Post on 05-Apr-2023
ACADEMIA ROMANA
NSTITUTUL DE FILOLOGIE ROMANA
,,ALEXANDRU PHILIPPIDE"
AI{UAR
DE LNGYTSTICA $I ISTORTE LITERARA
T. LI , }AIL
Numdr sPecial
LUCRARILEC0LOCVIULUIINTERNATIONAL
EUGEI\IIU CO$ERTU_
gO DE ANI DE IA NASTERE
(Ia9i - Balli, 27 -29 iulie 2011)
Coordonator: Eugen Munteanu
Redactori : Luminila B oto gineanu,b o ina Hre apcd, Io ana Rep ciuc
EDITUR.E ACADEMiEI ROMANE
Bucureqti'7A12
EI-{ GUISE DE PREFACE. LA POSTERITE
D'EUGEI{IO COSERIU
1. Cette ann6e, \e 21jui11et, Eugenio co.lefu aurait fete ses quatre-vingt-dix
ans. 11 est fort probable, qu,dtant aonrie la,italite extraordinaire dont la Providence
l,avait doue, il aurait pu 6tre .rr."t."fur*i 'o"', s'il avait eu ir vivre une existence
moins tourmentd;;;;;.1i. 1u'il u,uit mende' Mais il ,e nous reste qu'iL f€ter les
quatre-vingt-dix uni d. sa naissance tout seuls' Au moment oii je me suis decide ir
intervenir dans ce colloque ,,r, fu insierite de Coseriu' j'envisageais de formuler
une s6rie d,6valuati*, ,uirorrrruUi"l, .u1*., et detache.i fttT: lt>r ans aprds la
disparition physique du qu:d savant et maitre' Pourtant je me suis vite rendu
compte que les ;;;";, siUiectirs ne sauraient gtre absents de cette 6vocation' et
cela pour deux ;;;;t simples. ii ^;;t;;;;'t
d'abord du fait qu'Eugenio Cosenu
m,a fait l. grunJ hoon..r, b. -. .oniid.r.r comme 1'un de ses disciples et que'
parlant d'une personnaiite .o**l tu sienne, d'une importance majeure dans
l,histoire de 'a
pens6e linguistique moderne, il est presque impossible de maitriser
son sentim"r, prl*rre dJ fiert6 t, * 1r#ure de^son o*r-1:-91tion, gent, ffibu'
iangue?) a atteini^r;.rp".e sid6ral de i1 reconnaissance universelle' D'un autre
c6td, ia raison objective et le .sens critique qui doivent caract6riser toujours le
scientifique nous -obiigeraient ir nous poser une serie de questions incomrrodes
pour les personr.s uyint des penchanis idolatres : avons-nous' les Roumains' en
gen6ral, q,r.lq,r. -*..ir"
por* i". performances..de quelqu',un qui provient de ce
peuple, .r, 1,o..urr.r.. Coserirr"? h;;;;i-.. qu':l y u,-,tuit-de <roumain> dans la
pensee et la doctrine de Cor.rirr-? No*. ^,,fr.ite, ethnocentrique serait-elle
affaiblie si nous consid.riorr, .o*Le citoyen de l'univers ceiui qui est ne il y a
quatre-vingt-dix ans ir Mihaileni;;;tttu*uit.: Quei est le degre d'objectivite de
nos jugernents, de ceux qui no,rr'OJ.iurons ses disciples et adeptes,de ses idees ?
Au risque d,une subjectivite assumde et soui la pression de ces dilemmes'
j,essaierai porrrtunt de formuler queiques.argutnentt pout soutenir ia these selon
laquelle ru ao.iri* ringuistiqu. ii liint.grilisme coserien esr apre ir s'imposer
Comlnelalingttistiqttetotttcortrtdel,epoquecontertporairre.
EUGEN I\4UNTEANU,
- Institut de Philologie Routltaitlc "
ALIL T. Ll. 201 1 , BucureSti' P' 7-i3
Alexandru Pirilippide >>' lagi' rue Tir' Codrescu' nn 2' Roumanie
ELICEN N4UNTE,A.NLi
2.Le fondetlcnt philosophiqLre de ses tireoriessur la langue et le lan-tage reprdsente le pretuier a\Iantage. D'une certaine rnanidre.
contrairement au conrant majoritair-e qui avait cours dans les rnilieux savantseuropdens vers Ia moitid du XX' siecle. enclins, y compris dans les < sciences de1'esprit >> (irurnaines). d un neo-positivisme techniciste et t-natdrialiste. Coseriuaffinne clairement, tor-rjours consdquent d ses principes. 1e primat de i'esprit dans lasphdre culturelle. en y integrant la lin-guistique elle aussi. De ce point de vue, lalegon coserienne se laisse rdsurner ainsi : on rle peut pas decrire un objet, quel qu'ilsoit, et on lle per-rt pas en comprendre le mecanisme de fonctionneurent. si on nepossede pas une coniraissance adequate et claire de 1'essetlce.ou de ce qu'est cetobjet, et ceia est d'autant plus vaiable que, ce qu'i1 faut comprendre et interpr6terc'est le langage, l'objet et ie phenomdne le plus complexe dans la sphdre del'humain. On ne peut avoir accds d cette essence que par la voie de la reflexionspdculative et c'est pour ceia que la rdcuperation de ia grande filiere de la traditioneurop6enne est obligatoire. C'est ce que Coseriu a d'aiiieurs fait, rdalisant unelecture systematique de toute la philosophie europdenne, insistant sur les momentsprincipaux de cette tradition : Platon, Saint Augustin, Aristote, les modistes de laScolastique, Letbniz. Gianbattista Vico, Hegei, Kant et par-dessus tout, Wilhelmvon Humboldt.
Connaissant donc ses prdddcesseurs comme personne d'autre panni ses
contemporains, Coseriu a formule sa doctrine, dans ses lignes essentieiles, dds ieddbut, avec sa premidre etude importante, Deterntination 1t entorno (1956), n'6tantpas oblige, comrte un Noam Chomsky, par exemple, d y revenir pour la corriger et
la prdciser ! Si vous me permettez une mdtaphore, je dirais que, nourrie du berceau
amniotique de la tradition philosophique europeenne, la doctrine cosdrienne est
nde, comme Athena, jaillissant de la t6te de Zeus, ddjd adulte et arm6e ! Les
decennies ulterieures n'ont fait rien d'autre qu'assister au nuancement et au
developpement du noyau originel.
3. Un deuxidme eldrnent de performance et d'originalite i affrrmer et ir souligner
dans l'activitd d'Eugenio Coseriu est sa tentative rdussie de ddpasser 1e
structuralisrne dominant du XX' siecle, enl'assimilant.Paraphrasant le titre de l'un de SeS articles, trds connu (u au dela dustructuralisrne >), il faut dire que le structuraiisrne assin,ile par Coseriu n'est pas le
structuralisme caractdrise par le formalisrne excessif propose par certaines
directions post-saussuriemes, qui tendaient d le prdsenter comme une doctrine de
validite universelle, capable de faire de la linguistique une << science-pilote >(Claude Levi-Strauss). Coseriu adopte le strucfuralisme saussurien gdnuine, qu'ilassirnile poul ses vertus de rndthode, probabletnent la plus addquate, de descriptiondu systdme de Ia langue. Parlant. colrrme Saussure, de structures et de relations(syntagrnatiques et paradigmatiques), d'unitds et de fonctions dans le cadre du
s.vstdrne. de synchronie et de diachronie, etc., Coseriu ne le fait pas d'une manidrestatique et purelnent ciescriptive, rnais d'une tr-iatridre fonctionnelie, dynarnique et
EN CUISE DE PREFACE. t-,{ POSTERITH D.EL,CEc)
historique. irnposee par l'essence (( energetiqr're > t16ile de 1a langue' 11 -v a lieu de
souliguer ici ra cornposante ra plus "re'olutir:n,aire peut-etre de 1a doctrine
cosdrien,e: situer au celttre cie i:investigatioti scie'tifiqiie 1'lon i;as 1e systet,e
lingLristique. mais 1'activite de paroie rn6ile. les actes de creation pal ia langue' Ce
qui existe en demiere instance, dit coseriu aprds avoir assiiliie ia leqon de
Hurnboidt et de la pirenotrrenoiogie alleuande, ce lle sont pas les systdmes
iinguistiques. m€tle pas les languJ, hirto'iques colllme telies' tlais ies actes de
parole. plus pr*.ir.,l.nt les liuteurs (qui parlent cefiaines iangr-ies)' Par ce
changetlent radical de perspective sur la cotnprehension de l'essence du langaee'
Coseriu s'impose probablernent comme 1'utt des representants.les pius coherents du
nd0_humbordtianisrne moderne. Sa perfonnance de concilier le structuralisme avec
1'{nergetisrne hurnbodtien n'est qu'appalemrtent paradoxale' Car ce qui est
essentier et recouvrable dans le structuralisme se retrouvait deji chez Humboldt, d
savoir dans ra piace centrale que celui confdre au concept de.fornte inte,ne de la
langue. Ce n'est pas par hasard que Cosenu a accorde d cet eldment de l'hdritage
humboldtien une attention pnvii6gite, transf6rant 1a discussion du dornaine traditionnel
de Ia grammaire, dans la sphere des contenus linguistiques' lnspire .au1si par le
theordme trds connu de Louis Hjelmslev, selon qui c'est 1'unit6 entre la forme du
contenu et la forme de l'expression qui definit ia ip6cificite de la langue' Coseriu a
formule la these sur le caractdre prioritatre du niveausdmantiq.ue par rapport aux niveaux grammatical et pragmatique' Dans la
conception cos6rienne, dansla rangue tout part d. .t retourne i la sdrnantique, pour 1a
simple raison que tout acte de parole a poul origine f intention de dire quelque
chose.La distinction tripartite entre designaiion - signtfication - sens, un autre 616ment
d,une originalitd maximale, comporti de multiples consequences th60riques et
pratiques, certaines dejA formulees par Coseriu lui-meme, d'autres d formuler'
4. On en arrive d une autre distinction cos6rienne d'une pertinence theorique
maximale. I1 s',agit en fait du transfert dans la discussion sur le iangage du principe
central de Ia gro?oiogie aristot6licienne : toute realite peut €tre abord6e et connue
dans une perspective universelle' dant ^:i:
perspective historique :t. luns une perspectrveindividuelle.Ainsi,i'activit6verbale,facultecentraledel'homineco,,lmeindividu et comme espdce, implique fi'ois t-Vpes d'approches' ]'{ous avons' tout d'abord'
au niveau universel, < le fait m6me de parler ", it lt langage pur et simple >' Du
point de we epistdrnologiaue, irn peut tracer une theorie generaie du langage humain d
ce niveau. En deuxieme 1ieu, ie nir.uu historique apparait cofilme ceiui des langues
comme telles, entendues d la fois colr]rre realites historiques et comme techniques
d'expression ,pprn.r^r, a des cornmunautds et e des traditions determinees
historiquement. ilu,',, la tecirerche, i1 s'agit la, en principe' du dornaine de la linguistique
traditio,nerle, preoccupee de ia desciiption et la co*rprdhension de ia dynamique
historique des langues. Pour en finir, le niveau individuei est celui des actes de
parole. des discours ou des teltes, d savoir celui des produits coiicrets de Ia
i0 i-L iCEN I\,{LiNTE,{NL]
crdativitc dcs locuteurs. Eitvisage jusqri'a rnaintenant dans la splrele traditionnellede 1a styitstique linguistique, ce deniier niveau constituer^a 1'ob;et ci'ritr-rCe de lalirrguistique textr-relle (Tertlinguisrik). aux bases theoriques de laquelle Coseriu acontribud de fagon substantieiie. En fonction de'la sphere de rnanif-estation. Coseriua defini aussi Ies trois niveaux oLr conlposantes de la cotrrpetence Iinguistique. qu'ilappelle c'ornpelence elouiliorme/le, contpdlenc'e idiotrtcttiqt.re et t,otnpelence expr-essitle.Ld eucore, dans 1a sphere de la courpdtence linguistique, sur les traces de Coseriu.il existe un charnp irnportant ouvert d 1'exploitation pour I'avenir.
5. La critique radicale du logrcisme dans f interprdtation du iangage reprdsenteune autre contributiotr cosdrienne de premidre irnpor-tance. Offrant une interpretationnouvelle et personnelie de la typologie aristotdlicienne des dnonces (togoi), Coseriuaffinne ia sdrnanticitd cormne critdre prirnaire et unique d'existence de tout 6noncd.En d'autres tennes, tout dnoncd valable dans une langue quelconque est un dnonceseinantique (logos semantikos) avant tout autre detenlination possibie, puisqu'ii ditquelque chose d propos d'une sequence de ia realitd pergue ou irnaginde par Ielocuteur. L'dnoncd logique (logos apophantikos), c'est-i-dire i'dnonc6 qui peut Ctresoumis d 1a ndgation ou d 1'affirmation, ne represente que l'une des classes d'dnoncdssdmantiques possibles, d c6td de l'dnoncd po6tique (togos poietikos) ou de l'dnoncdpratique (logos pragntatikos). Autrement dit, tous les dnonces possibles d.ans unelangue donnde, y cornpris ceux logiques, soni n6cessairement sdmantiques, aiors quetous 1es dnoncds sdmantiques ne sont pas forcdment iogiques. Par ce raisonnementsirnple et ingenieux, par lequel on privildgie l'aspect sdmantique de tout fait delangage, Coseriu semble avoir rdsolu beaucoup des contradictions et des apories de lalogique formelle classique. La ddmonstration de ce constat reste d $tre faite.
6. Eugenio Coseriu a critique radicalernent et a rejetd Ia thdorie de RomanJakobson, largement rdpandue dans les milieux acaderniques de la deuxidme rnoitid duXX'sidcle, poftant sur I'existence de six fonctions du signe linguistique (rdfdrentielle,expressive, conative, phatique, mdtalinguistique et poetique), en montrant qu'en fait lesigne linguistique ne remplit que les ffois fonctions primaires identifiees anterieurementpar Karl Brihler, d savoir la fonction appellative, ia fonction repr6sentative et lafonction expressive, le contenu des autres fonctions identifides par Jakobson dtant enfait incluses dans la sphdre d'action des trois fonctions de Brihler. En plus, selonCoseriu, cons6quent d sa conception sur ie caractdre crdatif de la langue corrrre activitdspecifique, il ne s'agit m6me pas de parler en fait d'une fonction poetique proprernentdite, distincte des aufres, puisque Ie langage poetique s'identifie, en demiere instance,avec 1a langue tn0tne, envisagee dans la plenitude onginelle de toutes ses verlusexpressives, au-deld et avant toute detennination ultdneure. Nous avons affaire ici,probablernent, d l'assefiion la plus < scandaleuse >) du discours tiieorique coserien, quicontredit de faqon incontestable i'essence comrrune des diffdrentes thdories, plus oumoins structuraiistes, sur le iangage podtique. Le langage poetique, montre Coslriu, nesaurait 0tre envisagd corrule un << 6cart > par rapport A un << degre zdro de I'dcriture >,selou les tnots d'un Roland Bailhes, par i'ajout cie < figures )) ou tropes ar-tistiques. La
EN CUISE DE, PREFAC]F,. LA PCSTERITE D'EUCENIC COSERiLI 11
prise en considdration m€ure de ia rrariante litterai.e ou de Ia ,ariaute stardard d'r-rne
langue historique coillille Ie uiveau << tleutre >>' d par-tir duquel on obtiendrait pal-
< dcart> ie iangage poetique. n'esi pas pertinente' puisq'u'elle contredit ia reaiite des
faits. Cette realite d.i fuit, r,orrtre ql..i',uq.,..poete, colnlrle individu d'exceptio, -iis'agit ia d'une autre idee de souch. hur,boldtienne I -, assutne sa laugue' une langue
iristorique donn6e, de manidr. :t:."i,:J, la rdcupdrart intdgralement dans ses fo,ctions
prirnaires et origln.tt.r, 1::9.1? de toute resh-iction' ddlinritation' reduction ou
d.tenlination historique. L'idee de f identite entre Ie langage et 1a poesie n'est pas tout
ir fait nou,elie, erle avait dt6 thdmatisee dds |antiquite par 1es poetes eux-*€mes,
suivis, d l'epoque uodeme, par Gianbattista Vico et Benedetto Croce' pour ne
mentionner que 1es plus importants' Ce qui est nouveau chez Coseriu' c'est la
cohdrence, iu proiorri.r, et la force de conviction de i'argutnentation' Tirer ies
consdquencesdecechangeinentradicaldeperspectir,esignifiere-creerlapodtiquemoderne sur des bases nouvelles'
T.Laconception coserienne sur les causes et la dynarnique des changements
linguistiques est tout aussr mnovatrice sur le plan thJorique' avec beaucoup de
retombdes sul 1e plan pratrque de 1'6tude et de la recherche Sur les iangues
historiques. Traitd de manidre magistrale dans L""t de ses 6tudes monographiques
important es $fnironia, diacrorio' , historia' El probtetna del cambio lingiiistico'
Montevideo, 1g57), 1e thdme est repns ilus tard 9r: r artlcle intituld de manidre
provocatri "" Lingirir,i, ct'*g" i'it 'i' E::t!.(1983)',9:"tt-::tl.: to'orientation
g6n6rale et aux principes rationaiistes et iddalistes-realistes qui gouvernent toute sa
rdflexion, Eugenio Coseriu 1;.* d1 plano les explications causaiistes-
dvolutionnistes, transposees du domaines des iciences de la nature dans la sphdre des
< sciences de i'esprit >>, et profor. ,rrr. explication de type finaliste' Selon lui'
l,explication addquate des *oain.utions dans la langue doit otre cherch€e dans
I,essence du langage humain qui reldve, solnme no"i l'u'ons vu ci-dessus' de Ia
sphdre de 1a .ftuirrit. spirituelle. Par consequent, ce ne sont pas les causes
matdrialistes directes, tenant au contexte geographique ou climatique' social ou
politique, etc., qui expliquent les chang.-.ni' au"t tu langue' mais les causes finales'
c'est-d-dire ia volontd des iocuteurs de ne cesser d'adapter leur langue hdritde par
tradition i ia necessit6 de communication. Le dilemme crassique du rapporr
contradictoire entre la stabiiite fonctionnelle n6cessaire ir un systdme linguistique et
l,.vidence de yexisten;e des changernents linguistiques, c'est-ir-dire entre
synchronie et diachronie, ..,, ..rJlu pu. io"'iu. de rnanidre convenable' par i'appel i
l,histoire. L. ;;;h;oni. ., ra diachionie sont, dans ra perspective historique, non pas
contradictoires, mais cot:,plementatres' Autrement Oii aans une phrase rn{uorable'
< a langue fonctionne en Jachronie et change en synchronie >'
S.llexistetouteunese'ried,autresdistinctionsimportantesdeCoseriud,uneoperabilite rnaximaie dans la Jescription de .la langue et l'explication de son
fonctionnertent. I1 s,agit tot.il d,abord de ia distinction entre 1e d is c o u r S
repeieoulaparolerepeteeetiatechniq."relibre
l: EUCEN I\4UNTEANI-
d e la p aro Ie;il \,a ensuite la distinction etrtre I'arc h itec tu re cl ela langue (qui portesurlalanguehistorique)et la structure de lalangr-t e (qui serapportedla langr-re fonctionnelle). A cetegard. Coserir-r a operdutle synthese. contbrtrdment au principe de la tradition (1'un des principes qu'i1 aidentifie pour la linguistique entendlre comnle science de la cr-rlture). entre desiddes dnoncdes par Ferdinand de Saussure et Louis Hjeirnsiev ; il finit par proposerune sttucturation quadripartite de < l'architecture de ia langue >>: ttp€, st,stdme,tlornle, parole. La clarte de la definition de ces quatre niveaux assure d cettedistinction cosirienne une pefiinence episternologique evidente.
9. Avant de finir, je pense qu'il y a lieu de souligner encore une foisf instrumentalite de ia doctrine, son adrnirable applicabilitd pratique, ddcoulant desa soiiditd thdorique, de son intelligibilite, de la prdcision terminologique et ducaractdre non-contradictoire de ses diff6rentes composantes.
10. Si donc nous assumons la preilisse que je proposais au ddbut et nousacceptions que la doctrine cos6rienne possdde toutes les donnees pour 6treassirnilee et adoptee cornme thdorie de refdrence dans les sciences du langageactueiles, notre devoir est maintenant de voir quelles seraient ses chances dereussite. Les perspectives semblent encourageantes. La premiere ddcennie de lapostdritd cosdrienne nous montre que, m6me en l'absence de son crdateur, ladoctrine est vivante, ses icides, distinctions et concepts fondamentaux circulent,constituent objet de ddbat, sont compris, appliquds. Du point de vue institutionnel,le recul qui suit, en rdgle g6neraie, la disparition d'une personnalitd d'exception,sembie avoir etd ddpassd. La premidre g6ndration de disciples de Coseriu, actifsdans les dernidres ddcennies dans des universitds de prestige en Allemagne, Italie,France et dans le monde hispanophone, ont transmis A leur tour aux g6n6rationsplus jeunes l'esprit coserien et, souvent, m€me la doctrine de celui-ci. Dans << lapatrie du cos6rianisme >>, l'universitd de Tubingen, 1'hdritage cosdrien est vivant etne cesse de porter ses fiuits. L'organisation dans cette universitd de l'archiveCoseriu et Ie projet rnajeur d'ddition intdgrale, en format electronique, d.e tous lesmanuscrits cos6riens, dont une grande partie inddits, tdmoignent de ia manidre laplus dloquente de la continuitd. La traduction et l'impression de ses ouvragesrnajeurs des langues originelles, espagnol, allernand, dans d'autres langues (italien,frangais, routnain, russe, anglais, japonais, etc.) sont de plus en plus frequentes. Cequi est le plus encourageant, c'est l'accroissement de f inter0t pour Coseriu enFrance, La frequence A laquelle on organise diffdrentes manifestations scientifiquesconsacrdes d Ia lin-euistique cosdrienne est d'une signification particulidre. Les troiseditions (d Aix-en-Provence en20A7, n Cluj en 2009 et A Almeria en 2011), ou lesreprdsentants les pius irnportants du courant coserien se rdunissent pdriodiquernent.avec la participation de plus en pius de jeunes a la recherche de repdres thdoriquesfennes, ont notamment contribue d'une fagon substantieile au rnaintien d'un flurpuissant et constant de f intdret pour la doctrine cosdrienne. La constitution d'uneassociation intetlationaie ci'etLrdes coseriennes sernble imminente. Les sessions
F.N CLrlSF. Dir PI{t-l- i('L-. L.A. i'()STFIiiTI-. ii'f:LlCi--NI0 C{')-\l'R'lL 1i
cor"uldirorati\,es consacl'ees allx qlratre-\,ingt-dir ans de sa llaissallce. ofgalrisdes
cetie annie a CiriSilitr, laqi, Balti et Rome. terlcignent eiles aussi de la pd1'9111111.r
de 1a prit-noire ciu grancl maitre. S'y ajor-rtent cle norlbreuses sdries dr- r'oluiiit-s ltii
rendant honrurage ou des volur-nes collectrfi (on airprecie qr-re. de ce point de t'ue.
Coserir: est 1e linguiste le plus honord de I'iiistoile...). Ott ne peut qu'dtre s0rs qlte
darrs ies ddcennies suir..antes noLrs continuelons de ci-rltiver la doctrine cosdl'ienlle
dans ses centres. poi-rr ainsi dire, traditionnels. a Tubingen. Ir4unster. Berlin.
Saiamanca. Cordoba. Rorre, dans d'autres endroils. de France et de 1'Arndrique
Latine. a Ciuj, d Iagi ou d ChiEtniu. Le futur immddiat sernbie donc convenable. On
ne saurait fiire encore urre dvaluation plus precise i moyen et A long tenle I
J,oserais juste dire que la doctrine cosdrienne ne perdra son intdrOt et sa validite
que dans les conditions ou Ie fufur assistera d Ia naissance d'utr type nouveall
d'hurnanite, qui renoncera au paradigme de la pensee A. fondernent historique. Dans
ce futur, ,on',b.. de notre pornt de vue. l'homme renoncera probablernent i la
piupart de l'heritage d'Ii,onto Europaels... Pour rerrenir i un positionnement pius^optiiniste, j'assumerais, en finissant, 1'engagetnent formule rdcetrunent par
Johannes Kabatek, le disciple du Maitre ir l'Universitd de Ttibingen: << Sus
discipulos tenemos la obligation de la continuidad de los tres aspectos :
.onr.*urrdo sn rrernoria, aplicando su 16gica y.tratando de contagiarnos de su
fuerzade trabajo, tal cotno 6inos 1o ha ensefrado >i'
' u Nous. ses diives. avons 1'oblrgation de le continuer dans les trois aspects sutvants : en
conservant sa urinroire. en appliquant sa logiqLre et en essal'ant de trous inipregner de sa puissance
de h-ai,ail. co1-)nte i1 nous 1'a ensei_U1e > (Joitairnes Kabatek. Eugenio Co.seritt ; matrtot'ict, logir.'ct.t'
.firut-:ct tle rrcthctftt. dans le vol. N4aria LLrisa Calero \,'aquera. Fernando Rivera Ciirdenas [coord.].E.:ltrdio.s 1i 4gilisri c.r.r.r' .t' lite,t'ut'io.s ttt rncmorirtm Etrgettio Crt.st't'iLt ( 1911-1002). Universidad de
Cordoba. s.a . ir. 4-1-50).