\"Valère et ses démons\"

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www"droz.org Pour la France: Diffusion de Boccard 11, rue de Médicis 75006 Paris www.deboccard.com ÉcoLE PRATIQUe DES HAUTES ÉTuDES SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES - V |-{AUTES ÉrUprS nnÉolÉvnrrs ET MODERNES 106 Moine5 êt tÏemons Autobiographie er individualiré au lvloyen Âge (vrr'-xrrr. siècle) Études réunies par DourNrquE BanrnÉrprry & Rorr Gnosss Lrsnarnrr DROZ S.A. - 11, rue Massot, Genève -2014

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11, rue de Médicis75006 Paris

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ÉcoLE PRATIQUe DES HAUTES ÉTuDESSCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES - V

|-{AUTES ÉrUprS nnÉolÉvnrrs ET MODERNES106

Moine5 êt tÏemons

Autobiographie er individualiréau lvloyen Âge (vrr'-xrrr. siècle)

Études réunies par

DourNrquE BanrnÉrprry& Rorr Gnosss

Lrsnarnrr DROZ S.A. - 11, rue Massot, Genève -2014

matleres

Avant-propos ..........

Ijomlnlque SARTHELEMY et Kolf (]ROSSE

AndréVaucnnz

Biographie et autobiographie au Moyen Âg. .......................

lilZalter BrRscnrN

Les démons de Valère du Bierzo (vIf siècle) ............................... 13

Patrick HnNnrBr

Radrier de \ërone, déracteur et démon de lui-même .........27

Rolf Gnossr

Abélard, un moine sans démons ?............................ .............................21)

Jacques VrRcrR

Relire Raoul Glaber

Jacques DRr,enuN

André de Fleury et les démons.... .............................. 85

Dominique BeRTHÉr,E Àdy

Othlon de Saint-Emmeran. La vie comme épreuve dg! nég4iviré..,.,. lql __.-_

Thierry LrsrEun

Guibert deNogent et ses démons. Entre lapsychologieet la sorcellerie ......................

jayRunrNsr,rw

La peur du pèlerin dans l'au-delà. Un regard sur l'hagiographie

Klaus HpRm,ns

lJn combat singulier dans I'image. Moines et moniales face aux démons

55

119

Florence Cnevr-Meurnr45

224 TABLË DES MATIÈRES

L'abbé Richalm de Sch<;ntal placé sous la haute surveillancedes démons

Paul Gerhard Scrrvror (t)\Joncruston 177

Tean-Claude Scrrurrr

Annexe

l. Raoul GlabetHistoires,Y.l à 5 ....----. ..... ............ lB7 i2. Orlrlon de Saint-Emmeran,Liure des uisions,Iv................................... I93 ,-

1 /---:l^-* -i^I\T^-^-- lr^-^^J:-- f .1 .^tJ. UUIUçI l Uç r \(,ËsrrLr lvlurtuur65, L.Ltc ......-.............. ....,.......,. Lv* :

4. Richalm de Schôntal, Liberreuelationurn,Z ............. 208

lndex des noms de lieux et de personnes .....2I3

Liste des contributeurs ...............-........... ....................219

Tâble des illustrations ................... Z2l

E,COTr PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDESSciences historiques et philologiques

LrnRerRrE Dnoz S.A.11, rue Massot - CH-1211 Genève 12

Pour la France : Diffusion De Boccard - I l, rue de Médicis, 75006 Paris

V

HAUTES ÉTUOES MÉDIÉVALES ET MODERNES

Guy BEeu;oueN, Yvonne Pouun-Dn rrux et Jeanne-Marie Dunneu-LapnvssoNN rc, Médecine barnaine et uétérinaire à laf.n du Mo1'en Âge.

Tlois érudes. 1966, 476 p.

Geunrcus, Pornponius De Scalpnra (1504). Édition annotée et tra-

duction par André Chastel et Robert Klein avec un groupe de ravail de

l'École pratique des Hautes Etudes. 1969,340 p-

Ezio ORNero, Jean Muret et ses arnis Nicolas de Clamanges et Jean de

Montreuil. Contribudon à lttude des rapports enre les humanistes de

Paris et ceux dAvignon (1394-1420). Préface de Gilbert Ouy. 1969,

xvut-286p.François DE DArNvrLLn, Le Daupbiné et ses conf.ns uas par linglnieurd.'Henri II/Jean de Beins. 196B,vt-98 p,76 pl. en 2 couleurs.

Umberto Toprsco, Le Personnel de la Cour des cornptes (1807-1830).

Préface deJean Tulard. 1969,256 p.

Michel BnucvrÈnn, La premi.ère Restauratian et son budget. 1969,

xxvtrr-276 p.

Jean Favren, Z es Contri.buables parisiens à lafn de la guene de Cent Ans.

Les rôles d'irnpôt de 1421, 1423 et 1438.I970,vr-374p.Germain BRrcn,Description de la Ville d.e Paris et de tout ce qublle contient

de plus rernarqua&/e. Reproduction de la 9" édkion (1752) accompagnée

d'une notice sur Germain Brice et sa << Description de Paris > et d'une

table cumulative des neuf éditions par Pierre Coder Avant-propos par

Michel Fleary. 197L, tx-152 et 578 p.

Gildas BEnNIRD, Le Secrétari.at d'Éut et le Conseil espagnol des Indæ

( I 700- t 808 ). 1972, x-302 p.

Jean Duroux, La Bibliotbèque et le scriptori.um d.e Moissac. 1972,

xxx-Zl4p.

t69

7.

10.

11.

12.

L4.

15.

Les démons de Valère daBieruo (vrr" siècle)

Patrick Hpi.iRiElÉcole pratique des haates études

N:rRn les Confessi.ons dAugustin et les récits écrits à la premièrepersonne du singulier par les moines des xIt er xrl' siècles, I'ceuvre

de Valère du Bierzo esr sans doute celle qui, dans le monde latin,accorde la plus large part à l'<< autobiographie >>, éranr entendu que ce

terme anachronique renvoie à un mode d'affirmation littéraire du Moiqui n'est pas celui des Modernesi. Son caracrère exceptionnel, le faitqu'elle reste méconnue hors du monde hispanique, son absence presquetotale dans les rravaux récemmenr consacrés à la consrruction de I'indi-virlrr mérliérrl2 .^ilà orri e.-li.rro ce n./ccn.. lo-. .- "..,'^il -^ ÀA^i*-1*' ""r^^-1*"

1. Ilexisteplusieurs éditions modernes des æuvres deValère duBierzo, ladernièreétantcelle de Manuel CecilioDîazy Diaz, Yalerio del Bierz;o. Su persona. Su obra,Leôn,2006 (Fuentes y estudios de historia leonesa, t I l), qui propose également une ffa-duction en castillan. Cette rapide présentadon de l'æuvre << autobiographique ,r deValère doit beaucoup alrx rravaux du groupe que je coordonne depuis 2006 et qui est

en train dâchever une nouvelle édition des trois uaités écrits à la première personne<iu singuiier ainsi que <ies trois visions <ie i'au-cieià, é<iition qui sera accompagnéed'une première rraduction française et d'un copieux commenraire. Le groupe est com-posé deJacques Elfassi (université de Metz), Florian Gallon (université de Bordeaux3),José Carlos Martin (université de Salamanque), Céline Martin (universiré de Bor-deaux 3) et de iâuteur de cet article (EPHE).Je citerai ici le texte de Valère d'aprèslédition àparaître deJosé Carlos Martin, avec la traduction collective qui lâccompa-gnera, mais je donnerai aussi par commodité les réferences à l'édition de M. C.DiazyDiaz.

2. Exemplaire à cet égard, cette phrase de -ilZaker Pohl dans son introduction au beauvolume Ego Tiouble. Authors and their ldentities in the Ear\t Middle Ages,Rjchau.dCorradini, Mathew Gillis, Rosamond McKitterick, Irene van Renswoude (dir.),Vienne, 2010 (Forschungen zur Geschichte des Mirtelalters, 15), p. 9-Zl,ici p.12,Valère étant ensuite totalement absent du volume : << Hardly anybody, for instance,

ttL PA]TF,ICK HENR,IET

du fait qu'à une exceprion près, qui ne concerne pas les textes autobio-graphiques, elie ne semL;le pas avcir cir-culé au }foyen Âge hors cie iapéninsule Ibériqrie3. Récirs d'affrontemenr avec les démons, affirmationà la première personne cl'une personnalité cornplexe, tabreau vivant d'unparcours individuei sur une long'e période (plus de quaranre ans selonvalère), tout cela et d'autres choses enccre se tio'ùyeni dans une æuvrequi, à lévidcrce, i:csre sa_ns équivalenr dans I'Europe du haur Mo;ren Âgc.Georg Misch I'avait bien compris qui, dans sa monunren tale Geschichteder Autobiographie,lui a consacré un chapitre de plus de ou.aranre oagesen insistant à juste titre sur cerre rencontre inédite entre autobiographieet démonologie a.

Issu d'une faraille arisrocrarique aisée, valère a passé toute sa vie c{ansle nord.-ouesr de l'Fspagne, p.lus précisément dans ia regiorr monragiieusedu Bierzo, cornprise entre le Le6n et la Galice. Tout ce qui nous esc connuJ^ 1.,: ^-^,.;^.-- J^ ^^^ ^- r rlCie rlir provieili Ge ses æuvfes, lesqueiles sonr consefvées clans piusieursmanuscrirs dont le plus ancien remonre au x" siècle5. valère nous rapporredonc comment après sâ << conversion >>, il mena une vie tantôt inonas-tique, tantôt érérnitique, la solicude prenanr rrès vite le dessus sur la vie encommun. on le voir aussi s'installer à proximité cl'une église << privée >>,

relle .l'Fh"^h4hr^ ^,,i .k.;+^';. -^^^ J^,--^ ^--^^: --,- - / |Llsr 4urrldrL r4rrù uvLrLç dlr55l ultc colnmunatlte oeclercs. si la c{ate cle sa morr ne nous est pas conn*e avec certitude, elledoit se placer vers 695, assezpeu de temps donc avant l'arrivée e. pénin-sule des musulmans6. Les æuvres dans iesqueiles valère fair ie récii de sa

3.

kr-rows the seventh-ccnrury author valerius of Bierzo (I/a/erius Bergidensis) andhisrepeated auernpts ro cclne to terms with his trials and grief >>

L'exceptio.r concerne leDegencremona,chtrum (ed. DiazyDiaz,tr/alerro delBierzo,op- cit. supra note 1, p. 324-336), intégré par Benoît dAnian e à sa concordia regu-larum sorts lc ùtre Dicla .qnti !/nlcili de gcn{.c /no;i"iiljû?.ui.i,: : picrrc Bunncrue (é..i.),BenedictiÀnianersis concordiaregularurn,Turnhout, 1999 (CC CM, 168 A),3,7,D. 4ô-) t.Geolg lvlrsci1, Geschichte der '4utobiograpbie, t.rr/z,Francfort-sur-le-Main, 1955,p.317-355.Le manuscrit ie plus ancien (à l'exception des manuscrits carolingiens transmettantla concordia regularutrz) cst le Madrid, Biblioteca Nacionar, 10 007 (x" siècie). Neufmanuscrits s'échelonnant drr xc au xvIIIc siècle, tous originaires de la. néninsuie Ibé-rique (Espagne er Portugal), conriennenr au moins une partie des traités << autobio-g'aphiques >>. Pour une présentarion très détaillée , je renvoie à I'introcluction de J. c.Martin à paraître (voir nore 1).

cf la synthèse à paraître deJacques Elfassi sur la 'ie

et les ætivres cle valère, à paraîtr-edans f introduction de l'édition citée ibid. Dans sa grande compilation cles textes

/-.\LES DEiviOiiS DE -v'ALËRE DU BIERZO (Vii'SiECLEI L)

'.. conversion >>, comprenorrs sa vie de moine et d'ermite, se présentent

t,>us ia forme cie trois petits traités qui, <ians une é<iition mocierne et sans

{L:nir compte des notes, sttendent sur une quarantaine de pages. Le pro-. cssus d.'écrit';re s'est étendu sulrne d';rée assez coufte, sans doute dans

lcs années 690 et donc à l'extrême fin de la vie de Valère. Celui-ci renvoie

ii:équemrnent à des pa"ssages contenus cians ies autres traités et i'ensernbiei-,,,,--,-^ *^,-* -^L-a,.-^* i'-^^^,-.;-i ^^" Ài, À^,-^ i^ *-^-;^- ^,-,,-^,,1^ ,-,-:^trrr llrL ulr L\rLrL LrrrrLrLrrL. LçùùurrLrLr LJL urL Lrdrrù tL PrutrrlLt vyuùLuru> Purr

lcs deux suivants ajoutent diverses précisions à ce schéma général. Dansl'n"J^ ^,,,-;^^,,), +-"{.t.i );..-;*;".;. /* 1.\ô lo ât.o rêh'^r7âhr .,, ,-^À,--

,t,ri n"é"ÀJe) V"lÀ"e rir^nl:p.ômmcnf ,nrÀ< ,rne nremiÀre teatttirrc Àer^"^'^^"^'vie cornmune âu- monâstère cie CompiticioT, ii se retira slrr une montâgne

ciésolée située entre la cité dAstorga et un lieu appelé Castro Pedroso, à

ploximité <iirne égiise. Les mauvaiscs rciarions avec ie prêrrc iocai ibbii-gèrent ensr-r-ite à- chercher r,rn endroit plu,s redré. Après diverses péripé-cies, Valère gagne i'égiise située sur ie domaine d'Ebronanto, oii ii tente

dc rne ner une vie cie reclus pi'ès de I'autel. Riciiner, le propriéraire, avait

<iécicié de fàire cie \âlère Ie prêtre desservant cetre église privée, mais

après sa mort c'est finalementJuste, son ennemi, qui occupa ce poste. La

c{isgrâce de la farnille qui possédait Ebronanto pousse ensuite Valère au

clépart. Li trouvc aiors refuge à proxinrité du rnonastère <ie Rufiana, foncié

par Fructueux cle Braga ft eSS,l quelques clécennies,olus tôt. Ses rnau-

vaises relations ayec les moines du lieu sont à lbrigine cle bien des vicis-

situcles. Dans le cleuxième et le troisième traités, respectivement intirulés

hagiographiques irispaniques, Ànarnnesis siue corunentoratio onniurn sanct0rurn

Hispanorurn..., t. i, Lyon, 165i,p.253-254,itran Tamayo de Saiazar fait état ci'une

inscriptior-r donnant la date de la mort cle Valère (25 féwier 695). On sait cepen-

cienr que Tamayo tbrge e cie norn-br.u.r rexres e t ir ciitc inscriprion esr ocnirâiemcnt

considérée corrrme ayant été inventée par lui. Dans la nouvelie édition à paraître, on

consultera également Ia orésentation du contexte rnonastioue par Florian Galion,celle du contexte économique et social par Céline Martin et les synthèses consacrées

à ia construction ciu Moi vaiérien et aux visior-rs <ie I'au-<ieià par i'auteur de cet articie .

Une bibliographie conséquente figure déjà dansDiazyDirz (éd.), Valerio lel Bierzo,

op. cit. supra notc l, p. 15-20./-\- ^J--^*^1-:*^l^*^-- ^,,^\r^l\-^..A-,,",,-.-,-.-^: r-^,-,-1.,J^ r^-l^":^^ l-E*,,^

tueux de Braga. Le texte de Valère n'est cependant pas cl'une clarté absolue etJosé

Carlos Martin a émis l'hypothèse que ce séjour n'aurait pas eu lieu : << I Valerio en

Compltrdo ? Examen critico cle los Opilsculos autobiognifcos (CPL IZBZ-IZB4) y las

ï/isionesrlelMâsÀllà(CPL1277-1279) deValeiiodelBierzo >>,ï/eleia,23(2006),

p.321'338.

1â. PATRICK HENRIET

Repli.catio serynoruurn a prirna conuersione (RS) et Quod. de superilribusqueri.rnoniis resi.duum sequitur (R), Valère reprend donc ces trois périodes :

il y donne au lecteur de nombreux détails sur les périodes passées entreAstorga er Castro Pedroso puis à Rufiana. En revanche, il ne revienr pas

sur les années d'Ebronanto-De même que rous les autres ermites, tout particulièrement ceux qui

sont attestés par la doc';rnentarion, Valère a sans doute rarement vécu vrai-ment seul. Ses traités bruissent des relations, et plus encore des disputesntt'il attt î\/ca côn cnfôrrrâôê t^rrr 4rr l^^n Â^ J^,'- ^-. l- ";-.1*^^-*.ul(l^drùuLYrl

religieuse. Les trois opuscules nous livrenr le nom de quinze personnesauxquelles il eut affaire, soit onze clercs erl'ou moines er quatre iarquese.Sur ces onze clercs etlou moines, cinq font lbbjet d'un traitemenr rora-Iement négatif alors que les quarr€ lar,ques mentionnés par leur nom sonrtous dépeints sous un jour positif. Ce décompre monrre clairemenr les

difficultés de Valère à trouver sa place au sein de l'Église en rant qu'ins-titution. Le modèle de vie privilégié esr en effet très clairement celui des

Pères du désert, avec un refus radical de la vie en sociétée. Or ce modèle,Valère le connaissait parriculièremenr bien d'un point de vue littérairepuisqu'il avait aussi composé une <. compilarion hagiog{aphique >>, rermeque ibn utiiise souvent à ia suite de Dom de Bruyne et de ManuelDiazyDiaz, pour désigner ce cui peut être considéré comme le premier légendierconnu du Moyen Âge larinto.

B. Les onze cleics ou/et ermites sont Flainus, pr'être (cf. lnfa);Juste, prèrre (cf. infa);Simplicius, diacre et soutien de Valère à Ebronanto; Isidore, évêque dAstorga (cf.iofo) ;Jr^n, diacre et serviteur de Valère; Jean (Z), disciple de Valère ; Saturnin, dis-ciple de Jean (2) ; Aurèle, évêque dAstorga; Jean (3), ermite et neveu de Valère;Évagre, esclave de Valère ; Firmin, pr.évôt dc Rufiana. Les quatre laiques scntRicimer, propriétaire <iu ciomaine <i'Ebronanto; Basiiien, homme iiiustrissirnus, qt:jdonne deux animaux à Valère; Montanus, frère de Valère ; BasiIe (qaidarn secularis)guéri oar Valère.

9. Je me permets de renvoyer à Patrick Henriel << Un horizon hagiographique dbppo-sition au pouvoir. Les miiieux monastiques et ascériques de l'Espagne septentrionaleau vlr" siècle >>, dans Hagiograpbie, iàézlogie et politique au Moyen Âge en Occident,Edina Bozdky (dir.), Tirrnhout,2072 (Hagiologia, S), p. 93-110 (spécialement

^ tô?_rôrlI0. SurlelégendierdeValère,voirManuelCe ciioDiazyDiaz, << Lacompilaciônhagio-

grâÊca de Vaierio del Bierzo >> , Hispania Sacra, 4 (1951), p. 3-25 ; id- << (ln nuevocddice de Valerio del Bierzo >>, ibld., p. 133-146 ; id.., Valerio d.el Bierzo, op. cit. supranote 1, p. 86-101. On trouvera de nouveaux développements deJosé Carlos Mardndans l'introducdon à sa nouvelie édition (cf. note 1). Ctst, semble-t-il, Dom de

/----e ^-: ^- -\LES DEMONIS DE -/ALERii irU jJIERZO iVii" SijiCLEi I/

La reconstitution de cette collection, dont les manuscrits les plus

:rnciens remontent au x" siècle 11, gui a peut-être connu plusieurs éditions,

clu vivant de Valère et qui fut supplémenté à diverses reprises après sa mort,n'est pas chose aisée. Il est cepen,Cant assuré qu y fig'*raient des textes tels

qt'e Ia Vzta Àntonii d'Lthanase d'Alexandrie dans la traducdon d'Évagre, les

I/itae d'Hlarion, de Paul et de Malchus par saintJérôme,l'Histori.a 7n0na-

chorutn in Àegypto da'rs la.raduciion de Rufin dAquilée, des passages des

Wrba seniorum (ou Liber de uitis patrurn) traduits par Pélage de Rome,

des extraits ë,es Di.alogues de Sulpice Sévère, o'ri eiicû{e la très hispanique

Yita Fructuosi, Fructueux étant le rnodèle direct de \â.Ière qui lui rend plu-sieurs fois hommage 12. Le iégenciier proposait <ionc un iciéai essentieiie-

ment érémitique à un public d'ascètes marqués par le modèle oriental et

désireux de le faire revivre en Occident. Or au même titre que ce tropisme

oriental, il est un lieu cornmun des Wes des Pères, et tout spécialement de la

Vi.ta Antonii, qui joue un rôle de premier plan dans les traités autobiogra-

phiques de Valère : ctst la présence du Diable, éternel adversaire et perpé-

tuel tentateur, présence plus ou moins directe et jâmais démentie tout au

long des 42 ans de vie religieuse que nous décrit l'auteur 13.

Bruyne, .< L'héritage littéiaiie de lâbbé saint Valère ,,, Reuue bénédictine,3z (1920),

p. l-10, qui a utilisé le premier l'expression de << compilation hagiographique >>,

reprise par Diaz yDiaz (cf. -y'alerio del Bierzo, op. cit. supra note 1, p. BB et note i61,

p. BB-B9). Sur la .. compilation >> comme premier légendier hagiographigue, Fran-

çois Dolbeau, << Naissance des homéliaires et des passionnaires. lJne tentative dttudecomparative >>, dans Ll4ntiquité tardiue dans les collections nzédiéaales. Textes et repré-

sentations,14-XIV siècle,Stéphane Gioanni, Benoît Grévin (dir.), Rome,200B (Col-lection de l'Ecole française de Rome, 405), p. 13-35, ici p. 32, 34.

11. Outre le manuscrit Madrid, BNE l0 007, déjà cité, il convient de mentionnerMadrid, RAH, c6d. 13 et Madrid, BN, ms.494. Du xI" siècle, un manusoit actuelle-

ment conservé en deux endroits : Paris, BNF, noav.acq.lal2lT\ e t Madrid, BN, côd.

822. On trouvera une description des manuscrits de la compilation clans les travaux

deDizzyDizz cités en note 9. Uintroduction de! C. Martin-àI'édition des traités

autobiographiques reviendra sur le contenu de la compilation (ainsi, la Vita dePeuJ.

par saintJérôme n?tait peut-être pas dans la première édition de Valère).

12. OQ,VII.3;RS,VII.4;IX.l;R, I.2(=éd.DiazyDiaz,ValeriodelBierzo,op.cit.supranote I, 19, p. 268; 13, p.294; 15, p.296; L, p.312). Voir aussi la vision intitulée De

celesti reuelatione, éà.Diazy Diaz, i, p.218.13. Sur Ie diable chez les pères du désert, François Vandenbroucke, << Démon IV. En

Occident >>,dansDictionnairedespiri.tualité,t.3,PaÀs, 1957,col.2L2-219(<<Durv" au vrl" siècle: lapériode patristique tt); Pierre Miquel, .< Le diable dans les

"Vies" des saints moines >>, C o lle ctan ea Cis tercie nsi a, 49 (I9 87 ), p. 246-259 ; Marie-Anne Vannier et al., Le Diable et hs dérnons chez les Plras, Bruyèresle-Châtel,

18 r.éIr KruIt lt_bNl(t_E l'

Dès le poème acrosdche quiintroduLft.l'Ordo querimoni.e,yùère évoquenon seulement sa volonté de trouver la paix mais aussi les embuches inces-santes tendues par .. lAdversaire envieux >> er les obstacles constam-rnent mis par ses soins à sa progression la. À ce passage répond commeen écho [a dernière phra-se de l'Ordo querimonie , relati,re au lieu de paixet de retraite finalemenr trouvé par valère à la fin de sa vie à proximiré deRufiana : <. LAd-versaire porte dessus ses reqards, et par I'inrermédiaire cie

ceux dont l'hypocrisie a âit ses valets, il s'efforce d'en chasser les fidèles deDieu 15.

>> Le débur d eta Replicatio serinnnirrnexplique ensuite clairemenr,alors que Valère considère avoir rrouvé le repos, quelles furenr les deuxétapes <ie son parcours : ia << <iésoiation cians ia ciispersion ,r, due à << IAd-versaire persécuteur >>, puis << la consolation survenue grâce à I'aide trèsclémence ciu seigneur r> 16. Et là encore, la conclusion du traité mentionnele Diable, d'une façon cependant plus optimiste que celle del'Ordo que-rirnonie: de même que Dieu a détourné Valère du << gouffre du siècle >>,

il lui fera obtenir Ia .. palme de la vicroire ,, sur le << funesre et ignoble

2010 (Connaissance des Pères de l'Égllse, 120). Les démons danslal/ita Àntoniidâthanase : $/ilheirn Schneemelcher, << Das Kreuz chrisri und die Dâmonen.Bemerktrngen ntr Yita AntonzT des Athanasiu s >>, dans Pietas. Festschrif B. Kôatng,Mùnster, I9B0, p. 381-392;Jean Daniélou, << Les démons de l'air dans la Vie d'An-roine >>, dans Antonius Magnus erernita, Basilius Steidle (dir.), Rome, 1956 (StudiaAnselrniana,3B), p. 136-147 ; Adalbert de Yogié, Histoire littéraire da zTto1tueruent

monastique zlans L4ntiquité, t. 1, Le nconacbisrne latin de Ja mort d4ntoine à la fin d.a

séjoar cleJerôrne à Rorne (356-385),Paris, I991, p. 58-65.14- Existente contrario et ffebius repugnante inuido inirnico / Retrorsturz dun me inpie

<* * * * + * + * * * *> cograretaR, / Innanzeraetîugiteratrocîss:tmaznith.i.infutirinpedî-mentA. / [/irtus autern Àbissini eias retiarrz dissipauit laqueosque dimupiT, / sic rnetrapstuln in hot tranquil<l>itatis randem induxit porto (Epitarueron proprie necessitu-dinis, v. l5-f 9 l= éd. Dizz 'J Diaz, l/a-lerio d.el Bisyzt, op. tit. supra. nct_ l, p.2441).Tladuction : << Se dressant et combattalt sans cesse conffe moi, lAdversaire envieu.x,

/ S'est eforcé, de manière irnpie de me "âire revenir" en arrière. / Consta.rnment il a

mis sur ma roure, en quantité innombrable,les plus terribles obstacles, / Mais la forcedu Tiès-Haut a déruir ses rets, elle a rompu ses filets / Et ainsi, alors que j'avais churé,elle mà amené finaiement jusquâ ce port de tranquillité. >>

15. OQXI.3 (:éd.DiazyDiaz,ValeriodelBierzo,op.cit.sapranotel,2g,p.2T6):Hecintuens inirnicus et ?eryporisin sibi sabiectisfdeles Dei expellere conatur.

16. RS, I.1 (= 64. DiazyDiaz, l, p. 2S0) : Prim.e conuersi.onis ordinern retexens, prefatecontlitionis Tnee subsequentern persequentis inimici dispasionis desolationem atque cle-mentissirna opitulationis D omini conso lationent. p er ordinerrz replicabo.

LEs DÉMoNS DE vALÈRE DU BTERZo (vrr'srÈcrn) 19

Âclversaire >> 17. Le poèm e intit:ulé Epi.tarneron propri.urn prefati discri.rnirui.s,

rlrri introduisait sans dauteleR.esidwurn,mentionne ensuite les << pièges >>,

rlc << I'Ennemi >> et demande à Dieu d'effacer le << chirographe > écrit parlc Diable 18. il nèst pas certain quele Resi.duurn,beaucoup plus court quel,'" J-"- n"A-AÀ.nt" t,nit{" ^t ^-L^',A ^^*.l^"- Li"t^i.-" o-^"'-t/oo -,,-

Ilies des pèræ du désertr9, soit terminé. Il nous mânque donc peut-être une

conciusion. ii est néanmoins parfaitement ciair, au vu de ce qui précècie,

qLre Valère aplacé toute sa vie sous le signe de la lutte contre le Démon.De fait, à peu près tous les problèmes rencontrés par notre ermite sont

rnis sur Ie compte de celui qui est, au singulier, I'Ennemi. Plus d'une fois,

ics clercs avec lesquels il eut maille à partir sont physiquement dépeints sur

un mode qui s'inspire très clairement de l'image classique des démons20.

Ainsi, Flainus, le prêtre gui desservait la petite église située à proximirédu premier lieu de retraite, entre Astorga et Castro Pedroso, est-il carec-

térisé comme << excité par l'aiguillon que manie I'antique Ennemi >> 21.

Sa peau est << des plus repoussantes > et << son visage de poix >>, précise

Valère en citant un poème d'Eugène de Tolède, <. doit cet habit approprié

à une noirceur plus grande encore ,r22. <, Plein de brutalité >>, il .. feule

i7. RS,Y\/ii.Z(=éa-DiazyDiaz,27,p.310):Ersicineoconfd,out,sicutrneiussitali-qaantulum de uoragine seculifacere alienurn, ita de infe*o a pessimo inhrticofaciat pal-rniferazn uictorie obtinere triumphurn.

lB. Epitameron proprium prefati discriminis, v. B (= 64. Diaz y Diaz, p. 27B, le poèmeétant ici placé entre OQet RS) : Diabolice captionis aduersuzn rne conscripta propitiusdele cirographa-

19. Texte emprunté pour i'essentiel à Pascase de Dume, disciple de Martin de Braga et

traducteur d'une collection dâpophtegmes connue dans la péninsule du haut MoyenÂge sons le nom àe Liber geronticon: José Geraldes Freire (éd.), A uersao latina porrAscaszo ae ua7i?e aos japopnægmatapatrum> z vol., \-ormDra, L, / t, L r, p. IdJ-l d).taduction française de la traduction latine de Pascase : Lucien RegnauIt, Liare des

anciens. Apolthtegrnes des Pères,Solesmes, 1995.)a \7^irR^GêiC^lli." --, 14..,,t^Li^-..-t"i""l'.-,L"^f\/"1.,i,..^çÈi.,-^.,!..;."....--

ture and purpose >>, dans Ias I/isigoda. Historia y Ciailizaciôn. Actas de Ia Sernana

Intemacional de Estildizs I/^Wticos (Madrid,-'Toledo-Alcalâ de Henares, 2I-25 octubre

de 1985), Murcia, 1986 (Antigùedad y Cristianismo. Monografias histdricas sobre

la Antigùedad TâÂia,3), p. 425-442, repris dans id.., Lazu, Cuhure and Regionalisrn

in Early lftedieual Spain, Ndershot, i992 (Variorum Coiiected Studies Series, 356,

IY),icip.428.21. Oqfi.z(=éd.DiazyDiaz,5,p.z50):antiquihostisstirnullslnstlgarusl...l.22. OQJII.3 (= éd.DiazyDiaz,5, p.252) . Quurn uero qaandoquidem ad eandem locurn

conaeniebat cute teterrirna (sicut scriptuTlz est : <<fons picea nigriore proprio depromitanictu >) [...].

20 PATRICK HENRIET

comme une bêre très cruelle tr 23. Iln peu plus tard, à Ebronanro, Valèreest en contact ayec un certainJuste, qui a été choisi comme prêtre par les

propriécaires du lieu. Ce pasteur indigne, qui s'adonne selon lui à touressortes de danses et de chanrs impies, est .< au physique, d'une petite taille,minuscule, et d'un aspecr des plus repoussanis, de la couleur propre àla nation barbare des Éthiopieîs rr24.Il est doté d'une .. peau de poixsombre et ignoble à regarder >>, pâie reflet de ce qu il esr << dans le secret

de son cæur >>, à savoir << beaucoup plus noir qu'un corbeau >r 25.

Mais ie tabieau serait incomplet si Vaière ne nous racontait pas

quelques diableries plus directes. Lisons donc les deux épisodes dans les-

quels il nous rapporte en dérail des ârraques personnelles du Diable. Dansl'Ordo querirnoni.e, alors qu'il avair arreinr Rufiana, Valère sttait reclusdans la cellule autrefois occupée par Frucrueux de Braga. C'est alors que

lâdversaire envieux ne cessa de poser des obstacles au dessein de mavolonté. Car il entra, accompagné de I'immense vâcarme de sa fureuç etil employa contre moi, en nombre er de façon incessante, les pires arti-6ces de ses tentations. Bref: randis queje priais ou quej'étais couché, ils'asseyait à côté de ma tête er du plus profond de ses entrailles, sans dis-continuer, il souffiait dans mon nez une puânreur fetide et chaude, insup-portable et épouvantable. J'endurais depuis un bon moment ces formesde tentation et d'autres encore, de rype varié, quand, bouleversé par lacolère, tout à sa fureur délirante, il mit en branle rant de tonnerre er de

vacarme, d'effroi et de remblement, qu il broyair les rochers eux,mêmesà la façon de grains de sel et les dispersait au loin. Je voyais que I'habira-tion était bouleversée jusquèn ses fondations er quèlle érait en rrain de

tomber sur moi, au plein milieu de la nuit, avec Dieu pour seul témoin.Épouvancé et frappé de terreur, je plaçai ma confiance dans le Seigneur etm'éerlai : << A;dère; injustc parmi les iniustes, pourguoidétruis-ar lrédi=

6ce que j'habite ? >> À ces mots, aussitôt, il se retira. Malgré de telles ten-tatives et d'autres semblables à cela, fréquences et indescriptibles, ii ne--^-==--.^t+ -^- --a^- ).. c^;^^^.,- r *^ L^--!^--^-^^-zbyér yLrr4rL y4r,6ldLU du ùLLvutJ uu JçrËtrcur, a rrrc uuutçvçr5çl

23. [...] uelut seuissima bestialîendzns, ibid.24. O q Vl.z (: éd. Diaz y D iaz, 13, p. 260), [...] nomine lustuzn, forrna exi.gue pusilli-

tatis tantilluzn ac teterrirtte uisionis, colore barbarice nationis Etiopan 1...1.25.l".."lextrinsecusenimpiceacutefurbosordensobtuturn,incordisueroarcananigrior

existit peltittus corbo, lbid.26. OqVil.4-6 (= éd..Diazy Diaz, 19-21, p.268) . ï...1 non cessabit inuidus iniznicus

im.pedire proposito uolamtatis rnee. Narn cum ingentifuroris ingressus strepitu, rnûhaspessimas et incessantes contra me adhibuit artes terrzptationum, deniqae oranti mici aafd.ecurnbenti sedens ad caput et ex infimis intraneis suis putidissirnurn indesinenter cal-

LEs DÉMoNs DE vALÈRE DU BrERzo (vrr'srÈcr,E) zL

Suit le récit d'un piège diabolique dbn rour aur(e ordre : sur insriga-

don du Démon, l'évêque Isidore d'Astorga tente en vain d'emmener Valère

à Tolède" capitale du royaume wisigothique. Dans cet abandon du désert

il y aurait eu, nous dit i'aureur, << ibbjet dun caiamiteux scandale >> 27.

T ^",^-^-^^ J^-r:l ^^- ^--^^-:^^ )^-^ ^^ -!-2- ^,^^- -^--^l^-j-c vaciiiiii€ uuiil ij esi qiiesrion ûans ce reciE n esc Pas sâns raPpeief ce

passage de la Vita Antonii au cours duquel Ie saint nous explique commenr

les <iémons venaient parfois ébranier sa ceiiuie puis, revenant, << faisaient

du bruit, siffiaient et dansaient tr 28. lJn peu plus tôr, il avait déjà précisé

que iâpparition cies mauvais esprits se iaisait avec << <i'horribies L,ruits, unvacarme et des mouvements dignes des adolescenm ou des voleurs >t 29.

(lne autre rencontre avec I'Ennemi nous est rapportée dansla Repli-catio serrnonurn.ElLe a lieu cette fois-ci Iors de Ia première période de fuitedu monde, entre Astorga et Castro Pedroso :

Après de nombreux, fréquents et insupportables assauts menés dans lemême lieu, làntique Ennemi s'efforça de me troubler de façon manifesteen me frappant d'une terreur et d'une épouvante encore plus grandes.C'est ainsi qu'un jour, après avoir chanté les hymnes du matin, avant

I'aube, en partant du côté opposé de lëglise, je voulus, à cause d'une néces-

sité impérative, sortir par une petite porte vers un lieu désert : je trouvaisur ie seuil même, Ie ciiabie, semblable à un énorme géant des pius repous-sants, qui de sa très haute taille sélevait jusqu'aux nuages. Épouvanté et

Iidurnque naribus meis insafiansfetorem intolerabilem et bozyendurn. Et quum hec

diutius et ceterorurz diuersorurnque tolerarem prestigia temTationarn, irafurori.s sue

uesanie conrnotus, ta.nttun tonitruum etfetniturn terroris et trernoris conrzzobiT ut saxa

ipsa quasi sale contereret et longe d;spergera. Et qaun cernerern ipsum habitaculumafundarnentum contnoberi et super me rtuentern zned.io noctis, solo Deo teste, pabore

Pelteffitus, confd.ens in Donzino, exclanzaui dicens : << Recede, iniquissirne, quar de*trues edicularn babitationis nee ? >> Àb hac uoce orotinus discessit. Et durn oer hec eï

his sinz.ilia crebra, innumera et inenarrabilia ternptamenta, opitalante Dornino, nze

conrnouere non ualeret 1...1.11 lL;) \f\\ I l- :) 1\!^- -,^r^- * 1la 1a^\L/ , tutb.t Y rr.w \- v\dL, y. Lvo'L/ v).28. f/itaAnronii(=y61,39,PascalBertrand(éd.),DieEuagriusùbersetzungderYita

Antonii. Rezelttion - IJberlieferung - Edition. (Jnîer besonderer BerùcksicbtigungderYitasPatrum-Tradition,Utrecht,2005 (en iigne : http,//igitur-archive.libræy.uu.nlldissertations / 2Q06-0221 -20025 L / index.htm), p. 17 3 : S aepe strepitus, saep e

sabationes, saeqte sibiios ingesserunt, et nze psallente, sonus eorurn in uocesfubiles uerte-

batur.Xinfluence delal/ita Antonii surYafùe est bien marquée par Collins, << fheautobiographical works ofValerius ofBierzo >> , art. ciT. npra note 20, p. 429-431.

29. VA,36, éd. Bertrand, p. 172: sonitus borrendi, sordidi cogitat*s, plausus rrzotasque

adolescentarn uel latronuzn [...]. Plusieurs autres passages dela VitaÀntonii rappellenrque les apparitions diaboliques sonr bruyantes.

22 PATRICK HENRIET

frappé d'une immense rerreu! je restai à l'intérieur, pétriÊ.é, et lui au-dehors bloquait rout accès pour sortir; cèst alors que je commençai àréfléchir et à me dire en moi-même : << si je reviens en arrière, I'adversaireva se raffermir, plein d'assurance en s'imaginanr que, tremblanr de peur,jâurai pris la fuire devant lui ! > C'est pourquoi, saisi d'une audace nou-veiie grâce à ibide <iu Seigneur, je iui riis : << Je sais que ru es Satan ! >> Et,faisant le signe de la croix sur mon fronr , .. Voici >>, dis-je, .. la croix demon SeigneurJésus Chrisr, qui est ma force er ma vicroire. Maintenanr,on va bien voir si c'est moi qui prends la fuite, ou si c'est toi ! >> Ë,t alorsje m'avançai et je dis d'une 'rcix fbrre : .. Au nom du père, du Fils er d-rSaint-Esprit ! >> Je parvins à I'endroit où il se trouvait : il se mit alors àdiminuer, à s'afiàiblir, puis, rabaissé jusqu'à Ia terre, sèfiàçanr piogressive-ment, il disparut. Mais comme, grâce à lâide du Seigneur, il n'avait pas pume vaincre par ce moyen, il changea de tactique pour me prendre d.ans ses

filets par d'autres illusions et mysti6cations30.

PIus encore que dans i"épisode précédent, la I/ita AntonzT semble icifournir à valère le cadre de ses expériences. selon les paroles qu'Athanaseplace dans la bouche dAnroine, celui-ci avait un jour ouvert la porte du<< monâsrère >> à un visiteur : lui était alors apparu un homme parricu-lièrement grand, Satan. Après un courr dialogue et en entendant le nomdu Christ, celui-ci avait disparu (deletus est)31 . Divers passages de la VitaAntonii monrrenr I'importance du signe de croix et de I'invocation dunom du Christ pour combartre et éloigner les démons (et donc aussi pour

30. RS,Y.l-2(:éd.DiazyDiaz, I/aleriodelBierzo,op.cit.supranotel, 10, p.290):Post multas, crebras et intolerabi/es in eodern loco anTiqui hostis inpagnationes,rnaieri rne cenah.t* est u'isibilitzr perturbare terroris vabore. Nazn qtroèarn àie; lznnisante luce expllcltls matutinis, dunt ex ad.uerso eiusdenn basilice uolaissenz Dro neces-saria causa egredi per posticulurn in d.eserto, replteri in ipso hosteo stantern-diabolunuelut inltormern teterinzurn giganteTn l)rlcerrinz? st4.ture emjneaten, asqug a.d nubes.

Ql'umque inmenso pabore perterritus intus obsisterern obstupefactus et ille extrinsecusegressionis aditurrz obstrueret, cepi intra rne cogitans dicere : << Si retrursus abiero, ipseinimicwfd,ucialiter inua/escet eo quod eunz paaidansfugearn >>. Hinc uero ope Dorni.nisurnens audaciarrz, dixi ad eum : << scio quia satanas es >>. Et signansfontem mearn,:,< Ecce ,r, inquio, << crucern Domini mei lhesu Christi, qui est uirt et uictoria rnea.Nunc uidebitar si egofugio, si ta >. Et sic progrediens esclarnabi : << In nomine patris erFilii et Spiritus sancti ! >> Et perueniens ad. Iocurzz ubi stabat, ille uero, retraendo eî tlef-ciendo, huniliatus usque ad terra liquefactusque euanuit. etumque rzte per hoc, iubanteDornino, non ualuisset, per a/ia rne inlusionisfantasmate rnata,bit inretire.

il. Y4,41, éd. Bertrand, op. cit. supranoteZs,p. 173-174.

i,"::i.

..-l:ja,l :

ltta'JT:

grrérir les possédés) 32. Dans un autre épisode du récit d'Ath anase / Évagre,

,,rrlin, le Diable apparaît à nouveau sous la forme d'un géant dont latëte,r<ruche les nuages. Valère reprend d'ailleurs àÉvagre, ffaducteur d'Athalr urse, l'expres sion usque ad nubes33 .

Da-ns la- Vita quelui avait. cotrsàcrée Athanase, Anroine parlait déjà

bcaucoup à la première personne du singulier : il rapportait longuement''''--!': -t-'r!-' - r'lantcommentlesfairefuir.)(:5 CÀPC|.lctlLçJ aVçL lçJ L|.CIII(JIIS L(JUL CtI CXPIIqI

Néanmoins, ses paroles n'étaient jamais que celles quAtJranase avair mises

,l:ins sa bouche. Valère va donc bien plus loin" Il reprend tout I'arrière-plan

tl"un érérnitisme combatif et loin du monde à l'hagiographie antique des

i)ères, mais ii ie fait <ians un texte qui, quoi qubn ait pu ciire à ce sujet, nèst

pas réellement hagiographique sinon, en dépit des précautions d'usage,

.. autobiographique n. Il propose ainsi un modèle à la fois extrêmementoriginal et fortement dépendant d,es uirae consignées dans son légendier.

Pour ce qui est de l'écriture à la première personne, en effet, il dépend sans

<loute plus des discours dhntoine que de toute aurre source, les Confes-

sions de saint Augustin, pour ne prenclre qu'un exemple, nttant jamais

citées dans aucune de ses æuvres.

Valère entendait sans doute suggérer qu'il avait mené une sâinte vie,

voire même qu'il était saint : Roger Collins a avancé I'hypothèse selonlaquelle il avait écrit ses traités autobiographiques comm.e documents

préparatoires àune l/ita qui devrait être élaborée après sa morr34. Hypo-thèse brillante, mais hypothèse, cependant. Valère ne se présente jamais

direccement comme un saint et si ses récirs de visions (visions qui ne sontjamais les siennes) ont été intégrés à son légendier, il n'en va pas de même

des traités autobiographiques qui conseryent leur indépendance tour en

âte'yant les 14 er dæ Pires &ansn hrsieurs rrtamrserits3l €emc proximité

32. Signe de la- croir : VA, 9, éd. Bertrand, p. 164i 22, p. t6B; 23, p. !68 ; 35, p. 172:

53, p. 177 ;78, p. 186 (Crucifxurn norninarnus et uniuersi daemones, quit azs utdeos colitis, rugiunr, atque ex obsessis corporibus ad prirnurn dominicae crucis signurn

fugantur); 80, p. 186 (cun uitale signam in sacro nurnero Trinitatis). Invocation dunom du Christ : ibid., 40, p. 17 3 ; 41, p. 17 4 : 50, p. 177 ; 78, p. I 86 ; B0, p. I 86.

33. VA,66, éd. Bercrand, p. i82 : Qzi egressus 1..-1, et eleuatis aà caelurn oculis, uiditquemdarn longun atqae terribilent, caput ad nabes usque tollentezrz.

34. Collins,<<TheautobiographicalworksofValeriusofBierzo>>,art.cit.supranote\\,

35. -On

trouv. à la fois le légendier et une partie au moins de l'æuvre autobiographique de

Valère dans les manuscrits de Madrid, BNE, l0 007, Carracedo (perdu), Lisbonne,

24 PATRICK HENRIET

permet de cornprendre Ia fonction de cetre écrirure à la première per-sorrne : il sâgissait assurément pour Valère, conformément d ailleurs à ce

qu'énoncent les poèmes inrroductifs, de proposer sa vie en exemple deconversion. Parallèlemenr, il mettait en garde ses lecreurs, choisis dansun réseau dâscètes dominés oar la figure d'un certain Donadeus, auo,uel ildédie plusieurs de ses æuvres, contre les clangers qui menacent toujours levrai chrétien36. Or .es dangers scnr celix d une sociéré largement perç-rie,dès lors que lbn quitte la cellule mais aussi, bien souvent, à I'intérieur decelle-ci, comme soumise a'rx pièges et aux embûches du dérnon.

Le modèle de Valère était celui d'un refus du monde radical, la sociétél^^ L^*-^^ -,t-^^- ---t--- ,l- !^-,, J t.-. r r . \ r r.î,qcrrrurullrsrrrc[arrLLIuutl << Lrrcaffc >> (le perotf,ton. lvla$aIaouïerenceclesécrits relatifs aux Pères du déserq Vies ouapophtegmes, qu ils imitent large-ment, ses écrits autobiographiques nous permetrent de percevoir au moinsen pârtie laréahté de la société dans laquelle il vivair : conflits enrre clercset saints hommes pour encadrer les fidèles et percevoir leurs aumônes,luttes d'infuence pour s'atrirer les bonnes grâces des arisrocrares proprié-taires dëglises, rensions enrre ermires jaloux du charisme de leurs parte-naires et rivaux, vols de livres et assassinats divers, tout nérait pas (ose pourles ascètes dans l'Espagne wisigothique. Ce que les trois traités de Valèrepermettent de saisir avec un luxe de dérails qui reste sans équivalent à cetteépoque et pour longtemps encore, c'estprécisémentlécart entre un modèleascétique litréraire dbrigine orientale et une réalité sociale qui débordaitcelui-ci de toute parc. De ce point cle vue, si lbn ne craignait de sombrerdans un déterminisme hispanique aussi réducreur que stérile, on pourraitassez facilement développer la thèse du donquichordsme de Valère.

La posrérité des trois traités autobiographiques fur médiocre. Elle nefut cependant pas nulle en péninsule lbérique, puisqu ils sonr connus parquatre manuscrirs conservés, rrois aurres (mais sans doute plus en réa-lité) ayant disparu. I1 est frappanr de consrarer que ces manuscrirs furent^^^:A^ ^"-:;€ ^--^^i L:^- ---r--, ----e :\ ! ! 1 , / !.\Luprç)r du ^ au55r urcil qu au ,(tl - sr€clc, (Ians ces communautes regulleresqui, si elles admiraient le modèle érémitique, étaient quanr à elles résolu-ment cénobitiques : monasrère inconnu pour Ie manuscrit madrilène dux'siècle (dédié à un abbé Tlasamundus), Carracedo (xrr" siècle ? Béné-

Biblioteca Nacional, Alcobaça CCLXXX[|/454, Salamanque, Biblioteca univer-sitaria,2537.

36. YaLère dédie à Donadeus Ia vision parfois appelée De Maxirno (éd,.Diazy Diaz, op.

cit. sapra note 1, p. 200-209),les écrits autobiographiques suivant I'Epitanteron pro-prie necessitudinls (lbld., p. Z4Z), puis à nouveau I'Ordo querirnonie.

LEs DÉMoNs DE VALÈRE DU BrERzo (vII'srÈcre) 25

rlictins classiques puis cisterciens à partir de IZ03), Lorvâo (modèle d'un

nranuscrit conservé à Salamanque, perdu mais datable de lL43,béné-.,rlictins), Alcobaça (manuscrit de Lisbonne, certainement xlr'siècle, cis-

rcrciens), Santa Cruz de Coimbra (manuscrit de Porto, fin xrrr" siècle,

,'henoinec réo'nliere.\37 Bien enrèc ln rn.,rr rle Vr!èr-e. ceç traitéc rlttnhio-graphiques intéressaient donc encore des moines ou des chanoines qui y

voyaient sans doute un texte édifiant à ranger dans ia catégorie des'y'ies des

Pères du désert.D'autres manuscrits ne nous sont pas parvenus. La diffu-

"inn nnrr-AÀ,,it. -,,'.lle ait été, fut donc bien réelle, er el].e ne se limitapas au haut Moyen Âge.

Le renouveau de lérémitisme cians ie moncie iatin à partir du xI" siècle

ne semble pas s?tre toujours accompagné dtdifices liméraires présentant

aussi nettement que chez Valère un Moi construit dans lbpposition au

rnonde et dans la lutte incessante contre les démons 38. D une part, les soli-

taires des xI" et xIIc siècles s'intéressaient infiniment plus que l'ermite du

Bierzo à la société qui les entourait, à tel point gu'ils finirent à peu près

toujours par y revenir pour la réformer : un choix qui réduisait sans doute

pas mal leur intérêt pour une lutce conffe les démons à la façon d'un saint

Antoine. D'autre part les .< autobiographies >> du Moyen Âge cenffal sont

avant tout monastiques et non érémitiques. Valère reste donc seul...

37. Côtes des manuscrits mentionnés, dans lbrdre du texte : Madrid, BNE l0 007;manuscrit de Carracedo perc{u mais connu par plusieurs copies modernes; Sala-

manque, Biblioteca universitaria, 2537 (copie du manuscrit de Lorvâo de 1143);Lisbonne, Biblioteca Nacionai, Alcobaça CCLXXXIII/454 ; Porto, Bibiiotecamunicipa [, 22 (S anta Cr az 20).

38. Il conviendrait cependant dëtuclier systématiquement la place et le rôle des démons

dans I'lrag=rographie << érém-rrique >> des xf et xrf siècles. Le moôèle ùe Ia I/ttaÀntonii et des Pères du désert reste évidemment très présent, comrne err atteste par

exempie Ia ï/ita Ronualdi de Pierre Damien (particulièrement les chapitres 7, 16,1a <9- 61 Â? 6?- v^i! l'érliri^. r-Je Gia'ranni T^ho""^ Rnme !957) fl -o e"*hle

moins présent dansles I/irae des ermites du type << \fianderprediger ,r (Robert dAr-brissel, Bernard de Tiron etc.), tournés vers le monde et la réforme des âmes. À lamême époque , il est important dans Ia ï/ita d'un ermite-moine qui n'a précisément

pas eu d'acdvité notable en termes de réforme, Girard de Saint-Aubin d'Angers : voirI/ira beati Gerardi (BHL 3548), dans Paui Marchegay, Émiie Mabilie (éd.), Chro-

niques des églises dAnjou, Paris, 1869, particulièrement p. 98-99 (voir sur ce dernier

texte Jean-Hervé Foulon, .< Solitude et pauvreté volontaire chez les ermites du Val

de Loire >>, dans Liber largitori:us. Etades d'histoire médiéuale ofertes à Pierre Tou-

bert par ses élèues, Dominique Barthélemy,Jean-Marie Martin (dir.), Genève, 2003,

p.393-416,icip.396.