Lexique de la musiaque du Ta'zie

23
1 UNIVERSITE DE ROUEN UFR DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES AFZUNTAR, Said N° étudiant : 98006449 Travail de recherche correspondant aux séminaires de DEA du Patrimoine Musical Régional LEXIQUE DE LA MUSIQUE DU TA’ZIE Monsieur : BILLIET Frédéric Madame : HASSAN Schéhérazade Qassim Année 2000-2001

Transcript of Lexique de la musiaque du Ta'zie

1

UNIVERSITE DE ROUEN

UFR DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

AFZUNTAR, Said N° étudiant : 98006449

Travail de recherche correspondant aux séminaires de

DEA du Patrimoine Musical Régional

LEXIQUE DE LA MUSIQUE DU TA’ZIE

Monsieur : BILLIET Frédéric

Madame : HASSAN Schéhérazade Qassim

Année 2000-2001

2

Introduction

En Iran, le Ta’zie est un genre de musique et de théâtre religieux dont les premières

traces remontent au milieu du dix-huitième siècle. Il s’intéresse à l’histoire religieuse chiite et

à ses moments dramatiques, en particulier le massacre du Karbalâ et l’assassinat de l’Emâm

Hoseyn (troisième imam de la religion chiite).

Les textes des Ta’zie-s sont présentées sous forme de poèmes appartenant à la poésie

classique persane. La musique du Ta’zie est basée sur le répertoire de la musique

traditionnelle de l’Iran. Elle est en même temps influencée par la musique populaire des

différentes régions de l’Iran. La représentation scénique permet plusieurs formes

d’interprétation du texte (dialogue, chant, déclamation …).

Notre recherche se bornera à définir les termes musicaux du Ta’zie. Notre première

démarche a consisté à rencontrer les maîtres du Ta’zie dans notre région natale. Nous nous

sommes vite trouvés confrontés à quelques difficultés : le Ta’zie fait partie de la musique

religieuse et a sa propre terminologie. Les rares mots communs qui appartiennent au Ta’zie et

à la musique iranienne traditionnelle, bien qu’ils aient la même origine, n’ont plus la même

sens.

Il nous a donc paru indispensable, pour introduire le lecteur à cet univers, de produire un

lexique. Les termes qui apparaissent dans ce travail sont d’abord les fruits de notre

fréquentation des acteurs du Ta’zie dans la région du Qazvin (la ville est à 140 km au nord-

ouest de Téhéran) de 1991 à 1998. Une autre partie (1/3) des termes définis vient de lectures

recoupées d’articles persans ou européens traduits. Voyons quelles sont les difficultés qui se

posent à l’élaboration du lexique.

Le premier problème vient de la multiplicité des termes employés par les gens qui sont

concernés(acteurs, auteurs, experts, spectateurs) pour désigner un même objet : un chant

d’introduction sera appelé « Piš-xâni » (prologue) par l’un et « Piš-darâmad » (préambule)

par un autre. Le choix sera pris de conserver le terme le plus utilisé ou parfois celui qui

semble porter le mieux. Il faut également prendre garde aux termes nouveaux crées par les

auteurs qui tentent de donner leur propre vision imagée du Ta’zie, et repérer de même les

mots qui l’on n’emploie plus mais qui apparaissent dans des articles d’époque. En outre, le

3

Ta’zie regroupe plusieurs domaines artistiques (poésie, théâtre, musique) : un terme employé

peut renvoyer à plusieurs domaines en même temps (exemple : Bahr-e Tavil désigne la forme

écrite du poème et en même temps sa forme musicale).

La translittération en français pose également un problème à résoudre : il peut y avoir

plusieurs formes en français concernant un même terme du Ta’zie. Pour le seul mot

« Ta’zie », nous trouvons : Tazie, Tazieh, Ta’zieh, Ta’ziyeh, Ta’zié, Ta’ziehs, Tezie, Ta’ziyé,

Ta’âzî et Ta’ziya. Dans un souci pratique et de normalisation, nous utiliserons le système

proposé par Gilbert Lazard dans son dictionnaire Persan-Français.1

a, e, o ا

â آ

b ب

p پ

t ت

s ث

j ج

č چ

h ح

x خ

d د

z ذ

r ر

z ز

ž ژ

s س

š ش

s ص

z ض

t ط

z ظ

ع‚

q غ

f ف

q ق

k ک

g گ

l ل

m م

n ن

v, u ow, ou o و

h, -e ه

y, i, ey ى

أ, ئ‚ , ou rien

1 LAZARD Gilbert. Dictionnaire persan-français, Téhéran, Ed. Jânzâde, Deuxième édition 1996.

Et Cf. LAZARD Gilbert. « Comments on the transliteration of oriental words into Latin characters »,

réimpression de Journal of the Regional Cultural Institute, N° 4, Vol. 1, Téhéran, 1968.

4

LEXIQUE DE LA MUSIQUE DU TA’ZIE

Aliakbar-xân على اكبر خوان

« Aliakbar : le fils aîné de l’Emâm Hoseyn. Xân, radical du Xândan : (voir Xân) »

Terme utilisé pour désigner l’acteur qui joue le rôle de Aliakbar. Le rôle est marqué

par la jeunesse et l’héroïsme. La période où on joue le rôle de Aliakbar est considéré comme

le moment fort de la vie d’un chanteur du Ta’zie. Par glissement, « Dore-y Aliakbar-xâni » (la

période où a été chanté le rôle de Aliakbar) est devenue une expression définissant la

jeunesse, la beauté et la force de l’acteur. Le Ta’zie du « martyre d’Aliakbar » est une des

scènes les plus touchantes des Tazie-s. 2 Les troupes des Ta’zie-s rivalisent entre elles pour

attirer un bon Aliakbar-xân qui est très estimé par les spectateurs, particulièrement les

femmes.

Ce rôle est souvent attribué à un jeune chanteur, ordinairement un ancien Bače-xân (enfant-

acteur. voir Bače-xân) au tout début de sa carrière professionnelle, car sa voix est proche de

celle d’un contralto. Aliakbar-xân montre sa virtuosité en utilisant beaucoup de vocalises. Il

provoque même les autres chanteurs en adoptant un mode ou un registre de voix qu’ils ne

peuvent imiter.

Ašqiâ-xân اشقيا خوان

Ašqiâ, pl. de Šaqi ; mot arabe, littéralement : individu méchant, inhumain,

bagarreur »

C’est l’une des deux catégories des acteurs de Ta’zie. Elle inclut tous les adversaires

de la famille sainte. Les Ašqiâ-xân sont classés en deux catégories : les Taxt-xân (ceux qui

sont sur le trône. voir Taxt-xân -) et les Sarpâ-xân (leurs soldats. voir Sarpâ-xân -).

2 Cf. GENERET (de) Robert Henry. Le martyre d’Ali Akbar, Drame persan, Liège, Paris, Ed. librairie Droz,

1946.

5

Les Ašqiâ-xân-s sont privés du chant, et ils n’ont le droit que de déclamer leurs rôles. La

manière avec laquelle ils exécutent leur déclamation dépend du personnage à représenter. Il

n’y a donc pas de déclamation type, exceptée l’Oštolom (voir Oštolom).

Il peut arriver que les Ašqiâ-xân jouent le rôle de personnages non-violents et non-opposants

aux acteurs « positifs », exemple : le rôle de Salmân Pârsi (l’un des compagnons du prophète,

un vieillard dans cette scène) dans le Ta’zie de Fâteme Zahrâ (la fille du prophète). Il

demande la permission de visiter Fâteme qui est tombée malade après la mort de son père. Il

est une figure de la sympathie et de la sagesse. Un autre exemple est le rôle du jardinier dans

le Ta’zie de l’Emâm Rezâ (huitième Emâm chiite). Il fait preuve de sa dévotion vis à vis de

l’Emâm après avoir vu ce dernier accomplir un miracle.

Bač[č]e-xân بچه خوان

« Bač[č]e : enfant »

Petits acteurs du Ta’zie, ils tiennent les rôles d’enfants de saints. Le nombre de ces

petits garçons varie selon les besoins de la scène. Ces acteurs étaient recrutés dès l’âge de 6

ou 7 ans et étaient ensuite entièrement pris en charge par le directeur du Ta’zie (Moin-ol-

bokâ’), qui les nourrissait, les habillait, les logeait et les formait. NAKISÂ Hosein-ali 3a

raconté la méthode pédagogique du Mirzâ Bâbâ, le professeur du chant du Takye-y Dowlat (la

salle de spectacle de Ta’zie construite par Nâsr al-Din Šah 1831-1896). Il demandait avec

rigueur à ses élèves d’imiter les modèles mélodiques tout en respectant les ornementations. 4

Dans les autres foyers moins prestigieux c’est le directeur lui-même qui était chargé

d’enseigner la musique. Ces enfants prenaient les rôles de personnages plus âgés lorsque leur

voix venait à muer. On peut dire que la plupart des grands chanteurs du Ta’zie d’autrefois ont

commencé par Bače-xâni dans leur jeunesse.

Aujourd’hui, dans l’absence du mécénat, les Bače-xân-s sont en général les enfants des

acteurs professionnels du Ta’zie.

Le répertoire de Bače-xân contient des mélodies courtes. Ces mélodies seront répétées

sans grande variation pendant la pièce. S’il y a plus d’un enfant dans une scène ils chantent

ensemble la même mélodie. L’instrument solo présente le modèle mélodique que va suivre

l’enfant dans son chant. Toutes ces éléments (mélodie courte, faible variation et présence de

l’instrument) sont destinés à faciliter la tâche attribuée à ces petits chanteurs.

3 Cf. MAŠHUN Hassan. Musiqi-y Mazhabi-y Iran, Téhéran, Ed. Sâzemân-e Jašn-e Honar, 1971-1972. p. 64. :Le

célèbre chanteur du Ta’zie né en 1880 ; il a vécu plus qu’un siècle. Il a commencé de chanté dans son enfance. Il

présente une technique du chant originale dans son œuvre. 4 Idem. MAŠHUN Hassan. p.38.

6

D’une représentation à l’autre, la mélodie varie chez les acteurs adultes en fonction de

l’improvisation alors qu’elle est fixe chez les enfants. Lorsque les deux types d’acteurs sont

présents, c’est sur la mélodie correspondant au texte des enfants que s’accordent tous les

acteurs. Cette situation est généralement la cause d’une modulation.

Bahr-e-tavil بحر طويل

« Bahr, pl. Bohur ; en arabe, littéralement : mètre versif ;. Tavil ; terme arabe : long »

C’est une forme poétique utilisée dans la pratique du Ta’zie : la répétition plusieurs

fois dans le vers d’une groupement de quelques syllabes courtes et longues successives (pied).

Dans la poésie persane, on trouve un pied répété au maximum huit fois dans un vers, donc

quatre fois de chaque côté de la césure à l’hémistiche. La forme de Bahr-e-tavil, en répétant

arbitrairement le pied, balaye cette norme, supprime la symétrie entre les hémistiches et

transforme presque sans limite la longueur du vers. Donc la sensation de rythme est perçue

différemment. C’est pourquoi Bahr-e-tavil est considéré comme une liaison entre vers et

prose. 5

Dans les Ta’zie-s, la forme du Bahr-e-tavil est mise en musique tantôt par Owliâ-xân

(voir Owliâ-xân) en chantant, tantôt par Ašqiâ-xân (voir Ašqiâ-xân) en déclamant et tantôt par

l’orchestre qui imite la mélodie du chant. Cette forme prosodique devient une forme musicale

utilisée par les Ta’zie-xân-s ainsi que les chanteurs traditionnels. Dans ce contexte de Ta’zie,

la forme de Bahr-e-tavil engendre dans l’interprétation un prolongement de la phrase

mélodique, une accélération du tempo et une limitation de l’ambitus de la mélodie.

Bayât-e Tehrân بيات تهران

Ce terme désigne un style de chant particulier pratiqué dans le milieu populaire urbain

et les classes moyennes.

Mašhun a décrit ce style : « à l’époque du Nâser-ed Din Šâh (1831-1896), où le Ta’zie

était très répandu, le sufisme était courant chez les jeunes générations. Les jeunes participants

des cercles sufis ont développé un style de chant particulier. Ils ont plaqué ce style sur tous les

modes de la musique iranienne. L’influence de ce type de chant reste présente jusqu’à

aujourd’hui. A Tehrân (Téhéran), Rezâ Šâhmorâdi et Rezâ Čerâqali étaient des chanteurs

5 ŠAFYI-E KADKANI Mohmmad Rezâ. Musiqi-e Še’r, Téhéran, Ed. Âgâh, 1989. p.510 : « Jamil Sedqi al-

Zhâvi (1863-1936) le poète irakien définit la version irakienne du Bahr-e-tavil : cette forme a une origine

persane ; elle est intitulée Band (tout ce qui sert à attacher) parce que c’est une liaison entre vers et prose »

7

célèbres dans ce style. » 6

Nous avons demandé au célèbre chanteur professionnel de Ta’zie de la ville du Qazvin, le

regretté Mirzâ Ali Pâknafas, de nous chanter l’air de Bayât-e Tehrân. Ce style se différencie

des autres par un changement du type de la vocalise : les notes s’enchaînent sans rupture alors

que la vocalise dans le chant traditionnel est plus ou moins saccadé. La sensation auditive

provoquée est celle d’un homme ivre qui chanterait. C’est pourquoi il est mal vu par les

maîtres du chant traditionnel. Dans le milieu populaire urbain, à l’inverse, ce style est très

répandu. Il était utilisé avant la révolution à la fois par les chanteurs du cabaret et par ceux du

Ta’zie.

Čahâr-dâng چهار دانگ

voir Dâng

Dâng دانگ

« un sixième d’un bien immobilier »

Ce terme est utilisé à la fois dans le contexte du Ta’zie et de la musique traditionnelle.

Les musiciens utilisent le Do-dâng (deux sixièmes), le Čahâr-dâng (quatre sixièmes) et le

Šeš-dâng (six sixièmes). Le Dâng peut mesurer soit l’intensité ou l’énergie de la voix. Dans

ce cas, Dâng est adjectif qualificatif (une voix Do-dâng ou Čahâr-dâng, c’est à dire faible ou

assez intense, Šeš-dâng très intense). Le Dâng peut aussi mesurer la tessiture, c’est à dire la

capacité du chanteur à avoir un éventail de tonalité plus ou moins large. Un chanteur Do-dâng

a un éventail moins large qu’un Čahâr-dâng, lui-même moins large que le Šeš-dâng. Le Šeš-

dâng est le virtuose, le soliste qui peut tout chanter.

Nota : En réalité, nous ne pouvons pas toujours mesurer séparément ces deux qualités de la

voix humaine parce que les quatre ou cinq notes plus basses de la voix sont naturellement

moins intenses que les notes du milieu ou du haut de la voix.

Certains auteurs 7 essayent de lier le mot Dâng utilisé aujourd’hui avec le mot Dâng

utilisé chez les théoriciens médiévaux islamiques qui signifie tétracorde. Par conséquent ils

suggèrent l’étendue de trois octaves pour la voix Šeš-Dâng, deux octaves pour Čahâr-dâng et

un octave pour la voix de Do-dâng.

6 MAŠHUN Hassan. Op. Cit. p. 55.

7 ABDOLQÂDER EBN-E QEYBI HÂFEZ-E MARÂQI. Maqâsed ol-Alhân, édité par BINEŠ Taqi, Ed. Bongâh-

e Tarjome Va Našr-e Ketâb, 1975. p. 201.

8

Do-dâng دو دانگ

voir Dâng

Dohol دهل

Tambour cylindrique de grande taille à deux membranes.

On les frappe simultanément avec deux baguettes, l’une mince et appelée tarqué

(branche mince et longue coupée sur l’arbre), l’autre (à la main droite) ressemblant à une

canne courbée et appelée Kajak (la baguette de Dohol). Le Dohol est soutenu par une courroie

passée derrière la nuque et il reste vertical devant le joueur. Le Dohol produit un son puissant

et de hauteur indéterminée.

Le Dohol est utilisé plutôt dans les Ta’zie-s qui se déroulent en province ; la grosse caisse le

remplace dans l’ensemble du Ta’zie en ville.

Emâm-xân امام خوان

« Emâm pl. Aemme ; terme arabe : désigne les douze imams de l’islam chiite (Ali et

ses onze descendants) »

Dans la vocabulaire du Ta’zie ce terme se réfère surtout au rôle de l’Emâm Hoseyn, le

Sâlar-e Šahidân (le chef des martyrs). Ce rôle est attribué aux ténors d’environ 50 ans. Il leur

faut en effet atteindre une maturation : acquérir patiemment une expérience large, savoir jouer

et chanter le rôle de tous les membres des familles saints. Même s’il a un rôle secondaire dans

la pièce, il est au premier rang dans la hiérarchie des chanteurs et représente l’autorité morale

de la pièce. Il lui est demandé (c’est un accord mutuel entre la société et l’acteur) d’avoir une

attitude sage et respectable dans la vie de tous les jours. Si bien que personnage et acteur se

confondent en un idéal moral.

Emâm-xân ne cherche pas à fasciner les spectateurs en faisant la démonstration de ses

capacités vocaliques. Il présente son rôle sobrement.

Karnâ كرنا

Genre de trompette, anciennement utilisée dans le Ta’zie, faite d’un tube droit de

laiton d’une longueur de deux mètres qui s’élargit à l’extrémité.

L’origine de Karnâ remonte à l’histoire mythique de l’Iran antéislamique. « Jamšid a,

dit-on, inventé le Karnâ ; le faire sonner est le privilège du roi et du prince, et partout où se

trouve un personnage d’un tel rang, on entend retentir ce bruit solennel, le matin et le soir. Les

9

Ta’zie-s étant consacrés aux Emâm-s ont le même privilège souverain. » 8

Les Karnâ-s étaient les instruments essentiels de l’ensemble du Naqâre-xâne ou

Nobat-xâne (l’orchestre militaire ancien), qui étaient utilisés pour annoncer l’aube et le

coucher du soleil dans la cour des rois. Avec la disparition de cette tradition, au début du 20e

siècle, nous ne trouvons plus l’utilisation de Karnâ dans le Ta’zie.

Mazlum-xân مظلوم خوان

« Mazlum terme arabe : opprimé, victime d’une injustice », voir Owliâ-xân.

Mesra’ مصراع

« Mesrâ’ ou Mesra’ ; terme arabe signifiant moitié d’un distique »

Mesra’ est l’action d’attribuer à chacun des deux acteurs un hémistiche d’un distique.

Ils se succèdent en chantant, en déclamant ou en alternant l’un et l’autre. Se produit un effet

d’hétérophonie lorsque les deux voix se chevauchent. L’intervention des autres chanteurs

ainsi que la répétition d’un thème fixe produit parfois une forme de canon.9

Mezqân مزغان

Terme turc qui désigne à la fois la musique et les instruments qui la jouent.

Ce terme a été utilisé à l’époque de Qâjâr-s (1796-1921) la monarchie dont les chefs

sont d’origine turque. Aujourd’hui ce terme n’est plus employé dans la langue persane,

pourtant il est utilisé par les vieux acteurs du Ta’zie pour désigner les instruments militaires

de l’ensemble du Ta’zie.

Mohtašam-xân محتشم خوان

Mohtašam-xân désigne certains jeunes qui se mirent à chanter le Tarkibband de

Mohtašam en marge de la représentation du Ta’zie.

L’origine du terme vient du poète de l’époque Safavî, mort en 1587, Mohtašam-e-

Kâšânî : « il est célèbre pour les Madihe (pl. Madâyeh ; terme arabe : panégyrique, éloge,

apologie) et les Marsie (pl. Marâsi ; terme arabe : élégie funèbre) qu’il récitait à la

commémoration des imams chiites. Le plus important Marsie qu’il ait composé est une

Tarkibband (poème strophique sans refrain) en douze strophes pour les martyrs du

8 GOBINEAU Arthur. Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale, Paris, Ed. du Trident, 1988. p. 330.

9 MASSOUDIEH Mohammad Taghi. Musiqi-e Mazhabi-e Iran Volume I, Musiqi-e Ta’zie. Téhéran, Ed. Soruš,

1988. P. 51.

10

Karbalâ. 10

»

Mostofi Abdolâh a mentionné cet événement durant la période Qâjâr (1796-1921) :

« Dans certains Takye (emplacement où l’on jouait le Ta’zie) plus grands, que la moyenne, un

ou deux Tâqnamâ (balcons tout autour du Takye) étaient alloués au Mohtašam-xân. Ces

Tâqnemâ étaient décorés avec les accessoires des Darviš (derviche) par exemple Kaškul

(gourde), Tasbih (rosaire) et des peaux des animaux. Un chanteur était placé dans ce Tâqnamâ

et chantait les poésies de Mohtašam. Lorsqu’il y avait deux Tâqnamâ consacrés aux

Mohtašam-xân, une strophe était extraite de chaque poésie et chantée sous forme de question-

réponse. » 11

Selon Mašhun, l’auteur de la « Musique religion », Mohtašam-xâni appartenait à un

type de chant populaire nommé Bayât-e Tehrân 12

(voir Bayât-e Tehrân). Nous ne trouvons

plus Mohtašam-xâni dans la représentation actuelle du Ta’zie. Pourtant le style du Bayât-e

Tehrân chez le chanteur du Ta’zie reste très fréquent.

Mokâleme مكالمه

« terme arabe : conversation, dialogue »

Mokâleme désigne le dialogue entre deux acteurs quelconques. Nous distinguons les

dialogues chantés, les dialogues déclamés et les dialogues alternant chant et déclamation. Le

dialogue où les acteurs alternent chacun une moitié de distique porte un nom particulier : le

Mesra’ (voir Mesra’). Dans ce cas la partie consacrée à chaque acteur est courte, l’échange est

plus marqué, on perçoit fortement la forme dialoguée.

Normalement le modèle métrique de la poésie, la rime et le modèle mélodique du

chant restent invariables pendant le Mokâleme. Dans le cas du dialogue chanté, les acteurs

peuvent chanter leurs textes en utilisant une séquence supérieure ou inférieure de la même

mélodie. Ils peuvent aussi changer la mélodie en gardant la même rapport d’intervalles entre

les notes (mode). Par exemple, le Ta’zie du Vafât-e Fâteme (la mort de Fâteme), le dialogue

entre Ali ( le premier Emâm chiite) et sa femme Fâteme (la fille du prophète) : Fâteme

manifeste sa tristesse en chantant sur l’air du Šuštari (modèle mélodique qui appartient au

mode Homayun) et Ali chante solennellement sur l’air du Darâmad-e Homayun

(l’introduction du mode Homayun). Ces deux modèles mélodiques font partie du mode

Homayun.

10

MO’IN Mohammad. Farhang-e Fârsi [dictionnaire persan], Téhéran, Ed. Amirkabir, 1964. 11

MOSTOFI Abdolâh. Šarh-e Zendegâni-e Man, Téhéran, Ed. Majles, 1954. 2e édition Zawâr, 1981.

12 MAŠHUN Hassan. Op. Cit. p. 55.

11

Moxâlef-xân مخالف خوان

« Moxâlef ; terme arabe : opposé, hostile », voir Ašqiâ-xân

Moxtalet-xâni مختلط خوانى

« Moxtalet ; terme arabe : mixte, mélangé, mêlé »

Ce terme a été proposé la première fois par Ebrâhim Buzari. Il explique que Moxtalet-

xâni (chant mixte) est l’irruption passagère d’un autre mode pendant le chant du mode

principal. Cette modulation est si brève qu’elle n’efface pas la sensation du mode principal. 13

Le professeur Massoudieh 14

a également constaté cette particularité du système de

modulation du Ta’zie. « Les modulations du chant du Ta’zie sont arbitraires. […] Les modèles

mélodiques du Ta’zie sont des modèles subjectifs, qui sont reconnus par les acteurs.

Vraisemblablement, le mode est en rapport avec le texte car il suit ses moments de tension. »

Cette particularité induit une approche spécifique du Ta’zie.

Musiqi موسيقى

Prononciation persane du terme musique.

Dans le contexte du Ta’zie, ce terme désigne la musique produite par les instruments

traditionnels. Cette musique évoque les scènes des cours des califes assassins des Emâme-s

chiites. Cette musique détestée est utilisée par exemple dans la partie du Ta’zie concernant

Bâzâr-e Šâme (le marché de Damas) : Yazid (le deuxième calife Omeyyade), après avoir

assassiné Emâm Hoseyn et ses compagnons au Karbalâ (l’Irak actuel), fait enchaîner les

femmes et les enfants et les fait venir à Damas dans son palais. C’est ici qu’on suppose que

des musiciens de la cour du calife sont intervenus. D’un coté les captives dans un état

déplorable, d’un autre le calife en train de s’amuser en frappant la tête coupée de l’Emâm avec

sa férule. Les musiciens jouant en même temps, semblent fêter cette scène et sont par

conséquent assimilés comme complices du crime dans l’imagerie populaire et sa musique

(Musiqi) est haïe.

Muzik موز يك

Dans le contexte du Ta’zie le terme de Muzik, désigne à la fois toutes les parties

13

SHAHIDI Anayatullah. « Literary and musical developments in Ta’ziyeh », in Ta’ziyeh : ritual and drama in

Iran, Chelkowski Peter J. , Ed. New York, Univ. Press ; Teheran, Sorush Press. 1979. P. 44. 14

MASSOUDIEH Mohammad Taghi. Op. Cit. p. 46.

12

instrumentales jouées par des instruments militaires et l’orchestre lui-même

On suppose que le terme est entré dans la langue persane avec l’arrivée, à l’invitation

du Roi, des professeurs de musique militaire européenne au 19e siècle, dont le sous-chef de

musique du 1er

régiment des voltigeurs de la garde impériale, M. Lemaire, décoré du titre de

Muzikânči-bâši (directeur général des musiques impériales). 15

Ce souverain faisait jouer

cette musique pendant les défilés militaires et les représentations de Ta’zie qui suivaient. La

tradition de l’utilisation de Muzik dans le Ta’zie perdure aujourd’hui d’autant qu’elle n’a

jamais été frappée d’interdiction, contrairement aux instruments traditionnels.

Muzik-či موزيكچى

« voir Muzik. či suffixe turc formant de nombreux noms de métier. » Musicien.

Naqqâra نقاره

Membranophone, anciennement utilisé dans le Ta’zie, constitué de deux récipients

hémisphériques en cuivre ou en terre cuite reliés par une lanière de cuir. « L’un est plus grand

que l’autre et les deux varient selon la région entre 16 cm et 80 cm de diamètre. » 16

Le

tambour est une peau de chevreuil. On joue avec deux petites baguettes, les Tchoub.

Il n’est plus utilisé ni dans la musique militaire ni dans l’ensemble du Ta’zie. Il avait

pour fonction d’annoncer le lever et le coucher du soleil pour la population avant le 20e siècle.

Ney نى

« flûte de roseau »

Il est fait d’un tube ouvert à ses deux extrémités. C’est l’instrument à vent de la

musique populaire, traditionnellement des bergers. Ney ne fait pas partie de l’ensemble du

Ta’zie, mais il existe quelques scènes qui exigent sa présence. Parmi ces scènes, la plus

importante est la scène du Teflân-e Moslem (enfants du Moslem- cousin de l’Emâm Hoseyn-).

Ces malheureux enfants, après que leur père est mort martyr, s’enfuirent de la ville et se

réfugièrent chez un berger. Un joueur de Ney depuis extérieur de la scène accompagna le

chant de ce berger. Un grand nombre des mélodies populaires des régions du Nord de l’Iran

ont été introduites par la présence du Ney dans cette scène. Ces mélodies sont en général dans

15

HUART Clément. « Musique Persane », in : A. Lavignac Encyclopédie de la musique et dictionnaire du

conservatoire, Paris, Ed. Librairie Delagrave ; 1922. P. 3077. 16

MANSURI Parviz. Sâz-šenâsi, Téhéran, Ed. Edârh-e Koll-e Âmuzeš-e Honari Vezârat-e Farhang-o Honar,

1976.

13

L’Âwâz-e Dašti.

Nowhe نوحه

«en arabe : pleurs, gémissements ; par extension : chant funèbre, lamentation »

Avant d’être repris dans le Ta’zie, c’est un terme générique donné à tous les chansons

que l’on chante dans les cérémonies de deuil dans la société iranienne. Chaque année, pendant

plus dix jours, on commémore le martyr de l’Emâm chiite Hoseyn. On utilise les Nowhe-s

pendant ces commémorations qui sont de trois types : l’une dans la rue avec les groupes des

processions Sine-zani (qui veut dire : se frapper la poitrine) ou Zanjir-zani (qui veut dire : se

frapper avec les chaînettes de métal d’un martinet). L’autre est pratiquée en général dans les

mosquées et appelée Nowhe-xâni. La troisième se joue dans un lieu fermé et est intégrée à

une représentation théâtrale (Ta’zie). Le Nowhe qu’on chante au début du Ta’zie s’appelle

Piš-xâni (voir Piš-xâni) celui qu’on chante à la fin s’appelle Pas-xâni (voir Pas-xâni) et on

peut trouver un Nowhe correspondant à chaque épisode de la représentation.

La tradition veut que les spectateurs répètent le refrain après l’acteur. D’autre part, le

rythme des Nowhe-s est conçu pour que les spectateurs participent en frappant leur poitrine de

leur main. Le frappement sur la poitrine coïncide avec le tactus de la mélodie et le chanteur

dirige le rythme en scandant la poésie. Il entraîne les accompagnants en mettant l’accent sur

les syllabes qui portent les temps forts. La période rythmique varie selon le modèle métrique

de la poésie. En grande majorité, le Nowhe comporte des variations rythmiques, ce qui le rend

dynamique. Le texte versifié de Nowhe ne respecte pas toujours les règles de la poésie

classique ; il s’agit, si l’on veut, de littérature populaire.

Mašhun témoigne que les mélodies de la chanson populaire ainsi que le répertoire de la

musique traditionnelle ont été utilisés comme les bases mélodiques du Nowhe à la fin de 19e

et du début du 20e siècle.

17

Oštolom اشتلم

« Terme turc : violence, tapage »

Ce terme décrit en général une charge verbale violente. Dans le Ta’zie, il désigne une

partie du discours de Ašqiâ-xân (voir Ašqiâ-xân) qui est chargé de menaces contre le Owliâ-

xân (voir Owliâ-xân). L’acteur déclamant avec emphase les mots chargés de sens exprime

l’étendue de sa méchanceté.

17

MAŠHUN Hassan. Op. Cit. p. 64.

14

Le rythme du Oštolom est une imitation souple du modèle métrique de la poésie du

texte. L’intonation et le contour de la mélodie dépendent de l’interprétation par l’acteur de son

rôle. Il est observé dans plusieurs cas que les acteurs utilisent une voix déformée ou

exagérément gonflée afin de souligner la cruauté du personnage à représenter.

Owliâ-xân اولياء خوان

« Owliâ, pl. de Vali ; terme arabe : gardien, tuteur, protecteur, curateur »

Il s’agit d’une catégorie d’acteurs du Ta’zie qui joue et chante les rôles positifs, y

compris la famille du saint (le martyr Hoseyn) et ses accompagnants. Les Owliâ’-xân-s se

divisent en un certain nombre de personnages comme Emâm-xân (voir Emâm-xân), Abbâs-

xân (Abbâs : demi-frère de l’Emâm Hoseyn), Aliakbar-xân (voir Aliakbar-xân), etc. Chacun

de ces personnages meurt en martyr dans une scène du Ta’zie. C’est pourquoi cette catégorie

de chanteurs du Ta’zie est appelée aussi Mazlum-xân (Mazlum : opprimé, victime d’une

injustice) ou Šahâdat-xân (Šahâdat : martyr).

Les Owliâ-xân-s chantent leur texte - le chant est en effet considéré comme le signe de

la bonté du personnage : Hor, bien que chef de l’armée de l'opposant à l’Emâm est reconnu

comme un homme de bien grâce à son chant. On sait alors qu’il changera tôt ou tard de camp.

Ils ont un registre de voix relativement limité : la basse est peu appréciée et les hommes

jouant des femmes ne prennent pas la peine de copier la voix féminine haute. D’autre part,

lorsqu’ils se répondent, les chanteurs sont forcés d’utiliser le même registre de voix pour

conserver une harmonie.

Pas-xâni پسخوانى

« Pas : ensuite, après »

Pas-xâni est un dialogue chanté antiphonaire entre le soliste et les spectateurs qui

répètent le refrain. En règle générale, il est accompagné par les spectateurs frappant leur

poitrine de la main. Pas-xâni est le Nowhe (voir Nowhe) que l’on chante à la fin d’un épisode

ou d’une scène : son thème renvoie à l’action jouée. Exemple : dans le Ta’zie Šehâdat Haftâd-

o Do Tan (les soixante-douze martyrs), l’épisode du Zafar-e Jenni (chef de l’armée du génie

venu pour aider l’Hoseyn) se termine par un Nowhe Pas-xâni qui donne une conclusion à cet

épisode.

Piš-xâni پيشخوانى

« Piš : avant, auparavant »

15

C’est un dialogue chanté antiphonaire entre le soliste et le chœur qui ne répète que les

refrains. Ce Nowhe, comme le prologue d’un opéra est censé introduire la représentation. Il

nous semble que Piš-xâni soit une traduction faite par les chercheurs du mot « prologue » :

dans le milieu du Ta’zie les mots Darâmad (introduction), Piš-darâmad (préambule), Piš-

vâqee (avant-acte) et Nowhe (voir Nowhe) sont plus utilisables.

Nous avons distingué deux sortes de Piš-xâni :

1. Celui dont le sujet correspond au personnage principal de la pièce.

2. Celui que l’on chante pour annoncer le commencement de la saison des cérémonies,

au premier jour du Dahe du Moharram (les dix premiers jours du premier mois lunaire

de la période où s’est déroulé l’événement du Karbalâ). Il ne correspond à aucune

scène précise de Ta’zie

La définition donnée par le professeur Massoudieh correspond plutôt à notre deuxième

catégorie du Piš-xâni : « il s’agit d’un Nowhe que les acteurs chantent avant de commencer le

Ta’zie. En réalité il est destiné à préparer la situation pour le spectacle. Par conséquent Piš-

xâni ressemble au prologue d’un Opéra. Le sujet de Piš-xâni ne désigne pas de personnage

précis. » 18

Un Ta’zie à l’époque Qâjâr (1796-1921) en Takye-h Dolat (salon de la représentation

du gouvernement) selon Ruhollâh Xâleqi commence ainsi : les acteurs du Ta’zie, avant

d’entrer sur scène, se rassemblent dans le couloir, chantent la poésie du Mohtašam (voir

Mohtašam-xân) ; puis ils se mettent à chanter le Nowhe-y Ejtemâi (Ejtemâi : rassemblement,

attroupement) en marchant vers la scène. 19

Nous ne savons pas si le titre de ce Nowhe a été

proposé par Xâleqi ou s’il est d’époque. « M. Nasrâbâdi lui donne le nom de Nowhe-y Axbâr

(Xabar, pl. Axbâr : nouvelle, information, avertissement). M. Fayâzi donne le nom de Nowhe-

y Kalle Pošt-e Bâmi un prologue qui fut chanté depuis le plafond du Takye ou de la mosquée

pour annoncer le commencement des cérémonies. » 20

Le jeu d’interprétation d’un Piš-xâni n’est pas fixe : il peut varier selon la situation et

le goût du Ta’zie Gardân (directeur du Ta’zie). Quoi que le Piš-xâni soit chanté actuellement

par différents acteurs du Ta’zie, il est considéré comme premier fonction allouée au Bače-xân

(voir Bače-xân).

18

MASSOUDIEH Mohammad Taghi. Op. Cit. p. 39.

19

XÂLEQI Ruhollâh. Sargozašt-e Musiqi-e Iran [L’histoire de la musique iranienne], Téhéran, Ed. Safiališâh,

1954. p.342. 20

FATH-ALI-BYGI Dâvud. « Pišvâqee Nowhe-y Moharram, Âwâz-e Mansur », […], 1992. p. 81-102.

16

Qara-ney قره نى

« Qara ou Qârâ, terme turc : noir. Ney : la flûte de roseau »

Terme utilisé pour désigner la clarinette occidentale. Cet instrument est utilisé dans

l’ensemble du Ta’zie mais il n’est pas aussi fréquent que la trompette.

Rajaz-xâni رجز خوانى

« Rajaz ; terme arabe désignant un mètre poétique. »

Dans le contexte du Ta’zie, Rajaz-xâni est le terme attribué au discours de provocation

d’un guerrier avant le commencement d’un combat : il vante ses ascendances grandioses et sa

capacité au combat.

Dans la tradition littéraire populaire, ce type de discours est très ancien et suit le

modèle métrique Rajaz. Mais au dixième siècle, un livre, Šâh-nâme (Livre du Roi), écrit sur le

modèle métrique Moteqâreb connaît un succès considérable. Il influence la poésie et donne

son modèle métrique au Rajaz-xâni. Pourtant la nomination ne change pas car le terme

renvoie à une réalité culturelle pertinente. La mélodie est également celle par laquelle on

chante la poésie du livre du Roi (Šâh-nâme-xâni), qui a donné son héritage de la même

manière à ce niveau. Il s’agit de la mélodie Rajaz répertoriée dans le mode Čâhâr-Gâh.

Rajaz-xâni est la forme de parole privilégiée de Owliâ-xân (voir Owliâ-xân). C’est une

parole d’auto-valorisation, au contraire de celle du Ašqiâ-xân (voir Ašqiâ-xân) qui est une

parole d’auto-dépréciation. La plus célèbre est le Rajaz chanté par Moslem Ebn Aqil (cousin

de l’Emâm Hoseyn) au moment où il sort de la maison de Toa’ (la dame qui lui a donné

refuge) dans une scène portant son nom.

Roy رى

« Le titre donné à certains chants du Ta’zie à Meibod (ville dans la région du Fârs) et

ses provinces est le Roy. Les figures mélodiques et toutes les phrases du chant sont basées sur

trois notes. Le fait de baser le chant sur trois notes a pour objectif de rendre le texte plus

compréhensible. C’est à dire que la compréhension du texte est plus importante que la

mélodie. Le chant de l’Emâm est toujours un Roy. » 21

Sarpâ-xân سرپا خوان

« Sar-e-pâ : sur les pieds, debout, dressé »

21

MASSOUDIEH Mohammad Taghi. Op. Cit. p. 59.

17

C’est l’une des deux catégories de Ašqiâ-xân (voir Ašqiâ-xân). Les acteurs jouent le

rôle des membres inférieurs de l’armée de l’opposant, y compris les soldats et les autres

grades qui doivent obéir aux ordres. Ils sont nommés Sarpâ-xân parce qu’ils jouent leur rôle

en étant debout. Les Sarpâ-xân n’ont pas le droit de monter sur le Saku (estrade ronde où on

joue le Ta’zie) qui est l’endroit privilégié de la famille sainte. Ils marchent autour de la scène

et déclament à la façon Oštolome (voir Oštolome).

Šahâdat-xân شهادت خوان

« Šahâdat : martyr » voir Owliâ-xân.

Sarbâzi سربازى

« Sarbâz: soldat »

Terme utilisé pour désigner le tambour apporté par la musique militaire. Le Sarbâzi est

le membranophone essentiel de l’ensemble du Ta’zie. Il accompagne les morceaux

instrumentaux aussi bien que certaines parties du chant. Le joueur de Sarbâsi imite le rythme

du chant qui n’est pas toujours aisément perceptible. Cette imitation rythmique est produite

par un coup de charge causée par le choc presque simultané des deux baguettes, avec un

accent sur la première note, suivi par un roulement continu. Sarbâzi est placé soit par terre

soit sur une chaise devant le joueur.

Le plus modeste ensemble du Ta’zie contient une trompette et un tambour militaire.

« Dohol (voir Dohol) et Sarbâzi sont les membranophones de l’ensemble du Ta’zie.

Normalement, dans une mesure à quatre temps, les trois croches accentuées sont jouées par

Dohol et les autres temps par Sarbâzi. » 22

Šemr-xân شمر خوان

Šemr est le nom de l’assassin de l’Emâm Hoseyn.

Šemr fait partie de la catégorie Sarpâ-xân (voir Sarpâ-xân) du Ašqiâ-xân (voir Ašqiâ-

xân). Il déclame son texte avec une grande violence (voir Oštolom) afin de montrer la cruauté

du personnage. Mais il présente parfois un personnage bouffon qui se moque de lui-même. Il

improvise certaines phrases qu’il accompagne de gestes qui ont pour but de faire rire les

spectateurs. Ce jeu particulier est une allusion à un théâtre populaire nommé Siâh-bâzi. Il

22

MASSOUDIEH Mohammad Taghi. Op. Cit. p.54.

18

traduit un sentiment contradictoire qui habite le personnage : respect et foi l’envers Emâm et

en même temps besoin d’affirmer une cruauté qu’exige sa fonction. C’est d’autre part l’image

du mal. Et cela valorise par antithèse sa future victime, l’Emâm Hoseyn.

Šeš-dâng شش دانگ

voir Dâng

Sornâ-xândan خواندنسرنا

C’est une manière de chanter par analogie avec le son produit par Sornâ (Sornâ ou

Zurnâ : instrument à vent apparenté au hautbois, à la sonorité puissante et parfois criarde). Le

chanteur force la tessiture naturelle de sa voix vers les aigus et la voix devient semblable à

celle d’un fausset. Mais la tradition exige de garder le timbre de la voix naturelle même en

changeant la voix. Aujourd’hui on ne trouve pas ce genre de génie parmi les chanteurs du

Ta’zie. Cette technique exceptionnelle était le privilège de quelques chanteurs du Takye

Dowlat (salon du Ta’zie gouvernement) au début du siècle. Aujourd’hui les chanteurs perdent

leur timbre en montant dans les aigus. Ces voix sont aiguës mais sans vibrato.

Šypur شيپور

Terme générique pour désigner la famille des trompettes.

Les instruments militaires, y compris la famille des trompettes sont largement utilisés

dans la représentation du Ta’zie. Aujourd’hui, le soliste de Ta’zie est presque exclusivement

la trompette ou le clairon. Avec le temps, le timbre de la voix des chanteurs s’est peut être

rapproché par imitation du timbre type de trompette.

Tarkib-e Sedâ تركيب صدا

« Tarkib ; terme arabe : combinaison, composition. Sedâ : son, bruit, voix »

Dans le contexte du Ta’zie le Tarkib-e Sedâ (combinaison de la voix) est l’équivalent

du concept de modulation, avec quelques modifications supplémentaires : la modulation

modale (métabole) est effectuée en variant le genre : la variation passe la plupart du temps par

un changement de ton en gardant le même rapport d’intervalles. Ce mouvement de montée

dans les aigus entraîne une ouverture ascendante de la voix. Mais cette ouverture est réduite

car le Ta’zie n’utilise que la voix du ténor dont l’étendue optimale de la voix est limitée à un

octave et demi. La modulation du Ta’zie est souvent guidée par l’instrumentiste même si c’est

l’inverse dans la musique traditionnelle. L’instrumentiste propose le nouveau mode en rapport

19

avec le registre moyen du ténor.

Taxt-xân ت خوانتخ

« Taxt : siège ou couche montée sur pieds, banquette, lit, trône »

C’est le terme appliqué aux acteurs qui jouent le rôle des rois et des gouverneurs. Ils

tiennent ces rôles de pouvoir en étant la plupart du temps assis. Les Taxt-xân-s font partie de

la catégorie générale du Ašqiâ-xân (voir Ašqiâ-xân). Ils donnent les ordres et reçoivent les

rapports. Etant donné que ces acteurs ne participent pas directement au combat, ils présentent

ces déclamations plus simplement et utilisent peu l’Oštolom (voir Oštolom).

Le dialogue entre Yazid le deuxième calife Omeyyade et son général Šemr qu’est l’assassin de

l’Emâm Hoseyn dans le Ta’zie du Bâzâr-e Šâm (le marché de Damas) est un bon exemple du

dialogue entre Taxt-xân et SarPâ-xân (voir Sarpâ-xân).

Ta’zie تعزيه

« terme arabe, issu de mot du ‘Aziya : témoignage de condoléances. »

En Iran, il faisait partie d’un ensemble de cérémonies religieuses et lors de son

évolution vers le terrain séculier23

, il est devenu un spectacle autonome faisant référence au

socle religieux (bible, coran), à l’Histoire de l’Iran et à sa mythologie. Le Ta’zie peut se jouer

toute l’année. Le répertoire du Ta’zie contient des scènes satiriques et humoristiques, c’est

pourquoi on emploie aussi aujourd’hui le terme Šabih qui prend le sens de représentation et

est plus expressif.

Le Ta’zie possède une musique hybride et hétérogène. Il a intégré la fanfare de l’école

de musique militaire, l’ensemble du Naqâre-xâne ( voir Naqâre et Karnâ) et les instruments

de la musique populaire. Son répertoire contient les airs de la musique traditionnelle, les

chansons populaires, le chant patriotique, les airs Čupâni et Dašti de la musique populaire de

la région Nord de l’Iran, les chansons Sâbunâti qui appartiennent au cadre de la fête du

mariage dans la région du Fârs au centre de l’Iran, et Šuštari et Daštestâni, les airs qui

proviennent du sud de l’Iran. Il bénéfice également de l’apport de presque tout les styles

musicaux accompagnant les multiples genres dramatiques qu’on trouve dans la société

urbaine iranienne : le derviche ambulant avec son style de chant particulier, le narrateur

professionnel du Livre de Roi (Naqâl), le théâtre satirique iranien (Siâh Bâzi), etc.….

23

Cf. KHAKI Mohammad Reza. L’évolution du ta’zieh vers le terrain séculier, Thèse de doctorat, Paris,

Université de paris III, 1991.

20

-Xân خوان

« radical du verbe « Xândan » qui exprime le fait de reproduire un texte par la lecture,

le chant, la récitation, etc. »

Pour certains auteurs, le suffixe –Xân renvoie au simple fait de chanter. :« Un des

principaux facteurs de la réputation des acteurs de Ta’zie était leur voix et leur habilité en

musique. C’est d’ailleurs parce que les rôles étaient chantés que les acteurs étaient appelés

Ta’zie-xân (chanteurs de Ta’zie). » 24

Prenons un recul historique pour trancher : « Au 12e

siècle, les désaccords entre les écoles de la religion musulmane ont augmenté, ainsi le chiite

duodécimain et certaines religions sunnites. Dans le chiite duodécimain, les livres racontent

les vertus des Emâm-s chiites. Ceux qui lisent ces livres pour les autres sont appelés

Manâqeb-xân (Manqebat pl. Manâqeb : vertu, mérite, talent, don). Dans les religions

sunnites, les livres relatent la prééminence des Califes. Ceux qui lisent ces livres pour les

autres sont appelés Fazâel-xân (Fazilat pl. Fazâel : qualité supérieure, prééminence). » 25

Historiquement, donc, le suffixe –Xân se réfère d’une certaine manière, à la

propagation des idées. Savoir lire et écrire devaient être le privilège de quelques-uns. Les

privilégiés lisent les contes, la poésie et l’histoire pour le peuple. Le suffixe –Xân désigne

bien une action de narration au sens large. « Il y a seulement 80 ou 90 ans, les Roze-xân

lisaient leurs sermons d’après des cahiers dans les mosquées ou dans les maisons, et si l’un

d’eux faisait par hasard son discours par cœur, ses auditeurs pensaient qu’il était illettré et

n’avaient en lui aucune confiance. A présent, les Roze-xân font leurs discours sans avoir

besoin de cahiers, mais la vieille tradition est passée chez les artistes du théâtre religieux qui,

comme on le sait, lisent leur rôle. » 26

Zanâne-xân زنانه خوان

« Zanâne : féminin, réservé aux dames »

Zanâne-xân est un acteur qui joue le rôle d’une femme de famille sainte. Il a le visage

caché par un tissu noir et des vêtements de femme. Les directeurs de Ta’zie ne sont pas gênés

de mettre un ténor à la place d’une femme, mais on préfère les chanteurs à voix aiguë.

Cependant il peut arriver qu’une "femme" ait une voix plus grave qu’un homme.

24

BANI-SADR Abbass. Le Ta’zié, thèse, N° 41, Paris Sorbonne, 1956. p. 116. 25

SAJJÂDI Ziâ’ al-Din. Moqadamei Bar Mabâni-e Erfân Va Tasavvof, Téhéran, Ed. S. M. T., 1993. p. 107.

26

REZVANI Mejid. Le théâtre et la danse en Iran, Paris, Ed. Maisonneuve et larose1962. p. 98-99.

21

Bibliographie

ADVIELLE Victor

La musique chez les Persans en 1885 avec planches d’instruments de musique anciens

et modernes de l’empire Persan d’après les croquis de M. le Colonel Ali-Akbar Khan

professeur au collège de Téhéran. . Paris, 1885.

BANI-SADR Abbass

Le Ta’zié, thèse, N° 41, Paris Sorbonne, 1956

FATH-ALI-BYGI Dâvud

« Pišvâqee Nowhe-y Moharram, Âwâz-e Mansur », […], 1992. p.81-102.

GOBINEAU Arthur

Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale, Paris, Ed. du Trident, 1988.

GENERET (de) Robert Henry

Le martyre d’Ali Akbar, Drame persan, Liège, Paris, Ed. librairie Droz, 1946.

HUART Clément

« Musique Persane », in : A. Lavignac Encyclopédie de la musique et dictionnaire du

conservatoire, Paris, Ed. Librairie Delagrave ; 1922. P. 3065-3085

KHAKI Mohammad Reza

L’évolution du ta’zieh vers le terrain séculier, Thèse de doctorat, Paris, Université de

paris III, 1991.

LAZARD Gilbert

Dictionnaire persan-français, Téhéran, Ed. Jânzâde, Deuxième édition 1996.

LAZARD Gilbert

. « Comments on the transliteration of oriental words into Latin characters »,

réimpression de Journal of the Regional Cultural Institute, N° 4, Vol. 1, Téhéran,

1968.

MANSURI Parviz

Sâz-šenâsi, Téhéran, Ed. Edârh-e Koll-e Âmuzeš-e Honari Vezârat-e Farhang-o

Honar, 1976.

22

MAŠHUN Hassan

Musiqi-y Mazhabi-y Iran, Téhéran, Ed. Sâzemân-e Jašn-e Honar, 1971-1972.

MAŠHUN Hassan

Târix-e Musiqi-e Iran, Ed. Simorq, 1994.

MASSOUDIEH Mohammad Taghi

Musiqi-e Mazhabi-e Iran Volume I, Musiqi-e Ta’zie. Téhéran, Ed. Soruš, 1988.

MO’IN Mohammad

Farhang-e Fârsi[dictionnaire persan], Téhéran, Ed. Amirkabir, 1964.

MOSTOFI Abdolâh

Šarh-e Zendegâni-e Man, Téhéran, Ed. Majles, 1954. 2e édition Zawâr, 1981.

REZVANI Mejid

Le théâtre et la danse en Iran, Paris, Ed. Maisonneuve et larose1962.

ŠAFY’I-E KADKANI Mohmmad Rezâ

Musiqi-e Še’r, Téhéran, Ed. Âgâh, 1989.

ŠAHIDI Anayatullah

« Literary and musical developments in Ta’zieh », in Ta’zieh : ritual and drama in

Iran, Chelkowski Peter J. , Ed. New York, Univ. Press ; Teheran, Sorush Press. 1979.

P. 40-63.

SAJJÂDI Ziâ’ al-Din

Moqadamei Bar Mabâni-e Erfân Va Tasavvof, Téhéran, Ed. S. M. T., 1993.

XÂLEQI Ruhollâh

Sargozašt-e Musiqi-e Iran [L’histoire de la musique iranienne], Téhéran, Ed.

Safiališâh, 1954.

23

Table des matières

Introduction .............................................................................................................................. 2

LEXIQUE DE LA MUSIQUE DU TA’ZIE ........................................................................... 4

Aliakbar-xân ......................................................................................................................... 4

Ašqiâ-xân ............................................................................................................................... 4

Bač[č]e-xân ............................................................................................................................ 5

Bahr-e-tavil ........................................................................................................................... 6

Bayât-e Tehrân ..................................................................................................................... 6

Čahâr-dâng ........................................................................................................................... 7

Dâng ....................................................................................................................................... 7

Do-dâng ................................................................................................................................. 8

Dohol ...................................................................................................................................... 8

Emâm-xân ............................................................................................................................. 8

Karnâ ..................................................................................................................................... 8

Mazlum-xân .......................................................................................................................... 9

Mesra’ .................................................................................................................................... 9

Mezqân .................................................................................................................................. 9

Mohtašam-xân ...................................................................................................................... 9

Mokâleme ............................................................................................................................ 10

Moxâlef-xân ........................................................................................................................ 11

Moxtalet-xâni ...................................................................................................................... 11

Musiqi .................................................................................................................................. 11

Muzik ................................................................................................................................... 11

Muzik-či .............................................................................................................................. 12

Naqqâra ............................................................................................................................... 12

Ney ....................................................................................................................................... 12

Nowhe .................................................................................................................................. 13

Oštolom ............................................................................................................................... 13

Owliâ-xân ............................................................................................................................ 14

Pas-xâni ............................................................................................................................... 14

Piš-xâni ................................................................................................................................ 14

Qara-ney .............................................................................................................................. 16

Rajaz-xâni ........................................................................................................................... 16

Roy ....................................................................................................................................... 16

Sarpâ-xân ............................................................................................................................ 16

Šahâdat-xân ........................................................................................................................ 17

Sarbâzi ................................................................................................................................. 17

Šemr-xân ............................................................................................................................. 17

Šeš-dâng ............................................................................................................................... 18

Sornâ-xândan ...................................................................................................................... 18

Šypur ................................................................................................................................... 18

Tarkib-e Sedâ ...................................................................................................................... 18

Taxt-xân .............................................................................................................................. 19

Ta’zie ................................................................................................................................... 19

-Xân ..................................................................................................................................... 20

Zanâne-xân ......................................................................................................................... 20

Bibliographie ........................................................................................................................... 21

Table des matières .................................................................................................................. 23