[“Questions about Wolves. Fantasy and Reality”], Le Loup en questions. Fantasme et réalité,...
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Fantasme et réalité
Jean-Marc Moriceau
Le loup en questions
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SOMMAIRE
Introduction Le loup en France : où en est- on ? ............. 11
I. Le loup : ange ou démon ?...................... 15
II. Le loup dans le territoire : combien de loups en France ? .................... 29
III. Le loup dangereux pour l’homme : fantasme ou négation ? ............................... 51
IV. Le loup et le monde animal : quel impact ? ............................................. 69
V. La gestion du loup : un compromis impossible ? ........................ 85
Conclusion Le loup et l’homme : une crise ouverte ...... 109
Annexe ...................................................... 113
Bibliographie ............................................. 117
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INTRODUCTION
LE LOUP EN FRANCE : OÙ EN EST- ON ?
« Bienvenue au loup ! Il revient en France. »
Antoine Peillon et Geneviève Carbone, 1993 1
Le loup n’est pas un animal ordinaire. Janus à quatre pattes, il incarne des oppositions qui semblent irréductibles : fléau des hommes et handicap sérieux à l’essor de l’élevage pour les uns, il est pour les autres un symbole de biodi-versité et un atout maître dans la restauration de la « nature ». En France, ces visions antinomiques – que l’on aurait pu croire surannées – trouvent à s’exacerber avec le retour de l’intéressé, effectif depuis au moins le 5 novembre 1992, mais reconnu seulement en avril 1993.
À quoi tiennent ces deux visions ? Combien y a- t-il de loups aujourd’hui ? Où les rencontre- t-on ? Carnivore opportuniste, le prédateur est- il dangereux pour l’homme ? Longtemps la question
1. Terre sauvage, n° 73, mai 1993.
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allait de soi. Aujourd’hui elle semble presque taboue, comme si le sort de l’animal tenait à l’image que l’on voudrait donner de lui. Carnivore bien réel en dehors de notre imagination, le loup exerce un impact sur la faune sauvage et domes-tique. Quelle en est l’importance ? Tandis que Canis lupus est réinstallé en France et que le monde agropastoral est frappé de plein fouet, comment le gérer en minimisant les dommages qu’il provoque ? Sur ce sujet brûlant, qui oppose écologistes et éleveurs, l’urgence commande d’établir un honnête bilan. Protéger le loup et protéger le troupeau : cet impératif contradictoire suppose des arbitrages et une évolution régle-mentaire, alors que le statut du loup s’est dia-métralement inversé.
Dans le cadre de cet état des lieux, succinct et inévitablement sélectif, l’auteur entend rester modeste. Les connaissances nécessaires pour appréhender les relations entre l’homme et le loup sont très diverses, allant de la biologie animale à la statistique, en passant par le droit, l’économie, l’agronomie, la sociologie, l’ethnologie, la géogra-phie et l’histoire ; les points de vue et les positions, souvent légitimes et contradictoires, sont multiples et la complexité des situations sur le terrain dresse un redoutable casse- tête. Il est difficile de dégager à chaque fois des idées générales qui seraient appli-cables partout et d’envisager toutes les conséquences possibles des choix adoptés, écologiques, sociales, économiques, psychologiques, politiques, indivi-duelles ou collectives. Le loup force les hommes à débattre, à confronter leurs expériences, à faire progresser leur savoir, mais il avive aussi les
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tensions, accroît les incompréhensions et fait naître de nouveaux clivages. Aujourd’hui comme hier, il est un révélateur de l’état des sociétés et de leur environnement.
Ce petit livre n’a qu’une ambition : offrir un ins-trument d’informations, participer au débat et lever certains préjugés. Si chemin faisant il contribue à nuancer les positions, à faire comprendre les consé-quences parfois dramatiques de notre politique, à susciter une action internationale dans un sens pragmatique, il n’aura pas été inutile.
Caen, Pôle rural de la Maison de la recherche en sciences humaines (MRSH),
août 2014-février 2015
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Zones de présencepermanente (ZPP)
1-99 victimes
100-999 victimes
1 000-2 731 victimes
Zones de présenceoccasionnelle
Constats d’attaques sur des animaux domestiques :8 226 victimes indemnisées en 2014
0 150 km
Vigilance accruede l’ONCFS
Le loup aujourd’hui en France. Zones de présence et impact sur le bétail 1.
1. Sources : ONCFS- DREAL et presse quotidienne régio-nale.
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population se confirme et, passé 2002, sa via-bilité paraît assurée.
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1996
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2005
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20072008
2009
20102011
2012
2013
Victimes animales indemnisées
La population de loups en France, de 1996 à 2013.Évolution d’après la méthode
de capture- marquage- recapture (CMR) 1.
L’extension du loup : croissance du nombre de ZPP
Année ZPP
1993 1
1998 5
2002 10
2005 16
2009 26
2014 38
1. Source : ONCFS.
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Août Septem
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Moissons
Vendanges
H I V E R N A G E D E S
E S
T I V
A G E D
E S T R O U P E A U X
T R O U P E A U X
Victimes de loups prédateurs(par rapport à un indice 100)Base statistique : 2 582 cas (1580-1821)1
Total des décès des plus de 5 ansBassin parisien (1671-1720)2
Des risques inégaux dans l’année. Répartition mensuelle des victimes humaines
de loups prédateurs (1580-1821).
1. Site Homme et loup : 2 000 ans d’histoire : www.unicaen.fr/ homme_et_loup2. D’après Jacques Dupâquier, La Population rurale du Bassin parisien à l’époque de Louis XIV, édition de l’EHESS, 1979, p. 267-273.
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CONCLUSION
LE LOUP ET L’HOMME : UNE CRISE OUVERTE
« Ces questions d’environnement relèvent souvent du fantasme, du symbole et négligent largement des réalités locales, territoriales […] Veut- on une nature du début du XXe siècle, une nature du XVIIIe siècle ? »
Denis Granjean, 2003 1
Le loup a avivé des difficultés qui existaient avant même son retour. Il en a suscité de nou-velles. Fléau combattu des siècles durant et enfin éliminé au cours de la IIIe République, le canidé sauvage bénéficie des faveurs de nos contemporains. Le retournement de l’opinion – pas toujours bien informée des héritages de l’histoire ou des réalités de la biologie – et l’inversion radicale du statut de l’animal – dans ce choix, l’homme n’a guère su faire preuve de mesure – ont conduit mécani-quement à une situation de crise. Cette situation n’est pas propre à la France et bien d’autres
1. Directeur du parc national du Mercantour, dans Daniel Spagnou, op. cit., audition du 4 mars 2003.
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éleveurs, en Piémont, en Suisse ou en Catalogne, pour ne citer que ces exemples, ont les mêmes réactions. Quoi qu’en disent certains propos relayés sur Internet, la réapparition protégée du loup n’est pas une simple question hexagonale : elle pose des problèmes comparables à l’échelle européenne. C’est à ce niveau que des solutions pragmatiques – et pas seulement idéologiques – pourront être mises en place. Mais de combien de temps disposent encore bergers et éleveurs confrontés au prédateur ? Que demander de plus aux acteurs de l’agropastoralisme après des années successives de perturbation quotidienne et de remise en cause permanente de leurs pratiques ? Et que dire de la lassitude qui gagne désormais les agents impliqués sur le terrain dans le dispo-sitif de régulation, au sein de l’ONCFS, de la lou-veterie et des chasseurs ?
Plusieurs sources d’inquiétude apparaissent. L’extension géographique vers les régions de plaines n’a jamais été aussi marquée que depuis trois ou quatre ans : faute d’anticipation, le front de colonisation de Canis lupus multiplie les pertes dans différents types d’élevage jusqu’à en susciter au sein même des prédateurs. Dans les bastions que constituent les départements de la région Provence- Alpes- Côte d’Azur, le palier des préda-tions contenu quelques années par les efforts de protection est franchi depuis 2010 : les loups s’at-taquent désormais aux chiens de protection et le niveau des pertes dépasse par endroits le seuil de tolérance. En 2013, lançant un cri d’alarme, le colloque de Valdeblore souligne les limites du sys-tème dissuasif français : risquerait- on aujourd’hui
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de perdre le contrôle de la situation dans les départements méditerranéens 1 ? Les dommages collatéraux suscités par la recolonisation du loup deviennent suffisamment lourds pour dissuader les nouveaux venus de s’engager dans une filière aussi éprouvée.
Dans cette situation d’urgence, il est indispen-sable de faire avancer les politiques. Aucune solu-tion n’étant parfaite, c’est à l’intérieur de positions de compromis nécessaires et rapidement opéra-tionnels que l’on espère voir évoluer la situation. Encore faut- il un minimum de transparence, d’information et de débat, toutes exigences qui n’ont guère été remplies de 1988 à 1992, lorsque la France a apposé sa signature à une série de documents réglementaires qui ont sanctuarisé le retour du loup.
En octobre 2013, à Saint- Martin- Vésubie, un symposium entre scientifiques et acteurs confrontés au loup a débouché sur un certain nombre de propositions qui visent à améliorer l’efficacité de la protection et la gestion de l’ani-mal : graduation des ripostes et des indemnisa-tions selon les territoires, à partir d’une échelle de risques subis et ressentis par les acteurs ; accrois-sement et meilleure éducation des chiens de pro-tection, mais en associant plus étroitement les éleveurs au processus de décision ; reconnaissance du rôle des chasseurs, dont la connaissance effec-tive de l’animal sauvage trouverait l’occasion de contribuer à une mission de service public (en
1. Laurent Garde, « Prédation et stratégies de protection des troupeaux. Les leçons acquises après vingt ans de pré-sence de loups dans les Alpes françaises », 2013.
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tirant parti du projet Médialoup) ; meilleure prise en compte du coût du prédateur et création d’un fonds d’indemnisation européen ; information contradictoire plus approfondie et plus transpa-rente ; et régulation plus rapide dans le cadre d’une « applicabilité » effective du plan loup en cours 1. La gestion de Canis lupus impose une nouvelle géographie des espaces montagnards dans laquelle le tourisme peut trouver son compte, tout en respectant l’activité pastorale.
Choix de société – qu’il faudrait pourtant enté-riner et nuancer au terme d’une réflexion plus large –, le retour protégé du loup est aussi un atout que l’on fait payer au prix fort à une minorité de la population placée devant le fait accompli. Ce déséquilibre criant engage les décideurs à prendre en considération tous ceux qui, aujourd’hui, en subissent les conséquences. À cet égard, au dog-matisme qui résiste encore, plus de vingt ans d’ex-périences devraient faire succéder la souplesse, le sens de la mesure et l’ouverture d’esprit. Un animal sauvage prédateur comme le loup nous contraint à reconsidérer notre rapport à la nature en tempérant l’idéologie par le réalisme sur le ter-rain européen. Un minimum de consultations et même de consensus est nécessaire pour parvenir à des solutions durables. Animal symbolique, à la fois du passé et de l’avenir, le loup défie les hommes et les pousse à la compréhension et au pragmatisme. À l’intelligence.
1. Jean- Marc Moriceau, op. cit., 2014.
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L’impact du loup sur le bétail (1993-2014).
AnnéeNombre
dedépartements
Attaques indemnisées
(nombre de constats)
1993 1 10
1994 51
1995 104
1996 202
1997 5 201
1998 304
1999 7 313
2000 6 371
2001 7 368
2002 571
2003 8 508
2004 7 690
2005 9 969
2006 8 753
2007 10 707
2008 8 747
2009 11 979
2010 11 1 090
2011 14 1 416
2012 15 1 874
2013 22 1 868
2014 29 2 172
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Année Victimes indemnisées
Montantdes indemnisations
(en euros ou équivalent)
1993 36
409 182
1994 192
1995 441
1996 831
1997 874
1998 1 228
1999 1 927 319 117
2000 1 483 275 106
2001 1 830 315 366
2002 2 726 417 184
2003 2 177 388 566
2004 3 188 494 255
2005 3 762 1 016 105
2006 2 552 702 861
2007 2 994 912 930
2008 2 747 794 577
2009 3 263 1 039 293
2010 4 189 1 186 239
2011 4 921 1 548 760
2012 6 128 1 938 793
2013 6 211 1 995 958
2014 8 226 2 497 362
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CRÉDITS
Adaptation des figures : Vincent Landrinp. 41 : © Pôle rural – université de Caen,
Jean- Marc Moriceau et Cyril Guesnon/Libella, 2015p. 63 : © Pôle rural – université de Caen,
Jean- Marc Moriceau et Cyril Guesnon/Libella, 2015
CET OUVRAGE
A ÉTÉ COMPOSÉ
PAR NORD COMPO
ET ACHEVÉ D’IMPRIMER
SUR ROTO- PAGE
PAR XXX
Dépôt légal : mai 2015Numéro d’impression : XXX
Imprimé en France
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