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"Pratiques sexuelles et morale" Le sexe dans la Rome Antique : fantasmes et réalité (4/4)...
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Le sexe dans la Rome Antique :
Fantasmes et réalité (4/4)
Pratiques sexuelles et morale
Dr Virginie Girod
Sexualité : domaine de l’intime, de l’indicible, de l’inénarrable
Comment comprendre la sexualité des Romains ?
La morale : prescrit ce qui est bon et ce qui est mauvais (philosophie, anecdotes de la littérature antique comprenant un jugement positif ou négatif)
La loi : prescrit ce qui est permis et ce qui est interdit, ce qui engendre, le cas échéant, une sanction publique (déchéance, répudiation, relégation, exil, mort)
L’archéologie : permet l’observation de la vie quotidienne, oppose la théorie et la pratique (chambres à coucher, lupanars, objets d’art érotique)
Les graffitis : témoignages du quotidien représentant une époque (accès à des fragments de vies à l’échelle de l’individu)
La sexualité antique n’est pas la nôtre L’implication du corps, la « mécanique » sexuelle ne varie pas dans le temps
La perception morale de la sexualité évolue dans le temps selon des critères sociaux, religieux, médicaux…
Nécessité pour l’historien de se dépouiller de ses préjugés, essayer de regarder la sexualité des Romains au travers des yeux des Romains (Michel Foucault, Histoire de la sexualité, 3 tomes)
Conceptualiser la sexualité des RomainsG. Puccini-Delbey « L’homme romain trouve son identité sexuelle dans le fait d’être un homme (uir) ou de ne pas l’être »L’homme romain est obligatoirement un fututor ≠�fututaEt optionnellement pedicator ≠� cinaedus
irrumator ≠� fellator
Les possibilités sexuelles de chacun dépendent de son statut social.
Le citoyen est « dominant-pénétrant » faisant de tous les autres des « dominé(e)s-pénétré(e)s »
La sexualité au regard de la loi : ce qui est permis
Homme libre/citoyen : Avec sa femme Ses esclaves Ses affranchis Des prostitué(e)s Personnes frappées d’infamie
Affranchi digne : Comme le citoyen
Esclave ou personne frappée d’infamie : Avec toute autre personne de
rang équivalent Avec un client Avec son maître ou personne
désignée par le maître
Femme libre/ingénue : Avec son mari
Affranchie digne : Comme l’ingénue
Esclave ou personne frappée d’infamie : Avec toute autre personne de
rang équivalent Avec un client Avec son maître ou personne
désignée par le maître
La sexualité au regard de la loi : ce qui est interdit Le stupre /l’impudeur
Relation forcée ou consentie hors-mariage pour une ingénue (vierge, divorcée, veuve)
Relation forcée ou consentie de soumission pour un citoyen (enfant avec bulle, homme libre avec une personne de rang égal ou de rang inférieur
Sanctions encourues : dégradation sociale (infamie/esclavage), relégation, exil, mort L’adultère
Femme mariée en justes noces ayant des rapports avec un autre homme que son mari
Homme ayant une relation sexuelle avec une femme mariée à un autre homme Sanctions encourues pour la femme : dégradation sociale (infamie, esclavage),
répudiation, relégation, exil, mort (ssi flagrant délit sanctionné par le père de la femme adultère ainsi que le complice)
Sanctions encourues pour l’homme : châtiments corporels (tolérés dans le cadre privé), dégradation sociale, relégation, exil, mort
L’homme trompé qui ne répudie pas sa femme dans les deux mois peut être accusé de proxénétisme
Les mésalliances Lex Iulia de maritandis ordinibus : interdiction du mariage des membres de l’ordre
sénatoriale avec des affranchis, des personnes frappées d’infamie (métiers liés au spectacle ou à la prostitution) ou leur descendants directs. Loi abrogée par Justinien pour épouser Théodora en 523.
Interdiction de mariage avec des esclaves ou entre esclaves
Le rôle social de la prostitution Le citoyen exprime sa virilité notamment au travers de son activité sexuelle
- son épouse pour avoir des enfants (devoir social)- les prostituées, les concubines (récompense sociale, exaltation de la virilité,
sexualité récréative) Plusieurs niveaux de prostitution du luxe à la misère La morale de Caton (condamnation de l’excès) De la facilité de trouver une prostituée. L’exemple de Pompéi La taxe sur la prostitution Apaiser le désir des hommes pour protéger la vertu des femmes libres : la finalité
de la prostitution
Pompéi en 79 de n.è.Zones blanches non
fouillées
Un « tabou » romain : l’incesteIncestus : négation de castus (connaissance, application des règles) = violation d’une règle engendrant l’impureté
Disparition des vestales incestueuses
Dégoût profond des Romains pour l’inceste (Catulle, Sénèque, Ovide, Martial, etc…). Perturbation de la terminologie des membres de la famille.
Interdiction du mariage et des relations sexuelles entre une personne et :
Ses ascendants Exemple : l’amour criminel de Myrrha pour son père (Ovide, Métamorphoses, X, 300-348) : « Je vais chanter une affreuse histoire ; retirez-vous jeunes filles ; pères de famille, retirez-vous ou n’ajoutez point foi à ce récit ; ne croyez pas au forfait, ou si vous y croyez, croyez aussi au châtiment. […] Fille impie (…). Toi, devenir la rivale de ta mère, la maîtresse de ton père ! Faudra-t-il qu’on t’appelle la sœur de ton fils, la mère de ton frère ? »
Myrrha transformée en arbre à Myrrhe donne naissance à Adonis après 9 mois d’errance.
Ses collatérauxFrères et sœurs. Autorisation du mariage avec une ex-belle-sœur ou un ex-beau-frère ainsi qu’avec les cousins germains.
Ses descendantsRumeurs d’inceste (tardives) entre Agrippine la Jeune et Néron. Destruction de la fama.Peine lourdement punie : exil, condamnation à mort
Une exception pour la raison d’Etat : la nièce et l’oncle paternel
1er janvier 49, célébration du mariage d’Agrippine la Jeune et de Claude
La sexualité au regard de la morale : ce qui est normal
Fresque de Pompéi. Musée archéologique de Naples.
Le baiser
Pratique érotique n’engageant pas les parties intimes ayant une dimension transcendante et pouvant se faire en public
Valeur de préliminaire, d’acte d’amour et de désir ou de geste commercial !
Dans la sexualité conjugale
Dans la sexualité récréative
La sexualité au regard de la morale : ce qui est normal
Coït vaginal : incontournable pour les hommes
Nécessité de la reproduction pour les femmes mariées
Pratique refusée par certaines prostituées qui préfèrent les pratiques non fécondantes
Ablutions après le coït pour la femme : fonction purificatoire et peut-être anticonceptionnelle
Le cunnilingus : déshonneur masculin
Vestiaire des thermes suburbains de Pompéi
Négation de la phallocentricité de la sexualité, primauté du plaisir de la femme
Souillure de la bouche, l’organe social par excellence.
Littérature et graffitis : dégoût pour la pratique. Opprobre sur celui qui le pratique. Valeur d’injure.
Popilus, comme un chien, tu lèches la vulve.Vétius lèche très bien la vulve. Glyco lèche la vulve pour 2 asses.Maritimus lèche la vulve pour 4 asses. Il admet les vierges. (CIL, IV, 8898 ; 8698 ; 3999 ; 8940)
La fellation : horreurs et délices
Vestiaire des thermes suburbains de Pompéi
Souillure de la bouche, l’organe social par excellence : permis aux esclaves, aux personnes frappées d’infamie, interdit aux citoyens (efféminant) et aux ingénues (non-fécondant)
Fellator : Valeur d’injure (Catulle) ou de menace (priapées)
Fellatrix : proposition commerciale (prostituée) ou injure (femme libre)
Secundilla fellatrix.Sabina fellas, non belle faces. (CIL, IV, 9228 ; 4185)
La sodomie : homophilie ou pratique anticonceptionnelle
Céramique, musée de Lyon-Fourvière.
Pratique privilégiée dans l’homophilie. Impossibilité d’être le cinaedus pour un citoyen
Le puer delicatus
Pratique plus marginale avec les femmes (Martial) mais prostituées spécialisées dans cette pratique (anticonceptionnelle)
Eviter le traumatisme de la nuit de noces
Perversion du regard : scopophilie et exhibtionnisme
Transgression de la règle qui impose la pudeur et l’obscurité dans la sexualité (Ovide)
Psyché allumant une lampe dans la chambre à coucher
Le scopophile est un impuissant (Tibère a Capri)
Le scopophile souille son regard (les miroirs d’Hostius Quadra)
L’exhibitionniste est impudique (défaut de pudicitia)Martial, Epigramme, I, 34 : « C’est toujours la porte non gardée et même librement ouverte, Lesbie, que tu fais l’amour, et tu ne songes pas à cacher tes nombreux ébats : un spectateur te procure plus de plaisir qu’un amant et il n’est pas pour toi de joie d’amour si elle reste secrète. Pourtant la courtisane écarte les témoins à l’aide d’un verrou ou d’un rideau et les cloisons des bouges du submemmium ne laissent guère filtrer le jour (…). Les dernières des prostituées se cachent, fût-ce à l’intérieur des monuments funèbres (…). »
Variations sur le thème de la perversion La bestialité (Apulée)
L’agalmatophilie Pygmalion : la recherche de la puretéStatues de Vénus et Eros : fétichisme
sacrilège
Le tribadisme (Martial, Juvénal, Ovide)
Les eunuques
Le plaisir féminin : une perversion ?Le point de vue d’OvideLe point de vue de LucrèceLe point de vue de Soranos Aphrodite Brescia,
type Aphrodite de Cnide, Glyptothèque de Munich
Les affres de l’impuissance
Défaut de virilité préjudiciable socialement (celui qui n’est pas un fututor n’est pas un vrai mâle)
Pour le couple marié : sauver les apparences ou divorcer
Couple non marié : injure faite à la femme, remise en question de sa féminitéLe châtiment d’Encolpe (Pétrone)
Conclusion
La sexualité est une souillure
Le rang social et le genre déterminent la sexualité de chaque personne
La sexualité romaine est phallocentrique
La sexualité romaine repose sur l’opposition des genres masculins et féminins en lien avec les comportements
L’ingénue à la sexualité la plus limité (reproductrice)
Le citoyen ne peut-être que dominant (socialement) et pénétrant (physiquement) sous peine de déchéance
La morale préconise l’évitement de certaines pratiques
La loi condamne les pratiques qui vont à l’encontre du mos mariorum (corruption des citoyens, perturbation des lignages)
BibliographieGIROD Virginie, Les femmes et le sexe dans la Rome Antique, Paris, Tallandier, 2013.
GIROD Virginie, Agrippine, sexe, crimes et pouvoir dans la Rome impériale, Paris, Tallandier, 2015.
PUCCINI-DELBEY Géraldine, La vie sexuelle à Rome, Paris, Tallandier, 2007.
ROBERT Jean-Noël, Eros romain, sexe et morale dans l’ancienne Rome, Paris, Les Belles Lettres, 1997.
Retour aux sources :
APULEE, Les métamorphoses (L’âne d’or)OVIDE, L’art d’aimer ; Les métamorphosesMARTIAL, EpigrammesJUVENAL, SatiresPETRONE, Satiricon
Dans la collection Budé aux Belles-Lettres, en Poche ou sur le site remacle.org