa sévérité. Le traitement local à base de

corticoïdes en collyre ou en injection et de

cycloplégiques (atropine) a toujours été instauré

associé en premier lieu, à la corticothérapie orale à

la dose de 0,5 à 1 gr/kg/j avec dégression

progressive. Le recours au Methyl-prédnisolone en

bolus a été réalisée dans 1 cas et au

Cyclophosphamide (1 gr en perfusion : chaque

mois pendant 6 mois) dans 6 cas. Malheureusement

2 malades n’ont pas pu continuer les 6 mois, ils ont

été perdus de vue ! La colchicine, à la dose de 1 à 2

mg/jour, a été prescrite chez tous les patients en

association aux autres traitements pendant la phase

d’entretien.

Evolution Comme le montre le tableau 3, sur les 40 patients,

70,0% ont une complication ou une séquelle. La

cécité a touché 30 % des patients. La cécité est

significativement plus fréquente chez les hommes

avec 43,5% contre uniquement 11,8% chez les

femmes (p = 0,046). Elle systématiquement

observée dans les formes sévères.

Les synéchies irido-cristalliniennes avec parfois la

présence de pigments iriens sur la cristalloïde

antérieure ont été observées chez 50,0 % des

patients. La cataracte a touché 7,5% des patients.

D’autres complications ont été observées, 2,9%

chacune : secclusion pupillaire (adhérence complète

ou presque complète du bord pupillaire de l'iris au

cristallin), décollement rétinien et glaucome.

La prévalence de la cécité chez les hommes est de

43,5% contre uniquement 11,8% chez les femmes

(p = 0,04).

Analyse multivariée

L’atteinte oculaire est significativement plus

fréquente chez les hommes, les porteurs d’aphtes

bipolaires et les patients qui présentent des

manifestations neurologiques (Tableau 4).

L’atteinte oculaire est significativement plus

sévère chez les patients masculins (Tableau 5).

Tableau IV : Régression logistique avec SPSS 20, pour l’ensemble des sujets d’étude : Regression binary

logistic Méthode (Backward stepwis:LR) : Facteurs prédictifs de l’atteinte oculaire

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Variables indépendantes Coefficient β Ecart type de β Wald P

Modèle initial :

Sexe (Féminin versus Masculin) -1,46 0,78 3,49 0,06

Age MB -,04 0,04 1,00 0,31

Aphtose bipolaire -4,92 1,12 19,07 0,00

Aphtes buccaux -36,578 30433,41 0,00 0,99

Thrombophlébite -2,78 2,60 1,14 0,28

Lésions digestives -25,65 40192,97 0,00 0,99

Arthrite 1,09 0,87 1,56 0,21

Manifestations neurologiques 5,18 2,65 3,82 0,05

Antécédents familiaux -3,53 2,18 2,61 0,10

Test pathergique -1,62 1,33 1,49 0,22

Constant 43,05 30433,41 0,00 0,99

Modèle final : Step 8

Sexe (Féminin versus Masculin) -1,41 0,71 3,89 0,04

Aphtose bipolaire -4,21 0,94 19,83 0,00

Manifneurologiques 3,88 1,79 4,68 0,03

Antécédentsfamiliaux -2,88 1,64 3,09 0,07

Constant 44,34 27854,12 0,00 0,99

Tableau V : Régression logistique avec SPSS 20, pour les patients du premier groupe : Regression binary

logistic Méthode (Backward stepwis:LR) : Facteurs pronostiques de l’atteinte oculaire

Variables indépendantes Coefficient β Ecart type de β Wald P

Modèle initial :

Sexe (Féminin versus Masculin) -2,74 1,16 5,58 0,01

Tranches d’Age MB 0,67 0,71

Aphtose bipolaire -40,54 56841,46 0,00 0,99

Aphtes bucaux 19,78 40192,96 0,00 1,00

Arthrite 0,81 1,09 0,55 0,45

Manif neurologiques 21,62 18800,47 0,00 0,99

Thrombophlébite 0,02 44372,65 0,00 1,00

Antécédents familiaux -21,64 40192,97 0,00 1,00

Test pathergique 1,93 1,91 1,02 0,31

Constant -38,44 44839,99 0,00 0,99

Modèle final : Step 10

Sexe (Féminin versus Masculin) -2,48 0,89 7,74 0,00

Manif neurologiques 21,67 16644,33 0,00 0,99

Constant 0,53 0,47 1,28 0,25

DISCUSSION

Du fait de la particularité ambulatoire de nos

malades nous allons privilégier dans la comparaison

les séries nationales.

I- Caractéristiques épidémiologiques

Dans notre série l’atteinte oculaire occupe la

deuxième place après l’atteinte cutanéo-muqueuse

comme cela est rapporté dans la majorité des séries

[8, 9, 10, 11, 12]. Alors que dans d’autres séries elle

occupe la troisième place après l’atteinte cutanéo-

muqueuse et l’atteinte articulaire [3, 13, 14, 15].

(Tableau 6)

La fréquence de l’atteinte oculaire au cours de la

MB varie selon les séries, les modes de recrutement

et les critères de définition. Par exemple dans les

critères du groupe international, l’atteinte oculaire

n’est pas majeure. Certaines séries n’incluent pas

les kératites, les épisclérites, les oedèmes papillaires

et les syndromes secs dans les manifestations

oculaires et classent les névrites optiques

rétrobulbaires dans les manifestations

neurologiques [3, 15]. En dehors des séries

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ophtalmologiques qui observent 100% d’atteinte [8,

16, 17], les séries dermatologiques observent entre

36 et 45% [10, 14, 18], alors que les services de

médecine interne observent des fréquences qui

varient entre 21,5 et 67% [3, 9, 11- 13, 15, 19]

(Tableau 6). La fréquence (44,9%) observée dans

notre série se situe, donc, dans la fourchette des

séries nationales et internationales.

Le sexe ratio varie de 0,71 [18] à 18,7 [13] chiffre

enregistré au service de médecine interne de

l’hôpital militaire de Marrakech, où le recrutement

est presque exclusivement masculin ! Lorsqu’on

élimine cette série nous constatons que la

proportion d'hommes diminue régulièrement avec

le temps et donc la prédominance masculine

diminue comme l’illustre la Figue 1. Notre série,

récente, enregistre donc l’un des sexes ratio les plus

faibles. Cette notion a été décrite par Zouboulis en

1999 au niveau de plusieurs pays [20]. B’chir a

observé en Tunisie que le sexe ratio a diminué

lorsqu’il a comparé les patients suivis avant 1995 et

ceux suivis après cette date [3]. Cette notion

d’évolution vers la parité entre les sexes pourrait

être expliquée par l’augmentation de l’âge des

patients comme dans notre série où la parité

s’installe à partir de 30 ans et plus.

Figure 1 : Evolution du sexe ratio selon le service et la dernière année de l’étude.

Plusieurs séries ont observé que l’atteinte

ophtalmologique était plus fréquente chez les

hommes [15, 21], parfois de manière significative

(p < 0,05) [10] (p<0,001) [3], avec dans certaines

séries une prédominance de formes graves : plus

d’œdème maculaire, de dégénérescence maculaire,

de cataracte et de décollement rétinien avec un

risque de perte de la vision utile à cinq ans et à dix

ans [8, 22]. C’est notre cas puis que l’analyse

multivariée a montré que le sexe masculin est lié

significativement avec l’atteinte oculaire et sa

sévérité. La cécité est significativement plus

fréquente chez les hommes (p = 0,04). Les

vascularites ont été exclusivement observées chez

les hommes.

L’âge de début réel de la maladie ou l’âge de

diagnostic sont parfois difficiles à préciser et

certaines séries ne le mentionnent pas. La MB

débute généralement pendant la troisième décade de

la vie [8, 9, 12, 20, 23]. Les âges extrêmes varient,

selon les séries, entre 11 à 45 ans et 5 à 65 ans. Les

séries récentes enregistrent des sujets de plus de 60

ans parfois. Dans notre série les âges extrêmes ne

différent pas des séries nationales. A noter que dans

le cabinet de médecine interne nous ne recevons les

enfants âgés de moins de 12 ans que sur lettre d’un

médecin.

Des antécédents familiaux de MB sont observés

entre 2,9% et 16,2% des séries. Les formes

familiales semblent être plus graves que les formes

sporadiques, et seraient fortement associées à

l’antigène HLA B51 [8, 10, 15, 19]. Dans notre

série, pour l’ensemble des patients la prévalence

des formes familiales est de 5,6%, alors que dans le

groupe 1 un seul patient a présenté une MB

familiale et présente une forme non grave (uvéite

antérieure qui a guérie).

II- Caractéristiques cliniques, thérapeutiques et

évolutives

Janati [10], avait observé que l’atteinte oculaire

était plus fréquemment associée à l’atteinte

neurologique et/ou vasculaire, ce qui témoignait

selon lui de la présence de formes graves de la

maladie. Dans notre série les patients qui ont une

atteinte oculaire ont significativement moins

4,85

3,26

2,4

1,271,46

0,71

1,4

2,3

1,4

0

1

2

3

4

5

6

Médecine interne Dermatologie Ophtalmologie

1992 [14]

1996 [9]

2006 [12]

2007 [15]

2009 [11]

2000 [18]

2003 [10]

2012 [8]

 2013 [Notre série]

16

Conduite à tenir Journal Marocain des Sciences Médicales 2014, Tome XIX ; N°3

Article original

d’aphtes bipolaires. Aucun n’a présenté de

thrombophlébite.

Dans notre série l’atteinte oculaire était révélatrice

de la MB dans 23,5% des cas. Dans la littérature,

cette atteinte peut être inaugurale dans 8 à 71% des

cas [9, 10]. Elle est le plus souvent initialement

unilatérale. Cependant, la bilatéralisation des

lésions semble inéluctable en l’absence de

traitement et surviendrait deux à trois ans après le

début de la maladie [16]. La bilatéralisation en

cours de l’évolution apparaissait selon les séries

dans 13% et 33% des cas [10, 16]. Dans notre série

l’atteinte est bilatérale dans 47,5%. L’atteinte

ophtalmologique peut être d’emblée bilatérale, cela

a été observé dans des séries entre 60 et 64% des

cas [10, 16].

La comparaison des types d’atteinte oculaire selon

les séries est parfois difficile, certains auteurs

donnent leurs pourcentage selon le total des

malades, d’autres les donnent selon les patients qui

présentent une atteinte oculaire, d’autres donnent le

pourcentage des uvéites par fois en ne précisant pas

uvéite antérieure seule, postérieure seule et

panuvéite.

Dans notre série l’atteinte uvéale est la plus

fréquente (95,0%). Elle est antérieure dans 77,5%,

postérieure dans 42,5% et totale dans 42,5% des

cas. Dans les autres séries l’atteinte uvéale est la

plus fréquente [8- 10, 16, 17] (Tableau 6).

Le pourcentage de l’uvéite antérieure varie entre 20

et 57% (pour les séries avec % selon l’atteinte) nous

enregistrons le % le plus élevé (77,5%) cela est

certainement en rapport avec le caractère

ambulatoire de nos patients. L’atteinte postérieure

varie entre 21 et 52,1% notre pourcentage de

42,5% est dans cette fourchette.

L'hypopion, souvent associé à un tyndall de la

chambre antérieure, dû à la diffraction de la lumière

sur les particules en suspension dans le liquide, est

le signe le plus évocateur, sans être

pathognomonique, de la MB. Il est présent dans 6 à

12,1% des cas [8, 10, 11, 16]. Dans notre série une

uvéite antérieure de l’œil gauche avec tyndall a été

observée (2,5%).

Les vascularites rétiniennes représentées par les

périphlébites du pôle postérieur et de la périphérie

rétinienne, sont fréquentes. Selon les auteurs elles

sont observées dans 6,7% à 54,2%. [8 - 12, 16, 17,

19]. Nous avons observé 12,5%, tous ces patients

sont des hommes !

La maculopathie au cours de la MB serait sous-

estimée du fait des lésions oculaires associées qui

gênent la visibilité du fond d’œil. Elle représente un

critère de sévérité de l’atteinte du pole postérieur.

Elle est rapportée dans 10,8 à 50,8% selon les

auteurs [8, 10, 11, 24]. Dans notre série la

fréquence est de 7,5%.

La neuropathie optique se traduit par un œdème

papillaire inflammatoire et ischémique. A long

terme, elle évolue vers l’atrophie optique. Certains

auteurs classent les névrites optiques rétrobulbaires

dans les manifestations neurologiques [3]. La

fréquence de la neuropathie optique serait sous

estimée. Lamari et collaborateurs dans une étude

qui a porté sur 400 cas de MB, entre 1992 et 1999

à Casablanca ont observé une fréquence de 37%. Le

pronostic est réservé, 44% des malades avaient une

AV de moins de 1/10 malgré un traitement. Les

auteurs insistent sur l’urgence thérapeutique avec le

recours d’emblée aux immunosuppresseurs [23].

Les manifestations oculaires mineures

(conjonctivite, épisclérite kératite, myosite et

sclérite) occupent une fréquence variable de 2,4% à

7,8% selon les séries [8, 25]. Dans notre série la

sclérite a été observée dans 2,5% des cas.

Le pronostic de l’atteinte oculaire est souvent

grave. Les lésions évoluent par poussées

successives et conduisent à des complications

majeurs : cataracte, hypertonie et cécité par atteinte

du segment postérieur. Les synéchies irido-

cristalliniennes sont fréquentes, le traitement

dilatateur à temps, permet souvent de lever les

adhérences, il persiste alors parfois des pigments

iriens sur la capsule antérieure du cristallin, témoins

de synéchies anciennes traitées à temps. Malgré un

traitement bien conduit, environ un quart des

patients deviennent aveugles [26].

Le traitement de l’atteinte oculaire de la MB

dépend du type de l’atteinte et de sa gravité. En

pratique, l’inflammation oculaire nécessite un

traitement anti-inflammatoire local ou général

urgent, voire agressif, pour supprimer

l’inflammation, prévenir les récidives et les

complications. De nombreux auteurs s’accordent à

utiliser rapidement les immunosuppresseurs, soit

d’emblée soit en fonction de la sévérité ou de la

bilatéralité des lésions Ils facilitent par ailleurs le

sevrage cortisonique [10, 27, 28].

De nombreux immunosuppresseurs ont démontré

leur efficacité [10]. Les bolus de cyclophosphamide

sont actifs sur l’atteinte oculaire, neurologique et

vasculaire [27, 28, 29]. L’azathioprine (Imurel*) (à

la dose de 2,5 mg/kg/jour ou 50 à 150 mg/jour)

[10], le Chloraminophene (Chlorambucil*) à la

dose de 2 mg/jour et progressivement augmentée à

la dose totale de 5 à 12 mg/jour, la ciclosporine A

(2 à 16 mg/kg/jour en deux prises avec une

posologie moyenne de 10 mg/kg/jour) [10, 27] le

méthotrexate à la posologie de 7,5 à 15 mg/semaine

(per os ou IM) le mycophenolate mofetil (MMF)

[27, 29], l’infliximab, anti-corps monoclonal de

type IgG dirigé contre le TNF-α [10, 26, 30] et

l’interféron α [27, 30] peuvent également être

prescrits. Pendant de nombreuses années, le

traitement de choix été représenté par la

ciclosporine, actuellement plutôt remplacée par

l’infliximab.

L'EULAR (Ligue européenne contre le

rhumatisme) a recommandé en 2006 de traiter toute

MB avec atteinte ophtalmologique postérieure par

17

Conduite à tenir Journal Marocain des Sciences Médicales 2014, Tome XIX ; N°3

Article original

au moins des corticoïdes par voie générale (IV ou

orale) associée à l’Azathioprine. Et en cas d'atteinte

sévère définie par une baisse d'au moins 2/10ème

de l'AV, et/ou présence d’une vascularite rétinienne

ou d’une atteinte maculaire de traiter par infliximab

ou ciclosporine A associés aux corticoïdes et à

l’azathioprine. L’interféron α pourrait être utilisé

comme altérative avec ou sans association aux

corticoïdes [30].

Alpsoy propose un algorithme fondé sur les preuves

(tableau 7) [27]. Dans les uvéites antérieures, le

plus souvent le traitement local se compose de

corticoïdes en collyre ou en injections péri-

oculaires et de mydriatiques ou agents

cycloplégiques (atropine). Dans une deuxième

étape, le plus souvent, on associe une

corticothérapie orale [10, 27, 28] (20 à 30mg/jour)

avec dégression progressive selon l’évolution

clinique. Devant la présence de signes de sévérité

(hypopion, hyalite, panuvéite et vascularite

rétinienne), la répétition des poussées, la bilatéralité

des lésions, et surtout l’atteinte postérieure, il est

judicieux de recourir à la corticothérapie en bolus,

relayée par une corticothérapie orale, voire aux

immunosuppresseurs [8, 10, 27, 28]. Dans les cas

les plus graves de vascularite rétinienne ou

d’atteinte maculaire, la ciclosporine ou l’infliximab

peuvent être combinés avec l'azathioprine et les

corticostéroïdes [27].

Tableau VII : Algorithme thérapeutique de l’atteinte

oculaire de la maladie de Behçet [27]

1ère ligne Traitement local* : corticoïdes+

mydriatiques ± agents cycloplégiques

Voie systémique : Corticostéroïdes,

Cyclosporine-A, Azathioprine

2ème ligne Interféron α, Anti-TNF-α

3ème ligne Méthotrexate, Mycophénolate mofétil,

Cyclophosphamide, Rituximab

*Le traitement local seul doit être limité

uniquement aux patients présentant une uvéite

antérieure légère.

Le référentiel marocain de la MB en cours de

publication classe le Cyclophosphamide et

l’Azathioprine en première ligne puis la

Cyclospirine, les Anti-TNF α et l’interferon α en

deuxième ligne.

Certaines complications peuvent nécessiter la

chirurgie, la photocoagulation ou la cryothérapie.

La guérison est possible sans séquelles quand le

traitement est prescrit précocement. C’est le cas de

30,0 % de nos patients. L’évolution peut être

émaillée de récidives fréquentes surtout dans les

uvéites antérieures et de séquelles ou complications.

Le pronostic oculaire de la MB est très mauvais

surtout lors qu’il y a un retard ou une mauvaise

observance thérapeutique. L'uvéite antérieure a un

pronostic meilleur par rapport la panuvéite. Le

pronostic est également altéré si l'uvéite tend à se

chroniciser. Les complications oculaires de la MB

sont secondaires aux poussées inflammatoires et

sont en rapport avec l'évolutivité des lésions et les

effets secondaires des traitements.

Elles sont dominées par, la cataracte 9,7 à 38,5% [8

- 10, 22]. La cataracte est secondaire à

l’inflammation intraoculaire (uvéites chroniques) et

à l’usage des corticoïdes au long cours par voie

générale. Elle a été rapportée dans 12% des cas de

la série de Janati qui évoque que le Behçet

expliquerait 20% de toutes les cataractes dans le

Nord du Maroc [10]. Dans notre série la cataracte a

été observée dans 7,5% des cas, plus fréquemment

chez les hommes.

Les autres complications sont représentées dans

l’uvéite antérieure par le glaucome 2,4 à 13% [8, 9]

les troubles du tonus, les synéchies

iridocristalliniennes. Dans l’uvéite postérieure les

complications sont le décollement de rétine dans

1,3 à 12% [8, 22] et l’atrophie optique.

La cécité uni ou bilatérale a été rapportée selon les

séries entre 2,8% et 32,5% [3,8-13, 15,19]. Dans

notre série la cécité a été observée dans 30,0 % des

cas, significativement plus fréquemment chez les

hommes (p = 0,04). Elle est bilatérale dans 83,3 des

cas. (Figure 2).

Ce taux de cécité important, peut être expliqué par

un recours aux soins souvent tardif, des ressources

diagnostiques et thérapeutiques limitées.

L’importance de l’atteinte ophtalmologique et son

évolutivité sont souvent sous estimées par les

malades. Ils assimilent les poussées oculaires à de

simples conjonctivites allergiques ou virales avec la

hantise de l’automédication. Dans le cabinet le délai

de consultations ne pose pas de problème

comparativement à l’hôpital. Nous dépistons

systématiquement les atteintes ophtalmologiques

chez tous nos patients atteints de MB. Une

coordination avec nos confrères ophtalmologues

s’impose pour une bonne adaptation du traitement

aux lésions observées. L’observance du traitement

est un autre volet qu’il faut assurer. Une éducation

thérapeutique soutenue avec une sensibilisation des

patients, de leur famille et des pharmacies s‘impose.

Le pronostic de l’atteinte oculaire s’est amélioré

avec le temps. Cela serait du à la prise en charge

plus intensive des uvéites avec utilisation de bolus

de methyl prédnisolone et des immunosupprésseurs.

B’chir [3] rapporte que les séries tunisiennes

anciennes observaient des cécités plus fréquemment

que les séries récentes. Une étude japonaise [31] a

observé une amélioration significative (p < 0,001)

du pronostic visuel évalué par le pourcentage d’AV

< 20/200 entre la décade 1980 et la décade 1990.

Aux Etats unis d’Amérique une étude similaire a

observé une amélioration significative de l’AV et

de l’inflammation entre les décennies 1960, 1989 et

1990 [32].

CONCLUSION

18

Conduite à tenir Journal Marocain des Sciences Médicales 2014, Tome XIX ; N°3

Article original

Notre série confirme l’évolution vers la disparition

de la prédominance masculine de la maladie de

Behçet. Comme la majorité des séries l’atteinte

oculaire occupe la deuxième place après l’atteinte

cutanéo-muqueuse et avant l’atteinte articulaire. Il

s’agit essentiellement des uvéites antérieures. La

cécité touche 30,0% des patients. L’atteinte est

significativement plus grave chez les hommes. Une

collaboration étroite entre ophtalmologistes et

internistes, une amélioration de l’accès aux soins et

une sensibilisation des patients améliorera la pise

en charge thérapeutique.

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