Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique. Étude prospective de faisabilité

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Exercice de la chirurgie Article original Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique. Étude prospective de faisabilité F. Dravet 1 , J. Belloin 1 , P.F. Dupré 1 , T. François 2 , S. Robard 2 , J.L. Theard 2 , J.M. Classe 1 1 Service de chirurgie oncologique, CRLCC René-Gauducheau, site hospitalier nord, boulevard J. Monod, 44805 Saint-Herblain, France ; 2 service d’anesthésie, CRLCC René-Gauducheau, site hospitalier nord, boulevard J. Monod, 44805 Saint-Herblain, France RE ´ SUME ´ But de l’étude : Le but de cette étude prospective était d’apprécier les possibilités de prise en charge ambulatoire de la chirurgie sénologique, d’évaluer les raisons d’hospi- talisation traditionnelle, les causes et le taux de « conver- sion », et la morbidité postopératoire après chirurgie ambulatoire. Patientes et méthodes : Au cours de l’année 1999, sur 625 patientes susceptibles d’être prises en charge en chi- rurgie ambulatoire (chirurgie à visée diagnostique et chi- rurgie conservatrice du sein), 418 ont été programmées en chirurgie ambulatoire (67 %) et 207 en chirurgie tradition- nelle (33 %). Les causes de non prise en charge en chirur- gie ambulatoire étaient plus environnementales (64 %) que médicales (16 %). Résultats : Le taux de conversion a été de 12,4 %. Le taux réel de chirurgie ambulatoire a été de 58,6 %. Les causes de conversion ont été plus souvent médicales (50 %) et environnementales (21 %) que chirurgicales (23 %). La morbidité, hors lymphocèle axillaire, a été équivalente dans les deux modes d’hospitalisation. Après curage axil- laire, le taux de lymphocèles a été plus élevé en cas de chirurgie ambulatoire (27,4 % contre 16,1 %). Conclusion : La chirurgie ambulatoire est une bonne alternative à l’hospitalisation traditionnelle, en sénologie notamment pour la chirurgie à but diagnostique. Pour la chirurgie mammaire avec curage axillaire, ce mode de prise en charge est également possible ; une information claire doit faire accepter la surmorbidité mineure. Une étude sur l’indice de satisfaction des patientes est indis- pensable. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cancer du sein / chirurgie ambulatoire / chirurgie sénologique ABSTRACT Prospective study of the feasibility of outpatient breast surgery. Study aim : The objective of this prospective study was to assess the feasibility of outpatient breast surgery, the rea- sons for inpatient procedures (IPP), the reasons for con- version and the conversion rate, and the postoperative morbidity after outpatient procedures (OPP). Patients and methods : In 1999, among 625 patients eli- gible for OPP (diagnostic surgery or conservative curative surgery), OPP was performed in 418 patients (67%) and IPP was performed in 207 patients (33%). The reasons for IPP rather than OPP were environmental (64%) rather than medical (16%). Results : The conversion rate to conventional surgery was 12.4% and the definitive OPP rate was 58.6%. The rea- sons for conversion were more often medical (50%) and environmental (21%) than surgical (23%). The morbidity, except for axillary seroma, was similar for OPP and IPP. The axillary seroma rate after axillary lymph node dissec- tion was higher with OPP (27.4 vs 16.1%). Conclusion : OPP is a good alternative to IPP in breast surgery, especially for diagnostic purposes. OPP is also feasible for partial mastectomy with axillary lymph node dissection, but patients must be clearly informed about the risks of axillary morbidity. The patients’ quality of life and satisfaction index should also be evaluated. © 2000 Édi- tions scientifiques et médicales Elsevier SAS breast cancer / breast surgery / outpatient procedure / outpatient breast surgery Reçu le 30 mars 2000 ; accepté le 29 mai 2000. Ann Chir 2000 ; 125 : 668-76 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394400002583/FLA

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Exercice de la chirurgieArticle original

Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique.Étude prospective de faisabilité

F. Dravet1, J. Belloin1, P.F. Dupré1, T. François2, S. Robard2, J.L. Theard2, J.M. Classe1

1Service de chirurgie oncologique, CRLCC René-Gauducheau, site hospitalier nord, boulevard J. Monod, 44805 Saint-Herblain,France ; 2service d’anesthésie, CRLCC René-Gauducheau, site hospitalier nord, boulevard J. Monod,

44805 Saint-Herblain, France

RESUMEBut de l’étude : Le but de cette étude prospective étaitd’apprécier les possibilités de prise en charge ambulatoirede la chirurgie sénologique, d’évaluer les raisons d’hospi-talisation traditionnelle, les causes et le taux de « conver-sion », et la morbidité postopératoire après chirurgieambulatoire.Patientes et méthodes : Au cours de l’année 1999, sur625 patientes susceptibles d’être prises en charge en chi-rurgie ambulatoire (chirurgie à visée diagnostique et chi-rurgie conservatrice du sein), 418 ont été programmées enchirurgie ambulatoire (67 %) et 207 en chirurgie tradition-nelle (33 %). Les causes de non prise en charge en chirur-gie ambulatoire étaient plus environnementales (64 %)que médicales (16 %).Résultats : Le taux de conversion a été de 12,4 %. Le tauxréel de chirurgie ambulatoire a été de 58,6 %. Les causesde conversion ont été plus souvent médicales (50 %) etenvironnementales (21 %) que chirurgicales (23 %). Lamorbidité, hors lymphocèle axillaire, a été équivalentedans les deux modes d’hospitalisation. Après curage axil-laire, le taux de lymphocèles a été plus élevé en cas dechirurgie ambulatoire (27,4 % contre 16,1 %).Conclusion : La chirurgie ambulatoire est une bonnealternative à l’hospitalisation traditionnelle, en sénologienotamment pour la chirurgie à but diagnostique. Pour lachirurgie mammaire avec curage axillaire, ce mode deprise en charge est également possible ; une informationclaire doit faire accepter la surmorbidité mineure. Uneétude sur l’indice de satisfaction des patientes est indis-pensable. © 2000 Éditions scientifiques et médicalesElsevier SAS

cancer du sein / chirurgie ambulatoire / chirurgiesénologique

ABSTRACTProspective study of the feasibility of outpatientbreast surgery.Study aim : The objective of this prospective study was toassess the feasibility of outpatient breast surgery, the rea-sons for inpatient procedures (IPP), the reasons for con-version and the conversion rate, and the postoperativemorbidity after outpatient procedures (OPP).Patients and methods : In 1999, among 625 patients eli-gible for OPP (diagnostic surgery or conservative curativesurgery), OPP was performed in 418 patients (67%) andIPP was performed in 207 patients (33%). The reasons forIPP rather than OPP were environmental (64%) rather thanmedical (16%).Results : The conversion rate to conventional surgery was12.4% and the definitive OPP rate was 58.6%. The rea-sons for conversion were more often medical (50%) andenvironmental (21%) than surgical (23%). The morbidity,except for axillary seroma, was similar for OPP and IPP.The axillary seroma rate after axillary lymph node dissec-tion was higher with OPP (27.4 vs 16.1%).Conclusion : OPP is a good alternative to IPP in breastsurgery, especially for diagnostic purposes. OPP is alsofeasible for partial mastectomy with axillary lymph nodedissection, but patients must be clearly informed about therisks of axillary morbidity. The patients’ quality of life andsatisfaction index should also be evaluated. © 2000 Édi-tions scientifiques et médicales Elsevier SAS

breast cancer / breast surgery / outpatient procedure /outpatient breast surgery

Reçu le 30 mars 2000 ; accepté le 29 mai 2000.

Ann Chir 2000 ; 125 : 668-76© 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S0003394400002583/FLA

En France, à la différence des pays anglo-saxons[1-5], la chirurgie ambulatoire est encore peu déve-loppée en chirurgie sénologique et en chirurgiecancérologique [6]. Le cancer du sein est un des can-cers dont l’ incidence est croissante [7, 8]. Le dépis-tage du cancer du sein qu’ il soit individuel ou demasse a permis d’augmenter le diagnostic des stadesprécoces, pour lesquels un traitement conservateurest le plus souvent possible. La volonté politiqueactuelle d’étendre le dépistage de masse à l’ensem-ble des départements français va engendrer uneaugmentation de la chirurgie à visée diagnostique etde la chirurgie conservatrice du sein [5, 6, 9]. Ledéveloppement de moyens diagnostiques médico-techniques percutanés [10, 11] et la prise en chargeen ambulatoire de cette chirurgie devraient permet-tre de minimiser ce surcoût [1, 6, 12, 13].

Le but de cette étude était d’évaluer la faisabilitéde la chirurgie sénologique en hôpital de jour, d’endéfinir les indications, d’en évaluer la morbidité etd’adapter les attitudes anglo-saxonnes au contextemédicosocial français, en tenant compte des texteslégislatifs (décret de 1992) [14] et des recommanda-tions des sociétés savantes françaises (AFCA,SFAR) [15].

PATIENTES ET MÉTHODES

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 1999, dans leservice de chirurgie oncologique du Centre régionalde lutte contre le cancer de Nantes-Atlantique, uneenquête prospective de faisabilitéa porté sur la priseen charge de la chirurgie sénologique en ambula-toire.

Critères d’inclusion et d’exclusion

Après analyse de la littérature anglo-saxonne, il a étédécidéde colliger l’ensemble des patientes adresséespour prise en charge d’une pathologie mammaire.Pour que ce recueil soit plus exhaustif, les critèresd’exclusion liés à la patiente (âge, tares) n’ont pasété retenus, uniquement ceux liés à l’acte chirurgicall’ont été. Ont été exclues de cette étude les interven-tions chirurgicales, qui selon les pratiques habituel-les de notre service, à l’ inverse de certaines équipesanglo-saxonnes [1, 2, 16, 17], nécessitent un drai-nage systématique : les mastectomies avec ou sanscurage ganglionnaire axillaire et les opérations dereconstruction mammaire.

Fiche d’inclusion et d’évaluation

Pour mener à bien cette étude, l’équipe chirurgicaleet l’équipe anesthésique ont défini une fiche d’ inclu-sion et d’évaluation. Sur cette fiche étaient mention-nés, en plus des renseignements administratifs de lapatiente : l’âge, le mode de programmation (pro-grammation en chirurgie ambulatoire [PCA], pro-grammation en hospitalisation traditionnelle[PHT] (48 à 72 heures en fonction de l’acte chirur-gical), les raisons de la PHT (convenance person-nelle, âge, risque ASA, seule à son domicile, domi-cile trop éloigné, autres raisons), les raisons de laconversion postopératoire de la PCA (convenancepersonnelle, nausées, vomissements, douleurs,malaises orthostatiques, hématomes, saignementspansements, reprises chirurgicales, heure tardive duretour du bloc opératoire, isolement à son domicile,autres raisons), et enfin les suites postopératoires(simples, infection, hématome, retard de cicatrisa-tion, lymphocèle [quantité], reprise chirurgicale).

Choix de programmation ambulatoire versustraditionnelle

Le choix du mode de prise en charge a été effectuéau terme d’une consultation préopératoire coupléechirurgien/anesthésiste. Il a toujours été tenu comptedes critères médicaux, du désir de la patiente et de safamille et enfin des critères concernant l’anesthésieen ambulatoire ; trajet (périmètre inférieur à 100 kmou une heure), présence d’un adulte le soir de l’ inter-vention et existence du téléphone au domicile. Lechoix ultime, en dehors de contre-indications médi-cales, revenait à la patiente. Cette méthodologieexplique la répartition non aléatoire des patientesdans les deux groupes.

Circuit patient

Consultation couplée préopératoireLors de la consultation préopératoire, le chirurgienexpliquait l’acte chirurgical en fonction de la patho-logie, vérifiait l’absence de contre-indications chi-rurgicales et/ou environnementales. L’anesthésistevérifiait l’absence de contre-indications médicales.De cette confrontation, était défini le mode de priseen charge : PCA/PHT.

Chirurgie sénologique ambulatoire 669

Pré-admission pour l’hospitalisationPour les patientes programmées en chirurgie ambu-latoire, une pré-admission était effectuée le jour dela consultation pour qu’aucun papier administratif nesoit fait le matin de l’entrée, dans un but de confortet de gain de temps. Un document d’ informationétait donné concernant la préparation que les patien-tes devaient effectuer à leur domicile (douche anti-septique la veille et le matin) ainsi qu’un consente-ment éclairé qu’elles devaient ramener signé(consignes soins antiseptiques, absence de traite-ments anticoagulant, nécessité d’être à jeun, infor-mation sur la possibilité de rester hospitalisée).

HospitalisationEn cas d’hospitalisation en secteur ambulatoire :l’entrée avait lieu à 7 heures 45. La patiente étaitprise en charge par une infirmière qui la perfusait.En cas de lésion mammaire infraclinique, un repé-rage était effectué dans le service de radiologie (sté-réotaxique ou échographique). Les interventions chi-rurgicales étaient programmées en début de matinée(8 heures 30 à 11 heures). La surveillance post-opératoire était au minimum de six heures dont aumoins une heure en unité de soins postintervention-nelle. Une collation était servie avant la sortie de lapatiente. En cas d’hospitalisation en secteur tradi-tionnel : la patiente entrait la veille à 17 heures (14heures en cas de repérage radiologique), la prépara-tion antiseptique préopératoire était effectuée àl’hôpital (douche, shampooing), les interventionschirurgicales étaient programmées après la chirurgieambulatoire, les sorties avaient lieu le lendemain del’ intervention (j1).

Modalité de sortie des patientes programmées enchirurgie ambulatoireLa sortie des patientes était validée par la doublevisite du chirurgien senior et de l’anesthésiste quiavaient pris en charge la patiente, afin d’éliminer unecontre-indication qui aurait conduit àune conversionen hospitalisation traditionnelle. La patiente quittaitl’unité de chirurgie ambulatoire avec une lettre pourson médecin, avec le compte-rendu opératoire, unefiche avec les consignes postopératoires et les coor-données du service, une ordonnance de soins infir-miers et d’antalgiques ainsi que le rendez-vous post-opératoire (j7–j10).

Actes chirurgicaux effectués

Les actes chirurgicaux ont été groupés en deux caté-gories. La chirurgie à visée diagnostique (CD) com-prenait la tumorectomie diagnostique (exérèse d’unelésion palpable), la zonectomie (exérèse lésion infra-clinique après repérage), la chirurgie « mamelon-naire » (pyramidectomie, plastie mamelonnaire) et lachirurgie conservatrice (CC) de première ou secondeintention : reprise des berges (RB), reprise des ber-ges avec curage axillaire (RB+CA), curage axillaireseul (CA), tumorectomie ou quadrantectomie aveccurage axillaire (TQCA).

Dans notre technique chirurgicale [18, 19], aucundrainage du sein ou du creux axillaire n’a été effec-tué [3]. La lymphadénectomie était le plus souvent« fonctionnelle », c’est à dire avec respect de laveine mammaire externe, du pédicule du grand dor-sal, du nerf du grand dentelé, du nerf sensitif du 2e

espace intercostal. À ce curage était associé un capi-tonnage musculaire du creux axillaire et/ou une infil-tration d’anesthésique local (bupivacaïne 20 cL). Unpansement compressif était disposé sur le sein et lecreux axillaire pendant quatre heures en cas de PCAet 24 heures en cas de PHT.

RÉSULTATS

L’âge moyen des patientes opérées était de 54,7 ans(20–91), 51,1 ans (20–80) dans le groupe PCA et58,3 ans (29–91) dans le groupe PHT.

Six cent vingt-cinq patientes ont étécolligées danscette étude : 418 dans le groupe PCA (67 %), 207dans le groupe PHT (33 %). Cette répartition était de76,4% contre 23,6 % en cas de chirurgie diagnos-tique(351 patientes) et de 54,4 % contre 45,6 % encas de chirurgie conservatrice (274 patientes)(figure 1).

Deux cent sept patientes ont été prises en chargeen hospitalisation traditionnelle. Les principales cau-ses de cette programmation étaient des raisons médi-cales (âge, tares associées, indice ASA > II) : 35patientes (17 %), environnementales (seule, domi-cile éloigné) : 96 patientes (45 %), convenance per-sonnelle–anxiété : 42 (20,3 %), organisation du ser-vice : cinq patientes (2,4 %), autres gesteschirurgicaux associés ou drainage prévu : deuxpatientes (1 %), protocoles de recherche clinique :21 patientes (10,1 %), causes non mentionnées dansle dossier médical : 15 patientes (7,2 %) (tableau I).

670 F. Dravet et al.

Sur les 418 patientes programmées en hospitalisa-tion ambulatoire, 52 sont restées hospitalisées le soirde leur intervention. Le taux global de conversion enhospitalisation traditionnelle a été de 12,4 %. Cetaux était de 10 % en cas de CD, et de 16,8 % en casde CC (figure 2).

Trois cent soixante-six patientes sont sorties le soirmême de l’ intervention. Le taux global de chirurgieambulatoire était de 58,6 %. Ce taux était de 68,9 %en cas de CD et de 45,5 % en cas de CC. Ce taux avarié en fonction de l’acte (figure 3).

Le taux de réhospitalisation en urgence a été de0,27 %. Une seule patiente a été réhospitalisée enurgence pour surveillance d’un hématome postopé-ratoire « tardif », non présent lors de la visite de sor-tie. La patiente avait eu une tumorectomie aveccurage axillaire. Il n’a pas été nécessaire de la réo-pérer, ni en urgence, ni de manière différée.

Figure 1. Répartition des patientes en fonction de l’acte chirurgical et du mode de prise en charge. RB : reprise des berges, CA : curageaxillaire, Q : quadrantectomie, TCA : taux de chirurgie ambulatoire.

Tableau I. Causes de programmation en hospitalisation tradition-nelle.

Chirurgiediagnostique

Chirurgieconservatrice

Total

Nbre patientes 82 125 207

Convenance personnelle 9 25 34Anxiété 4 4 8Âge 9 9 18Tares, ASA > II 8 9 17Seule 21 26 47Éloignement 23 26 49Organisation service* 3 2 5Drainage 0 1** 1Gestes associés 0 1*** 1Protocole recherche 0 21 21Non précisé 7 8 15

* Non possibilité de repérage radiologique en ambulatoire, le jourdu geste chirurgical ; ** reprise des berges avec drainage car pré-sence d’un hématome postopératoire ; *** conisation associée.

Chirurgie sénologique ambulatoire 671

Figure 2. Taux de conversion, en fonction des actes. RB : reprise des berges, CA : curage axillaire, Q : quadrantectomie, TCA : taux dechirurgie ambulatoire, PCA : programmation en chirurgie ambulatoire, HT : hospitalisation traditionnelle.

Figure 3. Taux de chirurgie ambulatoire, en fonction des actes. PHT : programmation en hospitalisation traditionnelle, PCA : programma-tion en chirurgie ambulatoire.

672 F. Dravet et al.

Dans 51,9 % des cas, les causes de conversion ontété d’ordre médical : nausées–vomissements empê-chant une alimentation (36,5 %), douleurs invalidan-tes (9,7 %), malaises orthostatiques (5,8 %). Descauses chirurgicales n’ont été observées que dans23,1 % : surveillance pour hématome postopératoireprécoce (15,4 %), ou pour un saignement superficielau niveau du pansement (7,7 %). Les autres causesde conversion ont été d’ordre environnemental dans13 % : convenance personnelle et/ou anxiété dans8 %, dysfonctionnement ayant entraînéun retour tar-dif dans le service dans 6 % des cas (figure 4).

Morbidité postopératoire

Morbidité postopératoire hors lymphocèleQuarante et une patientes sur les 625 ont eu des com-plications postopératoires mineures, soit un taux glo-bal de morbidité de 6,56 %. Le taux de morbiditédans le groupe PCA a été de 5,98 % et de 7,72 %dans le groupe PHT. Une analyse statistique entre lesdeux groupes (�_) n’a pas montréde différence signi-ficative (tableau II). Ces complications ont été leplus souvent traitées médicalement par des soinsmédicaux (antibiothérapie, anti-inflammatoire,ponctions) et/ou infirmiers. Il n’y a eu que deuxreprises chirurgicales pour hématome ; ces interven-tions n’ont jamais été faites en urgence, mais de

manière différée. Dans les deux cas, les patientes,programmées en ambulatoire avaient été gardées enobservation pour la nuit.

Lymphocèle postcurage axillaireDeux cent douze patientes ont eu un curage axil-laire : 106 dans le groupe PCA, 106 dans le groupePHT ; 46 patientes (21,7 %) ont eu une lymphocèleaxillaire postopératoire, ayant nécessité au moinsune ponction. Le taux de lymphocèle dans le groupePCA a été de 27,3 % et de 16 % dans le groupe PHT(tableau III). L’analyse statistique (�_) a montréqu’ ily avait une différence significative entre les deux

Tableau II. Complications postopératoires : 41 patientes. Possibi-lité de plusieurs complications par patiente.

Infec-tions

Héma-tomes

Retard cica-trisation

Douleurinvalidante

PCA 8 9 12 1Chirurgie diagnostique 1 3 6 0Chirurgie conservatrice 7 6 6 1PHT 5 4 5 0Chirurgie diagnostique 2 1 0 0Chirurgie conservatrice 3 3 5 0Total 13 13 17 1

PCA : programmation en chirurgie ambulatoire, PHT : program-mation en hospitalisation traditionnelle.

Figure 4. Causes de conversion en fonction des types de chirurgie.

Chirurgie sénologique ambulatoire 673

groupes, en rapport avec une augmentation des peti-tes lymphocèles.

DISCUSSION

La chirurgie ambulatoire est peu développée enFrance [6] en comparaison des pays anglo-saxons etscandinaves [1-3, 5, 12, 16, 20]. Le développementdu dépistage de masse va engendrer probablementun surcoût pour la prise en charge de cette patholo-gie dont l’ incidence est en augmentation [7, 8]. Lachirurgie ambulatoire, par un raccourcissement de ladurée d’hospitalisation est un des moyens de répon-dre àce surcoût potentiel [6]. Ceci a étémontrédansdes enquêtes de traitements/coûts dans les paysanglo-saxons, le gain économique allant de 22 à39 % [1, 12, 16, 21].

Dans cette étude, le taux de refus de la chirurgieambulatoire pour convenance personnelle est seule-ment de 20,3 %. La motivation des patientes pourune prise en charge de courte durée est importante.Ceci s’ intègre dans la volonté globale d’un raccour-cissement de la durée d’hospitalisation que nouspouvons observer dans la littérature concernant laprise en charge du cancer du sein, avec un impactréel sur la qualité de vie des patientes [12, 22, 23].La chirurgie mammaire sans drainage, aussi bien auniveau de la zone d’exérèse que du curage [1 ,3, 6,18, 19], facilite le développement de ce mode deprise en charge.

La sélection préopératoire conjointe par le chirur-gien et l’anesthésiste ainsi que la compliance de lapatiente évitent un taux de conversion trop impor-tant ; 12,4 % dans notre série, de 0 à 20 % dans lalittérature [2, 5, 21]. La prise en charge globale de lapatiente doit être rigoureuse, dans son organisation,afin d’optimiser au maximum l’acte chirurgical :durée d’anesthésie courte, absence de complicationpostopératoire immédiate. Malgré tout, le taux de

conversion n’est pas négligeable, imputable dans50 % des cas à des causes « médicales » : nausées,vomissements, douleurs. Ceci doit conduire à uneréelle évaluation des schémas d’anesthésie et de trai-tement postopératoire des nausées–vomissements[24] et de la douleur. Certaines équipes proposentd’associer ou non à l’anesthésie générale, des anes-thésies locales ou régionales notamment par blocparavertébral [2, 21].

Les causes chirurgicales de conversion, moins de25 % des cas dans notre série, ne doivent pas êtresous-estimées par un excès de « sûreté »de l’équipechirurgicale. Une conversion pour surveillance éviteune réhospitalisation nocturne en urgence, toujoursmal vécue par la patiente et sa famille. Dans notresérie, il n’y a eu qu’une réhospitalisation en urgence(0,27 %). Les deux patientes réopérées pour héma-tome avaient été gardées le soir pour surveillance.Dans ce sens, la visite d’autorisation de sortie parl’anesthésiste et le chirurgien senior semble être pri-mordiale [6].

Le taux de morbiditéstandard n’est pas statistique-ment différent selon le mode de prise en charge ; ilest du même ordre que ceux trouvés dans la littéra-ture [3, 4, 12, 17]. Une lymphocèle a été observéechez 21,7 % des patientes avec une différence signi-ficative chez les patientes hospitalisées en ambula-toire. Ce taux est équivalent à ceux trouvés dans lalittérature par des équipes qui ne pratiquent pas dedrainage aspiratif axillaire systématique ou de courtedurée [1, 3, 12, 20, 25]. Cette surmorbidité, par rap-port à la prise en charge traditionnelle, nécessiteraune évaluation prospective de façon à en définir lescauses. Deux hypothèses ont été avancées : un rac-courcissement de la durée du port du pansementcompressif axillaire et une mobilisation plus précocede l’épaule [1, 26]. L’évolution est le plus souventfavorable. Jeffrey et al. dans leur série constatent unedisparition des lymphocèles à un mois [3].

La prise en charge en ambulatoire de la chirurgiesénologique impose certaines contraintes, si on veutqu’elle soit faite avec un confort réel pour lapatiente. Il est nécessaire que l’unité de chirurgieambulatoire ait une certaine souplesse dans sonfonctionnement pour permettre notamment la possi-bilité de conversion avec hospitalisation en secteurtraditionnel. Une unitéde chirurgie ambulatoire inté-grée au sein d’un service d’hospitalisation tradition-nelle semble sur ce point plus performante qu’une

Tableau III. Répartition des lymphocèles postopératoires.

Nombre de Nombre de Lymphocèles Lymphocèlespatientes lymphocè-

lesVolume < 80 cL V > 80 cL et/ou

plusieurs ponctions

PCA 106 29 21 8PHT 106 17 9 8Total 212 46 30 16

PCA : programmation en chirurgie ambulatoire, PHT : programma-tion en hospitalisation traditionnelle.

674 F. Dravet et al.

unité ambulatoire indépendante. Ce type de struc-ture permet une meilleure continuité des soins pourla patiente en cas de conversion.

Une rigueur et une coordination entre les différentsacteurs thérapeutiques médicaux et paramédicaux(infirmières et secrétaires) sont primordiales pouréviter tout dysfonctionnement, responsable d’unallongement du temps opératoire, ou d’un retard à ladélivrance de documents d’ information qui peuvententraver le bon fonctionnement de la prise en chargeen ambulatoire.

L’ information de la patiente et des médecins trai-tants avant et après l’opération est également un cri-tère prépondérant dans l’acceptation de ce mode deprise en charge [27]. Cet élément est retrouvé dansla publication de Chung et al. qui ont évalué les fac-teurs de satisfaction de la prise en charge ambula-toire de la chirurgie plastique, notamment mammaire[28]. Cette information préopératoire permet uneapproche psychologique plus facile grâce aux tech-niques de diagnostic percutanées (cytoponctions,microbiopsies) [10, 11, 29, 30]. Cela permetd’annoncer, dés la consultation, la nature de la mala-die et du geste chirurgical à réaliser. Cette annoncepermet d’enlever un doute anxiogène pour lapatiente. Une information précise sur la morbiditépostopératoire notamment les lymphocèles (symptô-mes, traitement, ponctions) permet à la patiente demieux appréhender et accepter cette surmorbidité, leplus souvent mineure.

CONCLUSION

La chirurgie sénologique qu’elle soit à visée dia-gnostique ou thérapeutique est réalisable en ambu-latoire, sous couvert d’une sélection des patientes etd’une organisation rigoureuse. La motivation despatientes est manifeste. Le développement des tech-niques de diagnostic préopératoire et de l’ informa-tion des patientes mais aussi des médecins doit per-mettre le développement de ce mode de prise encharge en France.

Les structures ambulatoires doivent avoir un modede fonctionnement souple pour permettre uneconversion en hospitalisation traditionnelle si néces-saire, dans les meilleures conditions de continuitédes soins.

La chirurgie ambulatoire doit, à qualité de soinségale, permettre une réinsertion familiale et socio-professionnelle plus rapide, contribuant ainsi d’unepart à une meilleure acceptation de la maladie et destraitements adjuvants et d’autre part à une diminu-tion du coût de la prise en charge de la chirurgiemammaire.

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