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« Pratique sportive des personnes appareillées, entre gestion du handicap et apprentissage de la prothèse : Analyses et observations de terrain » Valentine Gourinat Doctorante en Éthique Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe Université de Strasbourg

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«  Pratique sportive des personnes appareillées, entre gestion du handicap et apprentissage de la 

prothèse  : Analyses et observations de terrain  »

Valentine GourinatDoctorante en Éthique

Laboratoire Cultures et Sociétés en EuropeUniversité de Strasbourg

MARCELLINI Anne, Des vies en fauteuil... Usage du sport dans les processus de déstigmatisation et d'intégration

sociale, Paris, Édition CTNERHI, 2005.

FUCHS Amélie, « Se dépasser pour dépasser la maladie », in GAILLARD Joël (dir.), Pratiques sportives et

handicap, « Ensemble, sportons-nous bien », Lyon, Chronique Sociale, 2007.

Présentation des personnes étudiées (1/2)

Prénom Âge Cause de l'amputation Type d'amputation

Encore actif aux 3A ?

Nabil 35 Maladie congénitale(Amputation à 18 ans)

Fémorale gauche Non

Émilie 40 Accident domestique(Amputation à 3 ans)

Pied droit Non

Françoise 48 Maladie congénitale(Amputation à 20 ans)

Tibiale gauche Oui

Géraldine 61 Ostéomyélite(Amputation à 6 ans)

Tibiale droite Oui

Gustave 82 Accident domestique(Amputation à 67 ans)

Fémorale droite Oui

Marie 56 Accident du travail(Amputation à 20 ans)

Double tibiale Oui

Jean-Claude 52 Accident de la circulation(Amputation à 9 ans)

Tibiale gauche Oui

Présentation des personnes étudiées (2/2)

Prénom Âge Cause de l'amputation Type d'amputation Encore actif aux 3A ?

Paul 46 Accident de moto(Amputation à 26 ans)

Tibiale droite Non

Idris 43 Accident de moto(Amputation à 35 ans)

Tibiale gauche Non

Martin 71 Chondrosarcome (cancer)(Amputation à 60 ans)

Fémorale gauche Oui

Stephane 43 Accident de moto(Amputation à 39 ans)

Tibiale droite Oui

Virginie 48 Accident de la circulation(Amputation à 12 ans)

Tibiale gauche Oui

Eugénie 56 Accident de voiture(Amputation à 25 ans)

Tibiale gauche Oui

Présentation des 3A : Principe et objectifs

- Création en 2001 au CRF Clémenceau.

- Initiative conjointe de l'équipe médicale et de patients engagés.

- Propose principalement de la randonnée pédestre et des treks en milieux montagneux ou désertiques.

- Organise parfois des activités exceptionnelles : parapente, escalade, canoë, accrobranche, etc.

Présentation des 3A : Principe et objectifs

- Principe de mixité entre les amputés et les valides (« intégration à l'envers »)

- Échange d'expériences et de conseils entre amputés

- Développement de la gestion de la prothèse et de la connaissance du moignon

- Amélioration des capacités de marche et de l'endurance physique

Répartition des pratiques sportives des personnes étudiées (en dehors des activités proposées par les 3A)

Prénom Pratiques cadre handisport (passées et présentes)

Pratiques cadre valide (passées et présentes)

Nabil Boxe, musculation, football, judo.

Émilie Football Football, badminton, ski, moto, vélo.

Françoise Ski (en coque), lancer de javelot.

Ski (en coque)

Géraldine

Gustave Natation Natation, marche.

Marie Natation

Jean-Claude Course à pied, équitation, moto, plongée, trek.

Répartition des pratiques sportives des personnes étudiées (en dehors des activités proposées par les 3A)

Prénom Pratiques cadre handisport (passées et présentes)

Pratiques cadre valide (passées et présentes)

Paul Triathlon Triathlon, natation, vélo, course, moto, kayak.

Idris Ski Quad, ski, natation, water polo.

Martin Natation

Stephane Natation, badminton.

Virginie Course à pied.

Eugénie Yoga, qi gong.

Pourquoi un club handisport (ou les 3A) plutôt qu'une structure valide ?

« C'est difficile en fait de..., comment dire... (elle rit) d'aller se montrer physiquement. Parce qu'il y a toujours le regard de

l'autre, en fait.

Aller dans la piscine municipale, ça c'est un peu dur quand même. Pareil pour la mer, ça dépend comment je suis lunée, mais c'est

dur de supporter les regards insistants, parfois on lit même l'horreur sur les visages, ça c'est pas facile... c'est pour ça que

je préfère aller à la piscine ici, entre nous. »

(Marie)

Pourquoi un club handisport (ou les 3A) plutôt qu'une structure valide ?

« Je pense aussi que le handicap fait que l'entraineur n'a pas l'habitude d'entrainer des handicapés.

Mon entraineur, il pourra me dire « écoute, je vois que quelque chose ne va pas, c'est pas correct, mais je ne peux pas te dire où ça bloque, si ça vient de toi, si ça vient de ta prothèse, ou si ça vient d'autre chose, mais en tout cas je sais qu'il y a un truc

qui ne va pas ».

Donc au final, c'est à moi d'analyser ce qui se passe... »

(Idris)

Pourquoi un club handisport (ou les 3A) plutôt qu'une structure valide ?

« La première fois que je suis allé au club de boxe, j'ai regardé par la fenêtre pour voir comment ça se passait, et j'ai directement

fait demi-tour. Je suis parti. Je me suis dit, ils vont se moquer de moi, jamais il vont m'accepter... »

(Nabil)

Pourquoi un club valide (ou les 3A) plutôt qu'un club handisport ?

« Moi je suis plus à l'aise dans le milieu valide. Parce que c'est la vraie vie ! (il rit)

Le milieu du handicap, c'est pas mon milieu, quoi. Schématiquement, j'arrive pas à me voir comme un handicapé, quoi, je pense que je ne le suis pas, d'ailleurs. (il sourit) On va

dire que j'ai juste une spécificité physique... »

(Paul)

Pourquoi un club valide (ou les 3A) plutôt qu'un club handisport ?

« Moi j'avais beaucoup d'a priori en arrivant aux 3A, à cause de mon expérience handisport. J'imaginais que j'allais encore tomber sur des gens qui pleurent sur leur propre sort, mais

c'était pas du tout le cas, c'était bien ça, parce que c'est un truc que j'aime pas trop, de se lamenter sur son propre sort.

Si je suis pas à l'aise dans le handisport, c'est pas à cause de la structure elle-même, c'est plus à cause des pratiquants eux-mêmes. Je pense que ce serait mieux s'il y avait quelques valides avec eux... Ça changerait sans doute l'ambiance

générale » (Paul)

Pourquoi un club valide (ou les 3A) plutôt qu'un club handisport ?

« Le côté valide c'est très important pour moi. Pour ne pas t'enfermer, c'est super important parce que je veux faire la

même chose que les autres.

Quand au foot on me dit « tu seras dans les buts parce que t'as une prothèse », ça me gonfle, je dis « non, moi je suis milieu

de terrain ! », enfin, voilà quoi.

C'est aussi une satisfaction quand je suis vraiment intégrée dans l'équipe, même quand elle est de bas niveau, ça me fait du bien

de ne pas systématiquement être remplaçante... »

(Émilie)

Pourquoi un club valide (ou les 3A) plutôt qu'un club handisport ?

« Des fois c'est un peu lourd, je me dis que c'est un peu trop.Tu vois, parfois ça arrive qu'on vous remette un prix juste parce que

vous avez couru en handisport, mais moi ça m'intéresse pas ça... Moi je veux une récompense que si j'ai gagné ! Si j'ai pas

gagné, voilà, ça m'intéresse pas d'avoir une récompense...

Alors que les courses valides, c'est hyper stimulant ! J'arrive en milieu de tableau, je suis pas premier, mais je suis content parce que je suis pas dernier ! Donc ça me rend fier. Et puis grâce à

ça, j'ai l'impression qu'aujourd'hui j'ai réussi à regagner ma place d'avant. »

(Idris)

Analyse des profils observés

Profil n°1 : Paul, Idris et Stéphane

- Hommes jeunes, déjà actifs avant leur amputation.

- Victimes d'accident (lié à l'une de leurs pratiques).

- Utilisent la course à la performance comme mode de résilience.

- Envie de démontrer leurs compétences au grand jour.

- Cherchent la confrontation avec les valides, afin d'en tirer une forme de fierté.

- Accros à l'adrénaline, passion pour l'action sportive.

Profil n°2 : Émilie, Jean-Claude, Virginie, Nabil, Françoise.

- Sont amputés (ou en tout cas handicapés) depuis leur plus jeune âge.

- Ont construit leurs pratiques sportives avec leur handicap.

- Ne cherchent plus à se prouver ou à prouver leurs propres compétences.

- Leur objectif est avant tout de vivre une vie « normale », de se fonde dans la masse des valides.

- Pas particulièrement d'esprit de compétition, simplement le plaisir de faire ce qu'ils veulent en matière de sport.

Profil n°3 : Marie, Géraldine, Eugénie, Martin

- Personnes n'ayant jamais été très sportives, ou ayant pratiqué de façon modérée.

- Ont été amputées assez tardivement pour avoir connu un « avant ».

- Cherchent surtout à se dépasser elles-mêmes, à atteindre des objectifs symboliques.

- Pas d'esprit de compétition ni de comparaison avec les autres.

- Quête d'autonomie plus que quête de performance.

- Profil-type pour lequel les 3A ont été créés.

ConclusionUne variété de profils et d'attentes

en matière de bienfaits procurés par la pratique sportive.

Les amputés sont dans une position complexe, à cheval entre deux mondes.

Difficulté à se situer ou de se reconnaître dans les propositions offertes par les clubs handisport ou les clubs valides

Les 3A : une démarche hybride qui permet de contourner ces obstacles et réticences.

N'est pas une solution « miracle » cependant (ne peut pas s'adresser à tous les amputés), d'autant plus que le présent système commence quelque peu à s'essouffler.

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