(re) Penser le temps alchimique dans un référentiel profane

21
(re) Penser le temps alchimique dans un référentiel profane « Ce fut au temps du moys de May, Qu'on doit fouyr dueil & esmoy, Que i'entray dedens un vergier Dont Zephyrus fut iardinier. Quand devant le iardin passoye, Mais n'estois pas vestu de soye, Ains estoye poure & nuds, Et de draps bien mal pourveus. 1 » Le temps est une donnée symbolique par essence. L’appréciation du glissement du passé vers l’avenir, à une échelle si réduite soit -elle ne devient perceptible pour l’Homme que par des points de repères, plaçant le temps dans le niveau de l’imperceptible, voire de l’idée, alors que sa réalité n’en est pas moins fondée et perceptible à postériori. Là encore, un sujet se prêtant si bien à une conception complètement symbolique n’a pas été dédaigné par les alchimistes. Le temps alchimique est une question redoutable et inévitable, à la manière du concept de matière première des alchimistes. Les traités en font toujours mentions, mais la plupart du temps de manière totalement obscure. La question principale qui ressort de cette vaste interrogation est d’ordre complètement mystique et spirituel. On peut se demander, en effet, si le temps mystique est à rapprocher du temps du rêve. Dans les rêves le temps est une notion totalement abstraite, un rêve qui semble durer des heures ne dure en réalité jamais plus de quelques minutes. Alors, le temps mystique, philosophique pourrait-il être aussi une totale abstraction, ne devant une réalité qu’à sa propre réinterprétation, voire à sa propre redirection ? La question du temps est essentielle car elle permet d’ordonner le processus alchimique, de lui donner un corps et de mieux le visualiser. Lorsque l’on cherche des considérations temporelles dans les textes alchimiques, on se rend compte que le 1 Fontaine de Valenciennes Jean de la, La fontaine des amoureux de science, compilée par maistre Jean de la Fontaine de Valenciennes. Revue & mise en son entier avec les Figures, par maistre Antoine du Moulin Masconnois, Lyon, Jean de Tournes, 1547, 63 p., p. 5.

Transcript of (re) Penser le temps alchimique dans un référentiel profane

(re) Penser le temps alchimique dans un référentiel profane

« Ce fut au temps du moys de May,

Qu'on doit fouyr dueil & esmoy,

Que i'entray dedens un vergier

Dont Zephyrus fut iardinier.

Quand devant le iardin passoye,

Mais n'estois pas vestu de soye,

Ains estoye poure & nuds,

Et de draps bien mal pourveus.1 »

Le temps est une donnée symbolique par essence. L’appréciation du

glissement du passé vers l’avenir, à une échelle si réduite soit-elle ne devient

perceptible pour l’Homme que par des points de repères, plaçant le temps dans le

niveau de l’imperceptible, voire de l’idée, alors que sa réalité n’en est pas moins fondée

et perceptible à postériori. Là encore, un sujet se prêtant si bien à une conception

complètement symbolique n’a pas été dédaigné par les alchimistes. Le temps

alchimique est une question redoutable et inévitable, à la manière du concept de

matière première des alchimistes. Les traités en font toujours mentions, mais la plupart

du temps de manière totalement obscure. La question principale qui ressort de cette

vaste interrogation est d’ordre complètement mystique et spirituel. On peut se

demander, en effet, si le temps mystique est à rapprocher du temps du rêve. Dans les

rêves le temps est une notion totalement abstraite, un rêve qui semble durer des

heures ne dure en réalité jamais plus de quelques minutes. Alors, le temps mystique,

philosophique pourrait-il être aussi une totale abstraction, ne devant une réalité qu’à

sa propre réinterprétation, voire à sa propre redirection ?

La question du temps est essentielle car elle permet d’ordonner le processus

alchimique, de lui donner un corps et de mieux le visualiser. Lorsque l’on cherche des

considérations temporelles dans les textes alchimiques, on se rend compte que le

1 Fontaine de Valenciennes Jean de la, La fontaine des amoureux de science, compilée par maistre Jean de la Fontaine de Valenciennes. Revue & mise en son entier avec les Figures, par maistre Antoine du Moulin Masconnois, Lyon, Jean de Tournes, 1547, 63 p., p. 5.

temps est une donnée importante pour les artistes, au point qu’ils en ont fait un chaos

total. Jamais on ne trouvera le déroulement chronologique exact du grand œuvre dans

un traité alchimique, on trouvera éventuellement la durée d’une opération mais sans

aucune précision sur le moment où doit se dérouler cette opération. Le temps

alchimique peut se diviser logiquement en deux temps.

Le premier temps est celui qui permet de localiser le début, la fin et les

principales opérations du grand œuvre. C’est un outil indispensable sans lequel le

travail en laboratoire perd tout son sens. Il semblerait que l’œuvre doive débuter à un

moment précis de l’année, sous peine de ne pas pouvoir aboutir. Cette période pourrait

être le printemps.

« La connaissance de la saison propre à travailler au commencement de

l’œuvre, n’est pas de petite conséquence ; en voicy la raison fondamentale. Comme

le sage entreprend de faire par nostre art une chose, qui est au-dessus des forces

ordinaires de la nature, comme d’amolir une pierre, & de faire végéter un germe

métallique, il se trouve indispensablement obligé d’entrer par une profonde méditation

dans le plus secret intérieur de la nature, & de se prévaloir des moyens simples, mais

efficaces qu’elle luy en fournit ; or vous de deves pas ignorer, que la nature dez le

commencement du printemps, pour se renouveler, & mettre toutes les semences, qui

sont au sein de la terre, dans le mouvement qui est propre à la végétation, impregne

tout l’air qui environne la terre, d’un esprit mobile, & fermentif, qui tire son origine du

père de la nature ; c’est proprement un titre subtil, qui fait la fécondité de la terre dont

il est l’ame, & que le Cosmopolite appelle le Sel-petre des philosophes.2»

2 Limojon de Saint-Didier Alexandre-Toussaint, Le Triomphe hermétique, ou la pierre philosophale victorieuse, Amsterdam, Henry Wetstein, 1699, 153 p., p. 93-94. On peut également compléter ce dernier par cet extrait du même ouvrage : « [PIROPHILE demande] Je n'ay plus que deux demandes à vous faire, au sujet des deux conseils que mon Auteur donne aux enfants de la science, touchant la manière de procéder, & la fin qu'ils doivent se proposer dans la recherche de la médecine universelle. Il leur conseille en premier lieu, d'aiguiser la pointe de leur esprit; de lire les écrits des Sages avec prudence; de travailler avec exactitude; d'agir sans précipitation dans un œuvre si précieux: parce, dit-il, qu'il a son temps ordonné par la nature; de même que les fruits qui sont sur les arbres, & les grappes de raisins que la vigne porte. Je conçois fort bien l'utilité de ces conseils mais je vous prie de vouloir m'expliquer comment se doit entendre cette limitation du temps. [EUDOXE réponds] Votre Auteur vous l'explique suffisamment par la comparaison des fruits, que la nature produit dans le temps ordonné; cette comparaison est juste: la pierre est un champ que le Sage cultive, dans lequel l'art, & la nature ont mis la semence, qui doit produire son fruit. Et comme les quatre saisons de l'année sont nécessaires à la parfaite production des fruits, la pierre de même a ses saisons déterminées. Son hiver, pendant lequel le froid, & l'humide dominent dans cette terre préparée, & ensemencée; son printemps, auquel la semence Philosophique étant échauffée, donne des marques de végétation & d'accroissement; son été pendant lequel son fruit mûrit, & devient propre à la multiplication; son automne, auquel ce fruit parfaitement mûr console le Sage, qui a le

Limojon de Saint-Didier paraît on ne peut plus clair, cependant, il ne faudrait

peut-être pas placer sur ces dires, le début du grand œuvre au printemps. En effet, il

affirme que l’artiste doit entrer dans une profonde méditation pour commencer l’œuvre,

il y a donc un travail préparatoire au niveau spirituel, qui doit s’effectuer avant le

printemps ou du moins à son extrême début. Aussi, il ne faut pas oublier qu’avant de

commencer les travaux sur la matière philosophique, l’artiste a dû trouver la matière

première et la préparer. Ainsi l’extrême début du travail alchimique pourrait

commencer vers l’hiver. Alors comment expliquer une telle différence ? Dom Pernety

nous donne une explication relativement satisfaisante, dans la mesure où elle explique

cette différence, mais sans en dire davantage sur le problème principal, le moment du

début de l’œuvre.

« Les Philosophes ont leurs quatre saisons, comme les quatre de l'année

vulgaire; mais elles sont bien différentes. Ils entendent par saisons les divers états

successifs où se trouve la matiere de l'Art pendant le cours des opérations, & ces

saisons se renouvellent chaque année Philosophique, c'est-à-dire chaque fois que l'on

réitère l'opération pour parvenir à la perfection de l'œuvre. Leur hiver est le temps de

la dissolution & de la putréfaction : le printemps succède et dure depuis que la couleur

noire commence à s'évanouir, jusqu'à ce que la couleur blanche soit parfaite : cette

blancheur et la safranée qui suit, forment leur été; la couleur rouge qui vient après, est

leur automne. C'est pourquoi ils disent que l'hiver est la première saison de l'année, &

qu'il faut commencer l'œuvre en hiver. Ceux qui recommandent de commencer au

printemps, n'ont en vue que la matiere avec laquelle il faut faire l'œuvre, & non le

bonheur de le cueillir. Pour ne vous rien laisser à désirer sur ce sujet, je dois vous faire remarquer ici trois choses. La première, que le Sage doit imiter la nature dans la pratique de l'œuvre; & comme cette savante ouvrière ne peut rien produire de parfait, si on en violente le mouvement, de même l'artiste doit laisser agir intérieurement les principes de sa matière, en lui administrant extérieurement une chaleur proportionnée à son exigence. La seconde, que la connaissance des quatre saisons de l'œuvre doit être la règle, que le Sage doit suivre dans les différents régimes du feu, en le proportionnant à chacune, selon que la nature le démontre, laquelle a besoin de moins de chaleur pour faire fleurir les arbres, & former les fruits, que pour les faire parfaitement murir. La troisième, que bien que l'œuvre ait ses quatre saisons, ainsi que la nature, il ne s'ensuit pas, que les saisons de l'art et de la nature doivent précisément répondre, les unes aux autres, l'été de l'œuvre pouvant arriver sans inconvénient dans l'automne de la nature, & son automne, dans l'hiver. C'est assez que le régime du feu soit proportionné à la saison de l'œuvre; c'est en cela seul, que consiste le grand secret du Régime, pour lequel je ne puis vous donner de règle plus certaine. 2» pp. 114-116.

commencement du travail de l'Artiste, puisqu'il peut le faire dans tout le cours des

saisons vulgaires. 3»

Les saisons seraient donc un référentiel de temps alchimique totalement

différent du temps normal, c’est une réponse intéressante pour l’ordre des opérations

mais pas pour comprendre quand commencer l’œuvre. La dernière phrase cependant

semble affirmer que le travail alchimique peut débuter n’importe quand. On assiste ici

à l’affirmation d’une superposition de deux temps, celui du profane, n’ayant aucune

incidence sur le monde sacré, mystique, spirituel, et celui du spirituel, auquel seul il

faut accorder une importance. Cette petite phrase implique que l’opération alchimique,

bien que passant par des moyens matériaux n’est exclusivement régie que par des

considérations spirituelles. Nous rejoignons alors ce que nous disions plus haut, qu’il

existe dans la tradition alchimique un temps bel et bien spécifique sans aucun lien

avec le temps profane. Cependant, si l’on superpose deux référentiels temporels, ce

qui est le cas lorsque l’alchimiste travaille sur sa matière, il est logique que des points

donnés se retrouvent alignés sur les deux référentiels au même moment, dans la

mesure où le temps alchimique est « accroché » au temps profane. Nous sommes

donc sur ce point à une séparation de la doctrine alchimique en deux voies, la première

indique qu’il faut un commencement temporellement précis prenant en compte deux

référentiels temporels différents, la seconde que nous développons par déduction, il

n’existe aucun point de départ précis pour l’œuvre et donc le temps profane n’a aucune

importance sur l’œuvre alchimique, par extrapolation cela nous amène à envisager

qu’il n’existe alors aucune influence astrale ou naturelle (au sens premier) sur l’œuvre

alchimique.

Le temps alchimique apparaît donc codé, nécessitant des connaissances

précises pour le comprendre et surtout l’utiliser. Nous rejoignons encore une fois ce

qui a été dit plus haut, mais cette fois-ci sous des considérations matérielles, c'est-à-

dire que le temps qu’évoquent les alchimistes, par exemple le mois alchimique, n’est

pas identique au nôtre. Et sur ce point précis réside un chaos total. En effet, le

découpage périodique du temps alchimique n’est pas commun à tous les artistes, nous

3 Pernety Dom Antoine-Joseph, Dictionnaire mytho-hermétique, dans lequel on trouve les allégories fabuleuses des poètes, les métaphores, les énigmes et les termes barbares des philosophes hermétiques expliqués, Paris, Bauche, 1758, 546 p., p. 445.

pouvons déjà en pointer deux exemples. Celui du Jardin des Richesses : « Durant le

mois des philosophes, c’est à dire quarante jours. 4»

Aurach affirme donc que le mois alchimique est composé de quarante jours, on

n’en sait pas plus sur la façon de parvenir à une période mensuelle composée de

quarante jours, et ce ne sont pas les vagues explications de Pernety qui peuvent nous

en apprendre plus5. Les périodes temporelles ne seraient donc pas calculées sur les

cycles astraux, mais sur l’opération de base qu’est la putréfaction. Il est difficile de

convertir le temps de la putréfaction dans le calendrier actuel compte tenu de

l’habituelle diversité qui règne sur les opérations alchimiques. Là où Pernety et Aurach

avancent 30 à 40 jours, notre deuxième exemple avance lui un mois de sept jours.

« Le nombre sept est le nombre principal des Philosophes. C'est par lui que leur

Œuvre mystérieux doit le plus souvent passer : à savoir par sept planètes, par l’Œuvre

de sept jours, par sept semaines, par sept circulations et par sept systèmes. Par la

septuple roue des planètes, l'Esprit universel du Monde et de la Nature se mue en son

Chaos élémentaire. Par l’Œuvre de sept jours, qui est un mois Philosophique, la Terre

Philosophique est préparée. Par sept semaines s'achève une période ou système. Par

sept circulations se produisent les imbibitions tant magiques que naturelles. C'est enfin

par sept systèmes que l’Œuvre est conduit à son terme jusqu'à la Teinture blanche. 6»

Le concept développé ici est de bâtir des périodes temporelles fondées sur le

chiffre sept, selon Hautnorthon le mois philosophique est composé de sept jours. Sur

cette réflexion nous pouvons avancer deux choses. La première est que si le mois

philosophique est effectivement composé de sept jours, on ne sait pas ce que

représente un jour et il ne serait pas impossible que sept jours philosophiques

4 BNF, Manuscrits, Français, 19973, XVIIe siècle : Aurach Georges, Le jardin des richesses, Reprint, Neuilly-sur-Seine, Arma artis, 1978, p. 43. 5 Voici l’extrait en question : « Les Chymistes Hermétiques font leurs mois de quarante jours, qui est le temps de la putréfaction de la matière. Mais ils disent que le mois est un période qui imite le mouvement de la Lune; c'est pourquoi quelques-uns le font de trente, d'autre de quarante jours. On l'appelle philosophique, parce que les Philosophes Hermétiques le comptent ainsi pour le temps de leur opération. Il ne faut cependant pas s'imaginer qu'ils entendent par-là quarante jours naturels, il en faut beaucoup moins; mais ils s'expriment ainsi énigmatiquement pour le temps. ». Pernety Dom Antoine-Joseph, Dictionnaire mytho-hermétique, dans lequel on trouve les allégories fabuleuses des poètes, les métaphores, les énigmes et les termes barbares des philosophes hermétiques expliqués, Paris, Bauche, 1758, 546 p., p. 312. 6 [Anonyme], Hermaphroditisches Sonn- und Mondskind, Mayence, Johann Friederich Krebs, 1752, Réédition, [Anonyme], Matton Sylvain (Dir.), Lauthe Yann (Trad.), L’enfant hermaphrodite du soleil et de la lune ou Exposé de la théorie et de la pratique de la recherche et fabrication de la Pierre des Sages, Paris, J.-C. Bailly, 1985, p. 48.

correspondent à trente jours profanes. La deuxième chose est que le chiffre sept n’est

pas étranger à toute symbolique.

La littérature alchimique utilise de manière très abondante le chiffre sept comme

le souligne Hautnorthon. Cette symbolique est très certainement liée à la sur-utilisation

du sept dans les Ecritures, non seulement de manière littérale, l’utilisation du mot sept,

mais aussi de manière implicite, domaine dans lequel les exégètes mystiques trouvent

leur bonheur. L’œuvre de sept jours à laquelle Hautnorthon fait référence est sans

doute la création du monde par Dieu, le septième jour, jour de repos étant considéré

comme part entière du travail. Il serait logique d’affirmer que l’œuvre de Dieu est

l’œuvre ultime et parfaite, nous pouvons donc comprendre pourquoi cette symbolique

du sept est si importante pour les alchimistes. Cet œuvre de Dieu, incarnée par le

septénaire, représente l’œuvre parfaite, il participe, comme le souligne Corinne Morel7,

à un ensemble ouvert et infini. On ne retracera pas l’ensemble des significations

mystiques qui existent à propos du sept, mais il est bon de souligner cette importance

du sept dans l’alchimie, afin de démontrer encore une fois son attachement aux

Ecritures.

Si l’on veut disserter sur le temps alchimique il faut s’engager dans cette

conception d’une construction du temps, fondée sur les opérations alchimique, ou le

cas échéant ne traiter que du temps court, le temps étape par étape. Il s’agit du

deuxième temps que nous évoquions.

Nous l’avons vu, ce temps court est très important, mais comment l’étudier, le

classer et l’interpréter ? D’une manière tout à fait simple nous pouvons dégager

certaines idées comme le temps de rigueur afin de parvenir aux différentes couleurs,

ou le temps exigé pour certaines opérations. Au niveau du temps nécessaire à

l’apparition des trois couleurs principales, on peut trouver des exemples intéressants,

nous commencerons par la noirceur, la nigredo.

L’étape de la noirceur, d’une importance capitale, passage forcé vers la

blancheur est le premier indice qu’a l’artiste afin de savoir s’il est sur la bonne voie.

7 Morel Corinne, Dictionnaire des symboles, mythes et croyance, Paris, Archipoche, 2009, 958 p., p. 805.

Les auteurs s’accordent en général sur une durée de travail approximative de quarante

jours.

« & cette noirceur apparait quelques fois au bout de 40 jours, plus ou moins,

selon la quantité de la matière, & la bonne industrie de l’ouvrier qui aide de beaucoup

à la séparation de la dite noirceur.8 »

« La couleur noire, que l’on obtient au bout que quarante ou cinquante jours

toutes les fois que l’on a bien administré le feu extérieur est une preuve que l’or

vulgaire a été changé en terre noir, que les philosophes appellent leur fumier de

cheval.9 »

« Lorsque cette période est écoulée, le Corbeau est devant la porte et l'on doit

lui couper la Tète, sa noirceur, après qu'elle ait duré quarante jours. 10»

« La première principale est la couleur noire, qui doit se faire voir au quarante-

deuxième jour au plus tard. Elle disparaît peu à peu, & fait place a la blanche.11»

L’œuvre au noir est donc d’une période de travail constant d’environ quarante

jours, selon la maîtrise du feu et la qualité de la matière. On ne sait cependant pas à

partir de quand le travail commence, est-ce à partir de la préparation de la matière

première où à partir de la cuisson de la matière première préparée ? Nous pourrions

pencher en faveur de la seconde hypothèse, par simple logique, mais aussi parce qu’il

peut exister une interruption de la cuisson entre la fin de la préparation de la matière

première et le début de sa cuisson. Au bout de ces quarante jours, la couleur noire est

censée s’estomper pour laisser place à la blancheur. On ne pourrait, en revanche, pas

dire de quelle manière et combien de temps met la blancheur à s’installer. La totalité

8 [Anonyme], Philosophie naturelle de trois anciens philosophes renommez Artephius, Flamel, & Synesius, traitant de l’art occulte, & de la transmutation métallique, Paris, Laurent d’Houry, 1682, 106 p., p. 95. 9 Cyliani, Hermès dévoilé, Paris, Félix Locquin, 1832, Reprint, Paris, Chacornac, 1915, 58 p., p. 38. 10 [Anonyme], Hermaphroditisches Sonn- und Mondskind, Mayence, Johann Friederich Krebs, 1752, Réédition, [Anonyme], Hermaphroditisches Sonn- und Mondskind, Mayence, Johann Friederich Krebs, 1752, Réédition, [Anonyme], Matton Sylvain (Dir.), Lauthe Yann (Trad.), L’enfant hermaphrodite du soleil et de la lune ou Exposé de la théorie et de la pratique de la recherche et fabrication de la Pierre des Sages, Paris, J.-C. Bailly, 1985, 147 p., p. 61. 11 Pernety Dom Antoine-Joseph, Dictionnaire mytho-hermétique…, op. cit., p. 94.

de temps du début jusqu’à la blancheur doit durer trois mois, il reste donc après la

noirceur une période à peu près équivalente d’une quarantaine de jours12.

« Aussi le premier degré de feu doit durer trois mois entier, savoir la moitié avant

qu’elle blanchisse, laquelle blancheur commencera de naitre sur la fin du troisième

mois. 13»

« Donc, pour le second degré de feu l’augmenterez de la moitié et y mettrez

deux fils de coton & par ce degré de feu vous gouvernerez l’œuvre par trois mois. 14»

« Ainsi par ce troisième degré de feu et après avoir vu la matière blanchir,

mettez trois fils de coton dedans la lampe et cheminerez ainsi par trois mois dedans

lesquels votre matière se fera si blanche qu’elle surmontera la neige en blancheur,

perdra toute son humidité, sera fixe & soutiendra toutes les épreuves de l’argent. 15»

« Donc afin que vous parveniez là, les neuf mois étant passés par coction à feu

de lampe, votre matière deviendra si blanche qu’elle ne pourra être plus blanche. 16»

Deux informations très importantes résident dans cet extrait. Premièrement, la

blancheur n’apparaît pas d’un seul coup et n’est à son point le plus parfait qu’au bout

d’un long moment de cuisson. Deuxièmement, nous parlons ailleurs de degrés du feu,

au nombre de quatre, ou trois, tout dépend de la précision avec laquelle on parle, mais

il faut ici revenir sur une contradiction, ou plutôt sur un éclaircissement. Rouillac nous

donne pour la blancheur un passage par trois degrés du feu. Or, il est admis par la

tradition alchimique que les trois degrés du feu sont alignés sur les couleurs principales

de l’œuvre, plus un quatrième pour la multiplication. Comment cela se peut-il ? Il existe

certaines explications potentielles. Premièrement, il s’agit d’une erreur, d’une

12 On peut aussi ajouter l’extrait du Philalèthe : Temps : « Combien de temps alors vous faudra-t-il attendre jusqu’à ce que la parfaite noirceur apparaisse ? Flamel nous dit que cette intense noirceur vient après quarante jours. Riplée nous avise de laisser le mélange des substances ensemble durant six semaines. » « How long, then, will you have to wait till perfect blackness appears ? Flamellus tells us that this intense blackness comes at the end of about forty days. Ripley advises us to let the mingled substances remain together for six weeks. » Philalèthe Eyrénée, « A brief guide to the celestial ruby », in, Waite Arthur Edward, The Hermetic museum, restored and enlarged : most faithfully instructing all disciples of the sopho-spagyric art how that greatest and truest medicine of the philosopher's stone may be found and held : now first done into English from the Latin original published at Frankfort in the year 1678 : containing twenty-two most celebrated chemical tracts., Londres, J. Elliott & Co., 1893, Reprint, Waite Arthur Edward, The Hermetic Museum, Hong-Kong, Forgottenbooks, 2007, Vol. 2, pp. 490-503, p. 502. 13 Rouillac Philipe, La pratique du grand œuvre des philosophes, reprint, Paris, Devry, 1997, p. 48. 14 Ibid., p. 49. 15 Ibid., p. 49. 16 Ibid., p. 51.

contradiction, soit une erreur au niveau du raisonnement et de la tradition, soit une

erreur d’impression ou de traduction. Deuxièmement, ces degrés du feu dont parle

l’auteur seraient en fait les sous-degrés des degrés du feu.

Une autre estimation du temps nécessaire à la venue de la blancheur est d’à

peu près cinq mois, ces hypothèses sont avancées par le Philalèthe, l’héritage de

Synesius et Hautnorthon.

« Continuez alors votre feu jusqu’à ce que les couleurs paraissent, & vous

verrez enfin la blancheur. Sachez que lorsque la blancheur paraîtra (ce qui arrivera

vers la fin du cinquième mois) l’accomplissement de la Pierre blanche s’approche.

Réjouissez-vous donc, car le Roi a vaincu la mort, & paraît en Orient avec beaucoup

de gloire. 17»

« Selon l'enseignement de Flamel et de l'auteur de ce paragraphe, cinq mois,

ou, suivant le conseil de Bernard le Trévisan, cent trente jours sont requis pour

l'enfermement du Roi ardent jusqu'à la perfection de la Pierre du premier ordre. 18»

La durée de cinq mois évoquée ici peut être, comme pour l’œuvre au noir,

envisagée de plusieurs manières. Il n’est, comme précédemment, toujours pas évoqué

la question du point de départ de ces cinq mois, la durée que les auteurs voulaient

donc exprimer peut varier sensiblement sans qu’il s’agisse forcément d’une

contradiction. D’ailleurs, la tradition selon Synesius19 donne un temps de sept mois. Il

est donc encore une fois très difficile d’estimer le temps que met l’œuvre pour parvenir

à la blancheur parfaite, le plus gros « consensus », si l’on peut dire se concentre autour

de cinq mois.

Jacques Tol tente de résumer toutes ces phases avec plus ou moins de

réussite.

« Ce premier Ouvrage est donc appellé, L'Oeuvre de trois heures, & de trois

jours aussi, mais de trois jours Philosophiques, comme je diray dans la suite. Le

17 Philalèthe Eyrénée, « Règles du Philalèthe », in, Lenglet du Fresnoy Nicolas, Histoire de la philosophie hermétique, Paris, Coustelier, 1742, T.2, pp. 340-341 . 18 [Anonyme], Hermaphroditisches Sonn- und Mondskind, Mayence, Johann Friederich Krebs, 1752, Réédition, [Anonyme], Matton Sylvain (Dir.), Lauthe Yann (Trad.), L’enfant hermaphrodite du soleil et de la lune…, op. cit., p. 61. 19 Arnauld de la Chevallerie Pierre, Trois traictez de la philosophie non encore imrpiméz, Paris, Guillaume Marette, 1612, p. 102 « Et note que notre médecine, depuis la création de notre mercure, demande le terme de sept mois jusqu’à la blancheur, et jusqu’à la rouge cinq, que font douze. ».

second Ouvrage est achevé dans l'espace de trois ou quatre jours naturels; & ce tresor

immense qui est recherché par les hommes avares avec tant de travaux & de

dépenses, peut estre acquis en ce peu de temps, soit au blanc, soit au rouge: car la

difference du ferment, ou si vous voulez, l'addition du soûfre de l'Or ou de l'Argent à

nôtre premiere Pierre, acheve & perfectionne la seconde. Pour ce qui regarde le

temps, ce qu'en a dit Paracelse est tres-veritable. Les Philosophes, dit-il, s'entendent

bien quand ils parlent des temps. Tout le monde se trouve ici extrémement embarassé,

& comme au milieu des tenebres. Faisons nos efforts pour les dissiper, & pour

découvrir des choses qui semblent estre enfoncées dans des abîmes impenetrables.

L'Année des Philosophes n'est autre chose que le tour que fait le Soleil

Philosophique, quand par le Zodiaque il parcourt la Terre.

Le Mois Philosophique, est celuy de la Lune.

La Semaine, celuy des Sept Planettes.

Et le Jour, celuy de la lumiere et des tenebres.

Le Monde, est la matiere même.

Le Zodiaque qui contient les douze Signes Celestes, represente les douze Travaux de

l'Hercule Philosophique, que j'ay montré dans mon Traité des Evenemens imprévûs,

estre le Soleil ; c'est-à-dire, l'acide, dont le cours acheve l'An Philosophique, pendant

que la matiere est en fusion dans le vaisseau. La lune est l’alcali, dont le cours pénètre

toute la matière fonduë ; & se joignant avec son frère le soleil, elle achève le Mois

sinodique.20»

Jacques Tol nous donne là une très bonne image de ce que peut représenter

le temps alchimique. Un temps totalement symbolique fondé sur les opérations

alchimiques et utilisant un vocabulaire alchimique (symbolique) précis. La confusion

règne alors dans la mesure où ce vocabulaire alchimique réutilise des mots déjà

présents dans le calendrier classique, notamment le soleil et la lune. Ainsi, on ne peut

pas dire avec certitude ce qu’évoque Tol, s’agit-il bel et bien d’une représentation

20 Tol Jacques, Le chemin du ciel chymique, [supposé Paris, J. ou L. d’Houry, 1700], 31 p., pp. 8-10.

alchimique du temps ou est-ce une fumisterie ? S’il s’agit d’une fumisterie la question

se pose d’autant plus de savoir si c’est un fait conscient, volontaire ou inconscient.

Nous pouvons aussi estimer la durée de certaines opérations ou préparations,

qui sans nous guider vers une conclusion certaine concernant la durée du grand

œuvre, peuvent nous intéresser à un niveau touchant plus à la pratique pure de

l’alchimie.

La dissolution par exemple, opération délicate et typiquement alchimique,

devrait se dérouler sur quarante jours.

« La dissolution est de quarante jours pour le plus tôt, cinquante pour le plus

tard. 21»

Rouillac évoque ici très certainement une dissolution faite sur la matière

putréfiée, car ce procédé qui consiste à réduire les corps en leurs principes basiques

n’est complètement réalisé que pendant la noirceur22.

De la même manière, l’imbibition, opération récurrente que l’alchimiste doit

réaliser à maintes reprises afin de réintroduire les liquides (sous forme de gaz) dans

la matière qui les avait exsudés, ne doit pas être sur-utilisée. Elles doivent cependant

être réalisées tout les trois au quatre jours, selon Urbigerus.

« Les imbibitions ne doivent pas être faites plus souvent que tous les trois ou

quatre jours. 23»

De la même manière et selon le même auteur, l’eau mercurielle (le mercure des

philosophes) doit se séparer de sa terre (ses déchets et fèces) en l’espace de dix

semaines maximum. Si ce n’est pas le cas, l’œuvre est conduite à sa perte.

21 Rouillac Philipe, La pratique du grand œuvre…, op. cit., p. 45. 22 Pernety Dom Antoine-Joseph, Dictionnaire mytho-hermétique…, op. cit., p. 115. « Ils distinguent plusieurs dissolutions dans l’opération de la pierre philosophale ; l’une imparfaite & l’autre parfaite : la première est celle qui précède la putréfaction ; parce que la dissolution proprement dite, ne se fait que dans le temps que la matière est au parfait noir. ». 23 Urbigerus (Baro), Aphorismi Urbigerani, or certain rules clearly demonstrating the three intallible ways of preparing the Grand Elixir or Circulatum majus of the philosophers, Discovering the Secret of Secrets, and detecting the errors of vulgar chymists in their operations: Contain’d in one hundred and one aphorisms: to which are added, the three ways of preparing the vegetable elixir or circulatum minus: all deduc’d from never-erring experience, Londres, Henry Faithorne, 1690, 86 p., p. 43. « The Imbibitions are not to be made any often, than once every three or four days. ».

« Si en l’espace de neuf ou dix Semaines, ou deux Mois Philosophiques au

plus, notre Eau Mercurielle ne s’est pas encore séparée elle-même de sa propre Terre

contenant la Semence Métallique, c’est un signe évident, que vous vous êtes égaré

soi dans le travail, ou que sa Digestion, ayant été trop violente, à confondu et brûlé le

Sujet principal de la Création. 24»

Les astres ont aussi une très grande importance pour le bon déroulement de

l’œuvre, leur emplacement dans le ciel, les uns par rapport aux autres, à un moment

précis conditionne certaines opérations alchimiques. Pour Le Brethon, cette influence

n’est que méliorative, si les astres correspondent, la préparation sera meilleure, mais

s’ils sont défavorables la préparation n’échouera pas, elle sera simplement moins

parfaite.

« Les corps sublunaires, reçoivent de puissances impressions de ces

influences, qui selon les différents degrés de leur exaltation et de leur pénétration

affectent plus ou moins les magnétismes inférieurs et leur communiquent différentes

propriétés. De-là vient que plusieurs philosophes assurent que la domination de l’astre

favorable doit être observée dans l’union des principes de l’élixir parce qu’ils

prétendent que lorsque cet astre domine, il influe plus de vertu à l’élixir que lorsque

l’astre contraire est dominant. On remarque néanmoins que la domination de l’astre

contraire n’empêche pas que l’élixir ne s’achève, parce que l’esprit fixe surmonte

toujours l’esprit volatil. Mais l’élixir aura dit-on, moins de perfection que s’il eut été fait

sous la domination de son astre propice.25 »

Le Chevalier Inconnu affirme également l’importance des astres qui influent

continuellement sur la matière, d’une manière qu’il qualifie de spirituelle.

« Cependant le Soleil & les autres Astres Celestes, par une continuelle

inspiration, degouttent & distillent les Esprits vivifiques, & les vapeurs estant

24 Urbigerus (Baro), Aphorismi Urbigerani…, op. cit., p. 24. « If in the space of nine or ten Weeks, or two Philosophical Months at longest, our Mercurial Water has not done separating in self from all its own Earth, containing the Metallic Seed, it is an evident sign, that you have either err’d in the working or it, or that its Digestion, having been too violent, has confounded and burnt up the principal Subject of the Creation. ». 25 Le Brethon Jean-Baptiste, Les clefs de la philosophie spagyrique, Paris, Jombert, 1722, reprint Matton Sylvain (Dir.), Paris, Bailly, 1985, 398 p., p. 151-153.

ramassées comme en une éponge, succent avec avidité ce nectar spirituel, & s’en

remplissent.26 »

Dans un extrait très symbolique des Œuvres Posthumes de M. De Grimaldy, on

décèle encore certaines explications quant à l’interaction entre astres et grandes

phases alchimiques.

« Par exemple, vous ne devez jamais préparer le Fer pour en tirer le crocus,

l’huile, la teinture, & le Sel, que la planète de Mars ne soit sur notre horizon avec le

soleil, qu’il ne soit en bon aspect & l’un, ou l’autre, ou dans le Bélier, ou dans le Lion.

Vous travaillerez le Plomb, lorsque le Soleil, & Saturne se trouvèrent ensemble,

ou dans le Verseau ou dans le Capricorne, l’Etain lorsque Jupiter, & le Soleil, tous

deux sur l’horizon, seront amis, ou dans les Poissons, ou dans le Sagittaire ; & ainsi

des autres mixtes, car il n’y en a aucun dans les trois règnes qui ne soit

particulièrement soumis à quelque planète, ou signe céleste, il faut donc prendre le

temps de sa bonne intelligence avec le soleil, qui est le grand mobile & le père de la

nature. 27»

Cet extrait très symbolique peut s’interpréter de deux manières différentes. La

première est qu’il nous donne trois clefs temporelles, celle du moment de la noirceur,

celle du moment de la blancheur et celle du moment de la rougeur. La noirceur doit se

préparer soit en Verseau, soit en Capricorne, deux signes voisins séparés par presque

une année, la blancheur doit se préparer en Poissons ou Sagittaire (signes séparés

par trois autres signes) et enfin la blancheur doit se préparer en Bélier ou en Lion

(signes également séparés par trois autres signes). La deuxième interprétation est que

les préparations médicinales à base de fer seront à réaliser soit en Bélier soit en Lion,

celles à base de plomb seront à réaliser en verseau ou Capricorne et enfin celles à

base d’étain seront à réaliser en Poissons ou Sagittaire. Il est très difficile ici d’extraire

une interprétation fiable, dans la mesure où les métaux cités sont associés à une

symbolique et à des opérations tout à fait compatibles et significatives. Cependant si

l’on se place dans le cadre d’une indication sur les grandes phases de l’œuvre, on se

place aussi dans un référentiel qui supprime l’influence de la nature (au sens de la

26 Le Chevalier Inconnu [pseudonyme], La nature au découvert, Aix, Jean-Baptiste & Estienne Roize, 1669, 256 p., pp. 21-22. 27 Copponay de Grimaldy Denis, Œuvres posthumes de M. de Grimaldy où sont contenus ses meilleurs remèdes, Paris, Durand, 1745, 224 p., p. 47.

nature philosophique propre à la Terre), pour se placer dans un référentiel d’une

influence uniquement astrale.

De la même manière, le Chevalier Inconnu, indique que l’œuvre d’hiver doit se

terminer dans le signe du Bélier. Pouvons-nous assimiler l’œuvre d’hiver à la

préparation de la matière première ? A la putréfaction, symbolisant la mort suivie de la

régénération qui serait le printemps ? Alors pourquoi faire débuter une opération

régénératrice après le printemps ? Symboliquement cela n’a pas de sens.

« L’œuvre de l’hyver étant achevé & le Soleil étant élevé dans le signe d’Aries,

préparez vos levains. 28»

Alexandre le Crom, alias Francesco Maria Colonna, indique aussi que le sel

fixe, qui peut être interprété de différentes manières, s’obtient en environ cinq mois.

« Que l’on ne soit pas surpris de la longueur d’une operation qui ne peut être

achevée qu’en quatre ou cinq mois : ce tems est court en comparaison de deux années

entieres que j’y ay employées la première fois que je l’ay faite, n’ayant pas eu le même

avantage que celui que je présente aux autres. 29»

La digestion (ou distillation) est aussi une étape importante de la préparation du

grand œuvre, sa symbolique est complexe (nous n’entrerons pas ici dans ce domaine)

et sa mise en place relativement floue, au sens où il ne doit pas y avoir une seule

digestion, mais une succession de digestions. Philippe Ulstade soutient l’idée que les

digestions doivent être réalisées selon un rythme bien précis, et il n’est pas avare en

détails.

« Il faut considérer diligemment & de parfaite industrie, de quelle substance est

la matiere qu’on veut diriger : c’est à sçavoir dure ou molle substance grosse ou subtile,

& par quel art elle peut être digérée ou putréfiée, afin qu’elle obéisse plus à la

distillation, & que le pur puisse être divisé & se qu’être à part de l’impur, le gros du

subtil, & au contraire, quelque chose donc que ce soit, duquel tu veux tirer la

quintessence de la distillation : premièrement & devant toutes choses, soit putrefié &

28 Le Chevalier Inconnu [pseudonyme], La nature…, op. cit., p. 113. 29 Le Crom [Colonna François-Marie Pompée], Plusieurs expériences utiles et curieuses, concernant la médecine, la métallique, l’oeconomique, & autres curiosités, avec un traité du sel des philosophes en forme de dialogue, où sont enseignez la péparation, les vertus, & l’usage de ce sel merveilleux. Un vade mecum philosophique en faveur des enfants de la science hermétique, Paris, Jolivet, 1718, 306 p., pp. 198-199.

digeré par deux mois en fient de cheval naturel sans y ajouter aucune chose qui lui

augmente sa chaleur, & derechef, entre la premiere & la seconde distillation par un

mois, entre la seconde & la tierce par trois semaines, entre la tierce & la quarte, par

quinze jours, entre la quarte & la quinte, par huit jours : entre la quinte & la sixieme,

par quatre jours, entre la sixte & la septieme, par deux jours. & sache que le fient doit

être toujours d’une même chaleur : car si la chaleur y defaillait, la circulation de l’eau

& mouvement serait corrompue, & par consequent telle matiere qui devait être

redigerée en la quinte essence, serait separée en la chaleur du ciel, laquelle chose tu

pourras voir en la ligne diamétrale, laquelle devise celle quintessence qui est la

superieure partie de ses boues, feces, & lie, qui est la partie inferieure, tu noteras ces

degrés de digestion & de purification devoir être ainsi attribué à leur matiere, qu’il a été

narré dessus des degrés de la chaleur, pour cette comme besoin est de plus longue

putrefaction devant la distillation, qu’après & étant faite la première distillation, celle

matière ne contient plus en elle tant de grosseur, & est plus apte et convenable à faire

la quintessence, que par avant : & pour cette cause après la première distillation, la

putréfaction doit être faite en plus bref temps que devant, car la matiere est déjà faite

plus subtile & mondifiée de ses boues & lies, qu’auparavant : & pourtant, non sans

cause bien faut comme sept distillations.30 »

Pour résumer le cheminement d’Ulstade, on peut dire qu’il existe sept digestions

visiblement consécutives. Pour parvenir à la première digestion il faut deux mois (d’une

chaleur modérée), ensuite l’intervalle entre chaque digestion se raccourcit, il préconise

de passer successivement à un mois, trois semaines, quinze jours, huit jours, quatre

jours et enfin deux jours qui amènent à la septième et dernière digestion. Au total, les

digestions s’étendent donc sur quatre mois et demi, peut-être cinq mois.

Pour finir avec l’importance des astres sur l’œuvre alchimique, on peut donner

l’exemple un peu particulier de La philosophie céleste31 de Grassot. L’extrait que nous

présentons dévoile ce que l’on pourrait assimiler à la théorie de l’homoncule.

« La nature céleste ainsi que l’intellectuelle, sont en l’homme dés le moment

de sa conception, afin d’agir sur l’élémentaire pour la composition des organes, et pour

influer les passions : de sorte que ce ciel humain agit au même instant avec ses

30 Ulstade Philippe, Le ciel des philosophes, Paris, Gaultherot, 1550, 98 p., pp. 4-5. 31 Grassot Louis, La lumière tirée du Cahos, Amsterdam, 1784 et La philosophie céleste, Bordeaux, Fernel, 1803, reprints en un seul volume, Paris, Gutenberg reprint, 1981, 142 p.

influences, et selon qu’il est disposé, y montre d’abord sa puissance, et continue en lui

ses opérations, depuis sa conception jusqu’à sa mort, en cette manière. Toutes les

planètes de son ciel travaillent successivement à le former. Saturne commence, par

sa froideur naturelle, à condenser et épaissir peu à peu la matière prolifique, jusqu’à

ce qu’il la coagule en une masse informe ; et comme de cette masse il en doit sortir

un petit monde, on peut la comparer au premier chaos que Dieu créa, pour en faire

sortir le grand monde. Cette masse est achevée de former dans le premier mois,

durant lequel Saturne opère ; et lorsqu’il a fait sa révolution, Jupiter y fait la sienne, et

par sa chaleur il fait une digestion naturelle de cette masse, lui change sa première

forme, et lui donne celle d’un embryon. Jupiter opère tout le second mois. Au

commencement du troisième, Mars commence d’agir, et par sa chaleur et sa

sécheresse, il divise et sépare les parties de cet embryon, et dispose l’organisation

des principales parties du corps de l’homme ; de sorte qu’à la fin du troisième mois,

l’embryon se trouve préparé aux opérations du Soleil ; qui, au commencement du

quatrième mois, nourrit les esprits et fortifie cet embryon ; l’âme commence pour lors

à le vivifier visiblement, en y faisant voir sa puissance et sa présence, par le

mouvement et la vie ; ce que l’on ne peut nier, puisque c’est à cette époque que la

mère le sent remuer dans son sein. Durant le cinquième mois, Mercure continue

l’organisation du corps, et travaille à la forme des parties de l’homme, qui doivent être

les organes des sens, et à toutes les ouvertures du corps, telles que la bouche, les

narines, les oreilles et le reste. Vénus agissant le sixième mois, achève de former

entièrement les yeux, les sourcils, et ce qui fait la différence des sexes. Enfin, c’est la

mère de génération qui met l’a dernière main à l’organisation du corps de l’homme. La

Lune opère le septièmes mois, et travaille par sa froideur et son humidité à faire sortir

l’enfant du ventre de sa mère, de sorte que s’il naît dans ce mois il peut vivre ; et s’il

ne naît pas, la révolution de Saturne qui recommence le huitième mois, affaiblit l’enfant

par sa froideur et son débilement ; de manière que s’il naît dans ce huitième mois, il

ne peut vivre. Ce qui est incontestablement prouvé par l’expérience. Mais ce mois n’est

pas sitôt fini que Jupiter refait sa révolution, et durant le neuvième mois, par sa chaleur

et son humidité, nourrit l’enfant et répare ses forces, de manière qu’il naît

heureusement, et peut vivre si le neuvième mois est révolu. 32»

32 Grassot Louis, La philosophie…, op. cit., pp. 30-32.

Bien que le terme ne soit jamais employé ici, le concept de l’homoncule semble

sous-entendu. L’homoncule est un thème classique de l’alchimie, mais très peu

dévoilé et étudié. Antoine Calvet33 le fait remonter au récit pseudo-Clémentin grec, où

l’on voit Simon le Magicien créer un enfant à partir de l’air (élément). Cette tradition

très développée dans l’alchimie arabe se transmet au Moyen Age occidental par les

ouvrages de cette origine (Jabir par exemple) mais aussi sous la forme d’apocryphes

des grands auteurs médiévaux (Thomas d’Aquin, Arnaud de Villeneuve…), tout cela

de façon plus ou moins officielle. Paracelse va aussi dans le sens de cette tradition qui

dépasse largement l’alchimie, dans ses œuvres complètes34 on peut noter au moins

deux traités35 où l’on trouve la mention et la manière de produire des homoncules.

Nous ne développerons pas ici le thème de l’homoncule, mais en plaçant cet extrait

sous la symbolique de l’homoncule, nous pouvons donner quelques éléments

temporels, au niveau astral, quant à la réalisation de cette opération pouvant être

alchimique. Chaque planète est associée à une étape d’un mois, et possède ses

propres domaines d’activité. Ce travail peut donc se caler dans le temps, mais il ne

faut toutefois pas oublier les considérations que nous évoquions plus haut, c’est-à-dire

comment caler ce laps de temps et comment l’accrocher à une référence temporelle

tangible.

Nous pouvons revenir un peu plus en détails sur le temps long, avec des

exemples plus détaillés, et pour commencer, nous pouvons donner l’un des

(nombreux) principes de base de l’alchimie qui est la répétition, comme l’affirme

Geron36.

« Il ne faut pas encore ignorer que c’est la reiteration des operations qui porte

une chose à sa perfection ce que l’on experimente dans notre Art par une diligence

infatigable. 37»

33 Calvet Antoine, « Homoncule », in Sallmann Jean-Michel, Dictionnaire historique de la magie et des sciences occultes, Paris, Librairie générale française, 2006, p. 351. 34 Paracelse P. T. A. B. H., Opera omnia medico-chemico-chirurgica, Genève, Sumptibus J.-A. & De Tournes S., 1658, Vol. II, 1174 p. 35 Le premier est intitulé « De natura rerum libri. Liber primi. De generationibus rerum naturalium. » p. 84 des œuvres complètes précédemment citées et le « Liber de Nymphis, Sylphis, Pygmaeis et Salamandris, et caeteris spiritibus. » p. 388. 36 Geron T. F., Clavicule de la philosophie hermétique ou les mistères les plus cachés des anciens & modernes sont misse au jour en faveurs des enfans de l’art, & à la gloire de dieu, 1753, 124 p. 37 Geron T. F., Clavicule de la philosophie…, op. cit., p. 43.

Ce bref extrait permet de rappeler que certaines opérations doivent être

répétées, donc si telle opération est menée durant un mois, le fait qu’elle doive être

répétée trois ou quatre fois nous porte à une durée totale supérieure à un mois. Ainsi,

il ne faut pas simplement additionner les durées des opérations alchimiques mais

comprendre le fonctionnement d’ensemble avant d’interpréter.

Limojon de Saint-Didier38, qui finalement nous renseigne beaucoup sur le temps

alchimique, donne son interprétation quant à la période où le travail des noces

philosophiques doit être engagé.

« J'en suis venu trop avant, pour vous refuser un eclaircissement si necessaire,

& si raisonnable. Plusieurs Philosophes ont marqué la saison de l'année, qui est la

plus propre à cette operation. Les uns n'en ont point fait de mystères; les autres plus

reservez ne se sont expliqués sur ce point que par des paraboles. Les premiers ont

nommé le mois de Mars, & le printemps. Zachaire & quelques autres Philosophes

disent, qu'ils commencèrent leur œuvre à Pâques, & qu'ils la finirent heureusement

dans le cours de l'année. Les autres se contentent de representer le jardin des

Hespérides émaillé de fleurs, & particulièrement de violettes & de hyacinthes, qui sont

les premières productions du Printemps. Le Cosmopolite plus ingénieux que les

autres, pour indiquer que la saison la plus propre au travail Philosophique, est celle

dans laquelle tous les être vivants, sensitifs, & vegetables paraissent animés d'un feu

nouveau, qui les porte reciproquement à l'amour, et à la multiplication de leur espece,

dit que Venus est la Déesse de cette Isle charmante, dans laquelle il vit à découvert

tous les mystères de la nature: mais pour marquer plus precisement cette saison, il dit

qu'on voyait paître dans la prairie des beliers, & des taureaux, avec deux jeunes

bergers, exprimant clairement dans cette spirituelle allegorie, les trois mois du

Printemps par les trois signes celestes qui leur repondent: Aries, Taurus, et

Gemini. 39 »

38 Limojon de Saint-Didier Alexandre-Toussaint, Le Triomphe hermétique…, op. cit. 39 Limojon de Saint-Didier Alexandre-Toussaint, Le Triomphe hermétique…, op. cit., pp. 90-92. Nous donnons en note les quelques lignes qui précèdent et qui remettent l’extrait dans son contexte. « Je vous supplie de me dire, si le mariage magique du Ciel et de la Terre, se peut faire en tout temps ; où s’il y a des saisons dans l’année, qui soient plus convenables les unes que les autres, à célébrer ces Noces Philosophiques. ».

Comme nous l’avons vu plus haut, le printemps est un moment de l’année que

les philosophes décrivent comme le plus propice aux noces alchimiques. La matière

doit être donc prête pour le mois de mars. L’affirmation de cet auteur repose

essentiellement sur une allégorie du Cosmopolite (sans qu’il ne soit dit d’où elle

provient), qui assimile des béliers et des taureaux paissant, aux signes zodiacaux

bélier et taureau et deux bergers aux gémeaux. Nous donnons également en note un

extrait de Grimaldy40, qui appuie cette idée.

Cependant, le premier livre de la

Philosophia reformata42 (Fig. 1) pourrait

indiquer un travail dans des zones zodiacales

différentes, centré sur une période courant de

Bélier à Capricorne, trois femmes à tête de

soleil se tenant devant les signes de Bélier à

Capricorne. De plus quatre, signes sont

marqués par des pots enflammés, Lion,

Vierge, Balance, Scorpion, ce qui pourrait

impliquer que le travail par les degrés du feu

doit être mené de Lion à Scorpion. Peut-être

peut-on voir là une allégorie indiquant simplement que l’œuvre doit se travailler du

printemps à l’hiver et que différents degrés de feu sont requis selon les différentes

saisons de l’œuvre.

Nous le disions également plus haut, l’achèvement de la pierre philosophale

interviendrait au bout de neuf mois, Urbigerus le confirme de manière très brève.

« Notre travail de la création du début jusqu’à sa fin parfaite, à notre

connaissance, il faut neuf mois pour atteindre la perfection pour tout artiste habile

40 Copponay de Grimaldy Denis, Œuvres posthumes…, op. cit., p. 46. « Il y a une observation essentielle à faire pour la préparation des remedes, & qui cependant est ignorée, ou négligée, par la plupart des Artistes, c’est sur le temps qu’il faut prendre pour faire, ou du moins pour commencer ces opérations. Il est certain en général que le printems est la saison de l’année la plus favorable pour la composition des remèdes, parce que c’est alors que le soleil par sa chaleur ouvrant les pores de la terre, les esprits vivifiants sortent plus abondamment du centre où ils ont été cuits, & digérés & qu’ils se joignent à leur semblable, qui est le pur du mixte sur lequel on travaille. ». 41 Mylius Johann-Daniel, Philosophia reformata, Frankfort, Lucas Jennis, 1622, gravure n°10, planche 3, Livre 1. 42 Ibid.

Fig. 1 Saisons, Philosophia reformata41, Planche 3, Vignette 10.

suivant nos règles, à moins que quelques accidents se produisent durant la

préparation de nos travaux d’Hercule : pour prévenir une telle chose nous travaillons

en un vaisseau de terre, que nous trouvons bien meilleur que tout vaisseau de verre,

et que tous les anciens philosophes ont préféré utiliser. 43»

Dans cet extrait, le problème est toujours le même, si l’on s’en tient très

fidèlement au texte, nous pourrions dire qu’il faut neuf mois de travail à partir de la

matière première brute afin de parvenir à la fin de l’œuvre, mais on ne peut pas être

certain de cela. En revanche, Urbigerus ne dit pas que le travail est vain si les neuf

mois ont passé sans que l’œuvre ne soit achevée. On peut donc imaginer que les neuf

mois ne sont que des repères généraux, destinés à rassurer l’alchimiste. Mais ce fait

pose en retour deux conséquences possibles. La première est que les astres n’ont pas

d’importance dans le déroulement de l’œuvre. La seconde est que les astres ont une

certaine importance et qu’il faut alors respecter leur influence. Dans ce cas, le travail

durant neuf mois et l’année solaire douze mois, on pourrait imaginer qu’il existe une

pause ou une stagnation pas nécessairement négative qui permettrait à la matière de

« patienter » durant trois mois, et de reprendre son évolution lors d’une nouvelle année

(ou nouveau printemps). L’affirmation de Coutan44 peut être comprise dans ce sens,

puisque l’auteur affirme que la nature règle son travail sur le cours du soleil, le travail

durerait donc une année. Il ne s’agit pas forcément d’un désaccord entre les deux

auteurs. Si l’on accepte l’achèvement de l’œuvre au bout d’un an, on peut imaginer

que les neuf mois d’Urbigerus sont des mois de travail intense entrecoupés de trois

mois de stagnation (du moins vu de l’extérieur), un peu comme une semaine de sept

jours ne comporte que cinq jours ouvrables.

43 Ubigerus, op. cit., p. 38. « All our Work of the Creation from its very Beginning to its perfect End may, on our certain knowledge, be perfected in les than nine Months by any skilful and careful Artist that follows our Rules, unless some Accident should happen in the Preparation of our herculean Works ; which to prevent, we wrought them our self in an earthen Vessel, which we count far better and surer than any Glass, and which is most agreeable to the practice of the most ancient Philosophers. ». 44 Coutan [Trad. Supposé], Le grand œuvre dévoilé en faveur des enfants de la lumière, Amsterdam, Paris, Delalain, 1775, 72 p., p. 17. « Notre mere commune, la nature regle toujours ses productions sur le cours annuel du soleil qui est le véritable pere. ».

Nous pouvons terminer sur une brève explication du temps de travail de

l’alchimiste. Dans sa conception quotidienne, elle nous est fournie par l’Etoile

flamboyante de Tschoudy45.

« D. Quelle heure est-il quand le Philosophe commence son travail ?

R. Le point du jour, car il ne doit jamais se relâcher de son activité.

D. Quand se repose-t-il ?

R. Lorsque l'œuvre est à sa perfection.

D. Quelle heure est-il à la fin de l'ouvrage ?

R. Midi plein ; c'est-à-dire, l'instant où le soleil est dans sa plus grande force, &

le fils de cet astre en sa plus brillante splendeur. 46»

Tschoudy ne nous apprend, ici, rien de nouveau ; si ce n’est que l’artiste doit

travailler uniquement le matin, du lever du soleil jusqu’à son zénith.

Le temps alchimique apparaît donc complexe et présentant de multiples

facettes. Afin de l’appréhender plus avant, il convient de prendre en compte ses

différentes acceptions, celles du temps long, du calendrier, du temps court ou partiel,

de l’absolu, de la mécanique céleste, ou encore de l’influence astrale. Mais même en

conservant cette perspective à l’esprit, percevoir le temps alchimique n’est pas chose

facile, voire même carrément impossible. Il s’agit de la question centrale du travail

alchimique, comment penser le temps ? Il faut le penser comme un temps mystique,

en dehors des règles du temps profane, ce n’est pas un temps chaotique contrairement

à ce que veulent laisser percevoir les artistes, c’est un temps dont les règles mystiques

ne sont pas dévoilées.

45 Tschoudy Théodore-Henri, L’étoile flamboyante ou la société des francs-maçons, considérée sous tous les aspects, Paris, Boudet, 1766, 2 Tomes, 342 p., 327 p., T. 2. 46 Tschoudy Théodore-Henri, L’étoile flamboyante…, op. cit., T.2, p. 142-143.