Mamma li Turchi ! Politique et religion face à la menace turque (Frioul, Italie, XVe-XVIe siècles)

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Mamma li Turchi ! Politique et religion face à la menace turque (Frioul, Italie, XVe-XVIe siècles). Andrea Martignoni Résumé Entre la fin du XIV e siècle et la première moitié du XV e siècle, Venise se lance dans une progressive et méthodique conquête des territoires continentaux donnant naissance à ce qu’on appelle la Terre Ferme, autrement dit le Stato di terra vénitien. La Patria del Friuli n’échappe pas à ces annexions. Gouvernée depuis des siècles, par le patriarche d’Aquilée, prince ecclésiastique et puissant seigneur féodal, tombe aux mains des Vénitiens en 1420 avec la reddition de la capitale Udine. Au même moment et pendant tout le XV e siècle et le début du XVI e siècle, le Frioul est sous le coup de la menace turque et subit même toute une série d’incursions meurtrières. Plutôt que de retracer de manière exhaustive l’histoire événementielle de cette présence ottomane au Frioul, l’article se propose de mettre en lumière les politiques adoptées par les autorités communales pour contrer ces menaces. Dans ces stratégies, la recherche de protecteurs spirituels tient une place de première importance tout comme le rituel processionnel à travers lequel demander la miséricorde divine, faire pénitence ou célébrer les victoires emportées contre les infidèles. Face à l’ennemi, un intercesseur spécial a été sollicité et honoré publiquement. Il s’agit de saint Joseph qui, de Venise au Frioul, apparaît donc comme le protecteur et le sauveur idéal des communautés pliées sous le joug des incursions ottomanes. Andrea Martignoni est né en Suisse en 1976. Il a soutenu en 2007 une thèse de doctorat intitulée Mots et gestes de la foi. Une anthropologie religieuse du Frioul à la fin du Moyen Âge, thèse dirigée par Élisabeth Crouzet-Pavan de l’Université de Paris- Sorbonne (Paris IV). Il enseigne actuellement l’histoire médiévale à l’Institut catholique de Paris. Ses recherches postdoctorales portent sur les relations entre médecine et spiritualité en Italie à la fin du Moyen Âge. Parmi ses publications récentes : « Des lions dans la ville. Triomphe et décadence de l’image de saint Marc dans la Terre Ferme (XV e -XVI e siècle) », Memini. Travaux et documents, 13, 2009, pp. 47-65 ; « Entre textes et images. La performativité processionnelle chez les flagellants dans l’Italie de la fin du Moyen Âge », in Medialität der Prozession. Perfomanz ritueller Bewegung in Texten und Bildern der Vormoderne – Medialité de la procession. Performance du mouvement rituel en textes et en images à l’époque pré-moderne, sous la direction de Katja GVOZDEVA et Hans Rudolf VELTEN, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2011, pp. 211-228. [email protected] Les éphémères incursions des Turcs à la fin du Quattrocento avaient empli l’extrême

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Mamma li Turchi ! Politique et religion face à la menace turque(Frioul, Italie, XVe-XVIe siècles).

Andrea Martignoni

RésuméEntre la fin du XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle, Venise se lance dans uneprogressive et méthodique conquête des territoires continentaux donnant naissance àce qu’on appelle la Terre Ferme, autrement dit le Stato di terra vénitien. La Patria delFriuli n’échappe pas à ces annexions. Gouvernée depuis des siècles, par le patriarched’Aquilée, prince ecclésiastique et puissant seigneur féodal, tombe aux mains desVénitiens en 1420 avec la reddition de la capitale Udine. Au même moment et pendanttout le XVe siècle et le début du XVIe siècle, le Frioul est sous le coup de la menaceturque et subit même toute une série d’incursions meurtrières. Plutôt que de retracerde manière exhaustive l’histoire événementielle de cette présence ottomane au Frioul,l’article se propose de mettre en lumière les politiques adoptées par les autoritéscommunales pour contrer ces menaces. Dans ces stratégies, la recherche deprotecteurs spirituels tient une place de première importance tout comme le rituelprocessionnel à travers lequel demander la miséricorde divine, faire pénitence oucélébrer les victoires emportées contre les infidèles. Face à l’ennemi, un intercesseurspécial a été sollicité et honoré publiquement. Il s’agit de saint Joseph qui, de Veniseau Frioul, apparaît donc comme le protecteur et le sauveur idéal des communautéspliées sous le joug des incursions ottomanes.

Andrea Martignoni est né en Suisse en 1976. Il a soutenu en 2007 une thèse dedoctorat intitulée Mots et gestes de la foi. Une anthropologie religieuse du Frioul à lafin du Moyen Âge, thèse dirigée par Élisabeth Crouzet-Pavan de l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV). Il enseigne actuellement l’histoire médiévale à l’Institut catholiquede Paris. Ses recherches postdoctorales portent sur les relations entre médecine etspiritualité en Italie à la fin du Moyen Âge. Parmi ses publications récentes : « Des lionsdans la ville. Triomphe et décadence de l’image de saint Marc dans la Terre Ferme(XVe-XVIe siècle) », Memini. Travaux et documents, 13, 2009, pp. 47-65 ; « Entretextes et images. La performativité processionnelle chez les flagellants dans l’Italie dela fin du Moyen Âge », in Medialität der Prozession. Perfomanz ritueller Bewegung inTexten und Bildern der Vormoderne – Medialité de la procession. Performance dumouvement rituel en textes et en images à l’époque pré-moderne, sous la direction deKatja GVOZDEVA et Hans Rudolf VELTEN, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2011,pp. [email protected]

Les éphémères incursions des Turcs à la fin du Quattrocento avaient empli l’extrême

province d’Italie d’une peur sans limites, presque superstitieuse.Ippolito Nievo, Le confessioni di un Italiano [1].À l’automne 1415, un contingent de soldats turcs pénètre dans les territoires de l’Étatpatriarcal du Frioul [2]. Les autorités communales d’Udine, capitale de la Patria delFriuli, s’empressent d’adopter des dispositions visant à renforcer les fortifications de laville. Un peu moins d’un siècle plus tard, dans une réunion du conseil citadin, laquestion turque est à nouveau à l’ordre du jour. Le lieutenant vénitien Antonio Loredan– haut fonctionnaire de la Sérénissime en charge de ces territoires après leur conquêtepar Venise en 1420 [3] – prend la parole devant les membres du conseil. Nous sommesle 19 mars 1500. Au terme d’un discours-fleuve de politique générale, il demande qu’onédifie, dans la cathédrale, deux chapelles : l’une dédiée à saint Marc, l’autre à saintJoseph.En apparence, rien ne semble relier les deux événements, la menace turque etla construction de deux chapelles. Le fait que les pouvoirs publics soient à l’origined’une politique religieuse et promeuvent la réalisation d’œuvres dévotionnelles nesurprend guère puisque l’on sait que les communes italiennes ont joué un rôle depremier plan dans l’organisation et l’encadrement de la vie religieuse et des dévotionsurbaines, notamment en ce qui concerne la promotion du culte de ces « opérateurscélestes » que sont les saints, saints patrons mais aussi saints en tout genre [4]. Lechoix des deux saints, Marc et Joseph, n’est pas non plus très surprenant. Saint Marc,en effet, à la fin du XVe siècle, tient le rôle de saint patron de la ville [5] et l’on saitaussi, grâce aux travaux de Paul Payan, que le culte de saint Joseph, père putatif duChrist et époux fidèle de la Vierge Marie, connaît, à ce moment-là, un grandsuccès [6]. De plus, le 19 mars est, depuis 1481, le jour officiel de sa fête. Toutefois, sil’on prend le temps de lire jusqu’au bout le discours de Loredan, on découvre qu’un liende cause à effet est l’origine du choix de saint Joseph. Le lieutenant précise en effetque ladite chapelle doit permettre de rendre des honneurs solennels à Joseph puisquece dernier joue un rôle de premier plan dans le combat contre les Turcs en assurant àla population une protection miraculeuse face à leur férocité destructrice [7].Laproposition de Loredan n’est qu’une parmi les nombreuses stratégies déployées etpréconisées par les pouvoirs publics, tout au long du Quattrocento, afin de faire face àun lourd contexte de guerre et de menaces. Elle offre néanmoins l’occasion des’interroger sur un certain nombre de points significatifs comme la perception del’ennemi, les réactions et les comportements collectifs dictés par la présenceangoissante des Turcs et la place des dévotions dans l’arsenal des réponsesrecherchées en temps de crise.

Le contexte spirituel en cette fin du Moyen Âge est caractérisé par une religiositédramatique nourrie par une angoisse apocalyptique et eschatologique, sans cessenourrie et réactualisée par une multitude de prédicateurs, ermites et prophètes quisillonnent la péninsule italienne et se font les chantres véhéments d’une pastoralepénitentielle ou « pastorale de la peur » [8]. En dénonçant les péchés, ils en appellent

à la repentance et à la conversion car, rappellent-ils, « le règne des cieuxapproche » [9]. En analysant les miracles, les signes et les prophéties qui se sontmultipliés à Venise surtout après 1480, Élisabeth Crouzet-Pavan remarquait, rejoignantainsi les nombreuses études qui ont mis en relief l’évolution des sensibilités religieusesen cette période [10], que « des signes convergents, à partir des années 1480,prouvent la dramatisation du climat spirituel dans la péninsule » [11]. Apparitions,prodiges, catastrophes naturelles, naissances monstrueuses sont autant dephénomènes qui engendrent et entretiennent une panique collective. Les temps sontceux d’une véritable « prolifération du monstrueux » [12] et multiplications de signesinquiétants, d’autant que l’actualité géopolitique en ces années-là semble propice à lavenue imminente de la fin des temps [13] : une situation politique des plus troubléesmarquée par des conflits et des rivalités incessantes, marquée aussi par la descenteen Italie de Charles VIII, perçu comme le roi messianique des derniers temps, nouveauCyrus ou nouveau Charlemagne, venu rétablir la paix, réformer l’Église et poser lesfondations d’un monde nouveau [14] ; et bien évidemment marquée aussi par unemenace turque exponentielle.

Les Turcs font donc pleinement partie de ces signes annonciateurs d’une colère divineen marche. À partir de la chute de Constantinople, au mois de mai 1453, leur avancéevers les côtes de la péninsule italienne apparaît irréfrénable [15]. C’est bien au cœur dece contexte de crise qu’il faut replacer l’histoire de la perception des Turcs au Frioul etdes réactions que leur venue a déclenchées. Cette histoire se caractérise par plusieurscritères qu’il convient de souligner. Deux facteurs clés d’abord : la présence effectivedes Turcs au Frioul et le sentiment de peur qu’aux dires notamment des chroniqueursils engendrent. Deux acteurs ensuite : les pouvoirs politiques et les confréries engagésles uns comme les autres dans la gestion au quotidien de ces crises et la quête deréponses adaptées. Et enfin, deux stratégies : l’une pragmatique visant à réagirmilitairement et à renforcer les fortifications des villes, l’autre spirituelle destinée àrassurer et à protéger la communauté en invoquant la miséricorde et l’intercessiondivines.

Ennemis redoutés de la Chrétienté [16], les Turcs accomplissent, entre le XIVe et leXVIe siècle, des conquêtes significatives qui les approchent toujours plus des rives dela Méditerranée occidentale : sous les commandements du sultan Murad Ier (1359-1389) d’abord, de Bajazet Ier (1389-1402), de Mehmet Ier (1413-1421) et surtout deMehmet II (1451-1481), qui conquit Constantinople, et enfin de Bajazet II, dit « lafoudre » (1481-1512), l’Occident assiste aux fulgurantes victoires turques. Lestrophées de guerre se succèdent : de la Morée du Sud à Trébizonde, d’Otrante auxBalkans. Au Frioul, nous l’avons rappelé au début de ce texte, une des premièresincursions a lieu en 1415 [17]. Les travaux de Maria Pia Pedani ont permis de mieuxcomprendre les spécificités de ces opérations militaires. La tactique des troupes

ottomanes est fondée sur la rapidité des incursions qui déroutaient les défensesfragiles que Venise tentait d’organiser aux confins orientaux de la Patria du Frioul. Lesscorribande (razzias éclairs) ne sont pas l’œuvre de l’armée régulière, mais des akinci,des troupes légères envoyées en éclaireurs sur le territoire ennemi pour mieuxcomprendre les systèmes de défense et prendre la mesure des forces déployées oupour faire diversion lorsqu’une attaque était lancée ailleurs [18]. Ces razziatori dellafrontiera (ces pilleurs des frontières) se déplacent en petit nombre et sontessentiellement payés sur les butins qu’ils arrivent à amasser lors de leurs incursions :ils ne s’arrêtèrent en territoire ennemi que treize jours au mois de novembre 1477 etquatre en juillet 1478. Venise, pour contrer la menace, préfère s’appuyer sur desmilices locales (cernide), plutôt que sur les compagnies de ventura (milices demercenaires conduites par un condottiere). Ces milices territoriales, assezdésorganisées et lentes, n’arrivent pas, en règle générale, à capturer ou écraserl’ennemi. Mais c’est surtout dans la deuxième moitié du XVe siècle que les incursionss’intensifient et se radicalisent, laissant derrière eux la désolation, la mort et bienentendu la peur d’une nouvelle attaque.

Des inquiétudes sur la fragilité militaire des confins orientaux du Frioul avaient étéaussi exprimées au cours du XIVe siècle, comme en témoignent les archives de lachancellerie patriarcale étudiées par Ivonne Zenarola Pastore [19]. Le 15 mars 1351, eneffet, le pape avignonnais Clément VI avait ordonné de recueillir dans le diocèsed’Aquilée les décimes biennales et triennales pour financer les dispositifs de défensecontre les Turcs [20]. Un mois après, le 24 avril 1351, le vicaire patriarcal confirma quele chapitre de Santa Maria de Cividale del Friuli avait acquitté la somme de quatorzemarcs et demi et seize deniers pour la collecte ordonnée par Clément VI [21]. Au moisd’août 1415, le patriarche lance un appel. Il faut rassembler des arbalétriers et desgens d’armes pour combattre les Turcs [22]. Les autorités d’Udine décident derecruter un contingent militaire de fantassins composé de vingt-cinq arbalétriers et deles envoyer dans les zones menacées afin de contrer l’avancée turque. Ce ne sont pasles habitants de la ville qui sont recrutés mais des étrangers, des forenses, qui partenten première ligne [23]. Il est aussi demandé aux paysans de la Patria de porter main-forte aux soldats en leur fournissant du blé et de quoi subsister pendant la campagnemilitaire [24]. Roberto Tirelli a analysé, l’une après l’autre, les invasions turques [25].Les différences sont notables : chronologiquement, la plupart des invasions se situentdans le deuxième tiers du XVe siècle ; les itinéraires diffèrent tout comme l’intensitédes raids ; les dommages causés aux territoires et aux populations varient aussi debeaucoup d’une incursion à l’autre. Parmi les zones touchées et les itinérairesempruntés par les Turcs, le premier est celui qui longe le fleuve Isonzo ; il a pour pointde pénétration Gorizia, où, par conséquent, se sont concentrées les initiatives defortification. Les Turcs traversent aussi ce qu’on appelle la Bassa Friulana, au cœur delaquelle, Venise construit, bien plus tard, en 1593, la ville « étoile » de Palmanova [26].

Palmada, Gonars, Fauglis, Felettis sont parmi les villages qui ont subi l’assaut desTurcs, notamment en 1477. Aux alentours d’Udine, mais aussi dans les environs dePordenone, les Ottomans menacent la population à plusieurs reprises, ce qui confirmeque leur pénétration ne se limita point aux zones frontalières orientales, mais qu’ellealla bien jusqu’au cœur de la Patria. Grâce à la paix signée entre Venise et les Turcs le23 février 1479, les incursions cessent pendant vingt ans avant que les Turcs nereviennent en force en 1499 lors d’une des campagnes militaires les plus terribles detout le XVe siècle. Venise, dans sa politique de militarisation des territoires du Frioul,nomme Andrea Zancani proviseur général de la Patria del Friuli, autrement dit chef desopérations militaires. Sous ses ordres directs, il avait sept cents stradiotes. DomenicoBollani, le lieutenant de la Patria, estime pouvoir mobiliser seize mille fantassins pouraller combattre les Turcs. Le 25 septembre 1499, à Venise, on annonce que ceux-cisont prêts à envahir le Frioul avec quinze mille soldats guidés par leur redoutable chefIskender [27].

Les chroniqueurs contemporains retracent le cours des événements tout en soulignanten chœur la violence inouïe des Turcs. Dans un petite chronique, le liber familiaris deNicolò Maria di Strassoldo (1437-1511), noble frioulan, on peut lire : « Samedi, 28septembre 1499, près d’Aviano avec une cruauté jamais vue ils mettent à feu et à sangune multitude de villages en massacrant huit mille personnes » [28]. Le chroniqueurGirolamo Priuli, dans ses Diarii (1494-1527) [29], raconte que les habitants de Trévise,sous l’emprise de la peur que leur procurait le déchaînement de ces « chiensenragés » n’osaient plus sortir de leurs maisons et se barricadaient derrière leursportes [30]. Il décrit également le désespoir et la souffrance de ce « pauvre peuple duFrioul qui a reçu un terrible coup de bâton sur la tête » et déplore l’innombrablequantité de morts que ces incursions provoquent [31]. Le nombre des mortsimpressionne [32] tout autant que l’importance numérique des Turcs aussi. Selon letémoignage que livre Nicolò Maria Strassoldo, ils seraient 10000 à avoir passél’Isonzo [33]. Pour Francesco Guichardin, ce sont 6000 cavaliers turcs qui ontparcouru la Patria, mise à sac et atrocement pillée [34].

Les témoignages, dont on ne peut ici donner qu’un succinct aperçu, insistent sur lesentiment de peur et d’angoisse. Une peur qui se fonde d’abord sur la cruauté et laviolence sans pareille des Turcs à l’égard d’une population impuissante. Violents etsans scrupules, les Turcs massacrent, pillent, violent, brûlent, capturent desprisonniers, détruisent les récoltes, endommagent maisons, églises et palais, et s’envont aussi vite qu’ils sont arrivés. Produit d’une situation réelle et dramatique, cettepeur trouve aussi ses origines dans le discours apocalyptique du temps. À la virulencedes incursions militaires se superpose en effet une dimension eschatologico-religieusequ’il ne faudrait pas sous-estimer. Les Turcs, en effet, sont souvent perçus comme lesprécurseurs de l’Antéchrist voire comme l’Antéchrist lui-même [35]. John Tolan, à

propos des premières réactions des Chrétiens d’Orient face à la diffusion de l’Islam,affirme que pour « certains auteurs chrétiens, les envahisseurs arabes étaient un peuplus qu’un simple châtiment divin, ils étaient les acteurs du drame divin des derniersjours » [36]. Une longue et riche tradition textuelle, qui remonte au Pseudo-Méthode [37], associe les Turcs à la figure de l’Antéchrist à travers un intéressantprocessus d’individualisation historique de l’Ennemi [38]. Personnage central del’eschatologie apocalyptique [39], incarnation du mal et récapitulation de tous lesmaux, l’Antéchrist, l’Ennemi Ultime, dont l’apparition précèdera le Jugement Dernier,doit régner sur le monde quelques temps avant sa fin. Son règne sera marqué pard’abominables blasphèmes, de faux miracles et de terribles persécutions envers lesfidèles chrétiens [40]. Chaque conquête militaire des Turcs conduit à une puissanteréactualisation des images et des peurs eschatologiques relayées dans les milieuxecclésiastiques mais aussi par les prédicateurs. Si l’Antéchrist cristallise donc l’universdu mal, du péché et de la tentation, se fait jour en Occident, surtout à partir de labiographie du moine Adson, une interprétation de plus en plus personnalisée del’Antéchrist. On l’identifie alors à un personnage historique parfois du passé, le plussouvent du présent et quelquefois aussi du futur [41]. Il s’agit d’un processusd’individualisation historique de l’Ennemi. Le Turc, en ce XVe siècle, est l’autre parexcellence : il fascine et il effraye. Le pape Pie II témoigne, dans ses Commentariirerum memorabilium, du choc qui frappa l’Occident à la prise de Constantinople :

Pendant ce temps, les Turcs, qui étaient déjà maîtres de l’Asie Mineure et de la majeurepartie de la Grèce, assiégèrent Constantinople, la capitale de l’empire d’Orient, la seulecité de Thrace qui résistait au joug de Mahomet [Mahomet II, le sultan ottoman] ; aprèsun siège de treize jours, ils prirent la ville d’assaut, la pillèrent, tuèrent l’empereurConstantin [Constantin XI Dagrès, dernier empereur byzantin], égorgèrent presquetous les nobles, réduisirent la population en esclavage et souillèrent la très célèbreéglise Sainte Sophie et toutes les basiliques de la cité royale d’immondicesmahométanes. Ce fut une funeste nouvelle pour les Chrétiens […] [42].

De nombreux auteurs du Quattrocento, à l’appui d’anciens textes prophétiques, ontrédigé des traités sur les Turcs en interprétant la menace ottomane dans un sensapocalyptique. Ainsi, Georges de Hongrie, auteur d’un Tractatus de moribus,condicionibus et nequitia Turcorum, rédigé un peu avant 1480, assimile le Turc à lafigure de l’Antéchrist [43]. Comme Mahomet lui-même a été considéré comme leprécurseur de l’Antéchrist [44], les Turcs, suppôts de Satan, le deviennent aussi,annonçant, par les dévastations sanglantes dont ils sont les acteurs, sa venuetriomphale [45]. C’est par exemple ce que soutient le cardinal Bessarion à propos dusultan Mehmet II. Idolâtres, assoiffés de sang, blasphémateurs, hypocrites, les Turcsincarnent le mal absolu [46]. Les témoignages se succèdent et se répètent endénonçant, dans une fervente propagande anti-ottomane, les atrocités et les

profanations accomplies par ces ennemis de la foi. Déjà à la fin du XIVe siècle, leurcruauté était mise en avant. Dans la chronique de Saint Denis, l’auteur, rapportant lespropos d’un ambassadeur du roi de Hongrie en 1395, écrivait :

» Les Turcs dépouillent les églises de leurs ornements sacrés ; ils enlèvent les enfantspour les instruire dans leurs croyances impures et leur apprendre à renier le nom deDieu vivant, ou les égorgent comme des victimes, et en font autant de martyrs. Leurfureur sacrilège ne respecte aucun lieu et n’épargne personne. Ils outragent lesprêtres, déshonorent les jeunes filles, et exercent même leur brutalité sur les femmesque leur âge devrait protéger [47]. »

Leur religion, cette « immondice mahométane » dont parle Pie II, est perçue comme unabominable syncrétisme dans lequel se mélangent la perfidie des Juifs, les fauxenseignements de Mahomet, mais aussi un composé des différentes hérésieschrétiennes. L’image ne peut être plus dénonciatrice. Encore le pape Pie II :

» Ce peuple, ennemi de la Sainte Trinité, suit la doctrine d’un faux prophète du nomde Mahomet, un Arabe imprégné d’erreurs païennes et de perfidie judaïque, mais aussiinfluencé par des Chrétiens atteints par les souillures du nestorianisme et del’arianisme [48]. »

De même que la confusion entre les Turcs et les Sarrasins est fréquente, lesinterprétations eschatologiques varient. Il serait cependant inexact de croire que lesTurcs incarnent systématiquement l’Antéchrist. L’analogie sert aussi d’instrumentefficace pour pousser à la conversion des âmes. Rosa Maria Dessì l’a bien montré enétudiant les prêches véhéments de Michele Carcano et de Bernardin de Sienne. Dansleurs sermons, « l’Antéchrist est interprété dans un sens essentiellement moral, poursusciter la crainte chez les auditeurs et les inciter à la pénitence » [49]. Denombreuses prophéties circulent aussi contribuant à intensifier ce climat d’angoissetout en annonçant la victoire finale de la Chrétienté sur les infidèles [50]. Il n’empêcheque l’éventualité d’une croisade ressemble plus à un rêve avorté. La papauté tente envain en effet de transformer en réalité le rêve d’une nouvelle croisade et de convaincreles princes chrétiens de lever leurs armées pour stopper l’avancée ottomane [51]. C’estPie II qui, élu sur le trône de Pierre le 19 août 1458, incarne le mieux le désir d’uneguerre sainte [52]. Ce sont toujours ses Commentarii qui soulignent l’urgence de lalutte contre les Turcs. Par une bulle du 13 octobre 1458, le pape convoque donc tousles princes chrétiens au congrès organisé à Mantoue, entre le 26 septembre 1459 etjanvier 1460, pour préparer la croisade [53].

» Prenant peur de ce venin, Pie décida de s’opposer à ce qu’il pénètre plus avant.Cependant, il ne comptait pas seulement sur lui-même, c’est-à-dire sur les forces duSiège apostolique, car la victoire sur les Turcs ne pouvait être l’œuvre de tel ou tel

royaume, mais il demandait l’effort de toute la chrétienté. […] La question qui se posaitétait de savoir où il faudrait tenir ce congrès. Il sembla préférable de le réunir non loindes Alpes, dans un endroit qui serait à mi-chemin du pontife romain et des roistransalpins. Deux lieux furent proposés : Udine, une ville du Frioul, sujette desVénitiens, et Mantoue, en Gaule Cisalpine. Ainsi, si l’une des villes était rejetée, l’autres’offrirait immédiatement. En vérité, le pape redoutait ce qui devait arriver par la suite :dans la crainte des troupes turques, les Vénitiens fermèrent l’accès à Udine [54].

Mais l’échec du projet est la démonstration éclatante que le rêve de guerre sainte n’estplus d’actualité au XVe siècle. Il est impossible de réunir une Europe chrétienne. Despromesses sont formulées, notamment par l’ambassadeur du duc de Bourgogne,Philippe le Bon, et par le duc de Milan, Francesco Sforza, qui était prêt à s’engager sitoutefois la situation italienne le permettait. En août 1464, Pie II attend patiemment àAncône l’arrivée des navires vénitiens : la croisade semble sur le point de sedéclencher. Mais, malade, le pape meurt et emporte avec lui, les yeux rivés vers la mer,son désir de défendre la Chrétienté, alors que la flotte vénitienne n’est pas au rendez-vous [55].

Les raisons de cet échec sont autant politiques qu’économiques. Partir en guerrecontre les Turcs coûte cher et risque de compromettre le commerce dans laMéditerranée, source de revenus, notamment pour Venise. Le désir du profitl’emporterait alors sur le salut de l’âme, qui était, aux dires de Pie II, le vrai gain d’unetelle expédition vouée à la défense de la foi chrétienne :

» Contre les Turcs, en revanche, on livre des combats sanglants et il n’y a rien àgagner, sinon le salut de l’âme […] défense de la religion […] combattre au nom duChrist contre les Turcs impies [56]. »

Ce qui se passe au Frioul, donc, fait écho à un scénario maintes fois annoncé et ré-annoncé. Comment éviter alors que les villes de cette région et tout spécialement sacapitale, Udine, ne deviennent une « nouvelle Constantinople » ?

Les nouvelles circulent vite, surtout celles qui rapportent la barbarie des Turcs. Parconséquent, à chaque incursion, l’alarme est donnée dans les villes du Frioul. Ce sontles cloches urbaines qui préviennent les habitants. Dans la galaxie fascinante desbruits de la ville, le son des cloches demeure le bruit par excellence de l’espace urbain.Non seulement, ces cloches rythment le temps ou annoncent les grandes fêtes, maiselles sont l’instrument qui avertit la collectivité des dangers, qu’il s’agisse de latempête ou des guerres [57]. En 1499, par exemple, les autorités communales d’Udineordonnent que l’on fasse sonner la grande cloche de la ville pour avertir du dangerimminent [58]. Il faut également défendre et protéger la population. Les incursions de1499, même si elles n’atteignent pas la capitale, ont des conséquences directes sur

l’économie de la ville et de la Patria tout entière. Une ordonnance communale du 23septembre 1499 rappelle aux habitants d’Udine l’importance des efforts que tousdoivent fournir pour consolider les fortifications [59]. Chaque habitant, à la mesure deses moyens, doit construire des mantelletti, c’est-à-dire des sortes de palissades enbois mobile derrière lesquelles se réfugier ou par lesquelles protéger la maison [60]. Laville doit, avec la collaboration de chacun, devenir un refuge sûr. Les fortifications, quisont sans cesse revues et améliorées, ont justement cette fonction et deviennent unepréoccupation constante des autorités urbaines.

Parallèlement à ces interventions pragmatiques et concrètes, d’autres dispositions,cette fois ici d’ordre spirituel, sont prises. Elles visent à garantir à la cité les bienfaits del’intercession divine [61]. Comme lors des épidémies de peste [62], l’instrumentprivilégié pour réactualiser ce dialogue fragile mais néanmoins indispensable avec ledivin est la procession. En dépouillant les registres des délibérations urbaines et lescomptes des différentes confréries, l’on constate que les processions se multiplient aurythme des menaces qui pèsent sur la collectivité citadine. À l’approche des Turcs etpendant les pillages, une véritable « manie processionnelle » se met en place [63]. Lesconfréries urbaines, nombreuses à Udine comme dans la plupart des villes italiennesde cette époque, sont à l’origine de cette intense activité rituelle. En ce qui concerneles processions liées aux Turcs, il est possible d’en distinguer quatre types distincts.

Le premier est celui des processions qu’on pourrait définir comme expiatoires. Ce sontles plus nombreuses. Entre 1462 et 1463, puis en 1470, alors que les craintes desincursions ne cessent d’augmenter, des confréries d’Udine organisent à plusieursreprises des processions solennelles [64]. Ces cortèges se caractérisent par leurfinalité avant tout prophylactique et pénitentielle. Ce sont des « prières enmouvement » adressées à Dieu en vue d’obtenir sa miséricorde. Dans une lettre, Literaad placandum Dominum contra Turcos pro nobis, écrite probablement par le doyen duchapitre collégial d’Udine le 18 février 1478, autrement dit juste avant le traité de paixentre Venise et les Turcs, est lancé un appel à la population de la ville. Le danger est là,les Turcs pointent leur nez aux confins de la Patria. Que faut-il faire ? D’abord, acte depénitence : jeûner, prier, pleurer. Mais ce n’est qu’une première étape. Le cœur dechacun doit s’engager sur le chemin d’une profonde conversion tout commel’ensemble de la collectivité urbaine doit se mobiliser dans se sens. Il faut doncaccomplir toujours plus de processions pour réclamer le pardon divin. Les massacresaccomplis par les Turcs, ces « chiens enragés » comme le rappellent les textes,apparaissent donc, dans cette optique pénitentielle, comme la conséquence directe dupéché dans lequel baigne la société. Les Turcs sont ainsi une punition, un fléau deDieu, flagellum Dei, destiné à punir les pécheurs et les nouvelles Babylone [65].

Au cœur de l’espace urbain, les autorités communales n’ont de cesse, parallèlement et

avec l’aide des prédicateurs qui haranguent les foules, d’attirer l’attention et destigmatiser les mauvais comportements. Le constat dressé, en 1461, à Udine par frèreGiacomo de Furlinio, prédicateur franciscain, est tout sauf reluisant :

» Dans cette ville d’Udine, il y a de nombreux blasphémateurs de Dieu et de labienheureuse Vierge Marie mais aussi des vandales qui par des manières variées etnombreuses profèrent des paroles abominables et accomplissent des actes exécrablescontre les images représentant la très sacrée Majesté divine et la Vierge Marie [66]. »

Si les vices des hommes sont la cause de la venue de grands malheurs, du règne del’Antéchrist, ici incarné par les Turcs, la procession est le rite par lequel demanderpénitence et faire expiation, par le corps et la voix en mouvement. Parallèlement, lesdirigeants de la cité élaborent toute une série de lois afin de mieux assurer le respectde la dimension sacrée et de condamner tout acte sacrilège : on condamne le non-respect des fêtes d’obligation, on condamne les blasphèmes et on met soussurveillance accrue les lieux sacrés au cœur de la ville. On tente ainsi, inlassablement,de discipliner la société urbaine recherchant une adéquation plus parfaite avec lemodèle de la Jérusalem céleste [67].

Le deuxième type est celui des processions pour la paix. Elles sont notammentorganisées pour fêter la paix fraîchement conclue entre Venise et les Turcs [68]. Ainsi,pour ne citer qu’un exemple, la confrérie de San Cristoforo à Udine finance un cortègeavec des cierges pour la saluer [69].

Le troisième type de procession célèbre quant à lui non pas la paix mais la victoire queles Chrétiens ont remportée sur leurs ennemis [70]. Une telle célébration, trèssolennelle, est organisée par la confrérie de San Giacomo d’Udine au mois d’août1456 [71]. Ce que l’on commémore est la victoire des chrétiens contre les impies, lavictoire de la vraie foi contre la fausse.

Le quatrième et dernier type est celui des processions pour soutenir et promouvoir ledépart à la croisade. Elles font en quelque sorte écho aux bulles pontificales, commecelle qui est lue dans la cathédrale, le 13 octobre 1458, à Cividale [72]. Par ces bullesd’indulgence, le pape incite la chrétienté à s’engager dans la lutte armée contre lesTurcs. Des privilèges d’indulgence sont alors accordés. L’évêque Nicolò, qui a dû fuirson diocèse dalmate devant l’avancée turque, se réfugie à Gemona. Ainsi il est àl’origine de deux indulgences extraordinaires : la première date de 1464. Elle estdonnée à un certain Bartolomeo, maître d’école, et élargie à toute sa famille, parce qu’ilavait offert de l’argent pour la croisade ; la seconde, datée du 20 décembre 1463, estdestinée à Giovanni, fils de feu Giovanni, à sa femme Teodora et à ses enfantsCristoforo et Dorotea, parce qu’ils ont contribué eux aussi à la récolte de fonds en vuede la croisade. Les destinataires de ces indulgences sont donc autorisés à choisir un

confesseur privé pour recevoir l’absolution de tous leurs péchés [73]. Ils obtiennentainsi une indulgence plénière qui, d’habitude, était concédée à ceux qui avaient visité,l’année du jubilé, les églises de Rome ou qui s’étaient rendus en pèlerinage jusqu’enTerre Sainte [74]. Le caractère exceptionnel de ces indulgences s’inscrit dansl’urgence, à son tour exceptionnelle, du combat pour la victoire sur les Turcs. À Udine,l’appel à la croisade est relancé avec force au tout début du XVIe siècle. La menaceturque, on le voit, est loin de s’être estompée après l’incursion de 1499. Uneindulgence est accordée à ceux qui apporteraient un soutien à la croisade. Il fautrécolter de l’argent et ce sont les associations confraternelles qui sont appelées àcontribuer d’abord à cette mission. Ainsi, en 1501, la confrérie de San Giacomo met àdisposition une somme de douze livres et huit deniers [75], et organise l’annéesuivante une nouvelle procession pour la croisade en soutien à l’expédition armée [76].Si les confréries tiennent une part essentielle dans l’organisation des solennitésprocessionnelles, le rôle des autorités municipales est aussi significatif. Au-delà deleurs décisions en matière de défense et de protection des remparts et desfortifications urbaines, elles sont les promotrices d’une quête urgente de protectionspirituelle fondée tout particulièrement sur le culte des saints intercesseurs. Revenonsà la réunion du conseil municipal d’Udine du mois de mars 1500 avec laquelle nousavions introduit nos propos. Entre 1500 et 1503, la commune est à l’origine de laconstruction, dans la cathédrale, d’une chapelle dédiée à saint Marc et d’une autreconsacrée à saint Joseph, héros du combat contre le Turc, père protecteur deschrétiens [77]. Le projet s’avère particulièrement coûteux. Le lieutenant assure pour sapart un investissement de dix ducats et les députés de la ville promettent chacun deverser une somme d’argent : le trésorier de la ville d’Udine, un ducat ; AntonioSavorgnano, quatre ducats ; Alvise della Torre, trois ducats ; Riccardo da Fontebono,un ducat ; Martino da Valentinis, un demi ducat ; Asquino da Sbroiavacca, un demi-ducat ; et ainsi de suite [78]. Au total, la promesse de don atteint une somme de vingt-cinq ducats. Des détails supplémentaires sont mentionnés dans les archivescommunales. La chapelle doit par exemple s’inspirer des autres chapelles présentesdans la collégiale. Elle est bien sûr un moyen privilégié pour célébrer saint Joseph etson aide, mais aussi pour enraciner, dans la collectivité citadine, la dévotion à Josephsomme toute nouvelle puisqu’à Udine elle n’est pas attestée avant cette date. Un moisaprès la proposition du lieutenant, le 24 avril 1500, la commune fait une offre publiquepour la construction de la chapelle qui sera confiée à celui qui acceptera les travaux àun salaire moindre. Les temps sont durs et l’épargne est de mise. De plus, il est stipuléque les travaux concernent bien en simultané la construction des deux chapelles, cellede saint Joseph et celle de saint Marc, patron et protecteur de la communauté [79], cequi évidemment multiplie par deux les dépenses. Deux jours plus tard, lesditeschapelles sont au centre des débats de l’assemblée de l’Arengo. Il est question entreautres du modèle qui doit inspirer la construction des nouvelles chapelles : ce sont

celles déjà existantes de saint Roch et de saint Sébastien qui sont choisies à cet effet,fonctionnant ainsi comme de véritables modèles architecturaux et iconographiques.Ce choix peut être lu de plusieurs manières. D’une part, même si cela n’est pasdirectement évoqué par le vocabulaire employé dans les textes, la sensibilitéesthétique pourrait y jouer un rôle important. « Le patronage communal en matièred’édilité religieuse, écrit Cécile Caby, répond à des motivations et à des justificationsmultiples. Le plus souvent, les conseils délibérant en la matière invoquent le confort etla commodité de la ville ainsi que le bien-être des habitants qui supposent un minimumde coordination de l’édilité privée. Mais ce sont surtout la beauté et l’honneur de laville qui sont en jeu » [80]. D’autre part, l’association, faite au cœur du processusd’imitation, entre saint Roch, saint Sébastien, saint Marc et saint Joseph pourraits’expliquer par une « analogie de fonction » assumée par ces saints intercesseurs : lesdeux premiers intercesseurs par excellence contre la peste, Marc protecteur« universel » car saint patron de la communauté et enfin Joseph, héros contre lesTurcs. Une fois les travaux de maçonnerie achevés, il faut doter la chapelle d’un autelet d’un retable. Le 11 mai 1500, la commune décide d’engager deux artistes : le peintrePellegrino da Udine pour peindre le retable et Giacomo Moranzone de Venise,intagliatore [81], pour réaliser la structure en bois. Ils sont convoqués ensemble par lesautorités communales. Pellegrino montre alors un dessin préparatoire sur lequel il aébauché le projet de la composition picturale. Ensemble, ils conviennent d’un salairede 35 ducats pour la peinture et de 25 ducats pour l’ancona (retable) de bois. Lecontrat fixe la durée des travaux : trois mois pour confectionner le support et ensuitecinq mois pour réaliser la peinture [82]. Le 21 février 1501, la commune répond àl’appel de Pellegrino qui se trouve dans l’impossibilité d’achever son œuvre étant àcourt de liquidités – pauper est – en augmentant son salaire de dix ducats, et cinqducats sont généreusement versés par le noble Luigi della Torre afin que la chapellepuisse être convenablement terminée [83]. Le 31 janvier 1502, les travaux semblentfinalement achevés, bien qu’il manque encore les petits volets qui permettent deprotéger et de fermer le retable. Il est alors demandé à la confrérie des flagellants deSanta Maria della Misericordia d’Udine d’apporter une contribution financièrenécessaire à la construction et à l’aménagement de ces volets [84]. Enfin, undocument daté du 22 juin 1503 évoque encore le travail de Pellegrino. Cette fois-ci,l’action se déplace à Aquilée. La renommée du peintre s’étendait en effet à toute laPatria du Frioul. Le chapitre d’Aquilée fait donc appel à lui pour la confection d’unretable destiné à la basilique, retable sur lequel le peintre représente les saints patronsdu patriarcat. Le document est d’un grand intérêt parce qu’il fait de cette image desaint Joseph d’Udine un modèle iconographique. Le retable d’Aquilée, en effet, doitêtre comme celui d’Udine, beau et parfait [85]. Le retable de saint Joseph pour lacollégiale d’Udine a été conservé, ce qui compense le silence documentaire [86].Joseph occupe le devant de la scène, dans un décor architectural riche et complexe à

la manière de Véronèse, qui représente un espace ecclésial en ruine. Des fleursapparaissent sur le côté droit, à gauche, des longues branches d’un arbre portentquelques feuilles ; au-dessous de ces branches, se tient un jeune homme aux longscheveux avec un bâton de marche et une besace. Grand, les pieds puissamment poséssur le sol, Joseph regarde le spectateur ; nimbé et enveloppé d’un ample drapé, il tientdans ses bras l’enfant Jésus qui fait tinter une petite cloche suspendue à la colonne.Loin de représenter Joseph dans une attitude peu gracieuse – vieux grincheux,grimaçant [87] – l’œuvre de Pellegrino est fidèle au modèle qui tend à se figer à la findu XVe et au XVIe siècle : un Joseph portant dans les bras l’enfant Jésus et tenant unefleur de lys symbole de pureté et de chasteté [88]. Si la dévotion à saint Joseph, « cevieil homme de la crèche, toujours un peu à l’écart, l’époux d’une femme qu’il n’a pastouchée, le père d’un fils qu’il n’a pas conçu » [89], est initialement confinée à l’Orient,en Occident, les premiers signes d’une véritable dévotion n’apparaissent qu’à partirdes XIVe et XVe siècles. Il incarne le modèle du fidèle serviteur de la volonté divine etcelui de l’époux idéal. Jusqu’alors la dévotion à saint Joseph semblait se limiter à « unespiritualité exigeante et élitiste, celle des plus rigoureux des frères mendiants et dequelques mystiques » [90]. Après 1450, sa fête est de plus en plus présente dans lescalendriers liturgiques. La figure de Joseph est aussi récupérée par la prédication, laparole des prédicateurs devenant ainsi un instrument efficace pour la diffusion de ladévotion. Qu’il s’agisse de Bernardin de Sienne ou de Bernardino da Feltre, le nom deJoseph circule de manière diffuse [91]. À la fin du Moyen Âge, de nombreusesconfréries sont dédiées à saint Joseph, notamment des confréries de métiersregroupant les charpentiers ou les menuisiers [92]. À Pérouse, une confrérie de SanGiuseppe est fondée dès 1487 [93]. À Venise, une fraternité dédiée à Joseph se réunitdans l’église de San Silvestro en 1499. En 1512, c’est une église, celle de San Giuseppedi Castello, qui voit le jour [94]. En ce qui concerne le Frioul, aucune confrérie n’estattestée avant le XVIe siècle. Ainsi, à Cividale del Friuli, on ne retrouve pas de telleassociation avant 1525 [95]. À Udine, une confrérie est active en 1537 [96]. Lafondation d’une confrérie à Venise en 1499 pourrait dès lors être considérée comme lepoint de départ de la diffusion de la dévotion envers le saint dans la cité lagunaire [97].Cette dernière, et la fondation de la chapelle à Udine en témoignerait, serait alors, sousl’impulsion de Venise, diffusée voire exportée – tout comme le culte de saint Marc –dans les territoires de la Terre Ferme [98]. N’oublions pas que l’initiative à l’origine dela chapelle revient au lieutenant vénitien. Les sources dont nous disposons nepermettent pas, tout en attestant le rôle de saint Joseph face aux incursions turques,le pourquoi d’une telle spécialisation [99]. Elles ne permettent pas non plus declairement savoir si la chapelle en question a été pensée comme un ex-voto pourremercier le saint de son intervention ou plutôt comme une « fondation programme »dans l’espoir de bénéficier ultérieurement de sa protection. En tout cas, Joseph,champion de l’Église militante, apparaît, d’abord à Venise puis à Udine, comme

l’intercesseur privilégié en des temps troublés et menaces guerrières etmilitaires [100]. Saint Joseph n’est pas connu pour autant pour avoir eu une carrière desoldat, comme saint Georges par exemple. Comment est-il possible alors de justifierune telle fonction ? Une piste pourrait être recherchée du côté de la paternité. Il a été,en effet, le premier à reconnaître et à respecter, dans la naissance de Jésus, le miraclede l’Incarnation [101]. On a pu montrer que Joseph devient le symbole du pèreprotecteur parce que lui seul, au-delà des doutes qui l’ont envahi [102], a pris ladéfense de son épouse et de cet enfant qui n’est pas charnellement le sien, cela paramour de Dieu. La fidélité dont il a fait preuve en assumant ses devoirs de père defamille, notamment lors de la fuite en Égypte [103], constitue non seulement unmodèle parfait d’éthique chrétienne, mais elle peut se traduire en gage de puissancemiraculeuse envers ceux qui subissent les conséquences des guerres. Il est doncvraisemblable que la menace turque dans la Terre Ferme ait accéléré l’adoration dusaint dans lequel on a pu voir la figure du père protecteur. Face aux Turcs et à leursviolences, les fidèles trouvent en lui un nouveau père fidèle auprès duquel trouver unpeu de réconfort et protection. Face à la menace des Turcs qui envahissent à plusieursreprises les territoires du Frioul pendant la fin du Moyen Âge les autorités municipales,nous l’avons montré, sont avant tout à l’origine de mesures concrètes visant à assurerla protection des communautés dont elles sont les responsables. Elles sont aussi lespromotrices de la quête de formes de protection spirituelle. Politique et religion setrouvent donc enchevêtrées proposant de manière complémentaire des remèdes pourcontrer le danger et exorciser les peurs. La situation de crise et d’angoisse que nousavons retracée détermine clairement la mise en place de nouvelles politiques enmatière de protection surnaturelle et de comportements dévotionnels : culte des saintset processions. L’intercession divine apparaît dès lors plus comme un moyencomplémentaire face aux déchainements du malheur et de la violence que comme unultime et désespéré refuge. Elle trouve toutefois une justification puissante à partir dumoment où le Turc est considéré comme un flagellum Dei et le signe annonciateur dela fin des Temps. Un héros inattendu a été désigné, saint Joseph. Le rôle qu’on lui aattribué dans le combat contre les Turcs confirme le succès que son culte connaît à lafin du Moyen Âge. Il nous a offert également une précieuse occasion de prendre lamesure du processus de diffusion de Venise à la Terre Ferme de nouvelles dévotions.

Notes

[1] « Le effimere scorrerie dei Turchi sul finire del Quattrocento avevano empiutoquella estrema provincia d’Italia d’una paura sterminata, quasi superstiziosa » ; IppolitoNievo, Le confessioni d’un Italiano, premier chapitre, 135-136, éd. S. Casini, Parme,Guanda, 1999, vol. I, p. 57.

[2] BCU [Biblioteca civica di Udine], Archivum Civitatis Utini, Annales, t. XX, c. 83v [6

mai 1415].

[3] Pour aperçu de l’histoire du Frioul, voir Pio Paschini, Storia del Friuli, Udine, ArtiGrafiche Friulane, IVe édition, 2003 (1936-1937) ; Il Quattrocento nel Friuli occidentale,Atti del Convegno organizzati dalla Provincia di Pordenone, Pordenone, décembre1993, Pordenone, Biblioteca dell’Immagine, 1996, 2 voll.

[4] L’expression consacrée pour un tel processus est celle de « religion civique ».Nous renvoyons à Augustine Thompson, Cities of God. The religion of the italianCommunes (1125-1325), University Park, Pennsylvania, The Pennsylvania StateUniversity Press, 2005 ; La religion civique à l’époque médiévale et moderne(Chrétienté et Islam), Actes du colloque organisé par le Centre de recherche « Histoiresociale et culturelle de l’Occident, XIIe-XVIIIe siècle » de l’Université de Paris X-Nanterre et l’Institut universitaire de France, Nanterre, 21-23 juin 1993, sous ladirection de André Vauchez, Rome, École française de Rome, 1995 ; tout récemment ledossier publié dans la revue Histoire urbaine, 27, 1, 2010 [surtout les articles deGabriela Signori, « Religion civique – Patriotisme urbain. Concepts au banc d’essai »,p. 9-20 et de Pierre Monnet, « Pour en finir avec la religion civique ? », p. 107-120].

[5] Sur l’élection de saint Marc à saint patron d’Udine, voir notre étude : AndreaMartignoni, « Des lions dans la ville. Triomphe et décadence de l’image de saint Marcdans la Terre Ferme (XVe-XVIe siècle) », Memini. Travaux et documents, 13, 2009, p.47-65.

[6] Paul Payan, Joseph. Une image de la paternité dans l’Occident médiéval, Paris,Aubier, 2006

[7] BCU, Archivum Civitatis Utini, Annales, t. XL, c. 15v [19 mars 1500]. Aussi dans ASU[Archivio di Stato di Udine], Archivio Caimo 67, n. 8, Deliberazioni del consiglio diUdine ed altri atti riguardanti il Duomo (anno 1263-1739), p. 27.

[8] Voir Jean Delumeau, « La pastorale de la peur », Id., La culpabilisation en Occident(XIIIe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 1983, p. 369-624 ; et surtout La fin des temps :terreurs et prophéties au Moyen age, sous la direction de Claude Carozzi, Paris, Stock,1982.

[9] Mt 10, 7.

[10] Ottavia Niccoli a insisté sur ce point : Ottavia Niccoli, Profeti e popolo nell’Italia delRinascimento, Rome-Bari, Laterza, 1987 ; et Ead., « Il diluvio del 1524 fra panicocollettivo e irrisione carnevalesca », Scienze, credenze occulte, livelli di cultura, Attidel Convegno Internazionale di Studi, 26-30 juin 1980, Florence, L. S. Olschki, 1982, p.369-392. Se référer également à Cesare Vasoli, « L’attesa della nuova era in ambienti

e gruppi fiorentini del Quattrocento », L’attesa dell’età nuova nella spiritualità della finedel Medioevo, Atti del convegno del 16-19 ottobre 1960, Todi, Centro di studi sullaspiritualità medievale, 1962, p. 370-432 ; et à Roberto Rusconi, L’attesa della fine. Crisidella società, profezia ed Apocalisse in Italia al tempo del grande scisma (1378-1417),Rome, Istituto storico italiano per il Medio Evo, 1979.

[11] Elisabeth Crouzet-Pavan, « L’énergie de l’image : une cité de Dieu », Ead., Venise :une invention de la ville (XIIIe-XVe siècle), Seyssel, Champ Vallon, 1997, p. 293.

[12] Jean Delumeau, « Prolifération du monstrueux », Id., Le péché et la peur, op. cit.,p. 152-158. Sur la question des naissances monstrueuses dans l’Italie de laRenaissance, nous renvoyons à notre étude Andrea Martignoni, « Era nato unomonstro, cossa horendissima ». Monstres et tératologie à Venise dans les Diarii deMarin Sanudo (1496-1533) », Revue Historique, 629, janvier 2004, p. 49-80 ; maisaussi à Claire Kappler, Monstres, démons et merveilles à la fin du Moyen Age, Paris,Payot & Rivages, 1999 (1980) et à Claude Lecouteux, Les monstres dans la penséemédiévale européenne, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 1999 (1993).

[13] La bibliographie sur le prophétisme est abondante. Signalons les travaux deMarjorie Reeves, The Influence of Prophecy in the Later Middle Age. A Study inJoachimism, Oxford, Clarendon press, 1969 ; et plus récent Ead., Joachim of Flore andthe prophetic future : a medieval study in historical thinking, Stroud, Sutton publishing,1999 ; un volume rend d’ailleurs hommage aux travaux de l’historienne : Prophecy andMillenarism, Essays in Honour of Marjorie Reeves, Harlow, Longman, 1980. Voir aussiBernard McGinn, Vision of the End. Apocalyptic Traditions in the Middle Ages, NewYork, Colombia University Press, 1998 ; et les contributions réunies dans Les textesprophétiques et la prophétie en Occident (XIIe-XVIe siècle), Actes de la table rondeorganisée par l’U.R.A. 1011 du CNRS et le centre de recherche « Histoire sociale etculturelle de l’Occident, XIIe-XVIe siècle » de l’Université de Paris X-Nanterre, sous ladirection d’André Vauchez, Chantilly, les 30-31 mai 1988, Rome, Ecole française deRome, 1990. Enfin, les travaux de Roberto Rusconi sur la prophétie demeurentessentiels. Les plus importants sont aujourd’hui réunis dans le volume RobertoRusconi, Profezia e profeti alla fine del Medioevo, Rome, Viella, 1999.

[14] La figure de l’Empereur des derniers Temps, figure eschatologique de celui quiviendra restaurer la Chrétienté et réformer l’Eglise avant la fin des temps, fut introduiteen Occident au Xe siècle par le moine Adson de Moutiers dans son De ortu et temporeAntichristi ; cf. l’édition de Daniël Verhelst in CCCM (Corpus Christianorum.Continuatio Medievalis), XLV, Turnhout, Brepols, 1976. Sur Charles VIII, voir le récit deMarin Sanudo, La spedizione di Carlo VIII in Italia, éd. de Rinaldo Fulin, Archivio Veneto,s. 1, Venise, Commercio, 1883. Sur la descente en Italie du roi, voir Anne Denis, CharlesVIII et les Italiens. Histoire et mythe, Genève, Droz, 1979 ; et les contributions réunies

dans le volume Italie 1494, sous la direction de Adelin Charles Fiorato, Paris,Publications de la Sorbonne, 1994.

[15] Michel Balivet, Les Turcs au Moyen Age : des croisades aux ottomans (XIe-XVe

siècles), Paris-Istanbul, Isis, 2002 ; et Nicolas Vatin, Les Ottomans et l’Occident (XVe-XVIe siècles), Paris-Istanbul, Isis, 2001.

[16] C’est ce qu’affirme Paolo Preto, « Le paure della società veneziana : le calamità, lesconfitte, i nemici esterni ed interni », Storia di Venezia dalle origini alla caduta dellaSerenissima, t. VI, Dal Rinascimento al Barocco, sous la direction de Gaetano Cozzi etPaolo Prodi, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1994, p. 221 ; les analyses dePreto sont rappelées par Géraud Poumarède, Pour en finir avec la Croisade : mythes etréalités de la lutte contre les Turcs aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, PUF, 2004, p. 9. Voiraussi Agostino Pertusi, « Premières études en Occident sur l’origine et la puissancedes Turcs », Bisanzio e i Turchi nella cultura del Rinascimento e del Barocco. Tre saggidi Agostino Pertusi, sous la direction de Carlo Maria Mazzucchi, Milan, Vita & Pensiero,2004, p. 113-170.

[17] Les travaux sur la présence turque au Frioul se sont surtout multipliés entre la findu XIXe et le début du XXe siècle. Parmi les titres les plus récents, Giuseppe Trebbi,« Le incursioni turche (1472-1499) », Id., Il Friuli dal 1420 al 1797 : la storia politica esociale, Udine, Casamassima, 1998, p. 47-61 ; Roberto Gargiulo, Mamma li Turchi. Lagrande scorreria del 1499 in Friuli, Pordenone, Biblioteca dell’Immagine, 1998 ;Roberto Tirelli, « Memorie figurative dei Turchi : una felice scoperta a San Vito alTagliamento nei locali dell’Ospedale dei Battuti », in La Panarie, CXXVIII, 33, mars2001, p. 106-107 ; Id., 1499, corsero li turchi per la Patria. Le incursioni dei Turchi inFriuli, Pordenone, Biblioteca dell’Immagine, 1998.

[18] On s’appuye ici sur les fines analyses de Maria Pia Pedani Fabris, « I Turchi e ilFriuli alla fine del Quattrocento », Memorie Storiche Forogiuliesi, LXXIV, 1994, p. 203-224 ; et Ead., « Turkish Raids in Friuli at the End of the Fifteenth Century », ActaViennensia Ottomanica, Akten des 13. CIEPO-Symposium, vom 21. bis 25. September1998, Vienne, Selbstverlag des Instituts fûr Orientalistik, 1999, p. 287-291.

[19] Sur les confins orientaux, nous renvoyons aux travaux de Fabio Cusin, Documentiper la storia del confine orientale d’Italia nei secoli XIV e XV, Trieste, Officine Grafichedella Editoriale Libraria, 1936 ; Id., Il confine orientale d’Italia nella politica europea delXIV e XV secolo, Trieste, LINT, 1977 (1937).

[20] ASU (Archivio di Stato di Udine), Documenti storici, n. 127 ; inséré parmi les actesde Gubertino da Novate [ASU, ANA, buste 5119-5120] ; Giovanni Gubertino de Cesis q.Ressonado Medico da Novate (1328-1370) ; cf. Atti della cancelleria di Aquileia (1265-

1420), sous la direction de Ivonne Zenarola Pastore, Udine, Deputazione di storia patriaper il Friuli, 1983, p. 176.

[21] Ibid., p. 178.

[22] Ibid., c. 141r [19 août 1415].

[23] « [De subsidio mittendo domino patriarche pro obstaculo Turchorum] » ; Ibid., c.142v [20 août 1415].

[24] « [De facto Turchorum] » ; Ibid., c. 148r [2 septembre 1415].

[25] Le livre de Roberto Tirelli retrace avec précision et sens de la description lesdifférentes incursions. Il n’empêche que l’auteur appuye ses analyses sur une quantitéimpressionnante de témoignages de l’époque sans presque jamais en indiquer, demanière scientifique, les sources exactes.

[26] La construction de Palmanova commence en 1593. Cette ville fortifiée fut conçuepar un architecte militaire, probablement Giulio Savorgnano, avec la participation deVincenzo Scamozzi.

[27] Maria Pia Pedani Fabris, « I Turchi e il Friuli », art. cit., p. 216-217. Nicolò Maria diStrassoldo (1437-1511) écrit dans une petite chronique qu’il rédige dans son Liberfamiliaris : « Sabado 28 de septembre 1499, Scandarbassa capitano del Turcho concirca cavalli diexemila passò lo Lusons fazendo suo transito per appresso li repari delacitadella de Gradischa, e ditta notte alozò apresso lo monte de Medea. Domeniga 29,cioè lo zorno de san Michel, passò unido senza far coreria ne danno de fogo inferendopoco male salvo che amazar persone che atrovavano et quelo dì lozò apresso Rivoalto.La notte passò lo Tayamento, et corse fina ala pieve de Avian et discorrendo conmaxima crudelità, brusò molte ville e amazono e persono circha persone ottomillia[…] » ; BCU, ms Joppi 186, Liber familiaris, notizie sulla Famiglia Strassoldo coninvestiture e altri documenti dal 1312 al 1594, c. 179r.

[28] Maria Pia Pedani Fabris, « I Turchi e il Friuli », art. cit., p. 216-217. Voir aussi PioPaschini, Storia del Friuli, op. cit., p. 762-765. Nicolò Maria di Strassoldo écrit :« Sabado 28 de septembre 1499, Scandarbassa capitano del Turcho con circa cavallidiexemila passò lo Lusons fazendo suo transito per appresso li repari dela citadella deGradischa, e ditta notte alozò apresso lo monte de Medea. Domeniga 29, cioè lo zornode san Michel, passò unido senza far coreria ne danno de fogo inferendo poco malesalvo che amazar persone che atrovavano et quelo dì lozò apresso Rivoalto. La nottepassò lo Tayamento, et corse fina ala pieve de Avian et discorrendo con maximacrudelità, brusò molte ville e amazono e persono circha persone ottomillia […] » ; BCU,ms Joppi 186, Liber familiaris, op. cit., c. 179r.

[29] Pour une analyse des descriptions de Priuli concernant Venise et la menaceturque, voir l’article de Alberto Tenenti, « The Sense of Space and Time in the VenetianWorld », Renaissance Venice, sous la direction de John R. Hale, Londres, Faber &Faber, 1974, p. 17-46.

[30] Girolamo Priuli, I Diarii [aa. 1499-1512], dans Ludovico Antonio Muratori, RIS(Rerum Italicarum Scriptores), t. XXIV, parte III, vol. I, éd. de A. Segre, Città di Castello,S. Lapi, 1912-1921, p. 198-199.

[31] « Questa matina se intende chome ali 5 del messe e hore XXII li Turchi checorsenno in la patria del Friul, avendo facto duo squadroni de gente dai soi cavali etmesso la preda dele anime et deli animali de mezo, passoronno l’Isonzo, el qual heramolto grosso, et sonno andati via cum grande suo honor et gloria et grandissimavergogna et vituperio del senato venetto, com grandissimo teror deli populi che aMestre, per dubito di Turchi facevanno chavar li fossi et serrar le porte. Et li Judeihaveanno portato le robe et li danari a Venetia […]. Li poveri populi di Friul hannohabuto una grandissima bastonata et intorelabil danno, chè hanno persso li padri,madre, fioli, frateli et le loro caxe, brusato et disipato ogni cossa et perso li soi bestiamiet cum grande lamentation pativanno questo danno. Dil che, facto la deschretion in lapatria de Friul dele anime che manchavanno, dove che heranno corssì li Turchi, setrova che sono statti facti presoni tra homeni, femine et putti da zercha anime novemilia, grandissima pietà. Dilì quali sono stati trovatti morti tra sopra il Taiamento etsopra le strade da anime mileseicento ; lo resto sono state menate via et le lor vocecridavanno al cielo et lo povero sangue deli defuncti. Iddio habbia misericordia a tantapietade, et veramente che a Vinetia se lachrimava de tanta compasione et massime lipadri venetti » ; Ibid., p. 206-207. Pio Paschini, en citant Marin Sanudo, indique que lechef des troupes turques demanda mille ducats pour restituer les prisonniers capturésaux alentours de Pordenone ; cf. Marin Sanudo, I Diarii, t. III, col. 9 ; cité par PioPaschini, Storia del Friuli, op. cit., p. 768, note 56.

[32] Les chroniqueurs évoquent un nombre de morts qui s’éléverait à 1600-2000personnes ; cf. Pio Paschini, Storia del Friuli, op. cit., p. 768, note 59.

[33] « Sabado XXVIII de septembre 1499. Scandarbassa, capitanio del Turcho, concirca cavalli diexemilia, passò lo Lusons, fazendo suo transito per apresso li repari delacitadella de Gradischa e ditta notte alozò presso lo monte de Medea Doniga 29 e lozorno de san Michel passò unido senza far coreria ne danno de fogo inferendo pocomale, salvo che amazar persona che atrovavano et quelo dì lozò apresso Rivolto. Lanote passò lo Tayamento et corse sino ala pieve de Avian et discorrendo con maximacrudelità, brusò molte ville e amazò persone circa persone ottomillia et summatim seexistima havessono de butin apresso che cento milia duce, senza lo danno de vini,biavi e massarie de casa, feni, bestiami che non se poria extimar fra le altre ville de qua

del Tayamento brusò Morteglian in tutto che non rimase una stalla e amazono homini29 e una femina tamen per probita deli homini de ditta villa se perservò la cortina alaquale li diti Turchi detto la bataglia dì e notte, lo dì de san Francesco et lo dì sequentedove molti de ditti Turchi furono morti braisonno la villa e cortina de Pantianis e tuttihomini putti e femene furono morti et molte altre ville, come apar per la descriptionfatta per l’offitio de deputati. Li homeni morti in Morteglian sono li infrascripti qualifurono morti tutti per la villa prima che si podesseno redur in la cortina salvo Jacomodel Fauro che fo morto de una botta de chipetto dentro dela cortina [suit la liste desmorts : 29 hommes et une femme. Cette liste est reprise par Roberto Tirelli qu’il lacompare avec les informations tirées du catapan de la pieve de San Paolo deMortegliano, constatant qu’une trentaine de noms indiqués dans les chroniques seretrouvent dans ledit catapan. Voir Roberto Tirelli, 1499, corsero li turchi, op. cit., p.127]. Stetteno ditti Turchi et haveno in periculo questa misera patria sino al 3 denovembre, nel qual zorno, in retorno, passarono el Lusonzo. Nota che questomedesimo capitano over indiavolato homo fo quello che feci la correria […] del 1477 adìultimo octubris » ; BCU, ms Joppi 186, Strassoldo Nicolò Maria (1437-1511), Liberfamiliaris, op. cit., p. 179.

[34] « Nel quale anno Italia, conquassata da tanti movimenti, aveva similmente sentitele armi de’ Turchi ; perché, avendo Baiseth ottomanno assaltato per mare con potentearmata i luoghi che in Grecia tenevano i viniziani, mandò per terra seimila cavalli apredare la regione del Frioli ; i quali, trovato il paese non guardato né sospettando ditale accidente, corsono predando e ardendo insino a Liquenza ; e avendo fatto quantitàinnumerabile di prigioni, quando, ritornandosene, giunsono alla ripa del fiume delTigliavento, per camminare piú espediti, riserbatasi quella parte quale stimoronopotere condurre seco, ammazzorono crudelissimamente tutti gli altri » ; FrancescoGuicciardini, Storia d’Italia, l. IV, chap. 12. Pour une édition française du texte, on setournera vers Histoire d’Italie (1492-1534), éd. de Jean-Louis Fournel et Jean-ClaudeZancarini, Paris, Robert Laffont, 1996, 2 voll.

[35] Sur l’image des Turcs en Occident, voir surtout Mustafa Soykut, Image of the Turkin Italy. A History of the Other in Early Modern Europe (1453-1683), Berlin, KlausSchwarz, 2001. Sur ces questions, nous sommes redevables des conseils et desindications que nous a précieusement fournies Joël Schnapp qui travaille de manièrespécifique sur la perception des Turcs au XVe siècle en Occident.

[36] John Tolan, Les Sarasins. L’islam dans l’imagination européenne au Moyen Age,Paris, Aubier, 2003, p. 84.

[37] Le Pseudo-Méthode est l’auteur d’une Apocalypse datée de la fin du VIIe siècle etqui a été probablement rédigée en syriaque en Irak ; cf. Die Apokalypse des Pseudo-Methodius, die ältesten griechischen und lateinischen Übersetzungen, éd. de W. J.

Aerst et G. A. A. Kortekaas, Louvain, Peeters, 1998. Une version latine paraît en 1496accompagnée d’un traité explicatif, le Tractatus super Methodium, dans lequel le lienétroit entre l’arrivée des Turcs et la fin du monde est au cœur du propos.

[38] Voir Roberto Rusconi, « Anticristo e anticristi », Id., Profezia e profeti, op. cit., p.99 [précédemment paru en anglais in The Encyclopedia of Apocalypticism, vol. III,Apocalypticism in Western History and Culture, sous la direction de Bernard McGinn,New York, Continuum Press, 1998, p. 257-322].

[39] Nous reprenons à notre compte définition de l’eschatologie apocalyptique parMcGinn, op.cit., p.13. « L’eschatologie consiste en toute forme de croyance sur lanature de l’histoire qui interprète le procès historique à la lumière des événements dela fin. […] L’eschatologie apocalyptique cependant va plus loin, dans la mesure où ellemet l’accent sur une vision déterministe de l’histoire ».

[40] La bibliographie sur le sujet est volumineuse. Pour une recension bibliographiquesur l’Antéchrist, on pourra se référer à Lambert J. Lietaert Peerbolte, The Antecedentsof Antichrist, a Traditio-Historical Study of the Earliest Christian Views onEschatological Opponents, Leiden-New York-Köln, E. J. Brill, 1996, p. 4-5. Parmi leséditions les plus récentes sur le sujet, Jean Robert Armogathe, L’Antéchrist à l’âgeclassique, Paris, Mille et une Nuits, 2005 ; Christian Badilita, Métamorphose del’Antéchrist chez les Pères de L’Église, Paris, Beauchesne, 2005 ; et Kevin L. Hugues,Constructing Antichrist, Paul, Biblical commentary and development of doctrine in theEarly Middle Ages, Washington D. C., The Catholic University of America Press, 2005.

[41] Le De orto et tempore Antichristi de Adson eut une grande diffusion au Moyen Ageet son influence fut considérable, notamment sur l’abbé calabrais Joachim de Flore.Sur ce dernier, voir Bernard McGinn, The Calabrian Abbot, Joachim of Fiore in theHistory of Western Thought, New York, MacMillan, 1985.

[42] Pie II, Commentarii, livre I, 1405-1458 ; trad. Mémoires d’un pape de laRenaissance, les Commentarii de Pie II, éd. de Ivan Cloulas et Vito CastiglioneMinischetti, Paris, Tallandier, 2001, p. 86-87. Ce qui n’empêche que très rapidementdes accords de paix furent stipulés pour assurer la continuité du commerce et deséchanges commerciaux. C’est le cas de Venise qui, le 18 avril 1454, fait la paix avecMehmet II ; le document de paix dans sa version en langue vernaculaire est conservédans ASV (Archivio di Stato di Venezia), Commemoriali, reg. 14, cc. 136r-137v (= cc.143r-145v).

[43] Georges De Hongrie, Des Turcs. Traité sur les mœurs, les coutumes et la perfidiedes Turcs, traduit du latin par Joël Schnapp, suivi de La Peur du Turc de Michel Balivet,Toulouse, Anacharsis, 2003.

[44] Au contraire, preuve de la multitude d’interprétations qui étaient en vigueur,Annius de Viterbe dans son De futuris christianorum triumphis in Saracenos et Turcos(1480) soutient que le vrai Antéchrist est Mahomet. Roberto Rusconi écrit à cepropos : « tra il XII e XIII e fra XV e XVI secolo l’Anticristo venne identificato anche conun nemico esterno alla cristianità, con il profeta Maometto oppure con i Saraceni e iTurchi » ; Roberto Rusconi, « Anticristo e anticristi », art. cit., p. 98. Sur lesinterprétations de la figure de Mahomet, notamment celles des prédicateurs du XVe

siècle, voir Rosa Maria Dessì, « Entre prédication et réception. Les thèmeseschatologiques dans les reportationes des sermons de Michele Carcano de Milano(Firenze 1461-1466) », Les textes prophétiques et la prophétie en Occident, op. cit.,surtout p. 460-465 ; Marjorie Reeves, Muhammad in Europe. A Thousand Years ofWestern Myth-Making, Reading, Garnet, 2000 ; et le chapitre de John Tolan,« Mahomet, hérésiarque (XIIe siècle) », Id., Les Sarasins, op. cit., p. 193-237.

[45] C’est d’ailleurs ce que confirme Bernard McGinn lorsqu’il écrit : « Although somemeasures of peace and stability had been restored to Christendom by the end of theschism, the middle of the fifteenth century saw increased consciousness of an externaldanger, the growing threat of Turkish power made evident by the conquest ofConstantinople in 1453 and Turkish advances in central Europe. Evidence of thisconcern is found especially in Italy and Germany, where some thinkers began toinvestigate prophetic classics, like the Methodian Revelations, to discover theapocalyptic meaning of the Turkish threat » ; Bernard McGinn, Antichrist, op. cit., p.189.

[46] « […] the Turks were at war throughout the whole of our period, and livedconstantly under conditions which brought out the worst side of human nature » ;Robert Schwoebel, The Shadow of the Crescent : the Renaissance Image of the Turk(1453-1517), Nieuwkoop, Palgrave Macmillan, 1967, p. 13.

[47] Chronique du religieux de Saint-Denys contenant le règne de Charles VI de 1380 à1422, éd. de Louis Bellaguet, Paris, CTHS, 1994, t. I, p. 425. Il s’agirait du récit fait parl’ambassadeur du roi Sigismond de Hongrie à la cour du roi de France en 1395.

[48] Pie II, Commentarii, livre II, 1458-1459 ; cf. Mémoires d’un pape, op. cit., p. 124-125.

[49] Rosa Maria Dessì, « Entre prédication et réception », art. cit., p. 470.

[50] Géraud Poumarède consacre quelques pages sur l’univers des prophéties àVenise utilisant des extraits des Diarii de Marin Sanudo. Les témoignages sur lesquels ilappuie sa démonstration ne sont pas les mêmes que ceux que nous avons choisis ; cf.Géraud Poumarède, « Fous espoirs et vaines attentes : les prophéties de la chute de

l’Empire ottoman durant la période moderne », Id., Pour en finir avec la Croisade, op.cit., p. 81-148 ; sur Venise tout particulièrement, p. 83-95.

[51] Un texte de grand intérêt, notamment pour mieux comprendre l’organisationmilitaire des Turcs, est le récit de Bertrandon de la Broquière ; cf. Bertrandon De LaBroquière, Voyage d’outremer suivi de l’Advis sur la conqueste de la Grèce et de laTerre Sainte, éd. de Charles Schefer, Paris, E. Leroux, 1892 [réimpression Hants, GreggInternational, 1972]. Voir les quelques pages de synthèses proposées par PhilippeSénac, « Le péril turc », Id., L’Occident médiéval face à l’Islam, op. cit., p. 146-152.

[52] Pie II accorde de nombreuses indulgences pour inciter à la lutte contre le Turc ;voir par exemple Città del Vaticano, Archivi segreti, reg. vat. 509, Pii II, Secreta, lib. XII,t. XLII, c. 333v-335r [1463].

[53] A ce propos, voir Il sogno di Pio II e il viaggio da Roma a Mantova, Atti delconvegno internazionale, Mantova, 13-15 aprile 2000, sous la direction de ArturoCalzona et alii, Florence, L. S. Olschki, 2003.

[54] Pie II, Commentarii, livre II, 1458-1459 ; cf. Mémoires d’un pape, op. cit., p. 124-125.

[55] Il faut néanmoins rappeler que la croisade demeure un leitmotiv des pontificatssuccessifs : la tentative d’Innocent VIII à la fin du XVe siècle en est un bon exemple. Leprojet de croisade est aussi constamment présent dans la politique et la diplomatiepontificale des XVIe et XVIIe siècle. Voir, à ce propos, les correspondances des noncesen France, Innocenzo del Bufalo et Gasparo Silingardi : Correspondance du nonce enFrance, Innocenzo del Bufalo, évêque de Camerino (1601-1604), éd. de BernardBarbiche, Rome, Presses de l’Université grégorienne, Paris, De Boccard, « ActaNuntiaturae Gallicae, IV », 1964 ; et Correspondance du nonce en France GasparoSilingardi, évêque de Modène (1599-1601), éd. de Bertrand Haan, Rome, Ecolefrançaise de Rome, « Acta Nuntiaturae Gallicae, 17 », 2002. Nous remercions ClémentPieyre, auteur d’une thèse de l’Ecole nationale des Chartes sur la légation du cardinalFrancesco Barberini en France en 1625, pour ces indications précieuses.

[56] Pie II, Commentarii, livre III, 1459-1460 ; cf. Mémoires d’un pape, op. cit., p. 182-184.

[57] Augutine Thompson, « Sounds of Urban Order », Id., Cities of God, op. cit., p.174-177 ; Renato Bordone, « Rumori d’ambiente. Il paesaggio sonoro delle cittàitaliane », Id., Uno stato d’animo. Memoria del tempo e comportamenti urbani nelmondo comunale italiano, Reti Medievali, Firenze University Press, 2002, p. 133-153 ;Jean-Pierre Gutton, Bruits et sons dans notre histoire : essai sur la reconstitution dupaysage sonore, Paris, PUF, 2000 ; Jean-Marie Fritz, Paysages sonores du moyen age :

le versant épistémologique, Paris, H. Champion, 2000 ; Sible De Blaauw, « Campanaesupra urbem. Sull’uso delle campane nella Roma medievale », in Rivista di Storia dellaChiesa in Italia, XLVII, 2, 1993, p. 367-414. Pour le Frioul, voir essentiellementCampane e campanili in Friuli, atti del Convegno di studio, Udine, 7 septembre 1997,sous la direction de Massimo Bortolotti, Udine, Accademia udinese di Scienze, Lettereed Arti, 1998.

[58] « [Pro Ave Maria pulsanda hora meridiei] […] quod ipse venerandus dominusdecanus utinensis, parte devotissimi populi utinensis et magnificae communitatis Utini,interpellatus ad faciendo pulsari dicta hora meridiei Ave Maria, sicut est solebat pulsaritempore incursionum Teucrorum in Patriam, ipse venerando dominus decanusresponderit non posse hoc fieri sine licentia et consensu reverendi domini … patriarchesive eius vicarii … propter tempore magnificus d. locumtenentes vicari fecit ipsosdominos … vicarium et … decanum pro habendo eorum consensum et auctoritatempulsari faciendi Ave Maria ut supra ad honorem omnipotente Dei et gloriosissimeVirginis Marie et ad conteplationem ac devotionem communitatis et populi utinensis » ; BCU, Archivum Civitatis Utini, Annales, t. XXXIX, cc. 179rv. Intéressant noter queles Turcs sont appélés Teucri, ce qui d’ailleurs revient assez souvent dans les sourcesde l’époque. Le terme Teucri introduit l’idée d’une descendance troyenne des Turcs.Teucer ou Teucros était en effet un héros de la guerre de Troie, fils de Télamon etd’Hésione, princesse troyenne. Il pourrait indiquer aussi leur provenancegéographique, la Troade étant la région à l’extrémité nord-ouest de l’Asie Mineure.Mehmet II à la suite de la conquête de Constantinople soutient qu’il a vengé la chuted’Ilion revendiquant ainsi une origine troyenne. Cette revendication ne devait pas plaireaux Italiens ni aux Français qui à leur tour se vantaient d’avoir une noble originetroyenne. Sur cette question, nous renvoyons à l’article de Steven Runciman, « Teucriand Turci », Medieval and Middle Eastern Studies in Honor of Aziz Suryal Atiya, sous ladirection de Sami A. Hanna, Leiden, E. J. Brill, 1972, p. 344-348 ; et aux pages desynthèse de Géraud Poumarède, « Troyens ou Scythes ? », Id., Pour en finir avec laCroisade, op. cit., p. 59-63.

[59] « [Provisiones pro defensione terre utini contra Turchos] » ; BCU, ArchivumCivitatis Utini, Annales, t. XL, c. 4r.

[60] Le terme est technique et appartient à l’univers des machines de guerre et à l’artdes fortifications de la Renaissance italienne. On retrouve des reproductions dumantelletto dans Francesco Di Giorgio Martini, Trattato di architettura e macchine,Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, ms Ashburnham 361, 1480, c. 51r [éd. deCorrado Maltese, Milan, Il Polifilo, 1967, 2 voll.] ; et dans Mariano Di Iacopo, dit Taccola,De machinis, Paris, Bnf lat. 7239, deuxième moitié du XVe siècle, c. 15r [cf. L’art de laguerre. Machines et stratagèmes de Taccola, ingénieur de la Renaissance, éd. de

Eberhard Knobloch, Paris, Gallimard, 1992

[61] Sur cette question, L’intercession du Moyen Age à l’époque moderne. Autourd’une pratique sociale, sous la direction de Jean-Marie Moeglin, Genève, Droz, 2004.

[62] A titre d’exemple, l’étude d’Élisabeth Carpentier, Une ville devant la peste. Orvietoet la peste noire de 1348, Paris, DeBoeck Université, 1993 (1962).

[63] Voir Jacques Chiffoleau, « Analyse d’un rituel flamboyant. Paris mai-août 1412 »,Riti e rituali nelle società medievali, sous la direction de Jacques Chiffoleau et alii,Spolète, Centro italiano di studi sull’Alto Medioevo, 1994, p. 215-246. L’auteur proposede « comprendre la crise processionnelle qui secoue la capitale pendant ces mois etdemi – se donnant – les moyens d’entrevoir des solutions à des problèmes plus larges,qui concernent aussi bien l’évolution des sytèmes d’autorité que les transformationsreligieuses touchant la France déchirée par la guerre civile, aux temps sauvages desArmagnacs et des Bourguignons » ; Ibid., p. 216.

[64] Citons quelques témoignages : « Item spendey per II procesions contra ly TurchyL. 0 s. VI » ; Udine, Parrocchia del Redentore, Confraternita di Santa Lucia, Camerari,quad. 11. 23, Nardin fabbro, 1462, c. 3r. Et : « Item spendey per la procesion dellyTurchy L. 0 s. III […]. Item spendey per II procesions contra ly Turchy L. 0 s. VI » ; Ibid.,quad. 11. 23, Nardin fabbro, 1462, c. 7r. Et enfin : « Item spendey per IIII procesion perly Turchy L. 0 s. XII » ; Ibid., quad. 11. 24, Luca di Braide, 1463, c. 16r.

[65] « [Litera ad placandum Dominum contra Turcos pro nobis] » ; ACU, G. Bini,Documenta historica, vol. XV, ab anno 1471 ad 1480, n. 91, cc. 1rv [18 février 1478].

[66] « […] in hac civitate Utini sunt plures blasfematores Dei ac beatissime VirginisMarie ac vilipendatores plurimis et diversis modiis proferendo et forsan faciendo plurainhonestissima verba et facta contra ymagines sacratissime maiestaty Dei etintemerate Virginis Marie » ; BCU, Archivum Civitatis Utini, Annales, t. XXXII, cc. 96rv.

[67] Voir les travaux d’Anna Imelde Galletti, « Modelli urbani nell’età comunale :Gerusalemme », Modelli nella storia del pensiero politico, t. I, sous la direction deVittor Ivo Comparato, Florence, L. S. Olschki, 1987, p. 89-101 ; Ead., « Gerusalemme ola città desiderata », Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Age, « Images etmythes de la ville médiévale », XCVI, 1, 1984, p. 459-487. Et notre étude AndreaMartignoni, « La ville médiévale, nouvelle Jérusalem ou triste Babylone ? Enjeuxpolitiques et espaces urbains à la fin du Moyen Âge », Espaces et mondes au MoyenÂge, Actes du colloque international, Bucarest, 17-18 octobre 2008, sous la directionde Mianda Cioba, Catalina Gîrbea et alii, Bucarest, Université de Bucarest, 2009, p.422-438.

[68] « Item adì penultimo febrario, spese per far portar in prupision li zerii de la fabricaper la pase che fo fata cum lo Turcho s. II » ; Udine, Oratorio della Purità, Confraternitadi San Cristoforo, Camerari, quad. 63, Toni dit Talazaio, 1478-1479, c. 25r.

[69] « Item adì penultimo febrario, spese per far portar in prupision li zerii de la fabricaper la pase che fo fata cum lo Turcho s. II » ; Udine, Oratorio della Purità, Confraternitadi San Cristoforo, Camerari, quad. 63, Toni dit Talazaio, 1478-1479, c. 25r.

[70] « Item adì XV d’agosto, speso per far portar lo confalon e li zeris in procession chefo fata per la vitoria contra li Turchi s. VI » ; Udine, Oratorio della Purità, Confraternitadi San Giacomo, Camerari, 1455-1456, Zorzo piliçar, fils de feu Zuan piliçar deTolmezzo, c. 23v.

[71] « Item adì XV d’agosto, speso per far portar lo confalon e li zeris in procession chefo fata per la vitoria contra li Turchi s. VI » ; Udine, Oratorio della Purità, Confraternitadi San Giacomo, Camerari, 1455-1456, Zorzo piliçar, fils de feu Zuan piliçar deTolmezzo, c. 23v.

[72] Cividale del Friuli, Antico archivio comunità L. d’Orlandi, 17, 1482-1483, appendicebusta 26, 13 octobre 1458.

[73] Un autre exemple est le privilège accordé par le cardinal Bessarion au nobleNicolò de Portis en 1464. Par l’aide et l’engagement dans la lutte contre les Turcs,Nicolò et toute sa famille peuvent ainsi disposer d’un confesseur personnel ; BCU, msfondo principale 1253/II, n. 153 [20 février 1464].

[74] Pio Paschini, « Due polizze d’indulgenza del 1463-1464 rilasciate nel territorioFriuli-Istria », Memorie Storiche Forogiuliesi, 1912, VIII, p. 305.

[75] « Adì 30 mazo spesi per comandamento del Conseglio dadi alla cruciada per tor lopardon L. 12 s. 8 » ; Udine, Oratorio della Purità, Confraternita di San Giacomo,Camerari, 1500-1501, Lucinis del Pollam varotaro, c. 25v.

[76] « Spesi per fare portar la croxe per la procesion se fe per la cruciata s. 2 » ; Udine,Parrocchia del Redentore, Confraternita di Santa Lucia, Camerari, quad. 14. 14,Vincenzo da San Lorenzo, 1502, c. 40v.

[77] En 1504, une attestation présente dans le Liber familiaris de Maria Nicolò diStrassoldo, confirme le plein fonctionnement de la chapelle de saint Marc et de saintJoseph dans la collégiale d’Udine, car un membre de la famille Strassoldo se faitensevelir dans un nouveau tombeau familial – l’ancien se trouvait dans la chapelledédiée à saint Nicolas – qui est placé entre les deux ; cf. BCU, ms Joppi 186, Liberfamiliaris, notizie sulla Famiglia Strassoldo con investiture e altri documenti dal 1312 al

1594, c. 4r [notation dans la marge de gauche].

[78] « [Pro fabrica capelle sancti Joseph in ecclesia maiori] » ; BCU, ArchivumCivitatis Utini, Annales, t. XL, cc. 15v [19 mars 1500]. Aussi dans ASU, Archivio Caimo67, n. 8, Deliberazioni del consiglio di Udine ed altri atti riguardanti il Duomo (anno1263-1739), p. 27.

[79] « [Pro fabrica capellarum sanctorum Josephi et Marci ponatur ad incantum] ;BCU, Archivum Civitatis Utini, Annales, t. XL, c. 20r [24 avril 1500]. La délibération esttranscrite aussi dans ASU, Archivio Caimo 67, n. 7, Deliberazioni del consiglio di Udiniriguardanti il Duomo (anno 1368-1736), p. 5.

[80] Cécile Caby, « Nostrae religionis, verum etiam hujus civitatis decus etornamentum : les chantiers religieux en Italie à la fin du Moyen Age. A propos de lareconstruction de San Michele di Murano », Pouvoir et édilité. Les grands chantiersdans l’Italie communale et seigneuriale, sous la direction de Élisabeth Crouzet-Pavan,Rome, École française de Rome, 2003, p. 164.

[81] L’activité au Frioul de la famille Moranzone est documentée entre la fin du XIVe etle milieu du XVe siècle. Deux figures émergent tout particulièrement, celle d’Andrea (†1394/1398) et de son fils Caterino († 1413/1430). Nous renvoyons à l’article de LuciaSartor, « Andrea e Catarino Moranzone e il Friuli Venezia Giulia », Artisti in viaggio,1300-1450. Presenze foreste in Friuli Venezia Giulia, sous la direction de Maria PaolaFrattolin, Udine, Forum, 2003, p. 93-122. Sur les activités d’Andrea, notamment àGemona, voir les notations de Vincenzo Joppi, Contributo quarto ed ultimo alla storiadell’arte nel Friuli ed alla vita dei pittori e intagliatori, scultori, architetti ed oreficifriulani dal XIV al XVIII secolo, Venise, Reverenda Deputazione veneta sopra gli studi distoria patria, 1894, p. 108-109. Vincenzo Joppi, en revanche, ne signale pas, pourGiacomo Moranzone, sa participation à la fabrication de la pala de saint Joseph.

[82] BCU, Archivum Civitatis Utini, Annales, t. XL, cc. 21v-22r [11 mai 1500]. Aussidans ASU, Archivio Caimo 67, n. 8, Deliberazioni del consiglio di Udine ed altri attiriguardanti il Duomo (anno 1263-1739), p. 28.

[83] « [Pro magistro Peregrino pictore] » ; Ibid., c. 50rv [21 février 1501]. Aussi dansASU, Archivio Caimo 67, n. 8, Deliberazioni del consiglio di Udine ed altri attiriguardanti il Duomo (anno 1263-1739), p. 30.

[84] « [Pro capellis sanctorum Marci et Josep in ecclesia maioris] » ; Ibid., c. 104r [31janvier 1502].

[85] « Judicium picture pale altaris maioris S. Aquileiensis Ecclesie. Die mercuriii XXVIaprilis 1503 […] » ; ACU (Archivio del Capitolo di Udine), Delibere Capitolari di Aquileia,

t. II, p. 257 ; édité par Vincenzo Joppi, Contributo secondo alla storia dell’arte nel Friulied alla vita dei pittori e intagliatori friulani, Venise, 1890, p. 38-39.

[86] Elle a été chosie, entre autre, comme image de couverture du livre de Carolyn C.Wilson, St. Joseph in Italian Renaissance Society and Art : New Directions andInterpretations, Philadelphia, Saint Joseph’s University Press, 2001. Voir aussi AnchiseTempestini, Martino da Udine detto Pellegrino da San Daniele, Udine, Arti graficheFriulane, 1979, tav. 12 (avant la restauration) et tav. 13 (après la restauration). Lesprédelles, tav. 16 : adoration des bergers ; et tav. 17 : fuite en Egypte.

[87] Surtout Paul Payan, « Ridicule ? L’image ambiguë de saint Joseph à la fin duMoyen Age », Médiévales, 49, 2000, p. 96-111.

[88] George Kaftal, Iconography of the saints in the painting of North East Italy, III vol.,Saints in Italian art, Florence, Sansoni, 1978.

[89] Paul Payan, Joseph. Une image de la paternité, op. cit., p. 11. Les études sur saintJoseph connaissent depuis les années 1950, notamment sous l’impulsion des Cahiersde Joséphologie de Montréal, un véritable âge d’or. Outre les livres de Paul Payan et deCarolyn Wilson, déjà cités, signalons aussi les travaux de Tarcisio Stramare, SanGiuseppe nella Sacra Scrittura, nella teologia e nel culto, Rome, Piemme, 1983 ; Id.,Gesù lo chiamò Padre. Rassegna storico-dottrinale su san Giuseppe, Rome, Città delVaticano, 1997 ; de Annarosa Dordoni, « Per la storia della devozione a S. Giuseppe :indicazioni di metodo e linee di ricerca », Annali di Scienze Religiose, 1, 1996, p. 321-342 ; Ead., « In illa hora tremenda. La devozione a san Giuseppe patrono della buonamorte nei secoli XVI-XX (prima parte) », Annali di Scienze Religiose, 3, 1998, p. 279-304 ; Ead., « In illa hora tremenda. La devozione a san Giuseppe patrono della buonamorte nei secoli XVI-XX (seconda parte) », Annali di Scienze Religiose, 4, 1999, p.381-402 ; Ead., « Aspetti di etica sociale e familiare nella predicazione osservante delQuattrocento : i sermoni su san Giuseppe di Bernardino da Siena e di Bernardino daFeltre », Annali di scienze religiose, 8, 2003, p. 235-257.

[90] Paul Payan, Joseph. Une image de la paternité, op. cit., p. 237.

[91] Notamment, les Sermoni del beato Bernardino Tomitano da Feltre nella redazionedi fra Bernardino da Brescia minore osservante, éd. de Carlo Varischi Da Milano, Milan,Renon, 1964, vol. I, p. 393-402, De Sancto Joseph (n. 30) ; voir Roberto Rusconi,« Bernardino da Feltre predicatore nella società del suo tempo », Bernardino da Feltrea Pavia. La predicazione e la fondazione del Monte di Pietà, Atti della giornata di studio,Pavia, 30 ottobre 1993, sous la direction de Renata Crotti Pasi, Côme, New Press,1994, p. 1-16.

[92] En France, on trouve aussi les traces de confréries dédiées à saint Joseph : c’est

le cas notamment à Mâcon où il existe, au XVIe siècle, une confrérie réunie sous lepatronage de sainte Anne et saint Joseph ; cf. Catherine Vincent, Les confrériesmédiévales dans le royaume de France (XIIIe-XVe siècle), Paris, Albin Michel, 1994, p.122-123.

[93] Nous renvoyons, à titre d’exemple, à l’étude de Giovanna Casagrande,« Devozione e municipalità. La Compagnia del S. Anello/S. Giuseppe di Perugia (1487-1542) », Le Mouvement confraternel au Moyen Âge : France, Italie, Suisse, Actes de latable ronde organisée par l’Université de Lausanne avec le concours de l’Ecolefrançaise de Rome et l’U.A. 1011 du CNRS, Lausanne, 9-11 mai 1985, sous la directionde Agostino Paravicini Bagliani, Rome, Ecole française de Rome, 1987, p. 155-183.

[94] Carolyn C. Wilson, « The cult of St. Joseph in early Cinquecento Venice », art.cit., p. 289.

[95] L’histoire de la confrérie de San Giuseppe de Cividale est retracée par ClaudioMattaloni, « Le confraternite di Cividale dal XIII al XX secolo », in Cividât, 76n congres,sous la direction de Enos Costantini et alii, Udine, Società Filologica Friulana, 1999, vol.I, p. 490-491.

[96] « Limosina alla fraterna di San Giuseppe di ducati 3, per pagar la statua d’argentodi detto santo » ; BCU, Archivum Civitatis Utini, Acta, t. XIV, c. 127v [20 mars 1537].

[97] En 1515, le chroniqueur vénitien rappelle que, depuis un an, la fête de saintJoseph, qui est une nouveauté, est maintenant célébrée de manière générale dans lacité : « A dì 19, fo santo Ixepo. Fo gran pioza la matina, et tal zorno si varda da unoanno in qua per devution grande, che prima non si vardava, tament era l’altar e scuolaa San Silvestro […] » ; Marin Sanudo, I Diarii, t. XX, col. 65 [19 avril 1515] ; le passageest cité en annexe par Carolyn C. Wilson, « The cult of St. Joseph in early CinquecentoVenice », art. cit., p. 311.

[98] « […] the establishment of Joseph’s cult at San Silvestro in 1499, bygouvernamental encouragement of the cult in the subject city of Udine in 1499,Belluno in 1507 and Bergamo in 1512 (as later at Asola in 1516) and by its priorestablishment at nearby subject cities in the Veneto, notably Padua, Treviso, Vicenzaand Verona » ; Carolyn C. Wilson, « The cult of St. Joseph in early Cinquecento Veniceand the testimony of Marin Sanudo’s Diaries », Studi Veneziani, 47, 2004, p. 305.

[99] Notons que, si le rapport de saint Joseph avec la menace turque est au cœur desinvestigations de Carolyn C. Wilson, il est au contraire totalement absent des analysesde Paul Payan.

[100] « […] military events, including attack from the Muslim Turk » ; Carolyn C.

Wilson, « The cult of St. Joseph in early Cinquecento Venice », art. cit., p. 288.

[101] À propos de la Summa de doni Sancti Joseph écrite en 1522 par Isidoro Isolano,un dominicain milanais, Wilson écrit : « the author pleadingly insists that prayer to St.Joseph – the champion of the Church Militant – and augmentation and promulation ofhis cult would bring peace to war-torn Italy, avert natural disaster, and spread thewater of baptism to barbarian, Muslim and Jews » ; Ibid., p. 287 et note 3. Mais surtoutCarolyn C. Wilson, « Invention, Devotion and the Requirements of Patrons : Titian andthe New Cult of St. Joseph », The Cambridge Companion to Titian, sous la direction dePatricia Meilman, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2003, p. 75-94.

[102] « Et voici les origines de Jésus Christ. Marie sa mère était fiancée à Joseph ;avant qu’ils soient ensemble, elle se trouva enceinte par l’Esprit saint. Joseph sonépoux, qui était juste et ne voulait pas la diffamer, décida de la renvoyer en secret.Comme il y pensait, voilà qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et dit : Josephfils de David, ne crains pas de prendre Marie ta femme, car ce qu’elle a conçu est del’esprit saint » ; Mt 1, 18-25. Lire aussi Lc 1, 27.

[103] Mt 2, 13.