« Indignez-vous ! Réalités politiques et expressions contestataires, de l’Antiquité à l’âge moderne » Traverse – numéro 11
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EXSUL INMERITUS,
DOCUMENT CONTESTATAIRE DE L’HISTOIRE OFFICIELLE DE LA
CONQUÊTE DU PÉROU ET DÉFENSEUR DE LA CULTURE INCA
(XVIIe SIÈCLE)
Chloé TESSIER1
Études hispaniques
Introduction
Dans le cadre de cette journée destinée à réfléchir sur les notions de
revendication, de contestation, de témoignage, de critique et d'engagement, nous
nous proposons de nous intéresser à la remise en question de l’Histoire officielle
de la Conquête du Pérou et à la reconsidération de la culture Inca, grâce à des
documents récemment publiés2 qui auraient été rédigés aux XVIIe et XVIII
e
siècles.
Le manuscrit qui nous occupe s'appelle Exsul Inmeritus Blas Valera
Populo Suo. Daté de 1618, il aurait été écrit uniquement de la main de Blas
Valera, en latin et en quechua, contrairement à l'autre manuscrit avec lequel il a
été simultanément découvert, Historia et Rudimenta Linguae Piranorum. Ce
1 Les textiles préhispaniques de la côte sud du Pérou : Signes, Discours et Interprétations. Le cas des textiles Chuquibamba, sous la direction du Professeur Jean-Marie Lassus, CRINI (Centre de Recherche sur les Identités Nationales et l’Interculturalité), Université de Nantes. 2Laura Laurencich Minelli, Exsul Immeritus Blas Valera Populo Suo e Historia et Rudimenta Linguae Piruanorum, Indios, Gestuiti e spagnoli in due documenti segreti sul Peru del XVII secolo, Biblioteca di Scienze Umane, Bologna, CLUEB, 2005.
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dernier, commencé en 1637 et terminé en 1737, aurait été rédigé en latin par un
groupe de jésuites dont les auteurs anonymes ne signent que par leurs initiales :
JAC, JAO, PI3.
Blas Valera était un métis péruvien4. Son père était un conquistador
espagnol, Alonso Valera, et sa mère une indienne appartenant à la noblesse Inca,
appelée Urpay. Blas Valera naît en 1545 à Chachapoyas, capitale de la région
Amazonas au Nord du Pérou. Il entre chez les jésuites dès 1568, et travaille aux
côtés du célèbre jésuite José de Acosta5 à Lima, puis rejoint la Confrérie de
Jésus de Cuzco.
Exsul Inmeritus et Historia et Rudimenta, appelés globalement
« Documentos Miccinelli » ou « Documentos de Nápoles », ont été mis au jour
par les hasards d’un héritage familial en 1958. Le parcours de ces documents
jusqu’à leur actuelle propriétaire, Clara Micinelli, est un peu flou. On sait
seulement que les deux manuscrits ont été offerts à l’oncle de Miccinelli en
1927 et 1930, lequel les aurait légué à sa nièce, l'actuelle propriétaire. Ils ont été
traduits et publiés en 2005 par Laura Laurencich Minelli de l'Université de
Bologne.
Ces documents proposent une histoire qui contraste avec les versions
officiellement admises, contestant l'Histoire imposée par l'Autorité royale et
revendiquant la véritable valeur de la culture Inca. Il s'agirait de documents
secrets et « clandestins » qui n'auraient pas été destinés à être publiés comme les
3 Il s’agirait, selon Laura Laurencich Minelli, des trois frères jésuites Joan Antonio Cumis, Joan Anello de Oliva et Pedro de Illanes. Ibidem, p. 112-113. 4 En Amérique latine, les mestizos (les métis) sont les personnes nées d'un père blanc et d'une mère indienne, ou vice-versa. 5 José de Acosta, Historia Natural y Moral de las Indias, en que se tratan de las cosas notables del cielo/elementos/metales/plantas/ y animales de ellas/ y los mitos/ y ceremonias/ leyes y gobierno de los indios, Méjico, Fondo de Cultura Económica, 1962 [1590].
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autres chroniques de l'époque décrivant le peuple Inca et l'Histoire de la
conquête du Pérou. Conscients du pouvoir de la censure qui n'aurait pas autorisé
la circulation de tels documents, les auteurs, qui auraient couru de grands
dangers en tentant de les diffuser, auraient donc créé des documents
« alternatifs » qui devaient circuler dans l'environnement interne des défenseurs
de la cause indienne. Bien qu'ils se présentent comme contestataires, ces
manuscrits s'inscriraient avant tout dans une démarche testimoniale : ils auraient
été écrits pour laisser un témoignage de la richesse de culture Inca anéantie par
les Espagnols, dans l'espoir que les descendants de l'empire du Tawantinsuyu6
puissent plus tard y retrouver leur identité.
Ces manuscrits sont cependant le sujet de bien des débats et font l'objet
d'une vive polémique : l’accumulation d’autant de contestations et de
revendications dans ces seuls manuscrits a suscité de nombreuses questions de la
part des spécialistes quant à leur authenticité (revendication de l’écriture andine,
paternité de la Nueva Corónica de Felipe Guamán Poma de Ayala - qui aurait
été écrite par Blas Valera et ses confrères -, vol des Comentarios Reales à
Valera par Inca Garcilaso de la Vega, destruction du peuple inca par les
Espagnols, censure menée conjointement par l’Église et la Couronne espagnole).
Les nombreuses analyses effectuées - support papier, encres et couleurs, C14,
graphie et paléographie - ainsi que les sources croisées qui font état de
l’existence des ces documents contestataires (deux lettres du XVIIe siècle,
conservées respectivement dans les Archives de la Société de Jésus et dans les
6 Nom de l’empire Inca. En quechua, tawa signifie quatre et suyu côtés, régions. Le Tawantinsuyu désignait « l’empire des quatre régions ». Diccionario Quechua-Español, Cusco, Academia Mayor de la lengua Quechua, 2005.
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Archives Publiques de Rome) semblent pourtant confirmer qu’il s’agit de
véritables manuscrits de l’époque7.
L'empire Inca appartient à la dernière phase de l'histoire préhispanique du
Pérou, c’est-à-dire celle correspondant à la période précédant l'arrivée des
espagnols. La dynastie Inca remonte au début du XIIIe siècle, et ne concerne à
cette époque que la région de Cuzco. Ce n’est qu’à la suite d'un long processus
d'expansion territoriale et d'annexion de petites chefferies locales, nées de la
chute des deux grands empires précédents Wari et Tiwanaku, que l'empire Inca
parviendra à dominer un territoire colossal. À la veille du XVIe siècle, l’empire
s’étend sur plus de 600 000 km², allant du sud de la Colombie au nord du Chili,
et de la côte pacifique à la lisière de la forêt amazonienne. Alors que les
premiers Européens pénètrent sur le territoire inca, l’empire connaît de graves
difficultés : une terrible guerre fratricide ébranle l'empire, les deux descendants
du défunt Inca, Atahualpa et Huascar, cherchant à s'imposer sur le trône. En
1532, les Espagnols découvrent un empire meurtri et bancal, et sauront tirer
profit de la situation pour mener à bien leur conquête.
7 Carlo Animato, "Múltiples refutaciones y pruebas contra los cargos de los señores académicos en defensa del documento Miccinelli, conocido como HR", Guaman Poma y Blas Valera, Tradición Andina e Historia Colonial, Rome, Antonio Pellicani Editore, 2001, p. 87-98. Maurizio Gnerre, "La telaraña de las verdades : El f. 139 del tomo Cast. 33 del Archivium Romanum Societatis Iesu (ARSI)", op. cit., p. 195-246. Francesca Cantù, "Guaman Poma y Blas Valera en contraluz : los documentos inéditos de un oidor de la Audiencia de Lima", op. cit., p. 475-519. Sabine Hyland, The Jesuit and the Inca, The extraordinary life of Padre Blas Valera, University Michigan Press, 2003.
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Contestation de l’histoire officielle : le récit de la prise de Cajamarca (12 Novembre
1532)
Les Incas ne possédant pas d'écriture proprement dite, la reconstruction de
l'histoire de la conquête du Pérou ne peut se faire qu'à partir des écrits proposés
par les Espagnols. La Couronne, soucieuse de conserver une trace écrite de la
gloire de ses conquêtes, a encouragé ses soldats et ses prêtres à immortaliser la
victoire espagnole et a également désigné des écrivains officiels pour écrire la
conquête. Regroupés sous le terme de chroniqueurs, ces conquistadores,
religieux en mission, cronistas oficiales, témoins directs ou descendants métis,
ont produit une vaste littérature qui constitue aujourd'hui une source précieuse
pour reconstruire l'Histoire de la conquête.
Dans l’Histoire du Pérou, la prise de Cajamarca (ville du nord du Pérou)
est considérée comme le point de départ de la conquête espagnole : il s'agit du
moment où les conquistadores de Francisco Pizarro, après s’être battus contre
les soldats de l'Inca, ont fait prisonnier Atahualpa, l'un des deux prétendants au
trône.
Nombreux sont les chroniqueurs à proposer une description de la prise de
Cajamarca. S'il existe des variations entre les différentes versions (en partie à
cause des exagérations des auteurs-acteurs, cherchant à se distinguer
particulièrement, ou à la perte d'information lorsque le récit est écrit plusieurs
années après l'événement), globalement, l'histoire est assez homogène8.
8 Relación de Diego de Trujillo, dans Conde de Canilleros, Tres testigos de la Conquista del Perú, Colección Austral, Editora Espasa-Calpe Argentina, Buenos Aires, 1953, p. 136-141.
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Les Espagnols arrivent à Cajamarca le 12 Novembre 1532 pour y
rencontrer Atahualpa. Le Frère Valverde, interlocuteur désigné, s’adresse à
l’Inca à l’aide d’un interprète, et lui expose la raison de leur venue9 : le Pape,
représentant de Dieu, a confié ces nouvelles terres à l’Empereur d’Espagne, dont
la mission est d'enseigner aux Indiens la véritable religion et les sauver de leur
idolâtrie. Atahualpa, ne saisissant pas la totalité du discours rapporté par
l’interprète, demande à Valverde d’où il tient cette histoire : Valverde, lui
répondant que la Sainte Bible elle-même le dit, lui tend le livre. L’Inca la saisit
et la porte à son oreille. N'entendant aucune voix sortir de la Bible, il la jette par
terre. Valverde alerte aussitôt Pizarro du mépris de Atahualpa pour la Sainte
religion, et l’assaut est donné. Les Espagnols se jettent sur les Indiens, et Pizarro
capture Atahualpa. La bataille est gagnée.
Blas Valera n'a pas participé personnellement à cette bataille, puisqu'il
n'était pas né. Mais il propose dans le document qui lui est attribué, Exsul
Inmeritus, un récit de cette bataille ne correspondant en rien avec celui rapporté
précédemment, qui est pourtant celui repris en chœur par les chroniqueurs.
Dans le manuscrit, il insère et commente une lettre qui aurait été écrite par
Francisco de Chaves, l'un des conquistadores qui participa à la prise de
Cajamarca aux côtés de Francisco Pizarro. En tant que témoin et acteur, l'auteur
de la lettre propose une version de la bataille qui contraste avec celle que l’on
Advertencias de Juan Ruíz de Arce a sus sucesores, dans Conde de Canilleros, Tres testigos de la Conquista del Perú, Colección Austral, Editora Espasa-Calpe Argentina, Buenos Aires, 1953, p. 73-118. Carta de Hernando Pizarro a los Oidores de la Audiencia de Santo Domingo, dans Conde de Canilleros, Tres testigos de la Conquista del Perú, Colección Austral, Editora Espasa-Calpe Argentina, Buenos Aires, 1953, p. 51-69. Francisco de Xeres; Miguel de Estete, Relation véridique de la Conquête du Pérou, de la Province de Cuzco nommée Nouvelle Castille, subjuguée par François Pizarre, dans Voyages, Relations et Mémoires originaux pour servir à l’Histoire de la Découverte de l’Amérique, volume 4, A. Bertrand, Paris, 1837, p. 80-112. 9 Il s'agissait des règles du requerimiento, dont il sera question plus loin, que devaient observer les Espagnols.
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retrouve dans les documents validés par la Couronne espagnole. Adressée au
Roi d’Espagne, cette lettre datée du 5 août 1533 explique comment les
Espagnols remportèrent la bataille de Cajamarca non pas grâce à un héroïque
combat, mais en offrant du vin empoisonné aux soldats de l'Inca.
Le conquistador confie d’abord avoir surpris une conversation privée
entre Pizarro et trois religieux, alors à bord du navire à destination des côtes
péruviennes : le capitaine Pizarro se serait assuré auprès de ses complices que
les barils de vin empoisonné étaient prêts, et leur aurait fait promettre de ne
jamais révéler le secret de cette opération (la Couronne ne devant surtout pas en
être informée). Les conquistadores de Francisco Pizarro auraient offert le vin
empoisonné aux nobles guerriers de la cour de l'Inca lors de leur rencontre à
Cajamarca. Atahualpa n'aurait donc jamais jeté à terre la Sainte Bible, donnant
ainsi l'occasion aux Espagnols de donner l'assaut ; bien au contraire, les
Espagnols auraient profité de l'effet du terrible poison : Atahualpa, voyant ses
soldats tomber un à un, se tordant de douleur, n'aurait pas compris ce qui se
passait. Épouvanté, il n'aurait pas su riposter, laissant alors l’opportunité aux
Espagnols de donner l’offensive, de tuer les Indiens dans un grand carnage et de
le faire prisonnier10.
La prise de Cajamarca n’aurait donc pas été la glorieuse victoire d’un
nombre réduit d’Espagnols contre l’armée inca, mais bien une avilissante tuerie
de nobles Incas empoisonnés. Il ne s'agirait donc pas d'une victoire légitime,
10 « Don Francisco demanda au frère Yepes s'il avait dissout le poison pour leurs projets; le religieux lui répondit que l'affaire était prête, comme convenu, pour assurer la réussite de ses pensées diaboliques. Il avait rempli et préparé quatre barils de muscat avec une dose si forte et si puissante que l'ennemi pleurait déjà […]. ». « Et le vin empoisonné est ce qui a permis de conquérir cette province et nous n’avons pas, comme l’a dit le Gouverneur [Pizarro] pour cacher la vérité, remporté la Victoire grâce à notre courage et notre détermination de vaincre ou de mourir […]. ». Extraits de la lettre de Francisco de Chaves, traduit de l’espagnol par nous, dans Laura Laurencich Minelli, op. cit., p. 436 et 437.
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puisque les règles de la conquête n'avaient pas été respectées. Destinées à
protéger les Indiens, ces règles avaient été réclamées par les tous premiers
défenseurs de la cause indienne qui s'étaient levés contre la barbarie de la
conquête. En 1511, Fray Montesinos et ses confrères dominicains, alors prêtres
sur l'île de la Hispañola (l'actuelle Saint Domingue) avaient dénoncé l'injustice
de la guerre menée contre les Indiens et les mauvais traitements infligés par les
Espagnols. Pour faire taire la polémique sur cette guerre et par conséquent sur la
légitimité de la conquête, la Couronne espagnole fit rédiger le requerimiento : ce
texte, qui devait être lu par les conquistadores aux Indiens grâce à un interprète,
les invitaient à se soumettre pacifiquement, à jurer obéissance au Roi d'Espagne
et à accepter de recevoir la foi chrétienne. S'ils s'y refusaient, les Espagnols
étaient en droit de s’emparer de leurs terres par la force et à les conquérir par les
armes. Les Espagnols n'ayant pas observé les règles du requerimiento,
officiellement, la prise de Cajamarca et plus globalement la conquête de
l'Empire Inca n'étaient donc pas valides.
Francisco de Chaves aurait écrit cette lettre pour en informer la Couronne
espagnole mais, n’étant pas parvenu à la remettre à Charles Quint, l'aurait
confiée à son ami Luis Valera (l'oncle de Blas Valera). Il l'aurait conservée
quelques années et remise plus tard à son neveu, métis et ayant reçu une
éducation indienne, qui était engagé à défendre la cause des Indiens. Le jeune
Blas Valera, décidé à rétablir la Vérité sur l’Histoire des Incas, aurait remis cette
lettre à deux personnes qui, ayant des relations avec les hautes sphères du
pouvoir, auraient pu la faire parvenir au Roi : Polo de Ondegardo (alors
Corregidor de Cuzco) et le Père José de Acosta. Mais si l'on retrouve la
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signature des deux hommes sur le verso de la lettre - signatures qui semblent
authentiques après examen comparatif11 -, ni l’un ni l’autre ne se seraient
décidés à faire suivre la lettre. Blas Valera, se rendant compte qu'il se
confrontait à un mur en tentant d'informer la Couronne, aurait décidé de rédiger
ces manuscrits pour conserver une trace de la véritable Histoire de la conquête
du Pérou que l'on cherchait définitivement à cacher.
Les informations proposées dans cette lettre auraient effectivement
constitué un témoignage probant des méthodes radicales utilisées par les
conquistadores pour arriver à leurs fins, et aurait pu placer l'Espagne dans une
situation délicate. Car si la Couronne espagnole, en rédigeant le requerimiento,
s'était officiellement engagée dans une conquête exemplaire et « pacifique » -
pour conserver la légitimité de son entreprise-, elle fermait les yeux sur la réalité
de la conquête et les conquistadores continuaient à employer les méthodes les
plus barbares pour soumettre les Indiens. En reconnaissant l'irrégularité de la
prise de Cajamarca, elle aurait admis que l'Empire Inca n'avait pas été conquis
légitimement, et aurait risqué de perdre l'un de ses vice-royaumes les plus riches
et les plus grands.
11 Laura Laurencich Minelli, Ibidem, pp. 433.
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Défenseur de la culture Inca
L'engagement de l'auteur de Exsul Inmeritus pour le rétablissement de la
Vérité ne concerne pas uniquement la prise de Cajarmarca ; le manuscrit cherche
également à défendre la grandeur de la culture Inca.
Celui à qui est attribué le document, Blas Valera, était un métis et donc un
descendant des Incas. Sa mère, une femme quechua appartenant à la noblesse
inca, l'a éduqué dans la culture indienne (langue, croyances, rites), développant
chez lui un fort sentiment d'appartenance à la culture Inca. Il est également le
témoin du grand mépris des Espagnols pour les Indiens, puisqu'il vit à une
époque où les Espagnols cherchent à tout prix à imposer la culture occidentale et
à éradiquer la culture autochtone : les Indiens sont considérés comme des êtres
primitifs et barbares qui appartiennent à une race inférieure. Il assiste également
à l'anéantissement des dernières traces du Tawantinsuyu et à l'exécution barbare
des derniers représentants de la dynastie Inca : en 1572, les Espagnols
parviennent à capturer le dernier chef Inca Tupac Amaru, qui se refusait à se
soumettre aux Espagnols. Après une longue chasse à l'homme et de multiples
affrontements, il fut capturé et exécuté « pour l’exemple » sur la place de Cuzco.
Tout ceci a probablement encouragé l'auteur à s'engager pour la défense et la
préservation de la culture inca. Exsul Inmeritus est effectivement un document
qui n'est pas uniquement destiné à dénoncer la véritable conquête du Pérou : il
s'agit également de rétablir la Vérité sur le peuple Inca, de démontrer la grandeur
et la valeur de la culture indienne, en contestant ce que les chroniqueurs ont pu
écrire. Ce manuscrit propose de conserver une trace écrite de l'identité indienne
avant qu'elle ne soit définitivement exterminée.
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Si les premières descriptions des Indiens proposées par les découvreurs
ont fondamentalement été influencées par les récits des explorateurs des Indes
Orientales - Marco Polo, entre autres -, et qu'on les représente comme des êtres à
mi-chemin entre l'homme et la bête (homme à tête de chien, cyclope, homme à
queue, géant Patagon, etc), les images véhiculées par la majorité des
chroniqueurs espagnols aux XVIe et XVII
e siècles restent profondément teintées de
mépris. L'Europe est à l'époque la référence absolue, et tout ce qui est différent
de ce que l'on connaît dans le Vieux Monde est considéré comme inférieur ou
anormal. Et si ce ne sont pas leurs caractéristiques physiques qui trahissent leur
inhumanité, ce sont leur comportement et leurs mœurs barbares. Ils ne
connaissent pas l'écriture, vivent nus et sans organisation sociale : ce sont des
animaux qui ne savent pas se gouverner. Ils ne sont pas chrétiens et célèbrent
des rituels en l'honneur de dieux monstrueux : ils sont sous l'emprise du diable12.
De la particularité on fera la généralité ; à partir de certains témoignages de cas
de sacrifices humains ou d'anthropophagie, on conclut que tous les Indiens sont
barbares et cannibales. Toutes les « défaillances » de l'Indien seront utilisées
pour légitimer la conquête, les chroniqueurs s'appliquant à décrire l'ignorance, le
primitivisme et la barbarie de ce peuple pour fournir une motivation « morale »
à l'entreprise de la Couronne espagnole. Les conquistadores apparaissent alors
comme des hommes providentiels venus en Amérique avec une mission :
délivrer ce peuple de son aliénation bestiale et démoniaque en lui apportant la
civilisation et la véritable Foi13.
12 Guy Rozat Dupeyron, América, Imperio del Demonio : Cuentos y Recuentos, México, Universidad Iberoamericana, 1995. 13 Voici par exemple ce qu'indique le chroniqueur Bernabe Cobo lorsqu'il décrit la nation péruvienne : « […] nombre de ces Américains ont reçu la lumière du Saint Évangile et, grâce à elle et au contact avec nos
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L'auteur de Exsul Inmeritus consacre une grande partie de son manuscrit à
démontrer la valeur et la richesse de la culture Inca. Il cherche à rendre une
image juste de la culture et du peuple indien du Pérou qui avait atteint un degré
de développement culturel surprenant. Aussi s'attache-t-il à démontrer que,
contrairement à ce que la majorité des chroniqueurs ont affirmé, les Indiens de
l'Ancien Pérou connaissaient et avaient élaboré des systèmes d'écriture
complexes.
La plupart des descriptions que les Espagnols ont proposées des Incas
démontrent qu'il s'agit d'un peuple primitif qui ne connaissait pas l'écriture. Et
l’idée ne pouvait pas être remise en question puisqu’elle découlait d’une logique
imparable : l’écriture andine n’existait pas parce qu’on n’en avait pas trouvé la
trace. Il existe donc dans les chroniques des paragraphes entiers dans lesquels
les auteurs affirment que ces hommes ne sont pas parvenus à « inventer »
l’écriture14. Les chroniques répondent toutefois à une demande formulée par la
Espagnols, ils ont été humanisés et policés, bien que parmi eux certains (les plus nombreux) sont encore plongés dans les ténèbres de leur gentilité et de leur ignorance barbare. Je dois avertir que ce qui est dit ici de leur rusticité et de leurs coutumes barbares est ce que nous trouvons chez ces Indiens idolâtres, et que si nous n’en trouvons pas la trace chez ceux qui se sont faits chrétiens, c’est grâce à la culture, la vertu et l’efficacité de notre religion sacrée qui est capable de convertir des hommes sauvages aussi féroces et ignorants en des hommes qui vivent en raison et vertu ». Bernabé Cobo, Historia del Nuevo Mundo, Biblioteca de Autores Españoles, Ediciones Atlas, Madrid, 1956 [1653], Libro XI, Cap. V, p. 16, nous traduisons. 14 « […] les indiens ne connaissaient pas l'écriture ». Amancio Landin Carrasco, Vida y Viaje de Pedro Sarmiento de Gamboa, Imprenta Aldecoa, Burgos, Madrid, 1945, p. 63, nous traduisons. « […] l'écriture n'existe pas chez les indiens […] », « […] aucune nation d'indiens n'a découvert l'écriture à ce jour […]» . José de Acosta, op. cit., Libro I, Cap. 25, p. 62 et Libro VI, Cap. 4, p. 284, nous traduisons. « […] parce qu'ils ne possédaient pas d'écriture […] ». Garcilaso de la Vega, Comentarios reales, que tratan del origen de los Yncas, reyes que fueron del Perú, de su idolatría, leyes, y gobierno en paz y en guerra ; de sus vidas y conquistas, y de todo lo que fue aquel imperio y su República, antes que los españoles pasaran a él, Madrid, Editorial Castalia, 2000 [1609], Libro II, Cap. XVIII, p. 189, nous traduisons. « […] parce que ces gens n'ont pas d'écriture ni de lettres […]». Hernando de Santillán, "Relación del origen, descendencia, política y gobierno de los Incas", Crónicas peruanas de interés indígena, Madrid, Edición Graficas Norte, 1968 [1563], Número Primero, p. 103, nous traduisons. « […] ils n'avaient pas atteint l'usage des lettres ». Fray Martín de Murúa, Historia General del Perú, Origen y descendencia de los Incas, Colección Joyas Bibliográficas, Biblioteca Americana Vetus, Madrid, 1972 [1611], Libro II, Cap. IV, p. 38, nous traduisons.
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Couronne espagnole qui cherche à décrire les hommes de ces nouvelles terres et
leurs modes de vie pour démontrer la nécessité de la conquête. Elle n'attend pas
des chroniqueurs qu'ils reconnaissent aux Indiens des facultés intellectuelles qui
illustreraient un certain degré de développement, et par la même qui remettrait
en question la légitimité de la conquête. Il n’est donc pas question de leur
reconnaître la moindre intelligence, dont les formes d’écriture seraient la preuve.
Une large part de Exsul Inmeritus est consacrée à la description de ces
systèmes de communication graphique. Les formes d'écriture que l'auteur décrit
et schématise dans son ouvrage sont des variantes des quipu Inca. Les quipu sont
des cordelettes de coton ou de laine qui étaient utilisées par les Incas pour
enregistrer et communiquer des données. Les nœuds, qui se distribuaient sur les
cordelettes pendantes, conservaient des informations; selon leur position, le
quipucamayo - le chargé du quipu, le seul capable de composer et lire le quipu -
déchiffrait les données à l'aide de codes-couleurs et de techniques de
mémorisation personnelles. Les informations conservées dans ces instruments
textiles étaient diverses et permettaient à l'empire de tout connaître dans les
moindres détails : productions agricoles (pomme de terre, quinoa, oca, fèves,
maïs), nombre de lamas par communauté, résultats des recensements annuels,
distribution des tâches obligatoires, répartition et paiement des impôts, etc.
Nombre de ces quipu sont aujourd'hui conservés dans des musées
archéologiques.
Les quipu qui sont décrits et joints au manuscrit ne ressemblent cependant
pas aux « classiques » quipu qui ont été sauvés de la conquête. L'auteur présente
effectivement plusieurs variantes de cet instrument ingénieux, qu'il considère
comme de réelles formes d'écriture sacrées et dont il explique le fonctionnement.
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Les cequecuna sont à mettre en relation directe avec le quipu en raison de
la forme qu’ils prennent : ils se seraient présentés sous la forme d'un « bouquet »
de cordelettes, reliées toutes entre elles à la manière d’une étoile. Les nœuds, les
couleurs de fils, ainsi que les idéogrammes insérés (ticcisimi) auraient permis
une projection sur le terrain de tout le système social inca, organisé selon le
système de ceque. Les ceque, véritables lignes virtuelles ou sentiers imaginaires,
regroupés par trois, organisaient l’empire du Tawantinsuyu, en familles,
hameaux et villages. Orientées toutes vers le même centre - le temple du Soleil
ou Coricancha -, ces lignes indiquaient à la fois l’emplacement des huaca (les
sites sacrés), ainsi que les lieux de cérémonie du calendrier rituel.
Le pachaquipu, ou quipu calendaire, aurait été quant à lui constitué de
treize cordelettes, et de treize ticcisimi, indiquant les principaux rituels qui
avaient lieu chaque mois. Calendrier mémoire, rituel et astronomique, il aurait
servi à marquer les dates d’offrandes et de cérémonies. Chez les Incas, il existait
différents systèmes calendaires (solaire, lunaire synodique, lunaire sidéral) ;
l’année lunaire synodique, basée sur les phases de la lune, était
vraisemblablement composée de treize mois, débutant à chaque nouvelle lune15.
Les minuscules figures insérées sur les cordelettes pendantes auraient indiqué
les phases lunaires, les deux solstices, les équinoxes et les éclipses lunaires.
Enfin, le capacquipu, ou quipu littéraire, aurait permis l’écriture de textes
de façon idéo-phonético-syllabique, grâce aux ticcisimi placés sur les cordelettes
pendantes. Chaque ticcisimi représentant un signe lisible phonétiquement, et le
15 Tom Zuidema, "Chuquibamba textiles and their interacting systems of notation. The case of multiple exact calendars", in Elisabeth Hill Boone & Gary Urton (eds), Their way of writing. Scripts, Signs, and Pictographies in Pre-Columbian America, Washington, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, 2011, p. 251-275.
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nombre de nœuds inférieurs indiquant la syllabe qui devait être lue à haute voix,
la phrase aurait été formée par la juxtaposition de chaque syllabe prononcée.
Ces variantes de quipu ne servaient pas, à l'inverse des quipu numériques
classiques, l'administration de l'empire. Ils auraient été utilisés, selon l'auteur,
par la noblesse Inca pour la célébration des rites et des cérémonies : les
pachaquipu permettaient de connaître les dates précises des rituels, les
cequecuna conservaient la carte géographique des lieux sacrés à honorer et les
capacquipu transcrivaient les textes sacrés prononcés lors des cérémonies.
L'auteur ne cesse de faire allusion dans son manuscrit à la minutieuse
destruction des quipu par les Espagnols, ordonnée par le IIIème Concile de Lima
en 1593. Il prétend que si, officiellement, on voulait faire disparaître les
fondements de l'hérésie andine grâce aux multiples campagnes d'extirpation de
l'idolâtrie commandées par le Vice-Roi, il s'agissait en réalité d'une
détermination à éradiquer toutes formes de matérialisation de l'érudition
indienne. Cette furieuse destruction des « archives textiles » par le feu aurait
également permis, selon l'auteur de Exsul Inmeritus, de cacher la réalité de la
conquête espagnole et les violentes méthodes employées par les conquistadores
pour s'imposer sur la population autochtone.
Conclusion
Exsul Inmeritus propose donc une version inédite de l’Histoire de la
Conquête du Pérou et de la vie des Incas à l’arrivée des Espagnols, qui nous
oblige à reconsidérer tout ce que l’historiographie a pu apporter sur le sujet. Le
manuscrit, qu'il s'agisse d'une imposture ou qu'il ait véritablement été écrit par
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un jésuite engagé dans la défense de la culture et de l'histoire des Incas, nous
pousse à reconsidérer les écrits proposés par l’ensemble des chroniqueurs. Il ne
cesse de rappeler aux historiens qui tentent de reconstruire l'Histoire des peuples
préhispaniques à partir des documents écrits par des Espagnols pour des
Espagnols qu'il faut constamment recontextualiser et remettre en question ces
documents, et garder en mémoire l'objectif premier de ces discours : proposer
une version officielle de la Conquête.
Bien que ces documents soient vivement contestés, pour ne pas dire
rejetés, par la communauté scientifique16, les différents systèmes de
communication graphique décrits par l’auteur constituent des témoignages de
l’existence d’une forme d’écriture inca. Depuis les années 1960, les chercheurs
ne cessent de formuler des hypothèses au sujet d’un système de communication
graphique inca basé sur les motifs des tissus. Nombreuses sont les théories qui
ont cherché à démontrer que les Incas, s'ils n'avaient pas élaboré un système
d'écriture semblable à celui utilisé en Europe, se servaient de l'iconographie des
textiles, les tocapu, pour transmettre symboliquement des idées et des
concepts17. Ces cartouches rectangulaires présentant des motifs géométriques sur
16 La question de l'authenticité de ces documents est débattu depuis 1997, depuis l'examen des manuscrits mené par Juan Carlos Estenssorro et Gerard Taylor pour leur publication à la Société des Américanistes. Dans leur rapport, ils ont considéré qu'il ne s'agissait pas de manuscrits datant du XVIIème siècle mais de documents contrefaits. Juan Carlos Estenssorro, "Falsificación y revisión histórica : informe sobre un supuesto nuevo texto colonial andino", Lima, Revista de Indias, 1997, vol. LVII, núm. 210, p. 563-578. 17Victoria de la Jara , "Vers le déchiffrement des écritures anciennes du Pérou", dans Science Progrès, la Nature, 1967, n° 3387, p. 241-247. Victoria de la Jara, "La découverte de l’écriture péruvienne", Arqueologia, Trésors des Ages, n° 62, septembre 1973, p. 9-15. Victoria de la Jara, Introducción al estudio de la escritura de los inkas, Lima, 1975. Mario Sandrón, "Un intento de lectura pictografica e ideografica de unos queros coloniales del Museo de América", Anales del Museo de América, vol 7, 1999, p. 141-156. Tom Cummins, Toasts with the Incas, Andean Abstraction and Colonial Image of Kero Vessels, The University of Michigan Presse, Ann Arbor, 2002.
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les tuniques impériales, répétés en diagonale, en ligne ou en échiquier, auraient
été investis d'une signification symbolique. Les tocapu constitueraient, selon
certains chercheurs18, des signes de prestige ou d’appartenance royale, du fait de
leur présence sur des supports en relation directe avec la haute noblesse et la
lignée royale. Sortes d’insignes permettant de reconnaître la filiation impériale
ou d’identifier les personnages de la noblesse et de la haute administration, ils
pourraient constituer des symboles politiques et/ou religieux, avec une
signification très conceptuelle.
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