Apprentissage Informel de la Langue Japonais Chez les Français Analyse de l’importance des INPUT...

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UNIVERSITÉ DE STRASBOURG Département de Didactique des Langues /FLE Master 2 Recherche en Didactique des Langues et FLES Apprentissage Informel de la Langue Japonais Chez les Français Analyse de l’importance des INPUT Pour apprendre des langues étrangères ou secondaires Kuri Komatsu Mai 2013 Directeur de mémoire: Geoffrey SOCKETT, Maitre de Conférence

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UNIVERSITÉ DE STRASBOURG

Département de Didactique des Langues /FLE

Master 2 Recherche en Didactique des Langues et FLES

Apprentissage Informel de la Langue Japonais

Chez les Français

Analyse de l’importance des INPUT

Pour apprendre des langues étrangères ou

secondaires

Kuri Komatsu

Mai 2013

Directeur de mémoire: Geoffrey SOCKETT, Maitre de Conférence

1

Remerciements

Je voudrais remercier en premier lieu mon professeur et directeur de recherche,

M.Geoffrey SOCKETT, pour m’avoir donnée l’occasion de prendre les rênes d’un projet de

recherche que lui-même avait envisagé. Je le remercie aussi pour ses précieux conseils et

encouragements.

Je remercie également à mes étudiantes de japonais, Lucile et Morgane, et à mes

amis Clément et Sébastien d’avoir donné de leur temps pour contribuer à ce projet.

Je remercie Jean pour son soutien général, et pour la relecture de ce mémoire.

Enfin je tiens à remercier ma famille, Michiko KOMATSU, Masami et Kayoko

SHINOZAKI pour leur soutien, optimisme et motivation constants.

2

Note de l’auteur

Toutes les traductions des citations (de l’anglais vers le français) sont faites par

moi-même. La citation originale (en anglais) se trouve en note de bas de page.

3

Introduction ................................................................................................................ 5

1. Théorie d’acquisition des langues ....................................................................... 8

1.1. Hypothèse du cycle d’acquisition (The Acquisition-Learning Hypothesis)

.................................................................................................................... 9

1.2. Hypothèse du Filtre Affectif (The Affect Filter Hypothesis) ................... 10

1.3. Hypothèse de l’Input (The Input Hypothesis) .......................................... 12

2. L’importance de l’input en apprentissage des langues secondes et en

apprentissage informel .......................................................................................................... 16

3. Rôle de l’input en acquisition des langues secondes, et relation avec

l’apprentissage informel. ...................................................................................................... 20

4. L’input et l’interaction en acquisition de langues secondes .............................. 24

5. Traitement de l’input et output en acquisition de langues secondes – autres

théories liées à l’acquisition de langues secondes ................................................................ 34

6. Apprentissage formel/informel, explicite/implicite, et incidentel ..................... 40

7. Apprentissage des langues avec l’aide de la télévision, internet et autres

technologies .......................................................................................................................... 48

8. Projet de recherche ............................................................................................ 60

8.1. Méthodologie ........................................................................................... 60

8.2. Participants ............................................................................................... 61

8.3. Analyse et résultats ................................................................................... 61

8.3.1. Analyse et résultats du questionnaire initial ........................................ 62

4

8.3.2. Analyse et résultats des journaux – utilisation du japonais sur l’internet

............................................................................................................. 67

8.3.3. Analyse qualitative et résultats du journal – développement

linguistique dans le système dynamique complexe d’apprentissage informel ............. 68

Acquisition de vocabulaire .................................................................................... 69

Aptitudes de lecture ............................................................................................... 70

Compréhension orale ............................................................................................. 71

Compréhension orale dans les séries télévisées .................................................... 72

Connaissances culturelles ...................................................................................... 79

Autres remarques ................................................................................................... 81

Modification de l’input, input compréhensible ..................................................... 81

9. Discussion .......................................................................................................... 82

Conclusion ................................................................................................................ 86

Références ................................................................................................................ 89

5

Introduction

Un certain nombre de linguistes (par exemple Krashen, 1985 et Gass, 1997) disent que

l’input est l’un des facteurs les plus importants de l’acquisition d’une langue seconde. Nous nous

demandons de quelle manière l’input est reçu par les apprenants, et quel genre d’input est le plus

efficace pour l’acquisition. Il est possible de recevoir de l’input en parlant avec un locuteur natif

ou par d’autres moyens. En apprentissage de langue seconde, la télévision, les DVDs et des

médias audio sont utilisés en cours de langue et en apprentissage informel pour recevoir plus

d’input dans la langue cible.

Des recherches concernant l’apprentissage informel de la langue anglaise ont montré que

regarder des séries de télévision en version originale, écouter de la musique sur demande et

communiquer avec des anglophones sur les réseaux sociaux sont des loisirs courants impliquant

diverses activités de compréhension et de production (Toffoli et Sockett, 2010). Cependant,

comparé au cas de la langue anglaise, l’apprentissage informel du japonais dans des pays

étrangers est plus limité en raison du plus petit nombre de sources disponibles en japonais et de la

moindre popularité de la langue.

Cependant, la France est l’un des pays les plus consommateurs de manga et de dessins

animés japonais après le Japon (Kawamata 2009), et les français montrent un grand intérêt pour

la culture populaire japonaise. Par exemple, la plus grande convention de France focalisée sur le

Japon, la Japan Expo, se tient à Paris chaque année et a accueilli en 2012 plus de 200000

visiteurs1. (Source : Japan Ministry of Land, Industry, Transport and Tourism) Le nombre

d’apprenants de la langue japonaise a tendance à augmenter aujourd’hui et les français ont accès

via l’internet à de nombreuses sources en japonais, telles que les mangas, la J-POP (musique pop

japonaise), et les séries télévisées japonaises. Comme les sources sont encore limitées comparées

aux sources en anglais, il est intéressant d’étudier comment les apprenants français de la langue

japonaise accèdent à la langue japonaise dans leur vie quotidienne.

1 http://www.mlit.go.jp/common/000215589.pdf

6

Dans l’étude de Sockett et Toffoli (2012) qui analysait à l’aide d’un journal les habitudes

d’utilisation informelle de l’anglais sur l’internet par des apprenants français de la langue

anglaise, l’un des étudiants français avait noté étudier le japonais et rapporté que, pour obtenir de

l’input en japonais, il regardait des séries télévisées japonaises avec des sous-titres en anglais,

cherchait des informations sur le Japon en anglais, et ainsi de suite. Cela signifie qu’il y a des

sources en langue japonaise que les apprenants français utilisent non seulement pour

l’apprentissage de la langue japonaise mais aussi pour leurs loisirs, ce qu’on peut considérer

comme une activité d’apprentissage informel du japonais.

Dans ce mémoire, nous nous intéresserons à l’input en acquisition de langues secondes, et

à la manière dont les apprenants en langue japonaise peuvent recevoir de l’input en japonais par

apprentissage informel.

Nous expliquerons une des théories d’apprentissage de langues secondes, le modèle du

contrôleur de Krashen, qui a introduit l’hypothèse de l’input, et nous verrons de quelle manière

elle est liée à l’apprentissage informel de la langue et à ces activités informelles d’acquisition de

langue. Cependant, bien qu’on s’accorde à dire que l’input est un facteur crucial de l’acquisition

d’une langue seconde, certains chercheurs ne sont pas d’accord avec Krashen, et nous verrons

quelques critiques de l’hypothèse de Krashen.

Ensuite l’importance et le rôle de l’input en acquisition de langues secondes seront

expliqués afin de mieux comprendre le type d’input le plus favorable à l’acquisition.

Nous passerons ensuite à la théorie de l’interaction en acquisition de langues secondes, y

compris l’hypothèse de l’interaction de Long, et d’autres théories voisines, comme la théorie du

traitement de l’input : ces théories permettront aussi de mieux comprendre comment l’input doit

être reçu en apprentissage de langues secondes, et la manière dont un apprenant peut recevoir de

l’input dans des environnements formels ou informels.

Comme nous nous intéressons à la manière dont des apprenants de la langue japonaise

utilisent des séries télévisées japonaises, des films et des mangas par l’internet, nous regarderons

aussi d’autres études d’effets d’utilisation de ces médias sur l’acquisition de langues secondes.

Ensuite, nous expliquerons l’apprentissage informel d’une langue, particulièrement par

l’utilisation d’internet dans la vie courante, et analyserons l’importance de l’apprentissage

informel d’une langue sur l’internet, particulièrement avec des sources en ligne de séries

télévisées et de films et avec les réseaux sociaux.

7

Dans cette étude, il est intéressant d’analyser la manière dont des apprenants français de la

langue japonaise reçoivent des sources en japonais et leurs activités habituelles d’apprentissage

informel de la langue japonaise, et leur efficacité pour l’acquisition de la langue. Cette étude

utilisera la même idée que l’étude de Sockett et Toffoli (2012) : afin de suivre l’activité des

apprenants, il leur sera demandé de remplir, de manière quotidienne, un journal détaillant leurs

activités d’utilisation informelle de la langue cible sur l’internet, avec leurs remarques. Dans

notre étude, nous suivrons et analyserons les activités de quatre apprenants français de la langue

japonaise participant à l’étude pendant huit semaines.

L’étude de Sockett et Toffoli se focalisait plus sur les activités d’apprentissage informel

de l’anglais pratiquées en ligne, non seulement sur la consommation de musique, films ou séries

en anglais simplement trouvés sur l’internet, mais aussi sur les activités plus interactionnelles et

de production, comme l’utilisation de réseaux sociaux, de messageries instantanées, et ainsi de

suite. Dans cette étude cependant, nous nous intéresserons à toutes les activités informelles où un

input en langue japonaise est reçu, et particulièrement sur la consommation de séries télévisées,

films et musique en japonais.

8

1. Théorie d’acquisition des langues

L’apprentissage des langues secondes est un système très complexe, et implique de

nombreux chercheurs de domaines disparates. Les linguistes analysent les compétences

linguistiques des apprenants à différents stades d’acquisitions, les psychologues et

psycholinguistes se concentrent sur les processus mentaux et cognitifs participant à l’acquisition

de langues, et sur la représentation des langues dans le cerveau. Les sociolinguistes s’intéressent

à la variabilité des compétences linguistiques des apprenants, et étendent le champ de l’étude aux

compétences communicatives, et les sociologues étudient l’identité et la motivation sociale, et les

contextes d’apprentissage interactionnel et social. (Saville-Troike 2006)

En apprentissage des langues secondes, on se focalise sur deux types d’apprentissage :

l’apprentissage informel, l’apprentissage formel et l’apprentissage non-formel, et dans ce

mémoire, nous nous focaliserons sur l’apprentissage informel, l’apprentissage implicite, et

l’apprentissage incidentel, basé sur l’input. Comme de nombreux points de vue différents sont

possibles, nous nous concentrerons sur un point de vue psychologique de l’apprentissage

informel de langues et sur la perspective sociale de la compétence linguistique.

Par apprentissage informel nous voulons parler de la manière dont un apprenant utilisant

l’internet reçoit de l’input et quel genre d’input peut être plus compréhensible pour assimilation

(intake). Par exemple, un apprenant peut télécharger des morceaux de musique japonais par

l’internet, ce qui lui permet de recevoir de l’input auditif, ou bien il peut trouver de la musique

accompagnée des paroles, écrites en japonais ou traduites, et/ou d’images correspondant aux

paroles sur des sites de vidéo en ligne comme YouTube2, lui permettant de recevoir à la fois de

l’input visuel et de l’input auditif. Un apprenant peut aussi se procurer des films ou des séries

télévisées japonais, auquel cas les images peuvent aider à la compréhension de la langue. Il peut

aussi utiliser aussi des réseaux sociaux pour lire ou écrire des messages en japonais, recevant

ainsi de l’input interactionnel. Selon le genre d’input reçu, le niveau de compréhension de

l’apprenant pourra être différent. Nous voulons aussi analyser la manière dont un apprenant

développe ses compétences linguistiques dans toute langue qui peut être utilisée à des fins

communicatives.

Gass (1995) dit que le rôle de l’input en tant que facteur important de l’acquisition de

langues vient de Chomsky. Elle explique cela en partant du concept du langage enfantin, qui sera

expliqué plus tard dans cette partie.

2 http://www.youtube.com/

9

Selon Krashen (1985), l’acquisition de langues secondes suit un processus très similaire à

l’acquisition par un enfant de sa langue maternelle. On dit que l’input doit être compréhensible

pour susciter l’acquisition. Cependant, on se demande quel input peut être considéré comme

compréhensible, et comment les apprenants en langues assimilent un input compréhensible.

Krashen (1985) a introduit l’Hypothèse de l’Input pour expliquer l’importance de l’input

dans l’acquisition de langues secondes dans le cadre de sa théorie du moniteur, l’un des premiers

modèles fondamentaux d’acquisition de langues secondes. Ce modèle consiste en cinq

hypothèses, parmi lesquelles l’Hypothèse de l’Input est la plus importante : l’input doit être un

peu au-delà du niveau actuel (i.e. niveau i+1). Par comprendre l’input, on veut dire que le fond du

message est compris, pas forcément sa forme grammaticale. C’est-à-dire qu’une langue est

acquise en essayant de comprendre le sens des messages.

Nous allons introduire certaines hypothèses de Krashen de l’apprentissage des langues

secondes et voir leur lien avec l’apprentissage informel de langues.

1.1. Hypothèse du cycle d’acquisition (The Acquisition-Learning Hypothesis)

Krashen (1982) affirme qu’une langue peut être acquise et/ou apprise. Il suggère que

l’acquisition n’est pas un processus conscient. Il voulait dire que l’acquisition de langues est

généralement un processus subconscient et n’est un processus conscient que lorsqu’on utilise la

langue pour communiquer. Cela est similaire au processus d’acquisition d’une langue maternelle

chez l’enfant. Lorsque les bébés acquièrent leur première langue, ils ne sont pas conscients de la

grammaire et des règles structurelles de la langue. Il est possible que lorsqu’un un adulte

rencontre des erreurs grammaticales dans leur langue maternelle, ils ont un « sentiment d’erreur »

mais il semble plus difficile d’expliquer les erreurs grammaticales. Cela implique que la première

langue est apprise sans conscience de la grammaire.

Krashen (1982) dit aussi que l’acquisition d’une langue peut être expliquée comme un

apprentissage implicite et informel. Dans les mots non-techniques de Krashen, l’acquisition est le

processus de « prendre » (picking up) une langue.

D’un autre côté, l’apprentissage d’une langue seconde requiert la conscience d’une

seconde langue. Les apprenants d’une seconde langue connaissent les règles grammaticales, ils

sont conscients de l’existence de la langue ; Krashen définit cela comme le fait « d’être au

courant » (know about) d’une langue, ce qui peut aussi comprendre une connaissance formelle de

la grammaire de la langue ou de l’apprentissage explicite.

10

Cependant, Mitchell et Myles (2004) ont affirmé que la limite entre processus conscient et

subconscient est très difficile à tester en pratique. Ils demandent « Comment peut-on savoir si la

production d’un apprenant est le résultat d’un processus conscient ou non ? »3 (2004, p.45) Gass

et Selinker (2001) mettent l’accent le fait que Krashen a prouvé qu’apprentissage et acquisition

étaient deux systèmes différents, et qu’il y a encore un manque de preuves scientifiques.

On peut observer l’acquisition de langues au cours d’apprentissage informel et implicite,

et un apprenant en langue peut « prendre » une langue dans un environnement informel en

regardant la télévision, en écoutant de la musique ou en lisant dans une langue étrangère, et cela

peut aider à acquérir la langue étrangère. Cependant, selon Saville-Troike (2006), ces

environnements informels n’aident pas à l’acquisition par l’enfant de sa langue maternelle, parce

que l’input ne peut pas être compréhensible – mais ils peuvent aider pour l’apprentissage de

langues secondes. Cela veut dire que selon la définition de Krashen ; les concepts d’Acquisition

et d’Apprentissage sont basés sur l’acquisition de la langue maternelle chez des enfants, et ils ne

correspondent pas exactement à l’acquisition et l’apprentissage d’une langue secondaire ou

étrangère pour les adultes. Regarder des séries télévisées en langue étrangère peut donner des

effets différents que l’acquisition de la langue maternelle.

1.2. Hypothèse du Filtre Affectif (The Affect Filter Hypothesis)

Bien que Krashen fasse l’hypothèse que l’acquisition d’une langue est le phénomène de

chercher à comprendre des messages porteurs de sens, il y a des variations dans les capacités

individuelles d’apprentissage. Cela signifie qu’il y a d’autres facteurs qui influent l’acquisition

d’une langue. Krashen pensait que les émotions pouvaient avoir une influence sur le processus

d’acquisition d’une langue, facteur qu’il désignait sous le nom de « Filtre Affectif », et qui

recouvre des émotions comme la motivation, la confiance en soi, et l’anxiété. Selon lui : 1) un

apprenant en langue très motivé a de meilleures performances qu’un apprenant en langue peu

motivé ; 2) un apprenant en langue a tendance à avoir de meilleures performances lorsqu’il a une

plus grande confiance en lui, et une bonne image de soi aide aussi à obtenir de meilleures

performances ; et 3) une anxiété élevée induit les plus mauvaises performances en acquisition de

langue (Figure 2).

3 “How can we tell when a learner’s production is the result of a conscious process and when it is not?”

11

Pour vérifier cette hypothèse, les facteurs affectifs ont été étudiés par des socio-

psychologues. Selon Gardner et MacIntyre (1993 : Mitchell et Myles, 2004), la motivation peut

conduire à un plus grand désir d’atteindre des objectifs, et un plus grand effort fait pour les

atteindre. Dans une étude de longue durée effectuée par Gardner et MacIntyre sur des étudiants

canadiens anglophones qui apprenaient le français, ils ont trouvé que, bien que le lien entre

réalisations et motivation soit complexe, l’un influence l’autre. Ils ont aussi trouvé que les

étudiants anxieux avaient tendance à avoir de moins bonnes performances en classe.

Évidemment, les différences individuelles ont une influence sur l’acquisition d’une

langue. Bien que Krashen affirme qu’il n’y avait pas d’effet individuel sur le processus

d’acquisition lui-même, la quantité d’input compréhensible nécessaire et l’intensité du Filtre

Affectif pouvait influencer l’acquisition d’une langue.

Une autre critique de l’Hypothèse du Filtre Affectif a été mentionnée. L’étude conduite

par Gregg (1984 : Gass et Selinker, 2001) montrait qu’un chinois non nativement anglophone,

qui avait vécu aux États-Unis plus de vingt ans avec un fils né aux États-Unis faisait encore des

erreurs de grammaire. Cette personne aurait dû avoir la motivation et le temps nécessaires pour

acquérir la langue, mais n’est cependant pas arrivée à parler l’anglais comme un locuteur natif.

Cela signifie que bien qu’il fût motivé pour apprendre la langue, cela n’était pas suffisant pour

qu’il maîtrise la langue, ou bien d’autres facteurs l’ont empêché de maîtriser la langue, et le Filtre

Affectif n’est peut-être pas suffisant pour tous les cas d’acquisition d’une langue.

Krashen mentionne un certain nombre d’autres facteurs : 1) aptitude, 2) le rôle de la

langue maternelle, 3) les habitudes et modes, 4) les différences individuelles, et 5) l’âge. Ce sont

des facteurs très importants dans l’acquisition de langues secondes et chacun de ces facteurs a fait

l’objet d’études par de nombreux chercheurs dans le domaine de l’acquisition de langues

secondes. Cela veut dire que la motivation n’est pas le seul facteur de maîtrise d’une langue, et

que d’autres facteurs peuvent influencer l’acquisition d’une langue seconde.

Mécanisme d’acquisition

de langue Compétence acquise

Filtre

Input

Figure 1 Le Filtre Affectif

12

Dans une situation d’apprentissage informel, si les apprenants aiment la culture du pays

où la langue est pratiquée, ils peuvent avoir une plus grande motivation à apprendre la langue. En

parlant de l’apprentissage informel, les apprenants en japonais (ou du moins ceux qui aiment les

films et séries télévisées japonais) peuvent passer beaucoup de temps à regarder des films et

séries télévisées japonais, ce qui peut aider à acquérir la langue. Il est aussi possible qu’ils soient

moins anxieux durant ces activités car ce sont des activités de loisirs.

1.3. Hypothèse de l’Input (The Input Hypothesis)

L’Hypothèse de l’Input est l’hypothèse la plus influente et la plus importante du Modèle

du Contrôleur de Krashen. Selon lui, il n’y a qu’une seule manière d’acquérir une langue. Il est

nécessaire de recevoir un input « compréhensible » pour comprendre le message, et pour acquérir

la langue, l’input doit être légèrement au-delà (i.e. niveau i+1) du niveau actuel. Cela signifie que

la langue est acquise en essayant de comprendre le sens de messages.

La théorie de l’Input de Krashen formule cette hypothèse ainsi :

« À partir du niveau i, le niveau actuel, on parvient au niveau i+1, le niveau suivant selon

l’ordre naturel, en comprenant un input contenant i+1.4 » (Krashen, 1985, p.2)

Krashen (1985, p.2) tire deux corollaires de cette Hypothèse :

1) Parler est un résultat de l’acquisition, non sa cause. Le discours ne peut pas être

enseigné directement mais émerge de lui-même comme résultat de la formation de

compétence grâce à un input compréhensible. 5

2) Si l’input est compris, et est disponible en quantité suffisante, la grammaire nécessaire

est automatiquement fournie. 6

4 “We move from i, our current level, to i+1, the next level along the natural order, by understanding input containing

i +1.” 5 “Speaking is a result of acquisition and not its cause. Speech cannot be taught directly but ‘emerges’ on its own as a

result of building competence via comprehensive input.” 6 “If input is understood, and there is enough of it, the necessary grammar is automatically provided.”

13

Krashen a aussi ajouté quelques idées liées : 1) l’hypothèse de l’input n’est liée qu’à

l’acquisition, pas à l’apprentissage ; 2) les apprenants en langue acquièrent en comprenant des

phrases dont le contenu est d’un niveau légèrement plus élevé que le niveau de compétence actuel

de l’apprenant (comme exprimé ci-dessus, i+1) – le contexte ou une information extralinguistique

peut aider à comprendre ; 3) i+1 sera fourni automatiquement lorsque la communication réussit et

que l’apprenant comprend l’input ; 4) la capacité à produire ne peut pas être enseignée

directement mais est émergente.

Selon Krashen (1985), le langage enfantin utilisé pour les enfants en bas âge, et le langage

du professeur utilisé en classe sont des preuves de son Hypothèse de l’Input. Les personnes

s’occupant d’un enfant modifient leurs phrases pour les simplifier et les rendre compréhensible

pour l’enfant. Chaudron (1983) décrit le langage enfantin comme un input comportant une grande

variété d’intonation, un ton aigu, des phrases courtes, une complexité moindre, des répétitions

fréquentes, et une utilisation des paroles de l’enfant. Ces caractéristiques aident l’enfant à

développer ses compétences linguistiques.

Krashen (1985) ajoute que le langage enfantin fournit un contexte extralinguistique en

limitant souvent le discours au contexte « ici et maintenant », et Anderson (communication

privée, Krashen, 1985) note qu’il pourrait s’agir d’une caractéristique universelle du langage

enfantin. Cela signifie que le sujet de la conversation a tendance à se focaliser sur le passé

immédiat, le présent et/ou le futur.

Mitchell et Myles (2004) ont noté que le langage enfantin a été trouvé dans des études

d’acquisition du langage par les enfants en bas âge, et il y a eu un certain nombre de discussions

sur le « langage pour les étrangers » (foreigner talk) en linguistique dans les années 60 et 70. Le

langage enfantin est la modification des paroles que les parents ou les gardiens d’un enfant font

lorsqu’ils s’adressent à un enfant. On dit que des données de langue seconde compréhensibles et

adéquates sont importantes pour l’acquisition d’une langue.

La période « silencieuse » chez l’enfant est aussi une preuve de l’Hypothèse de l’Input

pour Krashen. Selon lui, les enfants ont une période pendant laquelle ils ne font qu’écouter et

comprendre l’input reçu, et ils commencent à parler après quelques mois d’acquisition de la

langue. Ce phénomène peut aussi être observé lors de l’acquisition d’une langue seconde.

C’est pourquoi Larsen-Freeman et Long (1991) ont affirmé que le langage enfantin et « le

langage pour les étrangers » sont fortement corrélés avec l’acquisition de la langue, mais cela ne

signifie pas qu’ils soient la case de cette acquisition. Des études comparatives en apprentissage de

langues secondes n’étayent l’Hypothèse de l’Input que dans un environnement scolaire.

14

Comme expliqué par Krashen, en acquisition d’une langue seconde, un input

compréhensible doit être nécessaire, mais il n’est pas certain qu’il soit suffisant pour acquérir la

langue. En théorie des langues secondes, les linguistes tendent à se focaliser sur la compétence

linguistique (liée à la compréhension) plutôt que sur la performance linguistique (liée à la

production), et même si les apprenants reçoivent un input compréhensible, il n’est pas évident

que cela soit lié à leur output dans cette langue.

Sur la base de cette hypothèse, Krashen décrit trois stages d’assimilation d’un input. 1)

Comprendre le sens d’un message de niveau i+1 dans une langue seconde ; 2) remarquer un écart

entre le niveau de langue seconde i+1 et les règles linguistiques déjà maîtrisées par l’apprenant ;

3) un nouveau niveau i+1 peut réapparaître, mais pas très fréquemment.

De plus, selon Larsen-Freeman et Long (1991), les programmes d’immersion

linguistiques ont un impact significatif pour l’acquisition d’une langue. Cela signifie qu’une

grande quantité d’input compréhensible est bénéfique. Ainsi, la meilleure preuve de l’argument

de Krashen selon Larsen-Freeman et Long est le fait que tous les apprenants en langue doivent

recevoir de l’input compréhensible pour acquérir la langue. Quand ils ne reçoivent pas d’input

compréhensible, mais seulement les paroles de locuteurs natifs conversant, ils ont tendance à ne

pas du tout acquérir la langue ou à n’acquérir qu’un petit nombre d’items lexicaux et

d’expressions idiomatiques ; par exemple les salutations ou les publicités. Cette discussion

montre l’importance d’un input compréhensible pour l’apprentissage d’une langue.

Par contre, l’étude d’un programme d’immersion français par Swain (1985 : Sun, 2008) a

révélé que, si on ne considère que l’input communicatif et compréhensible, les apprenants

peuvent arriver à des compétences de compréhension quasi-natives. Mais, malgré plusieurs

années d’exposition, leurs compétences et exactitude en production étaient nettement moins

bonnes que celles de locuteurs natifs. Cette étude soutient la proposition que la présence d’input

compréhensible ne suffit à l’acquisition d’une langue. Sun (2008) a cependant fait remarquer que,

sans input compréhensible, les apprenants ne seraient pas capables de former les connexions

forme-sens nécessaires à l’acquisition, et que l’input reste un facteur important d’acquisition

d’une langue seconde.

De plus, Mitchell et Myles (2004) notent que la limite entre les concepts « comprendre »

et « remarquer un écart » n’est pas claire, ainsi que la différence entre les niveaux i et i+1. Il est

clair que les apprenants en langue ont besoin de recevoir un input compréhensible, mais selon

l’hypothèse de Krashen, il n’est pas nécessaire de connaître la limite de l’information connue et

inconnue. Ce n’est pas testable scientifiquement.

15

Ellis (1985) dit que Krashen s’est focalisé sur le rôle de l’enseignement de la grammaire

en classe. Comme il était à la fois linguiste et professeur de langue, ses hypothèses étaient basées

sur l’apprentissage de la langue en cours plutôt que sur un environnement naturel. Ellis fait

remarquer qu’il y a une différence d’environnement concernant l’input d’une langue entre celui

de la salle de classe et celui d’un environnement naturel. Si les facteurs environnants sont

importants, et qu’ils influent sur l’apprentissage d’une langue, le modèle de Krashen ne peut pas

être universel.

L’apprentissage informel d’une langue sur l’internet est un moyen de recevoir de l’input

dans la langue cible, mais on ne peut pas simplement dire si l’input est compréhensible ou non.

Cependant, à mesure que l’apprenant passe plus de temps sur l’internet dans la langue cible, il lui

est possible de recevoir plus d’input. Comme l’ont dit Larsen-Freeman et Long, une grande

quantité d’input compréhensible par l’internet est bénéfique, et cela donne des occasions de

recevoir plus d’input dans la langue cible sans nécessairement rester dans un pays où on parle la

langue cible.

Nous allons donc analyser l’importance de l’input et comment il peut contribuer à

l’apprentissage d’une langue seconde.

16

2. L’importance de l’input en apprentissage des langues secondes et en

apprentissage informel

Bien qu’il existe des arguments opposés au Modèle du Contrôleur de Krashen et qu’il soit

nécessaire de l’analyser scientifiquement, il est néanmoins certain que l’input est un facteur

important et essentiel dans l’acquisition des langues secondes.

Même si l’input est un facteur essentiel de l’apprentissage d’une langue seconde, cela ne

signifie pas que tout input est important. En acquisition d’une langue seconde, les apprenants

d’une langue reçoivent de l’input et le transforment en intake, qui passe dans le système en

développement, qui produit de l’output. Cela signifie que recevoir seulement de l’input en

apprentissage informel n’est peut-être pas le meilleur moyen d’apprendre une langue seconde,

mais aussi que la manière dont l’input est construit peut contribuer à le rendre plus efficace. On

se demande quelles sont les qualités d’un bon input pour l’acquisition d’une langue, et quel est le

rôle de l’input dans l’acquisition de langues secondes.

Selon VanPatten, le mot « input » a un sens spécifique : « l’input est la langue qu’un

apprenant entend (ou lit) qui a quelque intention communicative.7 » (VanPatten, 2003, p.25).

Cela signifie que les apprenants doivent tenter de comprendre le sens du message reçu (Lee et

VanPatten, 2003, deuxième édition). Une fois de plus, Wong (2005) a aussi mentionné que

l’input est la langue que l’apprenant entend ou lit contenant un message compréhensible. Wong

explique aussi l’input comme une langue « porteuse de sens » que les apprenants entendent et

voient (2005, p.25) et la langue que les apprenants produisent n’est pas considérée comme un

input, mais est appelée output en acquisition de langues.

Lorsque les apprenants en langue restent dans un pays étranger, ils ont tendance à

entendre la langue étrangère dans la rue, dans les magasins, et il se peut qu’on leur demande

quelque chose dans un magasin. Ils peuvent aussi voir les affiches, lire des magazines ou des

journaux. Tout cela peut être de l’input pour les apprenants en langue. Cependant, il faut que le

message d’input leur soit compréhensible pour être compris, et il faut que l’input soit reçu par

l’écoute ou la lecture. Dans ce cas, certaines activités peuvent aussi être faites dans un autre

pays : regarder la télévision, écouter la radio, parler avec des locuteurs natifs ne peut être utile

que si l’input est compréhensible. Il est donc nécessaire de comprendre comment l’input peut être

plus compréhensible.

7 “Input is the language that a learner hears (or read) that has some kind of communicative intent.”

17

De plus, VanPatten (2003) suggère que l’input peut devenir compréhensible par l’addition

d’indices contextuels ou visuels. En d’autres mots, un dessin, des objets réels ou même des gestes

peuvent aider à rendre l’input plus compréhensible pour des apprenants. Cela signifie que

regarder la télévision et parler avec des locuteurs natifs face à face peut donner un input plus

compréhensible par rapport à écouter la radio ou parler à des locuteurs natifs au téléphone. On se

demande aussi si les sous-titres peuvent aider à comprendre l’input de la télévision, ce que nous

analyserons dans une autre partie de ce mémoire.

Gass (1997) fait remarquer que : « Le concept d’input est peut-être le concept le plus

important en acquisition des langues secondes. Il est trivial de faire remarquer qu’aucun individu

ne peut apprendre une seconde langue sans accès à une forme ou une autre d’input.8 » (Gass,

1997, p.1).

VanPatten note aussi : « L’input est lié à la compréhension en cela qu’à chaque fois que

l’apprenant d’une langue est impliqué dans une activité où il cherche à comprendre quelque

chose dans une seconde langue, cet apprenant reçoit de l’input et cet input sert de base à

l’acquisition.9 » (VanPatten, 2003, p.26). Autrement dit, on peut apprendre une langue plus

facilement en faisant quelque chose dans la langue cible.

De plus, VanPatten (2003) dit que comprendre la structure grammaticale n’implique pas

de comprendre l’input, et seulement l’information communicative dans la langue seconde peut

être considérée comme de l’input. Cela signifie qu’expliquer la grammaire ne peut pas être un

input, mais cela ne signifie pas qu’il est inutile d’enseigner la grammaire pour l’acquisition d’une

langue. Si l’instruction grammaticale est présentée sous la forme d’informations communicatives,

elle peut aussi être un input pour l’acquisition d’une langue.

8 “The concept of input is perhaps the single most important concept of second language acquisition. It is trivial to

point out that not individual can learn a second language without input of some sort.” 9 “Input is related to comprehension in that wherever a learner of a language is engaged in activity trying to

comprehend something in the second language, that learner is getting input and that input serves as the basis for

acquisition.”

18

Selon VanPatten (2003), il y a deux types d’input, conversationnel et non-conversationnel.

Ellis (2004 : Wong, 2005) les appelle interactionnel et non-interactionnel. L’input

conversationnel est un message produit par une communication interactive. Il peut être observé

dans les conversations quotidiennes, dans les interactions en cours de langues, et ainsi de suite.

De l’autre côté, l’input non-conversationnel est la langue que l’apprenant entend ou obtient sans

possibilité d’interaction de sa part. Regarder la télévision, écouter la radio, ou simplement assister

à un cours de langue sans conversation interactive sont considérés comme de l’input non-

conversationnel.

Wong (2005) affirme que l’input conversationnel et l’input non-conversationnel

fournissent de nombreuses sources d’input pour l’acquisition d’une langue. Cependant, Gass

(1997) estime que l’input conversationnel présente plus d’avantages pour les apprenants en

langue, car l’input peut être négocié ou modifié lorsqu’il n’est pas compréhensible pour les

apprenants. Cela montre l’importance de l’interaction dans l’acquisition d’une langue, et

l’interaction semble être importante pour rendre l’input plus compréhensible. Comme l’hypothèse

de l’interaction est importante pour l’acquisition d’une langue, particulièrement pour obtenir de

l’input compréhensible, nous en parlerons également plus tard dans ce mémoire.

Gass et Mackey (2007) tirent la conclusion que nul ne peut acquérir une langue sans

aucune source d’input. Pour analyser le rôle de l’input en acquisition de langues secondes,

Larsen-Freeman et Long (1991) ont aussi insisté qu’il n’y avait pas d’acquisition sans input

compréhensible. Il est clair qu’un input compréhensible est le facteur le plus important dans

l’acquisition d’une langue.

L’une des explications importantes de l’input compréhensible est donnée par la théorie de

l’interaction (Interaction Theory) introduite par Gass (1997). Elle explique la manière dont

l’input peut être modifié ou simplifié par l’interaction. Cet input modifié doit alors être traité

avant d’être transformé en intake, processus que nous expliquerons plus en détail plus tard.

Il n’est pas possible de traiter et assimiler n’importe quel input. VanPatten a introduit la

théorie de traitement de l’Input (Input Processing theory), qui explique comment les apprenants

traitent et assimilent l’input. Donc l’acquisition d’une langue seconde ne signifie pas simplement

de recevoir de l’input, mais l’input doit aussi être modifié et simplifié, avant d’être traité et

assimilé pour produire de l’output. Cela sera aussi expliqué dans une autre partie.

19

Les apprenants en langue doivent recevoir un input compréhensible pour améliorer leurs

compétences linguistiques. Cela signifie que regarder la télévision, des films, des DVDs, et

écouter de la musique dans la langue cible peut ne pas être suffisant pour apprendre la langue

étrangère. Cependant, des recherches concernant l’apprentissage informel de l’anglais ont déjà

montré que regarder des séries télévisées en version originale, écouter de la musique sur demande

ont une influence positive sur les activités de compréhension et de production dans la langue

étrangère (Toffoli et Sockett 2010).

20

3. Rôle de l’input en acquisition des langues secondes, et relation avec

l’apprentissage informel.

Il est clair qu’un input compréhensible est le facteur fondamental de l’acquisition d’une

langue seconde, mais tout input n’est pas forcément efficace pour l’apprentissage de la langue.

On se demande comment l’input peut être efficace et plus compréhensible. Dans cette section,

nous analyserons le rôle de l’input.

Krashen (1982) décrit l’input idéal pour l’acquisition de langues secondes comme ayant

les caractéristiques suivantes (Krashen 1982, p.125)10

:

1. Compréhensible.

2. Intéressant et/ou pertinent pour l’acquérant.

3. Non séquencé grammaticalement.

4. En quantité suffisante.

Wong (2005) soutient que l’input est fondamental pour l’acquisition d’une langue, et

lorsque l’input est reçu, le système linguistique se développe pour acquérir la langue. De plus, il

n’y a aucun cas d’acquisition d’une langue seconde sans input. C’est un fait que les apprenants

d’une seconde langue qui réussissent sont généralement ceux qui avaient accès à une grande

quantité d’input, lisant des livres, regardant la télévision, et parlant avec des locuteurs natifs dans

la langue cible. Wong conclut qu’il est impossible d’apprendre une langue sans input.

VanPatten (2003) montre une preuve du rôle de l’input en apprentissage des langues

secondes. L’un des exemples est un programme d’immersion, durant lequel l’apprenant apprend

les sciences, les mathématiques et d’autres sujets dans la langue cible, qui est utilisée pour toutes

les explications en cours. Les résultats montraient que les apprenants en immersion avaient atteint

un plus haut niveau d’acquisition comparé aux apprenants qui avaient pris des cours de langue

généralistes. On peut dire que le nombre d’heures en contact avec la seconde langue et la quantité

d’input communicatif sont bien plus élevés dans un programme d’immersion que dans des cours

de langues. De plus, on peut aussi dire qu’afin de comprendre le message, l’input doit être

compréhensible, et on peut imaginer que, dans le cas où c’est un sujet familier de l’apprenant qui

est enseigné, cette familiarité contribue à rendre l’input compréhensible.

10

1. Comprehensible. 2. Interesting and/or relevant to the acquirer. 3. Not grammatically sequenced. 4. Provided in

sufficient quantity.

21

VanPatten (2003) parle aussi de l’exemple des programmes d’études à l’étranger

organisés par les universités pour les étudiants en langues. Les étudiants reçoivent de l’input à

l’étranger, et ont l’occasion de recevoir des messages communicatifs dans la langue cible,

particulièrement dans leur environnement d’études. Ils reçoivent une grande quantité d’input et

les effets sont généralement très significatifs.

De plus, Long (1983 : Larsen-Freeman et Long, 1991) soutient aussi que les programmes

d’immersion qui donnaient la plus grande quantité d’input avaient des résultats significatifs en

acquisition de langues au Canada. Une fois de plus, Sharwood-Smith (1983) a insisté que dans un

cours de langues, l’input dans cette langue doit être significatif, intéressant, et évidemment

compréhensible pour aider à l’acquisition de la langue, et que ce n’est pas un facteur significatif

uniquement en théorie, mais aussi pour les enseignants dans leurs cours. Il est possible que ces

programmes d’immersion étaient d’autant plus efficaces que les apprenants en langue pouvaient

apprendre non seulement la langue mais aussi un sujet qui les intéressait.

Krashen (1982) note aussi que dans les cours de langues, un bon professeur profite des

connaissances des apprenants en langue pour faciliter leur compréhension en discutant de sujets

qui leur sont familiers. Si les apprenants en langue sont intéressés par la culture du pays de la

langue cible et ont accès à des œuvres de cette culture, par exemple des films, des séries

télévisées, de la musique ou d’autres informations trouvées par exemple sur l’internet, leur

motivation d’en apprendre plus sur cette culture peut en être renforcée et ils ont tendance à

accéder à plus de sources dans la langue cible.

On dit que l’un des meilleurs moyens d’apprendre une langue de manière informelle est

d’aller dans le pays étranger. Comme discuté précédemment, des programmes d’études à

l’étranger ou des programmes d’immersion où les étudiants étudient leur matière majeure dans la

langue étrangère, peuvent rendre l’input plus compréhensible et aider à l’acquisition. Cependant,

tous les apprenants en langue ne peuvent pas facilement partir à l’étranger, et dans ce cas

l’internet donne une autre occasion de recevoir de l’input dans la langue cible.

Un bon exemple d’un phénomène de diffusion d’éléments culturels dans un pays étranger

serait la diffusion de la culture populaire japonaise en France, où on trouve un nombre significatif

de français qui s’intéressent aux jeux, mangas, séries télévisées et musique japonais, et qui sont

aussi intéressés par la langue et ont peut-être plus de facilités ou de motivation pour apprendre la

langue.

22

Selon VanPatten (2004), n’importe quel input ne peut pas être traité et transformé en

intake, mais le niveau de compréhension peut être augmenté un input facilitateur. VanPatten

explique que lorsque les apprenants en langue reçoivent un input compréhensible, l’intégralité de

ce dernier ne peut pas être gardée et traitée en mémoire de travail. L’input qui est effectivement

gardé et traité en mémoire de travail est appelé « intake ». Il est évident que la quantité d’input

compréhensible peut affecter l’acquisition de la langue, et un input compréhensible peut être

traité en intake. On se demande comment l’input peut être compréhensible, et comment l’input

peut être traité en acquisition de langue.

Comme le note VanPatten, des paroles simples ont tendance à être plus compréhensibles.

On observe ce genre de communications par exemple entre un parent et son enfant, ou entre un

enseignant en langue et ses élèves. C’est une preuve qui a été discutée dans ce mémoire appelée

« langage enfantin » ou « langue pour les étrangers ». Cela signifie que la communication peut

amener à une modification de l’input, et cela doit également être important pour l’acquisition

d’une langue. On peut dire que, comme l’input interactionnel peut être simplifié et/ou modifié

pour le rendre plus compréhensible, cela peut être l’input le plus adapté à l’apprentissage d’une

langue.

Cependant, Krashen (1982) dit que « simplement parler » ou les « conversations libres »

ne peuvent pas rendre l’input compréhensible et que ce n’est pas de l’apprentissage de la langue.

Cela signifie que simplement être en compagnie d’un locuteur natif d’une langue n’est pas un bon

moyen d’apprendre cette langue. Le bon moyen d’apprentissage d’une langue seconde est d’avoir

un bon professeur qui peut produire de l’input compréhensible pour un locuteur non-natif quel

que soit son niveau de compétence dans la langue cible.

Hatch (1979 : Krashen 1982) explique quelques caractéristiques d’un input simplifié11

:

1. Élocution plus lente et articulation plus claire, qui aide les acquérants à identifier les

mots plus facilement et leur donne plus de temps pour le traitement.

2. Utilisation plus fréquente de vocabulaire courant, moins d’argot et d’expressions.

3. Simplifications syntaxique, phrases plus courtes.

11

“1. Slower rate and clearer articulation, which helps acquirers to identify word boundaries more easily, and

allowed more process time. 2. More use of high frequency vocabulary, less slang, fewer idioms. 3. Syntactic

simplification, shorter sentence.”

23

Plus tard, Hatch (1983 : Lee et VanPatten, 2003), note aussi les cinq catégories générales

de simplification de l’input : 1) vitesse d’élocution, 2) vocabulaire, 3) syntaxe, 4) discours, 5)

arrangement du discours. Selon lui, l’input simplifié le rend plus facile à comprendre et à

assimiler pour l’apprenant. Par exemple, une diminution du nombre de voyelles réduites et de

contractions, ou l’utilisation de pauses plus longues dans le discours aident à simplifier l’input.

L’utilisation d’images et/ou de gestes peut augmenter la quantité d’input compréhensible, et le

locuteur devrait offrir de corriger les paroles dans le discours pour permettre à l’apprenant de

mieux comprendre.

De plus, Chaudron (1983) affirme qu’on peut voir l’influence positive de la modification

de l’input de locuteurs natifs en acquisition de langue seconde. Il fait remarquer trois facteurs : 1)

des modifications de la langue cible augmentent la perception et la compréhension pour les

apprenants ; 2) des modifications linguistiques promeuvent l’utilisation correcte ou significative

de la langue cible pour les apprenants ; et 3) les apprenants acquièrent les structures suivant leur

fréquence d’utilisation dans l’input. (p.438)12

Gass et Mackey (2007) disent que l’input sert

d’hypothèse fondamentale d’apprentissage de la langue, et qu’il y a des preuves positives de

l’importance de l’input pour l’information dans une langue en recherche d’interactions.

Ces arguments peuvent conduire à la conclusion que l’input est le facteur le plus

important dans l’acquisition d’une langue seconde, mais qu’il doit être compréhensible. L’input

peut être rendu plus compréhensible par des simplifications ou autres modifications destinées à

faciliter l’acquisition.

L’input peut être modifié et simplifié par l’interaction, et cet input interactionnel peut

aider à l’acquisition d’une langue comme par exemple « le langage enfantin » ou le « langage

pour les étrangers ». Mais « simplement parler » avec des locuteurs natifs (ou non-natifs) n’est

pas forcément un bon moyen d’apprendre une langue car l’input peut ne pas être compréhensible,

mais dans le cas contraire cela peut être un moyen d’apprentissage informel. Cette activité

n’implique pas directement l’utilisation de l’internet, mais comme l’utilisation des réseaux

sociaux devient un moyen de communication plus fréquent, on peut trouver de l’input

interactionnel sur l’internet. Comme l’input interactionnel est un facteur important d’acquisition

d’une langue seconde, nous allons analyser la théorie d’interaction et comment un apprenant peut

recevoir de l’input compréhensible par interaction.

12

1) learnt language modification enhance perception and comprehension for language learners. 2) Linguistic

modification promotes correct or meaningful target language use to language learners. And 3) learners acquire

structures according to the frequency of occurrence of those structures in input.

24

4. L’input et l’interaction en acquisition de langues secondes

Il est maintenant clair que l’input est l’élément le plus crucial en acquisition d’une langue

seconde, mais qu’il doit être simplifié ou modifié. Cependant, l’input ne peut pas être modifié

automatiquement, comme le langage enfantin où les paroles sont prononcées dans un ton aigu et

sont plus courtes et/ou moins complexes.

Comme nous nous sommes intéressée au rôle de l’input en acquisition de langues

secondes, et à la question de quelle sorte d’input peut être plus efficace, nous nous sommes aussi

intéressée au rôle de l’interaction dans la compréhensibilité de l’input. L’interaction peut

modifier et simplifier l’input dans la conversation. Il est maintenant possible de recevoir de

l’input interactionnel dans la langue cible sur l’internet dans la langue cible, par l’intermédiaire

des réseaux sociaux ou d’autres systèmes de communication ou de messagerie instantanée,

comme par exemple Skype. Même si nous nous intéressons plutôt à la manière dont les

apprenants en langue japonaise reçoivent de l’input en japonais en consommant des séries

télévisées, des films, et de la musique japonais, l’input interactionnel sur l’internet est aussi

possible, même s’il n’a pas les mêmes caractéristiques qu’un input interactionnel correspondant à

une conversation en face à face.

Krashen (1982) pensait que le langage oral pouvait être acquis non en s’exerçant à parler

mais en comprenant de l’input en écoutant et en lisant, et l’output contribue à l’acquisition d’une

langue mais n’est pas lié à l’apprentissage d’une langue. Cela signifie que l’émission d’output

peut provoquer une plus grande quantité d’input adressée aux apprenants. Cela est aussi lié à la

« langue pour les étrangers », où les locuteurs natifs tendent à modifier leurs paroles pour aider

un apprenant à mieux comprendre.

L’exemple de Genie (Lightbown et Spada 1999, et Saville-Troike 2006) montre

l’importance de l’interaction en acquisition de langues : Genie est une fille qui a été isolée de tout

input et de toute interaction linguistique jusqu’à ce qu’elle a été trouvée, à l’âge de treize ans ;

elle n’a par la suite jamais développé ni savoir ni compétences linguistiques.

De plus, il semble que les enfants élevés par des parents muets ont également un

développement linguistique plus lent jusqu’à ce qu’ils commencent à avoir des interactions

sociales avec les autres. Cette idée explique aussi que regarder la télévision ou écouter la radio ne

sont pas suffisants pour acquérir une langue. Cependant, ce n’est pas le cas pour les enfants de

parents muets après le premier, car l’enfant aîné représente une source de communication

interactionnelle avec eux dès leur naissance. (Lightbown et Spada 1990).

25

Selon Saville-Troike (2006), en plus de l’input, l’interaction sociale est essentielle pour

l’acquisition d’une première langue : aucun enfant ne peut apprendre sa langue initiale

simplement en écoutant des enregistrements, ou des programmes radiodiffusés ou télévisés.

Cependant, de nombreux apprenants en langue seconde acquièrent au moins un certain niveau de

compétence sans interagir avec des locuteurs de la langue cible, et au moins pour des apprenants

très motivés et/ou doués, ce niveau peut être très haut. Les modifications interactives faites par

des locuteurs natifs en parlant avec des apprenants semble fournir plus d’aide encore que la

modification de l’input oral.

La Théorie Socioculturelle de Vygotsky montre aussi que l’interaction est un facteur

essentiel à l’origine de la langue (Saville-Troike 2006). Cette théorie dit que l’interaction n’est

pas seulement un facilitateur de l’apprentissage d’une langue, mais est un facteur causatif de son

acquisition, et que tout apprentissage est par essence un processus social fondé dans des cadres

socioculturels.

Comme discuté précédemment, il existe de l’input conversationnel et de l’input non-

conversationnel pour l’acquisition d’une langue, mais selon ce qu’on a trouvé sur l’effet de

l’interaction, on peut dire que l’input conversationnel pourrait avoir l’avantage de rendre l’input

plus compréhensible. Par exemple, Long (1983a : Mitchell et Myles, 2004) note que l’input

conversationnel a tendance à être composé de paroles plus courtes, avec un vocabulaire plus

limité et/ou des constructions grammaticales moins complexes. Mackey (1999) disait que

l’interaction facilite l’acquisition à cause des modifications conversationnelles et linguistiques

qui prennent place durant une interaction et qui donnent aux apprenants l’input dont ils ont

besoin.

Long a ainsi introduit une approche plus systématique dans le développement des langues

secondes qui peut être liée à l’environnement linguistique (Long, 1985, p.378 : Mitchell et Myles,

2004)13

:

Étape 1 : Montrer que (a) les ajustements linguistiques/conversationnels favorisent (b) la

compréhension de l’input ;

Étape 2 : Montrer que (b) la compréhension de l’input favorise (c) l’acquisition ;

13

“Step 1: Show that (a) linguistic/conversational adjustments promote (b) comprehension input; Step 2: Show that

(b) comprehensible input promotes (c) acquisition; Step 3: Deduce that (a) linguistic/conversational adjustments

promote (c) acquisition.”

26

Étape 3 : En déduire que (a) les ajustements linguistiques/conversationnels favorisent (c)

l’acquisition.

On a montré qu’on peut trouver dans l’environnement linguistique des preuves du rôle de

l’input en acquisition de langues. Long a développé sa propre Hypothèse de l’Interaction

(Interaction Hypothesis) (1980, 1981, 1983a : Mitchell et Myles, 2004) en partant de l’Hypothèse

de l’Input de Krashen. Comme l’Hypothèse de l’Input, l’Hypothèse de l’Interaction insiste sur

l’importance de l’input.

L’Hypothèse de l’Interaction de Lang (Ellis, 1997) affirme aussi que la négociation du

sens est importante lors de la modification de l’input. Long montre l’effet de la résolution de

problèmes en communication interactive entre un locuteur natif et un locuteur non-natif. Ils ont

tendance à utiliser des tactiques conversationnelles, des répétitions, des vérifications de

confirmation et de compréhension, ou des requêtes de clarification pour s’assurer de la

compréhension de la conversation. En d’autres termes, la quantité d’input compréhensible peut

être augmentée par l’interaction.

Ellis et al. (1994 : Gass, 1999) ont trouvé que l’input modifié par l’interaction résultait à

la fois en 1) une meilleure compréhension et en 2) une augmentation du nombre de nouveaux

mots acquis par rapport à un input modifié sans interaction. Ils suggèrent aussi que l’interaction

permet aux apprenants de comprendre plus de choses dans la langue cible. Long (1996 : Wei,

2012) a plus tard mis à jour l’Hypothèse de l’Interaction avec un résumé des facteurs de

l’interaction négociée en acquisition de langues secondes, ce qui donne une meilleure vue de la

manière dont l’interaction peut faciliter l’apprentissage d’une langue :

La négociation du sens, et particulièrement le travail de négociation qui déclenche des

ajustements interactionnels par le locuteur natif ou l’interlocuteur plus compétent, facilite

l’acquisition en connectant l’input, les capacités de l’apprenant, particulièrement son attention

sélective, et l’output de manière productive (p.451-452 : Wei, p.114)14

.

14

“Negotiation of meaning, and especially negotiation work that triggers interactional adjustments by the NS or

more competent interlocutor, facilitating acquisition because it connects input, internal learner capacities, particularly

selective attention, and output in productive ways”

27

Ellis et al. (1994 : Ellis et He, 1999) ont étudié l’effet de différents types d’input, et ont

trouvé qu’un input modifié de manière interactive avait de meilleurs résultats pour l’acquisition

de mots que d’un input pré-modifié. Une autre preuve positive de l’acquisition d’une langue

seconde en interaction est l’étude de Mackey (1995 : Ellis et He, 1999), comparant les effets d’un

input modifié de manière interactive et ceux d’un input pré-modifié sur l’acquisition de la langue

anglaise. L’étude a trouvé que les apprenants qui participaient à une interaction faisaient preuve

d'un niveau plus avancé dans la production de questions que les apprenants qui observaient

simplement les apprenants en interaction et que les apprenants qui écoutaient un input pré-

modifié. Ces apprenants étaient passés dans plus d’étapes de développement de la langue cible et

produisaient aussi des phrases structurellement significativement plus avancées.

Ellis (1997) donnait un autre exemple d’application de l’Hypothèse de l’Interaction de

Long : lorsque des locuteurs non natifs ne comprennent pas le sens des paroles d’un apprenant,

l’apprenant reçoit généralement une réaction de non-compréhension, ce qui l’invite généralement

à corriger la forme de ses phrases. Ainsi, les apprenants reçoivent un input lié à leur maîtrise

incomplète des règles grammaticales. Dans ce cas, l’interaction aide les apprenants à clarifier

leurs paroles – on s’aperçoit donc, qu’en plus de permettre aux apprenants de recevoir un input

modifié plus compréhensible et donc de comprendre la langue cible, l’interaction aide également

à acquérir la forme de la langue cible.

Mackey (1999) disait aussi qu’une interaction négociée aide aussi l’apprenant à faire

attention à la forme grammaticale de l’input aussi bien qu’à son sens, au moment où l’apprenant

cherche à communiquer et tente de comprendre et de se faire comprendre. Pica (1994) discute

aussi de l’utilisation de la négociation pour caractériser la modification et restructurer

l’interaction lorsque les apprenants et leurs interlocuteurs anticipent, perçoivent ou font

l’expérience de problèmes dans la compréhensibilité des messages.

Mackey (1999) a trouvé dans une autre étude que l’interaction conversationnelle facilite

l’acquisition d’une langue seconde, et que les apprenants qui participent activement à

l’interaction recevaient un input plus efficace que les apprenants passifs qui observaient

l’interaction sans y participer et ceux qui recevaient une interaction scriptée. L’apprenant actif en

interaction montrait un effet positif sur la production de structures plus avancées structurellement,

et les apprenants passifs en montraient aussi un effet limité. Cela montre que la modification

interactionnelle conduit à l’acquisition de la langue et une participation plus active conduit à un

développement plus important. On peut dire que l’interaction rend l’input plus compréhensible, et

qu’il est meilleur de participer à une conversation interactionnelle car cela aide à rendre l’input

plus compréhensible.

28

Ci-dessous suit un exemple de négociation de sens par deux jeunes filles japonaises

parlant en anglais, où on peut voir que cette négociation a aidé les deux locutrices non natives à

comprendre le sens de la phrase, incluant une vérification de confirmation et une correction de la

forme d’une phrase. (Gass, 1997, p.142)

Hiroko: A man is uh. Drinking c-coffee or tea with uh the saucer of the uh uh coffee se it

uh in his uh knee.

Izumi: in him knee. (confirmation check)

Hiroko: uh on his knee. (correction)

Izumi: yeah

Hiroko: on his knee

Izumi: So sorry. On his knee.

Pica (1994) affirme aussi que la négociation rend l’input plus compréhensible et que c’est

un facteur important dans l’acquisition d’une langue seconde : des apprenants en anglais

montraient une meilleure compréhension et un souvenir plus précis d’une courte leçon lorsque les

mots et phrases de cette dernière avaient été modifiés par négociation. Les modifications

incluaient la répétition de certains mots, expressions et phrases, l’utilisation de paraphrases,

l’insertion de conjonctions et d’énumérateurs pour marquer des relations de temps et d’espace.

On note aussi que l’apprenant peut traiter un message et en comprendre le sens à force de

l’entendre répété pendant la négociation. Cela montre que la compréhension par les apprenants

du sens du message peut être un moyen d’apprendre la forme de la langue cible, plutôt que la

forme d’être un prérequis pour la compréhension du message.

Selon Gass (2006), les apprenants sont des consommateurs passifs des tâches et du retour

fournis par les professeurs et les interlocuteurs. Cependant, elle suggère que la perception des

apprenants sur la valeur de l’interaction pourrait influer la structure de l’interaction et le bénéfice

développemental qu’ils en tirent, et que la création et manipulation du contexte interactif

facilitent l’apprentissage des langues.

29

De plus, Gass et Mackey (2007) disent qu’un input modifié par l’interaction peut être plus

compréhensible pour les apprenants d’une langue. Lorsque des locuteurs non natifs ne

comprennent pas une parole dite par un locuteur natif, on peut observer une modification des

paroles durant la conversation interactionnelle. De plus, Gass (1997) a noté qu’on peut observer

un input simplifié ou un input expliqué comme input modifié. L’input peut être simplifié par une

élocution plus lente, un plus grand nombre de pauses, ou une articulation plus claire, ou tout

simplement en donnant aux apprenants plus de temps pour traiter l’input.

Cependant, Gass note aussi que simplifier le vocabulaire peut réduire la compréhension

de la langue. Des verbes simples par exemple, prennent ou adoptent plusieurs significations et

cela peut confondre l’apprenant sur le sens exact du mot, et leur niveau de langue peut ne pas être

assez bon pour distinguer le sens du verbe dans le contexte.

De plus, Gass et Mackey (2007) disent que l’approche négative peut être observée lors

des conversations interactionnelles et aident à rendre l’input plus compréhensible. Lorsqu’une

parole incorrecte est produite par un locuteur non natif, ils ont tendance à recevoir un signe

négatif par communication interactionnelle.

Selon Gass et Mackey (2007), grâce aux signes négatifs qui viennent de la correction ou

de la négociation en conversation interactionnelle, les erreurs des paroles produites par les

locuteurs non natifs peuvent être remarquées. C’est par ce moyen qu’un apprenant prend note de

son erreur et de la forme correcte. Elles mentionnent aussi qu’il y a deux types de retour, explicite

et implicite. Comme nous l’avons vu en interaction pour un input compréhensible, la correction

est considérée comme un retour explicite, et les stratégies de négociation constituent un retour

implicite. Gass et Mackey montrent plusieurs formes de retour, et en distinguent plusieurs types

observés lors de la négociation de sens en conversation interactionnelle : 1) les confirmations, 2)

les demandes de clarification, 3) les vérifications de compréhension, et 4) les reformulations.

1) Les confirmations sont utilisées par un participant pour confirmer si ce qu’il a entendu

était ce qui a été dit. (Par exemple « Est-ce que tu veux dire… ? » ou « As-tu dit … ? ») Voici un

exemple de conversation incluant des confirmations, inspiré de (Gass, 2007, p.116) :

Locuteur non natif 1 : Quand peux-tu venir me rendre visite ?

Locuteur non natif 2 : visite ?

30

2) Les demandes de clarification sont un moyen pour un interlocuteur de clarifier des

paroles où il n’a pas compris ce qui a été dit. (Par exemple « Comment ? » ou « Qu’as-tu dit ? »).

(Gass, 2007, p.116) :

Locuteur non natif 1 : … recherche.

Locuteur non natif 2 : Recherche, je ne connais pas ce que cela veut dire.

3) Les vérifications de compréhension est un moyen généralement utilisé par des

professeurs ou des locuteurs natifs de la langue cible pour s’assurer que les apprenants ou les

locuteurs non natifs ont compris ce qu’ils avaient dit (Par exemple : « Avez-vous compris ? » ou

« Voulez-vous que je répète cela ? ») (Gass, 2007, p.115-116)

Locuteur non natif : Je suis né à Nagasaki, connaissez-vous Nagasaki ?

Locuteur non natif 1 : Et ta famille a des entrées.

Locuteur non natif 2 : oui, ah, OK, OK.

Locuteur non natif 1 : plus ou moins OK ?

4) Les reformulations sont des transformations d’une expression incorrecte en une

expression correcte tout en gardant le sens de ce qui a été dit originellement. La conversation ci-

dessous inclut une requête de clarification et aussi une reformulation.

Étudiant : Why did you feel down?

Professeur : Why did you fall down?

Étudiant: Fall down, yes.

(Oliver et Mackey, 2003 : Gass et Mackey, 2007, p.184)

En conversation, lorsqu’un locuteur non natif ne comprend pas le sens d’une expression

produite par un locuteur natif, il peut demander une clarification, et pour être sûr qu’il comprend

le sens, le locuteur non natif peut ensuite effectuer une reformulation de l’expression.

31

Pour promouvoir l’Hypothèse de l’Interaction de Long, Carpenter et al. (2006) disent que

la négociation du sens et les reformulations qui accompagnent les ruptures de communication

fournissent aux apprenants un retour négatif et un input positif liés à leurs phrases problématiques.

Ce retour peut faciliter le développement en partie parce qu’il arrive à un moment où l’écart entre

le système de l’apprenant et la langue cible est évident pour l’apprenant. On dit aussi que les

enseignants utilisent des reformulations comme type de retour le plus fréquent en cours de

langues.

Carpenter et al. (2006) ont trouvé que les apprenants étaient plus aptes à identifier les

reformulations lorsqu’ils entendaient leurs paroles originales avant la reformulation. Cela signifie

que l’apprenant peut reconnaître ses erreurs originelles et dans ce cas-là, il y a un contraste dans

les séquences d’erreur-réponses, et donc ces apprenants sont capables d’identifier correctement

les reformulations mieux que les apprenants qui n’ont pas vu ou entendu l’erreur originelle. On

suggère aussi que les apprenants sont capables de comprendre des paroles originales à la réponse

de l’interlocuteur. Cette découverte prouve aussi que l’input interactionnel est très efficace en

apprentissage des langues.

Gass et Mackey (2007) affirment que l’input issu de la négociation serait seulement

adapté aux forces, faiblesses et besoins d’un apprenant, selon leur niveau dans la langue cible.

Lee et VanPatten (2003) ont ajouté que grâce à l’interaction on peut facilement savoir ce que les

apprenants comprennent et ne comprennent pas dans le contexte.

Ellis et He (1999) ont comparé les effets d’un input pré-modifié, d’un input modifié

interactivement et d’un output modifié sur la compréhension d’apprenants dans une langue. Les

résultats de compréhension étaient de 68% pour un input pré-modifié, de 71% pour un input

modifié interactivement, et de 81% pour un output modifié. Ces résultats suggèrent que les tâches

du type « écouter et faire » peuvent conduire à un niveau de compréhension élevé même lorsque

les apprenants sont confrontés à des mots peu familiers. Le cas de l’output modifié montrait de

meilleurs résultats que les cas d’input que cela soit pour la reconnaissance d’items, ou de modèles

et pour produire dans la langue cible.

Ils ont conclu que produire de nouveaux mots aide les apprenants à les traiter de manière

plus approfondie, qu’il s’agisse de compréhension ou d’acquisition, que de simplement les

entendre. Cette étude montre qu’une interaction qui fournit des occasions pour les apprenants

d’utiliser et de négocier de nouveaux mots dans un dialogue symétrique créerait de meilleures

conditions pour l’acquisition incidentelle de vocabulaire qu’une interaction dans des échanges

contrôlés qui limitent les genres d’activités interactionnelles qui favorisent l’apprentissage.

32

De plus, Gass et Mackey (2007) notent aussi que la théorie de l’interaction de Long est

maintenant communément acceptée dans l’étude de langues secondes. L’approche de

l’interaction peut expliquer l’exposition des apprenants en langue à la langue, la production de la

langue et le retour sur cette production.

Gass (2003 : Gass et Mackey, 2007) a fait remarquer que la recherche en interaction

« prend comme point de départ la supposition que l’apprentissage d’une langue est stimulé par la

pression communicative et examine la relation entre communication, acquisition et les

mécanismes (i.e. l’attention) de médiation entre eux. »15

Cependant, on dit aussi que même si

l’interaction peut fournir une structure qui permet à l’input important et remarqué, l’interaction

ne devrait pas être considérée comme une cause de l’acquisition, l’interaction ne peut que donner

un cadre pour un apprentissage potentiel (Xu 2010).

Certains chercheurs ont discuté de plus reconnaître le contexte social en recherche sur

l’interaction. Mackey (2006) note que dans de nombreuses études de l’interaction, les apprenants

en langue sont des consommateurs passifs de la tâche ou du retour que les enseignants ou les

interlocuteurs fournissent. Elle dit aussi que la perception des apprenants sur la valeur de

l’interaction pourrait avoir un impact sur la structure de l’interaction ou sur le bénéfice qu’ils en

tirent.

L’input interactionnel semble plus efficace lorsque les apprenants en langue ont

l’occasion de produire de l’output, et cela facilite l’intake dans la langue cible, et dans ce cas,

l’output de l’apprenant en langue est aussi un facteur important d’acquisition. Cependant, il est

plus difficile d’avoir un input interactionnel lorsque les apprenants restent dans leur propre pays.

Mais, comme mentionné précédemment, même dans ce cas-là ils peuvent trouver des occasions

de recevoir de l’input interactionnel sur l’internet et les réseaux sociaux lorsque ces derniers sont

utilisés pour la communication.

De plus, si on considère ce genre de stratégies d’apprentissage, l’hypothèse de

l’interaction est très liée à une stratégie sociale/affective et cela donne aux apprenants l’occasion

d’augmenter leurs compétences communicatives. Cela signifie que l’interaction pourrait avoir

plus d’avantages pour l’apprentissage de langues en communiquant. Comme l’input doit être

assimilé, et que l’output est aussi important en apprentissage des langues secondes, le traitement

de l’input et l’hypothèse de l’output seront introduits dans la partie suivante.

15

Interaction research “takes as its starting point the assumption that language learning is stimulated by

communicative pressure and examines the relationship between communication and acquisition and the mechanisms

(i.e. noticing attention) that mediate between them.”

33

En ce qui concerne l’apprentissage informel par utilisation de l’internet, les apprenants

avaient peu d’occasions de recevoir un input interactionnel, et ne recevaient qu’un input non-

conversationnel en écoutent de la musique et en regardent des séries télévises ou des films.

Par ailleurs, Sockett (à paraître) a effectué une recherche où des étudiants d’université en

France apprenant l’anglais tenaient un blogue au sujet de leur activité informelle d’utilisation des

réseaux sociaux en anglais. Cette recherche montre que l’utilisation de l’internet peut fournir de

l’input interactionnel par utilisation du web social, donnant des occasions de faire un échange

conversationnel.

Cependant cette activité ne donne pas le même input interactionnel qu’une conversation

en face-à-face, et même la lecture du japonais sur écran n’a pas les mêmes effets que la lecture du

japonais sur papier. Tseng (2008) montre que les apprenants de l’anglais comme langue étrangère

ont des difficultés pour lire le texte sur un écran d’ordinateur. Il fut demandé aux étudiants de

faire une tâche de lecture sur l’internet, et ils ont ensuite été interrogés sur les difficultés

rencontrées dans cette tâche. Tseng a trouvé que les apprenants ont éprouvé de la fatigue des

yeux, avaient tendance à sauter des lignes dans la lecture, et ne pouvaient ni souligner des mots

ou du texte, ni écrire quelque chose sur l’écran. Cela est probablement un désavantage de

l’utilisation de l’internet et provoque des difficultés de lecture.

Par contre, les activités interactionnelles sur l’internet comme skype peut fournir à la fois

un input auditif via le micro de l’interlocuteur, et un input visuel par les messages écrits. Cela

permet à un apprenant de recevoir deux sortes d’input, et il semble plus facile dans ce cas de

confirmer ou modifier des paroles non comprises.

34

5. Traitement de l’input et output en acquisition de langues secondes –

autres théories liées à l’acquisition de langues secondes

L’importance de l’input et son rôle en acquisition des langues ont été analysés. Comme

nous avons analysé, l’input a un rôle significatif dans l’acquisition des langues, mais qu’il doit

être compréhensible pour être transformé en intake.

Selon Wong (2005), un apprenant en langue ne peut pas faire à tous les facteurs

environnants et tout l’input ne peut pas être traité en acquisition de langue. VanPatten (1996) a

introduit un modèle de l’acquisition d’une langue seconde, pour montrer la manière dont un

apprenant transforme un input qu’il a remarqué en intake, aussi appelé connexion forme-sens. La

connexion forme-sens est considérée par VanPatten comme la relation entre le sens référentiel et

la façon dont il est encodé linguistiquement. Dans sa terminologie, la forme réfère à des qualités

superficielles de la langue, y compris la morphologie verbale et nominale, et les items

fonctionnels comme les prépositions, articles, pronoms et autres mots « sans contenu ».

Par exemple Gass, (1997) dit que l’input doit être remarqué mais Wong (2005) affirme

qu’afin de former une connexion forme-sens, il n’est pas suffisant pour des apprenants de

remarquer la forme. Comme discuté précédemment, il faut que l’input soit compréhensible.

Le processus d’acquisition de langue seconde impliqué dans la transformation de l’input

en intake est appelé traitement de l’input (Input processing) et est montré dans la figure ci-

dessous :

I : Traitement de l’input : Processus par lequel un apprenant saisit le sens de l’input qu’ils

entendent et en tirent des « données linguistiques » (création de

l’intake).

II A) Accomodation : Le processus par lequel un apprenant assimile une forme ou

structure grammaticale dans le système implicite de langage qu’il

est en train de créer.

II B) Restructuration : Assimilation de l’intake dans le système en développement

Input

Intake

I

Système en développement

Système en développ

Output

O

III

II

Mémoire de travail

III

Mémoire de

tr

I II

Figure 2: Ensemble de processus en acquisition de langues secondes

35

III Traitement de l’output : Le processus par lequel un apprenant acquiert la capacité à

utiliser la connaissance implicite acquise pour produire des

paroles en temps réel.

(Lee & VanPatten , 2003, p.169)

Comme le montre le schéma ci-dessus, Wong (2005) a expliqué que l’acquisition d’une

langue commence par l’exposition à l’input. Ensuite, les apprenants doivent remarquer l’input

pour faire des connexions forme-sens, faisant potentiellement de cet devient un intake. Les

apprenants gardent cet intake dans leur mémoire de travail et doivent l’internaliser. Une fois

qu’une nouvelle connexion forme-sens a été intégrée, le système en développement change et est

restructuré. Wong mentionne aussi que, en acquisition de langue seconde, l’intake influence

directement l’acquisition plutôt que l’input. Lorsque plus d’input est créé, l’apprenant acquiert

mieux la langue.

Selon Xu (2010), l’instruction de traitement a été introduite pour modifier la manière dont

les apprenants traitent l’input. Cela signifie que le but de cette instruction est de diriger l’attention

des apprenants vers les qualités pertinentes de la grammaire dans l’input et d’encourager des

correspondances forme-sens correctes, résultant en un meilleur intake. L’input utilisé dans

l’instruction de traitement est appelé input structuré. Comme noté par VanPatten (1993 : Xu,

2010), « N’enseignez qu’une seule chose à la fois », il faut focaliser l’attention des apprenants sur

les qualités grammaticales de l’input en cours de langues, cependant, il peut aussi être bon de

savoir quel genre d’input devrait être produit en apprentissage des langues.

Capacité de mémoire

de travail

Interaction, négociation

du sens

Principes de guidage

des connexions forme-

sens

Principes de guidage

de l’analyse

grammaticale

Input Intake

Figure 3: Schéma du traitement de l'input (Van Patten, 2003, p.40)

36

Selon VanPatten, pour attirer l’attention des apprenants, il faut :

1) Garder le sens en ligne de mire. Les apprenants devraient être à l’affût d’un message

pour chaque parole, et les apprenants ne devraient pas être capables de terminer

l’activité avec succès à moins d’avoir compris le contenu de chaque parole.

2) Les apprenants doivent « faire quelque chose » avec l’input. Les apprenants doivent

cocher des cases, compléter un questionnaire, etc. Autrement dit, les apprenants

doivent être impliqués activement dans le traitement de l’input et doivent montrer

cette implication active en répondant à l’input d’une manière ou d’une autre.

3) Utiliser à la fois de l’input oral et écrit. À cause de différences individuelles dans

l’acquisition, certains apprenants bénéficient plus d’un input oral tandis que d’autres

tirent plus de bénéfice d’un input écrit. Une combinaison judicieuse d’input structuré

oral et écrit permet de diriger l’attention d’autant d’apprenants que possible.

4) Commencer par des phrases isolées avant de passer à un discours structuré. Les

premières activités d’une séquence devraient se concentrer sur des phrases isolées. Un

discours structuré devrait apparaître plus tard dans la séquence. En commençant par

des phrases, les apprenants ont une meilleure occasion de percevoir et traiter l’item

grammatical sur lequel on se concentre.

5) Garder les processus psychologiques à l’esprit. Cette ligne de conduite sert à s’assurer

que l’attention des apprenants durant le traitement est dirigée vers les items

grammaticaux pertinents et non ailleurs dans la phrase.

Gass (1997) a aussi introduit un modèle d’acquisition des langues secondes. Dans son

modèle, il y a trois étapes de l’input à l’intake. Selon la figure ci-dessous, la première étape,

l’aperception, les apprenants doivent reconnaître qu’il y a quelque chose à apprendre. On appelle

l’input qui doit être remarqué « Input aperçu ». Comme dans le modèle de VanPatten, le modèle

de Gass est aussi basé sur un processus de l’input à l’intake, qui va de l’input aperçu à l’intake.

Une fois de plus, dans le modèle de Gass, un input compréhensible est nécessaire. Afin de

comprendre l’input, l’apprenant doit analyser la signification exacte, ce qui aide à l’assimilation

de l’intake.

37

À la fois VanPatten et Gass arguent que, pour acquérir une langue, l’input doit être traité

en intake et que la quantité d’intake est liée à l’acquisition de la langue. De plus, afin de

transformer l’input en intake, l’input doit être compréhensible et l’input peut être modifié afin de

favoriser son traitement. Leur modèle montre la manière dont un apprenant traite l’input.

Krashen (1982) dit que la langue peut être acquise par de l’input obtenu par la lecture ou

par l’écoute, non par l’output (écrire et parler) bien que l’output ait un rôle à jouer pour

encourager l’acquisition. Cependant, l’output doit être un facteur important en acquisition de

langues secondes car c’est l’output de l’apprenant qui provoque une réponse des autres

interlocuteurs dans une conversation interactionnelle.

Pour l’acquisition de la langue, on parle à la fois de compétence et de performance, et cela

signifie que la performance, comme le fait de parler, est le résultat de l’acquisition et ne peut pas

être enseignée sans input. Comme nous l’avons analysé plus haut, les apprenants en langue ont

besoin d’input, et de compétence pour le comprendre, et cette compétence peut résulter en de la

performance comme output. Ellis et He (1999) disent que dans une version ultérieure de

l’hypothèse de l’interaction, Long a reconnu que la négociation du sens peut induire les

apprenants à modifier leur propre output et que cela aussi peut favoriser l’acquisition.

INPUT

INPUT APERÇU

INPUT COMPRIS

INTÉGRATION

OUTPUT

INTAKE

Figure 4: Modèle d'acquisition de langues secondes par Gass (1997)

38

Selon Swain (1985 : Pica, 1994), la production par les apprenants en langue d’output

modifié est aussi nécessaire en apprentissage des langues secondes. La production de paroles

requiert souvent de la morphologie spécifique et une syntaxe pour en porter la signification.

Comme elle a trouvé que les étudiants dans un programme d’immersion au Canada faisaient

preuve d’une capacité orale moindre comparée à leur capacité de compréhension orale, elle argue

que simplement donner aux apprenants en langue une grande quantité d’input compréhensible

n’est pas suffisant pour l’acquisition. Pour cette raison, Swain suggérait que les apprenants en

langue ont également besoin d’occasions de produire de l’output compréhensible.

Swain (1995 : Mackey, 1999) disait aussi que le fait de produire dans la langue cible

forçait les apprenants à réfléchir à la syntaxe, et les apprenants sont stimulés dans leur production

et peuvent essayer de nouvelles formes ou modifier des phrases afin de comprendre la langue

cible. Elle affirme que l’output est important en acquisition de langues secondes. De plus, Ellis et

He (1999) notent qu’un input compréhensible et un output compréhensible sont tous deux

importants pour l’acquisition d’une langue seconde.

Swain a introduit l’Hypothèse de l’Output (Swain 1985, 1997 : Farley, 2005). Selon cette

hypothèse, la production de langue serait un moyen d’acquisition, et sans cette dernière, un

apprenant ne peut pas arriver à être précis dans la langue cible. Cela signifie que produire des

paroles peut induire les apprenants à remarquer les aspects de leur interlangue qui requièrent plus

de développement. Selon Swain (Farley, 2005), lorsque le besoin est reconnu, les apprenants

pourraient prêter plus attention à l’input dans la langue cible, et lorsque l’apprenant est contraint

à produire un output compréhensible, cela peut provoquer l’utilisation d’une nouvelle structure

ou forme qu’ils n’ont pas utilisée avant.

De plus, Gass (1999) dit aussi que, sur la base de l’hypothèse de l’output, on peut dire que

pour que l’interaction facilite l’acquisition d’une langue seconde, les apprenants ont besoin

d’occasions de produire de l’output durant l’interaction, que cela soit dans un contexte formel ou

informel. Cependant, les apprenants tendent à observer l’output d’autres personnes sans produire

le leur lors de conversations interactionnelles. Une étude récente de Swain (2005 : Mackey, 2006)

suggère qu’il y a eu une déformation du sens dans l’hypothèse de l’output, car plus d’attention est

portée au processus de construction de l’output qu’à l’output en tant que produit. Swain fait

remarquer que la verbalisation contribue à l’apprentissage par un processus qui implique

réflexion et internalisation.

39

On peut dire qu’un input compréhensible est nécessaire, mais non suffisant à l’acquisition

d’une langue seconde. L’input interactionnel peut être plus significatif, mais pour produire de

l’input interactionnel, il est nécessaire pour l’apprenant de produire de l’output. L’input peut être

plus compréhensible selon la manière dont il est présenté et il est dans ce cas plus facile à traiter.

L’input traité devrait alors être présenté, mais cela s’applique peut-être plus au cas de

l’apprentissage formel d’une langue en salle de classe. De plus, un input interactionnel ne peut

pas toujours être fourni lorsque les apprenants restent dans leur propre pays, et ils doivent trouver

des moyens de recevoir de l’input dans la langue cible. Cependant, grâce à l’internet, les

apprenants peuvent avoir plus d’occasions de recevoir de l’input dans la langue cible, en trouvant

par exemple des films, séries télévisées, de la musique, et ils peuvent même recevoir de l’input

interactionnel en utilisant les réseaux sociaux.

Nous nous intéresserons à l’apprentissage informel de la langue, particulièrement via

l’utilisation de l’internet qui peut donner plus d’opportunités de recevoir de l’input et d’avoir des

communications interactives via les réseaux sociaux. Nous allons expliquer ce que signifient

apprentissage formel et informel, aussi appelés apprentissage explicite et implicite.

40

6. Apprentissage formel/informel, explicite/implicite, et incidentel

Même Krashen (1982, 1985) admet que la langue peut être ou bien apprise (dans des

cours de langue) ou acquise (en dehors de cours) dans certains cas. L’acquisition d’une langue

peut être considérée comme de l’apprentissage implicite ou informel et l’apprentissage d’une

langue peut être considéré comme un apprentissage explicite ou formel. Nous allons analyser

l’importance respective de l’apprentissage informel et formel.

Selon Dornyei (2008), lors de l’acquisition de la langue maternelle, les mécanismes

complexes qui génèrent le savoir linguistique chez l’enfant sont principalement de nature

implicite. Du point de vue psychologique, Dornyei (2008) affirme que la distinction entre

apprentissage implicite et explicite dépend de la conscience, une propriété ou caractéristique

mentale qui est associée à des qualités telles que la subjectivité, la conscience de soi, les émotions

et l’attention, qui est limitée, sélective, seulement partiellement sujette à un contrôle volontaire, et

qui contrôle l’accès à la conscience, et est essentielle pour le contrôle des actions et pour

l’apprentissage.

Ellis (1994b, p.1 : Rieder, 2003) définit l’apprentissage explicite comme étant caractérisé

par « une opération plus consciente où l’individu fait et teste des hypothèses à la recherche d’une

structure. »16

Selon Dornyei, l’apprentissage explicite est généralement traité comme un

processus conceptuellement non ambigu caractérisé par une tentative consciente et délibérée de

l’apprenant de maîtriser un sujet ou de résoudre un problème. En apprentissage linguistique,

l’apprentissage explicite consiste généralement en un cursus scolaire, qui prend la forme ou bien

d’une présentation des concepts et des règles ou d’un encouragement à dériver et tester des

hypothèses de fonctionnement de la langue. Autrement dit, l’apprentissage explicite demande de

l’effort et une expertise stratégique. En apprentissage explicite, les apprenants sont conscients de

cet apprentissage.

16

more conscious operation where the individual makes and tests hypotheses in a search for structure. Ellis (1994b,

p.1 : Rieder, 2003)

41

De l’autre côté, l’apprentissage implicite est inconscient et peut être similaire à ce que

Krashen appelle l’acquisition d’une langue. Ellis (1994b, p.1 : Rieder, 2003) le définit comme :

« l’acquisition de connaissance sur les structures sous-jacentes d’un environnement constitué de

stimulus complexes par un processus qui prend place naturellement, simplement et sans opération

consciente.17

»

Dornyei définit l’apprentissage implicite de la manière suivante :

1) Les mécanismes d’apprentissage implicite sont des systèmes « bottom-up ». Cela

signifie qu’ils « fonctionnent en assimilant des modèles de conversation pris dans leur

environnement.18

» (Reber 2003 : Dornyei, 2008)

2) L’apprentissage implicite prend place naturellement, sans tentative consciente de

l’individu d’apprendre spécifiquement le sujet appris.

3) En plus de l’absence de tentative consciente d’apprentissage, les gens soumis à

l’apprentissage implicite ne sont pas non plus conscients d’être dans un processus

d’apprentissage.

4) Le processus d’apprentissage conduit à des résultats dont l’individu n’est pas

conscient.

On discute que l’apprentissage implicite peut prendre un certain temps à donner des

résultats, et Reber (2003, p.487 : Dornyei, 2008) argue que les mécanismes d’acquisition ne sont

pas associés normalement avec les processus de pensée intelligente. Ces mécanismes

d’acquisition s’améliorent un peu au fil de la vie.

17

acquisition of knowledge about the underlying structure of a complex stimulus environment by a process which

takes place naturally, simply and without conscious operation (1994b, p.1 : Rieder, 2003) 18

(Reber 2003 : Dornyei, 2008)

42

Cependant, il est important de noter que les notions d’apprentissage intentionnel et

incidentel ne recouvrent pas exactement les mêmes concepts qu’apprentissage explicite et

implicite en acquisition des langues secondes. Lorsque l’apprenant est conscient du fait qu’il

participe à une tâche d’apprentissage formel, il est dans une condition d’apprentissage

intentionnelle, mais de l’autre côté, il n’est pas prévu qu’il soit contrôlé sur ce qui est appris, et

cela est donc considéré comme de l’apprentissage incidentel. Cela signifie qu’en accomplissant

une tâche consciente, considérée comme de l’apprentissage intentionnel, l’apprenant peut aussi

acquérir d’autres choses, ce qui est considéré comme de l’apprentissage incidentel. Rieder (2003)

explique que l’apprentissage implicite est défini comme « sans enseignement » et « sans

indications conscientes. », tandis que l’apprentissage incidentel est défini comme « apprendre

sans intention », sans référence ou opposition à l’apprentissage implicite ou explicite.

En utilisant les termes d’apprentissage linguistique explicite et implicite, mémoriser du

vocabulaire pour un contrôle est considéré comme de l’apprentissage linguistique explicite. D’un

autre côté, certaines tâches se focalisant sur le sens, telles que lire des livres ou des magazines,

écouter la radio, et regarder la télévision ou des films, sont moins explicites, mais comme le but

est expressément d’acquérir du savoir linguistique, elles ne peuvent pas être considérées comme

implicites. Dans ce cas, Dornyei suggère que cela peut être clairement catégorisé comme

incidentel ou intentionnel.

Dans ce cas, l’utilisation de l’internet, particulièrement pour regarder des séries télévisées,

peut être considérée comme de l’apprentissage incidentel ou intentionnel, selon l’attitude des

apprenants.

Krashen (1981) pensait que la langue n’était pas apprise mais acquise, et il demandait si

l’enseignement de la langue en classe pouvait réellement aider des apprenants en langue. Ce

concept est très lié à l’apprentissage implicite ou explicite de la langue. Dans la théorie de

Krashen, l’apprentissage explicite est beaucoup moins important et la langue peut être acquise.

Cela signifie que l’apprenant devrait apprendre la langue de manière implicite. Cependant, Ellis

(2005 : Dornyei, 2008) dit que l’acquisition implicite et apprentissage explicite sont des

mécanismes d’apprentissage différents et affectent des parties différentes du cerveau. De même

qu’en théorie de traitement de l’input, il est nécessaire de faire attention afin d’assimiler l’input,

et l’input doit être traité, si bien qu’il faut faire attention à la langue parlée, même si on n’a pas

conscience de faire attention.

43

On considère l’apprentissage informel de la langue comme étant celui qui prend place

hors des cours. Jay Cross (2006 : Toffoli et Sockett, 2010) écrit : « Apprendre est ce qui permet

de participer avec succès dans la vie, au travail et dans les groupes qui vous importent.

L’apprentissage informel est la manière non officielle, imprévue, inattendue dont les gens

apprennent à faire leur travail. »19

Selon Toffoli et Sockett (2010), la définition générale de l’apprentissage informel est

associée à des modèles socio-constructifs d’apprentissage et est aussi vue comme l’apprentissage

en tant qu’action dans un environnement social, ce qui signifie que l’apprentissage de la langue

ne consiste pas seulement à écouter ou lire des textes, et que cet apprentissage informel peut être

lié à l’utilisation de l’internet dans d’autres langues.

Plus précisément, Toffoli et Sockett (2010) considèrent l’apprentissage informel de la

langue comme étant l’ensemble des activités que font les apprenants sans but ou conscience

d’apprendre une langue. Cela signifie que toute activité qui a lieu en lien avec des cours de

langue, des exercices ou des devoirs n’est pas incluse. L’apprentissage informel de la langue

recouvre donc aussi toute action d’utilisation de la langue étrangère, comme la participation à un

groupe social avec d’autres utilisateurs de la langue, ou l’utilisation de l’internet dans une autre

langue. Dans une autre étude de Sockett (2011) se focalisant sur l’apprentissage informel des

langues par l’utilisation de l’internet, il a défini l’apprentissage informel de la langue comme

émergent d’une intention communicative, ce qui implique qu’il n’a pas lieu selon un emploi du

temps fixé ou dans le contexte d’un apprentissage organisé.

Cependant, cela ne signifie pas que l’un des modes d’apprentissage est meilleur que

l’autre, il s’agit simplement d’une différence de méthode d’apprentissage, et particulièrement

lorsqu’on se focalise sur l’apprentissage incidentel, les apprenants ne sont pas même conscients

d’apprendre la langue. Mais il y a des avantages et des désavantages à la fois pour les modes

formels et informels d’apprentissage des langues.

19

Learning is that which enables you to participate successfully in life, at work, and in the groups that matter to you.

Informal learning is the unofficial, unscheduled, impromptu way people learn to do their jobs (Jay Cross 2006 p.19)

44

Krashen (1981) estime que des cours devraient être particulièrement utiles pour les

débutants jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau intermédiaire, car ils peuvent moins facilement

utiliser des inputs venant d’un environnement informel. Cela est dû au fait que les inputs venant

d’un enseignant pendant les cours est spécifiquement conçu pour être compréhensible par les

apprenants, tandis que les inputs venant du monde extérieur seront généralement moins

compréhensibles pour des débutants. Cela signifie qu’un environnement formel d’apprentissage

fournit un input compréhensible et l’apprenant peut y apprendre mieux que dans un

environnement informel. Par conséquent, une langue étrangère ne peut pas être apprise de

manière exclusivement informelle.

Krashen (1982) discute aussi du fait que l’input fait pour les apprenants adultes est plus

compliqué grammaticalement, comprend une plus grande variété de vocabulaire, traite de sujets

plus complexes et est généralement plus difficile à comprendre. Cela signifie que pour un

apprenant de langue adulte, la salle de classe peut être bien une bien meilleure source d’input

qu’un environnement informel. L’enseignement en cours de langues est aussi utile lorsqu’il est la

principale source d’input compréhensible avec des sujets plus simples et que l’apprenant n’a pas

d’occasion de recevoir un tel input en dehors des cours. Cependant, même lorsqu’il suggère

qu’apprendre une langue en salle de classe est utile, cette utilité est liée au fait que cet

environnement constitue dans certains cas la meilleure source possible d’input compréhensible

par l’enseignant, et non au fait qu’on peut y apprendre la structure grammaticale de la langue.

Krashen (1982) dit aussi que l’apprentissage formel est moins utile pour ceux qui ont

d’autres sources d’input compréhensible et ceux qui ont un niveau avancé dans la langue cible,

ou lorsque des sources d’input riches sont disponibles en dehors des cours. Il est clair que le

monde extérieur peut fournir une quantité plus importante d’input. Vivre dans le pays où la

langue est parlée peut être le meilleur environnement pour recevoir de l’input. Mais cela dépend

du niveau de l’apprenant, car l’input doit être compréhensible.

Krashen (1982) estime aussi que les cours de langues sont nécessairement plus limités

dans la quantité et variété d’input fournis que le monde extérieur. Les apprenants progressent en

recevant de l’input, d’abord en cours, et au fur et à mesure qu’ils comprennent de mieux en

mieux la langue réelle, ils peuvent recevoir de l’input du monde extérieur.

Dans ce cas, il peut être meilleur d’apprendre la langue en classe du niveau débutant à

intermédiaire, et ensuite de recevoir de l’input d’un environnement extérieur informel si possible.

Pour un apprenant de niveau avancé, regarder des films, des séries télévisées, et écouter de la

musique dans la langue cible peut être plus utile que pour un apprenant débutant.

45

Mais Toffoli et Sockett (2010) arguent d’une différence entre l’apprentissage informel et

le modèle du moniteur20

de Krashen. Se focalisant sur « l’hypothèse de l’input », certains

chercheurs, comme Hilton (2005 : Toffoli et Sockett, 2010) décrivent l’importance d’un input

quantitatif, et les pratiques qu’ils observent dans leurs études indiquent un changement dans

l’expérience de la langue cible en dehors des cours. On doit aussi considérer « l’hypothèse de

l’output » de Swain (2005 : Sockett, 2011), qui voit les activités de communication comme un

facteur clé de l’apprentissage, et « l’apprentissage incidentel » de Rieder (2003) qui affirme qu’à

un niveau plus avancé, l’apprentissage de la langue prend souvent la forme d’une acquisition

incidentelle de vocabulaire dans d’autres activités et n’est pas toujours une activité délibérée.

Ils arguent aussi que les ressemblances entre les approches de l’apprentissage informel

des langues et de l’hypothèse du moniteur de Krashen peuvent être vues clairement dans la

quantité d’input oral et le manque de pression affective vécue par l’utilisateur de la langue. Alors

dans le cas de l’apprentissage informel des langues, le rôle du feedback informel, l’utilisation

d’expressions utilisées par des locuteurs natifs, et d’autres formes de scaffolding dans les

interactions écrites joue probablement un rôle aussi important que celui de l’éducation formelle.

Il est donc possible que le moniteur dans ce système d’apprentissage soit formé en grande partie

de morceaux de langues recueillis lors d’interactions personnelles dans des réseaux sociaux et

aussi de la langue apprise dans les médias audiovisuels plus répétitifs tels que les séries télévisées

dans lesquelles des échanges similaires sont régulièrement joués dans des contextes similaires.

Il faut noter que les concepts d’apprentissage formel et informel ne sont pas synonymes

des concepts d’apprentissage implicite et explicite. Les apprenants peuvent suivre un

apprentissage formel implicite par exemple en assistant à des cours sans réellement y prêter

attention, il est possible d’apprendre quelque chose sans intention, ou un apprentissage informel

explicite par exemple en regardant la télévision pour noter leurs remarques grammaticales. On

peut aussi trouver de l’apprentissage incidentel en apprentissage formel et en apprentissage

informel. Autrement dit, la qualification formelle ou informelle de l’apprentissage désigne le

contexte dans lequel l’apprentissage a lieu, tandis que la qualification explicite ou implicite est

liée à la présentation du contenu et au degré de conscience de l’apprenant.

20

Monitor model

46

Les recherches sur l’apprentissage informel de langues sur l’internet ont déjà attiré

l’attention sur le fait que les apprenants d’abord exposés à la langue anglaise en cours finissent

souvent par pratiquer la langue de façon informelle, en communiquant en ligne sur les réseaux

sociaux ou systèmes de messagerie instantanée, en regardant des séries télévisées en version

originale sur des sites web de téléchargement ou de streaming, ou en écoutant de la musique en

anglais sur des services à la demande (Sockett (2011) et Toffoli et Sockett (2010)). D’autres

études ont montré que les activités de communication et de production comme regarder des séries

de télévision en version originale, écouter de la musique sur demande et communiquer avec

d’autres utilisateurs en anglais sur les réseaux sociaux sont déjà devenues monnaie courante.

(Sockett 2012)

La culture populaire japonaise est assez connue aujourd’hui en Europe, et plus

particulièrement en France où on peut trouver un grand nombre d’évènements la concernant, et

par voie de conséquence on peut trouver un certain nombre de sources d’input en japonais, au

point qu’on peut trouver des étudiants français qui regardent des séries télévisées japonaises, des

mangas et des dessins animés en japonais, même sans traduction ni sous-titres.

On pense encore qu’afin de recevoir un input compréhensible, les conversations

interactives restent l’un des meilleurs moyens. Cependant, il n’est pas toujours facile d’avoir de

telles conversations hors du pays où la langue est parlée. Et, même dans ce cas-là, les apprenants

ne peuvent pas toujours tirer le meilleur parti de ces conversations, car il est possible que

l’interlocuteur natif se lasse de toujours négocier la conversation, car tous les locuteurs natifs

n’adaptent pas leur niveau de langue pour des interlocuteurs non natifs, et les apprenants ne sont

parfois pas en mesure de négocier durant la conversation même s’ils n’en comprennent pas le

sens.

Même s’il ne s’agit pas du meilleur moyen d’acquisition de la langue, l’internet peut

constituer une source d’input supplémentaire pour l’apprentissage de la langue, et il est

intéressant de savoir comment les apprenants en japonais utilisent l’internet et en reçoivent de

l’input en japonais.

47

Comme l’explique Krashen, il y a une différence entre « apprentissage » et « acquisition »,

et on peut dire que regarder des séries télévisées ou des films en japonais correspond à de

« l’acquisition » de la langue plutôt qu’à de « l’apprentissage ». Comme dit précédemment,

simplement regarder la télévision ne peut pas aider à l’acquisition de la langue, Sockett et Toffoli

(2010) disent quand même que regarder une série télévisée en version originale est un

phénomène impliquant un certain nombre d’activités de compréhension et de production.

Comparé à l’anglais, les sources en japonais sont moins répandues, cependant, les apprenants

français de la langue japonaise qui regardent des DVDs, dessins animés, mangas, ou séries

télévisées en japonais peuvent faire plus de progrès d’apprentissage de la langue, particulièrement

pour l’assimilation de vocabulaire et la compréhension.

48

7. Apprentissage des langues avec l’aide de la télévision, internet et autres

technologies

De nouvelles technologies ont été introduites dans la salle de classe comme sources

d’apprentissage des langues. Les enseignants en langues se servent de films, de programmes

télévisés, et de CALL21

comme sources d’apprentissage des langues, utilisées pour des tâches de

construction de vocabulaire, de discussion en classe, de compréhension écrite et orale. Blake

(2009) a pris un film documentaire américain, Super Size me pour la leçon de compréhension

orale et pour la discussion en classe. Elle a dit que le fait de regarder un film s’est révélé

intéressant, engageant et motivant pour les apprenants en langues, et avec ce type de sources,

l’apprenant peut voir qu’il est capable de comprendre de l’anglais réel plutôt que de l’anglais « de

salle de classe ».

Teeter (2010) a utilisé la série télévisée Prison Break pour enseigner l’anglais familier et

de l’argot (américain) à des apprenants japonais en anglais. En montrant deux types de scènes

différents de la série, son objectif pédagogique n’était pas seulement d’enseigner l’argot et des

expressions familières afin de pouvoir suivre l’histoire, mais aussi de comparer la langue utilisée

dans les deux scènes. Ces études montrent que les films et séries télévisées peuvent servir non

seulement à l’apprentissage de vocabulaire, mais aussi à la compétence socio-culturelle

d’utilisation d’une langue étrangère.

De nombreuses études se sont intéressées aux effets sur l’apprentissage des langues de

l’utilisation de ces technologies, comme la télévision, les films, qui ont été utilisés comme

supports importants d’apprentissage des langues. Particulièrement à partir du début du 21ème

siècle, les jeunes apprenants en langues ont montré l’importance de l’internet pour fournir des

opportunités d’apprentissage en facilitant l’accès aux médias étrangers (Storz et al. 2012),

Tschirner (2001 : Vanderplank, 2010) ont montré que les nouvelles technologies pouvaient

donner des opportunités d’input et d’output améliorés, d’apprentissage en situation, de

focalisation sur la forme et de développement de la mémoire.

21

Computer Assisted Language Learning – Apprentissage des Langues Assisté par Ordinateur (ALAO)

49

Hulstijin (2003 : Vanderplank, 2010) arguait que l’acquisition de vocabulaire et

l’automatisation du processus de compréhension mot-à-mot étaient peut-être les deux facteurs les

plus importants pour l’apprentissage d’une deuxième langue, et que l’ordinateur pouvait être

utilisé efficacement pour l’acquisition de ces compétences. Vanderplank (2010) dit aussi que la

télévision peut aider à la compréhension orale. Cependant, il remarque aussi que l’utilisation de

CALL pouvait mener à une perte d’interaction conversationnelle et de coopération avec les

enseignants.

Vanderplank argue au sujet de l’utilisation de la télévision en cours que la langue utilisée

dans les programmes diffusés était parlée trop vite, en trop grande quantité, et que le contexte

pouvait ne pas être familier des apprenants étranger en langues. Cependant, des DVD de

programmes télévisés populaires en langue étrangère pouvaient être plus accessibles pour les

apprenants en langues. Ces programmes sont aussi disponibles avec des sous-titres à la fois pour

les étrangers et pour les malentendants. Dans certains pays, les sous-titres pour malentendants

sont disponibles à la télévision et aussi en DVD et peuvent servir aux spectateurs étrangers, à les

aider dans l’apprentissage de la langue. Dans de nombreux pays d’Europe occidentale, les

programmes de télévisions, films et musique en langue anglaise sont diffusés avec des sous-titres

(Kuppens 2010).

Certaines études montrent que les sous-titres aident à la compréhension orale des

apprenants (Pica, 1983, Huang & Eskey : Vanderplank, 2010). Dans l’étude de Boltova (1999 :

Vanderplank, 2010), on montre que les sous-titres ont renforcé les capacités des apprenants à

remarquer, comprendre, orthographier et se rappeler de nouvelles informations en langue

étrangère. On suggère aussi que dans des circonstances similaires, un apprenant qui apprend à la

fois du vocabulaire et le contenu dans une langue étrangère bénéficiera plus de regarder

l’émission en langue étrangère avec des sous-titres dans la langue cible qu’avec des sous-titres

dans leur langue maternelle. On dit aussi que même les enfants ont de meilleurs résultats en mode

de présentation auditive, tandis que les adultes ont de meilleurs résultats avec des présentations

visuelles de la langue étrangère.

50

Koolstra et Beentjes (1999 : Webb et Rodgers, 2009) ont découvert que les jeunes enfants

regardant un documentaire en langue étrangère avec des sous-titres en langue maternelle

montraient une meilleure compréhension des mots en langue secondaire que ceux qui avaient

regardé le même programme sans sous-titres. Encore une fois, les enfants qui ont regardé le

documentaire en langue étrangère ont atteint un score plus élevé de reconnaissance du sens de la

langue cible que les enfants qui n’avaient pas regardé le programme en langue étrangère. Ils en

ont conclu que regarder des programmes en langue étrangère pouvait mener à des gains

significatifs en connaissance de vocabulaire.

Cependant, Danan (2004 : Kuppens 2010) note que les sous-titres sont perçus comme

dérangeants et sont accusés d’encourager les spectateurs à dépendre du texte écrit, accaparant une

partie de l’attention du spectateur au détriment de la langue parlée et encourageant une forme de

paresse qui confine à de la triche.

Webb et Rodgers (2009) ont aussi discuté que, comparé aux programmes de radio, la

compréhension de programmes télévisés est peut-être plus facile, car il est possible d’entendre le

vocabulaire dans les programmes accompagnés d’images. Hanley, Harron et Cole (1995 : Webb

et Rodgers, 2009) ont découvert que les clips vidéo amélioraient la compréhension plus que des

images car ils sont plus efficaces pour faire le lien entre la forme en langue étrangère et le sens en

langue maternelle. Cependant, Rubin (1994 : Webb et Rodgers, 2009) suggèrent que la

compréhension dépendait probablement des programmes, certains programmes fournissant de

nombreux signes visuels ou des images qui soutiennent la compréhension des apprenants.

Vanderplank discutait aussi que les enfants apprennent des éléments d’une langue

étrangère en regardant des programmes télévisés sous-titrés, et on peut dire que la reconnaissance

des mots sur la base de deux sources (visuelle et auditive) est peut-être plus facile que sur la base

d’une seule source (auditive). Cependant, on débat aussi que des sous-titres en langue native sont

dommageables à la reconnaissance du discours oral en langue étrangères, et que seuls des sous-

titres en langue étrangère aident à la compréhension (Mitter et McQueen, 2009 : Toffoli et

Sockett, 2010). La meilleure manière de regarder des programmes télévisés dans la langue cible

est peut-être avec des sous-titres de la langue cible.

De plus, Vanderplank note aussi que les avantages de montrer des programmes télévisés,

des vidéos ou des DVD sont non seulement de montrer une langue authentique, mais aussi la

culture de la langue enseignée. Par exemple, un apprenant peut avoir accès à des vidéos

authentiques et à d’autres sources d’information culturelles via l’ordinateur, ce qui aide

l’apprenant à comprendre le contexte socio-culturel d’utilisation de la langue.

51

Pavakanun et Ydewalle (1992 : Webb et Rodgers, 2009) suggèrent que regarder des

programmes télévisés dans une langue étrangère peut conduire à un important apprentissage

incidentel de vocabulaire. Koolstra et Beentjes (1999 : Webb et Rodgers, 2009) concluent aussi

que regarder la télévision entraîne l’apprentissage incidentel de vocabulaire. Cela signifie que

regarder des programmes de télévision et des films en langue étrangère en dehors des cours peut

aider par certains côtés à l’apprentissage de la langue.

Kuppens (2010) affirme que les médias audiovisuels sont utiles non seulement à

l’apprentissage délibéré des langues, mais aussi à leur apprentissage incidentel. Elle a ensuite

analysé les compétences en langue étrangère d’enfants en fonction à leur accès à des médias

étrangers sur le long terme. L’étude portait sur 374 enfants néerlandophones en dernière année

d’école primaire apprenant l’anglais pour analyser comment l’utilisation de médias en langue

étrangère, c’est-à-dire la vision de programmes de télévision et films en anglais sous-titrés,

l’écoute de musique anglaise, et la pratique de jeux vidéo, influence leur acquisition de la langue

anglaise, et d’examiner si l’accès à des médias en langue étrangère conduit, sur le long terme, à

l’apprentissage incidentel de la langue. L’étude a trouvé des effets significatifs de la vision de

programmes en anglais sous-titrés sur les résultats des tests de traduction Néerlandais-Anglais et

Anglais-Néerlandais. Elle conclut que, bien que Danan (2004 : Kuppens 2010) note que les sous-

titres sont perçus comme déconcentrants et sont accusés d’encourager les spectateurs à dépendre

du texte écrit, l’effet de regarder des films et de la télévision sous-titrés sur l’acquisition de la

langue est important.

52

Elle note qu’apprentissage délibéré et apprentissage incidentel de la langue suivent des

processus très différents, et que les médias utilisés en classe sont analysés de manière plus

approfondie. Kuppens fait aussi remarquer que les jeunes gens ont tendance à utiliser des sites

internet comme YouTube pour regarder plus de programmes et films en langue étrangère (en

anglais) ce qui conduit à une acquisition plus avancée de la langue. D’autres sources sur l’internet,

comme les réseaux sociaux, les forums, les messageries instantanées peuvent aussi aider à

l’apprentissage de la langue en incitant à lire et écrire dans la langue étrangère. Pour analyser

l’apprentissage incidentel de la langue, il est aussi important de savoir comment l’apprenant

accède à la langue étrangère dans les médias audiovisuels et sur l’internet en dehors des cours de

langue étrangère. Elle conclut que : « En fournissant les apprenants en langue avec un input

intensif en langue anglaise, il est probable que la montée des médias en langue anglaise est un

autre facteur responsable de la compétence des utilisateurs de cette langue. On peut aussi penser

que cela contribue à des attitudes positives envers la langue anglaise, qui à leur tour influencent

positivement l’acquisition de la langue. »22

On dit aussi que les médias audiovisuels peuvent

ajouter une source additionnelle d’input pour l’apprentissage de la langue, et contribuent aussi à

la motivation et à l’intérêt des apprenants pour la langue apprise, et que des activités avec ces

médias en dehors des cours peuvent aider l’apprentissage incidentel de la langue.

En raison des changements des modalités d’accès aux langues étrangères, grâce à la

présence sur l’internet d’une quantité importante de matériaux en langue étrangère

(particulièrement en anglais), et du lien de ces modalités d’accès avec l’apprentissage incidentel

de la langue, on va analyser les modalités d’accès en dehors des cours à la langue cible des

apprenants en langue étrangère.

Storz et al. (2012) ont étudié l’effet sur la compréhension orale et le niveau d’anglais du

temps passé à apprendre l’anglais de manière informelle en consommant des médias ou en

participant à des réseaux sociaux dans cette langue. Ils croient que l’internet offre plus

d’occasions d’accès à des inputs compréhensibles, et par là améliorent l’acquisition de la langue

étrangère. Reprenant les catégories d’apprentissage formel et informel décrites précédemment, ils

ont défini l’apprentissage informel comme correspondant à des activités de la vie quotidienne non

éducatives, non structurées et non intentionnelles.

22

“By providing the language learners with intensive English-language ‘input’, it is likely that the ascendancy of

English-language media accounts for the proficiency of its users in an additional way. It arguably also contributes to

positive attitudes toward English, which in turn have been shown to positively influence language acquisition.”

(Kuppens, p.68)

53

Storz et al. (2012) ont conduit un sondage avec 638 étudiants d’université francophones

apprenant l’anglais. Ils ont découvert que les principales utilisations informelles de la langue

anglaise étaient l’écoute de musique (88%), les films (83%), les séries télévisées (82%), et que le

temps moyen passé sur ces activités revenait à 414 heures de musique, 148 heures de télévision et

102 heures de films par an. Ces résultats montraient aussi que 70% des heures passées sur des

médias en langue anglaise se font sur l’internet. Ces résultats montrent que, bien que les

apprenants aient accès à une grande variété de sources en anglais sur l’internet, les principales

activités sont l’écoute de musique et la consommation de films et de séries télévisées, et on peut

penser que ces sources sont devenues plus facilement accessible grâce à l’internet.

Ils ont aussi découvert qu’il y avait une corrélation positive forte entre le temps passé sur

des médias en langue anglaise et leur niveau d’anglais. Les étudiants qui avaient une meilleure

maîtrise de l’anglais (B1, B2 et C) passaient plus de temps sur des réseaux sociaux en langue

anglaise que sur l’apprentissage informel. Les étudiants passaient en moyenne 303 heures par an

sur l’apprentissage informel de la langue, les étudiants de niveau A et B1 passaient

respectivement 88 et 151 heures par an. Ainsi, les étudiants de niveau B2 et C passaient plus de

temps en apprentissage informel que la moyenne, tandis que les étudiants de niveau A et B1 y

passaient moins de temps que la moyenne. Cette étude montre aussi que la quantité d’input de la

langue cible est importante pour l’acquisition de la langue, et grâce à l’internet il est maintenant

possible d’accéder à de grandes quantités de sources en langue étrangère, et il est aussi possible

de communiquer facilement dans une langue étrangère grâce aux réseaux sociaux, ce qui aide

probablement à l’acquisition de la langue.

Une autre étude analyse l’activité des apprenants utilisant la langue apprise dans des

situations naturelles en dehors des cours. Person (2004) a fait une étude sur les activités en

anglais et la langue utilisée par des étudiants chinois apprenant l’anglais en Nouvelle-Zélande.

L’étude a découvert que, à l’endroit où ils vivaient, plus de la moitié des étudiants parlaient

principalement en chinois, presque 40% parlaient principalement en anglais, et quelques-uns

(4,7%) des étudiants parlaient également dans les deux langues.

Leurs principales activités utilisant l’anglais en dehors des cours étaient : écouter les

nouvelles à la télévision ou à la radio (87%), regarder des vidéos et des films (72%) et écouter de

la musique ou la radio (64%). Ces activités-là sont les plus fréquemment pratiquées en dehors des

cours, avec l’étude en bibliothèque et la lecture (73%). Les activités interactionnelles comme la

conversation avec d’autres étudiants arrivent en 6ème

place (58%), tandis que parler avec des

locuteurs natifs (49%) et nouer des relations d’amitié avec des locuteurs natifs (43%) n’arrivent

même pas à 50%.

54

Cette recherche montre que même si les apprenants ont tendance à avoir plus d’input dans

la langue cible dans un pays où c’est la langue principale, les principales activités dans la langue

cible sont les mêmes que lorsque les apprenants restent dans leur propre pays. Bien qu’on puisse

penser qu’il est important pour l’acquisition de la langue de recevoir des inputs modifiés et que

cela fasse de l’input interactionnel une meilleure source, il semble difficile d’avoir l’occasion de

recevoir de tels inputs en dehors des cours de manière informelle. Et aujourd’hui, l’accès à

l’internet offre de nombreux avantages pour l’acquisition de la langue. Autrement dit, l’utilisation

de l’internet pour l’apprentissage d’une langue étrangère peut être un facteur très important de

l’apprentissage informel.

Lamb (2004) a étudié les activités indépendantes d’apprentissage de la langue,

comprenant les cours privés d’anglais et d’autres activités audiovisuelles en anglais dans une

école publique en Indonésie. Dans cette étude, 50% des enfants avaient déjà suivi des cours

privés d’anglais hors de l’école et ils montraient des progrès significatifs en anglais et certains

d’entre eux suggéraient de prendre des cours privés pour améliorer leur anglais. Certainement,

des cours d’anglais privés donnent plus d’occasions d’input interactif et un meilleur accès à la

langue cible. Cette activité est cependant considérée comme de l’apprentissage formel et

intentionnel de la langue, et comme il n’y a pas d’obligation de suivre des cours privés, ce sont

peut-être les enfants les plus motivés pour apprendre l’anglais qui en suivent, et cette motivation

a sans doute un effet positif sur le niveau d’anglais.

Lamb a aussi analysé l’utilisation de l’anglais par les enfants dans leur vie quotidienne.

Malgré un niveau limité dans la langue, ils écoutent régulièrement de la musique et regardent des

films et autres programmes télévisés en anglais. La radio est moins populaire, ils ne lisent pas

vraiment de livres ou de magazines en anglais et ils utilisent très peu l’ordinateur. Certains

d’entre eux ont commenté qu’il était trop difficile de suivre les dialogues des films anglais et

dépendaient des sous-titres en indonésien pour comprendre l’histoire. Une fois de plus, le

principal accès à la langue anglaise en apprentissage informel consistait à regarder des films, des

programmes télévisés et à écouter de la musique. L’apprentissage interactionnel, comme par

exemple les cours privés, aident aussi à l’acquisition de la langue.

55

Se focalisant sur l’utilisation de l’internet pour l’apprentissage de la langue, Toffoli et

Sockett (2010) ont conduit une recherche sur l’utilisation de l’internet comme outil

d’apprentissage informel de l’anglais par 225 étudiants français apprenant l’anglais en tant que

non spécialistes. Ils ont trouvé que la majorité des étudiants apprenant l’anglais écoutaient de la

musique anglaise au moins une fois par mois, et que plus de 50% écoutaient de la musique

anglaise au moins une fois par semaine. Presque 30% des étudiants regardaient des films et séries

télévisées en anglais, et ils utilisaient des sites web de téléchargement ou de streaming pour

regarder des films et séries télévisées de manière hebdomadaire ou mensuelle.

La plupart des étudiants lisaient un certain nombre de sites web en anglais, environ 30%

des étudiants utilisaient des réseaux sociaux comme Facebook pour écrire à leurs amis et laisser

des commentaires. Il est maintenant facile d’accéder à des sources en anglais, ce qui permet de

recevoir plus d’input dans cette langue, et cela donne plus d’occasions de lire et écrire dans cette

langue pour avoir plus de communication interactive. Toffoli et Sockett ont conclu que grâce à

l’utilisation de matériaux non doublés, non sous-titrés sur l’internet, la quantité d’apprentissage

informel de la langue dû à l’exposition à des sources en anglais de manière régulière a augmenté.

On discute aussi que regarder des séries télévisées en anglais est différent d’autres types d’input

oral et donne des indices contextuels pour le sens de cet input.

Les séries télévisées ont peut-être l’avantage de fournir un input qui incite à continuer à

regarder de manière régulière. On peut dire que comme il s’agit d’une série, cela donne plus de

motivation pour regarder l’épisode suivant, et cela aide à recevoir plus d’input dans la langue

cible dans un contexte informel de manière régulière.

Sockett (2011) discute aussi que les séries télévisées regardées par les apprenants

montrent des situations dans lesquelles il est facile d’inférer la signification des dialogues grâce à

la familiarité avec les personnages et la répétitivité des situations dramatiques. De plus, ce type

d’apprentissage conduit directement à reconnaître l’écart entre leur compréhension actuelle des

dialogues dans la série qu’ils regardent et ce que Sockett appelle un niveau de compréhension

« confortable ». On dit aussi qu’une exposition répétée à des inputs est liée au développement de

compétences de procéduralisation. On en conclut que regarder des séries télévisées en version

originale aide à la procéduralisation des structures pertinentes.

56

Sockett (2011) a ensuite analysé les expressions de quatre mots les plus fréquentes de

séries télévisées pour voir comment les apprenants français de la langue anglaise lisent, écoutent

et utilisent la langue cible dans une variété d’activités en ligne. Il a ensuite analysé le contenu

linguistique de ces expressions et déterminé que les constructions les plus fréquentes

constituaient des exemples pertinents de la langue cible. Dans les conversations ordinaires,

certaines phrases sont plus fréquentes que d’autres, et dans une série télévisée il peut être possible

d’entendre les mêmes phrases répétées dans des contextes similaires. On dit que la répétition de

l’input a un effet positif sur l’acquisition de la langue, et qu’en regardant une série régulièrement,

cela force à entendre ces expressions de nouveau, ce qui peut aussi aider à l’acquisition

informelle du langage.

Sockett (2010) a aussi analysé l’utilisation de l’anglais par les apprenants en langue,

particulièrement les activités où les apprenants s’exprimaient en anglais. En prenant les mêmes

résultats que Toffoli et Sockett (2010). 40% des étudiants écrivent en anglais une fois par mois, et

30 autres % écrivent au moins une fois par mois sur Facebook, et moins de 20% d’entre eux

écrivent en anglais ailleurs que sur l’internet. Il montre que Facebook est en grande partie

responsable de l’utilisation écrite de l’anglais sur l’internet, mais l’output en anglais est encore

beaucoup moins répandu que l’input dans cette langue. Sockett a donc conclu que le temps

d’exposition à l’anglais sur Facebook, le décloisonnement des savoirs linguistiques et des savoirs

du monde réel par l’exécution de tâches en langue cible, et la motivation dans l’interaction avec

des personnes connues sont autant de facteurs qui indiquent qu’un apprentissage incidentel de

l’anglais peut avoir lieu dans ce contexte informel.

57

Sockett (2012) s’est ensuite intéressé à la manière dont l’apprentissage de la langue se fait

dans le système complexe de l’apprentissage informel de langue en ligne, sur une période de trois

mois. On dit que certains processus cognitifs peuvent faciliter différentes phases d’interaction de

l’apprenant autour d’une tâche significative, par exemple un échange d’opinions sur un réseau

social. Sockett dit que cette étude mointre que « Quand un apprenant informel impliqué dans des

interactions avec d’autres personnes en ligne, on se focalise naturellement sur les perspectives de

leurs interlocuteurs afin de comprendre comment prendre part à l’échange d’opinions, voire en

effet d’information ; ou de faire des choix requis par la situation communicative et ces processus

sont soutenus par les apprenants ayant une connaissance préalable de l’interlocuteur et de la

situation. Les activités de ce genre sont considérées comme de l’apprentissage informel de la

langue, mais comme Rieder (2003 : Sockett et Toffoli, 2012) dit : « l’apprentissage implicite

requiert de prêter attention au stimulus mais n’implique pas d’opérations conscientes.23

» Cela

peut être vu comme de l’apprentissage implicite car les apprenants font plus attention à la langue.

Ces activités sont moins fréquentes par rapport à d’autres activités productrices d’input, mais

cette étude montre que grâce à l’internet et aux réseaux sociaux, il est aussi possible de recevoir

de l’input interactionnel.

Comme l’étude de Toffoli et Sockett (2010) était une étude quantitative sur le court terme,

Sockett et Toffoli (2012) ont aussi conduit une étude s’appuyant sur journal détaillant l’utilisation

de l’anglais sur l’internet par cinq étudiants français sur une durée de huit semaines afin

d’analyser leur utilisation quotidienne de l’internet en anglais. Dans cette étude, on a découvert 1)

l’importance des changements des réseaux sociaux, 2) la manière dont les programmes télévisés

sont regardés, 3) l’influence de la musique sur demande sur les stratégies d’écoute, et 4) la

mesure dans laquelle l’apprentissage avait lieu dans ces activités. Ces quatre activités sont

actuellement des sources importantes d’apprentissage informel de la langue par l’internet pour les

apprenants de l’anglais en France. Ils ont trouvé que l’apprentissage est le plus fréquemment vécu

comme une acquisition de vocabulaire, et les apprenants sont aussi conscients des progrès qu’ils

font pour la compréhension du sens des séries télévisées et films.

De plus, Toffoli et Sockett (2010) arguent que le fait que les apprenants fassent des

progrès à la fois en compréhension et en expression signifie que le champ de l’apprentissage

informel n’est pas restreint à l’« hypothèse de l’input » de Krashen, même si les étudiants

reçoivent beaucoup d’input, ce qui pourrait être vu comme une manière d’assurer les quantités

nécessaires recommandées par d’autres chercheurs comme Hilton (2005 : Toffoli et Sockett,

2010), particulièrement en écoute.

23

implicit learning does involve attention to the stimulus but does not involve conscious operations’ (p.28)

58

Bien que l’input interactionnel semble plus bénéfique que l’input venant de médias

audiovisuels car le premier peut être modifié et simplifié, mais qu’il semble plus difficile de

recevoir de l’input interactionnel même quand les apprenants restent dans le pays où la langue

étrangère est pratiquée, Bahrani et Sim (2012) ont conduit une étude pour analyser quelles

sources d’input linguistique, parmi les médias audiovisuels ou l’interaction sociale, ont le plus

d’impact sur les compétences orales.

Ils ont étudié deux types d’étudiants dans des environnements différents, comme en

Malaisie, où l’anglais est la langue dominante ou officielle, les apprenants en langue peuvent

utiliser les interactions sociales comme une source d’input linguistique pour acquérir la langue

dans un environnement informel, et de l’autre côté comme en Iran, où l’anglais est considéré

comme une langue étrangère et les apprenants n’ont qu’un accès limité à un environnement

d’utilisation réelle de l’anglais car cette langue n’est pas utilisée comme moyen de

communication autrement que pour les apprenants. Cependant, un certain nombre de médias

audiovisuels sont disponibles en anglais.

Durant cette expérience, ils avaient donc deux types de participants : d’un côté, les

participants recevant des inputs de médias audiovisuels, et de l’autre les participants qui avaient

des interactions sociales comme sources d’input linguistique. À la fin de l’étude, les compétences

linguistiques des étudiants des deux groupes ont été comparées. Le test montre que le groupe

recevant de l’input audiovisuel a eu de meilleurs résultats que le groupe qui avait reçu de l’input

interactionnel.

Ils ont trouvé une différence significative concernant leur performance entre les étudiants

recevant de l’input interactionnel et les étudiants recevant de l’input audiovisuel. Cela indique un

impact positif plus important sur les compétences orales découlant de l’exposition à des médias

audiovisuels que celui de l’exposition à des interactions sociales. On trouve aussi que les

locuteurs moins compétents pouvaient modifier leur input pour le rendre plus compréhensible.

L’input interactionnel modifié a tendance à être au niveau actuel de compréhension des

apprenants, ou plus bas. Cette étude montre que l’input interactionnel est moins désirable pour un

apprenant en dehors des cours.

59

On peut considérer que regarder des films et des séries télévisées et écouter de la musique

dans la langue cible donne de l’input additionnel pour l’acquisition de la langue, et que ces

activités deviennent plus fréquentes grâce à l’internet. Cependant il est vrai que l’anglais est une

langue plus populaire à l’apprentissage que d’autres langues, et les sources dans d’autres langues

sont moins facilement accessibles que celles en anglais. Cependant, aujourd’hui, comme le

monde devient plus cosmopolite, les gens sont intéressés pour apprendre d’autres langues et

d’autres cultures.

Par exemple en France, la culture populaire japonaise est devenue relativement populaire

ces temps-ci (par exemple, l’une des plus grandes conventions sur la culture populaire japonaise,

la Japan Expo, est tenue à Paris, et depuis sa création, le nombre de visiteurs a beaucoup

augmenté, passant de 21000 visiteurs en 2002 à environ 200000 visiteurs en 201224

). Comme la

culture populaire japonaise devient plus populaire, on peut trouver des sources en japonais dans

les magasins, mais on en trouve principalement sur l’internet. De même, grâce à l’internet et aux

réseaux sociaux, il est possible d’accéder non seulement en anglais mais aussi dans d’autres

langues.

Nous sommes donc intéressés à l’apprentissage informel de la langue par des apprenants

en japonais en France par leur utilisation quotidienne de l’internet. En prenant le même principe

que Toffoli et Sockett (2012), cette étude a porté sur un journal tenu sur une longue durée par

quatre étudiants français qui étaient intéressés pour apprendre la langue et la culture japonaises et

avaient des activités en japonais sur l’internet.

24

http://www.mlit.go.jp/common/000215589.pdf

60

8. Projet de recherche

8.1. Méthodologie

Notre étude est basée sur la méthodologie de Sockett et Toffoli (2012)25

, consistant en la

tenue, par quatre participants apprenant le japonais pendant huit semaines, de journaux

documentant leurs instances d’utilisation informelle du japonais pendant leur temps libre,

indiquant toutes les activités liées à l’internet, le temps qu’ils ont passé sur ces activités, et leurs

remarques concernant la langue japonaise. Avant de commencer ces journaux, on demanda aux

participants de compléter un questionnaire basé sur l’étude de Toffoli et Sockett (2010)

concernant leur usage quotidien du japonais afin de vérifier qu’ils font déjà de manière régulière

usage du japonais sur l’internet.

Les participants prenaient note du matériel utilisé, des facultés linguistiques exercées, de

l’heure à laquelle l’activité a eu lieu, du temps passé sur l’activité et de leurs remarques

concernant la langue japonaise dans l’activité. À la fin de l’étude, un entretien a été organisé avec

chacun des participants afin de compléter et clarifier le contenu des journaux pour la période de

six semaines. Pour deux des participants, les journaux étaient maintenus comme un document

partagé sur Google Docs (https://drive.google.com/) ; pour les deux autres, les journaux étaient

vérifiés périodiquement par le chercheur pendant la durée de l’étude, à l’occasion de leurs cours

hebdomadaires de conversation japonaise.

De la même manière que l’étude de Sockett et Toffoli (2012) a été influencée par Larsen-

Freeman et Cameron (2008 : Sockett et Toffoli (2012)), le choix de la méthodologie pour cette

étude a été influencée par eux : ils conseillent de faire une étude qualitative de longue durée avec

quelques participants parce qu’une telle étude est selon eux plus à même d’éclaircir les

mécanismes de ces systèmes complexes.

L’hypothèse de cette étude a été reprise de l’étude de Sockett et Toffoli (2012) : le modèle

de l’apprentissage autonome du japonais n’est plus applicable aux pratiques d’apprentissage du

japonais en France aujourd’hui, car l’utilisation et l’apprentissage implicite de la langue ont lieu

dans des activités quotidiennes de communication dans le cadre de communautés virtuelles.

25

L’étude de Sockett et Toffoli était basée sur la tenue par des apprenants d’un journal décrivant leurs activités en

anglais pendant huit semaines.

61

En menant cette étude, des données quantitatives seront récoltées pour analyser la manière

dont les participants accèdent à des matériaux en japonais, pour déterminer les relations

impliquées dans cet apprentissage informel, et pour explorer comment l’apprentissage a lieu dans

un système dynamique complexe de contacts informels avec la langue japonaise.

8.2. Participants

Les participants à l’étude étaient quatre personnes, de nationalité française, apprenant le

japonais, deux de sexe masculin et deux de sexe féminin. Les deux participantes, M et L, âgées

de 20 et 19 ans, étaient étudiantes en première année de japonais à l’Université de Strasbourg ; au

début de l’étude, elles avaient étudié le japonais à l’université pendant cinq mois. L’une d’entre

elles avait étudié la langue japonaise au lycée. Les deux participants, C et S, étaient âgés de 28 et

29 ans, l’un était étudiant dans une école de bande dessinée, et l’autre étudiait au conservatoire de

Strasbourg. C avait eu des cours de japonais pendant trois ans en école d’ingénieur, tandis que S

n’avait jamais étudié le japonais formellement, mais avait commencé à étudier par lui-même chez

lui. C et S avaient voyagé au Japon une fois, et étaient tous deux intéressés par la culture

japonaise.

8.3. Analyse et résultats

En raison du nombre restreint de participants, et du fait que les données analysées étaient

principalement des activités quotidiennes d’utilisation de la langue japonaise sur l’internet, les

résultats ont été analysés de manière qualitative.

62

8.3.1. Analyse et résultats du questionnaire initial

Trois des participants ont déclaré écouter de temps en temps de la musique japonaise, et la

quatrième a déclaré qu’elle écoutait tout le temps de la musique japonaise. Leur principale

activité en langue japonaise sur l’internet était de regarder des séries télévisées (dramas) et des

dessins animés japonais, et pour cette raison ils écoutaient parfois la musique de ces émissions.

Les deux participantes trouvaient aussi de la musique japonaise via leurs amis japonais en France

ou sur YouTube (www.youtube.com). Quant aux deux participants, leur principale activité en

japonais sur l’internet était de regarder des séries télévisées via le site (http://www.anime-

ultime.net/), et ils n’utilisaient ni messagerie instantanée, ni Skype (www.skype.com), ni email en

japonais. L’un des deux jouait parfois à des jeux vidéo en japonais. Les deux ont aussi déclaré

regarder des séries télévisées japonaises régulièrement depuis trois mois avant le début de l’étude,

comme s’ils regardaient de la télévision régulière, principalement pendant le dîner et avant de se

coucher.

Par contre, les deux participantes, étant étudiantes en première année de japonais à

l’Université de Strasbourg, ont des amis japonais en France et au Japon, et elles ont déclaré

qu’elles discutaient parfois par messagerie instantanée et écrivaient souvent des emails et des

commentaires facebook (www.facebook.com) en japonais. Elles avaient donc plus d’activités de

lecture et d’écriture en japonais sur l’internet.

Tableau 1: Fréquence des activités en japonais des participants sur l'internet

M L C S

Écouter de la musique en japonais 4 2 2 2

Participer à des forums en japonais 1 1 1 1

Utiliser des services de messagerie instantanée pour discuter en japonais avec des gens

que je n’ai jamais rencontrés

2 2 1 1

Utiliser les services de communication vocale (comme MSN, Skype etc.) pour parler avec

des japonais

1 1 1 1

Participer à des mondes virtuels en japonais 1 2 1 1

Écrire des emails à mes amis en japonais 3 3 2 1

Écrire des articles de blog, ou des annonces sur des réseaux sociaux, en japonais 1 2 1 1

Écrire des commentaires sur des blogs ou sur des réseaux sociaux (Facebook) en japonais 2 3 1 1

Communiquer avec des japonais sur des réseaux sociaux (Facebook, Twitter) en japonais 3 3 2 2

Autres utilisations du japonais sur l’internet X X X X

63

Tableau 2 Fréquence des activités en japonais des participants

M L C S

Aller sur l'internet 2 3 2 1

Regarder un film ou DVD 3 3 3 3

Écouter de la musique en japonais 4 2 2 1

Lire des livres en japonais 2 2 2 1

Discuter avec des amis en japonais 3 2 3 1

Autres activités X X X

Tableau 3 Temps consacré aux activités en japonais par les participants (heures par semaine)

M L C S

Aller sur l'internet 4 5 1

Regarder un film ou DVD 10 5 5 5

Écouter de la musique en japonais 20 2 1

Lire des livres en japonais 1 1 1

Discuter avec des amis en japonais 1 1 2

Autres activités X X X

Tableau 4 Autres activités mentionnées

M L C S

Visiter un site web pour apprendre des kanjis X

Recherche d'informations sur des mangas, animes, et jeux vidéos X

Regarder beaucoup de dramas X X X X

Lire beaucoup de mangas X X

Visiter un site web d'informations sur le Japon X

64

Comme tous les participants semblaient avoir regardé un grand nombre de séries

télévisées japonaises, nous leur avons aussi demandé quel genre de séries télévisées ils avaient

regardé. Il est apparu que, comme le nombre de séries télévisées japonaises sous-titrées en

français était limité, ils avaient tendance à regarder les mêmes séries : tous avaient regardé Kimi

wa Pet26

, Hana Yori Dango27

, deux séries télévisées adaptées de mangas. Les filles avaient

tendance à choisir les séries qu’elles regardaient en fonction des acteurs ; elles avaient regardé les

séries télévisées où jouaient les acteurs préférés de ces séries, et avaient aussi regardé quelques

dessins animés. Un des garçons avait aussi regardé quelques films japonais.

26

Kimi wa Pet (litt. « Tu es un animal de compagnie ») : Sumire est une femme de 28 ans, dynamique, belle, fait

partie de l’élite du Japon, mais est aussi très froide et intimidante. Un soir, en rentrant chez elle, elle découvre en face

de son immeuble un carton dans lequel se trouve un garçon blessé. Elle décide de le faire entrer et prend soin de lui

pour qu’il puisse partir le lendemain en bonne santé. Mais le lendemain soir, en ouvrant la porte, elle se rend compte

qu’il n’est pas parti, et qu’il lui demande de pouvoir rester à n’importe quelle condition. La condition de Sumire, est

de faire de lui son chien, appelé Momo. À son grand étonnement, il accepte sans hésiter. La série raocnte la suite de

leurs tribulations. (Source : http://www.anime-ultime.net/) 27

Hana yori Dango (litt. « Des garçons plutôt que des fleurs ») : Une jeune lycéenne de 16 ans, Tsukushi Makino, se

retrouve dans le célèbre lycée privé Eïtoku où se retrouvent les jeunes gens les plus riches du pays. Le seul problème

de Tsukushi est qu’elle provient d'un milieu plus que modeste. Un jour, elle prend la défense d’une nouvelle élève,

ce qui va lui attirer les foudres d’un des membres du F4, Tsukasa Dômyôji. Cependant, le F4 n'est rien de plus

qu’une bande de 4 garçons riches qui font régner la terreur dans ce lycée en attribuant des « cartons rouges » aux

élèves qui ont le malheur de ne pas leur plaire. Tsukushi va donc se retrouver persécutée par tout le lycée qui soutient

ardemment le F4 mais elle décide de leur tenir tête et déclare alors la guerre au F4 et particulièrement au chef du

groupe, Tsukasa Dômyôji. Les deux ennemis vont doucement tomber amoureux. (Source : http://www.anime-

ultime.net/)

65

Tableau 5 Artistes musicaux japonais écoutés par les participants

Nom de l’artiste Nom en japonais Nombre de participants

Arashi 嵐 2

yui yui 1

ikimonogakari いきものがかり 1

DJ Krush 石井 英明 (Ishii Hideaki) 1

Wakeshima Kanon 分島 花音 1

Asobi Sekusu アソビ・セクス 1

Uverwarld Uverwarld 1

One ok rock One ok rock 1

Back on Back on 1

Musique de séries télévisées N/A 4

Tableau 6 Films regardés par les participants

Nom du réalisateur Nom en japonais Nombre de

participants

Yasujirō Ozu 小津安二郎 1

Takeshi Kitano 北野武 1

Tableau 7 Dessins animés regardés par les participants

Nom du dessin animé Nom en japonais Nombre de

participants

One piece ワンピース 1

Suzumiya Haruhi 涼宮ハルヒシリーズ 1

Lucky Star ラッキースタ下手リ 1

Hetalia ヘタリア 1

Neon Genesis Evangelion 新世紀エバンゲリオン 1

Sengoku Basara 戦国 BASARA 1

Ao no Exorcist 青の祓魔師 1

Saiyûki 最遊記シリーズ 1

FULLMETAL ALCHEMIST 鋼の錬金術師 1

66

Tableau 8: Séries télévisées regardées par les participants

Titre de la série télévisée Titre en japonais Nombre de

participants

Gokusen ごくせん 4

Kimi wa Pet キミはペット 4

Hanayori dango 花より男子 4

hana kimi 花ざかりの君たちへ 4

Nodame kantabire のだめカンタービレ 2

Orange days Orange days 2

1l no namida 1リットルの涙 2

My boss My hero マイボス マイヒーロー 2

Ryusei no Kizuna 流星の絆 1

Maô 魔王 1

Quiz Show クイズショウ 1

Bloody Monday ブラッデイマンデイ 1

Anfaire アンフェア 1

Anego Anego 1

Mr. Brain Mr. Brain 1

67

8.3.2. Analyse et résultats des journaux – utilisation du japonais sur l’internet

Pendant l’étude, les principales activités utilisant le japonais de manière informelle sur

internet étaient les suivantes :

Regarder des séries télévisées, pendant 40 ou 80 minutes (i.e. un ou deux

épisodes) par jour : My Boss My Hero, Gokusen, Ikemen Desune, Zettai Kareshi,

Nobunaga no Chef, Hanazakari no kimitachi e, Hotaru no Hikari, Lucky Seven,

Mr. Brain, Gantz (film) ;

Regarder des dessins animés, une ou deux fois par semaine : Summer wars (film

d’animation), Sekai ichi Hatsukoi, K Project, Bakuman, Sengoku Bassara, Voyage

Tokyo Ecoute

Aller sur des réseaux sociaux en japonais, une fois par semaine : Facebook ;

Aller sur des blogs et forums liés au Japon, une fois par semaine : Kanpai

(http://kanpai.fr), KZTV (http://kztv.fr) ;

Jouer à des jeux vidéos en japonais sous-titrés en anglais, entre 40 et 50 minutes

par jour pendant trois semaines sur les huit semaines de l’étude : Dead or Alive,

Virtue’s Last Reward

Plus rarement, un participant a aussi regardé Hiroshima mon Amour d’Alain Resnais, et il

a aussi pendant une semaine, à raison de dix à trente minutes par jour, lu un livre en japonais,

Wasao, un roman de Mizuki Shima qui raconte les aventures d’un chien.

À l’exception de NHK28

, la diffusion des séries télévisées japonaises était la suivante :

chaque série est programmée pour un trimestre, à raison d’un épisode par semaine, ce qui revient

à une dizaine d’épisodes d’une durée de 45 minutes (1 heure avec les publicités). Dans le cas où

la série télévisée en question avait déjà été diffusée au Japon dans son intégralité, il est parfois

possible de se procurer la série sur l’internet. Cependant, seulement un nombre restreint de ces

séries a été sous-titré en langue française ou anglaise par une communauté d’amateurs de ces

séries, ce qui expliquait que tous les participants connaissaient généralement les mêmes séries.

Pour ces raisons, il fallait généralement 8 à 10 heures pour regarder une série.

28

La NHK (日本放送協会, Nippon Hōsō Kyōkai, Compagnie de diffusion du Japon) est l’entreprise publique qui

gère les stations de radio et de télévision du service public japonais. C’est l’unique groupe audiovisuel public

japonais.

68

Bien que les deux participantes apprennent le japonais à l’université, elles semblaient

avoir moins d’activités en japonais dans leur vie quotidienne. Cela était peut-être dû au fait que la

période de l’étude coïncidait avec leurs périodes d’examens, et qu’elles n’avaient peut-être pas

beaucoup de temps libre à ce moment-là, bien qu’elles utilisent le japonais pour leurs études

pendant cette période.

Par contre, les deux participants C et S regardaient des séries télévisées japonaises

presque tous les jours, à l’exception de la deuxième semaine de notre étude, où ils étaient partis

en voyage pendant une semaine. Au total, ils ont regardé quatre séries japonaises pendant la

durée de l’étude. Comme ils vivaient ensemble, ils regardaient les mêmes séries ensemble

pendant la durée de l’étude. C jouait également à des jeux et recevait plus d’input en japonais. En

résumé, comme ils regardaient un ou deux épisodes d’une série presque chaque jour, ils avaient

entre quarante et quatre-vingt minutes d’apprentissage informel de la langue japonaise par jour

par ce moyen.

8.3.3. Analyse qualitative et résultats du journal – développement linguistique dans

le système dynamique complexe d’apprentissage informel

Dans cette étude, il est important d’analyser si les activités pratiquées sont liées ou non à

l’acquisition de vocabulaire, à la compréhension orale, et comment les participants ont traité les

inputs consommés. Les participants pouvaient écrire leurs observations liées à ces activités à un

emplacement réservé à cet effet dans le journal, mais comme dans l’étude de Sockett et Toffoli

(2012), les participants laissaient souvent cet emplacement vide, ce qui rendait l’analyse ci-

dessus plus difficile.

Cependant, dans le cas des deux participants C et S, le fait que le journal était tenu comme

un document partagé sur Google Drive rendait possible un contrôle quotidien, et comme on leur

avait demandé d’écrire autant de détails que possible, ils écrivaient un grand nombre de détails

chaque fois. En comparaison, les deux autres participantes L et M étaient contrôlées moins

régulièrement et écrivaient moins de remarques. De plus, comme C et S vivaient ensemble,

regardaient les mêmes séries mais n’avaient pas le même niveau de connaissance de la langue

japonaise, notre analyse se concentrera sur eux afin d’étudier l’impact de cette différence de

perception de la langue cible sur l’acquisition de connaissance. Certaines des informations

d’apprentissage informel rapportées par les deux autres participantes seront aussi analysées en

complément.

69

Acquisition de vocabulaire

Comme Sockett et Toffoli (2012) ont affirmé que l’apprentissage informel et

l’apprentissage secondaire sont des facteurs importants dans l’acquisition du vocabulaire, nous

allons analyser la manière dont les participants ont appris ou reconnu des mots par apprentissage

informel.

Comme les participants étaient aussi intéressés par la culture japonaise, il semble qu’ils

étaient également motivés pour apprendre de nouveaux mots et concepts. Par exemple, S avait,

sur le site web d’un restaurant japonais, vu un mot japonais écrit en alphabet latin, et il avait

cherché la signification du mot. Sur le journal, S a noté : « Je voulais savoir ce que signifiait

‘WAKAME’ ; j’ai regardé sur Wikipedia et appris qu’il s’agissait d’une algue. » (Semaine 3)

C’est-à-dire que S, en trouvant un mot japonais qu’il ne connaissait pas, voulait chercher la

signification du mot en français, et ce faisant avait appris un nouveau mot.

En regardant des séries télévisées japonaises, un participant peut apprendre du

vocabulaire. C, qui a un niveau intermédiaire en japonaise, note au sujet des séries télévisées :

« J’apprends quelques mots. » (Semaines 4, 5 et 6) Cependant, il est important de remarquer qu’il

note aussi, de manière répétée : « Mais je les oublie vite (Je pense que c’est parce que je ne les

vois pas écrits) » (Semaine 8) Cela montre que même s’il remarque des mots, il ne peut pas les

retenir et l’input auditif n’est pas suffisant pour assimiler, et des inputs à la fois visuels et auditifs

devraient être utilisés afin que ce vocabulaire soit assimilé.

En regardant des séries télévisées japonaises, même un participant débutant comme S peut

apprendre du vocabulaire, qui note : « J’ai repéré le mot ‘Wakata’ qui signifie ‘Je comprends’ et

le mot ‘Kokoro’ qui signifie ‘cœur’ » (Semaine 3) « J’ai repéré le mot ‘Yosh’ qui signifie

‘Allez !’, genre de satisfaction. » (Semaine 4) Il est aussi important de remarquer qu’en regardant

des séries télévisées, il a aussi appris comment la phrase doit être utilisée, puisqu’il a noté le jour

suivant : « Je comprends maintenant bien les interjections du type ‘Yosh !’ » (Semaine 4) Parfois,

lorsqu’on apprend une langue étrangère hors du pays où elle est parlée, il est difficile d’imaginer

les cas d’utilisation de certaines expressions, mais en regardant des séries télévisées, on peut plus

facilement comprendre les cas d’utilisation d’une expression.

70

Aptitudes de lecture

Les participants ont noté que leurs aptitudes de lecture devenaient meilleures quand ils

écoutaient de la musique japonaise tout en lisant les paroles en japonais sur un site de vidéos en

ligne comme YouTube. L écoutait de la musique en lisant les paroles et notait : « C’est très

intéressant d’avoir les sous-titres avec la musique car on comprend mieux et on mémorise plus de

kanji29

. » (Semaine 7) Cela montre que lorsqu’on reçoit un input à la fois visuel et auditif, cet

input devient plus compréhensible et peut plus facilement être assimilé. Il y a trois types de

caractères en japonais : les hiragana, les katakana, et les kanji. Comme il y a environ cinquante

hiragana, le même nombre de katakana, mais plus de deux mille kanji, il est très difficile

d’apprendre l’écriture japonaise pour les étrangers – il était plus facile pour L d’apprendre

l’écriture japonaise avec la musique.

Cependant, il semble qu’il est difficile de lire le japonais sur le web lorsque le niveau de

langue est notablement plus élevé que le niveau actuel du lecteur. Lorsque L a regardé un blog en

japonais, elle n’est pas restée dessus pour longtemps, expliquant que : « Je ne suis pas restée

longtemps dessus parce que c’est très long de rechercher tout le vocabulaire et les phrases sont

encore trop compliquées. » (Semaine 6) Lorsque l’input est trop difficile par rapport au niveau du

lecteur, cela peut aussi provoquer une perte de motivation et d’intérêt en raison de la nécessité de

rechercher le vocabulaire et les expressions dans le dictionnaire pour comprendre.

On remarque aussi que, en regardant les séries télévisées japonaises, il est bien plus facile

de reconnaître les caractères japonais lorsqu’ils apparaissent à l’écran. « Les kanji utilisés pour

les syllabes ma et mi des prénoms ‘Makio’ et ‘Mikio’ » (C, Semaine 1), c’est-à-dire qu’en voyant

ces deux prénoms écrits en kanji, C a remarqué que les deux prénoms étaient écrits avec les

mêmes caractères. De plus, C a aussi noté au moment où l’héroïne d’une des séries écrivait son

nom : « Les kanji du prénom Kumiko, écrits au tableau » (Semaine 3) qu’il avait remarqués à ce

moment-là. Cela montre qu’il est préférable d’avoir des inputs à la fois écrits et auditifs pour

comprendre un mot.

29

Kanji : caractères chinois

71

Pour un débutant en japonais, après huit semaines de consommation de séries télévisées

japonaises, il a commencé à se familiariser avec l’écriture japonaise, notant « J’arrive maintenant

à voir dans ma tête des hiragana que je connais quand j’entends un mot. » (S, Semaine 6), puis

« J’arrive à reconnaître certains kanji. » (S, Semaine 8) Cela est notable parce que le système

d’écriture japonais est complexe, utilisant à la fois deux systèmes d’écriture alphabétiques

(hiragana et katakana) et un système d’écriture idéogrammatique (kanji) qui compte plus de

deux mille idéogrammes couramment utilisés. En particulier, il est remarquable qu’il ait

commencé à reconnaître des kanji après aussi peu de temps, alors que le système s’est montré le

plus difficile à assimiler pour des apprenants.

Compréhension orale

En ce qui concerne les séries télévisées japonaises, il faut garder à l’esprit que les images

peuvent aider à comprendre les situations et les paroles. Pour cette raison, on ne considèrera pas

le contenu des séries télévisées dans cette partie.

M écoutait souvent de la musique japonaise dans les transports en commun, tandis que L

en écoutait de temps en temps. L note : « Je ne me concentrais pas sur les paroles mais je

comprends quelques mots » (Semaine 2), ou « Trop rapide pour comprendre » (Semaine 6).

Quand on écoute de la musique, on a tendance à faire autre chose en même temps et on ne se

concentre pas exclusivement sur la musique, et en l’absence de supports complémentaires

(pictural ou écrit), il peut être plus difficile de comprendre et de recevoir un input à assmiler. L

écoutait aussi la radio en japonais et notait que « J’ai compris le thème de la conversation »

(Semaine 1), suggérant qu’un input sous forme de conversation serait plus facile à comprendre

que de la musique.

Par contre, M écoute de la musique via YouTube, avec les paroles de la chanson en sous-

titres, elle a noté « J’ai à peu près compris la chanson ». Cela montre que les sous-titres peuvent

aider à comprendre la musique. De plus, quand L écoutait de la musique avec les paroles, elle dit

que : « J’ai compris le mot Mahô まほう et j’ai révisé des mots comme Shiroi 白い, Yuki 雪 »

(Semaine 1) Comme on le voit, L écrivait des kanji dans son journal. Cela montre que lorsqu’on

connaît déjà le mot, on peut comprendre le mot en l’entendant et on peut revoir et apprendre des

mots. Elle a aussi retenu le mot Mahô まほう qui est utilisé dans le titre et le refrain de la

chanson.

72

S, débutant en japonais, a remarqué : « À force de regarder des dramas, la musique de la

langue s’imprègne bien. J’arrive maintenant à avoir cette musique. » C’est-à-dire qu’à force

d’entendre des acteurs parler japonais dans les séries télévisées, S s’est habitué à entend. Dans

l’interview de feedback, S a ainsi rapporté qu’il arrivait à entendre si quelqu’un parlait en

japonais, et aussi si une phrase en japonais était dite avec une intonation gaie ou une intonation

triste. Il a aussi rapporté que le rythme et l’intonation étaient très importants pour comprendre

une langue, prenant l’exemple d’une série télévisée japonaise où des japonais parlaient français,

mais d’une manière incompréhensible pour S, à cause des différences de rythme d’élocution et

d’intonation. Ainsi, écouter des gens parler dans la langue cible peut aider à s’habituer au rythme

de la langue, même si les mots et le sens des paroles ne sont pas compris.

Compréhension orale dans les séries télévisées

Lorsque des mots sont utilisés de manière répétée, S avait tendance à repérer ce mot. En

regardant My Boss My Hero30

, une histoire où figurent des membres de la mafia japonaise

(yakuza), il avait repéré le mot waka, qui signifie « jeune maître », car le personnage principal

était appelé ainsi pendant toute la série. S a dit dans l’entretien qu’« au début, quand j’ai entendu

waka, j’avais compris baka31

, et je me demandais pourquoi on l’appelait baka. Et après, j’ai

compris que c’était le mot waka. » Quand il a entendu le mot et qu’il connaissait déjà un mot à la

prononciation similaire, cela peut être confondant.

On a aussi remarqué que comme les séries télévisées japonaises duraient une dizaine

d’épisodes, que lorsqu’un des participants commençait à regarder une nouvelle série, il avait un

peu de mal à comprendre les mots, mais en continuant de regarder, il avait tendance à

comprendre de mieux en mieux l’histoire ainsi que le vocabulaire et les expressions utilisées, et

cette amélioration était plus visible avec un débutant qu’avec quelqu’un qui avait un niveau

intermédiaire. On remarque aussi que L, contrairement à S et C, ne regardait qu’entre un et trois

épisodes d’une série télévisée donnée pendant les huit semaines de l’étude, et ne montrait pas de

progrès particuliers de compréhension des épisodes d’une série donnée.

30

My Boss, My Hero : Sakaki Makio, 27 ans, est un chef yakuza mais aussi le fils du grand chef yakuza. Cependant,

Makio sait à peine écrire et compter : son père décide de le renvoyer au lycée pour y passer son bac, sous peine de

voir la responsabilité de chef revenir à son petit frère Sakaki Mikio, diplômé d’université. La série raconte alors les

tribulations de Makio au lycée, où il doit se faire passer pour un lycéen normal de 17 ans et surtout éviter qu’on

découvre sa véritable identité. 31

Baka : stupide

73

Par exemple, peu de temps après que C et S commençaient à regarder une nouvelle série

télévisée, S, qui débutait en japonais et n’avait jamais appris formellement le japonais et n’avait

eu que peu d’input en japonais auparavant, commençait déjà à repérer des expressions en

japonais.

Après un mois de consommation de dramas pendant la période d’étude, on pouvait voir

une amélioration du repérage de mots japonais par le débutant en japonais. Quand S a commencé

à regarder la série télévisée Ikemen desune32

, une histoire concernant un boys band popuaire, et

Zettai Kareshi33

, une histoire d’amour entre une fille et un androïde. S note : « Je comprends

quelques mots basiques » (Semaine 4), puis : « J’arrive bien à distingue les mots d’emprunt

étrangers » (Semaine 5) et enfin « J’arrive vraiment bien à distinguer les emprunts aux langues

étrangères » (Semaine 6).

Plus tard, il note aussi que « Je remarque que ce qui m’aide vraiment dans la

compréhension du japonais sont les mots d’origine étrangère. » (Semaine 7) La langue japonaise

est très différente du français ou d’autres langues européennes, mais les marchandises importées

ont souvent des noms importés de langues européennes (généralement de l’anglais) prononcés à

la manière japonaise, donc le participant peut repérer ce mot qui est ou bien similaire à celui de

leur propre langue ou d’une autre langue connue. Des exemples de tels mots sont kyujînu (du

français cuisine), robotto (de l’anglais robot), arubaito (de l’allemand Arbeit), petto (de l’anglais

pet), fâsto kisu (de l’anglais first kiss).

32

Ikemen desune (litt. « Vous êtes beau ») : Un jeune homme a été sélectionné pour rejoindre un groupe de musique

très populaire. Malheureusement, une opération de chirurgie qui a mal tourné l’empêche de réaliser son rêve. Sa

sœur jumelle va alors se faire passer pour lui afin de lui garder la place lors de sa future guérison. 33

Zettai kareshi (litt. « Le petit ami ultime ») : Izawa Riiko est une jeune fille pure qui croit en l'amour mais elle

tombe toujours amoureuse du mauvais garçon… Kronos Heaven, un constructeur de robot va la choisir pour tester

leur nouveau robot qui correspondrait à l’homme parfait et dévoué selon les critères de Riiko. Au début, Riiko ne le

considère que comme un appareil ménager, mais va tomber amoureuse de lui au cours de la série en voyant sa

dévotion pour elle. À cela s’ajoute Asamoto Soshi, le boss de Riiko, qui alimentera le triangle amoureux.

74

Il note enfin que « Maintenant j’imite parfois les japonais des dramas. Je répète ce qu’ils

disent. » (Semaine 5) et « Je m’amuse à répéter des mots, même sans les comprendre » (Semaine

6) et « Je répète souvent ce que disent les personnages, ce qui me permet de bien intégrer la

langue (par exemple : "Sengoku no cuisine"… et en plus, c’est marrant) » (Semaine 7) Après

avoir regardé quelques séries télévisées japonaises, cela revenait à environ 40 ou 50 heures

d’input en langue japonaise, la langue n’était pas qu’un ensemble de sons, mais aussi une langue

qu’il a commencé à assimiler. Comme il a mentionné, « Sengoku no cuisine » était une

expression utilisée par le héros de la série Nobunaga no Chef, qu’il utilisait à chaque épisode au

moment de cuisiner, et la répétition de cette expression permettait au spectateur de facilement la

repérer et l’assimiler. De plus l’utilisation dans cette expression d’un mot emprunté au français en

a peut-être facilité l’assimilation.

Lorsque S, débutant en japonais, a commencé à regarder la quatrième série télévisée,

Nobunaga no Chef, l’histoire d’un jeune cuisinier qui se retrouve à l’époque du Shogunat, il a

aussi commencé à se représenter les lettres japonaises de type hiragana quand il entendait des

mots qu’il connaissait, et il a commencé à comprendre certaines scènes de la série à partir de sa

compréhension de certains mots. Il note : « J’arrive à comprendre certains mots et donc j’arrive à

comprendre une scène » (Semaine 7) mais aussi « Mais je suis encore incapable de retenir et de

retranscrire ce mot » (Semaine 7). Donc il montre qu’il arrive à comprendre quelques scènes de la

série télévisée.

Il est intéressant de remarquer qu’il y avait un moment au milieu de l’étude où il note :

« Je n’arrive pas vraiment à apprendre de nouveaux mots japonais » (Semaine 5) Et c’est ensuite

qu’il a montré avoir plus de facilité à repérer des phrases ou expressions et a même commencé à

utiliser des expressions (cf. section sur les connaissances culturelles). Cela semble montrer un

phénomène de fossilisation entre deux périodes de progrès en regardant des séries télévisées.

Pour le participant de niveau intermédiaire, C, sa compréhension peut dépendre de la

complexité de l’histoire elle-même et il semble qu’il est plus difficile de comprendre une

nouvelle série quand on commence à la regarder. C note : « C’est toujours plus difficile de

comprendre au début d’une série. » (Semaine 8)

75

Lorsqu’il regardait Gokusen34

, une série qui se passe au lycée avec des garçons

délinquants, l’histoire était peut-être plus simple, et C note : « J’ai reconnu des mots/expressions

que je connaissais. » (Semaine 3) C’est-à-dire que la présence de situations plus familières pour

les participants aide à la compréhension.

Par contre, quand il a regardé Hotaru no Hikari, l’histoire d’une femme cadre modèle au

bureau mais très paresseuse chez elle, la langue utilisée était celle du milieu professionnel, et le

niveau de vocabulaire n’était pas le même que dans une série qui se déroule dans un lycée

japonais, C note : « Ça va très vite, j’ai plus de mal avec le vocabulaire et les situations de

l’environnement professionnel. » (Semaine 8) Comme l’environnement professionnel lui était

moins familier, que le vocabulaire utilisé était différent, il lui était plus difficile de comprendre la

langue.

Il note aussi, en regardant d’autres séries : « Je ne comprends pas tout, ça va souvent trop

vite. » (Semaine 8) et « Il y a encore beaucoup d’expressions que je ne comprends pas, c’est

rapide. » (Semaine 8) La vitesse d’élocution est aussi un facteur important pour la

compréhensibilité d’un input.

De plus, comme C continue de regarder des séries télévisées, il remarque aussi de manière

répétée « Je vois que certaines traductions ne sont pas justes », « Je comprends parfois plus que

ce qui est sous-titré » et « J’ai compris des phrases et ai remarqué quelques écarts ou des

informations supplémentaires par rapport aux traductions. » (Semaines 3, 4, 5, 6 et 7) Comme les

sous-titres ont tendance à être moins denses que les dialogues pour des problèmes de capacité de

lecture rapide, toutes les nuances du discours oral ne sont pas traduites dans les sous-titres et

comme les sous-titres ne sont pas officiels il y a parfois des erreurs de traduction, nuances et

erreurs que C a pu remarquer grâce à sa connaissance de la langue.

C note aussi : « Je comprends les phrases simples » (Semaine 3) et « J’apprends quelques

mots » (Semaine 3) Donc la simplification de la langue est importante pour l’acquisition de la

langue. Puis, après un mois d’étude, il commence à noter : « J’arrive parfois à comprendre sans

regarder ni les sous-titres, ni l’image, si ce n’est pas compliqué. » (Semaine 6) et « Je peux

parfois suivre sans voir l’écran. » (Semaine 6) Cela montre que son niveau de compréhension

semble avoir augmenté par rapport au début de l’étude.

34

Gokusen : Kumiko Yamaguchi, héritière d’un clan de yakuzas poursuit son rêve d'être enseignante au lycée. Son

école pour garçons a mauvaise réputation, et elle est spécifiquement assignée à la classe des délinquants, la 3-D. Au

cours de la série, elle va découvrir que derrière leur apparence de délinquants, les élèves de la 3-D cachent des

personnalités complexes et des histoires personnelles souvent émouvantes et elle va les aider à résoudre leurs

problèmes (parfois en utilisant ses ressources d’héritière du clan), et surtout, leur faire confiance.

76

Pour une personne de niveau intermédiaire, il est toujours difficile d’estimer leur niveau

de compréhension initial et comment l’input peut être plus compréhensible. Cela veut dire que

lorsque C note : « Je comprends des phrases simples » (Semaine 5), il est difficile de savoir quel

genre de phrases il considère comme étant « simples ». Il est aussi intéressant que, lorsqu’il

regardait Nobunaga no Chef, la quatrième série télévisée qu’il avait commencé à regarder dans le

cadre de l’étude, C note : « Il y a toujours des passages pendant lesquels je ne comprends rien ! »

(Semaines 6 et 7) L’histoire se passe pendant l’ère du Shogunat et il y a toujours un narrateur qui

donne des informations sur le contexte historique du Japon. On suppose que cette partie devait

être difficile à comprendre. Comme il a noté cela à chaque fois qu’il regardait cette série, il est

certain que lorsque le niveau de langue est notablement plus élevé que le niveau du spectateur, la

langue n’est pas compréhensible et ne peut pas être assimilée. Cependant, à l’exception de cette

partie, il a pu repérer du vocabulaire, notant « J’apprends quelques mots de vocabulaire à l’oral

(mais je ne suis pas sûr de les retenir) » (Semaines 5, 6, 7 et 8).

Il est aussi intéressant d’analyser si les participants regardent les mêmes séries plusieurs

fois et voir s’ils comprennent mieux que la première fois et reçoivent un input plus

compréhensible. C avait l’occasion de regarder la même série deux fois, et note : « Je l’avais déjà

vu il y a un an environ, je comprends plus de choses à l’oral. » (Semaine 8) et « Je remarque que

je retiens tout de même vraiment certains mots, à force de répétition. » (Semaine 8)

Les participants ont regardé plusieurs séries télévisées se déroulant dans des lycées

japonais, et par conséquent la langue utilisée dans ces séries était relativement uniforme et cela

aidait à comprendre le contexte de la série (Hana Yori Dango, Gokusen, Hanazakari no

Kimitachi e35

). C note : « Je reconnais certains [mots] que j’ai entendus dans d’autres dramas et

que je n’ai pas appris ailleurs. » (Semaine 8)

35

Hanazakari no kimitachi e (litt. « Pour vous qui êtes en fleur ») : Ashiya Mizuki, une japonaise vivant aux États-

Unis, idolâtre littéralement le jeune athlète Sano Izumi après qu’elle l’a vu réaliser un saut en hauteur à la télévision.

Un jour, Sano sauve Mizuki d’une agression mais en ressort blessé. Elle décide alors d’aller au Japon dans la même

école que Sano pour le convaincre de sauter à nouveau. Cependant, comme il est étudiant dans une école pour

garçons, Mizuki se travestit en garçon afin de réaliser son rêve d’être avec son idole.

77

Une autre découverte importante est que l’information écrite aide considérablement à

rendre l’input plus compréhensible pour l’assimilation. C note aussi « Je comprendre les phrases

simples » (Semaines 5 et 8) et « J’apprends quelques mots mais je les oublie vite (je pense que

c’est parce que je ne les vois pas écrits) » (Semaines 5 et 6) Donc des sous-titres en japonais

pourraient peut-être aider à comprendre la langue en fournissant un input complémentaire écrit.

Cependant, comme il est relativement difficile de trouver des œuvres en japonais sous-titrées en

japonais, nous n’avons pas vraiment pu tester cette hypothèse36

.

Ainsi que mentionné dans la partie précédente, la présence d’images liées au contexte

aident à comprendre la langue parlée, rendant l’input plus compréhensible ; de manière similaire,

l’addition d’un input écrit sous la forme de sous-titres (que cela soit en japonais ou en français)

aide à la compréhension, ce que nous pourrons voir dans le cas de L, qui a regardé des séries

télévisées et des films japonais selon trois combinaisons différentes pendant l’étude.

Lorsque L regardait la série télévisée Lucky Seven, en version originale japonaise sous-

titrée en japonais, elle note que : « Je connais quelques mots mais je n’arrive pas à comprendre

l’histoire. » (Semaine 1) En l’absence de sous-titres en français, L avait alors du mal à

comprendre l’histoire de l’épisode. Mais quand elle a regardé le même épisode de la même série

le jour suivant, elle note « [Je] comprends quelques expressions, [je suis] arrivée à comprendre de

mieux en mieux l’histoire. » (Semaine 1) Dans ce cas, comme elle a regardé le même épisode

deux fois, avec les sous-titres en japonais, elle est arrivée à comprendre plus de choses la

deuxième fois que la première.

De plus, la présence combinée d’un input visuel et d’un input auditif en japonais l’a aidée

pour comprendre et apprendre la langue. Il semble qu’il était plus difficile pour L de comprendre

l’histoire la première fois, mais à force de répétition du même input, son niveau de

compréhension peut augmenter. Nous observons donc ici deux points favorisant la

compréhension de l’input : d’une part, la combinaison d’un input visuel et auditif, et d’autre part,

la répétition d’un input donné.

36

Par comparaison, en anglais, il est relativement facile de trouver des DVDs de films avec des sous-titres en anglais

destinés aux personnes ayant des problèmes d’audition.

78

Après avoir regardé la série télévisée Mr. Brain en version originale et sous-titrée en

français, L note : « Au début je regarde beaucoup les sous-titres mais ensuite je me concentre sur

les paroles. » (Semaine 2), montrant qu’elle essayait de comprendre les conversations en japonais

sans se référer aux sous-titres. À une autre occasion, elle note : « J’ai beaucoup lu les sous-titres

alors je n’ai pas appris grand-chose. » (Semaine 2) Cela signifie que, bien que les sous-titres

français aidaient plus à la compréhension de l’histoire que les sous-titres en japonais, ils étaient

moins utiles pour l’apprentissage de la langue japonaise que les sous-titres en japonais qui

avaient la vertu d’ajouter un input écrit complémentaire. Comme elle a aussi noté : « mes oreilles

ont l’habitude du japonais parlé » (Semaine 2), et donc pour des débutants qui n’ont pas

beaucoup d’input interactifs en japonais, regarder des séries télévisées peut aider à s’habituer à la

langue parlée.

Cependant, par rapport à l’apprentissage de la langue, L a rapporté dans l’interview de

feedback après l’étude que « l’histoire était très difficile a comprendre, et je dépends trop des

sous-titres en français et je n’écoute pas tellement ce qu’ils disent dans les séries. » Et, comme

Mr. Brain racontait une histoire de détective et de neurologue, l’histoire était relativement

complexe à suivre, nécessitant plus d’attention du spectateur, qui est ainsi plus facilement amené

à s’appuyer sur la lecture de sous-titres traduits, au détriment de l’attention consacrée à l’input

auditif.

De plus, L regardait aussi des films qu’elle avait déjà regardés en version française une

fois, et remarquait : « Comme j’ai déjà vu le film en français j’ai eu plus de facilités pour

comprendre. » (Semaine 5) Comme elle connaissait déjà l’histoire en français, cela l’aidait à

comprendre l’histoire en japonais. Regarder la même série plusieurs fois peut aider à comprendre

l’histoire, et recevoir plusieurs fois les mêmes inputs peut aider à comprendre des mots, des

phrases et du contenu, et cela peut aider à l’assimilation de l’input.

Dans l’interview de feedback de l’étude, elle a dit que, pour elle, la meilleure façon

d’apprendre une langue en regardant un film ou une série devrait être de le regarder en version

originale japonaise, sous-titrée en japonais. Même si elle avait plus de difficultés à comprendre

au début, à force de regarder une série donnée, elle comprenait de mieux en mieux, l’aidant à

apprendre la langue. De plus, connaître certains éléments à l’avance peut aider aussi à la

compréhension. Elle a aussi dit que lorsqu’elle avait déjà regardé le film en version française, il

était beaucoup plus facile de comprendre l’histoire, et qu’on prête alors plus d’attention à l’input

auditif.

79

Connaissances culturelles

Le Japon est un pays très différent de la France, particulièrement du point de vue culturel.

On observe aussi que la langue est très liée à la culture et qu’il est important d’apprendre la

culture en même temps que la langue étrangère pour pouvoir communiquer. On analysera à partir

des données du journal si les participants ont pu apprendre et comprendre des aspects culturels en

regardant des séries télévisées japonaises.

Lorsque S a recherché sur le web le mot Wakame, il a trouvé non seulement le sens du

mot et sa traduction, mais il a aussi trouvé des informations sur la nourriture que le mot désignait,

notant que : « Dans le restaurant japonais, wakame est utilisé comme entrée contenant cette

algue » (Semaine 3) : il avait donc appris un aspect de la cuisine japonaise de manière

incidentelle, en cherchant la signification d’un mot.

La remarque n’était pas liée strictement à la langue, mais des participants ont aussi noté :

« J’ai appris ce qu’était un Omiai (mariage arrangé) et je trouve ça bizarre. » (S, Semaine 4), et :

« Je deviens de plus en plus familier avec le monde du lycée japonais. » (S, Semaine 4).

Comprendre la culture est aussi important, particulièrement pour les compétences de

communication, et il est plus difficile de savoir ce qu’il se passe réellement dans des pays

étrangers. Bien que la représentation qu’on trouve dans les séries télévisées n’est pas exactement

la même que la vie réelle, il est possible d’obtenir une idée basique d’une autre culture. C note :

« J’arrive à comprendre de mieux en mieux le comportement des japonais. » après avoir regardé

une série télévisée se déroulant dans un lycée japonais (Semaine 4).

Cela dépend du thème de la série, quand les participants regardaient d’autres séries se

déroulant dans un milieu d’entreprise, on note aussi : « Je comprends les coutumes japonaises au

travail mieux qu’avant. » (C, Semaine 8). Il est donc important de choisir les séries qu’on regarde

pour comprendre la culture.

80

Comme certains mots sont liés à la culture, les participants ont aussi repéré certaines

expressions très culturelles, sans équivalent en français, en regardant les séries télévisées

japonaises. S note : « Tadaima37

: pour s’annoncer en rentrant le soir chez soi par exemple »

(Semaine 3), et « Itadakimasu38

: lors du drama, qui est en VO sous-titré en français, ils ont bien

expliqué cette expression, utilisée au moment de manger. » (Semaine 3) C a aussi remarqué que

« Itterashiai39

dit en tant que requête à quelqu’un de plus haut placé, pour lui demander d’aller

quelque part, et non utilisé comme d’habitude en réponse à Ittekimasu40

. » (Semaine 1)

D’autres habitudes japonaises ont aussi été remarquées et imitées par les participants. Un

mois après avoir regardé des séries télévisées, S note : « Je commence à mimer certains

comportements japonais, comme hééééééé d’étonnement à force de regarder des dramas »

(Semaine 5).

Cependant, si le spectateur a déjà une certaine connaissance de la langue, mais pas assez,

regarder les séries peut les confondre. C note : « Je ne comprends rien – Okaeri et Tadaima

utilisés pour un retour dans son quartier et non dans sa maison41

» (Semaine 3), car il avait déjà

appris le japonais et pour lui okaeri et tadaima étaient utilisés à la maison lorsque quelqu’un

rentre à la maison, et il était un peu confus de l’utilisation de ces mots, car les Yakuza (mafia

japonaise) utilisaient ces mots différemment.

De plus, il est intéressant de remarquer qu’après quelques semaines d’étude que S note :

« Maintenant quand je rentre à l’appartement, je dit tadaima ! Je dis aussi Itadakimasu avant de

manger. » (Semaine 5) Comme ces expressions n’existent pas en français, il a adopté ces aspects

de la culture japonaise pour les utiliser chez lui. Évidemment, il utilise ces expressions aussi car il

vit avec une personne qui est également intéressé par la culture japonaise, ce qui constitue

probablement une influence favorable à l’adoption d’aspects de cette culture. Comme S et C

habitent ensemble et regardaient les mêmes séries, ils ont pris certains aspects de la culture

japonaise chez eux.

37

Tadaima (litt. « Je suis rentré ») est l’expression traditionnellement utilisée en rentrant chez soi. 38

Itadakimasu (litt. « Je mange ») est l’expression traditionnellement utilisée au début du repas par la personne qui

va manger. 39

Itterashiai (litt. « Allez-y ») est l’expression dite par quelqu’un qui reste à la maison à quelqu’un qui habite à la

maison et en sort temporairement. 40

Ittekimasu (litt. « J’y vais ») est l’expression dite par quelqu’un qui sort temporairement de la maison où il habite. 41

Tadaima (litt. « Je suis rentré ») et Okaeri (litt. « Viens rentrer ») sont traditionnellement utilisés lorsque

quelqu’un revient chez soi. Mais chez les Yakuza, l’ensemble du quartier est considéré comme leur territoire, et ils

utilisent donc ces expressions lorsque quelqu’un appartenant au clan revient sur le territoire du clan.

81

Autres remarques

On remarque aussi que les participants ont appris non seulement de nouveaux mots mais

également des expressions simples. S note : « Je reconnais le terme pour dire j’aime quelque

chose ou quelqu’un » (Semaine 4). En japonais, le sujet est généralement omis des phrases, et il

n’y a pas non plus de conjugaison dépendant du sujet, et il est donc possible de prendre des

verbes ou expressions comme des phrases simples, par exemple dans les conversations qu’on

entend dans les séries télévisées.

Lorsqu’on apprend la langue en cours ou avec un manuel de langue, on obtient aussi des

connaissances grammaticales et cela peut aider à comprendre la langue utilisée dans les séries

télévisées ou d’autres sources. M reconnaissait certaines structures grammaticales en regardant

des dessins animés japonais. Ou bien on apprend des mots et expressions plus familières qu’on

n’apprend pas dans un cursus formel : « La construction des phrases à l’oral est différente. « しゃ

べる » (shaberu, parler) = le nouveau verbe que j’ai appris grâce à l’anime. »

Modification de l’input, input compréhensible

D’autres découvertes est que comme C et S habitaient et regardaient les mêmes séries

ensemble, S avait tendance à demander la signification des phrases ou de certains mots à C qui

avait un niveau plus élevé en japonais. S note : « Je demande souvent à C ce que signifient

certains mots, [et] ça m’aide dans la compréhension » (Semaine 6) et explique lors de l’interview

de retour : « J’arrive bien à comprendre des mots simples, et je me pose des questions sur leur

écriture. Par exemple j’ai demandé à C si eau était mizu, ou miso, car je n’avais pas bien fait la

distinction dans le drama. » Donc même si l’input venant de la série télévisée ne pouvait pas être

modifié, comme ils regardaient la série ensemble, le participant au niveau plus avancé pouvait

compléter l’input reçu pour le rendre plus compréhensible au participant débutant.

Les séries télévisées japonaises sur le site http://www.anime-ultime.fr/ ont aussi souvent

non seulement des sous-titres en français, mais aussi des explications de certains mots et

expressions qui n’existent pas en français, ce qui aide aussi à la compréhension et assimilation de

la langue cible.

82

9. Discussion

Pour les le participant débutant et celui de niveau intermédiaire, il semblait que, plus ils

regardaient des séries télévisées japonaises, plus leur niveau de compréhension s’améliorait.

Particulièrement pour le participant débutant, il était plus facile de voir la différence de

compréhension par rapport au départ, et cela montre la manière dont sa connaissance de la langue

japonaise a changé.

Après l’étude du journal, S a rapporté que, lorsqu’il a commencé à regarder des séries

télévisées japonaises, la langue japonaise était simplement un ensemble de « sons » et que c’est

simplement plus tard que c’est devenu pour lui une « langue ». Il a aussi rapporté dans

l’interview de retour qu’il était devenu capable de reconnaître la langue japonaise quand il

l’entendait et qu’il pouvait distinguer les mots et les phrases qu’il connaissait déjà. Après avoir

appris un mot, il peut maintenant le remarquer dans les phrases de dialogue des séries japonaises.

Comme il imitait aussi certaines phrases, même sans en connaître le sens, il se peut que cela aide

l’output et la prononciation dans cette langue.

Comme S n’avait jamais étudié le japonais de manière formelle, il n’avait pas de

connaissances grammaticales et n’avait aucune idée de la construction de la langue japonaise, et

il lui est encore difficile de comprendre les phrases dites dans les séries télévisées. Cela signifie

que l’apprentissage informel peut aider à acquérir la langue, mais n’est pas suffisant, il est

nécessaire d’étudier la langue de manière formelle pour comprendre la structure grammaticale et

l’écriture japonaise. Cependant, il a aussi rapporté dans l’interview de retour qu’il pouvait

quelquefois deviner ce dont les personnages parlaient dans la série télévisée, montrant l’impact

de l’image pour comprendre le contexte des paroles.

Cependant, le débutant en japonais peut seulement dire quelques mots simples, et il

pouvait également répéter des phrases, mais il n’en connaît pas le sens. Comme discuté plus haut,

l’apprentissage formel semble être plus utile pour un débutant. Il se peut qu’il soit mieux

d’étudier en classe et de recevoir un input compréhensible interactionnel d’un enseignant, et de

regarder des séries télévisées japonaises seulement comme une aide additionnelle pour

l’acquisition. Il mentionne aussi que cela l’aiderait plus s’il avait des leçons formelles de japonais

pour comprendre les séries télévisées.

83

On a aussi discuté du fait que regarder la télévision n’aidait pas les enfants de parents

muets à apprendre leur première langue et qu’ils avaient besoin d’input interactionnel, comme le

langage enfantin. De cette étude, on s’aperçoit que, même en apprentissage de langue seconde,

les bénéfices de seulement regarder la télévision sont limités, mais cela peut être une source

d’input additionnelle pour l’apprentissage de la langue seconde.

Pour celui qui avait un niveau intermédiaire en japonais, il a souvent rapporté : « Toujours

trop rapide par moments. » et « Je comprends les phrases simples. » Cela montre que la vitesse et

la simplicité des paroles sont des facteurs importants dans la compréhensibilité de l’input, même

non interactionnel, et cela peut aider à rendre l’input plus compréhensible. Comme les séries

télévisées mettent souvent en scène des conversations similaire à celles qui ont lieu dans la réalité,

l’input de ces séries pourrait avoir un bénéfice similaire à celui d’assister à une conversation.

Pour le participant de niveau intermédiaire qui pouvait lire le japonais, il était important

de recevoir un input écrit autant qu’oral afin de rendre l’input compréhensible pour lui et de

favoriser sa transformation en intake. Après l’interview de retour, selon C, lorsqu’il comprend

une phrase ou un mot dans la série télévisée, parfois il la « retenait », mais comme il n’était pas

écrit, il n’était pas sûr de l’écriture et avait tendance à oublier la phrase ou le mot, mais lorsqu’il

voyait ou entendait le mot, il pouvait de nouveau le reconnaître. Cela corrobore le fait, discuté

plus haut, qu’une combinaison d’input audio et d’input visuel devrait être présentée en même

temps afin de rendre le traitement de l’input plus efficace.

Il est aussi important de remarquer que regarder une série télévisée comme l’ont fait deux

participants est une activité qui contient des éléments répétitifs : au cours d’une série, le

vocabulaire utilisé et les sujets de conversation restent similaires pendant toute la série, donnant

aux participants le temps de s’y habituer, et le fait de suivre une même histoire et les mêmes

personnages aide à donner plus d’indices contextuels pour comprendre l’histoire. Ils disent dans

l’interview de retour qu’il était à leur avis meilleure de regarder une série que des films car ils

pouvaient ainsi regarder des histoires similaires une dizaine de fois. Ils ont aussi estimé que la

durée typique des séries japonaises, qui durent généralement une dizaine d’épisodes, leur

permettait de changer régulièrement de série, contrairement aux séries télévisées américaines qui

comportent souvent un bien plus grand nombre d’épisodes.

Le choix des séries télévisées est aussi important pour arriver à comprendre la culture.

Comme ils regardaient de nombreuses séries qui se passaient au Japon, ils ont aussi déclaré dans

l’interview de retour avoir pu apprendre des choses sur la culture japonaise et comprenaient aussi

dans quel contexte utiliser certaines expressions sans équivalent en français (itadakimasu,

gochisôsama deshita, tadaima, okaeri).

84

Cela aide aussi à comprendre l’histoire et la culture japonaise. Par exemple, C et S ont

regardé une série télévisée se déroulant au Japon pendant l’époque Sengoku42

. La langue parlée à

cette époque était très différente de la langue japonaise moderne, et les coutumes ne sont pas non

plus les mêmes. Cependant, les deux participants ont été très intéressés par cette série, ainsi qu’ils

ont noté dans le journal : « Les habits à l’époque Sengoku sont très intéressants. Les français ont

d’ailleurs toujours cette image en tête souvent, que les japonais sont encore habillés comme ça ! »

(S). Dans l’interview de retour, S a dit qu’il était intéressant de regarder une série se déroulant

dans le passé car cela lui avait permis de découvrir une partie de l’histoire japonaise qui n’est

généralement pas enseignée en France. Ils disent aussi que regarder cette série ne les avait peut-

être pas beaucoup aidés à apprendre la langue japonaise, mais leur avait été très utile pour

comprendre la culture japonaise.

Il semble que les apprenants assimilaient certaines des phrases qui étaient souvent

utilisées dans une série, et en regardant cette série ils comprenaient aussi quand et comment

utiliser ces phrases. Cela signifie qu’en regardant une série télévisée, les apprenants peuvent

développer leur compétence communicative, « ce qu’un locuteur doit savoir pour communiquer

de manière appropriée dans une communauté linguistique particulière43

. » (Saville-Troike, 2003 :

Saville-Troike, 2006). Cela signifie que l’apprenant a besoin non seulement de connaissances

linguistiques, mais aussi de connaissances sociales et culturelles concernant les pays où la langue

cible est pratiquée. Les participants ont aussi compris certaines expressions sans équivalent en

français et avaient commencé à les utiliser chez eux.

Un participant a aussi remarqué dans l’interview de retour que, parce qu’ils écrivaient

leurs remarques dans un journal, ils étaient plus attentifs à la langue en regardant les séries

télévisées et que cela les aidait dans l’acquisition de la langue. Cela signifie que bien qu’on

considère cela comme de l’apprentissage informel de la langue, l’attention supplémentaire portée

à la langue rendait l’apprentissage de la langue plus explicite et les aidait à l’acquisition. De

manière similaire, on considère aussi cela comme de l’apprentissage incidentel de la langue

puisqu’il n’y avait pas d’objectif d’apprentissage, mais le fait de devoir noter les mots qu’ils

avaient compris dans le journal les a invités à faire plus attention et à essayer d’apprendre des

mots et des phrases pour les noter.

42

L’époque Sengoku (戦国時代, sengoku jidai, littéralement âge des provinces en guerre, en référence à celui des

Royaumes combattants chinois), est une époque de turbulences sociales, d’intrigues politiques, et de conflits

militaires quasi-constants qui s’étend du milieu du XVe siècle à la fin du XVI

e siècle au Japon.

43 “What a speaker needs to know to communicate appropriately within a particular language community”

85

Un autre aspect important de leur situation est que, comme ils regardaient les séries

télévisées ensemble, le participant de niveau intermédiaire avait tendance à aider le débutant pour

confirmer des phrases ou des mots pour le participant débutant. Dans l’interview de retour, S

disait qu’il demandait souvent à C la signification de certains mots et phrases qu’il entendait

souvent. Cela signifie que, même en regardant la télévision, le participant débutant bénéficiait

d’un soutien interactionnel qui rendait l’input plus compréhensible.

On peut ainsi observer ce que Vygotsky appelle scaffolding (échafaudage) dans sa théorie

socioculturelle (1962, 1978 : Saville-Troike, 2006). Selon Vygotsky, on peut observer le

scaffolding pendant l’interaction interpersonnelle dans une situation communicative, entre

l’apprenant dans une langue et un expert dans cette langue, catégorie qui, en plus des locuteurs

natifs, recouvre aussi les professeurs et les apprenants de niveau plus avancé. Dans la théorie

socioculturelle, on dit que les fonctions mentales qui sont hors de portée du niveau d’un individu

doivent être accomplies en collaboration avec d’autres personnes avant de pouvoir les accomplir

par lui-même. De manière plus générale, le scaffolding réfère aux conseils verbaux donnés par un

expert pour aider un apprenant à accomplir une tâche, et la collaboration verbale des pairs de

l’apprenant pour accomplir collectivement une tâche trop difficile pour n’importe lequel d’entre

eux individuellement.

Nous n’avons pas vu beaucoup d’activités interactionnelles en japonais d’utilisation de

l’internet par les participants. Lorsqu’ils peuvent lire le japonais écrit, les participants essaient de

lire et écrire des blogs et sur les réseaux sociaux ou d’autres sites web en japonais sur l’internet,

mais ce ne sont pas leurs activités principales, à côté de la consommation de séries télévisées,

films et musique japonaise. On peut deviner que cela est dû à la difficulté du système d’écriture

japonais par rapport à l’alphabet latin.

On peut dire que, si l’apprenant a déjà étudié au moins le minimum de grammaire et

d’écriture japonaises pour lire des phrases en japonais, le meilleur input pour l’apprentissage du

japonais en langue secondaire est de regarder des séries télévisés et des DVDs avec un input à la

fois oral et écrit en japonais (sous-titres en japonais). De plus, regarder des séries télévisées peut

aider non seulement à l’acquisition de la langue proprement dite, mais aussi à l’apprentissage de

la culture et au développement de la compétence communicative.

86

Conclusion

Comme Gass (1997, p.1) l’a écrit, « le concept d’input est peut-être le concept le plus

important en acquisition des langues secondes. » Il est clair que l’input est le facteur crucial dans

l’acquisition des langues secondes. On a discuté de l’importance de l’input sur la base du

principal modèle d’acquisition de langues secondes, l’hypothèse de l’input de Krashen. Même si

le comment et le meilleur type d’input ne sont pas clairs, on constate que plus on reçoit d’input,

mieux on acquiert la langue. Bien qu’il y ait des arguments opposés à l’hypothèse de l’input de

Krashen, il est indiscutable que la quantité d’input reçue est liée à l’acquisition de la langue.

Autrement dit, il se peut qu’il soit impossible d’acquérir une langue en l’absence de tout

input, qu’il soit interactionnel ou non interactionnel. Cependant, cela ne signifie pas que

n’importe quel input suffit à l’acquisition de la langue : comme discuté précédemment, l’input

doit être compréhensible, et pour cela, l’input peut être modifié ou simplifié. L’input

compréhensible est une source significative d’acquisition. Comme discuté précédemment, on

trouve des preuves de simplification de l’input dans le langage enfantin utilisé par les parents

avec les enfants en bas âge, et dans le langage utilisé par les enseignants avec des élèves débutant

dans une langue. Ces paroles simplifiées rendraient l’input plus compréhensible pour

l’acquisition de la langue. Comme noté plus haut, l’interaction aide à rendre l’input plus

compréhensible. En communication interactive, on peut observer une négociation qui aide les

apprenants en langue à comprendre le contexte et le contenu de la conversation. On trouve

différents types de négociation en communication interactionnelle, les confirmations, les

demandes de clarification, les vérifications de compréhension et les reformulations.

L’input doit être compréhensible, mais il doit aussi être remarqué par l’apprenant pour

être traité en intake. Cela signifie que recevoir de l’input n’est pas suffisant pour l’acquisition

d’une langue, et qu’il est également important d’analyser la manière dont un apprenant traite

l’input. Les modèles de VanPatten et de Gass d’acquisition d’une langue seconde soutiennent

l’importance d’un input compréhensible et détaillent un processus allant de l’input à l’intake. On

peut dire qu’un input compréhensible est nécessaire à l’intake.

On pourrait en conclure que l’input est le facteur le plus important dans l’acquisition

d’une langue seconde, mais il doit être compréhensible et remarquable pour que l’apprenant le

traite et le transforme en intake. La compréhension de l’input peut être augmentée par

l’interaction. Encore, il semble qu’un input interactionnel est plus efficace qu’un input non

interactionnel. Il semble cependant qu’il soit plus difficile de recevoir de l’input interactionnel,

mais ce problème peut être couvert par l’internet dans la vie moderne.

87

Il est également certain qu’il n’est pas possible d’acquérir une langue uniquement par

apprentissage informel, et qu’une quantité minimale d’apprentissage formel est nécessaire.

Comme l’ont montré Sockett et Toffoli(2012), il est aussi possible d’utiliser des sources sur

l’internet pour un apprentissage informel interactionnel de la langue, qu’il s’agisse de lire ou

d’écrire sur des réseaux sociaux ou des emails avec leurs amis étrangers, mais dans leur étude,

l’internet était plus souvent utilisé pour regarder des séries télévisées ou des films en anglais et

pour écouter de la musique en anglais, et que les activités interactionnelles en anglais, qu’il

s’agisse de communication sur facebook ou Skype, n’étaient pas si fréquentes. Cependant,

Sockett (2012) a aussi montré que l’internet pouvait être une source d’input interactionnel en

écrivant sur des blogs ou sur facebook pour d’autres personnes.

Nous avons analysé la manière dont des étudiants français apprenant la langue japonaise

avaient accès à cette langue sur l’internet, et grâce aux journaux tenus par ces apprenants, nous

avons aussi pu analyser comment ces apprenants percevaient la langue japonaise en regardant une

série télévisée. Comme l’étude de Toffoli et Sockett (2011), notre étude de journal a montré que

la principale utilisation du japonais sur l’internet était pour regarder des séries télévisées ou des

films ou dessins animés en japonais, ou pour écouter de la musique japonaise. Ce sont aussi de

bons moyens de recevoir un input en langue japonaise pour certains des participants qui n’avaient

pas de contact avec des locuteurs natifs de la langue japonaise. Tout comme dans leur étude,

l’apprentissage informel était le plus souvent vécu comme acquisition de vocabulaire, et les

participants sont aussi conscients des progrès qu’ils font dans la compréhension du sens des

séries télévisées et des films.

Il est clair que l’input et la quantité d’input reçu sont des facteurs importants l’acquisition

d’une langue seconde. L’input interactionnel pourrait être un meilleur input car il donne un retour

sur les paroles exprimées, et parce que l’input reçu peut être modifié et simplifié pour améliorer

sa compréhensibilité.

Cependant, on a montré que, bien qu’il soit plus facile pour un apprenant de recevoir de

l’input interactionnel dans la langue cible dans le pays où la langue cible est pratiquée, qu’en

restant dans son propre pays, les apprenants avaient tendance dans les deux cas à prendre comme

sources principales d’apprentissage de la langue cible la télévision, la radio et les journaux. De

plus, même si un apprenant peut recevoir de l’input interactionnel d’un locuteur natif, il n’est pas

certain que le locuteur natif puisse modifier ou simplifier ses paroles pour les rendre

compréhensibles à l’apprenant.

88

D’un autre côté, grâce à l’internet, il est aujourd’hui possible de regarder des séries

télévisées dans la langue cible, donnant ainsi une occasion de recevoir un input de type

conversationnel de manière régulière, et ces séries motivent aussi les apprenants à continuer à

regarder les chapitres suivants de la série. On peut le considérer comme un loisir des apprenants

de la langue et c’est un bon moyen d’apprentissage informel et incidentel. Cela donne aussi plus

d’occasions pour les apprenants de comprendre ce à quoi ressemble la vie quotidienne dans le

pays cible, de connaître plus d’expressions idiomatiques et leur utilisation, ainsi que d’apprendre

des éléments de la culture et du mode de vie.

L’étude a duré deux mois, mais nos participants continuent à effectuer les mêmes activités

dans leur vie quotidienne, et il pourrait être intéressant de suivre leurs activités d’apprentissage

du japonais sur une plus longue période. Une étude quantitative devrait aussi être conduite pour

mieux comprendre l’utilisation de l’internet comme moyen d’apprentissage informel du japonais

par les apprenants français.

89

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