UKRAINE LE DOUTEUX «CONVOI HUMANITAIRE» DE POUTINE Par FRANÇOIS SERGENT

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RODEO DRIVE PRESS. VISUAL PRESS AGENCY Fini de rire Comique dépressif, Robin Williams est mort à 63 ans. Laissant l’Amérique sonnée. UKRAINE LE DOUTEUX «CONVOI HUMANITAIRE» DE POUTINE PAGES 2-4 Jusqu’au 23 août, «Libé» sur les chemins de la liberté: l’artiste imaginaire Jack H. Kaboviolov ÉTÉ CAHIER CENTRAL PAGES 20-22 1,70 EURO. DEUXIÈME ÉDITION N O 10339 MERCREDI 13 AOÛT 2014 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,40 , Andorre 1,90 , Autriche 2,80 , Belgique 1,80 , Canada 4,99 $, Danemark 28 Kr, DOM 2,50 , Espagne 2,40 , Etats-Unis 4,99 $, Finlande 2,80 , Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 , Irlande 2,50 , Israël 22 ILS, Italie 2,40 , Luxembourg 1,80 , Maroc 19 Dh, Norvège 29 Kr, Pays-Bas 2,40 , Portugal(cont.) 2,60 , Slovénie 2,80 , Suède 26 Kr, Suisse 3,30 FS, TOM 440 CFP, Tunisie 2,90 DT, Zone CFA 2 200CFA.

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FiniderireComique dépressif, Robin Williams est mortà 63 ans. Laissant l’Amérique sonnée.

UKRAINE LE DOUTEUX«CONVOI HUMANITAIRE»DE POUTINE PAGES 2-4

Jusqu’au 23 août, «Libé» surles chemins de la liberté:

l’artiste imaginaireJack H. KaboviolovÉTÉ

CAHIER CENTRAL

PAGES 20-22

• 1,70 EURO. DEUXIÈME ÉDITION NO10339 MERCREDI 13 AOÛT 2014 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,40 €, Andorre 1,90 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,80 €, Canada 4,99 $, Danemark 28 Kr, DOM 2,50 €, Espagne 2,40 €, Etats-Unis 4,99 $, Finlande 2,80 €, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €,Irlande 2,50 €, Israël 22 ILS, Italie 2,40 €, Luxembourg 1,80 €, Maroc 19 Dh, Norvège 29 Kr, Pays-Bas 2,40 €, Portugal(cont.) 2,60 €, Slovénie 2,80 €, Suède 26 Kr, Suisse 3,30 FS, TOM 440 CFP, Tunisie 2,90 DT, Zone CFA 2 200CFA.

Par FRANÇOIS SERGENT

Contrer

Le monde a raisonde se méfier du convoide camions ripolinésenvoyé vers Donetskpar Poutine, ce grandhumaniste qui contrôleles pseudo-rebellesrussophones.En fait, une bandede «kagébistes»qui n’ont pas hésitéà abattre un avion de ligne.François Hollandeet les autres leaderseuropéens se disent«très inquiets».Ils craignent que cetteopération ne soitqu’une invasion déguiséede l’est de l’Ukraine.De toute évidence,la politique européenneenvers la Russie ne marchepas. Contrairementaux vains espoirsde Merkel ou Hollande,Poutine ne s’est pascontenté de la Crimée.La passivité occidentaledevant son coup de forcel’a encouragé. Il a continuéagressions et provocations,cherchant à déstabiliserl’Ukraine et songouvernementdémocratiquement éluqui recouvre légitimementson territoire. Lessanctions sévèrestardivement adoptéespar l’Union européenne etles Etats-Unis n’ont pasl’air d’impressionnerle maître du Kremlinqui a massé des milliersd’hommes aux frontièresorientales de l’Ukraine.Fort d’une popularitésoviétique auprèsd’une population chaufféepar une propagandeultranationaliste, Poutinesemble bien décidé à défierses anciens partenairesdu G8. L’affaire du «convoihumanitaire» apparaîtainsi comme un testde sa déterminationmais aussi de la résolutiondes Européens à contrerPoutine qui depuisdes mois violela souveraineté d’un paysqui a eu tort de croireà l’Europe, à ses idéauxet à ses principes.

ÉDITORIAL

D epuis des mois déjà, àl’entrée du métro de Mos-cou, des bénévoles tien-nent des stands aux cou-

leurs du Donbass, la région de l’Estukrainien. Les passantssont invités à glisser del’argent dans une urne,déposer des denrées alimentaires oudes biens de première nécessité.Pour le Kremlin, comme pour unebonne partie de la population russe,ce qui se passe à l’est de l’Ukraine

est un drame «humanitaire» auquelMoscou se doit de répondre. C’estainsi qu’est venue l’idée du convoiparti mardi de la banlieue de Moscouet attendu ce mercredi à la frontièreukrainienne. 262 camions bénis parun pope orthodoxe et remplis, selonMoscou, de 2000 tonnes de denrées

et matériels de premièrenécessité: 400 tonnes decéréales, 100 tonnes de

sucre, 69 générateurs, 12000 sacs decouchage…Les Ukrainiens relèvent plutôt quele convoi est parti d’une base mili-taire et que les camions ne portent

pas de plaques d’immatriculation,comme les véhicules qui avaientservi à envahir la Crimée en mars.Connaissant les visées russes surleur pays, ils y voient plutôt un che-val de Troie qu’ils refusent de laisserfranchir tel quel leur frontière.«Nous n’accepterons pas que [cetteaide] soit accompagnée par le minis-tère russe des Situations d’urgence oupar des militaires russes», a fait sa-voir mardi la présidence ukrai-nienne, proposant que la cargaisonsoit rechargée sur des véhicules duComité international de la Croix-Rouge, sitôt franchie la frontière.

Depuis mardi, 262 camions russes s’acheminent vers la frontière souspavillon «humanitaire». Un stratagème qui rappelle l’annexion de la Crimée.

En Ukraine, la peurdu cheval de Troie

Par ÉTIENNE BOUCHEIntérim à MoscouL’ESSENTIEL

LE CONTEXTEUn convoi «humanitaire»russe est en route vers l’estde l’Ukraine.

L’ENJEUKiev et les autres capitaleseuropéennes redoutentque cette opérationdissimule une invasionde l’Ukraine.

REPORTAGE

Image tirée d’une vidéo du «convoi humanitaire» russe, mardi matin, à Alabino, au sud-ouest de Moscou. Les 262 camions forment une colonne s’étalant sur plus de

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 20142 • EVENEMENT

Pas dupes, les Etats-Unis et l’Unioneuropéenne haussent le ton faceà la surenchère russe.

Les mises engarde explicitesdes OccidentauxL e bras de fer risque de se

durcir entre la Russie et lesOccidentaux, qui accusent

Moscou de continuer à déstabili-ser l’est de l’Ukraine. Les pre-mières sanctions d’enverguredécidées par les Vingt-Huit sousle choc du crash du vol de Ma-laysia Airways abattu par les sé-paratistes prorusses a plutôtpoussé le Kremlin à la suren-chère, au moins dans la posture.Ainsi, les rétorsions décrétéessur les produits agroalimentaireseuropéens. Ou désormais l’an-nonce de l’envoi d’un «convoihumanitaire» pour aider les po-pulations de l’Est encerclées parl’armée ukrainienne.Les mises en garde venant descapitales européennes comme deWashington sont explicites. Der-nier chef d’Etat en date, FrançoisHollande, s’entretenant mardiavec le président russe, qui de-puis le début gère personnelle-ment cette crise, lui a fait part«des très vives inquiétudes quesuscite la perspective d’un convoimilitaire russe en territoire ukrai-nien». Le chef de la diplomatiefrançaise, Laurent Fabius, surFrance Info avait été encore plusexplicite affirmant «qu’il faut êtreextrêmement prudent, car celapourrait être une couverture de lapart des Russes pour s’installe prèsde Lougansk et de Donetsk». Laprésence près de la frontière de45 000 soldats russes, deux foisplus qu’il y a quinze jours, ali-mente encore les inquiétudes desOccidentaux. Ces derniers sou-tiennent sans faille les autoritésde Kiev et le président Petro Po-rochenko qui a donné son accorduniquement à une mission inter-nationale sous l’égide du Comitéinternational de la Croix-Rouge.«Impartialité». «Il est très im-portant que les livraisons d’aideshumanitaires, où que ce soit et parqui que ce soit, s’effectuent selondes principes de neutralité et d’im-partialité par des organisations in-ternationales», a souligné mardila commissaire européenne àl’Aide humanitaire, KristalinaGeorgieva, alors que Bruxellesannonçait débloquer une aidesupplémentaire de 2,5 millionsd’euros pour aider les personnesdéplacées fuyant les combats.

Ces avertissements seront-ilssuffisants alors même que l’éco-nomie russe, déjà fragilisée,commence à ressentir les pre-miers effets des mesures déci-dées par l’Union européenne etles Etats-Unis? «Nous fondons lessanctions au nom du droit et de lapunition, alors que la Russie, elle,ne conçoit sa politique extérieurequ’en termes de rapport de force etde transgression», relevait le29 juillet dans nos colonnes Tho-mas Gomart, chercheur à l’Ifri(Institut français des relationsinternationales). Ce spécialistede la Russie se disait préoccupépar «une schizophrénie euro-péenne» qui s’inquiète de la me-nace russe, tout en négligeant sadéfense. La réponse ne peut eneffet se limiter à des mesureséconomiques. D’où la nécessitéd’une stratégie plus imaginativepour bloquer le Kremlin dans sapolitique de vassalisation de cesEtats issus de l’ex-URSS.Partenaire. «Le plus importantest de se demander ce que l’on peutfaire pour aider l’Ukraine. Il y adéjà tout un volet économique et fi-nancier via le Fonds monétaire in-ternational et l’Union européenne,mais on peut aussi imaginer desaides très concrètes à la policecomme à l’armée, dans la forma-tion comme dans la fourniture dematériel», rappelle volontiersFrançois Heisbourg de la Fonda-tion pour la recherche stratégi-que. L’Allemagne d’Angela Mer-kel, très engagée dans le dossierukrainien mais longtemps pru-dente face à Moscou dont elle estle principal partenaire, a joué unrôle de premier plan dans la nou-velle relative fermeté des Vingt-Huit. Ceux-ci ont à la fois faitpression sur Kiev pour éviter unbain sang dans la reconquête del’Est, tout en reconnaissant sondroit défendre l’intégrité de sonterritoire. Mais Berlin aussi,comme Paris, n’a cessé d’insistersur une décentralisation, afin degarantir les droits des russopho-nes et autres minorités, tout ens’opposant au fédéralisme pré-lude à un démantèlement prônépar Moscou qui cherche avanttout à sanctuariser les zones auxmains des rebelles.

MARC SEMO

Proposition que Moscou a sembléaccepter mardi, indiquant que leconvoi pourrait passer sous l’égidede la Croix-Rouge à la frontière.

ÉTRANGLEMENT. Ce convoi pourraitn’être qu’une couverture à une in-vasion russe de l’est de l’Ukraine,redoutent Kiev et ses alliés occiden-taux, qui ont multiplié les misesen garde à la Russie ces derniersjours. L’armée ukrainienne a bienprogressé sur le terrain, elle est enpasse de reprendre le contrôle deDonetsk et Lougansk, les deux der-niers bastions séparatistes, et re-doute que cet étranglement ne pro-voque l’intervention russe. Moscouau contraire feint de voir avanttout un problème humanitaire, sou-lignant que Lougansk est privéd’électricité, d’eau courante ou deréseau téléphonique. «Nous estimonsque cette question est urgente et qu’ellene supporte pas de retard», a lancélundi le ministre russe des Affairesétrangères, Sergueï Lavrov.«Ce qui se passe là-bas est terrible,argumentait aussi une quinquagé-naire venue il y a quelques jours àMoscou faire don de médicaments,conserves et lait concentré pour leDonbass. Nous avons tous de la fa-mille, des amis en Ukraine et nous nepouvons pas rester sans rien faire.»Parfois originaires eux-mêmes de larégion, les organisateurs des collec-

tes en profitent pour renvoyer lesdonateurs vers différents sites d’in-formation, comme Rousskaïa Vesna(«Printemps russe»), censés réta-blir une vérité travestie par les Occi-dentaux.En Russie, la perception générale duconflit est façonnée par le discoursdu pouvoir et les grands médias. Latélévision privilégie l’angle humani-taire, évoquant les initiatives misesen place dans les grandes villes etl’accueil de réfugiés à Rostov-sur-le-Don, près de la frontière. Le Kremlin

insiste sur le sort des civils, victimes,selon les Russes, d’un pouvoir ukrai-nien sans scrupule qui lance des of-fensives meurtrières.Depuis plusieurs semaines, la mobi-lisation se structure autour de diffé-rents collectifs réunis au sein d’unmême mouvement, Bitva za Don-bass («bataille pour le Donbass»)qui, début août à Moscou, exhortaitla Russie «à rompre son silence hon-teux et à interrompre le massacre desRusses». Pour ces militants, ce quise joue en Ukraine n’est rien demoins qu’une lutte géopolitiquepour la défense du monde russe, ba-

taille où Poutine est beaucoup troptimide à leur goût. L’opinion publi-que est plus mesurée et suit en ma-jorité la ligne du Président: un quartseulement des Russes approuveraitune intervention militaire directe dela Russie, indique un récent sondagedu centre Levada.

«NOUVELLE RUSSIE». A Moscou,l’aide collectée pour les séparatistesn’est pas uniquement humanitaire.Sur les réseaux sociaux russescomme Vkontakte, on cherche aussi

des «volontaires rus-ses» pour l’Ukraine,qui doivent déclinerleur âge, leur villed’origine et leur expé-rience militaire. Alexeï,de Novossibirsk, y en-

courage ainsi Ivan, d’Oufa, à rejoin-dre la lutte contre les «fascistes» :«Va à Rostov, traverse la frontière àIzvarino et rejoins la milice.» On y litaussi de vibrants appels à la mobili-sation: «On entend souvent: “Je veuxcombattre pour la Nouvelle Russie.”Où est le problème, les gars? Vous at-tendez qu’on vous prenne par la main?Un sac à dos et en avant ! Ici, on nepaie pas, mais on sert à manger et ondonne un paquet de cigarettes pourdeux jours. Si vous avez le sentimentque c’est une cause juste, il est honteuxde rester en retrait. Pourquoi n’êtes-vous pas encore partis ?» •

REPÈRES

OBLAST DE

LOUHANSK

DE DONETSK

Front début juillet

Transnistrie

200 km

Moscou

Kiev

ROUMANIEM!

POLOGNE

BIÉLORUSSIE

KharkivLougansk

DonetskU K R A I N E

R U S S I E

Merd’Azov

Dniepr

Mer Noire

Sloviansk

Rostov-sur-le-Don

Dnipropetrovsk

Odessa

Marioupol

CRIMÉE

Zone contrôlée mardipar les forces russeset prorusses

«Convoi hum

anitaire» russe

L’armée ukrainienne a reprismardi aux séparatistes prorussesquatre localités dans l’est del’Ukraine, dont un centre de tran-sit ferroviaire près de Donetsk.Les trois autres villes se trouventdans la région de Lougansk. LesUkrainiens resserrent ainsi l’étauautour des séparatistes.

«Quelle sera la mission desecours la plus explosive:le convoi russe versl’Ukraine ou la flottilleturque vers Gaza?»Question maligne de @Uljuaétudiant en relations internationales

45000C’est le nombre de militairesrusses massés à la frontière avecl’Ukraine ces derniers jours, selonKiev. Des manœuvres militairesimpliquant une centaine d’avionsauraient aussi eu lieu.

«Jusqu’à présent,la Russie a envoyé deschars et des combattantsde l’autre côté de lafrontière produisant mort,destruction et désespoir.»Le chef de la diplomatie suédoise

«Nous avons tous de la famille,des amis en Ukraine et nous nepouvons pas rester sans rien faire.»Une Russe

trois kilomètres. PHOTO AP

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014 • 3

Familier des milieux d’affaires franco-russes, Pavel Chinsky juge les sanctions contre-productives:

C e qui se joue aujourd’huien Ukraine est bien la finde la «convergence» entre

Russie et Occident, observe PavelChinsky. Brillant intellectuel fran-co-russe, il dirige la chambre decommerce et d’industrie bilatéraleet défend ce qui peut l’être encorede ce «modèle» russe.Comment vous et les entrepreneursfranco-russes vivez cette escaladede tension et sanctions avec la Rus-sie ? C’est la panique parmi vosmembres?Les entreprises sont prises en otagepar les politiques, nous ne pouvonsque le déplorer. Mais il n’y a pas de

raison de tom-ber dans le ca-tastrophisme.

Les Russes ont la peau dure, on adéjà vécu pas mal de crises ou d’in-flation galopante. La situation étaitbien pire en 1998, quand Carrefouravait dû quitter le pays. Pour l’ins-tant, les sanctions occidentales netouchent aucun grand projet fran-çais en Russie : ni les usines d’AirLiquide, ni les actifs de SchneiderElectric, ni les distributeurs commeLeroy-Merlin ou Decathlon. Lerisque principal n’est pas à court,mais à moyen ou long terme. Les fi-nancements vont s’assécher et desdécisions d’investissements ne sontpas prises.Qu’en est-il de l’embargo russe surtous les produits alimentaires occi-dentaux, quelle est sa gravité pourles exportateurs français?Il ne faut pas exagérer, la Russien’est pas un marché central pourl’agriculture française. Des pro-ducteurs comme Danone ou Bon-duelle ont déjà leurs usines en Rus-sie et ne devraient donc pas êtretrès touchés, sous réserve de quel-ques ingrédients importés qui en-trent dans la composition de leursproduits et pourraient manquer.Mais, là encore, le risque est à pluslong terme. Partout où ils le pour-ront, les Russes vont remplacerles importations occidentales pard’autres fournisseurs. Et une foischassés des registres d’importa-tion, ils auront du mal à y revenir.Les sanctions américaines visent unde vos membres les plus éminents,Guennadi Timtchenko, président duConseil économique franco-russe :vous allez le démettre?On ne lâche pas les amis dans latempête. La France elle-même l’aencore décoré de la Légion d’hon-neur l’an dernier. L’idée améri-caine derrière ces sanctions étaitde frapper l’entourage de Poutinepour déstabiliser le régime oumême susciter une alternative.Mais Timtchenko fait plutôt partiedes oligarques pour qui cela s’avère

tout à fait contre-productif. Cesgens, qui étaient très occidentali-sés, se sentent rejetés et font plutôtbloc avec le régime sur une lignenationaliste. Au moment des sanc-tions, Guennadi Timtchenko, quiest quelqu’un de très francophile– sa famille vit en Suisse et parlefrançais–, a même pris la tête d’unconseil économique russo-chinois.Il passe maintenant beaucoup deson temps en Chine ! Ces gensn’avaient rien à voir avec ce quis’est passé en Crimée. Ils ne sontpas touchés au portefeuille, ils sonttouchés au cœur.

Poutine ne risque-t-il pas de s’alié-ner cette élite occidentalisée ?L’ouverture sur l’Occident n’était-elle pas tout ce qui faisait le charmeparticulier de ce régime autoritaire?L’élite qui consommait ces produitsoccidentaux était bien conscientequ’elle payait des taxes d’importa-tion très élevées. Et elle pourra con-tinuer à consommer ces produitslors de ses voyages en France ou enItalie. Vu le prix du foie gras à Mos-cou, les gens qui pouvaient se l’of-frir n’auront pas de mal à aller ledéguster sur la Côte d’Azur. Poutinen’est pas masochiste, il sait parfai-

tement jusqu’où il peut aller sanss’aliéner la majorité des Russes, quin’achetaient guère ces produits. LesRusses sont aussi moins matérialis-tes que les Américains ou les Chi-nois. Ils sont certainement prêts àrenoncer à leur foie gras d’importa-tion pour défendre la cause natio-nale. Je m’étonne d’ailleurs qu’iln’y ait pas encore d’appels au boy-cott des McDonald’s, cela prendraitcertainement très bien.Une issue pacifique peut-elle encoreêtre trouvée à la crise ukrainienne,permettant à Poutine de s’en retirersans perdre la face?

Pour les Russes, l’Ukraine est unproblème ukraino-ukrainien. Maisil ne faut pas mettre les Russes aupied du mur. L’Ukraine et les Occi-dentaux sont encore dans une logi-que de diktat : ils ordonnent à laRussie de fermer sa frontière. Tan-dis que Poutine joue sur les senti-ments anti-occidentaux, qui gon-flent sa popularité. Comme l’asignalé l’analyste Fedor Loukianov,on arrive à la fin du modèle de con-vergence avec l’Occident, qui avaitdébuté avec Gorbatchev.Les Russes ont commencé à douterde la réciprocité de cette conver-gence lors de la guerre du Kosovo[1998-1999, ndlr], puis lors des cri-ses en Géorgie, en Libye ou enSyrie. En Ukraine, Vladimir Pou-tine a finalement enterré ce mo-dèle. La décision a été prise de sedétourner de l’Ouest, qui ne donneplus l’impression d’offrir un parte-nariat. Quelque chose s’est cassé.Mon espoir est que la Russie restemalgré tout fortement arrimée àl’Occident, par ses modes de vie,ses habitudes de voyage… Touteune génération a grandi avec cesvaleurs occidentales.

Recueilli par LORRAINE MILLOT

«Poutine n’est pas masochiste,il sait parfaitement jusqu’où aller»

Vladimir Poutine, le 30 juillet, lors de l’annonce d’un embargo sur l’agroalimentaire occidental. ALEXEI NIKOLSKY. AFP

INTERVIEW

Mardi, à Donetsk, bastion des séparatistes russes que l’armée tente de reprendre. SERGEI KARPUKHIN. REUTERS

Depuis mars, la Russie estsous le coup de sanctionsoccidentales. Elles visaientd’abord des individus prochesdu Kremlin ou impliqués dansl’annexion de la Crimée: lesfrères Rotenberg, ViatcheslavVolodine, Iouri Kovaltchouk…avant d’être élargiesà des entreprises comme lesbanques Vnechekonombanket Rossia («banquepersonnelle» des dirigeantsrusses) ou les firmes Rosneftet Novatek, privés d’accèsaux capitaux américains.Depuis juillet et le Boeingmalaisien abattu au-dessusde l’Ukraine, l’Unioneuropéenne a décrétéun embargo sur les ventesd’armes à la Russie (saufcontrats antérieurs, commecelui des Mistral) et limitél’exportation des produitstechnologiques. En rétorsion,Moscou a décrété débutaoût un embargo sur toutesles importationsagroalimentairesoccidentales, à l’exceptiondu vin et des alimentspour bébés.

LA GUERREDES EMBARGOS

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 20144 • EVENEMENT

UnanaprèslemassacredeRabaa,lesONGhonniesparAl-Sissi

Auteure d’unrapport dénonçantl’exécution decentaines de Frèresmusulmans,Human RightsWatch est cibléepar le pouvoirégyptien.

L a scène se déroule sous unsoleil de plomb, à la sortiedu Centre pour les droitséconomiques et sociaux

(CDES), à Alexandrie. Militantset proches de Mahienour el-Masry,

jeune avocatecondamnée àdeux ans de pri-

son pour manifestation illégale,quelques jours auparavant, s’agi-tent un peu bruyamment pour sefaire voir à la sortie d’une confé-rence. Un raid de police, des coupsde crosse, des battues jusque dansles rues adjacentes. Au moinsquinze arrestations, et le bureau duCDES définitivement fermé par lesautorités.Depuis plusieurs mois, cette scènese répète. Régulièrement. Au Caire,à Alexandrie, à Louxor, les ONGsont prises pour cible. Plus oumoins violemment. Plus ou moinssournoisement aussi. «Tous lesjours, pratiquement, des personnescritiques à l’égard du gouvernementsont arrêtées et placées en détention.Ce pourrait être le prélude à unmouvement de répression plus impor-tant sur les ONG», a réagi violem-ment Hassiba Hadj Sahraoui,adjointe au Moyen-Orient d’Am-nesty International, au lendemaindes arrestations.

«PLAN.» Lundi, c’est Human RightsWatch qui a été refoulée à l’aéroportdu Caire. «Nous venions en Egyptepour publier un rapport sérieux surdes sujets graves qui nécessitent laplus grande attention de la part dugouvernement égyptien», a expliquéKenneth Roth, directeur de HRWévoquant leur enquête accablantepour les autorités égyptiennes surla mort, il y a un an, le 14 août, auCaire, de 817 manifestants (chiffrede HRW) qui réclamaient le retourdu président destitué, MohamedMorsi… Il s’agit d’une «tuerie demasse» qui «s’apparente probable-ment à un crime contre l’humanité»,a jugé mardi l’organisation.HRW réclame une enquête visantAl-Sissi, élu triomphalement prési-dent en mai après avoir éliminétoute opposition. Dans ce rapportde 188 pages, (consultable intégra-lement via Libération.fr), l’organi-sation internationale basée àNew York accuse: il s’agissait «d’unplan qui prévoyait la mort de plusieursmilliers de personnes et qui a été éla-

boré au plus haut niveau». «Sur laplace Rabaa, les forces de sécuritéégyptiennes ont perpétré l’une desplus grandes tueries de manifestantsen une seule journée dans l’histoirerécente», a asséné le directeur exé-cutif de HRW, Kenneth Roth.Depuis la révolution, l’Egypte n’ade cesse de réprimer les organisa-tions de défense des droits hu-

mains. Dès juillet 2011, le gouver-nement avait ouvert des enquêtesqui avaient débouché sur une sériesans précédent d’arrestations vi-sant des structures internationaleset égyptiennes. «Il y a une réelle at-mosphère de peur, pour quiconqueose pointer du doigt les manquementsdu régime, affirme Hassan Mah-moud, activiste et proche de Ma-

hienour el-Masry. Tous les matins,quand on arrive dans nos bureaux, onse dit que c’est peut-être la dernièrefois. Que des policiers armés nous at-tendent peut-être, qu’ils vont nousarrêter, confisquer nos équipementset retrouver les gens que l’on essaie dedéfendre», souffle Mohamed Zaree,responsable de programme à l’Ins-titut du Caire pour lesdroits de l’homme,une petite structuresituée dans le quartierde Bab el-Louk, àdeux pas de Tahrir.Son inquiétude estpalpable. Son fata-lisme aussi: «Tout peutnous arriver, et ça arrivera, on ne saitjuste pas quand.»

DESCENTES. Les ONG locales sontles plus visées, mais même les orga-nismes internationaux sont limitésdans leurs actions. «Nous n’avonsmême pas la possibilité d’avoir un bu-reau sur place, s’insurge Francès Sa-linié, porte-parole d’Amnesty In-ternational pour l’Egypte. Nousdevons nous appuyer sur les ONG lo-cales. Mais pour elles la situation estintenable, elles sont dans le risqueperpétuel des descentes de police, desarrestations, des fermetures pour desmotifs absurdes.»La situation est d’autant plus inte-

nable que le pouvoir a verrouillé ju-ridiquement tous les champs d’ac-tion disponibles, en premier lieu lesfinancements. Certaines associa-tions sont désormais accusées derecevoir illégalement des fondsétrangers, soumis à de strictesconditions. D’autres voient toutsimplement leurs comptes en ban-

que saisis. Ces derniers mois, plu-sieurs tribunaux ont condamné àdes peines de prison des employéségyptiens et étrangers pour «finan-cement illicite».Hisham-Moubarak fait figure devétéran parmi les ONG en plein es-sor après 2011. Fondée en 1999, elleest connue pour son soutien judi-ciaire aux victimes de torture et dedétention arbitraire. Elle est pour-tant au bord de la fermeture. «Lapeur est devenue trop forte pour unemajeure partie des employés et desbénévoles, affirme Sabry Zaki, tra-ducteur au sein de l’organisation.On ne travaille plus correctement, àquoi bon continuer ?» •

Par JENNA LE BRASCorrespondance du Caire

«Tous les jours, pratiquement,des personnes critiques à l’égarddu gouvernement sont arrêtées etplacées en détention.»Hassiba Hadj Sahraoui adjointe au Moyen-Orient d’Amnesty International

ENQUÊTE

Abdel Fatah al-Sissi, à l’aéroport d’Alger, le 25 juin. Human Rights Watch réclame une enquête sur le président égyptien. PHOTO SIDALI DJARBOUB. AP

REPÈRES

«Sur la place Rabaa,L’Egypte a perpétréune des plus grandestueries de manifestantsen une seule journéede l’histoire récente.»Kenneth Roth directeurexécutif d’Human Rights Watch

817C’est le nombre de manifes-tants favorables à MohamedMorsi tués sur la place Rabaa,au Caire, le 14 août 2013, selonHuman Rights Watch.

LE COUP D’ÉTATLe 3 juillet 2013, MohammedMorsi, membre des Frèresmusulmans et premierprésident à avoir été éludémocratiquement en Egypte,a été renversé par l’armée,dirigée par le général AbdelFatah al-Sissi.

ÉGYPTE

Mer Rouge

SOUDAN

LIBY

E

I

ARAB!SAOUD!

Mer Méditerranée

300 km

I

Le Caire

Alexandrie

LouxorLac Nasser

Nil

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014

MONDE • 5

ArmerlesKurdesd’Irak,unrisquenécessaireParis veut convaincre des Européens frileux d’envoyer du matérielmilitaire aux peshmergas afin de repousser les forces jihadistes.Par MARCSEMO L’ évidence d’un renforcement

des capacités combattantesdes forces kurdes pour stopperl’avancée des jihadistes de

l’Etat Islamique commence à faire peuà peu son chemin parmi les Occiden-taux. «Il s’agit d’aider les Kur-des, les Irakiens, à avoir lesmoyens de résister et si possiblede battre les jihadistes», insistait mardile ministre français des Affaires étran-gères, Laurent Fabius, qui pressait seshomologues des Vingt-Huit à se réunird’urgence. En attendant, ce sont les

ambassadeurs des Etats membres quidiscutaient à Bruxelles des moyens decoordonner leur action.L’administration américaine, elle, a déjàfranchi le pas, annonçant dès lundi soirdes livraisons d’armes aux combattants

kurdes «en collaboration avecle gouvernement irakien».«Nous espérons que les frappes

aériennes américaines contre les positionsdes terroristes ne sont qu’un début. Lerenseignement américain peut nous aiderà réduire les capacités des terroristes àlancer des attaques surprises. Des livrai-

sons d’armes lourdes sont urgentes afin depermettre à nos forces de conserver lesavantages acquis sur le terrain», écritdans une tribune publiée sur le

Washington Post Massoud Barzani, leprésident du gouvernement régional duKurdistan, région qui de fait échappe au

contrôle de Bagdad depuis 1991. Il rap-pelle dans son texte que les Kurdes ira-kiens ont été aux côtés des Américainscontre Saddam Hussein aussi bienen 1991 qu’en 2003 et que le monde doitagir immédiatement «pour prévenir ungénocide et le massacre d’innocents».

MAQUISARDS. Les peshmergas –littéra-lement «ceux qui défient la mort» –sont aujourd’hui la force la plus struc-turée et la plus efficace en Irak comp-tant 100000 hommes, renforcés par lamobilisation générale. En outre, lesKurdes font bloc, malgré les conflitspassés, et les forces de Barzani ont reçule soutien de combattants kurdes sy-riens du PYD, proche des rebelles kur-des turcs du PKK, qui eux-mêmes ontenvoyé des maquisards bien rodés aucombat après plus de trente ans de gué-rilla contre l’armée turque. Mais lespeshmergas doivent tenir 1 000 kilo-

mètres de ligne de front etils manquent de matériel so-phistiqué, notamment demissiles antichars, alorsmême que les jihadistes ontfait main basse à Mossouldébut juin sur l’armement

lourd abandonné par les soldats de l’ar-mée irakienne en déroute. «Nous ne de-mandons à personne de se battre à notre

ANALYSE

Des peshmergas positionnés près de la ligne de front, à 40 kilomètres d’Erbil, samedi. Plusieurs pays européens redoutent d’accélérer la partition de l’Irak en les soutenant. PHOTO SAFIN HAMED. AFP

«C’est bien de vouloir agir dansle cadre européen, mais il ne fautpas que cela constitue un alibi.»Arnaud Danjean député européen

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 20146 • MONDEXPRESSO

Sébastien de Courtois, écrivain spécialiste de l’Orient,relate les témoignages de réfugiés yézidis et chrétiens:

«Les femmes ont étééventrées etles enfants décapités»A rrivé lundi dans la région

autonome du Kurdistan,Sébastien de Courtois a

aussitôt été confronté aux mil-liers de yézidis massés au bordde la route, à la frontière irako-turque. Ecrivain et producteurde Chrétiens d’Orient sur FranceCulture, il livre ici le témoignagede ces Irakiens qui ont fui leurvillage sous la menace de l’Etatislamique (EI).Que se passe-t-il à la frontièreentre l’Irak et la Turquie?Des milliers de yézidis issus derégions irakiennes non kurdess’entassent à la frontière. Ilsveulent à tout prix quitter l’Irak.J’ai parlé avec des habitantsd’Hamadal –village martyr desyézidis – qui m’ont confié lesatrocités perpétrées par l’EI.«Les jolies femmes ont été venduesentre quinze et vingt-cinq dollarschacune. Ils vendent les femmescomme des animaux», m’ont-ilsraconté. Les détails relatifs auxexécutions sont particulièrementsordides : «Les femmes ont étééventrées et les enfants décapi-tés», m’a dit une jeune femmeyézidie, avant d’ajouter que «lesang coulait comme une rivière».A Zakho, une ville proche de lafrontière turque, la populationlocale donne sans mesure dupain, de l’eau et des couverturesaux déplacés.Vous vous êtes aussi rendu à Er-bil. Quelle est la situation?Il y a aussi des yézidis à Erbil,mais la grande majorité sont deschrétiens issus de Mossoul, deQaraqosh et d’une dizaine devillages sur la plaine de Ninive.Ils sont arrivés il y a cinq jours

par dizaines de milliers, et dor-ment dans des conditions épou-vantables dans ou autour desdeux plus importantes églises.Dans un grand camp fait de bricet de broc installé dans un jardindevant l’église Saint-Simon, yé-zidis et chrétiens vivent ensem-ble. A Ankawa, banlieue chré-tienne d’Erbil, ces derniers sontpartout: dans des immeubles enconstruction, dehors entre deuxarbres, ou sur un terrain de footoù s’entassent des centaines depersonnes… C’est une cour desmiracles. L’Agence d’aide à lacoopération technique et au dé-veloppement (Acted), une ONGfrançaise, dirige la distributiondes aides de l’ONU, des vivres etdes kits d’hygiène. De leur côté,les évêques sont débordés.Même si la vie s’organise grâceà la volonté des bénévoles, ilssont inquiets et au bord de lacrise de nerfs. C’est une situa-tion tragique.Quel est l’état d’esprit desréfugiés?La grande différence entre leschrétiens et les yézidis est queles yézidis ne veulent plus jamaisrevenir chez eux. Ils veulent touspartir, la peur panique dans leregard. L’un d’eux m’a dit :«Nous voulons quitter l’Irak, nousn’avons plus de passé ici.» Jepense qu’il faisait référence à ladestruction récente de sanctuai-res et de manuscrits sacrés parl’EI. Les chrétiens ont, eux, tou-jours la perspective de revenir.Ils attendent le retour de la sécu-rité pour retrouver leurs villages.Il faut savoir que les chrétiensont eu de la chance par rapport

aux yézidis, car on leur a pro-posé de se convertir.Toutefois, la situation est diffé-rente pour les chrétiens deMossoul. Ils refusent de rentrercar, en général, leurs voisinsont collaboré avec l’EI : «Com-ment pourrions-nous retourner vi-vre à côté d’eux ?» m’a dit unhomme. C’est également le casde l’évêque syriaque de Mossoul,qui m’a confié qu’il ne pourraitplus jamais retourner vivre àMossoul. Dans l’esprit des chré-tiens, il y a une solidarité com-mune face au malheur. Certainsresponsables religieux se sen-tent mal à l’aise lorsque leurcommunauté est mise en avant,car nous parlons d’Irakiensavant tout. Ils considèrent – àraison– que nous faisons le jeude l’EI en parlant de communau-tés confessionnelles. Par ailleurs,je tiens à souligner le courage dela Ligue arabe qui est la seule àavoir dénoncé des crimes contrel’humanité. Une grande institu-tion musulmane a enfin eu lecourage de le dire.Comment envisagent-ils leuravenir?A cause de la déclaration irres-ponsable de François Hollande,qui a promis des visas aux chré-tiens d’Orient, ils se voient déjàtous en France! Au consulat, ondit aux déplacés –qui n’ont pasd’électricité– d’envoyer leur té-moignage par mail afin de lancerla procédure. Cette déclarationde politique intérieure a des ef-fets dramatiques à l’extérieur.C’est leur donner un faux espoir.

Recueilli parAUDREY DESTOUCHES

Des peshmergas positionnés près de la ligne de front, à 40 kilomètres d’Erbil, samedi. Plusieurs pays européens redoutent d’accélérer la partition de l’Irak en les soutenant. PHOTO SAFIN HAMED. AFP

place, mais il nous faut les moyens de faireface», répètent les militaires kurdes.«Des frappes peuvent avoir une grandeimportance pour stopper l’avancée de ji-hadistes, mais elles ne suffisent pas à ellesseules à renverser le rapport de force, d’oùl’idée d’armer ceux qui leur résistent lemieux, même s’il est évident que l’on nepourra garantir la stabilité de l’Irak quepar une solution politique», souligne Ar-naud Danjean, député européen et an-cien président de la commission dé-fense à Strasbourg. D’où l’urgenced’une aide occidentale et l’engagementde la diplomatie française qui espèreentraîner ses partenaires avec le soutiendes Britanniques qui, outre les livrai-sons d’aides humanitaires, ont posi-tionné des avions de combat Tornado.

ÉCLATEMENT. Les Européens restentnéanmoins très prudents et divisés. Ily a ceux, notamment à l’Est, pour quila crise irakienne passe au second planpar rapport à celle l’Ukraine. D’autress’inquiètent que les armes puissenttomber en de mauvaises mains, argu-ment déjà employé pour ne pas aider larébellion démocratique syrienne et quia eu pour effet de renforcer aussi bienle régime d’Al-Assad que les islamistesles plus radicaux. L’accroissement descapacités militaires des Kurdes risqueaussi d’accélérer l’éclatement de l’Irak,préoccupation majeure pour les Occi-dentaux et les pays voisins. Ainsi la Tur-quie qui reste sur ses gardes, malgré sesrécentes bonnes relations avec la régionautonome kurde au nom de leurs inté-rêts stratégiques communs.S’il y a unanimité, c’est pour l’aide hu-manitaire afin de soutenir les centainesde milliers de réfugiés qui affluent auKurdistan. «C’est bien de vouloir agirdans le cadre européen, mais il ne faut pasnon plus que cela constitue un alibi, carrien n’empêche la France de faire des li-vraisons d’armes de sa propre initiative»,souligne Arnaud Danjean. Le cadre lé-gal est certes complexe. L’embargoonusien sur les fournitures militaires àl’Irak reste en vigueur, sauf pour lesforces gouvernementales. Mais aussiautonomes soient-ils, les peshmergasn’en sont pas moins une composante del’armée irakienne. Le gouvernementcentral de Bagdad, malgré les nom-breux contentieux avec Erbil, la capitalede la région kurde, a d’ailleurs envoyédu matériel et des munitions. •Lire aussi page 17.

w La communauté internatio-nale a salué mardi la nomina-tion du nouveau Premierministre du pays, Haïdaral-Abadi, qui succède à Nourial-Maliki et dispose detrente jours pour former ungouvernement.w Les Etats-Unis ont annoncéqu’ils transféraient des armesaux Kurdes via le gouverne-ment irakien. Bien queles Américains aient continuéleurs frappes aériennes lundi,ils excluent toujours l’envoide troupes au sol.w La Commission européennea pour sa part annoncéle versement de cinq millionsd’euros supplémentaires àl’Irak afin de venir en aideaux populations déplacées.

REPÈRES

«Nous avons toujoursappelé de nos vœux ungouvernement d’unionqui représente […] tousles Irakiens. C’estl’objectif.»Le secrétaire d’Etat américainJohn Kerry à propos du futurgouvernement irakien que doitcomposer Haïdar al-Abadi

or I RAK

Bagdad

Kirkouk

Kurdistanirakien

IRAN

TURQUIE

SYRIE

TigreEuphrate

MossoulErbil

AnkawaZakho

100 km

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Le grand exode des yézidis.Diaporama photo. «Avant onavait un dictateur, mainte-nant on en a des milliers.»Témoignage du prêtrefranco-irakien Anis Hanna.

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LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014 MONDEXPRESSO • 7

Par SIMON PELLET-RECHT

Les Vénézuéliennespas vernies par la crise

L a coquetterie, c’est finiau Vénézuela. «Bon-jour, il me faudrait un

petit miroir de poche» -«Nohay…» La réponse est deve-nue terriblement banale. De-puis environ un an, les Véné-zuéliennes doivent faire despieds et des mains pour trou-ver leurs produits de beauté.La faute à la crise économi-que qui touche le pays et à larigidité du système de con-trôle de changes, le ma-quillage, dissolvant, colora-tion etc., tout est touché parla pénurie. «Même des chosesaussi simples que des barrettespour les cheveux ou du cotondémaquillant, il n’y a plusrien», s’emporte Yelitza Fon-seca, gérante de la boutiquede soins Remington Center,à Caracas. Pourtant sesrayons sont loin d’être videsau premier coup d’œil. «J’aiencore des lignes profession-nelles, pour les gens qui ontdes allergies par exemple,mais les produits basiques sontintrouvables. Les fournisseurssont à sec depuis des mois»,continue la commerçante,qui avoue devoir elle-même«faire l’aumône» à ses amisqui voyagent à l’extérieurpour qu’ils lui ramènent unshampoing haut de gammeou une ligne de maquillage.

Les Vénézuéliennes sont éga-lement de ferventes consom-matrices de vernis à ongles,

au point de dessiner toutessortes de motifs aux extrémi-tés de leurs doigts, jusqu’auvisage du défunt leader HugoChávez. «J’ai dû aller à Petare[un quartier pauvre où s’estinstallé un immense marchéinformel, ndlr] pour trouverune couleur semblable à celleque j’utilise d’habitude, et celam’a coûté vraiment cher», seplaint Yoana Mendez, unejeune mère de famille qui ar-bore un clinquant vernis àongles jaune vif.

Résultat, les recettes de ver-nis ou de teintures fleurissentsur Internet. En guise de dis-solvant pour les ongles, cer-tains proposent par exempled’utiliser du vinaigre, dudéodorant en spray ou encoredu parfum. Cependant,comme tous les produits im-portés, ceux-là sont aussitouchés par la pénurie.

Symbole de cette crise dela beauté, le fameux con-cours Miss Venezuela, enmanque de fonds, sera réduitau strict minimum. «Il aurasûrement lieu à huis clos,même si personne n’est encoresûr», raconte CarmelaLongo, journaliste people àUltimas Noticias, avantd’ajouter avec grand sérieux:«L’organisation ne paye déjàplus la plupart des opérationschirurgicales des Miss, c’estvraiment la crise.» •

VU DE CARACAS

A Ferguson (Missouri), lundi, où police et habitants s’opposent. SCOTT .OLSON. GETTY IMAGES. AFP

L es appels au calme dela famille de MichaelBrown n’y ont rien

changé. Pour la deuxièmenuit consécutive, la ville deFerguson, dans la banlieuede Saint-Louis au Missouri,a été secouée de violentesémeutes après la mort sa-medi de l’adolescent noir de18 ans lors d’une altercationavec la police. Durant plu-sieurs heures, lundi soir, lesforces de l’ordre locales onttiré des gaz lacrymogènespour essayer de disperser lafoule qui s’était rassembléeen réclamant «que justice soitfaite». Des scènes de pillagesont été rapportées, et la po-lice a arrêté près de 40 per-sonnes accusées de «troublesà l’ordre public».Dans la journée de lundipourtant, le FBI avait an-noncé qu’il allait menerune enquête sur les circons-tances de la mort de MichaelBrown et «sur de possiblesviolations des droits civiques».Dans un communiqué, leministre de la justice, EricHolder, a précisé que l’en-quête serait suivie de trèsprès par ses services et «fe-rait toute la lumière sur ce quis’était passé».Officier. Depuis samedi, lesversions diffèrent largementsur le déroulement des faitsqui ont mené à la mortde l’adolescent. L’un de sesamis, Dorian Johnson, aexpliqué à la presse localequ’il marchait avec Brown aumilieu de la rue à la mi-jour-née pour retourner chez la

grand-mère de ce dernier.Selon Johnson, un policieren voiture leur aurait alorsdemandé de se déplacervers le trottoir. Après unéchange verbal agité, l’offi-cier serait sorti de son véhi-cule et aurait tiré en directiondes deux adolescents. Brownse serait alors retourné etaurait levé les mains en l’airmais le policier l’aurait néan-moins abattu.Le chef de la police du comtéde Saint-Louis, Jon Belmar,a lui livré un tout autre récit.Il a affirmé «qu’il y avait eu

une confrontation physique»et a assuré que Brown avaitattaqué le policier danssa voiture. Avant que celui-cin’agisse en légitime défenseet ne dégaine son arme. Iln’a pas confirmé les affirma-tions de témoins selon les-quels huit coups de feuavaient été tirés.Ce qui est sûr en tout cas,c’est que Michael Brownn’était pas armé et qu’iln’avait jamais eu de pro-blème avec les autoritésauparavant. Plusieurs repré-sentants locaux ont ainsiestimé que l’affaire exposaitles tensions raciales dansune ville où la population estmajoritairement noire etla police majoritairementblanche. En 2013 déjà, des

manifestations avaient se-coué Ferguson, quand leconcierge noir d’une écoleavait été démis sans expli-cation par un conseild’administration totalementblanc. Selon les associationsdes droits civiques, le dramerappelle aussi le casde Trayvon Martin, lejeune Noir tué en 2012en Floride par un voisin quiavait organisé des rondes dequartier.Université. La famille deMichael Brown a d’ailleursannoncé avoir engagé Benja-

min Crump,l’avocat qui avaitdéfendu les pro-ches de TrayvonMartin. Interve-nant à plusieursreprises devant les

caméras de télévision, lamère de Michael Brown arappelé que son fils «était unbon garçon sans histoire», quivenait de terminer ses étudesau lycée et s’apprêtait à en-trer à l’université en septem-bre. Mardi, Cornell WilliamBrooks, le président dela NAACP, l’association na-tionale pour l’avancementdes gens de couleur, s’estinquiété «de voir une commu-nauté très fébrile». «Il y aurgence à ce que la polices’explique et travaille avecla population afin de la rassu-rer et de montrer qu’elle estbien là pour la protéger»,a-t-il assuré.

De notre correspondantà New York

FABRICE ROUSSELOT

Le drame rappelle le casde Trayvon Martin, le jeuneNoir tué en 2012 en Floridepar un voisin.

LeMissouriéchaufféparlamortd’unjeuneNoirVIOLENCES Le décès de Michael Brown après unealtercation avec la police provoque des émeutes.

C’est un «miracle» qui a été rendu public mardi parle directeur général du Safari Park Chime Long deCanton, dans le sud de la Chine: des triplés pandas sontnés le 29 juillet. Il s’agit d’un événement rarissime, comptetenu de la grande difficulté de ces animaux à se repro-duire et de leur taux très élevé de mortalité à la nais-sance. Le directeur du zoo, Dong Guixin, a préciséqu’«ils seraient les seuls triplés pandas [en captivité] àavoir survécu». Bien qu’ils ne soient pas encore horsde danger, ils ont quitté la couveuse et ont été rendus àleur mère, Juxiao, pour l’allaitement. Le sexe et le nomdes rejetons n’ont pas encore été révélés. PHOTO AFP

ATTENTION, CHUTE DE PANDAS

L’ANIMAL

Dans un discours prononcédevant les ambassadeursiraniens réunis à Téhéran etdiffusé lundi par la télévi-sion d’Etat, le présidentHassan Rohani s’est insurgécontre les détracteurs desnégociations nucléairesqu’il a entreprises avec lesgrandes puissances. LePrésident visait en particu-lier les ultraconservateursqui lui reprochent de céderface au groupe du 5+1(Etats-Unis, France, Royau-me-Uni, Russie, Chine etAllemagne). «Certainscrient des slogans, mais cesont des froussards politi-ques», s’est-il exclamé, pro-voquant la colère dedizaines de députés qui ontsigné une lettre le conviantà venir s’expliquer à huisclos devant le Parlement.«Dès qu’on veut négocier,ils disent qu’ils tremblent.Au diable! […] La phobie del’entente est une erreur», aajouté Rohani. L’Iran, dansun premier accord signéen janvier, avait acceptéde geler une partie de sonprogramme nucléaire con-tre la levée de sanctionsinternationales. «Nous necéderons en aucunemanière sur nos droits»,a néanmoins précisé le pré-sident. PHOTO REUTERS

LE PRÉSIDENTHASSAN ROHANISE PAIE LESCONSERVATEURS

LES GENS

«Les conclusionsanti-israéliennesde cette commission[d’enquête de l’ONUsur Gaza] sontécrites d’avance.Il ne manque plusque les signatures.»Yigal Palmor porte-paroledu ministère des Affairesétrangères israélien

180millions de dollars(135 millions d’euros), ontété débloqués par lesEtats-Unis pour répondreà la crise humanitaire auSoudan du Sud.

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 20148 • MONDEXPRESSO

FRANCE • 9

RuedeBabylone, laboratoireàidéesroses,rougesetvertes

SI LOIN,SI PROCHES(1/3)En certains lieux,les politiquesoublient leurétiquette.Aujourd’hui, leconseil régionald’Ile-de-France,à Paris.

L e café y est très mauvais.Au petit comptoir posé de-vant la porte de l’hémicy-cle du conseil régional

d’Ile-de-France, sis au sous-sol du57, rue de Babylone, on tombepourtant sur une certaine crèmepolitique. La numéro 1 des écolo-gistes, Emmanuelle Cosse, côtoieson homologue communiste, PierreLaurent. Les chefs de file de l’ailegauche du PS Emmanuel Maurel etGuillaume Balas ont l’habitude d’ycroiser Jean-Vincent Placé ou Cé-cile Duflot le duo des Verts. Cejour-là, pendant que Jean-Paul Hu-chon présidait la session, on amême aperçu le ministre de l’Edu-cation, Benoît Hamon, en pleinediscussion dans le hall, puis Fran-çois Lamy, fidèle de Martine Aubry,passer le porche d’entrée.«Un laboratoire de la gauche plu-rielle», vante Marie-Pierre deLa Gontrie, vice-présidente PSchargée des finances. On plaideraitplutôt pour un lieu de brassage in-téressant à observer pour une gau-che en quête de transformation. Al’arrivée de Jean-Paul Huchon à la

tête de l’institution,en 1998, ce conseil ré-gional était vu comme

la pépinière strauss-kahnienne.L’éloignement – et la chute – del’ex-ministre des Finances de Jos-pin comme les victoires de 2004et 2010 ont diversifié la majoritéfaisant émerger une génération deresponsables politiques nés dans lesannées 70. Ils sont aujourd’hui ins-tallés comme dirigeants nationauxde premier plan. Hamon est minis-tre. Duflot l’a été. Cosse et Laurentsont chefs de parti. Placé ne s’oc-cupe plus seulement de la boutiqueécolo mais est devenu un pilier duSénat. Maurel et Balas ont, eux, ga-gné leurs galons de responsables del’aile gauche du PS.

EMBRYON. A l’heure où la gauchese cherche une «alternative», on sedit qu’ici peut-être il est possibled’y chercher quelques prémices.«C’est vrai qu’on y trouve un espritparticulier de rassemblement de lagauche», plaide Balas, élu eurodé-puté en mai mais toujours présidentdu groupe PS à la région. Une raisonà cet état d’esprit : la proportion-nelle, qui empêche les socialistes dedisposer de la majorité absolue.«Cela t’oblige, quel que soit le poids

de ton parti, à discuter, souligneCosse, vice-présidente chargée dulogement. Ça pousse, y compris lesVerts, à ne pas rester dans le dogma-tisme.» Ici, la majorité est «rouge-rose-verte». Un alliage issu d’unefusion de second tour pour empê-cher la droite de reconquérir la ré-gion. Tout ce qu’il a de plus classi-que sauf… quand les personnalitésqui gouvernent ensemble la rue deBabylone se retrouvent pour con-tester la politique économique deFrançois Hollande et Manuel Valls.La région Ile-de-France, embryond’une «nouvelle gauche»? S’il y en

a un qui n’y croit pas du tout, c’estFrançois Delapierre. Conseiller ré-gional du Parti de gauche, ce pro-che de Jean-Luc Mélenchon a re-fusé d’intégrer l’exécutifcontrairement aux communistespourtant élus sur la même listeFront de gauche en 2010. «S’ils veu-lent construire autre choses, les so-cialistes doivent rompre, explique-t-il. Balas et Maurel sont installés. Ilsne sont pas dans l’esprit de claquer laporte d’un parti qui les traite bien.»

Le responsable du Parti de gaucheconvient tout de même que l’envi-ronnement de la rue de Babylone«permet de récupérer des infos».«Mais ce n’est pas là où on organiseles choses», tranche-t-il. «“Delap”,il ne mange avec personne», plai-sante Emmanuel Maurel, qui leconnaît très bien pour avoir étédans le même courant du temps oùMélenchon était au PS.

BRASSERIE. Comme ses camarades,le vice-président chargé de la for-mation professionnelle – lui aussiélu européen– préfère insister sur

«les liens personnels»que crée cette proxi-mité à la région. Mau-rel a pris l’habitude defréquenter de bonsrestos avec Placé, de-venu un «ami». Avec

Duflot, du temps où elle était chefdu groupe écolo à la région, c’étaitplutôt des discussions «popol» dansson bureau ou dans la brasserie quifait l’angle avec la rue Vaneau. Cesrapports cordiaux facilitent du couples initiatives nationales. Balas n’apas eu de mal à convaincre le PCFPierre Laurent de venir planchersur «Comment rassembler la gau-che?» au colloque de son courant.Avant d’envoyer sa lettre aux autrespartis après la claque des euro-

péennes, Emmanuelle Cosse avait,elle, sondé le communiste FrancisParny, vice-président chargé dusport mais surtout responsable auPCF des relations avec les autrespartis. «On se connaît sur le fond.On n’est donc pas dans une relationpoliticienne, d’apparatchiks. On esten confiance», explique Cosse.D’autant qu’à Paris, où les médiass’intéressent davantage à l’Hôtel de

Ville, les responsables régionauxbénéficient, dit-elle, d’un «espaceoù il est plus facile de discuter» entoute discrétion. «Si on n’avait pasété au conseil régional, assure unproche de Duflot, on n’aurait pasréussi la majorité nationale.» Dansune gauche en crise, c’est à l’ap-proche de 2017 que ce laboratoirefrancilien devrait tester sa capacitéà produire une alternative. •

Par LILIAN ALEMAGNA

«On se connaît sur le fond. Onn’est donc pas dans une relationpoliticienne, d’apparatchiks.»Emmanuel Cosse numéro 1 d’EE-LV

RÉCIT

Le conseil régional d’Ile-de-France (ici en 2004) sert de creuset pour les différents courants qui traversent la gauche. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

REPÈRES

134conseillers forment la majo-rité sur laquelle peuts’appuyer, depuis 2010, leprésident de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon.Les socialistes sont les plusnombreux (61), juste devant lesécologistes (52), le Front degauche du PCF (15) et legroupe des radicaux de gau-che et d’ex-communistes (5). Anoter qu’un autre groupe«Front de gauche» (5 élus),mené par le Parti de gauche,n’est pas dans la majorité.

«Il faut travailler […]à une candidature[pour les régionales]partagée par toutela gauche et peut-êtreau-delà.»Jean-Paul Huchon président(PS) de la région, en avril sur RTL

«Ici, on a eu tous leschefs: Duflot, Cosse,Laurent… C’est le labode la gauche plurielle.»Marie-Pierre de La Gontrieélue (PS) d’Ile-de-France

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014

Plaintesensériepourleserialhacker«Ulcan»Une information judiciaire vise le pirate franco-israélien après sesattaques contre Rue89 et l’un de ses fondateurs, Pierre Haski.

L e réseau social Twitter adécidé, mardi, de sus-pendre le compte deGrégory Chelli, alias

«Ulcan», un hacker franco-is-raélien autoproclamé «soldatsioniste». Cedernier, ex-membre de laLigue de défense juive (LDJ),s’en servait pour revendiquerdes attaques de sites propalesti-niens et divulguer les adressesprivées de ses «ennemis». Acommencer par Pierre Haski,patron du pure-player Rue89,ciblé professionnellement et

Par PAMELA CHATAINet ÉRIC LANDALDessin VUILLEMIN

ENQUÊTE

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 201410 • FRANCE

personnellement par Ulcan de-puis un portrait diffusé sur sonsite, le 29 juillet. Haski a indiquéà Libération avoir «déposé lundiune requête auprès de Twitter etrempli un formulaire qui fait étatdes menaces d’Ulcan» à sonégard. L’équipe France du réseausocial a examiné le compte d’Ul-can et constaté que l’activistepro-israélien utilisait son fil pourse glorifier des piratages de sitesdu Nouveau Parti anticapitaliste(NPA), du Front de gauche, duPCF, ainsi que du blog du députéPS Yann Galut.Pire, Ulcan l’employait commevecteur de ses insultes, menaceset violations de la vie privée enlivrant les adresses, téléphones,noms des parents de ses «ci-bles», voire leur casier judiciaire.Ainsi, le 9 août, Ulcan incendie«le kapo Pierre Haski qui appelleillégalement au boycott d’Israël et

ment à [s]on propos», puis donneson adresse à Paris (Xe arrondis-sement). La fermeture ducompte d’Ulcan est, aux yeux deMe Antoine Comte, avocat deRue89, «le début d’un contrôle».Les attaques revendiquées parUlcan en «adressant des milliersde requêtes qui ont submergé etbloqué» (lire ci-contre) quatre foisle site pendant deux ou troisheures s’apparentent «à de lacensure cybernétique» : «C’estcomme si on allait brûler un jour-nal à la sortie de l’imprimerie etqu’il fallait attendre la sortie dudeuxième lot, dénonce Me Comte,c’est une forme d’autodafé.»

«GRAVISSIME». Trois plaintes,déposées la semaine dernièrepar Pierre Haski sur le piratage,ont donné lieu à l’ouverture,vendredi, d’une information ju-diciaire pour «accès ou maintienfrauduleux dans un système detraitement automatisé de don-nées» (Stad), «introduction etmodification de données» et «en-trave au fonctionnement d’unStad». La Brigade de répressionde la délinquance astucieuse(BRDA) et de cybercriminalitéde la PJ de Paris enquête sur lesintrusions informatiques de cehacker, qui remplace la paged’accueil des sites qu’il «tombe»par «Hacked by Ulcan fromAshdod». D’après une source ju-diciaire, les policiers n’ont «paslocalisé» Grégory Chelli, néen 1982 dans le XVIe arrondisse-ment de Paris, qui «ne se trouvepas forcément en Israël, même sic’est ce qu’il prétend». Toutefois,selon nos informations, «lesadresses IP utilisées sont bien cel-les d’Ashdod». Mais Ulcan, con-

damné en 2009 à Paris à de laprison avec sursis pour le sac-cage de la librairie militante Ré-sistances, a plus d’un tour dansson sac. Il a ainsi utilisé le nu-méro de portable de Pierre Haskipour appeler, le 8 août, vers23 heures le commissariat duXe arrondissement de Paris et sefaire passer pour lui, commenous le raconte la victime: «Il aréussi, je ne sais comment, à faireapparaître mon numéro, et a télé-phoné tout essoufflé au commissa-riat en disant : “Je suis PierreHaski. J’ai tué ma femme, je suischez moi avec une arme et si jevois un policier, je lui tire des-sus.”» Ayant reçu auparavant uncoup de fil d’Ulcan, Pierre Haskin’a pas répondu à trois appelssur son fixe et, par chance, a dé-croché la quatrième fois. C’étaitle commissariat qui cherchaità le joindre : «Cet appel mal-

veillant a provo-qué un déploie-ment considérablede forces de po-lice. Quand jesuis descendu, il yavait quatre mo-losses dans ma

cour, six ou sept véhicules de po-lice, un camion de pompiers et marue bloquée des deux côtés. Si jen’avais pas répondu au coup detéléphone, les policiers auraientdéfoncé ma porte pour maîtriser ledangereux forcené qu’ils croyaienttrouver, c’est gravissime.»Pierre Haski a déposé une nou-velle plainte, ce coup-ci pour«usurpation d’identité et dénon-ciation de crime imaginaire». Lejournaliste de Rue89 auteurdu portrait d’Ulcan, BenoîtLe Corre, ainsi que sa famille,avaient fait la même démarche ily a quelques jours. Sur ces faits,le parquet de Paris a déclenchéune enquête préliminaire, con-fiée à la Brigade de répression dela délinquance contre les per-sonnes de la PJ de Paris. Les in-vestigations concernent les malnommés «canulars» de ce dou-

teux personnage, qui appelle lesoir à des brigadiers dans descommissariats en se faisant pas-ser pour un officier de la BAC enintervention. Son but, obtenirles fiches du Stic (Système detraitement des infractions cons-tatées). Celles de Pierre Haski,d’Alain Soral, de Dieudonné, deTariq Ramadan ou du blogueurd’extrême droite antisionisteHervé Lalin (dit Ryssen) ont étérendues publiques. Sur les enre-gistrements, diffusés sur soncompte Twitter par Chelli lui-même, on l’entend soutirer cesrenseignements avec un aplombincroyable.

JARGON. Il a par exemple appeléle commissariat des Lilas (Seine-Saint-Denis) en utilisant le jar-gon de la «maison» : «C’est laBAC, ce serait pour une vérif TAJ[traitement d’antécédents judi-ciaires, ndlr], s’il te plaît.» Soninterlocuteur ayant accès aux fi-chiers lui fait répéter: «Vous êtesqui, monsieur ?» Chelli donnealors le code radio de ce com-missariat, «c’est la TN812 aux Li-las», de quoi rassurer le brigadierqui lui lit la fiche de Soral jusqu’àsa dernière adresse connue…Pourtant, comme l’expliqueChristophe Crépin du syndicatUnsa-Police, «des instructionsinterdisent rigoureusement de don-ner ces informations confidentiellespar téléphone, même à un collèguede la BAC». Me Comte se de-mande si Grégory Chelli n’a «pasobtenu ces codes et usages de poli-ciers en service ou retraités».S’il s’avère que Chelli est bienl’auteur de tous ces délits et qu’ilréside en Israël, ce pays n’ex-trade pas ses ressortissants. Tou-tefois, la France peut dénoncerles faits à Israël qui le jugerait surplace. Sinon, c’est de la «négo-ciation diplo-politico-judiciaire»pour le récupérer, dixit un ma-gistrat, comme ce fut le cas del’escroc Gilbert Chikli, rattrapéen 2008 à Ashdod par les Israé-liens et livré à Paris. •

Jean-Marc Manach, spécialiste d’Internet:

«Le pirate n’est pasforcément un experten technique»J ean-Marc Manach, journaliste

spécialiste d’Internet et de la sé-curité informatique, explique le

mode opératoire d’Ulcan.Peut-on qualifier Grégory Chelli, aliasUlcan, de «hacker»?Oui, au sens où il a un esprit de hac-ker. Le pirate informatique n’est pasforcément un expert en technique. Lebut, pour lui, est d’exploiter la failleentre le clavier et l’écran, c’est-à-direl’être humain qui se trouve derrièrel’ordinateur. En usurpant son identité,le hacker obtient des infor-mations qu’il n’est pascensé détenir. Cette mé-thode du canular télépho-nique existe depuis les an-nées 90. Le premier àl’avoir théorisé s’appelleKevin Mitnick. Alors ado-lescent, il a piraté des ordi-nateurs de l’armée américaine, révé-lant des failles dans la sécurité de ladéfense nationale. Le FBI a fini parl’arrêter, et il a passé quatre ans enprison avant son procès. A sa sortie, ila écrit un livre, l’Art de la supercherie,dans lequel il développe cette idée desocial engineering, à savoir une formed’acquisition déloyale d’informationet d’escroquerie.Lorsqu’il pirate le site de Rue89, Ulcanenvoie des attaques en DDOS…DDOS signifie Distributed Denial ofService Attack, en français une attaque«par déni de service». Cela consiste àactiver des milliers, voire des centai-nes de milliers de PC dits «zombies».Ces postes, interconnectés, envoientensuite simultanément des milliers derequêtes sur le site à faire tomber. Sur-chargé, ce dernier ne peut plus traiter

l’afflux et devient hors service. C’estcomme si 1000 personnes tentaient depénétrer en même temps dans un su-permarché. C’est physiquement im-possible. La question est de savoir siUlcan dispose de contacts lui permet-tant de lancer des attaques en DDOSou s’il paye des hackers israéliens ouétrangers pour le faire.Israël est connu comme une place fortedu hacking mondial. Pourquoi?Israël est effectivement à la pointe enterme de piratage informatique. Cela

s’explique par le contextegéopolitique tourmentédans lequel ce pays évolue.Israël a un besoin impé-rieux d’espionner ses enne-mis immédiats. Pour cela, ila longtemps bénéficié d’unappui des Etats-Unis. Onsait que la NSA [National

Security Agency, ndlr] assiste Tsahaldans le développement de son arsenalmilitaro-industriel. Israël mène unepolitique de piratage des données in-formatiques très offensive. Rappelez-vous Stuxnet, en 2010. A l’époque, Is-raéliens et Américains avaient mis enplace un ver électronique, décrit pardifférents experts comme une cyber-arme, conçue pour attaquer l’Iran. Dé-couvert par VirusBlokAda, société desécurité informatique basée en Biélo-russie, Stuxnet a affecté 45000 systè-mes informatiques, dont des PC ap-partenant à des employés de la centralenucléaire de Bouchehr en Iran. Le butétait de neutraliser les centrifugeusesenrichissant l’uranium, et ça a mar-ché! Mais, là, c’est de la haute voltige.On est très loin d’Ulcan.

Recueilli par ÉRIC LANDAL

D’après une source judiciaire,les policiers n’ont «pas localisé»Grégory Chelli, qui «ne se trouvepas forcément en Israël, mêmesi c’est ce qu’il prétend».

DR

La rédaction de Libérationaffirme à la fois sa solidaritéet son soutien enversRue89 et ses journalistes,cibles depuis des joursd’un hacker franco-israélien.Mécontent desinformations publiées à sonsujet, celui-ci a piratéplusieurs fois l’accès au sitepuis s’en est pristrès violemmentà plusieurs journalisteset à leurs proches.Ces méthodesinqualifiables revendiquéespar l’individu remettenten cause très gravementla liberté d’information.

Plusieurs plaintes ont étédéposées, et uneinformation judiciaire a étéouverte. Cet individua aussi réussi à utiliserles fichiers de la policefrançaise concernantnos collègues de Rue89,en toute illégalité.Nous souhaitonsque cette enquêtepuisse aboutir en Francecomme en Israël au plus vite,afin de mettre un termeà ces manœuvresd’intimidation.

LA RÉDACTIONDE «LIBÉRATION»

«LIBÉRATION» SOLIDAIREDES JOURNALISTES DE RUE89

REPÈRES

Outre Rue89, Ulcan a piratéla page d’accueil de la sectionMaine-et-Loire du Nouveau Partianticapitaliste, des sites du Frontde gauche, du Parti communiste,de Reporters sans frontières etde la Datar, le portail gouvernemen-tal de l’aménagement du territoire.

«Je conseille à mes clientsd’écouter sa voixsur Internet pour ne pastomber dans le panneaulorsqu’il appelle.»Dominique Cochain avocate d’assospropalestiniennes sur les ruses d’Ulcan

4attaques informatiques ont étélancées par le hacker contreRue89 depuis le 29 juillet et lapublication d’un article à son sujet.

«Nous avons le droitde nous défendre!Nous préféronsvos condamnationsà vos condoléances!»Le texte de Chelli accompagnantchacun de ses hackings

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014 FRANCE • 11

Le maire de Cholet estsanctionné. Coutumierdes sorties nauséabondessur les gens du voyage,le député et maire (ex-UDI)Gilles Bourdouleix a étécondamné mardi en appelà une amendede 3000 euros pour «apo-logie de crime contrel’humanité». L’été dernier,lors d’une altercation avecdes Tsiganes, il avait glisséà un journaliste que Hitler«n’en avait peut-êtrepas tué assez». Condamnéavec sursis en première ins-tance, il avait déclaré soninnocence en invoquant «lecontexte» de l’altercation.La peine a été alourdie parla cour d’appel d’Angers.Député depuis 2002, Bour-douleix avait été contraintde quitter l’UDI aprèsles faits et devrait, selonson avocat, se pouvoir encassation. PHOTO AFP

LE MAIRE DECHOLET (EX-UDI)BIEN CONDAMNÉ

L es prémices d’un nou-veau bras de fer euro-péen. Le Parti socialiste

profite de l’implication de laFrance dans l’aide humani-taire en Irak pour demanderune fois de plus à Bruxellesde retirer les dépenses mili-taires du calcul des déficitspublics des pays de l’UE.Lundi sur RTL, Olivier Faurele porte-parole du PS, a re-gretté que la Commissioneuropéenne ne prenne pas encompte le fait «que la Francese bat[te] pour les valeurseuropéennes contre le terro-risme à travers le monde». Etqu’on lui reproche ensuite dene pas respecter ses engage-ments budgétaires, quandd’autres pays de l’UE laissentla France agir seule.Troupes. Car, aussi bien auMali qu’en Centrafrique,l’armée française est inter-venue sans recevoir le moin-dre soutien militaire de sespartenaires européens. Or,ces conflits pèsent lourd

dans le budget de l’Etat.Cette critique de Faure re-vient à chaque nouvelle in-tervention française àl’étranger. En décembre,alors que la France se prépa-rait à envoyer des troupes enCentrafrique, François Reb-samen, proche de FrançoisHollande, avait lui aussi ap-pelé l’UE à reconnaître lerôle singulier de la France.«On ne peut pas considérerqu’on a des dépenses excep-tionnelles, dues à la nécessitéde ramener la paix à la de-mande du Conseil de sécurité,et, en même temps, nous im-poser sur ces dépenses les mê-mes règles budgétaires que surles autres», disait alors Reb-samen, devenu depuis mi-nistre du Travail.Un vœu pieu. Tout comme lademande de voir les dépen-ses d’investissement retiréesdu calcul de ce même déficitpublic. Ces requêtes n’ontpour effet que de soulignerl’incapacité de la France,

comme elle s’y est engagéeen avril auprès de la Com-mission, à revenir dans lesclous budgétaires européens.Le déficit public devait pas-ser de 4,3% du PIB en 2013 à3,8% en 2014 et atteindre labarre des 3% en 2015. Or,même s’il ne le dit pas publi-quement, le Président a déjàacté que cet objectif étaitinatteignable (lire Libérationdu 21 juin).Terrain. Une douzaine dejours après les alertes à la dé-flation envoyées à Bruxelleset Berlin par François Hol-lande et Manuel Valls, les di-rigeants socialistes préparentle terrain de la rentrée duchef de l’Etat, décidé à obte-nir une «réorientation» del’UE en faveur de la crois-sance. A la veille du conseileuropéen du 30 août, il doitrecevoir les leaders sociaux-démocrates européens àl’Elysée.

LILIAN ALEMAGNAet RÉMY DODET

LePSenvoiel’arméesurledéficitbudgétaireEUROPE Les socialistes voudraient que la Commissionprenne en compte l’engagement des forces françaises.

Du fret humanitaire français, arrivé dimanche à Erbil, dans la région kurde d’Irak. J. BARDENET. AP

Luc Tangorre, condamné pour violsen 1983, partiellement gracié parFrançois Mitterrand, puis à nouveaucondamné pour viols en 1992, est sus-pecté d’agression sexuelle d’unefillette de 12 ans dans le Gard. Mardiaprès-midi, une information judi-ciaire a été ouverte pour agressionsexuelle sur mineur de 15 ans et laprocureure de Nîmes Laure Beccuau

a requis le placement en détentionprovisoire du quinquagénaire, engarde à vue depuis dimanche auGrau-du-Roi, dans le Gard. Luc Tan-gorre, qui nie les faits qui lui sont re-prochés, a été présenté à un juged’instruction mardi en fin d’après-midi en vue de son éventuelle mise enexamen. Sa garde à vue avait été pro-longée lundi soir, a précisé Laure Bec-

cuau, indiquant que l’homme étaitinterrogé pour des faits d’attouche-ments sur une fillette de 12 ans, uneagression qui se serait produite di-manche vers 16 h 30 sur une aire dejeux. Le parquet a demandé une ex-pertise psychiatrique. La justice véri-fie également si le quinquagénaire aété mis en cause récemment dans desaffaires de même nature.

G À CHAUD L’HOMME EST SOUPÇONNÉ D’AVOIR AGRESSÉ UNE FILLE DE 12 ANS

Un condamné pour viol à nouveau suspectPar MATTHIEU ÉCOIFFIER

Et bon anniversairemonsieur le Président !

Deux cent vingt-cinq ansaprès la Révolution, lecorps du roi travailleencore l’inconscientpolitique des Français. Eluau suffrage universel directpar la volonté du généralde Gaulle, le président, ouplus exactement lapersonne à la tête de lamonarchie parlementairequ’est devenue laVe République, se voit à lafois sacralisé et réifié. Etdevient l’objet d’uneappropriation publique nelaissant guère de place à lavie privée. Un phénomèneamplifié par le marchéjuteux et en fortecroissance de lapeopolitique dans lapresse. Ainsi FrançoisHollande a fêté mardi ses60 ans. Pour répondre à lacuriosité des médias dansl’espoir – vain – de lacontenir, l’Elysée s’estborné à préciser que cetévénement personnel s’estdéroulé dans un lieuconfidentiel du sud-est dela France, en présence desquatre enfants du

Président. «Ce n’est pas lapeine de venir avec d’autrescadeaux, présents oudragées. Le 12 août, c’estmon anniversaire et riend’autre», avait dû préciserce dernier le 21 juillet.Façon de contenir les follesrumeurs de mariage avecl’actrice Julie Gayet.Naviguant à vue entrele personnel et le politique,même des journauxsérieux se sont emmêlésles voiles pour développercette banale information.Se saisissant del’anniversaire du roi pourlui faire sa fête, le Figaro aà la fois trouvé un «vieilami» de Hollande sefélicitant qu’il ait depuisun an «soldé une partie deses problèmes personnels. Ilest libéré. C’est mieux pourlui et pour le pays». Et un«poids lourd de lamajorité», pour qui «le roiest nu, il n’est même plus leroi». Gageons quel’intéressé, qui cultive unedistance avec lui-mêmeet le monde, aura appréciéle cadeau.

BILLET

Accrochée à sa planche, à la dérive au large du Havre(Seine-Maritime): une jeune femme de 24 ans a étéretrouvée vivante mardi après-midi, après avoir passéplus de 24 heures en mer. C’est à environ 45 km au largedu Havre, en baie de Seine, qu’un bateau belge a localisé,vers 15h30, la jeune femme qui serait partie en mer àbord d’un paddle (planche à rame) depuis Saint-Vaast-la-Hougue (Manche) et aurait ainsi dérivé sur une cinquan-taine de kilomètres. Fortement déshydratée, elle devaitêtre évacuée par voie maritime.

UNE FEMME REPÊCHÉE AU LARGEDU HAVRE APRÈS 24 HEURES DE DÉRIVE

L’HISTOIRE

LES GENS

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 201412 • FRANCEXPRESSO

Faceàl’épidémiedefièvreEbola, l’OMSbrûlelesétapesL’Organisation mondiale de la santé a approuvé le recours à des traitementsexpérimentaux. Son avis devrait être suivi par les pays les plus touchés.

E tat d’urgence sanitaire.Face à l’ampleur et à lagravité de l’épidémie defièvre hémorragique Ebola,

qui vient de franchir le capdes 1000 morts, l’OMS a approuvémardi le recours à des traitementsexpérimentaux. Un choix contro-versé. «C’est la première fois en qua-rante ans qu’il se passe quelque choseen matière de traitement contreEbola», confiait mardi à LibérationMarie-Noëlle Rodrigue, responsa-ble des opérations de Médecinssans frontières (MSF), la principaleONG engagée dans la lutte contre lamaladie en Sierra Leone, au Liberia

et en Gui-née. Restequ’un pre-

mier Européen, un prêtre catholi-que, est décédé du virus mardi àMadrid, malgré l’administrationd’un traitement expérimental. Maisface aux «circonstances», ce choixa fait consensus au comité d’ex-perts de l’OMS. Une façon aussi derépondre vite aux ONG qui lui re-prochent son retard dans la luttecontre ce fléau.

LES TRAITEMENTS NON HOMOLO-GUÉS SONT-ILS AUTORISÉS ?Pas vraiment. «L’avis rendu par lecomité d’experts est une simpleorientation, très en amont de la déci-sion finale, qui revient aux autoritésnationales», explique Marie-Char-lotte Bouësseau, spécialiste desquestions d’éthique à l’OMS (lireaussi sur liberation.fr). Il revient en-suite aux autorités sanitaires dechaque pays de statuer au traversleurs propres comités d’éthique etleurs autorités régulatrices. L’OMSn’a donc qu’un pouvoir de conseil.«Reste que la plupart des paysaujourd’hui concernés par l’épidémiedevraient selon toute vraisemblancesuivre l’avis du comité», note Marie-Charlotte Bouësseau. Les expertsont par ailleurs défini des condi-tions d’emploi de ces traitementsqui devraient guider les pays con-cernés, dont une transparence ab-solue et un consentement des pa-tients. Certains Etats n’ont pasattendu cette approbation pouragir: c’est le cas des Etats-Unis, quise sont engagés à fournir au Liberiades doses d’échantillons de ZMapp– le sérum expérimental qui a eudes résultats positifs sur deux soi-gnants de nationalité américainerapatriés aux Etats-Unis –, et ceavant même que l’OMS ne tranche.

DE QUELS TRAITEMENTSPARLE-T-ON ?«On compte aujourd’hui quatre ap-proches de traitement spécifiques dela maladie liée au virus Ebola: les an-

tiviraux directs, l’approche immuno-logique basée sur des anticorps mo-noclonaux humanisés, la vaccinationthérapeutique et d’autres types d’ap-proches immunitaires», expliqueGilles Pialoux, chef de service desmaladies infectieuses et tropicalesà l’hôpital Tenon. Pour le cher-cheur, la méthode des antivirauxdirects –qui utilise des «analoguesnucléotidiques» dans le but de pré-venir la réplication virale dans lescellules infectées– est «la plus effi-cace, mais aussi la plus en retard».Quant au ZMapp, traitement déve-loppé par une start-up américaine,«il faut nuancer l’emballement, pré-vient Pialoux. Le cas des deux pa-tients américains qui ont reçu ce mé-dicament ne suffit pas à tirer desconclusions». D’autant que le

ZMapp n’a pu empêcher la mort duprêtre espagnol. Quant aux autrestraitements –exceptés quelques es-sais vaccinaux de phase 1 chez desvolontaires sains –, ils n’ont à cejour été utilisés que sur des ani-maux. Prudence donc, d’autantque les «essais sur les humains ris-quent d’être compliqués», prévientle médecin. En cause? Le faible ef-fectif de malades et les carences dusystème de soins des pays concer-nés par l’épidémie.

QUELLES SONT LES QUESTIONSÉTHIQUES SOULEVÉES ?La première question est celle de lapertinence de l’utilisation de cesmédicaments. A ce titre, «le comitéd’experts a considéré que la gravitéde la situation invitait à aller plus vite

que le cadre classique», note Marie-Charlotte Bouësseau, de l’OMS.«Dans une situation où le taux demortalité dépasse les 50% un arbi-trage bénéfice-risque doit être fait,poursuit Christian Hervé, profes-seur d’éthique médicale à la facultéParis-Descartes. On est dans une lo-gique dite “compassionnelle” qui im-plique un passage en dehors des rè-gles. Cela ne concerne pas que lesindividus, mais l’ensemble de la com-munauté, puisque c’est une questionde santé publique.» Qui pourra bé-néficier de ces traitements ? «Lescritères de sélection sont un enjeusensible», souligne Marie-CharlotteBouësseau. La question est d’autantplus centrale que, de l’aveu mêmede l’OMS, les volumes de médica-ments disponibles sont très faibles.

«D’où l’importance de critères trèsclairs et transparents pour éviterl’arbitraire, tout en maximisant leschances de bénéfices de ces traite-ments», poursuit l’experte del’OMS. Ce qui pose deux questionséthiques pour François Vialla, di-recteur du Centre européen d’étu-des et de recherches droit et santé(CEERDS) : «Celle de l’égalité dutraitement, puisque tous les patientsn’y accéderont pas, d’autant que lapriorité sera vraisemblablement don-née aux professionnels de santé. Maisaussi celle de la responsabilité si deseffets très indésirables surviennentchez les patients.» Une autre incon-nue subsiste: l’industrie pharma-ceutique suivra-t-elle si les pers-pectives financières ne sont pas aurendez-vous ? •

Par AMANDINE CAILHOL

DÉCRYPTAGE

Prise de température au moyen d’un pistolet laser infrarouge, à l’aéroport d’Abuja, lundi au Nigeria, où Ebola a tué deux personnes. A SOTUNDE. REUTERS

Le comité d’experts de l’OMS adéfini comme conditionsd’emploi de ces traitements «unetransparence absolue quant auxsoins, un consentement informé,la liberté de choix, la confidenti-alité, le respect des personnes,la préservation de la dignité etl’implication des communautés».

REPÈRES «Il est éthique d’offrirdes traitements nonhomologués dontl’efficacité et les effetssecondaires ne sont pasencore connus.»Déclaration de l’OMS mardi

1013C’est le nombre de morts offi-ciellement recensés par l’OMS.1848 cas sont dénombrés, princi-palement au Liberia et en SierraLeone.

Entretien exclusif avecMarie-Charlotte Bouësseauresponsable de l’unité santéet éthique à l’Organisationmondiale de la santé.

• SUR LIBÉ.FR

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014

TERRE • 13

«Les prix du pétrole semblent presqueétrangement calmes face à la montée desrisques géopolitiques qui touchent un grandpan des pays producteurs. […] Malgréles conflits en Libye, en Irak et en Ukraine,le marché apparaît aujourd’hui mieuxapprovisionné qu’attendu.»L’Agence internationale de l’énergie mardi

C ’est un coup de projec-teur qui tombe malpour les sociétés de lo-

cation de voitures, en pleinepériode de vacances. LaCommission européenne arendu publique lundi unelettre dans laquelle elle ex-horte ces entreprises spécia-lisées à cesser leurs «prati-ques discriminatoires» surInternet. Et qui peuvent,par exemple, faire varierdu simple au double le prixd’une location, selon le paysde résidence.La Commission a ciblé sixgroupes après avoir constatéune multiplication desplaintes. Certains ont joué lejeu en s’engageant à cesserleurs pratiques déloyales.Mais les trois leaders, Europ-car, Hertz et Avis, qui con-centrent à eux seuls environ60% des parts de marché,ont tout simplement refuséde respecter la demande deBruxelles. Résultat, la Com-

mission a décidé de publiersa missive, «dans l’intérêt desconsommateurs».Dans le document, elle ap-pelle à la «vigilance» et de-mande aux clients «de re-chercher des services dequalité à des prix compétitifsdans l’ensemble du marchéunique de l’Union». En effet,la Commission souligne quede tels comportements «em-pêchent les consommateursd’accéder aux meilleures offrescommerciales sur Internet».Et pourraient être sous lecoup de la justice.Bruxelles vise particulière-ment la pratique de réache-minement automatique.Après avoir identifiél’adresse IP d’un consom-mateur, des robots sont eneffet programmés pour mo-difier automatiquement leprix selon le lieu de rési-dence. Exemple : un client,qui avait indiqué son lieu derésidence en Allemagne, a

vu doubler le prix annoncéd’une location de voiture auRoyaume-Uni. Autre pro-blème : certaines sociétésjouent aussi sur la devise engonflant le prix en douce lorsdes conversions.De telles pratiques remettentnaturellement en questionle principe du marché uni-que. Une directive de 2006interdit d’ailleurs aux socié-tés implantées dans l’Uniond’appliquer des discrimina-tions injustifiées pour l’accèsà un service sur la base de lanationalité ou du lieu de ré-sidence du client.«Il y a une mauvaise interpré-tation de la part de la Com-mission européenne», se dé-fend l’une des entreprisesvisées. Qu’importe: Bruxel-les a donné aux frondeursjusqu’au 30 août pour établirun rapport sur la façon dontils vont radicalement revoirleurs pratiques.

MAXIME LEBUFNOIR

LesloueursdevoituresflashésparBruxellesCLÉS La Commission appelle les clients à la vigilancelors de la réservation de véhicules sur Internet.

Europcar fait partie des six groupes épinglés par Bruxelles. PHOTO KENZO TRIBOUILLARD. AFP

-0,85 % / 4 162,16 PTS2 631 433 674€ -0,75%

LEGRANDLVMHVEOLIA ENVIRON.

Les 3 plus fortesVALEOTOTALSCHNEIDER ELECTR.

Les 3 plus basses

-0,19 %16 538,97-0,39 %4 384,10-0,01 %6 632,42

+0,20 %15 161,31

La justice bulgare recherche le principal actionnaire de laquatrième banque nationale Corporate CommercialBank (CCB), dont les paiements sont interrompus depuisle 20 juin, a annoncé le parquet mardi. Tzvetan Vassilev,président du conseil de supervision de la CCB, a étéaccusé le 28 juillet d’«abus de pouvoir et de détourne-ment de fonds particulièrement importants». Un mandatd’arrêt européen a été délivré à son égard et il est recher-ché, y compris via Interpol. La CCB, à court de liquidités,est sous la supervision spéciale de la banque centrale quia bloqué tous ses comptes, ceux de particuliers, maisaussi de nombreuses entreprises publiques et privées,d’hôpitaux et de municipalités. Selon les analystes, lesdéboires de la CCB découlent d’un conflit entre deuxhommes d’affaires, anciens partenaires et politiquementtrès influents, un député et un propriétaire de médias.

MANDAT D’ARRÊTCONTREUN BANQUIERBULGARE

DU NORD…

Des Australiens ont saisi la justice mardi contre plusieursbanques, contestant les pénalités «exorbitantes» qui leursont infligées pour remboursement tardif des paiementsréalisés avec leurs cartes de crédit. En leur nom, des avo-cats ont saisi la cour suprême de l’Etat de Nouvelle-Gal-les du Sud contre Westpac, Citibank, St. George, BankSAet ANZ. La procédure pourrait être élargie et impliquerAmerican Express, Commonwealth Bank, NationalAustralia Bank et BankWest, a précisé l’avocat AndrewWatson, évoquant une «action en justice collectiveénorme». En février, la Cour fédérale d’Australie, saisiepar 43500 usagers, leur avait partiellement donné raisonen estimant que les frais prélevés pour retard de paie-ment étaient excessifs: elle fixait à 35 cents australiens(0,24 euro) par dossier le coût moyen de ces retardspour une banque, alors que les pénalités peuventatteindre 20 dollars australiens (14 euros) en fonctiondes établissements.

EN AUSTRALIE,DES USAGERSSE REBELLENTCONTREDES BANQUES

…AU SUD

L’Afrique du Sud va évacuer jusqu’à500 rhinocéros du célèbre parc Kruger,frontalier du Mozambique, pour tenter deles soustraire au braconnage qui décimel’espèce depuis plusieurs années. Lors dudernier recensement réalisé en 2013, lapopulation des rhinos dans le parc Kruger,long de 400km du nord au sud, était esti-mée entre 8400 et 9600 individus. Sur lessix premiers mois de l’année 2014,

558 rhinos ont été tués en Afrique du Sud,dont 370 dans le seul parc Kruger, en dépitdu déploiement de moyens militaires. Lebraconnage a explosé à la fin des années2000, lorsque la demande pour la corne derhinocéros a brutalement explosé, essen-tiellement au Vietnam et en Chine. Lacorne se vend jusqu’à 70000 euros le kilosur le marché noir de la médecine asiati-que au nom de vertus jamais prouvées.

D INITIATIVE L’AFRIQUE DU SUD CONTRE LE BRACONNAGE

Les rhinos évacués de Kruger

Plovdiv

Burgas

Varna

Mer

Noi

reROUMANIE

GRÈCEMAC!

SERB

IE

TURQUIE

Danube

BULGAR IE

100 km

Sofia

OcéanIndien Mer de

Corail

Tasmanie

AUSTRAL IE

Canberra

1000 km

La reproductionde nos petites annonces

est interditeLe Carnet

Emilie Rigaudias0140105245

[email protected]

CARNET

DÉCÈS

Maryse Préval, son épousePhilippe et Valérie Préval

Thibaut, Enguerrandet Aude Préval

ses enfants et petits-enfantsont la tristesse de vous faire

part du rappel à Dieu de

Robert Prévalle 8 août 2014 dans sa

86ème année.

La cérémonie religieuse seracélébrée le jeudi 14 août 2014 à10h30 en l'église Saint Jean de

Montmartre (Paris 75018).

Nous souhaitons remercierle Dr BACHMEYER et sonéquipe (Hopital TENON,

service médecine interne)pour la compétence et la

gentillesse dont ils ont faitpreuve au quotidien durant

ces deux derniers mois.

SOUVENIRS

13 août 2010 - 13 août 2014

Lula tant aimée,comment apprivoiser

ton absence, jour après jour ?

ACÉLIA DJEGHADER(DEPARIS)

Par un soir d'été,Ange Celia s'en est allée...

Puis, sur un nuage s'est poséePour le grand voyage

de l'ÉternitéSon sourire brilledans nos cœurs

Comme une étoile dansle ciel, Forever...

Le Carnet

Tél. 01 40 10 52 45Fax. 01 40 10 52 35

Vous pouvez nous faire parvenirvos textes par e.mail :

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LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 201414 • ECONOMIEXPRESSO

LIBÉRATION Mercredi 13 août 2014 www.liberation.fr

ÉTÉ

N ous reproduisons ci-dessous, en exclusi-vité, les premièrespages du cataloguede l’exposition«Roads to Free-dom», rétrospective

de l’œuvre de l’Américain Jack H.Kaboviolov, qui se tiendra auxPar ÉDOUARD LAUNET Dessins KILLOFFER

ETE

LES CHEMINS DE

Blague à l’artITINÉRAIRE La création contemporaine laisseparfois songeur. A l’image de la rétrospectiveconsacrée à Jack H. Kaboviolov, artisteimaginaire resté totalement incompris.

LA LIBERTÉ

JUSQU’AU 23 AOÛT, PRENEZ

II • LES CHEMINS DE LA LIBERTÉ7

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Galeries nationales du GrandPalais. Ou pas…Toute ressemblance avec des artistes vi-vants ou ayant existé serait bien évi-demment fortuite. Quant au texte quisuit, il doit beaucoup aux catalogues desrécentes expositions (bien réelles cel-les-là) de Bill Viola aux Galeries natio-nales, et d’Ilya et Emilia Kabakov dansla grande nef, dans le cadre de Monu-menta. Que les auteurs concernés trou-vent ici nos remerciements les plus vifs,ainsi que l’expression de nos sincèresexcuses, pour cet innocent pastiche.Jack H. Kaboviolov est sans conteste leplus célèbre représentant de l’art mini-mal. Sculpteur, photographe, peintre,bassiste funky, vidéaste mais aussipoète, Kaboviolov occupe une placecentrale dans la création contempo-raine, au-delà même de son travail surle minimalisme qui, il est vrai, n’a pasété à l’origine d’une production bienconsidérable.

Pour la première fois, un large corpus deson œuvre, allant de 1962 à aujourd’hui,mêlant tableaux, vidéos et installationsmonumentales (notamment son célèbreA Thousand Chamber Pots and Three Dis-jonctors) est présenté au Grand Palais.Dans une quête à la fois intimiste etuniverselle, l’artiste exprime son che-minement émotionnel et spirituel à tra-vers les thèmes d’une philosophie spé-culative très personnelle, car toutentière organisée selon un cycle transfi-guration/absence/turgescence/consti-pation. Pensée comme un voyage in-trospectif, cette exposition propose unitinéraire en trois temps autour desquestions métaphysiques majeures: Quisuis-je ? Où suis-je ? Où vais-je ?

La couturière Emiliadevient Jack l’ouvrier

Dans chacune de ses œuvres, Jack H.Kaboviolov interroge la vie, la mort, latranscendance, la renaissance, letemps, l’espace et – sa francophilies’exprimant là– les horaires de la SNCF,utilisant souvent la métaphore d’uncorps plongé dans le vin rouge pourreprésenter la fluidité de la vie, ainsique la vitalité de la vigne. Ses assembla-ges acrobatiques de cagettes à légumescherchent à fournir une autre percep-tion de ces questions fondamentales del’existence humaine. Cette dimensionconfère à son travail une puissanced’universalité particulière, au-delà detoute mode ou courant, alternatif oucontinu, et explique pourquoi cetteœuvre fascine autant depuis quaranteans, en particulier à New York où, il ya trois ans, le MoMA a présenté l’inté-gralité de son travail autour des organesgénitaux («Dicks and Chicks»).Jack Kaboviolov, née Emilia Kabovio-

lova à Donetsk (Ukraine), s’est long-temps posé la question de l’identité,avec une acuité douloureuse. Couturièreà Sloviansk pendant sept ans, Kabovio-lova part au début des années 60 tra-vailler aux Etats-Unis. C’est alors que,devenu homme, et ouvrier sur unechaîne d’emboutissage dans une usineGeneral Motors à Detroit, lui vient l’idéede son premier grand projet, Cars toNowhere, ensemble de tôles nonembouties qui exprime l’impossibilitédu voyage.Cette installation jettera les bases detoute son œuvre, puisque cette dernièrepeut être résumée à des tentatives répé-tées d’approches de la liberté, d’unecertaine forme de liberté: celle de l’ar-tiste du XXe siècle. Evidemment, cestentatives n’aboutissent jamais, dumoins pas au résultat espéré : ce quel’artiste laisse finalement derrière lui,ce sont les innombrables traces maté-rielles de son échec, lesquelles incluentun puzzle de 1000 pièces, dont 2 seule-ment sont emboîtées (Un début à tout,prêté par le Lieu d’art et action contem-poraine de Dunkerque).

Groucho Marx et Sartredans le même panier

Voici donc ces traces enfin rassembléesau Grand Palais. D’où le titre de cetteexposition, selon nous non dénué d’iro-nie : Roads to Freedom («les Cheminsde la liberté»). Bien sûr, ce titre renvoieaussi à Jean-Paul Sartre, et à la série detrois romans publiée par le philosophefrançais sous ce même nom. Kaboviolovest un grand lecteur de Sartre. Il aimeciter cette phrase extraite de l’Age deraison: «Ça s’épanouit au milieu des co-chonneries qu’elle a dans le ventre, c’estvivant», parce qu’elle lui semble êtreune parfaite définition de l’art. Il citetout aussi volontiers cette autre fulgu-rance : «Une émission de jeux est laforme la plus basse de la vie animale»,en l’attribuant au philosophe alorsqu’elle est de Groucho Marx. Mais con-fondre existentialisme et marxisme est,dans ce contexte, éminemment par-donnable.Dans la maturation de l’identité et del’œuvre de Kaboviolov, 1966 figurecomme une date essentielle. Cette an-née-là, il rencontre à Chicago l’archi-tecte allemand Ludwig Mies van derRohe, une des figures de proue de l’artminimal, auquel on doit les fameusesformules «Less is more» («Moins c’estplus») et «Gott steckt im Detail»(«Dieuest dans les détails»).Découvrant le premier travail picturalde Kaboviolov (le triptyque Ways of No-thing, trois toiles traversées par un traitde peinture très rectiligne), Mies Vander Rohe a cette belle intuition: «L’artexclut le superflu. Pour Jack Kaboviolov,il s’est avéré nécessaire de peindre desbandes. Il n’y a rien d’autre dans sa pein-ture. Kaboviolov ne s’intéresse pas à l’ex-pression ou à la sensibilité. Il s’intéresseaux nécessités de la peinture… Ses bandessont les chemins qu’emprunte le pinceausur la toile. Ces chemins ne conduisentqu’à la peinture.»La riche correspondance entre Kabo-

«Il était nécessairepour Kaboviolov depeindre des bandes.»Mies van der Rohe architecte

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violov et Mies Van der Rohe, qui a duréquatre ans, a été un repère précieuxpour articuler la première partie decette rétrospective, puisque Kaboviolovrefuse de s’exprimer publiquementdepuis 1979. Le 14 mars 1966, Jack écrità Ludwig: «Mes œuvres me traversent etme viennent comme des dons qui poursui-vent ensuite leur vie. Elles vont vers vouset vers ce que vous êtes, et ce que vous êtesentre en moi. Je peux le sentir et cettetransmission de sentiments qui ne cessentd’évoluer constitue la véritable essence dece que nous sommes.»Cette partie «Qui suis-je ?» est enconséquence présentée dans uneobscurité absolue, les visiteurs décou-vrant (ou pas) les œuvres grâce à la lu-mière de leur écran de smartphone.

Journal en trente tomesDeuxième volet de la rétrospective :«Où suis-je?» Jack Kaboviolov vitaujourd’hui à Long Island dans une ré-clusion volontaire. Il suffit de parcourirles rayons de sa bibliothèque, au cœurde sa maison en parpaings bruts, pourdeviner un esprit ouvert à de larges etnombreuses références, qu’elles soientmystiques (de Saint Jean de la Croix àDjalâl al-Dîn Rûmî), philosophiques(des Grecs au chef amérindien Seneca),poétiques (des moines zen japonais àWilliam Blake), artistiques (des fresquesbouddhiques d’Alchi aux premièresplanches de Pif le chien). On trouve laconfirmation de cet éclectisme dans

son Journal, trente tomes dans lesquelsKaboviolov consigne, depuis trente ans,notes de lecture, pensées, projets, des-sins, rêves érotiques, calembours etcomptes du ménage qu’il forme depuistrente-huit ans avec son cher compa-gnon Anthony.Il faut lire Reasons for Burning a FullHouse, recueil de ses écrits personnelsde 1967 à 1992, pour bien comprendrela logique de cette deuxième partie dela rétrospective, basée sur ce que Kabo-violov appelle «l’intuition des 60 de-grés». Pour l’artiste, en effet, l’énergiecosmique afflue en direction de la Terre,non pas dans une trajectoire verticaledescendante mais en suivant un anglede 60 degrés vers le plan de l’horizon.Ce principe absolu, et d’une impor-tance capitale, est confirmé par la plu-

part des méthodes utilisées par des payset des civilisations qui existèrent indé-pendamment les uns des autres, dansdes zones géographiques et à desépoques extrêmement éloignées. Ce faita permis à Kaboviolov de poser la règlesuivante : dès lors qu’une structurecomprend en elle, volontairement ounon, une orientation vers le cosmos, laloi des 60 degrés est immédiatementactivée.L’exposition de cette théorie, lors del’une de ses dernières apparitions pu-bliques, a valu à Kaboviolov un séjourde sept semaines dans le service de psy-chiatrie de l’hôpital de Dortmund, enAllemagne. Le musée de cette ville ex-posait alors l’installation More or LessSixty Degrees, assemblage de planchet-tes de bois surplombant une bassine encaoutchouc, dans laquelle l’artiste avaitprojeté une couche de peinture repré-sentant de l’eau de pluie séchée. On sesouvient que l’œuvre a été détruite aubout de deux jours, par une employéedu musée qui a récuré la bassine à fond:Kaboviolov fut longtemps un artiste ab-solument incompris.

Trop de la ballede ping-pong

Où vais-je? A cette ultime question, laréponse de Kaboviolov est simple. De-main, dit-il, j’irai faire mes courses auWalmart de Medford (Long Island). Il nefaut pas voir là une facétie de l’artiste,mais un programme artistique à partentière. Depuis qu’en 1977, Kaboviolova abandonné le minimalisme pour l’artconceptuel, il est coutumier de ce genred’actions. Ainsi découvrira-t-on, dansla dernière partie de l’expo, des mor-ceaux de papier couverts de brèves no-tes, comme la fameuse «Demain, j’iraijeter une balle de ping-pong dans les chu-tes du Niagara», action que d’ailleursKaboviolov se laissait libre d’accomplirou non. C’était là une nouvelle et radi-cale forme de cheminement vers la li-berté (Road to Freedom With a Table Ten-nis Ball, est précisément le nom del’œuvre).Dans les faits, l’automobile de Kabovio-lov a rendu l’âme à mi-parcours, prèsde Binghamton dans l’Etat de NewYork, et l’artiste a choisi d’écraser laballe sous son talon sur les lieux mêmesde la panne. Cette balle est présentéedans la rétrospective, accompagnée dela note correspondante.C’est la première fois que cette œuvreest exposée hors des Etats-Unis, grâceau soutien de l’entreprise Joola, nu-méro 1 mondial des balles de ping-pong. Ou numéro 2 peut-être. •

Demain le résistant birman Soe Myint.

Sa théorie surles 60 degrés lui a valusept semaines àl’hôpital psychiatrique.

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IV • SÉRIES7

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Tarzan, jingle de la jungleLE CRI ÉTAIT PRESQUE PARFAIT (4/5) Pour son brame, Johnny Weissmuller s’est inspiré du yodel.

«o h-iih-oh-iih-ooooh-iih-oh-iih-ooooh.»En 1932, dans

tous les cinémas américains,retentit le cri sauvage de l’ac-teur Johnny Weissmuller. Leululement de Tarzan est restélongtemps le cri le plus re-connaissable de Hollywood,mais la manière dont il a étéproduit reste un mystère.Etait-ce réellement la voix deWeissmuller, comme le pré-tend l’acteur ? Ou était-cequelque chose de bien pluscomplexe, comme le suggèrel’enquête du site Erbsine ?Le célèbre cri apparaît pour lapremière fois dans le romand’Edgar Rice Burroughs,Tarzan of the Apes (1912). Sadescription sommaire, «le cride victoire d’un grand singe»,laisse place à l’interprétation.Le cri originel aurait été poussésur grand écran par Emo Lin-coln dans Tarzan of the Apes.Problème, le film de 1918 étaitmuet, laissant à l’audience lesoin d’imaginer le son majes-tueux. Trente-quatre ans plustard, dans une séquence hila-rante, un animateur TV a eu labonne idée de demander à cetacteur de repousser ce cri pri-mal, qui n’est hélas pas passé àla postérité.C’est en 1929, dans la série Tar-zan the Tiger, qu’un cri audiblesort pour la première fois de labouche de Frank Merrill. Le ré-

sultat, pathétique, ressembledavantage au gémissementd’un fan de foot ivre ou d’unepersonne dont le pied auraitété écrasé par un éléphant.Embuscade. Guère plus pé-renne, l’étrange cri de JamesPierce, dans la fiction radiode 1932 : «Taaar-maaan-ga-niii», qui signifierait «hommeblanc». Toutes ces pâles tenta-tives allaient être balayéesquand Johnny Weissmuller,nageur olympique, s’est mis àswinguer de liane en liane enpoussant son irrésistible cri.L’ami musculeux de Cheeta a

prétendu qu’il avait personnel-lement créé le hurlement à ja-mais associé à Tarzan, en s’ins-pirant du yodel de l’un de sesvoisins allemands. «Mes pa-rents viennent d’Autriche etj’avais l’habitude de yodlerquand j’étais petit… Quand onm’a demandé de faire le cri, j’aisimplement yodlé.» Le cri estdevenu si célèbre qu’il étaitdiffusé aux soldats durant laSeconde Guerre mondiale. Se-lon la légende, les troupes deCastro étaient sur le point des’emparer de Cuba en 1959,quand des rebelles auraient

pris en embuscade la voiture deWeissmuller, en route pour untournoi de golf de célébrités.L’acteur les aurait amadouésavec son hurlement. «Tarzan!Welcome to Cuba», auraient ditles ravisseurs, ravis, en l’es-cortant à bon port.Hyène. Au fil des ans, des ver-sions divergentes émergent. LaMetro Goldwyn Mayer, qui aproduit les premiers films avecWeissmuller, prétend avoiramélioré le cri en post-produc-tion en le mêlant à des bruitsd’animaux. D’autres attribuentle cri au compositeur Douglas

Shearer, réalisé à partir d’uncri enregistré, bidouillé élec-troniquement, puis joué à l’en-vers, ce qui expliquerait pour-quoi le cri est palindromique,pareillement structuré à l’en-droit comme à l’envers. Mais laplus incroyable hypothèse pro-vient d’un monteur de la MGM.Selon lui, ce cri inhumain se-rait une combinaison de pistessonores superposées: la voix deWeissmuller amplifiée, le crid’une hyène joué à l’envers, leblatèrement d’un chameau, legrognement d’un chien et leson rauque de la corde la plusgrave d’un violon. Un chanteurd’opéra (Lloyd Thomas Leech)en clame aussi la paternité. Leson lui-même fait l’objet d’unemarque déposée d’Edgar RiceBurroughs Inc. La descriptionofficielle parle d’un «hurlementconsistant en une série d’ap-proximativement dix sons, alter-nant entre le registre de poitrineet le falsetto».En 1999, le film d’animation deDisney propose une mise à jourdu cri, qui reste fidèle à l’an-cien. Il existe aussi en versionChewbacca ou Donkey Kong.Mais le plus bel hommage res-tera le tube Tarzan Boy, de Bal-timora, avec le cri de Tarzan enguise de ligne mélodique durefrain, ululé non-stop sur lesondes durant l’été 1985.

MARIE LECHNERJeudi et vendredi: crier en vaindans le vide sidéral.

I l fait partie des irréductibles, ce quilui cause, hélas, «un lumbago paran». Depuis ses débuts comme DJ,

à la fin des années 90, Jean-GuillaumeCabanne, 40 ans, traîne ses disques vi-nyles partout, «pour la bonne et simpleraison que le seul respect que l’on peutavoir pour un artiste, c’est d’acheter sondisque».Jusqu’au début du siècle, Cabannen’était pas un utopiste: tous les DJ par-taient chaque week-end à Londres ouBerlin avec leurs vinyles, le format his-torique des musiques électroniques, quia permis l’invention du mix. Puis lespremières platines CD sont arrivées,avant d’être avalées par les ordinateurset les disques durs qui permettent devoyager léger avec 30 000 morceaux

dans un sac à dos. Aujourd’hui, le vi-nyle revient, un peu par snobisme etbeaucoup parce qu’il garantit une mu-sique plus charnelle que le frénétiquenumérique.Cabanne, lui, trimballe 150 vinylesmaximum, répartis en deux sacs d’unevingtaine de kilos chacun. «Au débutdes années 2000, on se baladait avec desfly cases [des caisses en bois épais cer-clées de fer, utilisées pour transporterdu matériel fragile, ndlr] qui pesaient30 kilos et nous obligeaient à payer un ex-cédent de bagage. Puis je suis passé ausac à roulettes, mais ces sacs ne durentpas. Tu en casses trois par an, et tu finispar traîner un sac avec une seule roulettedans les aéroports.» Depuis, la marqueallemande Airbag a sauvé Cabanne en

fabriquant un sac souple et léger àpartir de matériaux recyclés. «Tout lemonde a ce sac aujourd’hui, parce quec’est vraiment solide. Moi, j’en transportedeux, que j’empile sur un petit chariotpliable.» Qui lui-même rend l’âme ré-gulièrement sous le poids des disques…D’autres, comme l’Allemand RicardoVillalobos, star des clubs où la fête estexigeante, se déplacent avec trois ouquatre de ces sacs pour satisfaire les be-soins de sets qui peuvent parfois durerhuit heures. «Mais lui a quelqu’un pourl’aider et il voyage en business.»Chaque week-end, avant de s’envolerpour Rome ou Francfort, Cabanne re-nouvelle une partie du contenu de sessacs. «Je réécoute quelques dizaines dedisques, que j’emporte avec d’autres qui

restent plus longtemps dans ma sélection.Mais tout ça se fait vraiment à la sensa-tion. Je ne suis pas un de ces DJ quiconnaissent leurs sacs de fond en com-ble.» Ce qui laisse de la place à la sur-prise, mais s’ajoute aussi au «stress» devoir ses disques disparaître dans un aé-roport. Cabanne a déjà vécu ça «troisfois», dont récemment à cause d’untransfert trop serré à Bucarest. «C’estun ami, commandant de bord à AirFrance, qui a remis la main dessus dansun entrepôt. Ça aurait été pénible de nepas retrouver ce sac: non pas que je pos-sède des vinyles super rares, mais j’ai unerelation très personnelle avec certains.»

SOPHIAN FANENJeudi et vendredi: les dernières avancéestechnologiques de la valise du futur.

MÊME PAS MALLE (4/5) Croulant sous le poids des vinyles, les rois du mix casquent un max.Les DJ et l’embarras du barda

D’origine autrichienne, l’ancien nageur olympique est devenu l’homme-singe. PHOTO RUE DES ARCHIVES

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ANETA BARTOSNée à Tomaszow Mazowiecki,en Pologne, vit à New York.SpiderMonkeys(volumeII)

«Chaque nuit, à l’heure où lesommeil est parvenu à son plusgrand degré d’intensité, unevieille araignée de la grandeespèce sort lentement sa têted’un trou placé sur le sol […].Quand elle s’est assurée quele silence règne aux alentours,elle retire successivement, desprofondeurs de son nid […] lesdiverses parties de son corps,et s’avance à pas comptés versma couche. Chose remarquable!Moi qui fais reculer le sommeilet les cauchemars, je me sensparalysé dans la totalité de moncorps, quand elle grimpe le longdes pieds d’ébène de mon litde satin. Elle m’étreint la gorgeavec ses pattes, et me sucele sang avec son ventre.Tout simplement!» (1).Qui n’aimerait pas prendrela place de Maldoror devantles créatures d’Aneta Bartos?La photographe cherche dansl’alchimie de Polaroid périmés lesmystères d’une âme humainenue, sexuelle et multiple, aussianimale qu’atemporelle.

SERVICE PHOTO(1) «Les Chants de Maldoror»,de Lautréamont, alias IsidoreDucasse, chant V, strophe 7.

MIRAGES /DÉRAPAGESTOUS LES JOURS,LE REGARD D’UNPHOTOGRAPHE

Bébêtequimontre

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A suivre...

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En librairiele 7 novembre.

RÉSUMÉDES ÉPISODESPRÉCÉDENTS

New York, 1979.Paul, tatoueur etdessinateurmédium deportraits robotspour la police, aune idée: le PèreNoël assassin etvioleur qui sévitest plusieurs.Flash-back n°37:Paul, à l’époqueoù il s’appelaitPavel, enfantorphelindu goulag, en achié. Il s’est faitvioler par unegrosse, a perdusa mère égorgée,son pèredu poumaga, sonmaître-tatoueurpar erreur,provoquantune guerre ausein du campentre le clancrimineldu «Comte» (quidétenait sa mère)et celui de Kiril,son protecteur.Ils s’affrontentau «tangojaponais». Un jour,Pavel-Paul a.k.a.«Petite Tulipe»doit combattrele vil «Grossesburnes». Mêmele commandantdu campest invité.

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Par YASSINEet TOMA BLETNER

ÇA M’ÉNERVE

Les emballagesRetour du supermarché, un samedi de corvée. On a prisles yaourts par lot de douze, profité de la promo sur les bis-cuits en emportant les Petits Lu par trois, attrapé unénorme blister de douze piles LR6. Et bien sûr acheté lepack d’eau, de bière ou de Coca. Arrivé à la maison, on adéballé les yaourts (si on ne le fait pas, les autres habitantsdéchirent le carton dans le frigo, jusqu’à ce qu’il ne resteplus qu’un pot à l’intérieur de cette épave). Posé le cartonsur le plan de travail. Puis les films plastiques des packs deboisson. Puis l’affreuse cellophane des biscuits (en embal-lages individuels dans le paquet). Puis tous les suremballa-ges. Et que voit-on? La pile de ce qu’on jette est presqueaussi volumineuse que celle de ce qu’on range! Rageant.

SIBYLLE VINCENDON

Chaque jour de la semaine, découpez et conservezla vignette ci-dessus. Puis, dans le Libé du week-end àvenir, recomposez l’un des six membres de la familleimaginée par Séverin Millet en utilisant les éléments devotre choix. A la fin de l’été, un tirage au sort seraeffectué parmi les familles complètes envoyées avantle 31 août (règlement détaillé sur www.libe.fr/concours/).

SCHLUCKEBIER deGEORG K. GLASERTraduit de l’allemand parLucie Roignant, Rue desCascades, 176pp., 14€.

La faim est lepersonnage centralde Schluckebier,roman d’inspiration

autobiographique de Georg K. Glaser,qui prend pour titre le nom d’un garçonde l’entre-deux guerres, en Allemagne,aux pensées vagabondes et qui finitmal. Sachant que «Schluckebier» veutdire «gorgée de bière», on aurait puimaginer une forme de légèreté àl’allemande, avec cabarets et chansons.Non, c’est l’histoire dramatique d’unenfant battu, fugueur, mis au chômage,puis en centre de redressement, où il semutine. Schluckebier va de désillusionen désillusion. Il y a d’abord la paixde 1918. «Tous les rêves de nourrituredébouchaient sur le mot paix.» Mais lesassiettes restent condamnées à la même«bouillasse de bouillie marron».Schluckebier est viré de l’école, parcequ’il a volé du pain. Plus tard, il se jointà une manif : «Du travail et à bouffer,sinon ça va chauffer !» Et quand il seretrouve enfermé, c’est encore lachanson de la faim, l’infâme rata du«crapaud», la femme d’un éducateursadique. Georg K. Glaser (1910-1995)fournit une vision très noire de laRépublique de Weimar. En arrière-plan,l’espoir s’incarne dans le combat descommunistes, qui se battent «pour lepain quotidien». Paru en 1932, le romanse clôt sur une note victorieuse ettristement aveuglée : «La révolte vit ennous. Saine comme notre cœur. Noussommes debout, les poings à la couturedu pantalon !»

FRÉDÉRIQUE FANCHETTE

UN JOUR UN LIVRE

Les motsde la faim

MA FAMILLE RECOMPOSÉE

1 Combien recense-t-on depersonnages morts en quatre saisons?A. 12.B. 17.C. 56.D. 293.

2 Qui, du clan Stark, n’est pas(encore) mort?

A. Catelyn Stark.B. Rickon Stark.C. Eddard Stark.D. Robb Stark.

3 Qui a eu le bonheur de ne pas avoirla tête tranchée?

A. Eddard Stark.B. George Bush.C. Rickard Karstark.D. Viserys Targaryen.

4 La mort la plus horrible de la série?A. Lorsqu’un type se fait

couronner, sauf que la couronneest en or fondu.B. Lors d’un duel à mort et à mainsnues où le perdant se fait écrabouillerla tête avec les yeux en purée, miam.C. Sur le trône – pas celui du roi,l’autre – transpercé par une arbalète.D. Une enfant de 6 ans intégralementcramée par un dragon.

5 Si on ne veut pas mourir dansla série, que doit-on éviter?

A. Les mariages.B. Les épisodes 9 de chaque saison.C. Les Sauvageons.D. Les Marcheurs blancs.

Réponses:1D;2B;3C;4B;5A,B,CetD.

Par DR GARRIBERTS

Rude foired’empoigne

QUIZ «Game of Thrones»

11”03C’est le temps canon réussi mardi en série du100 mètres par la Française Myriam Soumaré, qui égaleson record personnel. «Mon entraîneur m’avait demandéde mettre la pression sur mes adversaires, a-t-elle expliquéensuite. Mais il faudra mettre plus de jus en demi [mer-credi à 18h20] et en finale [mercredi à 20h25].» Soumaréa ainsi laissé ses deux adversaires à bonne distance: laNéerlandaise Dafne Schippers est à 7 centièmes (11”10), laBulgare Ivet Lalova à 14 (11”17) et la Britannique AshleighNelson à 16 (11”19). Reste à savoir si ces adversaires n’ontpas caché leur jeu en entrant dans la compétition…

ATHLÉTISME Le Français pourrait remporter la finale du 100m deschampionnats d’Europe mercredi, si le mental ne fait pas défaut.

LatêtedeJimmyVicautàlaremorquedesesjambes

C’ est quand mêmel’histoire d’une mé-daille d’or annoncée.

Mercredi soir, peu avant22 heures, le sprinteur trico-lore Jimmy Vicaut doit suc-céder à Christophe Lemaitresur la plus haute marche dupodium du 100 mètres, ses9”95 réalisées le 18 mai àAix-les-Bains le mettant enprincipe au-dessus d’uneadversité qui se réduit à soncompatriote qui, faut-il lerappeler, n’est plus des-cendu sous les 10 secondesdepuis trois ans, et au Bri-tannique James Dasaolu(10”03 cette saison).

A l’entendre, Vicaut est ar-rivé à Zurich «comme un mecqui va courir les séries», ajou-tant que «le statut de favori nele concerne pas». Une postureétonnante pour un athlètequi explosa le record deFrance début juin (9”89 àEugène dans le cadre de laLigue de Diamant) même sile vent, trop puissant, empê-cha l’homologation duchrono. Le natif de Bondys’est cependant expliqué là-dessus: «Je ne suis plus dansl’excès comme avant, oùj’aurai dit: “Je suis sûr d’alleren finale et je vais aller faire unpodium.” Là non.»

Comprendre ce chemine-ment, c’est rentrer dans l’es-prit de l’athlète, c’est-à-diredans ses fragilités. Blessé auxischio-jambiers fin juin lorsdes championnats d’Europepar équipe de Brunswick(Allemagne), Vicaut a com-mencé par dire que «c’étaitmort» pour Zurich. Avant lesséries de mardi, il n’avait pascouru en compétition depuiscinquante-deux jours.Réaliste. Or, le sprinteurannonçait dès son titre dechampion de France en 2013qu’il ciblerait ces champion-nats d’Europe; objectif réa-liste au regard à la fois de son

potentiel et d’un plateau al-légé des athlètes américainsou jamaïcains. Vicaut estdonc sur la bascule entre untitre qu’il désire plus que toutet de possibles limites physi-ques du moment.Des limites qui sont aussipeut-être quelque part danssa tête. Battu par Vicaut lorsdes championnats de France2013, Lemaitre n’en a pasmoins sorti – pour un cen-tième – son vainqueur de lafinale des Mondiaux un moisplus tard, entretenant ainsison image de «matcheur»,c’est-à-dire du type quin’est jamais meilleur quedans la lutte pour les mé-dailles lors de ces grandschampionnats où le sens ducombat vaut plus cher qu’unpotentiel supérieur de quel-ques centièmes. Depuisquelques semaines, Lemaitrea d’ailleurs rappelé son goûtde la bagarre dès qu’un mi-cro se tendait, manière derapetisser un Vicaut qui a ac-cepté la manœuvre: «Chris-tophe est favori. Je suis déjàcontent d’être là, c’est un sou-lagement.»Chrono. Dernière faille : ledépart, sur lequel les sprin-teurs ont tôt fait de se déré-gler quand quelque chose,ailleurs, ne tourne pas rond.Même ses deux plus bellescourses de la saison – les9”89 et les 9”95 – ont étégangrenées par des départsmanqués. «Cela me fait peur,confiait-il avant les cham-pionnats d’Europe. A chaquefois je me dis “putain merde,fait un bon départ” et après çava, mais ça me stresse au dé-but.» Mardi, en série, Vicauts’est offert le départ prudentque sa marge sur l’adversitélui autorisait : 10”06 quandmême en total relâchement,ce qui laissait supposer unchrono tout juste sous les dixsecondes s’il s’y était em-ployé. Peu loquace, il a donnél’impression d’être très àl’écoute de son corps: «Pourle moment, ça va», commes’il voyait l’épée de Damoclèsau-dessus de ses courses. Le-maitre a bouclé sa série en10”16: même si l’homme deCuloz a coupé son effort, il alaissé une impression bienmoins bonne. L’Anglais Ja-mes Dasaolu (10”22) a sem-blé autrement facile.

ORIANE VERDIER

«Sincèrement, avec l’expérience, je me suisaperçu que ça ne servait à rien de courirvite en série. Il faut garder de l’énergie.J’étais triste pour l’Espagnol Victor Garcia[éliminé sur chute, ndlr]. C’étaitl’adversaire que je craignais le plus.»Mahiedine Mekhissi modeste 5e de sa série et qualifié enfinale du 3000m steeple de jeudi où il sera très large favori

w 20 kilomètres marche (H) 9h20.w 10000m (H) 19h51.w Longueur (F) 20 heures.w 100m (F) 20h25.w Disque (H) 20h35.w Décathlon, 1500m (dernière épreuve), 20h37.w 100m haies 21h34.w 100m (H) 21h50.

LE PROGRAMME DE MERCREDI

Le Français Jimmy Vicaut, lors de sa série, mardi à Zurich. PHOTO ARND WIEGMANN. REUTERS

Kévin Mayer avait annoncé la couleur avant le début deschampionnats d’Europe de Zurich: conseillé par le tenantdu titre de la discipline, Romain Barras, le jeune (22 ans)décathlonien français qui estime être dans «la forme desa carrière» a réalisé une première journée sur les basesdu record de France (8574 points, réalisé par ChristianPlaziat en 1990), son objectif annoncé pour décrocherune médaille. Après un premier 100m en dessous de sesespérances (6e en 11’10), le Français a vite réagi lors del’épreuve du saut en longueur en réalisant la meilleureperformance de sa carrière: 7,65 mètres, contre unrecord précédent de 7,52 mètres. Mis en confiance, leFrancilien a enchaîné sur un nouveau record au lancer dupoids, avec un jet à 15,14 mètres (son précédent recordétait à 14,02). Serein, Mayer a entamé son concours dusaut en hauteur à 1,92 mètre quand ses concurrents sefaisaient les dents à 1,80 mètre. Avec un saut à2,01 mètres, le Français était troisième avant le 400m ensoirée. Reste ce mercredi le 110m haies, le lancer du dis-que, le saut à la perche, le lancer du javelot et le 1500m,où Mayer est en principe moins à l’aise que dans lesépreuves de mardi. Objectif : éviter la 4e place des Mon-diaux 2013. PHOTO AP

KÉVIN MAYER DÉMARRESON DÉCATHLON EN FORME

LES GENS

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014 SPORTS • 15

Pas de référence à l’Anti-quité sur la place Syn-tagma. Tout, au contraire,y rappelle la Grèce mo-derne, qui surgit de la révo-lution de 1821 contre lepouvoir ottoman : «La li-

berté ou la mort!» criaient les Grecs sou-levés à Patras, puis dans toute la Grèce.Ils étaient vêtus de la fustanelle blanche(une courte jupe par-dessus des bas demême couleur) et chaussés de brode-quins à pompon.C’est aujourd’hui le costume des evzo-nes de la Garde nationale, dont les évo-lutions devant le monument du soldatinconnu ravissent les touristes qui lesphotographient. C’est à ce titre seule-ment que les guides mentionnent laplace ; ils conseillent de filer à l’Acro-pole : là sont les choses sérieuses.Dans le fond de cette place à pente fortese dresse la façade sévère de la Vouli(Chambre des députés), avec frontonnéoclassique et colonnade. Ce fut le pa-lais du roi Othon, fils du roi de Bavièreet premier souverain du royaume deGrèce. Il le fit construire dare-dare

de 1834 à 1838, pendant que les archi-tectes et urbanistes bavarois traçaientle plan de sa nouvelle capitale. A cettedate, Athènes était une petite bourgadede 5000 habitants d’une province mar-ginale de l’Empire ottoman. L’actuelleplace Syntagma constitue un des som-mets du triangle sur lequel s’appuie leplan de la ville, le second étant la placeOmonia ou de la Concorde et le troi-sième venant buter à Monastiraki, aupied de l’Acropole.La place Syntagma ou place de la Cons-titution est le centre principal de la viepolitique de la capitale grecque et,

du fait de la pré-sence du monu-ment au soldat in-connu, le théâtredes défilés lorsdes fêtes nationa-les, avec les corpsconstitués, l’ar-mée et les enfantsdes écoles.La Vouli n’est pas

le seul bâtiment remarquable de laplace. Dans la partie basse, se dressel’hôtel de Grande-Bretagne. Anciennerésidence d’un Grec enrichi à Trieste, ilfut longtemps plus luxueux que le Palais

Par MICHEL SIVIGNON Géographe,spécialiste de la Grèce et des Balkans

Syntagma, l’agora de la criseroyal, avec des salles de bains dès le mi-lieu du XIXe siècle et son générateurélectrique dès 1888.Durant l’occupation allemande, il futréquisitionné et Himmler commeGöring, férus de l’Antiquité grecque,y firent plusieurs visites. En 1944, lesAllemands furent remplacés à l’hôtelde Grande-Bretagne par le commande-ment du corps expéditionnaire britan-nique, qui ramenait à Athènes le roi deGrèce réfugié en Egypte. C’est de là quele général Scobie dirigea la «batailled’Athènes» contre les forces de gau-che, prélude à la guerre civile qui dé-chira le pays de 1946 à 1949. Si bien quel’hôtel de Grande-Bretagne fut lui aussil’objet de manifestations contre la pré-sence britannique, et plus générale-ment contre les influences étrangèresen Grèce.Lors de manifestations récentes quin’avaient plus rien à voir avec l’histoiretumultueuse de l’hôtel, les manifestantsse firent une joie d’en desceller les mar-bres des escaliers pour en faire des pro-jectiles contre les forces de police.Dans les dernières années, la place Syn-tagma a eu son heure de gloire au mo-ment du mouvement européen des In-dignés. Ce mouvement rencontra

C’est sur cette place qu’enavril 2012, un malheureuxpharmacien de 77 ans choisit des’immoler par le feu, suicide le plusspectaculaire d’une série liéeau désespoir d’une populationvictime impuissante de la crise.

Le Parlement grec, sur la place Syntagma à Athènes, le 29 décembre. DE AGOSTINI. GETTY IMAGES Manifestation anti-austérité au même endroit, le 25 juin 2011. PHOTO JOHN KOLESIDIS. REUTERS

De Tahrir en 2011à Tiananmenen 1989en passantpar l’Hôtelde Ville au tempsde la Commune,Libérationraconte, duranttrois semaines,ces lieux devenussymboles,où les citoyensont défiéles autoritésau nomde la démocratieet des libertésindividuelles.

Aujourd’hui:Syntagmaà Athènes.

PLACES AU PEUPLE (7/15)

CRÈTE

GRÈCE

Athènes

TURQ

UIE

Mer Égée

MerIonienne

300 km

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 201416 • REBONDS

en 2011 et 2012 un écho très fort enGrèce, où il prit une coloration particu-lière, relayé par un vaste consensuscontre les mnimonio ou mémorandumsimposés par la «troïka» (le FMI, la Ban-que centrale européenne et la Commis-sion de Bruxelles).Ce fut au début une fête joyeuse avecdes tentes et des tavernes improvisées.On avait l’impression que quelquechose bougeait, qui ne se résumait pasà l’acceptation par la Chambre des dé-putés des diktats de la troïka. La fêteprit bientôt une autre tournure. Desmanifestations accompagnées de vio-lences atteignirent leur maximum enfévrier 2012: une quarantaine de bâti-ments furent incendiés dans les ruesvoisines de la place. Il y eut des victi-mes. Le gouvernement en accusa l’ex-trême gauche anarchiste, mais on parlaégalement de machinations policièresdestinées à déconsidérer le mouve-ment : les manifestants encagoulésn’étaient-ils pas des provocateurs auservice de la police ?Les gaz lacrymogènes et les poursuitespar des policiers avec motos et matra-ques dans les rues avoisinant la placeeurent raison du mouvement, sous legouvernement de Papadimos, tenu ce-pendant pour un technicien hors ap-partenance partisane, puis sous celui,actuel, d’Antónis Samarás, patronde la Nouvelle Démocratie. Si bienqu’aujourd’hui, la place n’est plus quele centre de manifestations ponctuelles,réprimées avec célérité. Sans doute lesGrecs sont-ils fatigués et, pour unepart, désespérés.C’est sur cette place qu’en avril 2012,un malheureux pharmacien de 77 anschoisit de s’immoler par le feu, suicidele plus spectaculaire d’une série liée àl’épuisement d’une population victimeimpuissante d’une crise sans fin.Pendant les manifestations, les hôtelsde la place furent loués par des agencesde presse pour leurs correspondants.Ainsi les balcons du King George etsurtout du Plaza Athénée, voisins del’hôtel de Grande-Bretagne, furent oc-cupés par des dizaines de journalisteset cameramen au coude à coude, fil-mant tous les mêmes images. Si bienque pour le monde entier, la Grècese résuma aux manifestations de Syn-tagma.La place Syntagma est devenue unsymbole du fossé qui n’a cessé dese creuser entre le sentiment popu-laire et sa représentation parlementairequi continue, imperturbablement, àvoter des mesures d’austérité drastiqueque les Grecs peinent à supporter sansqu’ils en voient l’issue. Les justifica-tions macroéconomiques des expertssont sans validité pour une popula-tion accablée par la baisse des revenus,une hausse des taxes jamais vue et lechômage qui touche plus d’un actif surquatre.Un tour-opérateur américain offreaujourd’hui à ses clients une visite de«l’Athènes de la crise», avec arrêt de-vant la banque incendiée, où une mal-heureuse employée a trouvé la mort etnaturellement visite de la place Syn-tagma, sans garantir toutefois qu’on as-sistera à une manifestation.

L’Etat islamique consti-tue une menace mor-telle pour la survie del’Irak et pour la stabi-

lité de l’ensemble du Proche-Orient. L’inaction de la com-munauté internationale enSyrie a laissé le champ libreaux jihadistes. L’incurie dugouvernement de Bagdad etla forfaiture de son arméeleur ont permis de conquériren quelques jours le tiers duterritoire irakien et de s’em-parer d’un gigantesque arse-nal d’équipements militairesd’une valeur de plusieurscentaines de millions de dol-lars, ainsi que des montantsconsidérables de cash.Depuis deux mois, les Kurdesrésistent seuls sur plus de1000 km de frontières à cettedéferlante de jihadistes alliésaux ex-officiers et partisansaguerris de Saddam Hussein.Ultime rempart, le Kurdistanest aussi le seul port de salutpour tous ceux qui fuient laterreur des islamistes dont labarbarie n’a rien à envier àcelle des talibans afghans.Près d’un million de déplacéset réfugiés accueillis sur leterritoire kurde exercent unepression intenable sur lesmaigres ressources du pays.Imaginez la France submer-gée par un afflux soudain de12 millions de réfugiés. Lamajorité des déplacés estformée d’Arabes sunnites etde Turcomans. Mais ce sontsurtout les vieilles commu-nautés chrétiennes et yézi-dies qui sont les plus vulné-rables. Leurs lieux de culteont été profanés par les jiha-distes qui ont enlevé nombrede leurs femmes qu’ils ven-dent à de «bons musul-mans» sur leur marché auxesclaves à Mossoul.Le Kurdistan n’a malheureu-sement pas les moyens defaire face seul. Ses forces ar-mées (pershmergas) se bat-tent avec courage mais ellesmanquent d’armements etde munitions. Ses financessont à sec car, depuis jan-vier, le gouvernement de Ba-gdad refuse de lui verser sadotation budgétaire qui,d’après la constitution ira-kienne doit représenter 17%des revenus pétroliers del’Etat. La menace globale quereprésente le terrorisme del’Etat islamique nécessiteune réponse globale avec desvolets politique, sécuritaireet humanitaire.

Le minimalisme de l’admi-nistration Obama, les prisesde position verbales, l’envoide quelques cargaisonsd’aide humanitaire ne sontpas à la hauteur de la catas-trophe qui se profile.La France qui a des liens his-toriques avec les Kurdes doitprendre l’initiative. En 1991,après la guerre du Golfe etla crise des réfugiés qui l’asuivie, la France de FrançoisMitterrand avait réuni unsommet européen pour coor-donner une aide humanitaired’urgence, puis fait adopterà l’ONU la résolution 688autorisant la création d’unezone d’exclusion aérienne aunord et au sud de l’Irak. Pource faire, elle a dû forcer lamain aux Américains et con-vaincre Russes et Chinois.Près de 2 millions de déplacéskurdes ont pu ainsi retournerdans leurs foyers. Au fil desans, cette «zone de protec-tion» a évolué vers un Kur-distan autonome et démo-cratique. Elle fut protégée parune escadrille d’avions dechasse américains, britanni-

ques et français de l’opéra-tion «Provide Comfort».S’inspirant de ce précédenthistorique, la France pourraitconvoquer un sommet ex-ceptionnel de l’UE afin d’or-ganiser une aide massivepour les réfugiées du Kurdis-tan. Elle pourrait égalementinciter les pétromonarchiesdu Golfe à assurer le serviceaprès-vente de leur irres-ponsable politique de finan-cement des mouvements ji-hadistes en contribuant àl’effort humanitaire interna-tional en faveur des victimesde l’Etat islamique. En atten-dant le règlement de la crisede gouvernance à Bagdadqui, malgré une constitutiondémocratique et fédérale ap-prouvée par plus de 80% desIrakiens mais non appliquée,pourrait prendre des mois, ilfaudrait garantir le verse-ment au Kurdistan des 17%des revenus du pétrole ira-kien qui lui reviennent dedroit. Une résolution duConseil de sécurité affected’office 5% des recettes pé-trolières irakiennes aux «ré-

parations» dues au richis-sime Koweït qui n’en a pasvraiment besoin.A l’initiative de la France, leConseil de sécurité pourraitadopter une résolution obli-geant le gouvernement deBagdad à verser au Kurdistansa part constitutionnellede recettes pétrolières. Làencore, il existe un précé-dent: le programme «pétrolecontre nourriture» adoptépar l’ONU a, de 1997 à 2003,affecté d’office 13% des re-cettes d’exportation pétro-lières de l’Irak.Enfin, il faudrait apporterune aide militaire substan-tielle aux peshmergas kurdespour leur permettre de sebattre efficacement contrel’Etat islamique, de protégerles minorités menacées etd’organiser les Arabes sun-nites modérés pour libérerleurs territoires confisquéspar les jihadistes. L’actionaura un coût mais celui del’inaction, qui finira paravoir des conséquences ré-gionales incalculables, serainfiniment plus élevé.

Par KENDAL NEZANPrésident de l’institut kurde

Soutenir la résistance kurde

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014 REBONDS • 17

Peut-être faut-il être un juif franco-israélienoriginaire d’Afrique du Nord, ayant grandi enbanlieue parisienne et habitant à New Yorkpour prendre la mesure du miracle qu’incarne

la République française.Il y a vingt ans, on pouvait grandir à l’école de la Ré-publique avec une forte identité juive au milieu de ca-marades musulmans, tout en assumant ce lien parti-culier avec l’Etat d’Israël. On pouvait même être entotal désaccord sur le conflit israélo-palestinien sansque cela ne remette en cause une amitié et encoremoins son intégrité physique. Aujourd’hui pour être«heureux comme un juif en France», certains pensentqu’il faudrait que les juifs français choisissent le «boncamp». Ce n’est bien sûr pas la République qui ledemande, ce sont quelques intellectuels qui ne sem-blent pas comprendre qu’ils fournissent un vernis delégitimité à une violence antisémite qui ne cesse des’étendre.Lorsque l’écologiste Pierre Minnaert a jugé «pas éton-nant» que des synagogues «subissent des attaques»lorsqu’elles soutiennent la politique d’Israël, il a aumoins eu le courage de Twitter tout haut ce que ce quebeaucoup pensent tout bas.D’autres ont suivi, comme le sociologue FarhadKhosrokhavar, qui nous a expliqué dans les pages duMonde que, pour que la situation de la communautéjuive de France s’améliore, il faudrait qu’elle changed’attitude vis-à-vis d’Israël sans quoi elle ne peuts’étonner de ce «qu’une partie des musulmans la prenneau mot et dirigent leur ire contre elle».Edwy Plenel, lui, nous a rassurés en nous disantqu’«évidemment, on peut être juif et antisioniste, juifet résolument diasporique plutôt qu’aveuglément natio-naliste».Le journaliste Dominique Vidal s’est fendu d’un articledans le Monde Diplomatique fort bien résumé par sontitre: «Sur l’antisémitisme. Qui sème le vent récoltela tempête…»Alain Soral, lui, aime parler des «juifs du quotidien»,une sorte de figure diasporique disparue, un joyeuxmélange entre les juifs polonais qui peuplaient lequartier du Marais avant leur déportation et les juifsdes mellahs d’Afrique du Nord qui ne devaient leursurvie qu’à l’humeur du sultan du coin.Il semble qu’un «marché» soit donc possible ici etmaintenant, un marché qui pourrait satisfaire ces in-tellectuels ; mais aussi cette foule qui a pris la mau-vaise habitude de finir les manifs pour Gaza devantdes synagogues. Il nous suffirait d’être de «bonsjuifs», des juifs «antisionistes». Il faut dire ici que sila majorité des manifestants de ces derniers jours ré-cuse l’accusation d’antisémitisme, ils revendiquentvolontiers le qualificatif d’antisioniste. Si les mots ontencore un sens, être «antisioniste», c’est être opposéà l’existence d’un Etat juif sur la terre d’Israël.La communauté juive de France a dû faire un bienmauvais travail de pédagogie ces dernières annéespour qu’il y ait une telle incompréhension de la naturedu lien qui existe entre le peuple juif, et plus particu-lièrement les juifs de France, et Israël.Continuer de présenter Israël comme la dernière entre-prise coloniale, et donc les juifs de France comme lesderniers suppôts du colonialisme occidental, c’est tra-vestir l’histoire. L’attachement de la communauté juiveà Israël est un attachement religieux, culturel et politi-que et il ne date pas de la guerre des Six Jours ou mêmede 1948. Il a 2000 ans. On voudrait nous convaincreque l’idée d’une souveraineté juive sur la terre d’Israëln’est qu’une «invention» du sionisme politique, aumépris de la réalité historique de la présence juive mil-lénaire sur cette terre et, surtout, au mépris de la cons-cience collective des juifs en France et dans le monde.On peut choisir de balayer la centralité d’Israël dans

l’identité juive d’un revers de la main mais on feraitalors le jeu de ceux qui veulent que ce conflit tragiquene finisse jamais. Les juifs observants de France setournent trois fois par jour vers Jérusalem et prientpour l’arrivée du messie et d’une paix universelle. Lesmoins religieux se réunissent pour le Seder de Pâques,le nouvel an juif et le jour de Kippour où le lien indé-fectible du peuple juif à cette terre est partout affirmé.

Et même les juifs laïques, qui ne célèbrent rien de toutcela, célèbrent tout de même l’existence politiqued’un Etat juif souverain qui structure une identitéjuive meurtrie par des siècles de persécutions en Eu-rope et au Moyen-Orient.Pour être clair, il existe évidemment des sensibilitéspolitiques différentes dans la communauté juive fran-çaise, comme dans le reste de la diaspora, mais ceuxqui attendent de voir les juifs de France brûler des dra-peaux israéliens place de la République attendront en-core longtemps. On a bien vu quelques rabbins vêtusde noir et un peu agités en fin de cortège mais ils ap-partiennent à une secte minuscule qui s’est illustrée

en envoyant une délégation à la conférence négation-niste de Mahmoud Ahmadinejad. Quant aux groupus-cules marxistes qui ne revendiquent leur appartenanceau peuple juif que les jours de manifs, ils ne représen-tent qu’eux-mêmes et ils le savent pertinemment.Plutôt que de s’essouffler à trouver des «juifs de ser-vice», comme d’autres à l’extrême droite cherchentaujourd’hui leurs «Arabes de service», les organi-

sateurs des manifestations de cesdernières semaines devraient se de-mander pourquoi des organisationsprogressistes comme «La paix main-tenant» ou bien «JCall» se tiennentà l’écart. Peut-être est-ce parce queces manifestations, même lorsqu’el-

les ne sombrent pas dans la violence, condamnentmoins la politique d’Israël que son existence même?L’idée selon laquelle le soutient des juifs a l’Etat d’Is-raël conduirait à l’attaque de synagogues est un con-tresens historique. C’est bien entendu l’attaque de sy-nagogues et le meurtre de juifs qui a fini par rendrel’existence de l’Etat d’Israël indispensable.Au Proche-Orient comme place de la République, ilfaudra bien apprendre à vivre ensemble mais les juifsFrançais n’ont pas à se renier pour avoir le droit devivre paisiblement, chez eux.Noam Ohana écrit sur le conflit israélo-arabe depuis 2005et a publié «Journal de guerre», Editions Denoël, 2007.

Continuer de présenter Israël commela dernière entreprise coloniale, et donc les juifsde France comme les derniers suppôtsdu colonialisme occidental, c’est travestir l’histoire.

Par NOAMOHANA Diplôméde Sciences-Poet de Stanforden relationsinternationales

Qu’est-ce qu’un «bon» juif?

Les limites du soutien augouvernement israélien

Ainsi donc des juifs fran-çais ont manifesté poursoutenir l’Etat d’Israëldans son action à Gaza.

Cette nouvelle ne peut que renfor-cer l’inquiétude sur l’avenir desjuifs israéliens. Jusqu’ici, on pou-vait espérer que le bon sens l’em-porterait, que les Palestinienscontinueraient à faire la distinc-tion entre le peuple israélien etson gouvernement, que parmi lesIsraéliens un De Klerk émergeraitun jour et que la solution logiqueet juste finirait par prévaloir : laréconciliation, la coexistence desquelque dix millions d’êtres hu-mains qui vivent aujourd’hui en-tre le Jourdain et la mer, au seind’un Etat commun où ils seraienttous libres et égaux.Avec ce qui se passe en ce mo-ment à Gaza, cette perspectives’éloigne. Le danger est que s’ins-talle chez les Palestiniens unevraie détestation des juifs, en lesvoyant largement unis derrière ungouvernement qui envoie seschars et ses avions contre la po-pulation civile. Hier encore, laplupart des Palestiniens accep-taient l’idée de vivre avec les juifs

israéliens, dans le même pays etavec les mêmes droits. Désormais,ce qui risque de s’installer en Pa-lestine, c’est la haine ou tout aumoins la volonté de se débarrasserde ces gens-là.On dira que, justement, la mani-festation du 31 juillet avait pourbut d’aider Israël à maintenir saposition de force dans la région etface au monde. Cette aide est àcourte vue. Aucun Etat ne peutsurvivre durablement en menantune guerre éternelle contre ses

voisins – et les Palestiniens nesont pas seulement des voisinspuisque plus d’un million d’entreeux sont citoyens israéliens.Quelle que soit l’aide apportée àIsraël par les Etats-Unis et l’Occi-dent dans son ensemble, un jourle vent tournera et la force chan-gera de bord. Qu’adviendra-t-ilalors des juifs israéliens ? LeurEtat mène une politique de ré-pression coloniale mais, à lagrande différence des Françaisd’Algérie ou des Hollandais d’In-

donésie, les Israéliens n’ont pasde métropole de repli. Les diri-geants qui conduisent cette poli-tique d’un autre temps espèrent,peut-être à juste titre, que ça du-rera bien autant qu’eux. Maisceux qui pensent plus loin voientse profiler le désastre. C’estd’ailleurs par dizaines de milliersque des Israéliens demandent despasseports allemands, polonais ouautrichiens, pour le cas où…Les organisations qui affirmentreprésenter «les juifs français»

pourraient œuvrerà la réconciliation,soutenir la petiteminorité des Is-raéliens qui s’op-pose courageu-sement à la guerre.

Elles font tout le contraire carleurs meneurs ont pour règle desoutenir la politique du gouver-nement israélien quelle qu’ellesoit. Ils sont prêts à se battre pourl’Etat d’Israël jusqu’au dernierIsraélien. Leur appel à la mani-festation du 31 juillet est unemauvaise action qui renforce lespositions de ceux qui là-bascrient «Mort aux Arabes» et deceux qui mènent une opérationdestinée, effectivement, à tuerdes Arabes.

Par ÉRIC HAZANEditeur, écrivain

Cette aide est à courte vue. AucunEtat ne peut survivre durablementen menant une guerre éternellecontre ses voisins.

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 201418 • REBONDS

ANNONCES • 19

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LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014

Robin Williams,le pouêt-pouêt disparu

Robin Williams, en 2004,à Berlin. PHOTO NICOLAS GUÉRIN.CONTOUR BY GETTY IMAGES

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 201420 •

CINÉMA

DISPARITION Le comique boulimique, fidèle au stand-up età la télé, a connu la consécration grâce à ses rôles dramatiques.

L a mort de Robin Williams,63 ans, a quelque chose d’ungrand classique. Celle du comi-que de haut vol, frénétique et

sans limites, atteint du mal secret de ladépression, de la noirceur dissimuléederrière des avalanches perpétuellesd’éclats de rire. Cette dimension tragi-que, ponctuée de cures de désintoxica-tion et de longs moments d’absence,faisait partie de la panoplie de l’acteuraméricain qui, au cinéma, s’aventuraà plusieurs reprises dans des registresautres que celui de la comédie pure, songenre de prédilection.Ce sont d’ailleurs ses rôles dans le sur-mélo le Cercle des poètes disparus, de Pe-ter Weir, où il marque une générationd’ados en prof de littérature trop cool,et dans Will Hunting, de Gus Van Sant,où il interprète un psychiatre (oscar dumeilleur second rôle en 1997), que RobinWilliams acquiert un statut de vedetteà l’échelle internationale. Plus tard, iltentera même d’accentuer encore sa pa-lette dramatique, incarnant coup surcoup, en 2002, deux petits monstres. Untueur en série dans Insomnia, de Chris-topher Nolan, puis un obsessionnel in-quiétant dans le très oubliable Photo ob-session, de Mark Romanek.Pour autant, toute la carrière de RobinWilliams a été marquée, au cinéma,par une profusion de rôles comiques. Acommencer par le curieux Popeye, deRobert Altman, en 1980, qui désarçonnales fanas de la BD et ceux du réalisateuraméricain. «Si vous regardez le film enmarche arrière, vous vous apercevez qu’ily a une histoire», disait Williams. Plustard, le Monde selon Garp (1982) puis,surtout, Good Morning Vietnam, de BarryLevinson, où il incarne un militaire ani-mateur de radio déjanté alors que leconflit commence à peine à prendre del’ampleur, en fait une star du box-of-fice. Le film, sorti en France en 1988, futl’un des rares à essayer – sans réussirtout à fait– d’utiliser le talent singulierde Williams pour l’improvisation, imi-tant mille voix, changeant sans cesse depersonnalités, distribuant les vannes,bonnes ou mauvaises, à la vitesse d’unemitrailleuse.Ce statut de star lui ouvre, dans les an-nées 90, les portes de grosses produc-tions, généralement dans des rôles sur-mesure. Ce sera Hook, où Steven Spiel-berg fait de lui un Peter Pan devenuadulte, oubliant l’enfant qu’il fut; Ma-dame Doubtfire, de Chris Columbus, oùil perpétue une certaine tradition dutravestissement; Fisher King, de TerryGilliam, où il campe un clochard cheva-leresque ; ou encore Jumanji, de JoeJohnston, qui transformait une joliemaison bourgeoise en immense terrainde jeu bourré d’animaux sauvages.

UN BAIL AVEC LA TÉLÉ. Si la mort del’acteur a provoqué une telle émotionaux Etats-Unis (lire page 22), c’est parceque Robin Williams était surtout un pi-lier de la télévision, où il fit ses toutespremières armes. D’abord dans le showdu comique Richard Pryor, puis, en1974, avec un petit rôle dans Happy Days

(les Jours heureux), où il interprétaitMork, un extraterrestre. A ce sujet, leproducteur Gary Marshall avait racontéque lorsqu’il avait fait les auditions pourle rôle, le jeune comédien était entrédans son bureau et s’était installé tête enbas sur le fauteuil. Marshall ajoutant:«Je l’ai embauché immédiatement, carc’est le seul alien qui se soit présenté aucasting.» L’espace d’un épisode,Williams se fait tellement remarquer quela chaîne ABC offre au personnage sapropre série, Mork and Mindy, l’acteur

signant alors un très long bail avec le pe-tit écran. Dans des séries, des émissionsde variétés ou la totalité des talk-showsdont il devient le meilleur client.Là, en direct et sans filet, RobinWilliams se faisait un devoir de lâcherun vertigineux tapis de bombes fait devannes, de jeux de mots et de petitesvacheries sur ses contemporains. Pourdonner une idée de la cadence infernalequ’il pouvait tenir, un épisode resté cé-lèbre d’Actors Studio, l’émission deJames Lipton, est toujours consultablesur YouTube. Son entrée en scène, à elle

seule, dure cinq bonnes minutes avantque l’animateur puisse en placer une.Dans un avertissement aux spectateurs,en prologue de l’émission, Lipton juraitqu’une spectatrice avait dû être hospi-talisée lors de l’enregistrement, victimed’une hernie à force de se tordre de rire.

BLAGUES FÉROCES. Pour autant, cethumour frénétique, surfant sur l’actua-lité, sur un mot de l’animateur ou dupublic, aussi effarant ou drôle qu’ilpuisse être, amenait aussi aux confins

du malaise tant il étaitperceptible que le co-médien avait besoin des’étourdir, de se perdrelui-même dans cetocéan de non-sens, deblagues grivoises ouparfois franchement

vulgaires, ou de traits de génie qui lelaissaient hors d’haleine.Williams savait se montrer un peu cruel,notamment à l’égard de ses têtes deTurcs. Il s’en prenait souvent à OprahWinfrey, la papesse du talk-show amé-ricain, ou à Stephen Hawkins dont ilfaisait une imitation saisissante, laissantcroire que la voix synthétique du physi-cien paralysé était systématiquementconfondue avec son répondeur télépho-nique. Mais il réservait ses blagues lesplus féroces aux républicains, en parti-culier à Donald Rums-

Par BRUNO ICHERavec LISE MÉNALQUE

Robin Williams, en cure de désintoxicationdepuis juin, s’est apparemment suicidé lundi.

Un acteur qui se débattaitavec la dépressionR obin Williams est mort par as-

phyxie due à une pendaison.C’est ce qu’a assuré mardi soir

un représentant des autorités de Ma-rin County, en Californie, où l’acteurrésidait. Selon le lieutenant-adjointKeith Boyd, qui a livré des détailsglaçants devant des centaines dejournalistes, l’acteur a été retrouvélundi matin dans la chambre de samaison de Tiburon, au nord de SanFrancisco, alors qu’il avait «une cein-ture autour du cou et qu’il était dansune position assise, suspendu au des-sus du sol et maintenu par une ceinturequi était toujours accrochée dans l’en-cadrement de la porte». RobinWilliams avait également un couteaude poche près de lui, et portait desmarques de coupures aux poignets,qui ont toutefois été jugées superfi-cielles par les médecins. Autantd’informations qui confirment doncla thèse du suicide même si le bureaudu shériff de Marin County a refuséde livrer une conclusion définitive enprécisant que «pour l’instant, l’en-quête suivait son cours».C’est lundi matin, à 11 h 55, que lesautorités avaient reçu un appel d’ur-gence assurant «qu’un homme avaitété trouvé inconscient dans sa rési-dence et qu’il ne respirait plus». Quel-ques minutes plus tard, les secours

étaient sur place et identifiaient RobinWilliams, avant de le prononcer offi-ciellement mort à 12h02. La famille nerendra le décès public que dans la soiréelundi. Très vite l’attachée de presse del’acteur, Mara Buxbaum, avait publiéun communiqué pour expliquer queWilliams «avait dû combattre une sévèredépression ces dernières semaines». Uneinformation livrée également mardi soirpar la police. En juin, Robin Williamsavait ainsi fait savoir à la presse qu’ilsuivait une cure de désintoxicationcontre l’alcool.Très tôt dans sa carrière, le comédienavait souffert d’une forte addiction à lacocaïne, avant d’avoir des problèmesrécurrents avec l’alcool. En 2006, ilavait déjà intégré durant plusieurs moisun centre de désintoxication dans l’Ore-gon. Interrogée par plusieurs médias, laprésidente de l’Association américainede suicidologie, Julie Cerel, a préciséqu’en plus de ses addictions à la drogueet à l’alcool «Williams souffrait de trou-bles liés à une personnalité bipolaire».Dans USA Today, Ken Duckworth, le di-recteur de National Alliance on MentalIllness, a assuré que la mort de l’acteur«soulignait la nécessité de développer demeilleurs traitements pour tout ce qui tou-che à l’addiction et à la dépression».

De notre correspondant à New YorkFABRICE ROUSSELOT

QUARANTE ANS DE CARRIÈRE

«MORK AND MINDY» 1978-1982Spin-off de Happy Days, cette série d’une cen-taine d’épisodes fut créée sur mesure pour RobinWilliams dans le rôle d’un extraterrestre. Selon lalégende, les scénaristes avaient renoncé à écriretous les textes, abandonnant à l’acteur des espa-ces pour le laisser improviser à sa guise.

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Cet humour frénétique, aussi drôle qu’ilpuisse être, amenait aussi aux confinsdu malaise tant il était perceptible quele comédien avait besoin de s’étourdirdans cet océan de non-sens.

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«GOOD MORNING VIETNAM» 1987Vedette de la télé et du stand-up, Robin Williamsdécroche son premier grand succès au cinéma,assorti d’un Golden Globe, pour ce rôle d’anima-teur de radio qui divertit les troupes sur le front duVietnam. Le film de Barry Levinson est à voir impé-rativement en VO sous peine de périr d’ennui.

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«LE CERCLE DES POÈTESDISPARUS» 1989Cette guimauve signée Peter Weir marqueau fer rouge une génération entière quis’interroge sur l’existence, réelle ou imaginaire,de profs à la coule. Le film popularise en outrele «Carpe diem» d’Horace. Rien à voir avec lapêche à la mouche.

«MADAME DOUBTFIRE» 1993Après Julie Andrews dans Victor Victoria de BlakeEdwards et Dustin Hoffman dans Tootsie deSydney Pollack, tous deux sortis en 1982, RobinWilliams signe, dans un registre de pièce deboulevard réalisé par Chris Columbus, le retourdu travestissement comme ressort comique.

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D’Obama à Ben Stiller, l’Amérique à rendu hommage au comédien.

«Il a débarqué dans nos viescomme un extraterrestre»L’ un des premiers à réa-

gir sur Internet futl’acteur Ben Stiller, qui

avait dit un jour de RobinWilliams qu’il était l’un deses modèles. «Un tweet nepeut pas même commencer àdécrire l’immense âme et l’im-mense talent de RobinWilliams. C’est tellementtriste.» En quelques minuteslundi soir, c’est un déluged’hommages qui s’est abattusur les réseaux sociaux etdans les médias après l’an-nonce du décès de l’acteur etcomédien.Versatilité. Tout Hollywooda soudain pris d’assaut Twit-ter pour saluer un hommedont USA Today disait sobre-ment mardi «qu’il était bienplus qu’un comique». «OhRobin… Nos cœurs sont brisés.Repose en paix chéri. Ont’aime», a lancé l’actriceGoldie Hawn, qui l’avait ac-compagné dans plusieurs deses films. Sur les écrans detélévision, la mort deWilliams a soudain remplacéles reportages à Gaza ou auKurdistan irakien.«Ce soir, nous allons devoir

vous parler d’une autre actua-lité tragique», a lancé le pré-sentateur de CNN Wolf Blit-zer, au bord des larmes.«L’Amérique vient de perdreun grand homme.» Interrogésur toutes les chaînes d’info,Henry Winkler, le célèbreFonzie de la série téléviséeHappy Days, dans laquelleWilliams a fait ses débuts, re-marquait simplement que«personne n’aura jamais sastature, ni son aura», que«personne ne pourra jamaisprendre la place de RobinWilliams. Il était trop grand».Plus qu’Hollywood, c’esttout un pays qui semblaitpleurer un «génie comique»dont l’inventivité et la versa-tilité étaient reconnues detous. Sur tous les sites, desdizaines de milliers de per-sonnes ont posté des messa-ges. Barack Obama lui-même a publié un communi-qué pour exprimer sa «tris-tesse». «Robin Williams étaitun animateur de radio, undocteur, un génie, une nounou,un président, un professeur, unPeter Pan virevoltant et pleinde choses encore, a estimé le

Président, mais il était surtoutunique. Il a débarqué dans nosvies comme un extraterrestremais il nous a touchés au plusprofond de notre âme.»De nombreux journaux sou-lignaient comment Williamsavait su marquer plusieursgénérations. Mais surtoutcomment l’acteur avait eul’intelligence et le talent des’approprier tous les sujets,passant au cinéma d’un rôlecomique à un rôle tragique,faisant valoir ses positionspolitiques très à gauche pourl’Amérique lors de numérosde stand-up mirobolantsdurant lesquels il improvisaitsans cesse. «Rien n’échappaità Robin Williams», écrit leLos Angeles Times, «il étaitpartout, à tous les instants».Selon le critique de cinémaGene Seymour, les addic-tions de Williams à la drogueet à l’alcool ou ses épisodesdépressifs n’ont jamais en-tamé l’amour que le publicavait pour lui et sa capacité àdonner le meilleur de lui-même. «Pour beaucoup d’en-tre nous, depuis quarante ansou plus, Robin Williams était

une force de la nature irrésisti-ble, que rien, pas même les dé-mons dans sa tête, ne pouvaitstopper», assurait-il dansune tribune publiée sur lesite de CNN.Ambassadeur. D’autres ontchoisi de mettre en avant lagénérosité d’un homme quiétait très actif auprès des or-ganisations caritatives. Trèstôt dans sa carrière, en com-pagnie de Whoopi Goldberget de Billy Crystal, Williamsfut l’un des ambassadeurs deComic Relief, qui se bat pourles sans-abri aux Etats-Unis.«Il venait d’une famille aiséeet il a grandi avec une cuillèreen argent dans la bouche. Ilvoulait faire quelque chosepour tous ceux qui n’ont paseu la même chance que lui», ajugé Bob Zmuda, le fonda-teur de l’association.Mardi, les tweets conti-nuaient de saluer l’acteur ve-dette d’Aladdin, que Williamsconsidérait comme l’une deses meilleures performancesau cinéma. «Génie, tu es li-bre», a commenté le comé-dien Chris Rock.

F.Ro. (à New York)

feld, George W.Bush ou sa mère, Barbara, dont il disait,sérieusement, «comme personnages gro-tesques, ils sont sans équivalent».Sur lui-même, Williams pouvait aussise montrer sans pitié. Maintes fois in-terrogé sur ses addictions à l’alcool etla drogue ou sur ses cures de désintoxi-cation, il gardait toujours un chapeletde plaisanteries en guise de bouclier. Aumagazine Time, en avril 2011, juste aprèsune énième cure, il expliquait posséderun vignoble dans la région de San Fran-cisco: «C’est comme Gandhi qui tiendraitun delicatessen.» Quelques annéesauparavant, il se souvenait ainsi de sapériode sous coke : «Je crois que la co-caïne est un moyen que Dieu a trouvé pournous dire qu’on gagne trop d’argent.»

MUTATION. Cette usine à vannes surpattes a tout appris sur les scènes destand-up de la côte Ouest. Durant sesannées à la prestigieuse Julliard School,un de ses professeurs, le comédien JohnHouseman l’avait invité à ne plus perdreson temps sur les bancs de l’école et à

se confronter à la jungle des petits clubsqui pullulent alors à New York. Williamssuivra ce conseil et pourra approcher deses deux maîtres, Richard Pryor et Jo-nathan Winters, dont il disait qu’il étaitson mentor. «Je préférerais idole», ré-pondait toujours Winters.Cet appétit effarant pour le stand-upn’a jamais quitté Robin Williams. Aprèsune longue pause dans les années 2000,il revient en 2008, sous forme d’unetournée dans 26 villes intitulée «Wea-pons of Self Destruction». Un triompherelayé sur HBO.Depuis plus dix ans, le cinéma avait prisses distances avec Robin Williams. De-venu champion des voix dans les filmsd’animation –héritage d’une prestationfameuse en génie de la lampe, dansAladdin– mais aussi de petits rôles dansdes comédies médiocres, l’acteur sem-blait privilégier sa mutation en acteurdramatique. Sans grand succès. Parmiles projets qui lui sont passés sous le nez,Harvey Milk de Gus Van Sant (rôle finale-ment offert à Sean Penn qui ramassa unoscar au passage) ou Dark Knight Rises,

de Christopher Nolan, où il devait inter-préter le personnage d’Hugo Strange fi-nalement pas retenu dans le scénario.

ENTERREMENT. La télévision et la co-médie sont restées, au cours de ces der-nières années, ses plus fidèles alliées.The Crazy Ones, la série de DavidE. Kelley, lui offre le premier rôle au côtéde Sarah Michelle Gellar, mais la sériene survit pas à sa première saison. En-fin, il y a deux ans, Robin Williams avaitfait une apparition dans Louie, la sérieacide de Louis C.K. Dans cet épisode, lecomédien incarnait un vieux comiquefatigué, affublé d’une barbe blanche,copie du bouc arboré par Louis C.K. Lesdeux hommes se croisaient à l’enterre-ment d’un vieil ami, seuls à s’être dé-placés. Pour lui rendre hommage, aprèsla cérémonie, ils se rendaient dans unbar à hôtesses où le défunt avait ses ha-bitudes. En se séparant, ils se faisaientune promesse : quand le premier desdeux mourra, l’autre assistera à ses fu-nérailles. C’était drôle et un peu triste.Aujourd’hui, c’est le contraire. •

Suite de la page 21

«WILL HUNTING» 1997Réalisé par Gus Van Sant, le film consacre l’acteurqui décroche un oscar du meilleur second rôlepour son interprétation du psychiatre qui mur-mure à Matt Damon: «Ce n’est pas ta faute.»Il paraît que, depuis sa tombe, Sigmund Freuden a fait un double salto.

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«INSOMNIA» 2002Robin Williams se radicalise dans les rôles antipa-thiques. Le plus réussi est Insomnia, de Christo-pher Nolan, où il incarne un tueur en série traquéen Alaska par un Al Pacino au sommet de soncabotinage en flic incapable de trouverle sommeil.

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LE STAND-UPDans les années 70, Robin Williams y a appris sonmétier, écumant tous les clubs de San Franciscoet de Los Angeles. Après avoir triomphé dansles années 80, se produisant même au célèbreMetropolitan de New York, il continuait, encorerécemment, à se produire dans de petits clubs.

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 201422 • CINÉMA

LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 15 560 250 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. Associés SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.et de Presse MediaParticipations SASau capital de 2 532 €

Co-gérantsLaurent JoffrinFrançois Moulias

Directeur de la publication Laurent Joffrin

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertEric DecoutyFrançois SergentAlexandra Schwartzbrod

Directrice adjointede la rédaction,chargée des N° spéciauxBéatrice Vallaeys

Rédacteurs en chefChristophe Boulard (tech) Olivier Costemalle(éditions électroniques)Gérard LefortFabrice RousselotF. Marie Santucci (Next)

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Rédacteurs en chef adjoints Bayon (culture)Michel Becquembois (édition)Jacky Durand (société)Matthieu Ecoiffier(politique)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Elisabeth Franck-Dumas(culture)Florent Latrive (éditionsélectroniques)Luc Peillon (économie)Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Richard Poirot(éditions électroniques)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Fabrice Tassel (société)Gérard Thomas (monde)

Directeur administratif et financierChloé Nicolas

Directeur commercial Philippe [email protected]

ABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine : 371€.

PUBLICITÉ Directeur général deLibération MédiasJean-Michel LopesTél. : 01 44 78 30 18 Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67

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Imprimé en France Tirage du 12/08/14:120 723 exemplaires. Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP: 1115C 80064.

ISSN 0335-1793.La responsabilité du jour nalne saurait être engagée encas de non-restitution dedocuments .Pour joindre un journalistepar mail : initiale dupré[email protected]

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LLEE MMAATTIINN Forte dégradation pluvieusesur la majeure partie du pays. Des oragesparfois violents éclatent du golfe du Lionaux Alpes ; ils donnent de très fortespluies entrainant des cumuls importants.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Les fortes pluies ne concer-nent plus que le nord-est mais le tempsredevient sec dans le sud-est où le mistral semet en place. Retour des éclaircies à l'ouestet des averses de la Bretagne au nord.

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Averses orageuses d'actualité pour lesrégions du nord-ouest. Sur la moitié sud,le temps est sec, bien plus ensoleillétoutefois près de la Méditerranée.

JEUDI !#Ciel partagé entre nuages et éclairciesavec des averses pour un large quartnord-est. Mistral faiblissant en Méditer-ranée. Une certaine fraîcheur persiste.

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A LA TELE CE SOIR20h55. Mentalist.Série américaine :L’art du mensonge,Bombe humaine,Les masques tombent,Le doute.Avec Simon Baker.0h00. Les experts :Miami.Après la fête...,Tous à terre,L’heure tourne... Série.2h35. Katia Kabanova.Spectacle.

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20h45. Rugby féminin :France / Canada.1/2 finale,Coupe du monde de rugby féminin.Sport.22h50. MontreuxComedy Festival 2012.Carte blanche à Jérémy Ferrari &Arnaud Tsamere.Spectacle.0h00. Teen wolf.3 épisodes.Série.

20h40. La maisonFrance 5.Magazine présenté parStéphane Thebaut.21h45. Silence, ça pousse !Magazine.22h35. C dans l’air.Magazine présenté par Axel De Tarlé.23h45. Des trains pascomme les autres.Documentaire.0h35. Eau : à votresanté ?

20h40. Cauchemar en cuisine.Le Old Neighborhood,Le Kati Allo,Le Ms. Jean,Le Barefoot Bob’s.Divertissementprésenté par Gordon Ramsay.23h40. Restaurantimpossible.L’Anna Maria,Le Del’s.Divertissement.1h05. Paris dernière.

20h50.Transmorphers 2.Téléfilm de ScottWheeler.Avec Bruce Boxleitner,Jennifer Rubin.22h20. Americanwarship.Téléfilm de ThunderLevin.Avec Mario VanPeebles.0h00. Air force 2.Téléfilm.

20h50. Les 100 plus grands.Perles des jeux TV.Divertissementprésenté par Jean-Pierre Foucault.23h00. Les 100 plus grands.Les gaffes à la télé.Divertissement.1h05. Fan des années 2000.Année 2006.Divertissement.2h50. TMC Météo.

20h50. Relookingextrême : spécialobésité.Chantell (1 & 2/2).Divertissementprésenté par Chris Powell.22h20. Relookingextrême : spécialobésité.David et Rebecca (1 & 2/2),Ryan (1 & 2/2).Divertissement.1h45. Météo.

20h45. L’instit.Téléfilm français :Le trésor de l’anse du bout.Avec Gérard Klein.22h20. L’instit.Téléfilm français :Main dans la main.Avec Gérard Klein.23h55. L’instit.L’enfant dans les arbres.Téléfilm.1h35. Monk.Monk joue au golf.Série.

20h50. L’été d’en quêted’actualité.Repas d’été : commentmieux manger sans seruiner ?Magazine présenté parGuy Lagache.22h30. L’été d’en quêted’actualité.Pesticides agricoles,élevages intensifs : y a-t-il un danger ?Magazine présenté parGuy Lagache.

20h50. SœurThérèse.com.Téléfilm français :Juliette est de retourAvec DominiqueLavanant, MartinLamotte.22h35. SœurThérèse.com.Gros lot,Sang d’encre.Téléfilm.1h50. Une inaccessibleséductrice.

20h50. CommissaireMoulin.Téléfilm français :Les moineaux.Avec Yves Rénier,Clément Michu.22h30. CommissaireMoulin.Téléfilm français :Série noire.Avec Yves Rénier.0h10. Programmes de nuit.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

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FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

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A LA TELE CE SOIR20h55. Mentalist.Série américaine :L’art du mensonge,Bombe humaine,Les masques tombent,Le doute.Avec Simon Baker.0h00. Les experts :Miami.Après la fête...,Tous à terre,L’heure tourne... Série.2h35. Katia Kabanova.Spectacle.

20h50. Athlétisme :Championnatsd’Europe à Zurich.Sport commenté parPatrick Montel,Alexandre Boyon etStéphane Diagana.22h25. Dans les yeuxd’Olivier.Elles font régner la loi.Magazine.0h00. L’amour, la mort,les fringues.1h35. Toute unehistoire.

20h55. Festivalinterceltique de Lorient 2014.La grande parade desnations celtes.Spectacle présenté parChristophe Guyomard.22h50. Nolwenn Leroyen concert à Saint-Brieuc.Les meilleurs moments.Spectacle, 55mn.23h50. Soir 3.0h20. Les plus beauxairs celtes.

20h55. Upside down.Film fantastique franco-canadien de JuanSolanas, 100mn, 2012.Avec Kirsten Dunst, Jim Sturgess.22h40. Those who kill.Série américaine :Souvenirs,D’un père à l’autre.Avec Chloë Sevigny,James D'Arcy.0h05. Zero dark thirty.Film.2h35. Sous le figuier.

20h50. Le distrait.Comédie française dePierre Richard, 85mn,1970.Avec Pierre Richard,Marie-ChristineBarrault.22h10. Le libraire de Belfast.Documentaire.23h05. Mon frère le missionnaire.Documentaire.0h40. Camaradescosmonautes.

20h50. D&CO, une semaine pour toutchanger.Sylvain et Karine.Magazine présenté parValérie Damidot.23h00. D&CO, une semaine pour toutchanger.Éric et Isadora.Magazine présenté parValérie Damidot.1h25. Une montagned’amour.Téléfilm.

20h45. Rugby féminin :France / Canada.1/2 finale,Coupe du monde de rugby féminin.Sport.22h50. MontreuxComedy Festival 2012.Carte blanche à Jérémy Ferrari &Arnaud Tsamere.Spectacle.0h00. Teen wolf.3 épisodes.Série.

20h40. La maisonFrance 5.Magazine présenté parStéphane Thebaut.21h45. Silence, ça pousse !Magazine.22h35. C dans l’air.Magazine présenté par Axel De Tarlé.23h45. Des trains pascomme les autres.Documentaire.0h35. Eau : à votresanté ?

20h40. Cauchemar en cuisine.Le Old Neighborhood,Le Kati Allo,Le Ms. Jean,Le Barefoot Bob’s.Divertissementprésenté par Gordon Ramsay.23h40. Restaurantimpossible.L’Anna Maria,Le Del’s.Divertissement.1h05. Paris dernière.

20h50.Transmorphers 2.Téléfilm de ScottWheeler.Avec Bruce Boxleitner,Jennifer Rubin.22h20. Americanwarship.Téléfilm de ThunderLevin.Avec Mario VanPeebles.0h00. Air force 2.Téléfilm.

20h50. Les 100 plus grands.Perles des jeux TV.Divertissementprésenté par Jean-Pierre Foucault.23h00. Les 100 plus grands.Les gaffes à la télé.Divertissement.1h05. Fan des années 2000.Année 2006.Divertissement.2h50. TMC Météo.

20h50. Relookingextrême : spécialobésité.Chantell (1 & 2/2).Divertissementprésenté par Chris Powell.22h20. Relookingextrême : spécialobésité.David et Rebecca (1 & 2/2),Ryan (1 & 2/2).Divertissement.1h45. Météo.

20h45. L’instit.Téléfilm français :Le trésor de l’anse du bout.Avec Gérard Klein.22h20. L’instit.Téléfilm français :Main dans la main.Avec Gérard Klein.23h55. L’instit.L’enfant dans les arbres.Téléfilm.1h35. Monk.Monk joue au golf.Série.

20h50. L’été d’en quêted’actualité.Repas d’été : commentmieux manger sans seruiner ?Magazine présenté parGuy Lagache.22h30. L’été d’en quêted’actualité.Pesticides agricoles,élevages intensifs : y a-t-il un danger ?Magazine présenté parGuy Lagache.

20h50. SœurThérèse.com.Téléfilm français :Juliette est de retourAvec DominiqueLavanant, MartinLamotte.22h35. SœurThérèse.com.Gros lot,Sang d’encre.Téléfilm.1h50. Une inaccessibleséductrice.

20h50. CommissaireMoulin.Téléfilm français :Les moineaux.Avec Yves Rénier,Clément Michu.22h30. CommissaireMoulin.Téléfilm français :Série noire.Avec Yves Rénier.0h10. Programmes de nuit.

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LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014 JEUX-METEO • 23

24 • CULTURE

«Le Grand Homme»,légion dangereuseÉPOPÉE Inspiréepar le mythe deGilgamesh, SarahLeonor suit avec talentet délicatesse lestribulations de troissuperbes héros.

A ux grands hommes, la patrien’est pas toujours reconnais-sante. Il n’est pas question icidu taux –élevé– de remplis-

sage du monument de la montagneSainte-Geneviève, mais bien de la défi-nition moderne du qualificatif : c’estquoi, aujourd’hui, un grand homme ?Sarah Leonor prend tout son tempspour répondre à la question contenuedans le titre du film, curieusement aussi

anodin en apparence qu’entêtant dansle déroulement du récit.

DRAPEAUX. Ils sont trois à postuler à ladistinction. Deux amis, Hamilton (Jéré-mie Renier) et Markov (Surho Sugai-pov), sous-officiers dans la Légionétrangère qui bravent le danger dans unavant-poste d’Afghanistan pour trom-per l’ennui et mesurer leur bravoure. Letroisième est un enfant, Khadji, le filsde Markov, que son père a confié à desamis le temps de finir ses cinq années

de service sous les drapeaux. A la clé,un enjeu de taille : la nationalité fran-çaise et la fin des ennuis.Chacun de ces trois individus, au coursdu récit, mérite amplement qu’on luireconnaisse le titre de «grand homme».Markov parce qu’il sauve son ami, Ha-milton parce qu’il démontre sa grati-tude avec un panache admirable et en-fin le jeune Khadji parce rien n’est plusdifficile pour un enfant que d’avoir àprendre des décisions d’adulte, et dedevoir s’y tenir.

Par BRUNO ICHER

Surho Sugaipov et RamzanIdiev, héros de père en fils.PHOTO LES FILMS ATARI

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014

CULTURE • 25

Pour construire ce récit traversé pardes problématiques de société qui fontrarement les grands films (sans-pa-piers, exil, surdité des institutions…),Sarah Leonor a mis dans lemille de la modernité et duromanesque. Elle s’est ins-pirée de l’Epopée de Gilga-mesh, légende antique deMésopotamie qu’elle a dé-couverte dans sa traductionfrançaise alors qu’elle venaitde vivre deux deuils : celui de sonpère et celui de Guillaume Depardieu,avec lequel elle avait réalisé le dernierfilm du jeune comédien, le magnifiqueAu voleur. Le mythe, qui explore lesmystères de la vie et de la finitude autravers des aventures du jeune roiGilgamesh et de son jumeau antago-niste, Enkidu, a trouvé en elle un échointime et violent.La transposition du mythe dans le Parisd’aujourd’hui, encadré de deux épiso-des solaires en Afghanistan et à Mar-seille, n’a rien d’un artifice. Les deux

soldats revivent, sans le savoir, et sansqu’il n’en soit jamais fait mention,l’amitié fusionnelle du roi de Mésopota-mie et de son double, faisant l’appren-tissage douloureux de la séparation,voyant leurs illusions d’immortalité etde jeunesse fracassées par l’expériencede la mort de l’un d’eux. Souviens-toique tu vas mourir…

SOUFFLE. Outre la délicatesse de lamise en scène, le Grand Homme doitaussi beaucoup à son trio de comédiens,Jérémie Renier, en dépit d’une filmo-graphie bien remplie (33 ans, 50 films),réussissant une fois encore le tour deforce de surprendre, ici dans le registredu dur-à-cuire. Construit en segmentsde durée sensiblement équivalente,manière de dire qu’aucun des person-nages n’est réellement le héros de cettehistoire, le film déroule alors une méca-

nique de tragédie où les héros, faute demieux, se mesurent aux rouages rouillésd’une société à bout de souffle. Lesépreuves n’en sont pas moins dureset, finalement, la leçon est toujoursaussi cruelle. Etre un homme, un grandhomme, c’est comprendre que l’on vamourir, et que personne d’autre quesoi-même ne pourra reconnaître sa bra-voure et son sens de l’honneur. •

LE GRAND HOMMEde SARAH LEONOR avec JérémieRenier, Surho Sugaipov, Ramzan Idiev… 1h37.

Pour construire ce récit traversépar des problématiques de sociétéqui font rarement les grands films,Sarah Leonor a mis dans le millede la modernité et du romanesque.

La réalisatrice Sarah Leonor raconte son empathie pour ses personnages:

Je ne voulais certainement pasfaire un film à thèse parce que,personnellement, je n’ai pas dethèse sur les gens qui viventsans papiers en France, sur lesusages dans la police ou la Lé-gion étrangère.

Je me suis aidée del’architecture du my-the pour

construire des per-sonnages dont je mesens proche, et dontje ne voulais pasqu’ils soient desfonctions. Parexemple, je répétaisà Surho Sugaipovque son personnage de Markovn’était pas une victime, qu’ilétait bien plus que cela, surtoutdans sa recherche identitaire.Vous semblez aussi éprouver unecertaine empathie pour les per-sonnages qui ne sont que lesrouages d’une bureaucratie?Il m’a semblé intéressant deconstruire des personnages pris

dans l’engrenage des lois. J’aiporté beaucoup d’attention àcelui du policier qui envoiel’enfant dans un foyer. On voitbien qu’il n’a pas très envie defaire ça, mais il ne sait pas quoifaire d’autre, même les mots luimanquent. Ce qui rend la situa-tion encore plus insupportable.

Le titre ne cesse d’in-terroger le spectateursur l’identité du«grand homme».J’ai longtemps cher-ché avant de revenirsur le sous-titre de latraduction de l’épo-pée de Gilgamesh par

Jean Bottéro : «Le GrandHomme qui ne voulait pasmourir». Il aurait été difficilede le reprendre tel quel mais,avec la construction du scéna-rio en segments –chacun étantconsacré aux personnagesprincipaux–, j’ai pensé que ceserait une interrogation qui tra-verserait tout le film. Sur le

tournage, les trois comédiensm’ont demandé qui était fina-lement le grand homme du ti-tre. A chacun, j’ai répondu :«Toi !» Et je ne mentais pas.Le fait de commencer et de finirle film par des séquences très lu-mineuses est un choix dèsl’écriture?Absolument. Je trouvais inté-ressant ce contraste qui donnedu mystère aux ombres et auxténèbres de tout le récit.La scène ou la séquence dontvous êtes particulièrement fière?En salle de montage, j’ai prisbeaucoup de plaisir à revoir lascène opposant le personnagede Jérémie Régnier et l’enfant.Quand ce soldat un peu perdudit à l’enfant qu’il va le recon-duire au foyer, celui-ci lui lanceun regard de colère d’une du-reté qui continue aujourd’hui àme bouleverser et que je suisheureuse d’avoir pu traduiredans le film.

Recueilli par B.I.

«Je ne voulais certainement pasfaire un film à thèse»S arah Leonor, née en 1970 à

Strasbourg, signe avec leGrand Homme son troi-

sième long métrage après le Lacet la Rivière et Au voleur.Vous dites vous être inspirée dumythe de Gilgamesh…Je ne voulais pas faireune adaptation dutexte mais le trans-poser dans un mondecontemporain en respectantses principes de base. «LeRoyaume», c’est la Franced’aujourd’hui, les guerriers, cesont des soldats, l’amitié entrele roi Gilgamesh et son jumeauantagoniste, Enkidu, pointcentral de l’épopée, est celle quiunit les deux personnages adul-tes… J’ai simplement inventé lepersonnage de l’enfant quicontient en lui l’idée même dela finitude et de la transmission.Les thèmes d’actualité (lessans-papiers, les institutionsdépassées par la situation…)sont toujours en marge du récit.

CLA

IRE

NIC

OL

INTERVIEW

LES FILMS DE LA DRÈVE PRÉSENTENT

LE GRAND PAYSAGE D’ALEXIS DROEVEN UN FILM DE JEAN-JACQUES ANDRIEN

JERZY RADZIWILOWICZ, MAURICE GARREL, NICOLE GARCIADANS

MENTION SPÉCIALE DU JURYBERLIN 1981

GRAP

HISM

E CH

RIST

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HUC

« UN CHEF-D’ŒUVRE. » THE VILLAGE VOICE

AU CINÉMALE 13 AOÛTVERSION RESTAUREE

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014

26 • CINÉMA

SF Raton laveur de l’espace, arbre humanoïde et héros un peu branques…la nouvelle production de Marvel est un film de commando plutôt inventif.

James Gunn,fidèle à la galaxieLES GARDIENSDE LA GALAXIEde JAMES GUNN avec Chris Pratt,Zoe Saldana, Dave Bautista… 2h01.

M arvel Studios a les crocs.Après le carton interna-tional de The Avengers, la

Terre est devenue un terrain de jeutrop petit. Direction l’espace. Pasde Captain America ou d’Iron Manà l’horizon. Cette fois-ci, l’avenirde l’humanité et d’autres races(mais qui s’en soucie) repose surles larges épaules de Peter Quill(Chris Pratt), aventurier ramenardet voleur de bas étage, traqué parla moitié de la galaxie pour avoirpiqué une relique sur une planètedésolée. A ses trousses, deuxchasseurs de primes: Rocket Rac-coon, un raton laveur soupe au laitet amateur de gros calibres, etGroot, un arbre humanoïde et mo-nosyllabique (les seuls mots qu’ilest capable de prononcer sont «Iam Groot» et uniquement dans cetordre). La fine flore de l’espacequoi…Chef scout. Le trio se retrouverapidement en taule, forcé desympathiser pour retrouver la li-berté et planquer le précieux arte-fact qui attire les convoitises desalauds taille XXL. Une assassin

vert-de-Hulk (Gamora) et un bar-bare maniaco-dépressif (dont lecerveau semble incapable des’élever au-dessus du niveau de lamer) viennent compléter la mau-vaise troupe.Plus qu’aux autres films de super-héros, les Gardiens de la galaxieemprunte aux Douze Salopards ouau Club des cinq. Comme tout filmde commando qui se respecte,

l’ensemble repose avant tout sur laconstitution du groupe et sur ladynamique que ses différents élé-ments sont capables d’insuffler.En la matière, le film de JamesGunn n’a pas à rougir. Chris Pratt(déjà croisé dans The Lego Movie oula série Parks and Recreation), lechef scout de la bande, est telle-ment convaincant en Han Solo dupauvre qu’il fait oublier toutes lesfautes de goût en matière de dé-cors trop bariolés ou de planètes etautres vaisseaux tristement stan-dardisés. A côté de lui, Groot etRocket apportent une dimensionbuddy movie, façon good cop-

bad cop, rafraîchissante pour descréatures en images de synthèse.Les voix de Bradley Cooper et deVin Diesel aidant.Déferlante. Quintessence du filmde studio, les productions estam-pillées Marvel ne valent que par lacapacité de leur réalisateur à trou-ver des interstices entre le scéna-rio, le casting et les scènes de bas-ton imposées où ils peuvent glisser

leur patte. Pour un JossWhedon qui parvient àinsuffler un ton au pa-quebot Avengers, com-bien de Kenneth Branagh(Thor) ou de franginsRusso (Captain America)

aux très fades livraisons. En chargedu projet Ant Man, Edgar Wright(Shaun of the Dead, Scott Pilgrim…)a, lui, préféré laisser tomber plutôtque de se plier aux desiderata dupatron de Marvel Studios, KevinFeige. Le pari des Gardiens de lagalaxie semblait d’autant plus cas-se-gueule que le comic book estlui-même une niche au milieu del’univers Marvel.James Gunn s’en sort étonnam-ment bien, notamment parce qu’ila obtenu d’être chargé de l’écri-ture. Si le scénario n’échappe pasau côté «chaîne alimentaire» (lehéros doit échapper au méchant

du jour, mais un plus gros préda-teur se cache derrière les buis-sons), le ton suffit à rendre le filméminemment sympathique et à ledistinguer de la masse des bloc-kbusters estivaux. La grande trou-vaille de James Gunn est d’avoirrefusé de se lancer dans la suren-chère des gadgets futuristes et, aucontraire, de jouer la carte du low-tech. En jetant dans les pattes deson héros un doudou en forme deWalkman, le cinéaste multiplie lespas de côté et balance des tubesdes années 60 et 70 (David Bowie,Marvin Gaye, les Runaways…)ou des slows qui désamorcent l’as-pect déjà-vu de certaines scènes.Dans le genre, voir le héros d’unfilm de SF se lancer dans unetirade sur les vertus pacificatricesde Footloose (oui, LE Footloose de1984 avec Kevin Bacon) a de quoidésarçonner.Avant même le démarrage canonau box-office américain, JamesGunn était assuré de se voir con-fier le second épisode des Gar-diens. Une goutte d’eau dans ladéferlante qui se prépare. KevinFeige a déjà annoncé onze nou-veaux films Marvel d’ici 2019 et onvous épargne les séries télé…L’ogre est loin d’être rassasié.

MARIUS CHAPUIS

En jetant dans les pattes de sonhéros un doudou en forme deWalkman, le cinéaste multiplieles pas de côté.

Chris Pratt (à droite) en Peter Quill se la joue sauveur de l’univers, assisté par Drax, Gamora et Groot, l’arbre à la voix de Vin Diesel. PHOTO MARVEL

LA DUNE de YOSSI AVIRAMavec Niels Arestrup, Lior Ashkenazi,Guy Marchand, Emma de Caunes,Mathieu Amalric… 1h26.

S’ il ne fallait qu’une seule rai-son d’aller voir la Dune, lepremier film de l’Israélien

Yossi Aviram, ce serait l’étonnantcouple que forment Niels Arestrupet Guy Marchand. Les deux hom-mes ont assez de bouteille et de ta-lent pour transformer l’improbableen évidence, sans surjouer, ni mi-nimiser l’affaire. L’image de cesdeux vieux homos à l’orée de la re-traite, qu’accompagne un chienlourd et fatigué, n’est semble-t-ilpas née par hasard dans l’imagi-naire de Yossi Aviram qui, il y aquelques années, signait un docu-mentaire (Deux Vieux Garçons)narrant l’histoire de son oncle et deson compagnon en couple depuistrente-cinq ans à Paris.Mais ce serait dommage de réduirel’étonnant charme de ce film à ceduo d’acteurs. Ce serait oublier lesilence, qui en est le héros princi-pal. Un silence percé des bruits dela nature – le pépiement d’unoiseau au petit matin ou le gronde-ment du tonnerre avant la pluie –ou chargé des sentiments comple-xes que moulinent les différentspersonnages: la honte, la quête, lasouffrance, la solitude, l’entre-deux.L’intrigue tient en quelques lignes.Un homme, que l’on voit d’abordévoluer en Israël, son pays, est re-trouvé un matin inconscient surune plage déserte d’un village desLandes. A son réveil, il se muredans le silence. Il attend quelquechose ou quelqu’un. A Paris, l’ins-pecteur Ruben Verdi, vieux bris-card dépressif de la section des dis-parus, décide pour une raisoninexpliquée de descendre dans lesLandes à la rencontre de l’inconnu.Yossi Aviram s’est, dit-il, large-ment inspiré de l’histoire de celuiqu’on avait appelé «le pianiste»,cet homme retrouvé il y a quelquesannées sur une plage en Angle-terre, muet mais génial dès qu’ils’asseyait devant un piano.Dans la Dune, le piano est remplacépar les échecs, et l’inconnu est in-terprété par le magnifique Lior As-hkenazi, acteur fétiche du réalisa-teur israélien Eytan Fox(The Bubble, Tu marcheras surl’eau…) qui réalise cette prouessede séduire une femme (Emma deCaunes, tout en douceur et pé-tillance) sans prononcer le moindremot.

ALEXANDRA SCHWARTZBROD

DISPARU Arestrupet Marchand entreles Landes et Israël.

«La Dune»,la positiondu motus

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014

LA ROUTE DU SIRQUENexon (87). Du 15 au 23 août.Rens.: 0555009836ou www.cirquenexon.com

D es balles volantes et dela poésie du mouve-ment. La commune de

Nexon (Haute-Vienne) ac-cueille le festival la Route dusirque, organisé par le Pôlenational des arts du cirque enLimousin. Pas de faute d’or-thographe ici: un cirque avecun «s», parce que surpriseset approche plurielle des artsdu spectacle. Au programme,beaucoup de jonglerie, avecnotamment le papa du re-nouveau de cet art en Eu-rope, Jérôme Thomas. Et dujazz manouche, des expos…«Ecriture». Bordé par leparc naturel régional Péri-gord-Limousin, ce rendez-vous n’est pas un simple ras-semblement de troubadoursaux idées libertaires sous unchapiteau éclairé par deslampions. Il est un labora-toire d’idées, labellisé par leministère de la Culture de-puis la création du festivalen 2001.L’histoire du Pôle nationaldes arts du cirque remonteplus loin : il est créé en1986 sur l’impulsion d’AnnieFratellini qui, cherchant unlieu pour entraîner sa troupel’été, a été séduite par le do-maine du château de Nexon.Dans les années 90, MarcDélhiat et Guiloui Karl pren-nent le relais. En plus d’uncentre artistique permanent,ils créent des rencontres ci-

nématographiques qui vontse transformer au fur et àmesure en un festival popu-laire avec des performancesbien réelles.L’édition 2014 marque l’arri-vée d’un nouveau directeur:Martin Palisse, nommé enjanvier à la tête du pôle na-tional. L’homme arbore une

multitude de chapeaux declown. Artiste jongleur, il estégalement metteur en piste(ne pas confondre avec met-teur en scène) et fondateurde la compagnie du CirqueBang-Bang en 2000 avec sacompagne Elsa Guérin.La compagnie bénéficied’une renommée internatio-nale grâce à des spectaclescomme Post.Martin Palisse, 33 ans, faitpartie de ces gens qui voientla discipline au-delà de sonaspect purement récréatif :«Le cirque doit être au servicedes œuvres dramatiques. Il

faut une véritable écriture der-rière un spectacle.» Le nou-veau directeur ne renie paspour autant les origi-nes:«Bien sûr, le cirque est unart de la sensation. Mais jesouhaite que le public puise dela réflexion dans ce que nousfaisons.»Volonté. Précédemment,la programmation était pluséclectique afin d’attirer dupublic et dresser un pano-rama multidisciplinaire dumonde du cirque. Martin Pa-lisse souhaite pour sa partinsuffler de la nouveauté àNexon en misant sur l’avant-gardisme: «Ma direction ar-tistique, c’est un cirque public,engagé et accessible à tous.

Mais il ne fautpas non plustout casser d’uncoup ! On tra-vaille avec unpublic essentiel-lement rural, etle changement

doit certes se voir, mais surtoutêtre apprécié et accepté par lesspectateurs. C’est une révolu-tion à pas de velours.» Pas deprécipitation donc, mais unevolonté politique bien pré-sente dans les propos dujongleur sur le cirque actuel.«Aujourd’hui, on a une divi-sion flagrante entre les artistesqui sont dans une logique deperformance, et ceux dans unerecherche de création. C’estfacile de faire trois saltos pourépater la galerie, mais moinsaisé d’être dans la réflexion»,explique-t-il.

LISE MÉNALQUE

ARTS Le festival limousin la Route du sirque valorisedes compagnies engagées et avant-gardistes.

A Nexon, le spectaclejongle avec la réflexion

Les acrobates d’O Ultimo Momento présentent «Ce qui reste». PHOTO MILAN SZYPURA

«Le cirque est un art de lasensation. Mais je souhaite quele public puise de la réflexiondans ce que nous faisons.»Martin Palisse directeur du festival

HAUTE-VIENNE

DORDOGNE CORRÈZE

CREUSE

VIENNE

CHAR!

INDREE

Nexon

Limoges

30 km

Huppert, pas si Bonne à New York?Isabelle Huppert et Cate Blanchett jouent les Bonnes au Lin-coln Center de New York jusqu’au 16 août. La pièce de Genetde 1947 fait un tabac mais des critiques américains estimentque la Française a un problème linguistique. «Son anglais esttellement difficile à comprendre, qu’une partie essentielle de cettesoirée hyperdramatique s’effondre», écrit le Washington Post.«Miss Huppert» a pourtant tourné à Hollywood avec MichaelCimino et Hal Hartley sans que son accent fasse débat.

La stèle de la discorde sino-nipponeL’Association chinoise de réclamation de dommages et inté-rêts au Japon (CFDC) a, comme son nom l’indique, demandéà l’empereur du Japon Akihito la restitution d’une stèle vieillede 1300 ans, emportée par des forces japonaises il y a un siè-cle. Haute de 1,8 mètre, la stèle relate comment le premiersouverain du royaume de Balhae en Asie du Nord-Est avaitété adoubé par un empereur chinois de la dynastie Tang (618-907). Balhae (Bohai en chinois) est considéré par Séoul etPyongyang comme une ancienne entité coréenne, mais lesexperts chinois insistent régulièrement sur l’emprise cultu-relle et politique de la Chine impériale afin d’agacer les spé-cialistes et dirigeants sud-coréens.

Chômage sexuel à HollywoodLe nombre de boulards déclarés réalisés à Los Angeles a chutéde 90% entre 2012 et 2013 depuis la loi sur le port obligatoirede la capote. Les producteurs préfèrent tourner en Europede l’ex-Est ou au Brésil. «La perte d’une telle industrie va avoirde fortes conséquences négatives», a déclaré Stuart Waldman,président de la Valley Industry and Commerce Association.

«Je n’ai pas signé la lettre du New YorkTimes, car je ne pensais pas qu’elle étaitassez forte. Je pense que nous avons besoind’un boycott national d’Amazon,de tous les produits.»

Jonathan Franzen écrivain, à Libération, à propos du conflitentre Amazon et Hachette (lire Libération de mardi)

Roman Polanski a annoncé mardi qu’il renonçait à serendre au 67e festival du film de Locarno (Suisse), où ildevait être honoré jeudi. «Après avoir constaté quema présence au festival de Locarno aurait pu provoquerdes tensions et des controverses de la part de personnesqui s’y opposent, mais dont je respecte les opinions,je regrette de vous annoncer que j’ai renoncé àcontrecœur d’y participer», déclare le metteur en scène,âgé de 80 ans, dans un message diffusé par le festival.Après l’annonce de son invitation, une polémique avaitenflé sur les réseaux sociaux au Tessin, certainsdénonçant que celui qu’ils considèrent comme un criminel(il ne peut circuler qu’en France, Pologne et Suisse) soithonoré avec la diffusion de son film la Vénus à la fourrureet une master-class le lendemain. Polanski n’avait jamaisparticipé au festival de Locarno et il avait déclaré à laRadio télévision suisse se réjouir d’être invité par unfestival «très artistique, pas commercial comme Cannes».PHOTO ARND WIEGMANN. REUTERS

PAS DE PREMIÈRE FOIS À LOCARNOPOUR ROMAN POLANSKI

LES GENS

L’actualité syrienne pro-pose une sorte de remakedu Pianiste de RomanPolanski. La version con-temporaine se passeà Yarmouk, un camp deréfugiés palestiniens dansle sud de Damas assiégépar l’armée syrienne depuisplus d’un an, et où plus de200 personnes sont déjàmortes de privations, dont128 de faim, selon desONG. Ayham al-Ahmadtient, à son échelle, le rôlede Wladyslaw Szpilmaninterprété chez Polanskipar Adrian Brody. Il dit qu’ilpesait 70 kilos avant lesiège, et désormais 45.Mais son piano l’a accom-pagné dans le camp, et cetadmirateur de Haydn et dujazz oriental ne cesse del’utiliser. Il met en musiquedes chansons écrites pardes réfugiés du camp oud’autres de l’étranger. Il acréé «la troupe des jeunesde Yarmouk» parce que,«quand les enfants chan-tent, je sens qu’il y a encorede l’espoir», dit-il à l’AFP.Il a aussi formé une choralepour les tout petits, les«Bourgeons du Yarmouk».A l’origine, 150000 Palesti-niens et Syriens vivaientdans le camp où ils ne sontplus aujourd’hui que18000, nombreux étantceux qui ont pu fuir àl’étranger. Sa chansonFrère, tu nous manquesà Yarmouk est un tubesur les réseaux sociaux.

EN SYRIE, UNPIANISTE PREND LACLÉ DES CHANTS

L’HISTOIRE

Giovanni Mirabassi Trio Lepianiste italien à Paris, au jeumélodique et raffiné, inviteWarren Wolf au vibraphoneSunside, 60, rue des Lombards,75001. Du 13 au 16 août, à 21h.

Tony Tixier&invités Jeunepianiste d’origine martiniquaiseau jeu original Bab-ilo, 9, rue duBaigneur, 75018. Mercredi, à 21h.Gratuit.

Rodolphe Raffalli Cordesgypsies Atelier Charonne, 21, ruede Charonne, 75011. Mercredi,à 21h. Gratuit.

MÉMENTO

Précision Contrairementà ce qui était annoncé dansles pages Rebonds du12 août, le dernier ouvragede Robert Littell estRequiem pour une révolu-tion, qui vient de paraître(Baker Street).

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014 CULTURE • 27

L’AMOUR DU RISQUE 3/7 JUSTINE DUPONT

de labeur avec l’euphorie des passionnés: «J’adore l’océan !Même les petites vagues, je les surfe avec plaisir.»Justine Dupont n’est pas la surfeuse française la mieux classéedu moment. Au niveau hexagonal, elle figure juste dansle quatuor de tête, et le circuit mondial est dominé parles Hawaïennes et les Australiennes. C’est son kif des grandes,énormes vagues, qui nous a menés à elle. En clair: son côtétête brûlée de l’eau. Il l’a fait surfer des monstruosités jus-que-là chasses gardées des hommes. Telle Aileen, en Irlande,«spot» de surf grandiose en contrebas des vertigineusesfalaises de Moher. Face à ces rouleaux émeraude, hautsde 5 mètres et impérieux, un regard suffit à pétocher. LaBelharra, au Pays basque, est, elle, carrément culte, de cesvagues qui ne se forment que rarement et que l’aficionadoguette telle la comète. Et alors, c’est un mur de 8 à 15 mètresqui se dresse, pour une longue, immense descente.Dans quel état d’esprit est-elle avant d’affronter la bête?«La veille, je doute, je me dis: “Mais est-ce que je suis seulementcapable de la prendre, cette vague?” Et puis, le lendemain matin,dès le réveil, je suis dans les starting-blocks, avec l’envie d’y aller.Ah oui! j’ai hâte des grosses vagues… pour le challenge, l’adréna-line.» La jubilation est palpable, dans le regard vert de gris àl’iris cerclé d’orange, dans le sourire mi-cannibale mi-gamin.

A 22 ans, Justine Dupont alias «Titine» sur son adresse mail,reste nimbée d’adolescence, surfeuse à crinière blonde etgambettes fuselées comme dans les pubs mais pas pépée,moins coquette qu’athlète à enthousiasme multidirectionnel.Son prochain défi sera sportivo-écolo, en janvier et en relaisavec trois championnes du sauvetage côtier: rallier l’Antarc-tique à partir du cap Horn sur un paddle board, à la seule forcedes bras, allongée (et non debout avec une rame). «J’ai dit ouitout de suite : le dépassement de soi, ça me fascine.»Tomber, se faire avaler par la vague, se noyer: ce scénarion’est pas celui qu’elle appréhende. Prenez la Belharra :«Je m’en suis pris plusieurs sur la tête, c’est le jeu.» L’angoissese niche dans l’oreille. Se fêler le tympan comme à Hawaï.Déboussolée, perte d’équilibre : «J’ai vraiment eu peur.»Depuis, le port d’une cagoule ou de bouchons limite le risque.Notre avis: la mer impose à l’humain un statut de fétu, obligeà s’adapter à un élément ver-satile voire hostile, bref lamer est terrifiante. «On sesent petit mais libre, et c’estludique, il faut jouer avec l’élé-ment, pas contre, rétorque lasurfeuse. De toute façon, faceà l’océan, comme face à lamontagne, on sait déjà qui estle plus fort.» Glisser et non sehérisser, épouser plutôtqu’épuiser, communier plu-tôt que se faire prier. Elle re-conduit là l’image du surfhédoniste, peace, cool,nature friendly, comme droit sortie d’un roman de Kem Nunn.Elle précise : «Pour les très grosses vagues, avoir du couragene suffit pas, et ce n’est pas moins technique que pour les autres,il faut savoir lire l’océan.»Ces temps-ci, la vague la plus énorme se forme à Nazaré,au Portugal : un colosse d’une trentaine de mètres de haut.Souhaite-t-elle s’y frotter? On enregistre un rare instant deflottement. «Je n’ai pas envie d’aller à l’eau sans plaisir, justeavec la peur. A Nazaré, une fois que tu as surfé, ça se compliqueencore, c’est dur de venir te chercher.» L’hédonisme l’emporte-rait donc sur la bravade? Elle défend pourtant les surfeursde la Réunion qui s’exposent aux squales, comme si l’appelde la mer pouvait être plus fort que la raison: «C’est leur élé-ment, ils ont surfé là toute leur vie. A leur place, je ne sais pas sije saurais résister.»Elle a grandi en bord d’océan, à Lacanau. Son père, technicienà l’Aérospatiale, est un ex-surfeur passionné de nature. Samère fait «pas mal de gym, court». Sa sœur jumelle (dizygote)a aussi tâté de la planche. Mais c’est avec son frère aîné quela gamine Justine voulait rivaliser. Aujourd’hui plutôt voileux,il s’illustre alors en surf, a fait jusqu’à deuxième du cham-pionnat de France. Déjà sportive (athlétisme versant coursede fond, natation), la cadette accroche illico, intègre le PôleFrance à Bayonne, envisage de devenir kiné après un bac Sobtenu avec mention mais laisse tomber la filière Scienceset techniques des activités physiques et sportives (Staps) pour«vivre à fond le surf». Autrement dit, en novlangue sportive:«Je veux performer, réaliser mes objectifs, ne pas avoir de re-grets.» L’argent? La protégée des Billabong et Swatch (entreautres) dit s’en sortir «plutôt bien», ne semble pas spéciale-ment gourmande. Elle tient, néanmoins, à négocier ses con-trats elle-même, prise en charge de soi vue comme «un autrechallenge».Prouver qu’une femme peut chevaucher aussi gros qu’unhomme «est un aspect du défi». Elle en sourit. Dans le mêmetemps, l’amazone ne vote pas, s’en flagelle: «Ce n’est pas biendu tout, vu comment les femmes ont dû se battre pour avoir cedroit.» Sa vie privée prend la forme d’un chéri dans le bodysurf. Elle précise spontanément: «Je ne suis pas spécialementfan de surfeurs, j’aime bien ouvrir mon esprit.» Ses admirationssportives piochent de fait ailleurs: le skieur ultra-trailer KilianJornet, les «Ironmen» (thriathlètes de l’extrême), Oscar Pis-torius avant qu’il ne vire meurtrier, Ismaël Guillorit, surfeurhandicapé de Lacanau, l’Américaine Bethany Hamilton quisurfe sans bras gauche, happé par un requin. Sinon, hors surf,la fille de l’eau aime l’air, «voler, faire du deltaplane, sauter enparachute, les sports qui donnent de la liberté». Le temps qu’onla rejoigne au restaurant, l’impatiente est partie se balader.Le cliché veut que surfeuse rime avec sirène. Celle-là n’estpas du genre à rester scotchée au rocher. •

Par SABRINA CHAMPENOISPhoto OLIVIER GACHEN

EN 5 DATES

27 août 1991 Naissance.2007 Vice-championne dumonde de long board. 2012Plus grosse vague surféepar une Européenne(Irlande, Aileen). 2013 Plusgrosse vague jamais surféepar une femme au monde(Belharra, 15 mètres).Janvier 2015 Défi Cap ôpas cap en paddle board.

S eignosse (Landes), un samedi début juin, 8 heures.Vus de la plage du Penon, qui jouxte celle où a été enpartie tourné Brice de Nice, les surfeurs rassemblésdans l’océan forment comme un banc de phoques,

points luisants dans leurs combinaisons noires. Les vaguessont bonnes ce matin-là, bien formées, après des semainessans, et les affamés sont nombreux. Certains viennent duPays basque où des inondations ont salopé la mer. Dans cetamas, Justine Dupont se fraie un chemin en toute limpidité.Grande, élancée, affûtée. D’une fluidité qui pourrait convain-cre que tenir debout va de soi.Elle est à l’entraînement. Aux manettes, son coach en shortboard (planche classique, elle sévit aussi en long board, plan-che de grande taille, supérieure à 2,75 m). Nicolas Fernandezfractionne, impose des figures à exécuter pendant un tempsdonné (cinq, dix, quinze minutes), la filme, deux heuresdurant. A chaque fois, la blonde ailée repart au bouillonen courant. Nicolas Fernandez: «Elle pourrait ne jamais s’arrê-ter. Et le soir, après le debriefing, elle va tout noter sur un cahier.Elle est bosseuse et endurante.» Justine Dupont balaie l’idée

La surfeuse de Lacanau, 22 ans, ose affronter des monstresgénéralement réservés aux hommes. Pour le plaisir et l’adrénaline.

Avide de vagues

CA

PTU

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PRO

RÉM

IBLA

NC

LIBÉRATION MERCREDI 13 AOÛT 2014