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manuscripta math. 101, 513 – 532 (2000) © Springer-Verlag 2000 Bruno Anglès · Jean-François Jaulent Théorie des genres des corps globaux Received : 8 February 1999 / Revised version : 17 December 1999 Abstract We establish the fundamental results of genus theory for finite (non necessary Galois) extensions of global fields by using narrow S -class groups, when S is an arbitrary finite set of places. This exposition, which involves both the number fields and the functions fields cases, generalizes most classical results on this subject. Introduction La Théorie des genres pour les corps de nombres remonte aux Disquisitiones Arithmeticae. Gauss étudiait les formes quadratiques alors que le point de vue actuel met l’accent sur l’Arithmétique des extensions abéliennes. C’est seulement en 1951 que Hasse donna une interprétation du genre des corps quadratiques basée sur la Théorie du corps de classes, et en 1959 que Fröhlich donna une définition générale du corps des genres attaché à un corps de nombres arbitraire. Dans cet article, nous étendons la Théorie des genres aux cas des corps de fonctions dans le cadre des groupes de S -classes d’idéaux signés que nous introduisons en parallèle avec celui des corps de nombres (voir paragraphe 2.1). Il existe en effet une forte analogie entre les corps de nombres et les corps de fonctions d’une variable sur les corps finis. Ainsi, si F q est un corps fini et T est une indéterminée sur F q , on peut voir F q [T ] comme l’analogue de Z, son corps de fractions F q (T ) comme l’analogue de Q, et 1 T comme l’analogue de la place à l’infini de Q donc F q (( 1 T )) comme l’analogue de R. C’est sous cette correspondance que nous nous plaçons dans cet article en abordant la Théorie des genres en toute caractéristique. Dans la première section, nous poursuivons les travaux de Rosen ([11]) en in- troduisant le corps de classes de Hilbert au sens restreint pour les corps de fonctions. Nous sommes alors armés pour définir la notion de S -corps des genres d’un corps global en toute caractéristique (paragraphe 2.2). Le théorème 2.2.3. généralise ainsi B. Anglès: Université Paul Sabatier, Laboratoire Emile Picard, U.F.R. M.I.G., 118, route de Narbonne, 31062 TOULOUSE Cedex 4, France. e-mail: [email protected] J.-F. Jaulent: Université Bordeaux, Institut de Mathématiques, 351, cours de la Libération, 33405 Talence Cedex, France. e-mail: [email protected] Mathematics Subject Classification (1991): 11R37, 11R58, 11R29

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manuscripta math. 101, 513–532 (2000) © Springer-Verlag 2000

Bruno Anglès· Jean-François Jaulent

Théorie des genres des corps globaux

Received : 8 February 1999 / Revised version : 17 December 1999

Abstract We establish the fundamental results of genus theory for finite (non necessaryGalois) extensions of global fields by using narrowS-class groups, whenS is an arbitraryfinite set of places. This exposition, which involves both the number fields and the functionsfields cases, generalizes most classical results on this subject.

Introduction

La Théorie des genres pour les corps de nombres remonte aux DisquisitionesArithmeticae. Gauss étudiait les formes quadratiques alors que le point de vueactuel met l’accent sur l’Arithmétique des extensions abéliennes. C’est seulementen 1951 que Hasse donna une interprétation du genre des corps quadratiques baséesur la Théorie du corps de classes, et en 1959 que Fröhlich donna une définitiongénérale du corps des genres attaché à un corps de nombres arbitraire. Dans cetarticle, nous étendons la Théorie des genres aux cas des corps de fonctions dans lecadre des groupes deS-classes d’idéaux signés que nous introduisons en parallèleavec celui des corps de nombres (voir paragraphe 2.1).

Il existe en effet une forte analogie entre les corps de nombres et les corps defonctions d’une variable sur les corps finis. Ainsi, siFq est un corps fini etT estune indéterminée surFq, on peut voirFq [T ] comme l’analogue deZ, son corpsde fractionsFq(T ) comme l’analogue deQ, et 1

Tcomme l’analogue de la place à

l’infini de Q doncFq(( 1T

))comme l’analogue deR. C’est sous cette correspondanceque nous nous plaçons dans cet article en abordant la Théorie des genres en toutecaractéristique.

Dans la première section, nous poursuivons les travaux de Rosen ([11]) en in-troduisant le corps de classes de Hilbert au sens restreint pour les corps de fonctions.Nous sommes alors armés pour définir la notion deS-corps des genres d’un corpsglobal en toute caractéristique (paragraphe 2.2). Le théorème 2.2.3. généralise ainsi

B. Anglès: Université Paul Sabatier, Laboratoire Emile Picard, U.F.R. M.I.G., 118, route deNarbonne, 31062 TOULOUSE Cedex 4, France. e-mail: [email protected]

J.-F. Jaulent: Université Bordeaux, Institut de Mathématiques, 351, cours de la Libération,33405 Talence Cedex, France. e-mail: [email protected]

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les formules des genres obtenues par Furuta ([5]) et Goldstein ([7]). Nous terminonspar l’étude du corps desS-classes centrales d’une extension séparable finie de corpsglobaux.

Les résultats obtenus dans cet article seront utilisés dans un travail en préparationoù est étudiée la “parité” des groupe de classes d’idéaux des corps de fonctionscyclotomiques et de leurs sous-corps “totalement réels”.

Enfin nous remercions tout particulièrement Georges Gras qui nous a signaléune inexactitude dans la version préliminaire de ce travail (cf. remarque 2.2.0)

Notations

Soit Fq un corps fini àq éléments etp sa caractéristique. SiT est une indé-terminée surFq, on poseZ = Fq [T ] et Q = Fq(T ). On désigne enfin parQ uneclôture algébrique deQ.

Suivant l’usage on noteZ l’anneau des nombres relatifs,Q son corps des frac-tions etQ le corps des nombres algébriques, c’est-à-dire la fermeture algébriquedeQ dansC.

Dans ce qui suit, toutes les extensions finies deQ sont réputées contenues dansQ et toutes les extensions finies deQ contenues dansQ.

Soit maintenantK un corps ; nous disons queK est uncorps globalsi c’est uncorps de nombres, i.e. une extension finie deQ, ou siK est une extension séparablefinie deFq(T ) = Q. En particulier, dans ce qui suit, toute extensionL/K de corpsglobaux sera toujours réputée séparable et de degré fini. Soit alorsK un corpsglobal ; nous notons :

– P l∞K l’ensemble des places à l’infini deK si K est un corps de nombres, l’en-semble des places deK au-dessus de∞ = 1/T si K/Q est séparable finie ;

– P l0K l’ensemble des places finies etP lK = P l0K ∪ P l∞K ;

– Kv le complété deK en la placev et, siv est finie,Uv groupe des unités del’anneau des entiersOv deKv puisU

(1)v = 1+ πOv son sous-groupe principal,

– OK l’anneau des entiers deK, i.e. la fermeture intégrale deZ dansK si K estun corps de nombres, celle deZ = Fq [T ] si K est un corps de fonctions ;

– IK le groupe des idéaux fractionnaires non nuls deOK ;– PK le sous-groupe des idéaux fractionnaires principaux non nuls deOK ;– ClK le groupe des classes d’idéaux deOK, i.e. le quotientClK = IK/PK ;– EK le groupe des éléments inversibles deOK ;– JK le groupe des idèles deK, i.e. le produit restreint des groupes multiplicatifs

K×v des complétésKv deK en ses diverses places ;

– UK = 5v∈P l∞K K×v 5v∈P l◦K Uv le groupe des idèles unités ;

– U+k = 5v∈P l∞K K+

v 5v∈P l◦K Uv le sous-groupe totalement positif deUK ;

– K+ le groupe des éléments totalement positifs dansK× ;

– SgK = K×/K+ le groupe des signatures deK ;

Théorie des genres des corps globaux 515

– IsK = IK ⊕ SgK le groupe des idéaux signés ;

– PsK le sous-groupe des idéaux signés principaux ;

– CsK = IsK/P sK ' ClresK le groupe des classes d’idéaux signés ;

– SK = S◦K ∪ S∞

K un ensemble fini de places deK ;

– USK le groupe desS-unités (réputées totalement positives en dehors deS) dans

JK ;

– ESK = US

K ∩K× le groupe desS-unités globales (totalement positives en dehorsdeS) ;

– IsSK = IsK/IsK(S) le groupe desS-idéaux signés ;

– PsSK = PsKIsK(S)/IsK(S) son groupe principal ;

– CsSK = IsS

K/P sSK le groupe desS-classes d’idéaux signés.

1. Groupe de classes d’idéaux au sens restreint

Dans cette section nous introduisons les groupe de classes d’idéaux au sensrestreint et la notion corps de classes de Hilbert au sens restreint pour les corps defonctions.

1.1. Fonctions “signe” sur les corps de fonctions

Soit R× = Q×∞ le groupe multiplicatif des nombres réels non nuls ; classique-ment on a une fonction signe

φ∞ : Q×∞ → Z× = {−1, 1} ,

qui est définie parφ∞(x) = 1 pourx > 0 etφ∞(x) = −1 pourx < 0. Il est clairqueφ∞ est un morphisme de groupes de noyauR×+.

Si maintenantE/R est une extension finie, avecE = R ou C, on poseφE =φ∞ ◦ NE/R. Alors φE : E× → {−1, 1} est un morphisme de groupes de noyauKerφE = C× si E = C, et KerφE = R×+ si E = R.

Dans ce paragraphe nous allons introduire des fonctions analogues pour lesextensions séparables finies deQ∞ = Fq(( 1

T)).

Soitx ∈ Q×∞ ; on peut écrire de manière unique :

x =( 1

T

)nx

λxεx,

avecnx ∈ Z, λx ∈ F×q = Z× et εx ∈ U

(1)Q∞ . On définit alors le “signe” de x par :

φ∞(x) = λx.

Alors φ∞ : Q×∞ → F×q est un morphisme de groupes surjectif de noyau< 1

T>

×U(1)Q∞ . Notons que pourM ∈ Z non nul le "signe"φ∞(M) est le coefficient

dominant du polynômeM.

516 B. Anglès, J.-F. Jaulent

Définition 1.1.0.SoitK une extension séparable finie deQ∞ = Fq(( 1T

)). Nousappellons signe surK× le morphismeφK = φ∞ ◦ NK/Q∞ à valeurs dansF×

q .

Remarque 1.1.1.Si E/Q∞ est une sous-extension deK/Q∞, on a alors :

(i) φK = φE ◦ NK/E;(ii) NK/E(KerφK) ⊂ KerφE .

Théorème 1.1.2.SoientE/Q∞ une extension séparable finie etEmod/Q∞ sa sous-extension abélienne modérément ramifiée maximale. Soientf le degré d’inertie ete l’indice de ramification deEmod/Q∞. Soit enfinFE le sous-corps fini deE dedegré[FE : Fq ] = f . Alors :

(i) Il existeζ ∈ F×E tel qu’on aitEmod = FE((e

√−ζT

)) et de plus :

φE(E×) =< (F×q )e, NFE/Fq

(ζ ) > .

(ii) Si l’on a en outre1T

∈ NEmod/Q∞(Emod×), il vient Emod = Fq((e√

−1T

)) et

φE(E×) = (F×q )e.

Preuve.Observons tout d’abord que siEab/Q∞ est la sous-extension abéliennemaximale deE/Q∞, nous avonsNE/Q(E×) = NEab/Q(Eab×) doncφE(E×) =φEab (Eab×), de sorte que le théorème sera établi si nous le démontrons dans le casabélien.

NotonsEnr = FE(( 1T

)) la sous-extension (abélienne) non ramifiée maximaledeE. L’extensionEmod/Enr est alors totalement ramifiée de degrée. Si ρ est uneuniformisante deEmod, nous pouvons donc écrire

ρe = −ζu/T avec − ζ ∈ FE et u ∈ U(1)

Emod

et l’hypothèsep - e nous assure queu est une puissance e-ième dansU(1)

Emod, disonsu = ve. Quitte à remplacerρ parρ/v, nous pouvons donc supposer

ρe = −ζ/T , comme attendu .

Nous obtenons alors :

NEmod/Q∞(ρ) = NEnr/Q∞ ◦ NEmod/Nnr (ρ)

= NEnr/Q∞((−1)eζ/T

)= (−1)ef NFE/Fq

(ζ )/T f

d’oùφEmod(ρ) = (−1)ef NFE/Fq

(ζ ).

Par ailleurs, nous avons immédiatement :

φEmod(F×E) = φEnr

(NEmod/Enr (F×

E))

= φEnr

((F×

E)e)

=(φEnr (F×

E))e = (F×

q )e

Théorie des genres des corps globaux 517

En résumé il vient :

φEmod(Emod×) =< (F×q )e, (−1)ef NFE/Fq

(ζ ) >=< (F×q )e, NFE/Fq

(ζ ) > .

Et le point(i) du théorème résulte de ce que, l’extensionEab/Emodayant pour degréune puissance dep, ce dernier groupe coïncide avecφEab (Eab×) = φE(E×).

Enfin, l’hypothèse1T

∈ NEmod/Q∞(Emod×), qui entraînef = 1 i.e.FE = Fq ,donne aussi(−1)e = NEmod/Q∞(−1) doncζ ∈ NEmod/Q∞ i.e. ζ ∈ (F×

q )e, d’où lepoint (ii) . utCorollaire 1.1.3. L’extension abélienne deQ∞ associée àKerφ∞ est le corps

Q′∞ = Q∞[ q−1√−1/T ] = Fq(( q−1

√−1/T ));

c’est la plus grande extension abélienne modérément ramifiée deQ∞ dans laquelle1/T est norme. En particulier, siK est une extension séparable deQ∞, l’extensionabélienne deK associée àKerφK par la théorie locale du corps de classes est lecompositumK ′ = KQ∞ = K[q−1√−1/T ].Preuve.La première assertion résulte immédiatement du théorème appliqué à l’ex-tension abélienneE/Q∞ associée à Kerφ∞ par la théorie locale du corps de classes,laquelle vérifie par construction l’identité normique :

NE/Q∞(E×) = Kerφ∞ = UQ∞( 1

T

)Z.

La seconde assertion s’ensuit puisque KerφK est la préimage de Kerφ∞ parNK/Q∞ .

utProposition 1.1.4.SoitK/Q∞ une sous-extension d’une extension séparable finieL/Q∞. On a alors

(KerφK : NL/K(KerφL)

) = [Lab : L ∩ K ′],

où Lab est la sous-extension maximale deL qui est abélienne surK et K ′ lecompositumKQ′∞ = K[q−1√−1/T ].Preuve. Introduisons l’extension abélienne maximaleLab deL et notonsKab celledeK. Par le corollaire 1.1.3., la sous-extension abélienne deKab qui est fixée parNL/K(KerφL) est l’intersectionL′ab = L′ ∩ Kab qui n’est rien d’autre que lecompositumLab′ = Lab × K ′. Cela étant, puisque KerφK fixe K ′, il vient commeannoncé :

(KerφK : NL/K(KerφL)) = [LabK ′ : K ′] = [Lab : Lab ∩ K ′].

518 B. Anglès, J.-F. Jaulent

Et l’ensemble de la discussion peut se résumer par le schéma de corps :

L L′ LKab Lab

Lab L′ab = Lab′Kab

L ∩ K ′ K ′

K

Corollaire 1.1.5. Notonsd ′(L/K) le degré[Lab : L ∩ K ′] = [L′ab : K ′].(i) Puisque l’extensionK ′/k est modérément ramifiée,d ′(L/K) est un multiple

de la partie sauvage de l’indice de ramificationeab(L/K) de l’extension abé-lienneLab/K, l’égalité ayant lieu si et seulement si la sous-extension maximaleLmod = L ∩ Kmod deL qui est abélienne et modérée surK est contenue dansK ′.

(ii) Lorsque 1T

est norme dans l’extensionL/Q∞ (ce qui implique en particulierqueL/Q∞ soit totalement ramifiée)d ′(L/K) est la plus grande puissance dep qui diviseeab(L/K) si et seulement si on a l’égalité (oùa ∧ b désigne lepgcd dea et deb ) :

(q − 1) ∧ [L : Q∞] = ((q − 1) ∧ [L : K])× (

(q − 1) ∧ [K : Q∞])Preuve.Soit πL un premier deL vérifiant NL/Q∞(πL) = 1

T. PosonsπK =

NL/K(πL). Alors πK est un premier deK de normeNK/Q∞(πK) = 1T

. Il vientdonc :

L× = < πL > × F×q × U

(1)L et K× = < πK > × F×

q × U(1)K .

PosonsmK = [K : Q∞] ∧ (q − 1) etmL = [L : Q∞] ∧ (q − 1). il vient :

kerφK = < πK > ×(F×q )

q−1mK × U

(1)K ,

KerφL = < πL > ×(F×q )

q−1mL × U

(1)L .

et

NL/K((F×q )

q−1mL ) = (F×

q )q−1mL

[L:K] = (F×q )

q−1mL

(mL∧[L:K]) = (F×q )

q−1mL

((q−1)∧[L:K]).

Ainsi l’égalité attendue : KerφE

NK/E(KerφK)= U

(1)E

NK/E(U(1)K )

équivaut bien à la condition

annoncée :mL = mK × ((q − 1) ∧ [L : K]). ut

Théorie des genres des corps globaux 519

1.2. Classes au sens restreint et corps de classes de Hilbert

SoitK un corps global. Rappelons que nous avons désigné parP l∞K l’ensembledes places à l’infini deK si K est un corps de nombres, des places au-dessus de∞ = 1/T si K est un corps de fonctions. Pourv ∈ P l∞K , K se plonge dansKv,

et φKv (x) est bien défini pourx ∈ K×. On définit le sous-groupe des élementstotalement "positifs" deK× par :

K+ = {x ∈ K×| ∀v ∈ P l∞K , φKv (x) = 1}.

Définition 1.2.0.Nous appelons groupe des "signatures" d’un corps globalK lequotient fini :

SgK = K×/K+.

Si R est un sous-groupe deK×, l’image deR dansSgK est notéesgK(R). Enparticulier, on a doncSgK = sgK(K×).

Lemme 1.2.1.On a :

SgK = sgK(K) '∏

v∈P l∞K

φKv (K×v ).

Preuve.C’est une conséquence directe du théorème d’approximation forte.utOn poseP +

K = {xOK |x ∈ K+}. Alors le groupe de classes d’idéaux au sensrestreint deOK est :

ClresK = IK/P +

K .

On pose de même :

UK =∏

v∈P l∞K

K×v ×

∏v 6∈P l∞K

UKv ,

U+K =

∏v∈P l∞K

KerφKv ×∏

v 6∈P l∞K

UKv .

Alors UK etU+K sont des sous-groupes ouverts deJK .

Proposition 1.2.2.Les groupes de classes d’idéaux au sens ordinaire ou restreintsont donnés par les isomorphismes canoniques :

(i) ClK ' JK/UKK× ;

(ii) ClresK ' JK/U+

K K×.

Preuve.C’est une conséquence immédiate de l’isomorphismeIK ' JK/Uk. utCorollaire 1.2.3. Classes au sens ordinaires et classes au sens restreint sont liéespar la suite exacte :

1 → sg(EK) → SgK → ClresK → ClK → 1.

520 B. Anglès, J.-F. Jaulent

Preuve.On a immédiatement :

UK/U+K ' sg(K), K× ∩ UK = EK et K× ∩ U+

K = K+ ∩ EK = E+K.

Il suffit alors d’appliquer la proposition 1.2.2.utSoit HK/K l’extension abélienne deK correspondant par la théorie du corps

de classes àK×UK . Alors HK est appelé lecorps de classes de Hilbert au sensordinairedeOK . C’est l’extension abélienne maximale deK qui est non ramifiée(aux places finies) dans laquelle toute place deP l∞K se décompose totalement.Notons que l’application d’Artin donne lieu à l’isomorphisme canonique :

ClK ' Gal(HK/K).

Le lecteur pourra consulter [12] pour obtenir plus d’informations sur les corps declasses de Hilbert pour les corps de fonctions.

Soit H resK /K l’extension abélienne deK correspondant àK×U+

K . Alors H resK

est appelé lecorps de classes de Hilbert au sens restreintde OK . L’applicationd’Artin donne lieu à l’isomorphisme :

ClresK ' Gal(H res

K /K).

Exemples 1.2.4.

(i) On a sg(Q) = sg(Z×) = {−1, 1}. Il suit donc :HQ = H resQ

= Q.

(ii) On a sg(Q) = sg(F×q ) = F×

q . Ainsi HQ = H resQ = Q.

(iii) Soit n ≥ 3 et soitK = Q(e2iπn ) le n-ième corps cyclotomique. Alors, pour tout

v ∈ P l∞K , on aKv = C. Et il suit HK = H resK .

(iv) Soit M ∈ Z = Fq [T ] un polynôme unitaire de degré supérieur ou égal à 1.SoitK leM-ième corps de fonctions cyclotomique. Nous renvoyons le lecteurà [6] pour la définition deK. Alors, pour toutv ∈ P l∞K , on a :

Kv = Fq

(q−1

√−1

T

).

Il suit donc KerφKv = K×v . Et il en résulte :HK = H res

K .

Remarque 1.2.5.Soit L/K une extension séparable finie de corps globaux. On aalorsH res

K ⊂ H resL . Et siL/K est galoisienne,H res

L /K l’est aussi.

Proposition 1.2.6.SoientK un corps global etL = H resK . Alors toute classe de

ClresK a une image triviale dansClres

L .

Preuve.Ce n’est rien d’autre que la transposition au sens restreint du classiquethéorème d’Artin-Furtwängler pour les corps des nombres.ut

Théorie des genres des corps globaux 521

1.3. Idéaux signés et groupes deS-classes d’idéaux signés

Pour définir le groupe des classes d’idéaux au sens restreint par analogie avec legroupe des classes d’idéaux au sens ordinaireC`K = IK/PK , nous avons restreint,dans la section qui précède, le dénominateur au sous-groupeP +

K des idéaux princi-paux engendrés par les éléments totalement positifs. Mais il est souvent commodede travailler plutôt sur le numérateur. Dans [8] est ainsi introduite pour les corps denombres la notions de "diviseur". Mais comme le terme de diviseur a déjà un sensbien précis pour les corps de fonctions, nous préférons parler ici d’idéal signé :

Définition 1.3.0.Nous appelonsgroupe des idéaux signésd’un corps globalKla somme directe

IsK = IK ⊕ SgK

du groupeIK des idéaux et du groupeSgK des signatures deK. L’imagePsK dansIsK du groupe multiplicatifK× est lesous-groupe des idéaux signés principaux.

SiKest un corps de nombres possédant exactementr places réelles, on aSgK ={±1}r et l’image d’un élémentx de K× dansIsK et le couple formé de l’idéalprincipal engendré parx et desr signes des plongements dex aux places réelles.Si K est un corps de fonctions, on a un résultat analogue à cela près que{±1}r estremplacé par le produit

∏v|P l∞K φKv (K

×v ).

Soit, en effet,P une place deK ; on lui associe une valuationvP comme suit :

– siP est une place ultramétrique, alorsP correspond à un idéal premier deOK,

etvP est alors la valuationP -adique usuelle surK× ;

– siP est réelle,K se plonge dansKP = R etvP est alors à valeurs dansF2 = Z2Z

:on avP (x) = 0 pourx > 0 etvP (x) = 1 pourx < 0 ;

– siP est complexe,vP est la valuation triviale ;

– siP divise 1T

enfin, on posevP = φKP.

Le groupe des idéaux signés deK est alors le groupe abélien libre engendrépar les valuations attachées aux places deK, chaque élémentD ∈ IsK, s’écrivantde manière unique sous la forme :

D =∑P

nP vP ,

avecnP ∈ Z si P est une place finie,nP ∈ F2 si P est réelle, etnP ∈ ImφKPsi P

divise 1T

. L’application deK× dansIsK, est alors donnée par la formule :

x 7→∑

vP (x)vP .

Lemme 1.3.1.Le groupeCsK = IsK/P sK des classes d’idéaux signés s’identifiecanoniquement au groupeC`res

K des classes d’idéaux au sens restreint.

Preuve.C’est immédiat. utSoit maintenantS = SK un ensemble fini de places deK. On noteIsK(S) le

sous-groupe deIsK engendré par les places deS :

522 B. Anglès, J.-F. Jaulent

– Si v est une place finie, elle correspond à un idéal premier non nul et le sousgroupe engendré parv dansIsK est le sous-groupe deIK engendré par cet idéal ;

– Si v est une place à l’infini, le sous-groupe qu’elle engendre est le facteurφKv (K

×v ) de SgK ; il est d’ordre 2 siK est un corps de nombres etv réelle,

trivial si v est complexe.

Définition 1.3.2.Le groupeS-classes d’idéaux signés d’un corps globalK est lequotient

CsSK = IsK/P sKIsK(S) ' CsK/CsK(S)

du groupe des classes d’idéaux signés par le sous groupe engendré par les classesdes idéaux signés construits sur les places deS.

Remarques 1.3.3.(i) Si S = ∅, on a déjà vu que l’on aCsSK ' Clres

K .

(ii) Si K est un corps de nombres etS l’ensemble des places réelles deK, alorsCsS

K ' ClK . Plus généralement, siS contient les places réelles deK, notonsS0

l’ensemble des places finies contenues dansS etOSK l’ensemble des éléments

deK réguliers en toute place finie en dehors deS0. Alors CsSK s’identifie au

groupe de classes d’idéaux deOSK .

Définition 1.3.4 (Corps desS-classes de Hilbert). Considérons le groupe d’idèles

USK =

∏v∈P l∞K ,v 6∈S

KerφKv ×∏v∈S

K×v ×

∏v 6∈SP l∞

K∪S

UKv .

et notonsHSK l’extension abélienne deK correspondant àK×US

K . Il vient :

Gal(HSK/K) ' JK/K×US

K ' CsSK

et on dit queHSK est le corps desS-classes de Hilbert (au sens restreint) deK.

Définition 1.3.5.Le groupe desS-unités du corpsK est le sous-groupe

ESK = {x ∈ K×| ∀P 6∈ S vP (x) = 0}.

En d’autres termes, le groupeESK est caractérisé par la suite exacte :

1 → ESK → K× → IsK → ClsK → 1

Remarques 1.3.6.(i) PourS = ∅, ESK est le groupe des unités “totalement positi-

ves”.

(ii) Si K est un corps de nombres, etS l’ensemble des places réellesESK est le groupe

des unités (au sens ordinaire) de l’anneau des entiers deK. Plus généralement,siS contient toutes les places réelles deK et siS◦ désigne l’ensemble des placesfinies contenues dansS, le groupeES

K est le groupe des unites de l’anneauOSK

desS◦-entiers deK.

Théorie des genres des corps globaux 523

2. Corps des genres et corps des classes centrales

2.1. Groupe des genres relatifs à une extension de corps globaux

Considérons une extensionL/K de corps globaux (i.e. soit une extension quel-conque de corps de nombres de degré fini surQ, soit une extension quelconque decorps de fonctions séparables et de degré fini surQ = Fq(T )), et notonsSK unensemble fini de places deK puis SL l’ensemble fini des places deL au-dessusdes places deSK . Nous écrirons souventS pourSK ou SL en l’absence de touteambiguïté.

Rappelons que nous avons désigné parHSL

L (resp.HSK

K ) le corps desS-classes deHilbert deL (resp.K) i.e. l’extension abélienne deL (resp.deK) qui est associéeepar la théorie du corps de classes au groupe d’idèlesU

SL

L (resp. USL

K ).

Définition 2.1.0.Le corps desS-genresLHSL/K de l’extensionL/K est le plus

grand sous-corps deHSL qui provient, par composition avecL, d’une extension

abélienne deK. En d’autres termes,HSL/K est la plus grande sous-extension de

HSL qui est abélienne surK.

Le corps desS-genresLHSL/K contient toujours le corps desS-classesHS

K .

Exemples 2.1.1.

(i) PourS = ∅, le corps des genres au sens restreintLH resL/K = LH

φL/K est le plus

grand sous-corps deH resL qui provient d’une extension abélienne deK.

(ii) PourS = P l∞L , le corps des genres au sens ordinaireLHL/K est le plus grandsous-corps deHL qui provient d’une extension abélienne deK.

Remarque 2.1.2.PuisqueLHSL/K/L est une sous-extension deHS

L/L, l’isomor-

phisme Gal(HSLL) ' CsS

L identifie le quotientGSL/K = Gal(LHS

L/K/L) à un

quotient du groupe deS-classesCsSL. On dit queGS

L/K est le quotient des genres

deCsSL relativement à l’extensionL/K.

Proposition 2.1.3.SoitL/K une extension quelconque de corps globaux.

(i) Le groupe d’idèles deK qui correspond à la sous-extension abélienneHSL/K/K

deHSLK est l’imageNL/K(US

L)K× du groupeUSLL× associé àHS

L L.

(ii) Le groupe d’idèles deL qui correspond à l’extension abélienneLHSL/K/L est

le saturé pour la normeN−1L/K(NL/K(US

L)K×)L× du groupeUSLL× associé à

HSL L.

Preuve.C’est une conséquence immédiate de la Théorie globale du corps declasses. utCorollaire 2.1.4. Lorsque l’extensionL/K est cyclique, de groupe de Galois0 =< γ >, le quotient desS-genresGS

L/K s’identifie au plus grand quotient0ClsSL du

groupeCsSL desS-classes deL sur lequel0 opère trivialement :

GSL/K ' 0CsS

L = CsSL/Cs

S(γ−1)

L .

524 B. Anglès, J.-F. Jaulent

On retrouve ainsi, pourS = ∅ ouS = P l∞ les caractérisations traditionnellesdu quotient des genres dans le cas cyclique. Notons par ailleurs que, le groupeCsS

L

étant fini, il en résulte que dans le cas cyclique le quotient des genresGSL/K a même

ordre que le sous-groupe ambige (i.e. fixé par0) deCsSL.

Preuve.Notons, pour simplifier,N la norme arithmétiqueNL/K et considérons unidèlex deJL dont la norme tombe dansN(US

L)K×. Ecrivons doncN(x) = N(u)k,avecu ∈ US

L etk ∈ K×. Nous obtenonsk = N(x/u) ∈ K× ∩ NJL et, l’extensionétant suposée cyclique, le principe de Hasse nous permet d’écrirek = N(l) pourun l ∈ L×. Il vient doncN(x/u) = 1, d’où, via le théorème 90 pour les idèles,x/lu = yγ−1 pour uny ∈ JL, c’est-à-dire

x ∈ Jγ−1L US

LL×;

et finalement :GSL/K ' JL/J

γ−1L US

LL× ' CsSL/Cs

S(γ−1)

L comme attendu.ut

2.2. Formule desS-genres et suite exacte desS-genres

SoitL/K une extension quelconque de corps globaux ; pour chaque placev deK, notonsKv le complété correspondant deK et (Lw)w|v la famille des complétésdeL aux placesw au-dessus dev (considérés dans une même clôture algébriquede Kv) ; désignons enfin par(Lab

w )w|v la famille des sous-extensions abéliennesmaximales deKv respectivement contenues dans les(Lw)w|v.

Soit alorsLabv = 5w|vLab

w le compositum desLabw et Lab

v = ∩w|vLabw leur

intersection, puisLabv le sous-corps deLab

v fixé par les sous-groupes d’inertieG◦(Lab

v /Labw ) attachés aux extensions abéliennesLab

v /Labw lorque w décrit les

places au-dessus dev.

Remarque 2.2.0.Lorsque lesLabw coïncident, ce qui se produit en particulier dès que

l’extensionL/K est galoisienne, il n’y a pas lieu de distinguer entreLabv , Lab

v etLabv .

Nous écrivons donc dans ce casLabv sans plus de détail ; mais cette simplification

n’est pas possible dans le cas général.

D’après la Théorie locale du corps de classes,Labw est l’extension abélienne de

Kv associée au groupe de normesNLw/Kv (L×w), que nous écrirons de façon abrégée

N(L×w) ; il coïncide naturellement avec le groupeN(Lab×

w ) = NLabw /Kv

(Lab×w ). Le

compositumLabv desLab

w correspond donc à l’intersection∩w|vN(L×w) et leur

intersectionLabv au sous-groupe5w|vN(L×

w) de K×v engendré par lesN(L×

w).Enfin , pour chaque placew0 au-dessus dev le groupe de Galois Gal(Lab

v /Labw0

)

s’identifie au quotientN(L×w0

)/5w|vN(L×w) et son sous-groupe d’inertie à l’image

N(Uw0)(5w|vN(L×

w))

du sous-groupeUw0 des unités deLw0. Et le groupe d’idèlesassocié au corpsLab

v est ainsi le produit(5w|vN(Uw)

)( ∩wLv N(L×w)). Il vient

donc :

Théorie des genres des corps globaux 525

Proposition et définition 2.2.1.Avec les notations ci-dessus :

(i) le quotientK×v /5w|vNL×

w s’identifie au groupe de Galois de l’extension abé-lienne localeLab

v /Kv ; et nous disons queDabv (L/K) = Gal(Lab

v /Kv) est legroupe de décomposition abélianisé de la placev dans l’extensionL/K ;

(ii) le quotientUv/5w|vNUw s’identifie au groupe d’inertie de l’extension abé-lienne localeLab

v /Kv ; et nous disons queI abv (L/K) = G◦(Lab

v /Kv) est legroupe d’inertie abélianisé de la placev dans l’extensionL/K.

Venons-en maintenant au cas particulier des places à l’infini :

(i) Si K est un corps de nombres etv une place réelle, on akv = R etLw = R ouC pour chaque placew au-dessus dev. Dans ce cas lesLw sont donc abélienssur Kv, leur compositumLv est égal àC dès que l’un au moins desLw estcomplexe et leur intersectionLv estR si et seulement si l’un desLw est réel.En particulier le groupe de Galois

D′v(L/K) = Gal(Lv/Kv) ' K×

v /5w|vNLw/Kv (L×w)

est d’ordre 1 ou 2, et trivial si et seulement siv admet un prolongementw réel.

(ii) Si K est un corps de fonctions, etv divise 1T

, rappelons que nous avons poséK ′

v = Kv[ q−1√−1/T ] et L′

w = Lw[ q−1√−1/T ]. Dans la correspondance du

corps de classes, nous savons par (1.1.6.) que Kerφkv fixe K ′v et que son sous-

groupeNLw/Kv (KerφLw) fixe, lui, la sous-extension maximaleL′abw de L′

w

qui est abélienne surKv. D’après la théorie locale du corps de classes, le pro-duit 5w|vNLw/Kv (KerφLw) est donc associé à l’intersectionL′v = ∩w|vL′ab

w ,de sorte que le quotientK×

v /5w|vNLw/Kv (KerφLw) s’identifie au groupe deGalois

D′v(L/K) = Gal(L′

v/K′v).

En résumé, nous avons :

Proposition 2.2.2.Soitv une place à l’infini deK etφKv la valuation associée.

(i) Si K est un corps de nombres, le quotientKerφkv/5w|vNLw/Lv (KerφLw)

s’identifie au groupe de GaloisD′v(L/K) = Gal(Lv/Kv) d’ordre 1 ou 2.

(ii) Si K est un corps de fonctions, le quotientKerφkv/5w|vNLw/Lv (KerφLw)

s’identifie au groupe de GaloisD′v(L/K) = Gal(L′

v/K′v).

Nous sommes maintenant en mesure d’établir la formule des genres :

Théorème 2.2.3 (Formule desS-genres). SoientL/K une extension quelconquede corps globaux,SK un ensemble fini de places deK etSL l’ensemble des placesdeL au-dessus de celles deSK . Le nombre deS-genres relatif à l’extensionL/K

est alors donné par la formule :

[LHSL/K : L]

= hSK

5v∈P l∞K \S∞K

d ′v(L/K) 5v∈P l0K\S0

Keabv (L/K) 5v∈SK

dabv (L/K)

[Lab : K](ESK : ES

K ∩ N SL/K)

526 B. Anglès, J.-F. Jaulent

Dans celle-ci,hSK désigne le cardinal du groupe desS-classesCsS

K d’idéauxsignés etd ′

v(L/K)est le degré de l’extension abélienne localeL′v/K

′v ; dab

v (L/K)

est l’ordre du groupe de décomposition abélianiséDabv (L/K) eteab

v (L/K) celui dugroupe d’inertie abélianiséI ab

v (L/K) ; le corpsLab est le plus grand sous-corps deL qui est abélien surK ; le groupeES

K est le groupe desS-unités (au sens restreint)deK ; et N S

L/K = K× ∩ NL/K(USL) est le groupe desS-normes locales attaché à

l’extensionL/K.

Remarque 2.2.4.Lorsque l’extension globaleL/K est abélienne, on a évidemmentLab = L ainsi que les égalités entre groupes locauxDab

v (L/K) = Dv(L/K) etI abv (L/K) = Iv(L/K). Si elle est cyclique, on a en outreNL/K = NL/K(L×) en

vertu du principe de Hasse.

Preuve.Rappelons que nous avons désigné parHSK le corps desS-classes de Hilbert

deK et parHSL/K le sous-exension maximale deHS

L qui est abélienne surK. Nousavons donc :

[LHSL/K : L] = [HS

L/K : K][L ∩ HS

L/K : K] = [HSL/K : HS

K ][HSK : K]

[Lab : K] ,

puisqueLab = L∩HSL/K est bien la sous-extension maximale deLqui est abélienne

surK. Cela étant, d’après (1.3.4.) le groupe d’idèles associé àHSK estUS

KK× et ,d’après (2.1.3.), celui associé àHS

L/K estNL/K(USL)K×. Il suit :

[HSL/K : HS

K ] = (USK K× : NL/K(US

L)K×) = (USK : NL/K(US

L))

(K× ∩ USK : K× ∩ NL/K(US

L)).

Pour conclure, il suffit alors de remarquer que la contribution des différentesplaces au numérateur est donnée par (2.2.1.) et (2.2.2.) ; tandis qu’au dénomi-nateur, on aK× ∩ US

K = ESK et K× ∩ NL/K(US

L) = ESK ∩ N S

L/K . Notons quelorsque l’extensionL/K est galoisienne, cette dernière intersection n’est autre queES

K ∩NL/K oùNL/K = K× ∩NL/K(JL) est le groupe des éléments deK qui sontnormes locales partout d ans l’extensionL/K. utCorollaire 2.2.5. Soit L/K une extension quelconque de corps de nombres etLab/K sa sous-extension abélienne maximale.

(i) Le nombre de genres relatif à l’extensionL/K est donné par la formule :

[LHL/K : L] = hK

∏v eab

v (L/K)

[Lab : K] (EK : EK ∩ NL/K(UL)),

oùhK est le nombre de classes deK.

(ii) Le nombre de genres au sens restreint est donné, lui, par la formule :

[LH resL/K : L] = hres

K

∏v∈S∞(K) dab

v (L/K)∏

v 6∈S∞(K) eabv (L/K)

[Lab : K] (E+K : E+

K ∩ NL/K(UL)),

oùhresK est le cardinal deClres

K etE+K est le groupe des unités qui sont positives

aux places réelles deK.

Théorie des genres des corps globaux 527

Remarque 2.2.6.LorsqueL/K est galoisienne, la formule obtenue pour le corpsdes genres au sens ordinaire dans (i) nous donne la formule de Furuta ([5]). LorsqueL/K est abélienne, la formule obtenue pour le corps des genres au sens restreintdans (ii) nous donne la formule de Goldstein ([7], Théorème 2.1).

Corollaire 2.2.7. Soit L/K une extension quelconque de corps de fonctions etLab/K sa sous-extension abélienne maximale.

(i) NotonshK le cardinal du groupe des classesClK . Alors :

[LHL/K : L] = hK

∏v∈S∞(K) dab

v (L/K)∏

v 6∈S∞(K) eabv (L/K)

[Lab : K] (EK : EK ∩ NL/K(UL)).

(ii) On suppose que pour toute placew ∈ P l∞L on a : 1T

∈ NLw/Q∞(L×w) et que

[Lw : Q∞] divise(q − 1)rw où rw est un entier premier àq − 1. NotonshresK

le cardinal deClresK ; le nombre de genres au sens restreint est alors :

[LH resL/K : L] =

hresK

∏v∈P l∞K (K) pnv

∏v 6∈P l∞K (K) eab

v (L/K)

[Lab : K] (E+K : E+

K ∩ NL/K(UL)),

oùE+K = EK ∩ K+ est le groupe des unités totalement positives etpnv est la

plus grande puissance dep qui diviseeabv (L/K) (p est la caractéristique de

Fq ).

Revenons maintenant au cas général. Soit donc, comme plus haut,L/K uneextension quelconque de corps globaux,SK un ensemble fini de places deK etSl

l’ensemble des places deL au-dessus de celles deK ; Rappelons que nous avonsnotéHS

L/K la plus grande sous-extension deHL/K qui est abélienne surK. Celaétant, avec les notations du théorème 2.2.3, nous avons :

Théorème 2.2.8 (Suite exacte desS-genres). Les symboles locaux de restes nor-miques donnent la suite exacte courte qui relie corps desS-genres et corps desS-classes de Hilbert, groupes de Galois locaux et groupe de Galois global :

1 → ESK

ESK ∩ N S

L/K

→ RamSL/K → Gal(HS

L/K/HSK) → 1,

où le groupe médianRamSL/K est la somme directe :

RamSL/K = (⊕v∈P l∞K \S∞

KD′

v(L/K))⊕ (⊕v∈P l0K\S0

KIabv (L/K)

)⊕ (⊕v∈S Dab

v (L/K)).

Preuve.C’est une conséquence immédiate de la démonstration du théorème 2.2.3 :le premier morphismef : ES

K/ESK ∩NL/K → RamS

L/K est induit par les symboleslocaux de restes normiques (pris dans les extensions abéliennes locales correspon-dantes) ; et le second morphismeg : RamS

L/K → Gal(HSL/K/HS

K) n’est autre que la

formule du produit(σv)v → ∏σv|HS

L/Kprise dans l’extension abélienneHS

L/K/K,

chacun desσv agissant trivialement sur le corps desS-classes de HilbertHSK . La

528 B. Anglès, J.-F. Jaulent

théorie globale du corps de classes nous dit alors que lesS-unités globales (i.e. leséléments deES

K ) ont une image triviale dans Gal(HSL/K/K), en d’autres termes

que l’on a Imf ⊂ Kerg ; et l’exactitude de la suite résulte de l’identité donnée parle théorème 2.2.3

|RamSL/K |

(ESK : ES

K ∩ N SL/K)

= [HSL/K : Lab][Lab : K]

[HSK : K] = [HS

L/K : HSK ],

conformément au schéma de corps :

L LHSK LHS

L/K HSL

Lab LabHSK HS

L/K

L ∩ HSK HS

K

K

Et, bien entendu, si l’extension L/K est abélienne, on aLHSL/K = HS

L/K . utLorsque le groupe des unitésEK est particulièrement simple, il est naturelle-

ment possible d’expliciter le terme normique dans la formule des genres ; ainsi :

Proposition 2.2.9.SoitK/Fq(T ) une extension séparable finie telle qu’il y ait uneunique place deK au dessus de∞. SiL/K est une extension galoisienne finie etv une place deK, on pose :

mv = qdegvK − 1

(qdegvK − 1) ∧ eab

v (L/K))∧ (qK − 1),

où degv est le degré de la placev etqK est le cardinal du corps des constantes deK. Et on note :

mL/K = p.g.c.d. {m(v), v place deK}.On a alors :

(i) (EK : EK ∩ NL/K) = (EK : EK ∩ NL/K(UL)) = qK−1mL/K

,

(ii) Et sous la conditionqK = q, il vient

(E+K : E+

K ∩ NL/K(U+L )) = [K : Q] ∧ (q − 1)

mL/K ∧ [K : Q] ∧ (q − 1).

Preuve.NotonsFK le corps des constantes deK. Comme il y a une unique placedeK au dessus de∞, on aEK = F×

K . Il suit :

EK ∩ NL/K = ∩v(F×K ∩ NLab

v /Kv(ULab

v)).

Or par [11], Proposition 2, le cardinal deF×K ∩ NLab

v /Kv(ULab

v) est égal àmv. D’où

la première assertion. Pour (ii), notons queE+K est un sous-groupe deF×

q et que le

cardinal deE+K est[K : Q] ∧ (q − 1). La Proposition suit. ut

Théorie des genres des corps globaux 529

Corollaire 2.2.10.SoitK = Fq(T ) etL/Fq(T ) une extension galoisienne finie :

(i) Le nombre de genres au sens ordinaire relatif àL/Q est alors donné par laformule :

[LHL/Q : L] = m(L/Q) dab∞(L/Q)∏

v 6=∞ eabv (L/Q)

(q − 1)[Lab : Q] ,

(ii) Si pour toute placew ∈ P l∞L , on a 1T

∈ NLw/Q∞(L×w) et [Lw : Q∞] divise

(q − 1)rw où rw est un entier premier àq − 1, le nombre de genres au sensrestreint est :

[LH resL/Q : L] = pn∞ ∏

v 6=∞ eabv (L/Q)

[Lab : Q] ,

où pn∞ est la plus grande puissance dep divisanteab∞(L/Q) (p est la carac-téristique deFq ).

Preuve.C’est une conséquence directe du Théorème 2.2.5. et de la Proposition2.2.9. ut

2.3. Corps des classes centrales

Soient toujoursL/K une extension quelconque de corps globaux,SK un en-semble fini de places deK etSL l’ensemble des places deL au-dessus des placesdansSK . Rappelons que nous avons posé :

USL

L =∏

P l∞L \S∞L

KerφLv

∏v∈SL

L×v

∏v∈P l0L\S0

L

ULv .

EcrivonsNJL le noyau de la normeNL/K : JL → JK .

Définition 2.3.0.Le corps desS-classes centrales de l’extensionL/K est l’exten-sion abélienneCSL

L/K de L correspondant par la théorie du corps de classes au

sous-groupeNJLUSL

L L× deJL.

Remarquons qu’on a la double inclusion :

L ⊂ LHSL

L/K ⊂ CSL

L/K ⊂ HSL

L .

Cela dit, l’appellation de corps desS-classes centrales se comprend comme suit :

Lemme 2.3.1.LorsqueL/K est galoisienne, le corps desS-classes centralesCSL

L/K

est la plus grande extension galoisienne deK contenue dansHSL

L telle que

Gal(CSL

L/K/L) soit contenu dans le centre deGal(CSL

L/K/K).

530 B. Anglès, J.-F. Jaulent

Preuve.PosonsG = Gal(L/K) et observons que le quotientJL/UL s’identifie augroupe des idéauxIL du corpsL. Pour établir la proposition, il suffit naturellementde prouver que siIG est l’idéal d’augmentation deZ[G] on a :

NJLUL = JIG

L UL.

Or les idéaux deL de norme 1 sont précisement ceux contenus dansIIG

L . Il vient

doncNJLUL ⊂ JIG

L UL ⊂ NJLUL, puisNJLUSLL× = J

IG

L USLL× ; d’où le résultat.

utExemples 2.3.2.

(i) Le corps des classes centrales de l’extensionL/K est l’extension abélienneCL/K deL correspondant au sous-groupeNJLULL× deJL. On a :

L ⊂ LHL/K ⊂ CL/K ⊂ HL.

(ii) Le corps des classes centrales au sens restreint est l’extension abélienneCresL/K

L correspondant àNJLU+L L×. On a :

L ⊂ LH resL/K ⊂ Cres

L/K ⊂ H resL .

Théorème 2.3.3.SoientL/K une extension galoisienne de corps globaux,SK unensemble fini de places deK etSL l’ensemble des places deL au dessus des placesde SK . Alors corps desS-genres et corps desS-classes centrales sont liés parl’isomorphisme :

Gal(CSL

L/K/LHSL

L/K) ' (NL/K/NL/K(L×))

(ESK

K ∩ NL/K/ESK

K ∩ NL/K(L×)).

Corollaire 2.3.4. Sous les hypothèses du théorème, on a :

Gal(CL/K/LHL/K) ' (NL/K/NL/K(L×))

(EK ∩ NL/K/EK ∩ NL/K(L×)),

Gal(CresL/K/LH res

L/K) ' (NL/K/NL/K(L×))

(E+K ∩ NL/K/E+

K ∩ NL/K(L×)).

Preuve.Posons

T1 = {α ∈ JL, NL/K(α) ∈ NL/K(USL

L L×)},et

T2 = {α ∈ JL, NL/K(α) ∈ NL/K(USL

L )K×}.Alors T1 et T2 sont des sous-groupe deJL et on aT1 ⊂ T2. De plus,CSL

L/K/L

correspond àT1 etGSL

L/K/L correspond àT2. Cela entraîne

Gal(CSL

L/K/LHSL

L/K) ' T2

T1.

Théorie des genres des corps globaux 531

Considérons l’applicationf : T2 → NL/K

NL/K(L×)(ESKK ∩NL/K)

définie comme suit :

Pourα ∈ T2, de normeNL/K(α) = NL/K(β)x avecβ ∈ USL

L et x ∈ K×,

notonsf (α) la classe dex. Montrons quef est bien définie. SupposonsNL/K(α) =NL/K(β ′)x′ avecβ ′ ∈ U

SL

L etx′ ∈ K×. Nous obtenonsx(x′)−1 = NL/K(β ′β−1).

D’où x(x′)−1 ∈ ESK

K ∩ NL/K, comme entendu. Notons quef est un morphismede groupes.

Soit maintenantx ∈ NL/K, disonsx = NL/K(α) pour un certainα ∈ JL. Nousavons alorsα ∈ T2. Ainsi f est une surjection.

Il est clair queT1 est contenu dans Kerf .Soit maintenantα ∈ Kerf . De l’égalitéNL/K(α) = NL/K(β)NL/K(y)µ avec

β ∈ USL

L , y ∈ L× etµ ∈ ESK

K ∩ NL/K, nous tironsµ = NL/K(τ) avecτ ∈ USL

L .Ainsi α ∈ T1.

Nous avons donc obtenu :

Gal(CSL

L/K/LHSL

L/K) ' (NL/K/NL/K(L×))

(ESK

K ∩ NL/K/ESK

K ∩ NL/K(L×)).

Le Théorème suit.utIl est bien connu que le groupe des noeudsNL/K/NL/K(L×) qui intervient au

numérateur est un invariant purement galoisien de l’extensionL/K :

Théorème 2.3.5.SoientK un corps global etL/K une extension galoisienne finiede groupe de GaloisG. Pour toute placev deK, choisissons une placew deL

au dessus dev et notonsGv le groupe de décomposition dew dansL/K. PosonsNL/K = K× ∩ NL/k(JL). il vient :

(i)NL/K

NL/K(L×)' Coker

(∏v H−3(Gv, Z) → H−3(G, Z)

).

(ii) SupposonsL/K abélienne; alorsNL/K

NL/K(L×)est isomorphe au conoyau de l’ap-

plicationf : ∏v

∧2Gv → ∧2

G définie parf (· · · , σv ∧ τv, · · · ) = ∑σv ∧

τv.

Preuve.L’assertion (i) est dans [13], p.198, et (ii) résulte de [10], Théorème 3.utCorollaire 2.3.6. Si L/K est cyclique, ou plus généralement s’il existe une placev deK telle queGv = Gal(L/K), on a :

CSL

L/K = LHSL

L/K.

Réunissant 2.2.3. et 2.3.3. nous obtenons la formule desS-classes centrales :

Théorème 2.3.7 (Formule desS-classes centrales).Dans une extension galoisienneL/K de corps globaux, le nombre deS-classes centrales est donné par la formule :

[CSL/K : L]

= hSK

5v∈P l∞K \S∞K

d ′v(L/K) 5v∈P l0K\S0

Keabv (L/K) 5v∈SK

dabv (L/K)

[Lab : K](ESK : ES

K ∩ NL/K(L×)) κL/K

532 B. Anglès, J.-F. Jaulent

Dans celle-ci,hSK désigne le cardinal du groupe desS-classesCsS

K d’idéaux signéset d ′

v(L/K) est le degré de l’extension abélienne localeL′v/K

′v ; dab

v (L/K) estl’ordre du groupe de décomposition abélianiséDab

v (L/K) et eabv (L/K) celui du

groupe d’inertie abélianiséI abv (L/K) ; le corpsLab est le plus grand sous-corps de

L qui est abélien surK ; le groupeESK est le groupe desS-unités (au sens restreint)

deK ; et N SL/K = K× ∩ NL/K(US

L) est le groupe desS-normes locales attaché à

l’extensionL/K ; enfinκL/K = (NL/K : NL/K(L×))

est le nombre de noeuds del’extensionL/K.

Bibliographie

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