UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de Droit – Première année de Master Julien Uyttendaele &...

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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de Droit – Première année de Master Julien Uyttendaele & Jérémie Haldermans avec la précieuse collaboration de Justine Legrand DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS Synthèse Professeur : C. Doutrelepont Année académique 2012 – 2013

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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLESFaculté de Droit – Première année de Master

Julien Uyttendaele & Jérémie Haldermansavec la précieuse collaboration de Justine Legrand

DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS

Synthèse

Professeur : C. Doutrelepont Année académique 2012 – 2013

INTRODUCTION

L’AUTEUR : UNE DOUBLE CONCEPTION

I. CONCEPTION EUROPÉENNE CONTINENTALE Les droits d’auteur sont les droits de l’auteur. La notion d’auteur peut avoir une définition à géométrie variable. Dans notre système continental, on touche le « créateur de l’œuvre », celui qui va faire un apport original à la société dans le domaine littéraire et artistique. Un auteur en droit belge, c’est la personne physique qui a créé l’œuvre. Cependant, dans certains cas, le créateur de l’œuvre sera dépossédé de cette dernière.

II. CONCEPTION ANGLO-SAXONNE Dans les systèmes anglo-saxons, l’accent n’est pas mis sur la personnalité de l’auteur mais bien sur l’aspect de l’investissement, sur l’aspect matériel de l’œuvre. Le copyright, concept éminemment anglo-saxon, consiste en effet en un droit de s’opposer à la copie. On est donc dans une mouvance plus commerciale, mercantile.

III. CONSÉQUENCES DU DÉDOUBLEMENT CONCEPTUEL

Au sein de l’UE, il y a certaines difficultés à unifier les systèmes. Nous ne sommes pas du tout face à un système homogène malgré les harmonisations.

Cette différence de conception se répercute sur les prérogatives octroyées par le droit d'auteur, notamment au niveau des droits moraux : il s'agit de prérogatives intimement liées à la personnalité de l'auteur. Ces droits sont fondamentaux pour un créateur qui va souhaiter affirmer sa paternité sur l’œuvre. Ces droits lui permettent entre autres de signer son œuvre en propre ou par le biais d’un pseudonyme voire de rester anonyme.

Ce sont des prérogatives éminemment importantes pour défendre la réputation, l’honneur d’un auteur.

Ces droits moraux n’existent pas à proprement parler dans la conception anglo-saxonne. En droit anglo-saxon, on retrouve le concept du droit de signer une œuvre mais il n’y a pas de droits subjectifs s'y rattachant (paternité).

L’ŒUVRE

I. LÉGISLATIONS PROTECTRICES DES DROITS D’AUTEUR ET CHAMP D’APPLICATION – ÉVOLUTION DE LA NOTION D'OEUVRE

Un « idée » n’est pas une « création » ; une idée de roman n’est pas un roman : ce n'est qu'à partir du moment où il y a un synopsis, un acte écrit plus structuré, qu'une réelle création émerge et prend une forme de nature à être protégée par le droit d’auteur. Les notions de « création » et d’ « auteur » sont donc primordiales pour déterminer l'assiette sur laquelle s'appliquera la protection du droit d'auteur.

La base légale du droit d'auteur en Belgique est constituée d'une loi de 1886 (largement modifiée par une loi de 1994). Cependant cette loi est vite devenue lacunaire suite aux évolutions techniques et technologiques : de nombreuses œuvres échappaient alors à son régime protectionnel (œuvres photographiques, cinématographiques,...).Ce régime sera donc complété par la ratification de la Convention de Berne, étendant son champ de protection à une séries d’œuvres non prises en compte par le législateur belge de 1886 ; afin d'avoir un aperçu relativement exhaustif des bases légales du droit d'auteur applicables en Belgique, nous devons donc considérer parallèlement la Convention de Berne et la loi de 1886.

N.B. :La photographie était considérée comme un secteur ne méritant pas la qualification de « création ». La jurisprudence était très partagée concernant la photographie puisqu’il s’agissait d’un mécanisme automatique. On parlait même de création empruntée au diable dans les premiers jugements concernant la controverse. On a aussi retenu que la photographie n’était pas artistique. Le procédé mécanique refroidissait très souvent les juges.

II. DU SECTEUR ARTISANAL AU SECTEUR INDUSTRIEL : INDUSTRIALISATION DE L’ŒUVRE ET CONSÉQUENCES

Un « idée » n’est pas une « création » ; une idée de roman n’est pas un roman : ce n'est qu'à partir du moment où il y a un synopsis, un acte écrit plus structuré, qu'une réelle création émerge et prend une forme de nature à être protégée par le droit d’auteur. Les notions de « création » et d’ « auteur » sont donc primordiales pour déterminer l'assiette sur laquelle s'appliquera la protection du droit d'auteur.

La base légale du droit d'auteur en Belgique est constituée d'une loi de 1886 (largement modifiée par une loi de 1994). Cependant cette loi est vite devenue lacunaire suite aux

évolutions techniques et technologiques : de nombreuses œuvres échappaient alors à son régime protectionnel (œuvres photographiques, cinématographiques,...).Ce régime sera donc complété par la ratification de la Convention de Berne, étendant son champ de protection à une séries d’œuvres non prises en compte par le législateur belge de 1886 ; afin d'avoir un aperçu relativement exhaustif des bases légales du droit d'auteur applicables en Belgique, nous devons donc considérer parallèlement la Convention de Berne et la loi de 1886.

N.B. :La photographie était considérée comme un secteur ne méritant pas la qualification de « création ». La jurisprudence était très partagée concernant la photographie puisqu’il s’agissait d’un mécanisme automatique. On parlait même de création empruntée au diable dans les premiers jugements concernant la controverse. On a aussi retenu que la photographie n’était pas artistique. Le procédé mécanique refroidissait très souvent les juges.

Le développement du cinéma, dans les années 1970 et l'industrialisation de la culture en général marque un basculement vers une conception beaucoup plus industrielle du droit d'auteur : le droit d'auteur, qui consiste en un droit de monopole, est apparu comme un instrument pratique aux lobbys industriels pour défendre leurs intérêts.

Il est à noter que cette phase d' « industrialisation de la culture » est une conséquence logique du mouvement de « commercialisiation de la société » : dans une société fondée sur la recherche du plaisir individuel dans l'épanouissement personnel à travers l'accumulation des biens de consommations, dans une une civilisation de l'argent, l’œuvre n'est plus qu'un produit comme les autres, qui se consomme vite, se jette dès usage et n'existe qu'à travers la publicité. On peut dès lors se poser la question de savoir si ce fondement même du droit d'auteur, ce monopole exceptionnel dans notre système juridique, ce privilège qui soustrait l’œuvre aux lois normales du marché et aux règles de la concurrence, bien que chers aux « lobbys multinationaux », a toujours lieu d'être dans un univers où l'oeuvre a perdu sa valeur exceptionnelle, son rôle éthique, ses exigences : pas étonnant, dans ces conditions, que le droit d'auteur subisse ces dernières années les attaques les plus vives de toute l'histoire du droit d'auteur moderne, afin que l'on supprime ce dernier îlot monopolistique qui fait outrage aux règles de libre-concurrence.

C'est d'ailleurs par le biais de Directives européennes, et sous pression du Royaume-Uni, que nous avons réellement marqué le pas de cette « évolution industrielle » du droit d'auteur. Une fois « industrialisé », ce droit a été soumis de plus en plus au contrôle d'instances économiques et de concurrence.L'avènement du numérique et de l'internet a en effet encore accentué cette évolution : on a étendu la protection du droit d'auteur à une série de choses qui n'auraient jamais dû s'y trouver, telles que les bases de données ou les logiciels.

• LES BASES DE DONNÉES . A la demande de l’industrie des bases données, l’on protège les bases de données, même informationnelles. Cette protection de bases de données électroniques trouve sa source dans la protection des anthologies (ce que l’on peut plus facilement comprendre). De l’anthologie à la base de données électronique, il y a quand même un monde de différence. Le changement ne s’est pas fait au sein de la Belgique : il s’agit en réalité d’un mouvement européen, du fait que certains pays disposaient d’une industrie particulièrement étendue. Par exemple, les Britanniques ont réussi à

convaincre de déposer un projet de directive, permettant d’imposer aux législateurs nationaux de reconnaître une nouvelle catégorie d’œuvres (les bases de données).

• LES LOGICIELS . Pendant longtemps, on s’est dit que quelque chose écrit par une machine est très éloigné de la notion d’œuvre. A l’époque, le Parlement belge est outré : il refuse de reconnaître aux logiciels, le statut de création. Il écrit, en contestant, qu’il refuse de transposer une telle directive. Finalement, le Parlement doit s’incliner ; mais le Sénat décide de tout réécrire. La directive est rédigée dans un jargon informatique, dans des termes si peu juridiques, que l’on ne comprend rien. Finalement, l’on va assimiler les logiciels aux œuvres littéraires : cela pose question malgré tout. L’on peut se demander s’il y a vraiment de la cohérence ? Une cohérence d’écriture peut-être.

LE DROIT D’AUTEUR : LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS ET LA PROTECTION DE L’ŒUVRE

I. ASPECT FINANCIER – ACTION DE L’AUTEUR Le droit d’auteur est un droit subjectif qui fait l’objet de prérogatives très étendues. Outre les prérogatives morales, il y a aussi des prérogatives pécuniaires, qui sont des moyens de valorisation de l’œuvre.

En pratique, les auteurs n’agissent plus de manière individuelle mais abandonnent la gestion de leurs prérogatives patrimoniales à des sociétés de gestion collective (SABAM, SACD,...). Ces sociétés sont devenus les interfaces entre l'auteur et l'exercice de ses droits dans ses relations avec les consommateurs/exploitants.

II. ASPECT FINANCIER – VIVRE DE SON ART ? Aujourd’hui, peut-on vivre de sa création, de son art ? Si l’historique des droits d’auteurs vise l’autonomie de l’auteur (rémunération, indépendance, etc.), force est de constater qu’aujourd’hui – malgré les lois rémunératrices européennes et le niveau de protection élevé – un auteur ne peut en principe décemment pas vivre de son art.

Il existe toutefois des exceptions :• LE SUCCÈS. Les auteurs d’une chanson à succès, ou encore de grands compositeurs

de musique, constituent une première exception. Ce sont des cas rares, mais certains – dont l’œuvre touche manifestement le public – sont susceptibles de vivre de leur art du fait d’une rémunération assez importante.

• LES ROYALTIES. Traduits en français par « redevances », les royalties constituent le paiement d’une somme d’argent, de façon régulière, en échange d’un droit d’exploitation – comme un droit d’auteur, une marque ou un brevet – ou d’un droit d’usage d’un service.

• LES CONTRATS D’EMPLOI. Certains auteurs sont également sous contrat d’emploi, et bénéficient donc d’un salaire fixe et déterminé, incluant aussi les royalties. Le désavantage certain d’une telle technique est que la liberté créatrice de l’auteur se trouve réduite. Par exemple : les scénaristes engagés à la RTBF, les auteurs de textes, sont des réalisateurs employés sous contrat. La sécurité financière existe certes, mais leurs choix d’orientation, leurs choix artistiques sont plus restreints. Non pas que l’auteur manque de sensibilité artistique, mais qu’il existe des contraintes.

La rémunération de l’auteur peut être pensée de façons différentes. Aujourd’hui, beaucoup d’auteurs sont indépendants MAIS ont des difficultés financières.

LES DROITS VOISINSIl existe aussi d’autres droits. La reconnaissance des droits aux interprètes par exemple. Ces personnes qui mettent en valeur l’œuvre d’un auteur ont aussi, malgré de fortes réticences, obtenu des droits : les droits voisins du droit d’auteur. C’est l’Europe qui va porter, avec l’appui de certains États membres, une harmonisation des droits voisins.

D'autres catégories de personnes sont également titulaires de droits voisins : les producteurs de disques ou de films ont des droits sur le support sur lequel l’œuvre est mise, les organismes de radiodiffusion ont aussi des droits sur leur signal,...

PARTIE 1ÉVOLUTION HISTORIQUE ET

DÉVELOPPEMENT DES DROITS D’AUTEUR

LE DROIT D’AUTEUR : APPARITION ET ÉVOLUTION DU CONCEPT

I. APPARITION DU CONCEPT : LAKANAL ET RENOUARD

Il n'est pas évident de dater l'apparition du droit d'auteur. Si on lit des ouvrages anciens, on verra qu’il n’y a pas d’accord sur une date précise quant à l’apparition des droits d’auteur.

Le concept de « droit d’auteur » est apparu très tardivement, à l’époque moderne (fin 18e- 19e) et aurait surtout prospéré durant la seconde moitié du 19e.

LAKANAL dira en 1793 que le droit qui peut être reconnu à l’auteur est « la propriété de la production de génie ». Au XXIe, on est plus dans un excès de protection. A l’époque, on venait d’une longue lutte pour les auteurs dans le but d’affirmer leurs prérogatives.

On va cependant attribuer à RENOUARD l’expression « droit d’auteur » en examinant son ouvrage « Le traité des droits d’auteur dans la littérature, les sciences et les beaux-arts ».

II. ÉVOLUTION DU CONCEPT DE « DROIT D’AUTEUR » : PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE + COPYRIGHT

L’usage de ce vocable s’est développé tout au long du 19e. Il sera utilisé concomitamment avec celui de « propriété littéraire et artistique ». Ces termes ne sont pas neutres : on remarque une volonté de s'approprier l'instrument, il y a une certaine idée de maîtrise, d'appartenance. Le concept de « droit d'auteur » vise surtout à défendre ceux qui sont à la source même de l’œuvre. La propriété littéraire et artistique, quant à elle, est plus proche

d’une conception patrimoniale : sont plutôt visés ceux qui vont reproduire l’œuvre ou en faire un commerce. On retrouvera un peu cette idée dans la notion ultérieure de copyright.

Si on compare ces termes avec celui de « copyright », il s’agit là du droit de s’opposer à la copie.

On va autant utiliser les termes de droits d’auteur que de propriété artistique et littéraires. Mais quand on y réfléchit, l’on pourrait privilégier l’un à l’autre. Mais ces termes ne sont, bien entendu, pas à confondre avec celui de copyright, car ce système est relativement étranger en Belgique, bien qu’il déteindra à un moment sur la jurisprudence de la Cour de cassation.

III. LIBERTÉS ET CONTRAINTES : QUESTIONS COMPLEXES

L’évolution du droit d’auteur se place dans un contexte fait de rivalité et d’équilibre des libertés. Le droit d’auteur est parfois apparu en confrontation avec la liberté d’expression. Les questions de censure sont au cœur de l’évolution du concept de droit d’auteur. L’organisation et le fonctionnement du marché influeront aussi sur les droits auteur, ainsi que le statut social des créateurs de l’œuvre. Enfin, la maîtrise de l’œuvre est mise à mal par l’accessibilité toujours croissante des sources d’information et le développement d'une « liberté d'accès au savoir. » Le droit d'auteur se base sur une logique totalement inverse : donner à l'auteur la maîtrise de son œuvre pour lui permettre de contrôler l'usage qui en est fait ; la restriction de l'accès est la seule possibilité pour l'auteur de pouvoir bénéficier d'une rémunération : une totale liberté d'accès n'est pas rémunératrice et favorisera notamment la contrefaçon.

Toutes ces questions débordent de la sphère juridique ; cependant, on retrouve ces contradictions dans les limites actuelles imposées au droit d'auteur, notamment via le droit européen : elles expliquent le contour du droit d'auteur et ont modulé ses conditions d’exercice, son champ d’application et ses exceptions.

A l’Époque moderne, par exemple, l’on va réfléchir à la manière dont on peut reconnaître un instrument, et les différentes façons qui permettront d’assortir cet instrument de limites. Au départ, ces limites étaient peu nombreuses. Mais aujourd’hui, il s’agit de listes terribles : elles sont énormes et généralement incompréhensibles, puisque trop techniques. Elles sont majoritairement issues de directives européennes, et par conséquent ne sont pas mises en œuvre de la même façon par les États membres : chaque exception est rédigée afin de faire plaisir à un certain nombre de personnes, ce qui fait que le découpage et la logique même du système des exceptions au 21ème siècle ne sont pas évidents à dégager.

LE DROIT D’AUTEUR À TRAVERS L’HISTOIRE

I. L’ANTIQUITÉ A- PREMIERS GERMES : L’AUTEUR COMME SIGNATAIRE DE

SON ŒUVRE

On va trouver ce qu’on va appeler « les premières traces » des principes fondateurs du droit civil. A l’époque romaine, le droit va surtout viser à garantir une forme de propriété, une maîtrise sur la production, sur les travaux qui sont accomplis. A l’époque romaine, on retrouve les prémisses des droits réels (les servitudes).

Ce concept de droit sur un bien immatériel qu’est le produit de la création de l’esprit n’est cependant pas abordé dans le corpus des différentes règles.

Pendant longtemps, l’influence du Code justinien fut non négligeable. Le Corpus Iuris Civilis n’aide pas à la reconnaissance des prérogatives de l’auteur. Bien au contraire, ce qui est incorporel ne peut pas faire l’objet d’une appropriation selon Justinien.

Cependant, certaines problématiques rappellent des problématiques modernes liéées au droit d'auteur.

Ex. : on est confronté au 6e siècle au transport d’amphores. Des disputes ont lieu sur l’origine de l’huile contenue dans des amphores signées. L’amphore revêt le cachet du propriétaire qui est en principe le propriétaire de l’huile. On est à la lisière du droit à la marque. Ce qui est en cause, c’est la signature de l’amphore. Il s’agit du début de la réflexion sur la contrefaçon. Dans ce cas là, on a effectivement des discussions sur la question du droit à la paternité. On reconnaît qu’il n’est pas anormal que l’auteur ou le propriétaire signe son œuvre au sens large. Cette notion de paternité va s’étendre et bénéficier au créateur-auteur.

B- L’AUTEUR COMME CRÉATEUR RECONNU D’UNE ŒUVRE

Le terme « auteur » existait dans l’antiquité en tant que dérivé du mot « octobre » qui lui même provient du verbe «augmenter-garantir ». Pour les latins, le terme « auteur » peut revêtir plusieurs significations. A l’analyse des écrits de l’époque ce terme peut signifier le garant d’une information (par extension, la source historique). Il s’agira aussi de celui qui va initier une action (celui qui agit) ou promouvoir des lois.On parlera également de l’auteur, créateur de l’œuvre.

Polaron (prof. ULB) dira que l’auteur est déjà vu à cette époque comme quelqu’un qui apporte à quelque chose en plus dans la culture. Cette conception va être véhiculée à travers les siècles et persiste encore aujourd’hui.

C- ABSENCE DE CONSÉCRATION JURIDIQUE – CONCEPT DE PLAGIAT

Cependant, il n’y a toujours pas de consécration juridique de la notion d’auteur.

Par contre la conception de plagiat existait déjà à l’époque ! On trouve déjà dans cette notion le jugement moral, la condamnation morale (mais pas encore juridique au sens propre). A l’époque, on va retrouver la sanction forte du plagiat. A la différence de la contrefaçon, le plagiat c’est le fait de se présenter comme l’auteur d‘une œuvre et délibérément cacher l’auteur original. La contrefaçon, c’est l’inverse puisqu’on veut justement faire croire qu’il s’agit de l’œuvre originale.

Vitruve (auteur du 1er siècle) raconte que Aristophane siégeant au sein d’un concours littéraire va vouloir récompenser un candidat apparaissant comme étant le moins pertinent. Lorsqu’on lui demande pourquoi il a choisi celui-ci comme lauréat., il répond qu’il peut apporter la preuve que tous les autres participants ont fait du plagiat. Ceux-ci furent déshonorés, condamnés pour vol et bannis de la ville.

Dans la jurisprudence du 21ème siècle, il y a une grande sévérité à l’égard du plagiat. Il y a une conscience que le plagiat est à l’origine de nombreux dégâts :

des dégâts économiques et industrielsdes dégâts moraux – pour l’auteur de l’œuvre plagiéedes dégâts éducatifs – nuisance à l’apprentissage

Dans certains pays européens, l’on retrouve de la jurisprudence où – pour certains élèves – la responsabilité des parents est mise en cause pour plagiat. Des élèves de 8 ou 9 ans se contentent de copier-coller ce qu’ils trouvent sur Internet pour faire un devoir sur une œuvre littéraire par exemple. L’apprentissage est donc important, car il faut enseigner aux plus jeunes que le plagiat est grave et les conscientiser : le cadre technologique est tel qu’il n’a jamais été aussi facile de s’approprier une œuvre.

D- C O N C L U S I O N

En conclusion, à l’époque romaine, il n’y a pas de véritable reconnaissance du droit d’auteur. A défaut, et toutefois, il existe la sanction du plagiat – sanction morale et assez sérieuse – et une certaine reconnaissance morale issue de la littérature.

• Certains écrits de VIRGILE expliquent à quel point le travail d’un auteur mérite qu’on lui reconnaisse à tout le moins du respect.

• Certaines épigrammes de MARTIAL diffusent la même idée. A ce sujet, il dira que « une œuvre, qui est divulguée, ne saurait pas changer de maître et que l’achat du papyrus ou du manuscrit ne permettra à l’imposteur de s’en arroger la gloire ou le bénéfice ». Une œuvre qui m’est divulguée ne devient pas ma propriété : on voit se dégager la différentiation entre la propriété du support et la propriété de l’œuvre.

On assiste également à l'apparition de problématiques liées au droit d'auteur, problématiques que l'on rencontre toujours aujourd'hui (contrefaçon).

Il est vrai que sur le plan patrimonial, à l’époque de l’Antiquité, on n’est nulle part : on ne paye pas les créateurs. Que le lecteur paye pour ce qu’il lit, est quelque chose d’impensable à l’époque. Certains auteurs se plaignent de cette situation. Le lecteur, à l’époque romaine, est quelqu’un qui appartient généralement à une classe sociale qui lui permet de se livrer à la lecture. Le lecteur peut payer ses domestiques pour telle ou telle tâche, alors pourquoi ne pourrait-il pas payer l’auteur qui lui permet de se distraire ?

II. LE MOYEN-AGE On ne trouve pas d’éléments pertinents.

• On est à l’époque des moines copistes : la copie est monnaie courante et se fait dans l'anonymat.

• Même lorsque des œuvres importantes sont produites, il n’y aura pas de revendication de protection : personne ne revendique la paternité de son œuvre ni ne cherche à faire une exploitation publique de ses productions.

On est plus dans le travail de l’ombre, dans l’étude isolée.

De surcroît, il n’y a pas de moyens de reproduction donc pas de possibilité de telles exploitations publiques des œuvres.

Il n’y a pas de progression politique (ou syndicale) de la propriété intellectuelle et artistique.Par contre, les auteurs vont commencer à se regrouper.

III. LA RENAISSANCE ET LA PÉRIODE CLASSIQUE

A- LA DÉCOUVERTE DE L’IMPRIMERIE ET SES CONSÉQUENCES

La découverte de l’imprimerie en 1454 bouleversera totalement les pratiques : il s'agit d'une révolution culturelle comparable à la révolution internet qui se produit de nos jours.

L’innovation technologique à cette époque permettra de reproduire des livres à grande échelle de façon beaucoup plus rapide et de faciliter l'accès à la connaissance : le livre devient un bien économique.

A partir du moment où on commence à reproduire et à diffuser, des investissements vont avoir lieu. Les investisseurs revendiquent évidemment une protection de l'investissement afin de garantir les sommes investies contre la concurrence et les risques de contrefaçons.

B- LE DROIT D’AUTEUR ET LA REVENDICATION D’UN MONOPOLE EXCLUSIF

Le droit d'auteur prend réellement racine dans cet état de concurrence généralisée entre les différents imprimeurs recherchant des garanties : ils se tournent vers l'autorité royale afin de revendiquer un DROIT DE MONOPOLE.

Le pouvoir royal se dépêche d'accéder à cette demande : par le biais de la procédure d'octroi de ce droit de monopole, il s'arroge un droit de regard et de contrôle (censure) sur la

production littéraire. Il y a croisement des intérêts politiques et économiques : les deux parties sont gagnantes.

On notera également que ce monopole est octroyé à l’éditeur et non à l’auteur : à l’origine, on reproduisait des livres anciens., la question de la paternité de l’œuvre ne se posant donc pas.

Il ne s'agissait donc pas d'un droit d'auteur à proprement parler mais uniquement d'un droit de monopole d'édition, par le biais de privilèges.

Ex. : la République de Venise va accorder le tout premier privilège d’impression à un certain Jean Spira en 1469. Il sera donc le seul à pouvoir imprimer et éditer.

C- C O N C L U S I O N

Le droit d’auteur tel que nous le concevons n’est toujours pas arrivé. Cependant, c’est le travail original de l’auteur qui est la base même des privilèges octroyés aux éditeurs : on assiste donc à une protection indirecte des auteurs via la protection des investisseurs (cette situation rappelle l'état actuel des choses : les auteurs bénéficient d'une protection par le biais de sociétés de gestion collective).

Les privilèges restaient de courte durée (3 à 10 ans).

En général, l’octroi des privilèges a permis de contrôler le marché.

IV. SOUS LOUIS XVI A- CONFLIT ENTRE LES ÉDITEURS DE PARIS ET LES ÉDITEURS

DE PROVINCE

En France, un grand conflit naît entre les libraires-imprimeurs parisiens et les provinciaux. Ces derniers entendaient contester l’hégémonie des imprimeurs de Paris qui bénéficiaient des privilèges. Les auteurs se sont alliés aux revendications des imprimeurs provinciaux devant le Parlement afin d'obtenir une reconnaissance de leurs droits et un certain statut.

Des débats ont lieu au Parlement. On a la volonté de plaider la reconnaissance de droits pour les auteurs.

Un avocat, avec beaucoup de subtilité, va plaider pour la perpétuité de la propriété de l'auteur sur son œuvre afin de désolidariser les auteurs des éditeurs provinciaux : cette idée séduira en effet les auteurs autant qu'elle horrifiera les éditeurs.

B- LES ARRÊTÉS RÉGLEMENTAIRES DE LOUIS XVI

Ceci sera concrétisé par 2 arrêtés de Louis XIV revoyant les droits de chacun : il va scinder le droit des libraires-imprimeurs d'un côté et reconnaître le droit des auteurs de l’autre. Ces derniers auront un privilège perpétuel. Les libraires-imprimeurs quant à eux n'auront plus qu'un privilège temporaire, l’objectif de ce privilège étant de recouvrer les sommes investies. On reconnaît donc un droit perpétuel sur une création (on retrouve l’idée romaine de Martiale) et un droit limité dans le temps pour les investisseurs.

Cette reconnaissance du droit de propriété de l’auteur sur son œuvre sera conservée après la Révolution française, dans une optique de protection des créateurs et d’expression des libertés. Mais jusqu’à la Révolution française, cette idée n’est pas aussi claire : les situations visées ne sont pas faciles, avant et même après ces arrêtés.

• Au 17ème siècle, MOLIÈRE subit le fait que Guillaume de LUYNES publie Les Précieuses Ridicules sans son accord. De LUYNES use de son privilège pour imprimer contre l’accord de l’auteur. Molière, dans ses écrits et notamment dans la préface des Précieuses Ridicules, se plaint de cette situation, et de son « absence » de droits.

• Mais il n’est pas le seul : CORNEILLE se retrouvera aussi dans une position semblable, mais sera quant à lui beaucoup plus actif. Lorsque ses créations sont mises au théâtre, Corneille va lutter toute sa vie pour une reconnaissance de ses droits. Et après les arrêtés de Louis XVI, les compagnies théâtrales exploitent les auteurs. Une fois qu’une œuvre est éditée, toutes les troupes peuvent jouer gratuitement sans accord de l’auteur.

C- CONCLUSION

En définitive, l’auteur ne bénéficie donc d’aucun droit.

Après les arrêts de Louis XIV, on va se retrouver dans un conflit entre Beaumarchais et l’Académie française. L’auteur va contester le fait que les intérêts des auteurs cèdent le pas aux intérêts des interprètes. Il va alors créer la S.A.C.D.

« On dit aux foyers des spectacles qu’il n’est pas noble aux auteurs de plaider pour un vil intérêt. Eux qui se piquent de prétendre à la gloire. On a raison : la gloire est attrayante. Mais on oublie que, pour en jouir

seulement une année, la nature nous condamne à dîner trois cent soixante-cinq fois. Et si le guerrier, l’homme d’Etat ne rougit point de recueillir la noble pension due à ses services, en sollicitant le grade qui peut lui en

valoir une plus forte, pourquoi le fils d’Apollon, l’amant des Muses, incessamment forcé de compter avec son boulanger, négligerait-il de compter avec les comédiens ? Aussi croyons-nous rendre à chacun ce qui lui est dû,

quand nous demandons les lauriers de la comédie au public qui les accorde, et l’argent reçu du public à la comédie qui le retient »

La loi la plus moderne qu’on va avoir au XVIII sera une loi anglaise de la Reine Anne. En 1710, il y aura en Angleterre la reconnaissance pour l'auteur d'un véritable droit exclusif patrimonial de reproduction et un droit d'enregistrement en son nom personnel.

V. LA RÉVOLUTION FRANÇAISE Des auteurs, dont Beaumarchais, vont alors mener un combat pour rétablir un système de protection des auteurs afin de lutter contre cette « piraterie » (diffusion et copie sans autorisation). Beaumarchais sera satisfait dans ses revendications puisque, à l’époque Révolutionnaire, le droit d'auteur est finalement assimilé au droit (naturel) de propriété. On a le sentiment que cette assimilation va permettre de donner au droit d’auteur un véritable statut puisqu’il est assimilé à une propriété qui est inviolable et sacrée.

A- PREMIER DÉCRET-LOI (13 et 19 janvier 1791)

Le 13 et le 19 janvier 1791, le droit de représentation des auteurs dramatiques est coulé dans un décret révolutionnaire. Il est l’aboutissement des combats de Beaumarchais et reflète la proximité de ce droit avec le droit de propriété.

Ce premier décret va être centré sur la liberté de spectacle. On parle d’abord de la liberté de tenir des pièces de théâtre et de monter des pièces. C’est dans ce texte que l’on trouvera les premiers principes de droit exclusif des auteurs dramatiques. « L’auteur peut disposer du droit exclusif d’autoriser la représentation de son œuvre. » Au départ, l’article 2 du texte sera plutôt rédigé en faveur de l’accès libre à l’œuvre puisqu'il prévoit une liberté d'accès aux œuvres dont les auteurs sont morts depuis cinq ans.

Mais, indirectement, il s'agit d'une protection de l'auteur dramatique de son vivant et 5 ans après sa mort, période pendant laquelle son consentement préalable (ou celui de ses ayant-droits) est indispensable pour la représentation.

B- SECOND DÉCRET-LOI (19 et 24 juillet 1793)

Ce décret, en visant tous les auteurs, a une portée plus générale que le premier: il met en place un champ de protection beaucoup plus large en visant tous les auteurs artistiques (arts classiques, les peintres, les dessinateurs, les compositeurs de musiques, etc.). Dans ce décret, c'est le droit de reproduction qui est garanti.

Ces deux décrets posent donc les bases des deux grandes prérogatives modernes habituellement reconnues à l'auteur :

• un droit de reproduction de l’œuvre • un droit de représentation (élargi après à un droit de communication)

Ces décrets sont l’œuvre des fameux Le Chapelier et Lakanal. Ils diront que « l’ouvrage qui est le fruit de la pensée d’un écrivain est en réalité la plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable et la plus personnelle des propriétés ».

Par la suite, on va voir apparaître une dilution de ce droit de propriété absolu des auteurs dans des considérations d'intérêt public : il s'agit d'instaurer une balance entre intérêts public

(liberté d'accès à l’œuvre) et privé (monopole et rémunération des auteurs). Ce droit de monopole des auteurs est en effet une dérogation à la liberté de commerce, récemment instituée par le décret d'Allarde, qu'il convient dès lors de contrebalancer par une limitation dans le temps : volonté de concilier le droit de l'auteur sur sa création et l'intérêt public.

C- C O N C L U S I O N

On assiste donc à une limitation de ce droit d’auteur post mortem auctoris à 5 ans dans le décret de 1791 et à 10 ans dans le décret de 1793 : cette étape marque le détachement du droit d'auteur d'avec le droit de propriété, droit éminemment perpétuel. Le droit d’auteur se distingue dès lors du droit de propriété en ce qu’il portera sur la prestation, la création immatérielle, qui est bien distincte du support.

Cette logique de cloisonnement des deux types de droit a perduré jusqu'à nos jours: quand on achète une œuvre d’art, il y a un droit d’auteur qui subsiste, indépendamment du support matériel dont on devient propriétaire ; ce droit d’auteur, c’est la prestation intellectuelle de l’auteur, de l’artiste.

VI. DROITS ÉTRANGERS

Aux États-Unis, en 1790, la loi fédérale américaine consacre le Copyright, investi des mêmes préoccupations de balance des intérêts public et privé mais inclinant légèrement en faveur de l'intérêt public.

Ex. : Cet état des choses transpire dans les différents conflits impliquant Google. Au terme de ce conflit, en Europe, une condamnation a été obtenue : Google viole clairement les droits d’auteur, car l’intérêt public n’était in specie pas primordial par rapport au droit d’auteur.

En France, cette construction législative sera amplifiée par différents décrets. Ce n’est qu’en 1957 qu’une véritable loi synthétisera la matière.

VII. EN BELGIQUE En Belgique, il faudra attendre 1886. Une loi-cadre d'une grande qualité légistique et faisant preuve d'une grande modernité est adoptée, ne comprenant qu’une quarantaine d’articles. Elle consacre une protection assez étendue pour 3 catégories d’œuvres : les beaux-arts, la littérature et la musique. La loi du 22 mars 1886 a eu une influence considérable et perdurera pendant plus d'un siècle : ce n'est qu'en 1994 qu'elle est abrogée par une loi intégrant par la même occasion toute la jurisprudence construite sur l'ancienne loi de 1886.

VIII. AU NIVEAU INTERNATIONAL : CONVENTION DE BERNE

A- RATIO LEGIS DE LA CONVENTION DE BERNE

Fort de sa modernité, la loi de 1886 influencera les grands travaux internationaux. La Belgique fut précurseur en la matière et nos représentants au Parlement ont été amenés à collaborer avec des Parlements étrangers. Ils ont par ailleurs été très actifs dans l’écriture de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques . Cette convention, adoptée le 6 septembre 1886, sera imprégnée des principes clés que l’on décèle dans la loi belge de la même année.

Droit belge et droit international continueront de s’influencer mutuellement.

Cette Convention répond à une impératif d'unification de la protection des œuvres : en effet, les protections ne peuvent s'arrêter aux frontières des États ; ceci est d'abord contraire à la vocation universelle des œuvres mais est également générateur de contradictions entre régimes et source d'une grande insécurité juridique. Il a donc été nécessaire de procéder au développement d'une protection internationale pour dépasser ces différentes protections nationales.

D'autres textes de nature internationale ont néanmoins été adoptés avant la Convention de Berne.

La Prusse avait par exemple conclu des traités organisant un régime de réciprocité.

La Belgique avait, pour sa part, signé un grand nombre de traités bilatéraux (France, Portugal, Suisse, etc.).

Ex. : procès historique opposant Zola et Busnach à M. Driessens, un adaptateur qui adapta une traduction flamande de « L'Assommoir » afin de faire jouer le texte au théâtre. Driessens était cependant de bonne foi puisque l'accord bilatéral entre la France et la Belgique ne prévoyait pas un régime d'autorisation préalable et l’œuvre pouvait être mise en scène moyennant une simple rémunération. Était néanmoins intégrée dans cette convention une clause de la Nation la plus favorisée : une telle clause permet de se prévaloir d'autres conventions liant l'autre État et prévoyant un régime de protection plus favorable. Il s'agit donc là d'une source d'insécurité majeure puisqu'il n'existe pas réellement de moyens de s'informer sur les différentes conventions liant l'autre État signataire. Or, en l’occurrence, la Belgique avait instauré un régime d'autorisation préalable dans plusieurs conventions, notamment avec la Suisse et le Portugal. Zola et Busnach ont donc invoqué l'application de ce régime en se prévalant de cette clause de la Nation la plus favorisée. La Cour d'appel de Bruxelles fait droit à leurs revendications dans un arrêt motivé du 22 mai 1880.

Un autre problème potentiel est que – au niveau international – les étrangers sont parfois mieux protégés dans un Etat que ses propres nationaux, par le truchement de conventions bilatérales.

Par exemple, une Convention franco-belge du 31 octobre 1881 accorde des droits d’exécution d’œuvres musicales. Par conséquent, les compositeurs français peuvent, en Belgique, se prévaloir de ce régime et les Belges peuvent, en France, faire de même. Mais la loi belge ne reconnait, à cette époque, aucun droit exclusif pour les compositions

musicales en Belgique. De ce fait, les compositeurs belges sont sanctionnés par rapport aux Français : ils sont contraints d’accepter la lacune de la loi, et ne peuvent pas revendiquer de protection.

A la lumière de ces situations qui étaient multiples, une volonté d'unification se dégage afin de corriger ces déséquilibres, ce qui aboutit à la rédaction et l'adoption de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques.

B- LES MÉCANISMES FONDAMENTAUX DE LA CONVENTION DE BERNE

Elle institue une Union entre État : l’Union de Berne. Cette Union a été voulue de façon à rester ouverte à n’importe quelle nation, ce qui lui permet de perdurer indépendamment du départ de certains États. Cette convention est désormais gérée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (L’OMPI) qui est un bureau spécialisé de l’ONU.

Cette convention est née d'une volonté d'unification législative. Au niveau de la technique juridique, bien qu'un certain nombre de voix s'élevaient en faveur de la constitution d'un droit unique se substituant aux droits internes, c'est finalement la technique du rapprochement législatif qui a été retenue : les législations nationales subsisteront mais seront liées entre elles par la Convention, via l'application de 2 grands principes (art. 5) :

• Principe de l’assimilation des étrangers aux nationaux : un ressortissant d'un État membre doit se voir appliquer, dans tous les autres États membres de l'Union, le même régime protectionnel que les nationaux de cet État. La Convention va cependant plus loin en ce qu’elle veut aussi protéger des ressortissants d’États non membres mais qui ont publié pour la première fois leur œuvre dans un des pays signataires. La Convention accepte de surcroît de protéger les auteurs, non ressortissants d’un Etat membre, publiant simultanément au sein de l’Union et en dehors de celle-ci. On distingue ici la volonté d'encourager la première publication dans l'Union ; Sans la moindre formalité, des auteurs étrangers pouvaient donc être protégés dans les pays de l’Union.Ce régime généreux, bien qu'il ait permis un rapprochement des législations, connait cependant des limites : si la loi nationale ne prévoit pas de protection et est lacunaire, l’auteur restera dépourvu de toute protection.

• Instauration d'un minimum conventionnel : Le principe du minimum conventionnel complètera les lacunes éventuelles laissées par l’application du principe du traitement national. Ce principe va consister à imposer l’application d’un noyau dur de règles internationales dans tous les États unionistes, quelque soit la teneur des droits nationaux.

Par exemple, dans le droit britannique, les prérogatives morales de l’auteur ne sont pas très étendues. La Convention consacre des droits moraux sur l’auteur (droit de signer l’œuvre, droit de s’opposer à une déformation de l’œuvre, etc.). Les auteurs étrangers pouvaient revendiquer l’application de ce noyau dur pour obtenir le bénéfice des droits moraux.

De quoi est constitué ce minimum conventionnel ? De toute une série de choses : classification non-exhaustive des œuvres protégées, prérogatives reconnues à l'auteur,...

Puisqu'il s’agit d’une convention internationale, il va de soi qu'un élément d’extranéité est requis, en l’occurrence un auteur qui réclame dans un pays dont il n’est pas ressortissant une protection juridique.Cette convention va favoriser la mobilité des œuvres et va créer une certaine unité dans la protection.

La Convention de Berne aura une grande influence en retour sur le droit belge :

• la Convention évoluera plus rapidement que la loi belge. La jurisprudence belge reprendra les évolutions législatives de la Convention.

• En 1953, le législateur belge rend la Convention applicable aux auteurs belges entre eux, sans que soit nécessaire un élément d'extranéité. De manière très pragmatique, on décida que la Convention pourra s’appliquer dans cette situation, lorsque les dispositions de la Convention sont plus favorables que les dispositions internes.

On évite ainsi que les étrangers bénéficient d'un meilleur niveau de protection que les nationaux.

La loi de 1994 n’a pas empêché. le législateur d’adopter en 1999 une loi semblable à celle de 1953.

Parfois les juridictions semblent ne pas comprendre cette articulation :• la loi de 1999 est plus récente, mieux rédigée et plus connue• la loi de 1953 est souvent oubliée dans les ouvrages et méconnue des juristes

Dans les faits, et durant de nombreuses années, les Cours et Tribunaux ne connaissent pas cette loi de 1953 et se demandent donc comment ce droit international peut-être appliqué. La conséquence est donc une grande méfiance.

C- ÉVOLUTION DE LA CONVENTION DE BERNE

La Convention de Berne rassemble une centaine de pays. Cependant, cette convention n’a pas été suffisamment adaptée aux dernières évolutions technologiques. Les USA ont tiré parti de la faiblesse de l’Union de Berne qui était accentuée par les tensions entre les pays développés, émergents et en voie de développement ainsi que par les points de vue divergents de certains négociateurs, pour ramener le droit d’auteur dans une enceinte qui leur était plus favorable et qui permettrait le développement du droit d'auteur vers quleque chose se rapprochant plus de la conseption mercantile du droit de copyright, en l’occurrence, l’OMC. On va quitter une union d’États créée au XIXe siècle qui avait comme objectif de promouvoir la culture et la circulation des œuvres pour rentrer dans une organisation qui s’oriente sur des problématiques plus commerciales. Des accords commerciaux (cf accords TRIPS/ADPIC) sur les droits d’auteur vont être signés dans les années 1990 Ils tiendront compte de l’évolution industrielle

et technologique des droits d’auteur mais négligeront certaines prérogatives humanistes du droit d’auteur.

Ce n'est que par la suite que l’union de Berne développera, à son tour, un nouvel instrument pour rattraper le retard accusé en matière de nouvelles technologies.

PARTIE 2CADRE LÉGAL ACTUEL

EN DROIT POSITIF

La matière des droits d’auteur a connu un développement fulgurant, notamment en raison de l’évolution technologique.

I. La loi du 22 mars 1886 a été remplacée par la loi du 30 juin 1994. Il s’agit du texte de base en matière de droit d’auteur et droits voisins. La loi est assez indigeste car certaines dispositions sont trop détaillées. Certaines dispositions ont d'ailleurs perdu de leur actualité de par leur trop grand degré de précision : la jurisprudence peut donc difficilement en faire évoluer l’interprétation en raison de l’absence de généralité des termes.

II. S’ajoute à cette première loi, la loi du 25 mars 1999 qui rend applicable la convention de Berne aux conflits entre auteurs belges. Il y a toujours une superposition en droit belge entre la loi de 1994 et, indirectement, la convention de Berne, par le biais de la loi de 1999.

La loi du 30 juin 1994 a été modifiée à plusieurs reprises en raison de l’adoption de plusieurs directives européennes. Il y a 9 directives pour la matière des droits d’auteur. Une partie de ces directives avaient déjà été transposées dans l’ordre juridique interne lors de l’adoption de la loi de 1994. D’autres, par contre, sont apparues après l’adoption de la loi et été introduites en droit belge par modifications successives de la loi de 1994.

• En 1998, on a adopté une loi qui transposait une directive de 1996 concernant les bases de données. Ces dispositions ont été ajoutées dans la loi de 1994.

• En 2005, on a transposé une importante Directive de 2001 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (technologie de l’internet, les téléchargements, la vidéo à la demande,...). Cette directive comprend toute une série de dispositions communautaires qui vont délimiter le champ d’application du droit d’auteur dans l’internet et prévoit notamment un chapitre important reprenant des exceptions au droit d'auteur dans le domaine de l'internet.

On se retrouve aujourd’hui avec 130 arrêtés d’exécution qui mettent en œuvre les dispositions de la loi.

Par ailleurs, il faut noter que quatre autres lois existent en droit interne.

III. Une loi spéciale du 30 juin 19941 (différente de celle évoquée ci-dessus) transposant une Directive de 1991 a trait aux programmes d’ordinateur. Elle n'a pas été intégrée à la loi générale concernant les droits d’auteur parce que la protection relative aux programmes d’ordinateur était à ce point complexe que les parlementaires ont recopié presque intégralement la directive.

IV. Ensuite, trois autres lois de mai 2007 ont complété l’arsenal juridique en la matière, particulièrement en ce qui concerne la procédure :

• Loi sur les aspects judiciaire de la protection.

• Loi sur les aspects civils de la protection.

• Loi sur la répression de la contrefaçon et de la piraterie.

V. A ces textes de droit national s’ajoutent les textes à portée internationale :

• Les différentes Directives européennes

• La Convention de Berne

• Les accords ADPIC/TRIPS (OMC) qui contraignent les États à se conformer aux articles 1 à 21 de la Convention de Berne en matière de droit d’auteur. Ces accords vont permettre d'étendre l'application de la Convention à certains « comptoirs de la contrefaçon », une série d’États qui n’étaient pas partie à la Convention de Berne mais qui étaient membres de l’OMC.

1 Loi du 30 juin 1994 transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur.

PARTIE 3LA NOTION D’ŒUVRE

LA RECHERCHE D’UNE DÉFINITION SUR BASE DES LÉGISLATIONS BELGES

La notion d'« œuvre » est tout sauf claire, pourtant elle est essentielle à l'éligibilité de la protection du droit d'auteur. Dans l’histoire du droit d’auteur, cette notion a fait l’objet d’énormément de commentaires de doctrine et de controverses jurisprudentielles.

La difficulté provient du fait que la loi ne définit pas cette notion ; elle se contente de renvoyer à la notion d'« œuvre littéraire ou artistique » (art. 1er). La loi de 1886 ne définissait pas non plus cette notion (à l'exception notoire des œuvres littéraires – art. 102). On y trouvait simplement des catégories d’œuvres (littéraires, musicales et d'art).

La loi actuelle reprend ces catégories d’œuvres littéraires, d’œuvres musicales et d’œuvres d’art auxquelles elle va cependant en ajouter d'autres :

• La notion d’œuvre audiovisuelle• La notion de photographie• La notion de programme d’ordinateur• Etc.

Le droit national ne permettant pas de définir clairement la notion d’ « œuvre », il a fallu recourir à la Convention de Berne. C’est en effet celle-ci qui livrera aux tribunaux belges les premiers critères d’interprétation par rapport à la qualification d’ « œuvre ». La Convention va lister, en son article 2.1, plusieurs catégories d’œuvres.

« Les termes «œuvres littéraires et artistiques» comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression, telles que: les livres, brochures et autres écrits; les conférences, allocutions, sermons et autres œuvres de même nature; les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales; les œuvres chorégraphiques et les pantomimes; les compositions musicales avec ou sans paroles; les œuvres cinématographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la cinématographie; les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie; les œuvres photographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la photographie; les œuvres des arts appliqués; les illustrations, les cartes géographiques; les plans,

2 On retrouve cette définition à l'art. 8, §1 de la loi de 1994 : « Par œuvres littéraires, on entend les écrits de tout genre, ainsi que les leçons, conférences, discours, sermons ou toute autre manifestation orale de la pensée. »

croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture ou aux sciences. »

LES LIGNES DIRECTRICES DE LA CONVENTION DE BERNE ET LEUR APPLICATION EN DROIT INTERNE

I. DEUX CRITÈRES GÉNÉRAUX Plus fondamentalement, la Convention va mettre en avant deux critères généraux qui vont aider à clarifier le statut d’œuvre.

Les termes « œuvres littéraires et artistiques » visent deux choses :• L’ensemble des productions du domaine littéraire, scientifique et artistique : ceci

marque la généralité de la protection. Ce sont toutes les œuvres du domaine littéraire, artistique et scientifique. Les œuvres scientifiques sont clairement visées alors qu'elles étaient jusque là exclues du régime de protection.

• L’idée qu’aucune limitation liée au mode ou à la forme d’expression de l’œuvre ne peut être prise en considération. Il est interdit de porter des appréciations différentes en fonction de la forme d’expression de l’œuvre ou en fonction de son mode d’expression. Peu importe que l’œuvre soit écrite, orale ou peinte. Le procédé n’a pas d’incidence. Le fait que l’on utilise un procédé numérique ou typographique, n’a aucune incidence.

Ces lignes directrices tracent un périmètre particulièrement large à la protection du droit d'auteur.

II. (NON-)RESPECT DE LA CONVENTION DE BERNE PAR LES COURS ET TRIBUNAUX ?

La convention de Berne va cependant susciter la réticence de certains juges à accorder une protection à certains types d’œuvres.

Les photographies ont toujours fait controverse dans la matière qui nous intéresse. Selon la Convention, les photographies devraient être protégées. La notion de « mérite » est cependant bien ancrée dans nos sociétés. On mérite une protection, si on a un certain talent. Il est possible, ici, de faire un parallèle avec la justice sociale de Marx. Selon cette théorie, chacun devait être rétribué en fonction de son travail, de l’effort fourni, de la compétence, du talent. Or, le rejet de l'appréciation de la valeur artistique de l’œuvre est fondamental ! Peu importe la valeur de l’œuvre, le juge n’a pas à s'ériger en critique d’art. Il ne doit pas donner son sentiment personnel sur ce qui est beau et ce qui n’est pas beau, sans quoi on verserait dans une grande insécurité juridique de par la trop grande part de

subjectivité de ce processus. Il est possible d'exclure une photographie du champ d'application du droit d'auteur si elle ne fait que refléter de façon purement mécanique le réel. Mais il conviendra de démontrer que la photographie ne fait pas l'objet d'un apport particulier ; lors de la motivation relative à l’écartement de la photographie du champ d’application du régime de protection, le juge ne pourra en aucun cas apprécier la valeur artistique ou esthétique de l’œuvre, sans quoi il s'expose à une censure de la Cour de cassation (bien que sa jurisprudence ne soit pas toujours constante) : le juge ne peut prendre en considération la forme ou le mode d'expression de l’œuvre ; il ne peut verser dans une appréciation subjective de la qualité, du mérite de celle-ci !

Dans la loi belge, il n’y a pas d’interdiction clairement énoncée de prendre en compte le mérite ou la valeur de l’œuvre. Un certain nombre de juges le font encore aujourd’hui. De son coté, la Cour de cassation est variable dans la censure qu'elle fait d'un tel comportement adopté par le juge. En effet, le législateur belge s'étant retranché derrière les lignes directrices de l’article 2.1° de la Convention, ceci a donné lieu à des applications très variables de cette interdiction par nos juridictions.

En France, par contre, le législateur a clairement exclu le critère du « mérite » de l’œuvre3.

« Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. » (art. Art. L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle)

LA QUESTION DE LA VALEUR ARTISTIQUE DE L’ŒUVRE D’ART

La question de la valeur artistique de l’œuvre a été au centre des débats concernant les œuvres d’art.

L’affaire Brancuși illustre parfaitement le débat de la reconnaissance de l’œuvre en dehors de sa valeur artistique.

I. L’AFFAIRE « BRANCUSI » Cette tension qui existe entre l’art et le droit se retrouve dans l’affaire Brâncuși.

En octobre 1927 s'ouvrit à New-York un procès opposant le sculpteur Brancusi à l'État américain. Il s'agissait pour le plaignant de prouver que sa sculpture intitulée « Oiseau », qui venait d'être lourdement taxée à l'importation par les douanes américaines en tant qu'objet utilitaire, était bel et bien une œuvre d'art et, comme telle, exonérée de droits de douane.

3Article L112-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Ce procès illustre exemplairement l'imbrication entre l'argumentation juridique, appuyée sur les règles formalisées du droit, et l'argumentation esthétique, appuyée sur les conventions informelles délimitant le sens commun de l'art.

A l’époque, l’œuvre d’art devait se rapprocher un maximum de la réalité. Il faut que l’œuvre restitue le réel. La qualité de l’artiste était évaluée selon la proximité de son œuvre avec le réel. Sa sculpture ne reprenaient donc pas du tout les standards de l’époque car il s’agissait d’un animal et pas d’un humain qui, de surcroît, était représenté de manière particulière abstraite.

Dans le cadre du procès, BRANCUSI est confronté à des arguments déstabilisants, tant sur le plan humain que sur le plan juridique. Sur le plan humain, il n’a pas été ménagé. Les arguments juridiques sont cependant terre à terre et très pragmatiques. Comment appréhender le fait qu’une œuvre d’art qui ne s’inscrit pas dans la ligne de l’époque, soit quand même considérée comme une œuvre d’art au sens de la loi ? Durant le procès, l’on se base principalement sur des présomptions. Voici les arguments avancés :

• il ne s'agit pas d'un original au sens de la loi, car c'est une copie d'un précédent modèle en marbre fait de façon industrielle. Cet argument est évacué grâce aux preuves rapportées que la conception finale n'a rien avoir avec le modèle initial et que, par son intervention sur le corps de l'objet, Brancusi a cassé l'hypothétique chaîne d'exécution industrielle.

• L'objet de ressemble pas à ce qu'il est censé figurer : plus généralement, l'ensemble de cet argument de la ressemblance repose sur la conception traditionnelle de l'art comme mimesis, où la nature artistique de l'objet dépend de l'habileté de l'artiste à représenter, à figurer un objet du monde de façon identifiable. La réponse opposée par Brancusi est que la ressemblance en art peut être purement intérieure, , subjective, suggestive.

• BRANCUSI n’est pas un artiste reconnu, donc son œuvre n’est pas une œuvre. C’est le premier d'une série d'arguments qui ne visent plus à discréditer l’œuvre en tant que telle mais bien la personne de Brancusi : la reconnaissance dont il se targue n’est que relative, puisque seul son entourage achète ses œuvres. BRANCUSI décide alors de prouver qu’il est capable d’exporter et de vendre à l’étranger, qu’il est reconnu comme artiste par les institutions au plus haut niveau. Donc l’argument de la reconnaissance est balayé par des preuves.

• BRANCUSI est un marginal, le seul à pratiquer ce genre de créations : il s'agit de remettre en cause le professionnalisme de l'artiste. L’avocat de BRANCUSI va être très fin sur cet argument : il va tenter de démontrer que Brancusi s'inscrit dans une forme d'art partagées par d'autres, voire très anciennes. Des œuvres de l’Égypte ancienne sont alors montrées, ce qui prouve qu’il y avait déjà une recherche

d’abstraction et d’élégance à l’époque. Et ces œuvres anciennes plaisaient aux Américains. De cette façon, par une mise en valeur des ressemblances et points communs, l’on peut reconnaître la l’œuvre de BRANCUSI.

• BRANCUSI est un mauvais artiste, qui pratique l'abstraction faute d'être capable de figuration : on remarque qu'on sort ici totalement du cadre juridique pour faire intervenir des critères d'évaluation empruntés au sens esthétique ordinaire. BRANCUSI montre alors, par des témoignages, qu’il est aussi capable de sculpter des formes humaines. S’il n’avait pas démontré cela, son œuvre n'aurait certainement pas été reconnue comme telle : il a ainsi prouvé qu’il pouvait satisfaire aux exigences requises.

• BRANCUSI fait des œuvres d’artisan et non d’artiste, car il a reproduit son œuvre dans du bronze. Ses opposants lui indiquent qu’on ne sait pas voir s’il a poli lui-même le bronze : ce sont sûrement des artisans qui l’ont fait. Brancusi prouve qu'il est bien celui qui a confectionné l’œuvre et dira qu'il s'agit d'une œuvre parce qu’elle a été créée par un artiste.

• L’œuvre de BRANCUSI n’est pas une œuvre d’art : il s’agit du huitième argument, au terme de toutes sortes de considérations. D’autres sculpteurs, appelés à la cause, s’attaquent à BRANCUSI et remettent en cause son œuvre : ils estiment qu’il ne s’agit ni d’une œuvre d’art, ni même d’une sculpture. BRANCUSI doit donc démontrer le contraire. C’est un dialogue très délicat, car aucun n’avait vu d’autres œuvres de BRANCUSI. A ce moment, BRANCUSI produit d’autres témoignages en sa faveur. Les paroles des uns contre celle des autres.

BRANCUSI, finalement, déroule les critères juridiques qui sont justes.

• Il dira d’abord que « toute opinion en matière d’art est subjective ».

L’argument le plus important et le plus pertinent est sans nul doute le premier : toute opinion est de toute façon subjective. C’est une question qui a été fortement discutée, et qui a permis au juge d’admettre que l’appréciation subjective de la notion d’œuvre d’art pouvait le mettre dans des positions contraires aux autres juges, puisque tout le monde n’a pas la même façon de percevoir les choses.

• Il dira ensuite que « la beauté de l’objet en fait une œuvre d’art », mais on retombe ici sur quelque chose de subjectif basé sur le mérite.

Concernant le second argument et le critère de la beauté, BRANCUSI l’a développé de façon subtile : une œuvre d’art doit susciter une émotion. Bien qu’insatisfaisant aujourd’hui, cette argument a été accepté par les juges de l’époque.

• Enfin, il dira que « ma création n’a aucune vocation utilitaire ».

II. LABELLING THEORY BRANCUSI remporte la victoire. La modernité de cette décision tient en la volonté de la Cour de se départir de conceptions subjectives. On lui attache l’idée du labelling theory : « art, it seems, is art if one thinks it is ». Si l’on déclare l’œuvre comme une œuvre d’art, il faut en principe la reconnaître comme œuvre d’art.

C’est le cadenas d’une porte d’un village africain, qui est stylisé et qui est un objet militaire. Le juge pose la question : mais qu’est-ce ? L’avocat lui répond que c’est une œuvre d’art. L’opposant rétorque c’est un cadenas africain. Lors de la plaidoirie, l’avocat reprend certains arguments du procès de BRANCUSI et dit au juge : à partir du moment où l’artiste se considère comme tel, il faut le considérer comme tel aussi. Le juge est interloqué et estime que c’est à lui d’apprécier : mais l’avocat lui répond qu’il n’est pas critique d’art. Selon l’avocat, le juge doit appliquer le labelling theory. Sauf à montrer qu’on ne rencontre pas un élément particulier qui permet de démontrer que ce n’est pas purement fonctionnel, que ce n’est pas une chose qui existe, etc. En d’autres termes : ce cadenas est considéré comme œuvre d’art par son créateur (c’est donc un postulat), et rien ne permet d’affirmer le contraire puisqu’aucune indication ne fait état de plagiat, d’absence d’utilité, etc. Ces éléments doivent servir à rassurer le juge. NB : l’avocat en question est C. DOUTRELEPONT.

Dans d’autres domaines de la propriété littéraire et artistique, les juges ont été aussi confrontés à de telles discussions. Par exemple, concernant les programmes de comptabilité. Est-ce une œuvre ? Si cela obéit à une logique purement fonctionnelle, il est difficile de considérer que c’est une œuvre.

III. LES CRITÈRES Pour essayer dégager des éléments permettant de guider notre appréciation, la doctrine et la jurisprudence se sont appuyées sur d’autres critères :

• La recherche de l’empreinte personnelle de l’auteur : une partie de la doctrine va plébisciter ce critère.

• L’apport intellectuel : ce critère est avancé par des auteurs influencés par le droit anglo-saxon.

En définitive, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur les deux critères à remplir pour constater l’existence d’une « œuvre ». Il s’agit de la création originale qui doit être exprimée dans une forme particulière.

A- PREMIER CRITÈRE : L’ŒUVRE ORIGINALE

1. PREMIER VOLET – Le concept d’originalité qualifiéeQuant au critère de l’originalité, on a dégagé ce concept car on l’a trouvé de manière rudimentaire dans certains textes de lois. La loi de 1994 utilise ce concept d’œuvre originale dans certaines de ses dispositions. L’article 2, §5 dispose en effet que, « [l]a durée de protection des photographies qui sont originales, en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur, est déterminée conformément aux paragraphes précédent ».

2. Un concept communautaire

Cependant, le législateur belge a pris cette disposition pour transposer une Directive européenne. La Directive en question dispose qu’une œuvre est originale lorsqu’elle est une création intellectuelle propre à son auteur. Il s'agit donc à l'origine d'un concept communautaire, que l'on retrouve d'ailleurs dans beaucoup d'États membres qui l'ont transcrit tel quel.

La notion d’originalité laisse encore une marge d’interprétation, nous sommes loin d'être en présence d'un critère fermé. Cependant, petit à petit, on peut considérer que la notion se clarifie. C'est dès lors à la Cour de cassation qu'incombera la tâche d'unifier et clarifier davantage ce concept.

3. Jurisprudence de la Cour de cassation : 27 avril 1989La Cour de cassation va, en 1989, se pencher sur la question en matière de photographie. Le litige portait sur la question de savoir si des photographies de machines pouvaient se voir qualifier « d’œuvres ».

« Pour qu'une photographie puisse bénéficier de la protection de la loi du 22 mars 1886 sur le droit d'auteur et de la Convention de Berne du 9 septembre 1886, il faut mais il suffit qu'elle soit l'expression de l'effort intellectuel de son auteur, condition indispensable pour donner à l'oeuvre le caractère d'individualité nécessaire pour qu'il y ait création; dès lors que la valeur artistique de l'oeuvre photographique n'est pas une condition nécessaire à cette protection, est illégal l'arrêt qui refuse celle-ci à des photographies de machines par les motifs qu'elles "ne présentent pas une originalité esthétique - sentiment du beau et du sublime -, même si, sur le plan technique, elles touchent à la perfection. »

La Cour casse donc la décision rendue par les juges du fond, en ce qu’ils avaient retenu la valeur artistique comme critère. Selon la Cour, la valeur artistique de l’œuvre photographique n’est pas une condition nécessaire. En ce sens, la décision des juges d’appel est illégale car ils ont refusé la protection photographique des machines. Selon eux, « ces photographies ne présentent pas une originalité esthétique, sentiment du beau et du sublime, même si sur le plan technique, elles touchent à la perfection ».

La Cour aborde 4 grands concepts dans à peine dix lignes : • l’effort intellectuel• l’individualité• la création• l'empreinte personnelle

C’est une sorte de définition par induction, un raisonnement en cascade à caractère abstrait en 3 étapes : s’il y a effort intellectuel, alors l’œuvre a une individualité, et cette individualité est nécessaire pour dire qu’il y a création. L’on peut en ce sens dire que la Cour de cassation a mis en place une sorte de « test » au travers de ces critères.

Cet arrêt de la Cour de cassation est en réalité inspiré du droit anglo-saxon, et plus précisément de la notion de skill and labour. Au départ, la Cour a une conception humaniste du droit d’auteur ; mais au terme de cette jurisprudence, la notion subjective de l’empreinte personnelle de l’auteur laisse place à des éléments objectifs comme le critère de l’effort personnel, un concept qu’elle invente pour créer un périmètre d’appréciation qui est au départ plus proche de la propriété industrielle que du droit d’auteur.

4. Jurisprudence de la Cour de cassation : 25 octobre 1989Dans un second arrêt du 25 octobre 1989 relatif à un catalogue de fourniture d’électro-ménager, la Cour va cependant rejeter le pourvoi en estimant que ce type de catalogue ne pouvait pas avoir un caractère original car il n’était pas marqué par la personnalité de l’auteur. La Cour va donc remettre l’accent sur l’élément subjectif de l' « empreinte personnelle ».

« Décide légalement qu'un catalogue de la partie civile ne présente pas les caractères nécessaires pour être protégé par la législation sur les droits d'auteur en sorte que les faits visés à la prévention d'atteinte de façon méchante ou frauduleuse aux droits d'auteur mise à charge du prévenu ne sont pas établis, l'arrêt qui relève que "si le catalogue élaboré durant de nombreuses années par la partie civile d'une manière minutieuse lui a permis d'acquérir une certaine maîtrise dans la recherche rapide de pièces détachées, il ne comporte cependant que des renseignements auxquels tout professionnel expérimenté peut avoir accès à condition d'effectuer des recherches parfois longues et compliquées" et qui ainsi, considère que le catalogue litigieux, n'étant pas marqué par la personnalité de son auteur, ne revêt aucun caractère original. »

5. Plus tard : 1998 et 2012Dans un arrêt du 10 décembre 1998, la Cour va faire une sorte de revirement implicite. Le cas concernait la matière de la photographie, matière, nous avons eu l'occasion de le voir, hautement controversée dans les droits d’auteur (pas d’expression suffisante de sa personnalité, pas d’effort personnel, valeur artistique, etc.). La Cour réaffirme son critère de l'effort intellectuel dégagé en 1989 mais ne va cependant pas casser la décision du juge du fond qui avait dénié le caractère d'originalité à la photographie au motif qu'elle n'impliquait pas de sentiment esthétique particulier. Elle rappelle donc son critère mais n’en déduit aucune conséquence pratique. Cet arrêt a évidemment fait l’objet de critiques de la part de la doctrine.

Le 26 janvier 2012, la Cour était confrontée à des dessins d’une artiste. La demanderesse en cassation estimait que l’originalité consistait dans l’utilisation de couleurs anciennes dans ses dessins. Les juges du fond n’avaient pas fait droit à sa demande en constatant que l’artiste avait pris conseil auprès de la défenderesse pour l'utilisation de ces couleurs. De plus, les juges du fond ont estimé que les thèmes abordés par l'artiste étaient éculés. Ils en déduisent qu'il y a absence d'effort intellectuel et donc absence de création.

La Cour de cassation dira que l’article 1er de la loi sur les droits d’auteur implique qu’une œuvre est originale si elle est la création intellectuelle propre à l’auteur. La Cour rajoute qu’en définitive, il n’est pas requis que œuvre porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

« Une œuvre littéraire ou artistique est protégée par le droit d'auteur si elle est originale, en ce sens qu'elle est la création intellectuelle propre à son auteur(1); il n'est pas requis à cet égard que l’œuvre soit marquée de la personnalité de l'auteur . »

On retrouve donc cette préoccupation de la Cour de cassation qui était déjà présente dans le premier arrêt de 1989 de rendre l’appréciation plus objective et donc plus fiable afin d’éviter l'écueil de la subjectivité des juges du fond. Pour évacuer cette subjectivité, la Cour a exclu le critère de l’empreinte personnelle.

Se trouve ici exposée et résumée la controverse jurisprudentielle quant à la définition de l'originalité : l'originalité doit-elle être perçue comme la marque personnelle, l'empreinte de l'auteur (critère qualitatif) ou comme le résultat d'un effort créateur, ou encore d'un effort intellectuel de celui-ci (critère quantitatif) ?Lorsqu'il s'agit d'art, cette controverse sur la définition de l'originalité reflète la cassure entre « utilitaristes », qui défendent la notion d'un droit d'auteur purement économique, pratiquement calquée sur les autres droits industriels (critère quantitatif), et « idéologiques », qui considèrent que l’œuvre doit refléter l'inspiration d'une personne physique (critère qualitatif).

6. Cour de cassation et CJUE – CritèresD'après les derniers arrêts de la Cour de cassation, le seul critère subsistant est celui de l'effort intellectuel, tel que figurant dans plusieurs Directives européennes.

Comme s'ils voulaient s'assurer de ne pas faire d'erreur, certains tribunaux n'hésitent pas à considérer qu'une œuvre est originale si elle reflète à la fois l'empreinte personnelle de l'auteur et l'effort intellectuel de celui-ci ! Tandis que certains continuent d'appliquer l'un ou l'autre critère indifféremment.

Curieusement, la CJUE a, dans sa jurisprudence récente, tout en interprétant le critère de l'effort intellectuel, retenu le critère de l’empreinte de la personnalité. Il y a donc tout lieu de penser que la Cour de cassation changera à nouveau sa jurisprudence.

Il est à noter que l'on décèle parfois d'autres critères dans la jurisprudence.

Ex. : la Cour d’appel de Bruxelles a, en 1954, requis qu’il fallait une solution inédite ou imprévue pour porter la marque de l’effort créateur et personnel de l’auteur.

7. SECOND VOLET : L’originalité ne peut pas être confondue avec la nouveauté

Il convient également de ne pas confondre originalité et nouveauté/préexistence. Une copie peut exclure l'originalité, mais pas l'inspiration de l’œuvre d'autrui. La limite avec la copie ou le plagiat est parfois dure à tracer mais on ne peut dénier l'originalité d'une œuvre qui est composée d'éléments connus.

Ex. :• On peut reconnaître une originalité dans la compilation des textes existants (anthologies).

• En matière de photographie, un effort intellectuel et une emprunte de la personnalité peuvent conférer un caractère original à une photographie d'un objet / d'un lieu / d'une personne déjà fort connu (cf Cass., 26 janvier 2012).

• Dans le cas d’une émission de télévision, on peut reprendre un format préexistant (Big Brother, The Voice, capsules sur le code de la route, etc.), pour autant qu'on ne reprenne pas les éléments significatifs propres à l'effort intellectuel de l'auteur.

• Chanson populaire, combinaison d'airs préexistants

En conclusion, l'originalité ne nécessite pas la nouveauté pour autant qu'un effort intellectuel puisse être décelé dans une certaine mesure, avec toujours la limite du plagiat, lorsqu'une confusion peut naître avec l’œuvre première.

De plus, il est nécessaire, pour la qualification d’œuvre, que cette création originale soit coulée dans une forme particulière.

E- SECOND CRITÈRE : LA MISE EN FORME/EN VALEUR DE L’ŒUVRE

1. LES IDÉES : Éviter un champ d’application trop large – Exclusion Tout d’abord, la création originale exclut du champ d’application du droit d’auteur l’ « idée ». Une idée n’est pas une création originale car l’idée est libre. Une doctrine constante reconnaît ce principe même s’il n’est pas consacré par la loi. En effet, si on devait accorder un monopole sur des « idées » on figerait le domaine de l’innovation. Il faut donc une création coulée dans une forme particulière.

2. Le principe d’exclusion des idées dans la législationSi elle n'est pas expressément précisée par la loi, l'exclusion des idées de la protection du droit d'auteur fait l'unanimité de la doctrine et de la jurisprudence. On en trouve cependant des traces dans certaines dispositions légales :

• Loi du 30 juin 1994 transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur : le législateur européen a trouvé normal d’exclure l’idée du champ d’application4, ce qui a été transposé tel quel par le législateur belge sans y apporter de substantielles modifications.

• Accords TRIPS/ADPIC : « [l]a protection du droit d'auteur s'étendra aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels » (art. 9.2°)

4 Art. 2, al.2 : « La protection accordée par la présente loi s'applique à toute forme d'expression d'un programme d'ordinateur. Les idées et principes à la base de tout élément d'un programme d'ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d'auteur. »

3. Envisager d’autres moyens d’agir que le droit d’auteur

On peut cependant avoir des moyens d’action par le bais du droit de la concurrence (concurrence déloyale – concurrence parasitaire – LPMC). Mais il ne s'agit que d'une protection indirecte, qui ne confère jamais un monopole sur les idées.

4. LES CONCEPTS : De l’exclusion à la protection Quid du concept ? Doit-on considérer le concept comme une « idée » qui échappe alors à la protection du droit d’auteur, ou comme une « œuvre » qui impliquerait alors un véritable monopole opposable à tous ? Dans un premier temps, les juges répondent par la négative à la question de la protection des concepts par le droit d'auteur.

Il a fallu un certain temps pour que le concept entre dans le champ de protection des droits d’auteur : il y a donc eu une évolution au terme de laquelle l’effort intellectuel de l’auteur du concept a été reconnu.

Un concept de film entrera dès lors dans le champ de protection du droit d’auteur, pour autant que l’on puisse prouver au juge qu’il y a eu un effort intellectuel. Par exemple, il existe un début de synopsis : il y a une mise en œuvre, il n’y a pas simplement une idée en germe.

CAS PENDANT DEVANT LES JURIDICTIONS SUR UN CONCEPT D’EMISSION DE TELEVISION. Au départ, le Tribunal est perplexe par rapport à ce concept : le concept est ce qui sous-tend la réalisation de l’image, sans être réellement un scénario. C’est en réalité ce qui précède et structure le scénario pour ensuite se développer en images, c’est l’œuvre première. Les sociétés d’auteur, de façon un peu malhabile, vont mettre sur leur site Internet que le concept est protégé. Toutefois, elles n’utilisent pas le mot « concept », mais l’expression « idée originale » : l’auteur de l’idée originale a 10%. C’est malheureux puisque l’idée n’est pas protégée par le droit d’auteur. Il y a donc un sentiment de désarroi.

Pour bien clarifier les choses : le concept sous-tend bien souvent l’œuvre. Pour être distingué de l’idée, et donc être protégé, il doit faire l'objet d'une certaine structuration, formalisation, caractérisation. La frontière entre le concept et l’idée reste malgré tout floue.

5. La question du support matériel

Une œuvre ne doit pas être fixée sur un support matériel pour être protégée. Il ne faut pas de matérialité palpable de l’œuvre. Les œuvres orales peuvent donc être protégées pour autant qu’elles reflètent l’expression de la personnalité de l’auteur.

Les discours.Les sermons.Exc. : discours en assemblée publique.

LA QUESTION DU CHAMP D’APPLICATION DES ŒUVRES LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES

En guise d'introduction, il est bon de rappeler qu'une liste non-exhaustive des «œuvres» protégées figure dans la Convention de Berne (art.2.1°).

I. LES ŒUVRES LITTÉRAIRES

A- ŒUVRES LITTÉRAIRES ET ŒUVRES SCIENTIFIQUES

Par « œuvres littéraires », la loi de 1994 entend « les écrits de tout genre, ainsi que les leçons, conférences, discours, sermons ou toute autre manifestation orale de la pensée. » (art. 8)

Par ailleurs, les programmes d’ordinateur sont assimilés à des œuvres littéraires : « les programmes d'ordinateur, en ce compris le matériel de conception préparatoire, sont protégés par le droit d'auteur et assimilés aux œuvres littéraires au sens de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques5. »

Une œuvre scientifique est également considérée comme une œuvre littéraire en droit d’auteur. En effet, il s'agit d'une mise en forme littéraire, d'une expression formelle qui est littéraire.

Rappelons qu’en droit d’auteur, on ne protège pas le contenu mais la forme d’expression ; la science n'est pas fiction : elle naît en dehors de l'inventeur, même s'il a fallu son génie pour l'amener à la lumière.

La tendance à protéger l'« effort créateur » a poussé certains tribunaux à protéger le travail scientifique ou la réunion de documentation. Cette tentation résulte d'une confusion : toute prestation intellectuelle n'est pas protégée par le droit d'auteur, quelle que soit son intensité. On comprend le préoccupation « morale » et économique qui anime les juges, mais le droit d'auteur n'est pas la réponse juridique pour condamner des emprunts qui portent sur le fond des œuvres et non sur leur forme. Il faut ajouter que le droit d'auteur a pour objet de protéger des créations et non des investissements (tendance récente et ô combien dangereuse pour le droit d'auteur). En revanche, les œuvres scientifiques en tant qu'organisation d'informations, par leur sélection et leur agencement peuvent faire l'objet d'une protection particulière ; c'est également ce qui a conduit à protéger les bases de données, qui le sont de par leur structuration et non de par leur contenu.

Ex. : Une affaire concerne un ouvrage relatif aux délinquances sexuelles. Et dans cet ouvrage, une série de concepts sont exposés dans un ordre structuré. Dans les faits, un professeur d’Université reprend sous sa plume le travail d’un autre. La Cour d’appel est alors confrontée au problème, mais nie le fait qu’il y ait contrefaçon ou plagiat en l’espèce. En effet, la Cour estime que les droits d’auteur ne protègent pas le contenu d’une œuvre scientifique : par conséquent, les concepts repris par le professeur d’Université ne font pas l’objet d’une protection spécifique, et il n’y a pas plagiat. C’est la structuration du raisonnement, la forme de la pensée, qui importent. Le contenu, en lui-même, existe de

5 Art. 1er, L.30 juin 1994 transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur.

toute façon déjà sans qu’il ait été préalablement mis en forme. Le juge d’appel estime que le contenu n’a rien de novateur, et autorise le professeur à reprendre les différents concepts. C’est un arrêt très mal motivé, qui a été fortement critiqué par la doctrine. La forme et le contenu sont malheureusement souvent mélangés, ce qui crée un certain danger.

Au delà des œuvres scientifiques, les slogans publicitaires peuvent aussi faire l’objet d’une protection en théorie, bien que les auteurs estiment que celle-ci est délicate. Cette difficulté d'assurer la protection tient à leur brièveté.

Il est en effet difficile de déceler, au-delà de l'idée ou du concept sous-jacent à un titre ou un slogan, l'originalité dans la forme d'expression de l’œuvre. La doctrine reconnaît exceptionnellement une protection par le droit d'auteur lorsque le slogan a un « caractère très sensiblement original ». Mais souvent, « la concision nécessaire à ce genre de travail déforce l'exigence d'originalité » tant « il est difficile qu'en peu de mots s'affirme une personnalité ».

La forme graphique (le lay-out) d’un journal est aussi protégée.

Est-ce que le titre d’un livre ou d’un film est protégé par le droit d’auteur ? La question s’est posée pour le film « Cabaret ». Le juge décida que ce titre faisait l’objet d’une protection.

Attention, en ce qui concerne les lettres, il y a des questions de vie privée (secret des correspondances) qui se posent. Le destinataire est propriétaire de la lettre mais, sur le plan de propriété intellectuelle, la lettre appartient à son auteur et à ses héritiers.

Rappel : une lettre n'est protégée par la loi sur le droit d'auteur que si elle révèle une identité créatrice. Une simple correspondance commerciale, un texte tout à fait banal ne remplissent pas cette condition

Par exemple, s’est posée la question de savoir si une publication était possible lorsque l’on a retrouvé les échanges de lettres entre VERLAINE et RIMBAUD. Ce ne sont pas les personnes qui trouvent les lettres qui peuvent les publier, bien qu’elles acquièrent matériellement celles-ci : ce sont les héritiers des destinataires qui ont cette capacité, le droit de propriété intellectuelle.

Une information brute ne peut pas faire l’objet d’une protection par droit d’auteur, par contre la mise en forme de cette information peut relever du champ d’application du droit d’auteur.

En ce qui concerne les interviews, le journaliste qui met en forme et compose la séquence ou l'article est assurément titulaire d'un droit d'auteur. La personne interviewée, quant à elle, conserve néanmoins un droit d'auteur si la forme de sa réponse révèle un développement personnel et une structure (une mise en forme) suffisante pour qu'elle soit rangée parmi les œuvres orales. La personne interrogée sera en tout cas coauteur de l'interview, si elle a revu et corrigé les épreuves avant publication ou si ses propos sont reproduits à la lettre. Une autorisation préalable serait donc nécessaire avant publication.

II. LES ŒUVRES ARTISTIQUES A- LE DOMAINE ARTISTIQUE – EXEMPLES GÉNÉRAUX

Le champ des œuvres artistiques est extrêmement large.

Il y a évidemment les œuvres picturales, graphiques et sculpturales.

Mais également certaines œuvres éphémères.

Tel est le cas de « l'emballage » du Pont Neuf à Paris, réalisé par l'artiste Christo. Ceci constitue une œuvre originale, marquée de l'empreinte de l'auteur, qui ne peut être reproduite sans son autorisation mais l'artiste ne peut interdire à un tiers l'utilisation du même procédé pour emballer d'autres immeubles : on lui refuse le monopole sur « l'emballage »Avec du recul, l’on reconnait certainement qu’à l’époque, il fallait oser envisager une telle chose : envelopper un pont de 11 kilomètres de longueur dans des draps blancs. C’est sans nul doute cette originalité et ce caractère inédit qui ont été pointés par le juge, qui n’a pas eu d’autre choix que de reconnaître l’empreinte personnelle de l’auteur.

Les photographies, nous avons eu l'occasion de le voir, ont aussi été intégrées dans les œuvres protégées, suite à une évolution de la jurisprudence.

La photographie a été ignorée par le législateur de 1886. Certains tribunaux ont d'abord refusé toute protection en estimant qu'il ne s'agissait pas d'un art (« on ne saurait ériger en art un simple procédé mécanique et chimique au moyen duquel on fixe une image sur une plaque sensible »).Ensuite reconnue, la photographie est cependant restée un art mineur : seules les photos « artistiques » étaient susceptibles de protection, à l'exclusion des photographies « ordinaires ».Finalement, la Convention de Berne, en son article 2.1°, a consacré la photographie comme un genre protégeable. Certains tribunaux ont continué à se montrer sévère sur l'appréciation de l'originalité. Jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 27 avril 1989, qui définit l'originalité comme « l'expression de l'effort intellectuel de son auteur ».L'art. 2, §5 de la nouvelle loi de 1994 définit désormais la notion de « photographie originale » et reproduit la définition classique de l'originalité : « La durée de protection des photographies qui sont originales, en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur, est déterminée conformément aux paragraphes précédents. »

Les chorégraphies, comme les autres arts, sont protégeables par le droit d'auteur

C'est l'enseignement de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 18 septembre 1998 : Maurice Béjart est condamné pour avoir repris une figure (la cour parle d'une « scène » originale de Frédéric Flamand, un Icare, presque nu, empêché de voler par des téléviseurs accrochés à ses pieds. Cette scène ets déclarée protégeable par la cour car, si chacun de ses éléments pris individuellement est connu, leur combinaison forme un tout qui est original et dégage une grande force évocatrice, qui est le résultat d'un effort intellectuel.

B- LE DOMAINE ARTISTIQUE – PARFUMS ET RECETTES DE CUISINE : LA FRONTIÈRE ENTRE LE SAVOIR-FAIRE ET LA CRÉATION

1. Les parfumsPour les parfums, il s’agit de la question de la forme olfactive. En la matière, il conviendra de s’intéresser à des décisions françaises, malheureusement souvent mal motivées. Leur lecture permet de remarquer que le juge est « mal à l’aise » de devoir trancher de tels litiges, à savoir la reconnaissance de la protection des droits d’auteur à un parfum. L’un des grands arguments avancés pour contrer une telle protection est le caractère changeant, périssable, évolutif de la forme olfactive du parfum ; mais également le fait que la confection de parfums relèvent de la simple technique, d'un simple savoir-faire.

Le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est penché sur cette question. Il écarte le fait que la forme du parfum puisse être changeante : cela ne l’exclut pas d’emblée de la protection du droit d’auteur. Le Tribunal va alors comparer la formule chimique d’un parfum à une partition de musique. D’une très jolie façon, le juge dira dans un attendu que : « La composition créée par l’auteur du parfum peut être comparée à une partition permettant de reproduire une musique comme la formule retenue par l’auteur du parfum permet de reproduire la fragrance, l’un comme l’autre n’étant pas plus prédéfinie au moment de leur création. De plus, à supposer même qu’un parfum remplisse les conditions de brevetabilité, la protection par le droit des brevets n’est pas exclusive d’une protection au titre du droit d’auteur »Le fait que le parfum puisse être perçu différemment par les utilisateurs, n’est pas non plus de nature à l’exclure du champ de protection des droits d’auteur. Le fait que l’on ait une fragrance, définie à un moment donné, permet tout de même la protection par droits d’auteur.

La Cour de cassation de France ne va pas suivre cette décision. La Cour, en 2006, s’écarte de la décision du juge du fond en estimant que la senteur, la fragrance du parfum ne remplit pas les conditions d’originalité. Simplement parce que la Cour estime que l’on est davantage dans une situation de méthode, de mode de préparation ; par conséquent, l’on aboutit à une certaine solution, un certain résultat chimique. Et cela n’est pas éligible de la protection des droits d’auteur. Mais les tribunaux de fond6 ne suivront toutefois pas forcément le même chemin que la Cour de cassation de France. Le danger dans ce type de protection est de parfois confondre un savoir-faire avec une œuvre. Certains diront qu’un parfum est « l’aboutissement d’un travail de recherche artistique accompli par des spécialistes » : donc, ce n’est pas purement technique, ce n’est pas simplement le résultat d’un savoir-faire.Lorsque la Cour de cassation s’exprime en 2006, les attendus rendus sont critiquables : elle dit en effet que la réalisation d’un parfum qui procède d’une simple mise en œuvre d’un savoir-faire n’est pas une œuvre, or beaucoup d’œuvres procèdent d’un simple savoir-faire !

En Belgique, la protection des parfums n’est pas admise par la jurisprudence. Toutefois, les décisions de justice étant plus nombreuses et plus développées en France, c’est pour cela que nous n’abordons pas vraiment la jurisprudence belge. Comme la fixation d’une œuvre sur un support matériel n’est pas un critère pertinent en matière de droits d’auteur, il est vrai que les parfums ne sont pas d’office exclus du champ de la protection. Il faut dégager le parfum d’un mode de préparation : les décisions de la Cour de cassation française sont en cela assez pertinentes.

6 Ainsi, en 2007, la Cour d’appel de Paris considère que l’on peut se trouver face à des formes olfactives particulières qui traduisent un effort créatif parce qu’il s’agit de combinaisons inédites d’essence.

2. Les recettes de cuisine

Ce qui est intéressant, c’est de voir comment – à la lumière de la jurisprudence relative aux parfums – l’on traite les recettes de cuisine. Les recettes de cuisine peuvent, de prime abord, être des œuvres littéraires. Il s’agit ici d’une forme gustative.

Le Tribunal de Commerce de Liège, en 2010, se penche sur la protection d’une recette de cuisine. Il écarte la possibilité pour une recette de cuisine d’être protégée par le droit d’auteur, au motif qu’une recette de cuisine se limite à énoncer des ingrédients et des étapes à suivre, dans une formulation strictement fonctionnelle. Il y a donc 3 critiques :

• se limiter à énoncer des ingrédients nécessaires• se contenter d’énumérer des étapes à réaliser• et le tout dans une formulation strictement fonctionnelle

Ce qui est purement fonctionnel échappe d’office au champ de protection des droits d’auteur, puisque l’on n’y retrouve aucune trace d’arbitraire, d'originalité. En soi, la motivation du juge de commerce est donc bonne et bien faite.

Par la suite, d’une façon assez originale, le juge va comparer les recettes de cuisine aux programmes d’ordinateur. En effet, les programmes d’ordinateur échappent, au départ, au champ de protection des droits d’auteur ; il faut attendre une loi spéciale. Et comme il n’y a pas encore de loi spéciale pour les recettes de cuisine, alors c’est normal qu’elles soient dépourvues de protection. Mais cela est une motivation extrêmement subjective. On pourrait également dire qu'une œuvre est protégée dès qu'elles est créée...

En l’espèce, la question posée était la suivante : le fait d’ajouter de la bière dans certaines recettes permet-il d’entraîner une protection de droit d’auteur ? D’emblée, le juge considère que la création d’une recette de cuisine n’appartient pas au champ littéraire ou artistique, et échappe par conséquent à la protection. Il nous est possible de résumer la problématique des recettes de cuisine de la façon suivant :

• LE PROCÉDÉ DE PRÉPARATION DU PLAT . Cela n’est qu’une « idée » : cela n’est donc pas protégé par droits d’auteur. Le Tribunal dira que le fait d’associer de la bière à d’autres aliments n’est pas protégeable.

• LA CONCRÉTISATION DANS LE PLAT CUISINÉ . Cela n’est pas examiné par la Cour, et d’ailleurs les droits d’auteur n’ont pas été invoqués à ce sujet.

• LA RÉDACTION LITTÉRAIRE. Il y a deux appréciations différentes. SOIT la recette n’est pas protégée au niveau de sa mise en forme ou de son expression, car la forme utilisée n’est pas originale car elle est constituée de termes habituels, sans ajout particulier dans le chef du créateur. Il n’y a donc aucune empreinte personnelle. SOIT on considère qu'il peut y avoir parfois des expressions particulières de l’auteur, qui confère un caractère original à l’œuvre. La situation doit être envisagée au cas par cas : il ne faut pas exclure d'office la forme littéraire des recettes de cuisine du champ d'application du droit d'auteur.

PARTIE 4LA NOTION D’AUTEUR

L’AUTEUR DE L’ŒUVRE : ÉVOLUTION ET PREMIERS PAS

I. LES 19 e – 20 e – 21 e SIÈCLES EN EUROPE Si on aborde cette question au regard du droit américain, on verra que le droit américain est attaché à donner toute la puissance du monopole à une personne morale.

En Europe, on a été longtemps divisé. Dans un certains nombre de pays de tradition germanique (et en Italie), on a souhaité reconnaître à la personne morale la qualité de titulaire du droit, de « plein possesseur » de toutes les prérogatives du droit d’auteur. Cela spolie les véritables créateurs personnes-physiques de leurs droits.

II. DÉBATS AUTOUR DE L’ARTICLE 6 DE LA LOI DE 1994

En droit belge, la qualité d’auteur est réglée par l'article 6 de la loi sur les droits d’auteur.

Art. 6, al.1er : « [l]e titulaire originaire du droit d'auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre. » La notion d’auteur est donc attachée à la personne physique ayant créé l’œuvre.

Cet article a fait l’objet de débats houleux au Parlement en raison des contestations soulevées par la FEB, soutenue par le Ministre de la Justice de l'époque (Melchior Wathelet). Un compromis a finalement été trouvé, non pas sur la définition elle-même, mais bien sur les règles relatives aux œuvres créées sous contrat de travail.

Cette conception de la titularité originaire des droits est désormais généralement répandue.

III. LA CONVENTION DE BERNE Dans la Convention de Berne, la définition de l’auteur n'est pas présente telle quelle dans le texte mais peut être recherchée à travers les travaux préparatoires. On constate que le terme d’auteur a provoqué de nombreuses tensions et a finalement fait l'objet d'un consensus : le

concept est laissé à la discrétion de chaque État membre. Les travaux semblent toutefois suggérer la prévalence d'une définition s'attachant à l'auteur personne physique.Il a cependant été précisé, lors de l'adhésion des USA, que la Convention n'empêchait pas de préférer une définition s'attachant à l'auteur personne morale : la Convention de Berne ne contient en définitive pas de rélle indication claire à ce sujet !

Les auteurs seront dès lors mieux protégés sur base de la loi belge concernant la notion d’ « auteur ».

LA QUALITÉ DE L’AUTEUR DE L’ŒUVRE

I. LA PREUVE DE LA QUALITÉ L’AUTEUR A- L’ARTICLE 6, ALINÉA 2 DE LA LOI DE 1994

La loi de 1994 organise un régime de preuve pour faciliter l'établissement de la qualité d'auteur : ce régime recourt à un système de présomption non-irréfragable Cette présomption joue un rôle fondamental dans le droit d'auteur puisque la protection s'applique sans formalité aucune de la part de l'auteur : cette présomption nous aide à identifier le bénéficiaire de la protection.

Art. 6, al.2 : « [e]st présumé auteur, sauf preuve contraire, quiconque apparaît comme tel sur l’œuvre, sur une reproduction de l’œuvre, ou en relation avec une communication au public de celle-ci, du fait de la mention de son nom ou d'un sigle permettant de l'identifier. »

B- LA QUESTION DE LA PREUVE

On peut rapporter la preuve par toutes voies de droit. L'idée est de faire prévaloir l'apparence tout en se réservant la possibilité de la contester : on fait donc d’abord confiance à la signature, cette présomption pouvant être renversée. Cependant, il faudra, si l’on veut prouver « contre l’auteur », apporter des éléments écrits.

C- CHAMP D’APPLICATION DE L’ARTICLE 6

Que recouvre le terme « quiconque » ? En rupture avec l'al.1er, il a été conclu que la présomption de l'al.2 pouvait jouer en faveur de personnes morales.

II. EXEMPLES DE DÉCISION DE JURISPRUDENCE A- L’AFFAIRE « KENWOOD »

Affaire Kenwood : Kenwood subit des importations parallèles de ses produits dans le Benelux. Il tente de s'opposer à ces pratiques de façon indirecte en invoquant la protection du droit d'auteur afin

d'interdire la photocopie et la traduction de ses modes d'emploi. Ceci permettrait indirectement de mettre fin aux importations parallèles.Dans un premier temps, le juge va établir que le label de Kenwood apparaissant sur les modes d'emploi originaire pouvait être considéré comme une signature de nature à activer la présomption de l'art. 6, al.2S'est ensuite posée la question de savoir si cette présomption pouvait s'activer dans le chef d'une personne morale. La Cour répond par l'affirmative.Cet arrêt de principe opère donc un glissement de la protection du droit d'auteur vers les personnes morales par le biais de la présomption de l'art. 6, al.2, alors que la qualification d'auteur est normalement réservée aux personnes physiques selon les termes de l'alinéa 1er de ce même article ; on permet à une personne morale de bénéficier de la titularité des droits d'auteur.

B- L’AFFAIRE « NOUSHKA » Affaire Noushka : La société Noushka avait designé 5 modèles de chaussures qui n'avaient pas été déposés et ne bénéficiaient donc pas de la protection des dessins et modèles conférée par le Loi Uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles. Elle tente de se prévaloir du droit d'auteur contre une société ayant fabriqué et importé les modèles en question. Pour se faire, elle invoque l'article 21 de cette Loi Benelux prévoyant un cumul possible avec la protection du droit d'auteur pour les modèles non déposés qui présentent un caractère artistique marqué.Il fallait donc démontrer que la société Noushka était bien l’auteur de ces chaussures. S’agissant d’une personne morale, elle ne pouvait pas invoquer l’article 6, al.1er.Noushka pouvait-elle invoquer la présomption organisée par l’article 6, al.2 en sa faveur ?La Cour d’appel de Bruxelles a considéré que la présence d'un logo était un « sigle » pouvant fonder l’application de l’article 6,2° à l'égard de la société Noushka.

C- SYNTHÈSE DE L’APPORT DE CES DEUX DÉCISIONS

Quels sont les enseignement de ces deux arrêts ?

• Tout d'abord que le champ de protection du droit d'auteur est extrêmement large : on va jusqu’à protéger des modes d’emploi car il s’agit d’un écrit et qu’il y a, par ailleurs, un effort intellectuel ; mais également des chaussures, objet utilitaire par excellence, des vêtements (voy. infra),...

• Le droit d'auteur a vocation à s'appliquer aux sociétés personnes morales.

III. ÉTABLIR LA QUALITÉ DE L’AUTEUR

Dans les faits, les auteurs se réservent souvent des preuves (scénario d’un film, synopsis de roman ou de film, etc.) afin de prouver leur qualité d'auteur, voire de prouver contre une personne de mauvaise foi qui utiliserait ou s'inspirerait de l’œuvre qui lui a été communiquée.

Ex. : Françoise Sagan est une grande contrefactrice. Elle a été condamnée après qu'on ait réussi à démontrer qu’elle s’était inspirée d’œuvres préalablement écrites.

Pour renforcer la date certaine de l’œuvre, on peut déposer, sous scellé, son œuvre auprès de société de gestion collective. Ce dépôt établira le jour de la création. On pourra, en cas de litige, comparer si oui ou non il y a une ressemblance entre les deux œuvres.

Le débat de l’antériorité, de qualité d’auteur sont des questions très souvent posées dans les litiges en la matière.

Ex. : Carine DOUTRELEPONT a plaidé un litige concernant un plagiat par une chaîne de télévision, d’une œuvre d’un auteur-réalisateur-scénariste qui avait souhaité que son scénario soit exploité par la chaîne de télévision. A cette fin, il avait contacté plusieurs personnes – pendant 2 ans – qui l’avaient poussé à continuer son projet, qui l’avaient conseillé, etc. Cet auteur était sur le point de concrétiser son projet : on lui explique alors que la commission a du retard pour prendre sa décision. Et au bout de plusieurs mois, on lui dit que la chaîne n’est pas intéressée par son œuvre. Plus tard, il constate que la chaîne a repris ses projets pour en faire toute une série de petites émissions. Se pose alors la question de l’antériorité de l’œuvre. La partie adverse lui a bien sûr rétorqué d'avancer ses éléments de preuve. Que faire dans une telle situation ? Une situation où le projet pris par la chaîne de télévision date de 2009, alors que le même projet – en fichier informatique modifié – date de 2010 sur l’ordinateur de l’auteur, et que l’antériorité n’arrive pas à être prouvée. Heureusement, l’auteur avait fait un dépôt scellé de son œuvre. Les avocats disent alors que juge que s’il y a le moindre doute sur l’antériorité du contenu, il faut rompre le scellé pour vérifier. Le juge ne l’a pas fait dans les faits, car elle était suffisamment convaincue par d’autres éléments.

Il est donc très intéressant de faire un dépôt car l’antériorité peut être démontrée.

Ces dépôts peuvent aussi être fait au SPF finances.

Une manière plus onéreuse de donner date certaine à une œuvre est l’acte notarié.

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L’AUTEUR INCONNU :LA QUESTION DE L’ŒUVRE ANONYME

Il existe aussi le cas des œuvres anonymes ou écrites sous un pseudonyme. L’article 6, al.3 précise que « [l]'éditeur d'un ouvrage anonyme ou pseudonyme est réputé, à l'égard des tiers, en être l'auteur. » (la personne qui exploite et met l’œuvre sur le marché). Il s'agit ici d'une seconde présomption légale en cas d’œuvre dont la paternité est inconnue.

L'éditeur agit donc en tant que représentant de l'auteur inconnu et exerce ses droits à l'égard des tiers.

Quant l'auteur se fait connaître, il en reprend l'exercice. Mais cette présomption se poursuit tant que l'auteur n'en a pas décidé autrement : la diffusion du vrai nom de l'auteur sans son autorisation ne fait pas disparaître l'anonymat au sens de la loi.

En général, les sociétés d’édition organise la cession des droits afin d’éviter ce type de litige avec l’auteur originaire de l’œuvre.

Une affaire intéressante en ce sens a été tranchée le 16 mars 1999 par la Cour d’appel de Liège. Il s’agissait d’un litige opposant les magasins C&A et une société contrefaisant les écritures inscrites sur des « polos » dont C&A était présumée être l'auteur sur base de la présomption de cet article 6, al.3.La société demanderesse fait cependant intervenir le véritable auteur du vêtement en cours d'instance. La partie défenderesse soulève qu’il n’est plus possible, pour C&A, d’invoquer la présomption organisée à l’article 6, al.3 et que, pour continuer à exercer les droits d'auteur sur cette œuvre, une cession claire des droits de l’auteur à l’égard de la société demanderesse est désormais nécessaire.La Cour d’appel de Liège estimera que l’intervention de l’auteur n’est pas de nature à priver l’éditeur de la présomption de titularité : il n’est pas nécessaire d’établir un contrat de cession.

L'éditeur continue donc d'être l'auteur aux yeux des tiers tant que le véritable auteur n'a pas décidé de reprendre l'exercice de ses droits.

S'il a voulu conserver l'anonymat jusqu'à sa mort, ses héritiers doivent respecter sa volonté. Dans ce cas, le délai de protection de ces œuvres est réduit à 70 ans « à compter du moment où l’œuvre est licitement rendue accessible au public » (art.2, §3) au lieu de 70 ans « après le décès de l'auteur » (art. 2, §1er).

LA PLURALITÉ D’AUTEURS :L’ŒUVRE CRÉÉE PAR PLUSIEURS

PERSONNES EN MÊME TEMPS – L'OEUVRE DE COLLABORATION

Les articles 4 et 5 de la loi réglementent le statut des œuvres créées en collaboration. Cette réglementation est supplétive : elle ne s'applique que si les coauteurs n'ont pas organisé la gestion de leur œuvre.

I. L'OEUVRE INDIVISE

On dit qu'une œuvre est indivise lorsqu'elle est élaborée par plusieurs auteur de façon concertée et qu'on ne peut identifier l'apport de chacun.

NB : tous les participants d'une œuvre commune n'ont pas les mêmes droits sur l’œuvre indivise. Il faut distinguer

• d'une part, les coauteurs qui sont titulaires des droits d'auteur sur l'ensemble de l’œuvre elle-même : seuls sont considérés comme coauteurs ceux qui ont une intimité spirituelle dans leur apport avec celui des autres créateurs, intimité qui se révèle par son caractère indispensable lorsque l’œuvre est achevée : sans cet apport, l’œuvre commune aurait certes pu voir le jour, mais elle aurait été différente.

• d'autre part, les créateurs accessoires, qui n'ont de droit que sur le seule création personnelle.Ex. : Dali s'est vu dénier la qualité de coauteur d'un spectacle pour lequel il avait réalisé les décors, jugé par la Cour de Paris que « sont coauteurs, ceux qui, dans une intimité spirituelle, ont collaboré à l’œuvre commune et l'ont créée par leurs apports artistiques […] ; l’œuvre ainsi réalisée forme un tout

indivisible qui se suffit à lui-même et a une valeur propre, indépendamment des décors et des costumes avec lesquels elle est présentée au public et qui ont un caractère accessoire »

Pour ce qui est des modalités de l'exercice du droit d'auteur, les coauteurs sont libres de régler entre eux cette question par convention, ils y sont même invités par la loi (art.4, al.1er ab initio). Si il n'y a pas de convention ou si les dispositions de celle-ci sont insuffisantes pour régler le litige, les auteurs trouvent dans la loi 3 règles supplétives :

• en règle, les coauteurs doivent agir conjointement (art.4, al.1er in fine)• chacun peut cependant poursuivre seul l'atteinte portée à son droit d'auteur et

réclamer des dommages et intérêts pour sa part (art.4, al.2)• En cas de désaccord, le tribunal peut trancher : il peut obliger un coauteur réticent à

accepter la publication en passant outre à son droit de divulgation ; de façon générale, le juge peut statuer sur toute espèce de conflit entre coauteurs et régler, sur base de ce qui peut apparaître comme la volonté des auteurs, ou souvent sur son bon sens, toutes les questions qui divisent les coauteurs et font obstacles à l'exploitation de leur œuvre commune.

L’article 4, al.2 permet donc à chaque coauteur d’agir sur la base d’un droit individuel, en son propre nom et indépendamment de la volonté des autres coauteurs.

Ex. :Dans le domaine du cinéma, et plus précisément la préparation d’un film. Il n’y a pas encore de producteur. Il y a les premières séquences préparées, auxquelles concourent un scénariste, un réalisateur, un spécialiste du son, etc. Tant qu’il n’y a pas de producteur, se pose la question de savoir si, dans le cas d’une reprise non-autorisée de l’œuvre, les coauteurs actuels peuvent agir seuls contre le contrefacteur. Bien entendu, dans l’affaire, la chaîne de télévision qui s’est emparée des premières séquences oppose que le scénariste seul, par exemple, ne peut agir car il a besoin de l’accord et du concours de tous les autres coauteurs. Il y a donc une confusion volontaire opérée par les avocats de la chaîne de télévision, entre l’alinéa 1 [exploitation] et l’alinéa 2 [atteinte] de l’article 4.

II. L'OEUVRE DIVISIBLE A- RÉGIME

Les œuvres divisibles se distinguent des œuvres indivises en ce qu'on peut distinguer la part de chacun des collaborateurs.

Ex. : paroles et musique d'un opéra o d'une chanson, certains éléments d'un film comme la musique,...)

Ces contributions sont en principe exploitées ensemble et l’œuvre suit le régime des œuvres indivises, tel qu'il est organisé par l'article 4. Cependant, l'article 5 décourage l'exploitation séparée des contributions par un « régime de non-concurrence » : « Lorsqu'il s'agit d'une œuvre de collaboration où la contribution des auteurs peut être individualisée, ces auteurs ne peuvent, sauf convention contraire, traiter de leurs œuvres avec des collaborateurs nouveaux » (art.5, al.1er)

Il garde toutefois la possibilité d'exploiter leur participation de manière isolé « pour autant que cette exploitation ne porte pas préjudice à l'oeuvre commune. » (art. 5, al.2)

Il s'agit donc d'un régime qui déroge au droit commune de l'indivision : le législateur a voulu protéger tous les collaborateurs en leur réservant cependant la capacité d'exploiter seul leur participation personnelle sans porter atteinte à l’œuvre commune. Ce régime est également supplétif en ce qu'il peut y être dérogé par convention

B- AFFAIRE « BUCK DANNY »

TROISFONTAINES est un auteur. Dans les années 1940, il collabore avec CHARLIER pour le journal Spirou. Ils rédigent ensemble des articles que Spirou publie. Par la suite, TROISFONTAINES collabore avec un certain HUBINON : il conceptualise et met en forme l’idée de faire des planches de bande dessinée sur un aviateur américain, baptisé « BUCK DANNY ». TROISFONTAINES et HUBINON font entre 12 et 15 planches de bande dessinée. A l’époque, TROISFONTAINES est scénariste et HUBINON s’occupe de la colorisation et du dessin. Par la suite, HUBINON travaille avec CHARLIER – premier collaborateur de TROISFONTAINES – pour continuer la série des planches de bande dessinée, car TROISFONTAINES prend d’autres fonctions au sein de la société Dupuis.

Les œuvres sont alors exploitées. Se pose la question de savoir si, après le décès des auteurs, les héritiers peuvent revendiquer des prérogatives sur l’œuvre indivise. Se pose également la question de savoir si de nouveaux collaborateurs peuvent être ajoutés à l’œuvre indivise. La paternité des premières 15 planches est attribuée à TROISFONTAINES et HUBINON. Ce qui est plus délicat, c’est le travail de CHARLIER et HUBINON sans TROISFONTAINES : au fond, quels sont les droits des héritiers de TROISFONTAINES de pouvoir être associés à l’exploitation de ces œuvres ultérieures ?

L’affaire arrive devant les juridictions puisque les héritiers des 3 hommes n’arrivent pas à se mettre d’accord. C’est la Cour d’appel de Mons qui va trancher l’affaire, le 2 octobre 1997. La Cour reprend l’ensemble des travaux accomplis. D’abord, elle examine qui a travaillé : il ressort des éléments de fait que l’œuvre est le résultat de contributions successives. Les premières planches appartiennent à TROISFONTAINES et HUBINON, les suivantes à HUBINON et CHARLIER. C’est donc bien une œuvre indivise, puisqu’il est difficile de différencier et d’individualiser le travail de chacun.

La Cour constate ensuite que, néanmoins, TROISFONTAINE est coauteur de l’ensemble de l’œuvre même s’il n’a pas participé aux planches ultérieures, parce qu’il est le créateur du personnage et qu’il est à l’origine du concept même de l’œuvre. Dans une telle hypothèse, comme l’œuvre est indivise, en cas d’exploitation, il faudra reconnaître des droits égaux à tous les coauteurs.

Le nom de TROISFONTAINES doit donc être mentionné sur l’œuvre même si les dernières planches réalisées, et plus nombreuses que les 15 premières, ont été réalisées sans lui. De même, le choix de nouveaux collaborateurs relève donc automatiquement de la possibilité pour TROISFONTAINES (ses héritiers) d’intervenir.

Cependant, ce régime peut être aménagé par convention contractuelle.

III. L'OEUVRE COLLECTIVE A- LE CONCEPT D’ŒUVRE COLLECTIVE EN DROIT FRANÇAIS

L’œuvre collective est une catégorie particulière d’œuvres créées par plusieurs auteurs : elle est élaborée sous la direction d'un promoteur.En droit français, l’œuvre collective est celle qui est « créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond

dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. » (CPI, art. L. 113-2, al. 3)

Dans ce cas, celui qui est chargé de diriger l’œuvre, de la contrôler, de l'organiser, est titulaire de tous les droits d'auteur ab initio.

A l’origine, l’ambition du législateur français est de favoriser un chef d’orchestre. C’est une ambition relativement critiquée en Belgique, puisque – lors des débats au sein du Parlement – la volonté était de reconnaître des droits à l’auteur « personne physique » et non à l’auteur « personne morale », comme les entreprises. Mais en France, suite aux pressions de certains partis politiques, le principe d’œuvres collectives a été instauré, inspiré par le copyright américain. La personne morale peut alors être titulaire de droits.

Pour pouvoir avoir une œuvre collective en droit français, il faut nécessairement que les contributions soient impossibles à identifier : elles doivent s’imbriquer les unes aux autres, et ne peuvent donc pas être identifiables.

Une anthologie ou un livre collectif n’est pas une œuvre collective. Pourquoi ? Car chacun y ajoute quelque chose, et ce « quelque chose » est parfaitement identifiable. En droit français, l’on ne reconnaîtra donc pas le concept d’œuvre collective.

Lorsque les apports des coauteurs sont fusionnés, alors le concept d’œuvre collective est envisageable. Dans de tels cas, les éditeurs vont tenter d’obtenir ce régime très favorable de protection, qui leur permet d’être titulaires originaires de droits d’auteur. Les conséquences économiques sont évidemment non-négligeables. Tous les droits sont donc, dès le départ, entre les mains de l’éditeur.

B- LES ŒUVRES MULTIMEDIA

Les œuvres multimédia sont des exploitations à très large échelle, au niveau international. Elles rapportent donc énormément d’argent à l’éditeur. D’où l’importance dans certains pays de focaliser les droits, afin qu’une seule personne ait les droits : cela lui permet alors d’avoir une véritable rentrée de revenus s’il n’y a pas de partage à faire entre toutes les personnes qui ont contribué à l’œuvre.

En droit français, il y a eu de nombreux procès concernant les œuvres multimédia. La jurisprudence semble d’ailleurs être peu claire à ce sujet.

Ex. :Les CD-Rom d’Urban Runner : la Cour d’appel de Versailles avait considéré qu’il s’agissait d’une œuvre collective et que ce n’était pas une œuvre audiovisuelle (qui fait l'objet d'une réglementation particulière). Le critère dégagé par la jurisprudence française dit que l’œuvre multimédia relève plus fréquemment de l’œuvre collective car il y a, en général, beaucoup de contributeurs au sein du projet, ces contributions sont indissociables.

C- EN DROIT BELGE ? La FEB pousse à ce qu’un régime similaire à celui d’œuvre collective (favorable aux entreprises) en France soit mis en place en Belgique. A défait, l’œuvre collective, en droit belge, obéira le plus souvent aux règles de l’œuvre de commande.

LES DROITS DE L’AUTEUR

I. EXPOSÉ GÉNÉRAL SUR LA STRUCTURATION DES DROITS

On peut relire chez nous les différents principes juridiques énumérés par la loi qui sont, selon la professeure, clair précis et complet.

On classifie les droits d’auteur en deux catégories :

• Les droits pécuniaires : droits qui associent équitablement l'auteur à l'exploitation de son œuvre.

• Les droits moraux : protègent la personnalité des créateurs et leur création ; il s’agit de vouloir sauvegarder la relation « spirituelle » liant l’auteur à son œuvre.

On remarque donc une volonté du législateur de conférer à l'auteur une maîtrise absolue de son œuvre.

En droit belge, l’article 1er rassemble les prérogatives pécuniaires (§1er) et morales (§2) de l’auteur.

Le principe de base est que l'auteur dispose de monopole d'exploitation de ses droits, sauf :• dans certains cas exceptionnels limitativement énumérés par la loi (citation, parodie,

communication dans le cercle de la famille, dans les bibliothèques, et l'enseignement, dans les hôpitaux et autres établissements sociaux) (art. 21 à 23)

• dans les cas exceptionnels où une licence obligatoire ou légale prive l'auteur du droit d'interdire certaines formes d'utilisation de son eouvre, moyennant rémunération (ex. : le prêt)

II. DROITS PÉCUNIAIRES Synthétiquement, on peut retenir 3 types de droits pécuniaires des termes de la loi :

• droit de reproduction ou d'autoriser la reproduction• droit de communication publique, par un procédé quelconque• droit de distribution (vente ou autre)

Quelle que soit les formes d’exploitation, l’auteur aura droit à une rétribution (théoriquement, du moins).

Les droits pécuniaires vont durer 70 ans après la mort de l’auteur et sont cessibles par contrat. Par cette cession, le cessionnaire obtiendra un monopole sur l’œuvre.

Bien qu'ils soient souvent confondus, ces différents droits doivent être distingués et traités de façon indépendante : il s'agira donc de bien spécifier les termes des contrats de cession ; d'autant plus que la loi prévoit que, en cas de conflit, on ne peut prouver contre l'auteur que par écrit.

A- LE DROIT DE REPRODUCTION OU D'ÉDITION

1. Caractéristiques généralesLa reproduction d'une œuvre peut être :

• matérielle : fixation de l’œuvre dans une forme matérielle qui en assure la permanence et en permet la reproduction (ex. : enregistrement d'un morceau, édition d'un livre, photographie d'une œuvre, photocopie, téléchargement,...)

• immatérielle ou intellectuelle : prend la forme de l'adaptation ou de la traduction ; on emprunte l'esprit de l’œuvre et on le transpose sous une autre forme (ex. : traduction d'un roman, traduction en langage numérique d'un ou d'une image publié initialement sur support graphique,...)

Dans tous les cas, le consentement de l'auteur est nécessaire pour reproduire l’œuvre, de quelque manière que ce soit ou sous quelque forme que ce soit (art.1er), c'est-à-dire quels qu'en soient le mode de reproduction, l'étendue, la destination, la matière dans laquelle elle se réalise, ou encore le caractère lucratif ou non de son utilisation. L'auteur est maître de la forme qu'il veut donner à la communication de son œuvre et de sa diffusion tant qu'il n'a pas cédé ses prérogatives par contrat.

En 2005, le législateur européen a décidé de spécifier ce droit de reproduction (Directive de 2005 sur la société de l'information) afin que chaque État en respecte les critères les plus importants. A cette occasion, le droit de reproduction sera défini de manière très étendue : « qu'elle soit directe ou indirecte, provisoire ou permanente, en tout ou en partie » (art.1er, al.1er in fine)

Ex. : la Cour de cassation française a donné raison à un professeur qui voulait s'opposer à un résumé fait par un étudiant de son syllabus ; la Cour a estimé que cela pouvait emporter une violation de son droit d'auteur et que son autorisation est nécessaire.

• S'il s'agit d'un résumé sans apports personnels, on sera en présence d'une reproduction matérielle.

• Si des apports intellectuels sont faits, il s'agira tout de même d'une adaptation (reproduction immatérielle).

De manière générale, l’auteur a non seulement le droit de reproduction mais également celui de moduler celui-ci une fois qu'il le concède (reproduction uniquement sous certaines formes, à certaines personnes, dans certains délais,...)

En Belgique, ce principe de maîtrise absolue est consacré dans un arrêt du 19 janvier 1956 de la Cour de cassation en matière de radiodiffusion d'enregistrements. Cet arrêt est très

important puisqu’il constitue toute la base contractuelle du droit d’auteur. La Cour énonce y que :

La litige opposait la radio belge, l'INR (ancienne RTBF), et le BIEM (Bureau international des éditeurs mécaniques, représentant les différents compositeurs). Le BIEM reprochait à l'INR d'utiliser pour ses émissions des disques du commerce sans l'autorisation des auteurs, d'autant que les étiquettes portaient une mention interdisant l'utilisation radiophonique. L'INR se défendait en invoquant l'autorisation d'exécution qu'il avait reçue de la société des auteurs. Cette dernière autorisation ne suffit pas, considère la Cour : le droit de reproduction qui avait été conféré par les auteurs aux éditeurs de disque n'était que partiel : il ne comprenait pas le droit d'utiliser publiquement les enregistrements. En diffusant les disques, l'INR a mis en œuvre le complément du droit de reproduction que les auteurs avaient conservés et il eut fallu leur accord.

« Maître du droit de reproduire, l’auteur ou le cessionnaire de ses prérogatives peut n’autoriser la reproduction que dans une mesure qu’il fixe ou la subordonner à de telles conditions qu’il détermine. La cession du droit de reproduction peut être accompagnée de réserves, ou ne permettre certains usages de l’œuvre, à l’exclusion de certains usages. Le titulaire du droit d’auteur peut contrôler si celui a qui a été cédé l’objet, l’affecte pas à des usages interdits »

Cette règle importante, clé de voûte du droit d'auteur moderne, permet donc à l'auteur qui cède ses droits de déterminer les modalités et l'effet de cette cession, de la soumettre à des limitations qui seront opposables même aux tiers, ce qui permettra à l'auteur de contrôler l'utilisation de son œuvre par tout exploitant, tout diffuseur.

Ce principe général, permettant aux créateurs de rester maîtres de la destination de leurs œuvres à l'égard de tous est appelé droit de destination par une partie de la doctrine et trouve désormais un écho dans le régime de cession des droits patrimoniaux de l'art. 3 : « [l]es dispositions contractuelles relatives au droit d'auteur et à ses modes d'exploitation sont de stricte interprétation »

Il convient de distinguer la propriété matérielle d'une œuvre de sa propriété intellectuelle. L'amateur qui achète un tableau n'acquiert pas les droits d'auteur sur l’œuvre. On admet cependant que le propriétaire puisse librement exposer ses collections sauf si cette exposition se fait dans des conditions portant atteinte à l'honneur ou à la réputation de l'artiste (art. 9)

Art. 9 : « Sauf convention contraire, la cession d'une (œuvre d'art plastique ou graphique) emporte au profit de l'acquéreur la cession du droit de l'exposer telle quelle, dans des conditions non préjudiciables à l'honneur ou à la réputation de l'auteur, mais non la cession des autres droits de l'auteur. »

Limitation dans le cas particulier des portraits : le droit à l'image. La reproduction et l'exposition publique d'un portrait nécessitent l'autorisation de la personne représentée ou de ses ayants droit) pendant sa vie et jusqu'à 20 ans après son décès (art.10). Cette disposition a

pour objet de concilier l'application des dispositions concernant le droit d'auteur avec le droit de chaque personne à son image.

Les termes généraux de l'article 10 permettent d'appliquer la règle quelle que soit la qualité de la personne représentée, même si elle exerce des fonctions publiques. Cependant, rien n'interdit d'invoquer l'autorisation tacite de la personne concernée (un homme politique faisant une sortie publique, une personne posant comme modèle,...)

En visant le « portrait », la loi a voulu réserver cette disposition exceptionnelle à la peinture et à la photographie d'une personne bien précise, faite dans le but spécifique de la représenter. Cette disposition ne s'applique donc pas aux photographies de foule ni aux photos d'actualité.

Ex. : ce point de convergence entre le droit d'auteur et le droit à l'image est illustré par deux affaires françaises :

La compagnie aérienne à bas prix Ryanair a fait diffuser dans le journal Le Parisien du 28 janvier 2007, une publicité portant sur la vente de 100.000 billets, publicité illustrée par une photo prise du président Sarkozy en compagnie du mannequin Carla Bruni à qui il est prêté dans une sorte de bulle parlante le propos suivant : « Avec Ryanair, toute ma famille peut venir assister à mon mariage». Allusion ainsi faite à la rumeur persistante sur le prochain mariage des futurs des deux amoureux sans leur autorisation.Le tribunal de grande instance de Paris a condamné la compagnie aérienne Ryanair à des dommages et intérêts pour atteinte au droit à l’image de M. SARKOZY (1€

symbolique) et Mme Carla BRUNI TEDESCHI (1€ symbolique + 60.000€ pour l'atteinte portée à son image de mannequin) L’intérêt majeur que présentait cette affaire était de savoir où en est le juge dans l’appréciation du droit à l’image des personnes publiques. A cette question, le juge de Paris est resté conforme à ses positions antérieures et a réitéré que chacun « a sur son image quel que soit son statut et sa notoriété, un droit exclusif et absolu».

N. Sarkozy se trouve confronté à la production d’une poupée vaudou à son effigie fournie avec des épingles. Le tribunal de grande instance n’a pas fait droit à sa demande. Les juges vont formuler des attendus sur le droit d’auteur et la liberté d’expression. On a affaire à une œuvre de l’esprit protégée par le droit d'auteur, composée de deux supports indissociables (poupée vaudou + livret) qui véhicule des informations et des opinions qui relèvent de la liberté d’expression. Quant aux aiguilles, le tribunal a considéré qu’elle ne s’en prenait pas à la personne de Nicolas Sarkozy mais à ses idées politiques inscrites sur la poupée. Il n’y a pas d’atteinte fautive au droit à l’image de Sarkozy. Le coffret a donc pu continuer d'être commercialisé.On retrouve dans cet arrêt l'idée selon laquelle il n’appartient pas au juge d’apprécier le bon ou le mauvais goût de l’œuvre ; celui-ci n'est pas un critique d'art ! (cf supra).

Une affaire récente : Une biographie présentée en BD a été faite de Edgard P. Jacobs, l'auteur de Blake et Mortimer. Quelques jours avant la publication de l'album, le groupe d'édition Média participations (propriétaire de la maison d'édition Dargaud) intente, devant un tribunal parisien, une action en référé contre les Éditions Delcourt afin d'obtenir le retrait de la couverture. Média participations, qui possède les droits sur les aventures de Blake et Mortimer, estime en effet que cette couverture dépasse largement les droits de citation acceptés, selon les termes de son directeur Claude de Saint Vincent : cette couverture représente Edgard P. Jacobs au centre de la place de Brouckère dont les immeubles sont surmontés de panneaux publicitaires sur lesquels apparaissent en effet Philip Mortimer et Francis Blake mais aussi Olrik et l'Espadon3.

Mais le 31 octobre 2012, le tribunal de Paris déboute Média participations, rendant ainsi possible la sortie de l'album à la date initialement prévue, soit le 7 novembre pour la Belgique et le 14 novembre pour la France.

2. Traduction et adaptation – reproduction immatérielle

L’adaptation et la traduction sont des reproductions immatérielles de l’œuvre.

TRADUCTIONOn ne peut traduire une œuvre sans autorisation (art.1er, §1er, al.2). Le devoir de fidélité ne permet pas au traducteur de s'écarter du texte original (sauf exception de la parodie) ; au contraire, la qualité d'une traduction découle de sa fidélité à l'auteur traduit. Cette obligation s'impose même si certains passages pourraient donner lieu à des poursuites pénales : il n'appartient pas à un traducteur de « redresser » un texte. Sa personnalité créatrice peut néanmoins se manifester dans le choix judicieux des mots ou expressions : le traducteur pourra alors disposer de tous les attributs de l'auteur, y compris les droits moraux sur sa traduction.

ADAPTATIONL'adaptation d'une œuvre dans un genre différent nécessite également l'autorisation du premier auteur (art.1er, §1er, al.2). En cas d'«adaptation de l'adaptation », l'auteur de l’œuvre originaire doit également donner son autorisation, en même temps que les titulaires de droits sur l’œuvre dérivée.L'adaptateur doit évidemment faire preuve d'originalité, marquer son œuvre d'une personnalité créatrice pour prétendre à la protection.Il est parfois difficile d'identifier ce qui constitue une adaptation et ce qui n'en constitue pas une : il est exceptionnel qu'une œuvre soit entièrement nouvelle et originale et certains emprunts ne donnent pas nécessairement lieu à autorisation ; nous l'avons d'ailleurs déjà vu, une œuvre peut être originale sans être nouvelle.

Ex. : • Affaire Boubouroche : Courteline poursuivit un cinéaste qui avait repris le thème d'une de ses

pièces : un mari trompé se jette aux pieds de sa femme en l'implorant de lui pardonner d'avoir malencontreusement ouvert le placard dans lequel se cachait son amant. En première instance, le tribunal condamne le cinéaste, estimant que si le thème t le fait appartiennent au domaine public, le déroulement identique des scènes et le même dénouement démontrent le caractère flagrant des emprunts. Mais la Cour de Paris infirma le jugement, estimant que les épisodes font partie du fond commun du théâtre et du roman et que des différences séparent les deux œuvres.

• Affaire Jaws : le producteur de Jaws a attaqué, notamment en Belgique, le producteur d'un film italien intitulé La Mort au large qui reprenait les mêmes éléments que le célèbre film de S. Spielberg. Pour la Cour de Paris, La Mort au large est un plagiat systématique des deux premiers films de la série Jaws. Pour le tribunal civil de Bruxelles en revanche, sauf pour une scène, il n'y a pas adaptation illicite : le thème ne peut bénéficier de la protection juridique, l'histoire de la lutte des hommes contre des monstres – un monstre marin en l’occurrence – remontant à la nuit des temps. Après l'examen de toutes les caractéristiques communes entre les œuvres en litige, le tribunal belge conclut que la concrétisation du thème quant au lieu, à l'époque des faits, à l'espèce de requin et à la taille et aux « habitudes » de celui-ci ne présente pas un caractère d'originalité suffisant pour faire l'objet d'une protection.

• Affaire Tarzoon, la honte de la Jungle : Film parodiant Tarzan. La Cour a estimé qu'il s'agissait d'une parodie et le fait de se baser sur une œuvre première ne constitue pas une adaptation, la parodie étant une exception prévue légalement.

3. La location et le prêt

L’origine de ce droit remontre à l’harmonisation européenne de 1992. La vieille loi de 1886 ne visait effectivement pas ce mode d’exploitation des œuvres, car il n’était pas suffisamment répandu. Mais durant les années 1970-1980, le droit de prêt s’est développé.

Notons d’ailleurs que ce mode d’exploitation n’était pas soumis à une rémunération au titre du droit d’auteur tant qu’il était restreint et limité ; mais à partir du moment où il connaissait une véritable expansion – due notamment au développement technologique –, l’impact de la location et du prêt a été réellement significatif sur les revenus promérités par les auteurs, les éditeurs et les producteurs. Précisons que ce sont les producteurs qui ont été les porteurs de la

reconnaissance de ces nouveaux droits aux auteurs. Droits dont ils souhaitaient obtenir la cession pour compenser la perte de rémunération liée à l’exploitation de l’œuvre. Ces producteurs de film ont exercé un lobby assez puissant au niveau européen, qui a abouti à l’adoption définitive d’une directive européenne du 19 novembre 1992 (Directive 92/100/CE) sur les droits d’auteur et les droits voisins, consacrant un véritable droit exclusif de location et de prêt en faveur des titulaires de droit.

En 1994, le législateur n’a donc eu aucune difficulté à insérer ces droits dans les dispositions de sa loi générale sur le droit d’auteur. L’article 1er, §1er, al.3 consacre ces droits de location et de prêt.

La Directive distingue la location du prêt :• Location : mise à disposition pour l'usage, pour un temps limité et pour un

avantage économique ou commercial direct ou indirect (art.1.2° de la Directive)

• Prêt : mise à disposition pour l'usage, pour un temps limité et non pour un avantage économique ou commercial direct ou indirect, lorsqu'elle est effectuée par des établissements accessibles au public (art.1.3° de la Directive)

En pratique, cette distinction est importante car la directive autorise des dérogations au droit exclusif de prêt public pour leurs objectifs de promotion culturelle (art. 5 de la Directive) : ceci permet aux États membres de déroger au régime

• de l'autorisation préalable (art. 2 de la Directive) et même, dans certains cas ; • du paiement obligatoire d'une rémunération équitable (art. 4 de la Directive).

Les États se sont donc emparés de régime dérogatoire pour mener à bien leur politique culturelle. Ainsi, en Belgique, les bibliothèques publiques sont peu financées : si l’on doit ajouter des rémunérations élevées à titre de droit d’auteur, cela pourrait affecter l’accès à la culture et à l’éducation. Il y a donc un équilibre entre les intérêts : une balance doit être faite entre le respect d’un monopole privé, et l’intérêt et l’accès à la culture en général.

Le législateur belge, en 1994, arbitre entre ces différents intérêts dans le système qu'il met en place : il supprime le régime d'autorisation préalable et donc la faculté pour l'auteur d'interdire le prêt public, mais il instaure une rémunération en contrepartie.Art. 23, §1er : « [l]'auteur ne peut interdire le prêt d’œuvres littéraires, (de bases de donnés, d’œuvres photographiques,) de partitions d’œuvres musicales, d’œuvres sonores et d’œuvres audiovisuelles lorsque ce prêt est organisé dans un but éducatif et culturel par des institutions reconnues ou organisées officiellement à cette fin par les pouvoirs publics. »L'art. 62 renvoie à un AR du 25 avril 2004 pour la fixation de la rémunération : « [l]e montant des rémunérations visées à l'article 62 de la loi est fixé forfaitairement à 1 EUR par an et par personne majeure » (et 0.5 EUR par personne mineure)

Les sociétés de gestion, habilitées à gérer ce droit et à représenter les auteurs dans l’exercice de ce droit, vont attaquer le régime belge en estimant que la rémunération prévue est inadéquate, inéquitable et inappropriée.

La Cour de Justice a estimé que, dans la mesure où la Belgique a opté pour la rémunération, elle doit se plier au principe de la rémunération équitable énoncé par la Directive. Cet AR est donc en phase de révision..

En matière de prêt public, notons que certains établissements sont complètement exemptés : établissements d’enseignement, de recherche, de soins de santé, etc. (art. 5 de l'AR) L’intérêt public prédomine par rapport à l’intérêt privé.

Le droit de prêt et de location représente malgré tout des sommes assez considérables.

B- LE DROIT DE COMMUNICATION PUBLIQUE

Ce droit de communication publique constitue une source essentielle de revenus pour les auteurs. C’est un droit distinct du droit de location et de prêt.

C’est le droit lié à ce que l’on qualifiée d’exploitation immatérielle de l’œuvre, par opposition à la fixation matérielle d’une œuvre que l’on retrouve davantage en présence du droit de reproduction. De la sorte, l’œuvre n’est pas tangible au moment de son exploitation. L’œuvre fait preuve d’une certaine volatilité, de sorte que, l’acte de communication étant terminé, il ne reste plus de trace de l’œuvre.

La communication d'une œuvre nécessite en principe le consentement préalable de l'auteur, pour autant que la communication soit publique. La loi entend la communication publique de façon très large (art. 1er, §1er, al. 4 : « [l]'auteur d'une œuvre littéraire ou artistique a seul le droit de la communiquer au public par un procédé quelconque (, y compris par la mise à disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement). »). D’où un champ d’application très large, ce qui permet une application évolutive de la loi aux nouvelles technologies de communication. Le droit de communication publique est très large, et recouvre énormément de réalités. Lorsque la loi utilise les termes « représentation », « radiodiffusion » ou « exécution », l’on remarque qu’il s’agit d’expressions synonymes. Toutefois, il y a une certaine élégance des termes en droit d’auteur, une certaine recherche :

• Représentation : en matière de cinéma ou de théâtre.• Radiodiffusion : lorsque l’on capte une œuvre et qu’on la retransmet ensuite. Dès

qu’un organisme de radiodiffusion intervient, on parlera plutôt de radiodiffusion.• Exécution : principalement en matière de concerts.

Ces trois expressions relèvent plus globalement du droit de communication publique.

1. La radiodiffusion – La communication par internet

Ce terme vise toute forme de radio et de télédiffusion ainsi que la « communication publique par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les signes, les sons ou les images » (art. 11bis,

§1er, 1° de la Convention de Berne). Il vise donc aussi l'injection de programmes sur l'internet destinés à une communication publique.

Ex. : l’affaire GOOGLE . Cette affaire met notamment en cause le droit de communication publique appliqué à l’Internet.

• 1er ASPECT. Lorsque les sociétés d’auteurs titulaires de droit se sont dirigées vers leurs avocats, ceux-ci ont constaté que – dans le domaine audiovisuel ou de la presse écrite – GOOGLE reprenait les œuvres protégées en tant que moteur de recherche. Toutes ces œuvres se retrouvent ainsi répertoriées dans les bases de données et accessibles en cash. Ce moteur de recherche est le cœur de l’activité de GOOGLE, nous le savons.

• 2nd ASPECT. A côté de cela, GOOGLE développe aussi des portails : toute une série d’application est disponible, dont GOOGLE NEWS qui offre un répertoire de tous les articles de presse pour l’actualité. Et ce n'est que lorsqu’un utilisateur clique sur les articles qu'il est renvoyé à l’œuvre de base se trouvant sur les sites des éditeurs de journaux, dans son intégralité.

Il y avait donc une capacité de reproduction des œuvres, et de mise à disposition des internautes. De façon générale, se pose la question d’un intervenant dans l’espace culturel et informationnel, dans un système low cost. L’idée a donc été de demander à GOOGLE de contribuer au respect du droit d’auteur. En effet, personne ne comprenait pourquoi GOOGLE pourrait être exempté de respecter ce droit d’auteur, à partir du moment où il reproduit des œuvres dans le cash et des articles protégés. L’une des thèses de GOOGLE, lorsqu’il est confronté au droit de communication publique, est de considérer qu’il n’était pas soumis à ce droit pour différents motifs : notamment le fait qu’il pouvait se tapir derrière des exceptions à ce droit, comme la citation ou le compte-rendu. Par conséquent, offrir une masse d’œuvres ou d’articles aux internautes, n’implique pas une méconnaissance de ce droit. L’on est donc arrivé à se poser la question de la véritable structure de GOOGLE. GOOGLE estimait alors qu’en l’absence de demande de retrait d’œuvres ou de demande de retrait d’actes illicites, il pouvait bénéficier d’une exonération de responsabilité, tirée du droit des médias et reconnue aux intermédiaires d’Internet. GOOGLE sera finalement condamné pour violation du droit de communication publique.

Le seul fait d'émettre rend nécessaire l'autorisation des auteurs des programmes diffusés. Peu importe le nombre d'auditeurs, de téléspectateurs ou d'internautes : c'est la destination de l'émission qui met en œuvre le droit de communication et non le fait qu'elle soit réellement captée.L'autorisation ne doit cependant être obtenue que si la communication est publique : l'émission est publique à partir du moment où des spectateurs auraient pu la capter.

2. Communication par câble

En droit belge et en droit néerlandais, l’on a connu une extraordinaire expansion du droit de retransmission par câbles. Il faut bien reconnaître que les entreprises et les intercommunales de câblodistribution ont fait un travail fabuleux en ce qui concerne l’accès au public des programmes de télévision. Ces entreprises ont été les pionnières dans notre pays à mettre ces fameuses petites boîtes noires qui permettaient de recevoir les premiers programmes étrangers. Qui dit développement d’une activité économique, dit développement de la jurisprudence en matière de droit d’auteur. En effet, ces entreprises n’ont pas voulu payer les droits d’auteur, en avançant qu’elles reprenaient des programmes déjà diffusés et qu’elles n’étaient donc qu’un simple relais technique sans intervention significative. Il a fallut une saga judiciaire de plus de 20 ans, au terme de laquelle l’on a consacré le droit de retransmission par câble dans l’ordre juridique belge.

La câblodistribution n’existe pas dans la loi de 1886, ni même plus tard lors des révisions de cette dernière. Il faudra attendre la nouvelle de 1994 sur le droit d’auteur pour appréhender ce concept. Toutefois, jusqu’en 1994, la Convention de Berne va jouer son rôle et trouver à s’appliquer. Rappelons que la Convention a été rendue applicable aux conflits entre auteurs belges, et qu’il ne faut pas d’élément d’extranéité pour qu’elle s’applique.

En 1948, face au développement technologique, l’Union de Berne – lors de la Conférence de Bruxelles – adopte les premières normes en matière de câblodistribution. Il apparait en effet qu’il est important d’ajouter aux modes d’exploitation des œuvres, ce mode particulier. La Convention de Berne n’énonce pas cela en termes extrêmement clairs ou compréhensibles. L’article 11bis de la Convention énonce que « les auteurs jouissent d’un droit exclusif ». Il faut ensuite distinguer les paragraphes 1 et 2 de cet article :

• §1 : « le droit exclusif d’autoriser la radiodiffusion de leurs œuvres, ou la communication publique de ces œuvres, par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les signes, les sons ou les images ». L’on vise ici la radiodiffusion sans fil.

• §2 : « toute communication publique, soit par fil, soit sans fil, de l’œuvre radiodiffusée, lorsque cette communication est faite par un autre organisme que celui d’origine ». L’on vise ici le régime de la câblodistribution.

L’article 11bis est le siège de la matière de la radiodiffusion, qu’elle soit câblée ou non.

Notons, et cela est très important, qu’en matière de radiodiffusion, c’est l’acte d’émission qui est pris en considération et saisi par le droit, et non l’acte de réception. C’est un postulat qu’il convient d’accepter d’emblée. Peu importe donc le nombre d’auditeurs ou d’utilisateurs : pour que la communication soit publique, il faut que l’acte d’émission soit destiné au public et s’adresse à une généralité indéterminée de téléspectateurs.

L’hôtelier diffuse de la musique dans les chambres d’hôtel. En vertu de la Convention, il est responsable d’un acte de communication dont il retire un certain bénéfice. De ce fait, il est amené à payer des droits d’auteur.Lorsque la RTFB retransmet, elle accomplit un acte de communication publique couvert par l’article 11bis de la Convention.

Comment le câblodistributeur s’insère-t-il dans la chaîne d’exploitation ? Il va reprendre un acte de communication, un programme de radiodiffusion, et va injecter le signal dans son réseau propre, qui est généralement en boucle. L’on voit que l’organisme de câblodistribution intervient entre l’organisme de radiodiffusion et le téléspectateur : c’est d’ailleurs lui qui contrôle la relation et qui crée le lien économique.

Cette relation est aujourd’hui faite de façon « apaisée » par le câblodistributeur. A l’époque, la thèse des câblodistributeurs était de dire qu’ils n’étaient pas un organisme mettant en œuvre le droit de communication publique. Il est vrai que lorsque le litige a éclaté dans les années 1980, l’on avait que la Convention de Berne. De ce fait, les juges ont du examiner ce qu’il fallait entendre par une communication faite par un organisme autre que celui d’origine, au sens de l’article 11bis. Toutes ces sociétés, ces intercommunales, doivent-elle payer quelque chose aux titulaires de monopole ? En tous les cas, elles se revendiquaient comme n’étant que de simples relais, desservant l’intérêt général.

C’est une question très importante soumise aux juridictions, qui débouchera sur des affaires CODITEL, premières affaires en matière de câblodistribution.

SAGA JUDICIAIRE SUR LA CÂBLODISTRIBUTION, « CHABROL vs. CODITEL » Cette saga concerne un film de Claude CHABROL, « Le boucher ». Ce film est retransmis par une chaîne de télévision allemande, en Allemagne, dans les zones limitrophes à la Belgique. De ce fait, il y a un débordement de signal. CODITEL cherche donc le signal de ce film, et sans autorisation des titulaires des droits sur le film, va le réinjecter sur le territoire belge.

CHABROL introduit alors une action en justice contre la société de câblodistribution, suite à des discussions avec ses avocats. Son but est de marquer le coup et créer un procès de principe de reconnaissance du droit exclusif d’auteur d’autoriser la retransmission par câble de ses œuvres.

CODITEL invoque deux arguments :

• PREMIER ARGUMENT. CODITEL n’est qu’un simple relais, qui ne joue qu’un rôle passif. En réalité, ils ne sont que de simples antennes collectives7. Ils n’interviennent pas de façon active dans la transmission. CODITEL s’appuie sur une décision de la Cour d’appel de Bruxelles du 3 juin 1969 où la Cour constate que le câblodistributeur, après la captation du signal, ne se borne pas à transmettre les émissions mais les capte, les rend plus claires, les rendre plus fortes, etc., et s’en sert comme contre-argument.

• SECOND ARGUMENT. CODITEL conteste le caractère publique de la communication. Au fond, CODITEL n’agrandit pas la zone de réception8. Ils ne font que diffuser l’œuvre par rapport à un public qui la reçoit déjà dans la zone de service qui est la leur. En d’autres termes, ils ne touchent pas un autre public : ils ne touchent que le public qui la recevrait par les débordements de signal.

Le TPI succombe aux arguments de CODITEL, et lui donne raison.

Mais la Cour d’appel de Bruxelles réforme cette décision, par une décision du 30 mars 1979. Sa motivation apparait comme bien faite et rigoureuse. La Cour dira en effet que « [e]n exigeant que la communication soit active, le premier juge a introduit dans la notion de « communication » une distinction qui n'est ni dans la Convention, ni dans ses travaux préparatoires : que le texte litigieux ne contient d'autres conditions que l'exigence de caractère public de la communication et que celui-ci soit fait par un autre organisme que celui d'origine. ». La Cour rappelle ensuite que le caractère public de la communication s'apprécie non pas au stade de la réception mais bien à celui de l'émission. L’acte couvert par la communication publique étant le fait de vouloir communiquer une œuvre « à une généralité d’abonnés sans

7A ce sujet, il y a un certain nombre de décisions un peu curieuses. Elles considéraient que les immeubles à appartements desservis par des antennes collectives, ne supposaient pas de soumission au droit de communication publique. Et cela, au motif que le juge assimilait la réception par antennes collectives à une communication privée. En d’autres termes, les antennes collectives étaient considérées comme échappant au champ d’application du droit exclusif.

8C’est partiellement vrai : la zone n’est pas vraiment agrandie, mais si l’on vérifie de façon ponctuelle, l’on remarque qu’il y a de nouveaux abonnés.

lien entre eux et dont il était loisible à quiconque de faire partie ». Peu importe donc de savoir si le public est nouveau ou combien d’abonnés regardent, ce qui est essentiel c’est que l’exploitation soit destinée au public.

Les câblodistributeurs vont jusqu’en cassation, en estimant que l’article 11bis implique malgré tout une intervention qualifiée du câblodistributeur. Toutefois, la Cour de cassation rejette le pourvoi

Cette jurisprudence a poussé les titulaires de droits à s'organiser. Pour que les câblodistributeurs ne soient pas tenus de s'adresser individuellement à chaque titulaire de droits, la plupart de ceux-ci ont fait gérer leurs droits par des sociétés de gestion collective. Par le biais de conventions générales, ces sociétés distribuaient les autorisations de distribuer par câble. Ces conventions prévoyaient que :

• les sociétés de câblodistribution reverseraient chaque année un montant important de droits d’auteur, en contrepartie de l’autorisation de transmettre les programmes, aux sociétés de gestion collective

• les sociétés de gestion collective se chargeraient de répartir ces montants entre ses membres, et garantiraient les sociétés de câblodistribution de tout recours de tiers étrangers à l’accord

Finalement, une Directive (93/83/CEE) du 27 septembre 1993 est venue concrétiser les règles et la pratique que la jurisprudence et les titulaires de droit ont imposé aux câblodistributeurs. Ces règles sont transposées aux articles 51 à 54 de la loi.

Art. 51 . Conformément aux chapitres qui précèdent et sous les modalités définies ci-après, l'auteur et les titulaires de droits voisins disposent du droit exclusif d'autoriser la retransmission par câble de leurs œuvres ou de leurs prestations.

Art. 52 . La retransmission par câble s'entend de la retransmission simultanée, inchangée et intégrale par câble ou par un système de diffusion par ondes ultracourtes pour la réception par le public d'une transmission initiale, sans fil ou avec fil, notamment par satellite, d'émissions de télévision ou de radio destinées à être captées par le public.

Art. 53 . § 1. Le droit de l'auteur et des titulaires de droit voisins d'autoriser ou d'interdire la retransmission par câble ne peut être exercé que par une société de gestion des droits . § 2. Lorsque l'auteur ou les titulaires de droits voisins n'ont pas confié la gestion de leur droits à une société de gestion des droits, la société qui gère des droits de la même catégorie est réputée être chargée de gérer leurs droits. Lorsque plusieurs sociétés de gestion des droits gèrent des droits de cette catégorie, l'auteur ou les titulaires (...) voisins peuvent désigner eux-mêmes celle qui sera réputée être chargée de la gestion de leurs droits. Ils ont les mêmes droits et les mêmes obligations résultant du contrat conclu entre le câblodistributeur et la société de gestion des droits que les titulaires de droits qui ont chargé cette société de défendre leurs droits. Ils peuvent faire valoir leurs droits dans un délai de trois ans a compter de la date de retransmission par câble de leur oeuvre ou de leur prestation. § 3. Les §§ 1er et 2 ne sont pas applicables aux droits exercés par un organisme de radiodiffusion à l'égard de ses propres émissions.

Art. 54 . § 1. Lorsque la conclusion d'un accord autorisant la retransmission par câble est impossible, les parties peuvent faire appel à trois médiateurs. § 2. Les médiateurs sont désignés selon les règles de la sixième partie du Code judiciaire applicables à la désignation des arbitres. Ils doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité. Ils ont pour tâche d'aider aux négociations et peuvent formuler des propositions après avoir entendu les parties concernées. Les propositions sont notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception. § 3. Les parties sont censées accepter les propositions qui leurs sont adressées si dans les trois mois de la

notification aucune d'entre elles ne s'y oppose au moyen d'une notification aux autres parties dans les mêmes formes.

NB : A la fin des années 1996, les câblodistributeurs ont réattaqué sur la question du montant de la rémunération. Ils ont en effet souhaité obtenir une forte diminution des montants. Ils considéraient que les premiers contrats conclus, rémunéraient de façon disproportionnée les titulaires de droits. De ce fait, le contrat a été mis à terre et il n’y avait plus de montant fixé pour la radiodiffusion. Puisque la Belgique est à 90% câblée, la rémunération par le câble était un enjeu extrêmement important et significatif.Des actions ont été intentées à l’encontre des câblodistributeurs pour récupérer des montants de droits. Le modèle économique utilisé était lié aux accords contractuels passés, mais aussi à des analyses de réviseurs d’entreprises sur la valorisation et le prix des œuvres. Le litige a duré presque huit ans, avec des décisions favorables aux titulaires de droits et des condamnations des câblodistributeurs jusqu’à 70.000.000€. Si les câblodistributeurs wallons avaient provisionné, les câblodistributeurs flamands ne l’ont pas fait. Petit à petit, des accords ont été reconclus avec des étalements de payement, permettant aux titulaires de droits de récupérer ces montants colossaux – représentant pas moins de huit ans de conflits judiciaires –.

NB :Comment calculer la rémunération financière ?Pour la câblodistribution, à l’origine des tarifs étaient fixés : ils étaient plutôt disproportionnés, mais appliqués la plupart du temps. Il y avait une sorte d’agrément consensuel entre les parties. L’on avait d’une part les sociétés de câblodistribution en monopole dans leur zone d’activité, et d’autre part les auteurs qui détenaient aussi des droits de monopole. Le développement de la câblodistribution et du nombre de programmes retransmis a rendu la question de la rémunération beaucoup plus sensible. Les réviseurs d’entreprises développent alors des critères pour calculer cette rémunération. Par exemple, la comparaison entre ce que paye un consommateur pour voir un film au cinéma et ce qu’il paye pour voir un film chez lui grâce à la câblodistribution.

3. Communication par satellite

Grâce aux satellites, jamais les œuvres n'ont connu une telle audience potentielle. Mais quel défi pour le droit d'auteur : s'il n'y a pas de frontières à la diffusion, le territoire à partir duquel le programme va être envoyé vers le satellite (« injecté ») est choisi dans le seul intérêt de l'entreprise de satellite ou de diffuseur qui la contrôle (« forum shopping »).Jusqu'à l'adoption d'une Directive européenne, la communication par satellite de diffusion directe était réglée comme la communication de programmes par les câblodistributeurs : elle constituait une réémission au sens de l'art. 11bis, §1er, 2° de la Convention de Berne. Des questions ont longtemps divisé la doctrine :

• Quel acte nécessite l'autorisation du titulaire du droit ? L'envoi du programme de la terre vers le satellite ou l'acte de diffusion du programme vers le public ? Une thèse avait fini par s'imposer : l'organise qui a émis le signal vers le satellite, l'entreprise qui gère celui-ci (si elle est distincte) et le distributeur qui l'a décodé et transmis à son public sont tenus solidairement de demander l'autorisation et donc du payement.

• Restait à déterminer la loi applicable : une thèse avait été avancée, prévoyant l'application cumulative de toutes les lois des États arrosés par le satellite. Cette thèse a cependant été combattue par une partie importante de la doctrine.

Solution adoptée par la Directive 93/83/CEE (et la loi belge).La communication d'une œuvre par satellite ne nécessite désormais plus qu'une seule autorisation si elle se fait dans un pays de l'UE ou même dans un pays tiers (à condition, dans ce cas, que ce pays offre un système de protection étendu des droits d'auteur et des droits voisins).Cette autorisation pèse sur l'organisme de radiodiffusion qui assume la responsabilité et le contrôle de la communication par satellite.Les règles de la Directive sont transposées aux articles 48 à 50.

Art. 48 . Conformément aux chapitres qui précèdent et sous les précisions ci-après, la protection du droit d'auteur et celle des droits voisins s'étendent également à la radiodiffusion par satellite.

Art. 49 . La communication au public par satellite a lieu uniquement dans l'Etat membre de l'Union européenne dans lequel, sous le contrôle et la responsabilité de l'organisme de radiodiffusion , les signaux porteurs de programmes sont introduits dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre. Si elle a lieu dans un Etat tiers et que celui-ci n'accorde pas une protection dans la même mesure que les chapitres qui précèdent, elle est néanmoins réputée avoir lieu dans l'Etat membre défini ci-après et les droits s'y exercent selon le cas contre l'exploitant de la station ou de l'organisme de radiodiffusion : - lorsque les signaux porteurs de programmes sont transmis par satellite à partir d'une station pour liaison montante située sur le territoire d'un Etat membre, ou - lorsque l'organisme de radiodiffusion qui a délégué la communication au public, a son principal établissement sur le territoire d'un Etat membre.

Art. 50. Aux fins des articles 48 et 49, on entend par communication au public par satellite l'acte d'introduction, sous le contrôle et la responsabilité de l'organisme de radiodiffusion, de signaux porteurs de programmes destinés à être captés par le public dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre. Lorsque les signaux porteurs de programmes sont diffusés sous forme codée, il y a communication au public par satellite a condition que le dispositif de décodage de l'émission soit mis à la disposition du public par l'organisme de radiodiffusion ou avec son consentement.

Quelques précisions s'imposent :

• L'autorisation de communiquer les programmes par satellite se fait par contrat individuel. On ne retrouve pas d'obligation pour les titulaires de droits de confier la gestion de ceux-ci à une société de gestion collective, comme c'est le cas dans la câblodistribution.

• Une seule loi est applicable : celle du pays dans lequel le programme qui va être envoyé par satellite est organisé, fabriqué dans sa forme définitive, et contrôlé par l'organisme de radiodiffusion qui y procède.

Ex. : si le signal d'un organisme de radiotélévision belge est envoyé à partir de la Grande-Bretagne vers un satellite luxembourgeois, ce sera la loi belge sur le droit d'auteur qui réglementera les conditions d'autorisation.

Si le programme est agencé dans un pays qui ne fait pas partie de l'UE, l'article 49 règles ces situations d'extranéité : c'est la loi de ce pays qui réglementera la communication. Mais pour éviter le « forum shopping », l'article 49, al.2 prévoit 2 exceptions permettant aux titulaires de droits d'invoquer la loi d'un pays de l'Union :◦ si le pays dans lequel se fait l'introduction du signal porteur de programme

n'accorde pas aux titulaires de droits la même protection que la loi belge◦ si la station à partir de laquelle se fait la « liaison montante » vers le satellite est

située dans un État européen OU si l'organisme de radiodiffusion dont les programmes sont communiqués par satellite a son « principal établissement » dans un pays européen.

• L'autorisation unique (et partant la payement unique des droits)ne vaut que si la communication est faite en « une chaine ininterrompue » depuis l'injection vers le satellite jusqu'au retour vers la Terre. Si cette chaîne est interrompue, il faudra une seconde autorisation qui donnera lieu à un second paiement

Ex. : Tel sera le cas d'un décodage du signal satellite par un câblodistributeur. Tel sera également le cas si le satellite garde en mémoire les programmes qui lui sont envoyés pour ne les renvoyer qu'ultérieurement aux téléspectateurs (ex. ; « on demand » ou après recomposition du programme ou insertion de spots publicitaires)Lorsqu’il y a une reprise par des antennes paraboliques, il y a une communication ininterrompue. Dans ce cas, il n’y a pas de rupture de communication.

• Le système prévu par la directive, aux termes duquel les titulaires de droit ne donnent qu'une seule autorisation, suppose que la communication du programme et sa réception soient faites « sous le contrôle et le responsabilité de l'organisme de radiodiffusion », c'est-à-dire que la communication doit aussi être autorisée par l'organisme de radiodiffusion (ex. : système de décodeurs)

• Un organisme de radiodiffusion sera considéré relever de l'État européen dans lequel il possède son établissement réel.

C- DROIT DE DISTRIBUTION

Une directive de 2001/29/CE (la directive « nouvelle technologie) a été introduite par une loi de 2005 consacrant ce droit de distribution, qui n'est rien d'autre qu'un démembrement du droit de reproduction. Il s’agit du droit, pour l’auteur, d’autoriser la distribution au public de son œuvre (original ou copie), par la vente ou autrement. L’auteur va contrôler la distribution de son œuvre. Il pourra déterminer la circulation de son œuvre dans le commerce.

L’exercice de ce droit va avoir un impact en droit de la concurrence. En effet, nous avons vu que l'auteur possède une maîtrise absolue sur son droit de reproduction, et donc sur celui de distribution : il pourrait donc cloisonner les différents marchés. Ce droit peut couper court à toute circulation de l’œuvre sur le territoire européen. Le droit communautaire va imposer que lorsque l’auteur a exercer pour la première fois son droit de distribution, le droit est épuisé. La revente de copie de l’œuvre pourra se faire sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une nouveau consentement de l’auteur (voy. l’article 4 de la directive, transposé à l'art.1er, §1er, al.5 et 6).

« L'auteur d'une œuvre littéraire ou artistique a seul le droit d'autoriser la distribution au public, par la vente ou autrement, de l'original de son œuvre ou de copies de celle-ci. La première vente ou premier autre transfert de propriété de l'original ou d'une copie d'une œuvre littéraire ou artistique dans la Communauté européenne par l'auteur ou avec son consentement, épuise le droit de distribution de cet original ou cette copie dans la Communauté européenne. »

L’on peut également rappeler à cet égard l’affaire KENWOOD. Dans les faits, pour empêcher l’importation, l’on avait invoqué l’absence de consentement du titulaire du droit pour la reproduction des modes d’emploi et pour la mise en circulation sur le territoire belge de ceux-ci. Dans cette affaire, le droit de distribution est un volet relativement important car le principe selon lequel il faut le consentement préalable pour une distribution publique et l’épuisement du droit exclusif, n’est effectivement pas respecté.

III. LES DROITS MORAUX Ces prérogatives sont proches des droits de la personnalité

Article 1. § 1. (...) § 2. L'auteur d'une œuvre littéraire ou artistique jouit sur celle-ci d'un droit moral inaliénable. La renonciation globale à l'exercice futur de ce droit est nulle. Celui-ci comporte le droit de divulguer l’œuvre. Les œuvres non divulguées sont insaisissables. L'auteur a le droit de revendiquer ou de refuser la paternité de l’œuvre. Il dispose du droit au respect de son œuvre lui permettant de s'opposer à toute modification de celle-ci. Nonobstant toute renonciation, il conserve le droit de s'opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de cette œuvre ou à toute autre atteinte à la même œuvre, préjudiciables à son honneur ou à sa réputation.

Il est important de noter qu’un droit moral est inaliénable, mais que l’on peut y renoncer. Cependant bien que les renonciations au droit sont autorisées par la loi, une renonciation qui porterait atteinte à l’honneur ou à la réputation n’est pas acceptable en matière de droits d’auteur. Il y a donc un noyau dur du droit moral, qui est intangible, que l’auteur doit conserver : l’honneur et la réputation.

A- DROIT DE DIVULGATION

L'auteur apprécie souverainement si son œuvre est achevée et prête à être communiquée au public.

Le droit de divulgation a d'importants effets patrimoniaux : tant qu'une oeuvre est « inédite » ou « n'est pas prête pour la vente ou la publication, les créanciers ne peuvent la saisir » (art. 1er, §2, al. 4)

La doctrine majoritaire considère que la décision de divulguer ne peut être prise qu'une seule fois : dès que l'auteur a usé de son droit de divulgation, celui-ci est « épuisé ».

B- DROIT DE PATERNITÉ

Rien à ajouter...

C- DROIT AU RESPECT DE L'INTÉGRITÉ DE L'OEUVRE

L'auteur peut s'opposer à tout déformation, mutilation, modification ou à toute autre atteinte à son œuvre qui serait faire sans son consentement. Cette règle pose le principe que l'auteur, même après avoir cédé les droits d'exploitation de son œuvre, conserve le pouvoir de préserver l'intégrité de celle-ci, ce qui ouvre la perspective d'un conflit avec le cessionnaire des droits d'exploitation ainsi qu'avec le propriétaire du support matériel de l’œuvre.

Ayant le pouvoir de s'opposer à toute modification de son oeuvre, l'auteur a le droit d'en interdire la destruction. Mais ce droit ne porte que sur l'original et non sur les reproductions.

LES DROITS DE SECONDE GÉNÉRATION

Le droit qui visait à organiser l’utilisation de l’œuvre selon les modes classiques était totalement inefficace par rapport aux nouvelles technologiques (enregistreurs, photocopieuse, disques durs, etc.). Le législateur a décidé de créer des droits de seconde génération. Il ne s’agit pas de droit exclusifs mais de droits à rémunération. Ils permettent de compenser le préjudice créé par ces nouveaux instruments de copie illimitée.

Il s’agit d’un mécanisme de licence légale ou de licence obligatoire. L’utilisateur peut user de l’œuvre mais le législateur prévoit en contrepartie un système de rémunération forfaitaire dont la récupération sera confiée aux sociétés de gestions collectives (SABAM, SACD, etc.). La rémunération est fixée dans des arrêtés d’exécution.

Comme on érode les droits exclusifs, il faut introduire des exceptions à ces droits en assortissant celles-ci d’une rémunération. La reproduction d’œuvres sonores et audiovisuelle dans le cercle privé est une mise en œuvre des droits de seconde génération. On ne peut pas vendre un film enregistré car on porterait atteinte au droit de reproduction.

Ex. : l’article 22, §1er, 5° de la loi organise l’exception au droit exclusif de reproduction pour les œuvres sonores et audiovisuelles dans le cercle de famille. Est lié à cette exception, la reconnaissance d’une rémunération à l’article 55 de la loi.

La rémunération à lieu par le biais du payement d’une redevance inclus dans le prix d’achat des machines de reproduction et de supports de reproduction.

Un AR du 28 mars 1996 – modifié un nombre important de fois – organise tous les mécanismes de perception et de répartition. La loi prévoit la répartition des sommes qui seront collectées, en parts égales entre les auteurs, les artistes et les producteurs, qui ont chacun droit au tiers de ces sommes. Cela permet une véritable rémunération pour tous les usages qui se font dans la sphère privée, sans interdire ce type d’usages.

En pratique, ces droits à rémunération sont extrêmement importants : ils représentent parfois une rémunération plus importante pour les créateurs que le droit exclusif. La forme d’exploitation de l’œuvre par les particuliers est parfois telle que les mécanismes mis en place par les arrêtés d’exécution sont très rémunérateurs pour les titulaires de droits. Et comme ces droits sont assez lucratifs, l’on a trouvé un système ingénieux : même si ces droits sont cessibles, ils permettent malgré tout au titulaire de garder une rémunération équitable, et cela n’est pas négociable.

Ce mécanisme de compensation se retrouve dans les différents secteurs du droit d’auteur. Le législateur l’a aussi appréhendé pour les œuvres littéraires (même les œuvres plastiques)

Ces droits de seconde génération ont donc aussi été introduits dans le domaine de la reprographie. Cela permet d’autoriser cette forme de reproduction : photocopier des articles, des revues, des extraits de livres, etc. Et en contrepartie, il y a une rémunération.

LES EXCEPTIONS AUX DROITS D’AUTEUR

I. PRINCIPES GÉNÉRAUX Le droit belge ne connaît pas de système général permettant d'échapper à l'application du droit d'auteur : tant qu'une œuvre est protégée, la règle est l'application de l'article 1er de la loi.

Cependant, la loi a prévu certaines exceptions qui, comme toujours en droit, seront d'interprétation restrictive. Il est dailleurs intéressant de noter que les exceptions prévues à l'art. 22 ont un outre un caractère impératif. (art. 23bis)

La liberté d'expression ne constitue pas une exception au droit d'auteur ; cependant, il semblerait que l'intérêt général puisse dans des circonstances exceptionnelles s'imposer au droit d'auteur (jurisprudence CEDH)

Il semblerait également que les reproductions accessoires, quasi-accidentelles, échappent à l'application du droit d'auteur (ex. : un photographe qui cherchait l'application de ses droits d'auteur à l'égard d'un d'une de ses photos qui avait servi à faire la couverture d'un livre, ce livre apparaissant ensuite dans un spot télévisé)

La reproduction ou la communication faite sous le couvert d'une des exceptions n'est pas absolue et doit respecter le « test des trois étapes » :

• l'exception invoquée par l'utilisateur doit correspondre à un cas spécial expressément admis : il faut que l'utilisation faite sans accord de l'auteur réponde à l'une des spécifications des art. 21 et 22.

• l'exception ne peut porter atteinte à l'exploitation normale de l’œuvre (on dit généralement que l'exploitation de l’œuvre sous le couvert d'une exception ne peut se faire dans un but lucratif)

• l'exception ne peut causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur

Enfin, l'art. 22, §1er précise que les différentes exceptions qui permettent de reproduire ou de communiquer une œuvre sans l'autorisation de l'auteur ne peuvent être invoquées que si l’œuvre a été licitement publiée.

Les exceptions les plus importantes sont certainement : • La capacité de reproduire des œuvres à des fins de recherche ou à des fins

d’enseignement (voy. supra).• Reproduire des œuvres sonores ou audiovisuelles dans le cercle familial (voy. supra).

Mais il convient de parcourir la loi, dans laquelle les différentes exceptions sont éparpillées !

II. LES DIFFÉRENTES EXCEPTIONS (aperçu) A- LA CITATION

Art. 21.§ 1er. Les citations, tirées d'une œuvre licitement publiée, effectuées dans un but de critique, de polémique, de revue, d'enseignement, ou dans des travaux scientifiques, conformément aux usages honnêtes de la profession et dans la mesure justifiée par le but poursuivi, ne portent pas atteinte au droit d'auteur Les citations visées à l'alinéa précédent devront faire mention de la source et du nom de l'auteur, à moins que cela ne s'avère impossible

La citation implique également le respect du principe de proportionnalité : l'utilisation du substantif « citation » suppose que l’œuvre ainsi reproduite le soit de façon limitée, dans la mesure nécessaire de son objet (brièveté de la citation). Une œuvre plastique peut cependant être citée dans son intégralité pour les besoins de la citation. On ne peut en effet pas couper un tableau en deux…

Ex. : Comment comprendre l’exercice du droit de citation pour les œuvres d’HERGE ? La Cour d’appel de Bruxelles est confrontée à une situation où l’on a reproduit des œuvres d’HERGE à grande échelle : l’on avait reproduit 21 planches de Tintin au titre de droit de citation, en invoquant le fait que pour les œuvres plastiques, la citation pouvait se faire dans l’intégralité de l’œuvre. Les juridictions ont rappelé que la citation devait toutefois restée proportionnelle, à moins de tomber dans le droit de reproduction de l’œuvre.

Il est également indispensable que la citation soit accompagnée d’un appareil critique.

Sous couvert du droit de citation, on ne peut pas non plus se livrer à une édition du texte sans l'autorisation de l'auteur, ce qui serait contraire à l' « usage loyal » exigé implicitement par la loi et par la règle des trois étapes.

B- LE COMPTE RENDU D'ÉVENEMENTS D'ACTUALITÉ

Art. 22.§ 1. Lorsque l’œuvre a été licitement publiée, l'auteur ne peut interdire : 1° la reproduction et la communication au public, dans un but d'information, de court fragments d’œuvres ou d’œuvres plastiques dans leur intégralité à l'occasion de comptes rendus d'événements de l'actualité; Le but du législateur était d'introduire une exception en faveur des médias d'information qui n'ont pas le temps matériel de demander l'autorisation des auteurs.

Les œuvres ne peuvent constituer que l'accessoire du reportage et non son objet principal

C- OEUVRES EXPOSÉES DANS UN LIEU PUBLIC

Art. 22.§ 1. Lorsque l’œuvre a été licitement publiée, l'auteur ne peut interdire : 1° (...) 2° la reproduction et la communication au public de l’œuvre exposée dans un lieu accessible au public, lorsque le but de la reproduction ou de la communication au public n'est pas l’œuvre elle-même;

Ex. : si une sculpture ou un bâtiment apparaissent dans le décor d'une photo dont le sujet est une personne.

D- LA PARODIE, LE PASTICHE, LA CARICATURE

Art. 22.§ 1. Lorsque l’œuvre a été licitement publiée, l'auteur ne peut interdire : 1° (...) 2° (...) 3° (...) 4° (...) (4°bis. (...)) 4°ter. (...) (4°quater. (...)) 5° (...) 6° la caricature, la parodie ou le pastiche, compte tenu des usages honnêtes;

La jurisprudence a été amenée à circonscrire les conditions pour la parodie et la caricature, pour tracer la limite avec une copie de l’œuvre ou une reproduction trop significative.

Ex. : Une affaire concerne l’œuvre d’HERGE, Tintin, dans un domaine pornographique. Un auteur danois, ALBRECHT, disait parodier Tintin et le plaçait dans un contexte pornographique à chaque fois. La Fondation HERGE a attaqué cet auteur. Toute la question de la parodie s’est alors retrouvée devant les Tribunaux, qui a du apprécier si l’on pouvait reprendre des personnages célèbres, les placer dans un tout autre contexte et se défendre en invoquant la parodie alors qu’il y a peut-être une atteinte aux droits du créateur de l’œuvre.

La parodie doit donc remplir certaines conditions :• remplir un fonction critique• être elle-même une œuvre originale : l'auteur de la parodie doit montrer une facture

personnelle et être suffisamment éloigné de l’œuvre d'origine • avoir pour but de railler l’œuvre parodiée• avoir un ton humoristique• n'emprunter que les éléments apparents de l’œuvre et strictement nécessaires à la

caricature pour ne pas entraîner la confusion avec l’œuvre parodiée, ni la dénigrer ou porter atteinte à l'auteur pastiché

LA DURÉE DU DROIT D’AUTEUR Art. 2. § 1. Le droit d'auteur se prolonge pendant septante ans après le décès de l'auteur au profit de la personne qu'il a désignée à cet effet ou, à défaut, de ses héritiers conformément à l'article 7. § 2. Sans préjudice du deuxième alinéa du présent paragraphe, lorsque l’œuvre est le produit d'une collaboration, le droit d'auteur existe au profit de tous les ayants droit jusque septante ans après la mort du dernier co-auteur survivant. La durée de protection d'une œuvre audiovisuelle expire septante ans après le décès du dernier survivant parmi les personnes suivantes : le réalisateur principal, l'auteur du scénario, l'auteur des textes et l'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre. § 3. Pour les œuvres anonymes ou pseudonymes, la durée du droit d'auteur est de septante ans à compter du moment où l’œuvre est licitement rendue accessible au public. Toutefois, lorsque le pseudonyme adopté par l'auteur ne laisse aucun doute sur son identité ou si l'auteur se fait connaître durant la période visée à l'alinéa précédent, la durée de protection de l’œuvre est celle indiquée au § 1er. (Dans le cas d’œuvres anonymes ou pseudonymes qui n'ont pas été licitement rendues accessibles au public durant les septante ans qui ont suivi leur création, la protection prend fin à l'expiration de ce délai.) § 4. Lorsqu'une œuvre est publiée par volumes, parties, fascicules, numéros ou épisodes et que le délai de septante ans commence à courir à partir du moment où l’œuvre est rendue accessible au public, la durée de protection court pour chaque élément pris séparément. § 5. La durée de protection des photographies qui sont originales, en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur, est déterminée conformément aux paragraphes précédents. § 6. Toute personne qui après l'expiration de la protection par le droit d'auteur publie licitement ou communique licitement au public pour la première fois une œuvre non publiée auparavant, bénéficie d'une protection équivalente à celle des droits patrimoniaux de l'auteur. La durée de protection de ces droits est de vingt-cinq ans à compter du moment où, pour la première fois, l’œuvre a été publiée licitement ou communiquée licitement au public. § 7. Les durées indiquées dans le présent article sont calculées à partir du 1er janvier de l'année qui suit le fait générateur.