Mélancolie et perception enfantine dans le cinéma indépendant contemporain. Parcours réflexif...

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« L’Année Mosaïque »Revue dirigée par Céline De Potter et Loïc Nicolas

L’Année Mosaïque remercie toute son équipe éditoriale et les membres de son comité de patronage. Elle exprime également sa sincère reconnaissance à Audrey Cauchie, Franz André et Marie-France Brachot de l’Université libre de Bruxelles, ainsi qu’aux Éditions E M E et à Guy Jucquois, leur directeur.

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Sous la direction de Amaury Dehoux & Céline De Potter

Le Contemporain

E M E

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Introduction – Du contemporain et de son pouvoir critique

À s’en référer à l’usage, le contemporain peut s’entendre suivant un double sens. Selon une acception large, il désigne une congruence temporelle entre deux éléments. Pris dans une signification plus res-treinte, il en vient, par contre, à qualifier le contexte le plus actuel. Ce sémantisme double est en lui-même exemplaire, dans la mesure où il pointe vers deux dimensions essentielles du contemporain. Lesquelles désamorcent d’emblée l’apparente évidence que ce concept peut revêtir.

Qu’il y ait congruence entre deux éléments, comme le laisse en-tendre la première définition, pose nécessairement la question du rap-port qu’ils entretiennent. Il faut même ajouter qu’indépendamment de toute spécification, cette relation est inévitable – la prise de position, évidente dans le cas de la défense, de la célébration ou de la condamna-tion, est tout aussi effective en ce qui concerne le détachement le plus affirmé. Dès lors, l’individu qui s’attache à parler de son contemporain – qui peut être entendu comme une époque dans son entièreté, ou comme un personnage ou un événement particulier –, ne peut réaliser une telle visée sans en passer par le biais de ce jeu de relation. En d’autres termes, dire le contemporain renvoie toujours à un processus de construction préalable ou en cours – celui de la relation même. Ce processus amène le témoignage – discursif ou non – qui se veut contemporain, immanqua-blement – et peut-être, dans certains cas, involontairement –, à transcen-der le simple constat de congruence.

L’insuffisance de la seule congruence, l’inévitabilité d’une cons-truction mettent alors en évidence une idée sous-jacente à la définition plus restreinte du contemporain. En effet, désigner un contexte, une œu-vre ou une production suivant un degré maximal d’actualité revient à procéder, à l’image de la mode, selon un principe d’inclusion et d’exclu-sion. Le contemporain prend ici une valeur discriminante. Tout dis-cours, toute création ne se voit pas reconnaître la même lucidité et, de facto, la même pertinence. Est tenu uniquement pour le plus actuel, cette œuvre, ce témoignage qui propose une caractérisation du contempo-rain, susceptible d’être appréhendée comme la plus représentative de – et aussi la plus adaptée à – son contexte.

Comme l’a montré Agamben (2008), dans son essai Qu’est-ce que le contemporain ?, une telle pertinence s’obtient par une attitude com-plexe, qui conjoint à la fois l’adhésion à son temps, à son contexte, et la distanciation à leur égard. L’adhésion totale conduirait, quant à elle, à la

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- JARRY A., 1977, « L’Écume des mots : un Janus uni-frons », dans Boris Vian 1. Colloque de Cerisy, Paris : Union générale d’éditions, coll. « 10/ 18 », p. 149-158.

- LAPPRAND M., 2006, V comme Vian, Québec : Les Presses de l’Université Laval.

- LAPPRAND M., 2010, « Introduction », dans Œuvres romanesques com-plètes, tome 1, Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. IX-XLVI.

- Le Trésor de la Langue Française informatisé. En ligne : http://atilf.atilf.fr/. - LEFEBVRE F., 1984, « Boris Vian : un brise-divan ? ou le Thème de la psy-

chanalyse dans L’Arrache-cœur », La Nouvelle Revue Française, n° 383, p. 64-68.

- NOAKES D., 1964, Boris Vian, Paris : Éd. Universitaires, coll. « Classiques du XXe siècle ».

- PAUTROT J.-L., 1994, La Musique oubliée. « La Nausée », « L’Écume des jours », « À la recherche du temps perdu », « Moderato Cantabile », Paris : Droz.

- PESTUREAU G., 1978, Boris Vian, les amerlauds et les godons, Paris : Union générale d’éditions.

- PESTUREAU G., 1985, Dictionnaire des personnages de Vian, Paris : Chris-tian Bourgois.

- RYBALKA M., 1969, Boris Vian. Essai d’interprétation et de documentation, Paris : Lettres Modernes.

- RYBALKA M., 1977, « L’Écume des jours amour-fiction », dans Boris Vian 1. Colloque de Cerisy, Paris : Union générale d’éditions, coll. « 10/18 », p. 209-213.

- SARTRE J.-P., 1996, L’existentialisme est un humanisme, Paris : Gallimard, coll. « Folio essais ».

- VIAN B., 2010, « L’Arrache-cœur », dans Œuvres romanesques complètes, tome 2, Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ».

- VIAN B., 2010, « L’Écume des jours », dans Œuvres romanesques com-plètes, tome 1, Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ».

- VIAN B., 2010, « L’Écume des jours. Notice », dans Œuvres romanesques complètes, tome 1, Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1183-1203.

- VIAN B., 2010, « Sartre et la … », dans Œuvres romanesques complètes, tome 1, Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ».

- VIAN B., MORVAN J. D. et MOUSSE M., 2012, L’Écume des jours. Paris : Éd. Delcourt, coll. « Mirages ».

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Sophie DUFAYS Mélancolie et perception enfantine dans le cinéma indépendant contemporain. Parcours réflexif autour de la notion de « contemporain » à partir de Giorgio Agamben Introduction

Ce n’est pas par hasard que Giorgio Agamben choisit, pour défi-

nir le « contemporain » dans sa conférence de 2008, de commenter un poème (d’Ossip Mandelstam). C’est qu’il prête au « contemporain » le même regard différé qu’il trouve chez le « poète », et que la création artistique en général est capable, selon lui, de porter. À savoir, celui qui permet de voir derrière les « lumières » de la raison scientifique et des avancées technologiques l’« obscurité » d’un présent inaccompli, voire brisé (AGAMBEN, 2008a : 19). Je voudrais montrer ici que ce regard et sa fascinante obscurité ne sont autres que ceux de la mélancolie, un « mal » (du siècle) qu’Agamben connait bien puisqu’il lui a consacré un ouvrage en 1979.

Ce rapprochement conceptuel constituera la première étape d’une interrogation sur la notion de « contemporain » et son éventuelle pertinence esthétique et artistique, interrogation qui se poursuivra en deux temps. J’examinerai d’abord, la relative convergence entre la défi-nition mélancolisante du contemporain selon Agamben et les caractéris-tiques d’une certaine modalité esthétique du cinéma indépendant d’au-jourd’hui (celle que décrit l’anthropologue François Laplantine). Ensuite et enfin, partant de l’observation que ce cinéma se fonde sur la mise en scène d’une perception que l’on peut définir comme enfantine, j’analyse-rai la référence à cette perception dans le cinéma, en lien avec les notions de mélancolie et contemporanéité.

1. Du contemporain à la mélancolie Pour commencer, je propose de revenir à Agamben, avec cet inté-

ressant constat, point de départ de ma réflexion : les traits qu’il attribue à la contemporanéité sont les mêmes qu’il avait, trente ans plus tôt, identifiés – et valorisés – dans la mélancolie. Le mélancolique comme le

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contemporain se définissent selon lui à partir d’un état de non coïnci-dence par rapport à leur temps (pour le second) ou à soi-même (pour le premier), état qui octroierait une perception supérieure, propice à l’art.

Relisons quelques phrases du philosophe italien pour vérifier cette similitude entre les deux concepts, avant de les confronter à un médium artistique particulier (le cinéma). Si la contemporanéité se con-çoit comme « la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l’ana-chronisme » (AGAMBEN, 2008a : 11, souligné dans le texte), la mélancolie, que le philosophe réinterprète à partir de son sens psychanalytique, consiste en principe à refuser la perte (le deuil) d’un « objet » d’amour dans le temps présent et à « se réfugier » dans une temporalité parallèle fantasmatique, déphasée.

Mais, de même que la perception de l’obscurité propre au « con-temporain » ne désigne pas un état passif ou négatif, mais une activité de neutralisation des « lumières du siècle » (AGAMBEN, 2008a : 19-25), la mélancolie telle que la comprend Agamben « serait moins une réaction de régression devant la perte de l’objet aimé qu’une aptitude fantasma-tique à faire apparaitre comme perdu un objet qui échappe à l’appro-priation » (AGAMBEN, 2002 : 48). La mélancolie, valorisée par son action créative, offrirait ainsi « le paradoxe d’une intention endeuillée qui pré-cède et anticipe la perte de l’objet » (ibid.), une intention fort proche de l’attitude du « contemporain » qui répond à un rendez-vous nécessaire-ment manqué (cf. AGAMBEN, 2008a : 25). Dire que la contemporanéité de la mode tient à ce qu’elle est capable de réactualiser le passé, de « revita-liser ce qu’elle avait d’abord déclaré mort » (AGAMBEN, 2008a : 32), c’est également la caractériser comme mélancolique, si la mélancolie consiste à recréer ou à créer dans l’imaginaire des fantasmes un objet perdu ou inaccessible dans la réalité.

Deux autres évocations par lesquelles Agamben tente de cerner la valeur psychique de la « contemporanéité » (analysée comme une aptitude perceptive) confirment l’identité manifeste entre cette notion et celle de mélancolie. On lit d’abord que « [l]a contemporanéité s’inscrit […] dans le présent en le signalant avant tout comme archaïque », c’est-à-dire proche de l’arkè, origine qui est contemporaine du devenir histo-rique et qui « ne cesse d’agir à travers lui tout comme […] l’enfant dans la vie psychique de l’adulte » (AGAMBEN, 2008a : 33-34, je souligne). Un peu plus loin, le présent est défini comme « la part de non-vécu dans tout vé-cu », auquel l’accès est empêché par « la masse de ce que pour une rai-son ou pour une autre (son caractère traumatique, sa trop grande proximi-té) nous n’avons pas réussi à vivre en lui » (AGAMBEN, 2008a : 35-36, je souligne). Par les termes soulignés, le philosophe semble bien esquisser

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une approche psychanalytique du contemporain, qui rejoint très forte-ment sa définition antérieure de la mélancolie.

Ces états psychiques, référés tous deux à un élément « trauma-tique », « non-vécu » qui introduit une dissociation dans le rapport au monde présent, suscitent donc une forme d’activité perceptive qui est associée, dans les deux cas, à la création culturelle et à l’art. En ce qui concerne la mélancolie, une telle conception dynamique qui tend à l’extraire de la pathologie1 pour en faire un principe artistique s’inscrit dans une vieille tradition critique inaugurée par les Problèmes XXX qui sont attribués à Aristote2.

Pour Giorgio Agamben, la mélancolie consiste donc en une dia-lectique subtile entre réel et irréel : d’un côté, le monde externe, nié en tant qu’objet d’amour, perd (une part de) sa réalité ; de l’autre, un repli s’opère sur un objet irréel, fantasmé, interne, ce qui lui octroie un prin-cipe de réalité. Cette dialectique ouvrirait

un espace qui n’est ni la scène hallucinée et onirique des fantasmes, ni le monde indifférent des objets naturels, mais c’est dans cette zone intermédiaire […] que pourront venir un jour se placer les créations culturelles, l’entrebescar des formes symboliques et des pratiques tex-tuelles par lesquelles l’homme entre en contact avec un monde qui lui est plus proche qu’aucun autre (AGAMBEN, 2002 : 58).

Il est permis de penser que cette « zone intermédiaire » révélée par le regard mélancolique et l’obscurité perçue par le contemporain selon le même philosophe sont deux manières de désigner le même « espace » de sensibilité créatrice. Ce qui va maintenant retenir notre attention, c’est justement la supposée productivité artistique, et particulièrement cinématographique, de cet espace ténébreux. 2. Une modalité mélancolique du cinéma indépendant con-

temporain

La correspondance observée entre les notions de contemporanéi-té et de mélancolie me parait intéressante au-delà de la pensée particu-

1 Rappelons que le terme « mélancolie », étymologiquement « bile noire », fut forgé dans le domaine physiologico-médical, à partir d’Hippocrate et de Galien, pour désigner la plus instable des quatre humeurs. 2 « Pour quelle raison tous ceux qui ont été des hommes d’exception, en ce qui regarde la philosophie, la science de l’État, la poésie ou les arts, sont-ils manifes-tement mélancoliques, et certains au point même d’être saisis par des maux dont la bile noire est l’origine […] ? » (ARISTOTE, 1988 : 83).

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contemporain se définissent selon lui à partir d’un état de non coïnci-dence par rapport à leur temps (pour le second) ou à soi-même (pour le premier), état qui octroierait une perception supérieure, propice à l’art.

Relisons quelques phrases du philosophe italien pour vérifier cette similitude entre les deux concepts, avant de les confronter à un médium artistique particulier (le cinéma). Si la contemporanéité se con-çoit comme « la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l’ana-chronisme » (AGAMBEN, 2008a : 11, souligné dans le texte), la mélancolie, que le philosophe réinterprète à partir de son sens psychanalytique, consiste en principe à refuser la perte (le deuil) d’un « objet » d’amour dans le temps présent et à « se réfugier » dans une temporalité parallèle fantasmatique, déphasée.

Mais, de même que la perception de l’obscurité propre au « con-temporain » ne désigne pas un état passif ou négatif, mais une activité de neutralisation des « lumières du siècle » (AGAMBEN, 2008a : 19-25), la mélancolie telle que la comprend Agamben « serait moins une réaction de régression devant la perte de l’objet aimé qu’une aptitude fantasma-tique à faire apparaitre comme perdu un objet qui échappe à l’appro-priation » (AGAMBEN, 2002 : 48). La mélancolie, valorisée par son action créative, offrirait ainsi « le paradoxe d’une intention endeuillée qui pré-cède et anticipe la perte de l’objet » (ibid.), une intention fort proche de l’attitude du « contemporain » qui répond à un rendez-vous nécessaire-ment manqué (cf. AGAMBEN, 2008a : 25). Dire que la contemporanéité de la mode tient à ce qu’elle est capable de réactualiser le passé, de « revita-liser ce qu’elle avait d’abord déclaré mort » (AGAMBEN, 2008a : 32), c’est également la caractériser comme mélancolique, si la mélancolie consiste à recréer ou à créer dans l’imaginaire des fantasmes un objet perdu ou inaccessible dans la réalité.

Deux autres évocations par lesquelles Agamben tente de cerner la valeur psychique de la « contemporanéité » (analysée comme une aptitude perceptive) confirment l’identité manifeste entre cette notion et celle de mélancolie. On lit d’abord que « [l]a contemporanéité s’inscrit […] dans le présent en le signalant avant tout comme archaïque », c’est-à-dire proche de l’arkè, origine qui est contemporaine du devenir histo-rique et qui « ne cesse d’agir à travers lui tout comme […] l’enfant dans la vie psychique de l’adulte » (AGAMBEN, 2008a : 33-34, je souligne). Un peu plus loin, le présent est défini comme « la part de non-vécu dans tout vé-cu », auquel l’accès est empêché par « la masse de ce que pour une rai-son ou pour une autre (son caractère traumatique, sa trop grande proximi-té) nous n’avons pas réussi à vivre en lui » (AGAMBEN, 2008a : 35-36, je souligne). Par les termes soulignés, le philosophe semble bien esquisser

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une approche psychanalytique du contemporain, qui rejoint très forte-ment sa définition antérieure de la mélancolie.

Ces états psychiques, référés tous deux à un élément « trauma-tique », « non-vécu » qui introduit une dissociation dans le rapport au monde présent, suscitent donc une forme d’activité perceptive qui est associée, dans les deux cas, à la création culturelle et à l’art. En ce qui concerne la mélancolie, une telle conception dynamique qui tend à l’extraire de la pathologie1 pour en faire un principe artistique s’inscrit dans une vieille tradition critique inaugurée par les Problèmes XXX qui sont attribués à Aristote2.

Pour Giorgio Agamben, la mélancolie consiste donc en une dia-lectique subtile entre réel et irréel : d’un côté, le monde externe, nié en tant qu’objet d’amour, perd (une part de) sa réalité ; de l’autre, un repli s’opère sur un objet irréel, fantasmé, interne, ce qui lui octroie un prin-cipe de réalité. Cette dialectique ouvrirait

un espace qui n’est ni la scène hallucinée et onirique des fantasmes, ni le monde indifférent des objets naturels, mais c’est dans cette zone intermédiaire […] que pourront venir un jour se placer les créations culturelles, l’entrebescar des formes symboliques et des pratiques tex-tuelles par lesquelles l’homme entre en contact avec un monde qui lui est plus proche qu’aucun autre (AGAMBEN, 2002 : 58).

Il est permis de penser que cette « zone intermédiaire » révélée par le regard mélancolique et l’obscurité perçue par le contemporain selon le même philosophe sont deux manières de désigner le même « espace » de sensibilité créatrice. Ce qui va maintenant retenir notre attention, c’est justement la supposée productivité artistique, et particulièrement cinématographique, de cet espace ténébreux. 2. Une modalité mélancolique du cinéma indépendant con-

temporain

La correspondance observée entre les notions de contemporanéi-té et de mélancolie me parait intéressante au-delà de la pensée particu-

1 Rappelons que le terme « mélancolie », étymologiquement « bile noire », fut forgé dans le domaine physiologico-médical, à partir d’Hippocrate et de Galien, pour désigner la plus instable des quatre humeurs. 2 « Pour quelle raison tous ceux qui ont été des hommes d’exception, en ce qui regarde la philosophie, la science de l’État, la poésie ou les arts, sont-ils manifes-tement mélancoliques, et certains au point même d’être saisis par des maux dont la bile noire est l’origine […] ? » (ARISTOTE, 1988 : 83).

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lière d’Agamben. D’une part, elle peut contribuer à expliquer l’engoue-ment académique que connait le premier terme (le second jouissant d’une valorisation intellectuelle continue3). Peut-être la tentative de définir le « contemporain », qui implique de se situer soi-même par rapport à son temps, est-elle en effet condamnée à la mélancolie dans le sens d’Agamben, c’est-à-dire au deuil impossible d’un « objet » dont on simule la perte pour mieux se l’approprier.

D’autre part et surtout, je voudrais montrer que cette vision mé-lancolisante du « contemporain » éclaire la teneur précisément mélanco-lique d’une modalité esthétique de l’art identifié comme contemporain et, notamment, du cinéma indépendant « d’auteur ». Je pense à celui que l’anthropologue français François Laplantine commente dans son essai Leçons de cinéma pour notre époque. Politique du sensible, et qu’il pré-sente de la manière suivante :

De la Corée à l’Argentine, de la Thaïlande au Portugal, de la Hongrie à la Turquie, de la Chine à l’Iran ont émergé d’autres sensibilités, d’autres perceptions par rapport à l’espace, d’autres formes de relations à la durée. Les films d’auteurs réalisés dans ces pays sont très différents les uns des autres. Mais ils ne sont pas séparés les uns des autres […] sans former pour autant un système. Ces films ont un caractère trans-national et Michel Reilhac a pu parler d’une « internationale du cinéma indépendant » (LAPLANTINE, 2007 : 28).

Or il me semble que les traits par lesquels ces films et leurs réalisateurs4 témoignent selon Laplantine « d’autres sensibilités, d’autres perceptions par rapport à l’espace » font écho aux caractéristiques de la contempo-ranéité et de la mélancolie selon Agamben. Examinons donc comment il les décrit.

3 Dans The Gendering of Melancholia, la féministe Juliana Schiesari critique la mé-lancolie en tant que posture culturelle masculine légitimant une « carence créa-tive » (creative lack). Schiesari constate que la mélancolie constitue actuellement un mode dominant d’autodéfinition intellectuelle à l’intérieur de l’élite culturelle occidentale et rappelle que cette autodéfinition s’inscrit dans une longue tradi-tion inaugurée à la Renaissance – notamment par Pétrarque et surtout Marsile Ficin –, à partir du texte déjà mentionné d’Aristote. J’ai pu vérifier dans ma thèse (DUFAYS, 2011) la pertinence et l’actualité de ces remarques. 4 Laplantine mentionne les réalisateurs suivants, entre autres : Pablo Trapero, Pedro Costa, Nuri Bilge Ceylan, Chantal Akerman, Jonathan Nossiter, Naomi Kawase, Abbas Kiarostami, Jia Zhangke, Lucrecia Martel, Hou Hsiao-Hsien, Gus Van Sant, Wang Bing, Claire Denis, Hong Sang-Soo (LAPLANTINE, 2007 : 28).

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Les films indépendants et transnationaux qui intéressent Laplan-tine peuvent tous être qualifiés de réalistes ou néo-réalistes5, et le « re-tour au réel » et au documentaire qu’ils manifestent passe par un dé-pouillement, un renoncement aux effets et au spectacle, une « raréfac-tion » du sens et de la narration, une « absence d’intrigue préméditée et de dialogues ciselés » (LAPLANTINE, 2007 : 138). L’histoire qu’ils mettent en scène est donc généralement minimaliste, parfois sans évènements narratifs, et dans certains cas elle se dissout tout à fait. Laplantine parle d’« infrarécits lents, dénués de tout effet dramatique, paraissant mal organisés, qui se rapprochent de la vie quotidienne, laquelle n’est pas enchainée à la logique d’un scénario impeccable » (LAPLANTINE, 2007 : 40). Par cette organisation volontairement peu claire, ces films « nous incitent à effectuer un trajet vers le moins dans la suspension d’un sens préexistant, clair et univoque » (ibid. : 29-30), en insistant sur « la part de spectral, de vide […], de “temps faibles” […] constitutifs de la réalité de notre expérience » (ibid. : 39).

Une telle description ne laisse pas d’évoquer la perception sous-jacente à « l’image-temps » caractéristique du cinéma « moderne » (le-quel aurait émergé avec le néoréalisme italien à partir de la Deuxième Guerre Mondiale). Rappelons que, selon Deleuze, l’image-temps substi-tue au mode classique d’articulation narrative des faits (soit un assem-blage d’actions et de réactions que Deleuze appelle « image-mouve-ment ») une succession non structurée de petits moments, de percep-tions et d’impressions, et donne lieu à une « montée de situations pure-ment optiques et sonores [...] qui se distinguent essentiellement des situations sensori-motrices de l’image action de l’ancien réalisme » (DELEUZE, 1985 : 9). Cette notion d’image-temps est d’autant plus perti-nente, en lien avec celle de contemporain, qu’elle se réfère à une modali-té de l’image qui bouleverse la compréhension de la temporalité en interrogeant le caractère fondamentalement étranger du temps vécu dans le présent. Si le passage du temps implique le glissement continu du présent dans le passé et la virtualité du passé dans le présent, l’image-cristal (variété de l’image-temps) désigne métaphoriquement cette coexistence temporelle d’une image actuelle (dans le présent) et d’une image virtuelle (le passé dans le présent) :

Ce qui constitue l’image-cristal, c’est l’opération la plus fondamentale du temps [...]. Il faut que le temps se scinde en même temps qu’il se

5 Laplantine défend la tradition réaliste du cinéma – qu’il lie à son ancrage do-cumentaire – initié par les frères Lumière, et l’oppose à la tradition, fondée en France par Méliès, du spectacle et de l’illusion.

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lière d’Agamben. D’une part, elle peut contribuer à expliquer l’engoue-ment académique que connait le premier terme (le second jouissant d’une valorisation intellectuelle continue3). Peut-être la tentative de définir le « contemporain », qui implique de se situer soi-même par rapport à son temps, est-elle en effet condamnée à la mélancolie dans le sens d’Agamben, c’est-à-dire au deuil impossible d’un « objet » dont on simule la perte pour mieux se l’approprier.

D’autre part et surtout, je voudrais montrer que cette vision mé-lancolisante du « contemporain » éclaire la teneur précisément mélanco-lique d’une modalité esthétique de l’art identifié comme contemporain et, notamment, du cinéma indépendant « d’auteur ». Je pense à celui que l’anthropologue français François Laplantine commente dans son essai Leçons de cinéma pour notre époque. Politique du sensible, et qu’il pré-sente de la manière suivante :

De la Corée à l’Argentine, de la Thaïlande au Portugal, de la Hongrie à la Turquie, de la Chine à l’Iran ont émergé d’autres sensibilités, d’autres perceptions par rapport à l’espace, d’autres formes de relations à la durée. Les films d’auteurs réalisés dans ces pays sont très différents les uns des autres. Mais ils ne sont pas séparés les uns des autres […] sans former pour autant un système. Ces films ont un caractère trans-national et Michel Reilhac a pu parler d’une « internationale du cinéma indépendant » (LAPLANTINE, 2007 : 28).

Or il me semble que les traits par lesquels ces films et leurs réalisateurs4 témoignent selon Laplantine « d’autres sensibilités, d’autres perceptions par rapport à l’espace » font écho aux caractéristiques de la contempo-ranéité et de la mélancolie selon Agamben. Examinons donc comment il les décrit.

3 Dans The Gendering of Melancholia, la féministe Juliana Schiesari critique la mé-lancolie en tant que posture culturelle masculine légitimant une « carence créa-tive » (creative lack). Schiesari constate que la mélancolie constitue actuellement un mode dominant d’autodéfinition intellectuelle à l’intérieur de l’élite culturelle occidentale et rappelle que cette autodéfinition s’inscrit dans une longue tradi-tion inaugurée à la Renaissance – notamment par Pétrarque et surtout Marsile Ficin –, à partir du texte déjà mentionné d’Aristote. J’ai pu vérifier dans ma thèse (DUFAYS, 2011) la pertinence et l’actualité de ces remarques. 4 Laplantine mentionne les réalisateurs suivants, entre autres : Pablo Trapero, Pedro Costa, Nuri Bilge Ceylan, Chantal Akerman, Jonathan Nossiter, Naomi Kawase, Abbas Kiarostami, Jia Zhangke, Lucrecia Martel, Hou Hsiao-Hsien, Gus Van Sant, Wang Bing, Claire Denis, Hong Sang-Soo (LAPLANTINE, 2007 : 28).

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Les films indépendants et transnationaux qui intéressent Laplan-tine peuvent tous être qualifiés de réalistes ou néo-réalistes5, et le « re-tour au réel » et au documentaire qu’ils manifestent passe par un dé-pouillement, un renoncement aux effets et au spectacle, une « raréfac-tion » du sens et de la narration, une « absence d’intrigue préméditée et de dialogues ciselés » (LAPLANTINE, 2007 : 138). L’histoire qu’ils mettent en scène est donc généralement minimaliste, parfois sans évènements narratifs, et dans certains cas elle se dissout tout à fait. Laplantine parle d’« infrarécits lents, dénués de tout effet dramatique, paraissant mal organisés, qui se rapprochent de la vie quotidienne, laquelle n’est pas enchainée à la logique d’un scénario impeccable » (LAPLANTINE, 2007 : 40). Par cette organisation volontairement peu claire, ces films « nous incitent à effectuer un trajet vers le moins dans la suspension d’un sens préexistant, clair et univoque » (ibid. : 29-30), en insistant sur « la part de spectral, de vide […], de “temps faibles” […] constitutifs de la réalité de notre expérience » (ibid. : 39).

Une telle description ne laisse pas d’évoquer la perception sous-jacente à « l’image-temps » caractéristique du cinéma « moderne » (le-quel aurait émergé avec le néoréalisme italien à partir de la Deuxième Guerre Mondiale). Rappelons que, selon Deleuze, l’image-temps substi-tue au mode classique d’articulation narrative des faits (soit un assem-blage d’actions et de réactions que Deleuze appelle « image-mouve-ment ») une succession non structurée de petits moments, de percep-tions et d’impressions, et donne lieu à une « montée de situations pure-ment optiques et sonores [...] qui se distinguent essentiellement des situations sensori-motrices de l’image action de l’ancien réalisme » (DELEUZE, 1985 : 9). Cette notion d’image-temps est d’autant plus perti-nente, en lien avec celle de contemporain, qu’elle se réfère à une modali-té de l’image qui bouleverse la compréhension de la temporalité en interrogeant le caractère fondamentalement étranger du temps vécu dans le présent. Si le passage du temps implique le glissement continu du présent dans le passé et la virtualité du passé dans le présent, l’image-cristal (variété de l’image-temps) désigne métaphoriquement cette coexistence temporelle d’une image actuelle (dans le présent) et d’une image virtuelle (le passé dans le présent) :

Ce qui constitue l’image-cristal, c’est l’opération la plus fondamentale du temps [...]. Il faut que le temps se scinde en même temps qu’il se

5 Laplantine défend la tradition réaliste du cinéma – qu’il lie à son ancrage do-cumentaire – initié par les frères Lumière, et l’oppose à la tradition, fondée en France par Méliès, du spectacle et de l’illusion.

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pose ou se déroule : il se scinde en deux jets dissymétriques dont l’un fait passer tout le présent, et dont l’autre conserve tout le passé. Le temps consiste dans cette scission, et c’est elle, c’est lui qu’on voit dans le cristal (DELEUZE, 1985 : 108-109).

Cette scission du temps qu’aurait révélée l’image-cristal, cette fracture de la conscience temporelle n’est-elle pas l’objet du poème de Mandels-tam commenté par Agamben (le siècle à l’échine brisée6) ? La notion d’image-temps serait ainsi adéquate pour analyser aussi bien le cinéma indépendant (néo)réaliste dont parle l’anthropologue français que la perception du contemporain définie par le philosophe italien. Pourtant, l’image-temps deleuzienne est généralement associée au cinéma qu’on appelle « moderne » par opposition au cinéma « classique7 ». Il y a lieu de se demander si, appliquées au septième art, les notions de « moder-nité » et de « contemporanéité » désignent la même posture temporelle et par conséquent narrative ou, si non, en quoi la seconde diffère de la première. Si l’on distingue l’image-temps (en tant que modalité percep-tive et esthétique) de la modernité (en tant que contexte où elle a éclos mais à laquelle elle ne réduit pas), on peut proposer que la première a révélé la potentialité du cinéma de porter un regard « contemporain ». Pour vérifier cette affirmation, il nous faut toutefois nous pencher plus précisément sur la configuration temporelle du cinéma loué par Laplan-tine et sur le point de vue qui le fonde.

Si ténus ou peu organisés qu’ils soient, les récits des films mis en avant par l’anthropologue se situent généralement dans le présent (con-temporain au moment du tournage), mais un présent volontiers indéfi-ni, intemporel, sans marques contextuelles explicites. Pensons par exem-ple aux films d’Apichatpong Weerasethakul ou de Lucrecia Martel. L’idée d’Agamben selon laquelle le déphasage temporel du contempo-rain le rend « plus apte […] pour percevoir et comprendre son temps »

6 Voici les derniers vers de ce poème cité dans la conférence d’Agamben : « Mais elle est brisée ton échine / Mon pauvre siècle abasourdi. / Avec un sourire insen-sé / Comme un fauve naguère souple / Tu te tournes vers l’arrière, débile et cruel / A contempler tes propres traces. » 7 La notion de cinéma classique, couramment associée aux films hollywoodiens des années 1930 aux années 1950, renvoie à une forme narrative traditionnelle (caractérisée notamment par la continuité spatio-temporelle et l’illusion miméti-que, à laquelle est subordonné le « style » qui tend à la « transparence »), tandis que l’expression « cinéma moderne » s’emploie fréquemment pour désigner « les films qui renoncent aux recettes classiques du récit cinématographique et aux poncifs imposés aux personnages », un cinéma « éloigné des genres établis » et « où priment les formes et les expériences narratives » (ROY, 2007 : 86).

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(AGAMBEN, 2008a : 11) semble s’incarner ici dans un cinéma qui ne thé-matise pas l’actualité socio-politique mais traduit ses effets indirecte-ment, par le biais de la perception qui est mise en scène et en œuvre. En reprenant les termes par lesquels Agamben qualifie la contemporanéité (soit « une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances », AGAMBEN, 2008a : 11, je souligne), on peut dire que, dans ces films, une adhésion au présent d’ordre documen-taire est combinée à une grande recherche et distance esthétiques. D’une part, en effet, on observe dans un certain cinéma indépendant contem-porain une recherche documentaire d’« authenticité », une volonté de capter la vie « telle quelle », notamment par l’intégration d’interactions entre acteurs non professionnels et entre non-acteurs, avec leurs gestes et leur langage idiosyncrasiques, ainsi que des circonstances et dia-logues non prévus dans le scénario ; plus généralement, par l’incorpo-ration du hasard comme donnée essentielle du matériel narratif. Ce-pendant, ce désir de montrer le présent brut, de faire percevoir sa tem-poralité propre passe – d’autre part – par un travail précis sur le cadre cinématographique, incluant un contrôle constant de la caméra et une grande attention à la superficie de l’image et à la profondeur de champ. Selon Laplantine, il s’agit de « films inventés à mesure qu’ils sont tour-nés […], même s’ils sont extrêmement construits » (LAPLANTINE, 2007 : 29).

Mais si la perception sur laquelle se base la construction para-doxale de ces films peut être qualifiée de mélancolique, dans la continui-té du cinéma moderne, c’est qu’il s’agit d’une perception troublée, per-turbée. L’instance responsable de la vision – qu’elle soit elle-même rendue visible ou non – est le sujet ou le témoin d’un malaise, d’une dépression ou d’un trauma, qui est le vrai centre thématique et esthé-tique des œuvres8. Selon les termes de Laplantine, « une grande partie

8 Ce rôle du trauma dans le cinéma contemporain peut être rapproché de celui que Deleuze fait jouer au « dehors » dans l’image-temps. Le « dehors », au-delà de l’opposition classique entre intériorité et extériorité (opposition qui autorisait des « mouvements », des actions vers l’extérieur), est pour Deleuze ce lieu im-possible d’où jaillit la pensée : « la pensée […] nait d’un dehors plus lointain que tout monde extérieur, et, comme puissance qui n’existe pas encore, s’affronte à un dedans, un impensable ou un impensé plus profond que tout monde intérieur » (DELEUZE, 1985 : 363). De même que le trauma, la co-présence du « dehors abso-lu » et du « dedans absolu » se manifeste par un nouveau type de relation entre les images : non plus un enchainement logique, mais une coupure irrationnelle qui exige de la part du spectateur un effort de « ré-enchainement » (cf. DELEUZE, 1984).

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pose ou se déroule : il se scinde en deux jets dissymétriques dont l’un fait passer tout le présent, et dont l’autre conserve tout le passé. Le temps consiste dans cette scission, et c’est elle, c’est lui qu’on voit dans le cristal (DELEUZE, 1985 : 108-109).

Cette scission du temps qu’aurait révélée l’image-cristal, cette fracture de la conscience temporelle n’est-elle pas l’objet du poème de Mandels-tam commenté par Agamben (le siècle à l’échine brisée6) ? La notion d’image-temps serait ainsi adéquate pour analyser aussi bien le cinéma indépendant (néo)réaliste dont parle l’anthropologue français que la perception du contemporain définie par le philosophe italien. Pourtant, l’image-temps deleuzienne est généralement associée au cinéma qu’on appelle « moderne » par opposition au cinéma « classique7 ». Il y a lieu de se demander si, appliquées au septième art, les notions de « moder-nité » et de « contemporanéité » désignent la même posture temporelle et par conséquent narrative ou, si non, en quoi la seconde diffère de la première. Si l’on distingue l’image-temps (en tant que modalité percep-tive et esthétique) de la modernité (en tant que contexte où elle a éclos mais à laquelle elle ne réduit pas), on peut proposer que la première a révélé la potentialité du cinéma de porter un regard « contemporain ». Pour vérifier cette affirmation, il nous faut toutefois nous pencher plus précisément sur la configuration temporelle du cinéma loué par Laplan-tine et sur le point de vue qui le fonde.

Si ténus ou peu organisés qu’ils soient, les récits des films mis en avant par l’anthropologue se situent généralement dans le présent (con-temporain au moment du tournage), mais un présent volontiers indéfi-ni, intemporel, sans marques contextuelles explicites. Pensons par exem-ple aux films d’Apichatpong Weerasethakul ou de Lucrecia Martel. L’idée d’Agamben selon laquelle le déphasage temporel du contempo-rain le rend « plus apte […] pour percevoir et comprendre son temps »

6 Voici les derniers vers de ce poème cité dans la conférence d’Agamben : « Mais elle est brisée ton échine / Mon pauvre siècle abasourdi. / Avec un sourire insen-sé / Comme un fauve naguère souple / Tu te tournes vers l’arrière, débile et cruel / A contempler tes propres traces. » 7 La notion de cinéma classique, couramment associée aux films hollywoodiens des années 1930 aux années 1950, renvoie à une forme narrative traditionnelle (caractérisée notamment par la continuité spatio-temporelle et l’illusion miméti-que, à laquelle est subordonné le « style » qui tend à la « transparence »), tandis que l’expression « cinéma moderne » s’emploie fréquemment pour désigner « les films qui renoncent aux recettes classiques du récit cinématographique et aux poncifs imposés aux personnages », un cinéma « éloigné des genres établis » et « où priment les formes et les expériences narratives » (ROY, 2007 : 86).

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(AGAMBEN, 2008a : 11) semble s’incarner ici dans un cinéma qui ne thé-matise pas l’actualité socio-politique mais traduit ses effets indirecte-ment, par le biais de la perception qui est mise en scène et en œuvre. En reprenant les termes par lesquels Agamben qualifie la contemporanéité (soit « une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances », AGAMBEN, 2008a : 11, je souligne), on peut dire que, dans ces films, une adhésion au présent d’ordre documen-taire est combinée à une grande recherche et distance esthétiques. D’une part, en effet, on observe dans un certain cinéma indépendant contem-porain une recherche documentaire d’« authenticité », une volonté de capter la vie « telle quelle », notamment par l’intégration d’interactions entre acteurs non professionnels et entre non-acteurs, avec leurs gestes et leur langage idiosyncrasiques, ainsi que des circonstances et dia-logues non prévus dans le scénario ; plus généralement, par l’incorpo-ration du hasard comme donnée essentielle du matériel narratif. Ce-pendant, ce désir de montrer le présent brut, de faire percevoir sa tem-poralité propre passe – d’autre part – par un travail précis sur le cadre cinématographique, incluant un contrôle constant de la caméra et une grande attention à la superficie de l’image et à la profondeur de champ. Selon Laplantine, il s’agit de « films inventés à mesure qu’ils sont tour-nés […], même s’ils sont extrêmement construits » (LAPLANTINE, 2007 : 29).

Mais si la perception sur laquelle se base la construction para-doxale de ces films peut être qualifiée de mélancolique, dans la continui-té du cinéma moderne, c’est qu’il s’agit d’une perception troublée, per-turbée. L’instance responsable de la vision – qu’elle soit elle-même rendue visible ou non – est le sujet ou le témoin d’un malaise, d’une dépression ou d’un trauma, qui est le vrai centre thématique et esthé-tique des œuvres8. Selon les termes de Laplantine, « une grande partie

8 Ce rôle du trauma dans le cinéma contemporain peut être rapproché de celui que Deleuze fait jouer au « dehors » dans l’image-temps. Le « dehors », au-delà de l’opposition classique entre intériorité et extériorité (opposition qui autorisait des « mouvements », des actions vers l’extérieur), est pour Deleuze ce lieu im-possible d’où jaillit la pensée : « la pensée […] nait d’un dehors plus lointain que tout monde extérieur, et, comme puissance qui n’existe pas encore, s’affronte à un dedans, un impensable ou un impensé plus profond que tout monde intérieur » (DELEUZE, 1985 : 363). De même que le trauma, la co-présence du « dehors abso-lu » et du « dedans absolu » se manifeste par un nouveau type de relation entre les images : non plus un enchainement logique, mais une coupure irrationnelle qui exige de la part du spectateur un effort de « ré-enchainement » (cf. DELEUZE, 1984).

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du cinéma indépendant contemporain, en réaction notamment à des situations de domination coloniale ou de destruction totalitaire […], travaille, dans l’image et le son, la réalité du rapport au manque, à la dis-parition, au trauma » (LAPLANTINE, 2007 : 37, souligné dans le texte). Cette « réalité » que l’art cinématographique nous révèle, Laplantine lui assigne un rôle salvateur face au « flux audiovisuel » caractéristique de la société actuelle. Un flux qu’il qualifie sans détours de « totalitaire ». L’anthropologue se réfère à des critiques et penseurs comme André Bazin, Gilles Deleuze, Serge Daney et Régis Debray pour appuyer l’idée que les images cinématographiques (celles qu’il prône) nous aident à regarder autrement, à « détotalitariser » la réalité que nous présente la superpuissance contemporaine des mass médias : « [c]ontre le détour-nement du réel, au milieu du triomphe du totalitarisme visuel et sonore, de l’éradication des petites sensations, il [le cinéma] nous permet de réapprendre à voir et à entendre » (LAPLANTINE, 2007 : 17). Il propose donc une vision positive, active du manque et du trauma au centre du cinéma, et cette vision me semble comparable à la perception active de l’obscurité selon Agamben qui, je l’ai rappelé, évoque aussi de son côté le caractère « traumatique » du présent vécu par le contemporain.

3. Mélancolie et figure de l’enfant dans une tendance du ci-

néma contemporain Les films indépendants que Laplantine nous donne comme « le-

çons de cinéma pour notre époque » mettent donc fréquemment en scène une perception qui fragmente la narration. Une telle perception mimétise celle d’un petit enfant plongé dans un monde dont il ne com-prend pas la logique, dans une histoire dont il ignore les causes et les conséquences, d’autant plus que cette histoire s’articule souvent autour d’un malaise ou d’un trauma. Rappelons que la perception enfantine n’est pas étrangère à la pensée d’Agamben : il a consacré son ouvrage Enfance et histoire à cerner la place liminaire de l’infans (celui qui ne parle pas encore) entre le langage et l’expérience, celle d’un signifiant instable et ludique qui trouble les significations sociales établies.

Cette référence à l’enfance est d’autant moins anecdotique que les enfants sont très présents dans le cinéma indépendant contemporain, et que la production de nombreux films fondés sur leur point de vue coïncide avec une nouvelle tendance d’études de l’enfance et du cinéma

Sophie DUFAYS

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(ainsi que de l’enfant au cinéma) depuis les années 20009. Le chapitre IV du livre de Laplantine (« Regarder, écouter ») est consacré à des ci-néastes qui ont tous filmé des enfants : Jafar Panahi, Maurice Pialat, Gus Van Sant, Yasujiro Ozu, Wim Wenders, Hou Hsiao-Hsien ; quant à Abbas Kiarostami, dont l’œuvre est analysée dans le chapitre suivant, il est l’un des maitres contemporains de la mise en scène cinématogra-phique du regard enfantin. Dans les films de ces réalisateurs et dans d’autres, tels que La ciénaga (Lucrecia Martel, Argentine, 2001), Innocence (Lucile Hadzihalilovic, France, 2005), La influencia (Pedro Aguilera, Es-pagne, 2007), Agua fría de mar (Paz Fábrega, Costa Rica, 2010), El vuelco del cangrejo (Óscar Ruíz Navia, Colombie, 2010), El premio (Paula Mar-kovitch, 2011, Mexique) ou De jueves a domingo (Dominga Sotomayor, Chili, 2012)10, le point de vue de l’enfant apparait comme une clé révéla-trice de cette modalité cinématographique mélancolico-contemporaine ; une clé aussi pour situer le cinéma contemporain par rapport au cinéma moderne de l’image-temps, puisque Deleuze a justement souligné la récurrence et l’importance du personnage enfantin dans le néoréalisme italien qui a inauguré cette modernité. Au début de son livre L’Image-temps, le philosophe analyse que la relative « impuissance motrice » de l’enfant faisait de lui, dans des films comme Allemagne année zéro ou Le voleur de bicyclette, un « spectateur » paradigmatique, livré à une « au-diovision » plutôt qu’à une action. Cette caractéristique aurait érigé l’en-fant en modèle d’un nouveau type de personnage (moderne), un per-sonnage qui est devenu « une sorte de spectateur » :

Il [i.e. le personnage] a beau bouger, courir, s’agiter, la situation dans la-quelle il est déborde de toutes parts ses capacités motrices, et lui fait voir ou entendre ce qui n’est plus justiciable en droit d’une réponse ou d’une action. Il enregistre plus qu’il ne réagit. Il est livré à une vision, poursuivi par elle ou la poursuivant, plutôt qu’engagé dans une action. (DELEUZE, 1985 : 9)

La figure de l’enfant en tant que spectateur égaré et « débordé » repré-sentait ou évoquait sans doute, dès les années 1940, l’état de perte de 9 C’est ainsi que plusieurs chercheurs analysent la capacité du cinéma d’évoquer, d’explorer et même de « révéler » (LURY, 2010 : 285) le « monde enfantin », c’est-à-dire l’expérience (spatiale, psychologique, sensorielle) propre des enfants, leur perception et leur subjectivité (cf. notamment Vicky Lebeau, Karen Lury, Emma Wilson, Annette Kuhn). 10 La plupart de ces exemples sont latino-américains – mais primés dans des festivals européens –, car c’est le corpus que je connais le mieux, mais la mise en scène du regard enfantin a une portée plus générale.

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du cinéma indépendant contemporain, en réaction notamment à des situations de domination coloniale ou de destruction totalitaire […], travaille, dans l’image et le son, la réalité du rapport au manque, à la dis-parition, au trauma » (LAPLANTINE, 2007 : 37, souligné dans le texte). Cette « réalité » que l’art cinématographique nous révèle, Laplantine lui assigne un rôle salvateur face au « flux audiovisuel » caractéristique de la société actuelle. Un flux qu’il qualifie sans détours de « totalitaire ». L’anthropologue se réfère à des critiques et penseurs comme André Bazin, Gilles Deleuze, Serge Daney et Régis Debray pour appuyer l’idée que les images cinématographiques (celles qu’il prône) nous aident à regarder autrement, à « détotalitariser » la réalité que nous présente la superpuissance contemporaine des mass médias : « [c]ontre le détour-nement du réel, au milieu du triomphe du totalitarisme visuel et sonore, de l’éradication des petites sensations, il [le cinéma] nous permet de réapprendre à voir et à entendre » (LAPLANTINE, 2007 : 17). Il propose donc une vision positive, active du manque et du trauma au centre du cinéma, et cette vision me semble comparable à la perception active de l’obscurité selon Agamben qui, je l’ai rappelé, évoque aussi de son côté le caractère « traumatique » du présent vécu par le contemporain.

3. Mélancolie et figure de l’enfant dans une tendance du ci-

néma contemporain Les films indépendants que Laplantine nous donne comme « le-

çons de cinéma pour notre époque » mettent donc fréquemment en scène une perception qui fragmente la narration. Une telle perception mimétise celle d’un petit enfant plongé dans un monde dont il ne com-prend pas la logique, dans une histoire dont il ignore les causes et les conséquences, d’autant plus que cette histoire s’articule souvent autour d’un malaise ou d’un trauma. Rappelons que la perception enfantine n’est pas étrangère à la pensée d’Agamben : il a consacré son ouvrage Enfance et histoire à cerner la place liminaire de l’infans (celui qui ne parle pas encore) entre le langage et l’expérience, celle d’un signifiant instable et ludique qui trouble les significations sociales établies.

Cette référence à l’enfance est d’autant moins anecdotique que les enfants sont très présents dans le cinéma indépendant contemporain, et que la production de nombreux films fondés sur leur point de vue coïncide avec une nouvelle tendance d’études de l’enfance et du cinéma

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(ainsi que de l’enfant au cinéma) depuis les années 20009. Le chapitre IV du livre de Laplantine (« Regarder, écouter ») est consacré à des ci-néastes qui ont tous filmé des enfants : Jafar Panahi, Maurice Pialat, Gus Van Sant, Yasujiro Ozu, Wim Wenders, Hou Hsiao-Hsien ; quant à Abbas Kiarostami, dont l’œuvre est analysée dans le chapitre suivant, il est l’un des maitres contemporains de la mise en scène cinématogra-phique du regard enfantin. Dans les films de ces réalisateurs et dans d’autres, tels que La ciénaga (Lucrecia Martel, Argentine, 2001), Innocence (Lucile Hadzihalilovic, France, 2005), La influencia (Pedro Aguilera, Es-pagne, 2007), Agua fría de mar (Paz Fábrega, Costa Rica, 2010), El vuelco del cangrejo (Óscar Ruíz Navia, Colombie, 2010), El premio (Paula Mar-kovitch, 2011, Mexique) ou De jueves a domingo (Dominga Sotomayor, Chili, 2012)10, le point de vue de l’enfant apparait comme une clé révéla-trice de cette modalité cinématographique mélancolico-contemporaine ; une clé aussi pour situer le cinéma contemporain par rapport au cinéma moderne de l’image-temps, puisque Deleuze a justement souligné la récurrence et l’importance du personnage enfantin dans le néoréalisme italien qui a inauguré cette modernité. Au début de son livre L’Image-temps, le philosophe analyse que la relative « impuissance motrice » de l’enfant faisait de lui, dans des films comme Allemagne année zéro ou Le voleur de bicyclette, un « spectateur » paradigmatique, livré à une « au-diovision » plutôt qu’à une action. Cette caractéristique aurait érigé l’en-fant en modèle d’un nouveau type de personnage (moderne), un per-sonnage qui est devenu « une sorte de spectateur » :

Il [i.e. le personnage] a beau bouger, courir, s’agiter, la situation dans la-quelle il est déborde de toutes parts ses capacités motrices, et lui fait voir ou entendre ce qui n’est plus justiciable en droit d’une réponse ou d’une action. Il enregistre plus qu’il ne réagit. Il est livré à une vision, poursuivi par elle ou la poursuivant, plutôt qu’engagé dans une action. (DELEUZE, 1985 : 9)

La figure de l’enfant en tant que spectateur égaré et « débordé » repré-sentait ou évoquait sans doute, dès les années 1940, l’état de perte de 9 C’est ainsi que plusieurs chercheurs analysent la capacité du cinéma d’évoquer, d’explorer et même de « révéler » (LURY, 2010 : 285) le « monde enfantin », c’est-à-dire l’expérience (spatiale, psychologique, sensorielle) propre des enfants, leur perception et leur subjectivité (cf. notamment Vicky Lebeau, Karen Lury, Emma Wilson, Annette Kuhn). 10 La plupart de ces exemples sont latino-américains – mais primés dans des festivals européens –, car c’est le corpus que je connais le mieux, mais la mise en scène du regard enfantin a une portée plus générale.

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contrôle de l’adulte dans le monde moderne marqué par deux guerres mondiales. De la même façon, dans le cinéma d’aujourd’hui, la mise en œuvre d’une perception enfantine traduit peut-être la situation d’alié-nation de l’homme contemporain face à un déferlement d’images et d’inventions technologiques qui dépassent sa capacité de compréhen-sion et de jugement. Combinée à la mise en scène d’un malaise ou d’un trauma, cette perception ressemble fort à celle du mélancolique pour qui le monde actuel est un spectacle creux, dépourvu de sens, mais auquel il se sait condamné à appartenir. En tout cas, pour Laplantine, il semble bien qu’elle incarne la posture du (d’un certain) réalisateur contempo-rain qui renonce à guider paternellement le spectateur (cf. LAPLANTINE, 2007 : 22), mais essaie au contraire de l’éduquer en l’obligeant à (re)-trouver le regard d’un enfant qui voit la réalité sans d’abord la juger, et à perdre ainsi ses habitudes d’interprétation. La mélancolie dont té-moigne la mise en scène cinématographique du point de vue enfantin résulterait donc à la fois d’une souffrance et d’une résistance : en tant que condition de l’homme moderne ou contemporain dépossédé du monde qu’il a créé et étranger au présent qu’il vit, elle est le produit d’une perte forcée ou consentie, en tout cas douloureuse ; mais en tant qu’affirmation esthétique et éthique d’un réalisateur qui cherche à creu-ser la surface artificielle des « lumières du siècle » pour montrer ses « vertèbres brisées », elle se conçoit comme une réponse face à un regard téléguidé – celui, en particulier, qui nous est imposé dans le « flux » des images publicitaires et informatives.

Bien entendu, je ne fais ici que dégager une tendance du cinéma indépendant et ne prétends en aucun cas que le personnage enfantin ou le regard qui lui est attribué soit l’apanage de cette tendance11. Je veux seulement suggérer qu’elle est représentative d’une certaine définition de la contemporanéité, celle d’Agamben, laquelle coïncide avec la notion de mélancolie dont on connait la fortune intellectuelle et artistique. Pour clore ces réflexions, je voudrais ajouter qu’il existe au moins deux autres manières par lesquelles le personnage de l’enfant peut révéler la mélan-colie des adultes dans le cinéma contemporain, et par lesquelles il inter-vient dans les thèmes centraux de ce cinéma que sont le malaise et le trauma.

11 Pour ne citer qu’une autre « tendance », de nombreux autres films tout aussi contemporains – de Nobody Knows au Gamin au vélo – montrent des enfants actifs voire combatifs à la place de ou contre des adultes irresponsables, et renversent ainsi les rôles habituels de l’enfant et de l’adulte.

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L’enfant peut être simplement le sujet d’une perte, le témoin d’un drame dont le sens lui échappe. Mais il peut aussi figurer un état, une condition que l’adulte a perdue et qu’il cherche en vain à retrouver ou à découvrir. Dans certains films commentés par Laplantine, le trait domi-nant de l’enfant n’est plus tant sa posture de spectateur (qui le rendait proche de la situation de l’homme adulte dans le monde moderne ur-banisé) que son rapport particulier à son environnement, son mode autre d’appartenance à l’espace. L’analyse que propose Karen Lury de la mobilité spécifique des enfants dans le cinéma iranien me semble partiellement opératoire ici. Selon Lury, les enfants mis en scène dans le cinéma iranien ont une expérience du mouvement différente de celle que montrent les road movies occidentaux ; chez eux, le mouvement n’aurait pas une dimension épistémologique mais ontologique, il serait une « condition d’être » (a condition of being) : « the children are not posi-tioned outside a world upon which they may act and self-consciously transform themselves; instead they inhabit an open world in which they are part of the various processes […] that make up their environment » (LURY, 2010 : 289). Cette observation peut s’appliquer à plusieurs en-fants de films indépendants contemporains, non seulement iraniens. Au-delà même de la présence de ces enfants, c’est l’état « enfantin » d’appartenance à la nature qui est au centre de nombreuses histoires du cinéma contemporain, en tant qu’état (devenu) inaccessible au(x) per-sonnage(s) adulte(s) et objet d’une « obscure » mélancolie. Les enfants, leur appartenance (ou adhésion, pour reprendre le terme d’Agamben) particulière à l’espace naturel et leur extériorité (ou distance) consé-quente par rapport à l’espace social-familial (familier) révèlent alors aux adultes qui les entourent et les observent leur propre déracinement, motivant leur mélancolie. Pour le dire autrement, ils en font des « con-temporains » dans le sens d’Agamben.

Je voudrais finalement mentionner une troisième série de films contemporains où l’enfance est au cœur d’une perception mélanco-lique : ceux qu’étudie Emma Wilson dans son ouvrage Cinema’s Missing Children. Wilson associe la mélancolie « propre au cinéma » au person-nage enfantin « disparu », motif thématique récurrent selon elle dans le cinéma d’auteur des dernières décennies. Elle analyse les stratégies esthétiques développées par un ensemble de films d’auteur contempo-rains qui portent le deuil de l’enfance, qui lamentent la perte d’un enfant, et suggère que la persistance de ce thème de l’enfant disparu dans le cinéma contemporain tient moins à un état particulier (actuel) de la société qu’au cinéma lui-même (à son inactuelle « contemporanéité » ?), c’est-à-dire que ce motif cristalliserait une mélancolie qui serait propre

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contrôle de l’adulte dans le monde moderne marqué par deux guerres mondiales. De la même façon, dans le cinéma d’aujourd’hui, la mise en œuvre d’une perception enfantine traduit peut-être la situation d’alié-nation de l’homme contemporain face à un déferlement d’images et d’inventions technologiques qui dépassent sa capacité de compréhen-sion et de jugement. Combinée à la mise en scène d’un malaise ou d’un trauma, cette perception ressemble fort à celle du mélancolique pour qui le monde actuel est un spectacle creux, dépourvu de sens, mais auquel il se sait condamné à appartenir. En tout cas, pour Laplantine, il semble bien qu’elle incarne la posture du (d’un certain) réalisateur contempo-rain qui renonce à guider paternellement le spectateur (cf. LAPLANTINE, 2007 : 22), mais essaie au contraire de l’éduquer en l’obligeant à (re)-trouver le regard d’un enfant qui voit la réalité sans d’abord la juger, et à perdre ainsi ses habitudes d’interprétation. La mélancolie dont té-moigne la mise en scène cinématographique du point de vue enfantin résulterait donc à la fois d’une souffrance et d’une résistance : en tant que condition de l’homme moderne ou contemporain dépossédé du monde qu’il a créé et étranger au présent qu’il vit, elle est le produit d’une perte forcée ou consentie, en tout cas douloureuse ; mais en tant qu’affirmation esthétique et éthique d’un réalisateur qui cherche à creu-ser la surface artificielle des « lumières du siècle » pour montrer ses « vertèbres brisées », elle se conçoit comme une réponse face à un regard téléguidé – celui, en particulier, qui nous est imposé dans le « flux » des images publicitaires et informatives.

Bien entendu, je ne fais ici que dégager une tendance du cinéma indépendant et ne prétends en aucun cas que le personnage enfantin ou le regard qui lui est attribué soit l’apanage de cette tendance11. Je veux seulement suggérer qu’elle est représentative d’une certaine définition de la contemporanéité, celle d’Agamben, laquelle coïncide avec la notion de mélancolie dont on connait la fortune intellectuelle et artistique. Pour clore ces réflexions, je voudrais ajouter qu’il existe au moins deux autres manières par lesquelles le personnage de l’enfant peut révéler la mélan-colie des adultes dans le cinéma contemporain, et par lesquelles il inter-vient dans les thèmes centraux de ce cinéma que sont le malaise et le trauma.

11 Pour ne citer qu’une autre « tendance », de nombreux autres films tout aussi contemporains – de Nobody Knows au Gamin au vélo – montrent des enfants actifs voire combatifs à la place de ou contre des adultes irresponsables, et renversent ainsi les rôles habituels de l’enfant et de l’adulte.

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L’enfant peut être simplement le sujet d’une perte, le témoin d’un drame dont le sens lui échappe. Mais il peut aussi figurer un état, une condition que l’adulte a perdue et qu’il cherche en vain à retrouver ou à découvrir. Dans certains films commentés par Laplantine, le trait domi-nant de l’enfant n’est plus tant sa posture de spectateur (qui le rendait proche de la situation de l’homme adulte dans le monde moderne ur-banisé) que son rapport particulier à son environnement, son mode autre d’appartenance à l’espace. L’analyse que propose Karen Lury de la mobilité spécifique des enfants dans le cinéma iranien me semble partiellement opératoire ici. Selon Lury, les enfants mis en scène dans le cinéma iranien ont une expérience du mouvement différente de celle que montrent les road movies occidentaux ; chez eux, le mouvement n’aurait pas une dimension épistémologique mais ontologique, il serait une « condition d’être » (a condition of being) : « the children are not posi-tioned outside a world upon which they may act and self-consciously transform themselves; instead they inhabit an open world in which they are part of the various processes […] that make up their environment » (LURY, 2010 : 289). Cette observation peut s’appliquer à plusieurs en-fants de films indépendants contemporains, non seulement iraniens. Au-delà même de la présence de ces enfants, c’est l’état « enfantin » d’appartenance à la nature qui est au centre de nombreuses histoires du cinéma contemporain, en tant qu’état (devenu) inaccessible au(x) per-sonnage(s) adulte(s) et objet d’une « obscure » mélancolie. Les enfants, leur appartenance (ou adhésion, pour reprendre le terme d’Agamben) particulière à l’espace naturel et leur extériorité (ou distance) consé-quente par rapport à l’espace social-familial (familier) révèlent alors aux adultes qui les entourent et les observent leur propre déracinement, motivant leur mélancolie. Pour le dire autrement, ils en font des « con-temporains » dans le sens d’Agamben.

Je voudrais finalement mentionner une troisième série de films contemporains où l’enfance est au cœur d’une perception mélanco-lique : ceux qu’étudie Emma Wilson dans son ouvrage Cinema’s Missing Children. Wilson associe la mélancolie « propre au cinéma » au person-nage enfantin « disparu », motif thématique récurrent selon elle dans le cinéma d’auteur des dernières décennies. Elle analyse les stratégies esthétiques développées par un ensemble de films d’auteur contempo-rains qui portent le deuil de l’enfance, qui lamentent la perte d’un enfant, et suggère que la persistance de ce thème de l’enfant disparu dans le cinéma contemporain tient moins à un état particulier (actuel) de la société qu’au cinéma lui-même (à son inactuelle « contemporanéité » ?), c’est-à-dire que ce motif cristalliserait une mélancolie qui serait propre

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au cinéma12. Citant André Bazin, Christian Metz et Roland Barthes, elle défend l’idée que le cinéma est un médium mélancolique en son es-sence, dans la mesure où il dépend de la perte de l’image et d’un déca-lage (déphasage) temporel13.

Conclusion

L’un des indices les plus révélateurs de la portée mélancolique

d’une tendance du cinéma contemporain serait donc sa mise en scène récurrente d’une perception enfantine. Dernière preuve de la conver-gence entre les visions qu’ont Agamben et Laplantine de la contempo-ranéité : il est clair pour tous les deux qu’elle se distingue radicalement de toute idéalisation nostalgique du passé. En effet, pour l’anthropo-logue français :

Ce qu’il y a de caractéristique dans ce cinéma contemporain est que le monde d’avant (les camps, la technique, la publicité, la modernité, la mondialisation, le travail pour le plus grand nombre) n’est plus vécu sur le mode de la nostalgie du paradis perdu ou sur celui du déchirement. Dans une attitude qui renonce tout autant à l’héroïsation qu’à la démys-tification […], les images cinématographiques les plus exigeantes d’au-jourd’hui ne procèdent plus à la célébration du monde ancien. En revanche [...] la pulsion humaine à fabriquer des grands récits est atteinte. (LA-PLANTINE, 2007 : 136-137, je souligne)

Le philosophe italien exprime la même opposition du « contemporain » à la nostalgie, laquelle est dévalorisée comme un masque et un manque d’intelligence :

[C]ette dyschronie ne signifie […] naturellement pas que le contem-porain […] soit un nostalgique qui se reconnait mieux dans l’Athènes

12 Wilson analyse entre autres les films suivants : Olivier, Olivier (Agnieszka Holland, France, 1992), Tres colores: azul (Krzysztof Kieslowski, France / Pologne, 1993), Exótica (Atom Egoyan, Canada, 1994), The Kingdom (Lars von Trier, Da-nemark, 1994), The Portrait of a Lady (Jane Campion, RU / É.-U., 1996), Jude (Mi-chael Winterbottom, RU, 1996), Happiness (Todd Solondz, É.-U., 1998), Todo sobre mi madre (Pedro Almodóvar, Espagne, 1999), Ratcatcher (Lynne Ramsay, RU, 1999) et La stanza del figlio (Nanni Moretti, Italie, 2001). 13 Wilson est loin d’être la seule à formuler une définition mélancolique du ci-néma. C’est le cas aussi, par exemple, de Yves Hersant, coordinateur d’un dos-sier « Mélancolie et cinéma » paru dans la revue Positif en 2007 ou de Denis Bellemare, auteur d’une thèse sur le cinéma québécois intitulée La Mélancolie et le banal (1992).

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de Périclès […] que dans la ville ou le temps où il lui a été donné de vivre. Un homme intelligent peut haïr son époque, mais il sait en tout cas qu’il lui appartient irrévocablement. (AGAMBEN, 2008a : 10)

Contre la nostalgie d’un regard adulte idéalisant le passé, la mélancolie intelligente qu’éprouve le contemporain se réfère à un regard enfantin qui invente un passé dont il ne se souvient pas, qui observe et subit un présent incomplet sans le comprendre. Mais comme je l’ai suggéré, cette posture (ou pose ?) mélancolique que Laplantine et Agamben semblent considérer comme caractéristique du cinéma et/ou du contemporain est, depuis Aristote, celle que les philosophes attribuent aux « hommes de génie » et, tout particulièrement, aux « artistes ». La critique du caractère aveugle et rétrograde de la nostalgie n’est pas non plus, loin s’en faut, une nouveauté14. Il y a donc lieu de se demander si être « contempo-rain », dans le sens d’Agamben, ne consiste pas tant, ou pas seulement, à être en défaut par rapport à son temps (un défaut à la fois critique et productif), qu’à s’installer dans la pose millénaire d’un malaise (quitte à l’éprouver vraiment) qui s’octroie une lucidité et une capacité créative supérieures…

Bibliographie

- AGAMBEN G., 2002 (a), Stanze : parole et fantasme dans la culture occiden-tale, trad. Y. Hersant, Paris : Payot et Rivages.

- AGAMBEN G., 2002 (b), Enfance et histoire. Destruction de l’expérience et origine de l’histoire, trad. Y. Hersant, Paris : Payot et Rivages.

- AGAMBEN G., 2008, Qu’est-ce que le contemporain ?, trad. M. Rovere, Pa-ris : Payot et Rivages.

- ARISTOTE, 1988, L’Homme de génie et la mélancolie. Problème XXX, trad., prés. et notes J. Pigeaud, Paris : Payot et Rivages.

- BOYM Sv., 2001, The Future of Nostalgia, New York : Basic. - DELEUZE G., 1984, « Cinéma, cours du 18/12/1984 – 1 », transcription E.

Romero Diaz. En ligne sur le site « La voix de Gilles Deleuze en ligne ». Université Paris 8, http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?-id_article=285.

- DELEUZE G., 1985, L’Image-temps. Cinéma 2. Paris : Minuit, coll. « Cri-tique ».

- DUFAYS S., 2011, Relatos de infancia en el cine argentino de la postdictadura: Lecturas alegóricas de la historia entre nostalgia y melancolía, thèse présen-tée sous la dir. des Prof. G. Fabry et Cl. Canaparo, Université catholi-que de Louvain.

14 Cf. à cet égard Svetlana Boym.

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au cinéma12. Citant André Bazin, Christian Metz et Roland Barthes, elle défend l’idée que le cinéma est un médium mélancolique en son es-sence, dans la mesure où il dépend de la perte de l’image et d’un déca-lage (déphasage) temporel13.

Conclusion

L’un des indices les plus révélateurs de la portée mélancolique

d’une tendance du cinéma contemporain serait donc sa mise en scène récurrente d’une perception enfantine. Dernière preuve de la conver-gence entre les visions qu’ont Agamben et Laplantine de la contempo-ranéité : il est clair pour tous les deux qu’elle se distingue radicalement de toute idéalisation nostalgique du passé. En effet, pour l’anthropo-logue français :

Ce qu’il y a de caractéristique dans ce cinéma contemporain est que le monde d’avant (les camps, la technique, la publicité, la modernité, la mondialisation, le travail pour le plus grand nombre) n’est plus vécu sur le mode de la nostalgie du paradis perdu ou sur celui du déchirement. Dans une attitude qui renonce tout autant à l’héroïsation qu’à la démys-tification […], les images cinématographiques les plus exigeantes d’au-jourd’hui ne procèdent plus à la célébration du monde ancien. En revanche [...] la pulsion humaine à fabriquer des grands récits est atteinte. (LA-PLANTINE, 2007 : 136-137, je souligne)

Le philosophe italien exprime la même opposition du « contemporain » à la nostalgie, laquelle est dévalorisée comme un masque et un manque d’intelligence :

[C]ette dyschronie ne signifie […] naturellement pas que le contem-porain […] soit un nostalgique qui se reconnait mieux dans l’Athènes

12 Wilson analyse entre autres les films suivants : Olivier, Olivier (Agnieszka Holland, France, 1992), Tres colores: azul (Krzysztof Kieslowski, France / Pologne, 1993), Exótica (Atom Egoyan, Canada, 1994), The Kingdom (Lars von Trier, Da-nemark, 1994), The Portrait of a Lady (Jane Campion, RU / É.-U., 1996), Jude (Mi-chael Winterbottom, RU, 1996), Happiness (Todd Solondz, É.-U., 1998), Todo sobre mi madre (Pedro Almodóvar, Espagne, 1999), Ratcatcher (Lynne Ramsay, RU, 1999) et La stanza del figlio (Nanni Moretti, Italie, 2001). 13 Wilson est loin d’être la seule à formuler une définition mélancolique du ci-néma. C’est le cas aussi, par exemple, de Yves Hersant, coordinateur d’un dos-sier « Mélancolie et cinéma » paru dans la revue Positif en 2007 ou de Denis Bellemare, auteur d’une thèse sur le cinéma québécois intitulée La Mélancolie et le banal (1992).

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de Périclès […] que dans la ville ou le temps où il lui a été donné de vivre. Un homme intelligent peut haïr son époque, mais il sait en tout cas qu’il lui appartient irrévocablement. (AGAMBEN, 2008a : 10)

Contre la nostalgie d’un regard adulte idéalisant le passé, la mélancolie intelligente qu’éprouve le contemporain se réfère à un regard enfantin qui invente un passé dont il ne se souvient pas, qui observe et subit un présent incomplet sans le comprendre. Mais comme je l’ai suggéré, cette posture (ou pose ?) mélancolique que Laplantine et Agamben semblent considérer comme caractéristique du cinéma et/ou du contemporain est, depuis Aristote, celle que les philosophes attribuent aux « hommes de génie » et, tout particulièrement, aux « artistes ». La critique du caractère aveugle et rétrograde de la nostalgie n’est pas non plus, loin s’en faut, une nouveauté14. Il y a donc lieu de se demander si être « contempo-rain », dans le sens d’Agamben, ne consiste pas tant, ou pas seulement, à être en défaut par rapport à son temps (un défaut à la fois critique et productif), qu’à s’installer dans la pose millénaire d’un malaise (quitte à l’éprouver vraiment) qui s’octroie une lucidité et une capacité créative supérieures…

Bibliographie

- AGAMBEN G., 2002 (a), Stanze : parole et fantasme dans la culture occiden-tale, trad. Y. Hersant, Paris : Payot et Rivages.

- AGAMBEN G., 2002 (b), Enfance et histoire. Destruction de l’expérience et origine de l’histoire, trad. Y. Hersant, Paris : Payot et Rivages.

- AGAMBEN G., 2008, Qu’est-ce que le contemporain ?, trad. M. Rovere, Pa-ris : Payot et Rivages.

- ARISTOTE, 1988, L’Homme de génie et la mélancolie. Problème XXX, trad., prés. et notes J. Pigeaud, Paris : Payot et Rivages.

- BOYM Sv., 2001, The Future of Nostalgia, New York : Basic. - DELEUZE G., 1984, « Cinéma, cours du 18/12/1984 – 1 », transcription E.

Romero Diaz. En ligne sur le site « La voix de Gilles Deleuze en ligne ». Université Paris 8, http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?-id_article=285.

- DELEUZE G., 1985, L’Image-temps. Cinéma 2. Paris : Minuit, coll. « Cri-tique ».

- DUFAYS S., 2011, Relatos de infancia en el cine argentino de la postdictadura: Lecturas alegóricas de la historia entre nostalgia y melancolía, thèse présen-tée sous la dir. des Prof. G. Fabry et Cl. Canaparo, Université catholi-que de Louvain.

14 Cf. à cet égard Svetlana Boym.

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- HERSANT Y. (coord.), 2007, « Dossier: Mélancolie et cinéma », Positif, n° 556, p. 82-111.

- LAPLANTINE Fr., 2007, Leçons de cinéma pour notre époque. Politique du sen-sible, Paris : éd. de Revue Murmure/ Téraèdre.

- LURY K., 2010, « Children in an open world: Mobility as ontology in new Iranian and Turkish Cinem », Feminist Theory vol. 11 n° 3, p. 283-294.

- ROY A., 2007, Dictionnaire général du cinéma. Du cinématographe à inter-net : art, technique, industrie, Saint-Laurent (Québec) : Fides.

- SCHIESARI J., 1992, The Gendering of Melancholia. Feminism, Psychoanalysis, and the Symbolics of Loss in Renaissance Literature. Ithaca and London : Cornell University Press.

- WILSON E., 2002, Cinema’s Missing Children, London-New York : Wall-flower Press.

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Lara SARCEVIC L’an-historicité du contemporain dans l’art Introduction

La difficulté est grande pour délimiter de manière précise et défi-

nitive les contours historiques de ce que l’on appelle l’« art contempo-rain ». Sa périodisation historique ne fait d’ailleurs pas l’unanimité par-mi les spécialistes et les historiens de l’art. Toute définition de cette contemporanéité qui invoquerait un type d’expression artistique parti-culier, ou un genre artistique nouveau, se heurterait immanquablement aux principes de transgressivité et d’interdisciplinarité, devenus les maîtres-mots de la production artistique actuelle. Aussi, dans la diversi-té des productions artistiques d’aujourd’hui, toutes ne sont-elles pas considérées comme participant de l’art contemporain, et il est même envisageable qu’au sein du corpus d’un même artiste, certaines œuvres correspondent davantage à la catégorisation « art contemporain » que d’autres.

Pour saisir la spécificité de notre contemporanéité artistique, cer-tains auteurs tentent d’identifier celle-ci au niveau même de son histori-cité. Pour Arthur Danto et Hans Belting notamment, l’art contemporain différerait des autres périodes historiques en ce qu’il serait un art post-historique. Si la thèse paraît contre-intuitive, et si diverses critiques ont déjà été formulées à son égard1, nous souhaitons revenir sur quelques-uns de ses présupposés problématiques, pour éclairer les nouveaux enjeux que cette thèse permet d’articuler notamment en ce qui concerne la pratique des historiens de l’art et celle des artistes, à l’époque con-temporaine. Plutôt que de remettre en cause l’inscription de l’art con-temporain dans un récit historique, le concept de post-historicité formule davantage un doute quant à l’unicité et l’unidirectionnalité de ce récit. Le post-historicisme invite ainsi à réfléchir à une reconfiguration de la méthodologie de la discipline de l’histoire de l’art, alors que le concept d’an-historicité, lui, semble en revanche plus apte à éclairer les modalités opératoires de la normativité propre à la création artistique dans l’« art contemporain ».

1 Pour un résumé des critiques de la thèse post-historiciste, se reporter à l’ou-vrage de Mélissa Thériault, Danto ou l'art en boîte (2010 : 93-98).

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official language, but in a continuous confrontation with a corporeality to which it is intrinsic. Ellénita DE MOL Le triptyque de Saint Éloi d’Ambrosius I Francken, patrimoine ancien de la cathédrale Notre-Dame d’Anvers, et sa copie par Adriaen de Bie à l’église Saint-Gommaire de Lierre Ambrosius Francken’s Triptych of Saint Eligius (Cathedral of Our Lady, Antwerp) and its Copy by Adriaen de Bie (St. Gummarus Church, Lier) The Saint Eligius triptych was painted by Ambrosius I Francken in 1588 to serve as the altarpiece above the altar of the Smiths Guild in the Cathedral of Our Lady of Antwerp. It was designed following the Catholic restoration that oc-curred in the Netherlands in 1585. At that time, the Church, in response to the Protestant criticisms, was concerned by the spreading of the doctrine of the Catholic Reformation. There is no doubt that the Saint Eligius triptych was relat-ed to this organised propaganda. This triptych is a coherent system in which the message is built both by content and form. In 1626, Adriaen de Bie made a copy for the altar of the Smiths Guild of Lierre, in the church of Saint Gommaire. At the time, whilst Baroque art was predominant, the triptych format had become a hindrance rather than a support to artistic production. This is suggested by the assembly work created by De Bie. Pascal PIROT Science et dynastie en Belgique. Les « conseillers scientifiques » du Roi sous Albert Ier et Léopold III Science and Dynasty in Belgium. The King’s “Scientific Advisers” under Albert I and Léopold III This paper aims at studying the “scientific entourage” of Albert I and Leopold III, respectively Belgium’s third and fourth Kings. Focusing specifically on the period 1909-1940 we will firstly attempt to highlight, through the analysis of some specific cases, the fact that scientists and intellectuals occupy a significant place within the royal entourage and that heir interaction with the King has influenced the “scientific policy” of the Palace. Secondly, we aim to show the continuity between Albert I and his son in this field. Indeed, the personalities composing the scientific entourage of both Kings are either identical or philo-sophically close. Within a broader context, this article attempts to illustrate one aspect of the functioning of the constitutional monarchy, namely, through one of its key elements : the King.

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CONTRIBUTEURS Philippe BECK est chargé de cours à l’Université catholique de Louvain (UCL). Ses recherches portent sur la littérature de la Grande Guerre en langues française et allemande, la littérature et l’histoire (culturelle) d’Eupen-Malmedy, l’ima-gologie et la science-fiction. Sa monographie Umstrittenes Grenzland (2013), con-sacrée aux vies et œuvres de Peter Schmitz et Josef Ponten, a été récompensée par le Prix du Parlement de la Communauté germanophone de Belgique. Charlotte BERTRAND est diplômée de l’Université de Liège (ULg) en Langues et littératures françaises et romanes. Elle a consacré son mémoire à l’analyse de la structure romanesque dans l’œuvre de Boris Vian (macro-, méso- et micros-tructures). Elle est actuellement engagée dans un projet de thèse à l’Université de Namur (UNamur) relatif au savant et au savoir dans la littérature populaire (1880-1910). Elodie CORNEZ est agrégée d’italien et termine actuellement son doctorat sous la direction du professeur Giorgio Passerone à l’Université de Lille 3 où elle exerce également les fonctions de doctorante contractuelle. Sa thèse est réalisée en cotutelle avec l’Università di Pisa où elle est suivie par le professeur Anna Barsotti. Ses recherches portent depuis plusieurs années sur le théâtre italien contemporain : après s’être penchée sur le phénomène du théâtre de narration, elle s’intéresse à présent à la composante linguistique dans le théâtre des trente dernières années, en analysant notamment les créations en dialectes chez plu-sieurs acteurs-auteurs désormais reconnus sur la scène nationale. L’étude des rapports entre langue, corps et territoire est enrichie par une attention constante à la dimension spectaculaire, puisque les protagonistes de ce théâtre de re-cherche ont avant tout un parcours d’acteur qui influe fortement sur leur écri-ture et donc sur la langue utilisée. Amaury DEHOUX est boursier FRESH du F.R.S-FNRS et doctorant en littéra-ture comparée à l’Université catholique de Louvain (UCL). Sa thèse porte sur le roman international du posthumain et des nouvelles technologies. Il s’intéresse plus généralement au roman contemporain (1980-2014) et aux rapports entre littérature et globalisation. Aurélien DJIAN, doctorant contractuel en philosophie à l’UMR 8163 « Savoirs, textes, langage » (STL) de l’Université Lille 3 – Charles-de-Gaulle, depuis 2013, prépare une thèse sous la direction de Christian Berner (Lille 3/UMR STL) et de Claudio Majolino (Lille 3/UMR STL) intitulée « Le problème de l’horizon : carto-graphie des usages du concept d’horizon dans les philosophies de la première moitié du XXe siècle ».

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Sophie DUFAYS est licenciée en Langues et littératures romanes à l’Université catholique de Louvain (UCL). Elle a travaillé comme assistante pour le Centre d’Études Hispaniques de la même université. En 2008, elle a réalisé un séjour de recherche à Buenos Aires pour y préparer une thèse de doctorat sur la figure de l’enfant dans le cinéma argentin de la post-dictature, thèse à laquelle elle s’est consacrée pendant quatre ans avec le soutien d’une bourse FNRS et qu’elle a défendue en 2012. Elle a publié plusieurs articles sur les fonctions cinématogra-phiques du personnage enfantin et sur l’utilisation de l’allégorie au cinéma, dans des livres collectifs et des revues comme la Hispanic Review. Ses recherches ac-tuelles portent sur la rémanence du mélodrame comme (anti)modèle dans les cinémas mexicain et argentin contemporains. Elle vient d’obtenir un mandat FNRS de chargée de recherches pour réaliser ce projet. Katia HAYEK prépare actuellement une thèse de doctorat à l’Université de Lille 3 sous la direction du professeur Fiona McIntosh. Ses recherches portent sur le lien entre fiction et Histoire dans les romans de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècles. Parmi ses publications récentes, nous pouvons citer l’article « Re-présentations romanesques d’une figure historique : Jeanne d’Arc, jeune fille de France brûlée vive, de Max Gallo, à la lumière des textes de Voltaire et de Jules Michelet », publié dans le premier numéro de la revue en ligne Les Grandes Fi-gures historiques dans les Lettres et les Arts (Université de Lille 3, 2012). Hélène MIESSE a défendu en juin 2013 une thèse de doctorat en langue et lit-térature italiennes, intitulée « Le carteggio de Francesco Guicciardini, laboratoire de la langue et des idées politiques ». Membre du Département de recherches Transitions. Département de recherches sur le Moyen Âge tardif & la première Moderni-té de l’Université de Liège (ULg), ses travaux, à la croisée entre philologie et politique, portent sur les écrits italiens des XVe et XVIe siècles, en particulier les correspondances. Spécialiste du lexique politico-juridique de la Renaissance italienne et de l’histoire des concepts, elle s’intéresse également aux écrits artis-tiques (projet epistolART) et aux techniques modernes d’édition et de numérisa-tion de textes (informatisation de la correspondance guichardinienne). Ellénita DE MOL (1985) est doctorante en Histoire de l’Art à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) depuis octobre 2012. Elle fait partie du centre de recherches sociAMM. Elle a pour domaine de spécialisation la période des Temps Mo-dernes. Elle consacre sa thèse aux derniers triptyques, peints après 1585, qui ont servi de retable d’autel dans les anciens Pays-Bas méridionaux. Elle a pour but de les décrire et de les interpréter à l’intérieur de leur contexte de production, qui correspond à celui de la Réforme catholique et de l’émergence du Baroque. Ses recherches s’inscrivent dans le cadre théorique de récents travaux qui ont renou-velé le regard à l’égard du triptyque en rendant à sa structure particulière le rôle essentiel qu’elle joue dans la production de sens. Précédemment, Ellénita de Mol a étudié l’œuvre néogothique d’Edmond Van Hove, dans laquelle elle a notam-

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ment identifié l’influence des Primitifs flamands. Ses résultats ont été présentés à travers des articles et des communications. Yumiko MURANAKA est doctorante en co-tutelle, en Littérature Générale et Comparée à l’Université catholique de Louvain et en Littérature Française à l’Université Paris IV-Sorbonne. Cherchant à interpréter les œuvres de Margue-rite Yourcenar, d’une part, à travers les pensées de l’auteur sur l’art, et, d’autre part, à la lumière des tendances artistiques contemporaines à l’écrivain, elle prépare une thèse sur les rapports de cet auteur au néoclassicisme. Publications en français : « L’Œuvre au Noir de Yourcenar et la peinture : autour de la genèse textuelle et de l’école flamande » (2011 : Bulletin d’études de langue et de littérature françaises, n° 20, Tokyo : Société Japonaise de Langue et Littérature Françaises du Kanto, p. 101-114) ; « Motif du miroir et représentation de soi à travers L’Œuvre au Noir et Le Labyrinthe du monde de Marguerite Yourcenar » (2013 : Études de langue et littérature françaises, n° 102, Tokyo : Société Japonaise de Langue et Litté-rature Françaises, p. 105-120). Pascal PIROT est titulaire d’un master en histoire contemporaine obtenu à l’Université de Liège en janvier 2010. Actuellement aspirant F.R.S.-FNRS (Dépar-tement des Sciences historiques – Histoire contemporaine / Centre d’Histoire des Sciences et des Techniques – CHST) au sein de cette université, il prépare une thèse sur La Dynastie belge et la Science d’Albert Ier à la Commission nationale des sciences, 1909-1959 (sous la direction du Pr. Philippe Raxhon). Lara SARCEVIC termine actuellement sa thèse de doctorat en esthétique et philosophie de l’art à l’Université de Lille 3, sous la direction du professeur Bernard Sève. L’intitulé de sa thèse est : « Aporie du second degré : la forme à la quête d’une nouvelle autonomie. Réflexions sur le statut et le rôle de la discursi-vité théorique dans l’art contemporain depuis la fin des années soixante jusqu’à nos jours ». Ses recherches se consacrent à l’analyse de la constitution d’un nou-veau paradigme de la création plastique et de ses implications au regard des questions de jugement de goût et de l’expérience esthétique dans le contexte contemporain. Marc VANDERSMISSEN est diplômé en langues et littératures classiques de l’Université de Liège depuis 2010. Il est aujourd’hui aspirant F.R.S. – FNRS et poursuit ses recherches doctorales au sein du LASLA sur le discours féminin dans la tragédie grecque et latine avec une approche logométrique des textes.

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Sophie DUFAYS est licenciée en Langues et littératures romanes à l’Université catholique de Louvain (UCL). Elle a travaillé comme assistante pour le Centre d’Études Hispaniques de la même université. En 2008, elle a réalisé un séjour de recherche à Buenos Aires pour y préparer une thèse de doctorat sur la figure de l’enfant dans le cinéma argentin de la post-dictature, thèse à laquelle elle s’est consacrée pendant quatre ans avec le soutien d’une bourse FNRS et qu’elle a défendue en 2012. Elle a publié plusieurs articles sur les fonctions cinématogra-phiques du personnage enfantin et sur l’utilisation de l’allégorie au cinéma, dans des livres collectifs et des revues comme la Hispanic Review. Ses recherches ac-tuelles portent sur la rémanence du mélodrame comme (anti)modèle dans les cinémas mexicain et argentin contemporains. Elle vient d’obtenir un mandat FNRS de chargée de recherches pour réaliser ce projet. Katia HAYEK prépare actuellement une thèse de doctorat à l’Université de Lille 3 sous la direction du professeur Fiona McIntosh. Ses recherches portent sur le lien entre fiction et Histoire dans les romans de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècles. Parmi ses publications récentes, nous pouvons citer l’article « Re-présentations romanesques d’une figure historique : Jeanne d’Arc, jeune fille de France brûlée vive, de Max Gallo, à la lumière des textes de Voltaire et de Jules Michelet », publié dans le premier numéro de la revue en ligne Les Grandes Fi-gures historiques dans les Lettres et les Arts (Université de Lille 3, 2012). Hélène MIESSE a défendu en juin 2013 une thèse de doctorat en langue et lit-térature italiennes, intitulée « Le carteggio de Francesco Guicciardini, laboratoire de la langue et des idées politiques ». Membre du Département de recherches Transitions. Département de recherches sur le Moyen Âge tardif & la première Moderni-té de l’Université de Liège (ULg), ses travaux, à la croisée entre philologie et politique, portent sur les écrits italiens des XVe et XVIe siècles, en particulier les correspondances. Spécialiste du lexique politico-juridique de la Renaissance italienne et de l’histoire des concepts, elle s’intéresse également aux écrits artis-tiques (projet epistolART) et aux techniques modernes d’édition et de numérisa-tion de textes (informatisation de la correspondance guichardinienne). Ellénita DE MOL (1985) est doctorante en Histoire de l’Art à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) depuis octobre 2012. Elle fait partie du centre de recherches sociAMM. Elle a pour domaine de spécialisation la période des Temps Mo-dernes. Elle consacre sa thèse aux derniers triptyques, peints après 1585, qui ont servi de retable d’autel dans les anciens Pays-Bas méridionaux. Elle a pour but de les décrire et de les interpréter à l’intérieur de leur contexte de production, qui correspond à celui de la Réforme catholique et de l’émergence du Baroque. Ses recherches s’inscrivent dans le cadre théorique de récents travaux qui ont renou-velé le regard à l’égard du triptyque en rendant à sa structure particulière le rôle essentiel qu’elle joue dans la production de sens. Précédemment, Ellénita de Mol a étudié l’œuvre néogothique d’Edmond Van Hove, dans laquelle elle a notam-

CONTRIBUTEURS

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ment identifié l’influence des Primitifs flamands. Ses résultats ont été présentés à travers des articles et des communications. Yumiko MURANAKA est doctorante en co-tutelle, en Littérature Générale et Comparée à l’Université catholique de Louvain et en Littérature Française à l’Université Paris IV-Sorbonne. Cherchant à interpréter les œuvres de Margue-rite Yourcenar, d’une part, à travers les pensées de l’auteur sur l’art, et, d’autre part, à la lumière des tendances artistiques contemporaines à l’écrivain, elle prépare une thèse sur les rapports de cet auteur au néoclassicisme. Publications en français : « L’Œuvre au Noir de Yourcenar et la peinture : autour de la genèse textuelle et de l’école flamande » (2011 : Bulletin d’études de langue et de littérature françaises, n° 20, Tokyo : Société Japonaise de Langue et Littérature Françaises du Kanto, p. 101-114) ; « Motif du miroir et représentation de soi à travers L’Œuvre au Noir et Le Labyrinthe du monde de Marguerite Yourcenar » (2013 : Études de langue et littérature françaises, n° 102, Tokyo : Société Japonaise de Langue et Litté-rature Françaises, p. 105-120). Pascal PIROT est titulaire d’un master en histoire contemporaine obtenu à l’Université de Liège en janvier 2010. Actuellement aspirant F.R.S.-FNRS (Dépar-tement des Sciences historiques – Histoire contemporaine / Centre d’Histoire des Sciences et des Techniques – CHST) au sein de cette université, il prépare une thèse sur La Dynastie belge et la Science d’Albert Ier à la Commission nationale des sciences, 1909-1959 (sous la direction du Pr. Philippe Raxhon). Lara SARCEVIC termine actuellement sa thèse de doctorat en esthétique et philosophie de l’art à l’Université de Lille 3, sous la direction du professeur Bernard Sève. L’intitulé de sa thèse est : « Aporie du second degré : la forme à la quête d’une nouvelle autonomie. Réflexions sur le statut et le rôle de la discursi-vité théorique dans l’art contemporain depuis la fin des années soixante jusqu’à nos jours ». Ses recherches se consacrent à l’analyse de la constitution d’un nou-veau paradigme de la création plastique et de ses implications au regard des questions de jugement de goût et de l’expérience esthétique dans le contexte contemporain. Marc VANDERSMISSEN est diplômé en langues et littératures classiques de l’Université de Liège depuis 2010. Il est aujourd’hui aspirant F.R.S. – FNRS et poursuit ses recherches doctorales au sein du LASLA sur le discours féminin dans la tragédie grecque et latine avec une approche logométrique des textes.

L’ANNÉE MOSAÏQUE

Revue de jeunes chercheurs en sciences humaines Journal of Young Researchers in the Humanities

Comité de direction : Céline DE POTTER (Université de Lille 3 – Université Libre de Bruxelles), Loïc NICOLAS (Université Libre de Bruxelles), Aline WIAME (Uni-versité Libre de Bruxelles), Ewa WYREMBLEWSKI (Université de Lille 3).

Comité de lecture : Iwan BARTH (Université de Lille 3 – Université de Grenoble), Philippe BECK (Université Catholique de Louvain), Céline BENOIT, (Université de Lille 3), Xavier CORVELEYN (Université de Lille 3), Amaury DEHOUX (Université Catholique de Louvain), Augustin DUMONT (Facultés universitaires Saint-Louis), Victor FERRY (Université Libre de Bruxelles), Mehdi GHASSEMI (Université de Lille 3 – Katholieke Universiteit Leuven), Valérie GLANSDORFF (Université Libre de Bruxelles), Daniella ROSSI (Université Libre de Bruxelles), Bastien TOUNE (Uni-versité Libre de Bruxelles), Marc VANDERSMISSEN (Université de Liège).

Comité de patronage : Paul ARON (Université Libre de Bruxelles), Alessandro BERTINETTO (Università di Udine – Freie Universität Berlin), Joëlle CAULLIER (Université de Lille 3), Sylvie CONDETTE (Université de Lille 3), Fleur COURTOIS-L’HEUREUX (Université Libre de Bruxelles), Emmanuelle DANBLON (Université Libre de Bruxelles), Diane DESROSIERS-BONIN (Université Mc Gill), Julie DEVILLE (Université de Lille 3), Erika DURANTE (Université Catholique de Louvain), Mikhail KISSINE (Université Libre de Bruxelles), Dominique LONGRÉE (Université de Liège), Danielle LORIES (Université Catholique de Louvain), Arthur MULLER (Université de Lille 3), Marie-Geneviève PINSART (Université Libre de Bruxelles), Christelle REGGIANI (Université de Paris-IV), François ROBICHON (Université de Lille 3), Violaine SÉBILLOTTE-CUCHET (Université de Paris 1), Gian Maria TORE (Université du Luxembourg).

Administration et envoi des ouvrages pour recension : (1) Revue Mosaïque – ULB

Avenue F. D. Roosevelt, 50 C.P. 175

1050 Bruxelles BELGIQUE

(2) Revue Mosaïque – Univ. de Lille 3 École doctorale SHS Domaine du Pont de bois – B.P. 60149 59653 Villeneuve d’Ascq Cedex FRANCE

Site internet : http://revuemosaique.net

Adressez vos propositions d’articles ou de comptes rendus à : [email protected]

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Comité de direction : Céline DE POTTER (Université de Lille 3 – Université Libre de Bruxelles), Loïc NICOLAS (Université Libre de Bruxelles), Aline WIAME (Uni-versité Libre de Bruxelles), Ewa WYREMBLEWSKI (Université de Lille 3).

Comité de lecture : Iwan BARTH (Université de Lille 3 – Université de Grenoble), Philippe BECK (Université Catholique de Louvain), Céline BENOIT, (Université de Lille 3), Xavier CORVELEYN (Université de Lille 3), Amaury DEHOUX (Université Catholique de Louvain), Augustin DUMONT (Facultés universitaires Saint-Louis), Victor FERRY (Université Libre de Bruxelles), Mehdi GHASSEMI (Université de Lille 3 – Katholieke Universiteit Leuven), Valérie GLANSDORFF (Université Libre de Bruxelles), Daniella ROSSI (Université Libre de Bruxelles), Bastien TOUNE (Uni-versité Libre de Bruxelles), Marc VANDERSMISSEN (Université de Liège).

Comité de patronage : Paul ARON (Université Libre de Bruxelles), Alessandro BERTINETTO (Università di Udine – Freie Universität Berlin), Joëlle CAULLIER (Université de Lille 3), Sylvie CONDETTE (Université de Lille 3), Fleur COURTOIS-L’HEUREUX (Université Libre de Bruxelles), Emmanuelle DANBLON (Université Libre de Bruxelles), Diane DESROSIERS-BONIN (Université Mc Gill), Julie DEVILLE (Université de Lille 3), Erika DURANTE (Université Catholique de Louvain), Mikhail KISSINE (Université Libre de Bruxelles), Dominique LONGRÉE (Université de Liège), Danielle LORIES (Université Catholique de Louvain), Arthur MULLER (Université de Lille 3), Marie-Geneviève PINSART (Université Libre de Bruxelles), Christelle REGGIANI (Université de Paris-IV), François ROBICHON (Université de Lille 3), Violaine SÉBILLOTTE-CUCHET (Université de Paris 1), Gian Maria TORE (Université du Luxembourg).

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L’Année Mosaïque, revue interdisciplinaire de jeunes chercheurs en sciences humaines (Lille Nord de France et Belgique), publie exclusi-vement des numéros thématiques issus d’appels à propositions. Elle encourage toutefois les contributeurs à soumettre des articles inédits en varia. Financée par le F.R.S.-FNRS, le Collège doctoral européen et l’École doctorale SHS de l’Université Lille –Nord de France, L’Année Mosaïque paraît une fois par an. Elle reçoit par ailleurs le soutien logistique de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Libre de Bruxelles. La revue invite au dialogue entre disciplines, entre traditions de pen-sée, entre pratiques scientifiques. Complémentaire de la plateforme électronique Mosaïque, elle offre un espace de diffusion et de discus-sion des recherches les plus originales et novatrices. En français ou en anglais, les articles soumis font l’objet d’une double expertise par un comité de lecture international.