1
Cinquantenaire des
indépendances africaines :
La politique africaine et la
politique étrangère de la nouvelle
Allemagne.
Dr. Shungu M. Tundanonga-Dikunda
„‚Solange es LUMUNBAS in Afrika gibt,
werden es die Afrikaner schwer haben,
Investitionen in zureichenden Umfange von
uns zu bekommen. ‚ Gerstenmaier,
Bundestagspräsident, am 10.2.1961in
Bremen”1.
Ite missa est. Plus rien à ajouter à la
politique africaine de l’Allemagne : „Aussi
longtemps qu’il y a de LUMUNBAS en
Afrique, les Africains vont peiner pour
obtenir suffisamment d’investissements de
notre part”. Mais, l’Afrique n’y peut rien :
il y aura toujours des LUMUNBAS sur la
scène politique, ne fût-ce que
sporadiquement, jusqu’à ce que
l’Allemagne comprenne que le destin de
l’Afrique n’est pas allemand. Alea jacta
est !
Libérées et libres des carcans
géopolitiques, géostratégiques et
géoéconomiques, conséquences de la 2e
Guerre mondiale, qui maintenaient les
deux Allemagnes dans deux systèmes
diamétralement opposés, réunifiée après la
chute du Mur de Berlin, la nouvelle
Allemagne ne peut s’empêcher d’„éclater”,
d’autant plus que rien ne semble
l’empêcher de „ s’éclater”. Vingt ans, à
peine après la réunification, la nouvelle
1 www.musik-forum-
online.de/de_DE/Mueller/show,17212.
Allemagne voit grand et regarde loin, au-
delà de l’Europe.
L’Allemagne new look : New People –
New Style – New Dance – New Deal.
La réunification et le retour des centres
stratégiques du pouvoir (Présidence de la
République, Chancellerie fédérale,
Parlement fédéral, Chambre haute) dans
l’ancienne capitale, Berlin, a conduit à un
double changement de paradigmes : de la
Bonner Republik à la Berliner Republik (de
la République de Bonn à la République de
Berlin) et un changement de génération de
la classe politique. La caractéristique
principale de la Berliner Republik est
l’entrée/ l’arrivée des soixante-huitards et
des après soixante-huitards aux affaires de
l’Etat.
« Vingt ans après la réunification
allemande, les divergences sont apparues
entre l’Allemagne et ses partenaires sur ce
que serait une politique étrangère
allemande „pondérée”. Lorsque Berlin dit
„ assumer les responsabilités”, il dit
„utiliser la puissance/force”. Cela peut soit
conduire à un nouvel équilibre soit
provoquer et aggraver de conflits
structurels », écrit le Professeur Hellmann2.
Dix jours après la parution de l’article,
l’Allemagne a été élue, le 11/10/2010,
pour une période de deux ans, membre
non-permanent du Conseil de sécurité des
Nations Unies, après avoir engagé un bras
de fer sans merci contre deux Etats-
partenaires de l’OTAN, le Portugal et le
Canada.
Quelles sont les motivations qui avaient
poussé l’Allemagne de poser sa 2 Hellman, Gunther: Normativ nachrüsten.
Deutschlands neue Rolle in der Welt und wie sie zu
gestalten wäre, Internationale Politik, 01.10.2010.
2
candidature contre deux Etats-partenaires
membres de l’OTAN, six ans seulement
après son dernier mandat en tant que
membre non-permanent du Conseil de
sécurité, alors qu’il y avait consensus sur le
Portugal et le Canada ?
« Plusieurs analystes politiques, Think
tanks allemands et même les médias
„ people” partagent le même avis, selon
lequel, il s’agit pour l’Allemagne, la
République fédérale allemande, entre autre
autres, de ce qui suit :
l’assurance de la puissance
(Machtbewusstsein) après le
gouvernement social
démocrate/vert-écolo (Chancelier
Schroeder3),
la fierté nationale (l’euphorie
pendant la coupe du monde 2006,
en Allemagne, le drapeau allemand
et les couleurs du drapeau étaient
partout et sur des endroits
inimaginables comme un
propriétaire qui avait peint sa
maison en couleur noir – rouge -
jaune !4),
l’assurance de la force nationale
(nationales Machtbewusstsein),
l’expression de la puissance/force,
la grandeur,
le prestige5. »
Mais, certains plus critiques n’hésitent pas
à voir et de qualifier ses sentiments
pendant la coupe du monde en Allemagne
3 Addendum de l’auteur. 4 Addendum de l’auteur. 5 Echte Weltpolitik: www.german-foreign-
policy.de. 13.10.2010.
(2006) de „imbécilisation du peuple6
”,
parfois encouragés par les membres du
gouvernement, comme Mme Kristina
Schroeder, ministre fédérale de la famille,
bien que les différentes enquêtes, comme
celle organisée et publiée dans un numéro
spécial de la revue des jeunes Spiesser
(15.02.2008) pour la Fondation
„Erinnerung, Verantwortung und
Zukunft7” semble confirmer le sentiment
de fierté nationale en Allemagne. Il avait
été posé aux adolescents de 14 à 18 ans,
sans distinction de race, de religion et de
genre, la question suivante : „Etes-vous
fier d’être allemand ? 8” Quatre-vingts six
pour cent (86%) répondirent positivement
(par oui), dont trente-quatre (34%) étaient
très fiers, contre trois pour cent (3%) qui
n’étaient pas du tout fier de l’être.
Rapports impressionnants.
Dans son article cité ci-haut, le Professeur
Hallemann ne manque pas d’observer que:
« L’image de l’Allemagne a été ajustée à
l’étranger, suite à la crise financière
grecque. C’est ainsi que New York Times
vit en la Chancelière allemande une
„diseuse-de-non9”, qui avait présenté aux
partenaires européens et au monde, une
nouvelle Allemagne, qui se bat avec
hargne pour ses intérêts nationaux et, qui
avait „choqué” certains partenaires. »
Le sommet de l’Union européenne de
Bruxelles (29.10.2010) vient de confirmer
l’autorité et la puissance tant de la nouvelle
Allemagne que celles de la Chancelière
6 Ein Stück Verdummung. www.german-foreign-
policicy. 01.07.2010. 7 Fondation Souvenir, Responsabilité et Avenir. 8 Seid ihr stolz, deutsch zu sein? Spiesser Spezial.
Die Jungendzeitschrift.
www.stiftung.evz.de/w/files/efp/spiesser_spezial_st
olz.pdf. 15.02.2008. 9 Nein-Sagerin.
3
Merkel, comme on pouvait le lire dans la
presse européenne, aux exemples de10
:
Sabah (Turquie): « L’Allemagne
devient de plus en plus forte et c’est
la raison pour laquelle, elle veut
exercer plus de droit d’intervention
(…) Avec cela, l’Allemagne sort
plus puissante du sommet de
l’Union européenne. La
Chancelière avait eu du succès. »
Dagens Nyheter (Suède) : « La
Chancelière Merkel a imposé son
autorité pour deux modifications du
Traité de Lisbonne. »
Pourquoi l’Allemagne avait-elle traité sans
ménagement deux de ses partenaires de
l’OTAN, le Portugal et le Canada, pour se
faire élire au Conseil de sécurité des
Nations unies, en tant que membre non-
permanent ? C’est un quotidien berlinois11
,
qui livre la réponse :
« Le Conseil de sécurité des Nations unies
est la centrale du pouvoir mondial. Les
membres du Conseil de sécurité pourraient
ou peuvent :
autoriser la guerre,
infliger des sanctions,
envoyer les missions de paix. »
Il est à noter que deux semaines avant
l’élection de l’Allemagne au Conseil de
sécurité en tant que membre non-
permanent, Klaus Kinkel, ancien patron
des services de renseignements ouest-
allemands et ancien ministre des affaires
10 Deutschlandradio – Presseschau - Samstag, 30.
Oktober 2010.
www.dradio.de/presseschau/20101030120000. 11 Berlin will ins Machtzentrum der UN.
www.tagesspiegel.de. 10.10.2010.
étrangères, avait déclaré dans une
interview à un quotidien allemand12
:
« „ Celui qui paie, doit dire son mot et
participer à la prise des décisions”, faisant
rappeler que l’Allemagne est le troisième
gros argentier des Nations unies13
. »
Wie viel Europa darf es sein?14
(Combien
d’Europe doit-il y avoir ?), s’interroge
Ulrike Guérot, dans une réflexion
inaugurale à une série de conférences et de
publications sur le futur rôle de
l’Allemagne en Europe, initiée par le
Think tank allemand European Council on
Foreign Relations (ECFR).
Selon Guérot, « l’ordre transatlantique de
Yalta et l’ordre européen de Maastricht
sont non seulement deux cotés d’une
même médaille, mais aussi paradigmes et
credo, par conséquent, les deux époques
sont dépassées, vingt ans après la
réunification. »
Selon cet auteur, « entre 1949 et 1989,
l’Allemagne était un Seigneur
débonnaire15
, qui réglait volontiers les
factures de l’Union européenne, en
devenant l’argentier principal des
institutions européennes. Cette fonction
d’argentier avait fait de l’Allemagne le
spiritus rector, la locomotive de l’Europe,
lui permettant ainsi de façonner l’Europe
selon ses principes socio-économiques et
juridiques. (…) Bref, l’Allemagne avait
fait de l’Europe sa raison d’état : les
intérêts de l’Allemagne et le bien-être de
12 Ex-Außenminister Kinkel stärkt Westerwelle.
(Die Welt am 28.09.2010) 13 Echte Weltpolitik: www.german-foreign-
policy.de. 13.10.2010. 14 Guérot, Ulrique: Wie viel Europa darf es sein?
Überlegungen zu Deutschlands Rolle im Europa
des 21. Jahrhunderts. Ein Diskussionspapier.
www.ecfr.eu. 28.10.2010. 15 Gutmütiger Hegemon.
4
l’Europe étaient sur le même pied
d’égalité. L’Allemagne et l’Europe étaient
en symbiose ! (…) L’Allemagne défend
aujourd’hui „ses” intérêts nationaux en
Europe. »
C’est depuis la „politique de
normalisation” du chancelier Schroeder,
que l’Europe se trouve de moins en moins
au centre des préoccupations de la
politique étrangère de l’Allemagne.
Politique de normalisation sous le
chancelier Schroeder.
Un gouvernement allemand de „gauche”,
avec un chancelier social-démocrate
(Schroeder) et un ministre des affaires
étrangères vert-écolo (Fischer), avait
entrepris et réussi un tour de force, qu’un
gouvernement de „droite” n’aurait
probablement pas osé :
la réforme de fonds de la
Bundeswehr (armée) avec la
réinstauration d’un état-major
général (à Potsdam),
un changement radical de la
mission et de la doctrine de la
Bundeswehr, créée pour défendre
au sein de l’OTAN „les valeurs de
la liberté et de l’ordre
démocratique” et l’intégrité
territoriale de l’Allemagne fédérale
face au bloc du Pacte de Varsovie ;
vingt ans après la réunification, la
Bundeswehr se voit confier une
nouvelle mission : garantir et
assurer, si c’est nécessaire par la
force (les armes), les voies
d’approvisionnement et
l’approvisionnement en matières
premières de l’industrie
allemande16
,
une relecture de l’identité de la
nouvelle Allemagne, qui a abouti à
rendre le concept paradigmatique
„élite”17
salonfähig, concept
négativement chargé sous les
nazis18
.
La coopération au développement et la
Bundeswehr au service de l’économie.
« La sauvegarde de l’approvisionnement
avec les matières premières est pour
l’Allemagne un des principaux défie du
21ième
siècle », peut-on lire dans un
communiquer de presse19
du groupe
parlementaire chrétiens-
démocrates/chrétiens sociaux (CDU/CSU)
du Bundestag (parlement fédéral
allemand), à l’occasion du Forum sur la
politique de développement „Politique
étrangère et politique de défense. La
politique de la coopération au
développement peut assurer
l’approvisionnement en matières
premières”, organisé par le groupe
parlementaire cité ci-haut. Extrait d’un
document de base présenté à ce Forum
intitulé „Sceller plus fortement
l’approvisionnement avec les matières
premières et la coopération économique.
Utiliser l’effet de synergie pour une
16 Wagner, Jürgen: Deutschlands Kampf um den
letzten Tropfen. Militärische Rohstoffsicherung und
die kommenden Krieg. Informationsstelle
Militarisierung. IMI-Magazin, Februar 2008. 17 Gabriel Oscar W., Neuss Beate, Rüther Günther (Hrsg.): Konjunktur der Köpfe? Eliten in der
modernen Wissensgesellschaft. Droste Verlag,
Berlin 2004. 18 Boszat Martin, Schwabe Klaus (Hrsg.): Die
deutschen Eliten und der weg in den Zweiten
Weltkrieg. Verlag C. H. Beck, München 1989. 19 Klimke Jürgen, Dr. Ruck Christian :
Pressemitteilungen, Mittwoch, 13. Mai 2010.
www.cducsu.de
5
promotion durable des matières premières
et le développement” :
« La politique de coopération économique
devra être axée sur les initiatives, qui
contribuent à l’approvisionnement de
l’Allemagne et de l’Europe avec les
matières premières20
»
Un peu plus d’une année plus tard, après ce
Forum (22.05.2010), le président allemand
Köhler disait dans une interview avec le
Deutschlandradio :
« Mon opinion est en fait, que nous, dans
l’ensemble ainsi qu’une large partie de la
société, sommes en train de comprendre,
qu’un pays aussi grand que le nôtre dont le
commerce est orienté vers l’exportation et
qui dépend du commerce extérieur, doit
savoir, qu’en cas de doute, qu’en cas de
nécessité, une intervention militaire est
aussi indispensable, pour défendre nos
intérêts, par exemple les voies de
commerce libre, par exemple empêcher les
instabilités des régions entières, instabilités
qui pourraient sûrement avoir de
répercussions négatives sur le commerce,
les emplois et les revenus21
. »
Cette phrase de l’interview provoqua un
tollé dans une certaine presse22 , 23
et une
20 Dr. Ruck Christian, Laurenz Meyer, Jürgen
Klimke : Thesenpapier. Rohstoffversorgung und
Entwicklungszusammenarbeit stärker verzahnen.
Synergieeffekte für eine nachhaltige Rohstoff- und
Entwicklungsförderung nutzen. www.cducsu.de.
13. Mai 2009. 21 „Sie leisten wirklich Großartiges unter schwierigsten Bedingungen”. Horst Köhler im
Gespräche mit Christopher Ricke. Aktuell vom
22.05.2010. dradio.de/aktuell/1191138.
http://ondemand-
mp3.dradio.de/file/dradio/2010/05/22/dlf_2010052
2_0812_27aa882.mp3 22 Köhler: Bundeswehr-Einsatz für wirtschaftliche
Interessen. 27.05.2010.
www.evangelisch.de/themen/politik/köhler-
partie de la population (la gauche et les
pacifistes allemands), à tel point, Köhler,
dans une conférence de presse
(31.05.2010), qui laissa toute l’Allemagne
presque dans un état d’apoplexie générale,
déclara sa démission avec effet immédiat24
.
Ces critiques étaient-elles justifiées ? Ce
pacifisme romantique est-il compatible
avec les réalités du commerce extérieur
allemand ? La realpolitik parle un autre
langage, car au moment de la publication
du „Livre blanc 2006 sur la politique de
sécurité de l’Allemagne et sur l’avenir de
la Bundeswehr (p. 9)25
”, il y avait silence
radio, RAS (rien à signaler) dans l’opinion
publique nationale allemande, alors qu’on
peut y lire, dans le résumé en langue
française:
« La politique de sécurité de l’Allemagne
se laisse guider par les valeurs de la Loi
fondamentale et par l’objectif de préserver
les intérêts de notre pays, qui consistent
notamment à :
(…) encourager le développement libre et
sans entrave du commerce mondial comme
fondement de notre prospérité tout en
aidant à surmonter le fossé entre les
régions riches et pauvres de la planète26
. »
bundeswehr-einsatz-für-wirtschaftliche-
interessen.18512 23 Jaschensky Wolfgang: Köhler: Krieg für freien
Handel. 27.05.2010.
http://sueddeutsche.de/politik/bundeswehreinsatze-
koehler-wirtschaftsinteressen-militaerisch-
durchsetzen-1.950594 24
www.tagesschau.de/inland/koehlerruecktritt100.html 25 Weißbuch 2006 zur Sicherheitspolitik
Deutschlands und zur Zukunft der Bundeswehr
2006.
www.bmvg.de/fileserving/Portalfiles/C1256EF400
036BO5B/W26UYEPT43INFODE/WB_2006_dt_
mB.pdf 26 Livre blanc 2006 sur la politique de sécurité de
l’Allemagne et sur l’avenir de la Bundeswehr.
6
Après la démission du président Köhler
(31.05.2010), le ministre allemand de la
défense, Guttenberg, lors de son discours à
l’ouverture du 9e Congrès sur la sécurité et
la défense européenne27
, tenu du 09 au 10
novembre à Berlin, passe à l’offensive en
défendant et reprenant la thèse développée
par Köhler dans son interview du
22.05.2010 :
« Aujourd’hui, notre sécurité est, entre
autres, menacée par le terrorisme
international, les instabilités régionales, la
criminalité organisée, la piraterie et la
vulnérabilité de nos voies de commerce28
.
»
En d’autres mots :
« Il doit être tenu compte de la sécurité
des voies commerciales et des sources des
matières premières du point de vue de
politique de sécurité et de stratégie
globale29
. »
Le reflexe de Pavlov obligeant, lorsqu’il
s’agit de certains sujets sensibles pour une
partie de l’opinion allemande, ce discours
de Guttenberg a fait aussi de vagues30
,
mais pas jusqu’à déstabiliser ses propres
www.bmvg.de/fileserving/Portalfiles/C1256EF400
036BO5B/W26UWA2AO72INFODE/BMVg_100_
WB_fran.pdf 27 Guttenberg: Rede beim Berliner Verteidigungskongress. 09.11.2010.
http://augengeradeaus.de/2010/11/dokumantation-
guttenberg-rede-beim-berliner-
verteidigungskongress/ 28 Wagner Thomas : Freie Fahrt für Handelswege.
www.hintergrund.de qui cite
http://www.podcast.de/episode/1887587/Berliner_S
icherheitskonferenz_mit_Rede_zu_Guttenberg
29
http://augengeradeaus.net2010/11/dokumentation-
guttenberg-rede-beim-berliner-
verteidigungskongress/ 30 Guttenberg will Wirtschaftsinteressen militärisch
absichern. www.united-mutations.org. 12.11.2010.
convictions et la réalité du commerce
extérieur allemand. Attaqué sur ce point au
Bundestag par l’opposition, Guttenberg
l’accuse de s’être endormie, alors que c’est
depuis 6 mois (mai 2010), que cette
doctrine fait partie des directives de la
politique allemande31
.
Mais, y-a-t-il quelque chose de nouveau
sous le soleil ? Non, sous le chancelier
Schroeder, le ministère de la défense
Allemagne avait publié une brochure avec
les directives de la politique de défense,
dont la directive Nr. 27 :
« L’économie allemande est vulnérable à
cause du volume élevé de son commerce
extérieur et de ce fait lié davantage et
d’une manière particulière à la
vulnérabilité des voies et moyens de
transport32
. »
Dans le rapport annuel de la Force navale
(Bundesmarine), on peut lire au chapitre
11.2 „Mission de la marine” (p. 216) :
« La transformation de la Marine en
„Marine expéditionnaire” (Expeditionary
Navy) reste prioritaire. La Marine a au-
delà une responsabilité particulière, qui est
celle de la protection rapprochée de
l’Allemagne, de ses citoyennes et citoyens,
ceci à l’intérieur de ses frontières aussi.
Elle (responsabilité) résulte surtout de la
dépendance maritime de l’Allemagne en
31
http://mediathek.de/daserste/servlet/content/579931
6 32 Verteidigungspolitische Richtlinien für den
Geschäftsbereich des Bundesministeriums der
Verteidigung. Berlin, 21.05.2005.
www.bmvg.de/fileserving/Portalfiles/C1256EF400
036BO5B/N264XJ5C768MMISDE/VPR_BROSC
HUERE.PDF
7
tant que nation dépendant du commerce
extérieur et de matières premières33
. »
Les sauts d’humeurs d’une certaine presse
et certains milieux politiques allemands ne
sont que pour amuser la galerie, pour de
raisons d’Etat, car une fois au pouvoir,
l’opposition actuelle prendrait les mêmes
décisions, d’ailleurs n’avait-elle pas elle-
même posé les jalons de l’actuelle
politique ?
Le BDI34
– le cartel des industries
allemandes, lors de son 3e Congrès sur les
matières premières „ Sécurité [de
l’approvisionnement] des matières
premières pour l’Allemagne et l’Europe35
„
, qui s’est tenu, le 27 octobre 2010, à
Berlin, avait posé plusieurs revendications
dont celle-ci à la politique de coopération
allemande :
« Coupler la coopération au
développement aux projets d’investissions.
Lors de la planification des mesures de
politique de développement, les projets
d’investissions des entreprises allemandes
et européennes devraient être pris en
considération et couplés dans la mesure du
possible et d’une manière efficace. » Donc,
la politique de la coopération allemande est
aussi un instrument au service de
l’industrie allemande.
33 Jahresbericht 2010 – Fakten und Zahlen zur
maritimen Abhängigkeit der Bundesrepublik
Deutschland.
www.marine.de/fileserving/PortFiles/02DBO70000000011/W28AKCPL186INFODE/jahresbericht201
0_web.pdf 34 BDI : Bundesverband der deutschen Industrie. 35 3. BDI – Rohstoffkongress. Rohstoffsicherheit
für Deutschland und Europa. Berlin, 26 Oktober
2010.
www.bdi.eu/download_content/EnergieUndRohstof
fe/BDI_Rohstoffsicherheit.pdf
www.presseportal.de/pm/6570/
Afrika-Verein36
, les fondations
politiques au service de l’industrie et de
la politique de coopération économique
allemande.
A ce stade des observations et de l’analyse,
on peut sans coup férir, soutenir que :
1. l’Afrique, en tant que source de
matières premières indispensables à
l’industrie allemande se trouve
dans le colimaçon de la nouvelle
doctrine militaire allemande,
2. l’Allemagne et l’Afrique ont un
adversaire commun, qui veut soit
les forcer à tourner en rond soit les
empêcher de tourner en rond :
l’Europe (l’Union européenne), qui
saigne, à blanc l’Allemagne et qui
engage toutes ses énergies positives
et négatives pour enfoncer
l’Afrique plus bas que terre37
,
3. l’Allemagne sans l’Europe devrait
être soutenue par l’Afrique, car
l’Union européenne sans
l’Allemagne n’est qu’un chien de
faïence ; même pas un tigre en
papier.
36 Afrika-Verein: association créée il y a un peu
plus de 75 ans, qui regroupe plus de 650
entreprises, institutions et particuliers. Afrika-
Verein est l’interlocuteur et conseiller sur le plan
des relations économiques avec et en Afrique., qui a
comme mission servir d’intermédiaire pour la mise
en contact au service des relations économiques
germano-africaines et dont les objectifs sont :
source d’informations et de contacts avec et en Afrique ; réseau de contact entre les membres ;
représentation des intérêts et lobbying à Berlin et
Bruxelles. Conseiller pour entreprises allemandes
en Afrique sur les opportunités et risques éventuels
des marchés africains.
www.afrikaverein.de/fr/index.php 37 ALTERNATIVES EUROPE-AFRIQUE: L’UE
constitue la principale menace pour l’Afrique.
www.tlaxcala.esp/pp.asp?reference=4332?lg=fr
8
4. l’Europe sans l’Afrique et sans
l’Allemagne n’est que son propre
fantôme,
5. face à l’Europe, l’Allemagne et
l’Afrique auraient dû être des alliés
objectifs naturels, mais
l’Allemagne ne l’entend pas de
cette oreille : l’Afrique n’est qu’un
continent fournisseur des matières
premières,
6. l’Allemagne a une Wahrnehmung
diffuse et confuse de l’Afrique.
Personne ne viendra à l’idée que les maux
structurels et conjoncturels, que connaît
l’Afrique depuis cinquante ans sont
entièrement d’origine externe au continent,
tout comme personne n’affirme que le
péché originel et les péchés véniels que
sont, sans être exhaustif :
Les fraudes électorales,
la corruption,
la phallocratie,
les forces de sécurité (armées,
polices etc.) non démocratiques,
la démagogie,
les déficits en matière de la
protection des droits humains et de
la protection de l’environnement
(cas extrême : le syndrome du
Katanga38
),
une presse muselée,
la détabouisation de l’Autorité
séculaire,
38 DOSSIER BODEN: Vom Winde verweht. Bild
der Wissenschaft, 2/1996: 52 – 56.
l’occidentalisation violente et/ou
sournoise des valeurs ontologiques
et éthiques séculaires,
ne sont pas les causes principales du dé-
développement, de la marginalisation et de
la décélération du processus de la
mondialisation du continent africain, et
dans une certaine mesure, du désarrimage
de l’Afrique du processus de la
mondialisation.
Eu égard à ce qui vient d’être esquissé ci-
dessus :
quelle image, quelle représentation
de l’Afrique, l’Allemagne se fait-
elle ?
l’Allemagne voit-elle en l’Afrique,
un allié géopolitique,
géostratégique, géoéconomique, ne
fût-ce que potentiel ?
que peut attendre l’Afrique de la
nouvelle „realpolitik” de la
nouvelle Allemagne ?
quelles sont les leçons et les
conséquences pour l’Afrique ?
Voici les réponses de l’Allemagne à ces
questions :
« Quatre cents coups. Chantage.
Provocations. Insolence. Moqueries.
Cynisme. Humiliations. Mépris.
Arrogance. Pitié factice. Injures. Ce sont
ces prédicats, qui accompagnent le
discours politique allemand et la politique
allemande vis-à-vis de l’Afrique39
. »
39 Tundanonga-Dikunda Shungu: Zur Ambivalenz
des politischen Diskurses und der
Rahmenbedingungen der Zusammenarbeit
zwischen Afrika und Deutschland bzw. den
Industrieländern (1998). Inédit.
9
Est-ce que l’Afrique mérite ces affronts ?
Est- ce que ces affronts sont l’expression
d’un cas atypique d’amnésie historique de
toute une nation ou le mépris du continent
africain de la part de la classe politique
allemande? Alors que presqu’aucune voix
ne se levait contre le statu quo sur la
séparation de l’Allemagne, une voix
panafricaniste africaine demandait des
négociations germano-allemandes sur
l’avenir de la nation allemande (1961).
Il y aura bientôt cinquante ans (06
septembre 1961), un panafricaniste
africain, le président du Mali, Modibo
Keita, lors de la conférence des pays non-
alignés, à Belgrade déclarait dans son
allocution sur la situation de l’Allemagne
et des autres pays partageant le même
destin qu’elle :
« Nous voici donc réunis à Belgrade, à la
conférence historique des pays non-
alignés, et je dois confesser que je préfère
l’expression «non-engagés ». Oui, nous
sommes engagés auprès des peuples qui
luttent pour conquérir leur indépendance
contre ceux qui les privent de leur liberté et
exercent sur eux une répression sauvage,
nous sommes engagés auprès de ceux qui
considèrent que tous les peuples sont
égaux, ont droit au respect. (…) Il devient
impérieux que notre conférence dise son
mot et clairement sur les questions où
s’opposent les deux blocs. (…) Il existe un
autre problème grave, dont le côté humain
ne doit pas être négligé et qui crée un
véritable cas de conscience avec la
situation imposée en Corée, au Viêt-Nam
et en Chine. Les peuples coréen,
vietnamien, chinois et allemand40
aspirent
à la réalisation de leur unité nationale.
Pourquoi la parole ne serait-elle pas
40 C’est l’auteur qui souligne.
donnée aux peuples intéressés pour qu’ils
engagent entre eux des négociations ?41
»
Le continent africain manque cruellement
des : Nkrumah, Modibo Keita, Sankara,
Sobukwe, Nasser, Lumumba, Ngouabi,
Massamba-Débat, Murtala Mohamed, Ben
Barka, Ben Bella, Sékou Touré, Daddis
Camara, Ken Saro Wiwa, pour ne citer
que ces quelques noms, pour relever, au
nom de l’Afrique, les défis allemand et
européens, ainsi que le défi de la
mondialisation.
L’Afrique ne peut attendre rien de
positif, rien de constructif de la nouvelle
Allemagne.
Cinquante ans, il n’y a pas eu de
communication entre l’Afrique et
l’Allemagne (exception faite de 1960 –
1990, entre la défunte République
démocratique allemande, d’un côté et de
l’autre côté les pays africains dits
progressistes et les mouvements de
libération). Pendant cinquante ans, aucun
mécanisme de communication n’avait été
développé entre l’Allemagne et l’Afrique.
Pendant cinquante ans, il n’y a pas eu de
dialogue entre l’Allemagne et l’Afrique.
Alors, pourquoi la nouvelle Allemagne
devenue consciente de sa puissance devra-
t-elle, dans sa nouvelle politique étrangère,
tenir compte du continent africain où les
satrapes et proconsuls de la France et de la
Grande-Bretagne sont aux affaires des
Etats ? Pourquoi cette Allemagne, qui fait
danser et marcher à la baguette, ses
partenaires tant au sein de l’Union
européenne qu’au sein de l’OTAN
ménagerait-elle le continent africain,
41 Modibo Keita : Allocution prononcée le
06/09/1961, à la Conférence des non-alignés à
Belgrade du 01/09/1961 au 06/09/1961.
http://modibokeita.free.fr/Discours.html.
10
continent sans personnalité politique et qui
refuse d’en développer une ?
Non. La nouvelle Allemagne, consciente
de sa puissance, n’a nullement besoin de
modifier les règles de jeu avec l’Afrique –
même faute de politique africaine -, au
contraire, elle fera/fait déjà sentir à
l’Afrique de quel bois elle se chauffe.
D’ailleurs la République démocratique du
Congo vient de l’apprendre à ses dépends
et le Soudan, bientôt, en mars 2011, lors du
referendum au Sud-Soudan.
Le cas de la République démocratique
du Congo.
„Niebel42
menace le Congo. L’aide sera-t-
elle suspendue à cause de l’expropriation
de la GtZ43
?”, demandait le quotidien
allemand Frankfurter Allgemeine
Zeitung44
. Dans le même quotidien, Scheen
dans un article „Le bois de chauffage le
plus cher d’Afrique45
”, fait découvrir le pot
aux roses.
La GtZ avait passé une commande de bois
sec d’une valeur de 47000USD, à un
homme d’affaires congolais, en 1994. Une
fois le bois délivré, la GtZ se rétracta, ce
qui mit l’homme d’affaires congolais dans
l’obligation d’assigner la GtZ devant les
tribunaux congolais. Après plusieurs
années de tractations et des procès, la GtZ
perdit les procès devant de différentes
instances judiciaires congolaises.
42 Niebel Dirk : ministre de la coopération
allemand. 43 (Deutsche) Gesellschaft für technische
Zusammenarbeit (GtZ): société de coopération
allemande technique, juridiquement une société à
responsabilité limitée. 44 Niebel droht Kongo. Wird Hilfe wegen
Enteignung der GtZ ausgesetzt? Frankfurter
Allgemeine Zeitung, 10.09.2010. 45 Scheen Thomas: Das teuerste Brennholz Afrikas.
Frankfurter Allgemeine Zeitung, 09.09.2010
Finalement, la GtZ fut condamnée, en
2006, à payer les frais de justice, le
manque à gagner, intérêts et les frais
cumulés de la facture au plaignant, en tout
303804USD. Ne l’entendant pas de cette
oreille, la GtZ refusa de s’exécuter.
Entretemps, une organisation non
gouvernementale (ONG) avait posé plainte
contre la GtZ pour une affaire similaire de
non paiement d’une facture cumulée de
924000USD, suite à un contrat conclu
entre les deux parties (2002) et que la GtZ
n’avait respecté.
Finalement, le tribunal décida de bloquer
tous les 44 (!) comptes bancaires de la GtZ
et la saisie de tous ses biens meubles et
immeubles en République démocratique du
Congo. Pour payer ses employés, la GtZ fit
entrer, en contrebande (une infraction
selon les lois congolaises), de l’argent
liquide à partir de Bujumbura (Burundi) et
fit intervenir l’Etat allemand à travers le
ministère de la coopération pour rendre les
décisions des tribunaux congolais nuls. Par
la voix de son ministre de tutelle chargé de
la coopération, l’Etat allemand utilisa,
deux des armes préférées communes à tous
les Etats voyous occidentaux contre les
Etats faible (leur dada), dans ce cas
présent, contre la République démocratique
du Congo : le chantage et les menaces à
caractère d’ultimatum en d’autres mots :
ou bien les tribunaux congolais cassent
leur décision et blanchissent la GtZ ou bien
l’Allemagne suspend la coopération
économique et tout le bric-à-brac
d’accompagnement. Mise devant ce choix
manichéen, la République démocratique du
Congo, pour raison d’Etat, annula toutes
les décisions de ses propres tribunaux,
niant ainsi les principes de „ l’autorité de la
chose jugée” et celui de „good
governance”, en plaçant de facto la GtZ
11
au-dessus de sa Constitution46
, alors que
deux articles (149 et 151) de cette même
constitution stipulent :
« Article 149
Le pouvoir judiciaire est indépendant du
pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il
est dévolu aux Cours et Tribunaux qui
sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de
cassation, le Conseil d’Etat, la haute Cour
militaire, les cours et tribunaux civils et
militaires ainsi que les parquets attachés à
ces juridictions.
Article 151
Le pouvoir exécutif ne peut donner
d’injonction au juge dans l’exercice de sa
juridiction, ni statuer sur les différends, ni
entraver le cours de la justice, ni s’opposer
à l’exécution d’une décision de justice.
Le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur
les différends juridictionnels, ni modifier
une décision de justice, ni s’opposer à son
exécution.
Toute loi dont l’objectif est manifestement
de fournir une solution à un procès en
cours est nulle et nul effet. »
Cet exemple montre et démontre les
contradictions dans les rapports
qu’entretiennent l’Union européenne
(l’Allemagne) avec les Etats africains :
d’un côté imposer/vouloir imposer de
principes tels que la bonne gouvernance et
l’indépendance du pouvoir judiciaire, et, de
l’autre côté, torpiller et saborder non
seulement l’application, mais aussi le
respect de ces mêmes principes, qu’ils
46 Journal officiel de la République démocratique
du Congo. Cabinet du Président de la République :
Constitution de la République démocratique du
Congo. 47ème année, Kinshasa – 18 février 2006,
numéro spécial.
imposent comme conditionnalités à remplir
pour jouir de toute la coopération
économique structurelle.
Le cas du Sud-Soudan.
Soudan, une des bêtes noires africaines
(l’autre étant le Zimbabwe) pour
l’Allemagne47
. Que ce soit le
gouvernement, les Think tanks ou les
ONG allemands: le Soudan cause des
migraines à tous et à tout en Allemagne, et,
l’Allemagne a engagé non seulement son
capital en stratégie de déstabilisation des
régimes, qui ne partagent pas ses visions
politico-économiques, à travers les
fondations politiques48
(cas typiques :
Turquie et Venezuela49
) et autres Think
tanks spécialisés sur l’Afrique, mais aussi
son capital économico-financier, à travers
ses puissants lobbyistes industriels-
commerciaux au sein de l’association
Afrika-Verein50
, ainsi que son capital en
human resource sous forme d’experts en
47 Sudan: Anti-Karthum-Front. www.german-
foreign-policy.com. 13.12.2006. 48 Wirksamste Instrumente der deutschen
Außenpolitik. www.german-foreign-policy.com.
04.03.2003.
Deutsche Stiftungen: Dem äußeren und inneren
Frieden förderlich. www.german-foreign-policy.com. 07.12.2002. 49 Drohungen. www.german-foreign-policy.com.
26.12.2002.
Generalsprotest : www.german-foreign-policy.com.
04.11.2002. 50 Afrika-Verein: association créée il y a un peu
plus de 75 ans, qui regroupe plus de 650
entreprises, institutions et particuliers. Afrika-
Verein est l’interlocuteur et conseiller sur le plan
des relations économiques avec et en Afrique., qui a
comme mission servir d’intermédiaire pour la mise en contact au service des relations économiques
germano-africaines et dont les objectifs sont :
source d’informations et de contacts avec et en
Afrique ; réseau de contact entre les membres ;
représentation des intérêts et lobbying à Berlin et
Bruxelles. Conseiller pour entreprises allemandes
en Afrique sur les opportunités et risques éventuels
des marchés africains.
www.afrikaverein.de/fr/index.php
12
coopération, pour mener sa mission à
terme : la scission du Soudan51
.
C’est ainsi que, bien avant la signature des
accords de paix de la guerre civile au Sud-
Soudan (09.01.2005), l’Allemagne
officielle sur recommandations de ses
„spécialistes” de l’Afrique, avait remis en
question le principe de l’intangibilité des
frontières en Afrique, principe qu’elle
considère désormais comme étant un
obstacle majeur aux intérêts supérieurs de
l’Allemagne52, 53
, dans les zones des pays
riches en matières stratégiques, en
l’occurrence, le pétrole, l’or et l’uranium
dans le cas du Sud-Soudan54
.
Bien avant la signature des accords de
paix, dans la perspective de la création
d’un nouvel Etat en Afrique, après la
scission du Soudan soit par une voie
pacifique (referendum, qui n’offre aucune
garantie qu’il n’y aura pas de manipulation
au profit des Sudistes) soit par une lutte
armée, l’Allemagne :
avait déjà autorisé l’ouverture d’un
bureau de représentation du
SPLA/SPLM55
sur son sol et
accueillait les délégués dont les
ministres de ce mouvement
insurrectionnel, qui au départ
51 New Sudan. www.german-foreign-policy-com.
14.02.2006.
Die Bahn zur Unabhängigkeit: www.german-
foreign-policy.com. 18.07.2004.
Teile und Heersche: www.german-foreign-
policy.com. 04.05.2004. 52 Deutsche „Vision von einem neuen Afrika“: „Gewalttätige Ausbrüche in einigen Staaten“ .
www.german-foreign-policy-com. 17.07.2002 53 Völkische „Neueordnung“ für Afrika.
www.german-foreign-policy-com. 08.03.2003. 54 Reichhaltige Bodenschätze. www.german-
foreign-policy-com. 26.05.2004. 55 SPLA/SPLM: acronyme en anglais pour armée
populaire de libération du Soudan/mouvement
populaire pour la libération du Soudan.
luttait pour la protection des
chrétiens et animistes Sudistes
contre les incursions arabo-
musulmanes des esclavagistes du
Nord,
avait déjà débuté la formation des
nouveaux agents et fonctionnaires
de la nouvelle administration du
futur Etat, et,
est déjà en train de construire d’une
voie ferrée, longue de 2500km,
entre Juba (Sud-Soudan) et le port
de Mombassa (Kenya)56
.
Le gouvernement légal du Soudan n’était
pas associé à ces décisions.
Politique ou pseudo politique africaine
de l’Allemagne.
Si nous observons de près ou analysons la
politique étrangère de l’Allemagne avec
l’Afrique, nous constatons, que
l’Allemagne ne possède ni de politique
africaine57
ni stratégie de politique
africaine : l’Allemagne n’est ni plus ni
moins qu’un éléphant dans un magasin de
porcelaine ou un escrimeur aveugle,
malgré les trois ministères fédéraux
(affaires étrangères, commerce, défense et
coopération), qui ont en charge les
relations avec les Etats étrangers , ainsi que
les différents Think tanks dont les
fondations politiques, qui de temps en
temps délivrent de documents de réflexions
sur l’Afrique, que l’on ne peut classer que
dans la catégorie „polémique”, à l’exemple
56 Die Bahn zur Unabhängigkeit. www.german-
foreign-policy.com. 18.07.2004. 57
Tundanonga-Dikunda Shungu: Zur Ambivalenz
des politischen Diskurses und der
Rahmenbedingungen der Zusammenarbeit
zwischen Afrika und Deutschland bzw. den
Industrieländern (1998). Inédit.
13
du „Mémorandum pour la formation de la
nouvelle politique africaine allemande58
”
dont les auteurs constituent le Cercle des
conseillers pour l’Afrique du ministère des
affaires étrangère allemand59
(voir plus
loin Tundanonga : In memoriam
Professeur Ki-zerbo).
La peopelisation et la diabolisation de
l’Afrique sont devenues monnaie courante,
comme les contributions de ce cercle dans
deux numéros d’une revue60
publiée par la
Bundeszentrale für politische Bildung
(bpb)61
, en 2009.
Beaucoup d’indicateurs montrent que
certains comportements et agissements des
humanitaires allemands, en Afrique (Est de
la République démocratique du Congo,
1994) ne cachent plus leurs sentiments
négro phobiques, qui rappellent ceux des
Sudistes du deep South des USA.
« Chacun le savait, il était
incommensurablement aberrant, d’y
emmener les secouristes et les étudiants en
médecine. Personne ne viendrait, en
Allemagne, à l’idée de faire intervenir les
étudiants en médecine sur nos concitoyens.
Mais, pour les Nègres, l’idée est
apparemment excellente», s’était
enflammé un mogul allemand de
l’humanitaire, Rupert Neudeck62
. Ce
58 Engel Ulf, Kappel Robert, Klingebiel, Mair
Stefan, Mehler Andreas, Schmidt Siegmar:
Memorandum zur Neugründung der deutschen
Afrikapolitik. Frieden und Entwicklung durch
strukturelle Stabilität. Berlin, Oktober 2000.
www.fize.de/pdf/f.ize_afrikamemorandum.pdf 59 Afrikaberatungskreis des Auswärtigen Amtes. 60 Afrika –Länder und Regionen. Informationen zur
politischen Bildung, 302, 1/2009.
Afrika – Schwerpunktthemen. Informationen zur
politischen Bildung, 303, 2/2009. 61 Office central pour l’éducation populaire. 62 Knaup Horand: hilfe, die Helfer kommen.
Beck’sche Reihe 1172, Verlag Beck, München
1996: 37.
malheureux exemple illustre clairement la
perception allemande de l’Afrique.
Comment expliquer ce phénomène de
déshumanisation des rapports germano-
congolais, que l’on rencontre aussi, chez
les autres pays européens, alors que
l’influence allemande au Congo remonte à
la coalition germano-congolaise de
circonstance, après la guerre franco-
allemande (1870/71), initiée par Bismarck,
qui aboutit à l’internationalisation de
l’embouchure du fleuve Congo et du
fleuve, qui fut scellé lors de la Conférence
de Berlin (15 novembre 1884 – 26 février
1885)63
?
La raison principale de ces déficits en
histoire se trouve dans le fait que les
instituts supérieurs et universités
allemandes ne forment ni politologues ni
sociologues ni économistes de/sur
l’Afrique, comme ils les forment sur
l’Amérique du Nord (USA, par exemple),
sur les pays asiatiques (Japon), sur les pays
musulmans (Iran), sur l’Europe (Russie,
Pologne, France etc.). A ce sujet, la lettre
du Professeur Kum’a Ndumbe III, adressée
aux étudiants et aux professeurs de
l’Institut de sciences politiques Otto Suhr
de l’Université libre de Berlin est
éloquent64
.
L'Allemagne et la tradition
conradienne65
.
63 Chiari Bernhard und Kollmer Dieter H. (Hrsg.):
Wegweiser zur Geschichte. Demokratische
Republik Kongo. 3. Auflage, 2008: 29 – 36. 64 Prof. Kum’a Ndumbe II, Prince Bell: An
Studenten und Professoren des Otto-Suhr-Instituts
für Politikwissenschaft der Freien Universität
Berlin. Berlin, im grauen September 2001.
www.africavenir.org/uploads/media/NdumbeBriefS
tudenten.pdf. 65 Tundanonga-Dikunda Shungu : In memoriam
Professeur Joseph Ki-zerbo (1926 – 2006).
„Identités/Identité pour l’Afrique. www.dacodoc.fr.
14
Soit par mauvaise foi soit par manque
d'experts qualifiés sur les réalités
sociopolitiques africaines, cette
conférence66
avait également mis au grand
jour, ce qui se disait déjà dans les
coulisses : l'Allemagne n'a pas de politique
africaine. La qualité des experts allemands
de l'Afrique, la qualité des journalistes
allemands spécialistes de l'Afrique, la
qualité de la recherche africaine en
Allemagne, ainsi que, la qualité des études
africaines dans les universités allemandes
ont gardé un niveau qui ne permet pas à
l'Allemagne de s'offrir une politique
africaine digne de sa puissance
économique dans le monde, digne de son
rôle géostratégique dans l'Union
européenne, digne de ses aspirations à
revendiquer une place au Conseil de
sécurité des Nations Unies. La vision, la
perception africaine de l'Allemagne
officielle n'a pas changé d'un iota depuis
l'époque d’Eppler, le tout premier ministre
de la coopération de l'histoire de
l'Allemagne dans le gouvernement socio-
libéral du Chancelier Brandt. Cette
politique et la vision de l’Afrique sont
restées statiques, restées au niveau des
années soixante, alors que l’Afrique a
évolué malgré les fautes et les erreurs de
ces élites politico-militaires. Le modus
vivendi est resté le même: ils sont pauvres,
nous savons ce qui leur manque.
L'emprise de "la tradition conradienne et
de la perception du lointain67
" exprimée
dans In the Heart of Darkness de Joseph
Conrad68
, est encore omnipotente et 66 Dix ans de démocratie en Afrique francophone –
Expérience et Perspectives. Conférence organisée
par la Fondation Friedrich Ebert, Berlin (10 –
11.10.2000) 67 Halen, P.: La tradition conradienne et la
perception du lointain, Zaïre-Afrique, 298, 1995:
501-507. 68 Chinua Achebe: «Conrad was a bloody racist.
Certainly, he had a problem with niggers. His
inordinate love of that word itself should be of
interest to psychoanalyst. Sometimes his fixation on blackness is equally interesting.» An Image of
Africa, The Massachusetts Review, 1977, 4: 782-
794. »
omniprésente dans les relations entre
l’Occident et l’Afrique et plus
particulièrement entre l’Allemagne et
l'Afrique. Selon cette tradition:
« (...) faute d'une information sérieuse (un
champ de communication sociale faisant
défaut), on assiste à "la victoire de
l'imaginaire", à l'envahissement du champ
de la décision politique par les mythes et
les fantasmes "littéraires". [Cette tradition]
s'inscrit dans le champ des études d'images
(images du Noir, images de l'Afrique),
mais son originalité est d'étudier cette fois
un cas précis et de montrer clairement les
conséquences d'une désinformation
globale, qui provient essentiellement d'un
égocentrisme à courte vue, à la fois
quantitatif (la carence des moyens requis
par une information sérieuse) et qualitatif
(l'information cherche moins à découvrir et
à expliquer l'objet concerné qu'à illustrer
son propre schéma de pensée ou celui de
son groupe. (...) De l'Afrique, ils n'ont vu
que ce qui coïncidait avec la représentation
conradienne, supposée vraie; or cette
dernière n'était elle-même qu'une
construction littéraire, dont l'enjeu n'était
pas le Congo, mais un sujet occidental en
crise sur la scène d'un théâtre auquel le
Congo fournissait un décor de
déliquescence générale et, littéralement, de
fin du monde. »
Cette thèse développée par l’auteur a été
confirmée dans une étude sur la place de
l’Afrique en Sciences Po dans les
universités allemandes.
Thèses de van Grasdorff et Herhlich69
.
« L’Afrique ne fait pas partie de la
linguistique70
(comparaison des
69 Van Grasdorff Eric und Helfrich Ann Kathrin:
Strukturelle Gewalt und institutioneller Rassismus
im deutschen Wissenschaftsdiskurs. Hindernisse
bei Wiedereingliederung Afrikas in die Deutsche
Politikwissenschaft. 70
Komparatistik: Vergleichende Literatur oder
Sprachwissenschaft.
15
système/Analyse et comparaison) a fortiori
de la théorie politique et de la philosophie
politique, de l’histoire politique ou de
l’économie politique. (…) Les politologues
allemands, en règle générale, sont formés
sans connaissance sur le continent africain.
Pendant leurs études, ils ne reçoivent pas
un aperçu sommaire de l’histoire politique
du continent [africain], sur les idées et les
philosophies africaines, sur les structures
sociales et sur les systèmes politiques.
Alors, si on tient compte du fait, que ce
sont les politologues, qui, après leurs
études, occupent de postes de direction et
de conseillers dans les institutions, les
organes et les organisations nationales et
internationales ; qui occupent de postes
d’experts dans les organismes
internationaux ; on ne peut ne pas donner
raison au Prof. Kum’a Ndumbe III, qui
parle de „responsabilité historique” des
enseignants en Sciences Po. Ces mêmes
politologues, qui pendant toutes leurs
études n’ont rien eu affaires avec
l’Afrique, sont „ceux, qui sont les artisans
essentiels de la politique étrangère
allemande africaine et de la politique des
étrangers en Allemagne”. »
Politique africaine de l’Allemagne new
look: New People – Old style – Old
Dance – Old Deal.
Avec l’apparition des acteurs nouveaux sur
les scènes géopolitique et géoéconomique
mondiales, acteurs qui sont les
altermondialistes, la Chine, l’Inde et le
Brésil ; l’Afrique a désormais les coudées
franches et n’a plus besoin de jouer au
„retiens-moi, où je deviens
communiste/socialiste ; retiens-moi, où je
deviens capitaliste”. La mondialisation
produira des effets négatifs sur l’Afrique,
aussi longtemps que son économie restera
orientée vers l’Europe.
Les règles du jeu ont changé et
l’Allemagne, tout comme l’Europe tarde à
le comprendre, à le saisir. Les
investissements chinois font de l’Afrique
une concurrente de l’Europe, et, les
besoins de l’industrie chinoise en matières
premières et produits énergétiques dont
l’Afrique regorge, mettent l’Allemagne, la
première puissance économique
européenne très mal en point. Pour
l’Afrique, l’Allemagne joue le rôle de la
mouche dans la célèbre fable „le coche et
la mouche71
” : l’Allemagne et l’Europe
sont perçues comme des obstacles au
développement socio-économique de
l’Afrique.
La politique des conditionnalités dans la
politique de la coopération économique
introduite par l’Allemagne, sous le
gouvernement du chancelier Schroeder et
reprise par l’Union européenne est devenue
obsolète, et l’Allemagne, qu’elle le veuille
ou non, finira par s’aligner sur la politique
africaine de la Chine. Mais l’Allemagne a-
t-elle suffisamment de ressources
humaines et psychosociologiques pour
prendre le taureau par les cornes et faire
contre mauvaise fortune bon cœur, en
descendant de son piédestal face à
l’Afrique ? L’Allemagne et l’Europe ont-
elles compris que les temps des proconsuls,
des satrapes et des dictats appartiennent au
passé de l’Afrique ? Ce n’est pas l’Afrique
qui a eu raison de l’Allemagne et de
l’Europe, mais ce sont le pragmatisme
chinois, le sens des affaires de l’Inde et les
liens historiques du Brésil avec l’Afrique.
71 De La Fontaine Jean: le coche et la mouche.
Fables, Livre VII, 8.
http://eppee.ouvaton.org/IMG/pdf/le_coche_et_la_
mouche.pdf
16
A l’occasion du Cinquantenaire des
indépendances africaines, l’auteur avait
organisé, à Afrika Haus de Berlin, une
série de conférences-débats dont „50 ans
de coopération Afrique – Allemagne : Y’a-
t-uil un perdant ? Un gagnant ? Sont-ils
tous les deux à la fois gagnants ou
perdants ? ”. La conférence avait eu lieu le
22 octobre 2010. Ce texte, actualisé, est
l’exposé présenté par l’auteur comme
introduction à ladite conférence.
Berlin, novembre 2010.
Sur l’auteur :
Dr. Shungu M. Tundanonga-Dikunda est
freelance Public & Policy Affairs
Consultant, à Berlin (Allemagne). Il est
membre de la degepol e.V. (Deutsche
Gesellschaft für politische Beratung:
Association allemande des consultants
politiques).
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