Post on 21-Jan-2023
In Caubet, D., 2007, "L’arabe maghrébin-darja, « langue de
France », dans les parlers jeunes et les productions
culturelles : un usage banalisé ?" in Gudrun Ledegen (éd.)
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue,
Espaces discursifs, Paris, L'Harmattan, pp. 25-46.
L’ARABE MAGHREBIN-DARJA,
« LANGUE DE FRANCE », DANS LES PARLERS
JEUNES ET LES PRODUCTIONS CULTURELLES :
UN USAGE BANALISE ? 1
Dans une tentative de réponse au premier thème proposé :
« en situation de plurilinguisme se pose la question des normes
endogènes, de leur visibilité, de leur reconnaissance, parfois de
leur aménagement », on examinera la situation de l'arabe
maghrébin en France, en tant que langue de la famille ; mais on
verra que cette langue ne se cantonne plus au cercle familial, et
qu'elle a gagné, sans trop le clamer, une forme de visibilité
certaine dans la société civile. Ce n'est pas pour autant qu'un
certain type d'institutions très conservatrices accepte de la
reconnaître et surtout de songer à l'aménager ou à l'enseigner ; il
n'est d'ailleurs pas impossible d'envisager que ce soit justement
cette visibilité et cette vitalité qui la desservent au point de
provoquer l'ire desdites institutions. Cet article tentera de se
placer à l'articulation des deux thèmes des journées : évolution
des représentations, surtout chez les jeunes, banalisation,
passage à l'écrit « sauvage » et réticences institutionnelles qui
bloquent un aménagement officiel.
L'arabe maghrébin-darja en France et les
représentations de ses locuteurs
Si l'on considère « la question des normes endogènes, de
leur visibilité, de leur reconnaissance », on peut dire que la
darja cumule les handicaps : c'est une langue sans statut, dont
1 Dominique CAUBET, Inalco - CREAM - EA 3575.
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 2
l'existence même est remise en question ; de plus, elle est parlée
en France, pays qui pratique une forme de religion de la langue,
et doté d'un fort complexe de supériorité quant à la valeur de la
langue française. Enfin, ses locuteurs sont des descendants de
migrants, souvent analphabètes, venus d'anciens protectorats
coloniaux pour le Maroc et la Tunisie, et d'anciens
départements français pour l'Algérie qui a accédé à
l'indépendance à la suite d'une guerre longue et traumatisante.
On comprend aisément la difficulté pour ses locuteurs de
reconnaître une valeur intrinsèque à cette langue.
Quand on sait qu'elle n'a pas non plus de statut dans les pays
parvenus à l'indépendance sur fond de nationalisme arabe et de
panarabisme, on imagine le peu de poids que ses locuteurs lui
accordent et la réticence qui devrait s'ensuivre quant à sa
transmission en France – mais la transmission se fait malgré
tout, on le verra. La langue officielle (dans les trois pays du
Maghreb) et parfois nationale (en Algérie) est al-luġa al-
εarabiya (la langue arabe), vocable qui désigne l'arabe littéral,
langue commune à tous les pays arabes et langue sacrée pour
les musulmans, qui ne s'acquiert qu'en contexte scolaire, n'étant
langue maternelle de personne. Même si l'on compte dans la
plupart des pays arabes parmi les plus forts taux
d'analphabétisme au monde2 – ce qui signifie que les
populations ne connaissent pas la langue officielle – cette
langue, de par sa sacralité ou l'importance que lui ont donnée le
nationalisme arabe et les discours officiels, est considérée avec
beaucoup de respect et d'admiration et jouit d'un statut très
élevé.
2 D'après les chiffres de l'UIS, Unesco Institute for Statistics, en
2002 les pays arabes avaient un taux d'analphabétisme officiel (des
plus de 15 ans) de 52% pour les femmes et 29% pour les hommes (soit
40,5%), avec des pays plus concernés, la Mauritanie, puis le Maroc
venant en 2ème position, avec 64% des femmes et 38,5% des hommes
(52,25% au total), l'Egypte, 57% des femmes et 33% des hommes,
soit 45% en tout; ou l'Algérie, 43% des femmes et 24% des hommes,
soit 32,5%.
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 3
A l'opposé, les langues parlées par tous, comme l'arabe
marocain, algérien ou tunisien, ne parviennent que difficilement
à être envisagées de façon positive, alors même qu'elles
remplissent de fait presque toutes les fonctions de
communication dans la société (voir Maas 2003). Il y a donc un
décalage considérable entre le statut et la pratique. En France,
les locuteurs souffrent également du manque de reconnaissance
de leur langue, qu'ils ont intériorisé, d'autant que la France a du
mal (on le verra) à la valoriser.
L'arabe maghrébin-darja en France, langue de la
maison seulement ?
L'arabe maghrébin a une importance numérique en France
en tant que langue familiale, mais on verra plus loin qu'elle est
également en train de se faire une place dans la société
française. En l'absence de chiffres officiels en France, on estime
que l'arabe maghrébin est parlé par au minimum trois millions
de personnes ; son implantation remonte à la colonisation de
l'Algérie puis à l'arrivée de populations en Métropole, migrants,
mais aussi rapatriés juifs et harkis. Le Secrétaire d'état aux
affaires étrangères, Renaud Muselier, a fourni des chiffres
intéressants lors d'une intervention aux Etats-Unis (voir
Muselier 2003) : « Il y a entre quatre et cinq millions de
musulmans en France, soit un peu moins de 10% de la
population [...] plus de 70% viennent d'Algérie, du Maroc et de
la Tunisie. » Un simple calcul permet de donner un chiffre de
2,8 à 3,5 millions de personnes originaires du Maghreb, en ne
comptant que ceux qui sont de culture musulmane (auxquels, il
faudrait ajouter ceux de culture juive d'Afrique du nord).
De plus, pour la première fois lors du recensement de 1999,
on a autorisé l'INSEE et l'INED à mener une enquête sur les
langues. 380.000 adultes ont été interrogés sur la transmission
familiale : « quelle(s) langue(s), dialecte(s) ou patois vous
parlaient, quand vous aviez cinq ans, votre père et votre
mère ? » ; 23.000 personnes ont répondu que c'était l'arabe (voir
Héran et al. 2002 et Clanché 2002). A partir de ces réponses, on
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 4
est arrivé au chiffre de 1.170.000 adultes à qui l'un des parents
parlait arabe. Par ailleurs, ayant été amenés à organiser pendant
cinq ans de suite l'épreuve facultative d'arabe dialectal au
baccalauréat avant sa suppression3, nous avons été très
positivement surpris par le degré de maîtrise de cette langue.
Les chiffres de 1999, dernière année de l'épreuve d'arabe
dialectal, sont les suivants :
Tableau 1 : Nombre de candidats à l'épreuve d'arabe
« dialectal » au baccalauréat - D. Caubet
1999 candidats
inscrits au bac
candidats inscrits en arabe
« dialectal »
Bac
général
344.243 4.663 en arabe maghrébin (soit
1,35% des inscrits au bac
général)
Bac
technolog
ique
185.368 5.174 en arabe maghrébin (soit
2,79% des inscrits au bac
technologique)
Total 529.611 10.111 (soit 1,91% des inscrits au
bac) [dont 225 en arabe oriental
et 9.886 pour l'arabe maghrébin
(soit 1,87% des inscrits au bac)]
Cela nous donne une autre indication quantitative
importante, avec 1,87% des élèves au baccalauréat qui
demandaient à passer cette épreuve facultative. Quant à l'indice
3 Epreuves facultatives de « langues ne faisant pas l'objet d'un
enseignement » : dans le cadre d'une convention passée entre le
Ministère de l'Education nationale (DESCO) et l'INALCO en
janvier 1995, portant sur la fourniture des sujets et l'organisation
des corrections des copies pour vingt-huit des trente-deux langues
proposées. L'arabe dialectal a été concerné dès le début (totalisant
entre 65,6 et 76,5% du total des candidats pour les 28 langues
impliquées), mais supprimé définitivement de la liste des langues
possibles par le ministre Jack Lang pour la session 2001 (voir les
notes de service correspondantes dans les B.O.E.N. des 16
septembre 1999, 6 janvier 2000 et 1er février 2001). Cette
épreuve ne concernait pas les baccalauréats professionnels.
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 5
de vitalité, pour 1999, le nombre d'élèves ayant obtenu entre 11
et 20/20 à cette épreuve était de 72%.
Mais, outre la dimension quantitative, l'arabe maghrébin a
gagné sur le plan qualitatif, une place non négligeable dans la
société française, de par la familiarité qu'il a acquise et
l'importance qui est la sienne dans le domaine culturel et dans la
jeunesse de France qui a grandi au contact de cette langue.
L'arabe maghrébin-darja en France et les institutions
Malheureusement, il en va tout autrement des institutions
françaises hormis le statut important de « langue de France »
que lui ont reconnu4 en 1999 le Premier Ministre, Lionel Jospin,
et le Ministère de la Culture, avec la création en 2001 de la
DGLFLF (Délégation Générale à la Langue Française et aux
Langues de France). Au Ministère de l'Education nationale, on
l'a purement et simplement fait disparaître des listes des langues
facultatives au baccalauréat, la France s'alignant ainsi sur les
courants les plus conservateurs qui ne sont même plus de mise
dans les pays du Maghreb, où la présence de l'arabe maghrébin
commence à être reconnue et prise en compte en ce début de
21ème siècle. Les choses ont brutalement empiré pour la darja
depuis 1999 (année de sa reconnaissance en tant que « langue
de France ») : aucun enseignement dans le secondaire,
suppression des expériences dans le primaire, l'arabe maghrébin
n'a droit de cité que dans le supérieur, à l'INALCO (avec un
cursus complet : licence, maîtrise, DEA et doctorats), mais
aussi dans d'autres universités où les demandes sont croissantes
(Toulouse le Mirail, pour l'arabe marocain, qui offre désormais
trois niveaux à tous les étudiants de l'université ; Rennes, Nice,
Lille, etc.).
4 Dans le cadre de la signature par la France de la Charte
européenne pour les langues régionales ou minoritaires du Conseil de
l'Europe ; sur cette question, voir Caubet 2002a, 2003a, 2004g.
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 6
On se retrouve donc dans une situation pour le moins
paradoxale : d'un côté, cette langue acquiert une reconnaissance
inédite, de l'autre, sur fond de politique extérieure de la France,
on lui dénie toute existence ; la darja a un statut très fluctuant
selon les groupes de pression qui interviennent et la question de
son existence semble donc éminemment politique. Dans ces
conditions, il est plus productif pour le sociolinguiste de
s'attacher à décrire les indices de sa présence réelle dans la
société française. Il y a deux domaines – et pas des moindres –
où elle se révèle importante : celui des parlers jeunes qui
empruntent très largement à cette langue, et celui de la culture :
musique, chanson, humour, cinéma...
L'arabe maghrébin-darja en France et les parlers
jeunes5
La présence importante aux niveaux lexical, mais aussi
phonétique et intonatif, voire morpho-syntaxique, de l'arabe
maghrébin dans les parlers jeunes est-il, comme le disait l'appel
à communication, le signe « d'un changement linguistique ou
d'une évolution de la situation » ? Les parlers jeunes sont-ils
« l'expression même d'un changement non seulement dans les
pratiques mais aussi dans les représentations ? ( ...) Quelles
évolutions, dans la société et dans les représentations
sociolinguistiques, ont permis les représentations actuelles des
jeunes ? »
On peut affirmer aujourd'hui que l'arabe maghrébin a acquis
en France une forme de familiarité, due sans doute à sa
présence massive ; cela est encore plus fragrant pour les jeunes
de France qui ont grandi au contact de cette langue qu'ils n'ont
5 Pour le débat sur ce que recouvre le terme « les parlers jeunes », voir
le numéro des CAHIERS DE SOCIOLINGUISTIQUE qui leur est
consacré (Bulot 2004, Lamizet 2004 et Bulot et al. 2004).
L'utilisation du pluriel est là pour rendre compte de pratiques
différentes selon les lieux et les groupes sociaux (centre-ville,
banlieue, région parisienne, autres grandes villes, etc.).
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 7
souvent pas de mal à prononcer (comme on peut le voir dans les
emprunts), contrairement à leurs aînés. On sait également que
les parlers jeunes des banlieues influencent ceux des centres
villes qui reprennent une partie des expressions créées par eux.
Le domaine de la publicité et des médias s'en est également
emparé, à l'affût de ce qui se passe chez les jeunes et dans la
production artistique (comique et cinéma essentiellement). Les
jeunes nés de parents d'origine maghrébine semblent avoir un
prestige auprès des autres, constituant une sorte de contre
norme pour la jeunesse, comme on le voit très bien avec le
succès de Jamel Debbouze. Une partie, mais une partie
seulement, du look, de la gestuelle et de la langue sont donc
imitées et connues de toute la jeunesse (celle qui ne classe pas
dans la catégorie « caillera », mais qui reste dans le domaine «
jeune », différence difficile à cerner de l'extérieur (par les
adultes), mais très claire chez les jeunes eux-mêmes).
Il existe également des phénomènes d'alternance codique qui
sont – par définition – le fait de gens qui maîtrisent les deux
langues, locuteurs d'arabe maghrébin, comme par exemple
Jamel Debbouze qui, dans son dernier spectacle 100%
Debbouze, dit : « Mon père, il a toujours le respect taε [de] la
main... ». La construction est très intéressante parce taε marque
surtout la possession et on a ici un calque inversé, où c'est le 'de'
du français qui induit l'utilisation du taε. De plus, Jamel utilise
ici la particule taε qui est plus algérienne que marocaine; on
constate en effet, que c'est bien l'algérien, plutôt que le
marocain, qui influence les parlers jeunes. On peut donc se
demander si on n'a pas là un cas de nivellement dialectal, de
choix lexical délibéré allant dans le sens d'un koïnéisation de la
darja en France.
Prononciation et intonation du français
En effet, autant on moque l'accent « caillera », très fortement
influencé dans son articulation par l'arabe maghrébin, autant le
lexique ou certaines expressions sont reprises telles quelles par
tous les jeunes urbains. Cet accent donne une impression
générale d'emphatisation, surtout chez les garçons, c'est-à-dire
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 8
de vélarisation/pharyngalisation, des consonnes et des voyelles,
avec un recul de l'articulation, et me paraît influencée par
l'arabe maghrébin qui comporte de nombreux phonèmes
emphatiques. On aurait peut-être ici un cas de compensation de
la langue perdue (voir El Minaoui 2002) ? Cette prononciation
semble servir à marquer une appartenance au groupe, un
attachement aux racines et a donc une fonction identitaire forte.
Ce qui mérite d'être noté, c'est que l'intonation d'une langue
sans statut et parfois perdue, influence celle de la langue de
tous, le français. S'il est plus masculin, ce phénomène concerne
également les filles qui masculinisent leur conduite (vêtement,
attitude générale, parler; voir le personnage de Kadera dans le
spectacle de Jamel Debbouze, 100% Debbouze).
On remarque cette vélarisation surtout en contexte vocalique a (articulé avec une réalisation arrière [å]), comme en arabe maghrébin : Waš ? Ça va ? Bien ou quoi ? (ça va est réalisé avec une emphatique [ṣåvå] et quoi [ḳwå]) ; ‘boîte’ sera réalisé [ḅwåṭ] ; ‘qu’est-ce t’as, toi ?’[ḳeṣṭå, ṭwå ?] ; ‘madame’ [ṃåḍåṃ], etc.
Un autre phénomène est la mouillure ou l'affrication des dentales t et d. On la rencontre dans plusieurs régions, mais à Marseille se croisent sans doute deux phénomènes, l’un provençal, l’autre d’Afrique du Nord, aboutissant à une palatalisation fulgurante du t (en contexte u et i) dans les quartiers Nord
(voir Binisti et Gasquet-Cyrus 2004), qui donne
parfois une réalisation éjective : Qu’est-ce tchas ? [ţǻ] ; Tchu [ţy] viens ? ; Qu'est-ce tchu djis [ḑi] ?
Emprunts, hybridations, troncations
Pour ce qui est des expressions empruntées à l'arabe
maghrébin6, on trouve des verbes qui peuvent être francisés et
conjugués: kiffer, chouffer : je la kiffe (elle me plaît) ; je veux
6 Lorsque les termes sont pan-maghrébins, on n'indiquera rien ; on
spécifiera les emplois algériens ou marocains lorsqu'il y a une
différence.
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 9
pas chouffer (regarder ou faire le guet) ; il l'a khouné (il l'a
volé). Jamel Debbouze lors d'une représentation de son dernier
spectacle, a improvisé un long développement sur un verbe
ouacher, du mot wash/ouache/wesh, selon l'orthographe
choisie, emprunté à l'algérien7 : « 'ouach', du verbe 'ouacher' ; Je
ouache, tu ouaches' etc. 'ouache ? ça va ?' ». Comme on l'a déjà
vu plus haut avec taε/'de', Jamel emploie cet emprunt à
l'algérien alors que la langue de ses parents est le marocain;
c'est donc bien à une utilisation française de ces termes que l'on
a affaire.
D'autres verbes, moins bien intégrés apparaissent sous une
forme figée et ne se conjuguent pas; comme dans le film
L'Esquive8 : « mon père va me chaâl ! » (mon père va
m'allumer! ; de šεal 'allumer') ; « t'es zaâf » « elle fait sa zaâf »
ou « je me zaâf », équivalent du verlan « vénère », de l'algérien
zεaf, « se mettre en colère, s'énerver brusquement ».
On tirera également des exemples du travail remarquable qui
a été mené par Fabienne Melliani sur un quartier de Rouen : Tu
khdem, alors ? (de xdem 'travailler) ; je t'ai shedd ! 'je t'ai eu !
(litt. attrapé) ; si tu voulais khrej avec elle… 'si tu voulais sortir
avec elle...' ; il a qu'à pas shareb 'il n'a qu'à pas boire' (ici avec
le sens 'boire de l'alcool'). Elle explique comment, pour pouvoir
franciser un mot, on ajoute parfois une voyelle a dans la
première syllabe du mot: 'il n'a qu'à pas shareb (<šrəb, 'boire'),
'il les a ħaši (< ħši, 'fourrer, baiser'), ou dans des substantifs
comme ħabub (< ħbub, 'boutons > seins') ; ħanuš (< ħnuš,
'serpents > flics'). Je pense que cet ajout n'est nécessaire que
lorsque le groupe consonantique est difficile à prononcer, avec
des phonèmes comme ħ, ε ou des groupes comme šr ou ħš
7 'Ouache' a le sens de « quoi/que », utilisé dans les salutations :
Wash ? « Et alors ? » ou Wash ? Ça va ? « Alors, ça va ? ». Voir le
titre du film de Rabah Ameur-Zaïmeche Wesh, wesh, qu'est-ce qui se
passe ? 2002. 8 Film de Abdelatif Kéchiche, 2004 ; il faut cependant rappeler que les
dialogues du film ont été écrits et qu'il ne s'agit pas
d'improvisations de la part des jeunes acteurs.
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 10
(pour contourner la difficulté, on a parfois troncation dans des
expressions ou des substantifs: j'ai eu la hash 'j'ai eu honte'
(< ħšuma 'honte' > *ħašuma < hash ), se taper la hash ('avoir
honte') ; faire la hala ('faire la fête'), mettre le hala ('mettre le
bordel'), avec un sens différent selon le genre donné au mot en
français dans la région rouennaise (voir Melliani, note 24),
allant même jusqu’à employer le terme comme un calque de
'bordel' dans « casse-toi, hala ! » ('casse-toi, bordel !'). Dans
L'Esquive, j'ai relevé : « j'avais le semm ! » ('je l'avais
mauvaise !' ; de semm ('poison') ou « il fait son p'tit meskin ! »
de meskin ('pauvre, à plaindre') ou l'insulte : « sale qeħba ! »,
prononcée comme en arabe ('sale pute !'), khamej ('pourri') ou
εeṭṭay ! ('pédé', mot d'origine algérienne).
On notera que, déjà dans une chanson du groupe Carte de
Séjour, Ramsa, (sur l'album 2 1/2, 1986), le mot hnoucha est
utilisé: « Partout où tu vas, les hnoucha ils sont là, partout où
tu vas ». Dès 1983, dans le morceau Rhorhomanie, on trouve le
mot hybride kahlouche (de kħel, 'noir' + suffixe méditerranéen
commun -ouche, -uš en arabe maghrébin et en berbère) : « Les
kahlouches, c'est louche ».
Dans des ouvrages parus en 1995-96, comme Le DICO de la
banlieue...(dont l'un des informateurs à Trappes était le tout
jeune Jamel Debbouze alors totalement inconnu) ou Le VRAI
langage des jeunes expliqué aux parents..., on trouve des mots
comme (en respectant l'orthographe et la traduction des
auteurs ; les étymologies et les transcriptions entre parenthèses
sont de moi) : 'gaori/gouère' ('blanc' < gawri, pl. gwar : non
musulman), 'r'mar/ramar' ('idiot/âne' < ħmar), 'khali/u' ('arabe' <
xal-i), 'rouilla' ('frère' > 'crouille' (arabe) < xu-ya), 'foutre la
darwa' ('foutre le bordel' < deεwa), 'kehba' ('salope, pute' <
qeħba), 'khalouf" ('cochon' < ħelluf), 'r'nouch' (< ħnuš, serpents
> flics), ou le très beau 'ordinamouk !' ('interj. Merde, zut,
mince' sic), qui vient en fait de yenεal din mmu-k ! 'Dieu
maudisse la religion de ta mère'). On remarque des constantes
dans la francisation des phonèmes maghrébins ; ainsi, ε ou ħ
passent à r ; ħ, x et h sont confondus en kh, h ou r, q devient k.
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 11
Calques
On remarque des calques syntaxiques ou morphologiques de
l'arabe maghrébin, avec par exemple des constructions comme:
« crier sur lui », où la préposition εla (‘sur’) est rendue en
français par 'sur', changeant la construction habituelle en 'contre'
ou 'après' ; toute une série de verbes, dans des emplois
détrimentiels, seront construits en français avec 'sur', calque du
maghrébin εla (voir Caubet 1999) : « parler sur quelqu'un », au
sens de 'dire du mal', etc. J’ai relevé un calque syntaxique
apparu dans un nouveau réflexif avec des constructions utilisant
des mots supports comme race ou mère, comme Bouge ta race !
ou Comment il va transpirer sa race ! ; Ce film, il déchire sa
mère ! ('il est excellent ; voir Caubet 2001). Ces emplois ne sont
pas sans rappeler les réflexifs en arabe maghrébin au moyen des
mots ras 'tête' (marocain) ou ruħ 'âme' (algérien) ruħ-u 'il s'est
blessé (litt. il a blessé son âme)' ; debber ras-ek 'débrouille-toi
(litt. débrouille ta tête)', mais surtout l'emploi algérien de yemm-
ek 'ta mère' dans des constructions très masculines et agressives,
comme : waš b-yemm-ek ? 'Qu'est-ce qu'elle a ta mère ?' pour
signifier : waš bi-k ? 'Qu'est-ce que tu as ?'.
Dans les parlures jeunes de France, on trouve des emplois de
transitiveur comme « il déchire sa mère », « il tue sa race »,
alors que les verbes « déchirer » ou « tuer » sont intransitifs, un
peu comme les yqeṭṭeε, yeqtel (litt. 'il déchire' et 'il tue') de
l'algérien : « Je suis trop contente ! J'ai déchiré au partiel » ;
« Elles tuent ! » (des baskets). La construction de transitivation
du type « Tu vas kiffer ta race ! » ('ça va te plaire beaucoup'),
est celle qui est la plus remarquable, saturant la relation
prédicative par le biais d'un complément d'objet et produisant
ainsi un effet d'intensité. Il arrive également que « sa mère »
porte sur tout l'énoncé et se trouve alors postposé ; Jamel
l'emploie souvent et la valeur est intensive (exemples relevés
dans 100% Debbouze) : « ZEP, zone d'éducation prioritaire, tu
parles ! wellah [litt. 'par dieu' > je vous jure], ils nous l'ont
grillée la priorité, sa mère ! » (i.e., ils nous l'ont bien grillée, la
priorité) ; ou « Il est calme, c'est rien de le dire ! Il est d'une
calamité, sa mère ! »
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 12
Particules
Des particules énonciatives comme zarma (< zeεma 'c'est-à-
dire, soi-disant, etc.'), wellah (‘par dieu’), pour jurer et autres
'sur le Coran de la Mecque' ; ou encore de l'algérien wach ?
('quoi' > alors ?) : waš ? ça va ? Bien ou quoi ?, traduction
calque de waš ra-k ? la bas, wella ? (litt. Comment ça va ? Bien
ou (quoi) ?) 'Alors, tu vas bien ou quoi ?'. Dans le film
L’Esquive, l'un des personnages salue ainsi : « Ouache ?
Tranquille ou quoi ? La forme ? Bien ou quoi ? ». Pour zarma,
le [R] grasseyé français rend assez bien la pharyngale [ε] ; elle
est utilisée largement en France, donnant son nom à des
restaurants (Le Zarma) ou des boîtes de production : Zarma
Productions ; le dernier album du chanteur kabyle Takfarinas a
pour titre Zaama Zaama (2001). Pour reprendre des exemples
tout récents pris dans le DVD de Jamel Debbouze, il dit, à son
copain Julien qu'il trouve en train de jouer à la console dans sa
chambre après avoir été puni par sa mère (il est envoyé se
coucher avec un dessert)9 : « Là, tu es en position "punition",
zeεma ? ». J'ai également relevé un emploi dans le métro : « elle
fait zarma qu'elle le kiffe pas » 'Elle fait semblant qu'il ne lui
plaît pas'. Il ne faudrait pas penser que cet emploi est récent ;
déjà en 1980, dans le quartier de la Croix Rousse à Lyon,
prémisses du mouvement beur, naît une association regroupant
essentiellement des jeunes femmes d'origine maghrébine, les
Zaâma d'Banlieue, à l'initiative de Djida Tazdaït10
.
Toutes les constructions et les emplois recensés ici sont le
fait de tous les jeunes d'un quartier, voire de nombreux parlers
jeunes et ne sont jamais l'usage exclusif des descendants de
migrants originaires du Maghreb. Ces créations sont donc
partagées par les jeunes francophones de la métropole et ces
9 Dans la scène, il compare la situation dans une famille d'origine
maghrébine et la famille du jeune Julien et il se scandalise : « Comme
punition, il a un dessert ?!! Et en plus, il a une chambre !!! » 10
Elle formera ensuite l'association JALB (Jeunes arabes de Lyon et
banlieue) et sera élue députée européenne en 1989.
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 13
usages n'ont cours que parce les jeunes ont acquis une certaine
familiarité avec cette langue, ce qui entraîne un effet sur les
représentations actuelles. Pour reprendre une des questions de
ces journées : « les parlers jeunes sont-ils l'expression même
d'un changement non seulement dans les pratiques mais aussi
dans les représentations ? ». On remarque en tout cas une
certaine fierté chez les plus jeunes de parler arabe. Certes, il y a
une grande différence entre la langue qu'ils parlent, la darja et
l'arabe de l'école ou du Coran, mais pour eux, c'est de l'arabe.
Ce n'est que lorsqu'ils se trouvent confrontés à une situation
humiliante (en particulier dans l'enseignement), où on leur fait
remarquer les limites de leur savoir qu'ils peuvent appréhender
négativement la langue de leurs parents.
L'arabe maghrébin-darja en France, langue de culture
en France ?
Un autre élément déterminant au niveau des représentations
est la place qu'a acquise la darja sur la scène culturelle
française. Si on veut bien observer les productions artistiques
qui ont recours à l'arabe maghrébin seul, mélangé au français ou
avec un fort accent maghrébin en français, on verra qu'elles sont
fort nombreuses et plurielles, dans les domaines de la musique
(Rachid Taha, Khaled, Mami, Faudel, Zebda, 113, mais aussi
Enrico Macias ou Lili Boniche, etc.), du comique (Jamel
Debbouze, Fellag, Gad Elmaleh, etc.), et du cinéma (La vérité si
je mens, Wesh-wesh, Chouchou, L'Esquive, Il était une fois dans
l'oued, etc. ; voir Caubet 2004d et 2004h). On s'aperçoit que,
depuis une vingtaine d'années, la scène française s'est
transformée : il ne s’agit plus aujourd’hui de considérer que l'on
se trouve « entre deux cultures » ou dans des cas de
« métissage » culturel, mais bien de référer à un changement au
sein même de la culture française, qui, par un processus
dynamique, est devenu l'affaire de tous.
Si l’on remonte au début des années quatre-vingt avec le
groupe Carte de Séjour, on peut considérer qu’il apporte un
style radicalement nouveau : du rock français, en algérien ; mais
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 14
surtout que c’est un des premiers exemples de musique
moderne élaborée en France en darja par des artistes d’origines
diverses, enfants d'immigrés algériens (Rachid Taha) ou
marocains (les frères Amini), lyonnais (Jérôme Savy) et
britanniques (Steve Hillage en tant que producteur des albums),
et accessible d'emblée à toute une jeunesse (voir Moreira 1987).
Quant au contenu, leurs textes utilisent les parlers jeunes, des
expressions argotiques, mélangeant algérien et français. Ce qui
est nouveau également, c’est que ce mouvement puise son
inspiration dans la culture populaire des parents qu'il s'attache à
transformer. Ce sont les prémisses de ce qui deviendra la world
music. Vingt ans plus tard, les artistes qui chantent en darja
représentent souvent la France à l'étranger et, ambiguïté, si l'on
a encore du mal à les considérer comme Français en France, les
assignant sans cesse à leurs origines, à l'étranger, c'est bien
comme Français qu'ils sont perçus. Je citerai l'exemple d'un
concert de Rachid Taha à Madrid le 27 janvier 2005 à propos
duquel Dario Vico écrit : « Rachid Taha es el único substituto
posible que ha dado la música francesa al extinto Serge
Gainsbourg »11
;
Dans le domaine de l'humour, Jamel Debbouze a atteint une
côte de popularité exceptionnelle depuis son rôle dans le film
Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, d’Alain Chabat qui a
réalisé 14,5 millions d'entrées en 2002. Le DVD de son dernier
spectacle, 100% Debbouze est sorti fin novembre 2004, avec
pour objectif annoncé d'en vendre un million de copies12
! Son
public est très large et il est souvent comparé à Louis de Funès,
LA référence en matière de comique populaire français (voir
Caubet 2004h). En 2006, c'est le film Indigènes de Rachid
Bouchareb qui fait l'événement. De nombreux autres artistes de
France, qu’ils soient de culture musulmane ou juive, venus
récemment ou nés en France, font usage de l'arabe maghrébin
11
« Rachid Taha est le seul substitut possible que la musique
française puisse proposer au défunt Serge Gainsbourg » in
www.guiadelocio.com. 12
L'objectif a été atteint à l'automne 2005.
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 15
pour un effet comique, complice ou pour provoquer l'émotion :
Gad Elmaleh, Smaïn, Elie Kakou, Michel Boujenah, Fellag, etc.
Cette présence massive affecte sans doute la perception de cette
langue dont la « rugosité » supposée peut encore rebuter les
plus âgés, mais qui est devenue familière aux plus jeunes. Une
anecdote me paraît significative (France 5, Ubik, septembre
2003), racontée avec fierté et étonnement par le chanteur de raï,
Faudel (né à Mantes-la-Jolie) ; il rapporte qu'un père lui a dit
que ses filles s'étaient remises à parler l'algérien depuis qu'il
chantait. La valorisation joue donc dans les deux sens ; les
enfants se réconcilient avec cette langue grâce à leur admiration
pour le chanteur et le chanteur est conforté dans sa pratique
artistique.
Banalisation salutaire : la darja en France, langue de la
modernité
Ainsi, la darja n'est plus confinée dans l'atmosphère
familiale et acquiert une visibilité réelle dans la société
française. Avec la familiarité, vient une forme de banalisation
salutaire. Il est important de remarquer par ailleurs que,
contrairement à des idées reçues qui l'associent volontiers à
l'analphabétisme et à l'arriération, cette langue a su s'adapter
sans problème à la modernité et a réussi un passage à l'écrit
spontané inattendu dans le domaine des nouvelles technologies.
En quelques mois, dès le début des chats (2000) et ensuite dans
les SMS (2001), s'est forgée une graphie latine de l'arabe
maghrébin (appelée la e-darija en 2006 au Maroc) qui a recours
à des chiffres pour certains phonèmes de l'arabe (le 3 pour le ε,
le 7 pour le h' ou le 9 pour le q ; voir Caubet 2004f), ce que
n'avaient pas fait leurs prédécesseurs qui, eux, avaient eu
recours aux ressources de l'orthographe française, avec le â, le
h’, le kh ou le gh (voir Caubet 2002c). La darja fait montre
d'une vitalité remarquable dans la création artistique
contemporaine (au Maghreb, comme en France), ainsi que
d'inventivité et de souplesse dans les NTIC. Le phénomène est
massif, car c'est par millions que des textos, des chats ou des
mails sont échangés quotidiennement dans cette graphie latine.
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 16
C'est sans doute que l'arabe maghrébin a pour lui de ne pas
avoir à subir la pression d'une norme officielle, ce qui lui donne,
comme on vient de le voir, une liberté de création à tous les
niveaux (voir Caubet 2004a). Il a également pris un essor
inattendu au Maroc.
Darija, langue de la modernité au Maroc
Pour ce qui est de darija, les choses évoluent très vite au
Maroc depuis 2003, date des attentats de Casablanca qui ont
profondément marqué la réflexion dans le pays et amené de
nombreux Marocains à s'interroger sur eux-mêmes et sur leurs
langues. Dès décembre 2003, Noureddine Ayouch (voir Caubet
2005a) annonçait la création au Maroc d'une chaîne de
télévision entièrement en arabe marocain, Moufida ; ce qui
aurait été une première dans le monde arabe. Le projet était très
avancé, après le tournage de « pilotes » pour les futures
émissions, mais il n'a pas été agrée lors de l'attribution des
fréquences en février 2005. Les concepts d'émissions imaginés
pour Moufida ont cependant largement été repris en 2006 dans
les programmes des deux chaînes publiques (RTM et 2M).
L'idée de darija à la télévision a donc fait son chemin.
Depuis 2005 au Maroc, la darija (que l'on commence à
appeler "el-maghribiya", le marocain), est désormais convoquée
régulièrement comme élément central et constitutif de l'identité
marocaine. On citera un éditorial du directeur de
l'hebdomadaire Telquel, Ahmed R. Benchemsi, Wa derrej a
khouya ! : « Il faut à tout prix que nous sortions de ce brouillard
linguistico-identitaire. Il faut trancher, et faire simple : notre
seule langue commune, c'est la darija (…) C’est quand même
incroyable que nous nous interrogions encore sur notre véritable
identité, alors que nous l’avons tous les jours sur le bout de la
langue ! ». Réda Allali écrit dans le numéro suivant : « C'est
l'occasion de nous regarder enfin dans les yeux pour constater
que nous sommes Arabes, mais aussi Amazighs, Africains…
Fans de Oum Kalthoum, mais aussi de Bob Marley. Cela ne
pose problème qu'aux esprits chagrins. C'est l'occasion de
Pratiques linguistiques des jeunes en terrain plurilingue 17
chercher notre dénominateur commun - la darija par exemple,
au lieu de chercher à exclure à tour de bras. ». 13
La presse francophone fait une bonne place à ce qu'on
appelle la darija ; la presse arabophone également avec la
parution depuis septembre 2006 de l'hebdo Nichane (« tout
droit » en darija) qui utilise ouvertement darija dans les titres et
dans certaines chroniques.
Conclusion
Malgré ce que l'on pouvait craindre, force est de
constater que l'arabe maghrébin n'est plus confiné dans le cercle
familial et on peut affirmer qu'il a acquis une visibilité réelle
dans la société française. Les artistes, de par leur notoriété,
peuvent aider à changer des comportements, en donnant aux
enfants le désir de reparler la langue des parents et des grands
parents, mais sans nostalgie et comme une langue
contemporaine.
De même, l'utilisation par l’ensemble des jeunes d'un
nombre croissant de mots, d'expressions, de tournures ou
d'accents empruntés à la darja, en fait une langue plus familière
et plus banale en milieu urbain. A y bien regarder, on s'aperçoit
qu'elle a réussi le passage à la modernité, justement grâce à
cette vitalité remarquable dans la création artistique, mais aussi
dans les NTIC (chats, SMS, etc.), et à l'inventivité et la
souplesse dont elle fait preuve quand on sait bien la manier, la
tchatche et l'art de la vanne étant des valeurs appréciées chez les
jeunes (voir Lepoutre 1997).
On a vu que ce n'est pas du côté des institutions françaises,
comme l'Éducation nationale, qui sont trop dépendantes de
considérations liées à la politique étrangère de la France, mais
13 "Parle en darija, mon vieux!" (Telquel n. 230, de juin 2006),
voir http://www.telquel-online.com/230/edito_230.shtml et Réda
Allali dans TELQUEL n° 231 juin 2006 « Qui sommes-nous ? » in
http://www.telquel-online.com/231/couverture_231_1.shtml
L’arabe maghrébin-darja, « langue de France » … 18
étrangères à la réalité française, qu'il faut attendre une
évolution, mais bien plutôt des pratiques sociales ; tout comme
au Maroc. Les phénomènes linguistiques évoqués ici, combinés
à la popularité des artistes sont-ils des indices possibles (voire
des facteurs) de changement ? Et ces pratiques de France
établiront-elles un état de fait sans crier gare ?
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