Portée et limites du concept de réconciliation. Une histoire à terminer

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Portée et limites du concept de réconciliation Unehistoire à terminer

Valérie Rosoux

Revue d’études comparatives Est-Ouest / Volume 45 / Issue 03-04 / December 2014, pp 21 - 47DOI: 10.4074/S0338059914003027, Published online: 05 January 2015

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Portée et lImItes du concePt de réconcIlIatIon

une hIstoIre à termIner

Valérie rosoux

Maître de recherches, Centre d’étude des crises et des conflits interna-tionaux (FNRS-CECRI), Université Catholique de Louvain ; [email protected]

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47Résumé : Quelle est la portée des appels à la réconciliation au lendemain d’une guerre? Quelles sont les spécificités de la « politique de réconciliation » prô-née par les instances européennes ? Il convient en effet de s’interroger sur un concept qui se révèle plus ambivalent qu’il n’y paraît de prime abord. La pre-mière partie de cet article dresse un panorama des diverses approches théo-riques de la réconciliation. Elle montre que praticiens et chercheurs se situent sur un continuum entre, d’une part, une vision minimaliste selon laquelle la réconciliation renvoie à toute forme d’arrangement mutuel entre anciens ennemis et, de l’autre, une vision maximaliste qui considère la réconcilia-tion comme un processus transcendantal impliquant vérité, justice et par-don. La deuxième partie s’attache aux ambitions européennes en la matière. Elle explique comment la réconciliation évoque tantôt l’origine de l’aventure commune, tantôt l’objectif à poursuivre inlassablement. La troisième partie s’interroge quant à elle sur les prémisses d’une telle ambition.

mots-clefs : réconciliation, mémoire, Union européenne, histoire, cas franco-allemand, Balkans, Rwanda

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Certaines questions surgissent immanquablement au lendemain des guerres. Comment transmettre non pas le poids d’un passé tragique mais l’énergie de le dépasser ? Comment déceler « parmi les débris du passé » ce qui fut non pas seulement perdu mais aussi promis (Revault d’Allones, 2013, p. 215) ? Comment rester fidèle à ceux qui ne se relèveront pas tout en s’élançant à nouveau – fût-ce de presque rien1 ? Comment, en d’autres termes, « enterrer les morts » pour « libérer les possibles » et faire « une place aux vivants » (Certeau, 1975, p. 118) ? Chacune de ces interrogations se pose au moment d’affronter le regard de ceux qui restent et de ceux qui, souvent, se présentent comme vic-times et bourreaux à la fois. Ces questions en appellent d’autres. Que raconter le soir à ses enfants, que représenter dans leurs manuels, que sélectionner pour les encourager ou les bercer ? Se bousculent alors les narrations, justifications et autres appels à la réparation. S’accumulent les souvenirs de visages violentés, de villages ravagés, de paysages défigurés. Face à ces tragédies, s’agit-il de mettre à distance, de juger, de dénoncer ? Est-il question d’une mémoire à honorer ou d’une « his-toire à terminer »2 ?

Pour trouver un fil rouge qui puisse être non pas rouge sang, rouge vif, mais rouge vie, nombre d’acteurs, praticiens et chercheurs valo-risent l’objectif de réconciliation. S’imposant désormais comme « une dimension cruciale de la prévention des conflits » (Bloomfield et alii, 2003)3, la réconciliation constitue l’objectif vers lequel tendre pour aller vers l’avant. Elle émaille l’ensemble des discours prononcés sur la scène internationale. Les instances européennes n’échappent pas à la règle. Il convient pourtant de s’interroger sur un concept qui se révèle plus ambivalent qu’il n’y paraît. Pour ce faire, notre réflexion s’articule autour de trois parties. La première propose certaines clarifi-cations conceptuelles. Elle dresse un panorama des diverses approches théoriques de la réconciliation. La deuxième partie s’attache aux ambi-tions européennes en la matière. Existe-t-il une véritable « politique de

1. Voir le logogramme S’élancer de presque rien du peintre belge Christian Dotremont (2004, p. 98).

2. Selon l’expression de Dalida Kerchouche (Destins de harkis, Paris, Autrement, 2003).

3. Manuel publié par IDEA, La reconciliation après un conflit violent, Stockholm, 2003, p. 5.

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réconciliation » en Europe ? Si oui, comment se décline-t-elle ? La troi-sième partie s’interroge quant à elle sur les limites de telles ambitions.

La posture de recherche adoptée tout au long de ces pages ne se veut pas cynique. Elle ne considère pas a priori que l’appel à la réconcilia-tion puisse être réduit à un slogan qui relève de l’air du temps. Elle ne se veut pas davantage euphorique. La réconciliation ne peut constituer la formule miracle à tous les maux post-conflit. Plutôt que de louer ou de dénoncer, nous entendons observer les usages de la notion étudiée ainsi que les éventuels décalages auxquels elle peut donner lieu4.

clarifications conceptuelles

Longtemps considéré comme non pertinent dans le domaine des relations internationales, le terme de réconciliation s’impose désormais sur toutes les scènes, que ce soit en Afghanistan (Semple, 2009) (où il est sans cesse question de « réconciliation » entre le gouvernement et les talibans, là où il s’agit en réalité d’un accord politique), en Lybie (où nombre d’ambassadeurs européens expliquent que leur objectif n’est pas d’exporter la démocratie mais de soutenir la réconciliation5) ou encore au Congo (où tous s’épuisent à souligner l’importance de la réconciliation nationale, alors que les atrocités civiles vont bon train)6. Partout, la réconciliation apparaît comme la fin idéale d’une histoire violemment interrompue.

Cet objectif étant précisé, la question de la transformation des anciens ennemis reste ouverte. Comment de facto « démobiliser les esprits » (Pouligny et al., 2007, p. 5) ? Comment se souvenir et oublier pour aller de l’avant ? Aucune réponse toute faite ne s’avère satisfaisante. En la matière, les modèles, recettes et autres inventaires relèvent de la

4. L’analyse se base d’une part sur les entretiens réalisés pendant une année (2010-2011) dans le cadre du United States Institute of Peace (USIP, Washington) et d’autre part sur un corpus de discours officiels prononcés par les représentants de l’UE depuis 2002.

5. Voir les propos tenus par le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, lors de la conférence des « Amis de la Libye » à Paris le 1er septembre 2011 (L’Express, 21 février 2011).

6. Voir la déclaration d’Hervé Ladsous, Sous secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l’organisation des Nations Unies, le 25 janvier 2012.

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gageure et peinent à éclairer les protagonistes. Deux types de question-nements peuvent contribuer à débroussailler le champ post-conflit. Le premier concerne la définition qui est donnée au concept de réconcilia-tion : de quoi parle-t-on? Le second vise le contexte précis de chaque appel à la réconciliation : comment prendre en compte les contraintes et les opportunités spécifiques de chaque cas ?

1.1. une Définition polypHonique

L’usage de plus en plus fréquent de la notion ne signifie pas qu’elle est définie avec clarté. Lors des entretiens menés à Washington, les interlocuteurs officiels rencontrés s’accordaient tous sur la nécessité de multiplier les appels à la réconciliation. Nul ne ressentait toutefois le besoin de clarifier ce concept. Après réflexion, il s’est avéré qu’une défi-nition ne se révélait pas nécessaire à leurs yeux vu le caractère évident d’une dichotomie centrale entre, d’une part, la guerre et d’autre part la réconciliation. Sous cet angle quelque peu manichéen, la réconciliation constitue l’antithèse de la violence et de ses ravages (Hattam, Atkinson & Bishop, 2012, p. 4). À la vengeance qui menace l’ensemble des par-ties en présence sont systématiquement préférés le rapprochement et, de manière ultime, la réconciliation. Dans cette perspective, la notion de réconciliation est souvent identifiée à celle de la paix7. Ces appels à une « réconciliation à plusieurs pistes » (multitrack reconciliation) (Santa Barbara et al., 2012) ne suffisent cependant pas à en déterminer les contours. Si d’aucuns considèrent que « la réconciliation doit avoir lieu partout, à tous les niveaux et aussi vite que possible »8, encore faut-il préciser ce que l’on entend par réconciliation.

Si l’on tente de dépasser cette dichotomie initiale, il est frappant de constater qu’il n’existe aucun consensus au sujet des composantes prin-cipales de ladite réconciliation. Pour les uns, l’élément central réside dans la confiance (Govier & Verwoerd, 2002 ; Nadler & Liviatan, 2006)9. À ce sujet, Duncan Marrow définit la réconciliation comme le

7. C’est ce que font par exemple Joanna Santa Barbara, Johan Galtung et Diane Perlman, (2012, p. 11) ; une telle vision est néanmoins battue en brèche par d’autres auteurs (Benasayag & Del Rey, 2007).

8. Melanee Verveer, Washington, 4 novembre 2010.

9. Sur ce point, voir Trudy Govier et Wilhelm Verwoerd (2002), ainsi qu’Arie Nadler et Ido Liviatan (2006).

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rétablissement d’une relation qui inspire « suffisamment de confiance » pour ne plus diviser (Marrow, 1999, p. 132). Pour d’autres, l’élément clef est la vérité. À cet égard, la réconciliation permet de rapprocher des visions du monde divergentes et de tendre vers un « univers de compréhension » identique (Asmal et alii, 1997, p. 46). Enfin, d’autres encore décrivent la réconciliation comme un processus psychologique menant de manière ultime à un changement d’identité (Kelman, 2004).

Au-delà de cette variété, trois catégories d’approches peuvent être distinguées : les approches structurelles, socio-psychologiques et spiri-tuelles. Les premières mettent l’accent sur la sécurité, l’interdépendance économique et la coopération politique entre les parties (Kacowicz et al., 2000). Elles étudient notamment les réformes institutionnelles destinées à intégrer l’ensemble des parties en présence dans un système démocra-tique qui favorise le respect des droits de l’homme, ainsi que la réparti-tion la plus équitable des richesses. Les approches socio-psychologiques éclairent les aspects cognitifs et émotionnels du processus de rappro-chement entre anciens adversaires. Elles visent l’ajustement progressif des croyances, attitudes, motivations et émotions partagées au sein de chaque camp. Quant aux approches spirituelles, elles plaident en faveur d’un processus de guérison collective basé sur la notion de pardon, ainsi que sur la réhabilitation des victimes et des bourreaux (Shriver, 1995 ; Philpott, 2006). Si les approches structurelles attirent principalement l’attention sur les intérêts en jeu, les deux autres types d’approches se concentrent davantage sur les relations entre les parties, qu’il s’agisse de forger une nouvelle relation à l’aune de la coopération recherchée (approches socio-psychologiques) ou de restaurer une relation préexis-tante, présentée comme harmonieuse (approches spirituelles).

Bien d’autres classifications pourraient être évoquées (Gardner-Feldman, 1999 ; Long & Brecke, 2003 ; Schapp, 2005). L’objectif de ces pages n’est pas d’approfondir le débat consacré aux catégorisations académiques, mais de montrer que les interlocuteurs rencontrés dans les milieux académique, diplomatique et des organisations non gouver-nementales (ONG) se situent tous sur un continuum entre, d’une part, une vision minimaliste selon laquelle la réconciliation renvoie à toute forme d’arrangement mutuel entre anciens ennemis et, de l’autre, une

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vision maximaliste qui considère la réconciliation comme un processus transcendantal impliquant vérité, justice et pardon10.

Ce continuum est important à deux égards. Il éclaire tout d’abord les divers objectifs poursuivis. Dans sa forme minimaliste, la récon-ciliation tend à la coexistence des anciens ennemis. Ces derniers ne cherchent pas à s’apprécier, ni à collaborer de manière intensive, mais à maintenir l’arrêt des hostilités physiques. D’aucuns craignent que ce modus vivendi ne demeure explosif et ne soit un obstacle à l’établis-sement d’un niveau suffisant de confiance entre les parties. Il s’agirait dès lors de viser non pas seulement la coexistence, mais une forme de respect. Sous cet angle, chaque camp en présence devrait percevoir à terme suffisamment d’intérêts communs pour négocier avec l’autre et forger des compromis. Enfin, dans sa forme maximaliste, la réconcilia-tion tend vers l’harmonie entre des parties qui ne se considèrent plus comme adversaires.

Le second intérêt du continuum est de montrer que chaque approche a des conséquences spécifiques sur le plan de la mémoire. La vision minimaliste de la réconciliation ne requiert guère d’aménagement sur le plan mémoriel. Les anciens ennemis coexistent, ils négocient quand tel est leur intérêt, mais chaque camp garde sa représentation du passé, pour peu qu’une représentation soit posée comme légitime au sein du groupe. Plus le curseur se dirige vers la vision maximaliste, plus les conséquences sur le plan mémoriel se font exigeantes puisqu’il s’agit de partager à terme une seule et unique vision du passé. Le politique-ment correct n’est pas systématiquement faux sur le plan historique. Cependant, la volonté d’élaborer une même représentation du passé ne va pas sans poser problème. Le cas européen l’illustre à satiété, nous le verrons.

1.2. un contexte DéteRminant

Le choix d’une approche particulière ne permet pas à lui seul de déterminer les mécanismes appropriés à chaque cas concret. Trois inter-rogations méritent d’être prises en considération pour affiner l’analyse. Qui sont les protagonistes invités à se réconcilier ? D’où viennent les appels à la réconciliation ? Quand surgissent-ils ?

10. Pour plus de précisions, voir Valérie Rosoux (2008).

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(1) Les recherches consacrées à la variable contextuelle soulignent l’influence décisive des circonstances nationales et internationales. La réconciliation franco-allemande, pour ne prendre qu’un exemple, ne peut être comprise sans considérer l’existence d’un ennemi commun aux deux protagonistes. Après la Seconde Guerre mondiale, pour la pre-mière fois depuis des décennies, le danger ne vient plus de l’autre côté du Rhin mais de l’Union soviétique. Cette nouvelle adversité renvoie les prétendus « ennemis héréditaires » dans le même camp. À ce chan-gement majeur sur la scène internationale s’ajoute l’influence majeure d’individus tels que Robert Schuman, Jean Monnet, Charles de Gaulle ou Konrad Adenauer, pour ne citer qu’eux. Il est ici proposé de complé-ter ces deux lectures par une attention particulière aux types de relations qui existent entre les protagonistes, et ce à trois moments précis : avant, pendant et après la violence.

Il semble tout d’abord opportun de s’interroger sur l’existence même de relations avant la violence. Dans le cas des rapports belgo-congo-lais, par exemple, n’est-il pas délicat d’évoquer une éventuelle ré-conciliation quand on sait que les relations entre colons et populations congolaises ont été d’emblée teintées de violence ? La question est tout aussi pertinente dans le cas des relations qui s’établirent entre colons et habitants des terres aujourd’hui canadiennes, australiennes ou encore africaines du Sud.

La représentation de l’autre durant la violence se révèle tout aussi déterminante. Est-il perçu comme un ennemi à combattre (guerre tradi-tionnelle), un traître à punir (guerre civile), un enfant à éduquer, voire un barbare à civiliser (guerre coloniale), ou encore comme un animal à exterminer (génocide) ? Les différences suggérées par ces catégories, non exclusives l’une de l’autre, s’avèrent fondamentales pour comprendre les conditions d’un rapprochement ultérieur. À ce sujet, le cas franco-allemand est encore éclairant. L’étude des journaux et carnets d’officiers allemands montre que la haine qui les caractérise n’empêche en rien une forme d’admiration à l’égard de leurs homologues français – admiration que l’on ne retrouve guère à l’égard des officiers slaves ou russes11. Dans ce dernier cas, la haine ne se teinte pas de fascination mais de mépris. Ces différences paraissent décisives pour comprendre l’adhésion ou au contraire la résistance suscitées par un éventuel rapprochement.

11. Voir à titre d’exemple August von Kageneck (1996).

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Enfin, le type de relations qui s’établit au lendemain des hostilités mérite lui aussi d’être pris en compte. La manière dont les conflits se terminent est fondamentale12. Cette question va jusqu’à déterminer l’identité même des acteurs, confrontés aux rôles de vainqueurs ou de perdants et, selon les cas, de bourreaux ou de victimes. Les zones grises suscitées par ce type de représentations influencent elles aussi le rythme – et parfois la possibilité même – d’un rapprochement ultérieur.

(2) À la question de savoir quels types de relations existent entre les parties, succède celle de l’origine des appels à la réconciliation. Deux perspectives sont habituellement proposées. Les uns rappellent que la réconciliation ne peut avoir lieu qu’entre individus. En ce sens, il s’agit essentiellement d’un processus partant du bas (bottom up). Les autres insistent sur la nécessité d’une volonté politique forte (top down), esti-mant que les efforts de certains groupes au sein de la population ne permettent ni de donner un signal clair à l’ancien ennemi, ni d’inclure l’ensemble de la population. Ce débat est connu. Les études de cas les plus variées montrent que la transformation des relations entre anciens ennemis requiert une réelle volonté politique et un soutien populaire.

Cette vision quelque peu binaire mérite d’être complexifiée, et ce à deux égards. Primo, les appels à la réconciliation peuvent être considé-rés comme venant essentiellement non seulement « du haut » ou « du bas », mais aussi « de l’extérieur »13. Certains acteurs extérieurs, qu’il s’agisse d’États, d’organisations internationales, ou encore d’organisa-tions non gouvernementales, peuvent jouer un rôle déterminant en la matière. Prenons-en pour preuve l’insistance avec laquelle l’ancienne secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, souligne « le pouvoir de la réconciliation » au Liban, en Irlande du Nord, en Israël, au Libéria, en Angola, au Kosovo, en Birmanie, au Sri Lanka ou encore en Thaïlande, pour ne citer que quelques cas. La réaction du Congrès américain au lendemain de l’arrestation de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire est elle aussi révélatrice. Le terme « réconciliation » est cité vingt-deux fois dans les quelques pages du rapport consacré à la crise qui risque alors d’embraser le pays14. Secundo, nombre de praticiens mentionnent qu’à

12. Ce point est bien mis en évidence par Sandrine Lefranc (2002), ainsi que par David Bloomfield (2003).

13. Distinction soulignée par Carol Gluck (2007).

14. Washington, 13 avril 2011, House Committee on Foreign Affairs, Subcommittee

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côté des appels à la réconciliation émanant du haut, du bas ou de l’exté-rieur, demeure un autre niveau de transformation, plus fondamental, à savoir un phénomène de réconciliation intérieure, propre à chaque acteur. À cet égard, il s’agit avant tout de se réconcilier avec soi-même ou en tout cas avec le monde tel qu’il est.

(3) Une troisième question permet de baliser les démarches envisa-gées pour normaliser des relations post-conflit. Il serait vain de s’inter-roger sur la nature des relations entre parties et sur les sources de l’appel à la réconciliation sans accorder d’attention au facteur temporel. D’où l’importance de se demander quand les initiatives de rapprochement ont lieu. Comme nous le verrons, cette dimension constitue une – si ce n’est la – variable principale pour comprendre la portée des efforts de réconciliation. La question temporelle est notamment à appréhender sous l’angle de la maturité.

C’est dans le domaine de la négociation internationale que la théorie de la maturité (ripeness theory) fut initialement conçue. Elle rappelle qu’une négociation ne peut être envisagée à n’importe quel moment. Il faut au contraire que le coût du conflit devienne difficilement suppor-table pour toutes les parties en présence (mutually hurting stalemate) et qu’une issue soit envisageable pour que les acteurs se montrent prêts à faire des concessions (Zartman & Berman, 1982). Il est tentant d’appli-quer la même théorie dans le cadre post-conflit en se demandant quand les parties se disent prêtes à prendre le risque d’un rapprochement. Au vu de ces questions, que penser de la politique de réconciliation prônée par les instances européennes ?

portée des ambitions européennes

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les acteurs de la construction européenne agissent et racontent leur histoire. Action et narration représentent les deux pôles d’une identité à construire et maintenir. Chacune des conquêtes et des crises traversées fait l’objet d’un récit, jugé particulièrement porteur pour toucher et rassembler des citoyens vivant à Athènes, Riga, Stockholm ou Lisbonne15. L’une des mises en intrigue choisies par les représentants de l’Union européenne

on Africa, Global Health and Human rights.

15. À cet égard, voir Christian Salmon (2008).

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(UE) décrit les étapes d’une épopée couronnée de succès (successful story) et dépeinte sous l’angle de la réconciliation16.

Les références officielles abondent en ce sens. Pour l’ancien pré-sident du Conseil européen, Herman van Rompuy, l’Europe s’est tout simplement « construite sur la réconciliation », cette dernière étant pré-sentée comme une « vertu » – la plus exigeante d’entre toutes17. Cinq ans plus tôt, Javier Solana, ancien haut représentant de l’Union pour la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), identifiait déjà la réconciliation comme l’une des caractéristiques majeures du « modèle européen »18. Tel un écho, l’ancien président de la Commission, Jose Manuel Barroso, narre la « grande expérience de l’intégration euro-péenne » : « Nous avons établi une paix permanente en Europe, basée sur la réconciliation entre anciens ennemis. C’est un exemple historique pour le monde »19. En décembre 2012, c’est le comité norvégien du prix Nobel de la paix qui justifie l’octroi du prestigieux prix à l’UE en soulignant sa contribution « pendant plus de six décennies, à l’avan-cement de la paix et de la réconciliation, de la démocratie et des droits de l’homme en Europe ». Bref, tous saluent de manière consensuelle « l’identité réconciliatrice de l’UE » (Guisan, 2011). Elevée au rang de « vertu », la réconciliation ne prend-elle pas l’allure d’alpha et d’oméga dans le discours européen ? Evoquant tantôt l’origine de l’aventure commune, tantôt l’objectif à poursuivre inlassablement, la réconcilia-tion revêt des teintes différentes selon les interlocuteurs, passant des accents les plus institutionnels aux élans quasi spirituels.

2.1. une appRocHe avant tout stRuctuRelle

(1) La construction européenne constitue un véritable cas d’école en termes de réconciliation structurelle. C’est bien par le biais d’une struc-ture institutionnelle inédite que les ennemis d’hier se rapprochèrent. Les fondations de l’Europe pacifiée – davantage que réconciliée (le terme de réconciliation n’apparaissant pas dans la Déclaration Schuman) – sont des plus tangibles : index de productivité, échanges commerciaux,

16. Voir par exemple la déclaration de Laeken, 15 décembre 2001.

17. New York, 20 septembre 2011.

18. Paris, 6 octobre 2006.

19. Bruxelles, 24 mars 2007.

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investissements, tels sont les moteurs du rapprochement (Ibid.). Depuis la conjonction d’intérêts au sein de la CECA jusqu’au dernier élargis-sement de l’UE, la logique est identique : la normalisation des relations repose avant tout sur une intégration économique et politique.

(2) L’approche structurelle n’empêche nullement la multiplication de canaux destinés à la progressive transformation des attitudes et des croyances. L’approche socio-psychologique se manifeste notamment dans les projets de recherche financés par les 6e et 7e programmes-cadres et consacrés à la reconstruction des identités au lendemain des conflits20. Elle est également sous-jacente à la programmation de la chaîne télévisée ARTE21 et plus largement à l’ensemble des pro-grammes d’échanges qui, à quelque niveau que ce soit, tentent de dépasser les malentendus et conflits d’interprétations qui persistent inéluctablement au lendemain des guerres.

La perspective est identique au sein de l’Organisation pour la sécu-rité et la coopération en Europe (OSCE). Pour son secrétaire géné-ral, Lamberto Zannier, il s’agit ni plus ni moins de développer une véritable « stratégie de réconciliation »22. Comme dans le cadre de l’UE, la démarche se veut reconstructive (Ferry, 1996), prônant une vision « multifocale » de l’histoire. L’action de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine est emblématique à cet égard. Le but assigné à la commis-sion d’historiens mise en place par l’OSCE est clairement établi : seules les perspectives historiques plurielles (en ce qu’elles se basent sur une pluralité de points de vue), empathiques (à l’égard de tous les groupes en présence) et « unifiantes » sont retenues (Pingel, 2009, p. 285). Les termes sont à peu de choses près les mêmes dans les recommandations émises par le Conseil de l’Europe qui promeuvent l’écriture d’une his-toire plurielle, « respectueuse des minorités » et destinée à « favoriser l’harmonie » sociale (Wirth, 2000, pp. 54-55). Cette philosophie guide

20. Voir à titre d’exemple « The Development of European identity/identities: Unfinished Business. A Policy Review », DG Recherche et Innovation de la Commission européenne, 2012, http://ec.europa.eu/research/social-sciences/pdf/development-of-european-identity-identities_en.pdf.

21. Voir la réflexion d’Aline Hartemann dans ce même numéro.

22. Vienne, 18 décembre 2012, conférence intitulée « Reconciliation after conflict ».

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les séminaires du Conseil de l’Europe à destination des professeurs d’histoire en Ukraine, Russie et Bosnie-Herzégovine23.

Définie comme le moyen de transformer les relations entre anciens adversaires, la réconciliation implique la modification des souvenirs biaisés et de perceptions erronées à l’origine de la méfiance et de l’ani-mosité qui ravagent moult nations de par le monde – et en particulier la Bosnie. D’où la nécessité de favoriser l’enseignement d’une histoire plurielle (en ce qu’elle se base sur une pluralité de perspectives) et empathique (à l’égard de tous les groupes en présence).

(3) L’approche spirituelle demeure quant à elle marginale. Massive en Afrique du Sud, courante aux États-Unis, cette approche maximaliste de la réconciliation ne fait pas recette en Europe. Point de grand appel au pardon collectif. Si l’ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors, rappelle que les notions de pardon et de promesse sous-tendent la construction européenne24, ses propos n’appellent à aucun moment à la guérison et à l’harmonie. De même, lorsque le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, précise que l’UE est une « union de paix », bâtie sur un « esprit de réconciliation »25, cette der-nière référence relève plus de la métaphore que de la profession de foi.

2.2. contexte : Réconciliation en inteRne et en exteRne

Les appels à la réconciliation dont il est ici question surgissent tan-tôt du haut, tantôt de l’extérieur. Deux types de scénarios sont en effet observables. (1) Le premier vise une forme de réconciliation au sein même de l’Union. Divers mécanismes sont mis en place pour favoriser la coexistence de représentations du passé divergentes, voire incom-patibles. Rappelons à titre d’exemple l’exposition présentée en 2007 à Bruxelles et en 2009 à Wrocław dans le but de raconter « 50 ans d’aven-ture européenne ». Intitulée « C’est Notre Histoire ! », cette exposition part du constat que l’unification de l’Europe porte les traces, encore non cicatrisées, de luttes et de souffrances successives. Au-delà de cet exemple, de nombreux lieux sont destinés à l’élaboration progressive

23. Voir le Council of Europe Activity Report 2008, Strasbourg, Council of Europe Publishing, 2009, p. 107.

24. Luxembourg, 9 mai 2000.

25. Zagreb, 1 juillet 2013, souligné par nous.

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d’une identité narrative basée sur la réconciliation, à commencer par le Parlement européen ou le Conseil de l’Europe26. Les traces laissées par la Première et la Seconde Guerres mondiales demeurent en effet la source de crispations qu’il importe à tout prix d’apaiser pour éviter tout blocage institutionnel. La multiplication des polémiques au sujet de l’expulsion des minorités allemandes d’Europe centrale et orientale le montre à satiété. Qu’il s’agisse des rapports germano-polonais ou germano-tchèques, la force des récriminations et des ressentiments exprimés explique que les institutions européennes apparaissent non seulement comme des lieux d’énonciation identitaire, mais aussi et sur-tout comme des lieux de médiation et de négociation27.

(2) La réconciliation prônée ne vise pas seulement des relations existantes entre divers États membres. Elle peut également tendre à la normalisation de rapports entre l’UE – ou une partie de ses États membres – et des États extérieurs à l’Union. Lorsque la réconciliation dépasse le cercle de l’« entre soi » pour viser des relations entre soi et un tiers, elle concerne non plus seulement les traces laissées par les deux guerres mondiales, mais aussi le passé colonial. C’est ainsi que le porte-parole de la délégation européenne lors de la Conférence de Durban, Louis Michel, entend sceller la « réconciliation historique entre le Nord et le Sud ». Ses mots sont univoques : « Au cours des siècles, l’histoire européenne a été, comme dans d’autres régions du monde, fortement contrastée. Le meilleur a côtoyé le pire. L’Europe aura été, tour à tour conquérante et soumise, dominatrice et martyrisée, fraternelle et fratri-cide, porteuse d’idées généreuses mais aussi véhiculaires de concep-tions abjectes »28. Cette perspective est reprise dans le « nouveau récit pour l’Europe » diffusé par Manuel Barroso dès 2013 lorsqu’il rappelle que l’Europe « ne doit jamais oublier que sa prospérité à une époque récente a souvent été liée à la conquête coloniale et qu’elle a donc été acquise aux dépens de celles d’autres continents »29.

26. Voir la réflexion de Philippe Perchoc à ce sujet, dans ce même numéro.

27. Voir l’étude de cas menée par Pascal Bonnard dans ce numéro ainsi que Laure Neumayer (2007), pp. 195-209.

28. Durban, le 30 août 2001.

29. Bruxelles, 23 avril 2013, http://ec.europa.eu/debate-future-europe/new-narra-tive/pdf/declaration_fr.pdf

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Ce deuxième scénario (relations entre l’UE et des États tiers) n’est pas caractérisé par le même degré d’urgence. Aussi, la reconnaissance d’une injustice et l’assomption d’une responsabilité ne mènent pas sys-tématiquement à la présentation d’excuses. Loin de là. L’attitude des représentants européens est habituellement marquée par une extrême prudence étant donné les risques encourus par les pénitents. Ces risques sont de natures variées, allant de l’éventuelle sanction électorale interne au versement d’indemnisations en cascade.

(3) Le troisième scénario vise l’appel à la réconciliation des autres. La dynamique est totalement différente lorsqu’il s’agit d’appeler plu-sieurs tiers à la réconciliation. La mission réconciliatrice de l’Union est effectivement mise en exergue aux quatre coins du monde. Pour d’aucuns, l’expérience dévastatrice des deux guerres mondiales est la source d’une sensibilité et d’une générosité européennes particulières. Après avoir surmonté le poids d’un tel passé, l’Europe constitue une « force de paix et d’écoute », « une cathédrale, un haut lieu où reprendre espoir »30. Comme le rappelle Michel Barnier, alors ministre français des Affaires étrangères, il ne s’agit pas de « donner des leçons », mais de « regarder » et de « souffrir avec » ceux qui se déchirent dans un « quotidien hanté par la violence »31.

L’exemplarité du couple franco-allemand est constamment soulignée (Lévy, 2007). Que ce soit en Israël, dans les Grands Lacs ou dans les Balkans, l’argument est identique. Forts d’une réconciliation exem-plaire, les États européens s’octroient le privilège de « dire aux autres ce qu’il en coûte de bâtir un monde nouveau »32 (Mitterrand, 1987, pp. 21-22). Pour l’ancien Premier ministre français, Lionel Jospin, la France et l’Allemagne et, derrière elles, l’UE assument désormais une « responsabilité partagée » dans le monde : « Parce que nous connais-sons le prix des guerres, des fanatismes, des intolérances ; parce que nous les avons combattus ; parce que nous avons appris de l’expérience, nous sommes amenés à défendre des valeurs communes, fondées sur une certaine conception de l’homme et de ses droits, auprès d’autres

30. Guy Verhofsdadt, 19 décembre 2001, discours prononcé pendant la présidence belge de l’Union à la Carleton University (Ottawa).

31. Tel Aviv, le 19 octobre 2004.

32. François Mitterrand, 11 mai 1987.

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peuples qui, sur notre continent ou ailleurs, restent aveuglés par leur mémoire »33.

En se posant sous les traits de médiateurs « réconciliateurs », les représentants de l’UE peuvent adopter trois types de posture. Que ce soit à l’égard de certains États membres ou à l’égard de tiers, ils peuvent se faire « facilitateurs », « formulateurs » ou « manipulateurs » (Touval & Zartman, 1985). En tant que facilitateur, l’UE peut servir de canal de communication entre parties adverses. N’exerçant que peu de contrôle sur le processus, le facilitateur délivre des messages de part et d’autre lorsque des face-à-face se révèlent impossibles. Il tente ainsi de favoriser la reprise de pourparlers. Tel est le cas lorsque la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, se rend en Egypte en avril 2013 pour appeler toutes les parties à la réconciliation.

Le formulateur apporte quant à lui une contribution plus substantielle puisqu’il ne se contente pas de faciliter la communication de part et d’autre, mais formule lui-même des propositions de solution pour évi-ter l’escalade du conflit. Contrôlant le plus souvent les aspects formels et l’agenda des négociations, il bénéficie d’une marge de manœuvre réelle, bien que relative. Le rôle de l’UE dans les Grands Lacs s’appa-rente davantage à cette posture.

Enfin, le manipulateur occupe une telle position de force qu’il est à même d’influencer, voire de persuader les parties en présence. Utilisant sa position et son pouvoir, il peut donner des ultimatums et influer directement sur le contenu des accords futurs. L’attitude des représen-tants de l’UE à l’égard des Balkans relève bel et bien de cette démarche. La pression exercée sur Belgrade à l’égard d’un rapprochement avec Pristina en témoigne. Dans les négociations d’adhésion de la Serbie au sein de l’Union, l’appel à la réconciliation tient quasiment lieu de condition d’accession. La transformation manifeste du comportement du président Nikolic est emblématique. Fervent nationaliste au lende-main de son investiture en juin 2012, il refuse l’idée même d’une quel-conque reconnaissance pour le Kosovo. Force est de constater qu’un peu moins d’une année plus tard, la crise économique et surtout la pers-pective d’une adhésion à l’Union Européenne le conduisent à assouplir

33. Genshagen, le 25 septembre 1999.

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sa position à l’encontre de Pristina. L’évolution est tout aussi manifeste à l’égard des crimes commis à Srebrenica. En déclarant qu’il se mettait « à genoux » et qu’il demandait que « la Serbie soit pardonnée pour les crimes commis à Srebrenica »34, Tomislav Nikolic semble obtempérer aux consignes données par Bruxelles.

Le parallèle entre la normalisation des relations dans les Balkans et le processus de création de l’UE est souvent souligné. Les propos d’Her-man Van Rompuy sont explicites. Satisfait que les accords signés entre Belgrade et Pristina, en avril 2013, « balisent le chemin de la réconci-liation finale », il précise que ce rapprochement permet que « l’Union, elle-même née des cendres de la Seconde Guerre mondiale, devienne un lieu de réconciliation et de rencontre pour les nations des Balkans », ajoutant que si « nous ne pouvons changer le passé », « nous pouvons changer le futur. Et c’est ce que nous faisons »35.

3. limites d’un Volontarisme à tous crins

Telle est l’ambition des appels à la réconciliation lancés au nom de l’Europe. Il convient toutefois de s’interroger sur les limites d’un tel optimisme. Quatre prémisses qui semblent relever de l’évidence à l’aune du corpus récolté méritent une attention particulière.

(1) La réconciliation est toujours possible. Comme le rappelle l’an-cien commissaire européen Stefan Füle, « il n’y a pas d’alternative à la réconciliation »36. Systématiquement associée aux notions de paix, sta-bilité et reconstruction, la réconciliation est d’emblée présentée comme nécessaire (des Maldives37 à l’Afghanistan38 en passant par la Libye39,

34. Belgrade, 26 avril 2013.

35. Belgrade, 1er juillet 2013.

36. Batumi, 11 Juillet 2012.

37. Voir la déclaration de Catherine Ashton le 26 mars 2012.

38. Voir l’engagement du Conseil européen le 24 juin 2013.

39. Pour le Conseil européen, « les principaux défis pour l’avenir de la Libye sont la réconciliation, la transition politique et la reconstruction » (Paris, 1er septembre 2011).

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la Turquie40, la Côte d’Ivoire41, la Somalie42, le Soudan43 ou encore le Mali44). Le caractère systématique de l’appel à la réconciliation court néanmoins le risque de faire fi de la question de la réappropriation – et plus fondamentalement sans doute de celle de l’irréparable (Mouchard, 2007). Nul ne peut, de fait, imposer la réconciliation de l’extérieur45. Toute forme de volontarisme en la matière se révèle illusoire.

Trois exemples suffisent à le montrer. Le premier concerne les Balkans. Il est en effet frappant de constater le décalage qui existe entre d’une part l’évidence de l’appel européen à la réconciliation et d’autre part l’amertume exprimée par nombre de protagonistes sur le terrain. Si Catherine Ashton et José Manuel Barroso se réjouissent de la marche vers la réconciliation, affirmant qu’il n’y a désormais « plus de place pour la rhétorique du passé »46, une partie de la population rejette com-plètement le terme même de réconciliation, décrié comme un « gros mot »47. Deux conceptions sont ici en tension. Là où les représentants européens adoptent une vision maximaliste de la réconciliation, la plu-part de leurs interlocuteurs officiels défendent une vision minimaliste, tendant non pas vers un espace de fraternité et d’harmonie mais vers une coexistence pragmatique.

Le second exemple est celui du Rwanda. Alors même que la Commission européenne annonce l’octroi de financements spécifiques

40. Appel du Parlement européen le 13 juin 2006.

41. Appel du Conseil européen le 15 avril 2011.

42. Voir l’engagement de 124 millions € pour soutenir la réconciliation dans le cadre de la mission de l’Union africaine (UA) en Somalie (9 septembre 2013).

43. Appel du Conseil européen le 22 juillet 2013.

44. Déclaration de Catherine Ashton le 22 juillet 2013.

45. À cet égard, les propos presque enthousiastes de l’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin, face à la situation chaotique en Irak sont frap-pants. Déplorant l’échec du recours à la force, il déclare qu’ « [i]l est encore temps d’imposer un gouvernement de réconciliation nationale, incluant toutes les com-munautés » (souligné par nous, Le Monde, 20 juin 2014).

46. Bruxelles, 14 juin 2012.

47. Témoignages recueillis dans le cadre des symposiums organisés par l’Interna-tional Peace and Security Institute (IPSI) à Bologne et La Haye depuis 2010. Sur le même sujet mais dans un cadre différent, voir Mc Evoy et alii. (2006).

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pour y soutenir les efforts de réconciliation48, un certain scepticisme surgit sur le terrain. Les propos d’Immaculée Mukarwego sont tran-chants : « Réconciliation. Ce mot m’est devenu, comme pour la plupart des rescapés que je connais, insupportable. Il est même à mon sens par-faitement indécent. […] “Réconcilier”, nous dit le Larousse, consiste à remettre d’accord des personnes qui s’étaient fâchées. Les synonymes sont : raccommoder, rabibocher. Dois-je considérer que ce qui s’est passé au Rwanda entre avril et juillet 1994 relève de la dispute, de la brouille, du désaccord et que dès lors il serait incompréhensible de ne pas se réconcilier ? Les personnes qui utilisent ce mot à tous crins se rendent-elles compte de sa signification foncièrement réductrice ? »49. Dans le même sens, Esther Mujawayo explique : « J’espère vraiment que je ne vais pas tomber du côté de la réconciliation nationale ! (…) Je crains la facilité d’un tel projet : on serait tous beaux, on serait finale-ment tous devenus gentils, tout est bien nettoyé et hop, on recommence ! Mais on recommence quoi, au juste ? » (Mujawayo & Belhaddad, 2006, p. 17). Jean Hatzfeld ne fait que confirmer cette position quand il conclut qu’au Rwanda, « [t]out le monde fait semblant. Chacun sait bien, des deux côtés, que la réconciliation est impossible, que parler ensemble du génocide est impossible, que pardonner est impossible »50.

Le Proche-Orient constitue un troisième exemple symptomatique. Si, là encore, les instances européennes répètent à l’envi la nécessité d’œuvrer vers une forme de réconciliation, nombre de voix se font entendre pour souligner le caractère désormais illusoire d’un tel objec-tif. Ainsi, Yaïr Lapid, chef du parti israélien Yesh Atid (« Il y a un ave-nir »), souligne le décalage entre le happy end que tous appellent de leurs vœux en Europe et le but des négociations dorénavant entreprises : « Nous ne voulons pas d’un mariage heureux avec les Palestiniens, mais d’un accord de divorce avec lequel nous puissions vivre »51.

(2) La réconciliation doit avoir lieu le plus vite possible. L’ensemble des responsables rencontrés insiste sur la nécessité de tourner la page

48. Bruxelles, le 23 avril 2004, programme intitulé European Initiative for Democracy and Human Rights (EIDHR).

49. Le Soir, 7 avril 2004.

50. Le Monde, 7 septembre 2007.

51. Le Monde, 24 janvier 2013.

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de la violence aussi vite que possible. Il est certes compréhensible de soutenir d’emblée les initiatives de rapprochement entre anciens adversaires. L’enthousiasme suscité par les projets « à effet rapide » (quick impact projects) peut toutefois laisser songeur. Face au poids de violences extrêmes, l’impatience semble mauvaise conseillère. La lourdeur de l’héritage lié à certains conflits internationaux et intercom-munautaires force à réfléchir à la transformation des relations entre par-ties non pas en années mais en générations. La densité et la succession des violences qui ravagèrent – et continuent de ravager – l’Afrique des Grands Lacs ou le Proche-Orient empêchent toute extrapolation rapide à partir de la seule expérience européenne.

C’est ce que souligne Uri Savir, chef de la délégation israélienne lors de la négociation des accords d’Olso quand il rappelle l’impor-tance décisive de la variable temporelle : « Les Français parlaient avec leur expérience de l’Europe, qui était une façon d’imaginer l’avenir du Moyen-Orient. Mais la région n’était pas prête. Elle était dans l’im-passe politique. Prisonnière du conflit »52. La même remarque pourrait être faite concernant la transformation des conflits en Bosnie. Alors que la rédaction d’un manuel franco-allemand a pris quelque six décennies, comment s’étonner des résistances rencontrées à l’égard de manuels scolaires considérés comme politiquement et historiquement corrects – et ce, moins de deux décennies après la fin des hostilités ?

L’ensemble de ces décalages montre à quel point temps institutionnel et individuel diffèrent. Le processus de réconciliation à l’échelle indi-viduelle suit son propre rythme. Aucune forme d’apaisement personnel ne peut faire l’objet d’un programme ou d’une injonction53. La cicatri-sation des âmes et des corps blessés est indomptable. Cela ne signifie pas que les cadres institutionnels se révèlent systématiquement inopé-rants ou inopportuns. Mais ils ne peuvent que favoriser les conditions dans lesquelles un rapprochement peut éventuellement – et progressi-vement – se produire (Garton Ash, 1997). En témoigne avec force cette réflexion du cinéaste Rithy Panh au sujet des milliers de Cambodgiens qui furent torturés et exécutés dans le centre S21 à Phnom Penh : « Je ne crois pas à la réconciliation par décret. Et tout ce qui se résout trop vite

52. Uri Savir, « François Mitterrand et son role méconnu dans l’accord de 1993 entre Israël et les Palestiniens », Le Monde, 14 septembre 2013.

53. Prenons-en pour prevue la réflexion de Nathalie Duclos dans ce même numéro.

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m’effraie. C’est la pacification de l’âme qui amène la réconciliation, et non l’inverse. […] Je crois au travail dans le temps, au travail du temps. Je veux comprendre, expliquer, me souvenir – dans cet ordre précisé-ment » (Panh & Bataille, 2001, p. 304)54.

(3) Il ne peut y avoir de réconciliation sans justice. Au lendemain d’atrocités civiles massives, la poursuite des criminels et le souci d’accorder des réparations aux victimes figurent souvent parmi les revendications prioritaires. À cet égard, la justice apparaît comme une condition sine qua non de tout processus de réconciliation. Les instances européennes ne laissent aucun doute à ce sujet. Comme l’explique Javier Solana, « il ne peut y avoir d’intégration sans récon-ciliation. Et il ne peut y avoir de réconciliation sans justice »55. Même constat pour Nils Muiznieks, commissaire aux droits de l’homme au sein du Conseil de l’Europe, selon lequel la justice constitue une « condition indispensable » pour assurer la réconciliation56. Le carac-tère consensuel de ce type de déclarations s’explique sans doute en partie par le précédent européen lui-même. L’Europe s’étant construite après que justice a été rendue à Nuremberg, elle est devenue le modèle à suivre. La virulence des résistances rencontrées à Belgrade ou Banja Luka démontre toutefois les limites d’une telle transposition57. Le lien de causalité qui est établi entre les notions de justice et de réconcilia-tion mérite donc d’être nuancé58.

(4) Il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité. Les concepts de vérité et de réconciliation ont été intimement associés dans le cadre

54. Souligné par nous.

55. Bruxelles, 11 juillet 2005.

56. Pristina, le 22 mai 2012.

57. Voir la réflexion de Mladen Ostojic dans ce même numéro. Voir également Lionel Duroy, (2012). Dans ce récit romancé, mais basé sur une enquête de terrain en Serbie et en République Serbe de Bosnie, l’auteur décrit l’usage pour le moins inattendu de la référence au modèle franco-allemand. Ainsi, l’un des protagonistes proche des milieux nationalistes serbes explique : « [I]ls nous demandent d’oublier que nous avons gagné la guerre, et de trahir l’homme qui nous a donné la victoire. Nous l’avons aimé, célébré, il a incarné durant toute la guerre l’honneur de la nation serbe, et il faudrait le livrer à la justice de nos ennemis ! Auriez-vous livré de Gaulle aux Allemands si la communauté internationale avait pris le parti de l’Allemagne après la guerre ? » (p. 47).

58. Sur le poids de l’irréversible, voir Kenzaburô Ôé (1996).

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des « commissions vérité et réconciliation » mises en place aux quatre coins du monde. Dans chaque cas, les processus d’établissement de la vérité (truth telling) visent explicitement la réconciliation des parties. C’est dans cette perspective que les instances européennes encouragent systématiquement l’établissement de la vérité et la « réconciliation des mémoires ». La séquence vérité – réconciliation pourrait même être inversée dans certains cas. Pour l’illustrer, il suffit de songer au cas de la guerre civile Finlandaise entre Blancs réactionnaires et Rouges révolutionnaires, en 191859. Unis en 1939 contre un ennemi commun, l’Union Soviétique, les deux parties attendirent plus d’une génération pour connaître la vérité sur la guerre civile qui déchira le pays. Cet exemple rappelle que les parties engagées dans un processus de rappro-chement se tournent rarement vers le passé avant de se sentir suffisam-ment en sécurité.

Le cas franco-allemand illustre le même phénomène. Si des change-ments s’opèrent dès le début des années 1960 dans le discours officiel de chaque côté du Rhin, les modifications observées au niveau indivi-duel indiquent que les véritables transformations des représentations du passé se manifestent surtout à partir des années 1990. Une étude consacrée aux activités de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) de 1961 à nos jours le démontre : aucune référence explicite au passé douloureux des deux pays n’est observée avant le début des années 1990 (Delori, 2002). L’occultation du passé conflictuel apparaît dans de nombreux cas comme une première phase souvent nécessaire. Rien de surprenant donc à ce que la nécessité d’affronter la « vérité » du conflit ne résonne guère dans les pays récemment dévastés par la guerre. À l’illusion d’une histoire unifiée et vraie qui réconcilierait tous les protagonistes60, peut-être faut-il préférer la recherche d’ intérêts communs au-delà des divergences. C’est sans doute sur la base de ces intérêts que l’histoire pourra être prolongée – plutôt que terminée.

59. Exemple mis en valeur par Tuomas Forsberg (2003, pp. 74-75).

60. Voir la recherche de Cécile Jouhanneau dans ce numéro ainsi que Jouhanneau (2007).

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conclusion

À l’issue de cette réflexion, il convient de revenir sur les spécificités européennes en matière de réconciliation. S’il existe une « grammaire » dans ce domaine61, elle pourrait se décliner autour de deux axes princi-paux, paradoxalement en tension.

Le premier, que l’on peut qualifier d’axe structurel, résulte de la nature même de la construction européenne. Ancré dans une intégration régionale d’ordre économique et politique, le projet européen accentue tout naturellement le caractère institutionnel de la notion de réconcilia-tion. De ce point de vue, la perspective n’est pas maximaliste mais plu-tôt pragmatique. Au triptyque « résilience, réconciliation, rédemption » assez habituel dans les cénacles américains (Rosoux, 2014) correspond le triptyque « paix, stabilité, reconstruction », ces trois derniers termes étant ceux qui apparaissent le plus systématiquement dans le corpus de déclarations officielles rassemblé pour mener cette réflexion.

Le deuxième axe est quant à lui mémoriel. L’insistance avec laquelle les instances européennes se réfèrent au travail de mémoire est frap-pante. Sous cet angle également, les appels européens à la réconcilia-tion diffèrent notablement de ceux qui sont formulés dans le cadre de la politique étrangère des États-Unis. Plutôt que de mettre l’accent sur le rapprochement de mémoires divergentes et parfois contradictoires, les porte-parole américains insistent avant tout sur la nécessité d’aller de l’avant et de focaliser toute son attention sur l’avenir et ses défis. Ainsi, l’ancienne responsable du State Departement, Hillary Clinton n’hésite pas à déclarer : « Nous pouvons travailler avec ceux qui veulent oublier le passé et se concentrer sur le futur », insistant « [n]ous n’allons pas travailler avec ceux qui regardent en arrière parce que cela ne nous mènera pas où nous voulons aller »62. Face à cette orientation, les plaidoyers européens apparaissent pour le moins décalés et, à certains égards, beaucoup plus exigeants. Cette différence de sensibilité n’est pas neuve. Certains en déduisent une dissemblance culturelle. C’est en tout cas ce que Javier Solana suggère : « Quand les Américains disent : ‘C’est de l’histoire’, ils veulent souvent dire que ce n’est plus relevant.

61. Au sens du concept proposé par Sandrine Lefranc ainsi que par Laure Neumayer, (lefRanc, 2007 ; neumayeR, 2010).

62. Kinshasa, 10 août 2009.

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Quand les Européens disent : ‘C’est de l’histoire’, ils veulent en général dire l’inverse »63. Cet intérêt pour l’histoire et les détours mémoriels témoigne à tout le moins du poids du passé sur le « vieux continent ». Les ravages du XXe siècle ont marqué les terres européennes au fer rouge. La hantise de replonger dans une violence débridée explique peut-être le souci de chercher coûte que coûte à s’entendre non seule-ment sur l’avenir, mais aussi sur le passé.

La construction européenne constitue un précédent remarquable. Source d’inspiration indéniable, il ne peut cependant être un moule dans lequel toutes les situations post-conflit se devraient de rentrer. Ce constat invite à une approche modeste de la réconciliation, tant en ce qui concerne le tempo que les objectifs assignés aux adversaires d’hier. Les charge-t-on de parvenir à une forme de coexistence, de respect ou d’harmonie ? En trois ans, trois décennies ou trois générations ? C’est à partir des êtres de chair et d’os – avec leurs espoirs, leurs énergies, mais aussi leurs peurs et leurs haines – qu’une société peut se (re)construire. À partir de là – et de nulle part ailleurs.

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