Nuria Martínez de Castilla, "Traduire et commenter le Coran dans la Péninsule Ibérique...

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CRAI 2013, IV (novembre-décembre), p. 1723-1739 * Cet article prend place dans le cadre du projet de recherche I+D Corana. Production and transmission of the Qur’ān in Western Islamic World (12th-17th centuries), FFI2012-32294. Je remercie les chercheurs de l’I+D Islamolatina, tout particulièrement José Martínez Gázquez, pour son chaleureux accueil au sein du projet entre 2008 et 2011, ainsi que pour ses intéressantes sugges- tions à propos de ma recherche sur les traductions du Coran. Je remercie également Luis Bernabé Pons pour ses précieux commentaires sur quelques points de ce travail ; Katarzyna Starczewska qui m’a donné accès aux lectures de Gilles de Viterbe des sourates 105 et 108 ; et Ulisse Cecini à qui je suis redevable de l’envoi de la minutieuse translittération de divers passages de Robert de Ketton et de Marc de Tolède à partir d’une consultation directe d’un choix de manuscrits. 1. Édité par C. López-Morillas, ElCorándeToledo.Ediciónyestudiodelmanuscrito235de laBibliotecadeCastilla-LaMancha, Gijón, Trea, 2011. Comme cela est bien indiqué dans le titre, ce manuscrit est de nos jours conservé à la Bibliothèque de Castilla-La Mancha ; pour cette raison, il est connu comme le « Coran de Tolède ». Il ne faut toutefois pas entendre qu’il s’agit d’une copie réalisée à Tolède. NOTE D’INFORMATION TRADUIRE ET COMMENTER LE CORAN DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE (XII e -XVII e S.), PAR M me NURIA MARTÍNEZ-DE-CASTILLA MUÑOZ* En 1609, sous le règne de Philippe III, fut signé l’édit d’expulsion des morisques de tous les royaumes d’Espagne, c’est-à-dire des musulmans baptisés en 1502 en Castille et en 1526 en Aragon. Le processus dura jusqu’en 1614. Trois ans seulement avant cet édit, un copiste transcrivit en Aragon l’unique traduction complète du Coran qui ait été conservée en aljamia, autrement dit dans un castillan mâtiné d’aragonais, avec une forte tendance arabisante et archaïsante 1 . Cet exemplaire manuscrit (CLM T235) est cependant la première traduction complète du Coran que l’on conserve en castillan ; il met par ailleurs un point final à une prolifique activité de traduction et de copie du Coran menée par les mudéjares, puis par les morisques, probablement depuis le XIII e ou le XIV e siècle jusqu’au début du XVII e siècle, à la veille de l’expulsion. Le « Coran de Tolède », nom habituellement employé pour faire référence à cette copie de 1606 par référence à la ville où il est conservé, ne transmet que la traduction en aljamia. En revanche, le reste des copies conserve le texte arabe de référence : ce dernier se trouve soit entre les lignes de la traduction (cette dernière précédant le texte original arabe), soit par paragraphe entiers, et dans ce cas l’arabe vient en premier. De même, le « Coran de Tolède » emploie les caractères latins de façon systématique, alors que les autres

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CRAI 2013, IV (novembre-décembre), p. 1723-1739

* Cet article prend place dans le cadre du projet de recherche I+D Corana.�Production�and�transmission�of� the�Qur’ān� in�Western� Islamic�World� (12th-17th�centuries), FFI2012-32294. Je remercie les chercheurs de l’I+D Islamolatina, tout particulièrement José Martínez Gázquez, pour son chaleureux accueil au sein du projet entre 2008 et 2011, ainsi que pour ses intéressantes sugges-tions à propos de ma recherche sur les traductions du Coran. Je remercie également Luis Bernabé Pons pour ses précieux commentaires sur quelques points de ce travail ; Katarzyna Starczewska qui m’a donné accès aux lectures de Gilles de Viterbe des sourates 105 et 108 ; et Ulisse Cecini à qui je suis redevable de l’envoi de la minutieuse translittération de divers passages de Robert de Ketton et de Marc de Tolède à partir d’une consultation directe d’un choix de manuscrits.

1. Édité par C. López-Morillas, El�Corán�de�Toledo.�Edición�y�estudio�del�manuscrito�235�de�la�Biblioteca�de�Castilla-La�Mancha, Gijón, Trea, 2011. Comme cela est bien indiqué dans le titre, ce manuscrit est de nos jours conservé à la Bibliothèque de Castilla-La Mancha ; pour cette raison, il est connu comme le « Coran de Tolède ». Il ne faut toutefois pas entendre qu’il s’agit d’une copie réalisée à Tolède.

NOTE D’INFORMATION

TRADUIRE ET COMMENTER LE CORAN DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE (XIIe-XVIIe S.),

PAR Mme NURIA MARTÍNEZ-DE-CASTILLA MUÑOZ*

En 1609, sous le règne de Philippe III, fut signé l’édit d’expulsion des morisques de tous les royaumes d’Espagne, c’est-à-dire des musulmans baptisés en 1502 en Castille et en 1526 en Aragon. Le processus dura jusqu’en 1614. Trois ans seulement avant cet édit, un copiste transcrivit en Aragon l’unique traduction complète du Coran qui ait été conservée en aljamia, autrement dit dans un castillan mâtiné d’aragonais, avec une forte tendance arabisante et archaïsante1. Cet exemplaire manuscrit (CLM T235) est cependant la première traduction complète du Coran que l’on conserve en castillan ; il met par ailleurs un point final à une prolifique activité de traduction et de copie du Coran menée par les mudéjares, puis par les morisques, probablement depuis le XIIIe ou le XIVe siècle jusqu’au début du XVIIe siècle, à la veille de l’expulsion.

Le « Coran de Tolède », nom habituellement employé pour faire référence à cette copie de 1606 par référence à la ville où il est conservé, ne transmet que la traduction en aljamia. En revanche, le reste des copies conserve le texte arabe de référence : ce dernier se trouve soit entre les lignes de la traduction (cette dernière précédant le texte original arabe), soit par paragraphe entiers, et dans ce cas l’arabe vient en premier. De même, le « Coran de Tolède » emploie les caractères latins de façon systématique, alors que les autres

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2. On peut avoir accès à une reproduction du manuscrit sur <http://gallica.bnf.fr> (dernière consultation : 24 octobre 2014). Fr. Déroche, Catalogue� des� manuscrits� arabes� II.� Manuscrits�musulmans, t. I, 2, Paris, 1985, p. 39 ; N. Martínez-de-Castilla, « Deux corans aljamiados de Salonique », Bulletin� de� la�Fondation�Max�Van�Berchem 23, 2009, p. 4-5 ; et Ead. « Corán de Salónica », dans Memoria�de�los�moriscos.�Escritos�y�relatos�de�una�diáspora�cultural, A. Mateos et J. C. Villaverde éd., Madrid, 2010, p. 228.

3. N. Martínez-de-Castilla, « “Hacer libros no tiene fin ”. Los moriscos y su patrimonio manus-crito », dans El� texto� infinito.� Reescritura� y� tradición� en� la� Edad� Media� y� el� Renacimiento, Salamanca, 2014, p. 749-758.

4. N. Martínez-de-Castilla, « Qur’ānic Manuscripts from Late Muslim Spain: The Collection of Almonacid de la Sierra », Journal�of�Qur’ānic�Studies 16.2, 2014, p. 89-138.

5. C. López-Morillas, « The Genealogy of the Spanish Qur’ān », Journal�of�Islamic�Studies 17, 2006, p. 255-294.

6. N. Martínez-de-Castilla, « The copyists and their texts. The Morisco translations of the Qur’an in the Tomás Navarro Tomás Library (CSIC, Madrid) », Al-Qantara XXXV, 2, 2014, p. 493-525.

traductions sont écrites en aljamia en caractères arabes, avec une unique exception, celle de BnF Arabe 447 : un manuscrit qui transmet les extraits coraniques en traduction interlinéaire, le texte arabe en caractères arabes, le texte en aljamía dans une élégante écriture latine humaniste2. Le « Coran de Tolède » est également unique par son contenu : il offre l’intégralité du texte coranique, tandis que les autres manuscrits conservés en aljamia ne présentent pas le Coran dans son entier. Certaines copies semblent avoir été conçues comme des copies complètes, mais sont, dans leur état actuel, incomplètes en raison de la perte d’une partie du manuscrit liée ou bien à l’utili-sation3, ou bien à des accidents ultérieurs, par exemple, l’eau, le feu ou le vol. D’autres copies en revanche, bien que complètes, trans-mettent seulement des extraits du Coran4.

Selon C. López-Morillas, vingt-six copies contiennent la traduc-tion du Coran et de ses commentaires exégétiques – c’est-à-dire, des tafāsīrs dont on conserve une version en aljamia�réalisée pendant les XVIe et XVIIe siècles5.

Toutes ces copies datent du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle6. De fait, il n’existe pas de témoignage écrit de l’existence de copies de traduction du Coran en aljamia au cours de la période mudéjar. Ces traductions se multiplient seulement après le baptême forcé et l’interdiction faite aux musulmans de la Péninsule de tout signe mani-festant leur identité culturelle : l’utilisation de l’arabe ou la posses-sion de livres dans cette langue figuraient parmi eux. Bien que les traductions aient été réalisées par des morisques, c’est-à-dire, pour reprendre la terminologie de l’époque, des « convertidos�de�Moro » ou des « cristianos�nuevos », la production aljamiada en général et la traduction du Coran en particulier étaient réalisées au sein de la communauté musulmane, écrite par ses membres et pour eux.

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7. N. Martínez-de-Castilla, op.�cit. (n. 6), p. 494 ; C. López-Morillas, El�Corán�de�Toledo, op.�cit. (n. 1).

8. Cf. note 3.9. [« Fue�seguramente�el�original�que�dio�origen�a�las�versiones�castellana�y�catalana�del�siglo�

XIV,� actualmente� perdidas ».] M. de Epalza, El�Corán� y� sus� traducciones� propuestas, Alicante, 2008, p. 97.

10. On a longtemps pensé que le « Coran de Tolède » (BCM T235) pouvait être une copie tardive du texte castillan de la traduction commanditée par Jean de Ségovie (voir G. Wiegers, Islamic�Literature�in�Spanish�and�Aljamiado:�Yça�of�Segovia�(fl.�1459).�His�antecedents�and�succe-sors, Leiden, 1994). C. López-Morillas indique qu’il n’existe pas suffisamment de données objec-tives pour soutenir une telle affirmation, même si elle n’écarte pas totalement cette possibilité

Si, dans son prologue, le copiste du « Coran de Tolède » fait profession de fidélité au texte original, disant qu’il le traduit « palabra�por�palabra�al�vocablo », « mot à mot » (f. 81v), nous savons que cela n’est pas le cas7. Cette version, comme le reste des traductions morisques du Coran, est d’une grande modernité, car il s’agit de textes écrits pour être lus de manière continue et pour être compris le mieux possible. Comme je l’ai signalé plus haut, nous ne disposons pas de preuve que des traductions du Coran aient existé à l’époque mudéjar. D’où proviennent donc ces traductions si modernes ? Le texte castillan, malgré les difficultés qu’engendrent les particularités linguistiques caractéristiques de l’aljamia, se lit aisément : il ne s’agit nullement d’une traduction mot à mot, situation habituelle dans d’autres traduc-tions, mais d’une véritable traduction, dans laquelle sont insérés dans une proportion variable des commentaires exégétiques, en réponse à la nécessité d’éclaircir le sens du texte coranique.

À l’exception du manuscrit BnF Arabe 447, copié – et probable-ment traduit – à Salonique en 1569 d’après son colophon8, les copies de traductions du Coran et du tafsīr de l’époque morisque furent réalisées dans la Péninsule ibérique, comme cela fut le cas pour les premières traductions du Coran de l’arabe en latin, celles de Robert de Ketton, de Marc de Tolède, de Juan de Ségovie et d’Iohannes Gabriel Terrolensis. Il est très probable que les copies ou traductions morisques étaient produites en Aragon, région d’où viennent égale-ment les traductions latines de Robert de Ketton et d’Iohannes Gabriel Terrolensis. Peut-on de ce fait penser que ces traductions latines qui circulaient dans la Péninsule ibérique ont exercé une influence sur les traductions morisques ? Peut-on penser au moins que les matériaux utilisés, tant les manuscrits coraniques que les commentaires exégé-tiques, étaient communs ? De fait, Mikel de Epalza estimait que la traduction de Robert de Ketton « fut certainement l’original qui donna le jour aux versions castillanes du XIVe siècle, aujourd’hui perdues »9 ; après une période où on pensa que le manuscrit CLM T235 était une copie tardive de la traduction d’Iça Gidelli,10 et tout en sachant que

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ce manuscrit présente maints liens textuels avec les autres manus-crits aljamiados11, C. López-Morillas indique que « la traduction d’Iça peut fort bien avoir servi d’inspiration, sinon de modèle direct à toutes les traductions ultérieures faites par des musulmans aussi longtemps qu’ils continuèrent à occuper le sol d’Espagne »12.

Mon but ici est d’examiner la possibilité d’établir un lien entre ces traductions, probablement les premières à avoir été faites dans une langue vernaculaire européenne, et les textes exégétiques musul-mans antérieurs, présents dans la Péninsule ibérique. Bien que nous ignorions complètement à quelle date remonte la première traduc-tion due aux mudéjares ou aux morisques, on peut penser qu’elle a pu être influencée par d’autres traductions produites à des dates plus anciennes.

Ce n’est pas un hasard si la Péninsule ibérique a été mêlée, d’une manière ou d’une autre, non seulement aux premières traductions latines du Coran, mais aussi à ses premières traductions vernaculaires. Depuis la conquête de Tolède par les chrétiens en 1085, des savants de différentes régions d’Europe venaient dans cette ville afin de traduire des textes arabes pour augmenter la masse des connaissances disponibles en Occident. Les disciplines qui étaient principalement visées par cette quête de traductions étaient de nature scientifique : médecine, mathématiques, astronomie, etc. Ce mouvement fut initié par les bénédictins de Tolède et stimulé par la visite de l’abbé de Cluny, Pierre le Vénérable13, qui, à son arrivée en 1142, dut trouver dans la Péninsule les facteurs nécessaires pour mener à bien le corpus de traductions qu’il s’était fixé, en commençant par le Coran. La tâche dut être relativement aisée : il disposait à portée de main de copies du Coran et de textes exégétiques, de même que de bons connaisseurs de l’arabe et du latin pour faire aboutir son projet de traduction.

C’est donc à sa demande qu’en un point des rives de l’Èbre14, dans la partie aragonaise, fut réalisée la première traduction complète

(voir El� Corán� de� Toledo, op.� cit.� [n. 1] et sa propre bibliographie qu’elle cite à cet endroit). L’hypothèse a été réfutée il y a de cela quelques années lorsqu’ont été découverts des fragments latins inconnus jusqu’alors de la traduction latine de Jean de Ségovie (U. Roth et R. F. Glei, « Die Spuren der Koranübersetzung des Juan de Segovia –alte Probleme und ein neuer Fund », Neulateinisches�Jahrbuch�11, 2009, p. 109-154).

11. C. López-Morillas, op.�cit. (n. 5).12. [« ‘Īsā’s�translation�[…]�may�well�have�served�as�the�inspiration,�if�not�actually�the�direct�

model,� for�all�subsequent� translations�made�by�Muslims�for�as�long�as�they�continued�to�occupy�Spanish�soil. »] C. López-Morillas, The�Qur’ān�in�Sixteenth-century�Spain:�six�Morisco�versions�of�sūra�79, Londres, 1982, p. 14.

13. M. de Epalza, op.�cit. (n. 9), p. 95-96.14. J. Martínez Gázquez, « Les traductions latines du Coran dans les relations christiano-

musulmanes », dans Dieu� parle� la� langue� des� hommes, B. Bakhouche et Ph. Le Moigne éd., Lausanne, 2007, p. 101.

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du Coran en latin (1142-1143)15. De manière paradoxale, elle ne fut l’œuvre ni d’un musulman, ni d’un Castillan, mais d’un Anglais, moine de Cluny, Robert de Ketton, aidé toutefois dans sa tâche par un musulman ibérique16. Robert de Ketton, spécialiste de science arabe, était au service de l’évêque Michel dans la ville de Tarazona, depuis peu aux mains des chrétiens. Il est curieux que, comme je l’ai déjà souligné, ce soit également dans cette région de la vallée de l’Èbre que l’on ait continué de copier – et peut-être même de réaliser – des traductions du Coran, cette fois non plus en latin, mais en aljamia, non plus pour l’usage de lecteurs chrétiens, dans un contexte de polémique anti-musulmane, mais pour des musulmans, comme partie de leur foi. La traduction de Robert de Ketton connut un vaste succès par la suite : de fait, imprimée à Bâle par Théodore Bibliander en 1543, elle connut plusieurs réimpressions et se trouva à l’origine de traductions ultérieures dans des langues européennes : la première version datée dans une langue vernaculaire et dans un contexte chrétien fut l’œuvre d’Andrea Arrivabene, en 1547, qui publia la traduction italienne de Giovanni Battista Castrodardo17. Toutefois, et ce malgré ce qui est affirmé dans le frontispice de cette édition

15. De nombreuses études ont été consacrées à différents aspects de cette traduction ; parmi elles, on peut citer : M.-Th. d’Alverny, « Deux traductions latines du Coran au Moyen Âge », Archives�d’Histoires�Doctrinale�et�Littéraire�du�Moyen�Âge 16, 1948, p. 69-131 (réimprimé dans Charles Burnett éd., La�connaissance�de� l’Islam�en�Occident�du� IXe�au�milieu�du�XIIe�siècle », Aldershot, 1994) ; M.-Th. d’Alverny, « Pierre le Vénérable et la légende de Mahomet »,� dans À�Cluny.�Congrès�scientifique.�Fêtes�et�cérémonies�liturgiques�en�l’honneur�des�saints�abbés�Odon�et�Odilon, Dijon, 1950, p. 161-170 ; J. Martínez Gázquez, « Trois traductions médiévales latines du Coran : Pierre le Vénérable, Robert de Ketton, Marc de Tolède et Jean de Segobia », Revue�des�Études�Latines 80, 2003, p. 223-36 ; J. Martínez Gázquez, « Les traductions latines du Coran », op.�cit. (n. 14), p. 101-106 ; J. Martínez Gázquez, « Finalidad de la primera traducción latina del Corán », dans Musulmanes�y�cristianos�en�los�siglos�XII�y�XIII, M. Barceló et J. Martínez Gázquez éd., Bellaterra, 2005, p. 71-77 ; J. Martínez Gázquez, « Observaciones a la traducción latina del Corán (Qur’an) de Robert de Ketene », dans Les�traducteurs�au�travail.�Leurs�manuscrits�et�leurs�méthodes, Turnhout, 2001, p. 115-127 ; Ó. de la Cruz, « La trascendencia de la primera traducción latina del Corán (Robert de Ketton 1142) », Collatio 7, 2002, p. 21-28 ; H. Bobzin, « Latin Translations of the Koran. A short overview », Der�Islam 70.1, 1993, p. 193-206 (réimprimé dans The�Koran.�Critical�Concepts�in�Islamic�Studies, vol. IV: Translation�and�Exegesis, C. Turner éd., Londres/New York, 2004, p. 116-127) ; H. Bobzin, Der� Koran� im� Zeitalter� der� Reformation.�Studien� zur�Frühgeschichte� der�Arabistik und� Islamkunde� in�Europa, Beirut, 1995 ; H. Bobzin, J. Kritzck, Peter� the� Venerable� and� Islam, Princeton, 1964 ; R. Glei éd., Petrus� Venerabilis,�Schriften�zum�Islam, Altenberger, 1985 ; R. Glei, St. Reichmuth, « Religion between last Judgement, Law and Faith: Koranic dîn and its rendering in Latin translations of the Koran », Religion 42/2, 2012, p. 247-271 ; U. Cecini, Alcoranus� Latinus.� Eine� sprachliche� und� kulturwissenschaftliche�Analyse�der�Koranübersetzungen�von�Robert�von�Ketton�und�Marcus�von�Toledo, Berlin/Münster, 2012 ; Th. E. Burman, Reading�the�Qur’ân�in�Latin�Christendom�1140-1560, Philadelphie, 2007 ; Th. E. Burman, « Tafsīr and Translation: Traditional Arabic Qur’ān Exegesis and the Latin Qur’āns of Robert of Ketton and Mark of Toledo », Speculum 73, 1998, p. 703-732.

16. Cette collaboration est tout à fait habituelle à cette époque ; elle est visible de manière beau-coup plus nette dans la commande passée par Jean de Ségovie pour traduire le Coran en castillan.

17. Pier Mattia Tommasino, L’Alcorano� di� Macometto.� Storia� di� un� libro� del� Cinquecento�europeo, Bologne, 2013.

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(L’Alcorano�di�Macometto,�nelqual�si�contiene�la�dottrina,�la�vita,�i�costumi,�et�le�leggi�sue.�Tradotto�nouvamente�dell’Arabo�in�lingua�italiana), il ne s’agit pas d’une traduction de l’arabe, mais du texte latin du XIIe siècle de Robert de Ketton – comme l’avait déjà en son temps observé Scaliger18. Salomon Schweigger s’appuiera sur le texte de Castrodardo pour réaliser sa traduction en allemand publiée en 1616.

En 1210, un archevêque patronne la seconde traduction connue du Coran : Rodrigo Jiménez de Rada le fait dans le cadre de son programme de « propagande en mettant en œuvre le concept de croisade à la confrontation ibérique entre chrétiens et musulmans »19. Cette fois, un chanoine de la cathédrale de Tolède, Marc de Tolède, est chargé de la réaliser. Cette traduction, plus littérale que la précé-dente, est dans un premier temps moins utilisée et moins connue que celle de Robert de Ketton20, mais il semble qu’elle fut utilisée pour traduire le texte dans des langues européennes, dans un contexte chrétien. La première traduction française est due à André du Ryer qui la publia en 164721. D’Alverny avança l’idée que du Ryer avait en fait utilisé le texte de Marc de Tolède comme point de départ pour sa propre version22. Cette dernière sera en tout cas employée pour une traduction du Coran en anglais par Alexander Ross (1648) et une traduction en allemand par Jan Hendrik Glazemaker (1657).

L’évêque et professeur de théologie de l’Université de Salamanque, Jean de Ségovie, se chargea en 1456 de réaliser la troisième traduc-tion du Coran en latin. Il nous en reste seulement le prologue. Cette œuvre représente cependant une nouveauté par rapport aux précé-dentes, car il s’agit d’une édition trilingue, arabe-latin-espagnol, sous forme d’une présentation synoptique. Dans les deux cas précédents,

18. H. Bobzin, « Latin Translations of the Koran », op.�cit. (n. 15), p. 197.19. [Son programme de « propaganda� in� applying� the� concept� of� crusade� to� the� Iberian�

Christian-Muslim�confrontation  ».] U. Cecini, « Faithful to the “Infidels” Word. Mark of Toledo’s Latin Translation o the Qur’ān (1209-1210) », dans Frühe�Koranübersetzungen.�Europäische�und�außereuropäische�Fallstudien, R. F. Glei éd., Trèves, 2012, p. 90-98.

20. De nombreuses études ont également été consacrées à cette traduction. Outre celles qui ont été citées dans les notes précédentes, on peut se reporter à titre d’exemple à : U. Cecini, « Main Features of Mark of Toledo’s Latin Qur᾿ān Translation », Al-Masaq:� Islam� and� the� Medieval�Mediterranean 25/3, 2013, p. 331-344 ; N. Petrus, « Marcos de Toledo y la segunda traducción latina del Corán », dans Musulmanes�y�cristianos�en�los�siglos�XII�y�XIII, op.�cit. (n. 15), p. 87-94 ; M.-Th. d’Alverny, G. Vajda, « Marc de Tolède, traducteur d’Ibn Tūmart », Al-Andalus 16, 1951, p. 99-140, 259-307 et 17, 1952, p. 1-56 ; M.-Th. d’Alverny, « Marc de Tolède », dans Estudios�sobre�Alfonso�VI�y�la�reconquista�de�Toledo.�Actas�del�II�Congreso�Internacional�de�Estudios�Mozárabes, vol. 3, Toledo, 1992, p. 22-59 ; J. Tolan, « Las traducciones y la ideología de la reconquista: Marcos de Toledo », dans Musulmanes�y�cristianos�en�los�siglos�XII�y�XIII, op.�cit.�(n. 15), p. 87-94.

21. A. Hamilton et F. Richard, André� de�Ryer� and�Oriental� Studies� in� Seventeenth�Century�France, Londres, 2004.

22. Apud H. Bobzin, « Latin Translations of the Koran »,�op.�cit.�(n. 15), p. 201.

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le texte arabe était absent. Pour accomplir cette tâche, Jean de Ségovie disposa de la collaboration d’un musulman, le faqīh et muftī de Ségovie, Iça Gidelli ou ‘Isā ibn Jābir23, à qui fut confiée la traduc-tion du texte arabe en castillan. L’entreprise, en dépit de ses liens très étroits avec la Péninsule ibérique, fut réalisée dans le prieuré d’Ayton, en Savoie. Jean de Ségovie s’y était retiré et il y fit venir pendant quatre mois Iça Gidelli pour traduire le texte. C’est semble-t-il le temps dont eut besoin Iça pour produire une copie du texte arabe, le vocaliser, le traduire en aljamia et en faire la correction. Jean de Ségovie lui-même devait assurer à son tour la traduction en latin, une fois celle en espagnol achevée : c’est cette dernière qui constitua son point de départ et non le texte arabe du Coran.

Enfin, nous savons qu’au XVIe siècle le cardinal italien Gilles de Viterbe commanda une traduction qui devait être constituée de quatre colonnes : le texte arabe, sa translittération en caractères latins, une traduction latine et des commentaires exégétiques24. Elle fut réalisée par Iohannes Gabriel Terrolensis en 1518 et corrigée par Léon l’Africain, filleul de Gilles de Viterbe, en 1525. À la diffé-rence de la traduction de Jean de Ségovie, complètement perdue, celle qui fut commanditée par Gilles est conservée dans deux copies postérieures, dont l’une est incomplète ; l’original est quant à lui perdu. Nous avons connaissance de la structure originelle du manus-crit grâce au prologue que David Colville a inclus dans sa copie (1621), conservée de nos jours à la bibliothèque de l’Université de Cambridge.

C’est dans les prologues des trois premières traductions – celles de Robert de Ketton, de Marc de Tolède et de Jean de Ségovie – que nous est exposée l’intention qui a présidé à ces œuvres : mieux connaître le livre sacré de l’islam avec l’objectif d’en réfuter l’idéo-logie. Comme le dit Marc de Tolède : « in�Sarracenos�invehendi  ;�Maurorum� secreta� impugnandi »25. Dans le prologue de Jean de Ségovie (1456) figure une sévère critique du texte de Robert de Ketton (1142) et l’engagement de corriger les erreurs que cette première traduction comporte. En outre, Iça Gidelli, le faqīh qui travaillait avec Jean, ne voulait pas tenir compte de cette traduction parce qu’elle est trompeuse :

23. G. Wiegers, op.�cit.�(n. 10), p. 143-145.24. K. Starczewska, Latin�Translation�of�the�Qur’ān�(1518-1621)�commissioned�by�Egidio�de�

Viterbo.�Critical�Edition�and�Introductory�Study, thèse de doctorat inédite, Barcelone, Universidad Autónoma, 2012.

25. U. Cecini, op.�cit. (n. 19), p. 88.

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1730 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

dedignatus�tamen�audire�translationem�illam,�cum�aliquando�ex�ipsa�dicta�mea�confirmare�uolebam�;�dicebat�namque,�non�velut�interpretem,�sed�in�quam�multis�fuisse�locutum�tanquam�magistrum�a�semetipso26.

Pour ce faire, il se proposait d’offrir un texte beaucoup plus fidèle à l’original, une nouvelle traduction sans aucun lien avec celle de Robert de Ketton :

Propter�quod,�Semper�ac�magis�percepi�quanta� foret�necessitas�habendi�translationem�ueram�quam�ille�sic�promiserat�facere�dum�primo�fuit�requi-situs� in�Hyspania,�professus� transferre�Alchuranum�« de�pe�a�pa »�quod�lingua�sonat�Hyspanica�de�uerbo�ad�uerbum27.

Toutefois, « grâce à l’étude des manuscrits, il a été possible de démontrer qu’il utilisa la version de Robert de Ketton dans plusieurs de ses traités »28.

Si donc ces traductions ont un lien de dépendance vis-à-vis de celles qui avaient été réalisées à une date antérieure dans la Péninsule ibérique, ces dernières pourraient tout aussi bien avoir exercé une influence sur des traducteurs espagnols musulmans.

Des traductions que j’ai mentionnées, celle de Marc de Tolède et peut-être celle de Juan de Ségovie sont plus fidèles à l’original que celle de Robert de Ketton dont on sait pourtant qu’il avait mené à bien son travail avec l’aide d’un musulman ibérique29. Le copiste du Coran de Tolède affirme que la traduction aljamiada qu’il a trans-crite rend l’original mot à mot. Il écrit d’ailleurs que son modèle « était en langue arabe et a été traduit mot à mot ». De cette manière, on pourrait penser que les traductions aljamiadas ont été influencées par la méthode de Marc – qui était peut-être un mozarabe et dont la langue maternelle était donc peut-être l’arabe. Mais les traductions aljamiadas du Coran présentent une certaine connaissance du tafsīr – l’exégèse musulmane – qui est plus ou moins utilisé selon le manuscrit. Une telle méthode n’est pas complètement compatible avec le mot-à-mot.

26. J. Martínez-Gázquez, « El prólogo de Juan de Segovia », Mittellateinisches�Jahrbuch 38, 2003, p. 406.

27. Ibid.28. [« Thanks�to�the�study�of�manuscripts�it�has�been�proved�that�[Juan�de�Segovia]�used�Robert�

of�Ketton’s�version�in�several�of�his�treatises »] K. Starczewska, op.�cit. (n. 24), p. XVII.29. Quelques passages parallèles entre les rares traductions en latin de fragments de la version

d’Iça Gidelli d’une part et le « Coran de Tolède » de l’autre conduisirent Wiegers à défendre l’hy-pothèse selon laquelle le ms. CLM T235 était une copie tardive de la traduction commanditée par Jean de Ségovie (voir note 10).

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TRADUIRE ET COMMENTER LE CORAN 1731

La traduction de Robert de Ketton « interpole du matériel emprunté à la tradition exégétique arabe dans sa traduction »30, écrit Thomas Burman qui a pu ainsi montrer que le traducteur médiéval ne s’écarte pas de l’original arabe mais, au contraire, se rapproche « de la façon dont les musulmans comprenaient le livre sacré »31. Cela se vérifie également avec le texte commandé par Gilles de Viterbe : ce n’est pas tant dans le texte original d’Iohannes Gabriel Terrolensis que dans les corrections apportées par Léon l’Africain dans les interlignes que l’on peut apprécier l’emploi des ouvrages d’exégèse.

Pouvons-nous émettre l’hypothèse que les traductions, latine d’une part, aljamiada de l’autre, aient pu dériver du même commentaire coranique en arabe, même s’il n’y a pas d’influence directe de la première sur la seconde ? Une telle situation serait loin d’être inhabi-tuelle si nous nous reportons à l’étude qu’Óscar de la Cruz a consa-crée au Liber�generationis, un texte latin sur la biographie de Mahomet, dans laquelle il a montré que ce dernier repose sur le même original arabe qu’une version aljamiada que nous possédons32.

Voyons quelques exemples qui concernent des points où le texte arabe contient une difficulté lexicale qui a donné lieu à des interpré-tations divergentes entre les différents exégètes pour essayer d’éta-blir ou bien d’écarter un lien avec le texte original. Pour cela, je vais me fonder sur des passages des quatre premières traductions du Coran en latin d’une part, et de l’autre sur les traductions aljamiadas conservées à la Bibliothèque Tomás Navarro Tomás, à la biblio-thèque de Castilla-La Mancha, à la Bibliothèque nationale de Florence et à la Bibliothèque nationale de France33.

30. [Robert « has�incorporated�into�his�paraphrase�glosses,�explanations,�and�other�exegetical�material� drawn� from� one� or� several� Arabic� Qur’ānic� tafsīrs »]. Th. E. Burman, « Tafsīr and Translation: Traditional Arabic Qur’ān Exegesis and the Latin Qur’āns of Robert of Ketton and Mark of Toledo », Speculum 73.3, 1998, p. 707.

31. [« A�versión�of�the�Qur’ān�that�in�many�instances�is�surprisingly�faithful�to�the�received,�Muslim�understanding�of�that�sacred�book »]. Th. E. Burman, « Tafsīr and Translation », op.�cit. (n. 30), p. 708.

32. Ó. de la Cruz, « Genealogías del Profeta Mahoma: evolución en la literatura latina », dans Arabes�in�patria�Asturiensium, Cl. E. Prieto Entrialgo éd., vol. 3, Oviedo, 2011, p. 205-223.

33. Pour les exemples ci-après, j’ai utilisé les sources suivantes:a) Sources primaires latines : pour Robert de Ketton, manuscrits conservés à la Bibliothèque de

l’Arsenal 1162, Paris = A ; et de l’édition de Bibliander de 1543 (Bibl). Pour Marc de Tolède : Biblioteca Nazionale de Turin F. V. 35 = T ; Biblioteca Ambrosiana L. I. sup., Milan = M. Je remercie à nouveau pour sa générosité U. Cecini qui m’a fait parvenir ces passages.

b) Sources primaires en aljamia : Biblioteca Tomás Navarro Tomás (CSIC, Madrid) = RESC/ ; Biblioteca Nazionale de Firenze = Flo ; Bibliothèque Nationale de France = BnF ; Biblioteca de Castilla-La Mancha = BCM.

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1732 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

SOURATE 2 : 4

والذين يؤمنون بما أنزل إليك وما أنزل من قبلك وبالآخرة هم يوقنون على هدى من

ربهم وأولئك هم المفلحون

Blachère (Q. 2 : 4) : « [les pieux] qui croient à ce qu’on a fait descendre vers toi, [Prophète!], et à ce qu’on a fait descendre, avant toi, [qui], de la [Vie] Dernière, sont convaincus » (p. 30).

Dans la majorité des traductions de la sourate 2 : 4, il semble y avoir un manque d’information. Les seuls témoins qui expliquent « ce qu’on a fait descendre vers le Prophète » et « ce qu’on a fait descendre avant le Prophète » sont quelques manuscrits aljamiados qui puisent directement à une traduction du tafsīr d’Ibn Abī Zamanīn, le mukhtaṣar de Yahyā b. Sallām : RESC/51, RESC/39E, RESC/58B.1 et Florence II.IV.701. Dans le premier cas, il est fait référence au Coran, tandis que les textes révélés antérieurement au Prophète sont la Torah, les Psaumes et les Évangiles. Bien que ce commentaire ne soit repris dans aucune des versions latines (et pas même dans toutes celles en aljamia), il est bel et bien employé par Martín García dans un de ses sermons, ce qui implique que les sources étaient connues de tous au moins à partir du XVe siècle :

« Ibn ‘Atiya et al-Zamakhsharī commentent : Lorsque Mahoma dit : Celui qui croira en ce qui est descendu sur toi – c’est-à-dire le Coran – et sur ce qui est descendu avant – c’est-à-dire les Psaumes, les Prophètes et les Évangiles. La famille du Livre inspiré, le Coran, n’est rien si elle n’a pas et n’accepte pas tout ce qui est dit dans l’Ancien Testament et dans les Évangiles34. »

Robert de Ketton : « legum�item�cum�tibi,�tum�ceteris�praedeces-soribus�coelitus�a�Deo�datarum�observatio,�spesque�saeculi�futuri,�sectam�veracem�patefecit » (Bibl. p. 8-9; A: 25Vbis).Marc de Tolède : « Et�qui�credunt�in�id�quod�tibi�fuit�destinatum�et�quod�fuit�ante�te�collatum�et�aliam�vitam�asserunt » (T: 1ra; M: 4r).

c) Sources secondaires : R. Blachère, Le�Coran�(al-Qor’ân), Paris, 1966 ; pour les exemples tirés de Ketton et Tolède (sourates 105 et 108), voir Th. E. Burman, « Tafsīr and Translation »,�op.�cit. (n. 30) ; pour Juan de Ségovie, G. Wiegers, Islamic�Literature�in�Spanish�and�Aljamiado,�op.�cit. (n. 10), apud C. López-Morillas, Corán�de�Toledo,�op.�cit. (n. 1), p. 34 ; pour les exemples de Iohannis Gabriel Terrolensis, voir Katarzyna Starczewska, op.�cit. (n. 24). Les corrections placées dans l’interligne des manuscrits de cet auteur sont signalées par s.�l.

34. [« Comentan�Ibn�‘Atiya�y�al-Zamakhshari:�“Al�decir�Mahoma:�El�que�creyere�en�aquello�que�te�descendió�-–entiende�el�Corán–�en�lo�que�descendió�antes,�entiende�todo�el�Salterio,�Profetas�y�Evangelios.�La�familia�del�Libro�inspirado,�el�Corán,�no�es�nada�si�no�tiene�y�acepta�cuanto�se�dice�en�el�Antiguo�Testamento�y�en�los�Evangelios” »]. J. Ribera Florit, La�polémica�cristiano-musulmana�en�los�sermones�del�Maestro�Inquisidor�Don�Martín�García, Barcelone, 1967.

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TRADUIRE ET COMMENTER LE CORAN 1733

Juan de Segovie : « Et�illis�qui�credunt�cum�eo�quod�misi�tibi ».I. G. Terrolensis : « et�illi�qui�crediderunt�in�illud�quod�fuit�delatum�tibi�et� in�illud�quod�fuit�delatum�ante�te,�qui�sunt�certi�diei�nouis-simi » (p. 5).BnF Arabe 447 :« Aquellos�que�creen�lo�que�fue�enviado�a�ti�y�lo�que�fue�enviado�ante�de�ti�y�de�la�otra�vida » (f. 2v).Flo II.IV.701 : « Asimesmo,� aquellos� que� creerán� con� lo� que� á�decendido�sobre�tú�–quiere�dezir�el�Alqur’ān–�y�lo�que�fue�descen-dido� antes� de� Tú� –quiere� dezir� el� Alttawrāt� y� el� alzzabūr,� y� el�Evangelio–,�que�crean�que�fueron�verdaderos�y�deballados�de�parte�de�Allah.�Pero�hagan�lo�que�manda�el�Alqur’ān�aquellos�que�con�el�otro�mundo�serán�certeficados�que�á�de�venir » (p. 9-10)35.RESC/3 : « Y�aquellos�que�creen�con�lo�que�fue�deballado�a�tú,�yā�Muḥammad,� y� lo� que� fue� deballado� antes� de� tú� y� con� el� día� del�judicio�son�certificados » (f. 2r-v).RESC/25 : « Y�aquellos�que�creen�con�lo�qu’es�descendido�[a�tú]�y�lo�qu’es�descendido�antes�de�tú�y�con�la�otra�vida�son�certificados » (f. 2v).RESC/39E : « Y�asimesmo,� aquellos� que� creerán� con� lo�que� fue�deballado�sobre�tú�–quiere�decir�el�Alqur’ān–�y�lo�que�fue�deballado�antes�de�tú�–quiere�decir�el�Alttawrā�y�el�azzabūr,�y�los�Avangelios�[sic]� –,� que� crean� que� son� verdaderos� y� deballados� de� parte� de�Allah.�Pero�hagan�lo�que�el�Alqur’ān�manda;�y�aquellos�que�con�el�otro�mundo�son�certificados�que�á�de�venir » (f. 88v).RESC/51 : « Y�aquellos�que�creen�con�lo�que�es�deballado�a�ti,�yā�Muḥammad�–quiere�dezir,�el�Alqur’ān–,�y�que�fue�deballado�antes�de�ti�–quiere�dezir,�el-Atawrā�y�el-azabūr�y�el-Alīnjīl–�y�que�lo�aver-dadescan.�Y�que�no�obran�sino�con�lo�que�es�en�el�Alqur’ān�y�con�la�otra�vida�son�certificados » (f. 5r-v).RESC/58B.1 : « Y�asimesmo,�aquellos�que�creerán�con�lo�que�fue�deballado�sobre�tú�–quiere�decir�el�Alqur’ān–�y�lo�que�fue�deballado�antes�de�tú�–quiere�decir�el�Alttawrā�y�el�azzabūr,�y�los�Avangelios�[sic]–,�que�crean�que�son�verdaderos�y�deballados�de�parte�de�Allah.�Pero�hagan�lo�que�el�Alqur’ān�manda;�y�aquellos�que�con�el�otro�mundo�son�certificados�que�á�de�venir » (f. 5v).BCM T235 : « y�aquellos�que�creen�con�lo�que�fue�deballado�a�tú�y�lo�que�fue�deballado�antes�de�tú�y�con�la�otra�vida�son�certificados » (f. IIIv).

35. Le manuscrit n’est pas folioté, mais paginé.

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1734 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

SOURATE 105

وأرسل عليهم طيرا أبابيل

Blachère (Q. 105 : 3) : « N’a-t-Il point lancé contre eux des oiseaux, par vols » (p. 666).

Le problème posé par ce syntagme est représenté par abābīl, ṭayr signifiant « oiseau ». Marc de Tolède traduit l’ensemble « Babilonie�aves », « les oiseaux de Babylone ». Cela revient à ne rien dire, car nous n’avons aucune idée de ce que cela pourrait être. Pour la tradi-tion musulmane, le Coran se réfère dans cette sourate à l’expédition supposée du souverain éthiopien du Yémen contre la Mekke. Dieu envoya contre eux ṭayran�abābīl. Al-Ṭabarsī explique que le mot abābīl signifie « en groupes dispersés, troupe après troupe » et serait à entendre ici comme « en troupeau ». Telle est le sens qui apparaît dans la traduction morisque du manuscrit BCM T235 : « envió�sobr’ellos� muchas� aves� complegadas [= ensemble] ». Robert de Ketton quant à lui reprend cette nature fantastique des oiseaux : « volucrum� multimodarum� cohortes� quam� plurimas ». Dans son effort pour expliquer le mot étrange abābīl, le RGSC/25 propose cette traduction : « y�envió�sobr’ellos�aves,�aviones�y�flotas » [« des oiseaux, des avions – un synonyme d’oiseau, même de nos jours – et des flottes »]. Dans le T235, on trouve : « envió�sobr’ellos�muchas�aves�complegadas,�verdes », une proposition unique en son genre parmi les versions aljamiadas que nous possédons, mais qui s’ap-puie sur des commentateurs comme al-Ṭabarī ou Ibn Kathīr, qui ont signalé cette couleur36. De son côté, le Coran commandé par Gilles de Viterbe (dans un ajout entre les lignes), de même que la famille de manuscrits formée par BnF Arabe 447, RESC/39E et Flo II.IV.701 comprennent « golondrinas », « hirondelles », suivant sur ce point la tradition d’un hadith attribué à ‘Ubayd b. ‘Umar37.

Robert de Ketton : « Inmitens� illis� uolucrum� multimodarum�cohortes�quam�plurimas ».Marc de Tolède : « Et�misit�super�eos�Babilonie�aues ».I. G. Terrolensis : « Et� misit� super� eos� aues� uolantes » /� add. « hirundines » (M s.�l.).

36. Les origines exégétiques de la traduction de R. de Ketton et de celle de M. de Tolède ont avait déjà été identifiées par Burman, op.�cit.�(n. 30), p. 723-724.

37. Mustanṣir Mīr ne mentionne pas cette interprétation dans son article « Elephants, Birds of Prey, and Heaps of Pebbles : Farāhī’s Interpretation of Sūrat al-Fīl », Journal�of�Qur’anic�Studies 7.1, 2005, p. 33-47.

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TRADUIRE ET COMMENTER LE CORAN 1735

BnF Arabe 425 : « Y� inviole� unas� aves� como� golondrinas » (f. 111r-v).BnF Arabe 447 : « Envió�sobr’ellos�aves�a�montones » (f. 97r-v).Flo II.IV.701 : « Y�i[n]viole�unas�aves�como�golondrinas » (p. 383).RESC/25 : « Y�envió�sobr’ellos�aves,�aviones�i�flotas » (f. 80v).RESC/39E : « Y�inviole�unas�aves�como�golondrinas » (f. 151r-v).T235 : « Y�ymbió�sobr’ellos�muchas�abes�complegadas, verdes » (f. 346r).

SOURATE 108

إنا أعطيناك الكوثر

Blachère (Q. 108 : 1) : « En vérité, Nous t’avons donné l’Abon-dance » (p. 668).

En lisant la première phrase de cette sourate, on peut voir que la meilleure traduction de ce mot inhabituel, al-kawthar, pourrait être « abondance », comme semble l’indiquer BnF Arabe 447 avec « bienandança » ou Léon l’Africain quand il ajoute « Palatio ». Toutefois, l’interprétation la plus commune, y compris dans d’autres points du Coran, est qu’il s’agit d’une rivière du Paradis. C’est ce qu’in-diquent les grands commentateurs que sont al-Zamakhsharī, al-Ṭabarsī ou al-Isbahanī38. C’est celle que l’on trouve sous la plume de Robert de Ketton : « fons�in�paradiso », bien qu’il comprenne qu’il s’agit d’une fontaine ou d’une source et non d’un cours d’eau. C’est le sens que l’on trouve dans le ms. 25 : le texte aljamiado dit : « nós�te�daremos�el�río�del�Alcáuzar », tandis que le ms. de Tolède est plus explicite : « nós� te� dimos,� ya�Muhamed,� el� río� de�Alcáuzar� en�el� alchanna ». Dans les autres témoins aljamiados étudiés ici, l’explication est beau-coup plus longue et est contenue dans le hadith d’Ibn Mālik :

« Allah dit à Muḥammad : “Nous te donnerons al-Kawthar”. Le Prophète (calayhi�ilççalām) : “Al-Kawthar est une rivière dans le paradis et son eau est plus blanche que le lait et plus douce que le miel. Ses rives sont en or et elle court au milieu de pierres précieuses et de rubis. Sa terre est d’un parfum plus plaisant que le musc et un oiseau vert qui possède un cou pareil à celui d’un taureau vient y boire”. Ils dirent : “Ô envoyé de Dieu ! Cet oiseau est si bienheureux ?”. Et le Prophète (calayhi�ilççalām) répondit : “Plus bienheu-reux sera celui qui mangera de cet oiseau et boira l’eau ; cette rivière a deux bras dans l’étang du Prophète dont on dit que, quand l’homme ferme ses oreilles et qu’il y a un bruit, c’est cette eau qu’on déverse dans l’étang”39. »

38. Burman, op.�cit.�(n. 30), p. 724.39. [« Dixo� Allah� a� Muḥammad:� “Nos� te� daremos� al-Kawthar”.� Dixo� el� alnnabī� (calayhi

ilççalām):�“Al-Kawthar�es�un�río�en�l’aljanna,�y�su�agua�es�más�blanqa�que�la�leche�y�más�dulce�

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1736 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

De son côté, Marc de Tolède, conscient que al-Kawthar pouvait aussi être compris comme « bassin d’eau » ou « citerne », comme le propose al-Ṭabarī, traduit : « nos� quidem� contulimus� tibi�lauatorium ».

Robert de Ketton : « [Et�nos�dedimus�tibi] fons�in�paradiso ».Marc de Tolède : « [Et�nos�dedimus�tibi] lauatorium ».I. G. Terrolensis : « Et� nos� dedimus� tibi� Alcautar » (M) / add. « Palatio » (M s.l.)�|| add. « id�est,�flumen�paradisi » (M s.l.).BnF Arabe 425 : « Dišo�Allah�a�Muḥammad:�“No�te�daré�alkaw-thar”.�Dišo�l-annabī�(calayhi ilççalām):�“Alkawšar�es�un�río�en�l-al-janna;�su�a[gu]a�más�blanca�que�la�le[ch]e�y�más�dulce�qu[e]�la�miel.�Sus�orillas�son�de�oro�y�corra�por�piedras�preciosas�y�alyaqutas.�Su�tierra�es�mejor�que�l’almiçque.�[En-él]�bebe�una�ave�verde�que�tiene�cuello� como� toro”.� Dišieron:� “¡Yā raçūlu Ellah!� Tan� bienaven-turada� [será]� esta� ave?”.� Dišo� l’annabī� (calayhi ilççalām):� “Más�bienaventurado� será�quien�comerá�del�ave�y�beberá�del�agua�y�de�aquel�río,�[del�cual]�caen�dos�canales�en�la�balsa�del�annabī�(calayhi alççalām),�que�dizen�que�cuando�cierran�l’onbre�las�orejas�y�suena�ruido,�qu’es�aquella�agua�que�[…]�en�la�balsa” » (f. 114r-v).BnF Arabe 447 : « Yo�te�daré�la�bienandança » (f. 99r).Flo II.IV.701: « Dixo� Allah� a� Muḥammad  :� “Nós� te� daremos�al-Kawthar”.�Dixo�el�alnnabī�(calayhi ilççalām)40  :�“Alkawthar�es�un�río�en�l’aljannah,�que�su�a[g]ua�es�más�blanca�que�la�leche�y�más�dulce�que�la�miel.�Sus�orillas�son�oro�y�corre�por�piedras�preciosas�y�aliyaqutas.�Su�tierra�[h]uele�mejor�que�almiçque.�En�él�bebe�una�ave�verde�que�tiene�cuello�como�toro”.�Dixéronle  :�“Yā raçūlu Allah!�¿Ta[n]�bienaventurada�es�aquella�ave?”.�Dixo�ṣcm  :�“Más�bienaven-turado�será�quien�comerá�del�ave�y�beberá�del�a[g]ua�de�aquel�río.�D’él�caen�dos�canales�en� la�balsa�del�alnnabī� (calayhi ilççalām)41.�Que�dizen�que�cuando�cierra�el�ombre�las�orejas�y�suena�ruido,�que�es�aquella�a[g]ua�que�cae�en�aquella�balsa” » (p. 391-393).RESC/25 : « Dize�Allah�a�Muḥammad  :�“Nós�te�daremos�[e]l�río�de�al-Kawthar” » (f. 82r).

que�la�miel.�Sus�orillas�son�oro�y�corre�por�piedras�preciosas�y�alyacutas.�Su�tierra�güele�mejor�que�almiçque,�en�él�bebe�una�ave�verde�que�tiene�cuello�como�de�toro”.�Dixeron:�“Yā�raçūlu�Allah!�¿Tan�bienaventurada�es�aquella�ave?”.�Y�dixo�el�annabī�(calayhi�ilççalām):�“Más�bienaventurado�será�quien�comerá�del�ave�y�beberá�el�agua�y�aquel�río�tiene�dos�canales�en�la�balsa�del�annabi�(ṣcm),�que�dizen�que�cuando�c[i]erra�el�onbre�sus�orejas�y�suena�ruido�que�es�aquella�agua�que�vacían�en�la�balsa”».]

40. Sans vocalisation dans le manuscrit.41. Sans vocalisation dans le manuscrit.

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TRADUIRE ET COMMENTER LE CORAN 1737

RESC/39E : « Dixo� Allah� a� Muḥammad  :� “Nos� te� daremos�al-Kawthar”.�Dixo�el�alnnabī�(calayhi ilççalām)  :�“Al-Kawthar�es�un�río�en�l’aljanna,�y�su�agua�es�más�blanqa�que�la�leche�y�más�dulce�que�la�miel.�Sus�orillas�son�oro�y�corre�por�piedras�preciosas�y�alyacutas.�Su� tierra�güele�mejor�que�almiçque,�en�él�bebe�una�ave�verde�que�tiene� cuello� como� de� toro”.� Dixeron  :� “Yā raçūlu Allah!� ¿Tan�bienaventurada�es�aquella�ave?”.�Y�dixo�el�annabī�(calayhi ilççalām)  :�“Más�bienaventurado�será�quien�comerá�del�ave�y�beberá�el�agua�i�aquel�río�tiene�dos�canales�en�la�balsa�del�annabī�ṣccm,�que�dizen�que�cuando�c[i]erra�el�onbre�sus�orejas�i�suena�ruido�que�es�aquella�agua�que�vacían�en�la�balsa” » (f. 154r-v).T235 : « Nós� te� dimos,� ye� Muhamed,� el-río� de-Alcáuçar� en� el�alchanna » (f. 346v).

إن شانئك هو الأبتر

Blachère (Q. 108 :3) : « En vérité, celui qui te hait se trouve être le Déshérité ! » (p. 668).

À la fin de la sourate 108, nous rencontrons un problème avec le mot abtar (« amputer, couper ») : nous ne savons pas exactement ce dont vont être dépossédés ceux qui détestent le Prophète. Robert de Ketton semble suivre le point de vue de al-Ṭabarsī qui propose le sens de « ne pas avoir de fils » (« proleque�carebit »). La même position se retrouve dans BnF Arabe 425, BnF Arabe 447, Flo II.IV.701 et RESC/39E. Cependant, les autres deux traductions en aljamia que nous analysons proposent la même interprétation, « es�detallado�de�todo�bien », ce qui semble vouloir dire que toutes leurs possessions ou biens leur seront retirés ; ou bien ils font référence, mais de manière abrégée, à l’absence de descendance. Marc de Tolède écarte toute référence au fait que les ennemis de Muḥammad seront amputés.

Robert de Ketton : « Tuus�enim�hostis�adiutoribus�proleque�carebit ».Marc de Tolède : « Leua�manus� supra� pectus� quia� aduersarius�tuus�est ».I. G. Terrolensis : « Et�sacrifica�quod�inimicus�tuus�est�succisus » (M) / « Et�iugula�quare�inimicus�tuus�est�inhaereditatus » (M s. l.).BnF Arabe 425 : « y�el�que�te�aborrece�es�el-detallado�de�todo�bien,�porque�dizen�que�cuando�se�le�murió�al-annabī�(calayhi ilççalām)�el� çaguer� fillo,� dišo� Abū� Ǧahli� (lacanah Allahu) :� “Abtaru� [es]�Muḥammad”,�porque�no�tenía�fillo�dezíanle�“abtaru” » (f. 115r).

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1738 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

BnF Arabe 447 :« Que�tu�congoxa�es�no�aber�hijo » (f. 99r).Flo II.IV.701 : « Que�el�que�te�aborrece�es�detallado�de�todo�bien,�porque�dizen�que�cuando�se�le�murió�al�alnnabī�(calayhi ilççalām)42,�el� çaguer� hijo,� dixo� Abu� Ǧahli� (lacanahu Allah):� “Abtar� es�Muḥammad”� porque� el� que� no� tenía� hijos� dezíanle� ‘abtar’,� que�quiere�dezir�detallado�de�todo�bien » (p. 394-395).RESC/25 : « Qu’el�que�te�aborrece�es�el�detallado�de�todo�bien » (f. 82v).RESC/39E : « Que�el�que� te�aborrece�es�detallado�de� todo�bien,�porque� dizen� que� cuando� se� le� murió� al� alnnabī� (ṣcm)� el� çaguer�[hijo],�dixo�Abū�Ǧahlin�(lacannahu Allah):�“Abtar�[es]�Muḥammad”�porque�él�no�tenía�hi[j]o�d[e]zíale�“abtar”,�por�tanto�le�dixo�Allah�“abtar”,� que� quiere� dezir� detallado;� quiere� dezir� que� no� tenía�[hijo] » (f. 154v-155r).T235 : « Qu’el-q[ue]�te-aborrece�será�de[t]allado�de-todo�bien » (f. 346v).

Les exemples qui ont été présentés ne sont qu’un échantillon d’une étude plus vaste. Ils reflètent l’habitude de recourir au tafsīr tant chez Robert de Ketton, que chez Iohannes Gabriel Terrolensis et Léon l’Africain ou les traducteurs morisques qui ajoutent égale-ment des interprétations empruntées au hadith, une approche bien différente de celle que suivit Marc de Tolède. Toutefois, les sources exégétiques d’où les traductions latines et les morisques ont tiré leur information sont différentes, bien que dans certains cas, très spéci-fiques, les interprétations coïncident. Cela nous conduit à conclure, tout d’abord, qu’il n’est pas possible d’établir un lien entre ces diverses traductions, plus généralement entre les versions latines et aljamiadas du Coran et d’autre part, que ces traductions latines du Coran ne connurent pas une large diffusion – si tant et qu’elle ait eu lieu – dans la Péninsule ibérique.

On peut avancer l’idée que les mudéjares et les morisques avaient une bonne connaissance de la tradition exégétique musulmane. Il est cependant difficile d’établir avec précision quels étaient les tafāsīrs qu’ils employaient en traduisant. Les interprétations fournies par Ibn abī Zamanīn, Ibn ‘Atiyya, al-Ṭabarī ou encore al-Ṭabarsī sont bien représentées dans les traductions en aljamia. Les œuvres de ces auteurs paraissent avoir été disponibles dans l’Espagne des XVe et XVIe siècles, soit en arabe, soit en espagnol. De fait, lorsque les

42. Sans vocalisation dans le manuscrit.

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TRADUIRE ET COMMENTER LE CORAN 1739

prédicateurs chrétiens commencèrent à rédiger des ouvrages de polémique contre les croyances des dernières communautés musul-manes de la Péninsule ibérique, ils fondèrent leurs arguments sur ce qu’ils trouvaient dans les tafāsīrs comme nous avons pu le constater dans les sermons de l’inquisiteur Martín García43.

Trop de questions restent encore pendantes pour qu’il soit possible d’offrir une conclusion simple. Le siècle d’or espagnol, fascinant en lui-même, s’avère plus complexe encore quand on pense à la présence des communautés musulmanes qui tentaient de maintenir vivante leur propre tradition, sans échapper toutefois à l’influence de la société chrétienne environnante, la meilleure preuve en étant en définitive la nécessité où se trouvaient les morisques de traduire le Coran dans la langue de Cervantès.

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MM. François DÉROCHE, Jean-Louis FERRARY et Daniel Lévine, correspondant français de l’Académie, prennent la parole après cette communication.

43. Voir J. Ribera Florit, op.�cit.�(n. 34).

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