L'Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? Le vote des non-nationaux

11
L'EUROPE, UN NOUVEL ESPACE DE CITOYENNETÉ ? LE VOTE DES NON-NATIONAUX Sylvie Strudel De Boeck Supérieur | Revue internationale de politique comparée 2009/4 - Vol. 16 pages 559 à 568 ISSN 1370-0731 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2009-4-page-559.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Strudel Sylvie, « L'Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? Le vote des non-nationaux », Revue internationale de politique comparée, 2009/4 Vol. 16, p. 559-568. DOI : 10.3917/ripc.164.0559 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © De Boeck Supérieur

Transcript of L'Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? Le vote des non-nationaux

L'EUROPE, UN NOUVEL ESPACE DE CITOYENNETÉ ? LE VOTE DESNON-NATIONAUX Sylvie Strudel De Boeck Supérieur | Revue internationale de politique comparée 2009/4 - Vol. 16pages 559 à 568

ISSN 1370-0731

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2009-4-page-559.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Strudel Sylvie, « L'Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? Le vote des non-nationaux »,

Revue internationale de politique comparée, 2009/4 Vol. 16, p. 559-568. DOI : 10.3917/ripc.164.0559

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 16, n° 4, 2009 559

L’EUROPE, UN NOUVEL ESPACE DE CITOYENNETÉ ? LE VOTE DES NON-NATIONAUX

Sylvie STRUDEL

Depuis 1992, « (…) tout citoyen de l’Union résidant dans un État membredont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux électionsau Parlement européen dans l’État membre où il réside, dans les mêmesconditions que les ressortissants de cet État » 1. Ces droits politiques pren-nent place dans la deuxième partie, consacrée à la citoyenneté de l’Union,du Traité instituant une Communauté Européenne. Ils sont censés participerau déplacement progressif d’une Europe économique vers une Union poli-tique, à l’œuvre dans le travail de réécriture des traités entamé à Maastricht(1992), poursuivi à Amsterdam (1997) puis Nice (2001) et ce jusqu’au texteactuel du traité de Lisbonne encore en suspens. À cet égard, la citoyennetéde l’Union – et les droits qui y sont associés – a été pensée, voulue, promueà la fois comme moteur et comme symbole de ce déplacement. Reprenant àson compte le principe originel de non-discrimination liant les États-mem-bres de la Communauté, la citoyenneté de l’Union esquisserait la logiqued’une « Communauté de droit » en formalisant le statut de l’individu dansl’Union européenne 2 et elle dessinerait, par les droits politiques conférés,les contours d’un espace démocratique propre à l’Union.

Mais si la citoyenneté de l’Union a été parée, dans les textes européens,de toutes les vertus démocratiques, elle semble, dans les faits, fonctionnerde manière plus problématique : à la fois comme outil concurrentiel entreles institutions européennes (Parlement versus Commission), comme objec-tif répulsif pour certains gouvernements qui ont résisté au moment destranspositions en droit interne en faisant durer celles-ci, ou encore commeobjet non identifié pour les citoyens 3. Sa conceptualisation même a fait

1. Art. 19 § 2 du Traité CE. Le 1er paragraphe de cet article est relatif aux scrutins municipaux : « Toutcitoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éli-gibilité aux élections municipales dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que lesressortissants de cet État. (…) » (art. 19 § 1 TCE).2. RIDEAU J., (dir.), De la communauté de droit à l’union de droit. Continuités et avatars européens,Paris, LGDJ, 2000.

DOI: 10.3917/ripc.164.0559

RIPC_2009-04.book Page 559 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

560 Sylvie STRUDEL

l’objet des jugements les plus sévères. Selon certains, elle est éclatée en uneaccumulation hétéroclite des droits juxtaposés 4 et inachevée en raison deson « principe de clôture » 5 ; selon d’autres, elle est contradictoire – car seréférant à un modèle étatique de citoyenneté au sein d’une Union déniant lesattributs étatiques 6. En tout état de cause, si l’analyse de la citoyennetéeuropéenne a été amplement et précocement engagée d’abord sur le planjuridique puis philosophique, elle semble plus inégalement abordée par lascience politique. Ce champ reste encore peu exploré par les spécialistes desociologie électorale, contrairement aux approches théoriques 7 ou institu-tionnelles 8 nombreuses qu’il a suscitées depuis quelques années. Cette dis-torsion donne une structure asymétrique à cette production scientifique, quinous parle beaucoup d’une citoyenneté abstraite et nous renseigne finalementassez peu sur sa réception politique par les citoyens dits « ordinaires » 9. Bref,entre incantation et incarnation, une rencontre avec le principe de réalités’impose. Voulue « par le haut » et construite par le droit, la citoyennetéeuropéenne a-t-elle une consistance dès lors qu’on l’observe « par le bas » ?Peut-elle assumer ce rôle de rempart magique contre la désaffection descitoyens envers la construction européenne, que la phraséologie des commen-taires enchantés voudrait lui attribuer, ou n’est-elle vraiment rien d’autre« qu’un exercice assez cynique en matière de relations publiques » 10 ? Trèsconcrètement, en quoi la création de cette catégorie « électeurs et éligiblescommunautaires », considérée ici au prisme des élections européennes dejuin 2009 et ce 15 ans après sa première mise en œuvre, contribue-t-elle à laconstruction d’un nouvel espace de citoyenneté ?

Nous allons voir, ou du moins je vais essayer de montrer, que les misesen pratiques électorales de la citoyenneté de l’Union, citoyenneté qui est au

3. STRUDEL S., « Polyrythmie européenne : le droit de suffrage municipal des étrangers au sein del’Union. Une règle électorale entre détournements et retardements », Revue française de science politi-que, volume 53, n°1, 2003, p. 3-34.4. LOCHAK D., « La citoyenneté : un concept juridique flou », dans COLAS D., EMERI C.,ZYLBERBERG J., (dir.), Citoyenneté et nationalité. Perspectives en France et au Québec, Paris, PUF,1991, p. 179-207.5. BALIBAR E., « L’Europe des citoyens », dans LE COUR GRANDMAISON O. et WIHTOL deWENDEN C., (dir.), Les étrangers dans la cité. Expériences européennes, Paris, La Découverte, 1993,p. 201.6. FERRY J. M., La question de l’État européen, Paris, Gallimard, 2000 ; HABERMAS J., Aprèsl’État-nation. Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000.7. LECA J., « Questions sur la « Constitution » de l’Europe », dans BEAUD 0., LECHEVALIER A.,PERNICE I., STRUDEL S., (dir.), L’Europe en voie de Constitution, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 105-115 ;DÉLOYE Y., « Le débat contemporain sur la citoyenneté au prisme de la construction européenne »,Études européennes, 2004, n°4, consultable sur http://www.etudes-europeennes.fr.8. MAGNETTE P., La citoyenneté européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles,1999 ; WITHOL de WENDEN C., La citoyenneté européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.9. STRUDEL S., « Citoyennetés », dans BELOT C., MAGNETTE P., SAURUGGER S., (dir.),Science politique de l’Union européenne, Paris, Economica, 2008, p. 175-195.10. WEILER J. H. H., « Les droits des citoyens européens », Revue du Marché Unique Européen,n°3,1996, p. 35-64.

RIPC_2009-04.book Page 560 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

L’Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? 561

cœur du projet de refondation politique de l’UE se profilant « comme l’espaced’une érosion progressive des limites identitaires apposées à l’exercice desdroits » 11, en porte aussi les tensions et en révèle les contradictions, au moinsà trois titres : les transpositions en droit interne illustrent les limites de laconvergence européenne ; les pratiques balbutiantes signalent un électorateuropéen aux contours imprécis ; la présence homéopathique de candidatsétrangers indexe les ambiguïtés du mandat parlementaire européen.

Les droits électoraux des citoyens communautaires : les limites de la convergence européenne

Depuis les premières et prudentes suggestions lancées lors du Sommet deParis en octobre 1972 jusqu’aux textes définitifs (traités + directives), levolet des droits politiques de cette citoyenneté de l’Union cristallise, danssa concrétisation, la méfiance et la résistance d’un certain nombre d’États-membres, en particulier sur les points relatifs au droit de participation à lavie politique locale dans l’État membre de résidence. En effet, les querellesconstitutionnelles (lorsqu’elles ont eu lieu) se sont plutôt focalisées sur ledroit de vote municipal : en tant que brèche ouverte dans la conception –notamment française – de l’indivisibilité de la souveraineté nationale ou

encore en tant que menace potentielle envers des équilibres électoraux par-fois précaires, dans leur version belge ou luxembourgeoise. Les querellesont globalement délaissé les enjeux « secondaires » d’une élection euro-péenne peu mobilisatrice pour les opinions publiques et d’un Parlementeuropéen perçu comme extérieur aux systèmes constitutionnels nationaux.

L’analyse en miroir des conditions de la mise en œuvre des directivesfixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité 12 fait appa-raître un point commun mais surtout met en évidence un contraste saisis-sant. Au titre du point commun, les directives évitent – autant que faire sepeut – toute ingérence dans le droit électoral des États membres et renvoientsystématiquement aux législations nationales pour la définition des critèresd’exercice des droits politiques. Rappelant dans leurs considérants quel’application de ces articles « ne supposent pas une harmonisation des régi-mes électoraux des États membres », les directives évacuent l’horizon decet enjeu. Autrement dit, l’affichage d’une procédure électorale communeet la promotion d’un corps électoral européen sont compatibles avec desprocédures nationales variées organisant le vote : l’entorse au principed’uniformité prévu dans les traités peut se perpétuer et l’objectif d’harmo-

11. LACROIX J., « Une citoyenneté européenne est-elle possible ? », 2009, http://www.laviedesi-dees.fr.12. Élections européennes 93/109/CE // élections municipales 94/80/CE puis 96/30/CE.

RIPC_2009-04.book Page 561 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

562 Sylvie STRUDEL

nisation ne relever que du vœu pieux 13. Le contraste saisissant entre lesdeux directives est à mettre au compte d’une mise en place asymétrique deces droits politiques. Autant ce qui relève des élections au Parlement euro-péen a trouvé une rapide et facile mise en place 14 sous réserve de quelquesdérogations 15, autant la directive relative aux élections municipales est pré-cautionneuse dans sa rédaction et a été laborieuse dans sa mise en œuvre 16.Cette dernière prévoit conditions et dérogations : exclusion de l’accès à cer-taines fonctions électives des éligibles communautaires, seuils de populationcommunautaire, conditions de périodes minimales de résidence, clauses decomposition des listes électorales.

Aux termes de l’article 17 de la directive 93/109/CE du Conseil du6 décembre 1993, fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éli-gibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Unionrésidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants, les Étatsmembres devaient adopter les mesures nationales de transposition en droitinterne avant le 1er février 1994. Contrairement à la mise en place en ordredispersé et parfois hors délai de la directive fixant les modalités de l’exer-cice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, les États ontadopté les mesures nationales de transposition de cette directive dans lesdélais impartis et dans l’urgence des élections des députés au Parlementeuropéen organisées en juin 1994. En France, ce fut fait en droit interneavec la loi n°94-104 du 5 février 1994 17 et le décret d’application n°94-206du 10 mars 1994 18, en vue des élections européennes du 12 juin 1994.

13. À cet égard, des développements jurisprudentiels importants ont été apportés concernant les élec-tions européennes à Gibraltar et à Aruba. Dans son arrêt du 12 septembre 2006, la Cour de justice descommunautés européennes a jugé que « il appartient aux États membres de déterminer les titulaires dudroit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen. Dans ce cadre, ils doivent toutefoisrespecter le droit communautaire et notamment le principe d’égalité de traitement ». En conséquence, lerecours en manquement introduit par l’Espagne contre le Royaume-Uni est rejeté. Le Royaume-Uniavait en effet crée en 2003 un registre électoral spécial pour permettre aux habitants de Gibraltar (en tantque Qualifying Commonwealth citizens « QCC ») de participer aux élections de 2004 en rattachant lacirconscription de Gibraltar à une circonscription électorale existante en Angleterre. Dans cette affaire,la Cour a jugé que « les articles pertinents du traité CE ne s’opposent pas à ce que les États membresoctroient ce droit de de vote et d’éligibilité à des personnes déterminées ayant des liens étroits avec eux,autres que leurs propres ressortissants ou que les citoyens de l’Union résidant sur leur territoire ». Cf.http://curia.europa.eu/fr/actu/communiques/cp06/aff/cp06007fr.pdf.14. STRUDEL S., « Les citoyens aux urnes : les usages ambigus de l’article 8B du traité deMaastricht », Revue internationale de politique comparée, 2002, volume 9, n°1, p. 47-63.15. L’article 14 de la directive 93/109/CE octroie une dérogation au Grand-Duché de Luxembourg : cetÉtat membre peut réserver le droit de vote aux électeurs communautaires qui justifient d’une durée mini-male de résidence au Luxembourg, cette durée minimale ne pouvant dépasser 5 ans. La condition àl’octroi de la dérogation est que la proportion de citoyens de l’Union qui y résident sans en avoir la natio-nalité et qui ont atteint l’âge de voter dépasse 20 % de l’ensemble des citoyens de l’Union en âge devoter et qui y résident.16. STRUDEL S., « Polyrythmie européenne : le droit de suffrage municipal des étrangers au sein del’Union. Une règle électorale entre détournements et retardements », Revue française de science politique,volume 53, n°1, 2003, p. 3-34.17. JORF du 8 février 1994.

RIPC_2009-04.book Page 562 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

L’Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? 563

Que les scrutins soient européens ou municipaux, les transpositions sontcallées sur la diversité des droits nationaux régissant les élections. En toutétat de cause, procédures électorales, calendriers et réglementations relè-vent de la compétence des États membres : certains États membres accor-dent à leurs ressortissants résidant dans un autre État membre le droit devoter pour les listes du pays d’origine et d’autres non. Ces votes peuvents’effectuer ou non par procuration, par correspondance ou par vote dans lesconsulats et les ambassades. Selon les pays, l’âge minimal pour l’éligibilitéest de 18, 19, 21 ou 23 ans ; les listes peuvent être présentées par des partis,des associations politiques, des parlementaires sortants, soutenues par desélecteurs ou bien pas. Le principe de l’égalité de traitement n’égalise pas lesconditions entre États : l’uniformisation « par le haut » avec des principescommuns s’accommode de règles spécifiques. Chaque pays adopte et adapteun rythme qui lui est propre : l’européanisation est limitée et reste bridée parune forte nationalisation. Si l’invocation de la citoyenneté européenne resteun thème de choix pour gloser sur les ambitions démocratiques de l’Unionpolitique, son incarnation par les États relève, on vient de le voir, plutôt desquestions qui fâchent et divisent. Qu’en est-il de l’autre côté du miroir, c’està dire du point de vue des citoyens non-nationaux eux-mêmes ? Que savons-nous de la mise en œuvre concrète de ce droit de vote et d’éligibilité attribuéaux citoyens de l’Union ? S’il y a loin des principes aux textes, le cheminest tout aussi long des textes aux pratiques.

Les électeurs communautaires : des pratiques balbutiantes

En 2004 et au niveau européen, la Commission estimait à environ 5,7 mil-lions le nombre des citoyens de l’Union pouvant voter dans leur État de rési-dence dont ils ne sont pas les ressortissants sur les 352 millions d’électeurspotentiels issus des 25 États membres (soit 1,6 % de cet électorat potentiel) 19.Il est encore trop tôt pour avoir, pour la 4e fois au niveau européen, des indi-cations complètes sur l’inscription ou la participation des ressortissantscommunautaires non-nationaux à une élection européenne : la publicationdu rapport de la Commission n’est prévue que pour l’automne 2010. Maisdes données partielles font état, quelques semaines avant le scrutin 20, de313 étrangers enregistrés en Pologne, 6.505 en Grèce, 66.203 en Belgique,37.000 en Suède ou encore 6.769 à Chypre.

18. JORF du 12 mars 1994.19. Rapport de la Commission européenne, COM (2006) 790 final. Dans ce document, il est signalécependant que la Commission ne possède pas de données complètes et exactes sur tous les aspects de laparticipation aux élections car plusieurs États membres ont fourni des données statistiques lacunaires oumême n’ont pas répondu aux questions de la Commission. Les chiffres cités sont donc à manier avec laplus grande prudence.20. Source : www.Euractiv.com, 30 avril 2009.

RIPC_2009-04.book Page 563 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

564 Sylvie STRUDEL

Les taux d’inscription sur les listes électorales pour les élections desdéputés au Parlement européen de juin 1994, juin 1999 et juin 2004 fournis-sent en revanche quelques éléments statistiques pour mesurer les usages quefont les migrants communautaires de leurs droits électoraux et en dresser unpremier et maigre bilan. Aux européennes de 2004, ils avaient été environ12 % à s’être inscrits sur les listes électorales pour voter dans leur pays derésidence. À l’issue des élections de 2004, la Commission recensait 1.045058inscrits non-nationaux d’après les réponses de 23 États membres (Pays-Baset Portugal non renseignés) 21. Cette opportunité n’avait été saisie que par9 % de ce corps électoral potentiel en 1999, soit un tout petit peu plus queles 6 % de 1994 (en incluant 1995 et 1996, pour les trois nouveaux Étatsmembres). Il va sans dire, d’une part, que les chiffres n’incluent pas lescitoyens de l’Union qui sont rentrés voter dans leur État d’origine, ont votédans des ambassades ou des consulats ou encore par procuration pour descandidats de leur propre État. D’autre part, ces chiffres ne portent que surdes électeurs inscrits (et non sur les votants) car, à l’exception des États-membres où le vote est obligatoire, il est impossible au niveau européen dechiffrer la participation effective : soit les résidents communautaires figu-rent sur les mêmes listes que les nationaux sans mention particulière lesindividualisant (donc sans possibilité de les rendre visibles et comptabilisa-bles), soit les règles nationales relatives aux codes électoraux interdisent oulimitent la consultation des listes électorales. Ces résultats plus que mitigéss’accompagnent de considérables variations des taux d’inscription des non-nationaux selon les pays de résidence : 39 % en Irlande par exemple, où ledroit de vote aux élections européennes est accordé aux non nationauxdepuis 1979, contre moins de 4 % en Grèce 22.

La France, quant à elle, se situe dans la fourchette basse avec un tauxd’inscription des non-nationaux d’environ 3,8 % en 1994 (soit 47.632 ins-crits pour 1.250.049 électeurs potentiels/Europe à 12 États membres), d’unpeu moins de 6 % en juin 1999 (soit 72.399 personnes sur 1.224.492/15 Étatsmembres) et d’environ 12-13 % en 2004 (soit 147.700 sur 1.057.000/25 Étatsmembres). Autrement dit, elle accompagne la lente progression des inscrip-tions observable au niveau européen. C’est le cas aussi en 2009, où l’effectifdes ressortissants UE non-nationaux sur les listes complémentaires seraitd’environ 220.000 inscrits mais le décompte fait encore, à ce jour, l’objet destatistiques divergentes entre le Ministère de l’Intérieur et l’INSEE 23. Les

21. Mais 5 États membres sur 25 n’avaient pas répondu de manière exhaustive au questionnaire statis-tique de la Commission interrogeant sur le nombre d’électeurs non ressortissants dans l’État membre derésidence (électeurs potentiels, inscrits et votants) : République tchèque, Pays-Bas, Pologne, Portugal,Royaume-Uni. Source : Rapport COM (2006) 790 final.22. Source : idem.23. De fait, ce sont les modes de calcul et de recueil des données qui divergent. Au 1er octobre 2009, lesderniers chiffres communiqués sont les suivants : 203.755 selon l’INSEE et 218.901 selon le Ministèrede l’Intérieur.

RIPC_2009-04.book Page 564 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

L’Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? 565

non-nationaux les plus nombreux sont les Portugais : ils représententactuellement près du tiers des inscrits UE (30 %). Puis viennent les Italiens(15 %), les Britanniques (13 %), les Belges (11 %), les Espagnols (9 %) etles Allemands (un peu moins de 9 % du total des inscrits UE) 24. Ce résultatne peut nous renseigner, pour le moment et en l’état, sur les taux d’inscrip-tion rapportés à la population électorale potentielle par nationalité. Des tra-vaux menés en France sur les élections européennes précédentes 25 avaientmontré que depuis 1994, les Belges, les Néerlandais, les Britanniques et lesLuxembourgeois étaient proportionnellement les plus inscrits (taux d’ins-cription supérieur à 20 %), alors que les moins inscrits étaient les Portugais(taux d’inscription inférieur à 5 %) tout en étant les plus nombreux en chif-fres absolus. Une analyse quantitative et qualitative est en cours pour tenterde rendre compte, plus finement, des différences nationales à l’œuvre dansles pratiques d’inscription des citoyens de l’Union. D’ores et déjà, une thèserécente explore et éclaire de manière comparative les formes complexes de« l’invisibilité » politique des Portugais en Europe du Nord 26. Mais la faibleinscription des migrants européens lors des élections européennes ne doit-elle pas être aussi rapportée et mesurée à l’aune d’un scrutin très peu mobi-lisateur pour l’électorat dans son ensemble ? Au fil des années, l’électiondes députés au Parlement européen a laissé les opinions publiques toujoursplus indifférentes : comment s’en étonner d’ailleurs ? La faible attractivitédes élections européennes, liée entre autres à leur ostensible polarité natio-nale, joue clairement en défaveur d’une mobilisation européenne pour desélections qui le sont si peu.

Candidats et élus communautaires : des pratiques homéopathiques

Les ressortissants européens sont non seulement électeurs mais ils sontaussi éligibles. Sur ce dernier point, nous pénétrons dans l’espace de l’infi-niment petit. Au niveau européen, une seule candidate non nationale avaitété élue en 1994 dans son État membre de résidence – Mme Wilmya Zim-mermann ressortissante néerlandaise habitant en Allemagne – pour 53 can-didats non nationaux dans l’Union (dont 5 en France). En 1999, le nombrede candidats et d’élus non nationaux sur les listes électorales d’un Étatmembre continue de se situer à un niveau très bas : 62 non nationaux se sontportés candidats sur des listes de leur État membre de résidence et 4 ont étéélus (2 en Belgique, 1 en France et 1 en Italie). En 2004, à nouveau 4 élus

24. La transmission officielle des effectifs définitifs de ces inscrits n’étant pas stabilisée, c’est la raisonpour laquelle je n’évoque que des rapports de proportionnalité. Source utilisée : Ministère de l’Intérieur.25. STRUDEL S., op. cit., 2002.26. GHEMMAZ M., Des Portugais en Europe du Nord : une comparaison France, Belgique, Luxem-bourg. Contribution à une sociologie électorale de la citoyenneté de l’Union européenne, doctorat enscience politique de l’Université de Lille II, 2008.

RIPC_2009-04.book Page 565 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

566 Sylvie STRUDEL

non nationaux (sur 57 candidats) siégeront au Parlement européen après lescrutin. En 2009, ils sont 5 élus : 2 au Royaume-Uni, 1 en France, 1 en Suèdeet 1 en Belgique.

Alors qu’en 1999 un seul candidat citoyen de l’Union, sur les huit pré-sentés, avait été élu en France (l’allemand Daniel Cohn-Bendit sur la listedes Verts), il en va de même en 2004. Ari Vatanen, l’ancien pilote et députéeuropéen de Finlande sortant fut le seul candidat non français en positionéligible : deuxième sur la liste UMP du Sud-Est. Un choix imposé par lehaut, sous l’impulsion de Michel Barnier et avec le soutien de l’Élysée, etvivement critiqué par les cadres locaux. Les candidatures transnationalesn’ont pas mobilisé les partis : une Polonaise dans l’Est et une Allemandedans le Sud-Ouest chez les Verts, un Portugais en Ile de France et un Espa-gnol dans le Sud-Ouest pour le PC, un élu local de nationalité britanniquedans le Centre et un échange – avorté – au PS de places éligibles pour pla-cer le député européen sortant Olivier Duhamel sur la liste du PSOE enEspagne au PS et enfin quatre candidats non-nationaux pour l’UDF, dontl’entraîneur du club de football de Nice, le franco-allemand Gernot Rohr,dans le Sud-Ouest. Pour contourner la résistance des partis, un journalistefranco-britannique Julian Nundy a crée l’association loi 1901 « Les Euro-péens en France » afin de promouvoir les candidatures des non-nationauxet s’est finalement allié à Africagora qui milite pour la promotion des mino-rités. Leurs listes, Diversité pour l’Europe, sera présente dans deux circons-criptions (IDF et Sud-Est). Il est probable que le nouveau mode de scrutininstauré en 2003 n’ait pas facilité les choses, les circonscriptions favorisantles logiques partisanes et l’ancrage local des listes. Et ce d’autant plus quela fabrication des listes devient un vrai casse-tête, entre les exigences de laparité, les susceptibilités des cadres locaux, les velléités de représentationdes minorités, voire le placement de représentants de la société civile.

Toujours en France, en 2009, 15 candidats non-nationaux sont présentsparmi les 3.056 candidats sur l’ensemble des 160 listes : ils pèsent donc0,005 % ! Sur les listes des principaux partis français, seuls deux étrangersont été mis en position éligible : l’allemand Daniel Cohn-Bendit pourEurope Écologie en Ile de France qui sera élu et le belge Raoul Jennar duNouveau Parti Anticapitaliste (NPA) dans le Sud-est qui sera battu. Pourtrouver les autres candidats mieux vaut lire les listes à l’envers… et encore.Aucun non-national sur les listes Front De Gauche, UMP, Libertas, Deboutla République, FN. Le MODEM présente une candidate portugaise en25e position sur 26 en Ile de France et un Belge dans le dernier quart de saliste dans le Nord-Ouest. Le PS n’est pas en reste : son unique candidatétranger est un Espagnol en Ile de France et il est en 23e position sur 26. Lesautres candidats sont disséminés sur des listes de micro-formations parfoisprésentées dans une unique circonscription. Enfin, une dernière observation

RIPC_2009-04.book Page 566 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

L’Europe, un nouvel espace de citoyenneté ? 567

à verser au compte de ce catalogue : seules certaines nationalités sont repré-sentées et elles sont exclusivement issues de l’Europe des 15 (4 Allemands,3 Italiens, 3 Belges, 2 Portugais, 1 Espagnol, 1 Suédois, 1 Finlandais). Siun espace public européen peine à se construire, on voit ici que la contribu-tion des partis politiques – notamment français – à une européanisation dela représentation politique est particulièrement discrète et pusillanime.

Plus généralement, il me semble aussi que cette situation oblige à réin-terroger les conditions de la mise en œuvre d’une représentation politiqueau niveau supranational et permet de signaler les ambiguïtés inhérentes à lanature du mandat européen. En effet, ni les textes ni la pratique parlemen-taire ne sont parfaitement clairs sur la question de la « généralité » du mandateuropéen, autrement dit sur l’existence ou pas d’un éventuel lien étatiqueentre électeurs et élus 27. Il est évident que cette question abstraite se pose demanière très concrète pour les députés européens non-nationaux : leur situa-tion dans l’entre-deux servant de révélateur quasi chimique pour identifierles indéterminations du mandat européen en général.

Faut-il en conclure pour autant « much ado about nothing » ? Par com-paraison, et tout en restant globalement timide, la mobilisation des résidentscommunautaires en France est un peu plus importante à l’échelon munici-pal. Paradoxalement, les scrutins municipaux, avec leurs enjeux de vie quo-tidienne (l’école, les transports, les impôts...) donnent plus facilement corpsà la construction d’une citoyenneté de l’Union « par le bas ». Ce différentielest également observable dans d’autres pays de l’Union. Alors, effet dutemps qui passe et d’une lente familiarisation avec de nouveaux droits et/oumobilisations de proximités ? Il est bien évidemment trop tôt pour juger etles deux propositions peuvent s’additionner. Au total, le droit de vote desressortissants européens n’est qu’une ébauche de citoyenneté européennevécue puisque seules les personnes les mieux intégrées en usent. En tout cas,l’utilisation du droit de vote et d’éligibilité relativise largement sa portée : au-delà des déclarations convenues, les pratiques sont courtes. Entre les hésita-tions des citoyens, les réticences des partis politiques et les atermoiementsdes États membres, la construction problématique d’une nouvelle forme departicipation électorale illustre le récurrent décalage entre théorie et prati-que, toujours au principe de la quête d’une effective Union politique. Si leprincipe de non-discrimination en vertu de la nationalité peut être considérécomme un des fondements principaux de l’ordre juridique communautaire,celui de possession de la nationalité d’un des États-membres est érigé cor-rélativement en horizon indépassable pour bénéficier des droits, et notam-ment de ceux relatifs à la citoyenneté européenne. En conséquence, ledécouplage affiché entre nationalité et citoyenneté est en trompe l’œil puis-

27. COSTA O., « Mandat parlementaire », dans DÉLOYE Y., (dir.), Dictionnaire des élections euro-péennes, Paris, Economica, 2005, p. 456-460.

RIPC_2009-04.book Page 567 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur

568 Sylvie STRUDEL

que la citoyenneté européenne s’adosse en fait vigoureusement à la nationa-lité des États membres, qui tous gardent la haute main sur leurs règlespropres d’attribution de celle-ci. L’attribution du droit de vote et d’éligibi-lité, qui est la mesure la plus symbolique des droits de citoyenneté del’Union, est aussi la plus soumise aux polémiques. Considérée froidementet en termes statistiques, on pourrait la qualifier de quantité négligeable : lapopulation concernée représente moins de 2 % de la population européenneélectorale potentielle totale et en son sein moins de 15 % des personnes sontdes électeurs communautaires effectivement inscrits. Si, aujourd’hui, laquestion posée porte sur l’ampleur de la contribution des électeurs commu-nautaires à la construction d’une nouvelle citoyenneté au prisme des élec-tions européennes, la réponse est : « minimale ». Cette notion forte n’a produit– pour le moment – que des concrétisations faibles. On constate un écartsubstantiel entre les déclarations d’intention et les usages limités et asymé-triques des droits conférés. Mais le temps de l’observation – un bilan sur15 ans et ne portant que sur quatre scrutins – n’est-il pas trop court, mesuréà l’aulne des conséquences d’une extension du droit de suffrage ? Faut-ilrappeler qu’il a fallu aux femmes françaises une trentaine d’années pours’approprier leur tardif droit de vote et pour amener leur taux de participa-tion à un niveau égal à celui des hommes ?

L’Union européenne, en tant que projet politique, n’est pas à court deparadoxes ni d’ambiguïtés. De ce point de vue, la citoyenneté européenneoccupe une place de choix. L’hésitation sur les appellations – « citoyennetéde l’Union européenne », « Europe du citoyen », « citoyenneté européenne »– souligne la polysémie d’un concept et signale l’aire étendue de ses usagespossibles. Certes, les droits de vote et d’éligibilité aux élections européen-nes et municipales conférés aux citoyens migrants de l’Union par le traitéde Maastricht ont constitué une mesure hautement symbolique en posant laquestion théorique d’une nouvelle citoyenneté potentiellement transnatio-nale. Mais s’inscrivant dans un processus historique continu d’extensiondes droits, qu’en est-il par ailleurs des expressions civiles, sociales, voirefiscales de cette citoyenneté 28 ? La citoyenneté européenne, au-delà de sadimension civique, ne se décline-t-elle pas aussi de manière effective ailleurset autrement ?

28. LECLERC S. et AKANDJI-KOMBÉ J.-F., (dir.), La citoyenneté européenne, Bruxelles, Bruylant,2006.

RIPC_2009-04.book Page 568 Thursday, April 15, 2010 11:27 AM

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 92

.163

.124

.212

- 1

6/09

/201

4 21

h08.

© D

e B

oeck

Sup

érie

ur D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 92.163.124.212 - 16/09/2014 21h08. © D

e Boeck S

upérieur