"Un trésor de deniers républicains trouvé aux abords Sud de l’agora de Thasos", BCH 133 (2009),...

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BULLETIN DE CORRESPONDANCE HELLÉNIQUE BCH 133 2009 1 Études É COLE FRANçAISE D' ATHÈNES

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DE BOCCARDÉdition - Diffusion

11, rue de Médicis - 75006 Pariswww. deboccard.com

Création graphique de la couverture

B U L L E T I N D E C O R R E S P O N D A N C E H E L L É N I Q U E

BCH133

2009

1 Études

ÉC O L E FR A N ç A I S ED 'AT H È N E S

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

BCH1 3 32009

B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

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B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

1 Études

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

É c o l e f r a n ç a i s e d ’ a t h è n e s

Comité de rédaction : Dominique MULLIEz, directeurCatherine AUBERT, adjointe aux publications

COMITÉ DE LECTURE

Le comité de lecture de l’École française d’Athènes est composé de trois membres de droit et de sept membres désignés par le conseil scientifique sur proposition du directeur. Sa composition actuelle est la suivante (conseil scientifique de l’École française d’Athènes du 27 novembre 2007) :

Membresde droit

- le directeur de l’École française d’Athènes : Dominique MULLIEz

- le directeur des études : Arthur MULLER - le responsable des études sur la Grèce et les Balkans aux époques moderne et contemporaine :

Maria COUROUCLI

Membresdésignés

Sont membres désignés des personnalités scientifiques françaises ou étrangères (mais francophones), reconnues et de dimension internationale. Le choix en est fait de manière à assurer la meilleure représentation possible des champs disciplinaires concernés. Leur mandat coïncide avec la durée d’un contrat quadriennal.

- Olivier DESLONDES, Professeur des Universités, Université Lyon 2-Lumière- Emanuele GRECO, Directeur de l’École italienne d’Athènes- Jean GUILAINE, Professeur au Collège de France- Miltiade B. HATzOPOULOS, Directeur de recherche, Directeur du Centre de recherche sur

l’Antiquité gréco-romaine (Fondation nationale de la recherche [EIE] - Athènes)- Catherine MORGAN, Directrice de l’École britannique d’Athènes- Jean-Pierre SODINI, Professeur émérite de l’université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne- Georges TOLIAS, Directeur de recherche en histoire contemporaine, Institut de recherche néo-

hellénique (Fondation nationale de la recherche [EIE] - Athènes)Le comité de lecture fait appel en tant que de besoin à des experts extérieurs.

Révision des normes : EFA, Béatrice DETOURNAy

Traductions en grec : Pavlos KARvONIS

Traductions en anglais : Michael WEDDE

Réalisation en PAO : EFA, Guillaume FUCHS

Impression et reliure : n.v. PEETERS s.a.

© École française d’Athènes, 20116, rue Didotou GR - 10680 Athènes www.efa.gr

Dépositaire : De Boccard Édition-Diffusion 11, rue de Médicis F - 75006 Paris www. deboccard.com

ISBN 978-2-86958-237-8 ISSN 0007-4217Reproduction et traduction, même partielles, interdites sans l’autorisation de l’éditeur pour tous pays, y compris les États-Unis.

B U L L E T I ND E C O R R E S P O N D A N C E

H E L L É N I Q U E

133.1 2009

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AVIS AUX LECTEURS

Partageant une longue tradition, l’École française d’Athènes et la British School at Athens diffusent auprès de la communauté scientifique le résultat de l’activité archéologique conduite en Grèce et dans certaines régions du monde hellénique. Depuis 1920, l’École française d’Athènes consacre une partie du Bulletin de Correspondance hellénique à la chronique des travaux archéologiques réalisés en Grèce, à Chypre et, selon un rythme bisannuel, dans le Bosphore Cimmérien. De son côté, la British School at Athens compile un bilan annuel similaire, Archaeology in Greece, publié en association avec la Society for the Promotion of Hellenic Studies comme partie constitutive des Archaeological Reports depuis 1955.Chacune des deux institutions avait un double défi à relever : faire face à une documentation croissante, d’une part ; utiliser des outils plus performants pour mieux faire circuler l’information scientifique et en permettre une meilleure utilisation, d’autre part. — L’École britannique a accepté sans hésitation le projet d’un programme commun que lui a proposé l’École française d’Athènes et les deux institutions ont décidé d’unir leurs efforts, pour proposer depuis de la fin de l’année 2009 une Chronique des fouilles en ligne consultable sur http://chronique.efa.gr.Outre les articles relatifs à des opérations de terrain ou relevant de l’archéométrie, le second fascicule du BCH ne comprend donc plus désormais que les « Rapports sur les travaux de l’École française d’Athènes » proposés par les responsables de missions ou de programmes.

AVIS AUX AUTEURS

Depuis la parution du BCH 130 (2006), les tirages à part sont fournis aux auteurs sous format électronique et sont uniquement destinés à une utilisation privée. L’École française d’Athènes conserve le copyright sur les articles, qui ne peuvent donc être mis en accès libre sur quelque base de données ou par quelque portail que ce soit. — L’ensemble de la livraison sera disponible sur le portail Persée trois ans après sa parution (www.persee.fr).

SOMMAIRE DE LA LIvRAISON

Sabine FOURRIER

Le dépôt archaïque du rempart Nord d’Amathonte VII. Autres productions chypriotes et importations levantines .........................................................................................................................1-98

Marion MULLER-DUFEU, Eduard SHEHI

Skyphoi avec dédicaces peintes de l’Artémision d’Épidamne-Dyrrhachion ..................................................99-112

Erik HANSEN

Trois notes d’architecture delphique .......................................................................................................................................................................................113-152

Sylvain PERROT

Pommes agonistiques à Delphes :réflexions autour du cognassier sacré d'Apollon ..............................................................................................................................................153-168

Virginie MATHÉ

Un abaque à Delphes ........................................................................................................................................................................................................................................169-178

Claire HASENOHR, Brigitte SAGNIER

Un pilier monumental à Délos .......................................................................................................................................................................................................179-193

Pavlos KARvONIS, Jean-Jacques MALMARy

Étude architecturale de quatre pièces polyvalentesdu Quartier du théâtre à Délos .....................................................................................................................................................................................................195-226

Henryk MEyzA, Annette PEIGNARD-GIROS et Małgorzata DASzKIEWICz, Gerwulf SCHNEIDER

Analyses de tessons de « sigillées pergaméniennes » de Délos .....................................................................................................227-256

Julien FOURNIER

Un trésor de deniers républicains trouvé aux abords Sud de l’agora de Thasos.................................257-271

Patrice HAMON

Études d’épigraphie thasienne. II. Un poète thasien dans l’Anthologie grecque .......................273-286

Frank HILDEBRANDT, Rolf HURSCHMANN

Form und Bemalung. Arbeitsweisen unteritalischer Vasenmaler am Beispiel der Gefäße des Museums für Kunst und Gewerbe Hamburg ...............................................................287-344

Théodosia STÉFANIDOU-TIvÉRIOU

Les héros de Palatiano. Une nouvelle proposition de restitutionet d’interprétation du groupe statuaire ...............................................................................................................................................................................345-387

Yannis KALLIONTzIS

Décrets de proxénie et catalogues militaires de Chéronée trouvés lors des fouillesde la basilique paléochrétienne d’Haghia Paraskevi. Addendum .............................................................................389-390

Simone FOLLET, Dina PEPPAS DELMOUSOU

Inscriptions du Musée épigraphique d’Athènes (II) .................................................................................................................................391-470

Richard vEyMIERS

Les cultes isiaques à Amphipolis. Membra disjecta(iiie s. av. J.-C. – iiie s. apr. J.-C.) ............................................................................................................................................................................................471-520

UN TRÉSOR DE DENIERS RÉPUBLICAINS TROUvÉ AUx ABORDS SUD DE L’AGORA DE THASOS 257

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RÉSUMÉ Les fouilles des abords Sud de l’agora de Thasos ont mis au jour, en 2007, un trésor de 23 deniers républicains dont l’enfouissement se situe en 48/7 av. J.-C. ou peu après. La trouvaille confirme l’existence, dès l’époque hellénistique, d’une occupation du complexe monumental ouvrant sur l’agora au Nord, qui peut être mise en relation avec les structures en bel appareil observables sous les murs du macellum d’époque impériale. La publication permet en outre de revenir sur les modalités de la circulation des deniers républicains en Grèce du Nord et à Thasos au cours du Ier s. av. J.-C. : amorcée à l’époque des guerres de Mithridate, bien après les premières interven-tions des Romains dans cette région, elle s’est considérablement accélérée avec les guerres civiles romaines en Orient. Une proportion importante des monnaies du trésor de Thasos a d’ailleurs été produite sous l’autorité de Pompée ou sous celle de César, en prévision de l’affrontement qui eut lieu à Pharsale en 48.

περιληψη Ένας θησαυρός δηναρίων της ρωμαϊκής ρεπουμπλικανικής περιόδου από τα νότια περίχωρα της αγοράς της Θάσου

ΟιανασκαφέςτωννοτίωνπαρυφώντηςαγοράςτηςΘάσουέφερανστοφωςτο2007έναθησαυρόαπό23δηνάριατηςρωμαϊκήςρεπουμπλικανικήςπεριόδου,οοποίοςθάφτηκετο48/7π.Χ.ήλίγοαργότερα.Τοεύρημαεπιβεβαιώνειτηχρήση,ήδηαπότηνελληνιστικήπερίοδο,τουμνημειώδουςσυμπλέγματος,τουοποίουηβόρειαπλευράβρίσκεταιπροςτηναγοράκαιπουμπορείνασυσχετιστείμετουςκαλοφτιαγμένουςτοίχους,πουβλέπουμεκάτωαπότουςτοίχουςτουμάκελλουτηςαυτοκρατορικήςπεριόδου.ΗδημοσίευσηεπιτρέπειεξάλλουναεπανεξετάσουμετιςσυνθήκεςκυκλοφορίαςτωνδηναρίωντηςρωμαϊκήςρεπουμπλικανικήςπεριόδουστηβόρειοΕλλάδακαιστηΘάσοκατάτηδιάρκειατου1ουαι.π.Χ.:ηκυκλοφορίατωννομισμάτωναυτώνάρχισετηνεποχήτωνΜιθριδατικώνπολέμων,πολύκαιρόμετάτιςπρώτεςεπεμβάσειςτωνΡωμαίωνστηνπεριοχήαυτήνκαιεπιταχύνθηκεσημαντικάμετουςρωμαϊκούςεμφυλίουςπολέμουςστηνΑνατολή.ΣημαντικόμέροςτωννομισμάτωντουθησαυρούτηςΘάσουπαρήχθηάλλωστευπότονΠομπήιοήτονΚαίσαρα,ενόψειτηςαναμέτρησηςπουέλαβεχώρασταΦάρσαλατο48.

SUMMARy A hoard of Republican deniers found in the Southern Approaches to the Agora at Thasos The excavations in the Southern Approaches to the Agora at Thasos have in 2007 brought to light

a hoard of 23 Republican deniers, the burial of which took place in 48/7 BC or soon thereafter. The discovery confirms the existence, from the Hellenistic period onward, of an occupation in the monumental complex that opens onto the agora to the north, to be related to the walls of fine masonry observable under the macellum walls of Imperial date. The publication allows reconsidering the modalities of the circulation of Republican deniers in Northern Greece and on Thasos during the 1st century BC: beginning at the time of the wars of Mithridates, well after the first interventions by the Romans in this region, it increased considerably with the Roman civil wars in the East. An important proportion of the coins in the Thasian hoard were struck under the authority of Pompey or that of Caesar, in preparation for the confrontation at Pharsalos in 48.

Un trésor de deniers républicains trouvé aux abords Sud de l’agora de Thasos*

Julien FOURNIER

* Tous mes remerciements s’adressent ici à J.-Y. Marc, responsable des fouilles des abords Sud de l’agora, qui m’a très généreusement cédé la publication de cette trouvaille monétaire. – Une présentation sommaire en a été donnée par D. Mulliez dans une note d’information présentée à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres : « Un trésor monétaire découvert à Thasos », CRAI 2008, p. 247-251.

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Abréviations bibliographiques : CH = Coin Hoards (1975 - )IGCH = M. THOMPSON, O. MORKHOLM, C. M KRAAy, Inventory of Greek Coin Hoards (1973)IRRCHBulg = E. I. PAUNOv, An Inventory of Roman Republican Coin Hoards and Coins from Bulgaria (2002)RRC = M. CRAWFORD, Roman Republican Coinage (1974)RRCH = M. CRAWFORD, Roman Republican Coin Hoards (1969)

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L’examen des monnaies de fouilles, en relation avec leur contexte stratigraphique, est d’abord une source de renseignements sur les rythmes de l’histoire et de la circulation monétaire d’une cité 1. Il arrive aussi que les monnaies fournissent un utile terminus post quem à telle ou telle structure, qui ne peut être exploité qu’en relation avec d’autres indices chronologiques plus précis. Mais il assez rare, dans l’histoire des fouilles de Thasos, qu’une trouvaille monétaire revête une aussi grande importance dans la datation des phases chronologiques du site concerné que celle du trésor de vingt-trois deniers républicains trouvé en 2007, lors des fouilles des abords Sud de l’agora antique. Cet ensemble, dont l’enfouissement est bien daté par lui-même du début des années 40 av. J.-C., offre un précieux point fixe dans l’histoire du complexe monumental en cours d’exploration. C’est la raison pour laquelle la publication de cette découverte est précédée d’une présentation succincte du contexte topographique et architectural, auquel elle apporte un éclairage nouveau.

I. CONTEXTE DE TROUVAILLE 2

Depuis 1996, un vaste secteur qui s’étend au Sud du grand quadrilatère considéré jusque-là comme l’agora est exploré systématiquement 3. Les fouilles y ont mis au jour un complexe monumental, composé d’une cour péristyle ionique bordée par des tabernae sur au moins deux côtés, très probablement un macellum, d’une seconde cour péristyle, appelée la Cour aux cent dalles en raison de son beau dallage de marbre, desservant d’autres boutiques, certainement un autre ensemble à fonction commerciale, et l’extrémité d’un grand édifice à magasins. Ce quartier commercial se prolongeait sans doute en direction du Nord-Ouest et de la porte de l’enceinte qui ouvrait sur le port de la ville antique. Le macellum, très largement ouvert sur l’aulè de l’agora par une grande entrée monumentale distyle in antis, en constituait certainement le prolongement. Les autres dispositifs commerciaux, en revanche, bordaient la place publique en lui tournant le dos (fig. 1).

1. O. Picard a notamment pu mettre en évidence, dans certaines couches de destruction du complexe monumental des abords Sud de l’agora, l’association de monnaies des dernières émissions de bronze hellénistiques de Thasos avec des impériales grecques (y compris thasiennes) et des monnaies romaines courant sur toute l’étendue du IIIe s. apr. J.-C., jusque sous la Tétrarchie. Il semble que ces monnaies hellénistiques, bénéficiant d’une longévité certaine, ont continué à circuler pendant tout le Haut-Empire. Elles alimentaient en numéraire de bronze le marché thasien, que les modestes émissions locales éche-lonnées entre les règnes d’Hadrien et de Caracalla ne suffisaient pas à étancher. Voir O. PICARD, « Thasos : les fouilles de l’agora et les monnaies », dans G. GORINI (éd.), Ritrovamenti monetali nel mondo antico : problemi e metodi. Atti del Congresso internazionale, Padova 31 Marzo-2 Aprile 2000 (2002), p. 56-57.

2. Ce passage est rédigé à partir des notes en grande partie inédites que J.-Y. Marc a bien voulu me trans-mettre, m’autorisant à faire état de ses propres réflexions sur les grandes phases d’aménagement du site. Qu’il en soit à nouveau remercié ici.

3. Voir les rapports consacrés aux « abords Sud de l’agora » par M. KOHL, j.-y. MARC, BCH 121 (1997), p. 765-775 ; BCH 122 (1998), p. 556-566 ; BCH 125 (2001), p. 592-600 ; J.-Y. MARC, P. MOUGIN, M. WURCH-KOzELj, BCH 128-129 (2004-2005), p. 752-759 ; BCH 131 (2007), p. 938-946 ; J.-Y. MARC, BCH 132 (2008), p. 737-765.

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fig. 1. — Plan des abords Sud de l’agora.

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Les états mis au jour par la fouille et aujourd’hui visibles correspondent à la phase impériale de l’histoire de ce secteur du centre monumental, qui commence au moins sous le règne de Claude et se prolonge jusqu’à l’époque sévérienne. Mais partout, sous les murs romains, on peut observer des maçonneries plus anciennes, en bel appareil de carreaux de gneiss, caractéristiques à Thasos de la haute époque hellénistique. Ces murs anciens sont datés plus précisément grâce à une couche d’assainissement constituée de tessons et de fragments de terres cuites, qui a livré d’abondants indices chronologiques (timbres amphoriques et monnaies) permettant de situer leur érection dans la première moitié du IIIe s. av. J.-C 4. Dès cette date, il faut donc restituer à Thasos un grand complexe commercial, fait de plusieurs ensembles architecturaux, probablement spécialisés dans des commerces différents. Il n’entre pas dans le cadre de cette étude, essentiellement consacrée à la publication d’un trésor monétaire, de commenter plus avant les implications de ces découvertes sur l’histoire de l’urbanisme et de l’architecture. On notera au moins la précocité de dispositifs qui ne se développent ailleurs que sensiblement plus tard. Il n’y a guère que les grandes métropoles d’Asie Mineure, Milet surtout, qui présentent à la même époque une mise en forme architecturale aussi aboutie des préceptes de l’urbanisme fonctionnel.

Quoi qu’il en soit, le détail de l’histoire du complexe commercial thasien se laisse peu percevoir, tant les données stratigraphiques sont maigres. Les niveaux de sol ayant très peu changé entre la haute époque hellénistique et l’époque impériale, les contextes stratigraphiques en relation avec l’utilisation des différents édifices sont presque inexistants. Les niveaux les plus récents, qui correspondent à la dernière occupation du secteur, au IIIe s. apr. J.-C., reposent directement sur les niveaux les plus anciens, datés entre 300 et 250 av. J.-C. C’est dire que la découverte du trésor monétaire républicain dans une pièce du bâtiment Sud-Ouest ayant accueilli un atelier de bronzier (fig. 1, P54) a constitué une heureuse surprise. Malheureusement, la pièce avait été percée en biais par une grande tranchée ouverte lors de fouilles à la fin des années 1920, avec pour principale conséquence la destruction d’une grande partie de sa surface. Si l’on ajoute que les contextes concernés correspondent au niveau de battement de la nappe phréatique, on comprendra qu’il fut impossible de caractériser aussi soigneusement qu’on l’aurait souhaité l’endroit où le trésor a été découvert. Il est néanmoins possible, en combinant des observations faites dans un des angles de cette pièce avec des dispositifs d’ateliers fouillés ailleurs, de restituer un coffrage supportant un plancher le long des murs et un sol de terre battue au centre, là où ont été mis au jour des vestiges abondants du travail du métal (battitures, scories, négatifs de creuset, etc.). C’est probablement sous une des lattes de ce plancher que le trésor avait été caché.

4. J.-Y. MARC, P. MOUGIN, M. WURCH-KOzELj, BCH 131 (2007), p. 940-941.

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II. CATALOgUE 5

1-2. Gargonius, Ogulnius et M. Vergilius.Atelier de Rome. 86 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 350A, 2

D/ Tête d’Apollon à droite, portant une couronne de chêne. En dessous, un foudre.

R/ Jupiter dans un quadrige à droite, tenant les rênes de la main gauche et brandissant un foudre de la droite. Absence de marque de contrôle comme de légende.

1 : Diamètre 20 mm, 3,9 g, axe 2.

2 : Diamètre 20 mm, 4,0 g, axe 7.

3. P. Crepusius. Atelier de Rome. 82 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 361, 1 B

D/ Tête laurée à droite. Derrière, un sceptre. Devant, lettre de contrôle (C ?)

R/ Cavalier à droite, brandissant une lance. Derrière, numéro de contrôle (CCLIII). À l’exergue, P CREPVSI

Diamètre 18 mm, 3,7 g, axe 4.

4. L. Censorinus. Atelier de Rome. 82 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 363

D/ Tête d’Apollon laurée à droite.

R/ Marsyas, en marche à gauche, levant la main droite et portant une outre sur l’épaule gauche. Derrière lui, une colonne supportant une victoire. Devant, du haut vers le bas : L CENSOR.

Diamètre 18 mm, 4,0 g, axe 9.

5. C. Annius. Atelier d’Italie du Nord. 82/81 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 366, 1 a

D/ Buste féminin à droite, drapé et portant un diadème. Devant, une balance. Derrière, un caducée ailé. Légende circulaire de la droite vers la gauche : C ANNI T F T N PRO COS EX S C. Marque de contrôle invisible.

R/ Victoire dans un quadrige à droite, tenant les rênes de la main gauche et une palme de la droite. Au dessus, Q. À l’exergue, [L] FABI L F HISP.

Diamètre 20 mm, 4,0 g, axe 12.

6. A. Postumius Albinus. Atelier de Rome. 81 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 372, 2

D/ Tête d’Hispania à droite, voilée. Derrière, HISPAN du haut vers le bas.

5. Les lettres liées dans les légendes monétaires sont soulignées pour la retranscription qui en est faite dans le catalogue.

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R/ Personnage en toge, la main droite levée, debout entre une aigle de légion et des faisceaux. A POST A F S N ALBIN

Tranche crantée.

Diamètre 19 mm, 4,0 g, axe 6.

7. Ti. Claudius Nero. Atelier de Rome. 79 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 383.

D/ Buste de Diane à droite, drapée, portant un arc et un carquois sur l’épaule. Devant, S · C

R/ Victoire dans un bige à droite, tenant une longue palme et les rênes de la main gauche, une couronne de la droite. En dessous, marque de contrôle A · XVII.

À l’exergue, TI CLAVD TI F

APN

Tranche crantée.

Diamètre 20 mm, 4,3 g, axe 6.

8. P. Sulpicius Galba. Atelier de Rome. 69 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 406.

D/ Tête de Vesta à droite, voilée. Derrière, de haut en bas : S·C·

R/ Couteau, culullus et hache. De part et d’autre, AED et CVR. À l’exergue, P GALB.

Diamètre 18 mm, 4,0 g, axe 6.

9. C. Calpurnius Piso Frugi. 67 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 408, 1 a

D/ Tête d’Apollon laurée à droite. Derrière, une ancre. Devant, marque de contrôle (H ?)

R/ Cavalier à droite. Sous le cheval : C PISO FRVG. En dessous, marque de contrôle (E)

Diamètre 20 mm, 3,7 g, axe 6.

10. L. Cassius Longinus. Atelier de Rome. 63 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 413

D/ Tête de Vesta à gauche, voilée et diadémée. Derrière, un canthare. Devant, lettre de contrôle ( S).

R/ Personnage debout à gauche, déposant une tablette marquée d’un V dans une urne. À droite, de haut en bas : LONGIN III V.

Diamètre 20 mm, 3,8 g, axe 9.

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11-12-13. P. Hypsaeus, M. Scaurus. Atelier de Rome. 58 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 422, 1 b

D/ Chameau à droite ; devant, un personnage agenouillé, tenant les rênes de la main gauche et un rameau d’olivier de la droite.

Au dessus, en 2 lignes : M SCAVR

AED CVR

De part et d’autre : EX SC

À l’exergue : REX ARETAS

R/ Jupiter dans un quadrige à gauche, tenant les rênes de la main gauche et brandissant un foudre de la droite. Sous les chevaux, un scorpion.

Au dessus, en 2 lignes : P HVRSAE

AED CVR

À l’exergue, en 2 lignes : C HVPSAE COS

PREIVE

À droite, de bas en haut : CAPTV

11 : Diamètre 19 mm, 3,9 g, axe 6.

12 : Diamètre, 19 mm, 4,0 g, axe 6.

13 : Diamètre 18 mm, 3,70 g, axe 7.

14. C. Servilius. Atelier de Rome. 57 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 423

D/ Tête de Flora à droite. Derrière, un lituus. Devant, de haut en bas : FLORA PR[IMVS]

R/ Deux soldats face à face, tenant un bouclier de la main gauche et présentant leur épée de la droite. À l’exergue, C. SERVEIL·. À droite, de bas en haut : C·F

Diamètre 20 mm, 4,1 g, axe 4.

15-16. P. Fonteius Capito. Atelier de Rome. 55 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 429, 1

D/ Buste de Mars à droite, casqué et drapé, avec un trophée sur l’épaule. P FONTEIVS P F CAPITO III·VIR.

R/ Cavalier à droite, tenant les rênes de la main gauche et transperçant de sa lance un guerrier placé sous les pattes du cheval. MN·FONT·TR·MIL

15 : Diamètre 19 mm, 4,0 g, axe 6.

16 : Diamètre 18 mm, 3,8 g, axe 11.

UN TRÉSOR DE DENIERS RÉPUBLICAINS TROUvÉ AUx ABORDS SUD DE L’AGORA DE THASOS 265

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17. M. Iunius Brutus. Atelier de Rome, 54 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 433, 1

D/ Tête de Libertas à droite. Derrière, de haut en bas : LIBERTAS

R/ L. Iunius Brutus en marche à gauche, entre deux licteurs et précédé d’un appariteur. À l’exergue, BRVTVS

Diamètre 21 mm, 4,1 g, axe 6.

18. C. Coelius Caldius. Atelier de Rome. 51 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 437, 2 a

D/ Tête de C. Coelius Caldus à droite. Devant, C. COEL CA[LDVS], du haut vers le bas. En dessous, [COS]. Derrière, enseigne portant l’inscription HIS. Devant, enseigne en forme de sanglier (hors flan).

R/ Table, derrière laquelle un personnage prépare un banquet. Sur la table, en deux lignes : L·CALDVS

VII·VIR·EPVL

Sous la table : CALDVS·III·VIR

À gauche, un trophée avec un bouclier macédonien. À droite, trophée avec carnyx et un bouclier ovale décoré d’un foudre.

À l’extrême gauche : C À l’extrême droite : [I]

C [MP]

A [.]

L A (ou A[V])

D .

V X

S

Diamètre 19 mm, 3,9 g, axe 5.

19. L. Lentulus, C. Marcus. Atelier d’Apollonia puis d’Asie. 49 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 445, 2

D/ Tête d’Apollon à droite. Devant, de haut en bas : L LENT·C·MARC de bas en haut. Derrière, de bas en haut : COS

R/ Jupiter debout de face, tête à droite, tenant le foudre de la main droite et un aigle de la gauche. À gauche, étoile et Q. À droite, autel décoré d’une guirlande.

Diamètre 19 mm, 3, 9 g, axe 8.

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20. Cn. Piso. Atelier itinérant avec Pompée. 49 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 446

D/ Tête barbue de Numa à droite, portant un diadème avec l’inscription NVMA. Derrière, de haut en bas : CN PISO [PRO Q]

R/ Proue de navire à droite. Au dessus : MAGN. Au dessous : PRO · COS

Diamètre 19 mm, 4,0 g, axe 7.

21. Caesar. Atelier itinérant avec César. 49/8 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 443

D/ Emblèmes pontificaux : culullus, aspersoir, hache et apex.

R/ Éléphant à droite. À l’exergue : CAESAR

Diamètre 18 mm, 4,1 g, axe 3

22-23. Caesar. Atelier itinérant avec César. 48/7 av. J.-C. CRAWFORD, RRC, 452, 2

D/ Tête féminine à droite, portant une couronne de chêne et un diadème. Derrière, de haut en bas : ┴ | |.

R/ Trophée avec bouclier gaulois et carnyx. À droite, une hache. De part et d’autre, en bas : CAE SAR

22 : Diamètre 19 mm, 4, 3 g, axe 5.

23 : Diamètre 18 mm, 3,8 g, axe 12.

III. CommentAIre

La trouvaille des abords Sud de l’agora est venue tripler le nombre de monnaies d’argent républicaines mises au jour jusqu’alors par les fouilles de l’École française d’Athènes à Thasos 6. Il s’agit surtout du premier trésor de deniers jamais découvert dans l’île, toutes époques réunies 7. Nous ne disposions jusqu’alors que de trouvailles isolées, dans des contextes stratigraphiques difficilement exploitables.

6. Neuf deniers et deux quinaires, émis entre 132 et 31 av. J.-C., ont été découverts avant 2007. La liste et le commentaire en sont donnés par j. FOURNIER, « L’introduction des deniers à Thasos. Remarques sur les rapports entre la cité et les Romains au IIe et au Ier s. av. J.-C. », dans Thasos. Métropole et colonies. Symposium international à la mémoire de Marina Sgourou. 21-22 septembre 2006, à paraître.

7. Les fouilles ont mis au jour par ailleurs trente-six deniers du Haut-Empire, datés du règne d’Auguste à celui de Gallien. Voir J. FOURNIER, Les monnaies romaines des fouilles de Thasos. Recherches sur la circulation monétaire dans le Nord du bassin égéen (ier s. av. J.-C. – iiie s. apr. J.-C.), mémoire déposé à l’Académie des inscriptions et belles-lettres (2007).

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Les 23 monnaies du trésor appartiennent presque toutes à la première moitié du Ier s. av. J.-C. ; leurs dates d’émissions se répartissent entre 86 et 48/7 av. J.-C. Avant restauration, les deniers, dans un état d’oxydation avancé, étaient recouverts d’une pellicule gris sombre, légèrement granuleuse. Après restauration, leur état général s’avère très bon, types et légendes étant aisément identifiables. Leurs poids sont à peu près constants (entre 3,7 et 4,3 g) et, du reste, ils ne présentent pas entre eux de différences d’usure très sensibles, les deux plus anciens seulement étant plus frustes que les autres.

Le dépôt, de faible ampleur, constitue selon toute probabilité un trésor de circulation, composé de monnaies retirées en une seule fois du marché, enfouies dans l’urgence par leur dépositaire et jamais récupérées par la suite. L’écart d’une quarantaine d’année qui sépare les plus anciens deniers des plus récents ne fait pas obstacle à cette interprétation : le denier, on le sait, jouit d’une très longue durée de circulation. Certains trésors enfouis à la même époque dans la Macédoine voisine présentent même des écarts plus importants. Les plus anciens deniers du trésor de Petres, enfoui précipitamment au moment de la bataille de Philippes (42 av. J.-C.), remontent à 105 av. J.-C. 8, ceux du trésor de Thrace/Macédoine, enfoui dans les mêmes circonstances, aux années 170-150 av. J.-C. 9. À Thasos, la représentation majoritaire des monnaies des années 50 et du début des années 40 (57 % du total), avant une interruption brutale en 48/7 av. J.-C., invite – indépendamment du contexte stratigraphique – à situer l’enfouissement du trésor en 47 ou peu après.

D’un point de vue numismatique, le principal intérêt de cette découverte tient à ce qu’elle nous renseigne un peu plus sur la diffusion de la monnaie d’argent romaine à Thasos et, plus généralement, en Grèce du Nord. La pénétration des deniers n’y a pas coïncidé avec l’arrivée des Romains au tournant du IIIe et du IIe s. av. J.-C., mais s’est opérée en décalage avec les grandes étapes de l’intervention politique et militaire 10. Les premières transactions monnayées effectuées par les Romains en Macédoine et en Thrace le furent d’abord au moyen des tétradrachmes émis par les cités d’Athènes, de Thasos ou de Maronée, qui constituaient l’essentiel de la masse d’argent en circulation dans la région au IIe s. et au début du Ier s. av. J.-C. 11. Plus précisément, il semble qu’entre le dernier quart du IIe s. et le premier quart du Ier s., les monnayages aux types très semblables de Thasos et de Maronée aient pris le relais des tétradrachmes stéphanèphores athéniens pour

8. To novmisma sto Makedonikov cwvro. Praktikav th~ B’ episthmonikhv~ sunavnthsh~, Qessalonivkh 15-17 Maivou 1998, Obolov~ 4 (2000), p. 127-155.

9. M. CRAWFORD, RRCH, 402.10. Voir à ce sujet A. GIOvANNINI, Rome et la circulation monétaire en Grèce au iie s. av. J.-C. (1978), p. 16-23,

M. CRAWFORD, Coinage and Money under the Roman Republic (1985), p. 117-131, et plus récemment J. H. KROLL, « Coinage as an Index of Romanization », dans M. C. HOFF, S. I. ROTROFF (éds), The Romanization of Athens. Proceedings of an International Conference Held at Lincoln, Nebraska, April 1996 (1997), p. 140.

11. Sur la circulation monétaire régionale au IIe s. av. J.-C., voir y. TOURATSOGLOU, The Coin Circulation in Ancient Macedonia (ca 200 B.C. – 268-286 A.D.). The Hoard Evidence (1993), p. 31-40 principalement.

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financer les guerres menées presque chaque année par les proconsuls de Macédoine contre les Scordisques, puis contre les Thraces 12. Ensuite, jusqu’au milieu du Ier s. av. J.-C., la même fonction paraît avoir été remplie par des monnayages émis sous contrôle romain, mais qui restaient grecs par leurs normes pondérales comme par leurs lieux de production : les tétradrachmes macédoniens à la légende LEG MAKEDONWN ou MAKEDONWN, puis ceux, plus nombreux, frappés au nom du questeur Aesillas 13.

Les premiers trésors contenant des deniers paraissent avoir été enfouis en Macédoine dans les années 70 av. J.-C., dans le contexte des guerres de Mithridate. Les monnaies proprement romaines y côtoient les tétradrachmes d’Aesillas 14. Le phénomène est à peu près contemporain en Thrace, où les premiers deniers cohabitent avec les tétradrachmes d’Athènes, de Thasos et de Maronée 15. Même si l’irruption du denier paraît être plus précoce que dans le reste du monde grec, celui-ci ne représente encore qu’un monnayage parmi d’autres et n’est pas majoritaire dans le volume d’argent en circulation 16.

Le trésor thasien, enfoui quelque 25 années plus tard, appartient déjà à une autre époque, celle de la pénétration accélérée du denier en Thrace et en Macédoine, comme dans le reste de la Grèce. La défense de la Grèce du Nord contre les tribus thraces, qui menaçaient encore Thessalonique et la Via Egnatia au milieu des années 50 17, y a sans doute contribué. Mais ce sont surtout les guerres civiles romaines, dont les principaux affrontements se déroulèrent en Grèce, qui sont responsables de ce phénomène. Les batailles de Pharsale, de Philippes, puis d’Actium nécessitèrent la levée de fonds et le

12. Sur ce point, voir désormais O. PICARD, « Les tétradrachmes à types thasiens et les guerres thraces au début du Ier s. av. notre ère », CRAI 2008, p. 465-494, qui montre que les tétradrachmes aux types thasiens de Dionysos et d’Héraclès juvéniles ont été frappés soit sous le contrôle de la cité, soit à l’initiative de magistrats romains à partir des levées d’argent effectuées dans la région côtière du Nord de l’Égée et dans les territoires thraces contrôlés par Rome.

13. Pour une présentation générale de ces monnayages, voir A. BURNETT, « The Coinage of Roman Macedonia », dans To novmisma sto Makedonikov cwvro (supra, n. 8), p. 89-101. Sur les monnaies au nom d’Aesillas, voir désormais l’étude de R. A. BAUSLAUGH, Silver Coinage with the Types of Aesillas the Quaestor (2000). Sur leur rôle dans l’histoire des opérations romaines en Thrace, voir les réflexions de R. A. BAUSLAUGH, « Reconstructing the Circulation of Roman Coinage in First Century B.C. Macedonia », dans K. A. SHEEDy, Ch. PAPAGEORGIADOU-BANIS (éds), Numismatic Archeology – Archeological Numismatics, Proceedings of an International Conference Held to Honour Dr Mando Oeconomides in Athens 1995, Oxbow Monograph 75 (1997), p. 118-129 ; de F. DE CALLATAÿ, « The Coins in the Name of Sura », dans A. BURNETT, U. WARTENBERG, R. WITSCHONKE (éds), Coins of Macedonia and Rome. Essays in Honour of Charles Hersch (1998), p. 113-117.

14. Trésor Kérassia-Thessalonique 1960 (RRCH 283) : 1 tétradrachme Aesillas, 46 deniers ; trésor Thessalonique 1976 (CH 5 [1979], 55) : 40 tétradrachmes Aesillas, 500 deniers.

15. Voir par exemple, sur le territoire de l’actuelle Bulgarie, les trésors de Belitsa (IRRCHBulg, 101 : 36 deniers, 7 tétradrachmes Aesillas, 28 de Thasos et 1 imitation, 27 d’Athènes) et de Bolyarino (ibid., 102 : 7 deniers, 1 tétradrachme d’Alexandre III, 18 de Thasos et 3 d’Athènes).

16. Voir j. H. KROLL (supra, n. 10), p. 140.17. Cicéron, De Prov. Cons. 4 ; In Pis., 37.

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paiement de troupes. À chaque fois, les généraux firent frapper des deniers en Orient même, destinés à une circulation régionale.

On connaît sept trésors de monnaies d’argent enfouis en Macédoine entre le milieu des années 50 et la fin des années 30 av. J.-C. Si deux des plus anciens contiennent encore des tétradrachmes au nom d’Aesillas 18 – dont la production s’est définitivement interrompue à la fin des années 70 ou au début des années 60 19 –, tous les autres, comme le trésor de Thasos, sont composés exclusivement de deniers 20. Ceux-ci constituent dès lors la seule espèce d’argent encore en circulation – un état qui sera pleinement consacré sous l’Empire 21.

L’événement le plus marquant pour Thasos, à cette époque, fut sans conteste la bataille de Philippes. L’île servit alors de base arrière au parti républicain. Antoine, en y débarquant après la bataille, y fit main basse sur le matériel de guerre et l’argent entreposé là par Brutus et Cassius 22. Il ne fait guère de doute que de nombreux deniers étaient arrivés à Thasos à cette occasion, dont quelques-uns ont été retrouvés au cours des fouilles 23. Par ailleurs, certains trésors découverts en Macédoine paraissent avoir été enfouis à l’occasion de cette bataille 24. Le trésor découvert en 2007 date pourtant, selon toute vraisemblance, de quelques années auparavant. Son enfouissement est postérieur d’assez peu à la bataille de Pharsale, qui opposa Pompéiens et Césariens en août 48. On relève d’ailleurs que les dernières monnaies qui y figurent furent frappées sous l’autorité de Pompée (19, 20) et de César (21-23) en prévision de leurs campagnes.

Thasos, au début des années 40, s’était certainement rangée derrière les Pompéiens. C’est du moins ce que suggère une base de statue contemporaine portant une inscription honorifique du démos pour un certain Sextus Pompée, fils de Quintus, patron de la cité par tradition ancestrale (dia; progovnwn). Quintus, selon toute vraisemblance, doit être identifié avec Q. Pompeius Sex. f., ami personnel de Cicéron et cousin du Grand Pompée 25. On ignore si la cité fut directement ou indirectement impliquée dans une bataille qui se

18. Trésor Néa Karvali 1963 (IGCH, 660, enfoui après 55 : 14 tétradrachmes Aesillas, environ 100 deniers) ; trésor Macédonia 1980 (?) (CH VII [1985], 139, enfoui vers 54 : 10 tétradrachmes Aesillas, 91 deniers).

19. R. A. BAUSLAUGH (supra, n. 13), p. 128.20. Trésor Macédonia 1977 A (CH III [1977], 127, enfoui vers 55 : 23 deniers) ; trésor Thessalonique 1967

(Quaderni Ticinesi 13 [1984], p. 139-145, enfoui vers 50 av. J.-C. : 51 deniers) ; trésor Thrace/Macédoine RRCH, 402, enfoui vers 42 : 54 deniers, 2 aureii) ; trésor de Petres (∆Obolov~ 4 [2000], p. 89-101, enfoui vers 42 : 125 deniers) ; trésor Macedonia 1977 B (CH III [1977], 131, enfoui vers 35 : 23 deniers).

21. Voir à ce sujet S. KREMyDI-SICILIANOU, « Patterns of Monetary Circulation in Roman Macedonia : The Hoard Evidence », Eulimene 5 (2004), p. 135-149.

22. Appien, B.C. 136.23. Voir J. FOURNIER (supra, n. 6).24. Voir notamment le trésor de Petres, évoqué supra, n. 8.25. J.-y. EMPEREUR, A. SIMOSSI, « Inscriptions du port de Thasos », BCH 118 (1994), p. 412-415, no 3

(SEG XLIV 706). Voir aussi Cl. EILERS, Roman Patrons of Greek Cities (2002), p. 220 no C 59.

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déroula à plusieurs centaines de kilomètres de là, dans la plaine de Thessalie. On sait en revanche que toute la région fut prise dans l’engrenage de la guerre civile : Pompée avait fait de la Macédoine l’une de ses bases arrières, où il leva une légion de vétérans, en plus des 200 auxiliaires macédoniens et des 500 Thraces mobilisés 26. Lui-même passa l’hiver 49/8 à Thessalonique, où il avait installé les consuls de 49 et un fantôme de Sénat, composé des quelque 200 patres qui lui étaient restés fidèles 27. Après la déroute de Pharsale, le général vaincu, talonné par César, s’embarqua à Larisa pour gagner l’île de Lesbos en suivant les côtes du Nord de l’Égée. Au cours d’une escale à Amphipolis, où il comptait un groupe de partisans, Pompée, au dire de César, fit décréter l’état d’urgence et afficher un décret stipulant que « tous les jeunes gens de la province, aussi bien les Grecs que les citoyens romains, devraient se rassembler pour prêter serment » 28.

Il se pourrait que le trésor ait été enfoui, sinon dans la panique que provoqua cet ordre de mobilisation et la fuite du général, peut-être dans les mois qui suivirent, alors que la cité craignait sans doute que son allégeance à la cause pompéienne ne lui valût des représailles 29. Mais rien ne le garantit absolument et, en l’absence d’indices probants, on ne peut exclure que l’enfouissement d’un trésor aussi modeste ait été provoqué par quelque incident d’envergure locale. Les circonstances nous en échapperaient alors complètement.

26. César, B.C. 3.4.27. Dion Cassius, 41. 43.28. César, B.C. 3.102 : erat edictum Pompei nomine Amphipoli propositum uti omnes eius prouinciae iuniores,

Graeci ciuesque Romani, iurandi causa conuenirent.29. On remarque au demeurant que les monnaies 22-23, datées de 48/7, pourraient avoir été frappées

plusieurs mois après la bataille.

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fig. 2. — Deniers républicains trouvés à Thasos (cl. EFA, Ph. Collet).

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