Les Systèmes Nationaux d'Innovation entre Territorialisation et Développement local

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1 LES SYSTEMES NATIONAUX D’INNOVATION (SNI): ENTRE TERRITORIALISATION ET GLOBALISATION. DJEFLAT, A. “Les Systèmes Nationaux d’Innovation: entre globalisation et territorialisation » in Michel Rautenberg (dir.) Dynamiques locales et Mondialisation, N°Spécial, Revue CLES, l’Harmattan, Octobre 2003, pp. 131-153 Résumé : Le système national d’innovation (SNI) dont la première approche intégrée nous vient de Lundvall (1985) met en relation trois sphères : la sphère productive (le contexte économique et la structure industrielle), la sphère de la formation (la formation et la qualité des ressources humaines) et la sphère de la recherche (la coopération entre les entreprises et les institutions publiques de recherche). Sa caractéristique majeure, notamment dans sa forme initiale, est son enracinement dans un espace national. L’aspect national est central dans la mesure où le développement technologique et les flux entre firmes apparaissent plus fréquemment dans les frontières nationales que par rapport à l’extérieur. Cette notion qui a connu un grand succès pour expliquer les performances remarquables des pays avancés en matière d’innovation a attiré un nombre conséquent d’analystes pour expliquer les faibles performances des pays en développement en la matière. Depuis quelques années, elle commence à être sérieusement remise en cause. Elle rencontre d’énormes difficultés à intégrer, dans sa forme actuelle les nouveaux cycles de la recherche résultant de la globalisation. Par ailleurs, l’émergence des dynamiques locales (districts, milieux innovateurs etc.) disqualifie le niveau national comme seul espace pertinent dans les processus d’innovation.

Transcript of Les Systèmes Nationaux d'Innovation entre Territorialisation et Développement local

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DJEFLAT, A. “Les Systèmes Nationaux d’Innovation: entre globalisation et territorialisation » in Michel Rautenberg (dir.) Dynamiques locales et Mondialisation, N°Spécial, Revue CLES, l’Harmattan, Octobre 2003, pp. 131-153

Résumé :

Le système national d’innovation (SNI) dont la première approche intégrée nous

vient de Lundvall (1985) met en relation trois sphères : la sphère productive (le

contexte économique et la structure industrielle), la sphère de la formation (la

formation et la qualité des ressources humaines) et la sphère de la recherche (la

coopération entre les entreprises et les institutions publiques de recherche). Sa

caractéristique majeure, notamment dans sa forme initiale, est son enracinement

dans un espace national. L’aspect national est central dans la mesure où le

développement technologique et les flux entre firmes apparaissent plus

fréquemment dans les frontières nationales que par rapport à l’extérieur.

Cette notion qui a connu un grand succès pour expliquer les performances

remarquables des pays avancés en matière d’innovation a attiré un nombre

conséquent d’analystes pour expliquer les faibles performances des pays en

développement en la matière. Depuis quelques années, elle commence à être

sérieusement remise en cause. Elle rencontre d’énormes difficultés à intégrer, dans

sa forme actuelle les nouveaux cycles de la recherche résultant de la globalisation.

Par ailleurs, l’émergence des dynamiques locales (districts, milieux innovateurs etc.)

disqualifie le niveau national comme seul espace pertinent dans les processus

d’innovation.

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Notre contribution tentera de montrer les dimensions de cette double pression que

subit le SNI et à en tirer brièvement quelques conséquences pour les PED.

Mots clés :

Système national d’innovation, recherche et développement, globalisation,

territorialisation, système local de production, système local d’innovation, PED,

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Le système national d’innovation (SNI) a bénéficié d’un intérêt soutenu qui se

reflète à travers notamment une littérature abondante. Le schéma classique du SNI

met en relation trois sphères : la sphère productive (le contexte économique et la

structure industrielle), la sphère de la formation (la formation et la qualité des

ressources humaines) et la sphère de la recherche (la coopération entre les

entreprises et les institutions publiques de recherche). Toutefois pour les

concepteurs du SNI, l’aspect national est central dans la mesure où le

développement technologique et les flux entre firmes apparaissent plus

fréquemment dans les frontières nationales que par rapport à l’extérieur.

Cette notion, qui a connu un grand succès auprès des analystes pour expliquer à la

fois le blocage de l’accumulation technologique endogène des pays en

développement et le succès des pays avancés, commence à être sérieusement remise

en cause par un double phénomène celui de la globalisation d’une part et celui de la

territorialisation de l’autre. Les concepteurs eux-mêmes reconnaissent la vision

étroite qui a prévalu à sa production. Conçue essentiellement pour expliquer les

dynamiques nationales d’innovation, elle ne peut intégrer dans sa forme actuelle ni

un certain nombre de phénomènes mondiaux dont elle ne peut être dissociée

surtout si l’on résonne en termes de filières, ni les nouveaux cycles de la recherche

au plan mondial. Dans ces relations, l’aspect international ne peut être négligé, en

particulier pour ce qui concerne le rôle joué par les pays les plus industrialisés pour

influencer et orienter recherche et développement (R&D) d’une manière

significative. Par ailleurs, l’émergence des dynamiques locales (districts, milieux

innovateurs etc.) disqualifie le niveau national comme seul espace pertinent dans les

processus d’innovation. Après une brève présentation du SNI dans sa forme

classique, nous montrerons dans une seconde partie les défis que pose l’émergence

des dynamiques locales d’innovation et les remises en causes qu’elles impliquent.

Une troisième partie examinera le phénomène de globalisation de la recherche et

développement et de l’innovation, qui est un des piliers essentiels de son activité, et

l’éclatement de sa base nationale qui constitue l'un des fondements même de son

existence. Nous conclurons sur les conséquences de ces transformations sur les

pays en voie de développement.

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LE FONDEMENT NATIONAL DU SNI

Le SNI a bénéficié d’une littérature assez vaste et variée ces dernières années. Différents aspects ont été examinés : le rôle des départements de R&D dans les entreprises, l’importance des réseaux scientifiques, le concept de système technique, le rôle de la science, le rôle de l’Etat dans la promotion de l’innovation, l’importance des alliances techniques etc. (Freeman : 1972, Von Hippel : 1976, Gilles : 1978, Mowery and Rosenberg : 1979, Nelson : 1982 and 1993, Niosi and Faucher : 1991). La première approche intégrée du SNI nous vient toutefois de Lundvall (1985) revue et améliorée les années 90 pour les PVD.

Le schéma classique du SNI met en relation trois sphères (schéma 1). La sphère

productive qui se compose essentiellement du système productif; la sphère de la

formation et la qualité des ressources humaines constituée essentiellement du

système éducatif et de formation, et la sphère de la recherche qui implique les

institutions de recherche quel que soit leur statut (centres de recherche, universités

ou départements de recherche en entreprise).

S p h è re sc ie n t i f iq u e e t F o rm a tio n ts c ie n t i f iqsc ie n t i f ictra in in g te c h n ic ph e re

S p h è re in d u s tr ie l lein d u s tr i ie e l le e l le

(x ) ( )

S p h è re e se a rc h a n d R e c h e rc h e é v e lo p p e m e n t d é v e lo pp e m e n t

(z )

S Y S T E M E N A T IO N A L D ’ IN N O VA R A T IO N

S c h é m a 1 : S y s tè m e N a t io n a l d ’ I n n o v a t io n E x té r ie u r

(a )

( I )

(1 )

(2 ) (3 ) ( I I ) (c ) (b ) ( I I )

Source : A. Alcouffe (1994)

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Dans ces relations, l’aspect international semble être négligé. Pour les concepteurs

du SNI, “l’aspect national est central dans la mesure où le développement

technologique et les flux entre firmes apparaissent plus fréquemment dans les

frontières nationales que par rapport à l’extérieur » (Lundvall cité par BELLON et

al. 1991)1. Initié à partir des théories systémiques et évolutionnistes, ce concept est

basé sur l’idée que les éléments systémiques dans les économies nationales sont

plus importants que les éléments d'interaction entre les économies de différents

pays. Les interactions se font essentiellement entre producteurs - utilisateurs

d’innovations (Lundvall) (BELLON et al., 1991), doublés de liens particuliers entre

institutions sociales et politiques (Freeman), et soutenues par des politiques

nationales de coordination et financement de la R&D (pour Nelson). Le SNI

regroupe ainsi à la fois un système technologique et des politiques publiques de la

recherche scientifique et technique (c’est-à-dire les structures formelles), des

réseaux d’interaction entre utilisateurs et producteurs et les relations inter

institutionnelles en formation, financement, diffusion de l’innovation et structures

productives (LUNDVALL, 1992). Trois logiques se combinent harmonieusement :

une logique technique, une logique productive et une logique institutionnelle

(CARRE, 2001).

Le contenu du système technologique désigne un groupe d'artefacts caractérisé par

une cohérence technique entre ses composantes. Le support du système

technologique désigne l'ensemble des institutions qui canalisent le développement

des techniques dans l'économie et la société. Dans le cadre du capitalisme

industriel, le développement des technologies est impulsé principalement par les

firmes. Mais, ces firmes "baignent" dans un contexte spécifique marqué par

l'existence d'un ensemble d'institutions (laboratoires de recherche publics,

universités, ministère des armées, etc.) qui constituent le support du système

technologique.

Chaque institution génère ses propres langages et connaissances de sorte que les

mécanismes d'accumulation du savoir sont multiples, spécifiques et orientés. Le

marché ne peut à lui seul assurer la coordination de ces différentes sources

1 B. BELLON, M. CROW, G. NIOSI, P. SAVIOTTI, “ Les systèmes nationaux d'innovation : unité et diversité ”, Problèmes Economiques, n° 2.311, 3-02-91.

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d'opportunités technologiques et le paradigme traduit l'existence de mécanismes de

coordination entre les institutions elles-mêmes et entre les institutions et le marché.

I. LES DEFIS DES DYNAMIQUES LOCALES D’INNOVATION

De nouvelles approches en termes d’innovation localisée attirent de plus en plus

l’attention et prennent le devant de la scène. Elles remettent sérieusement en cause

la dimension nationale du système d’innovation et lui substituent parfois la notion

de dynamiques locales d’innovation ou même système local d’innovation. Pour bien

comprendre les remises émanant, il est important d’examiner brièvement la

structuration et les fondements de la polarisation locale ou territoriale de

l’innovation d’une part et les modes de coordination et d’apprentissage de l’autre.

Les approches en termes d’innovation localisée reposent souvent sur les approches

plus globales des dynamiques localisées de développement et en constituent

également l’un des principaux arguments. Les externalités, qui fondent les

mécanismes de polarisation des activités économiques, et les formes très

spécifiques d'organisation dont elles émanent permettent une coordination

harmonieuse et une plus grande efficacité productive et innovante.

Polarisation spatiale de la production et de l'activité innovante

Les modes particuliers d’interaction entre firmes et espace peuvent donner lieu à

des externalités qui contribuent à des performances économiques et innovatrices

relativement exceptionnelles. A l’intérieur d’un territoire, certaines formes,

spatialement délimitées, d'organisation des activités économiques révèlent des

performances innovatrices remarquables. Ces dynamiques locales, axées autour des

externalités, résultent de la proximité géographique, notion qui est au cœur de ces

analyses. L’externalité positive a pour origine l’activité économique d’un agent

(consommateur ou producteur) sans qu’il en reçoive une récompense par

l’intermédiaire du marché. Plusieurs types d’externalités positives expliquent la

concentration spatiale des entreprises (PERRAT, 1993) : les externalités

pécuniaires, les externalités technologiques (MOHNEN, 1991), les externalités de

réseau ainsi que d’autres formes d’externalités qu’il est inutile de lister ici. Chaque

firme concernée va chercher à se positionner avantageusement par rapport à ces

externalités, qu’elles soient révélées ou latentes. Les entreprises vont ainsi mettre en

œuvre diverses stratégies qui peuvent aller de la prédation de ressources localisées à

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une participation à leur mise en culture. Ces stratégies déterminent le degré et la

forme de l’organisation des activités économiques et innovantes sur un espace

donné (CARRE, 2001). L’étude de ces situations par la science économique révèle

plusieurs formes d’organisation localisée des activités. On peut les classer en deux

catégories principales : la première est caractérisée par une relative fermeture et une

forte endogénéisation du système mis en place alors que la seconde fonde la

création de ressources spécifiques et d’externalités positives grâce à une multiplicité

de liens extérieurs et notamment avec les acteurs mondiaux.

1. Les systèmes relativement fermés se composent d’abord des ‘districts industriels

de Marshall’ (MARSHALL, 1891) et des districts italiens. Les premiers sont basés

sur des externalités ayant une composante territoriale explicite: les producteurs

participant à une activité industrielle dominante dans un espace donné se

spécialisent dans une étape du processus productif. Les seconds (BECCANTINI,

1989) sont composés de petites entreprises d’une branche industrielle, spécialisées

et travaillant en interaction, avec un marché local du travail spécialisé. Ils sont

performants à l'exportation (BECCANTINI, 1989). Il faut souligner que la capacité

d’innovation diffuse est un élément central de l’autorégulation du district. En

second lieu, nous avons les ‘milieux innovateurs’ dont la dynamique industrielle,

fondée essentiellement sur l'innovation, se différencie des districts industriels en ce

sens qu’ils sont fortement marqués par une problématique d’économie régionale.

Le milieu “ apparaît comme un espace géographique restreint, défini a priori ”

(LECOQ, 1995) dans lequel se développe quasi-spontanément un ensemble

d’interdépendances fonctionnelles entre acteurs, basées sur leur appartenance à une

même entité territoriale et se caractérisant par l’utilisation des potentiels locaux et

par “ une combinaison de relations d’interdépendance entre des organisations

territoriales et un ensemble de réseaux ”, reliant des “ acteurs et des savoir-faire

diversifiés (production, services, recherche) ” (JOIGNAUX et THOMAS, 1991).

Ici, la notion de réseau d’innovation est au coeur de l’analyse des conditions de

territorialisation des firmes, et du fonctionnement de l’environnement de

l’innovation (LECOQ, 1995). On peut également y adjoindre les ‘technopoles’ qui

sont également des processus territorialisés d'innovation technologique qui

articulent de façon complexe les systèmes productifs, l'appareil de recherche et les

agents institutionnels locaux (GILLY, 1987) au niveau d’un territoire.

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2. Les systèmes relativement ouverts sur l’international. On peut y inclure les districts

technologiques (PECQUEUR et ROUSIER, 1992) qui sont une réactualisation des

districts industriels, mais présentant en plus une articulation originale entre les

stratégies des grandes firmes multinationales (FMN) et un système productif local

innovant, générant des externalités technologiques. Chaque composante du district

technologique est intégrée dans un réseau international (PECQUEUR et

ROUSIER, 1992). Le district ne se renouvelle que s’il fait l’objet d’une régulation

locale assurée souvent par deux types d’institutions : les organismes de formation et

les collectivités locales qui apportent le savoir-faire et le sentiment d’appartenance à

une collectivité. Les collectivités locales ont un rôle de financement et de

représentation du territoire, et aident à la gestion du rapport entre le district

technologique et l’ensemble de la société. D’une manière indirecte, ils donnent lieu

à une disqualification de facto de la coordination centrale assurée généralement par

les institutions centrales de l’Etat. Pour les organes déconcentrés de l’Etat, la

délégation de pouvoir des formes négociées de coordination locale des activités du

territoire constituent un mode de coordination par proxi des pouvoirs centraux de

l’Etat. Exemple : les contrats de plan Etat Régions en France. Les institutions

décentralisées par contre, bénéficient de facto de cette adjudication du pouvoir de

coordination des activités locales sur le territoire. Le mode de coordination

principale du SNI est ainsi récupéré au niveau local. Mais c’est la quatrième

caractéristique qui nous interpelle le plus dans notre problématique : les districts

technologiques ont en effet, la capacité d’entretenir une relation complémentaire entre le

local et l’international. C’est un système ouvert, dont chacune des composantes est

intégrée dans un réseau international propre. Si la base sociale des districts

technologiques est une communauté professionnelle, territorialisée, c’est son

ouverture sur l’extérieur qui en fait parallèlement la force et la capacité à se

renouveler, à suivre l’évolution de la recherche technologique, (universités, écoles

d’ingénieurs etc.)

Ces diverses formes d'organisation du territoire, où les entreprises collaborent et

gèrent les ressources externes dans le sens de l'intérêt collectif, se distinguent par

une bonne coordination des firmes autour des externalités, par des interactions

marchandes ou non marchandes entre les différentes unités concernées par

l'activité productive et innovatrice (BELLON & PLUNKET, 1998). La plupart des

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systèmes interagissent avec l'environnement, mais ces liens sont moins forts que

ceux existant entre les éléments du système. Ainsi, le système garde cohérence et

persistance dans le temps contribuant à la mise en place d’un système localisé

d’innovation (TORRE, 1993) . Des ‘rendements croissants de localisation’

apparaissent alors : les entreprises choisissent une localisation non plus uniquement

selon les avantages intrinsèques de l’emplacement considéré, mais en fonction du

nombre d’entreprises déjà implantées sur le site, dont elles savent qu’elles pourront

bénéficier quasi-automatiquement d’une partie du savoir. L’apprentissage collectif

est un véritable processus de conception, qui crée des ressources (compétences,

équipements) spécifiques donc adaptées et intégrées au contexte de production.

La rencontre productive (GAFFARD, 1993) peut correspondre à l’activation de

ressources génériques, par la spécification d’actifs, dans le cas d’une stratégie d’innovation

de la part de la firme, par la construction d’un territoire. Toutes les formes d’interaction

peuvent ici intervenir et se renforcer, externalités pécuniaires et technologiques se

combinant de façon dynamique, pour créer de nouvelles connaissances : c’est

l’aspect ‘construction de ressources’ qui prime, avec un effet en retour important

sur les possibilités de développement du territoire. L’apprentissage collectif devient

le mode de fonctionnement du territoire (COLLETIS, 1997).

L’endogénéisation peut provenir de procédures privées de caractère volontaire

(groupement des agents concernés par l’externalité, intégration du bien à l’origine

de l’effet), ou de procédures publiques mises en oeuvre par une collectivité ou son

autorité (CATIN, 1985). La coordination et la création d’un mécanisme de

représentation des divers intérêts deviennent indispensables : l'efficacité innovatrice

des différentes interactions, au sein d'un système localisé de production, suppose

un mode de coordination permissif des effets d’apprentissage inhérents à tout

processus de création technologique.

Coordination et apprentissage dans un système localisé de production et

d’innovation

Le concept de système d’innovation territorialisé, ou système localisé de production

et d’innovation (SLI)2 est la forme générique des différentes configurations

2 Nous ne retiendrons ici que l’appellation ‘système localisé d’innovation’, dans un souci de cohérence terminologique.

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présentées précédemment. La notion, de proximité y joue un rôle primordial et

peut prendre des formes diverses : la proximité spatiale qui joue comme support

des relations marchandes et non marchandes qui permet la proximité physique des

acteurs concernés (BES, 1993). La proximité sociale, résultant de la “ mémoire

commune ” et qui est renforcé par le partage de ressources communes

(infrastructures, équipements), est source de débats mettant en relation les acteurs

(GILLY et GROSSETTI, 1993). La proximité géographique est cruciale pour les

innovations qui requièrent une forte interaction entre utilisateurs et producteurs,

celles qui émergent ou encore pour celles qui concernent un secteur fortement basé

sur les connaissances issues de la recherche scientifique. Dans ce dernier cas,

l’innovation n’est pas nécessairement le résultat d’une organisation territoriale

délibérée (proximité systémique). Il peut également s’agir d’une proximité

ascendante : un agent fortement localisé est à l'origine de l'innovation et la construit

par extension locale (par exemple l'université dans les biotechnologies ou les

industries pharmaceutiques). Elle peut enfin être descendante, quand l’innovation

résulte d'une stratégie de délocalisation des firmes, visant à mobiliser les ressources

locales en R&D ou en savoir-faire (dans ce cas, la nécessité d'une proximité

géographique n'est pas absolue, elle dépend de l'étape de l'innovation).

Dans un SLI, le cadre institutionnel doit être un vecteur de processus cognitifs et

sociaux, générant un apprentissage non en termes d’allocation des ressources

(l’apprentissage au sens orthodoxe, où la connaissance préexiste à son échange)

mais en termes de création de ressources (par la mise en place de modes particuliers

de résolution de problèmes) : les proximités spatiale et technologique sont

organisées institutionnellement pour former un SLI.

Pour ce faire, deux types d’institutions se supportent mutuellement dans un SLI :

les institutions pragmatiques, produits d’une conception, d’actions délibérées et

intentionnelles, et les institutions organiques, résultat inattendu et inintentionnel de

la poursuite des intérêts individuels dans le cadre d’une évolution organique. Elles

interagissent dans le SLI : si des institutions pragmatiques sont créées pour gérer de

plus en plus d’activités, l’évolution des institutions organiques, revêtant souvent un

aspect plus informel, sous-tend ce processus plus qu’elle ne l’efface (KIRAT, 1993).

La construction d’un territoire se fait grâce à des stratégies organisationnelles et des

modes de relation établis par la firme innovatrice lors de la construction d’une

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capacité productive qui permettent l’apprentissage collectif (LECOQ, 1995),

“ l'imaginaire du territoire ”, qui fixe un cadre commun de représentations pour les

agents membres du SLI. L’acteur est sécurisé par ces bornes, qui évoluent avec les

actions économiques. Le cadre historique et spatial de la coordination permet la

construction d'un “ ordre local ” qui assure la coopération, “ construit politique spécifique

à extension limitée et fluctuante qui, tout en s'appuyant sur la structuration initiale du contexte

d'action, modifie celle-ci à son tour et produit ses propres effets ” (FRIEDBERG, 1993). On

observe ainsi d’une part une certaine continuité dans les structures de coordination,

assurant une réduction de l’incertitude sur l’information, et d’autre part une

évolution de celles-ci en fonction d’un environnement changeant.

II. LA CIRCULATION DE LA TECHNOLOGIE AU PLAN MONDIAL ET

LA GLOBALISATION DE LA RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT.

La globalisation actuelle tend à relativiser les atouts traditionnellement reconnus de

la proximité aussi bien celle qui est permise par les limites d’un territoire national

que celle qui se matérialise sur un territoire local. La contrainte de distance peut être

dépassée par les possibilités de plus en plus grandes de mobilité conjointe des

hommes et des informations. Les communautés professionnelles développent des

relations personnalisées et informelles. Par ailleurs, la proximité n’a pas le même

rôle en fonction de l'innovation concernée. Rallet établit une typologie des

innovations en fonction des différents rapports à la proximité géographique qu'elles

nécessitent. Le cadre actuel des processus d'innovation technologique (RALLET,

1996) tend à se calquer de plus en plus au phénomène de globalisation Dans le

contexte d’échanges commerciaux et industriels accrus entre les pays, la

compétitivité se joue au niveau international, et toute innovation a pour cadre de

référence l'espace concurrentiel mondial.

Les grandes mutations du marché mondial de la technologie.

Les concentrations technologiques et la polarisation seront les deux caractéristiques

majeures des développements des années 90, les taux de croissance tendant à

s’égaliser selon le principe de la convergence entre les pays de la triade. Les

irréversibilités se développent dans le sens de plus en plus d’intégration des

nouvelles technologies avec l’avènement des technologies génériques qui marque la

grande rupture des années quatre vingt et quatre vingt dix : informatique,

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électronique, sciences des matériaux, biotechnologies, génétiques. Le

rapprochement vertigineux de la sphère de la Recherche fondamentale et de la

sphère du développement, permis par ces technologies, réduit la perspective de

mimétisme pratiquée par les pays asiatiques et qui a relativement bien réussi

notamment pour le Japon et certains dragons. Le gap temporel qui existait n’est

plus praticable. Le phénomène de déverticalisation montre que les intégrations

permises par le passé ne sont plus nécessaires par les technologies immatérielles.

Dans les nouvelles dynamiques de la concurrence au plan mondial, l’économie de la

connaissance et la prépondérance de la dématérialisation priment. L’information est

reconnue comme un élément central dans le fonctionnement de l’économie depuis

les apports d’Arrow.

La compétitivité (définie respectivement comme la capacité d’une nation ou d’une

entreprise d’accroître ou de maintenir sa part de marché national et international

sur une moyenne ou longue période) sera de plus en plus fondée sur la capacité

locale à produire selon des standards mondiaux (par exemple suivant les normes

ISO 9000), d’adapter continuellement ses produits et ses proces, et d’innover au

sein de normes communes.

La délocalisation/décentralisation des processus de R&D et les nouvelles

tendances de sa restructuration au niveau mondial.

On peut aisément constater une tendance générale à une internationalisation accrue

des activités de R&D, même si la plupart des activités technologiques des firmes

multinationales restent encore fortement localisées dans leur pays d'origine. La

localisation de la R&D à l'étranger correspond le plus souvent à des innovations

d'adaptation au marché ou à une acquisition ou à une fusion avec une entreprise

locale. Quoique inégalement partagée, la délocalisation/décentralisation des

activités de production de nouvelles technologies se fait au sein des entreprises

globales (OCDE, 1997).

Les entreprises mettent en place des réseaux internationaux d’alliances stratégiques

à contenu technologique (HAGEDOORN et SCHAKENRAAD, 1993). Dans

douze pays de l’OCDE qui cumulent 95% de la R&D industrielle de la zone, la

R&D effectuée par des filiales de sociétés étrangères représentait plus de 11% des

dépenses totales de R&D industrielle en 1994 (OCDE, 1997). Ce type de calcul

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permet d’envisager l’importance de la R&D délocalisée relativement aux pays

d’implantation. Cette proportion moyenne de 11% recouvre une grande variété de

situations.

Tableau n°1 : Part de la R&D des filiales étrangères dans une sélection de pays.

Pays Part de La R&D des filiales étrangères

En Irlande, 68%

Canada, Australie et Espagne entre 30% et 50%

Finlande (1995) 7,85%

Japon (1991) 1,36%

Source : OCDE 1997

L’importance relative de la R&D des filiales dépend d’abord du niveau de présence

des implantations étrangères. Celles-ci sont particulièrement importantes en Irlande

puisque dans l’industrie manufacturière elles sont responsables de 70% de la valeur

ajoutée.

D’une manière générale, on peut constater un certain parallélisme entre la

participation des filiales à la R&D et leur participation aux ventes de l’industrie

manufacturière : les classements des pays en fonction des deux variables sont

proches, bien que les valeurs des variables divergent.

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Tableau n°2 : La R&D des filiales d'entreprises multinationales dans les pays

d'implantation

Part de la R&D Secteur

manufacturier (%)

Part du CA Secteur

manufacturier (%)

Intensité de la R&D

R&D/CA (%) Filiales

Intensité de la R&D

R&D/CA (%) Entreprises nationales

ETATS-UNIS (1994)

13,41 15,53 2,47 2,50

Canada (1993) 37,36 54,92 0,85 1,73 Japon (1991) 1,36 2,80 1,18 2,53

Australie (1989) 46,41 29,0 1,27 0,66 France (1992) 14,91 20,99 1,78 (2) 2,70 (2) Finlande (1995) 7,85 7,59 2,60 (1) 2,51 (1) Allemagne (1993) 16,45 28,14 3,17 6,31 Pays-Bas (1995) 17,42 42,40 (1) 0,80 (1) 2,66 (1) Suède (1994) 12,61 18,74 2,39 3,82 Royaume-Uni

(1989) 18,50 22,30 1,49 1,88

CA : chiffre d’affaires (1) 1993 (2) 1991

Source : OCDE (1997).

En ce qui concerne les filiales implantées aux Etats-Unis, l’intensité moyenne de

leur effort de recherche résulte à la fois de leur concentration dans des activités

relativement intensives en recherche et de l’importance de leur engagement. Ainsi

60% des dépenses de R&D des filiales sont effectuées dans trois secteurs :

pharmacie, chimie de base et équipement électrique et électronique. En outre, dans

les deux premiers, les filiales étrangères sont particulièrement actives en R&D,

puisqu’elles réalisent 47% de la R&D de la pharmacie (filiales suisses et

britanniques) et 93% de la R&D de la chimie de base (filiales allemandes et

canadiennes. Les dépenses de R&D des filiales, montrent qu’il existe une tendance

régulière et marquée à la progression. Ainsi aux Etats-Unis, entre 1980 et 1993 ces

dépenses ont crû au rythme de 16,5% aux prix courants et de 12% en termes réels.

En France, la part de la R&D industrielle imputable aux filiales (y compris les

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filiales avec participation étrangère de 20 à 50%) représentait 18% en 1994 contre

11% en 1985. (MADEUF 2000)

Bien que très incomplètes, les données l’étude de l’OCDE confirment ce que

d’autres enquêtes et recherches permettaient d’affirmer : il existe depuis quelques

années une tendance certaine à la délocalisation de la R&D industrielle3. D’autre

part, au niveau sectoriel on constate de grands divergences entre activités. Ainsi

dans le cas des Etats-Unis, la R&D internationalisée du secteur automobile

représente 22% de la R&D sur le territoire américain, suivie par l’industrie

pharmaceutique (20%) et les ordinateurs (13%).

De manière plus générale, sur la base de données relatives à un large groupe

d’entreprises multinationales, l’internationalisation de la R&D paraît plus avancée

dans les activités suivantes : produits alimentaires, pharmacie, matériaux de

construction, produits d’extraction et pétrole (PATEL, 1995).

Du point de vue de la localisation géographique, on constate que pour les

entreprises d’origine américaine, les laboratoires à l’étranger sont principalement

situés en Europe (plus de 70% de la R&D hors des Etats-Unis), particulièrement en

Allemagne (28%, voir par exemple : General Motors a confié à Opel le

développement des nouveaux véhicules pour l’ensemble des activités

internationales du groupe) suivie par le Royaume-Uni (15%) et la France (11%). Les

entreprises européennes détiennent des centres de R&D au sein de l’Europe

comme aux Etats-Unis ; le partage entre les deux zones semble varier selon la

nationalité et le secteur d’activité des entreprises. Enfin les centres de recherche à

l’étranger détenus par les entreprises japonaises se trouvent essentiellement aux

Etats-Unis. L’implantation à l’étranger des centres de R&D eux-mêmes démontre

l’existence de choix géographiques privilégiés. (MADEUF , 1997)

3 pour une revue de la littérature voir Madeuf, B., Lefebvre, G., Savoy, A, De l'internationalisation à la globalisation de la RD industrielle : l'exemple de la France, Innovations, n° 5,1997, pp. 55-92.

16

La globalisation de la technologie

La combinaison des données qualitatives sur les fonctions des laboratoires à

l’étranger avec la tendance à la croissance de la R&D « délocalisée », rappelée plus

haut, confirme le mouvement de globalisation de la technologie, non seulement à

l’étape de la diffusion, mais ce qui paraît plus fondamental, au moment de sa

conception ou de sa production. Si on adopte la taxonomie proposée par D.

Archibugi et J. Michie (1995) la globalisation de la technologie peut s’entendre de

trois façons:

1/ elle peut d’abord recouvrir les mécanismes de diffusion et d’exploitation

internationales des technologies par ls entreprises.

2/ elle peut désigner la montée des collaborations internationales pour la mise au

point de nouvelles technologies ( ce que plus haut nous avons qualifié de réseau

externe).

3/elle peut enfin concerner le passage à la production globale des technologies.

Selon B. Madeuf (1997), les modalités les plus significatives de la globalisation de la

technologie correspondent à la seconde et à la troisième des formes. Les enquêtes

réalisées au cours des années récentes (PEARCE et SINGH, 1992 ; BARTLETT et

GHOSHAL, 1990) laissent penser que se sont surtout multipliés les laboratoires du

troisième et du quatrième type.

Pour prendre l’un des exemples les plus récents, les résultats de l’enquête conduite

sur environ 200 centres de R&D établis aux Etats-Unis et sous contrôle

d’entreprises étrangères montrent que leurs fonctions principales incluent la

production de nouveaux concepts, l’information sur les avancées scientifiques et

technologiques réalisées aux Etats-Unis et l’accès à des personnels scientifiques de

grande qualité (FLORIDA, 1997). La dialectique du local et du global est

transversale aux activités d'innovations : pour se rapprocher de la réalité observable,

il n'est nullement besoin de présupposer l'existence d'un espace national, c'est-à-

dire d'un système organisé au sein d’un Etat-nation.

Commentaire [z1] : Ne figure pas dans la bibliographie.

17

La globalisation de la R&D remet en cause d’une manière irréfutable et souvent

irréversible le fondement national du SNI. En conséquence, elle remet en cause

aussi bien les éléments qui en constituent la structure traditionnelle que les modes

d’interaction entre ces éléments. Ce phénomène résulte non seulement de la

globalisation de la R&D, mais se trouve également accentué par la globalisation des

modes d’acquisition des connaissances par l’introduction massive des nouvelles

technologies de l’information et de la communication (NTIC). Enfin la mobilité

des capitaux et des hommes, éléments essentiels dans le phénomène de la

globalisation, fait éclater d’une manière irréversible les systèmes productifs

nationaux qui constituent une des bases essentielles du SNI.

III. LES CONSEQUENCES POUR LES PAYS EN DEVELOPPEMENT.

Le SNI, aussi bien comme concept que comme mode opératoire, a intéressé un

grand nombre de pays en développement. Sa relative simplicité en a fait un outil

privilégié pour la mise en place de politiques et de programmes de structuration de

la recherche et du développement dans les pays où la tendance au centralisme et à

la prédominance des institutions centrales de l’Etat (Ministères, secrétariats d’Etat

etc.) dans les décisions majeures concernant le développement économique. Son

importance, et surtout sa nouveauté, le classe souvent aux yeux des décideurs

centraux parmi les domaines stratégiques, comme il l’est d’ailleurs dans un certain

nombre de pays avancés. Ce sont toutes ces caractéristiques qui rendent sa remise

en cause par le double phénomène de territorialisation et de globalisation de la

recherche plus délicat.

Les enjeux technologiques auxquels doivent actuellement faire face les PED, sont

cruciaux : le contexte international crée des limites juridiques aux possibilités

d’imitation, des contraintes économiques avec une délocalisation de moins en

moins importante des activités de production des grandes firmes européennes vers

les pays les moins avancés, et des barrières protectionnistes par le biais de

politiques technologiques très pointues et axées sur le soutien au développement à

l’échelon mondial des grandes firmes nationales. La mutation des formes de

concurrence et la prépondérance de l’innovation comme instrument fondamental

de la compétition sont à la base des revendications des pays avancés et notamment

des USA pour élever les barrières de protection.

18

La prépondérance et la reconnaissance du caractère tacite de la technologie et aussi

implicitement la reconnaissance d’une masse de savoir-faire non codifié et non

codifiable parfois et dont la transmission est relativement difficile, voire impossible

dans certains cas, rend l’accès à la technologie de plus en plus en plus difficile. Les

avantages comparatifs traditionnels, coût salariaux et prix des matières premières,

sont progressivement dévalorisés, ce qui réduit les possibilités d’insertion dans le

marché mondial.

Par ailleurs, les restrictions de la circulation de l’innovation ont limité l’innovation à

des centres qui ont accumulé effectivement pour pouvoir innover. L’innovation

spontanée à partir des technologies importées sans que les conditions ne soient

fournies n’est pas concevable. Des difficultés de remontées de filières importantes

se manifestent et laissent un pan entier de secteur bloqué au niveau de la

consommation passive de la technologie. Si paradoxalement la vision standard néo-

classique du changement technique avait ouvert l’espoir de rattrapage dans les

esprits des PVD, la vision évolutionniste semble boucher toutes perspectives de

rattrapage. Les irréversibilités étant ce qu’elles sont, il est difficile de s’installer dans

une division internationale du travail avantageuse si les capacités locales ne

permettent pas de fournir les ingrédients nécessaires de l’innovation.

Le rapprochement de la sphère de la Recherche fondamentale de la sphère du

développement réduit les perspectives de mimétisme pratiquées par les pays

asiatiques et qui ont réussi à développer en un temps record des capacités

technologiques conséquentes. Le gap temporel qui existait n’est plus praticable.

C’est le cas dans les technologies avancées et les technologies génériques. Coûts

salariaux versus productivité des facteurs.

La progression de la contrefaçon et du mimétisme, celui de la part des pays

asiatiques en l’occurrence, et la chute progressive de la R&D privée industrielle ont

conduit à concevoir des barrières protectionnistes plus élevées. Les nouvelles

restrictions concernant l’accès à la technologie et les hautes barrières imposées par

les accords de l’OMC de Marrakech (1995), assoient de nouvelles règles du jeu pour

la protection de la propriété intellectuelle.

L’impact de ces accords est perçu différemment par les analystes : les arguments en

leur faveur, défendus bien entendu par les FMN et les pays avancés, voient dans

19

ces accords le moyen de relancer la recherche privée en déclin et de fouetter

l’innovation dont les effets seront bénéfique pour toute l’humanité ex : une

découverte sur la protection de l’environnement, le traitement du paludisme ou

celui du SIDA par exemple. Les barrières élevées de protection sont une garantie

supplémentaire et un moyen d’attirer l’investissement étranger. Les conditions de

protection des brevets et inventions sont des éléments fondamentaux pour attirer

l’investissement étranger, parfois seule source d’accès à de nouvelles technologies

dans certaines filières. L’indice de protection de la propriété intellectuelle (IPRI)

avancé par Maskus & Penubarti (1995) indique dans quelle mesure la propriété

intellectuelle bénéficie de suffisamment de protection (Bouayiour et al., 1998).

L’IPRI prend une importance cruciale pour certains secteurs où une concurrence

très ardue existe (électronique, espace et NTIC) surtout pour le commerce mondial

de la technologie et la conférence de Marrakech de 1995 à travers les accords

TRIP(Trade Related Intellectual Property) l’a conforté 4. L’avènement des NTIC, et

notamment le réseau Internet, ont été salués comme des évènements majeurs

permettant un accès plus facile au savoir-faire et à la recherche mondiale

notamment par les PED.

Les opposants au niveau système de protection, mis en place par ces accords, dont

une bonne partie des PED, y voient un moyen d’exclusion supplémentaire des

entreprises et des Etats à système d’innovation non constitué ou peu efficace. On

constate, en effet, depuis une décennie environ l’apparition de nouvelles tendances

lourdes au plan mondial. La nouvelle restructuration de la R&D au plan mondial et

les logiques de déploiement du capital international vont dans le sens d’une

‘éviction’ grandissante des PED d’une manière générale (MADEUF, 2000). Ceci

incite à rechercher des voies alternatives à la R&D conventionnelle pour pouvoir

initier des dynamiques de changement technique propres, susceptibles de

développer la créativité et la construction d’avantages compétitifs sur des créneaux

relativement bien maîtrisés. Lorsque l’on prend en considération cette situation au

plan mondial et les performances de la R&D dans les PED d’une manière générale,

à l’heure actuelle, il semble que les voies possibles de participation restent

relativement limitées.

4Il a constitué 10% de toute la masse de documents produits pour la conférence

20

Avec les efforts faits dans le domaine des codes d’investissement et les systèmes

juridiques nationaux, cette position s’est améliorée. Toutefois, les pays d’Europe de

l’Est et notamment la Russie ont aussi bénéficié de la réorientation de

l’investissement direct, ainsi que l’Asie, avant la crise financière de la fin des années

90. Ce détournement de l’investissement entraîne une éviction croissante de

certaines régions, voire de certains pays, de la sphère de la technologie et

notamment des nouvelles technologies.

Dans ce contexte, les approches en termes de développement local, en tant que

renouvellement des analyses du développement économique, revêtent une

importance particulière pour analyser la situation des pays en voie de

développement vis-à-vis des contraintes internationales. Elles auront pour objectif

de déterminer de quelle marge de manœuvre disposent ces nations pour instaurer

des modes d’organisation des activités productives et innovantes qui soient

créateurs de richesses supplémentaires, de ressources spécifiques.

Les dynamiques territorialisées d’innovation sont confrontées à des difficultés

majeures de création d’externalités de différentes sortes. Les entreprises locales sont

la plupart du temps confrontées à des obstacles institutionnels que les organes

déconcentrés et parfois faussement décentralisés ne permettent pas de surmonter.

Les ressources sont déviées vers la résolution de problèmes que les modes de

coordination locaux sont censés prendre en charge. Les opportunités

d’apprentissage collectif sont ainsi ratées. Les freins au développement sont

exacerbés par l’incertitude de l’information et l’instabilité des règles et des normes

de fonctionnement. Il conviendrait de la part des acteurs locaux qu’ils mobilisent

leurs actifs non pas pour créer des ressources spécifiques et pour valoriser celles qui

existent potentiellement, mais pour tenter de maîtriser ces niveaux d’incertitudes et

en limiter l’impact négatif.

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