Les bons comptes de la Sécurité sociale

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56 e ANNÉE – N o 17207 – 7,50 F -1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI MARDI 23 MAI 2000 Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche, 25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ; Côte-d’Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ; Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bre- tagne, 1£ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ; Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ; Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $. www.lemonde.fr Paradis fiscaux : l’Europe priée de balayer devant sa porte Deux listes de territoires impliqués dans la délinquance financière vont paraître début juin. L’Union connaît elle-même des pratiques fiscales déloyales C Deux régions sous surveillance LE MONDE ÉCONOMIE a L’Europe face à ses paradis fiscaux a Emploi : 24 pages d’annonces classées International ............... 2 France ............................ 6 Société............................ 10 Régions .......................... 13 Horizons........................ 14 Entreprises................... 20 Emploi/annonces........ 22 Communication.......... 23 Tableau de bord.......... 24 Aujourd’hui.................. 27 Météorologie, jeux.... 30 Culture........................... 32 Guide culturel ............. 36 Carnet ............................ 37 Immobilier/annonces 38 Kiosque.......................... 40 Abonnements.............. 40 Radio-Télévision ......... 41 RÉGIONS La Corse et les touristes En Corse, la plupart des responsables politiques souhaitent que la loi censée protéger les côtes soit assouplie pour favoriser le développement touristique. A Porto-Vecchio (photo), les défen- seurs de l’environnement s’opposent aux promoteurs. Dans un entretien au Monde, Dominique Voynet estime que « le risque de blanchiment d’argent sale est connu et avéré » dans ces opé- rations foncières. p. 13 Allemagne : le contresens de Jean-Pierre Chevènement APRÈS avoir lancé l’euro selon les canons de la Bundesbank, l’Eu- rope s’apprête-t-elle à créer une fé- dération sur le modèle allemand ? C’est la crainte de Jean-Pierre Che- vènement, ministre de l’intérieur. Grand pourfendeur du traité de Maastricht, il a sévèrement criti- qué, dimanche 21 mai, la proposi- tion du ministre allemand des af- faires étrangères, le Vert Joschka Fischer. Celui-ci avait évoqué, ven- dredi 12 mai à Berlin, l’idée d’une fédération européenne. « Nous sommes en présence d’une tendance de l’Allemagne à imaginer pour l’Eu- rope une structure fédérale qui cor- responde à son modèle. Au fond, elle rêve toujours du Saint Empire ro- main germanique », a dit M. Che- vènement, ajoutant : « Elle ne s’est pas encore guérie du déraillement qu’a été le nazisme dans son his- toire ; elle a une conception de la na- tion qui est celle du Volk [peuple], c’est à dire une conception eth- nique. » L’idée fédérale est plus familière aux Allemands qu’aux Français, habitués à plusieurs siècles de cen- tralisme. Elle évoque outre-Rhin les cinquante années, heureuses, de la République fédérale d’Alle- magne construite sur ce modèle, tandis que la seule expérience cen- tralisatrice qu’ait connue le pays fut la catastrophe nazie. Si, pour reprendre le vocabulaire de M. Chevènement, les Allemands se réjouissent d’une Europe formée sur le modèle du Saint Empire ro- main germanique, ce n’est pas qu’ils en aient les visés hégémo- niques, mais parce qu’ils veulent au contraire un type de fédération au pouvoir central faible, comme l’était l’Empire. Se méfiant d’eux- mêmes, les Allemands ont privé depuis la guerre le peuple souve- rain d’une bonne partie de ses pré- rogatives : l’argent a été confié dès les années 50 à la Bundesbank ; certains articles de la Constitution sont inaliénables, pour éviter que la représentation nationale ne se saborde comme l’avait fait la Ré- publique de Weimar ; la Cour constitutionnelle de Karlsruhe li- mite considérablement la marge de manœuvre du politique ; l’organi- sation de la vie sociale n’est pas en premier lieu du ressort du législa- teur, mais des partenaires sociaux, des Eglises, des associations. Arnaud Leparmentier Lire la suite page 17, nos informations page 8 et notre document page 14 BARBARA CARTLAND Adieu Lady rose Auteur de plus de 700 ouvrages, Bar- bara Cartland, 98 ans, s’est éteinte dans sa propriété de Hatfield (Angle- terre). Vendus à des dizaines de mil- lions d’exemplaires, ses livres ra- contaient des romances amoureuses tout en respectant la morale défendue par la Dame en rose (photo). p. 37 et la chronique de Pierre Georges p. 42 Mort en 1917 sur la crête de Vimy, le soldat inconnu canadien rentre à Ottawa ARRAS de notre correspondante Le Canada n’avait pas de soldat inconnu. Ou, plutôt, ses combattants morts à la guerre – 116 000 hommes au total – n’étaient repré- sentés que par une tombe installée en 1920 à l’abbaye de Westminster, à la mémoire de tous les disparus du Commonwealth. Le Ca- nada s’est donc mis en quête d’un inconnu bien à lui. Il l’a trouvé dans le Pas-de-Calais, où ce soldat est tombé, en avril 1917, sur la colline de Vimy, près d’Arras. Les autorités canadiennes n’ont pas choisi par hasard de rapatrier les restes d’un soldat mort à Vimy. La prise de cette crête fut la première grande victoire de guerre pour le Canada. Accrochés aux collines d’Artois depuis le début du conflit, les Allemands résistaient à tous les assauts. Après des mois de siège, les Cana- diens partirent à la conquête du site. A l’aube du 9 avril 1917, ils lancèrent l’attaque victo- rieuse. La bataille fit 3 500 morts et 7 000 blessés. Aujourd’hui, les tranchées préservées portent encore les traces d’affrontements violents. Les croix blanches sont alignées par milliers à travers les nombreux cimetières militaires de la région. Sur 1 600 d’entre elles, dont on sait qu’elles abritent les dépouilles de soldats canadiens, on peut lire la mention « Connu de Dieu seul ». C’est l’un de ces sol- dats inconnus qui sera rapatrié à Ottawa. Le corps a été exhumé dans la plus grande discrétion, mardi 16 mai. La Commonwealth War Graves Commission (la commission des tombes de guerre du Commonwealth) s’est chargée de cette mission. Installée à Beau- rains, près d’Arras, elle assure l’entretien de tous les cimetières militaires de l’ancien em- pire britannique en France : plus de 600 000 tombes. Dans l’un des ces cimetières, au bas de la commune de Vimy, sous une des croix blanches portant la mention « Connu de Dieu seul », les fossoyeurs ont retrouvé les restes d’un soldat qui portait les épaulettes de l’ar- mée canadienne. La dépouille sera remise of- ficiellement au ministre canadien des an- ciens combattants, George Baker, au cours d’une cérémonie solennelle, jeudi 25 mai. Un vétéran de la première guerre mondiale sera au côté du ministre. Paul Métivier fêtera ses cent ans le 6 juillet prochain, mais il a tenu à faire le déplacement. Il a combattu à Vimy en 1917, et se souvient des conditions extrêmes de cette guerre de tranchées. La cérémonie se déroulera au pied du co- lossal monument que les Canadiens ont érigé au sommet de la colline. En reconnaissance du sacrifice consenti par ses Alliés, le gouver- nement français avait fait don au Canada, en 1922, d’une centaine d’hectares de l’ancien champ de bataille de la crête de Vimy. De- puis, les Canadiens entretiennent soigneuse- ment ce haut lieu du souvenir pour tous les Anglo-Saxons qui ont combattu aux côtés des Français pendant la première guerre mondiale. Avec la dépouille du soldat inconnu, le mi- nistre canadien rapportera un peu de cette terre de France que ses ancêtres ont chère- ment défendue. De la terre qu’il sera allé chercher lui-même au cimetière qui a si longtemps abrité les restes du soldat mort loin de chez lui. Cette terre sera ensuite dé- posée dans la nouvelle sépulture d’Ottawa. Claire Mesureur Israël : les émeutes provoquent la suspension des négociations avec les Palestiniens LES ÉMEUTES qui ont enflammé Gaza et la Cisjordanie ont fait six morts et un millier de blessés pales- tiniens. Elles ont conduit le premier ministre israélien, Ehoud Barak, à suspendre, dimanche 21 mai, les né- gociations avec les Palestiniens me- nées à Stockholm. Parallèlement, l’inquiétude monte à la frontière avec le Liban. Les désertions se mul- tiplient au sein de l’Armée du Liban sud (ALS), alliée à Israël, avant le re- trait, programmé pour le 7 juillet, des forces armées israéliennes de la zone « de sécurité » qu’elles oc- cupent depuis 1978. Dans un entre- tien exclusif au Monde, le chef de l’ALS, Antoine Lahad, estime que si les autorités de Beyrouth ne dé- crètent pas une amnistie pour les combattants de l’ALS, ceux-ci n’au- ront d’autre choix que de continuer à se battre. Lire page 2 La bataille de l’eau ROGER ENRICO PEPSICO, le groupe dirigé par Roger Enrico, est devenu numéro un... de l’eau en bouteille aux Etats-Unis, avec Aquafina. L’eau en bouteille est la boisson dont les ventes augmentent le plus forte- ment dans le monde. Nestlé, Da- none, Coca et Pepsi se disputent ce marché en pleine évolution. Lire pages 20 et 21 FESTIVAL DE CANNES La danse de Björk Le film du Danois Lars von Trier, Dancer in the Dark, a reçu la Palme d’or du Festival de Cannes. Son héroïne, la chanteuse islandaise Björk (photo), a reçu le prix d’interprétation féminine. Les cinéastes asiatiques et iraniens sont bien placés dans un palmarès qui ne reconnaît aucun des auteurs français présents dans la sélection du 53 e Festi- val de Cannes. p. 32 à 35 REUTERS SIPA PRESS AFP Les convoyeurs continuent a LES CONVOYEURS de fonds en grève ont accueilli avec scepticisme le résultat des négocia- tions de ce week-end. Lundi 22 mai au matin, l’assemblée générale des salariés de la Brink’s à Paris a décidé de continuer le mouvement de grève. Les syndicats devaient se prononcer, dans l’après-midi, sur le protocole d’accord proposé par le patronat, au terme de vingt heures de négociations. Celui-ci comporte un seul changement notable par rapport au texte antérieur. La prime de risques des convoyeurs est por- tée de 1 000 à 1 100 francs brut par mois. Les syndicats réclament 1 500 francs. Les syndicats envisa- geaient, lundi matin, de rejeter le texte patronal, mais ils craignent la lassitude des salariés. Lire page 11 Les bons comptes de la Sécurité sociale b Pour la première fois depuis 1985, le régime général de la « Sécu » est à l’équilibre b En 1999, il dégage un résultat positif de 200 millions b En 2000, l’excédent devrait être de 5 milliards b Outre l’effet de la croissance, le gouvernement y voit un résultat de son action APRÈS QUINZE années de défi- cits, la Sécurité sociale a retrouvé son équilibre financier. Lundi 22 mai, devant la commission des comptes de la « Sécu », la ministre de l’emploi et de la solidarité, Mar- tine Aubry, a confirmé la « bonne surprise » qu’elle évoquait il y a quelques jours : en 1999, le solde des recettes et des dépenses du ré- gime général enregistre un résultat légèrement positif de 200 millions de francs. Pour 2000, les prévisions font état d’un excédent global de 5 milliards de francs. Sans l’alimen- tation du fonds de réserve des re- traites par la Caisse nationale d’as- surance-vieillesse, ces excédents auraient atteint 13,5 milliards. La croissance économique, la forte amélioration du marché de l’emploi et le gonflement des ren- trées de cotisations sociales ex- pliquent pour une grande part le re- dressement des comptes de la « Sécu ». Mais le gouvernement met également en avant l’impact des mesures correctrices prises à son initiatvie depuis 1998. Martine Aubry a souligné, pour s’en féliciter, que « la décennie 90 se clôt sur un retour de la Sécurité sociale à l’équi- libre ». « Nous en sommes bien évi- demment satisfaits et pour tout dire assez fiers », a-t-elle ajouté avant de rappeler « les déficits abyssaux » de la période 1993-1997 (53 millliards de francs par an en moyenne), qui avaient conduit, en 1996, à la mise en place du plan d’Alain Juppé, dont l’annonce avait provoqué un mouvement social fin 1995. Toutefois, ce retour à l’équilibre demeure fragile, notamment pour la branche maladie, dont le niveau des dépenses reste élevé. Au mo- ment où les partenaires sociaux dis- cutent de « refondation sociale », Martine Aubry a pris soin de rappe- ler la légitimité du gouvernement à contrôler les comptes sociaux. La ministre a notamment insisté sur « la croissance encore nettement trop forte » des dépenses de médica- ments. Lire page 6 et notre éditorial page 17

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56e ANNÉE – No 17207 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANIMARDI 23 MAI 2000

Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bre-tagne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ;Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ;Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ;Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ;Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

www.lemonde.fr

MARDI 23 MAI 2000

Paradis fiscaux : l’Europe priéede balayer devant sa porte

Deux listes de territoiresimpliqués dans ladélinquance financièrevont paraître début juin.L’Union connaîtelle-même des pratiquesfiscales déloyales

C onseil de l’Europe, traitéde Rome, accords deSchengen, traité de Maas-tricht : à l’ombre de cette

Europe en construction visible, offi-cielle et respectable, se cache uneautre Europe plus discrète, moinsavouable. C’est l’Europe des paradisfiscaux qui, des îles Anglo-Nor-mandes au rocher de Gibraltar, enpassant par le Liechtenstein ou leLuxembourg, prospère sans vergogne(...). » Près de quatre ans après l’ap-pel de Genève, émanant de septmagistrats européens, les pro-blèmes restent quasiment intacts.Nul besoin d’aller sous les coco-tiers pour bénéficier d’un secretbancaire bien gardé, d’une fiscalitéavantageuse et d’une forte permis-sivité : la délinquance financière etla fraude fiscale trouvent deshavres de tranquillité sous nos latitudes. Des zones d’ombre qui déstabilisent à la fois les démo-craties et la bonne marche del’économie internationale.

Venus à la rescousse des juges encolère, de jeunes députés socia-listes, parmi lesquels Arnaud Mon-tebourg, sont à l’origine d’une mis-sion parlementaire d’informationsur la délinquance financière et leblanchiment des capitaux, qui vientde rendre public un rapport acca-blant sur le Liechtenstein, « l’un desterritoires coopératifs les plus dange-reux (...) sur le sol européen ». Cemicro-Etat oppose, malgré ses en-gagements, une résistance forte àla coopération judiciaire interna-tionale. Monaco, le Luxembourg, laSuisse, Chypre, Gibraltar ou les îlesAnglo-Normandes devraient égale-ment faire l’objet d’un rapport.

Alors que l’évasion fiscale et leblanchiment des capitaux em-pruntent souvent les mêmes cir-cuits, les dispositifs de lutte contreces pratiques coopèrent peu. De-puis deux ans, des discussions sontengagées entre le Groupe d’actionfinancière sur le blanchiment decapitaux (GAFI), créé en 1989 parles pays du G7, et le comité des af-faires fiscales de l’OCDE, afin devoir comment les autorités char-gées de ces différentes questionspourraient s’informer. Mais cer-tains pays, moins engagés qued’autres dans la fraude fiscale, sontréticents.

Malgré ce manque d’empresse-ment, la lutte contre les paradis fis-caux pourrait marquer un point.Chacun de leur côté, le GAFI etl’OCDE s’apprêtent à publier, enjuin, pour le premier, une liste « desEtats ou territoires non coopératifs »en matière de blanchiment, et pourle second, une liste de juridictionsoffshore, qui sont assimilables à

des paradis fiscaux. Au GAFI, lespressions sont fortes pour ne pasfigurer sur la liste. Mais, en dépitde l’interpellation récente de cinqpersonnes soupçonnées de partici-per au blanchiment d’argent, il y afort à parier que le Liechtenstein yfigurera. Faut-il voir égalementdans ces initiatives une des raisonspour lesquelles Monaco a décidéde renforcer sa lutte contre le blan-chiment de l’argent sale ?

Les territoires figurant sur la listedu GAFI seront invités à modifierleur loi vers plus de transparenceet de coopération. Pour les récalci-trants, il est prévu des mesures gra-duelles, avec l’instauration d’une« déclaration automatique de soup-çon » pour toute transaction effec-tuée avec un Etat ou territoire jugénon coopératif, et, au final, la pos-sibilité d’interdire toute transac-tion financière avec ce pays.

L’OCDE, elle, se situe sur le ter-rain de la concurrence fiscale dom-mageable. Selon Jeffrey Owens, lechef des affaires fiscales, « les juri-dictions offshore figurant sur la liste

ne devront plus offrir la possibilitéaux non-résidents d’échapper aufisc. Certaines îles devront se restruc-turer totalement dans une perspec-tive de développement à longterme. » Et pour celles qui ne vou-dront pas changer leurs pratiques,« une autre liste est prévue en juillet2001 des paradis fiscaux non coopé-ratifs ». A partir de là, des sanctionspourraient intervenir prévoyant,par exemple, la fin des conventionsfiscales avec les pays de l’OCDE.

Mais pour donner des leçons auxautres, encore faut-il balayer de-vant sa porte. L’OCDE prévoit dansle même temps de rendre pu-blique, à la réunion ministérielledes 26 et 27 juin, une liste des« pratiques fiscales potentiellementdommageables » à l’œuvre dans lespays de l’OCDE. Les pays concer-nés auront jusqu’à avril 2003 pouréliminer ces pratiques. Seuls leLuxembourg et la Suisse, qui parti-cipent au travaux de l’OCDE, ontpréféré s’abstenir !

Martine Laronche

EUROPEPour AndréOrléan,directeur de recherche au CNRS, la faiblesse de l’euro est un « problème

politique » lié à l’absence de « projetcommun des Onze » (page IV)

FUTURSEn Corée du Sud, ou un habitant sur trois est connecté à Internet, l’Etat misesur les start-up et sur la nouvelleéconomie, qui dopent sa croissance, pour accélérer les réformes et

ébranler lapuissance desconglomérats (page VI)

LES RENDEZ-VOUS DE L’EMPLOI ET DU MANAGEMENTb Le « contrat de projet » proposé par le Medef le 28 mars relance le débat sur le travail précaire. Opposés à cette flexibilité accrue, les syndicats doivent élaborer des contre-propositions (page VIII)b Pour la première fois, une étude dresse un portrait chiffré de la discrimination à l’embauche subie en France par les jeunes d’origine étrangère (page IX)b L’ère Internet contraint les entreprises à apprendre à diriger autrement : les modèles stratégiques traditionnels doivent être adaptés. La gestion des ressources humaines envisage elle aussi de se réformer, en se décentralisantdavantage et en se recentrant sur la gestion des compétences (page X)

ANNONCES CLASSÉESDe la page XI à la page XXXIV

Le boom d'Internet en Corée

oct. 1999 mars 2000

nombre d'usagers en millions

9,414

La montée des CDD

1990 1999

nombre de salariés en milliers

593

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Cette liste, non officielle, est tirCette liste, non officielle, est tirée de le de l’ouvrageouvrage « Un monde sans loi Un monde sans loi » (Stock, 1998). (Stock, 1998).

PrPrès de la moitis de la moitié des paradis bancaires et fiscaux des paradis bancaires et fiscaux dans le monde sont sous pavillon britannique. Presquedans le monde sont sous pavillon britannique. Presque

tous les pays dtous les pays d’Europe ont les leurs, parfois sur leur Europe ont les leurs, parfois sur leur propre territoire national.propre territoire national.La zone CaraLa zone Caraïbes abrite,bes abrite,

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Cette liste, non officielle, est tirée de l’ouvrage « Un monde sans loi » (Stock, 1998).

Près de la moitié des paradis bancaires et fiscaux dans le monde sont sous pavillon britannique. Presque

tous les pays d’Europe ont les leurs, parfois sur leur propre territoire national.La zone Caraïbes abrite,

elle aussi, une concentration particulièrement forte

de ces havres financiers

Infographie : Le Monde / source : « Un monde sans loi », Stock, 1998

Deux régions sous surveillance

BÉLIZE

EL SALVADOR

COSTA-RICA

PANAMA

BAHAMAS

TURKS & CAICOS

RÉP. DOMINICAINE

ÎLES VIERGES

ANGUILLA

ST KITTS & NEVIS

MONTSERRAT

ANTIGUA& BARBUDA

BARBADE

ST VINCENT& GRENADINES

GRENADE

ARUBA ANTILLESNÉERLANDAISES

MADÈRE GIBRALTARCEUTA

MALTE CHYPRELIBAN

MONACOANDORRE

SUISSE LIECHTENSTEIN

LUXEMBOURG

ÎLE DE MAN

VATICAN

DUBLIN

JERSEYGUERNESEY

ALDERNEYSARK

LE MONDE ÉCONOMIE

a L’Europe face àses paradis fiscauxa Emploi : 24 pagesd’annonces classées

Mort en 1917 sur lARRAS

de notre correspondant

Israël : les émeutesprovoquentla suspensiondes négociationsavec les Palestiniens

LES ÉMEUTES qui ont enflammé

La bataillede l’eau

FESTIVAL DE CANNES

La dansede BjörkLe film du Danois Lars von Trier, Dancerin the Dark, a reçu la Palme d’or duFestival de Cannes. Son héroïne, lachanteuse islandaise Björk (photo), areçu le prix d’interprétation féminine.Les cinéastes asiatiques et iraniens sontbien placés dans un palmarès qui nereconnaît aucun des auteurs françaisprésents dans la sélection du 53e Festi-val de Cannes. p. 32 à 35

Les convoyeurscontinuenta LES CONVOYEURS de fonds

en grève ont accueilli avec

Les bons comptes de la Sécurité socialeb Pour la première fois depuis 1985, le régime général de la « Sécu » est à l’équilibre

b En 1999, il dégage un résultat positif de 200 millions b En 2000, l’excédent devrait êtrede 5 milliards b Outre l’effet de la croissance, le gouvernement y voit un résultat de son actionAPRÈS QUINZE années de défi- Aubry a souligné, pour s’en féliciter,

cits, la Sécurité sociale a retrouvéson équilibre financier. Lundi22 mai, devant la commission descomptes de la « Sécu », la ministrede l’emploi et de la solidarité, Mar-tine Aubry, a confirmé la « bonnesurprise » qu’elle évoquait il y aquelques jours : en 1999, le soldedes recettes et des dépenses du ré-gime général enregistre un résultatlégèrement positif de 200 millionsde francs. Pour 2000, les prévisionsfont état d’un excédent global de5 milliards de francs. Sans l’alimen-tation du fonds de réserve des re-traites par la Caisse nationale d’as-surance-vieillesse, ces excédentsauraient atteint 13,5 milliards.

La croissance économique, laforte amélioration du marché del’emploi et le gonflement des ren-trées de cotisations sociales ex-pliquent pour une grande part le re-dressement des comptes de la« Sécu ». Mais le gouvernementmet également en avant l’impactdes mesures correctrices prises àson initiatvie depuis 1998. Martine

Allemagne : de Jean-Pierre

APRÈS avoir lancé l’euro selon

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Toutefois, ce retour à l’équilibredemeure fragile, notamment pourla branche maladie, dont le niveaudes dépenses reste élevé. Au mo-ment où les partenaires sociaux dis-cutent de « refondation sociale »,Martine Aubry a pris soin de rappe-ler la légitimité du gouvernement àcontrôler les comptes sociaux. Laministre a notamment insisté sur« la croissance encore nettement tropforte » des dépenses de médica-ments.

Lire page 6et notre éditorial page 17

Gaza et la Cisjordanie ont fait sixmorts et un millier de blessés pales-tiniens. Elles ont conduit le premierministre israélien, Ehoud Barak, àsuspendre, dimanche 21 mai, les né-gociations avec les Palestiniens me-nées à Stockholm. Parallèlement,l’inquiétude monte à la frontièreavec le Liban. Les désertions se mul-tiplient au sein de l’Armée du Libansud (ALS), alliée à Israël, avant le re-trait, programmé pour le 7 juillet,des forces armées israéliennes de lazone « de sécurité » qu’elles oc-cupent depuis 1978. Dans un entre-tien exclusif au Monde, le chef del’ALS, Antoine Lahad, estime que siles autorités de Beyrouth ne dé-crètent pas une amnistie pour lescombattants de l’ALS, ceux-ci n’au-ront d’autre choix que de continuerà se battre.

Lire page 2

BARBARA CARTLAND

AdieuLady roseAuteur de plus de 700 ouvrages, Bar-bara Cartland, 98 ans, s’est éteintedans sa propriété de Hatfield (Angle-terre). Vendus à des dizaines de mil-lions d’exemplaires, ses livres ra-contaient des romances amoureusestout en respectant la morale défenduepar la Dame en rose (photo). p. 37et la chronique de Pierre Georges p. 42

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Le Canada n’avait pas de soldat inconnu.Ou, plutôt, ses combattants morts à la guerre– 116 000 hommes au total – n’étaient repré-sentés que par une tombe installée en 1920 àl’abbaye de Westminster, à la mémoire detous les disparus du Commonwealth. Le Ca-nada s’est donc mis en quête d’un inconnubien à lui. Il l’a trouvé dans le Pas-de-Calais,où ce soldat est tombé, en avril 1917, sur lacolline de Vimy, près d’Arras. Les autoritéscanadiennes n’ont pas choisi par hasard derapatrier les restes d’un soldat mort à Vimy.La prise de cette crête fut la première grandevictoire de guerre pour le Canada. Accrochésaux collines d’Artois depuis le début duconflit, les Allemands résistaient à tous lesassauts. Après des mois de siège, les Cana-diens partirent à la conquête du site. A l’aubedu 9 avril 1917, ils lancèrent l’attaque victo-rieuse. La bataille fit 3 500 morts et7 000 blessés.

Aujourd’hui, les tranchées préservéesportent encore les traces d’affrontementsviolents. Les croix blanches sont alignées par

dont on sait qu’elles abritent les dépouillesde soldats canadiens, on peut lire la mention« Connu de Dieu seul ». C’est l’un de ces sol-dats inconnus qui sera rapatrié à Ottawa.

Le corps a été exhumé dans la plus grandediscrétion, mardi 16 mai. La CommonwealthWar Graves Commission (la commission destombes de guerre du Commonwealth) s’estchargée de cette mission. Installée à Beau-rains, près d’Arras, elle assure l’entretien detous les cimetières militaires de l’ancien em-pire britannique en France : plus de600 000 tombes.

Dans l’un des ces cimetières, au bas de lacommune de Vimy, sous une des croixblanches portant la mention « Connu de Dieuseul », les fossoyeurs ont retrouvé les restesd’un soldat qui portait les épaulettes de l’ar-mée canadienne. La dépouille sera remise of-ficiellement au ministre canadien des an-ciens combattants, George Baker, au coursd’une cérémonie solennelle, jeudi 25 mai. Unvétéran de la première guerre mondiale seraau côté du ministre. Paul Métivier fêtera ses

faire le déplacement. Il a combattu à Vimy en1917, et se souvient des conditions extrêmesde cette guerre de tranchées.

La cérémonie se déroulera au pied du co-lossal monument que les Canadiens ont érigéau sommet de la colline. En reconnaissancedu sacrifice consenti par ses Alliés, le gouver-nement français avait fait don au Canada, en1922, d’une centaine d’hectares de l’ancienchamp de bataille de la crête de Vimy. De-puis, les Canadiens entretiennent soigneuse-ment ce haut lieu du souvenir pour tous lesAnglo-Saxons qui ont combattu aux côtésdes Français pendant la première guerremondiale.

Avec la dépouille du soldat inconnu, le mi-nistre canadien rapportera un peu de cetteterre de France que ses ancêtres ont chère-ment défendue. De la terre qu’il sera alléchercher lui-même au cimetière qui a silongtemps abrité les restes du soldat mortloin de chez lui. Cette terre sera ensuite dé-posée dans la nouvelle sépulture d’Ottawa.

Claire Mesureur

scepticisme le résultat des négocia-tions de ce week-end. Lundi 22 maiau matin, l’assemblée générale dessalariés de la Brink’s à Paris a décidéde continuer le mouvement degrève. Les syndicats devaient seprononcer, dans l’après-midi, sur leprotocole d’accord proposé par lepatronat, au terme de vingt heuresde négociations. Celui-ci comporteun seul changement notable parrapport au texte antérieur. La primede risques des convoyeurs est por-tée de 1 000 à 1100 francs brut parmois. Les syndicats réclament1 500 francs. Les syndicats envisa-geaient, lundi matin, de rejeter letexte patronal, mais ils craignent lalassitude des salariés.

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International ............... 2France ............................ 6Société............................ 10Régions.......................... 13Horizons........................ 14Entreprises................... 20Emploi/annonces........ 22Communication.......... 23Tableau de bord.......... 24

Aujourd’hui.................. 27Météorologie, jeux.... 30Culture........................... 32Guide culturel ............. 36Carnet............................ 37Immobilier/annonces 38Kiosque.......................... 40Abonnements.............. 40Radio-Télévision ......... 41

RÉGIONS

La Corse etles touristesEn Corse, la plupart des responsablespolitiques souhaitent que la loi censéeprotéger les côtes soit assouplie pourfavoriser le développement touristique.A Porto-Vecchio (photo), les défen-seurs de l’environnement s’opposentaux promoteurs. Dans un entretien auMonde, Dominique Voynet estime que« le risque de blanchiment d’argentsale est connu et avéré » dans ces opé-rations foncières. p. 13

le contresens Chevènement

tralisatrice qu’ait connue le pays

AF

P

les canons de la Bundesbank, l’Eu-rope s’apprête-t-elle à créer une fé-dération sur le modèle allemand ?C’est la crainte de Jean-Pierre Che-vènement, ministre de l’intérieur.Grand pourfendeur du traité deMaastricht, il a sévèrement criti-qué, dimanche 21 mai, la proposi-tion du ministre allemand des af-faires étrangères, le Vert JoschkaFischer. Celui-ci avait évoqué, ven-dredi 12 mai à Berlin, l’idée d’unefédération européenne. « Noussommes en présence d’une tendancede l’Allemagne à imaginer pour l’Eu-rope une structure fédérale qui cor-responde à son modèle. Au fond, ellerêve toujours du Saint Empire ro-main germanique », a dit M. Che-vènement, ajoutant : « Elle ne s’estpas encore guérie du déraillementqu’a été le nazisme dans son his-toire ; elle a une conception de la na-tion qui est celle du Volk [peuple],c’est à dire une conception eth-nique. »

L’idée fédérale est plus familièreaux Allemands qu’aux Français,habitués à plusieurs siècles de cen-tralisme. Elle évoque outre-Rhinles cinquante années, heureuses,de la République fédérale d’Alle-magne construite sur ce modèle,tandis que la seule expérience cen-

fut la catastrophe nazie. Si, pourreprendre le vocabulaire deM. Chevènement, les Allemands seréjouissent d’une Europe forméesur le modèle du Saint Empire ro-main germanique, ce n’est pasqu’ils en aient les visés hégémo-niques, mais parce qu’ils veulent aucontraire un type de fédération aupouvoir central faible, commel’était l’Empire. Se méfiant d’eux-mêmes, les Allemands ont privédepuis la guerre le peuple souve-rain d’une bonne partie de ses pré-rogatives : l’argent a été confié dèsles années 50 à la Bundesbank ;certains articles de la Constitutionsont inaliénables, pour éviter quela représentation nationale ne sesaborde comme l’avait fait la Ré-publique de Weimar ; la Courconstitutionnelle de Karlsruhe li-mite considérablement la marge demanœuvre du politique ; l’organi-sation de la vie sociale n’est pas enpremier lieu du ressort du législa-teur, mais des partenaires sociaux,des Eglises, des associations.

Arnaud Leparmentier

Lire la suite page 17,nos informations page 8

et notre document page 14

Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche,25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ;Côte-d’Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ;

ROGER ENRICO

PEPSICO, le groupe dirigé parRoger Enrico, est devenu numéroun... de l’eau en bouteille auxEtats-Unis, avec Aquafina. L’eauen bouteille est la boisson dont lesventes augmentent le plus forte-ment dans le monde. Nestlé, Da-none, Coca et Pepsi se disputentce marché en pleine évolution.

Lire pages 20 et 21

LeMonde Job: WMQ2305--0002-0 WAS LMQ2305-2 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:59 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0572 Lcp: 700 CMYK

2

I N T E R N A T I O N A LLE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

L’Armée du Liban sud refusera de se désarmer CE SERA l’amnistie générale ou

l’autodéfense : c’est en ces termesque le général Antoine Lahad,chef de l’Armée du Liban sud(ALS), la milice libanaise auxiliaired’Israël, envisage l’avenir pour les2 600 hommes de sa milice – ouplutôt ce qu’il en restera une foispartis les déserteurs et ceux quiauront choisi l’exil. A sept se-maines de la fin du retrait de l’ar-mée israélienne du Liban sud, An-toine Lahad continue d’affirmerque l’ALS ne rendra pas ses armeset continuera de se défendre,alors même que ses hommes sontde plus en plus nombreux à serendre.

Comment l’Etat libanais, qui, ense désistant de ses responsabilitésdans la région pratiquement de-puis l’accord libano-palestiniendu Caire de 1969, a abandonné seshabitants « dans un brasier, peut-ilaujourd’hui les juger pour s’y êtrebrûlés ? », s’est interrogé le géné-ral dans un entretien accordé, di-manche 21 mai, à Paris, au Monde.Jugeant inique de condamner leshabitants d’une région « livrée àl’étranger », qui estiment n’être« coupables que d’avoir protégéleurs biens », le général Lahad– qui n’est pas lui-même origi-naire du Liban sud – demande quesoit appliqué au Liban sud lemême régime que celui qui fut dé-crété en 1991 pour le reste du ter-ritoire libanais : une amnistie gé-nérale de tous les crimes et actesde guerre commis depuis le dé-clenchement de la guerre civile, en1975, « en raison de l’absence ef-fective de l’Etat durant cettepériode ».

« Or il y a aujourd’hui [au Libansud], affirme-t-il, quelque dix millepersonnes condamnées ou convo-quées par la justice : les traîtres quicollaborent avec Israël [2 600 mili-ciens], ceux qui traitent avec eux etceux qui travaillent en Israël [entre2 500 et 3 000 personnes] ».

Le général Lahad a adressé le8 mai une lettre ouverte au pré-sident de la République, Emile La-houd, demandant l’amnistie géné-

rale. « Si le président de laRépublique estime devoir donnersatisfaction aux haineux et à ceuxqui distribuent aujourd’hui des cer-tificats de patriotisme ou de trahi-son, alors, j’assume moi-même l’en-tière responsabilité de ce qui s’estpassé puisque je suis moi-même lesommet de la pyramide », dit-il.Mais lorsqu’on lui demande s’ilserait prêt à se rendre aux auto-rités, le général Lahad répond parla négative. « Je veux bien merendre à un Etat souverain, maispas à un Etat qui ne peut déciderpour lui-même », dit-il, estimantque c’est la Syrie qui gouverne lepays du Cèdre.

UN « COUP POLITIQUE »Le chef de l’ALS assure qu’une

fois le retrait de l’armée israé-lienne devenu inéluctable, il a« réuni les gens pour savoir ce qu’ilssouhaitaient. Ils m’ont dit, raconte-t-il, qu’ils n’ont pas combattu pen-dant vingt-deux ans pour quitteraujourd’hui leurs biens et se réfu-gier en Israël. Ils veulent résister, sedéfendre. Ils ne veulent pas laisserl’Etat libanais venir les conduire enprison. Les Israéliens nous supplientde venir, mais c’est nous qui ne vou-lons pas. Personne ne veut être réfu-gié en Israël. » Avec un étonnanteassurance – feinte ou réelle ? – iljuge « normal » qu’un nombre deplus en plus grand de membres del’ALS désertent. « Il y en a toujourseu, dont des officiers », se borne-t-il à faire remarquer.

Le général Lahad, dont la fa-mille vit à Paris depuis une dizained’années, assure ne pas demanderl’asile politique en France. S’il estdétenteur d’un passeport israé-lien, c’est, assure-t-il, parce quel’Etat libanais refuse de lui renou-veler le sien. Il affirme avoir tou-jours demandé à Israël d’appli-quer la résolution 425 du Conseilde sécurité de l’ONU (1978), quiexige d’Israël d’évacuer la totalitédu territoire libanais, mais il auraitsouhaité que Tsahal ne se retirepas sans accord préalable avec laSyrie et le Liban.

Pour lui, le retrait décidé par lepremier ministre israélien, EhoudBarak, est un « coup politique » etnon une retraite imposée par lescoups de boutoir du Hezbollah li-banais, qui a su exploiter média-tiquement ce retrait et saura en-granger des gains politiques.« Peut-être même, dit-il, le Hezbol-lah augmentera-t-il le nombre deses députés. Grand bien lui fasse ! »,enchaîne-t-il, affirmant, curieuse-ment, qu’il ne tient pas le parti deDieu pour un « adversaire ». L’ALSn’attaquera pas le Hezbollah, maisse défendra si elle est attaquée,souligne-t-il.

Si Israël veut récupérer l’arme-ment lourd et léger donné à l’ALS,« qu’il les prenne », dit encore legénéral Lahad, qui, à son retour auLiban sud, prévu mardi 23 mai,veut « organiser la défense des vil-lages ». L’ALS a « ses propres armeslégères et lourdes, qui ne luiviennent pas d’Israël, assure-t-il. Etpuis, beaucoup de particuliersriches, libanais, européens, améri-cains et juifs, m’ont proposé toutl’argent que je voulais si je souhai-tais continuer à me battre. J’ai refu-sé ».

Il n’écarte pas le risque d’affron-tements entre ses hommes et leHezbollah, mais ce qu’il redoutepar-dessus tout, c’est un éventuelchangement du mandat descasques bleus de la Force intéri-maire des Nations unies pour le Li-ban (Finul). « S’ils vont être chargésde poursuivre tous les hommes enarmes, ce sera un gros problème »,dit-il, tout en affirmant qu’il « nesouhaite pas affronter les casquesbleus, pas plus que l’armée liba-naise ». Mais s’il s’agit seulementd’ôter les uniformes, alors, les mi-liciens de l’ALS se mettront en ci-vil.

Quant aux 144 Libanais prison-niers du centre de détention deKhiam, il entend « négocier leur li-bération avec l’Etat libanais », maisil refuse de préciser en échange dequoi il « négocierait » leur relaxe.

Mouna Naïm

Des avocats se mobilisent pour les détenus de KhiamJÉRUSALEM

de notre correspondantQu’adviendra-t-il des prisonniers libanais détenus à

la prison de Khiam, au Liban sud, lorsque l’armée is-raélienne aura évacué, au plus tard le 7 juillet, la régionqu’elle occupe depuis 1978 ? Le centre de détention, di-rigé par les miliciens de l’Armée du Liban sud (ALS), lamilice libanaise alliée d’Israël, abrite 144 prisonniers,militants politiques adversaires de l’occupation israé-lienne ou civils sans appartenance connue, dont aucunn’a eu droit à un procès. Certains sont détenus depuisquinze ans. Selon les témoignages de ceux qui y sontpassés, la violence et la torture constituent l’ordinairede cette prison, où le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’a eu accès qu’en 1995.

Après une visite similaire d’avocats israéliens enFrance, cinq homologues français – Mes Daniel Cahen,Hélène Gacon, Simon Foreman, Agnès Tricoire et Da-niel Voguet –, mandatés par les familles de trente-deuxdes prisonniers, sont actuellement en Israël pour tenterd’attirer l’attention sur le sort précaire de ces détenus.

Selon les avocats, l’incertitude dans laquelle setrouvent les miliciens de l’ALS quant à leur propre ave-nir risque d’avoir des conséquences néfastes pour leursclients, devenus les otages d’une situation instable. Lesdérapages sanglants ne sont pas à exclure. Pour les évi-ter, les responsables des Nations unies, qui suivent cedossier avec une particulière attention, demandent quela libération des détenus soit antérieure au départ destroupes israéliennes. Les autorités françaises, dont Is-raël demande l’aide pour envoyer des troupes d’inter-position sur la frontière, paraissent tout autant in-quiètes.

Les instances politiques et juridiques israéliennes ontjusqu’ici refusé de prendre une quelconque décisionquant à la prison de Khiam, qui, officiellement, n’estpas de leur ressort, mais de celui de l’ALS, entretenue,armée et payée par... Israël. Les avocats français ont de-mandé audience à plusieurs responsables politiques is-raéliens. Sans beaucoup de succès jusqu’ici.

G. M.

MÉTOULA(frontière israélo-libanaise)

de notre envoyé spécialSi Ehoud Barak cherchait confir-

mation de la mauvaise santé del’Armée du Liban sud (ALS), il estdésormais fixé : dimanche 21 mai,entre quarante et cinquante de cesmiliciens alliés d’Israël ont désertéen bloc pour fraterniser avec lafoule qui marchait sur la positionqu’ils étaient chargés de défendre.Ces incidents ont eu lieu dans lesvillages de Qantara, Aadchit al-Qo-saïr, Aalmane, Deir Siriane et Taï-beh, localités abandonnées de leurshabitants depuis parfois plus devingt ans et récemment évacuéespar l’ALS à la suite du redéploie-ment suscité par le départ prochaindes troupes israéliennes.

Revenus dans leurs villages pourconstater ce qu’il en restait, les villa-geois, encadrés par les militants is-lamistes du Hezbollah ont ensuitemarché sur les avant-postes encoretenus par l’ALS à l’écart des villages.C’est alors qu’une cinquantaine desoldats ont déposé les armes et sesont joints aux habitants qui s’avan-çaient vers eux. A Taïbeh, l’ALS au-rait abandonné un tank et deuxblindés transports de troupe qui se-raient tombés entre les mains duHezbollah. Depuis le 9 mai, l’ALS aabandonné sept villages qu’ils nepouvaient plus tenir dans la zoneoccupée.

Plusieurs désertions avaient étésignalées ces dernières semaines,encouragées par le Hezbollah qui,récemment, promettait le pardon àtout milicien de l’ALS qui tuerait

l’un de ses officiers ou un militaireisraélien. Mais c’est la première foisque le nombre de déserteurs atteintce chiffre, témoignant de l’état dedésarroi dans lequel vivent les sol-dats de l’ALS qui ignorent de quoisera fait leur lendemain. Leur éven-tuelle émigration en Israël, oùvivent déjà un nombre indéterminéd’entre eux, ne semble guère soule-ver leur enthousiasme, tandis quel’amnistie demandée par leur chef,le général Antoine Lehad, ne paraîtpas être à l’ordre du jour des auto-rités libanaises.

EN FINIR AU PLUS VITEDimanche soir, la télévision israé-

lienne annonçait qu’à la suite desderniers incidents et de plusieursoffensives du Hezbollah sur des po-sitions de l’ALS et de Tsahal le gou-vernement avait décidé de hâter sespréparatifs de retrait et de quitter leLiban dans les dix jours. L’informa-tion a été aussitôt démentie par leministère de la défense qui affirmeque le départ des troupes israé-liennes ne se fera pas au rythme im-posé par l’ennemi, mais bien selonle calendrier choisi par le premierministre, soit le 7 juillet au plus tard.

Il est cependant notoire que l’ar-mée, dont les chefs se sont enfin ré-solus à l’évacuation après s’y êtrelongtemps opposés, préfèreraitmaintenant en finir au plus vite, demême que les soldats du rang. Plu-sieurs d’entre eux ont fait récem-ment scandale en assurant publi-quement, au cours d’un entretien,qu’ils ne voulaient pas être les der-niers morts de cette guerre.

En écho, les civils israéliens quivivent sur la frontière se montrentde plus en plus nerveux devant unesituation totalement incertaine. Lesrumeurs les plus contradictoirescourent dans les villages et les kib-boutzim frontaliers, suscitant desréactions parfois violentes à l’égarddes autorités accusées de ne pasprendre suffisamment en compteles besoins sécuritaires des popula-tions. Le gouvernement a récem-ment débloqué l’équivalent de quel-que 430 millions d’euros pour diversinvestissements de sécurité, mais lesfuturs bénéficiaires n’en demeurentpas moins tendus.

Il y a quelques jours, à la suited’une rumeur infondée faisant étatd’une attaque probable de repré-sailles du Hezbollah sur la ville deKyriat Chmoneh, des dizaines deparents se sont rués à l’école pourprendre leurs enfants et quitter auplus vite la ville. Dimanche soir, latélévision israélienne a égalementannoncé que dans cette même villele taux de réinscription des enfantsdans les écoles était deux fois moinsélevé qu’il ne l’est habituellement àcette même date. M. Barak devaitse rendre, lundi, dans la région pourmontrer la détermination de songouvernement mais il a finalementannulé ce déplacement.

Durement attaqué sur le front li-banais, le premier ministre doit aus-si faire face à l’agitation qui en-flamme les territoires occupés deCisjordanie depuis le 12 mai. Selonles derniers bilans émanant des au-torités médicales palestiniennes, lesémeutes, déclenchées pour commé-

morer la « naqba » – l’exil des Pa-lestiniens consécutif à la créationdes l’Etat d’Israël en 1948 – et exigerla libération des quelque 1 600 pri-sonniers palestiniens encore déte-nus par Israël, auraient fait sixmorts et un millier de blessés. Selonl’armée israélienne, quarante sol-dats et vingt-deux civils israéliensont également été blessés.

« CONSULTATION »Dimanche 21 mai, à la suite d’une

attaque au cocktail Molotov qui, laveille, avait grièvement brûlé unefillette de deux ans passagère d’unevoiture israélienne circulant à Jéri-cho, M. Barak a décidé d’interdireaux Israéliens et aux touristes l’en-trée des territoires contrôlés parl’Autorité palestinienne. Le casinode Jéricho qui représente pour lesautorités palestiniennes une impor-

tante source de revenus est désor-mais interdit aux joueurs israéliensqui en font l’ordinaire et la fortune.

M. Barak a également rappelé àJérusalem la délégation israéliennequi, à Stockholm, négociait avec lesPalestiniens un accord de paix.Quelques heures auparavant, lepremier ministre avait annulé sonvoyage prévu à Washington. Le rap-pel des négociateurs de Stockholmne constitue, officiellement, qu’unretour pour consultations et non lasuspension des négociations. MaisM. Barak entend également fairepression sur ses partenaires et lesobliger à intervenir pour empêcherla poursuite des manifestations.

Le retour de la délégation israé-lienne « complique davantage la si-tuation » a commenté, dimanchedans un entretien à l’AgenceFrance-Presse, Saëb Erekat, l’un des

proches collaborateurs du présidentde l’Autorité palestinienne, YasserArafat, en demandant la mise enœuvre de diverses mesures pour« redonner une crédibilité au proces-sus de paix ». Ce même jour, cepen-dant, et pour la première fois depuisle début de l’agitation, la police pa-lestinienne s’est fermement inter-posée entre les manifestants et lesforces israéliennes, dispersant sansménagement des dizaines de jeunesPalestiniens qui, à Ramallah, Hé-bron et dans la bande de Gaza, vou-laient à nouveau en découdre. Se-lon le Club des prisonnierspalestiniens, l’Autorité palesti-nienne aurait également fait fermerdimanche, à Ramallah, une stationde télévision indépendante qu’elleaccuse d’incitation à la violence.

Georges Marion

PROCHE-ORIENT Le premierministre israélien Ehoud Barak a an-nulé un séjour prévu, lundi 22 et mar-di 23 mai, à Washington en raison dela tension qui prévaut au Liban sud et

de la détérioration croissante de la si-tuation dans les territoires palesti-niens. b LE HEZBOLLAH libanais (Partide Dieu) multiplie ses coups de bou-toir contre l’armée israélienne. Les

désertions se multiplient au sein del’Armée du Liban sud (ALS), auxiliairede Tsahal, censée la remplacer sur lespositions évacuées. b ANTOINE LA-HAD, le chef de l’ALS, continue d’af-

firmer que ses hommes ne rendrontpas leurs armes et il réclame pour euxune amnistie générale. b LES AF-FRONTEMENTS israélo-palestiniens,qui ont fait, depuis le 12 mai, six tués

et un millier de blessés, d’après lesPalestiniens, ont entraîné l’arrêt desnégociations de paix israélo-palesti-niennes. M. Barak a rappelé de Suèdela délégation israélienne.

Liban sud et territoires palestiniens : Ehoud Barak sur deux frontsLe Hezbollah intensifie ses attaques contre l’armée israélienne, qui a entamé son repli du Liban sud, tandis que les désertions se multiplient au sein

de la milice libanaise auxiliaire de Tsahal. Les heurts violents en Cisjordanie ont conduit le premier ministre israélien à suspendre les négociations de paix

LeMonde Job: WMQ2305--0003-0 WAS LMQ2305-3 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 11:10 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0573 Lcp: 700 CMYK

I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 3

L’échec des référendums en Italie sape la légitimité du gouvernement de centre gauche

Renforcé, Silvio Berlusconi exige des élections anticipéesLes référendums proposés, dimanche 21 mai,aux Italiens pour se prononcer sur plusieurs pro-jets de réforme, dont celui du système électoral,

ont été boudés par les électeurs. L’absence duquorum nécessaire, qui annule ce scrutin, sapela légitimité du nouveau gouvernement de

centre gauche de Giuliano Amato et renforce leleader de l’opposition, Silvio Berlusconi, qui aprôné l’abstention.

ROMEde notre correspondant

Un peu moins d’un Italien surtrois s’est rendu aux urnes, di-manche 21 mai, afin de donner sonopinion sur les référendums pro-posés sur divers projets de ré-forme. Le quorum obligatoire de50 % des suffrages est donc loind’avoir été atteint puisque la parti-cipation tourne autour de 31 ou32 % selon les questions. Même sile « oui » l’a largement emporté, àl’exception d’un cas (la non-réinté-gration en cas de licenciement abu-sif), aucune des modifications sug-gérées n’a donc été adoptée. Acommencer par le changement deloi électorale, qui aurait permis desupprimer les 25 % de représenta-tion proportionnelle à la Chambredes députés, en dépit d’une ré-ponse positive de plus de 82 %.

Cet échec du scrutin référendaireconstitue une nouvelle victoirepour Silvio Berlusconi, qui avaitprôné l’abstention, et un revers in-déniable pour la majorité, et toutparticulièrement pour le principalparti qui la constitue, les Démo-crates de gauche (DS, ex-commu-nistes). Le gouvernement de Giu-liano Amato, même s’il arevendiqué une certaine neutralitédans cette consultation, en sort af-faibli seulement un mois après saconstitution.

Silvio Berlusconi exulte. « Pour latroisième fois consécutive, les Italiensm’ont fait confiance », assure lechef de l’opposition, qui fait remar-quer que le gouvernement Amato aété constitué « pour faire le référen-dum » et que cela s’est soldé par unéchec. « Il serait mieux d’instaurer

un gouvernement technique afin demettre sur pied une nouvelle loi élec-torale et d’aller aux urnes le plus tôtpossible », ajoute-t-il. « Il fautmettre fin à une situation parlemen-taire paradoxale », puisqu’iln’existe plus, selon « il Cavaliere »,une véritable majorité. La perspec-tive d’élections anticipées au moisd’octobre se fait de plus en plusjour, même si, au sein du gouver-nement, on assure que l’exécutifest né pour durer jusqu’à la fin nor-male de la législature, au printempsde l’an 2001. Mais sa marge de ma-nœuvre est de plus en plus réduite,d’autant que la coalition s’est divi-sée sur cette consultation, qui ren-

force sa composante centriste. Denouveau apparaît la perspective dereformer un grand parti du centrequi serait plus ou moins une nou-velle émanation de l’ancienne Dé-mocratie chrétienne et le pendantde la gauche.

INCROYABLE BOUDERIEL’échec de la réforme du mode

de scrutin consacre l’existence despetites formations et de leur jeupolitique, source d’ingouvernabili-té. Il marque le retour d’une èreque l’on croyait en voie de dispari-tion, la fin des espoirs de réforme,le crépuscule de l’expérience decentre gauche, la défaite du bipola-risme. Il s’apparente à une époquede déjà- vu, celle de la Ire Répu-blique, qui n’en finit pas de mouriret de resurgir.

Tout le monde a conscience de lanécessité de réformer la loi électo-rale, et cela doit être fait avant lesprochaines élections si l’on ne veutpas reproduire pour cinq ans unenouvelle fragilité gouvernemen-tale. Mais la balle est maintenantdans les mains du Parlement et despartis. Ce n’est pas une mince af-faire. Silvio Berlusconi, après avoirbeaucoup varié, semble avoir défi-nitivement opté pour le modèle al-lemand. La majorité a toujours dit

sa préférence pour le scrutin majo-ritaire à la française. Quel pourraêtre le terme moyen entre ces exi-gences réciproques ?

En dehors de ces conséquencespolitiques, l’incroyable bouderiedes Italiens envers les urnes, en-couragée cette fois par Silvio Ber-lusconi, marque d’une certaine ma-nière la fin du recours auxréférendums comme moyen depratiquer les réformes. Jusqu’àprésent, il s’agissait de pallier lesmanquements de la classe diri-geante. C’est ainsi que fut confir-mée la loi sur le divorce, repousséela suppression du droit à l’avorte-ment, rejeté le nucléaire, modifiéela loi électorale. Aujourd’hui, lesItaliens semblent fatigués des scru-tins à répétition. Ils estiment quec’est à la classe politique de procé-der aux réformes nécessaires. Lecentre gauche n’y est pas parvenu.La droite affirme qu’elle y est prête,mais en même temps elle a torpilléle scrutin du 21 mai au motif qu’ilpourrait s’agir d’une revanche pourle pouvoir, après la défaite des élec-tions régionales du 16 avril.

Les millions d’Italiens qui ontpréféré rester chez eux ont-ilsécouté Silvio Berlusconi ou cédé àla lassitude électorale ? Il est diffi-cile de répondre à cette questionde façon précise. Ce qui est sûr, enrevanche, c’est que le patron de ladroite apparaît de nouveau commele vainqueur de cette consultationratée. Il en sort renforcé d’autantque son principal allié, GianfrancoFini (Alliance nationale) – promo-teur du « oui » à la modification dela loi électorale –, a perdu. Il faitdésormais figure d’homme fort etde gagnant à tous les coups. Uneimage qu’il sera difficile d’abattre.

Michel Bôle-Richard

La Suisse resserre ses liens économiques avec les QuinzeBERNE

de notre correspondant Le bon sens répondant aux inté-

rêts bien compris du pays a préva-lu : par 67,2 % de « oui », les Suissesont clairement approuvé une séried’accords bilatéraux avec l’Unioneuropéenne soumis, dimanche21 mai, à référendum. La netteté duscore dépasse les espérances desplus ardents partisans de ce rappro-chement avec l’Europe. Dès l’an-nonce du résultat, de jeunes euro-philes ont laissé éclater leur joiedevant le palais fédéral à Berne endémolissant symboliquement unbloc de glace d’où ils ont sorti ledrapeau européen.

Moins ostensiblement, le gouver-nement et les divers milieux quis’étaient engagés à ses côtés danscette bataille ont également donnélibre cours à leur satisfaction. « C’estun dimanche ensoleillé », a lancé leministre de l’économie, Pascal Cou-chepin, par référence au « dimanchenoir » dont avait parlé son prédé-cesseur, Jean-Pascal Delamuraz, ausoir de l’échec du vote sur l’Espaceéconomique européen (EEE), en dé-cembre 1992. « La Suisse a vaincu sapeur de l’ouverture », remarquait, deson côté, un dirigeant syndical.

Signés en juin 1999 à Luxem-bourg, après quatre ans d’âpres né-gociations, ces accords sectorielsvisent à harmoniser les rapportsavec les Quinze, en attendant queBerne se décide à franchir le pas del’adhésion. Au nombre de sept, ilscouvrent des domaines aussi variésque la libre circulation des per-sonnes, les transports terrestres, letransport aérien, l’agriculture, lesmarchés publics, la recherche et lesobstacles techniques aux échangescommerciaux. Partant du constatque 60 % de ses exportations vontvers le marché communautaire, le

gouvernement a fait valoir que cesaccords représentent « une occasionà ne pas manquer », qu’ils permet-traient de faciliter les échanges et lacroissance. Le groupe Swissair s’estainsi réjoui de pouvoir bientôt bé-néficier des mêmes droits que lescompagnies aériennes de droit eu-ropéen. Ainsi, le groupe helvétiqueespère pouvoir prendre prochaine-ment une participation majoritairedans la compagnie belge Sabena,qu’il contrôle déjà à 49 %, et éven-tuellement dans d’autres compa-gnies de l’UE.

DES CLAUSES DE SAUVEGARDESoucieux de ne pas brûler les

étapes, le gouvernement a répétéque les accords bilatéraux « neconstituent en aucun cas une formed’adhésion à l’UE et laissent toute la-titude pour aménager les relations fu-tures avec elle ». L’Union démocra-tique du centre (UDC, droitepopuliste), majoritairement hostileà l’intégration, qui fait partie dugouvernement, a jugé cette solutioncomme un moindre mal, précisé-ment afin de retarder une éven-tuelle adhésion. Pour venir à boutd’autres résistances, Berne a prissoin d’assortir les accords de me-sures d’accompagnement et declauses de sauvegarde. Sur deux vo-lets sensibles – la libre circulationdes personnes et les transports ter-restres –, les syndicats ont obtenudes garanties de protection des sa-laires, et les écologistes ont reçu desassurances en matière de trafic rou-tier. Pour limiter l’accès à son réseaudes camions de 40 tonnes, la Suisseencouragera les transports par rail.

En raison de l’aspect peut-être unpeu technique de la question, lacampagne a cependant été moinspassionnée que la précédente surl’EEE. Nettement inférieure, la par-

ticipation n’a été que de 47,4 %contre 78,7 % il y a sept ans et de-mi. Une fois n’est pas coutume,58,1 % des électeurs genevois sesont rendus aux urnes, soit un tauxplus élevé que la moyenne helvé-tique. Comme en décembre 1992,les francophones se sont montrésparmi les plus enthousiastes avec80,4 % de « oui » dans le canton deVaud, 79,4 % dans celui de Neuchâ-tel ou encore 78,8 % à Genève. Lecanton le plus peuplé, Zurich, a éga-lement fait un score remarqué enapprouvant les accords à 70 %. Enplus du petit canton de Schwytz, enSuisse centrale, qui a refusé les ac-cords de justesse, par 50,2 % de« non », seul le Tessin, de langueitalienne, les a franchement rejetéspar 57 %. A la frontière de la Lom-bardie, les Tessinois craignent plusque d’autres une invasion de ca-mions européens et un « dumpingsalarial » avec l’arrivée de travail-leurs immigrés attirés par les sa-laires suisses.

Devant entrer en vigueur le1er janvier 2001, une fois ratifiés parles Parlements des Quinze, les ac-cords bilatéraux ne seront mis enpratique que progressivement. Maisle vote n’a pas manqué de relancerle débat entre partisans d’une adhé-sion rapide et tenants du statu quo.Le Parlement devra se prononcersur une « initiative populaire » ré-clamant sans tarder l’ouverture denégociations. Des partis gouverne-mentaux, seuls les socialistes se dé-clarent favorables à cette démarche.Les démocrates-chrétiens sont divi-sés, les radicaux encore plus réti-cents et les populistes de l’UDC in-terprètent le « oui » aux accordsbilatéraux comme le seul pas que laSuisse est prête a faire vers l’Europe.

Jean-Claude Buhrer

A l’ONU, les cinq grandespuissances nucléaires s’engagent à désarmer

L’accord ne prévoit cependant aucun calendrier LES CINQ grandes puissances

nucléaires reconnues (les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, laFrance, la Chine et la Russie) ontaccepté « un engagement sanséquivoque d’accomplir l’éliminationtotale de leurs arsenaux nu-cléaires », à l’issue de la confé-rence de révision du traité de non-prolifération (TNP) qui s’est ache-vée, samedi 20 mai, à New York,après un mois de travail. Cet en-gagement n’est toutefois pas ac-compagné d’un calendrier contrai-gnant, puisqu’il n’est fixé aucunedate. Si le ministre britannique dela défense, Geoffroy Hoon, s’estréjoui de cet accord, il a néan-moins ajouté que « cela ne veutpas dire que les choses vont évoluerdemain, la semaine prochaine ouencore le mois prochain ».

Depuis le 24 avril, les représen-tants des cent quatre-vingt-septpays signataires du TNP étaientréunis pour la cinquième confé-rence dite de révision du traité, quidate de 1970 et qui vise à luttercontre la dissémination des armesnucléaires. Quatre Etats – troispays nucléaires de fait (Inde, Pa-kistan et Israël) et Cuba – n’ontpas signé le traité.

A ce jour, les conférences de ré-vision précédentes n’avaient pasabouti à la promesse d’un désar-mement nucléaire total. C’est lecas pour la première fois et cet« engagement sans équivoque » desgrandes puissances à éliminerleurs arsenaux – même en l’ab-sence d’un calendrier – a été saluépar le secrétaire général de l’ONU,Kofi Annan, qui l’a qualifié de« consensus historique » et de « pasen avant essentiel dans la quête parl’humanité d’un monde plus paci-fique, délivré du danger nu-cléaire ».

Le texte final de la conférencedemande aussi aux Etats-Unis et àla Russie d’appliquer pleinementle traité Start II, qui impose de di-minuer le nombre des têtes nu-cléaires à 3 500 pour Washingtonet 3 000 pour Moscou. Fait nou-veau, il mentionne que l’Etat d’Is-raël n’a toujours pas soumis sesinstallations nucléaires à descontrôles internationaux. Il pro-pose, enfin, d’écarter les pays nonsignataires du TNP des confé-rences de révision à venir, qui sontconvoquées tous les cinq ans.

SOUPLESSE DES ÉTATS-UNISLe succès, qui n’était pas garan-

ti, de la conférence de New York aété facilité par un compromis dedernière heure entre Washingtonet Bagdad sur un point précis qui alongtemps bloqué l’adoption, parconsensus, de l’accord. Les Améri-cains accusaient les Irakiensd’avoir fermé l’accès de leur terri-toire à des inspections des Nationsunies. A quoi Bagdad a répliquéque des inspecteurs de l’Agenceinternationale de l’énergie ato-mique (AIEA) de Vienne étaientvenus visiter, en janvier, les réac-teurs nucléaires en Irak. Uncompromis est intervenu sous laforme d’un constat selon lequell’AIEA ne peut garantir que Bag-dad a rempli ses obligations.

A New York, des diplomatesconsidèrent que la souplesse ma-nifestée par les Etats-Unis, durantles discussions, s’explique par leurdésir que ne soit pas critiqué leprojet de bouclier antimissile parles participants en séance deconclusion. En privé, des déléguésont émis la crainte que ce pro-gramme américain interrompe desdécennies de contrôle des arme-ments. – (AFP.)

Un « ébranlement » pour les forces politiquesEmma Bonino, l’ancienne commissaire de la commission euro-

péenne, dirigeante du parti radical avec Marco Pannella, s’était bat-tue pour recueillir les 500 000 signatures nécessaires à l’acceptationdes référendums mais aussi pour que soient purgées des listes élec-torales les morts et les électeurs fantômes. Elle estime que « Berlus-coni a saboté sept réformes qui étaient dans le programme de Forza Ita-lia. Son invitation à l’abstention est irresponsable. Un tiers des Italienslui a donné un chèque en blanc ».

Fausto Bertinotti, leader de Rifondazione Communista parled’« un tremblement de terre qui ébranle toutes les forces politiques ».Quant à la majorité, il explique que la « partie qu’elle a jouée est finie.Je crois qu’il y a les conditions pour repartir sur de bonnes alternativesà cette majorité», par une alliance du centre gauche avec son parti.

LeMonde Job: WMQ2305--0004-0 WAS LMQ2305-4 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 11:10 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0574 Lcp: 700 CMYK

4 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 I N T E R N A T I O N A L

Un « arbre de l’amitié » à MontreuilLe secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Lê Kha

Phieu, commence, lundi 22 mai, une visite officielle de quatre joursen France, au cours de laquelle il sera reçu par le président JacquesChirac. Cette visite est une grande première pour le Vietnam : ja-mais un secrétaire général du PC ne s’était jusqu’à présent rendu enOccident. La délégation qui accompagne Lê Kha Phieu comprend37 chefs d’entreprise, dont une moitié vient du secteur privé. Lescommunistes entendent ainsi, semble-t-il, se mettre à la page.

Lundi à Montreuil, en banlieue parisienne, le secrétaire généraldevait parrainer un arbre de l’amitié franco-vietnamienne au parcMontreau, quelques jours après l’inauguration, dans la même ville,d’un espace Hô Chi Minh qui reconstitue la chambre de l’ancien lea-der vietnamien au temps où ce dernier vivait à Paris. Mercredi, LêKha Phieu ouvrira avec le président du Sénat, Christian Poncelet, uncolloque sur le Vietnam et rencontrera le président de l’Assembléenationale, Raymond Forni.

La Chine joue l’apaisementavec les dirigeants de Taïwan

Pékin se dit prêt à « négocier »avec les nationalistes

la question de la « réunification »PÉKIN

de notre correspondantLe gouvernement chinois a réagi

avec prudence au discours d’inves-titure du nouveau président taïwa-nais, Chen Shui-bian, formelle-ment intronisé à Taïpeh, samedi20 mai. Tout en dénonçant l’ambi-guïté de ses propos au sujet de la« Chine unique » – préalable posépar Pékin à toute amorce de dia-logue –, le régime continentallaisse toutes ses chances à une re-prise des contacts entre les deuxparties, ce qui ne signifie toutefoispas que la crise du détroit de For-mose soit sur le point de se réglercomme par enchantement.

Tout se passe en fait comme siPékin cherchait à se donner encoredu temps pour affiner sa stratégieà l’égard de Taïpeh. Le paradoxeest que les dirigeants chinoisavaient eux-mêmes présentél’échéance de cette investiture du20 mai comme une date décisive,cruciale, d’où dépendrait la paixou la guerre dans le détroit. Lanon-reconnaissance du principede la « Chine unique » parM. Chen, avaient averti à moultreprises les médias officiels, pour-rait conduire au « désastre » ou àla « catastrophe ».

« VOIE MÉDIANE » Or c’est aujourd’hui l’embarras

qui prévaut à Pékin. Chen Shui-bian n’a pas franchement embras-sé le préalable de la « Chineunique », mais il s’est simultané-ment gardé de toute provocationsusceptible d’être interprétée parle continent comme une bravadeindépendantiste. Cette « voie mé-diane » soulage d’une certainemanière les dirigeants pékinois,qui ont d’autres priorités que l’or-chestration d’une épreuve de forcedans le détroit, mais elle les forceaussi à trouver une parade poursortir de la rhétorique martialedans laquelle ils s’étaient enfer-més.

La réaction de Pékin comportedonc deux volets. Il y a d’un côté ladénonciation du « manque de sin-cérité » de Chen Shui-bian dont lespropos sur la « Chine unique »sont « évasifs et ambigus ». « Nouscroyons que les dirigeants de deuxcôtés [du détroit] auront assez desagesse et de créativité pour traiterconjointement la question d’une fu-ture Chine unique » avait déclaréChen Shui-bian lors de son inves-titure. Le fait que M. Chen n’utilisequ’une seule fois dans son dis-cours le terme de « Chineunique », et l’assortisse surtout duqualificatif de « future », a forte-ment déplu à Pékin. Un dépêchede Chine nouvelle, abondammentreprise dans les médias lundi, citele quotidien hongkongais pro-Pé-kin Wen Wei Po, selon lequel le dis-cours de M. Chen « envoie un dan-gereux signal pour ledéveloppement futur des relationsentre les deux rives ».

Mais, dans le même temps, Pé-kin cherche à calmer le jeu, ou àtout le moins accorde un sursis

supplémentaire à M. Chen. Dansun long texte diffusé sur le fil del’agence Chine nouvelle, le Parti etle conseil des affaires de l’Etat(gouvernement) se disent prêts à« négocier » et à « discuter » de la« réunification » d’une « manièreéquitable ». Fait intéressant, Pékinexhume de l’oubli un accord ta-cite, conclu en 1992, selon lequelles deux parties se disaient atta-chées au principe de la « Chineunique », mais sous réserve quechacun l’interprète à sa manière.Une telle ambiguïté convenait as-sez bien au Kouomintang, alors aupouvoir à Taïpeh, qui ne pouvaits’engager dans des pourparlers surla réunification tant que Pékin in-sistait sur l’identification entre« Chine unique » et Républiquepopulaire de Chine.

Est-ce le début de l’apaisementdans la crise récurrente du détroitde Formose ? Il est encore bientrop tôt pour le prédire tant laquestion taïwanaise dépend – demanière imprévisible – des équi-libres entre factions au sein del’appareil. La seule évidence quis’impose pour l’heure est que lerégime pékinois cherche à recou-vrer une marge de manœuvre. Laconjoncture – ralentissementéconomique, tensions sociales, né-gociations sur l’OMC – ne se prêtepas franchement à des embardéesguerrières dans le détroit. Les scé-narios de crise sont donc reportésà plus tard. Il reste maintenant auParti à refroidir les ardeurs belli-queuses de certains segments de lasociété – officiers de l’Armée po-pulaire de libération (APL),noyaux d’étudiants nationalistes –qu’il avait lui-même contribué àenflammer ces derniers mois.

Frédéric Bobin

L’Inde est disposée à intervenir « si nécessaire » dans le conflit sri-lankaisNEW DELHI

de notre correspondante en Asie du SudLes combats qui opposent, au nord du Sri

Lanka, l’armée et les séparatistes des LTTE(Tigres de libération de l’Eelam tamoul) s’inten-sifient : les Tigres paraissent désormais en passed’acculer l’armée, le dos à la mer, à l’ouest et aunord de la péninsule de Jaffna. L’aéroport dePalali et le port de Kankesanturai, les deux seulspoints de ravitaillement des 30 000 soldats sri-lankais, sont désormais sous le feu de l’artilleriedes rebelles, et des obus ont atteint la piste dePalali, endommageant un hélicoptère. Descombats au corps à corps se déroulent autourde la ville de Chevakachcheri, à 15 kilomètres àl’est de la ville de Jaffna. Les LTTE ont affirméavoir pris cette ville, la deuxième en importancede la péninsule, mais le gouvernement dément.

La détérioration rapide de la situation mili-taire pour les troupes sri-lankaises est suivie detrès près à New Delhi. Le premier ministre in-dien, Atal Bihari Vajpayee, a déclaré samedi quel’Inde était « disposée à agir si nécessaire ».

L’Inde, qui a refusé tout engagement militairepour venir en aide au gouvernement de Colom-bo, est désormais prête à évacuer les troupessri-lankaises acculées à Jaffna, si Colombo enfait la demande. « Si le gouvernement sri-lankaisfait appel à nous pour évacuer ses troupes, nous leferons, mais après une sorte d’entente avec lesLTTE », nous affirmait, dimanche soir, un hautresponsable indien.

« ALLIÉS D’HIER » New Delhi est réticent à s’engager de nou-

veau au Sri Lanka après l’expérience malheu-reuse de 1987 à 1990, quand les troupes in-diennes déployées à Jaffna avaient dû partir, surla demande du gouvernement sri-lankais, aprèsavoir perdu plus de 1 100 hommes dans lescombats avec les Tigres, ces « alliés d’hier » quis’étaient retournés contre leur mentor indien.Mais l’Inde est consciente qu’elle ne peut sepermettre de rester indifférente à ce qui sepasse à ses portes. Rassurée par les déclarationsrépétées de New Delhi selon lesquelles le gou-

vernement indien n’accepterait jamais la créa-tion d’une patrie séparée pour la minorité ta-moule, la communauté cinghalaise réclamed’autant plus l’intervention de l’Inde qu’elle abeau jeu de rappeler la responsabilité indiennedans la montée en puissance des LTTE, entraî-nés en Inde au milieu des années 80.

Dans ce contexte de guerre renouvelée, lamission qu’entreprend ce lundi à Colombo l’en-voyé spécial du gouvernement norvégien, ErikSolheim, qui était à New Delhi la semaine der-nière, n’incite pas à un grand optimisme.Proche de la victoire à Jaffna, les LTTE neveulent certainement pas négocier avant des’emparer de la ville. De son côté, le gouverne-ment assure toujours qu’il défendra Jaffna jus-qu’au dernier homme. Aucune négociation sé-rieuse ne peut donc avoir lieu avant uneclarification de la situation militaire, et, pourl’instant au moins, Colombo ne semble pas prêtà négocier un cessez-le-feu.

Françoise Chipaux

« Notre projet est d’approfondir les réformes »déclare au « Monde » le numéro un vietnamien

Lê Kha Phieu entame une visite officielle de quatre jours en FranceLe secrétaire général du Parti communiste viet-namien, Lê Kha Phieu, est arrivé, lundi 22 mai, àParis pour une visite de quatre jours en France,

la première d’un numéro un vietnamien dans unpays occidental. Dans une interview exclusiveaccordée au Monde avant son départ, il affirme

que « le projet pour le début de siècle est d’ap-profondir les réformes et l’ouverture du pays etnos relations avec les étrangers ».

HANOÏde notre envoyé spécial

« En nous appuyant sur nospropres forces, sur une réforme de labureaucratie et sur des relationsrenforcées avec les pays les plusavancés, nous pouvons développer leVietnam, j’en ai la forte convic-tion. » Dans son premier entretienaccordé à un journal occidental, legénéral de division Lê Kha Phieu,soixante-huit ans, secrétaire géné-ral du Parti communiste vietna-mien depuis fin 1998, n’hésite pas àle répéter : « Nous souhaitons laconsolidation de nos relations avecles pays industriels avancés, laFrance, l’Union européenne. Nousconnaissons beaucoup de difficultés.Il nous faut réformer nos cadres quiont grandi dans la guerre, il nousfaut des apports de technologie »,ajoute-t-il, avant de résumer :« Nous allons approfondir le renou-veau [les réformes amorcées en1986], l’ouverture du pays et nos re-lations avec les étrangers ; voilànotre projet de début de siècle. »

Le secrétaire général du PC, grostravailleur qui s’est apparemmentimposé depuis son élection voilàdeux ans et demi, n’éprouve toute-fois aucun état d’âme quand onl’interroge sur le monopole dupouvoir exercé par son parti. « Lorsd’une visite à Hanoï, le président duPérou m’a posé la même question. Jelui ai répondu : “Je suis communisteet vous êtes président du Pérou. Je nevous fais rien. Les communistes nemangent pas les gens”. » « Est-cequ’un dictateur peut se promener li-brement, comme moi, à travers lesvillages de son pays ? », ajoute-t-il,clichés à l’appui d’un Lê Kha Phieuen bras de chemise, entouré depaysans endeuillés et pataugeantdans la boue du centre du Vietnaminondé voilà quelques mois.

« Il ne faut pas, poursuit-il, avoirpeur des malentendus à propos descommunistes. Le Parti communistevietnamien est le parti du peuple,c’est à la fois son honneur et salourde responsabilité. Au Vietnam,beaucoup de partis ont essayé deremporter la victoire contre les colo-nialistes. Ils sont allés d’échec enéchec jusqu’au jour où le PC a prisla direction de la résurrection etremporté la victoire. Nous avons ob-tenu l’indépendance et, depuis, pasà pas, nous avons amélioré le niveaude vie de la population. Même si lepays est encore pauvre, les besoinsde première nécessité sont satis-faits. » Après cette écriture de l’his-toire et tout en éludant une ques-tion sur les prisonniers politiques,Lê Kha Phieu ajoute : « Ailleurs, làoù il y a le multipartisme, nous res-pectons ce choix. »

A l’ordre du jour figure donc « larestructuration du PC », en coursdepuis un an, dont « les premiersrésultats sont encourageants » etdont « l’un des objectifs principauxest la lutte contre la corruption et la

bureaucratie », qualifiées de« fléaux nationaux qui n’ont pas étécomplètement enrayés ». Lê KhaPhieu admet que la reconstructionentreprise après la victoire de 1975s’est traduite par « des résultats in-suffisants pour plusieurs raisons :une crise économique et sociale, unmanque de vivres, le début de l’ef-fondrement des pays socialistes etl’effet de l’embargo américain jus-qu’à sa levée en 1994 ». En fait,ajoute-t-il, le Vietnam n’a connu« que quelques années » d’essoréconomique après 1990.

LA PRÉSIDENCE DE L’ASEANEnsuite, catastrophes naturelles

et crise régionale sont interve-nues : « Les investissements étran-gers ont stagné à cause de notre ap-pareil administratif et parce quebeaucoup d’investisseurs étrangersappartenaient à des pays en diffi-culté », dit-il. La reprise nes’amorce que depuis le début decette année, avec un taux d’expan-sion « aux alentours de 5,6 % pen-dant le premier trimestre » ainsi

qu’une relance du tourisme et ledébut d’un retour des investisseursétrangers.

Le Vietnam connaît égalementd’autres soucis. A compter du1er juillet et pour un an, il assurerapour la première fois la présidencede l’Association des nations del’Asie du Sud-Est (Asean) dont ilest membre depuis 1995. Lê KhaPhieu reconnaît que, dans la ré-gion, « la déstabilisation est uneréalité, non seulement au Timor-Oriental et à Atjeh [en Indonésie]mais également dans d’autres en-droits ». « C’est, poursuit-il, unequestion très complexe. D’un côté, leVietnam respecte le choix de chaquepeuple à disposer de son sort. Del’autre, si chaque province exige l’in-dépendance, la déstabilisation aurades répercussions également à l’ex-térieur des frontières de l’Etatconcerné. »

Il estime que « la France a uneplace et un rôle très importants dansles relations extérieures du Viet-nam » et que sa visite à Paris, à l’in-vitation de Jacques Chirac, consti-tuera « une nouvelle étape » dansleur développement. François Mit-terrand avait été, en 1993, le pre-mier chef d’Etat occidental à serendre au Vietnam et JacquesChirac s’y est rendu à son tour en1997, à l’occasion d’un sommet dela francophonie. Sur le plan diplo-matique comme sur le plan inté-rieur, de profonds changements nesemblent pas à l’ordre du jour.« Dans sa politique extérieure, leVietnam accorde la priorité au dé-veloppement de ses relations avec lespays voisins et amis traditionnels »,au premier rang desquels la Chine,la Russie, l’Inde, le Laos et le Cam-bodge.

Lê Kha Phieu n’en met pasmoins l’accent, à plusieurs reprises,sur les relations avec « les paysavancés » dont, entre autreschoses, des milliers de boursiersvietnamiens fréquentent les uni-versités. « Notre parti, prononce-t-il comme une sentence, attacheune grande importance à la straté-gie de consolidation des cadres, à laformation, au perfectionnement et àla promotion des jeunes en rempla-cement de leurs aînés âgés. » End’autres termes, la relève d’ancienscombattants par une jeunesse ins-truite, notamment en Occident, estl’un des recours du communismevietnamien pour assurer la péren-nité de son pouvoir et le dévelop-pement du pays. Un autre est lavaste campagne actuelle en faveurdes « valeurs que l’histoire nous aléguées, le patriotisme, la grandeunion nationale, l’esprit de comptersur ses propres forces ». « En buvantde l’eau, il faut penser aux sources »,dit encore Lê Kha Phieu, citant undicton local.

Jean-Claude Pomonti

Aux îles Fidji, dans le Parlement transformé en village rebelle... SUVA

(République des îles Fidji)de notre envoyée spéciale

Derrière les barrières de l’en-ceinte du Parlement, de jeuneshommes armés de fusils d’assaut,

vêtus de tee-shirts noirs, coiffés dechapeaux camouflage et les yeuxprotégés par des lunettes de mo-tard montent la garde. C’est der-rière ces grilles que sont gardés enotages par des putschistes, depuisle 19 mai, les membres du gouver-nement fidjien à dominante in-dienne et une trentaine de députésmembres de la coalition gouverne-mentale.

Les putschistes ont transformél’Assemblée en un véritable villagerebelle : des groupes de civilsvaquent ici et là entre les différentsimmeubles dominés par le Parle-ment, construit sur le modèle descases traditionnelles. Le planton,dans la guérite d’entrée, en uni-

forme militaire, vérifie l’identitédes visiteurs comme si de rienn’était, répondant pourtant auxordres des jeunes gens armés. Mal-gré la chaleur tropicale, certainsportent une épaisse cagoule enlaine kakie. On sait depuis di-manche que les quelquescommandos professionnels decette opération sont issus d’uneunité spéciale de l’armée (Counter-revolution warfare unit), ce qui asemé de sérieux doutes quant à lafidélité de l’armée au pouvoir légi-time. Il semblerait que cette unitéde commandos se soit entraînéedans la ferme du général SitiveniRabuka, auteur du coup d’Etat de1987 (perpétré, déjà, pour « rendreFidji aux Fidjiens ») et un tempsnommé médiateur entre le pré-sident et les putschistes d’au-jourd’hui.

Une soixantaine de personnessont assises à l’ombre de quelquesgrands arbres en contrebas, appa-remment gardées par un seulhomme armé. Quelques femmesles rejoignent. Certaines amènentdes vivres. Des journalistes, fid-jiens et étrangers, sont regroupéssur la petite terrasse où les parle-mentaires prennent normalementleur « morning tea », la collation du

matin qui interrompt la séance.Mais le magnifique bol à kavasculpté est encore vide... Car quelleque soit l’issue de cette crise, c’estautour d’un bol de kava, extrait deracines aux effets des plus anesthé-siants, qu’elle sera vraisemblable-ment discutée.

DROITS INDIGÈNES Un vent de panique souffle sou-

dain dans l’enceinte. Les journa-listes sont priés de se regrouper.Plusieurs hommes armés se préci-pitent vers les clôtures du Parle-ment, qui donne sur des champsde jungle. Faute de mitraillette,certains s’équipent simplement degros cailloux. « On craint une inter-vention armée extérieure. C’est pourcela qu’ils ont sorti le premier mi-nistre sur la pelouse avec un fusil surla tempe », nous glisse à voix basseun sympathisant.

Un peu plus tard, l’auteur decette tentative de coup d’Etat,George Speight, un homme d’af-faires poursuivi par la justice, affi-chant des manières dignes d’unjeune diplômé fier de lui, vient unenouvelle fois parler aux médias.« Personne et aucune organisationne doit envisager de s’approcher duParlement, pour le bien des gens à

l’intérieur de l’enceinte », prévient-il, rappelant que, outre leshommes politiques pris en otage,environ deux cents personnes se-raient menacées. M. Speight sou-haiterait instaurer la primauté desdroits indigènes à Fidji qu’il estimemenacés par le gouvernement àdominante indienne. Poursuivantses efforts de relations publiques,le preneur d’otages, d’abord pré-senté comme un voyou sans foi niloi, commence à rallier des voix.« Je lui ai dit depuis le début que jesympathisais avec sa cause mais pasavec les moyens auxquels il a eu re-cours », a déclaré l’ancien putchisteSitiveni Rabuka.

Le président de la République,Ratu Sir Kamisese Mara, égale-ment chef du grand conseil deschefs, instance suprême pour lesFidjiens indigènes, a indiqué qu’ildevrait peut-être demander aupremier ministre indien de renon-cer à son poste pour résoudre cettecrise. Les chefs coutumiers vont seréunir à titre exceptionnel pourdiscuter de la situation. Au mo-ment de quitter, non sans diffi-culté, l’enceinte du Parlement, unchef des îles de l’Est fait son en-trée. « C’est le signe que le venttourne en faveur de Speight », com-

mente Malakai Veisamasama,journaliste fidjien. Alors que lesgrands chefs ou chefs de tribuscontinuent de se déclarer fidèles àRatu Mara, certains patrons declans, qui ont l’appui du peuplemélanésien, se préparent à déso-béir aux « grands chefs » etviennent annoncer leur soutienaux putschistes. Et le journalistefidjien d’ajouter : « Il pourrait bieny avoir des scissions au sein mêmedes clans, des tribus et des provinces.C’est pour cela que certains parlentdu risque de guerre civile. »

Florence de Changy

REPORTAGE« Ils ont sortile premier ministresur la pelouse avecun fusil sur la tempe »

LeMonde Job: WMQ2305--0005-0 WAS LMQ2305-5 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:57 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0575 Lcp: 700 CMYK

I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 5

Les Haïtiens ont voté massivementpour élire un nouveau Parlement

Le scrutin s’est déroulé dans le calme, sauf dans un département où les élections ont été reportéesLes Haïtiens se sont rendus massivement auxurnes dimanche 21 mai pour élire 19 sénateurs,83 députés, 133 maires et 7 124 responsables de

collectivités locales. Malgré la désorganisation,la journée a été relativement calme. Privésd’aide internationale depuis la dissolution du

Parlement en 1999, alors que leur pays est le pluspauvre de l’hémisphère occidental, les électeursont manifesté leur désir de sortir de l’impasse.

PORT-AU-PRINCEde notre envoyé spécial

Les Haïtiens se sont massivementrendus aux urnes dimanche 21 maipour élire un nouveau Parlement etles membres des conseils munici-paux. Malgré une grande désorgani-sation, la journée électorale s’est dé-roulée dans le calme. Un seulincident grave s’est produit à laCroix-des-Bouquets, une ville situéeentre Port-au-Prince et la frontièredominicaine, où un policier a été tuépar un individu qui tentait de s’intro-duire avec un revolver dans un bu-reau de vote. Dans la Grande-Anse,un département du sud-ouest trou-blé depuis des mois par de violentsaffrontements entre militants de par-tis rivaux, les élections ont été repor-tées sine die.

Peu après la fermeture des bu-reaux, le président du Conseil électo-ral provisoire, Léon Manus, a estiméque la participation avait dépassé60 %. « C’est une grande victoire du

peuple haïtien qui a démontré sa vo-lonté de faire bouger les choses », a-t-ildéclaré avant d’ajouter que les résul-tats définitifs seraient connus « aucours de la semaine ». La forte af-fluence a surpris les responsables po-litiques et les observateurs. Lors desdernières élections de 1997, la partici-pation était tombée à 7 % et le climatde violence et d’intimidation des der-nières semaines semblait peu pro-pice à une forte mobilisation desélecteurs.

ENTHOUSIASME ET PATIENCE« Je suis impressionné par l’enthou-

siasme et la patience du peuple haï-tien », nous déclare John Conyers, unmembre du Congrès américain, quiobserve le déroulement des opéra-tions dans l’école d’Argentine situéeruelle Vaillant, où plusieurs électeursavaient été massacrés en novembre1997. « Cette consultation est impor-tante car elle permettra à Haïti de re-cevoir plus d’aide », ajoute ce repré-

sentant démocrate de Detroit, amipersonnel de Jean-Bertrand Aristide,l’ancien et probablement futur pré-sident d’Haïti.

Sur la route de Frères, le bureau devote est installé dans la gaguère Ma-theis, l’arène où se déroulent lescombats de coqs. Les isoloirs en car-ton sont posés sur les cages grillagéesqui permettent en temps normald’apprécier les volatiles. Commedans les quartiers populaires du basde la ville, la plupart des électeurs necachent pas qu’ils ont voté pour Fan-mi Lavalas, le parti de Jean-BertrandAristide. « Seul Lavalas peut sortir lepays de l’ornière et rétablir la sécuri-té », affirme Jeudy Salgador, un jeuneagronome. Selon le journaliste poli-tique Guyler Delva, la grande majori-té de la population reste attachée àAristide et à Lavalas, malgré le bilandésastreux du gouvernement lava-lassien depuis le rétablissement de ladémocratie par les troupes améri-caines en 1994. « L’opposition n’a pas

réussi à se créer un espace, elle n’existepas comme alternative pour la grandemasse nécessiteuse de ce pays », af-firme-t-il.

Peu après la clôture du scrutin,l’Espace de concertation, une coali-tion regroupant cinq partis de l’op-position, a dénoncé « de graves irré-gularités ». Alors que ledépouillement des bulletins se faisaità la chandelle dans de nombreux bu-reaux privés d’électricité, les accusa-tions de fraude et d’irrégularités semultipliaient. Incapables de contrô-ler tous les bureaux et tous lesrouages de la machine électorale, lesquelque deux cents observateurs in-ternationaux restaient prudents.Après avoir tellement fait pressionpour l’organisation de ces élections,la communauté internationale devrapourtant se prononcer sur leur validi-té, sans s’être donné les moyens d’enassurer une observation crédible.

Jean-Michel Caroit

Le chef des islamistes marocains, Abdessalam Yassine, se pose en recours RABAT

de notre envoyé spécialSoucieux de ne pas être replacé en résidence

surveillée (l’assignation, en vigueur depuis plusde dix ans, avait été levée mardi 16 mai), le chefdu principal mouvement islamiste du royaume,le cheikh Abdessalam Yassine, soixante-douzeans, s’est gardé de critiquer trop ouvertement lamonarchie au cours de la conférence de presseorganisée, samedi 20 mai, au siège de son asso-ciation, Al Adl wa Al Ihssane (Justice et Bienfai-sance). « Le Maroc est en voie de changement ra-pide, mais on ne sait pas où on va : un pas enavant, deux pas en arrière », s’est contenté d’af-firmer le chef islamiste, avant de déplorer l’ab-sence de justice dans son pays et de dénoncer lecomportement du ministère de l’intérieur.

S’exprimant devant un parterre important dejournalistes, tantôt en arabe, tantôt dans unfrançais un peu désuet, le « vieux reclus de Salé »(où il était en résidence surveillée depuis 1989),comme il se surnomme, a indiqué qu’il allaitconsacrer l’essentiel de son temps au dévelop-pement de Justice et Bienfaisance, convaincuqu’il est que son projet de société, qui privilégiel’éducation, finira par s’imposer face à des partisdont les programmes sont la « risée de tout lemonde ».

« On n’est pas pressés. Un jour, quand le payssera dans l’impasse, nous serons le recours spiri-tuel, moral et politique », a assuré M. Yassine. Se-lon lui, Justice et Bienfaisance est favorable aupluralisme et n’a aucune filiation avec les isla-mistes algériens de l’ex-FIS. « Le Maroc n’est pas

l’Algérie. Nous sommes opposés à la violence, nousle disons depuis plus de vingt ans », a-t-il rappelé.

Interrogé sur le statut de la femme au Maroc,thème de débats passionnés dans le royaume, lechef des islamistes l’a jugé « horrible ». « Lafemme marocaine est opprimée par l’homme in-culte », a estimé M. Yassine, avant de préciserque « beaucoup de choses [étaient] à revoir »parmi les textes officiels qui le régissent. Pourautant, M. Yassine ne s’est pas exprimé sur lesprojets gouvernementaux visant à moderniserle statut de la femme, projets combattus par lesislamistes : l’appel à la prière est venu opportu-nément mettre un terme à la conférence depresse.

Jean-Pierre Tuquoi

Suicide de l’ancienpremier ministre syrienDAMAS. L’ancien premier ministre syrien, Mahmoud Al Zohbi, ac-cusé de corruption, s’est suicidé, dimanche 21 mai. Il se serait tiréune balle dans la tête, à son domicile, dans la banlieue de Damas,lorsque le chef de la police s’est présenté chez lui pour le convo-quer chez le juge d’instruction. Il est décédé peu après à l’hôpital.Mahmoud Al Zohbi, qui dirigea le gouvernement syrien de 1987 àmars 2000, avait été exclu de la direction du parti Baas, au pouvoir,il y a deux semaines. Plusieurs responsables ont été limogés cesderniers jours par le nouveau premier ministre, Mohammad Miro.– (AFP, Reuters.)

300 civils auraient été massacrésdans l’est du Congo-KinshasaROME. Plus de trois cents personnes, dont des femmes et des en-fants, auraient été tuées au cours d’un massacre dans la nuit du 14au 15 mai, dans l’est de la République démocratique du Congo(RDC, ex-Zaïre), a annoncé, samedi 20 mai, l’agence d’informationdes missionnaires, Misna, basée à Rome. Ce massacre est attribué àdes rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD)et à des soldats rwandais et burundais, selon l’agence.Il se serait déroulé à Katogota (60 kilomètres au sud de Bukavu),dans le Sud-Kivu, province frontalière du Rwanda et du Burundi,contrôlée depuis le début du conflit en cours, en août 1998, par lesforces de la coalition rebelle. Le RCD a démenti les informations deMisna. – (AFP, AP, Reuters.)

DÉPÊCHESa ÉRYTHRÉE - Éthiopie : quelque deux cent quarante ressortis-sants étrangers, des Américains pour la plupart, ont quitté, di-manche 21 mai, la capitale érythréenne Asmara, à la suite de l’avan-cée militaire éthiopienne en territoire érythréen. Le départementd’Etat avait demandé, vendredi, au personnel non essentiel de sonambassade à Asmara, ainsi qu’aux familles des diplomates enposte, de quitter le pays. Plus de vingt mille Erythréens ont trouvérefuge au Soudan, a annoncé, dimanche, le Haut-Commissariat desNations unies pour les réfugiés (HCR). Au dixième jour de sagrande offensive, l’Ethiopie, dont l’armée contrôle désormais unepartie de l’Erythrée, s’est déclarée « prête à se rendre à la table desnégociations en toute circonstance », selon un diplomate. – (AFP, AP,Reuters.)a POLOGNE : au nom de l’épiscopat polonais, le cardinal JosefGlemp, primat de Pologne, a exprimé, samedi 20 mai à Varsovie,son repentir pour les fautes passées de son Eglise, notamment « latolérance pour les manifestations d’antisémitisme », le manque derespect envers d’autres religions, ainsi que pour la collaborationd’une minorité de prêtres polonais avec le régime communiste. –(AFP.)a COLOMBIE : le haut-commissaire pour la paix, Camilo GomezAlzate, a annoncé, dimanche 21 mai, la reprise des négociations depaix avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colom-bie (FARC), suspendues après l’assassinat d’une femme (Le Mondedu 18 mai). Le responsable gouvernemental a indiqué qu’il était« de plus en plus clair » que les FARC n’avaient rien à voir danscette exécution. – (Corresp.)

LeMonde Job: WMQ2305--0006-0 WAS LMQ2305-6 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 11:05 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0576 Lcp: 700 CMYK

6

F R A N C ELE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

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Le PS veut sortir d’une« logique d’assistance »

« Nous voulons une société del’autonomie », a affirmé FrançoisHollande, samedi 20 mai à Paris,lors d’un colloque du Parti socia-liste sur « la France solidaire ». Lepremier secrétaire du PS a esti-mé, devant environ cinq centsmilitants, qu’il fallait « passerd’une logique d’assistance à unelogique de droits » pour les per-sonnes âgées, les handicapés etles malades, et « défendre une dé-centralisation solidaire ».

L’ancien ministre de la santéClaude Evin a mis en cause « uneétatisation du système de santé quin’a fait que s’accélérer ». « La ges-tion directe par l’Etat n’est pas sy-nonyme d’efficacité », a déclaré ledéputé de Loire-Atlantique, ensouhaitant une redéfinition desresponsabilités définies en 1945sur les institutions sociales. JeanLe Garrec, président de lacommission des affaires cultu-relles, familiales et sociales del’Assemblée nationale, a souli-gné qu’il n’y a pas « de systèmeplus irrationnel, plus opaque etplus inadapté que le systéme desanté en France ».

Le gouvernement entend protéger la spécificitédes mutuelles dans la réglementation européenne

Source : direction de la Sécurité sociale* PRÉVISIONS

1996 97 98 99 2000*

LES SOLDES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

ASSURANCEMALADIE

ACCIDENTDU TRAVAIL

VIEILLESSE

FAMILLE

ENSEMBLEDU RÉGIME GÉNÉRAL

Le retour à l'équilibre des comptes sociaux

Alors qu'il était déficitaire depuis 15 ans, le régime général de la Sécurité sociale devrait dégager un excédent de 5 milliards de francs en 2000.

-55

-50

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-10

-5

0

5

– 53,3

– 35,9

– 9,6

– 7,9

+ 0,2

+ 4,5

+ 0,98+ 0,7– 1,2

+ 5,007

en milliards de francs

LE BUT est atteint, non sansmal. Pour la première fois depuis1985, les comptes du régime géné-ral de la Sécurité sociale sont àl’équilibre : en 1999, le solde desrecettes et des dépenses présentépar Martine Aubry, lundi 22 mai,se traduit par un résultat très lé-gèrement positif de 200 millionsde francs. La « bonne surprise »évoquée il y a quelques jours parla ministre de l’emploi et de la soli-darité est double : en 2000, la « Sé-cu » devrait afficher un excédentde 5 milliards de francs. Ceschiffres sont supérieurs aux der-nières estimations réalisées enseptembre 1999. A l’époque, lacommission des comptes avait ta-blé sur un déficit de 4 milliards defrancs pour l’année passée et surun excédent de 2 milliards en 2000.

Les résultats de l’assurance-ma-ladie évoluent dans le même sens.Cette branche accuse, en 1999, undéficit de 9,3 milliards de francs,au lieu des 12 milliards projetés. En2000, il devrait se réduire à 1,2 mil-liard. Sur ce chapitre, Mme Aubryn’a pas manqué de relever lessombres prévisions des gestion-naires de la Caisse nationale d’as-surance-maladie (CNAM) quiavaient critiqué son optimisme etpronostiqué un résultat lourde-ment négatif en 1999, de l’ordre de18 à 20 milliards de francs... La ré-

vision, à la hausse, de ces résultats« constituent un démenti aux Cas-sandre, toujours nombreux à pré-dire le pire et parfois avec un cer-taine jubilation tant et si bien quel’on serait porté à croire – mais à

croire seulement – que ceux quipleurent en public se réjouissent ensecret », a-t-elle ironisé.

Toutes les autres branches sontexcédentaires : les accidents dutravail enregistrent un peu plus

d’1 milliard en 1999 (984 millionsde francs prévus en 2000) ; 3,7 mil-liards pour la vieillesse (699 mil-lions en 2000) ; 4,8 milliards pourla famille (4,5 milliards en 2000).Ces résulats, pour l’ensemble durégime général, auraient pu êtremeilleurs. La progression des dé-penses de santé pour 1999 est plusrapide que celle qui avait été votéepar le Parlement : prévue à 2,6 %,elle a, en réalité, été de 2,9 %. Lesdépenses ont certes ralenti (ellessont inférieures de 8,3 milliardspar rapport aux prévisions), maisles recettes sont elles aussi mino-rées de 4 milliards. Pour le minis-tère, cette situation tient à l’évolu-tion de la masse salariale,conforme cette fois aux estima-tions – il n’y a donc pas lieu deparler de « cagnotte » sociale – etau bogue de l’an 2000. Le 31 dé-cembre 1999, aucun mouvementde trésorerie n’a été enregistré. Ducoup, Mme Aubry estime que lesolde positif 1999 aurait dû at-teindre 1,1 milliard de francs.

Qu’à cela ne tienne. En 2000, leproblème ne se posera plus. Lacomptabilité par encaissements-décaissements sera abandonnée.Pour la ministre, l’important résidedans le redressement des comptesqui lui permet de brocarder la ges-tion des gouvernements de droite.En 1995, le déficit de la « Sécu »

était tel qu’il avait motivé le planJuppé. Sur un an, le « trou »constaté en 1996, avait ainsi atteint53,3 milliards de francs ! « La dé-cennie 1990 se clôt sur un retour dela Sécurité sociale à l’équilibre.Nous en sommes bien évidemmentsatisfaits et, pour tout dire, assezfiers », s’est félicitée Mme Aubry.Aux yeux de la ministre, les excé-dents attendus en 2000, calculéssur la base d’une croissance à3,6 %, devraient atteindre en réali-té 13,5 milliards. Mais les transfertsprévus vers le Fonds de réserve desretraites par la Caisse nationaled’assurance-vieillesse (CNAV)conduisent à ramener cet excédentà 5 milliards de francs.

PRÉROGATIVES ÉTENDUESLa croissance est bien évidem-

ment la première cause de cetteamélioration. Mais le gouverne-ment s’en attribue aussi unebonne part en mettant en avantles mesures correctrices prises àson initiative, comme le transfertdes cotisations CSG sur l’assu-rance-maladie en 1998 ou bien en-core la prise en charge financièrepar l’Etat de l’allocation parentisolé. Cette responsabilité délibé-rement affichée n’est pas neutre,au moment où les partenaires so-ciaux réclament les pleins pou-voirs pour gérer les caisses. La

CNAM en particulier, qui a obtenudes prérogatives étendues, est at-tendue au tournant. « Nous [lui]avons légué une situation assainie. Il[lui] revient désormais d’intervenirsi besoin tous les quatre mois. Elledevra le faire en juin prochain si leshypothèses optimistes qu’elle a choi-sies se trouvent infirmées dans lesfaits », a prévenu Mme Aubry.

Or, le niveau des dépenses restetrès élevé. En 2000, elles devraientmême quasiment progressercomme les recettes, ce qui illustre,si besoin était, la fragilité descomptes de la « Sécu ». Cette an-née, le ministère a ainsi prévu,« par prudence » un dépassementde 3,5 milliards de francs, destiné àtenir compte, notamment, du mil-liard promis aux hôpitaux dans leprocotole d’accord signé récem-ment avec les syndicats. Mme Au-bry a interpellé la CNAM sur le ni-veau très élevé des indemnitésjournalières (arrêts de travail) et aannoncé que le gouvernementprendrait « ses responsabilités »pour freiner les dépenses de médi-caments « dont la croissance est en-core trop forte ». La révision glo-bale des médicaments devants’achever sous peu, la ministrepromet de faire le ménage d’ici au30 juin.

Isabelle Mandraud

APRÈS SEPT ANS de tergiver-sations et deux injonctions de laCour de justice des communautéseuropéennes, la transpositionfrançaise des directives qui fontentrer les mutuelles dans le champde la réglementation communau-taire des assurances est sur lepoint d’aboutir. Le gouvernementa envoyé, samedi 20 mai, un volu-mineux avant-projet de loi auxresponsables mutualistes. Rédigéau lendemain d’une ultime réu-nion interministérielle, il devraitêtre transmis au Conseil d’Etat etsoumis pour avis au Conseil supé-rieur de la mutualité, le 25 mai.

Chacune de leur côté, la Fédéra-tion nationale de la mutualitéfrançaise (FNMF), qui regroupe àelle seule 3 000 mutuelles, et la Fé-dération des mutuelles de France(FMF) ont convoqué, les 24 et

25 mai, un conseil d’administra-tion extraordinaire pour examinerle projet gouvernemental. Articulésur deux volets, transposition etmodernisation, ce texte comportesix articles. Le premier renvoie, enannexe, à une réforme profondedu code de la mutualité à travers246 articles. Au final, l’avant-pro-jet de loi fait donc 100 pages. Sur-tout, il reconnaît la spécificité desmutuelles et répond ainsi à laprincipale revendication du sec-teur, qui disposera d’un délai d’ap-plication fixé au 1er janvier 2003. Ilreprend, enfin, nombre de pistesavancées dans le rapport de Mi-chel Rocard remis au premier mi-nistre en mai 1999.

OBLIGATION DE TRANSPARENCELe label même de « mutuelle »

est protégé. Le texte interdit en ef-fet cette appellation à tout autreorganisme. Les assurances bénéfi-cieraient, certes, du droit d’utiliserle terme « mutuelle » mais ellesdevraient obligatoirement y acco-ler le mot « assurance ». Les« vraies » mutuelles, elles, qui de-vront adhérer à un fonds de ga-rantie, voient leurs compétencesélargies, notamment au caution-nement des emprunts immobi-liers. Mais elles mènent avant tout« une action de prévoyance, de soli-darité et d’entraide ». Lorsque leuractivité est centrée sur la couver-ture santé complémentaire, ellesne peuvent, précise le document,« moduler les cotisations qu’enfonction du revenu ou de l’âge » deleurs adhérents, et en « aucuncas », sur la base d’informationsmédicales sur l’état de santé despersonnes affiliées. Afin de res-pecter les directives européennes,et après agrément, elles devrontscinder leur activité, en créant des« mutuelles-sœurs » pour tout cequi relève de la prévoyance ou desréalisations sanitaires et sociales,sans pour autant renoncer à la no-tion de groupes. Ainsi, les deuxtiers du conseil d’administrationde la « mutuelle-sœur » pourrontêtre communs avec la mutuelle-fondatrice.

L’avant–projet de loi prévoitune évolution du statut des élus.Rompant avec le principe du bé-névolat, les mutuelles auraient dé-sormais la possibilité d’indemniserleurs administrateurs. En échange,elles devraient rendre public« l’ensemble des rémunérations

versées au directeur général et àchacun des dix salariés les mieux ré-munérés », de même que « lessommes et avantages de toute na-ture versés à chacun des adminis-trateurs ».

Le problème des mises à dispo-sition de fonctionnaires est ren-voyé à d’éventuelles négociationsavec le ministère de tutelle. Le tex-te souligne dans la foulée qu’illeur serait « interdit de contracter,sous quelque forme que ce soit, desemprunts auprès de la mutuelle ».L’affaire de la Mutuelle nationaledes étudiants de France (MNEF)ayant servi, en quelque sorte, demodèle, le projet fait une largeplace aux obligations de transpa-rence et de contrôle et préciseavec minutie les procédures de li-quidation judiciaire.

Tous ces points ont fait l’objetd’âpres négociations, en parti-culier avec le président de laFNMF, Jean-Pierre Davant, quis’était violemment élevé contreune première mouture du texte(Le Monde du 18 avril). Au final, lesmutualistes ont cependant obtenud’importantes concessions et l’is-sue des votes ne fait guère dedoute. « Le projet de loi reconnaîtle rôle d’intérêt général et la spécifi-cité de la Mutualité vis-à-vis des as-surances (...) C’est une ouverturehistorique pour l’identification et ledevenir de l’économie solidaire »,déclarait, dès le 19 mai, le pré-sident de la FMF, Daniel Le Scor-net.

La France, qui s’apprête àprendre, le 1er juillet, la présidencede l’Union européenne, tente ainside mettre en ordre ses affaires,même si le texte a peu de chancesd’être discuté au Parlement avant2001. Le gouvernement n’a pas ou-blié, non plus, le 36e congrès de laMutualité française, prévu à Parisdu 8 au 10 juin, au cours duquelJacques Chirac et Lionel Jospindoivent intervenir, ainsi que la mi-nistre de l’emploi et de la solidari-té, Martine Aubry, et le secrétaired’Etat à l’économie sociale, GuyHascoët. Pour couper court àtoute polémique, l’avant-projet deloi devrait être présenté en conseildes ministres à point nommé, le7 juin. Il restera au gouvernementà aborder, dès cet automne, la fis-calisation du mouvement mutua-liste. Un dossier tout aussi délicat.

I. M.

Les associations de chômeursrefusent la « refondation sociale » du Medef

SOLIDARITÉ La commission descomptes de la Sécurité sociale a tiré,lundi 22 mai, le bilan de l’année 1999.Si, en septembre 1999, elle prévoyaitencore un déficit de l’ordre de 4 mil-

liards de francs, le solde définitif est,en réalité, très légèrement positif, de200 millions de francs. Il devrait êtreexcédentaire de 5 milliards en 2000.Un symbole après quinze années de

déficits. b LA CROISSANCE retrouvéede l’économie explique en grande par-tie ces bons résultats, mais le gouver-nement met également en avant lesmesures correctrices prises à son initia-

tive. b LES ASSOCIATIONS DE CHÔ-MEURS ont manifesté, samedi 20 mai,contre les projets du patronat surl’avenir du régime d’assurance-chô-mage. b LE GOUVERNEMENT a bouclé

l’avant-projet de loi sur l’avenir de lamutualité française dans le cadre eu-ropéen. Ce texte invite les mutuelles àse moderniser mais protège leur spéci-ficité par rapport aux assureurs.

La Sécurité sociale retrouve l’équilibre après quinze ans de déficitsPour la première fois depuis 1985, les comptes de la santé ont été équilibrés en 1999 et devraient être excédentaires de 5 milliards de francs en 2000.

Ces résultats, plus encourageants que prévu, résultent de la croissance forte mais aussi des mesures de contrôle des dépenses

C’EST CLAIR ET NET. Les asso-ciations de chômeurs ne veulent pasdu CARE, le désormais fameuxContrat d’aide au retour à l’emploi,que souhaite mettre en place le Me-def. Samedi 20 mai, ce contrat a étébrocardé sur tous les tons. A Paris,ils étaient entre 1 000 (selon la po-lice) et 3 000 (selon les organisa-teurs) à défiler à l’appel des collec-tifs AC !, APEIS, MNCP etCGT-chômeurs, tandis que troisautres manifestations se déroulaientà Lille, Rennes et Marseille. Pourchacun de ces défilés, une mêmebanderole de tête, à la tonalité ra-geuse : « Contre la refondation so-ciale. Nous ne sommes pas des parte-naires sociaux. Nous sommes desadversaires sociaux ».

Pour les associations, il s’agissaitde « faire entendre la voix des pre-miers concernés par ce débat » etdire leur « exaspération », alors quepatronat et syndicats doivent se re-trouver mercredi 24 mai pour uneséance de négociations sur l’avenirde l’Unedic. A quelques jours decette échéance importante, les col-

lectifs de chômeurs entendaienttout à la fois dire non au Medef,mais aussi faire pression sur lesconfédérations et notamment sur laCFDT qui, par la voix de sa secré-taire générale, Nicole Notat, s’estdéclarée prête, la semaine dernière,à dire « chiche au CARE ». Surtout,ils réclament une amélioration del’indemnisation au moment où lesprévisions financières de l’Unedic necessent d’être revues à la hausse.

Le régime table désormais sur unexcédent de 8 à 9 milliards de francsen 2000, au lieu des 6,4 milliardsprévus. « Les propositions du Medefsont d’un cynisme total. Avec le CARE,ce n’est plus le fait de cotiser qui ouvredes droits mais le fait de signer uncontrat. Ce qu’ils veulent désormaisc’est interdire aux chômeurs de refu-ser des sous-emplois et, au passage,on oublie le niveau d’allocation »,s’indignait Claire Villiers d’AC ! « Il ya des gens qui osent encore se de-mander comment utiliser les excé-dents de l’Unedic quand quatre chô-meurs sur dix perçoivent uneindemnité», ajoutait Malika Zediri,de l’APEIS. Selon elle, « le discoursactuel est dangereux. On est en traind’enfermer un peu plus les gens. Lalogique du CARE, c’est de dire : c’estla reprise, c’est de votre faute si vousne trouvez pas de boulot ».

REMOUS INTERNESSi AC !, MNCP et l’APEIS se sont

efforcées de mobiliser leurs troupespour le défilé parisien, la CGT-chô-meurs avait adopté un profil plusmodeste. Sans rapport, en tout cas,avec le communiqué très virulentavec lequel le collectif avait réagiaux propos de Mme Notat. Malgréles remous internes provoqués parle texte des chômeurs CGT à l’inté-rieur de la centrale de Bernard Thi-bault, François Desanti, l’un des res-ponsables, persistait et signaitsamedi. « C’est impossible pour lepremier syndicat de chômeurs de nepas réagir à cette nouvelle provoca-tion de la CFDT. C’est pour cela qu’ons’est exprimé immédiatement. Moi jepense que la confédération CGT doitmaintenant réfléchir sérieusement àl’utilité de rester dans les négociationsavec le Medef », expliquait-il. LaCGT-chômeurs, qui est représentéedans la délégation CGT pour les dis-cussions sur l’avenir de l’Unedic,pourrait décider de ne plus y partici-per, estimant que les « discussionsprennent un tour » qu’elle ne peut« pas accepter ».

Aucune des cinq confédérationstraditionnelles n’avait appelé entant que telle aux manifestations.Dans les rangs du défilé parisien, onnotait la présence de la FSU, duGroupe des Dix, de la CNT et de fé-dérations CFDT oppositionnelles,ainsi que de plusieurs associationsde « sans », comme DAL et Droitdevant ! ! Les Verts et le PCF, repré-senté par l’économiste Jacques Ni-konoff, s’étaient également joints aucortège, tout comme la LCR et endernière minute Lutte ouvrière.Charles Piaget, l’ancien leader deLip, défilait avec AC ! Besançon,tandis que le sociologue PierreBourdieu, auteur d’un appel pourdes « Etats généraux du mouvementsocial européen », était venu saluerle cortège au départ.

Caroline Monnot

LeMonde Job: WMQ2305--0007-0 WAS LMQ2305-7 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:49 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0577 Lcp: 700 CMYK

F R A N C E LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 7

Le conflit de la SNCM accroîtles tensions en Corse

AJACCIOde notre correspondant

L’ouverture à la concurrence desliaisons maritimes entre la Corse etle continent continue de susciterdes tensions qui, selon toute pro-babilité, ne sont pas près de dispa-raître. L’Assemblée de Corse, quidevait initialement se prononcer,les 25 et 26 mai, sur les modalitésde cette ouverture à la concur-rence à partir du 1er janvier 2002,sur la base d’un rapport du conseilexécutif de l’Assemblée, devrait eneffet reporter son vote au moisd’octobre. Sa commission du déve-loppement et des transports, prési-dée par Ange Santini, maire (diversdroite) de Calvi, a décidé, vendredi19 mai, de soumettre aux élus unemotion décidant de surseoir à cevote pour « poursuivre le dialogueavec l’ensemble des partenaires so-ciaux et économiques concernés » et« pour tenir compte des délais de ré-ponse de la Commission euro-péenne ». Il est en effet demandé àJean-Claude Gayssot, ministre del’équipement, des transports et lo-gement, de « saisir la Commissioneuropéenne sur les sujets restant àpréciser ». M. Gayssot devait rece-voir, lundi 22 mai, le président del’exécutif et celui de l’Office destransports.

La réglementation européenneprescrit l’établissement de contratsde service public sur la base de ca-hiers des charges arrêtés par l’As-semblée de Corse, en applicationde la loi Joxe du 13 mai 1991. Le28 avril 2000, les élus corsesavaient décidé, à une très largemajorité, de lancer un appeld’offres pour le service de base(cargos mixtes à partir de Mar-seille) et d’allouer une subventionpar passager transporté par car-ferries aux compagnies qui accep-teront les obligations de servicepublic. En 2000 et en 2001, les sub-

ventions globalement allouées à laSociété nationale Corse-Méditer-ranée (SNCM) et à la CompagnieCorse-Méditerranée (CMN) ne se-ront pas inférieures à 700 millionsde francs (Le Monde des 15 et30 avril 2000).

Les liaisons maritimes entre laCorse et le continent ont été inter-rompues à trois reprises en l’es-pace de cinq mois à l’initiative dessyndicats de marins, notammentpar la CGT de Marseille, qui estlargement majoritaire à la SNCM.Les grévistes entendaient protestercontre « le démantèlement du ser-vice public maritime de continuitéterritoriale, les licenciements et laremise à plat des accords en vigueurdans l’entreprise ». Non revendi-quée, mais unanimement condam-née, la tentative d’attentat par ex-plosif, déjouée de justesse dans lanuit du 20 au 21 mai à Marseille,par des vigiles en poste devant lesiège de la SNCM, est sans douteun indice de la dégradation de lasituation.

« PRISE EN OTAGE »Les arrêts de travail de ces der-

nières semaines, décidés pour pe-ser sur les délibérations de l’As-semblée de Corse, avaientprovoqué une vive protestation dela coordination des industries tou-ristiques, dont le président, RolandDominici, a dénoncé « la prise enotages des groupes et des parti-culiers ». José Rossi (DL), présidentde l’Assemblée de Corse, a estiméque « le blocage des ports n’avaitpas lieu d’être et qu’il ne ferait quedégrader le climat de paix socialedont la Corse a besoin ». Le pré-sident du conseil exécutif, JeanBaggioni (RPR), a pour sa part jugéque « la Corse mérite un peu plus deréalisme et beaucoup de sagesse ».

Paul Silvani

Record de popularité pour Jacques ChiracLe chef de l’Etat enregistre un record de popularité depuis son

élection à la présidence de la République, selon le dernier sondageréalisé par l’IFOP du 11 au 19 mai auprès d’un échantillon nationalde 1 839 personnes et publié par Le Journal du dimanche (du 21 mai).

Jacques Chirac recueille 64 % d’opinions favorables (en hausse de3 points en un mois) contre 25 % d’opinions négatives (en baisse de3 points). De son côté, Lionel Jospin enregistre 55 % d’opinions favo-rables (en hausse de 2 points en un mois), contre 39 % d’opinions né-gatives. Le premier ministre efface ainsi la légère dépression enre-gistrée au printemps.

La droite met en garde Lionel Jospin contre « la récupération politique » du quinquennat

François Bayrou et Alain Madelin évoquent leur candidature à l’élection présidentielleLa pression exercée par le premier ministre surle président de la République à propos du calen-drier du quinquennat, a suscité de nouvelles

réactions dans l’opposition, qui cherche à don-ner du temps à Jacques Chirac. Philippe Séguinestime que le premier ministre a franchi « la

ligne jaune ». Partisans de l’initiative parlemen-taire, François Bayrou et Alain Madelin reparlentde leur candidature à l’élection présidentielle.

L’OFFENSIVE de Lionel Jospinsur le quinquennat a permis à ladroite de resserrer les rangs ens’indignant de la pression exercéepar le premier ministre sur le chefde l’Etat. Adversaire du quinquen-nat, Charles Pasqua, dont chacunestime qu’il pourrait retrouver unemarge de manœuvre lors d’unecampagne référendaire sur le su-jet, a été le plus virulent. « On n’ajamais vu, dans les institutions de laVe République, le premier ministremenacer un président et le présidentdire : "Attendez, je réfléchis". Il nes’agissait pas de réfléchir, il s’agis-sait de le renvoyer dans les cordes »,a lancé le président du Rassemble-ment pour la France, samedi20 mai, lors d’un colloque à Parissur la « Liberté économique et lasouveraineté des nations en Eu-rope ».

Philippe Séguin a accusé le chefdu gouvernement d’exercer un« chantage » sur Jacques Chirac.« Ce sont de très curieuses façons deprocéder. Alors j’espère que Mon-sieur Jospin, qui a commencé àmordre sérieusement la ligne jaune,saura se remettre dans le droit che-

min », a-t-il indiqué, dimanche àParis.

Avant que Valéry Giscard d’Es-taing ne déclare, dimanche, lors du« Grand Jury RTL-Le Monde-LCI »,qu’il refusait de « s’immiscer »dans la course de vitesse entre Lio-nel Jospin et Jacques Chirac (lirepage 19), quelques avertissementsavaient été adressés par l’UDF,dont le conseil national était orga-nisé samedi à Paris. « Attention à laforme, Monsieur le premier mi-nistre. La récupération politiquen’est pas la voie la mieux adaptéepour obtenir le consensus néces-saire », a ainsi déclaré le président

du groupe UDF de l’Assemblée na-tionale, Philippe Douste-Blazy.« Laissons au président le temps né-cessaire à ses consultations », a de-mandé Jean Arthuis, président dugroupe centriste du Sénat. « Lais-sez le président de la Républiquetrancher, il n’y a pas le feu au lac »,a lancé le président délégué del’UDF, Hervé de Charette.

PAS SANS RISQUELe président de l’UDF, François

Bayrou, a, pour sa part, mis engarde les deux chefs de l’exécutif.« Le quinquennat, ce n’est pas l’in-térêt de Jospin contre Chirac ou l’in-

térêt de Chirac contre Jospin. Si telétait le cas, le peuple ne s’y trompe-rait pas et ce serait un échec », a-t-il souligné. A la différence deM. Douste-Blazy, qui souhaite dé-sormais voir M. Chirac reprendrela main en organisant un référen-dum sur le projet Pompidou déjàvoté en 1973 , M. Bayrou plaidepour une poursuite de l’initiativeparlementaire prise par « VGE ».Le député européen, qui mise de-puis longtemps sur un effritementdu tandem Chirac-Jospin, confiait,samedi, que le débat sur le quin-quennat, « dans sa phase parle-mentaire comme dans sa phase ré-férendaire », n’était pas sansrisque pour les deux hommes.

Le président de Démocratie libé-rale, Alain Madelin, qui n’a pas, luinon plus, renoncé à toute ambi-tion présidentielle, a dit « oui,mais » au quinquennat, en met-tant en garde, dimanche, contre lerisque de « fausse présidentialisa-tion » du régime. « Les Françaisn’en voudront pas et attention aurésultat », a-t-il prévenu.

Jean-Baptiste de Montvalon

M. de Villiers et M. Pasquane parviennent pas à masquer

la déchirure du RPFLe député de Vendée réitère ses accusations

CHARLES PASQUA et Philippede Villiers se sont efforcés, le tempsd’un colloque, samedi 20 mai, defaire oublier la crise qui couvait de-puis des semaines et qui ébranle leRassemblement pour la France(RPF) depuis quelques jours. Lethème de ce colloque que devaientconclure le président et le vice-pré-sident du mouvement souverai-niste s’y prêtait : la défense de « lasouveraineté des Nations » reste, eneffet, le seul ciment de l’alliancepassée entre les deux hommes il y aun peu plus d’un an et qui leuravait permis de recueillir plus de13 % des suffrages aux élections eu-ropéennes de juin 1999.

Mais les sourires crispés et lespoignées de main de circonstancen’ont guère masqué la fracture quidéchire désormais le RPF. Arrivé lepremier, et seul, Philippe de Villiersa, une nouvelle fois, dénoncé le« coup de force » engagé, à sesyeux, par le président du mouve-ment depuis une semaine. En en-voyant aux responsables départe-mentaux de son parti le textelançant un référendum interne sursa candidature à l’élection prési-dentielle et un projet de modifica-tion des statuts qui lui donne lapossibilité de prendre « toutes lesdécisions qui lui paraissent néces-saires à l’organisation et à la bonnemarche du RPF » (Le Monde du17 mai), M. Pasqua s’est livré, selonles propos de son vice-président,samedi, à une « manipulation desstatuts » qu’il continue à fustiger.« Ceux qui ont conseillé à CharlesPasqua de faire ce référendum » etde se donner les « pleins pouvoirs »l’ont « mal conseillé », a-t-il décla-ré, avant d’ajouter : « Je ne pensepas que ce référendum aille jusqu’aubout. »

Réservant, samedi, sa verve etses attaques au quinquennat, auxmenaces du premier ministrecontre le chef de l’Etat et aumanque de pugnacité de ce dernier(lire ci-contre), M. Pasqua n’a pasrelancé sur le champ la polémiqueavec le vice-président de son parti.Il est vrai que, dès samedi matin,

dans un entretien au Parisien, iln’avait pas mâché ses mots, de-mandant à Philippe de Villiers de« reprendre le contrôle de lui-même », assurant que « les limitessont franchies » par les villiéristes etavertissant sèchement « ceux quiont été élus sur [sa] liste aux euro-péennes » que, « s’ils ne sont pasd’accord, [ils] ont toujours la possibi-lité de se retirer ». « Dans ce cas, ilsdoivent me remettre la démission dumandat qu’ils détiennent », ajoute-t-il.

M. ABITBOL VISÉIl est, à nouveau, revenu à la

charge, dimanche. Dans uncommuniqué adressé à l’AFP,M. Pasqua affirme que « seuls leprésident et le secrétaire général sonthabilités à parler au nom du Ras-semblement ». Il ajoute que « leposte de porte-parole » du RPF, quiétait jusqu’alors tenu par l’un deses lieutenants, le député européenWilliam Abitbol, « n’a pas été main-tenu dans l’organisation nouvelle »du RPF. « S’agissant des électionsmunicipales à Paris, ajoute M. Pas-qua, le RPF, fidèle à la ligne qu’ils’est assignée, présentera le momentvenu ses propres candidats ».« Toute autre position ne saurait êtreque personnelle et n’engagerait enaucun cas le Rassemblement »,conclut-il.

Sans y faire référence directe-ment, le président du RPF vise lesdéclarations de M. Abitbol, di-manche, dans Le Parisien. L’ancienporte-parole du mouvement y dé-clare notamment que l’ancien pré-sident du RPR « Philippe Séguin estfait pour être maire de Paris commemoi petit rat de l’Opéra ». Il ajouteque « le RPF doit se concentrer au-tour de Pasqua sur l’essentiel : l’Eu-rope et les institutions. Les combatssubsidiaires sont inutiles », dit-il. Sa-medi après-midi, M. Abitbol a tou-tefois jugé nécessaire de faire unemise au point : « Il faut en terminerau plus vite avec les histoires inter-nes. La présidentielle est notre objec-tif. Il faut se ranger derrière CharlesPasqua », assure-t-il.

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8 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 F R A N C E

S’exprimant, dimanche 21 mai sur France 2, leministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement acommenté ainsi le projet d’Europe fédérale pré-senté, le 12 mai à Berlin par Joschka Fischer, mi-nistre allemand des affaires étrangères :

« Nous sommes en présence d’une tendancede l’Allemagne à imaginer pour l’Europe une

structure fédérale qui cor-respond à son modèle. Aufond, elle rêve toujours duSaint Empire romain germa-nique. Elle ne s’est pas en-core guérie du déraillementqu’a été le nazisme dans sonhistoire. L’Allemagne a uneconception de la nation qui

est celle du Volk, c’est-à-dire une conceptionethnique. Il faudrait l’aider à se forger uneautre idée de la nation, l’idée de la nation-ci-toyenne, pour un meilleur dialogue avec laFrance. »

Le même jour, lors d’un colloque organisé parle Mouvement des citoyens, dont il est le pré-sident, sur le thème « Mondialisation libérale, Eu-rope, Etats-nations », M. Chevènement a précisésa pensée sur le projet de M. Fischer :

« Ce n’est pas un projet de civilisation. (...)On ne substitue pas au mur de la honte, le murde l’argent, celui de l’euro. »

Reparlant du Saint Empire romain germa-nique, il l’a qualifié de « rêve maladif de l’Alle-magne qui ne peut s’affranchir du concept de

Volk (...). Ce n’est certes pas le discours domi-nant, mais on voit bien que ce qui s’affronte,c’est l’identité républicaine contre la concep-tion ethnique. (...) L’Allemagne n’a pas puprendre encore toute la mesure du déraillementde l’histoire qu’a été l’Allemagne nazie. Elledoit se dégager aussi bien de la conception eth-nique du Volk que de la vision post-nationale del’histoire. Sans cette guérison et l’inventiond’une Nation allemande, nous ne pourrons fon-der une Europe saine et durable. »

En conclusion, M. Chevènement a déclaré : « Il y a une cure de désintoxication euro-

péiste à mener, c’est à cette réflexion que jevous convie, que notre voix s’élève et qu’ellesoit entendue. »

« L’Allemagne ne s’est pas encore guérie du nazisme »

DEPUIS quelque temps, Jean-Pierre Chevènement pratique lapolitique comme un fonction-naire. Le jour, un strict devoir defidélité au premier ministre ; lesoir, ou les week-ends, le ministrede l’intérieur revêt son costume deprésident du Mouvement des ci-toyens (MDC), à tout le moins de« M. République », et s’en va, àParis ou ailleurs, rejoindre quel-ques amis, cultiver ses réseaux,faire un brin de politique étran-gère. Et laisser, derrière lui, quel-ques petits cailloux blancs.

Régis Debray organise-t-il unepetite fête, le 19 avril, pour fêter lasortie de son livre L’Emprise (édi-tions Gallimard) avec tous ceuxqui l’avaient soutenu lors de son« point de vue » dans Le Monde du13 mai 1999, « Lettre d’un voya-geur au président de la Répu-blique », à son retour du Kosovo ?M. Chevènement s’y rend bien vo-lontiers, y retrouve Claude Cheys-son et un bel aréopage de « répu-blicains de l’autre rive ».

LES FAVEURS DE M. JOSPINA plusieurs reprises, il se rend

chez ses amis Citoyens de Che-nôve, pour installer son « fils spiri-tuel », l’ancien délégué intermini-nistériel au codéveloppement,Sami Naïr, en candidat aux élec-tions législatives de 2002. « C’estun véritable homme d’Etat. Il estl’un des intellectuels les plus bril-lants de sa génération et, aussi, l’undes grands espoirs politiques denotre pays pour les temps quiviennent », a-t-il encore expliquéle 19 mai. « Il est pratiquementbourguignon, puisqu’il est né dansle Doubs », a-t-il ajouté pour justi-fier ce parachutage en Côte-d’Ordirectement « réglé avec FrançoisHollande ».

Lionel Jospin refuse rarementses faveurs à M. Chevènement.Chacun sait en effet que l’amitiéentre le premier ministre et sonministre de l’intérieur, qui ont pas-sé leurs vacances de Noël dans lemême hôtel, en Egypte, est indé-fectible. C’est en privé que, à Ma-tignon, on a fait comprendre auprésident du Mouvement des ci-toyens qu’après le refus de six dé-putés MDC de voter le projet deloi sur les nouvelles régulationséconomiques, le 2 mai, il ne peut

pas y avoir de « deuxième fois ».Et, lors d’une réunion de mi-nistres, M. Chevènement n’est pasinterrompu par M. Jospin lorsque,sous l’œil d’un Laurent Fabius vi-siblement ébahi, il rappelle sescraintes de voir adopter, sous laprésidence française de l’Unioneuropéenne, une charte des droitsfondamentaux aux effets tropcontraignants pour les Etats etressemblant un peu trop à uneébauche de Constitution euro-péenne.

Avant la présidence française,qui compte beaucoup pour lui,M. Chevènement « réfléchit ». « Jetrouve que le PS s’est élargi », a-t-ilconfié aussi à propos du remanie-ment ministériel, le 27 mars, ne ca-chant pas qu’il y voit une interpré-tation un peu nouvelle de la« gauche plurielle ». Le ministrede l’intérieur observe aussi, avecbeaucoup d’intérêt, la crise duRassemblement pour la France(RPF) : ces amis de Charles Pas-qua, déboussolés par le marquageà droite de Philippe de Villiers,sont un réservoir en puissance,qu’il serait dommage de laissers’évaporer dans la nature.

CONTRE LES « EUROPÉISTES » Dimanche 21 mai, sur France 2,

M. Chevènement a rappelé sa dé-testation de tout projet d’Europefédérale, « qui tient au cœur desVerts, mais aussi de certains socia-listes », et cité le général de Gaulle.Il a prévenu ses amis que si M. Jos-pin se laisse entraîner par des« européistes » comme le nouveauministre des finances, M. Fabius, ilne se taira pas. Songe-t-il, commele laissent penser depuis peu sesamis, à un ultime témoignage,bruyant, au grand jour ? Plusieurs,au sein du MDC, déclarent main-tenant que ce parti ne doit pas êtreabsent du premier tour de l’élec-tion présidentielle de 2002.

Ils promettent que, le caséchéant, il ne s’agira pas d’unenouvelle campagne virtuelle,comme celle qu’avait brièvementmenée M. Naïr, au début de 1999,à la tête d’une éphémère liste de la« gauche républicaine » aux élec-tions européennes, avant de re-joindre celle du PS.

Ariane Chemin

Le ministre de l’intérieur affirmede plus en plus sa liberté de parole

« PROFONDÉMENT désolé »,Jean-Pierre Chevènement, a battusa coulpe, lundi 22 mai, sur Eu-rope 1, pour ses déclarations surl’Allemagne, « pas encore guérie dudéraillement nazi ». Ces proposavaient été tenus par lui, dimanche,d’abord sur France 2, puis dans uncolloque sur l’Europe organisé parle Mouvement des citoyens (MDC)

(lire ci-dessous), en commentaire duprojet d’Europe fédérale developpépar le ministre allemand des af-faires étrangères, Joschka Fischer, le12 mai. Lundi matin, M. Chevène-ment arguait d’une « expressioncontractée, comme c’est souvent lecas à la télévision », et déplorait« l’exploitation assez odieuse » de cequ’il avait dit.

Revenant sur le « déraillement del’histoire » qu’a été le nazisme,M. Chevènement nous a préciséqu’il s’agit « bien entendu d’un ac-cident, qui n’est pas dans la logiquedu développement de l’histoire alle-mande ». « Je suis franchement déso-lé de ce qui se passe », a-t-il ajouté.« Je considère que l’amitié franco-al-lemande est fondamentale, mais,

pour qu’elle soit saine, il faut qu’elleretrouve son équilibre », conclutM. Chevènement. Le ministre nousa précisé qu’il n’en avait pas parléavec Lionel Jospin, mais qu’il avaitconfirmé à François Hollande l’in-terprétation que ce dernier avaitfaite de ses propos. Dimanche, surTF 1, le premier secrétaire du PSavait déclaré que les paroles du mi-

nistre relevaient d’une « analyse »,et non d’une maladresse.

La réaction la plus virulente estvenue de Valéry Giscard d’Estaing.Invité dimanche du « Grand JuryRTL-Le Monde-LCI » (lire page 19),l’ancien président de la Républiques’est dit « scandalisé » par les pro-pos « inacceptables » de M. Chevè-nement. « Le fait d’accuser les diri-geants allemands de retrouver plusou moins une inspiration et uneculture nazies, c’est insupportable »,a-t-il déclaré, avant de demanderaux dirigeants français de« condamner » ces propos. M. Che-vènement s’est aussitôt déclaré« indigné » de la façon dont l’ancienprésident avait rapporté et interpré-té ses déclarations.

Sur France 3, dimanche soir,Charles Pasqua a désapprouvé lespropos du ministre de l’intérieur.« Il ne faut pas employer un certainnombre de citations comme le na-zisme », a averti le président duRPF. « Je suis suffisamment attaché àla qualité des relations entre laFrance et l’Allemagne pour peser soi-gneusement les termes », a-t-il ajou-té. Daniel Cohn-Bendit, député eu-ropéen (Verts), estime pour sa partque le premier ministre et le pré-sident de la République doiventprendre position dans cette affaire :« Ou Lionel Jospin dit : “Mon ministrede l’intérieur déraille”, ce qui me pa-raît être le cas ; ou il ne le fait pas, etc’est le gouvernement français quidéraille. » M. Cohn-Bendit juge éga-lement que « le débat européen n’estpas réglé dans la majorité » et espère« qu’une vraie clarification auralieu ».

A Berlin, l’entourage de Gerhardt

Schröder a tendance à considèrerque les propos de M. Chevènementrelèvent surtout d’un débat inté-rieur français, tout en soulignantque le sommet franco-allemand deRambouillet a été « très construc-tif ». Le ministère allemand des af-faires étrangères se refusait, lundimatin, au moindre commentaire.S’entretenant avec des journalistesallemands, M. Fischer n’auraitmême pas abordé le sujet. Seul lequotidien conservateur Die Welt es-timait qu’il s’agissait « de la seulefausse note du week-end entre lesvoisins » français et allemands.L’édition en ligne de l’hebdoma-daire Der Spiegel juge qu’après lesommet de Rambouillet, c’est « uncoup de théâtre difficile à ne pas en-tendre, qui suscite des vagues enFrance ».

Les propos de M. Chevènementet le débat qu’ils provoquent inter-viennent à un moment où, à Paris,on souligne la grande convergencede vues franco-allemande sur la né-cessité de parvenir, d’ici à la fin de laprésidence française de l’Union, àde vrais progrès pour la doter deprocédures de décision plus effi-caces et de mécanismes permettantà ceux qui le veulent d’aller del’avant dans l’intégration, par lebiais des coopérations renforcées. Iln’est pas question d’accepter, ausommet de Nice, en décembre unesolution minimale. Pour Paris etBerlin, il est désormais clair qu’onne pourra pas progresser dansl’élargissement si on ne franchit pascette étape.

Services International et France

Des propos de M. Chevènement sur l’Allemagne provoquent une polémiqueCritiquant le discours de Joschka Fischer en faveur d’une Europe fédérale, le ministre de l’intérieur l’a mis au compte des séquelles du traumatisme

provoqué chez les Allemands par le « déraillement nazi ». Valéry Giscard d’Estaing s’est dit « scandalisé » par ces déclarationsLes propos du ministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement, déclarant, dimanche21 mai, sur France 2, que l’Allemagne ne s’est« pas encore guérie du déraillement nazi »,ont provoqué une vive polémique. Réagis-

sant le premier, Valéry Giscard d’Estaing s’estdit « scandalisé » par les déclarations « inac-ceptables » de M. Chevènement. Des cri-tiques sont également venues de CharlesPasqua, et du député européen Daniel Cohn-

Bendit. M. Chevènement s’est dit à son tour« indigné » par « l’exploitation » de ses pro-pos, qu’il a estimés « contractés » à l’excès.Lundi matin, il se disait « franchement déso-lé » de ce qui se passait et expliquait que sa

critique du projet d’Europe fédérale exposépar le ministre allemand des affaires étran-gères, Joschka Fischer (Verts), avait donnélieu à un malentendu. En Allemagne, les pro-pos du ministre de l’intérieur n’ont pas susci-

té de grand émoi. L’entourage du chancelierGerhardt Schröder y voit une péripétie dudébat intérieur français sur l’Europe. Cer-tains militants du MDC évoquent l’hypo-thèse d’une stratégie autonome en 2002.

LeMonde Job: WMQ2305--0009-0 WAS LMQ2305-9 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:46 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0579 Lcp: 700 CMYK

F R A N C E LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 9

Le réquisitoire de Dominique Voynet contre la « méthode Jospin »

La ministre de l’environnement s’en prend à certains de ses collègues du gouvernement A l’occasion d’une rencontre avec les militantsVerts de Franche-Comté, dimanche 21 mai, la mi-nistre de l’environnement a déploré l’échec de la

« majorité plurielle » et « la logique de sous-traitance sociologique et thématique » de LionelJospin. Elle a dénoncé l’attitude de son collègue

ministre de l’agriculture, Jean Glavany, avec le-quel « il n’y a pas un seul dossier où ça aillebien ».

BESANÇON de notre correspondant

La ministre de l’environnement ahaussé le ton, dimanche 21 mai,devant plus de cent militants Vertsde Franche-Comté, réunis pourleurs traditionnelles « journées deprintemps » à Toillon-et-Loutelet(Doubs). Car si elle estime quel’union à gauche reste « globale-ment positive », « aucun effort n’aété consenti par les gros partis pourconstruire vraiment la “majoritéplurielle” », a-t-elle déploré, ac-cusant « chacun dans ses compo-santes, les Verts exceptés, d’avoir faitvaloir ses intérêts ».

Avec un PS « au centre du jeu, etmême politiquement au centre, quiconcède tour à tour des décisions »à ses différents alliés, « on navigueà vue » a jugé Dominique Voynetpour qui, « trois ans plus tard, noussommes loin de la mise en œuvrecollective d’une stratégie collec-tive ». D’autant que les choix prin-cipaux « se font dans des réunionsde ministres où les socialistes sonttrès majoritaires et les mardis ma-tins, lors des petits-déjeuners avecles éléphants du PS ».

« La politique du gouvernement,ainsi que le programme parlemen-taire des années à venir, ont été an-noncés par le premier ministre aucours de l’université d’été du PS à LaRochelle », observe Mme Voynet, enregrettant que « la méthode Jospinprocède d’une logique de sous-trai-tance sociologique et thématique ».Le PS « s’adresse aux classesmoyennes et supérieures [et] il laisseau PCF les classes populaires, et, auxVerts, les discours vers les exclus », aexpliqué la ministre.

UTILISÉS À CONTRE-EMPLOISelon elle, le fait que Jean-

Claude Gayssot ait hérité du sec-teur des transports, ne relève pasd’une « compétence particulière »de sa part, mais de la capacité du« PCF, via la CGT, d’assurer la paixsociale à la SNCF, à la RATP et avecles camionneurs ». Lionel Jospinn’hésite d’ailleurs pas à utiliser sespartenaires à « contre-emploi », a-t-elle ajouté. Ainsi, « il est habile deme confier la loi sur les déchets nu-cléaires, comme il l’est de demanderà Jean-Claude Gayssot d’annoncerla baisse des intérêts du Livret A aux

classes populaires qui ont un LivretA. C’est très pensé ».

Au gouvernement, pour la mi-nistre de l’environnement, « leschoses se passent mal, avec le minis-tère des transports où la directiondes routes a une puissance phéno-ménale, malgré la bonne volonté deJean-Claude Gayssot...qui s’est unpeu relâché à l’approche des élec-tions ». Et avec le ministère de l’in-dustrie, sur le nucléaire et la taxesur l’énergie. A propos du minis-tère de l’agriculture : « Il n’y a pasun seul dossier où ça aille bien », adéploré Mme Voynet. « Il n’y a pasun jour où je ne regrette Louis LePensec, qui était un type courageux,innovant, qui tenait tête aux agri-culteurs de sa région. » Jean Glava-ny, dont la ministre « met de côtéses idées très classiques sur lachasse », adapte, selon elle, sespropos au gré de ses rencontres deterrain et il pratique « la coges-tion » avec les syndicats majori-taires ; « Jour après jour, c’est lacatastrophe ! », a-t-elle affirmé.« C’est la tradition mitterrandiennedes grands copinages et des petitsarrangements. » Le colza aux

OGM, « Je pense que ce n’est pasaccidentel », a dit Mme Voynet. « Onteste notre capacité de résistance ».

Critiquant tous les élus qui, « telsPhilippe de Villiers, mais aussi Jean-Marc Ayrault et François Hollande[sont] favorables à l’enfouissementdes déchets nucléaires quand ilsvotent à Paris mais qui n’en veulentpas chez eux [et qui lui] écrivent deslettres pour le dire », la ministre asouhaité qu’on ne s’étonne pas siles Verts « mouillés et ridiculisés »vont « au combat » chercher dansles urnes ce qui leur est « refusé »dans les négociations.

« AVERTISSEMENT SANS FRAIS »Comme ils l’ont fait en Ariège où

leur candidate s’est maintenue ausecond tour d’un scrutin cantonalpartiel, alors que celui du PS arri-vait en tête à gauche. « C’est unavertissement sans frais », a-t-elleconclu, en précisant toutefois qu’ilne s’agissait pas, pour les écolo-gistes, « de mettre en œuvre une ca-pacité de nuire [mais] d’envoyer dessignaux ».

Jean-Pierre Tenoux

Les Verts s’organisenten courants avant leur congrès

« DYNAMIQUE verte, unegauche d’avance » : c’est le nomqu’ont choisi les militants Verts dela Gauche écologiste, tendance deNoël Mamère, et de Dyn@miques,courant de Guy Hascoët, pour en-tériner leur fusion, dimanche21 mai, lors d’un « week-end de ré-flexion » à Etampes, dans l’Essonne(Le Monde daté 21-22 mai). S’yjoignent également une quinzainede militants de l’aile gauche du par-ti, Autrement les Verts (ALV), der-rière Francine Bavay, vice-prési-dente de la région Ile-de-France, etAndrée Buchmann, ancienne vice-présidente du conseil régional d’Al-sace.

TEXTE UNIQUE Une autre recrue de poids s’an-

nonce : Marie-Christine Blandin,ancienne présidente du conseil ré-gional Nord - Pas-de-Calais. « C’estvrai que je suis libre. Ça me démangede redescendre à Paris. Comme je nesuis plus que conseillère régionale debase, je ne serai pas dans le cumuldes pouvoirs », a confié au MondeMme Blandin. « Dominique Voynet nepeut pas jouer éternellement le rôlede porte-parole des Verts et de mi-nistre du gouvernement, cela fragilisele mouvement », a-t-elle ajouté.

Dans un texte publié dimanchesoir, Dynamique verte déclare queles trois composantes « ont décidéde mettre en commun leurs moyenspour présenter un texte unique pour

l’assemblée fédérale [le congrès] denovembre. Ce texte doit permettre aupremier tour d’engager un véritabledébat, afin de créer les conditionsd’un large rassemblement au secondtour ». Un collectif d’animationcommun de quinze personnes estmis en place de même qu’un jour-nal et un réseau de correspondantsrégionaux. « Confrontés au bilan dela gauche plurielle, les Verts doiventrenforcer leur autonomie. (...) Notreappartenance à un gouvernement de“gauche plurielle” devra demainfaire l’objet d’une nouvelle contrac-tualisation, intégrant mieux nos pro-positions (...) et renforçant notre re-présentativité dans l’ensemble desinstitutions », poursuit ce texte. Dy-namique verte se fixe égalementpour objectif de « mieux porter surle terrain politique » les aspirationsdes mouvements sociaux.

De son côté, la tendance Ouvertsde Dominique Voynet travaille aucongrès de novembre, sous l’égidede Jacques Archimbaud, conseillerau cabinet de la ministre. Notes desynthèse et propositions se suc-cèdent, comme celle d’une vasteconsultation du corps électoral àl’occasion des municipales, tandisque Denis Baupin, porte-parole, apris en main la révision des statuts.Ouverts » doit se réunir pour sonpropre week-end de réflexion aumois de juin.

Béatrice Gurrey

M. Delanoë consulte ses alliésde la gauche parisienne

LE CANDIDAT socialiste à laMairie de Paris, Bertrand Delanoë,poursuit son patient travail d’ap-proche des partis de la « gaucheplurielle ». Il doit rencontrer, mer-credi 24 mai, à l’Hôtel de Ville deParis, le député européen DanielCohn-Bendit (Verts). « Il semble quel’on ait, l’un comme l’autre, l’idée quece serait bien de se parler et même depenser Paris, d’une certaine manière,ensemble », a déclaré, dimanche, surRadio-J, M. Delanoë. Cette ren-contre, inédite, intervient au mo-ment où les liens se resserrent entrele député européen et les Verts pari-siens, leur chef de file, Yves Contas-sot comptant bien mettre sans tar-der M. Cohn-Bendit à contributiondans sa campagne, comme ce der-nier le lui avait promis.

Le candidat socialiste à la Mairiede Paris a réaffirmé, dimanche, qu’ilest favorable à la constitution delistes d’union avec les Verts au pre-mier tour des municipales. Dans cecas, a t-il, même, précisé, les Verts« conduiraient ces listes dans certainsarrondissements ». Pour l’instant, lesVerts parisiens ne sont pas du tout

sur cette ligne. Ils envisagent, certes,des échanges de vue avec les socia-listes – sur les programmes desdeux formations –, mais ilscomptent bien, en même temps, lesprendre de vitesse en diffusant, dèsla fin du mois de mai, les grandslignes de leur projet pour la capi-tale.

M. Delanoë n’oublie pas, nonplus, les communistes. Mais s’ilouvre grand sa porte aux Verts, sonattitude est plus fermée à l’égarddes communistes. Dans un entre-tien donné à L’Humanité du 22 mai,le sénateur parisien reste flou sur lamise en œuvre de l’accord PCF-PS,signé le 20 mars, qui stipule qu’encas de victoire de la gauche à Parisaux municipales de mars 2001, unemairie d’arrondissement reviendraaux communistes. « Je n’ignore pascet accord, déclare M. Delanoë.Mais à Paris, le ciment de notre al-liance doit d’abord découler du fond(...). Nous ne devons pas réduire noséchanges à tel ou tel arrondisse-ment. »

Christine Garin

Deux élections cantonales partielles HAUT-RHINCanton d’Illzach (second tour).I., 22 734 ; V., 7 871 ; A., 65,38 % ; E., 6 955.Bernard Notter, UDF, adj. m. de Sausheim, 3 886 (55,87 %)... ÉLUJean-Marie Gérardin, RPR, adj. m. d’Illzach, 3 069 (44,13 %).

[Bernard Notter (UDF) emporte le duel qui l’opposait à Jean-Marie Gérardin (RPR). Ilsuccède à Jean-Jacques Weber, ancien président du conseil général du Haut-Rhin, au-jourd’hui démis de tous ses mandats après sa condamnation à un an de prison avec sursis,100 000 francs d’amende et deux ans d’inéligibilité pour avoir fait supporter au conseil gé-néral des dépenses injustifiées.

14 mai 2000 : I, 22 734 ; V., 9 202 ; A., 59,52 % ; E., 8 189 ; Bernard Notter, UDF, adj. m. deSausheim, 2 602 (31,77 %) ; Jean-Marie Gérardin, RPR, adj. m. d’Illzach, 1 888 (23,06 %) ;Marie-Antoinette Ferré, PS, 1 368 (16,71 %) ; Roland Jener, FN, 758 (9,26 %) ; Jean Vonfelt,div. d., 670 (8,18 %) ; Roland Thévenot, MNR, 511 (6,24 %) ; Djamila Sonzogni, Verts, 392(4,79 %). ]SAÔNE-ET-LOIRECanton de Palinges (second tour).I., 3 152 ; V., 2 067 ; A., 34,42 % ; E., 1 987.Paul Pluchaud, div. d., m. de Saint-Vincent-Bragny, 1135 (57,12 %)... ÉLUPaul Lorton, PS, m. de Palinges, 852 (42,88 %).

[Paul Pluchaud, (div. d), successeur désigné de Paul Nigay (RPR), décédé le 7 mars, l’aemporté au second tour devant le socialiste Paul Lorton, dans ce canton qui vote tradi-tionnellement à droite.

14 mai 2000 : I, 3 152 ; V., 1 943 ; A., 38,36 % ; E., 1 918 ; Paul Pluchaud, div. d., m. de Saint-Vincent-Bragny, 931 (48,54 %) ; Paul Lorton, PS, m. de Palinges, 602 (31,39 %) ; Daniel Pi-chon, div. g., 314 (16,37 %) ; Christian Launay, FN, 71 (3,70 %). ]

DÉPÊCHESa CHASSE : l’ancien directeur de la fédération des chasseurs duGard, Daniel Tarterêt, a reconnu, dans un entretien au Journal du Di-manche du 21 mai, que cette fédération, qui vit de fonds publics, a finan-cé le mouvement CPNT. « Lors des régionales de 1998, les personnels, leslocaux, (...) ont été utilisés en permanence pour CPNT, sous le contrôle duprésident et de certains administrateurs », explique M. Tarterêt, qui étaitdeuxième de la liste CPNT en 1998. « Des véhicules de la fédération ontservi à livrer des tracts et des affiches que des salariés sont allés coller (...)pendant leurs heures de travail », ajoute-t-il.a PCF : 150 opposants, dont le député du Nord Georges Hage, ontélu, samedi 20 mars, « un collectif national unitaire des communistes » re-groupant divers courants hostiles à la « mutation-liquidation » du parti.Outre M. Hage, figurent, entre autres, Georges Gastaud (Coordinationdes militants communistes du PCF), Jean-Claude Danglot (Pas-de-Ca-lais), Jean-Jacques Karman (Gauche communiste), l’écrivain Henri Alleg,le journaliste Pierre Lévy.

LeMonde Job: WMQ2305--0010-0 WAS LMQ2305-10 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:57 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0580 Lcp: 700 CMYK

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S O C I É T ÉLE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

Quand McDonald’s recrute ses futurs managers au collège

REPORTAGELa cantine du collègetransformée, le tempsd’une rencontre,en annexe de l’ANPE

AGDE (Hérault)de notre envoyée spéciale

La cantine du collège Paul-Emile-Victor d’Agde (Hérault)transformée en annexe de

l’ANPE ! La présence des emplois-jeunes dans l’éducation nationalen’en finit pas de bouleverser leshabitudes. En pleines vacancesscolaires de printemps, le rectoratde Montpellier n’a pas craint d’or-ganiser une rencontre entre desresponsables de l’entrepriseMcDonald’s et des aides-éduca-teurs, fermement invités depuisquelques mois à quitter l’éduca-tion nationale. Une quinzaine

d’entre eux, des jeunes filles pourla plupart, sont au rendez-vouspour débattre avec la responsablerégionale des ressources humainesde McDonald’s. Une opportunitédont les demandeurs d’emploi or-dinaires ne bénéficient en généralqu’après un parcours du combat-tant.

Vive et déterminée, Christelle,vingt-six ans, a bien compris l’in-térêt qu’elle pouvait tirer du dis-positif d’aide à l’insertion mis enplace par le rectorat. « J’ai postuléà un poste d’aide-éducatrice pourprofiter du projet formation qui al-lait avec le contrat », reconnaît-elle. Son BTS action commercialeen poche, elle aide les élèves endifficulté d’un collège de Lodèvedepuis quatre mois. Le travail luiplaît, mais son ambition est ail-leurs : « J’aimerais être assistantede direction ou animer une équipede vente ; et, surtout, pouvoirévoluer vers des postes à responsa-

bilité. » Pile ce que propose McDo– sur le papier tout au moins. Lesresponsables de la cellule emplois-jeunes du rectorat ont en effet prisla précaution de se faire préciserles profils de postes proposés parl’entreprise avant de donner le feuvert à la rencontre. « Nos aides-éducateurs ont un bac ou unbac + 2, il n’était pas question qu’ilsviennent postuler pour des emploisd’équipiers (nom donné aux ser-veurs et préparateurs de hambur-gers, NDLR) », assure Nicole Bel-lard, du rectorat.

Mallette jaune frappée d’un«M » bien en vue, rétroprojecteurbranché, la réunion commence.Après leur avoir livré une ava-lanche de chiffres démontrant labonne santé de l’entreprise, décritl’esprit MacDo, souligné l’impor-tance des « normes » et du « prin-cipe QSP » pour le triptyque« qualité, service, propreté », laresponsable des ressources hu-

maines aborde la présentation despostes d’assistant de direction,« manager » dans le langage-mai-son, d’assistant administratif etcelui, plus énigmatique, d’hôtesseprincipale. Cette dernière est char-gée d’organiser les goûters d’anni-versaire, la mise en scène d’Hallo-ween ou de lier des partenariatsavec l’extérieur. La tâche ainsi dé-crite ne trouvera guère preneur.

« QUE DES CDI »La plupart des aides-éducatrices

lorgnent plutôt les postes demanager, chargé d’encadrer leséquipiers. Et cela tombe assezbien : quinze postes sont à pour-voir rapidement dans la régionLanguedoc-Roussillon. Salaire :9 000 francs bruts. « Que des CDI,précise Michèle Gilabert, la res-ponsable des ressources hu-maines. Contrairement à ce qu’onentend parfois il n’y a pas de CDDchez McDo. » Les temps partiels y

sont en revanche assez répandus.L’assurance répétée que « chezMcDo, tout est possible en termesd’évolution » séduit Christelle, quise voit bien passer rapidementd’assistante de direction à direc-trice de restaurant. Elle laisserason CV à l’issue de la rencontre.

La réunion se révèle moinsconcluante pour Sandrine. « Jesuis venue par curiosité. Je cherchepar ailleurs un boulot par l’ANPE etles petites annonces ; je saisqu’aide-éducatrice, c’est juste untremplin. » Recrutée à l’éducationnationale en janvier 1999, San-drine a près de quatre ans devantelle pour trouver sa voie. Elle as-sistera aux autres rencontres orga-nisées par le rectorat.

Isabelle, de son côté, hésite. Elleaime ce qu’elle fait dans l’école quil’emploie depuis plus d’un an.« Même si c’est la perspective duCDI qui m’a fait venir à cette réu-nion, je ne lâcherai pas pour n’im-

porte quel travail. » A vingt-six ans,elle essaye d’obtenir une licenced’espagnol pour pouvoir passer leconcours de professeur desécoles ; elle tentera aussi en octo-bre celui d’aide-soignante.

A l’issue de cette première ren-contre avec les aides-éducateurs,Michèle Gilabert est plutôt satis-faite. Elle repart avec huit CV, as-sure que quatre au moins l’ont ac-crochée. « Ces jeunes ont uneexpérience professionnelle, un sensde l’écoute et de l’accueil qui cor-respondent à nos besoins, d’autantqu’en ce moment le marché desbac, bac + 2 est tendu. » Toutes lesjeunes filles intéressées serontmises en contact avec les direc-teurs des restaurants qui re-crutent. Pour la représentante deMcDo, « si trois embauches seconcrétisent, la réunion aura étérentable ».

S. L. B.

Les aides-éducateurs, entre enthousiasme, routine et désarroiL’OFFRE D’EMPLOI est arrivée en dé-

cembre 1999 sur le fax du lycée, en prove-nance du rectorat. En découvrant que l’en-treprise de travail temporaire Adiarecherchait une assistante d’agence et uneconseillère en recrutement, Séverine n’a pashésité une seconde. Lettre de motivation,curriculum vitae... L’aide-éducatrice était,dès janvier, sélectionnée pour un entretien.Depuis le 14 février, elle a intégré l’agenced’intérim d’Evreux (Eure) au poste deconseillère en recrutement. « C’est ce que jevoulais faire », sourit cette femme de vingt-quatre ans. Titulaire d’un BTS d’assistantede direction, elle s’était retrouvée au chô-mage à l’automne 1998. « Postuler à un em-ploi-jeune me permettait de poursuivre ma re-cherche d’emploi tout en ayant un revenu »,explique-t-elle. Pour Séverine, « aide-éduca-trice n’était pas une fin en soi, mais un trem-plin ». D’autant qu’elle n’a été qu’une« pionne améliorée. Je faisais beaucoupd’heures de surveillance et aidais les lycéens àtrouver des stages ». Parallèlement, l’aide-

éducatrice a répondu à une dizaine d’offresd’emploi par semaine, jusqu’à l’arrivée de cefax inespéré.

« La patience a payé », confirme Zeliha,vingt-sept ans, elle aussi conseillère en re-crutement chez Adia, à Rouen, après avoirété pendant un an et demi aide-éducatricedans un lycée. « Mon emploi-jeune m’a per-mis de faire le point », explique-t-elle. Samaîtrise d’administration économique et so-ciale (AES) en poche, Zeliha décide de faireune pause d’un an pour élever son enfant. Al’automne 1998, « ne sachant pas trop quefaire », elle décroche un emploi-jeune etprojette de tenter le concours de professeurdes écoles. Lorsque, en décembre 1999, ellereçoit une offre d’emploi d’Adia, elle répondimmédiatement. Banco. « Je n’aurais jamaisimaginé cela. Sans mon poste d’aide-éduca-trice, je n’en serais pas là », assure la jeunefemme.

Tous les aides-éducateurs n’ont pas lachance de Séverine et Zeliha. « Je me sensdans une impasse », lâche Eric, qui s’occupe

depuis deux ans de la salle informatiqued’un collège de la banlieue lyonnaise. Il re-grette que le système de formation ne soitpas adapté aux emplois-jeunes qui, commelui, n’ont que le bac. « J’aimerais deveniréducateur spécialisé, mais on m’a dit que cen’était pas possible », explique-t-il. Sans pers-pective d’avenir, il multiplie les courriers re-commandés auprès du rectorat pour tenterde sortir « de ce boulot dont on fait vite letour ».

« CE PROVISOIRE QUI DURE » Olivier, quant à lui, a commencé sa troi-

sième rentrée scolaire et n’a toujours pas deformation. Depuis plus de six mois, il de-mande en vain un entretien avec un conseil-ler d’orientation. Après deux années de fa-culté de philosophie, il voulait profiter deson emploi-jeune pour se réorienter vers lemétier d’ébéniste. « Comme il faudrait que jesuive un CAP alors que j’ai déjà le bac, on m’arépondu que cet itinéraire était impossible »,regrette-t-il. Lui qui s’apprête à devenir papa

a pourtant hâte d’obtenir « un autre statut ».D’autant que son poste d’aide-éducateurtourne « à la routine ».

Estelle aussi dit avoir envie « de faire quel-que chose de [sa] vie ». Pour la quatrième et« dernière » fois, elle va tenter le concoursde professeur des écoles. Elle consacre tousses mercredis et ses congés à sa formation.« Si je rate, je change de voie », explique Es-telle, qui s’inquiète de « ce provisoire quidure ». En trois ans, sa fonction d’aide-édu-catrice dans un collège n’a pas évolué.« Nous faisons beaucoup plus de surveillance,cette tâche fait désormais partie de notre pro-fil », déplore-t-elle. Si Cyril parle égalementde « routine », il se réjouit, en revanche,d’avoir obtenu la formation qu’il voulait.Depuis quelques mois, il prépare son brevetd’Etat d’animateur en milieu associatif et n’apas choisi par hasard l’option de son futurdiplôme, intitulée « mise en place et gestionde projet en relation avec l’école ».

S. Bl.

67 500 postes dans les écoles, collèges et lycéesb Chiffres. Sur les220 500 emplois-jeunes créésdepuis le lancement duprogramme « nouveaux services,nouveaux emplois » en 1997, 67 500sont des postes d’aides-éducateurs(64 800 sont actuellementoccupés). Au total, 74 000 jeunesont transité par ce dispositif ausein de l’éducation nationale.b Statut. Les aides-éducateurssont titulaires d’un contrat dedroit privé d’une durée de cinq anset sont payés au SMIC. Ilstravaillent l’équivalent de35 heures par semaine et

disposent de sept semaines decongés. Leur salaire est pris encharge à 100 % par l’Etat (20 %étant payés par l’éducationnationale et 80 % par le ministèrede l’emploi).b Profil. Les aides-éducateurssont, en moyenne, âgés devingt-trois ans et 74 % sont desfemmes. 50 % ont un niveaubaccalauréat, 31 % ont un bac + 2et 18 % sont titulaires d’undiplôme supérieur à bac + 2 ; 60 %d’entre eux travaillent dans desécoles primaires, 28 % dans descollèges et 12 % dans des lycées.

CONDUCTEUR de train, récep-tionniste, policier, gestionnaire,conseiller en recrutement, chargéde clientèle : les emplois-jeunes del’éducation nationale mènent àtout, à condition d’en sortir. C’estbien à cela que s’emploient les rec-torats depuis plusieurs semaines :faire en sorte que les 64 800 aides-éducateurs embauchés dans lesécoles ou les collèges, et arrivés àmi-parcours de leur contrat decinq ans, quittent le dispositif leplus rapidement possible. Ils res-pectent en cela les consignes del’ancien ministre Claude Allègre,qui avait imposé leur recrutementà marche forcée : « On ne les a pastirés du chômage pour les y re-mettre », avait-il lancé à ceux quis’interrogeaient sur le devenir desemplois-jeunes.

Les forums de recrutement orga-nisés en ce moment par lesgrandes entreprises, signatairesd’un accord-cadre national avec laRue de Grenelle (Le Monde du23 septembre 1999), proposent3 600 places aux aides-éducateursde niveau bac et bac + 2. Au minis-tère de l’éducation, on estime à

20 000 le nombre d’emplois qui,dans les trois prochaines années,leur seront offerts par ce biais. Lo-calement, des accords sont signésentre des entreprises et les recto-rats ; le ministère de l’intérieur de-vrait favoriser la préparation desaides-éducateurs au concours degardien de la paix. La Fédérationfrançaise du bâtiment s’est enga-gée à proposer 5 000 places. En re-vanche, l’Union des industries mé-tallurgiques et minières (UIMM),sollicitée pour l’embauche de25 000 aides-éducateurs, assureque « rien n’est encore signé ».

MISSION D’INSERTIONJusqu’à présent, les départs

« naturels » ont concerné 20 % desaides-éducateurs. Pressée de « pla-cer » ses emplois-jeunes dans leprivé, l’éducation nationale n’a pasménagé ses efforts. Redécouvrantune mission d’insertion inscritedans ses prérogatives, elle s’estsubstituée à l’Agence nationalepour l’emploi (ANPE). Au rectoratde Créteil, sept personnes s’oc-cupent à plein temps de la gestionde ce dossier. Dans l’académie de

Versailles, une cellule est en placeà l’université d’Evry pour organiserles rencontres entre les jeunes etles entreprises. « On est là pourremplacer les réseaux familiaux quela plupart de ces jeunes n’ont pas »,explique le responsable.

A Montpellier, le rectorat a char-gé un ingénieur de nouer descontacts avec le milieu profession-nel. « Pour les rectorats, cette mis-sion est nouvelle », reconnaît la res-ponsable de la celluleemplois-jeunes. Se lançant dansun marketing rare dans l’éduca-tion, le rectorat a envoyé une pla-quette à 200 entreprises de la ré-gion afin de vanter les mérites desaides-éducateurs : adaptation àl’emploi, sens de l’organisation etde la communication, polyvalence,motivation, esprit d’initiative...« Sélectionnés par les rectorats, ilsont appris à travailler, ont le sens del’horaire et de la hiérarchie »,complète le responsable des aides-éducateurs au ministère.

Les entreprises ne s’y sont pastrompées. C’est avec promptitudequ’elles ont répondu à l’appel del’éducation nationale. Les premierscontrats à durée indéterminée sonten passe d’être signés. L’entreprisede travail temporaire Adia estl’une des premières à avoir utiliséles rectorats pour ses recrute-ments. « On leur envoie nos profilsde postes, ils se chargent de prévenirles aides-éducateurs et nous en-voient uniquement les CV suscep-tibles de correspondre aux emplois.A Rouen, on a eu 70 CV pour5 postes. » Une opération rentable.Cette présélection permet à l’en-treprise de gagner du temps dansla phase de recrutement. Le réflexea été le même chez McDonald’s,qui se félicite d’un service plus ra-pide qu’àl’ANPE.

Les jeunes aussi semblent y

trouver leur compte. Plus de millepersonnes ont assisté aux forumsAir France organisés avec le recto-rat de Créteil, huit cents se sontdéplacés pour les postes chez Ac-cor. Et le bouche à oreille fonc-tionne : certains aides-éducateursy amènent des amis demandeursd’emploi, nettement moins soute-nus dans leurs recherches. L’aide àl’insertion mise en place par l’édu-cation nationale a prévu un filet desécurité : durant la période d’essaiou de formation-adaptation, lescontrats des aides-éducateurs nesont que suspendus.

FAIRE VALOIR LES ACQUISC’est dans ces conditions qu’Air

France forme actuellement plus dedeux cents jeunes à l’anglais et au« comportemental ». Les postulantspassent les tests maison pour de-venir agent de service commercial

ou personnel navigant commer-cial. Ceux qui ne seront pas recru-tés pourront réintégrer leur éta-blissement scolaire. La mêmedémarche est envisagée à Eurodis-ney. Le parc d’attraction proposeune centaine d’emplois d’anima-tion, d’accueil, en boutique ou enrestauration, à pourvoir dès cetautomne. Leschefs d’établissement scolaire nevoient pas tous d’un bon œil cedispositif qui les prive durant plu-sieurs semaines de leur aide-édu-cateur.

Les accords-cadres nationaux nereprésentent qu’une partie dessorties du dispositif. « Après deuxans, les jeunes ont compris quel’éducation nationale ne les garde-rait pas. Ils cherchent à utiliser leurdiplôme et leur expérience ail-leurs », remarque Yves Sabourdy,de la cellule d’Evry. Certains se

lassent d’un emploi qui n’offre au-cune perspective d’évolution. Lesaides-éducateurs qui, avec leur bacou leur bac + 2, avaient, il y a quel-ques mois, peu de chances de dé-crocher un CDI dans le privé,cherchent donc à profiter de lacroissance. Toutefois, un certainnombre persiste à vouloir intégrerla fonction publique. C’est le caspour un tiers d’entre eux dansl’académie de Lyon. Ils devrontpasser les concours, mais ne pour-ront pas faire valoir leurs acquisprofessionnels.

Certains aides-éducateurs reste-ront malgré tout sur le bord duchemin. Les formations obliga-toires n’ont pas toutes réponduaux exigences d’insertion profes-sionnelle. Les cursus universitaires,peu coûteux et rapidement dispo-nibles, ont été multipliés. « On es-saye aujourd’hui d’aller vers des for-mations plus qualifiantes » ,reconnaît un responsable acadé-mique.

CASSE-TÊTE NORD-SUDPour la Rue de Grenelle, le dos-

sier est loin d’être clos. Rapide-ment va se poser la question du re-nouvellement des emploisd’aides-éducateurs. « Quel gouver-nement pourrait se permettre dedire : “On arrête !”? », fait-on re-marquer dans les rectorats. « Lafonction d’aide-éducateur a fait lapreuve de son intérêt et devrait êtrepérennisée », promet-on au minis-tère de l’emploi. Reste à savoirsous quelle forme. Maintenir laformule des contrats de droit privéde cinq ans au-delà du dispositifemplois-jeunes apparaît difficile-ment concevable politiquement.Cette solution risquerait d’avaliserla proposition du Medef, combat-tue par la plupart des syndicats,d’instituer des nouveaux contratsde travail limités à cinq ans.

Le ministère pourrait envisagerde créer des contrats de droit pu-blic de cinq ans. A condition detrouver le financement nécessaireet de disposer d’un vivier de jeunessuffisant. « Nous avons épuisé lestock de jeunes en attente d’emploiet l’emploi-jeune est un peu passé demode », constate Laurent Gérin, del’académie de Lyon. Alors qu’il y adeux ans, le rectorat enregistraithuit candidats pour un poste, dé-sormais l’offre est égale à la de-mande. Résultat : les 150 postesdisponibles au titre du plan anti-violence restent à pourvoir. Le rec-torat de Créteil affiche aussi un vo-lant incompressible de 400 postesnon pourvus. Montpellier, en re-vanche, dispose toujours d’une ré-serve de 2 000 candidats. Le pro-chain casse-tête de l’éducationnationale pourrait bien consister àconvaincre les postulants du Sudde rejoindre la région parisienneou la banlieue lyonnaise.

Sandrine Blanchardet Stéphanie Le Bars

EMPLOI Les 64 800 bénéficiairesdes emplois-jeunes de l’éducationnationale se situent à mi-parcours deleur contrat de cinq ans. L’adminis-tration se mobilise pour que ces

aides-éducateurs de niveau bac oubac + 2 soient recrutés, notammentdans des entreprises privées.b L’ÉDUCATION NATIONALE est ainsiamenée à exercer très concrètement

sa tâche d’insertion professionnelle.b DES FORUMS DE RECRUTEMENTsont organisés par les grandes entre-prises signataires d’un accord avecl’Etat. b L’ENTREPRISE MCDONALD’S

s’intéresse au dispositif : à Agde (Hé-rault), elle propose des postes de« manager » qui séduisent des aides-éducatrices. b DES AIDES-ÉDUCA-TEURS témoignent de leur expé-

rience, partagés entre l’enthou-siasme d’une insertion réussie dansune entreprise de travail temporaire,et le désarroi face à l’insuffisance dela formation dispensée.

L’éducation nationale se mobilise pour « vendre » ses emplois-jeunesAlors que les 64 800 aides-éducateurs parviennent à mi-parcours de leur contrat de cinq ans, l’administration multiplie les initiatives

pour leur trouver des débouchés dans les entreprises privées, d’Air France à McDonald’s. Pour l’instant, seules 3 600 embauches ont été promises

LeMonde Job: WMQ2305--0011-0 WAS LMQ2305-11 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 11:00 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0581 Lcp: 700 CMYK

S O C I É T É LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 11

AU DÉPÔT de la Brink’s, dans le19e arrondissement de Paris, l’as-semblée générale (AG) n’a duréque quelques minutes, lundi22 mai au matin. Le temps d’expo-

ser les résultats des négociationset le mot d’ordre de la base s’estrépandu comme une traînée depoudre : « On continue. » A l’en-trée du bâtiment, un cercueil a étédéposé : « La mort pour6 000 francs, voici l’avenir duconvoyeur. »

On fait circuler la photocopied’une fiche de salaire d’un jeune :5 300 francs par mois « avec deuxheures supplémentaires ».« Vingt heures de discussions pourune avancée de 100 francs bruts,c’est se foutre de notre gueule, s’ex-clame Jacques Charles, déléguéCFDT. C’est ce que j’obtiens en né-gociations salariales normales. »

Les convoyeurs n’en démordentpas : la prime de risque doit se

DÉPÊCHESa RACISME : près de la moitié des Français (48 %) ne se considèrentpas du tout comme racistes, mais presque autant (47 %) estiment qu’ilspeuvent avoir parfois des réactions pouvant être considérées comme ra-cistes, selon un sondage Ipsos publié lundi 22 mai dans l’hebdomadaireMarianne. Selon la même enquête, 81 % des personnes interrogées esti-ment que « tous les gens vivant en France doivent bénéficier d’une égalité detraitement (logement, emploi) quelle que soit leur nationalité, leur origine ouleur couleur de peau », tandis que, pour 54 % des sondés, le mariage de leurfille avec un garçon d’origine étrangère « ne poserait pas de problème ».Marianne a souhaité mener une « contre-enquête » après la publication,en mars, d’un sondage Louis Harris effectué pour la Commission natio-nale consultative des droits de l’homme, selon lequel 12 % des personnesinterrogées se disaient « plutôt » racistes, 27 % « un peu », tandis que 30 %s’affirmaient « pas très » racistes et 29 % « pas racistes du tout ».a OGM : le gouvernement prendra une décision « en début de se-maine » sur une éventuelle destruction des parcelles françaises où ontété semées par erreur des graines de colza génétiquement modifié, a an-noncé, samedi 20 mai, Jean Glavany, ministre de l’agriculture et de lapêche. « J’attends les résultats de l’enquête qui, seule, déterminera l’impor-tance et la dangerosité de ce phénomène », a-t-il déclaré. Des graines decolza génétiquement modifiées ont été semées et récoltées en Grande-Bretagne, France, Suède et Allemagne à la suite d’une erreur du distribu-teur (Le Monde daté 21-22 mai).a MOTARDS : à l’appel de la Fédération française des motards en co-lère (FFMC), des milliers de motards ont manifesté dans plusieurs villesde France contre l’insécurité routière, samedi 20 et dimanche 21 mai, endénonçant l’inefficacité de la politique gouvernementale « ultra-répres-sive ». La FFMC demande la baisse de la TVA sur les équipements de sé-curité, l’amélioration du réseau routier, une « vraie campagne de préven-tion » et une « véritable politique de formation des usagers ».a VIOLENCES : neuf véhicules ont été incendiés dans la nuit du samedi20 mai au dimanche 21 mai à Strasbourg, dans le quartier de Cronen-bourg. Deux mineurs, âgés de 13 et 17 ans, ont été interpellés. Le plusjeune a été libéré tandis que l’autre demeurait en garde à vue, dimanchesoir. a Cinq policiers ont été légèrement blessés, samedi 20 mai dans lasoirée, à la gare de Mantes-la-Jolie (Yvelines), au cours d’une échauf-fourée avec un groupe de jeunes dont six membres ont été interpellés. Lesjeunes ont été placés en garde à vue et devaient être jugés, lundi, encomparution immédiate.a MONTAGNE : deux alpinistes français ont été tués dans une ava-lanche survenue au Mont-Maudit, samedi 20 mai, à 4 200 mètres d’alti-tude, dans le massif du Mont-Blanc. L’avalanche a emporté la premièrecordée, composée de deux Savoyards âgés d’une cinquantaine d’années,blessant au passage deux alpinistes allemands qui formaient une secondecordée.

Lundi matin à la Brink’s : « On continue ! »

REPORTAGE« La mortpour 6 000 francs,voici l’avenirdu convoyeur »

chiffrer à 1 000 francs net. Le pa-tronat propose 858 francs net. En-core un petit effort, demandentles grévistes. « En trente ans passésà la Brink’s, je n’ai pas vu les pa-trons aussi durs. Mais moi aussimaintenant, je vais être dur. C’estclair, ce ne sera jamais commeavant, explique Jacques Charles. Jeferai le pourrissement, je refuseraitout. Le jour où ils auront ma signa-ture, il fera chaud. » « Ils nousprennent pour des mecs qui n’ontrien dans la tête », poursuivent lesgrévistes.

« DE VRAIES PASSOIRES » « La grève est indéfinie tant que

la base suit, et elle suit », dit Thier-ry, gréviste, qui, avec ses col-lègues, prépare une actioncommando. « On est écœurés. Cheznous, à la Brink’s, les camions sontbien blindés. Mais dans les autressociétés, ce sont de vraies pas-soires. » Selon les grévistes, lesquatre sociétés devraient s’en-tendre pour éviter le dumping surles prix de leur prestation. Lesbanques, les grandes surfaces de-vraient faire un effort, « quand onvoit les bénéfices qu’ils gagnent... ».

Dominique Le Guilledoux

Des faux billetsdans les distributeurs

L’association Force ouvrièreconsommateurs (AFOC) a affirmé,dimanche 21 mai, dans uncommuniqué, que les distribu-teurs automatiques de billets(DAB) remettent en circulationdes faux billets, « dans une propor-tion d’environ un faux billet tous les30 à 40 billets sains ».

En raison de la grève, la plupartdes banques ont en effet eu l’au-torisation exceptionnelle de laBanque de France de recycler di-rectement dans leurs distribu-teurs l’argent rapporté aux gui-chets. Ces billets approvisionnentles distributeurs automatiquesdepuis environ une semaine, a in-diqué à l’AFP Charles Reguardati,de l’AFOC. Cette association, qui aeu connaissance de « six plaintesla semaine dernière » concernantdes faux billets de 200 F émis pardes DAB, conseille aux consom-mateurs « d’exiger le retrait de leurargent liquide aux guichets ».

En cas de retrait d’un faux billetdans un DAB, la banque « peutfaire valoir qu’elle n’est pas respon-sable » et renvoyer sur les sociétésqui remplissent les DAB. Mais« les consommateurs neconnaissent pas » ces sociétés,souligne l’AFOC. – (AFP.)

Le patronat des entreprises de convoyage de fondsmise sur la lassitude des grévistes

La prime de risque de 1 100 francs « déçoit » les syndicatsLes syndicats devaient faire savoir lundi 22 mai,dans l’après-midi, s’ils signaient ou non le proto-cole d’accord soumis par le patronat après

vingt heures de négociations. Ce texte porte laprime de risque des convoyeurs de 1 000 à1 100 francs par mois. Les syndicats réclamaient

1 500 francs. Lundi matin, ils semblaient tentésde rejeter le protocole tout en craignant une dé-mobilisation des grévistes.

BIS REPETITA. Aprèsvingt heures de négociations du-rant le week-end et la consultationdes salariés, lundi 22 mai, dans lamatinée, les organisations syndi-cales – du moins la majoritéd’entre elles – devaient à nouveaurefuser de signer, lundi après-midi,le protocole d’accord soumis par lepatronat. Cette situation ressem-blerait à s’y méprendre au pré-cédent refus des syndicats, le mar-di 16 mai, à l’issue, là-aussi, d’uneréunion-marathon.

Durant le week-end, les nerfsdes négociateurs syndicaux ont étémis à rude épreuve. Si la réunionorganisée par le conciliateur a dé-buté samedi 20 mai à 10 heurespour ne s’achever le lendemainque vers 6 h 30, les syndicalistesont eu d’autant plus l’impressionde tourner en rond que le patronata multiplié les suspensions deséance. L’une d’elles a duré pasmoins de sept heures ! « Et tout ça,pour cent francs de prime », com-mentait Jacques Charles, négocia-teur CFDT. De fait, la principale« avancée » de ce week-end résidedans l’augmentation de la primede risque proposée auxconvoyeurs. Mardi 16, le patronatproposait 1 000 francs. Dimanche

20, sa proposition passait à1 100 francs bruts par mois. Entre-temps, il a demandé au gouverne-ment d’exonérer cette prime decotisations sociales mais n’a pasobtenu gain de cause.

Jean-PierreChevènement :« Il faut savoirterminer une grève »

Autre avancée : les « dabistes »,qui alimentent les distributeurs au-tomatiques, sont également consi-dérés comme une profession àrisques. Outre l’interdiction du tra-vail de nuit (déjà acquise le16 mai), cette catégorie a obtenuune prime de risque annuelle de2 500 francs, portée à 3 000 francsen 2001.

A côté de ces primes, le patronata accepté de revaloriser les salairesminima : les gardes-convoyeurs(qui prennent le plus de risquespuisqu’ils assurent la liaison entrele camion et le client) obtiennent3 % d’augmentation et les autresconvoyeurs, 1,5 % cette année et1,5 % l’année prochaine. Les autressalariés n’obtiennent que 1,5 %, àl’exception des employés chargésdu comptage, qui n’ont aucuneprime de risque et verront leurs ré-munérations augmenter de 5 %en juillet et de 1,5 % l’année pro-chaine.

Par ailleurs, le protocole soumisà signature prévoit d’indemniser4 jours de grève (sur 14) et de por-ter le capital-décès de 450 000 à1 million de francs. Les employeursont de leur côté obtenu l’assurancequ’une table-ronde se tiendraitavec les donneurs d’ordre(banques et grande distribution) le25 mai.

Dans la journée de dimanche, lesorganisations syndicales ontcommencé à sonder leurs militantsavant de consulter l’ensemble dessalariés lundi. La CFDT, premièreorganisation chez Brink’s, numéroun de la profession, affirmait dèsdimanche soir qu’elle ne signeraitpas le texte. « Tous nos délégués ré-gionaux nous disent que le résultatobtenu n’est pas suffisant pour re-prendre le travail », rapporteJacques Charles. « Les gars ne sontpas contents. Ils disent qu’il n’y a pasle compte », a déclaré Roger Poletti(FO). Même avis à la CFTC, où « lemécontentement » était « fort ».« On continue, c’est notre position »,a déclaré Jean-Philippe Catanzaro.

La CGT, leader chez Ardial, nu-méro deux derrière Brink’s, semble

plus circonspecte. Certes, AlainRenault, secrétaire général de lafédération CGT-Transports, quali-fie la négociation de « mascarade »mais, entre les lignes, cette organi-sation est aussi consciente que lamobilisation des convoyeurs s’es-soufle et que les syndicats n’ob-tiendront pas beaucoup plus quece qu’ils ont déjà eu. « On ne lâcheplus. Au-delà, on fait couler labarque des convoyeurs de fonds », adéclaré Eric Ehrsam, directeur dela communication de la Brink’s.

Pourtant les syndicalistes,comme les pouvoirs publics, esti-ment que, depuis le début duconflit, cette entreprise est davan-tage ouverte au dialogue que sonchallenger Ardial. C’est pourquoiles syndicalistes ne se font guèred’illusion. « Ce n’est certes pas cequ’on voulait mais il y a eu desavancées. Ce qui fait la force d’unmouvement, c’est sa déterminationet son unité. Or, il y a des endroits oùil y aura une reprise du travail sansdiscussion », note le leader de laCGT. Le patronat mise sur ce pour-rissement du conflit. La CFDT ne lenie pas : « Tout le monde ne restera

pas sur le pied de guerre ». C’estsans doute la même analyse qui aincité le ministre des transports,Jean-Claude Gayssot, à estimer, di-manche matin, qu’il y avait « uneévolution réelle et indiscutable de-puis le début du conflit ».

De son côté, Jean-Pierre Chevè-nement, ministre de l’Intérieur, aestimé sur France 2 qu’il avait« fait quelques avancées » en pas-sant d’une première propositionde 2 500 F à une dernière de13 500 F annuels de prime en re-connaissance du risque de la pro-fession. « C’est un conflit quicommence à peser sur la vie desFrançais, il faut savoir terminer unegrève », a ajouté le ministre de l’in-térieur. Par ailleurs, celui-ci a esti-mé « la contribution des donneursd’ordre (banques, grandes surfaces)au règlement du conflit desconvoyeurs de fonds tout à fait légi-time ». « Dans quelques jours, legouvernement va réunir les em-ployeurs et les donneurs d’ordre »,a-t-il annoncé, confirmant ainsi larencontre du 25 mai.

Frédéric Lemaître

LeMonde Job: WMQ2305--0013-0 WAS LMQ2305-13 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 09:17 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0583 Lcp: 700 CMYK

325

Pointe dela Chiappa

Punta Cerbicale

Palombaggia

Plage de la Palombaggia

PuntaSan Ciprianu

Punta d’Araso

Puntadi u Cerchio

Puntadi u Cerchio

Capo d’Asciaio

Golfe de Porto-Vecchio

Porto-VecchioPorto-VecchioPorto-Vecchio

Porra

PinarelluPinarelluPinarellu

Cirendino

PortoVeccchiacci

San Ciprianu

Lecci

Golfe de Santa Giulia

Iles

Cerbicale

Ile de Pinarellu

Ile Farina

Ile Roscana

D 668

D 468

D 4

68

N 19

8

N 1

98

Le golfe de Porto-Vecchio

2 km

13

R É G I O N SLE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

A Palombaggia, « khmers verts » contre « bétonneurs fous » PORTO-VECCHIO

de notre envoyée spécialeLes grues travaillent dur dans la

baie de Santa-Giulia. En « une » deCorse-Matin, le lotissement est déjàà vendre. Grâce aux « hameaux deSanta-Giulia », une « résidence dehaut standing avec piscine et tennisprivé », « vous pouvez posséder votrevilla à Porto-Vecchio », à 280 mètresde l’eau, pour 1,45 million de francsles 55 m2 habitables. Des prix éle-vés, à la mesure de la beauté excep-tionnelle de cette baie qui borded’un cercle parfait des eaux tur-quoises. Et de la difficulté deconstruire : la ville n’a pas encoreadopté de plan d’occupation dessols (POS), situation dangereuse etpropice à un « mitage » de la côte– des constructions dispersées,avant d’être réunies par d’autres –,comparable à celle que le Var aconnue dans les années 50.

Le fourmillement estival n’a pasencore touché la troisième ville de

Corse. Au nord de la baie, que lamairie souhaite urbaniser en priori-té, les hameaux de Santa-Giulias’ajoutent à deux gros lotissements.Le premier, Cala-d’Oro, a étéconstruit avant la loi littoral. Ledeuxième, Punta-d’Oro – actuelle-ment en extension –, est tout récentet porte le surnom de « maisons deCamille de Rocca-Serra », le maire(RPR) de la ville. Entre cette baie etcelle de Palombaggia, au nord, leterrain du Conservatoire du littoraloffre l’un des seuls accès publics à laplage depuis la route où défilent, enaoût, près de 10 000 véhicules parjour. Le calme du printemps n’estqu’apparent. A Porto-Vecchio selivre une bataille acharnée entre desadversaires qui se donnent du« khmer vert » ou du « bétonneurfou ».

Le 9 mai, une association, pudi-quement nommée Territoire et dé-veloppement, célébrait sa naissanceen réunissant quelque trois cents

personnes au cinéma Empire. Sonprojet : faire sortir la ville de sa « lé-thargie ». Derrière cette appellationsympathique et presque écolo, sesont vite présentés des « commer-çants de Porto-Vecchio, des proprié-taires, des professionnels du tourisme,des employés du BTP et des promo-teurs », comme l’explique volontiersl’un de ses fondateurs, Patrick Ti-trant, hôtelier à Palombaggia.

LA « MAISON DU ROI DES BELGES »M. Titrant assure que l’associa-

tion est apolitique et n’a pas l’œilsur les élections municipales, mêmes’il indique que plusieurs de ses ini-tiateurs, notamment Jean-Chris-tophe Angelini, sont des militantsde la formation autonomiste MossaNaziunale.

Face à eux, l’Association pour lelibre accès aux plages et la défensedu littoral de Porto-Vecchio pour-suit depuis de longues années sesbatailles procédurières. Elle s’était

réjouie un peu vite de voir le préfetde Corse, Jean-Pierre Lacroix,confirmer le refus de son prédéces-seur, Bernard Bonnet, d’octroyer unpermis de construire pour les ha-meaux de Santa-Giulia, « en raisondu caractère inesthétique et dispro-portionné du projet par rapport aupaysage ». Le 6 septembre 1999, lenouveau préfet est revenu sur sadécision et accepté le recours dupromoteur. « On nous a donné deséléments plus détaillés au plan esthé-tique, et nous avons considéré que lazone était déjà urbanisée », ex-plique-t-on à la préfecture, où,faute de POS , on est bien obligé deconnaître chaque baie de Porto-Vecchio par cœur.

Personne, depuis, ne perd desyeux l’énorme bâtisse jaune, dite« maison du roi des Belges », seuleconstruction de toute la pointe dePalombaggia, et qui fait face à lamer. Son nouveau propriétaire veuttransformer en hôtel quatre étoiles

et agrandir cette maison inhabitéede plus de 1 000 m2. Le site, quiborde le parc marin internationaldes bouches de Bonifacio, est classé« site inscrit », « ZNIEFF » et « ZI-CO », sigles barbares qui té-moignent que l’endroit jouit enprincipe d’une protection maxi-male, aussi bien française qu’euro-péenne. « Dans ces sites sensibles,rien ne doit être touché, s’indigne leprésident de l’association environ-nementale, Gérard Bonchristiani.« L’Etat finit de massacrer le golfe :on fait des patates, pour mieuxcombler les interstices, et ensuite ondéclasse. » La nouvelle associationde promoteurs, dont le propriétairede la « maison des Belges » est évi-demment membre, se lamente, elle,des « lenteurs et des chinoiseries quel’Etat » fait subir à son client. M. deRocca-Serra l’appuie : « Ce projet estremarquable. »

Ar. Ch.

Dominique Voynet, ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement

« Le risque de blanchiment d’argent sale est connu et avéré »« Une mission gouvernemen-

tale vient de se rendre en Corsepour analyser l’application de laloi littoral. Jugez-vous ce texte ca-duc ?

– Ma conviction reste solidementancrée : la loi littoral est excellente,pour la Corse comme pour le restedu littoral français. Je regrette seu-lement qu’elle soit mal connue, quetoutes ses potentialités ne soientpas exploitées. Je ne ressens pasforcément comme un atout le lan-cement de cette mission sans asso-ciation avec mon ministère. Quandon dresse le bilan du plan Polmar,on l’y associe, pourquoi pas là ? Jerappelle en outre qu’un « bilan de laloi littoral » a déjà été dressé, en fé-vrier 1999, par le ministère de l’équi-pement. Il concluait que rien ne jus-tifiait de modifier cette loi. Refaire,un an après, un bilan du bilan meparaît hasardeux.

– Vous aviez souligné, le 25 sep-tembre 1999, que l’« autonomie estl’un des plus beaux mots de lalangue française ». Ne pensez-vous pas que ceux qui demandentle transfert de pouvoirs législatifsà l’Assemblée de Corse sou-haitent aussi avoir les coudées

plus franches pour « aménager »la loi littoral ?

– Historiquement, beaucoup deceux qui plaidaient pour accroîtreles compétences des élus, ou pourl’autonomie, ont toujours insistépour préserver la Corse des appétitsdes investisseurs qui ne respectaientpas la loi. Le plasticage des bâti-ments est injustifiable, mais il fautbien reconnaître que le message an-tispéculation a souvent été portédans le passé par les autonomistes.Aujourd’hui, on assimile volontiersnationalistes et libéralisme écono-mique sur l’île – une hypothèse quevalide régulièrement, avec un brinde provocation, Jean-Pierre Chevè-

nement. Moi, je suis favorable à lareconnaissance de l’autonomie,mais je ne pense pas que le transfertde compétences législatives puissese faire sans garanties et sans uneréelle démocratie locale. Sans cesgaranties, notamment sur la préser-vation du littoral, nous n’en seronspas.

– Vous n’avez pas confiancedans l’Etat et les élus ?

– Je crois qu’il faut leur demanderun effort. Par exemple, mon minis-tère s’engage financièrement sur lesdéchets. Mais j’ai besoin d’entendrede mes interlocuteurs corses qu’ilss’engagent eux aussi. Si on est obli-gé de construire deux usines d’inci-nération, l’une à Bastia, l’autre àAjaccio, qu’on habille ça de consi-dérations techniques, alors qu’onest tout simplement incapable des’entendre entre les deux villes, etque tout ça pèsera, à la clé, sur leportefeuille des gens, je ne suis pasd’accord. Plusieurs exemples de vio-lation grave de la loi littoral enCorse m’incitent à la prudence : cer-tains « sentiers des douaniers »sont occupés par d’illustres proprié-taires ; dans le sud de l’île, des per-mis de construire sont accordés

quand ils ne devraient pas l’être.Enfin – et j’ai eu l’occasion de le direà Lionel Jospin –, se pose, au-delàde la loi littoral, le problème pluslarge du marché foncier. Quiachète ? Qui vend ? Qui est média-teur de ces transactions ? Le risquede blanchiment d’argent sale estconnu et avéré ici comme ailleurs.

– Vous avez porté le projet deparc marin du golfe de Porto.Tous les élus étaient pour. Au-jourd’hui, ils semblent touscontre. Le parc est-il tué dansl’œuf ?

– Les parcs naturels sont nés decette idée, assez récente, qu’il fallaitprotéger non seulement le littoralterrestre, mais aussi le littoral mari-time. Dans le parc international desbouches de Bonifacio, les pêcheurssont partenaires du projet : ils ontbien compris que c’était un moyend’éviter la surpêche, en accompa-gnant le retour d’espèces de pois-sons disparus. Pour le parc du golfede Porto, certains encouragent l’in-quiétude pour ne pas découragerles promoteurs. »

Propos recueillis parAriane Chemin

DOMINIQUE VOYNET

Vers un concours de paillotes « présentables »...BASTIA

de notre envoyée spécialeDans le jargon de la profession, le sujet du

concours, qui devrait être lancé par la préfecturede Bastia et le conseil d’architecture, d’urbanismeet d’environnement (CAUE) de Haute-Corseavant la fin de l’été, ressemblera à quelque chosecomme ceci : imaginez un « matériel de plage »,« structure précaire et révocable » saisonnière, faitde « bâtiments délocalisables sans obligation dedémontage»... « Chaque unité, précisera le sujetde la composition, sera conçue et aménagée enfonction de son utilisation future (cuisine, toi-lettes). » Elles pourront être chargées sur un ca-mion « au printemps et à l’automne ». Le secré-taire général de la préfecture de Haute-Corse,Jean-François Verdier, traduit dans un sourire :« C’est un concours de paillotes présentables. »

En octobre 1999, au salon Plagexpo de Juan-les-Pins, où la fédération nationale des plages-restaurants organisait un colloque, une société

varoise, Atelier sept, présente son concept de« paillotes démontables ». Des petites maisons enbois – le matériau vieillit bien – à installer toutseul, par grue, et à assembler selon son humeur :pour un restaurant, par exemple, une cuisine,une cabane à vaisselle, des toilettes, un entrepôtpour l’arrivée des produits, etc. L’automne venu,quand les autorisations accordées prennent fin, ilsuffit de débrancher l’électricité et de dévisser laplomberie, de mettre la paillote sur le camionpour l’emporter, et le tour est joué.

NORMALISATIONDans une île où un préfet, Bernard Bonnet, est

tombé pour avoir laissé ses subordonnés incen-dier une paillotte qui occupait illégalement le do-maine public maritime, cette belle ingénuité nepouvait laisser indifférents architectes et... pré-fecture. Adieu les tentations pyromanes, termi-nées les interminables inspections de démontagede restaurants de plage, place aux paillotes invi-

sibles en moins d’une heure ! « Nous pensons qu’ilfaut responsabiliser les communes. Leur donner laconcession d’une petite plage ou d’une partie de laplage, mais, en contrepartie, leur demander d’ap-porter tous les réseaux (eau, assainissement), etd’imposer à l’exploitant un modèle de paillote dé-montable », estime le directeur du CAUE, Jean-Luc Simonetti-Mallaspina.

L’avis est de plus en plus partagé en Corse, oùla volonté de normalisation prévaut aujourd’hui.Vendredi 12 mai, la préfecture de Corse-du-Sud ainséré dans les annonces légales publiées parCorse-Matin un « avis d’enquête préalable à laconcession des plages naturelles » de la communede Grosseto-Prugna, en face d’Ajaccio, dans le-quel la ville demande à l’administration l’autori-sation d’exploiter partiellement, elle-même, laplage de Porticcio. De mémoire de lecteur corse,c’est une première.

Ar. Ch.

La loi littoral devrait être « aménagée » en CorseLa plupart des élus insulaires souhaitent une adaptation pour favoriser le développement touristique. Ils pourraient obtenir l’aval du gouvernement

lors de « Matignon 3 ». Pour Dominique Voynet, une éventuelle autonomie ne doit pas s’exercer au détriment de l’environnementAJACCIO

de nos envoyés spéciaux La visite n’a pas fait beaucoup de

bruit. Deux jours à Ajaccio, unerencontre avec des élus de Corse-du-Sud à Sartène... La missiond’évaluation de l’application de laloi littoral, menée ce printemps parl’inspection générale de l’équipe-ment et la direction générale del’administration, qui s’est aussi ren-due dans le Midi et sur la façadeatlantique, aurait pu n’être qu’unemission parmi d’autres. Pourtant,plusieurs indices incitent à penserque ce nouveau bilan d’un textevoté en 1986 à l’unanimité des dé-putés et des sénateurs pour proté-ger « les espaces proches du rivage(...) d’une urbanisation importante »et défendre « l’usage libre et gra-tuit » des plages pour le public (LeMonde du 25 février 1999) est atten-du avec impatience. Et pourrait ser-vir, lors du « Matignon 3 » qui réu-nira les élus de l’île et Lionel Jospinà la fin de l’été, à valider une« adaptation » de la loi littoral et lasimplification de l’adoption du fa-meux schéma d’aménagement dela Corse, prévu par le statut Joxe, ettoujours manquant.

Le sujet est d’actualité. La« trêve », qui accompagne le dia-logue lancé par le premier ministre,ne peut qu’encourager les tou-ristes, sinon les investisseurs. Pen-sez ! Le littoral corse est long d’unmillier de kilomètres (soit autantque la côte qui court de Port-Vendres à Menton) et ne compteque 50 kilomètres de côtes urbani-sées. La moitié du rivage fait en ef-fet l’objet de mesures de protectionou de sauvegarde, soit qu’il appar-tienne au Conservatoire du littoral,soit qu’il relève d’un domaine pu-blic maritime qui reste encore à dé-

limiter en très grande partie, soitqu’il ait été classé à divers titres (LeMonde du 6 mai 1998).

LA FASCINATION DE L’« OR BLEU »Dès les année 60, banques et

groupes d’assurances (Axa, Roth-schild, Paribas...), fascinés par cet« or bleu », s’étaient jetés sur laCorse, et avaient acquis quelque10 000 hectares sur le littoral.Maires, conseillers régionaux, maisaussi poseurs de bombes, chacunen Corse s’était vite élevé contreces projets de « Sarcelles-sur-Mer » . En 1976, la création duConservatoire national du littoralet celle du Conseil de rivage de laCorse, présidé par le radical NicolasAlfonsi, ont permis à la collectivitéde préserver près de 15 000 hec-tares.

Pour le reste, seule la loi littorals’applique. La Corse ne disposetoujours pas, en effet, de schémad’aménagement qui permettraitd’élargir, en les réglementant, lespossibilités d’urbanisation. Début1998, le préfet de Corse a « reto-qué » la partie du document pré-senté par les élus concernant leschéma de mise en valeur de lamer. Depuis, alors que beaucoupde maires rechignent, par souciclientéliste, à adopter des plansd’occupation des sols (POS), leschéma est toujours en panne, lesélus n’ayant pas repris leur ré-flexion .

Du coup, rares sont ceux, au-jourd’hui, qui défendent la loi litto-ral. De Jean-Guy Talamoni, porte-parole de Corsica Nazione, à EmileZuccarelli, maire (PRG) de Bastia,

tout le monde la trouve « inadap-tée ». « La Corse souffre d’un retardde développement ; cette loi ne doitpas être une loi de stérilisation desespaces », confiait ainsi Camille deRocca-Serra, le maire (RPR) dePorto-Vecchio, après sa rencontreavec les fonctionnaires en mission.« La Corse est quand même la seulerégion de France à avoir un schémad’aménagement des côtes établi parl’Etat ! », râle le président libéral del’Assemblée de Corse, José Rossi.« Pourquoi bloquer un développe-ment lorsqu’il ne porte pas atteinteau patrimoine ? », demande CésarFilippi, conseiller territorial CorsicaNazione et propriétaire de l’HôtelBelvédère, à Porto-Vecchio.

En face, les défenseurs de la loise sont regroupés, en 1999, dans un« collectif pour l’application de la loi

littoral en Corse », où on ne trouveque trois petites formations poli-tiques (Corse sociale-démocrate, IVerdi corsi – les Verts corses – etManca Naziunale, proche de l’ex-trême gauche), mais de nom-breuses associations locales, dontU Levante, qui rayonne depuisCorte. « Qui ne sait aujourd’hui quel’île de Cavallo est devenue une en-clave nourrie de capitaux dou-teux ? », demandent les signataires.Ils militent en ce moment contre leprojet d’un gros complexe touris-tique sur le site de la Testa Venti-lègne, dans la baie de Figari, où legroupe Axa possède toujours unvaste domaine de 800 hectares, surun site protégé « que des visées pri-vatives empêchent de revendre auConservatoire du littoral », et contrele projet immobilier commun – ré-

vélé dans Paris Match du 11 mars etnon démenti par les interessés –d’André Guelfi, dit Dédé la Sardine,l’un des protagonistes de l’affaireElf, et du nationaliste François San-toni.

« L’Etat et la loi littoral sont viséspar des feux croisés mais discor-dants. Les uns accusent la loi de blo-quer le développement. Les autresdisent que l’administration ne la faitpas respecter assez rigoureusement.L’administration regarde ces cri-tiques contradictoires avec séréni-té », assure le préfet Lacroix aux as-sociations.

SOUPAPES NÉCESSAIRESAu ministère de l’intérieur, on est

aussi prudent, mais très clair : ilfaut « adapter la loi littoral » grâceaux « soupapes » nécessaires, mais« montrer qu’on ne touche pas auxprincipes républicains ». Ce qu’unfonctionnaire qui a suivi les travauxde l’équipe chargée de dresser le bi-lan du texte résume ainsi : « Der-rière la mission officielle, l’idée est detrouver des solutions qui soient digé-rables pour la Corse, et ingérablespar le ministère de l’environne-ment. »

Lors du « Matignon 3 », les élusinsulaires devraient donc tomberd’accord avec le gouvernementpour que le schéma d’aménage-ment de l’île, y compris pour l’ap-plication des lois montagne et litto-ral, ne soit plus que du seul ressortde l’Assemblée de Corse. Si leConseil d’Etat en est d’accord, lesconseillers pourront ainsi interpré-ter librement la loi dans le cadre dece schéma, que le préfet ne pour-rait plus repousser.

Ariane Cheminet Paul Silvani

LeMonde Job: WMQ2305--0014-0 WAS LMQ2305-14 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 08:50 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0584 Lcp: 700 CMYK

télécommunications, transports aériens, transports ferro-viaires, électricité, etc.

Le marché unique oblige à harmoniser les conditions de laconcurrence dans l’espace européen, au double profit des en-treprises privées, qui se voient offrir un traitement équitable,et du consommateur, qui bénéficie de l’intensification de laconcurrence. Les avantages de la mondialisation seraient unleurre si les mouvements de fusion, concentration et autresconduisaient les entreprises à les capter à leur profit en ac-croissant leurs rentes de monopoles. Les bénéfices que l’on at-tend de la monnaie unique en termes d’intensification de laconcurrence (...) pourraient être pareillement captés, sans au-cun avantage pour le consommateur salarié. Une politique dela concurrence est donc parfaitement légitime, comme l’estune politique de libéralisation des services publics lorsquel’une et l’autre servent les intérêts des citoyens, c’est-à-direlorsqu’elles permettent de resserrer le lien social. Elle doit êtreapprouvée sans réserve si elle a pour effet d’accroître la quali-té et la quantité des services publics, et si elle n’empêche pasl’émergence de nouveaux services publics mieux adaptés auxtemps modernes. Elle doit être, au contraire, critiquée si elle apour conséquence indirecte de réduire la dimension univer-selle des services publics, de les dégrader ou de les soustraireau choix social. C’est là que le bât blesse : la doctrine qui sous-tend l’action de la Commission n’obéit à aucune détermina-tion politique, la Commission ayant en ce domaine, commeon l’a déjà souligné, le pouvoir législatif. Or la question desservices publics surtout, mais aussi celle de la politique indus-trielle, ne peut avoir d’autre lieu de détermination que la dé-mocratie. (...)

La concurrence sociale

Les mêmes causes ayant les mêmes effets, l’absence d’unevéritable coordination des politiques de l’emploi ne pourraitlaisser à la discrétion des gouvernements nationaux quel’arme de la compétitivité pour retrouver le chemin du plein-emploi (...). Une telle issue est d’autant plus probable que lapression sur les gouvernements pour qu’ils « réforment »structurellement le marché du travail et le système de protec-tion sociale ne cesse de croître. Dans tous les sommets, danstoutes les réunions de spécialistes, dans toutes les recomman-dations des organisations internationales et de la Banque cen-trale européenne, la réforme structurelle – entendez l’affai-blissement de la protection du travail, la réduction del’indemnisation du chômage et autres mesures destinées à ac-croître la « souplesse » du marché du travail – est à l’ordre dujour. Et ce sont évidemment les thèses anglaises sur le sujetqui recueillent l’assentiment le plus général, comme l’a mon-tré le sommet de Lisbonne.

Tel que le débat s’est en effet instauré en France et en Eu-rope, les expériences réussies de décrue du chômage dans lesannées 90 seraient simples à interpréter : elles résulteraient dela conjugaison de réformes structurelles des marchés – dumarché du travail essentiellement, mais pas uniquement – etd’une bonne combinaison des politiques macroéconomiques.

Les interprétations divergent pour-tant quant à l’importance à accor-der à ce second élément. Pour cer-tains, il serait de second ordre oumême induit par le premier, tantdes structures de marché inadap-tées limiteraient les marges de ma-nœuvre de la politique économiquejusqu’à parfois l’empêcher.

Ces a priori du débat reflètentbien les enseignements de la théo-rie économique, et il serait vain devouloir d’emblée les démentir. Quipourrait nier que, au départ d’unesituation de chômage de masse,une plus grande flexibilité des prixrelatifs, une moindre générosité dusystème de protection sociale,s’agissant notamment de l’indem-nisation du chômage, contribue-

raient à réduire le sous-emploi ? Mais n’existe-t-il pas d’autreschemins vers le plein-emploi, socialement moins coûteux ?

Ces questions sont d’autant plus pertinentes que l’observa-tion révèle que la situation des pays au regard du chômage estd’une grande diversité. (...) L’alchimie qui aboutit au succèsest complexe et nous n’en connaissons qu’un nombre très res-treint d’éléments. Il se peut que ce soit leur conjugaison avecd’autres, inobservables, qui produit le résultat constaté, etnon pas ces éléments eux-mêmes. Il serait donc dangereuxd’en tirer trop vite des enseignements quant aux politiquesoptimales à conduire dans les pays caractérisés (encore ?) parun chômage de masse. (...)

Mais il suffit que certains « pays » soient persuadés par lesthèses « réformatrices » pour qu’un processus de concur-rence sociale soit engagé. Et le sommet de Lisbonne a bienmontré qu’une majorité de pays européens l’étaient. Il est ce-pendant une différence entre les deux processus : si la concur-rence fiscale ne devait, au moins dans un premier temps, ren-contrer aucune opposition, ce n’est pas le cas de laconcurrence sociale, qui devrait, en toute logique, susciternombre de mouvements sociaux.

La question de la souveraineté

En bref, la conjugaison de l’absence de gouvernement del’Europe et de la montée en puissance d’institutions a-démo-cratiques, c’est-à-dire irresponsables politiquement, pourraitfaire évoluer l’Europe vers un avenir que personne ne sou-haite : ni les gouvernements ni les populations. Les processusà l’œuvre conduisent à des résultats non intentionnels, c’est-à-dire non optimaux tant en matière de provisions de bienspublics que de cohésion sociale. Il ne peut en être autrement siaucune orientation politique générale, assise sur des proces-sus démocratiques, ne vient définir les objectifs de laconstruction européenne pour l’avenir. L’Europe-espace,même si elle semble inscrite dans les évolutions en cours, dansles décisions d’élargissement déjà prises, ne nous semble pasun futur probable. Il ne nous semble guère imaginable, en ef-fet, que l’Europe – toute à son désir d’imiter les Etats-Unis –devienne la seule région du monde à n’être gouvernée niéconomiquement ni politiquement (...).

cie la rigueur monétaire. C’est ainsi que l’on a imposé à un sec-teur privé déjà au bord de l’asphyxie une forte augmentationdes prélèvements obligatoires. (...)

En France, en Allemagne, en Italie, il est donc souhaitablede remettre à niveau le système fiscal et de prélèvements so-ciaux, sans que cela signifie engager un processus de concur-rence fiscale. Pour éviter précisément une telle issue, un mini-mum de coordination entre pays aurait été nécessaire. (...) Orce n’est pas ce qui s’est passé. L’Allemagne a ouvert la marcheen annonçant une importante baisse de sa fiscalité, notam-ment celle qui concerne les entreprises. Cet aspect de la ré-forme allemande peut certes se concevoir, mais s’agissant dela baisse d’un impôt sur un facteur mobile, il a un côté forte-ment non coopératif. La France, surprise par sa « cagnotte »,vient de décider de quelques baisses d’impôts, dont on perçoitmal le projet dans lequel elles s’inscrivent. Tout cela se faitsans aucune concertation, alors qu’il s’agit de questions cru-ciales qui engagent l’avenir. Veut-on voir resurgir, sous unautre habillage, des pratiques analogues aux dévaluationscompétitives en Europe ? (...)

Un jeu inégal entre Etats

et « autorités indépendantes »

Le long terme est donc bien engagé dans le chemin que l’Eu-rope, sans y avoir vraiment réfléchi, est en train d’emprunter.Les souverainetés nationales seraient évidemment encore ré-duites si la concurrence fiscale et sociale devenait une nou-velle norme. La conception de l’Europe-espace l’emporteraitsur celle de l’Europe-puissance – pour utiliser une terminolo-gie introduite par le président Valéry Giscard d’Estaing –, cequi certes faciliterait l’élargissement de l’Union mais en rédui-rait encore la gouvernabilité. Ce n’est pas précisément ce typede destin que les promoteurs de l’idée européenne avaient àl’esprit : une Europe-espace dans un monde peuplé de puis-sances. Ce serait un leurre de penser que, de toute façon, lamondialisation conduit à l’impuissance de tous les gouverne-ments de la planète. (...) C’est l’affaiblissement des souverai-netés nationales en Europe sans que l’on cherche à lui substi-tuer le renforcement d’une souveraineté collective, qui, bienplus que la mondialisation, produirait un tel résultat.

Pouvoir monétaire et pouvoirs budgétaires

Pourtant, cet affaiblissement, ce manque d’emprise desgouvernements nationaux sur le destin des sociétés, ne prendque davantage de relief lorsque l’on considère le long terme.Nous avions, dans notre précédent rapport, insisté sur le dé-séquilibre institutionnel entre une Banque centrale indépen-dante (responsable devant aucun Parlement) et une pluralitéd’autorités budgétaires à l’action contrainte par le pacte destabilité. Le retour de la croissance en Europe affaiblit la per-ception de ce déséquilibre, d’autant que la politique suivie parla BCE apparaît, somme toute, bonne et que les dividendes fis-caux de la croissanceallègent lescontraintes de déficitpublic. Le problèmedemeure pourtant,car une conceptiontrop orthodoxe de lapolitique monétaire,ou une appréciationtrop basse de la crois-sance « potentielle »,pourrait interrompreprécocement la pré-sente phase de re-prise. Les autoritésbudgétaires n’y pour-raient pas grand-chose. Il faut en effetbien voir que, depuisdeux décennies, sousl’effet probable de la globalisation financière, la structure dupolicy-mix a radicalement changé : alors que, jusqu’à la fin desannées 70, la politique budgétaire avait la prééminence et quela politique monétaire suivait, c’est l’inverse que l’on observeaujourd’hui. En d’autres termes, la politique monétaire est de-venue beaucoup plus autonome, et la politique budgétairedoit d’une façon ou d’une autre s’y adapter. Cela ne fait qu’ag-graver le déséquilibre institutionnel précédemment souligné.

La politique de la concurrence

En matière de politiques structurelles, un déséquilibre simi-laire existe. Pour ce qui concerne la politique de la concur-rence, et donc la politique industrielle, la Commission cumuleles pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, aux termes desdifférents traités européens. Ses pouvoirs peuvent sembler desurcroît discrétionnaires ou même arbitraires, car les traitésne contiennent aucune orientation précise en la matière. C’estdonc la Commission elle-même qui détermine la doctrine envigueur. Elle se comporte en ce domaine comme une agenceindépendante, mais avec la particularité que son statut ou sesmissions ne peuvent être modifiés par aucun Parlement natio-nal, à l’inverse de celui de toutes les agences dites indépen-dantes dans le monde. Or, dans ses prérogatives, la Commis-sion a non seulement un pouvoir sur les entreprises, maisaussi sur les Etats. Elle peut par exemple interdire un traite-ment fiscal de faveur qu’un gouvernement aurait décidé pouraider à la restructuration d’un secteur en difficulté, commeelle peut empêcher une fusion entre entreprises sur des cri-tères qu’elle seule est libre de déterminer. (...)

Les services publics

Les services publics n’échappent pas à cette compétence dela Commission et la montée en puissance de la politique euro-péenne de la concurrence a touché des pans entiers des sec-teurs et services publics nationaux. C’est ainsi que, depuis lasignature en 1987 de l’Acte unique européen, les services pu-blics en Europe font l’objet d’une politique systématique de li-béralisation, de privatisation et d’ouverture à la concurrence :

14 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

H O R I Z O N SDOCUMENT

. « Rapport sur l’état del’Union européenne (2000) »,de Jean-Paul Fitoussi, avecRenaud Dehousse, JackyFayolle, Jacques Le Cacheux,Anne Lecuyer, Olivier Passet,Bruno Ventelou. Ed. Fayard-Presses de Sciences-Po,236 p., 138 F (21,04 ¤), en li-brairie le 24 mai.

Europe : les dangers de l’immobilismeUn an aprèsle lancementde l’euro,le débatest retombé,comme sil’Europe,concrétiséepar la monnaieunique,ne posaitplus problème.Reste pourtantà définirl’essentiel,à savoircommentpasserd’une économiede chômagede masseà une sociétéde plein-emploi.Dans ce second« Rapportsur l’étatde l’Unioneuropéenne »,Jean-PaulFitoussiet l’équipe del’Observatoirefrançais desconjonctureséconomiques(OFCE)soulignentles dangersdu vide créépar l’absencede politiqueclaireà long terme

DEPUIS le milieu des années 80, l’Europes’est fixé une série de rendez-vous, qui ontconstitué autant d’objectifs de court termepour les pays de la zone : la libéralisationdes marchés de capitaux (juillet 1990), lemarché unique (janvier 1992), la monnaieunique (janvier 1997, puis 1999). (...) L’ho-rizon était toujours masqué par un obs-tacle et toutes les énergies employées à en

préparer le franchissement. Les acteurs en ont perdu le sensdu long terme. Sont-ils en train de le retrouver ? C’est engrande partie à cette question que ce rapport cherche à ré-pondre. Car l’avenir, si l’on peut dire, a horreur du vide, et cen’est point parce qu’il n’est pas pensé qu’il ne se met pas enplace. L’absence de décisions est une décision qui engage lefutur. (...)

Entre le début de l’année dernière et aujourd’hui, les chosesont changé. L’euro est né, pas encore pour les populations,mais déjà pour les marchés financiers et les gouvernements.L’économie américaine poursuit sa croissance et semble dé-jouer toutes les prévisions : ni effondrement ni atterrissage endouceur (...). Les technologies de l’information et de lacommunication constituent le nouvel eldorado de la moder-nité. La Bourse flamboie, la richesse paraît à portée de chacun.(...)

Cette ébullition semble épargner la construction euro-péenne, dont l’évocation ne rencontre au mieux qu’un intérêtpoli (...). Les défis ne sont plus de même nature que ceux qu’ila fallu affronter depuis la fin des années 70. Durant les vingt-cinq dernières années, les objectifs nationaux pouvaient êtrerésumés en quelques chiffres – la parité monétaire, la cibled’inflation, la contrainte extérieure, le déficit budgétaire,etc. – et, somme toute, les gouvernements disposaient desinstruments pour les atteindre (...). C’est de tout autre chosequ’il s’agit aujourd’hui : il faut réussir la transition d’uneéconomie en chômage de masse à une société de plein-em-ploi, ce qui représente une mutation qualitative radicale quioblige à se poser de nouvelles questions sur les rapports so-ciaux et sur les institutions de la République. C’est là que ladifficulté apparaît dans toute son ampleur. Qui est en chargede cette mutation ? Quelles sont les compétences de l’Europeet quelles sont celles des nations ?

La souveraineté est aujourd’hui partagée : mi-européenne,mi-nationale ou, si l’on préfère, ni vraiment européenne nivraiment nationale. Nous disions en substance, dans notreprécédent rapport, que l’Europe était une curieuse construc-tion dans l’ordre du politique : les souverainetés nationales ysont limitées par des règles politiques contraignantes adop-tées de concert, mais c’est au nom de leur préservation quel’on empêche une souveraineté fédérale d’émerger. Nous dis-tinguions alors quatre modèles possibles d’évolution de l’Eu-rope – le modèle de la séparation (entre l’économique et le so-cial), le modèle libéral, le modèle du retour des souverainetésnationales et le modèle fédéral. Les deux derniers modèlesnous semblaient peu réalistes pour l’instant, précisément enraison du problème de souveraineté que nous venons de sou-ligner, et nous concluions que la voie la plus probable quel’Europe emprunterait était une combinaison des deux pre-miers modèles.

Pour l’instant, rien n’est vraiment venu infirmer notre anti-cipation. Certes il est question dans un avenir proche de tenirdes sommets conjoints entre ministres de l’économie et des fi-nances et ministres de l’emploi et des affaires sociales – ce quiserait réellement une avancée –, mais la subordination despolitiques sociales aux « politiques économiques » est struc-turellement inscrite dans la « constitution » de l’Europe : seulle pacte de stabilité est contraignant, et le seul pouvoir poli-tique proprement européen est celui de la Banque centraleeuropéenne.

Le bras armé du libéralisme :

la concurrence fiscale

(...) Les arguments sont bien connus : la baisse des prélève-ments obligatoires aurait le double effet d’inciter à l’activité etde contraindre les Etats à améliorer la qualité de leurs servicespublics. Sur le premier comme sur le second point, les argu-ments théoriques sont discutables, et limités à un cadre d’hy-pothèses très restrictif, et les preuves empiriques sont des plusfragiles et des plus contradictoires. (...)

Il n’empêche que, par choix ou par contrainte, l’humeur desgouvernements est à la baisse des impôts et des dépenses pu-bliques. Ils sont en cela fortement incités par la Banque cen-trale européenne, qui voit dans cette recommandation le se-cret de la compétitivité globale de l’économie de l’Union (...).En bref, l’habitude étant prise de se donner pour objectifs deschiffres sans projet, il convient de persévérer. Pourquoi pasune baisse de dix points du taux de prélèvements obligatoireset une dette publique nulle ? Un calcul arithmétique a en effetmontré que si la présente phase de croissance se poursuivaitoutre-Atlantique, et si le Congrès américain n’en profitait paspour baisser les impôts ou voter des dépenses nouvelles, ladette publique américaine pourrait être nulle en 2013 !

L’Europe devrait au moins pouvoir faire aussi bien. Au boutde la route serait le plein-emploi, à la condition toutefois quela modération salariale continue de prévaloir, ce qui exige laréforme des institutions du marché du travail dans un sens fa-vorable à une plus grande flexibilité, et donc à un abaissementdes coûts salariaux. Ce n’est pas pur hasard si les conceptionsde Tony Blair en matière d’organisation du marché du travailet de protection sociale ont triomphé au sommet européen deLisbonne de mars 2000.

La concurrence fiscale et sociale a donc encore de beauxjours devant elle (...). Comment en est-on arrivé là ? C’est quele moyen privilégié de la recherche d’une meilleure compétiti-vité utilisé par l’Europe dans la première moitié des années 90fut la restriction de sa demande interne par la médiation d’unepolitique monétaire anormalement restrictive. (...)

Il s’ensuivit ce qui devait s’ensuivre : la purge infligée au sec-teur privé ne pouvait que tarir les recettes fiscales, et parceque les dépenses sociales croissaient en raison directe de l’ag-gravation du chômage, la montée du déficit budgétaire deve-nait inéluctable. Au lieu de revenir à un cours normal deschoses, en s’empressant de ramener sur terre les taux d’inté-rêt, on a accusé les déficits budgétaires d’être responsables deleur niveau élevé. Et l’on a exigé des gouvernements qu’ilscommencent par réduire leurs déficits avant que ne soit adou-

La conjugaison de l’absencede gouvernement de l’Europeet de la montée en puissance

d’institutions a-démocratiquespourrait faire évoluer l’Europe

vers un avenirque personne ne souhaite :

ni les gouvernements ni l’Europe

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16 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 H O R I Z O N S - D É B A T S

Les avantages d’une filière sans OGMla font apparaître comme la solutionde bon sens. Permettant à chacun d’exercer son libre choix, elle poussera aussi la filièreagroalimentaire dans son ensembleà faire la preuve de l’intérêt des OGM auprès des consommateurs

En dépit des fermetures de journaux,la société iranienne n’a pas grande difficulté à comprendre les termes principauxdu langage commun de la culture mondiale et à s’y intégrer

Avec ou sans OGM ? Comment y voir clairpar Yves Bertheau, Bernard Ruffieux, Egizio Valceschini

A la suite du récentvote du Parlement eu-ropéen et du saccaged’un champ de colza

dans l’Ariège, Le Monde avaitconsacré [le 15 avril] aux orga-nismes génétiquement modifiés(OGM) un long article qui faisaitréférence à un groupe de travailcréé par la FNSEA (Fédération na-tionale des syndicats d’exploitantsagricoles) avec « trente-sept parte-naires et trois ministères ». Il s’agiten fait d’un programme de re-cherche scientifique. Les auteurs decette tribune sont au nombre deses responsables scientifiques.

Ce programme, alliant des cher-cheurs en sciences sociales et ensciences agronomiques et de la vie,a pour objectif d’étudier, en étroiterelation avec les professionnels, la« pertinence économique et la faisa-bilité technique de la mise en placed’une filière sans utilisation d’OGM »en France, puis en Europe. Dans lecadre de ce programme, nousavons accompli une mission auxEtats-Unis. Nous avons pu ren-contrer l’essentiel des acteurs amé-ricains des filières maïs et soja,plantes particulièrement concer-nées par les OGM. Nous voulonsapporter notre contribution au« débat franc » auquel appelaitl’éditorial du Monde le 15 avril.

Trois solutions au débat actuelsur l’acceptabilité des OGM sontpossibles. La première consiste àproposer purement et simplementl’interdiction des OGM. C’est lechoix qu’ont refusé les citoyenssuisses lors de la « votation » de1998.

La deuxième consiste à s’en re-mettre entièrement à l’avis d’ex-perts scientifiques pour autoriser,sans discrimination ou étiquetageparticulier, les OGM considéréscomme non dangereux ni pourl’homme ni pour l’environnementet présentant une certaine utilité.C’est la description, en raccourci,du choix des Etats-Unis.

La troisième solution, qui nousparaît de fait souhaitable en Eu-rope, consiste à instaurer deux fi-

lières séparées devant laisser lechoix aux consommateurs. La miseen place de seuils acceptés par lamajorité, de filières séparées fiableset d’un étiquetage simple et clairconstituent les clés de cette der-nière solution. Voici pourquoi nousla considérons aujourd’hui commela meilleure.

Faut-il interdire les OGM ? La ré-ponse doit évidemment être« oui », bien entendu, si des doutessubsistent quant à la santé desconsommateurs ou à la qualité denotre environnement. Elle doit enrevanche être « non » dès lors quela résistance aux OGM ne renvoiequ’à des considérations politiquesou commerciales, plus ou moinsdissimulées derrière des précau-tions oratoires. Pour être acceptépar tous, le principe de précautiondoit être au service d’une stratégiede prudence et non un instrumentde protectionnisme politique ouéconomique. Loin d’être un para-pluie brandi par tout décideur poli-tique, ce principe repose sur unedécision du politique à la lumièred’une analyse objective et transpa-rente des risques et bénéfices at-tendus de la prise de décision.

L’expertise des OGM au cas parcas, en vigueur aujourd’hui, est unmoyen sûr d’appliquer ce principe.Ni la puissante FDA américaine(Food and Drug Administration), niIes ministères de l’environnement,de l’agriculture en France n’accor-deraient, après consultation de lasanté, d’autorisation de commer-cialisation à des produits dont lasécurité sanitaire pourrait être miseen doute. La mise sur le marché deproduits OGM ou dérivés d’OGMest soumise à des évaluationsscientifiques drastiques, en matièrede santé et d’environnement, tellesqu’il n’en avait jamais été deman-dées jusqu’à présent.

Il est pour le moins paradoxalque nous luttions contre les pré-ventions des Américains et des Eu-ropéens du Nord contre nos fro-mages au lait cru et que noussoupçonnions nos administrations,et les politiques qu’elles servent, de

se plier aux pressions des produc-teurs au point d’accepter des pro-duits à risque. Au plan scienti-fique ? Rien ne nous semblejustifier l’interdiction pure etsimple des OGM aujourd’huicommercialisés. On comprend quel’administration américaine, avecson credo sur l’expertise scienti-fique, perçoive mal les raisons de larésistance des Européens, puis desJaponais, Australiens, Coréens etautres.

Faut-il pour autant, comme lesouhaitent aux Etats-Unis une par-tie importante de l’administrationactuelle et passée et certainsgroupes de pression, autoriser lesproduits OGM sans en informer leconsommateur ? Voire considérer

comme illégale toute discrimina-tion des OGM autre que celle diffi-cilement instaurée pour l’agri-culture biologique ? Nous ne lepensons pas.

Certes l’information, sous formed’allégation négative ou d’étique-tage positif, constitue un choix ris-qué pour les défenseurs des OGM.On le voit au travers de l’expé-rience de la réglementation euro-péenne qui, en requérant l’étique-tage des OGM ou produits dérivésau-delà d’un seuil de contamina-tion fortuite de 1 % par ingrédient,a incité nombre de fabricants etdistributeurs à opérer des substitu-tions de produits. Dicté par desconsidérations commerciales etstratégiques, le choix de grandes

marques de produits alimentaireset de distribution de ne pas inté-grer d’OGM dans leurs produitsagit comme un signal très fort en-voyé au consommateur indécis quipeut, dès lors, en déduire qu’ils’agit vraiment d’un produit àrisque.

Un cercle vicieux s’installe alors :de simples hésitations initiales légi-times de la part des consomma-teurs se trouvent validées et ampli-fiées par le refus des leaders dusecteur alimentaire d’utiliser lesOGM. Ne vaudrait-il pas mieuxqu’eux aussi acceptent de donnerle choix, plutôt que de compter surles petits pour essuyer les plâtres etd’attendre que la situation s’amé-liore ?

Nos travaux ont montré qu’au-jourd’hui un tiers des consomma-teurs refusent les OGM et qu’unautre tiers n’est pas prêt à les ac-cepter sans contrepartie.

Une différence de prix pourraitsans doute éveiller l’intérêt auxproduits OGM. Mais, pour qu’ellesoit perçue par les consomma-teurs, encore faut-il qu’ilspuissent comparer. Ici encore,l’étiquetage est la bonne solution.En outre, tout OGM apportant, ceque d’aucuns espèrent rapide-ment, une valeur ajoutée auxconsommateurs, par exemple parune meilleure conservation, deseffets positifs sur la santé, ou toutsimplement un meilleur goût, serafièrement revendiqué par les pro-

ducteurs au travers de l’étique-tage approprié.

Comment assurer qu’une obliga-tion d’étiquetage engendre uneréelle amélioration de l’informa-tion des consommateurs ? Dupoint de vue de la production, ladiscrimination des filières sans etavec OGM, ainsi que l’utilisation demaïs et de sojas non OGM, de-vraient être possibles sans engen-drer d’éventuel surcoût insuppor-table pour le consommateur. LesAméricains, engagés depuis quel-ques années déjà dans la produc-tion de spécialités, discriminentsans grande difficulté les céréaleset les sojas comme le maïs waxy, lesoja destiné au Tofu ou celui richeen isoflavone. Tout en ayant déve-loppé les cultures OGM, ilssemblent donc prêts, comme ils lefont déjà avec nombre de sociétésjaponaises, à fournir à l’Europe desproduits de base (« bulk commodi-ties ») sans OGM, sans investisse-ments supplémentaires majeurspour eux.

Encore faut-il que les Européens,à l’instar des Japonais, s’entendentsur la définition précise d’un pro-duit « sans OGM ». Le seuil de 1 %récemment défini ne concerne quel’obligation d’étiquetage au-delàd’une certaine contamination for-tuite. Il est indispensable que nousnous accordions au plus vite, auplan communautaire et en partantde l’opinion éclairée de nos conci-toyens, sur la définition d’un pro-duit « sans OGM ».

Tout en étant très stricte, cettedéfinition devra rester raisonnableet donc utiliser un seuil. Elle ne doitpas, en effet, ignorer la possibilité,dès lors que les produits OGM sontautorisés, d’une faible contamina-tion fortuite. Si nous acceptons parexemple, malgré les risques d’aller-gie pour certains d’entre nous, queles « corn flakes », puissent conte-nir des traces de cacahuètes, etnous parlons bien de traces (lesfonds de cale des bateaux peuventtoujours en contenir, malgré le soinapporté à leur nettoyage), accep-tons que le « sans OGM » puisse

contenir quelques dixièmes depour-cent d’OGM dès lors qu’uneobligation de moyen est instaurée.

Exiger moins de 0,1 % de conta-mination fortuite (la limite dequantification proposée pour lanorme Afnor) pour une allégationnégative rendrait la stratégie desubstitution pure et simple du maïset du soja moins coûteuse que lastratégie de discrimination. Un telchoix ne ferait que repousser la ré-solution du problème du fait queles OGM concernent peu à peutoutes les espèces végétales culti-vées. L’ensemble de ces filières se-rait alors mis en doute sur le plancommercial, remettant en causel’intérêt même du choix de la dis-crimination.

Tout aussi importante seraitl’obligation d’une information ef-fective du consommateur : ilconvient de créer un logo « garantisans OGM » nettement visible etnon, comme c’est le cas, un étique-tage perdu dans la liste des ingré-dients. C’est en effet le seul moyende garantir une offre de produitssans OGM.

Les avantages d’une filière sansOGM la font apparaître comme lasolution de bon sens. Permettant àchacun d’exercer son libre choix,elle poussera aussi la filière agroali-mentaire dans son ensemble à fairela preuve de l’intérêt des OGM au-près des consommateurs, que cesoit en prix ou en qualité. Les sur-coûts de la discrimination restentencore à déterminer, c’est un desobjets de notre étude. En tout étatde cause, ils devront se situer à unniveau collectivement acceptable,que l’on soit pour ou contre lesOGM.

Yves Bertheau est directeurde recherches à l’Institut nationalde la recherche agronomique (INRA).Bernard Ruffieux est pro-fesseur d’économie à l’université deGrenoble.Egizio Valceschini est di-recteur de recherches à l’INRA.

Treize juifs comptentsur nous ! par Marek Halter

T REIZE juifs risquent lapeine de mort parceque juifs. Peu s’enémeuvent. Comme si le

capital d’indignation auquel lesjuifs avaient eu droit dans laconscience universelle était épuisé.

Notre solidarité est sollicitée,jour après jour, par une humanitémassacrée ou persécutée.Consciemment ou non, nous avonsétabli un barème du degré de bar-barie atteint par les hommes : laShoah. C’est en effet l’anéantisse-ment du judaïsme européen, parles moyens que l’on sait, qui, de-puis cinquante ans, sert de repère ànos contemporains pour définirl’horizon indépassable de l’inhu-manité.

Les colonnes de réfugiés albanaisdu Kosovo nous ont autant émuscar elles rappelaient les images quiont marqué à jamais notre mé-moire : des colonnes de milliers dejuifs en route pour la mort. C’est leterme de déportés, si communé-ment employé au sujet des Alba-nais fuyant sous les bombes, qui apermis de les confondre avec le« modèle », renforçant notrecompassion et notre désespoir.

Les ruines de Grozny nous ren-voient à celles de Varsovie. Les en-fants tchétchènes errant parmi lesrestes de leurs maisons effondréesrappellent les enfants juifs du ghet-to... Oui, la Shoah est devenue dansle siècle l’idée du malheur, d’unmalheur à la fois unique et exem-plaire, et qui fait à présent partie dupatrimoine affectif de l’humanité.Son rappel constant, son « label »régule le choix de nos engage-ments.

Mais si tous les massacrés, tousles persécutés, tous les humiliés ence monde sont « juifs », jecomprends la surprise de celui qui,croyant s’être acquitté depuis long-temps du devoir de mémoire, sevoit à nouveau sollicité en faveurde treize malheureux juifs iraniensqui paraissent condamnés paravance à la pendaison.

Et pourtant les inconnus de

Chiraz, tout comme ceux de Saraje-vo, de Mitrovica, de Grozny ou deGaza, devraient pouvoir comptersur notre intervention, sur notre« ingérence ».

Vingt-sept mille juifs vivent en-core en Iran : à Téhéran, à Chiraz, àIspahan et à Kermanshah. C’esttout ce qui reste de l’une des plusanciennes et des plus florissantescommunautés juives.

Il est dit que le roi perse Cyrus II,en 538 avant notre ère, conquit laBabylonie. Y découvrant des cen-taines de milliers de juifs exilésaprès la destruction de Jérusalempar Nabuchodonosor, il les autorisaet même les encouragea à retour-ner en Judée afin d’y rétablir leurindépendance. C’est donc en payslibérateur que la Perse apparaîtpour la première fois dans la Bible.

En 475 avant notre ère, le mi-nistre du roi Assuérus Aman tentad’anéantir tous les juifs de l’empireperse afin de s’emparer de leursbiens. L’intervention de la belle Es-ther auprès du roi les sauva de jus-tesse. Cet événement, les juifs lefêtent encore aujourd’hui, à Pou-rim.

Mais la prise de la Perse par lesArabes, en 642 de notre ère, et lavictoire de l’islam chiite sur le zo-roastrisme fragilisa les communau-tés juives. Depuis, juifs et chrétienssont considérés comme dhimmis,tolérés, et souvent persécutés. En1656, à Ispahan, cent mille juifsdurent se convertir à l’islam. Aprèsla création de l’Etat d’Israël, beau-coup quittèrent le pays. Curieuse-ment, ce sont les plus patriotes quipaient aujourd’hui le prix de leur fi-délité à l’Iran.

Treize hommes, dont le plusjeune a dix-sept ans à peine,comptent sur nous. Leur avenir dé-pend du degré de notre compas-sion.

Marek Halter est écrivain etprésident des collèges universitairesfrançais de Moscou et de Saint-Pétersbourg.

La presse en Iran et les ruses du progrès par Seyed Motaza Mardiha

L A presse iranienne, toutcomme les autres ac-teurs culturels et poli-tiques de ce pays, tra-

verse aujourd’hui des momentsdifficiles. Le minimum de liberté yest à peine toléré. Les critiquescontre la presse indépendante etréformatrice de la part des conser-vateurs sont très sévères. L’interdic-tion des quotidiens modérés et dé-mocrates, par le tribunal spécial dela presse, est catastrophique. Est-ceà dire que le rôle de la presse dansle projet de la réforme dont l’ob-jectif est d’intégrer l’Iran dans laculture mondiale est terminé ? Laréponse doit être prudente.

Pour l’intégration des pays envoie de développement dans laculture mondiale, on insistesouvent sur le rôle de la communi-cation ; il est généralement admisqu’elle ouvre les fenêtres, long-temps fermées, des diversescultures et des diverses nations lesunes aux autres. Une sorte de lan-gage commun et de compréhen-sion mutuelle se déploie alors dansle monde. Le cas des Etats quicherchent à garder leur puretéculturelle (si une telle puretéexiste), comme l’Iran, en faisantobstacle à la communication, estune exception. Ces Etats espèrentque, par le contrôle de moyens decommunication, le contenu culturelne se transformera guère, et que,par conséquent, la compréhensiondes autres cultures et des autres na-tions deviendra difficile. Alors lesfenêtres se fermeront et l’intégra-tion s’arrêtera.

Mais, en dépit de cette ferme-ture, une large majorité des Ira-niens ne se sentent pas tellementéloignés de l’état d’esprit de la so-ciété contemporaine, car lacommunication n’est pas le seulmoyen de sortir de l’enfermementcommunautaire ou idéologique im-posé. Le rôle de l’instruction, ou cequ’on peut appeler le niveau cultu-rel, est tout aussi important. Uneconvergence relative entre les per-sonnes instruites de deux cultures

semble moins difficile que laconvergence entre les instruits etles non-instruits d’une mêmeculture, notamment sur le plan desquestions essentielles. A un haut ni-veau d’instruction, les questionsprincipales de la vie sociale – droitsde l’homme, entre autres – ont uneforte chance de trouver les mêmesréponses, ici et là.

La société iranienne, dans lesdeux dernières décennies, n’a paslibrement communiqué avec la so-ciété mondiale, ce qui l’a empêchéede comprendre le sens de la culturemondiale par la voie de communi-cation. Mais l’autre voie est restéeouverte : le niveau moyen d’ins-truction s’est en effet élevé pendantce temps et le nombre des étu-diants, celui des lecteurs, etc. ontnettement augmenté. Si, malgré lesdifficultés dans l’ordre de lacommunication, l’Iran d’au-jourd’hui n’a pas de grand pro-blème pour se mettre au diapasonde la culture mondiale, c’est en rai-son du développement de l’instruc-tion.

Avant le 23 mai 1997, date del’élection présidentielle dont levainqueur fut Mohammad Khata-mi, et pendant dix ans, l’informa-tion, notamment en matière de po-

litique intérieure, était sous hautesurveillance et sous la pression dela censure. Les journaux officiels,dépourvus de leur fonction d’infor-mer, étaient largement dévalorisés.Parallèlement toutefois, quelquesjournaux traitant plutôt de sujetsculturels, philosophiques et relatifsaux sciences sociales ont eu lachance de survivre. Kian et Etellaät– politico-économique – en sontdeux exemples parmi une dizaine.Sous l’influence de courants cultu-

rels et intellectuels, constitués dansle cadre de ces journaux, un terreauculturel s’est constitué. L’idée del’intégration dans la culture mo-derne (démocratie, société civile,droits de l’homme, etc.) a pu êtreenracinée fortement.

Si les hommes politiques, telsque Khatami, Mohadjarani (mi-nistre de la culture, cible des at-taques des conservateurs), Nouri(l’ancien ministre de l’intérieur, ju-gé et emprisonné pour son ouver-ture politique), Saïd Hadjarian(coordinateur du projet de réformeet conseiller du président, victimed’un acte terroriste), ont réussi àrallier autour d’eux des partisans dela réforme politico-culturelle, c’estparce que des savants et des intel-lectuels comme Abdolkarim So-rouch, le grand théoricien de l’islamdémocratique, avaient déjà renfor-cé, par le biais de journaux culturelset scientifiques, la capacité intellec-tuelle d’une large partie des gensconcernés.

Après le 23 mai 1997, les condi-tions d’information ont plus oumoins changé, mais les journaux seheurtaient toujours à des obstacles.C’est pourquoi ils ont plus oumoins prolongé leur stratégie : unegrande partie des nouvelles, des

analyses était de l’ordre de l’inter-dit, ou, comme on le dit, ici en Iran,dépassait la ligne rouge. Les jour-naux ont été dans l’obligation d’es-sayer de combler le vide de l’infor-mation par l’enseignement.

La presse, principal appareil decommunication, devait aussi secharger de la tâche d’instruire, de-venir un complément des universi-tés. Des professeurs, des écrivainset des intellectuels ont occupé uneplace éminente dans la presse ré-formatrice iranienne, qui, pendantces trois dernières années, a publiédes articles scientifiques, des essaisphilosophiques, des analyses intel-lectuelles, davantage que des infor-mations. Du fait du dysfonctionne-ment de la presse en tantqu’appareil de communication,l’instruction est devenue sa fonc-tion primordiale. Ce n’est pas parhasard que la plupart des journa-listes les plus célèbres – Ganji, Had-jarian, Djalaïpour... – sont plutôtdes intellectuels académiques.

Conséquence de cette stratégie :en dépit des fermetures de jour-naux, la société iranienne n’a pasgrande difficulté à comprendre lestermes principaux du langagecommun de la culture mondiale età s’y intégrer. Les systèmes poli-tiques conservateurs peuvent faireobstacle à la communication maispas à l’instruction.

A l’avenir, si la presse iranienneen a la possibilité, elle couplera ins-truction et communication, elles’occupera de faire communiquerles gens pour les encourager àcontribuer à la démocratisation. Sil’Iran entre, au contraire, dans unenouvelle période – improbable – dehaute surveillance de la librecommunication, la presse repren-dra alors sa fonction d’instructiondans l’espoir d’affaiblir indirecte-ment les résistances conservatrices.Il suffit d’augmenter le nombre despersonnes instruites, d’expliquer,simplement, ce qu’est la démocra-tie. Les gens comprennent le reste.

Seyed Motaza Mardihaest membre de la rédaction en chefd’« Asr-e-Azagedan », journal in-terdit depuis le 23 avril.

LeMonde Job: WMQ2305--0017-0 WAS LMQ2305-17 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:47 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0587 Lcp: 700 CMYK

H O R I Z O N S - A N A L Y S E S LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 17

IL Y A 50 ANS, DANS 0 123

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ÉDITORIAL

Le Royaume-Uni en pointe sur l’Europe de l’armementCE N’EST un paradoxe qu’en

apparence. Souvent montré dudoigt pour être le porte-avions desEtats-Unis en Europe et pour s’êtreisolé dans l’édification d’une in-dustrie européenne de la défense,le Royaume-Uni vient de donnerdes gages à ses alliés continentaux.

Ecartant des offres américaines,Londres a commandé des missilesair-air à longue portée Meteor etdes cargos tactiques AirbusA-400M de fabrication euro-péenne. L’initiative britannique aété saluée comme il convenait,même si le gouvernement de TonyBlair a réussi à placer, ici ou là, lesquelques verrous protecteurs cen-sés sauvegarder ses intérêts au casoù les industriels concernés par cemarché de 5 milliards de livres(soit 8,3 milliards d’euros) ne par-viendraient pas à tenir leurs enga-gements.

De fait, il n’y a pas de contradic-tion dans la position britannique.Par la voix du ministre de la dé-fense, Geoffroy Hoon, auxCommunes, les travaillistes en-tendent apporter la preuve qu’ilssont, à leur façon, un bon élève del’Alliance atlantique, en contri-buant à en renforcer les capacitésmilitaires. Les matériels dont leRoyaume-Uni a prévu de disposerà partir de 2007-2008 ont unedouble vocation. D’abord, ils ins-tallent les forces armées britan-niques au cœur même de la dé-fense européenne, en conformitéavec le concept IESD (Identité eu-ropéenne de sécurité et de dé-fense) développé au sein de l’Al-liance. Ensuite, ils démontrent quela Grande-Bretagne est prête, parses investissements, à prendre lapart qui lui revient dans le fardeaucommun de la défense.

PRÉCAUTIONS Londres montre l’exemple en

quelque sorte. Après avoircommandé, dans un passé récent,des missiles air-sol de croisièreStorm Shadow (une version déri-vée du Scalp français) et avoir lan-cé un programme naval de défenseantiaérienne et antimissilescommun avec l’Italie et la France,voilà que le Royaume-Uni préfèrele Meteor de Matra BAe Dynamicsà un projet du groupe américainRaytheon, et l’Airbus A-400M àdes avions concurrents de Boeingou Lockheed-Martin.

A ce jour, Raytheon, Boeing etLockheed Martin régnaient enmaîtres, chacun dans son secteur.Ils sont désormais contestés : lepremier, dans la production « mis-silière », et les deux autres sur leterrain de l’aviation de transportmilitaire.

Certes, les Britanniques ont pris

leurs précautions. M. Hoon n’a pashésité, en effet, à parler de « condi-tions ». Ce qui implique – mais unclient peut-il raisonner différem-ment ? – qu’il a émis les réserveshabituelles à sa commande, à sa-voir le respect par l’industrie de sesengagements sur les perfor-mances, le coût des matériels etsur les délais de livraison le jour oùles contrats seront officiellementconfirmés.

Mais, au-delà de cette sauve-garde classique des intérêts légi-times du contribuable, la position

du gouvernement britannique estforte. Depuis juillet 1998, date d’undocument public intitulé The Stra-tegic Defense Review, Londres a misses forces armées en ordre demarche. Autrement dit, les mis-sions sont fixées, l’organisation estétablie et l’équipement défini.C’est le premier grand pays euro-péen à avoir ainsi « cadré » sa dé-fense, même si, avec la guerre dansles Balkans en 1999, sont apparuesquelques failles du dispositif enplace, auxquelles il sera difficile deremédier sauf si les travaillistes

consentent à augmenter les pro-chains budgets militaires. Dans ce« cadrage » de ses armées,Londres n’a pas oublié son indus-trie de défense. De sorte que lesBritanniques se sont mis en situa-tion de détenir les clés des pro-grammes d’armement à venir.

Ce sont eux qui, aujourd’hui,donnent le ton, leurs différents al-liés européens – à commencer parla France – attendant qu’ils se dé-cident. On a singulièrement lapreuve de ce processus avec le Me-teor et l’Airbus A-400M. Le groupeBAe Systems, duquel chacun ditqu’il s’était isolé en Europe en nes’étant pas intégré au groupe aéro-nautique européen EADS, détientdes atouts maîtres parce qu’il a descompétences reconnues – qu’ilcherche à maintenir et à dévelop-per – en matière de défense.

LA FRANCE SEMBLE À LA TRAÎNE Dans le cas du Meteor, BAe Sys-

tems devrait se voir confier de35 % à 40 % de la responsabilité dudéveloppement du programme. LaFrance, qui aurait préféré s’en te-nir à des versions améliorées deson missile air-air Mica, semble àla traîne. Même cas de figure pourle cargo A-400M : BAe Systemspossède 20 % de l’affaire, même sil’assemblage du futur Airbus mili-taire devait échoir à l’Espagne.C’est donc aux autres Européens, àcommencer là aussi par la France,d’exprimer leurs besoins et d’éva-luer leur apport après l’engage-ment du Royaume-Uni d’acquérirjusqu’à vingt-cinq A-400M.

M. Hoon ne s’y est, du reste, pastrompé. Malgré les réserves de soncollègue du Trésor au gouverne-ment, qui s’est élevé contre detelles dépenses, le ministre britan-nique de la défense a, auxCommunes, exalté le rôle de BAeSystems, associé à Matra dans sondiscours, et estimé à quelque13 000 le nombre des emplois créésen retour de ses commandes.

Comme le confie Fabrice Bré-gier, le PDG de Matra BAe Dyna-mics, « il faut être les meilleurs avecles Britanniques » parce qu’ils ontle souci d’organiser des partagesindustriels cohérents, de répondreexactement aux besoins des opéra-tionnels et parce que la solutionpasse toujours, de leur point devue, par « le coût le plus étudié pourle matériel le mieux adapté ». Faceà une Europe de la défense qui secherche encore, le gouvernementet le monde industriel britan-niques vont de conserve, avec,sans doute, plus de persévérancedans la démarche que partout ail-leurs.

Jacques Isnard

PRÉCISION

35 HEURES AU CCFContrairement à ce que nous indi-

quions dans notre édition du 18 mai,l’accord sur les 35 heures signé auCCF n’est pas remis en cause à la suitede l’annulation de l’accord debranche AFB par la cour d’appel deParis. Le texte signé au CCF ne fait pasréférence directement à l’accord AFB,et de ce fait ne sera pas renégocié.

Tournures utilespar Guillaume Dégé

La baguette magistrale de Serge Koussevitzki REPRENANT contact avec le pu-

blic parisien après la longue absenceconsacrée à la défense et illustrationde la musique contemporaine enAmérique, Serge Koussevitzki a puconstater qu’on lui gardait ici dechaudes sympathies et qu’on n’ou-bliait pas les éminents services qu’il arendus à l’art français. Combien decompositeurs de chez nous doiventen effet au chef du Boston SymphonyOrchestra la création d’ouvrages dontles dédicaces témoignent la part qu’ilprit à l’expansion de notre culture ! Etl’on n’a point oublié non plus lesconcerts de l’Opéra de 1919 à 1924, larévélation d’ouvrages d’Honegger, deRoland Manuel, de Prokofiev, d’Al-bert Roussel, de tant d’autres.

Les années ont passé sans queSerge Koussevitzki ait rien perdu deses qualités de chef ; il semble mêmeau contraire plus ardent, plus attentifque jamais, et les exécutions qu’ilvient de donner à la tête de l’Or-

chestre national nous le montrent enpleine forme. On n’oubliera pas de si-tôt le prestigieux finale de la Cin-quième symphonie de Prokofiev, cetallegro giocoso enlevé avec unefougue superbe, et si net, si pur. Onn’oubliera point non plus la Qua-trième symphonie de Tchaïkovski aumême concert du jeudi, ni, le lundiprécédent, la Suite en fa d’AlbertRoussel, ni le prélude de la Khovant-china.

Il y a vingt-sept ans que, sous cettemême baguette magistrale, l’opérade Moussorgski était joué pour lapremière fois à l’Opéra de Paris. Sou-venirs lointains, ravivés par la magied’un chef qui semble s’identifier à lapartition qu’il conduit, la vivre en cha-cun de ses détails et leur donnerl’exact relief souhaité par le composi-teur.

René Dumesnil(23 mai 1950.)

Allemagne :le contresensde Jean-PierreChevènementSuite de la première page

Autant d’expériences qui faci-litent le renoncement à une partiedu pouvoir dans une éventuelle fé-dération, d’autant que la classe po-litique allemande ne se cache plusdepuis des années derrière l’illusionde souveraineté de la représenta-tion nationale : europhiles et euros-ceptiques répétent en chœur que« 80 % des décisions de politique in-térieure sont prises à Bruxelles ».

Le pouvoir grandissant deBruxelles a suscité des inquiétudesoutre-Rhin. Au début des an-nées 90, les féodaux allemands, mi-nistres-présidents des Länder, in-quiets de se voir priver del’essentiel de leurs prérogatives auprofit de Bruxelles, avaient obtenude Helmut Kohl une modificationconstitutionnelle pour avoir droitde regard sur la politique euro-péenne de l’Etat fédéral. CommeM. Kohl, M. Fischer a veillé à don-ner des gages aux Länder. En pro-posant la signature d’un traitéconstitutionnel précisant lescompétences des Etats-nations etde la future fédération européenne,initiative saluée comme un bond enavant par les fédéralistes, il répondaussi à une exigence maintes foisréitérée des Länder, qui y voient leseul moyen de sauver le pouvoirqui leur reste. Le ministre-présidentde Bavière, le conservateur Ed-mund Stoiber, souvent qualifiéd’eurosceptique, a ainsi été

contraint de saluer l’idée de M. Fis-cher « d’avoir une délimitationclaire des compétences entre les poli-tiques européennes et nationales » etl’a félicité pour avoir renoncé à lacréation d’un Etat fédéral euro-péen.

Il serait inexact de voir dans leprojet de M. Fischer une Europedes régions allemandes, qui s’oppo-serait à celle des nations souhaitéepar M. Chevènement. Une des nou-veautés du discours du chef desVerts a, précisément, été de cher-cher à réconcilier l’idée fédéraleavec la nation.

« GRANDE NATION »En suggérant qu’une des deux

Chambres du Parlement européensoit composée de députés issus desParlements nationaux, M. Fischercoupe l’herbe sous le pied de ceuxqui pourraient l’accuser de vouloirdissoudre les nations. L’électiond’un président fédéral au suffrageuniversel devrait favoriser l’émer-gence d’une opinion publique eu-ropéenne. L’idée de créer à quel-ques pays une avant-gardeeuropéenne, prémice d’une fédéra-tion européenne, dotée d’un Parle-ment, d’un président et d’uneconstitution propres, permet decontourner la Commission deBruxelles, incarnation du déficit dé-mocratique de l’Europe pour lessouverainistes.

La manœuvre habile, qui permetà M. Fischer de rendre son projetprésentable auprès de la France,qualifiée péjorativement outre-Rhin de « grande nation », corres-pond aussi à l’état d’esprit actuel del’Allemagne de Gerhard Schröder.Jusqu’à la réunification, l’Alle-magne défendait l’idée fédérale enEurope, parce la RFA n’était pasune nation, ne voulait pas l’être, etque l’Europe était le seul moyenpour ce pays vaincu d’être acceptédans le concert mondial. Après lachute du mur, l’Allemagne est rede-venue une nation, mais dont il fal-lait se méfier. L’euro imposé àmarche forcée par Helmut Kohl de-vait assurer son ancrage définitif enEurope. En 1994, un certain JoschkaFischer commet une véritable pro-fession de foi européenne. Mais letitre de son ouvrage, « Risiko Deut-schland », résume l’état d’esprit àl’époque du futur ministre : l’Alle-magne réunifiée doit se méfier deses propres démons. Aujourd’hui,le discours a changé : l’Allemagnede l’an 2000, en voie de réconcilia-tion avec elle-même, qui a eu lesentiment d’être pour la premièrefois du bon côté avec la guerre auKosovo, peut parler d’une fédéra-tion de nations et vouloir y assu-mer le rôle qui lui revient. Dans cecontexte, le propos de M. Chevène-ment, accusant l’Allemagne de nes’être pas encore « guéri (e) du dé-raillement qu’a été le nazisme », estparfaitement déplacé – surtoutlorsqu’il vise M. Fischer, Vert,soixante-huitard, venant de l’ex-trême gauche et hanté par la fauted’Auschwitz.

En estimant qu’il « faudrait aider[l’Allemagne] à se forger une autreidée de la nation, l’idée de la nation-citoyenne pour un meilleur dialogueavec la France », M. Chevènementfait un contresens. D’une part, l’Al-lemagne de Gerhard Schröder a in-troduit le droit du sol dans son

code de la nationalité au 1er jan-vier 2000, ce qui rend caduque l’ac-cusation du ministre français selonlaquelle elle a une conception« ethnique » de la nation ; d’autrepart, l’Allemagne est en train de dé-velopper une vision plus françaisede la nation et de l’Europe – qui ades conséquences dérangeantespour la France.

Si la France peut estimer qu’elle aretrouvé une partie de sa souverai-neté monétaire avec la création del’euro, l’Allemagne entend pouvoiren dire autant dans deux autres do-maines, qu’elle avait « abandon-nés » en 1945 : la défense et les af-faires étrangères. Dans un payscomme dans l’autre, l’intégrationeuropéenne est ainsi une manièred’exister plus fortement sur lascène internationale.

« Je me réjouirais que nous ayonsd’ici à dix ans un seul ministre desaffaires étrangères, un seul ministrede la défense en Europe », disait auMonde, en février, M. Stoiber, avantd’ajouter : « Je ne pense pas que lesFrançais y soient prêts. » Car, précisele député chrétien-démocrate PeterAltmaier, « les attributs de la puis-sance de la France sont sa force defrappe nucléaire, ceux de l’Alle-magne étaient le deutschemark. Avecla mise en commun de la politiquede défense, les Français ont devanteux à faire un sacrifice que nousavons déjà fait avec l’euro ». L’Alle-magne pourrait voir dans l’Europefédérale un moyen d’exercer unpouvoir dans le concert mondial àsa mesure. Elle rejoindrait ainsi laposition de la France, accusée pen-dant des décennies par les Alle-mands d’utiliser l’Europe pourexercer une puissance que Parisn’avait plus. C’est ainsi une concep-tion assez française de l’Europe etde la nation que M. Fischer a es-quissée.

Arnaud Leparmentier

« Sécu » : équilibre fragileS E trouvera-t-il des es-

prits suffisammentchagrins pour ne pasféliciter le gouverne-

ment des résultats qu’il a obtenusavec la Sécurité sociale ? Selon lesévaluations, peu discutables, pré-sentées lundi 22 mai devant laCommission des comptes, la pro-tection sociale a renoué avecl’équilibre financier en 1999 et de-vrait dégager un excédent de5 milliards de francs en 2000. Cebilan doit être salué.

Voilà en effet de nombreusesannées – quinze pour être pré-cis –, que la « Sécu », institutionqui incarne par excellence le« pacte social » français, était endéficit. De mesures de redresse-ment en plans de sauvetage suc-cessifs, cela semblait être une fa-talité : le trou paraissaitimpossible à combler. Que le gou-vernement puisse afficher un re-tour à l’équilibre est donc àmettre à son crédit, sans bargui-gner : même si la croissance l’y afortement aidé, contribuant àfaire reculer le nombre des chô-meurs et, par conséquent, à aug-menter le nombre des cotisants, ila réussi là où nombre de ses pré-décesseurs avaient échoué. Mieuxque cela, il est parvenu à sortir laSécurité sociale de l’ornière sansdonner le sentiment à l’opinion,traumatisée par les méthodes ex-péditives du plan Juppé de 1995,d’user de méthodes brutales.

Pour Martine Aubry, ce résultatest d’autant mieux venu qu’ilruine l’un des arguments forts dupatronat dans son combat pour larefondation sociale. Depuis delongs mois, le Medef tire en effetprétexte de la situation calami-teuse des comptes sociaux et, toutparticulièrement, de ceux de l’as-

surance-maladie pour justifierses projets. L’argumentaire a sisouvent été répété ces dernierstemps qu’on le connaît par cœur :l’Etat se mêle de tout et, au lieude laisser les partenaires sociauxgérer ce qui devrait être de leurseule compétence, il fait intrusionjusque dans la vie paritaire ; aubout de cette logique bureaucra-tique, qui a placé la Sécurité so-ciale sous la tutelle de l’Etat, il yaurait les déficits... Avec les prévi-sions affichées par la Commissiondes comptes, le gouvernementpeut désormais répondre au pa-tronat que sa démonstration netient pas : la preuve que le sys-tème n’est pas bancal, c’est qu’ilparvient, envers et contre tout, àgénérer des excédents.

Pourtant, le gouvernement doitavoir la victoire modeste. D’abordparce que l’excellente conjonc-ture lui a effectivement facilité latâche, en gonflant les recettes,même s’il fait valoir ses propresmérites. Mais aussi parce que lesdépenses, notamment celles del’assurance-maladie, restent surune pente de hausse très forte. Leredressement est donc encorefragile : que l’activité se retourne,et la « Sécu » pourrait renouertrès vite avec les déficits. Danscette hypothèse, quel argumentMme Aubry pourrait-elle opposerau patronat ? Face à la « refonda-tion sociale » voulue par le Me-def, le gouvernement semble nepas avoir de projet propre. Il pa-raît presque en dehors du jeu.

L’équilibre des comptes estcertes une bonne nouvelle qui re-tire un argument au patronat et àses partenaires syndicaux. Mais ilne peut dispenser le gouverne-ment de se soucier de redynami-ser les relations sociales.

LeMonde Job: WMQ2305--0019-0 WAS LMQ2305-19 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:47 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0589 Lcp: 700 CMYK

H O R I Z O N S - C O N F É R E N C E S LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 19

ZYGMUNT BAUMAN

a Né en 1925 en Pologne, titulaire dedoctorats de l’université de Varsovie,Zygmunt Bauman s’est installé en 1971 enAngleterre, où il a acquis la nationalitébritannique. Professeur de sociologie àl’université de Leeds, il a consacré sestravaux à la condition postmoderne et àl’identité contemporaine. Il a égalementtravaillé sur l’Holocauste. Parmi sesouvrages récents, citons Modernity and theHolocaust (1989), Modernity andAmbivalence (1991), Postmodern Ethics(1992), Mortality, Immortality and Other LifeStrategies (1994), Life in Fragments (1995),Postmodernity and its Discontents (1997),Globalization. The Human Consequences(1998, publié en français en 1999 chezHachette Littératures sous le titre Le Coûthumain de la mondialisation), Work,Consumerism and the New Poor (1999),Liquid Modernity (à paraître en 2000).

Programmedes conférences

Mai. Le 22, Jean-LouisGombeaud, Le marché et sa mondialisation. Le 23, MichelDidier, Nouveaux cycles et nouvellecroissance économique. Le 24, ElieCohen, Structures de financement,exigences des actionnaires etnouveaux modes de gouvernementdes entreprises françaises. Le 25, Jean-Marie Chevalier, La concentration industrielle et seslimites. Le 26, Laurent Grégoire,Supply chain management,logistique et entreprise virtuelle.Le 27, Philippe Lemoine, Les nouveaux visages du commerceet les nouveaux moyens depaiement. Le 28, Didier Roux, Les transferts de technologies. Le 29, Yvan Verot, Les risquesindustriels. Le 30, Claude Lefort,Le pouvoir.

Les conférences sont données au Conservatoire national des artset métiers, 292, rue Saint-Martin,75003 Paris, à 18 h 30 en semaine,à 11 heures les samedis et dimanches.

Zygmunt Bauman, sociologue

Les identités communautaires visent à conjurer les angoisses individuellesAlors que les cadres sociaux – la classe et le sexe – tendaient à enfermer la plupart des individus dans une niche,

la société postmoderne les invite à remettre perpétuellement en question leurs choix de vie et à s’inventer des succédanés de communautéDans le cadre de l’Université

de tous les savoirs, organiséepar la Mission 2000, le profes-seur Zygmunt Bauman, profes-seur de sociologie émérite aux

universités deLeeds et deVarsovie, aprononcé, di-manche7 mai, uneconférencesur le thèmede l’identité.

Cette communication, dont nouspublions les principaux extraits,faisait partie d’un cycle consacréaux « visages de l’association :sociétés, identités et groupes ».

La société prémoderne était unesociété d’états. Mais quand lescadres rigides des états ont été bri-sés, au début de la période mo-derne, la tâche d’auto-identifica-tion présentée aux hommes et auxfemmes s’est réduite au défi de seconformer, sans dévier de lanorme, aux types sociaux et auxmodèles de conduites établis. L’ap-partenance à une classe était dansune certain mesure un accomplis-sement. Elle devait être reconfir-mée et attestée dans la conduitequotidienne de chaque membre.Une fois « défixés », les individusont dû déployer leurs nouveauxpouvoirs de choisir dans la re-cherche effrénée d’une « refixa-tion ».

La division de la société enclasses avait tendance à deveniraussi solide, inaltérable et résis-tante à la manipulation indivi-duelle que l’ancienne attributiondes états prémodernes. La classe etle sexe étaient les cadres enfermantles choix individuels ; échapper àleurs contraintes n’était pas beau-coup plus facile que de remettre enquestion la place de chacun dans la« chaîne divine des êtres ». Si teln’était pas le cas dans la théorie, laclasse et le sexe ressemblaientétonnamment à des « faits de na-ture », et la tâche qui restait à laplupart des individus était deprendre place dans la niche al-louée, en se comportant commedes résidents établis.

(...) C’est précisément sur cepoint que l’individualisation d’au-trefois est différente de la formequ’elle a prise à notre époque demodernité « liquide », où non seu-lement le placement des individusdans la société, mais les placesmêmes auxquelles ils peuventavoir accès et dans lesquelles ilspeuvent souhaiter s’établir, seconfondent perpétuellement etpeuvent à peine servir de buts àdes « projets de toute une vie ». Il ya très peu de choses, sinon rien,que l’on puisse faire pour « atta-cher le futur » en suivant de ma-nière assidue les normes courantes.(...)

Max Weber suggérait, au débutdu XXe siècle, que la rationalité ins-trumentale est le facteur principalqui contrôle le comportement hu-main à l’époque de la modernité.

Pour lui, la question des finssemble donc résolue, et il reste auxhommes et aux femmes modernesà choisir les meilleurs moyens pouratteindre ces fins. Dans cette pers-pective, l’incertitude sur l’efficacitérelative des moyens et sur leur dis-ponibilité serait la source princi-pale d’insécurité et d’anxiété carac-téristique de la vie moderne. Si lepoint de vue de Weber était justeau début du XXe siècle, sa vérités’est progressivement évaporéevers la fin du siècle. De nos jours,ce ne sont pas les moyens qui sontla source première d’insécurité etd’angoisse.

Le XXe siècle a excellé dans lasurproduction de moyens. Lesmoyens ont été produits à un ryth-me toujours plus rapide et ont dé-passé les besoins déjà connus et ju-gés nécessaires. D’abord lesmoyens, les besoins arriverontaprès... Aux moyens de rechercherles besoins qu’ils pourraient servir !Les fins, en revanche, sont deve-nues plus dispersées et incertaines :

elles sont devenues la source d’an-xiété la plus abondante, vraimentla grande inconnue de la vie (...).

Ainsi le problème de l’identité,qui hante les gens depuis l’avène-ment des Temps modernes, a-t-ilchangé dans sa forme et dans soncontenu. Autrefois, c’était le genrede problème auquel les pèlerinsfaisaient face et qu’ils avaient dumal à résoudre : le problème de sa-voir « comment y arriver ». Main-tenant, le problème ressemble plu-tôt à ceux que rencontrent chaquejour les vagabonds, les personnessans domicile fixe ou les sans-pa-piers : « Où aller ? Et où cette routeque j’ai empruntée va-t-elle memener ? » Il s’agit de choisir letournant le moins risqué, au carre-four le plus proche, de changer dedirection avant que la route en facene devienne infranchissable, ouavant que le tracé de cette route nechange, ou encore avant que ladestination prévue ne se déplaceou ait perdu de ses charmes.

En d’autres termes, le dilemme

qui tourmente les hommes et lesfemmes au tournant de ce sièclen’est pas celui d’apprendre com-ment atteindre l’identité de leurchoix et comment la faire re-connaître par ceux qui les en-tourent, mais quelle identité choi-sir et que faire pour rester alerte etvigilant une fois que l’identité choi-sie a été retirée du marché ou aperdu ses pouvoirs séducteurs. Lesouci principal, le plus angoissant,n’est pas de savoir comment s’ins-taller dans une place au sein d’uncadre solidement établi – classe,sexe ou une autre catégorie so-ciale –, et, une fois installé, de sa-voir comment la garder et éviterd’en être chassé ou exilé. Dans unmonde kaléidoscopique de valeursremaniées, de pistes mobiles et decadres changeants, la liberté demanœuvre est élevée au rang devaleur suprême, de « méta-va-leur », de condition d’accès àtoutes les autres valeurs : passées,présentes mais surtout à venir.

Dans un tel monde, la conduiterationnelle exige que les options, leplus grand nombre possible d’op-tions, soient laissées ouvertes ; et lefait d’avoir une identité fixée unefois pour toutes a pour résultat lafermeture ou la perte des options.Comme l’a observé ChristopherLasch, les identités recherchées denos jours sont celles que l’on peutadopter et dont on peut se débar-rasser « comme on change de cos-tume ». Si elles sont « librementchoisies », le choix « n’implique plusdes engagements avec des consé-quences », de sorte que « la libertéde choisir équivaut en pratique aurefus de choisir » (...). Si l’on ne peutpas, ou si l’on pense ne pas pouvoir,faire ce qui réellement importe, onse tourne vers des choses qui im-portent moins ou pas du tout, maisque l’on pense pouvoir faire ; entournant ses efforts sur de telleschoses, on peut même faire en

sorte qu’elles importent, tout dumoins pour un moment... (...)

Il y a une gamme croissante de« passe-temps » qui sont autant desuccédanés pour des choses qui im-portent beaucoup mais que l’on nepeut pas maîtriser. La pratique, dé-voreuse de temps et d’énergie, quiconsiste à rassembler, démonter etréarranger l’auto-identité, est un deces plus formidables succédanés.Cette activité est conduite dans desconditions particulièrement peusûres : les objectifs de l’action sontaussi précaires que ses effets sontincertains. Les efforts conduisentassez souvent à un sentiment defrustration pour que la peur del’échec ultime empoisonne la joiedes succès temporaires. Il n’est passurprenant que la dissolution despeurs personnelles dans la « puis-sance du nombre », vrai ou putatif,qui permet de les rendre inaudiblesdans le brouhaha de la foule, soitune tentation constante auquel ungrand nombre de « constructeursd’identité » trouve difficile de résis-ter. C’est la tentation de fairecomme si la similitude des peursvécues individuellement constituaitune communauté.

Comme l’a observé Eric Hobs-bawm, « le mot “communauté” n’ajamais été utilisé de manière aussi in-différente et aussi creuse que durantla période où les communautés, dansle sens sociologique du terme, deve-naient difficiles à trouver ». « Leshommes et les femmes, explique-t-il,recherchent des groupes auxquels ilspeuvent appartenir, assurément etpour toujours, dans un monde danslequel tout le reste bouge et change,dans lequel tout le reste est incer-tain. » Jock Young réitère cette vuede manière succincte : « Alors mêmeque la communauté s’effondre,l’identité est inventée », dit-il. (...)Pourtant, le paradoxe est que, pourjouer son rôle guérisseur, l’identitédoit nier le fait qu’elle n’est qu’unsuccédané, et, plus que tout, doitévoquer le fantôme de cette mêmecommunauté dont le décès rend lasubstitution aussi souhaitable quepossible. L’identité pousse au cime-tière des communautés, mais fleuritgrâce à sa promesse de ressusciterles morts.

La quête d’identité divise et sé-pare. La précarité de la création so-litaire incite les créateurs à chercherdes crochets auxquels ils peuventensemble suspendre leurs peurs etleurs angoisses individuelles et ac-complir des rites d’exorcisme encompagnie d’autres individus toutaussi effrayés et anxieux. Il n’estpas sûr que de telles « communau-tés crochet » fournissent en faitcette assurance collective contre lesrisques individuels que l’on attendd’elles ; mais ériger une barricadeen compagnie d’autres individusprocure un court répit à la solitude.Efficace ou non, quelque chose aété fait, et l’on peut enfin se conso-ler à l’idée que l’on a livré une ba-taille.

Comme le dit Jonathan Friedmanà juste titre, dans notre époque de

mondialisation, « les frontières nedisparaissent pas ; au contraire, ellessemblent apparaître à chaque coinde rue de chaque quartier délabré denotre monde ». Ces frontières n’ontpas pour fonction de séparer et deprotéger des identités déjà établies.Comme l’a expliqué le célèbre an-thropologue norvégien FrederikBarth, c’est exactement l’inversequi se produit : les identitéscommunautaires sont des dérivesde fébriles tracés de frontières.Nous pouvons dire après ErnestRenan que la communauté, commela nation, vit grâce à un plébiscitequotidien. Mais, une fois que lespostes frontières ont été plantés, ladate trop fraîche des origines estsoigneusement cachée.

Plutôt que de parler d’identités,héritées ou acquises, il serait peut-être plus approprié, pour être justeenvers les réalités de la mondialisa-tion, de parler d’identification : uneactivité interminable, toujours in-complète, inachevée et ouverte,dans laquelle nous sommes tousengagés, jour après jour, par néces-sité autant que par choix. Il y a peude chances pour que les tensions,les confrontations et les conflitsque cette activité produit cessent.La quête effrénée d’identité n’estpas un vestige de l’époque de laprémondialisation. Cette quête est,au contraire, un effet secondaire etdérivé de l’association de la mon-dialisation avec les pressions indivi-duelles, et des tensions que cetteassociation produit. Les guerresd’identification ne sont pascontraires à la tendance à la mon-dialisation : elles en sont le fruit lé-gitime et le compagnon naturel.Loin de l’arrêter, elles en huilent lesrouages.

Zygmunt Bauman

MA

JAD

R

Valéry Giscard d’Estaing, député (UDF) du Puy-de-Dôme, au « Grand Jury RTL-“Le Monde”-LCI »

« Pourquoi le quinquennat ? Parce que sept ans, c’est trop long »« Le premier ministre dit au

président de la République, ausujet du quinquennat : “Si vousne faites pas vite, j’agirai moi-même.” Cela vous choque-t-il ?

– Cela fait vingt ans que, dans dif-férentes circonstances, je re-commande le quinquennat. Pour-quoi le proposer maintenant ?D’abord, parce que nous sommes àbonne distance de l’élection et qu’ilfaut détacher le débat sur le quin-quennat de la campagne électoraleprésidentielle. Dans moins d’un an,nous aurons des élections munici-pales et, après, la préparation desélections législatives, les investituresdes candidats et l’élection présiden-tielle. Donc, c’est maintenant le der-nier moment, en fait.

– Il faut donc que cela se fasseavant les municipales...

– Il faut que ce soit fini à la fin del’année ou dans les toutes premièressemaines de l’année prochaine.C’est d’ailleurs ce qu’a dit récem-ment Alain Juppé.

– M. Juppé, qui est proche deJacques Chirac, et d’autresavaient laissé entendre que le

président de la République évo-luait à ce propos. Pourquoi avoiralors précipité les choses au Par-lement ?

– Il y avait des gens qui étaientpour, il y avait des gens qui don-naient des conseils, mais il n’y avaiteu aucune annonce, à un momentquelconque, par le président de laRépublique lui-même, de son inten-tion de proposer la réalisation duquinquennat.

» Est-ce qu’on ramène la durée dumandat de sept ans à cinq ans, ouiou non ? Si l’on dit “oui”, l’initiativeest la même ; elle peut être prise parle président de la République ou parle Parlement, mais c’est la même ini-tiative. Ensuite, la seule autre ques-tion, c’est : “est-ce qu’on limite àdeux le nombre des mandats suc-cessifs ”. Il le faut parce que, sinon,vis-à-vis de l’opinion, le risque ce se-rait d’avoir quinze ans de fonctionprésidentielle !

– Faut-il ouvrir un débat pluslarge sur la réforme des institu-tions en général ou se limiter àla réduction du mandat prési-dentiel ?

– Si on se lance là-dedans, on estperdu ! C’est la stratégie très connuedes adversaires des réformes, quidisent : “Elle n’est pas mal, cette pe-tite réforme, on pourrait l’accepter ;mais, derrière, il y a cinquante autressujets.” On se lance dans une dis-cussion dont on ne sort plus jamais.

» Pourquoi faut-il faire le quin-quennat ? Parce que sept ans, c’esttrop long. Motif simple ! Et, deuxiè-mement, parce que le septennatmultiplie les cas de cohabitation.Depuis 1981, la majorité de la vie dela Ve République s’est déroulée sousdes périodes de cohabitation, c’est-à-dire contre l’esprit des textes. Apartir du moment où la durée desmandats du président de la Répu-blique et de l’Assemblée nationaleest la même, on ne fait pas dispa-raître le risque d’une contradictiondes électeurs ; mais, alors, cela veutdire qu’ils souhaitent, à un momentdonné, une certaine recherched’équilibre entre un président de laRépublique et une autre majorité.Lorsque cela se fait à des dates dif-férentes, c’est la dernière majoritéqui compte.

– Vous paraît-il envisageableque le président se passe du Par-lement en déclenchant un réfé-rendum “direct” ?

– Les référendums se font sur desprojets de loi, et les projets de loisont élaborés par le gouvernement.Le président de la République nepeut utiliser l’article 11 de la Consti-tution que sur proposition du gou-vernement.

– Certains conseillent àM. Chirac de rouvrir la procé-dure de 1973...

– Il le pourrait ! Cela a un in-convénient, tout de même, qui estde sortir du placard un texte qui avingt-sept ans ; mais, juridiquement,je crois qu’il le pourrait. Cependant,il n’y a pas, dans ce texte, la limita-tion à deux mandats consécutifs ; ilest plus sage de faire les deux chosesen même temps.

– Que pensez-vous, alors, de ladéclaration du premier mi-nistre ?

– Je ne voudrais pas du tout en-trer dans le débat qui amuse le mi-lieu politique : qui va gagner, qui vaperdre, etc. Quand on fait une ré-

forme de ce type, les arguments in-téressants sont ceux qui disent : “Cen’est pas bon pour la France” ou, aucontraire : “C’est un geste de mo-dernité pour la France.”

» Je ne vais pas m’immiscer dansles relations entre le président de laRépublique et le premier ministre.La voie parlementaire est ouverte,puisqu’il y a deux propositions deloi, celle que nous avons déposéeavec un certain nombre de parle-mentaires de l’opposition et cellequi a été déposée, par la suite, par legroupe socialiste. L’Assemblée vote,le Sénat vote, et on va au référen-dum...

– Cela ne s’est jamais fait jus-qu’à maintenant !

– Vous comprenez bien pour-quoi : c’est la cohabitation qui valo-rise cette voie. Pour prendre l’autrevoie, il faut qu’il y ait un accordentre le président de la Républiqueet le gouvernement, puisque c’est legouvernement qui propose et c’est,ensuite, le président de la Répu-blique qui agit. On a vu, dans lesderniers jours, la difficulté qu’il y a àfaire fonctionner un tel système.

S’ils se mettent d’accord, ils peuventdéposer un texte, qui sera d’ailleursidentique au nôtre, pour qu’il aitl’accord du président de la Répu-blique sur le quinquennat et celui dugouvernement, qui souhaite la limi-tation à deux mandats.

– Envisagez-vous d’être candi-dat en 2002 ? Lors d’une émis-sion sur France 2, vous avez dit“pourquoi pas ?”...

– C’était une émission qui n’étaitpas typiquement politique et danslaquelle il y avait une certaine libertéd’expression et d’imagination. Alors,je m’étais dit : “Ça va un peu amuserles téléspectateurs.” Mon idéen’était pas d’annoncer une candida-ture, mais de montrer que c’est undébat ouvert et qu’après tout, ilpourrait y avoir, à un moment ou àun autre, des circonstances faisantqu’il y ait d’autres candidats.

– Le serez-vous vous-même ?– Mais pas du tout ! »

Propos recueillis parAnita Hausser,Patrick Jarreau

et Olivier Mazerolle

LeMonde Job: WMQ2305--0020-0 WAS LMQ2305-20 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 12:01 S.: 111,06-Cmp.:22,12, Base : LMQPAG 01Fap: 100 No: 0657 Lcp: 700 CMYK

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E N T R E P R I S E SLE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

CONSOMMATION Les grandsde l’agroalimentaire s’affrontentavec des moyens considérables surle marché en expansion constantede l’eau en bouteille. b CETTE BOIS-

SON est désormais celle qui croît leplus fortement dans le monde (7 %par an, selon Canadean). b EN 1999,les 6 milliards de Terriens ont chacunconsommé 11 litres d’eau en bou-

teille. Un record. Danone, Nestlé,Coca-Cola et Pepsi se retrouvent enconcurrence frontale. Ils sont pour-tant partis de positions diamétrale-ment opposées : les deux premiers

sont historiquement des grands mi-néraliers avec leurs marques pharesEvian, Volvic, Perrier, Vittel... et lesseconds sont des spécialistes des so-das. b MÊME LES MAJORS de la ges-

tion publique de l’eau, Vivendi etSuez, présentes sur les marchés del’eau purifiée en bonbonne,commencent à s’inquiéter et en-tendent défendre leurs positions.

L’eau en bouteille, champ de bataille des géants de l’agroalimentaireDanone, Nestlé, Coca et Pepsi se disputent le marché de cette boisson dont les ventes augmentent très rapidement sur tous les continents.Une évolution liée aux préoccupations de sécurité des consommateurs et à des comportements alimentaires plus « sains » et « naturels »

DANONE, Nestlé, Coca-Cola,Pepsico... Les géants de l’agroali-mentaire sont tous montés au frontpour participer à une « drôle deguerre » : celle de l’eau en bouteille.Lundi 15 mai, Pepsi a mis 10 millionsde dollars sur la table, dans une pre-mière campagne de publicité natio-nale, aux Etats-Unis, pour son eauAquafina, l’eau en bouteille la plusbue outre-Atlantique. Le mêmejour, Nestlé commercialisait, simul-tanément dans six pays, sa nouvellemarque d’eau européenne, Aquarel.Danone, déjà présent aux Etats-Unis avec des eaux de marque« Dannon », devrait lancer dansl’année des eaux sous le label Da-none dans plusieurs pays euro-péens.

Cet activisme s’explique aisé-ment : l’eau ne s’est jamais aussibien vendue sur la planète. Ce mar-ché pèse désormais 28 milliards dedollars de chiffre d’affaires. En 1999,chacun des six milliards de Terriensa consommé en moyenne 11 litresd’eau en bouteille. Un record. C’est2 litres de plus qu’en 1993, et lacroissance s’accélère : l’an prochain,on devrait atteindre les 12 litres par

an et par personne, selon le cabinetd’études Canadean. C’est encoreloin de la consommation moyennemondiale de soft drinks – 36 litrespar habitant –, mais l’écart se res-serre entre les deux types de bois-son non alcoolique. L’eau est désor-mais la boisson qui croît le plusfortement dans le monde (7 % paran, selon Canadean). Et cette crois-sance est visible sur tous les conti-nents. C’est d’ores et déjà la pre-mière boisson européenne sansalcool.

« RECHERCHE DE NATURALITÉ »Comment expliquer cet engoue-

ment mondial ? Cette consomma-tion est, en toute logique, directe-ment liée à l’accroissement duniveau de vie. Mais cette accéléra-tion actuelle révèle de nouvellestendances. Tout d’abord, « une re-cherche de sécurité par le consom-mateur », analyse Ruxandra Crow,responsable du marché des bois-sons sans alcool chez Canadean.Une attente que l’on retrouve dansles pays émergents, mais égalementdans les pays développés, bousculéspar des scandales alimentaires.Autre raison, « la recherche de natu-ralité ». Les consommateurs dé-laissent les boissons à bulles et for-tement sucrées. La surprise, pournous Européens, est que cette eauembouteillée n’est pas uniquementde l’eau minérale et de source. Plusde la moitié des 89 milliards de litresvendus dans le monde en 1999 estde l’eau purifiée, c’est-à-dire del’eau traitée, à l’instar de l’eau durobinet, mais embouteillée dans despetits ou des grands contenants (lireci-dessous). Cette eau purifiée estcourante aux Etats-Unis. Elle estégalement prisée dans les paysémergents au sein desquels elle re-présente une garantie de santé.

Face à cette nouvelle donne, Danone, Nestlé, Coca-Cola et Pepsiprennent rapidement leursmarques. Ils sont partis de positionsdiamétralement opposées : les deuxpremiers sont historiquement desgrands minéraliers avec leursmarques phares Evian, Volvic, Per-rier, Vittel... Les seconds sont desspécialistes des sodas. En l’espacede deux ans, les deux parties ont to-talement transformé leurs straté-gies. Et se retrouvent désormais enconcurrence frontale, n’hésitantplus à aller chasser sur les terres duvoisin.

La mutation des acteurs du softdrink est spectaculaire. « L’eau estdevenue stratégique pour nous en1998 », raconte Scott Finlow, dePepsi, responsable pour les Etats-Unis de la marque Aquafina. Cetteeau purifiée vendue en bouteilleréalise désormais 600 millions de

dollars de chiffre d’affaires auxEtats-Unis. Testée depuis 1995, elleest accessible sur tout le territoireaméricain depuis deux ans et est dé-jà numéro un des ventes, devançantDanone, Nestlé et... Coca-Cola.Pepsico a pris une longueurd’avance sur son éternel rival descolas. Coca se retrouve sur le mêmemarché avec Dasani, une eau puri-fiée lancée en 1999 et qui se place auneuvième rang outre-Atlantique.Face aux minéraliers, ces spécia-listes possèdent deux grands avan-tages. Un peu partout dans lemonde, leurs réseaux d’embouteil-leurs savent purifier et gazéifierl’eau pour fabriquer leurs sodas, àpartir des concentrés que leurvendent les marques. Coca et Pepsipossèdent donc une infrastructureplanétaire pour fabriquer de l’eaupurifiée.

Deuxième avantage de poids : ilsont déjà en place de multiples ré-seaux de distribution qui leur per-

mettent un accès immédiat au mar-ché. Leur problème : c’est unnouveau métier pour eux. Pepsisemble avoir réussi son apprentis-sage (lire ci-contre). Doug Daft, lePDG de Coca-Cola, a quant à lui re-connu dans Le Monde du 12 mai :« Je ne suis pas sûr que, vu d’Atlanta(le siège américain du groupe,NDLR.), nous ayons bien perçutoutes les subtilités de ce marché. »Ces spécialistes du soda doiventégalement trouver un moyen de ga-gner de l’argent. C’est par la ventetrès profitable du concentré de colaaux embouteilleurs que ces deuxgroupes engrangent une partie deleurs recettes. Pour l’eau, un nou-veau système reste à trouver. Ils en-visagent en tout cas tous les deuxde se développer au niveau plané-taire. Coca est déjà, par exemple enAllemagne avec BonAquA, une eauenrichie en minéraux. Pepsi a lancéAquafina en Inde. « Cela pourraitdevenir une marque globale », a in-

diqué au Monde le responsable dePepsi.

Nestlé et Danone, respective-ment numéro un et numéro deuxmondiaux de l’eau embouteillée,cherchent à capter le maximum decroissance de ce marché. Ils étaientsur une niche ultra-rentable, l’eauminérale. Ils deviennent beaucoupplus pragmatiques.

NOUVEAUX TERRITOIRESFranck Riboud, PDG de Danone,

a longtemps conspué l’eau purifiée,qu’il appelait de « l’eau morte ». Da-none reconnaît aujourd’hui qu’il ex-plore de nouveaux territoires « pourrépondre à tous les besoins en eauembouteillée ». Le groupe françaisvend déjà de l’eau purifiée en Chineet aux Etats-Unis. Tout comme Nes-tlé, qui a même lancé Nestlé PureLife, une eau spécialement conçuepour les pays émergents. Les deuxgrands rivaux européens veulentaussi développer les services autour

de l’eau. Nestlé était déjà le numé-ro un de la distribution de bon-bonnes d’eau à domicile et dans lesentreprises aux Etats-Unis. Danonel’a rejoint en achetant McKessonoutre-Atlantique. Les deux groupescherchent désormais à décliner cesavoir-faire dans le monde. L’Eu-rope n’est pas exclue. Danone estdéjà dans ce métier au Canada, enArgentine, au Mexique, en Chine eten Indonésie. En un an, Nestlé a faitl’acquisition de ces métiers de ser-vices en Argentine et au Vietnam.

En entrant de plain-pied dans lesservices d’eau en bonbonne, Da-none et Nestlé trouvent de nou-veaux concurents : les grands spé-cialistes du traitement de l’eau quesont Suez et Vivendi (lire ci-contre),venus également sur ce territoire.La frontière entre production, trai-tement et services de l’eau n’a ja-mais été aussi mince.

Laure Belot

Appellations et contenants en tout genreb Eau minérale : cetteappellation, spécifique à la France,est décernée par l’Académie demédecine en fonction des bienfaitsde la source. L’eau minérale peutêtre plate (Evian, Vittel, Volvic...)ou gazeuse (Badoit, Perrier, SanPellegrino...). Danone et Nestlésont les grands minéraliersmondiaux.b Eau de source : cetteappellation garantit la provenanced’une source. Ce type d’eauconnaît une croissance à deuxchiffres en France aux dépens deseaux minérales. Aucun traitementn’est possible à la source. b Eau purifiée : c’est une eau quia subi un traitement. Cette eaupeut provenir de sources, derivières, etc. Le traitement de baseest le passage sur un filtre àcharbon actif. Cette eau peut êtreensuite traitée (disparitionchimique de certains composants,mélanges d’eaux de différentescompositions).b Eau enrichie : l’eau qui a subiun traitement peut être aussienrichie par un ajout de minérauxcomme l’eau Nestlé Pure Life etBonAquA de Coca. Ce dernier serémunère d’ailleurs en faisant

payer à ses embouteilleurs unconcentré de minéraux à ajouter àl’eau purifiée, sur le même principeque le Coca-Cola.b Bouteille : contenant de33 centilitres, 1 litre, 1,5 litre,2 litres ou 5 litres. Il peut être enverre, en PET (polyéthylènetéréphtalate, un plastique trèstransparent et résistant, seul àpouvoir être compacté), en PVC(polychlorure de vinyle, plastiqueplus fragile),... Les bouteilles sonten vente dans les magasins et lesdistributeurs. La consommationmondiale moyenne d’eau enbouteille est de 11 litres par an etpar habitant.b Bonbonne : emballage de plusde 5 litres. Le grand modèle le plusutilisé est celui de 5 gallons(22,7 litres), qui correspond à lanorme américaine. La bonbonneest majoritairement vendue àtravers un service de livraison àdomicile ou dans les entreprises(en anglais, HOD, home and officedelivery). Les bonbonnesreprésentent dans le monde uneconsommation moyenne de4 litres par an et par habitant, maisles Américains sont les plus grosconsommateurs.

28%

72%

89 milliards de litres consommés

BONBONNESLIVRÉES ÀDOMICILE OUAU TRAVAIL

VENTE AU DÉTAILDE BOUTEILLESDE MOINS DE 5 L

consommation en milliards de litres

en % de litres

en % de litres

L'eau en bouteillen° 1 en Europe*

Sources : Canadean, Danone* 34 pays européens

Un marché de 28 milliardsde dollars

41%

59%

EAU DE SOURCEOU MINÉRALE

EAU PURIFIÉE

(Bouteilles de 5 litres ou moins)

1988 89 91 93 95 97 99

50

40

30

20

10

0

EAU SODASAUTRES BOISSONSSANS ALCOOL

LeMonde Job: WMQ2305--0021-0 WAS LMQ2305-21 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 12:01 S.: 111,06-Cmp.:22,12, Base : LMQPAG 01Fap: 100 No: 0658 Lcp: 700 CMYK

E N T R E P R I S E S LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 21

Vivendi et Suez Lyonnaises’ouvrent de nouveaux marchés

« ON PEUT toujours réhabiliter lemétier de porteur d’eau. C’est uneactivité intéressante, mais je ne suispas certain que c’est la voie de l’ave-nir », ironisait Gérard Payen, direc-teur du secteur de l’eau de SuezLyonnaise, il y a deux ans. Al’époque, les grands groupes agroa-limentaires commençaient à regar-der attentivement le marché del’eau en bonbonne. Certains se di-saient prêts à entrer en concurrencedirecte avec Vivendi ou Suez. Lesmajors de la gestion publique del’eau souriaient. Depuis, le ton achangé. Jean-Marie Messier, le PDGde Vivendi, se fait photographieravec une bouteille d’eau Culligan, lasociété d’eau purifiée trouvée dansla corbeille de mariage lors du ra-chat de USFilter. Suez Lyonnaise aannoncé en mars la création d’unedivision autour de la Roche Claire,la filiale du groupe spécialisée dansl’eau en bonbonne. « Les hôpitaux,les entreprises utilisent de plus en plusde fontaines d’eau de source réfrigé-rée. C’est un métier de services quenous savons faire », justifie legroupe.

L’EAU EN BONBONNETout en disant ne pas être en

concurrence avec Coca, Pepsi, Danone ou Nestlé, les deuxgroupes ne veulent pas se laisserdistancer par les grands de l’agroa-limentaire dans un secteur qu’ilsconsidèrent comme le leur. C’estavec leurs techniques, leurs équipe-ments, leurs méthodes que l’on fa-brique de l’eau purifiée. Ce sonteux les grands fournisseurs d’eaudes embouteilleurs qui fabriquenttoutes les boissons non alcoolisées.En même temps, comment avoueraux populations auxquelles ils dis-tribuent de l’eau qu’ils vendent enmême temps de l’eau en bon-bonne ? A l’heure où les doutes semultiplient sur la qualité de l’eaumunicipale, n’est-ce pas accréditerl’idée que l’eau du robinet est mauvaise ?

Voulant éviter cet écueil, les deuxgroupes ont mis au point des stra-tégies précises. L’un comme l’autreconsidèrent que l’eau en bonbonneest un produit cher, réservé en

priorité aux pays riches. « Dans lespays en développement, l’eau enbonbonne est d’abord pour les popu-lations très aisées. Lorsque nous ap-portons de l’eau du robinet à touscomme à Djakarta et à Manille, leprix de l’eau est divisé par dix parrapport à celui d’un approvisionne-ment en bonbonne, sans parler desautres critères comme la santé pu-blique », insiste la Lyonnaise.

Au-delà, les approches divergent.La Lyonnaise dit vouloir se limiter àne distribuer, en Europe, que del’eau de source en bonbonne. Lemarché américain, avec sa re-cherche d’eau purifiée, lui paraîttrop éloigné de son savoir-faire.« En Europe, il y a une culture duthermalisme, pas aux Etats-Unis.Nous ne nous voyons pas du toutnous lancer dans l’eau synthétiquecomme le projettent les groupesd’agroalimentaire. Pour nous, l’eauest un produit vivant, pas une sortede base, qui ressemble à de l’eau,dans laquelle on ajoute des sels mi-néraux en fonction du marketing »,souligne-t-on dans le groupe.

Chez Vivendi Water, nouveaunom du « pôle eau » du groupe, lapriorité est au contraire de se ren-forcer sur les marchés de l’eau puri-fiée apportés par Culligan. « Nousavons une marque extraordinaire,qui est la référence de l’eau purifiéedans les pays occidentaux », sou-ligne-t-on chez Vivendi. Culligan,cependant, peine : la société achangé sept fois de direction ensept ans. Une réorganisation indus-trielle complète s’impose, pourconforter d’abord la marque auxEtats-Unis puis en Europe, et peut-être plus tard dans les pays richesde l’Asie. Le groupe se demandeaussi si les méthodes de marketinget les services utilisés pour la ventede l’eau en bonbonne ne peuventpas être repris dans la distributionde l’eau au robinet et créer de nou-veaux marchés. Les consomma-teurs se verront peut-être proposerun jour, à côté d’un service de base,des produits pour filtrer l’eau, la ré-frigérer, ou un deuxième robinetd’eau purifiée.

Martine Orange

L’apprentissage rapide de l’américain PepsicoL’ARRIVÉE de Pepsico sur le marché de l’eau aux

Etats-Unis a été regardée avec scepticisme. Cinq ansaprès les premiers tests régionaux, c’est un véritablesuccès : l’eau purifiée Aquafina est numéro un de l’eauen bouteille outre-Atlantique, et a connu une crois-sance de 79 % entre 1998 et 1999. Dans l’eau, le groupedirigé par Roger Enrico a pris une longueur d’avancesur son éternel rival, Coca-Cola.

Cette activité s’est intégrée dans l’organisation Pepsi-co au même titre qu’un autre soda. « Nous n’avons pasde direction mondiale de l’eau », explique Scott Finlow,le chef de produit Aquafina pour les Etats-Unis. Pepsi apu tout de suite s’appuyer sur son organisation de pro-duction existante. Aquafina est purifiée par les embou-teilleurs du groupe, qui produisent aussi les sodas. L’en-treprise se rémunère auprès d’eux en percevant desredevances pour « frais marketing ». Pour minimiser lescoûts de transport, seize sites différents sont mis àcontribution sur le territoire américain. Pepsico estime

qu’il couvre 450 000 des 600 000 points de vente qui dis-tribuent les produits Pepsi aux Etats-Unis. Pepsico aégalement su tirer profit de ses machines-distributeurs,possédées en propre et dispersées sur tout le territoire,qui lui permettent sans intermédiaire de commercialiserdes bouteilles de 60 et 75 centilitres.

La grande nouveauté a été la découverte d’autres at-titudes de consommation. « L’eau est un marché plus fé-minin et plus adulte que les sodas », explique ce respon-sable. Un marché également où, « à l’inverse del’Europe, il n’y avait pas de marque forte ». Pepsico re-connaît que Danone a ouvert la voie. Avec Evian, legroupe français a été le premier à apporter une ap-proche marketing sur l’eau aux Etats-Unis. Les projetssont désormais nombreux. « Nous allons développer denouveaux contenants et étudions le développement deprojets comme l’eau à bénéfice santé ou l’eau parfumée. »

L. Be.

D’un continent à l’autre, les habitudesen matière de boisson sont différentesL’EAU est un marché complexe,

lié aux cultures nationales et à lafaçon dont les consommateursappréhendent la nutrition. Lesgroupes s’adaptent d’uncontinent à l’autre.

b Europe. L’Europe de l’Ouestreprésente encore 49 % de laconsommation d’eau en bou-teilles dans le monde. C’est leroyaume de l’eau vivante, nontraitée (minérale ou de source),un héritage de la tradition ther-male. L’Italie et la France dé-tiennent les records mondiaux deconsommation, respectivement157 et 124 litres par an et par habi-tant. Dans un marché aussi ma-ture, les industriels rivalisent d’in-géniosité pour générer de lacroissance. Ils multiplient lestailles de contenants, comme labouteille d’un demi-litre à bou-chon sport ou celle de 5 litres àrapporter chez soi. Ils lancent desnouveaux segments comme l’eauà bénéfice santé (Talians de Da-none, Courmayeur de Neptune).Danone a lancé en février une eau« Vitasnella de Danone » : sous lamême appellation minceur – Vi-tasnella est l’équivalent italien deTaillefine –, Danone distribue dé-sormais des yaourts, des biscuitset de l’eau. Dernière nouveautéen Europe du Nord : les « near-waters », des eaux dans lesquelleson ajoute des petits plus, sourcesde bienfaits pour l’organisme.

La surprise est venue du succèsdes eaux de source peu chères,comme Cristaline en France. Leprincipe : sous un même nom,une multitude de sources ali-mentent le territoire, ce qui dimi-nue les coûts de transport. Ens’excluant de ce nouveau seg-ment, les marques phares de Nes-tlé et Danone ont perdu du ter-rain en Europe. Ces groupesréagissent. Nestlé, qui avait multi-plié les acquisitions, a changé decap et se rallie à la stratégie uni-verselle : l’eau multisource, avecAquarel, lancée le 15 mai en Eu-rope. Danone prépare un autreprojet. « Nous devrions lancer d’icià la fin 2000 une eau Danone dansdeux ou trois pays européens, ex-plique Pedro Medina, directeurgénéral chargé du pôle monde.Une eau vivante à bénéfice santé. »

Y a-t-il une place en Europepour l’eau purifiée ? Doug Daft, lePDG de Coca, croit à son déve-loppement car il existe « une de-mande croissante de sécurité. Along terme, certaines sources vontconnaître des problèmes de pollu-tion. » Coca est présent dans onzepays d’Europe de l’Est avec l’eaupurifiée BonAquA ainsi qu’en Al-lemagne, ce pays de sources où ilconnaît un succès inattendu. Lesminéraliers s’interrogent. « Notreeau purifiée pour pays émergentsNestlé Pure Life et l’eau de sourceAquarel sont complémentaires, ex-plique Richard Girardot, de Nes-tlé. Certains marchés européns, no-tamment à l’Est, pourraient êtreplus mûrs que d’autres. C’est auconsommateur de décider. » Da-none déclare « y être attentif ». Lesbonbonnes de plus de 5 litresconnaissent, elles, un véritable es-sor pour la consommation au bu-reau.

b Etats-Unis. A l’opposé del’Européen, l ’Américain aimeavant tout l’eau sécurité : traitée,sans organisme vivant. Celle-ci estdevenue un produit de grandeconsommation. Sur les 14,5 mil-liards de litres consommés en1999, le tiers provient de bon-

bonnes distribuées dans les bu-reaux et aux domiciles des Améri-cains. Nestlé est numéro un decette activité, suivi entre autres deDanone, avec le rachat de McKes-son.

Les habitudes de consomma-tion évoluent. Les bouteilles(d’une contenance inférieure ouégale à 5 litres) ont connu unecroissance de 16 % entre 1996 et1999. Nestlé possède cinq eaux ré-gionales dans les dix premièresplaces. Dans ce classement, on re-trouve également Evian venduequatre fois plus cher qu’en Franceet l’eau multisource Dannon Wa-ter. Mais la grande percée est celledes bouteilles d’eau purifiée dePepsico et de Coca-Cola dansl’année 1999.

b Pays émergents. Chacuncherche à rentrer sur ces marchéspeu développés mais promet-teurs. Coca-Cola a en test un ser-vice d’eau en bonbonne à Hong-Kong. Un métier où Danone etNestlé sont largement présents(lire ci-contre). Ces groupes sontouverts. « L’eau purifiée est la fa-çon la plus simple et la plus écono-mique de convaincre les gens derentrer sur le marché de l’eau em-bouteillée », reconnaît Pedro Me-dina, de Danone. Son groupe estnuméro un en Chine avec de l’eaupurifiée petits et grands conte-nants. Nestlé a, quant à lui, tentéune expérience inédite, NestléPure Life, une eau purifiée lancéeau Pakistan en décembre 1998.« Nous avons beaucoup appris surle terrain, explique Richard Girar-dot, de Nestlé. Nous sommes dé-sormais au Brésil, à Shangaï. Nousserons au Mexique d’ici l’été etdans six à huit nouveaux pays d’icifin 2001. » L’entreprise va mêmeplus loin dans sa réflexion en étu-diant des modèles en Asie de« water-shops » et de « water-sta-tions » : des lieux où on achète desbonbonnes consignées que le ma-gasin vous remplit ou qu’on rem-plit soi-même.

L. Be.

Une croissance mondiale

19

3

10

10

15

12

85

35

+ 5 %

+ 10 %

+ 4 %

+ 3 %+ 7 %

+ 5 %

+ 14 %

+ 15 %+ 3 %0,2

AMÉRIQUE DU NORD

AMÉRIQUE LATINE

EUROPEDE L'OUEST EUROPE

DE L'EST

ASIE

AUSTRALASIE

AFRIQUE DU NORDET PROCHE-ORIENT

RESTE DE L'AFRIQUE

NOMBRE DE LITRES PAR PERSONNE ET PAR AN EN 1999

CROISSANCE ANNUELLE ESTIMÉE ENTRE 1999 ET 2001

LA CONSOMMATION D'EAU EMBOUTEILLÉE (5 LITRES OU MOINS) : MINÉRALE, DE SOURCE OU PURIFIÉE

Source : Canadean

LeMonde Job: WMQ2305--0022-0 WAS LMQ2305-22 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:52 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0592 Lcp: 700 CMYK

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LA FRANCE a adopté la tech-nique dite de l’incubation d’entre-prises, c’est-à-dire la façon dont desétablissements publics à caractèrescientifique et technologique,

comme desuniversités oudes écoles spé-cialisées, favo-risent la forma-tiond’entreprisestechnologique-ment inno-

vantes, créées par leurs propreschercheurs ou leurs étudiants, afinde leur permettre d’affronter lemarché plus solidement.

La dimension juridique de l’in-cubation est très importante, ne se-rait-ce que parce que c’est la loi du12 juillet 1999 sur l’innovation et larecherche, dont le titre transcritcette volonté d’établir un flux entrerecherche publique et créationd’entreprise, qui autorise les établis-sements à mettre en place ces in-cubateurs.

Plus encore, le droit prend sa partdans le succès ou l’échec de l’in-cubation de deux façons. Il doit toutd’abord être utilisé de sorte que l’in-cubation réussisse. Il faut ensuiteque les parties se conforment auxrègles juridiques générales pour ne

pas compromettre la sécurité duprocessus.

Sur la première perspective, troischoix juridiques doivent être faitspour porter l’incubation du projet.Il convient d’autant plus de parlerde « choix » que la loi du 12 juillet1999 est quasiment silencieuse surles formes juridiques que peut em-prunter l’incubation.

Le premier choix est celui de laforme juridique de l’incubateur lui-même. L’incubateur peut n’êtrequ’un service de l’établissement.Mais celui-ci peut constituer l’in-cubateur comme une personne juri-dique autonome. Toute forme juri-dique est possible, de l’association àla société de capitaux, mais l’ons’accorde à penser qu’un groupe-ment d’intérêt public (GIP) ou d’in-térêt privé (GIE) est plus appropriéà la mission même de l’incubateur,à savoir la mise en commun demoyens pour faire advenir des pro-jets.

SOCIÉTÉ PAR ACTION SIMPLIFIÉE Le véritable choix s’opérera alors

entre la structure de droit public(GIP) et la structure de droit privé(GIE). Sans doute, la première estplus proche de la notion de servicepublic qui continue d’habiter cettenouvelle mission des établisse-

ments mais la seconde est plusflexible, plus efficace et donc pluspropice.

Le deuxième choix est celui de laforme juridique de l’entreprise nais-sante dont l’établissement a décidéde porter le projet. Ce sera par anti-cipation une société commercialepuisque l’incubation a pour butd’établir un lien entre la recherchepublique et l’économie marchande.Même si ce fut par le biais d’un ha-bile amendement, la loi du 12 juillet1999 a inséré pour cela la nouvelleforme de la société par action sim-plifiée (SAS) au besoin uniperson-nelle (SASU). La flexibilité extrêmede cette société (Le Monde du 19 oc-tobre 1999) libère le nouvel entre-preneur des contraintes sociétaireshabituelles. Mais l’on peut préférerdes types de sociétés plus clas-siques, ne serait-ce que parce que laSAS ne peut être cotée et qu’à courtterme l’entreprise innovante viseson entrée sur le marché financier,ce qui suppose des actions négo-ciables, telles qu’émises par une so-ciété anonyme.

Le troisième choix est celui ducontrat d’incubation qui va unirl’incubateur et le porteur de projet.La loi ne prévoit que le principed’une rémunération de l’incubateurpour les services rendus. La règle

sera donc la liberté contractuelle.Ce contrat traduira librement l’am-pleur de l’aide (mise à dispositionde locaux, transfert de technologie,conseils de gestion ou fiscaux, etc.)mais aussi les obligations du por-teur de projet à l’égard de l’incuba-teur, notamment l’obligation del’informer. Sans doute soumis audroit privé, ce contrat pourracomprendre toutes les clauses dontle droit des affaires est familier,telles des clauses d’arbitrage en casde litige ou des clauses pénales pré-voyant des sanctions pour celui quine respecte pas ses engagements.

TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE Enfin, le processus d’incubation

devra être juridiquement conformeau droit, notamment au droit desobligations et des sociétés mais aus-si au droit de la concurrence. Danscette dernière perspective, on peutprendre deux exemples. En premierlieu, ce système public d’incubationpeut entrer en concurrence avecdes systèmes privés d’incubation. Ilfaudra que la rémunération de l’in-cubation publique soit équitable desorte que l’égalité entre les opéra-teurs ne soit pas faussée, notam-ment par des subventions croiséesentre l’établissement d’enseigne-ment et son incubateur. En secondlieu, l’incubation implique souventdes transferts de technologie entrel’établissement et le porteur de pro-jet. Elle s’insérera donc dans l’orga-nisation par le droit de la concur-rence de ces cessions de droitsintellectuels, brevets, licence, sa-voir-faire, etc., notamment par lerèglement communautaire du31 janvier 1996.

Bien sûr, c’est avant tout la quali-té technologique et économique duprojet qui fera la réussite de l’in-cubation. Il demeure que si le droitn’est pas respecté, cela peutcompromettre sa bonne fin et s’ilest bien utilisé, cela peut accroîtreses chances de succès.

Marie-Anne Frison-Roche(professeur de droit

à l’université Paris-Dauphine)

Le rôle du droit dans l’incubation d’entreprises

Forte offensive américaineC’est en 1994 que les Américains ont décidé de déclassifier les

images de haute résolution (1 mètre) jusque-là réservées aux mili-taires. Cette action visait à reconquérir un marché dominé par lesEuropéens, et plus particulièrement les Français, avec des satellitesde 10 à 20 mètres de résolution. En 1997, la France s’est alignée sur laposition américaine.

Récemment, rapportent les revues Space News et Aerospace Daily,le colonel Richard Skinner, directeur du C3ISR & Space, (Command,Control, Communications, Intelligence, Surveillance, Reconnais-sance and Space) a déclaré que les Etats-Unis avaient avantage à cé-der leur technologie d’observation satellite à d’autres nations. S’ilsne le font pas, a-t-il averti, elles s’approvisionneront à d’autressources ou développeront des capacités domestiques. Cette déclara-tion est à rapprocher de rumeurs selon lesquelles le Pentagonepourrait autoriser la commercialisation d’images d’une résolutioninférieure au mètre.

LONGTEMPS seule présente surle marché de la vente d’imagesprises par les satellites d’observa-tion, la société Spotimage doit au-jourd’hui faire face à une concur-rence qui se renforce chaque jour.Avec l’arrivée en force des Améri-cains sur ce secteur et la créationde toutes nouvelles firmescommerciales comme Earthwatch,Space Imaging et Orbimage, avecla concurrence plus modeste desRusses et l’engagement constantde pays en voie de développementcomme l’Inde, Spotimage, qui oc-cupe le terrain depuis près dequinze ans, se doit de réagir pourgarder sa place.

Bien que détenant encore 55 %du marché mondial des images sa-tellite, Spotimage n’a réalisé en1999 qu’un chiffre d’affairesconsolidé de 237 millions de francs(36,1 millions d’euros) dans un sec-teur où les investissements spa-tiaux se comptent en milliards defrancs. Un chiffre en légère régres-sion par rapport aux 263 millionsde francs enregistrés en 1998, an-née où la société française avaitprogressé de 17 %.

Ce repli n’aurait pas eu lieu, af-firme son PDG, Jacques Mouysset,si la société ne s’était fait soufflersur le fil par les Américains uncontrat de quelque 20 millionsd’euros portant sur la détection enorbite des cultures illicites auMexique. « Cet échec nous a un peudésappointés, explique-t-il, carnous avions beaucoup investi sur ceprojet. Il faut maintenant passer àautre chose, réfléchir et bouger ra-pidement car notre environnementse transforme. »

Certes, tout n’est pas noir. La fi-liale chinoise de la société, pour-tant créée en 1998, a réalisé unchiffre d’affaires double de celuiqui était prévu et les perspectivesdans ce pays « semblent considé-rables. » Autre point positif : l’es-sentiel des ventes de produits sefait à l’exportation, avec 38 % de

l’activité dans la zone Asie-Paci-fique dont un tiers pour le Japon,28 % pour l’Europe dont un tierspour la France, 15 % aux Etats-Unis, 6 % en Amérique latine, 8 %en Afrique et 6 % au Moyen-Orient.

« TRAVAIL DE MARKETING »Cela ne suffit pas à Jacques

Mouysset, qui rappelle que laclientèle actuelle est encore, danssa grande majorité, institution-nelle et que cela n’aura qu’untemps. « C’est un secteur très diffi-cile, explique-t-il. Un marché fondéplus sur l’offre que sur la demande.Un marché qui se transforme rapi-

dement et auquel nous devons nousadapter. Je ne pense pas qu’il failleévoquer le spectre d’une possible di-minution de nos parts face à uneconcurrence qui s’organise. Ce qu’ilfaut, au contraire, c’est agrandir legâteau et faire pour cela un grostravail de marketing auprès de laclientèle. »

Les années 2000 et 2001 n’y suf-firont pas. Spotimage devra secontenter des seules images àchamp large (60 km x 60 km) four-nies par sa flotte unique de trois

satellites en orbite (Spot-1, Spot-2et Spot-4), dont les clichés ont unerésolution dans le domaine visiblede 10 mètres et 20 mètres. « Nosclients ne se contentent plus de tellesimages, même si, avec notre flotte,nous pouvons obtenir très rapide-ment des photographies de n’im-porte quel point du globe », analyseM. Mouysset. Ce qu’il faut, c’estaussi « leur offrir la possibilité dedonner des coups de zoom très pré-cis sur certaines zones localiséesavec des résolutions de l’ordre dumètre ».

L’américain Space Imaging pro-pose de telles vues prises par sessatellites Ikonos. Pour ne pas être

en reste, Spotimage avait, en 1999,passé un contrat avec sonconcurrent américain, la sociétéOrbimage, qui devait lancer cetteannée deux satellites d’observa-tion à très haute résolution : Orb-view-3 et Orbview-4. Mais ces der-niers ont pris du retard. Ils neseront pas mis en orbite avant lepremier et le deuxième trimestre2001. Par ailleurs, ce n’est pasavant la fin du premier trimestre2002 que Spot-5, seul engin à cettedate capable de fournir des scènes

à grand champ large, d’une résolu-tion de 2 mètres à 3 mètres, seraopérationnel.

En attendant, Spotimage s’ap-puie sur ses compétences, son sa-voir-faire et sa formidable biblio-thèque d’images (7,5 millions)pour maintenir son rang et prépa-rer l’avenir. Par des investisse-ments lourds d’abord : pour lesinstallations au sol de Spot-5 ,pour l’instrument stéréoscopiquede Spot-5 et pour l’associationavec la société Orbimage. Par unediversification, ensuite, de sagamme de produits en distribuantaujourd’hui, en plus de ses don-nées optiques, les données radar– qui s’affranchissent du mauvaistemps – des satellites canadien Ra-darsat et européens ERS, et celles,demain peut-être, du gros satelliteeuropéen Envisat.

NOUVELLE CLIENTÈLEEnfin par une politique commer-

ciale nouvelle. A partir du 1er juin,Spotimage a décidé de mettre enplace une tarification en euros,plus simple et plus accessible,avec, par exemple, un accès à moi-tié prix (1 250 euros) sur les scènesantérieures au 31 décembre 1997 etune aide substantielle aux scienti-fiques utilisateurs de ces images.

De plus, comme tous ces pro-duits sont déjà numérisés,M. Mouysset a décidé de miser surInternet et de se lancer dans la re-cherche d’une nouvelle clientèle(agriculture, télécommunications,communautés urbaines, cartogra-phie), souvent ignorante des pos-sibilités offertes par les satellites,et à laquelle il faut proposer desproduits sur étagères immédiate-ment utilisables. « C’est à ce prixque notre société se développera »,insiste M. Mouysset, qui espèreainsi tripler son chiffre d’affairesavec la mise en service des satel-lites Spot-5 et Orbview.

Jean-François Augereau

Premier investisseurétranger dans la pierre

Après avoir repris au GAN lepremier portefeuille d’actifs im-mobiliers vendus en France,Morgan Stanley a acheté unportefeuille d’actifs à IBM dansle 12e et le 13e arrondissement deParis et à Vincennes (Val-de-Marne). La banque a ensuite étéle premier étranger à investirdans la ZAC Paris Rive gauche,le nouveau quartier conçu au-tour de la Bibliothèque Fran-çois-Mitterrand. Elle a lancé unimmeuble « en blanc » (nonconstruit et non loué), où serainstallé le siège d’Altadis (ex-Seita) et qui a déjà été revenduau groupe Médéric.

De l’autre côté de la Seine, labanque a acquis la société d’ex-ploitation de Bercy Expo (Zeus),propriétaire de 140 000 mètrescarrés. MSDW est également de-venue propriétaire, en partena-riat avec la Société générale etla Maaf, de 66 500 mètres carrésde bureaux sur la dalle Mont-parnasse. Elle vient enfin des’engager dans la constructiond’un immeuble de 36 000 mètrescarrés de bureaux à Saint-Denis(Seine-Saint-Denis) et d’un de10 000 mètres carrés à Nanterre(Hauts-de-Seine). Au total, uneéquipe de sept personnes à Parisgère, souvent en associationavec des partenaires locaux, en-viron 350 000 mètres carrés.

La France affronte une concurrence croissantesur le marché des images satellite

Spotimage doit se battre pour rester numéro un mondialArrivée en force des Américains, concurrenceplus modeste des Russes, émergence des paysen développement : la société française Spoti-

mage doit réagir pour garder sa place. Elle dé-tient encore 55 % du marché mondial desimages satellite, mais a vu ses ventes fléchir en

1999. Investissements lourds, diversification desa gamme et nouvelle politique commercialesont ses premières ripostes.

La banque Morgan Stanleyconfirme son intérêt

pour l’immobilier parisienSon portefeuille atteint 8 milliards de francs

APRÈS AVOIR CÉDÉ la tourHoechst à un consortium debanques et de compagnies d’assu-rances, le groupe Aventis vient devendre l’ancien siège de Rhône-Poulenc à la Défense au fonds im-mobilier géré par la banque améri-caine Morgan Stanley Dean Witter(MSDW), le Morgan Stanley RealEstate Fund. Le capital de ce fondsn’est ouvert qu’aux investisseursinstitutionnels. La banque a em-porté l’opération à l’issue d’un ap-pel d’offres discret mais très serré,organisé par le cabinet AugusteThouard. « Il y avait plus de quinzeoffres au premier tour », confie undes participants.

L’immeuble situé 25 quai Paul-Doumer, à Courbevoie (Hauts-de-Seine), représente 39 000 mètrescarrés de surface utile. Aventis nesouhaite pas révéler le montant dela transaction mais n’a pas dû faireune mauvaise affaire. « Le taux devacance à la Défense est proche dezéro, on s’attend à ce qu’il reste basencore au cours des deux pro-chaines années, cela induit un cer-tain prix de vente... », commente unobservateur. Morgan Stanley achoisi Bouygues Constructionpour remettre à neuf cet immeubledes années 70 d’ici à l’automne2002. A moins qu’un utilisateurtrès pressé, et confronté à la pénu-rie de locaux immédiatement dis-ponibles à la Défense, n’insistepour les occuper en l’état...

Morgan Stanley confirme sonrang de premier investisseur étran-ger en France au cours des deuxdernières années. Avec 2,1 mil-liards de dollars de fonds propres,les fonds immobiliers de MorganStanley ont acquis 3,6 millions demètres carrés à travers le monde,dont 1,3 million en Europe. EnFrance, la banque contrôle 8 mil-liards de francs (1,22 milliard d’eu-ros) d’actifs, acquis en moins detrois ans. La première opérationbouclée à Paris a été l’achat d’unportefeuille d’actifs du Gan, en1997, pour 700 millions de francs.« Nous avons ensuite anticipé le dé-collage de l’est parisien avant tout lemonde, lorsqu’il restait encore plusde 4 millions de mètres carrés va-cants en Ile-de-France, que le mar-ché était concentré sur Paris et enparticulier sur le triangle d’or et laDéfense », explique StéphaneTheuriau, directeur pour la Francedes fonds immobiliers MorganStanley. « Nous nous intéressonsaux quartiers qui présentent un défi-cit d’image au moment où nous in-vestissons, à condition qu’ils aienttoutes les qualités objectives pour sé-duire des utilisateurs, notammentune desserte parfaite par les trans-ports en commun et la taille critiquepour devenir un quartier d’affaires.Car les entreprises révisent leurs cri-tères subjectifs dès qu’on constateune raréfaction de locaux neufs dis-ponibles », poursuit-il. En vertu dece principe, Morgan Stanley vientde lancer la construction d’un im-meuble Carrefour Pleyel, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

OFFRE LIMITÉEM. Theuriau est en effet

convaincu que la demande des en-treprises pour des bureaux neufs,bien conçus, a encore de belles an-nées devant elle, et que l’offre detelles surfaces est limitée. Il rap-pelle que les opérations de fusions,les acquisitions, le développementde nouvelles activités à forte va-leur ajoutée, dans les télécommu-nications ou Internet, amènent lesentreprises à chercher de nou-veaux locaux. Elles ne souhaitentplus construire elles-mêmes leursiège et encore moins être proprié-taires de leurs immeubles. « Au-cune entreprise n’envisagerait au-jourd’hui de s’installer dans deslocaux sans climatisation ou sanspossibilité de câblage informatique,comme on le voyait encore il y a dixans. En revanche, sur une surfacedonnée, on installe plus de gens etplus d’ordinateurs. Cela expliqueque les entreprises, qui sont aussiplus rentables qu’il y a dix ans,soient prêtes à payer un loyer aumètre carré supérieur ». Les pers-pectives pour les investisseurs sontdonc bonnes.

Les entreprises restent toutefoisrigoureuses et celles qui peuvent

se permettre de payer des loyerssupérieurs à 4 000 francs le mètrecarré, comme on commence à levoir dans les meilleurs quartiers deParis, restent des exceptions. L’undes symboles de la débâcle immo-bilière des années 90, l’ancien siègede la CFAO, avenue d’Iéna, est enpasse d’être loué par GoldmanSachs, son propriétaire, entre 4 500et 5 000 francs du mètre carré !« Ce n’est pas représentatif du mar-ché », préviennent les profession-nels. N’est-ce pas tout de même unsigne de dérive spéculative ?

RÉALISTE ET SÉLECTIVEPour M. Theuriau, les signes

d’une bulle dangereuse ne sont pasencore en vue. Pendant quelquesannées encore, le marché sera plu-tôt placé sous le signe de la pénu-rie. « Les grands opérateurs ne sontpas nombreux », explique-t-il. Cer-tains grands groupes, comme l’an-cienne Générale des eaux oumême Bouygues, ont aujourd’huid’autres priorités stratégiques.« La politique de décentralisation alimité l’offre d’immeubles neufs : au-jourd’hui, on restructure les an-ciens ». Il rappelle qu’en 1975 et1992 le nombre de mètres carrés debureaux en région parisienne a étémultiplié par deux, passant de 20 à40 millions, alors qu’entre 1992 etaujourd’hui, n’ont été fabriqués

que 3 millions de mètres carrésnouveaux. Plus encore, il relèveque « 2 millions de mètres carrés selouent chaque année alors que dansles quatre ans à venir, il n’y aura que400 à 500 000 mètres carrés de bu-reaux neufs ». Qui plus est, « on neconstruit plus n’importe où et n’im-porte quoi : Marne-La-Vallée ouCergy-Pontoise ne pourraient pasêtre conçues aujourd’hui », affirme-t-il. Le contexte financier n’est pasnon plus le même : les banques,mieux contrôlées, sont plus pru-dentes dans les financementsqu’elles accordent.

Morgan Stanley estime donc quele marché parisien a encore un po-tentiel de hausse, ce qui n’em-pêche pas la banque d’être réalisteet sélective dans ses investisse-ments. Elle n’hésite pas non plus àprendre ses bénéfices lorsque l’oc-casion se présente : elle a ainsi déjàrevendu à une caisse de retraitel’immeuble qu’elle a lancé dans lequartier Paris Rive Gauche.Contrairement aux assureurs, elleprend plus de risques, mais n’a pasvocation à être un investisseur àtrès long terme.

Sophie Fay

LeMonde Job: WMQ2305--0023-0 WAS LMQ2305-23 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 11:10 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0593 Lcp: 700 CMYK

23

C O M M U N I C A T I O NLE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

La Marche des peuplesnoirs a peu mobilisé

Quelques centaines de mani-festants ont participé à laMarche des peuples noirs, orga-nisée par le Collectif égalité, sa-medi 20 mai à Paris, pour la célé-bration du 152e anniversaire del’abolition de l’esclavage (LeMonde daté 21-22 mai). Degrands drapeaux blancs, récla-mant « honneur » et « respect »,étaient portés par des militantsarborant des T-shirts procla-mant « Noirs du même pays,même peuple, même destin ». Despancartes fluos protestaientcontre « la télé monochrome » ou« l’apartheid culturel », tandisque des militants du syndicatSud réclamaient de « travaillerau pays », dans les DOM.

Frank Tapirot, président d’Hémisphère Droit

« On m’a demandé Naomi Campbellen plus clair »

« Vous présidez, à trente-quatre ans, l’agence Hémi-sphère Droit. Pourquoi, si la pubfonctionne comme le miroir dela société, y voyons-nous si peude Noirs ou de beurs ?

– On a en France une culture unpeu coloniale, un peu raciste. Di-sons-le puisque c’est la réalité ! Il ya certaines grandes marques,comme des marques alimentairespar exemple, qui refusent catégo-riquement des mannequins “bron-zés”. On a quand même osé medemander, il y a sept ans, à proposde Naomi Campbell, si on pouvaitavoir la même, mais en plus clair !La plupart des annonceurs esti-ment qu’avoir un black ou un beurdans une pub va choquer la ména-gère. Franchement, elle a bon dosla ménagère ! Je n’ai jamais enten-du d’interviews dans laquelle cettefameuse ménagère dise : « S’il y aun black dans une pub, moij’achète pas. »

» J’ai été l’un des premiers à ou-vrir la pub à l’ensemble de la po-pulation française ; c’était en 1995,pour le questionnaire des jeunesd’Edouard Balladur. Ça n’a pas ététriste ! Cette campagne étaitcommandée par le service d’infor-mation du gouvernement (SIG)[NDLR : qui dépend du premier mi-nistre], elle devait intéresser toutela jeunesse. On a fait un castingtrès large, avec des Blancs, desblacks, des beurs, des Asiatiques,et on l’a présenté à l’annonceur.Là, ça a été le choc : la personnedécisionnaire m’a dit : « Mais quim’a mis tous ces blacks et tous cesbougnoules » ? C’était un cri ducœur. Je revenais du ski, j’étaisbien bronzé et comme j’ai le typeplutôt sémite, je me suis levé et jelui ai demandé : « Et moi, à votreavis, je suis quoi : black, beur ouyoupin ? » On m’a sorti de la salle.Plus tard, j’ai reçu une lettre medisant qu’il faudrait que je retra-vaille le casting pour qu’il y aitmoins de « personnes colorées ».J’ai augmenté le nombre total depersonnes. Les gens du SIGn’avaient pas le choix, à cause dutiming, ils ont accepté le film : soitil se faisait comme ça, soit il n’y enavait pas. J’étais vraiment prêt àtout, quitte à me faire virer del’agence. J’en avais marre d’en-tendre ce genre de choses...

– Ce que vous dites est grave !– Mais oui, c’est grave parce

qu’on fuit la réalité dans la pub.Pourquoi fuir ? La pub doit fairerêver, d’accord. Mais on est soi-di-

sant dans la réalité à propos duproduit et on reste dans le men-songe au niveau du casting. C’estidiot. Quand on est dans la rue, onne fait pas attention, il y a desblacks, des Blancs, des beurs.Pourquoi, dans la pub, il n’y auraitque des Blancs ?

– Pourquoi cette frilosité de lapart des annonceurs et des pu-blicitaires ?

– Les publicitaires français nesortent jamais de leur agence, etles publicitaires ne parlent qu’àdes publicitaires. Jamais ils ne vontà Sarcelles ou même dans la rue.Parce que pour eux, la seule véritéc’est la pub, la pub va sauver lemonde et en dehors de la pub, iln’y a rien. Je suis publicitaire, maisje me suis toujours battu contreça. Il faut au contraire aller par-tout, voir des types qui réussissentparce qu’il y en a partout et desidées aussi. Ce qui les freine, c’estla peur de perdre leurs clients. Ilfaudrait arrêter d’avoir peur duclient, peur du système. Arrêter decroire que parce qu’il y a un Noirdans une pub, ça ne va pas plaireaux Blancs, ou parce qu’il y a unBlanc que ça ne va pas plaire auxblacks.

– Et les médias, quel regardportez-vous sur leurs castings ?

– La pub et les médias, même fa-mille ! De quoi vivent les médias ?De la pub. Donc les règles sont lesmêmes. Croire le contraire seraitune erreur. D’ailleurs quel blackanime seul une émission à la télé-vision française ? S’il y en a un,c’est qu’il y a un Blanc à côté. Pre-nez le magazine Elle, combien defois il y a eu Naomi Campbell ouTyra Banks en couverture ? Peu,très peu. Quant à Canal+... ils ontleur bon beur avec Djamel, ils sontrassurés, demain chacun aura sonbon juif, chacun aura son bonblack...

» Il faut se servir de tout lemonde pour parler à tout lemonde. Mais sans activisme. Amon avis, le Black Power, le « BeurPower » n’existeront jamais enFrance. Nous sommes, contraire-ment aux Etats-Unis, dans un vraipays de brassage de cultures. Avecen plus, depuis deux ans, uneporte ouverte grâce à une équipede onze types qui sont devenuschampions du monde. Cette vi-sion-là va laisser des traces pro-fondes. »

Propos recueillis parFlorence Amalou

La pub française fait l’impasse sur les minorités ethniquesLa première agence d’ethno-communication devrait être créée à l’automne par l’agence Hémisphère Droit et le label de rap Secteur A.

En attendant, les « blacks » et les « beurs » restent étrangement absents du paysage publicitaire hexagonalLA PUB lave toujours plus blanc.

Contrairement aux Etats-Unis, où ladémographie galopante et l’enri-chissement des « minorités »obligent désormais publicitaires etannonceurs à considérer les Afro-Américains et les personnes d’originehispanique comme des cibles in-contournables (Le Monde daté 21-22 mai), en France la pub accuse unretard considérable. Même si, selonles professionnels, elle fonctionnecomme le miroir de la société, les mi-norités visibles, autrement dit « d’ori-

gine non européenne », n’y figurenttoujours pas.

Au départ, était invoqué le marché.Les annonceurs ne s’intéressantqu’aux consommateurs susceptiblesd’acheter leurs produits, pas questionpour eux de viser une tranche de lapopulation au faible pouvoir d’achat.Un demi-siècle plus tard, ces fils etfilles d’étrangers ont beau être deve-nus des consommateurs comme lesautres – les « étrangers » selon l’Inseedisposaient en 1990 d’un revenu dis-ponible moyen par ménage de129 000 francs par an, inférieur au re-venu moyen du foyer français de seu-lement 14 % –, les publicitaires conti-nuent de ne pas développer decommunications auxquelles ilspuissent s’identifier.

AUTOCENSUREOr « les personnes noires ne sont pas

des personnes blanches à la peau fon-cée », a, par exemple, l’habitude demarteler l’Américain Tom Burell,pape de la pub afro-américaine.Mettre un visage noir dans un castingne suffit pas : « Il faut parler à leurâme », ajoute-t-il. Quelques publici-taires, comme Violaine Sanson-Tri-card, PDG de l’agence Bates France,reconnaissent qu’« il y a de toute évi-dence un problème ». Le choix quiconsiste à éviter le casting de genstrop « typés » s’expliquerait à la foispar l’autocensure des publicitaires etpar les recommandations policées deleurs clients. Certains annonceurs fri-

leux expriment un refus catégorique,mais, « le plus souvent, nous nous re-trouvons devant un chef de produitcompassé qui, après avoir expliqué quelui, à titre personnel, ça ne le gênait pas,indique : “Mais est-ce que vous êtessûre que cela ne va pas...” », confieMme Sanson-Tricard.

En attendant de voir se développer

des stratégies publicitaires ethniquesquelques Noirs ont depuis deux ans –date de la victoire de l’équipe deFrance « black, blanche, beur » enCoupe du monde de football – fontleur entrée dans la pub. Il s’agit destars (footballeurs, chanteurs, comé-diens...) ou de mannequins « noirsmais pas trop ». On fait appel à ceux

qui ressemblent davantage à desBlancs bronzés qu’à des Noirs pourvanter le parfum Allure (Chanel), parexemple. Ils jouent, sur les affiches duPrintemps de l’homme ou pour desproduits de téléphonie mobile, le rôlede nouveau référent « branché ». Lesmoins chanceux endossent, eux, leshabits étriqués d’un colonialisme quel’on croyait oublié pour promouvoirdes produits hors mode.

IMAGINAIRE COLONIALAprès le retour en 1999 du tirailleur

Banania – « l’archétype [utilisé justeaprès la première guerre mondiale]du bon et brave indigène de l’Empirequi a donné son sang pour la France »,comme l’écrivait la revue Hommes &Migrations dans un dossier qu’elleconsacrait en mai-juin 1997 à l’« ima-ginaire colonial, figure de l’immi-gré »), les récentes affiches pour le rizUncle Ben’s (Unisabi) utilisent lesmêmes clichés : dans un parallèle lit-téral « humoristique », d’aprèsl’agence D’Arcy (DMB&B), lesoreilles du nouveau sachet de cuissonsont comparées à celles de la der-nière-née de la famille de l’UncleBen’s, une mignonnette que l’on mar-tyrise sur 12 mètres carrés. « Depuis lespot Lotus, c’est la première fois que je

vois une petite black dans une pub enFrance, et il faut qu’on lui tire lesoreilles !, explique Frank Tapiro, le pa-tron d’Hémisphère Droit, qui va créerà la rentrée de septembre une agencede “communication ethnique”, enpartenariat avec la société de produc-tion indépendante de rap Secteur A.C’est tout de même un peu gros ! » Lesconsommatrices sont pourtant 76 % àreconnaître la marque de riz et 72 % àdire qu’elles ont aimé la pub, selon Ip-sos. « D’emblée les consommateurs seprennent de sympathie pour ces instan-tanés de Louisiane, une ancienne colo-nie française dont on se sent proches »(!), explique l’hebdomadaire profes-sionnel Stratégies du 9 avril 1999. « Lamise en veille de l’imaginaire colonial aduré une vingtaine d’années après lafin de la guerre d’Algérie, et sa réactiva-tion a coïncidé, selon moi, avec le re-gain de racisme qui s’est manifesté enFrance à partir de 1983 », confirmaitpour Hommes & Migrations l’historienGilles Manceron.

Ce qui n’empêche pas certainspublicitaires de vouloir développerune pub ethnique à la française,« d’intégration et non de ghettoïsa-tion... ».

Fl. A.

Publicité pour le riz Uncle Ben’s : deux affiches placées côte àcôte comparent les oreilles du sachet aux oreilles de la fillette.

LeMonde Job: WMQ2305--0024-0 WAS LMQ2305-24 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:57 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0594 Lcp: 700 CMYK

24 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 I F I N A N C E S E T M A R C H É S

SUR LES MARCHÉS

NEW YORKL’INDICE COMPOSITE de laBourse électronique du Nasdaqa perdu 148,31 points (- 4,19 %),à 3 390,40 points , vendredi19 mai, et l’indice Dow Jones,principal indicateur de WallStreet, 150,43 points (- 1,40 %) à10 626,85 points. L’indice Stan-dard and Poor’s 500 a cédé30,26 points ( - 2 ,11 %), à1 406,95 points. Les opérateursredoutent de nouvelles haussesdes taux d’intérêt aux Etats-Unis au cours des prochainessemaines.

TAUXLES MARCHÉS obligataires eu-ropéens ont ouvert en nettehausse, lundi 22 mai, profitantde la faiblesse des Bourses quiincite les opérateurs à privilé-gier les placements les moinsrisqués. Le taux de l’obligationassimilable du Trésor (OAT) àdix ans s’inscrivait à 5,58 %.Vendredi, les obligations améri-caines avaient elles aussi termi-né en hausse. Le rendement dubon à dix ans avait reculé à6,51 %, contre 6,53 % jeudi soir.

MONNAIESL’EURO restait faible, lundi ma-tin, face au billet vert, malgrél’annonce à la veille du week-end d’un déficit commercial re-cord aux Etats-Unis. Il cotait0,8970 dollar. Face à la devisejaponaise, l’euro remontait à96,05 yens, après avoir atteint,vendredi, un nouveau plus bashistorique de 94,87 yens.

ÉCONOMIE

Vers un vif rebondde la croissance au JaponLA CROISSANCE japonaise « a ététrès forte » au premier trimestre,mais la deuxième économie mon-diale pourrait se contracter de nou-veau au deuxième, rendant néces-saire une injection supplémentairede fonds publics, a averti, dimanche21 mai, le ministre des finances Kii-chi Miyazawa. Le gouvernementdevrait annoncer vers le 10 juinl’évolution du produit intérieur brut(PIB) entre janvier et mars et denombreux analystes prévoient uneinversion complète de tendance parrapport aux deux trimestres précé-dents, avec un bond de plus de 2 %.Sur les six derniers mois de 1999,l’économie était techniquementtombée en récession (caractériséepar deux trimestres de baisse duPIB) avec un recul de 1,4 % du PIBentre octobre et décembre aprèsune réduction de 1 % le trimestreprécédent. « Pour le moment, il n’y aprobablement pas besoin d’un collec-tif budgétaire parce que la tendancede fond de l’économie est forte », aargué M. Miyazawa. « En fonctiondu résultat pour avril-juin, il se pour-rait que des avis émergent estimantque nous en avons besoin », a indi-qué le ministre.

Déficit commercialrecord aux Etats-UnisLE DÉFICIT COMMERCIAL auxEtats-Unis a affiché un nouveau re-cord en mars, à 30,2 milliards dedollars, contre 28,7 milliards de dol-lars en février, soit une progressionde 5,1 %, a indiqué vendredi le dé-partement du commerce. Les im-portations comme les exportationsse sont accrues en mars. Les expor-tations sont en progrès de 2,9 %, à87,26 milliards de dollars, tandisque les importations sont en haussede 3,4 %, à 117,44 milliards de dol-lars.Le déficit avec le Japon s’est accru à6,82 milliards de dollars. Avec laChine, il s’est creusé à 5,10 milliardset avec l’Union européenne à5,67 milliards.a L’économie américaine est« solide » et ne devrait pasconnaître de « décrochage bru-tal », tandis que les économiesd’Amérique latine sont « très bienengagées sur la voie du développe-ment », a estimé vendredi le direc-teur du Fonds monétaire interna-tional (FMI), Horst Köhler.

a ZONE EURO : le ministre del’intérieur Jean-Pierre Chevène-ment s’est demandé dimanche s’il

ne fallait pas « y regarder à deux foisavant de plonger le 1er janvier 2002dans la monnaie unique » euro-péenne, l’euro. Selon M. Chevène-ment, « il y a des préalables à lever »et « d’abord la réforme du statut dela Banque centrale européenne ».« La question du gouvernementéconomique reste toujours posée »,a-t-il souligné. Par ailleurs, « l’ave-nir de la Grande-Bretagne, et celuide la livre britannique, est évidem-ment une question absolument essen-tielle », a ajouté le ministre.a Le manque de coordination po-litique au sein de la zone euro« est à terme mortel pour l’unionmonétaire », a affirmé vendredil’ancien ministre français des fi-nances, Dominique Strauss-Kahn,qui y voit l’une des raisons de la fai-blesse de l’euro. Selon M. Strauss-Kahn, la politique économique dela zone euro souffre d’une « insuffi-sante lisibilité, d’une faible capacitéde réaction aux aléas, et d’unmanque de cohérence entre les dis-cours et les actes ».

a ITALIE : la balance des comptescourants de l’Italie a été défici-taire de 248 millions d’euros enmars, contre un excédent de719 millions d’euros en mars 1999, aannoncé vendredi 19 mai l’officedes changes italiens IUC à Rome.

a POLOGNE : la production in-dustrielle en Pologne a enregistréune baisse de 8,1 % en avrilcomparé à mars et une hausse de5,5 % par rapport à avril 1999, a in-diqué vendredi le Bureau nationaldes statistiques.

a ISLANDE : l’indice des prix à laconsommation en Islande a aug-menté de 0,4 % en avril et de 5,9 %sur un an, a annoncé vendredi l’Of-fice central islandais de la statis-tique.

a PÉTROLE : le ministre koweï-tien du pétrole a estimé di-manche que les cours actuels dubrut étaient « corrects » et attribuéla récente hausse des prix à l’équi-libre entre l’offre et la demande.« Les prix actuels sont corrects. J’es-père qu’ils vont se maintenir à ce ni-veau », a déclaré cheikh Saoud Nas-ser Al-Sabah à l’agence officielleKUNA. Selon lui, la récente haussedes cours, malgré la décision del’OPEP en mars d’augmenter laproduction, est « due à un équilibreentre l’offre et la demande sur lemarché ».

a KOWEÏT : les revenus du Ko-weït ont doublé lors des neuf pre-miers mois de l’exercice fiscal1999-2000, grâce à la hausse descours du pétrole, selon un rapportde la National Bank of Kuwait(NBK) publié dimanche.

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Action Arjo Wiggins

AF M MN D J

en pence à Londres

Source : Bloomberg

1999 2000

246,75le 19 mai

VALEUR DU JOUR

Worms lance une OPA sur Arjo WigginsAppletonUNE SEMAINE APRÈS avoir faitpart de son désir de prendre lecontrôle de sa filiale Arjo WigginsAppleton (AWA), le groupe Wormsfranchit le pas. Lundi 22 mai, la hol-ding dominée par la famille Agnellia annoncé le lancement d’une offrepublique d’achat sur AWA au prixde 255 pence par action. L’offre re-présente une prime de 1,31 % parrapport au dernier cours, mais de35 % par rapport au prix de l’actionavant que Worms se déclare intéres-sé par AWA, ce qui avait nourri lesspéculations sur le marché.Pour Worms, déjà actionnaire de40 % du groupe papetier, l’opérations’élèvera à 2,19 milliards de livres(3,71 milliards d’euros). La holding ainscrit son offre dans le cadre de laprocédure juridique britanniquenommée « scheme of arrange-ment ». Cette disposition permetd’obliger tous les actionnaires àvendre leurs titres et de faire un re-trait obligatoire, si 75 % des actionsont été apportées à l’offre. Ce dispo-sitif témoigne de l’état d’esprit deWorms. La holding ne veut plusavoir à temporiser avec des action-naires minoritaires. Pendant plus dedix ans, Worms, premier actionnairemais non majoritaire du groupe pa-petier, n’a jamais pu y faire valoirses vues.La prise de pouvoir de Worms de-vrait marquer la fin des errementspour Arjo Wiggins. Né du rappro-chement en 1989 entre le françaisArjomari Prioux et l’anglais Wiggins,

le groupe papetier a connu plus decinq présidents et autant de straté-gies en dix ans. Son président ac-tuel, Ken Minton, paraît remettrel’entreprise sur les rails. Worms, quientend profiter de la reprise trèsforte du secteur papetier, ne devraitpas remettre en cause la ligne choi-sie.Les activités du groupe ont été divi-sées en trois. Les papiers fins et despécialités (Canson, Arches,Conqueror) sont appelés à se déve-lopper. Les métiers de papier ther-mique et autocopiant, anciennevache à lait, semblent destinés à êtrevendus : Appleton, la partie améri-caine du groupe spécialisée danscette activité, est déjà sur le marché.Enfin, la distribution spécialisée, re-groupée sous le nom d’Antalis,pourrait être prochainement cotée.

Martine Orange

AGENDAMARDI 23 MAI

a ALLEMAGNE : conseil de sur-veillance de la Deutsche Boersesur iX, le projet de fusion avec laBourse de Londres.a FRANCE : production indus-trielle pour le mois de mars.

MERCREDI 24 MAIa ALLEMAGNE : prix à la produc-tion en avril et indice provisoiredes prix à la consommationen mai. a GRANDE-BRETAGNE :commerce extérieur pour le moisde mars, et hors Union euro-péenne pour le mois d’avril.

JEUDI 25 MAIa FRANCE : comptes trimestrielsde la nation, premiers résultatspour les trois premiers mois del’an 2000 et consommation desménages en produits manufactu-rés pour le mois d’avril.a ALLEMAGNE : prix à l’exporta-tion en avril a ÉTATS-UNIS : demandes heb-domadaires d’allocations-chô-mage, et commandes de biens du-rables pour le mois de mai.

VENDREDI 26 MAIa FRANCE : investissement dansl’industrie (avril).a ÉTATS-UNIS : dépenses et reve-nus des ménages en avril.

AFFAIRESINDUSTRIE

b NORTEL NETWORKS :l’équipementier téléphoniquecanadien a remporté, lundi22 mai, l’un des premierscontrats mondiaux de téléphoniemobile de troisième générationauprès de l’opérateur britanniqueBT Cellnet, détenteur d’une descinq licences mises aux enchèresen avril au Royaume-Uni.

b MG : le groupe britannique,l’un des principaux négociantseuropéens de métauxnon-ferreux, a annoncé lundiavoir reçu une offre amicale dugroupe américain Enron (gaz,électricité) à 300 pence par actionen numéraire, qui le valorise à300 millions de livres (environ500 millions d’euros).

b BLUE CIRCLE : le cimentierbritannique, qui a fait échec audébut du mois à une offrehostile du français Lafarge, aannoncé lundi qu’il discutait d’une

offre possible sur le groupeaméricain Southdown.

b FORD : le constructeur auto-mobile américain fait traîner lesdiscussions avec l’allemand BMWsur la vente de la marque Land Ro-ver, car il veut faire baisser son prixde 1 milliard de deutschemark(510 millions d’euros), écrit lundi lequotidien Financial Times Deut-schland, qui cite un conseiller deFord.

b BOEING : Phil Condit, le pré-sident du constructeur américain,a écrit aux compagnies aériennesintéressées par l’avion géantd’Airbus A3XX pour les presser decommander au contraire des ver-sions allongées du B747. Les action-naires d’Airbus ont reporté la déci-sion de lancement du nouvel avion(Le Monde du 27 mai).

b SEGA : le patron du fabricantjaponais de consoles de jeux vi-déo Sega Enterprise devrait dé-missionner en raison des mau-vaises performances de sa nouvelleconsole Dreamcast, concurrencéedepuis mars par la PlayStation 2 deSony, selon le quotidien Nihon Kei-zai Shimbun de lundi. Sega devraitannoncer vendredi sa troisièmeperte annuelle consécutive.

b L’ORÉAL : un millier de salariésont manifesté lundi 22 mai aumatin devant le siège du groupede cosmétiques français, à Clichy,à l’appel des syndicats CGT, CFDTet FO, pour réclamer une meilleureapplication des 35 heures, des créa-tions d’emplois et des hausses desalaires.

b CRÉATION D’ENTREPRISES :l’Insee a constaté en avril unehausse de 6,2 % des créationsd’entreprise. Tous les secteurs pro-gressent à l’exception des trans-ports.

SERVICESb AIR FRANCE : la compagnie aé-rienne a réitéré son offre d’al-liance tripartite à la compagniethaïlandaise THAI, avec son parte-naire américain Delta Airlines, rap-porte lundi la presse thaïlandaise.Air France aurait promis de faire deBangkok le seul « hub » (plate-forme d’échange) régional de l’al-liance si THAI quitte Star Alliance.

b EUROSPORT : Canal+ et TF 1ont acquis à parité pour 172,8 mil-lions d’euros les actions détenuespar le groupe américain ESPNdans les chaînes Eurosport France(désormais détenue à 39 % par Ca-nal+, 36 % TF 1 et 25 % HavasImages) et Eurosport International(TF 1 50,5 %, Canal+ 49,5 %).

Cotations, graphiques et indices en tempsreel sur le site Web du « Monde ».www.lemonde.fr/bourse

ASIE - PACIFIQUE

Indices cours Var. % Var. %Zone Asie 9 h 57 f selection 22/05 19/05 31/12

TOKYO NIKKEI 225 16386,01 ± 2,80 ± 13,46

HONGKONG HANG SENG 14140,73 ± 2,33 ± 16,63

SINGAPOUR STRAITS TIMES 1934,11 ± 2,79 ± 22

SEOUL COMPOSITE INDEX 88,34 ± 5,38 ± 32,06

SYDNEY ALL ORDINARIES 2969 ± 1,21 ± 5,82

BANGKOK SET 23,50 ± 2,69 ± 32,35

BOMBAY SENSITIVE INDEX 3971,02 ± 2,40 ± 20,67

WELLINGTON NZSE-40 1993,25 ± 0,95 ± 9,67

14140,73

HONGKONG Hang Seng

18301

17469

16637

15805

14972

14140[ [ [

22 F. 4 A. 22 M.

16386,01

TOKYO Nikkei

20833

19943

19054

18164

17275

16386[ [ [

22 F. 4 A. 22 M.

96,17

EURO / YEN

111,7

108,4

105,2

102

98,8

95,5[ [ [

22 F. 4 A. 22 M.

AMERIQUES

Indices cours Var. % Var. %Amerique 9 h 57 f selection 19/05 18/05 31/12

ETATS-UNIS DOW JONES 10626,85 ± 1,40 ± 7,57

ETATS-UNIS S&P 500 1406,95 ± 2,11 ± 4,24

ETATS-UNIS NASDAQ COMPOSITE 3390,40 ± 4,19 ± 16,68

TORONTO TSE INDEX 9293,14 ± 2,69 10,45

SAO PAULO BOVESPA 14326,63 ± 2,05 ± 16,18

MEXICO BOLSA 317,68 ± 3,87 ± 20,89

BUENOS AIRES MERVAL 425,63 ± 6,38 ± 22,68

SANTIAGO IPSA GENERAL 101,97 ± 0,18 ± 28,69

CARACAS CAPITAL GENERAL 6185,59 ± 2,87 14,17

0,899

EURO / DOLLAR

1,006

0,983

0,960

0,937

0,914

0,891[ [ [

22 F. 4 A. 22 M.

10626,85

NEW YORK Dow Jones

11287

10988

10690

10392

10094

9796[ [ [

22 F. 4 A. 19 M.

3390,40

NEW YORK Nasdaq

5048

4703

4357

4012

3666

3321[ [ [

22 F. 4 A. 19 M.

EUROPE

Indices cours Var. % Var. %Europe 12 h 51 f selection 22/05 19/05 31/12

EUROPE EURO STOXX 50 4996,27 ± 1,33 1,87

EUROPE STOXX 50 4771,21 ± 1,09 0,61

EUROPE EURO STOXX 324 413,47 ± 1,36 ± 0,66

EUROPE STOXX 653 371,91 ± 1,03 ± 2

PARIS CAC 40 6160,83 ± 0,57 3,40

PARIS MIDCAC 2593,10 ± 1,36 13,58

PARIS SBF 120 4159,47 ± 0,75 2,64

PARIS SBF 250 3922,97 ± 0,25 2,94

PARIS SECOND MARCHEÂ 2820,76 ± 0,85 15,76

AMSTERDAM AEX 648,98 ± 0,53 ± 3,34

BRUXELLES BEL 20 2883,75 ± 0,07 ± 13,67

FRANCFORT DAX 30 6934,35 ± 0,78 ± 0,34

LONDRES FTSE 100 6047,70 0,04 ± 12,73

MADRID STOCK EXCHANGE 10457,50 ± 0,83 ± 10,17

MILAN MIBTEL 30 43650,00 ± 2,30 1,53

ZURICH SPI 7749,40 0,40 2,37

6047,70

LONDRES FT100

6738

6589

6440

6292

6143

5994[ [ [

22 F. 4 A. 22 M.

6160,83

PARIS CAC 40

6562

6442

6322

6202

6083

5963[ [ [

22 F. 4 A. 22 M.

6934,35

FRANCFORT DAX 30

8064

7838

7612

7386

7160

6934[ [ [

22 F. 4 A. 22 M.

Taux d’interet (%)Taux Taux Taux TauxTaux19/05 f j. j. 3 mois 10 ans 30ans

FRANCE ......... 4,02 4,22 5,60 5,71

ALLEMAGNE .. 3,75 4,45 5,40 5,57

GDE-BRETAG. 5,56 6,15 5,50 4,64

ITALIE ............ 3,75 4,40 5,88 6,08

JAPON............ 0,08 0,04 1,72 2,35

ETATS-UNIS... 6,47 5,91 6,53 6,24

SUISSE ........... 1,75 3,10 4,18 4,53

PAYS-BAS....... 3,70 4,40 5,55 5,66

Taux de change fixe zone EuroEuro contre f Taux contre franc f Taux

FRANC......................... 6,55957 EURO........................... 0,15245DEUTSCHEMARK ......... 1,95583 DEUTSCHEMARK ......... 3,35385LIRE ITALIENNE (1000) . 1,93627 LIRE ITAL. (1000) .......... 3,38774PESETA ESPAG. (100) .... 1,66386 PESETA ESPAG. (100) .... 3,94238ESCUDO PORT. (100).... 2,00482 ESCUDO PORT. (100).... 3,27190SCHILLING AUTR. (10).. 1,37603 SCHILLING AUTR. (10).. 4,76703PUNT IRLANDAISE....... 0,78756 PUNT IRLANDAISE....... 8,32894FLORIN NEERLANDAIS 2,20371 FLORIN NEERLANDAIS 2,97660

FRANC BELGE (10) ....... 4,03399 FRANC BELGE (10) ....... 1,62607MARKKA FINLAND....... 5,94573 MARKKA FINLAND....... 1,10324

Matieres premieresCours Var. %En dollars f 19/05 18/05

METAUX (LONDRES) $/TONNECUIVRE 3 MOIS .............. 1822,50 ± 0,41

ALUMINIUM 3 MOIS ...... 1513,50 ± 0,43

PLOMB 3 MOIS .............. 422,50 ± 0,59

ETAIN 3 MOIS ................ 5455 ± 0,27

ZINC 3 MOIS.................. 1172 ± 0,51

NICKEL 3 MOIS .............. 10245 ± 0,05

METAUX (NEW YORK) $/ONCEARGENT A TERME ......... 5,01 ± 0,60

PLATINE A TERME ......... 137232,00 + 3,26

GRAINES DENREES $/BOISSEAUBLE (CHICAGO).............. 274 ± 0,81

MAIS (CHICAGO)............ 236,75 ± 1,35

SOJA TOURTEAU (CHG.). 182,10 ± 0,82

SOFTS $/TONNECACAO (NEW YORK)....... 857 + 3,38

CAFE (LONDRES) ........... 910 + 2,13

SUCRE BLANC (PARIS) ... .... ....

OrCours Var %En euros f 19/05 18/05

OR FIN KILO BARRE ...... 9780 + 0,82

OR FIN LINGOT............. 9860 + 1,13

ONCE D’OR (LO) $ ......... 272,80 ....

PIECE FRANCE 20 F........ 55,90 ± 0,53

PIECE SUISSE 20 F.......... 56 + 0,90

PIECE UNION LAT. 20 .... 56 ....

PIECE 10 DOLLARS US ... 201 + 1,52

PIECE 20 DOLLARS US ... 398,75 ± 0,75

PIECE 50 PESOS MEX...... 362,25 ± 0,77

MatifVolume dernier premierCours12 h 51 f 22/05 prix prix

Notionnel 5,5JUIN 2000 .......... 95467,00 85,29 85,15

Euribor 3 moisJUIN 2000 .......... 100 95,42 95,42

PetroleCours Var. %En dollars f 19/05 18/05

BRENT (LONDRES) ........ 28,59 ....

WTI (NEW YORK) ........... 29,80 ± 0,30

LIGHT SWEET CRUDE .... 30,02 ± 0,43

Cours de change croisesCours Cours Cours Cours Cours Cours

22/05 12 h 51 f DOLLAR YEN(100) EURO FRANC LIVRE FR. S.DOLLAR ................. ..... 0,93445 0,89925 0,13709 1,48575 0,57860

YEN ....................... 107,01500 ..... 96,17000 14,66500 158,93000 61,88500

EURO..................... 1,11204 1,03983 ..... 0,15245 1,65220 0,64345

FRANC................... 7,29450 6,82150 6,55957 ..... 10,83510 4,22095

LIVRE ..................... 0,67306 0,62920 0,60525 0,09225 ..... 0,38940

FRANC SUISSE ....... 1,72830 1,61590 1,55395 0,23695 2,56700 .....

TABLEAU DE BORD

Hors zone EuroEuro contre f 19/05

COURONNE DANOISE. 7,4580

COUR. NORVEGIENNE 8,1505

COUR. SUEDOISE ........ 8,1585

COURONNE TCHEQUE 36,4890

DOLLAR AUSTRALIEN . 1,5570

DOLLAR CANADIEN .... 1,3324

DOLLAR NEO-ZELAND 1,9596

DRACHME GRECQUE..336,8000FLORINT HONGROIS ..259,4400ZLOTY POLONAIS........ 4,0196

PARISL’INDICE CAC 40 était en baissede 1,25 %, en milieu de journéelundi 22 mai, s’affichant à6 118,67 points. La Bourse avait fi-ni en forte baisse vendredi, entraî-née par la chute des valeurs de la« nouvelle économie ». Le CAC 40avait perdu 3,97 %, à6 196,05 points, dans un volumede transactions de 5,26 milliardsd’euros, dont 4,57 milliards surl’indice.

FRANCFORTA LA BOURSE de Francfort, l’in-dice DAX s’inscrivait, lundi à lami-journée, en recul de 0,99 %, à6 919,87 points. Francfort était re-passée, vendredi, pour la premièrefois depuis le début de l’année,endessous du seuil psychologiquedes 7 000 points. L’indice avaitclôturé à 6 989,03 points, enbaisse de 2,68 %.

LONDRESL’INDICE FOOTSIE de la Boursede Londres était en très légèrebaisse de 0,03 %, lundi à la mi-séance, à 6 043,80 points. Londresavait fortement reculé, vendredi,l’indice Footsie chutant de 3 %, à6 045,4 points.

TOKYOLA BOURSE de Tokyo a clôturélundi à son plus bas niveau depuisle 4 juin 1999, entraînée par le re-cul des valeurs de la haute techno-logie. L’indice Nikkei a perdu472,16 points, soit 2,80 % debaisse, à 16 386,01 points.

LeMonde Job: WMQ2305--0025-0 WAS LMQ2305-25 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:47 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0595 Lcp: 700 CMYK

F I N A N C E S E T M A R C H É S I LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 25

b Les investisseurs ont été peu en-thousiasmés par les résultats du pre-mier trimestre de la Dresdner Bank,publiés vendredi 19 mai, faisant chu-ter le titre de 2,45 %, à 44,2 euros. Lebénéfice net de la banque a reculéde 50,4 %, à 133 millions d’euros.b L’action de l’assureur Allianz aabandonné, vendredi, 2,35 %, à408 euros. Le groupe a enregistrédes entrées de primes brutes enhausse de 7,2 % au premier trimestre2000, comparé à la même périodede 1999.b L’opérateur téléphonique italienTelecom Italia a terminé la séancede vendredi sur un repli de 8,03 %, à13,59 euros. Cette baisse s’expliquenotamment par le recul général desvaleurs des télécommunications. Les

investisseurs craignent en outre quele projet d’alliance dans l’Internetentre Telecom Italia et la sociétéd’édition Internet Seat Pagine Giallene soit bloqué ou retardé par l’en-quête lancée par l’Autorité antitrustitalienne.b L’une des valeurs vedettes de laBourse espagnole, Telefonica, aperdu 6,03 %, à 21,67 euros, vendre-di. Les analystes ont jugé trop élevéle prix du rachat du portail américainLycos par sa filiale Internet TerraNetworks. L’action de cette dernièrea chuté pour sa part de 4,42 %, à49,70 euros.b Le site Internet QXL.com a chutéde 16,5 %, à 116 pence, vendredi, vic-time de la suspicion provoquée parla faillite de Boo.com.

Code Cours % Var.22/05 12 h 36 f pays en euros 19/05

AUTOMOBILEAUTOLIV SDR SE 31,26 ± 1,16

BASF AG BE e 46,80 ± 1,58

BMW DE e 30 ± 1,64

CONTINENTAL AG DE e 19,50 ± 1,27

DAIMLERCHRYSLER DE e 60,90 + 1,16

FIAT IT e 27 + 0,37

FIAT PRIV. IT e 17,50 ± 1,13

MICHELIN /RM FR e 37,70 ± 0,53

PEUGEOT FR e 224,10 + 0,36

PIRELLI IT e 2,64 ± 3,65

RENAULT FR e 52,05 + 2,56

VALEO /RM FR e 60 ± 1,48

VOLKSWAGEN DE e 44,20 + 0,34

f DJ E STOXX AUTO P 228,21 ± 0,02

BANQUESABBEY NATIONAL GB 13,43 + 2,42

ABN AMRO HOLDIN NL e 22,19 + 0,18

ALL & LEICS GB 9,70 ± 1,02

ALLIED IRISH BA GB 17,54 ....

ALPHA BANK GR 66,54 ± 1,10

B PINTO MAYOR R PT e 23,49 + 0,04

BANK AUSTRIA AG AT e 50,05 ± 1,86

BANK OF IRELAND GB 11,39 ± 0,87

BANK OF PIRAEUS GR 22,15 ± 1,97

BK OF SCOTLAND GB 9,69 ....

BANKINTER R ES e 49,11 ± 3,71

BARCLAYS PLC GB 26,34 + 0,19

BAYR.HYPO-U.VER DE e 67,10 ± 3,31

BCA AG.MANTOVAN IT e 8,30 ± 1,78

BCA FIDEURAM IT e 15,97 ± 4,43

BCA INTESA IT e 3,99 ± 1,24

BCA LOMBARDA IT e 9,25 + 3,93

MONTE PASCHI SI IT e 3,50 ± 4,11

BCA P.BERG.-C.V IT e 19,15 ± 4,25

BCA P.MILANO IT e 6,57 ± 2,52

B.P.VERONA E S. IT e 10,50 ± 4,02

BCA ROMA IT e 1,17 ± 0,85

BBVA R ES e 14,11 ± 0,77

ESPIRITO SANTO PT e 25,25 ....

BCO POPULAR ESP ES e 31,35 ± 2,49

BCO PORT ATLANT PT e 4,05 ....

BCP R PT e 5,17 ± 0,19

BIPOP CARIRE IT e 101,50 ....

BNL IT e 3,46 ± 5,98

BNP /RM FR e 95,55 ± 0,68

BSCH R ES e 10,22 ± 0,39

CCF /RM FR e 153,50 + 0,59

CHRISTIANIA BK NO 5,37 ....

COMIT IT e 5,15 ± 2,09

COMM.BANK OF GR GR 60,10 ± 0,59

COMMERZBANK DE e 38,70 ± 2,76

CREDIT LYONNAIS FR e 44,20 + 2,20

DEN DANSKE BK DK 120,01 ± 0,33

DNB HOLDING -A- NO 3,89 ....

DEUTSCHE BANK N DE e 79,45 ± 1,06

DEXIA BE e 146,70 ± 0,54

DRESDNER BANK N DE e 41,80 ± 3,46

EFG EUROBANK GR 30,66 ± 4,40

ERGO BANK GR 22,42 ± 1,56

ERSTE BANK AT e 45,20 ± 1,74

FOERENINGSSB A SE 16,42 + 0,75

HALIFAX GROUP GB 10 ± 0,66

HSBC HLDG GB 12,01 ± 0,14

IONIAN BK REG.S GR 40,83 ....

KBC BANCASSURAN BE e 44,85 ± 0,77

LLOYDS TSB GB 10,84 + 0,62

MERITA FI e 5,72 ....

NAT BANK GREECE GR 49,84 ± 1,78

NATEXIS BQ POP. FR e 76 ± 2,56

NATL WESTM BK GB 22,31 ....

NORDIC BALTIC H SE 6,68 ± 1,80

ROLO BANCA 1473 IT e 18,34 ± 8,12

ROYAL BK SCOTL GB 18,19 ± 0,46

SAN PAOLO IMI IT e 15,98 ± 6

S-E-BANKEN -A- SE 12,62 + 0,49

STANDARD CHARTE GB 15,33 ± 0,11

STE GENERAL-A-/ FR e 65,55 ± 0,68

SV HANDBK -A- SE 15,69 ± 0,39

SWEDISH MATCH SE 3,48 + 0,71

UBS REG CH 280,43 ....

UNICREDITO ITAL IT e 4,60 ± 4,56

UNIDANMARK -A- DK 82,46 ± 0,81

XIOSBANK GR 20,25 ± 7,71

f DJ E STOXX BANK P 313,71 ± 1,98

PRODUITS DE BASEACERINOX R ES e 42 ± 2,78

ALUMINIUM GREEC GR 49,64 + 8,12

ANGLO AMERICAN GB 47,85 ± 0,07

ARJO WIGGINS AP GB 4,23 + 2,43

ASSIDOMAEN AB SE 17,71 ± 1,70

BEKAERT BE e 55 ± 0,90

BILLITON GB 4,02 ± 3,60

BOEHLER-UDDEHOL AT e 41,93 + 0,82

BUNZL PLC GB 5,31 ± 1,24

CORUS GROUP GB 1,62 ± 2,02

ELVAL GR 8,12 + 2,05

ISPAT INTERNATI NL e 10,80 ± 4

JOHNSON MATTHEY GB 13,88 ± 1,07

MAYR-MELNHOF KA AT e 52,49 ± 0,59

METSAE-SERLA -B FI e 9,25 ± 1,28

HOLMEN -B- SE 27,64 ± 1,10

OUTOKUMPU FI e 12,80 ± 1,54

PECHINEY-A- FR e 49,70 ± 0,10

RAUTARUUKKI K FI e 5,20 ....

RIO TINTO GB 18,40 ± 0,18

SIDENOR GR 9,50 ± 2,74

SILVER & BARYTE GR 33,58 ± 0,62

SMURFIT JEFFERS GB 2,27 ....

STORA ENSO -A- FI e 11,90 ± 1,65

STORA ENSO -R- FI e 11,90 ± 2,06

SVENSKA CELLULO SE 23,04 ± 0,79

THYSSEN KRUPP DE e 23,45 ± 0,64

UNION MINIERE BE e 40,15 + 0,30

UPM-KYMMENE COR FI e 31,90 ± 1,24

USINOR FR e 15,24 + 1,60

VIOHALCO GR 14,10 + 2,70

VOEST-ALPINE ST AT e 31,70 ± 1,86

f DJ E STOXX BASI P 198,20 ± 1

CHIMIEAIR LIQUIDE /RM FR e 148,50 + 1,02

AKZO NOBEL NV NL e 46,95 + 3,39

BASF AG DE e 46,80 ± 1,58

BAYER AG DE e 42,20 ± 0,94

BOC GROUP PLC GB 15,35 + 0,88

CELANESE N DE e 20,30 ± 1,22

CIBA SPEC CHEM CH 68,82 ± 5,32

CLARIANT N CH 408,07 ± 1,25

DEGUSSA-HUELS DE e 33,20 ± 2,35

DSM NL e 39,75 + 0,66

EMS-CHEM HOLD A CH 4780,17 ....

ICI GB 8,90 ± 0,74

KEMIRA FI e 5,40 ....

LAPORTE GB 8,92 ± 0,19

LONZA GRP N CH 554,41 + 0,12

RHODIA FR e 19,35 ± 2,86

SOLVAY BE e 74,20 ± 0,47

TESSENDERLO CHE BE e 43 + 0,12

f DJ E STOXX CHEM P 363,17 ± 0,41

CONGLOMERATSCGIP /RM FR e 45,70 ± 1,30

CHRISTIAN DIOR FR e 258,90 + 0,31

D’IETEREN SA BE e 281,40 ± 0,25

GAZ ET EAUX /RM FR e 58,60 ± 3,22

GBL BE e 265,50 ± 0,56

GEVAERT BE e 40,05 ± 0,25

HAGEMEYER NV NL e 23,22 + 0,30

INCHCAPE GB 4,43 ± 3,64

INVESTOR -A- SE 15,38 ± 1,57

INVESTOR -B- SE 15,69 ± 0,78

MYTILINEOS GR 12,14 ± 0,61

NORSK HYDRO NO 44,05 ....

UNAXIS HLDG N CH 248,19 ± 1,03

ORKLA -A- NO 17,97 ....

SONAE SGPS PT e 44,83 ± 1,04

TOMKINS GB 3,09 ± 2,12

VEBA AG DE e 57 ± 0,35

f DJ E STOXX CONG P 329,98 ....

TELECOMMUNICATIONSEIRCOM IR e 3,40 ± 8,60

BRITISH TELECOM GB 14,53 ± 1,25

CABLE & WIRELES GB 16,37 ± 0,71

DEUTSCHE TELEKO DE e 56,30 + 0,54

ENERGIS GB 33,98 ± 3,33

EQUANT NV DE e 44 ± 2,22

EUROPOLITAN HLD SE 14,46 ± 5,60

FRANCE TELECOM FR e 131,90 ± 4,28

HELLENIC TELE ( GR 27,69 ± 1,32

KONINKLIJKE KPN NL e 86 ± 3,26

MANNESMANN N DE e 235 ± 2,49

PANAFON HELLENI GR 13,42 ± 0,66

PORTUGAL TELECO PT e 10,74 ± 1,38

SONERA FI e 43,90 ± 1,37

SWISSCOM N CH 357,79 + 0,36

TELE DANMARK -B DK 70,66 ± 3,30

TELECEL PT e 15,70 ± 4,85

TELECOM ITALIA IT e 13,29 ± 2,21

TELECOM ITALIA IT e 6,43 ± 1,53

TELEFONICA ES e 21,12 ± 2,54

TIM IT e 9,92 ± 3,50

VODAFONE AIRTOU GB 4,04 ± 0,41

E.BISCOM IT e 159,85 ± 7,49

LIBERTEL NV NL e 16,55 ± 4,61

f DJ E STOXX TCOM P 995,16 ± 2,40

CONSTRUCTIONACCIONA ES e 34,60 ± 4,63

AKTOR SA GR 18,02 ± 3,27

UPONOR -A- FI e 18,15 ± 4,47

AUMAR R ES e 15,85 ± 0,31

ACESA R ES e 9,81 + 0,82

BLUE CIRCLE IND GB 6,98 ± 0,24

BOUYGUES /RM FR e 575 + 0,88

BPB GB 5,81 + 0,87

BUZZI UNICEM IT e 9,51 ± 0,94

CIMPOR R PT e 15,69 + 0,06

COLAS /RM FR e 204 + 1,24

GRUPO DRAGADOS ES e 7,90 ± 1,86

FCC ES e 21,24 ± 3,50

GROUPE GTM FR e 83,70 + 1,45

HANSON PLC GB 7,93 ± 0,84

HEIDELBERGER ZE DE e 67,50 + 1,50

HELL.TECHNODO.R GR 27,67 ± 2,10

HERACLES GENL R GR 26,51 ± 2,24

HOCHTIEF ESSEN DE e 32,60 ± 0,31

HOLDERBANK FINA CH 1353,79 + 0,05

IMERYS /RM FR e 137 ....

ITALCEMENTI IT e 10,22 ....

LAFARGE /RM FR e 91,20 ± 0,27

MICHANIKI REG. GR 11,43 ± 1,28

PILKINGTON PLC GB 1,27 + 2,70

RMC GROUP PLC GB 13,51 + 1,12

SAINT GOBAIN /R FR e 160,40 + 0,19

SKANSKA -B- SE 42,72 + 0,72

TAYLOR WOODROW GB 2,56 + 0,66

TECHNIP /RM FR e 116 ± 0,34

TITAN CEMENT RE GR 46,32 ± 1,83

WIENERB BAUSTOF AT e 23,46 ± 1,43

WILLIAMS GB 5,76 + 0,58

FERROVIAL AGROM ES e 7,20 ± 2,70

f DJ E STOXX CNST P 220,75 ± 0,24

CONSOMMATION CYCLIQUEACCOR /RM FR e 44,26 + 0,59

ADIDAS-SALOMON DE e 61,50 ± 5,38

AIR FCE FR e 16,16 ± 1,46

AIRTOURS PLC GB 5,13 ± 3,15

ALITALIA IT e 2,14 ± 1,38

AUSTRIAN AIRLIN AT e 15,06 ± 0,59

AUTOGRILL IT e 10,97 ± 2,05

BANG & OLUFSEN DK 36,34 ± 0,37

BENETTON GROUP IT e 2,05 ± 5,53

BRITISH AIRWAYS GB 6,55 + 1,82

BULGARI IT e 12,26 ± 0,33

CLUB MED. /RM FR e 130 ± 5,18

COMPASS GRP GB 12,12 + 1,97

DT.LUFTHANSA N DE e 26,10 ± 1,88

ELECTROLUX -B- SE 20,22 + 2,17

EM.TV & MERCHAN DE e 74,40 ± 4

EMI GROUP GB 9,54 + 1,24

EURO DISNEY /RM FR e 0,79 ± 1,25

GRANADA GROUP GB 9,55 + 2,14

HERMES INTL FR e 141 ± 2,76

HPI IT e 1,20 ± 0,83

KLM NL e 22,40 ....

HILTON GROUP GB 3,92 + 1,73

LVMH / RM FR e 454,90 + 0,64

MOULINEX /RM FR e 6 ± 2,12

PERSIMMON PLC GB 3,22 ± 1,03

PREUSSAG AG DE e 37,30 ± 1,82

RANK GROUP GB 2,44 ± 0,68

SAIRGROUP N CH 205 + 1,27

SAS DANMARK A/S DK 10,22 + 4,38

SEB /RM FR e 65,30 ± 1,80

SODEXHO ALLIANC FR e 170,20 + 0,35

THE SWATCH GRP CH 1311,89 ± 1,21

THE SWATCH GRP CH 273,34 ± 0,82

VOLVO -A- SE 24,64 ± 1,95

VOLVO -B- SE 25,62 ± 0,71

WW/WW UK UNITS IR e 1,06 ....

WILSON BOWDEN GB 9,72 ....

WOLFORD AG AT e 33,60 ± 2,33

f DJ E STOXX CYC GO P 180,33 ± 2,34

PHARMACIEASTRAZENECA GB 47,18 + 1,62

AVENTIS /RM FR e 66 + 1,15

GLAXO WELLCOME GB 33,53 ± 0,30

NOVARTIS N CH 1573,62 + 0,87

NOVO NORDISK B DK 177,66 ± 0,75

ORION B FI e 23,70 ± 1,25

ROCHE HOLDING CH 13537,91 ....

ROCHE HOLDING G CH 11326,71 + 0,11

SANOFI SYNTHELA FR e 43,13 ± 0,85

SCHERING AG DE e 154,15 ± 1,03

SMITHKLINE BEEC GB 15 + 0,11

UCB BE e 37,52 ± 0,87

QIAGEN NV NL e .... ....

BB BIOTECH CH 997,94 + 1,18

f DJ E STOXX HEAL 431,91 ± 0,87

ENERGIEBG GB 5,59 ....

BP AMOCO GB 10,14 ± 0,33

BURMAH CASTROL GB 27,49 ....

CEPSA ES e 9,16 ± 2,03

DORDTSCHE PETRO NL e 54 ....

ENI IT e 5,77 ± 2,70

ENTERPRISE OIL GB 8,53 ± 0,39

LASMO GB 2 + 0,84

OMV AG AT e 90,50 ± 1,59

PETROLEUM GEO-S NO 19,20 ....

REPSOL ES e 22,71 ± 1,82

ROYAL DUTCH CO NL e 69,68 ± 0,63

SAIPEM IT e 5,39 ± 0,92

SHELL TRANSP GB 9,69 + 0,17

TOTAL FINA ELF/ FR e 169,60 + 0,71

COFLEXIP /RM FR e 123 + 1,15

f DJ E STOXX ENGY P 364,44 ± 0,50

SERVICES FINANCIERS3I GB 19,34 + 1,40

ALMANIJ BE e 42,80 ± 0,47

ALPHA FINANCE GR 58,79 ± 0,03

AMVESCAP GB 14,30 + 0,35

BPI R PT e 3,52 ± 0,85

BRITISH LAND CO GB 7,63 ± 1,72

CANARY WHARF GR GB 6,21 + 0,27

CAPITAL SHOPPIN GB 6,15 + 0,27

CLOSE BROS GRP GB 15,36 ± 4,66

COBEPA BE e 58,20 ± 1,44

COMPART IT e 1,36 ± 0,73

CONSORS DISC-BR DE e 99 ± 7,04

CORP FIN ALBA ES e 26,70 ± 2,02

CS GROUP N CH 215,64 ± 0,30

EURAFRANCE /RM FR e 446,90 ± 3,27

FORTIS (B) BE e 28,65 + 0,46

FORTIS (NL) NL e 28,90 + 0,17

GECINA /RM FR e 108,10 + 0,09

HAMMERSON GB 7,08 + 0,47

ING GROEP NL e 63,40 + 1,28

REALDANMARK DK 35,53 ± 1,49

LAND SECURITIES GB 13,81 + 0,49

LIBERTY INTL GB 7,30 ± 1,80

MEDIOBANCA IT e 9,05 ± 2,06

MEPC PLC GB 7,88 ± 1,26

METROVACESA ES e 18,75 ± 0,95

PROVIDENT FIN GB 11,69 ± 0,43

RODAMCO CONT. E NL e 39,55 ± 0,38

RODAMCO NORTH A NL e 40 ± 3,61

SCHRODERS PLC GB 20,46 ....

SIMCO N /RM FR e 78,45 + 0,26

SLOUGH ESTATES GB 6,23 ....

UNIBAIL /RM FR e 143,20 ....

VALLEHERMOSO ES e 7,07 ± 0,42

WCM BETEILIGUNG DE e 31,50 ± 0,16

WOOLWICH PLC GB 4,81 ± 1,37

DIREKT ANLAGE B DE e 40,10 ± 4,30

f DJ E STOXX FINS P 259,55 + 0,29

ALIMENTATION ET BOISSONALLIED DOMECQ GB 5,90 ± 0,28

ASSOCIAT BRIT F GB 6,88 + 1,73

BASS GB 12,89 + 0,39

BBAG OE BRAU-BE AT e 39,99 ± 0,27

BRAU-UNION AT e 44,25 + 0,55

CADBURY SCHWEPP GB 7,23 ....

CARLSBERG -B- DK 34,19 ....

CARLSBERG AS -A DK 32,18 ....

DANISCO DK 33,92 ....

DANONE /RM FR e 268,10 ± 0,22

DELTA HOLDINGS GR 18,41 ± 2,21

DIAGEO GB 9,13 ....

ELAIS OLEAGINOU GR 27,03 ± 0,49

ERID.BEGH.SAY / FR e 102,90 ± 0,29

HEINEKEN HOLD.N NL e 38,70 + 1,57

HELLENIC BOTTLI GR 18,11 ± 2,40

HELLENIC SUGAR GR 18,26 ± 2,61

KERRY GRP-A- GB 22,71 ....

MONTEDISON IT e 1,79 ± 3,24

NESTLE N CH 2072,59 + 0,53

KONINKLIJKE NUM NL e 46,88 ± 0,02

PARMALAT IT e 1,23 ± 0,81

PERNOD RICARD / FR e 58,10 + 0,17

RAISIO GRP -V- FI e 2,20 ± 0,45

SCOTT & NEWCAST GB 8,90 ± 2,91

SOUTH AFRICAN B GB 6,71 + 6,35

TATE & LYLE GB 4,09 ....

UNIGATE PLC GB 5,04 ± 1,31

UNILEVER NL e 57,40 + 0,17

UNILEVER GB 7,80 + 0,86

WHITBREAD GB 9,60 + 1,95

COCA-COLA BEVER GB 1,94 ± 0,85

f DJ E STOXX F & BV P 229,41 ± 0,33

BIENS D’EQUIPEMENTABB N CH 136,35 ± 0,24

ADECCO N CH 918 ± 0,42

ALSTOM FR e 29,75 + 4,02

ALUSUISSE LON G CH 696,24 ± 0,46

ASSA ABLOY-B- SE 22,68 ± 0,54

ASSOC BR PORTS GB 5,08 ± 0,33

ATLAS COPCO -A- SE 25,07 ± 1,68

ATLAS COPCO -B- SE 24,33 ± 1,24

ATTICA ENTR SA GR 13,95 ± 1,47

BAA GB 8,18 ± 0,20

BBA GROUP PLC GB 7,41 ± 3,90

BRISA AUTO-ESTR PT e 7,96 ± 0,38

CAPITA GRP GB 23,83 ± 0,21

CMG GB 65,80 ....

COOKSON GROUP P GB 3,44 ± 2,83

DAMPSKIBS -A- DK 10190,40 ....

DAMPSKIBS -B- DK 11263,07 + 0,60

DAMSKIBS SVEND DK 15486,73 ± 0,35

ELECTROCOMPONEN GB 11,07 + 0,61

EUROTUNNEL /RM FR e 1,09 + 0,93

FINNLINES FI e 17,60 ....

FKI GB 3,77 ± 0,88

FLS IND.B DK 17,43 + 3,17

FLUGHAFEN WIEN AT e 35,52 ± 0,70

GKN GB 15,46 + 1,20

HALKOR GR 6,70 ± 1,96

HAYS GB 6,73 + 4,68

HEIDELBERGER DR DE e 65 + 0,46

HUHTAMAEKI VAN FI e 34 ....

IFIL IT e 8 ....

IMI PLC GB 4,86 ± 0,34

IND.VAERDEN -A- SE 25,74 ± 1,87

ISS INTL SERV-B DK 70,80 ....

KOEBENHAVN LUFT DK 72,41 + 0,93

KONE B FI e 67,50 + 1,50

LEGRAND /RM FR e 220,20 + 1,47

LINDE AG DE e 43,10 ± 2,05

MAN AG DE e 35,20 ± 4,61

MG TECHNOLOGIES DE e 17,05 + 1,19

METRA A FI e 19,63 ± 4,24

METSO FI e 14,75 + 1,03

MORGAN CRUCIBLE GB 4,19 ± 4,56

NETCOM -B- SE 73,79 ± 3,53

EXEL GB 5,61 ....

NKT HOLDING DK 159,56 ± 0,83

OCEAN GROUP GB 19,99 + 0,76

PARTEK FI e 13,05 ± 6,12

PENINS.ORIENT.S GB 10,69 + 0,79

PREMIER FARNELL GB 7,38 ± 0,45

RAILTRACK GB 14,95 ± 0,22

RANDSTAD HOLDIN NL e 43,25 ± 0,57

RATIN -A- DK 80,45 + 2,39

RATIN -B- DK 79,51 + 1,37

RENTOKIL INITIA GB 2,37 + 1,43

REXAM GB 3,92 ± 1,26

REXEL /RM FR e 75,80 ± 1,17

RHI AG AT e 24,90 ± 0,40

RIETER HLDG N CH 674,96 + 0,48

SANDVIK -A- SE 24,88 ....

SANDVIK -B- SE 24,82 ....

SAURER ARBON N CH 640,79 ± 0,90

SCHNEIDER ELECT FR e 75,05 + 0,07

SEAT-PAGINE GIA IT e 2,34 ....

SECURICOR GB 2,04 ± 2,40

SECURITAS -B- SE 26,48 ± 1,14

SHANKS GROUP GB 3,11 ....

SIDEL /RM FR e 76,90 ± 5

INVENSYS GB 4,83 ....

SKF -B- SE 22,25 + 1,40

SOPHUS BEREND - DK 19,84 ± 2,63

SULZER FRAT.SA1 CH 754,25 + 2,45

T.I.GROUP PLC GB 6,73 ± 1,47

TOMRA SYSTEMS NO 24,91 ....

VA TECHNOLOGIE AT e 59,20 + 0,77

VEDIOR NV NL e 12,90 ± 2,64

CDB WEB TECH IN IT e 14,65 ± 9,68

CIR IT e 3,31 ± 4,89

FALCK DK 171,90 ± 0,23

f DJ E STOXX IND GO P 556,70 ± 0,96

ASSURANCESAEGON NV NL e 82,40 ± 0,12

AEGIS GROUP GB 2,69 + 0,63

AGF /RM FR e 55,45 + 0,18

ALLEANZA ASS IT e 12,06 ± 3,52

ALLIANZ N DE e 402,50 ± 1,47

ALLIED ZURICH GB 11,89 ± 0,28

ASR VERZEKERING NL e 54,30 ± 1,99

AXA /RM FR e 140,20 ± 3,04

BALOISE HLDG N CH 970,86 + 1,62

BRITANNIC GB 15,23 + 0,33

CGU GB 15,41 + 1,43

CNP ASSURANCES FR e 34,01 ± 0,38

CORP MAPFRE R ES e 15,20 ± 1,94

ERGO VERSICHERU DE e 112,50 + 0,45

ETHNIKI GEN INS GR 35,01 + 0,17

CODAN DK 71,47 + 1,52

FORTIS (B) BE e 28,65 + 0,46

GENERALI ASS IT e 31,25 ± 1,73

GENERALI HLD VI AT e 157 ± 1,57

INTERAM HELLEN GR 25,70 ± 2,86

IRISH LIFE & PE GB 9,57 ....

FONDIARIA ASS IT e 4,89 ± 0,81

LEGAL & GENERAL GB 2,76 ± 2,37

MEDIOLANUM IT e 16,28 ± 2,51

MUENCH RUECKVER DE e 298 ± 1

NORWICH UNION GB 7,35 + 1,15

POHJOLA YHTYMAE FI e 62,80 ± 0,48

PRUDENTIAL GB 16,37 ± 1,31

RAS IT e 10,44 ± 16,68

ROYAL SUN ALLIA GB 6,31 + 1,89

SAMPO -A- FI e 49 ....

SWISS RE N CH 2001,03 + 1,27

SEGUROS MUNDIAL PT e 59,25 ....

SKANDIA INSURAN SE 26,84 ± 2,01

STOREBRAND NO 7,30 ....

SUN LF & PROV H GB 8,25 + 0,20

SWISS LIFE REG CH 625,97 + 0,10

TOPDANMARK DK 18,50 + 2,22

ZURICH ALLIED N CH 515,09 ± 0,62

EULER FR e 54,70 ± 2,32

f DJ E STOXX INSU P 407,48 ± 1,33

MEDIASB SKY B GROUP GB 17,07 ± 2,94

CANAL PLUS /RM FR e 168 ± 7,95

CARLTON COMMUNI GB 12,19 ± 1,75

ELSEVIER NL e 10,57 + 1,15

EMAP PLC GB 17,57 ± 3,93

DAILY MAIL & GE GB 28,39 ± 1,73

GRUPPO L’ESPRES IT e 13,30 ± 4,25

HAVAS ADVERTISI FR e 409,80 ± 2,91

INDP NEWS AND M IR e 8,70 ± 0,34

LAGARDERE SCA N FR e 65,60 ± 4,58

MEDIASET IT e 14,56 ± 6,96

PEARSON GB 30,14 ± 4,19

REED INTERNATIO GB 7,33 + 1,39

REUTERS GROUP GB 16,67 ± 1,67

TELEWEST COMM. GB 3,76 ± 5,06

TF1 FR e 653,50 ± 3,90

UNITED NEWS & M GB 12,94 + 1,44

UNITED PAN-EURO NL e 236 ....

VNU NL e 55 + 0,18

WOLTERS KLUWER NL e 26,70 + 2,14

WPP GROUP GB 13,53 + 1,38

f DJ E STOXX MEDIA P 472,97 ± 4,40

BIENS DE CONSOMMATIONAHOLD NL e 29,24 ± 0,68

ALTADIS -A- ES e 15,09 + 0,13

ATHENS MEDICAL GR 15,93 ± 1,29

AVIS EUROPE GB 3,47 ± 1,89

AUSTRIA TABAK A AT e 38,17 + 0,18

BEIERSDORF AG DE e 84,90 + 3,54

BIC /RM FR e 49,60 + 1,74

BRIT AMER TOBAC GB 7,20 + 12,83

CASINO GP /RM FR e 93,50 + 0,27

CFR UNITS -A- CH 2754 + 0,05

DELHAIZE BE e 62,75 ± 0,71

ESSILOR INTL /R FR e 300 ± 3,16

COLRUYT BE e 43,10 ....

FREESERVE GB 7,58 ....

FRESENIUS MED C DE e 82,50 ± 2,02

GALLAHER GRP GB 5,73 ± 2

GIB BE e 33,10 + 0,67

IMPERIAL TOBACC GB 9,79 + 0,17

JERONIMO MARTIN PT e 16,60 ± 1,54

KESKO -B- FI e 11,30 + 1,35

L’OREAL /RM FR e 792 + 1,54

MORRISON SUPERM GB 2,57 + 0,65

HENKEL KGAA VZ DE e 58,50 ± 2,01

RECKITT BENCKIS GB 12,16 + 0,83

SAFEWAY GB 4,01 + 2,13

SAINSBURY J. PL GB 5,78 + 1,47

SMITH & NEPHEW GB 2,89 + 2,98

STAGECOACH HLDG GB 0,95 + 3,64

TERRA NETWORKS ES e 49 ± 1,41

TESCO PLC GB 3,54 + 2,91

TNT POST GROEP NL e 25,12 + 0,56

INTC/CLFP WT 01 DE e .... ....

WORLD ONLINE IN NL e 12,05 ± 11,40

f DJ E STOXX N CY G P 474,91 + 0,42

COMMERCE DISTRIBUTIONBOOTS CO PLC GB 9,17 + 0,55

BUHRMANN NV NL e 27,75 + 0,54

CARREFOUR /RM FR e 72,85 ± 0,21

CASTO.DUBOIS /R FR e 260,50 + 0,19

CENTROS COMER P ES e 13,05 ± 1,29

CONTINENTE ES e 17,15 ± 0,35

DIXONS GROUP PL GB 20,62 ....

GEHE AG DE e 33,89 + 2,70

GREAT UNIV STOR GB 6,83 ....

GUCCI GROUP NL e 88,50 + 0,45

HENNES & MAURIT SE 27,58 ± 2,81

KARSTADT QUELLE DE e 32,50 ± 1,52

KINGFISHER GB 9,60 + 0,17

MARKS & SPENCER GB 3,86 ± 0,43

METRO DE e 40,20 ± 3,13

NEXT PLC GB 9,40 ± 1,75

PINAULT PRINT./ FR e 215,80 ± 2,35

VALORA HLDG N CH 288,16 + 0,45

VENDEX KBB NV NL e 18,48 + 0,98

W.H SMITH GB 6,31 ± 0,26

WOLSELEY PLC GB 6 + 0,56

AVA ALLG HAND.G DE e 620 + 1,64

f DJ E STOXX RETL P 367,45 ± 1,02

HAUTE TECHNOLOGIEAEROSPATIALE MA FR e 21,60 ± 1,86

ALCATEL /RM FR e 51,50 ± 80,54

ALTEC SA REG. GR 17,74 ± 2,85

ASM LITHOGRAPHY NL e 106 ....

BAAN COMPANY NL e 1,22 ± 14,08

BARCO BE e 119,50 ± 0,08

SPIRENT GB 17,95 ....

BAE SYSTEMS GB 6,80 ....

CAB & WIRE COMM GB 14,66 ....

CAP GEMINI /RM FR e 182,80 ± 5,33

COLT TELECOM NE GB 30,91 ± 3,19

DASSAULT SYST./ FR e 71,50 ± 4,92

ERICSSON -B- SE 20,84 ± 4,76

FINMECCANICA IT e 1,14 ....

GAMBRO -A- SE 7,05 + 1,77

GETRONICS NL e 60,85 ....

GN GREAT NORDIC DK 85,14 ± 3,05

INTRACOM R GR 42,77 ± 5,54

LOGICA GB 24,27 + 3,34

MISYS GB 8,02 ± 10,28

NOKIA FI e 52,40 ± 7,26

NYCOMED AMERSHA GB 9,52 + 1,42

OCE NL e 14,50 ....

OLIVETTI IT e 3,27 ± 1,80

PHILIPS NL e 162,90 ....

ROLLS ROYCE GB 4,09 ± 1,21

SAGE GRP GB 9,34 ± 2,78

SAGEM FR e 3300 ....

SAP AG DE e 461 + 0,99

SAP VZ DE e 556,50 + 0,54

SEMA GROUP GB 12,36 ± 4,64

SIEMENS AG N DE e 145,80 ± 1,02

SMITHS IND PLC GB 13,41 ± 2,67

STMICROELEC SIC FR e 63,85 ± 3,84

TECNOST IT e 3,39 + 0,59

THOMSON CSF /RM FR e 38,50 + 1,08

TIETOENATOR FI e 43 ± 1,04

WILLIAM DEMANT DK 159,29 ....

INFINEON TECHNO DE e 69 ± 2,47

BOOKHAM TECHNOL GB 51,85 ± 13,15

FINMATICA IT e 75,70 ± 6,89

BULL FR e 8,65 ± 5,05

COMPTEL FI e 19,80 ± 7,91

DIALOG SEMICOND GB .... ....

F-SECURE FI e 9,19 ± 11,21

f DJ E STOXX TECH P 922,90 ± 4,55

SERVICES COLLECTIFSAEM IT e 4,19 ± 3,68

ANGLIAN WATER GB 9,55 ± 1,72

BRITISH ENERGY GB 2,20 + 0,76

CENTRICA GB 3,97 + 1,28

EDISON IT e 9,20 ± 2,13

ELECTRABEL BE e 258,70 ....

ELECTRIC PORTUG PT e 19,27 ± 0,67

ENDESA ES e 23,30 ± 0,38

ENEL IT e 4,51 ± 1,74

EVN AT e 123,61 ± 0,56

FORTUM FI e 4,19 + 0,96

GAS NATURAL SDG ES e 18,40 ± 2,54

IBERDROLA ES e 13,32 ± 1,11

ITALGAS IT e 4,33 ± 2,26

NATIONAL GRID G GB 8,33 + 0,20

NATIONAL POWER GB 6,16 + 1,10

OESTERR ELEKTR AT e 106,25 + 0,89

POWERGEN GB 7,68 ± 2,34

SCOTTISH POWER GB 9,07 ± 1,63

SEVERN TRENT GB 10,80 ± 0,46

SUEZ LYON EAUX/ FR e 177,60 ± 1,33

SYDKRAFT -A- SE 18,26 ± 0,67

SYDKRAFT -C- SE 18,14 ± 0,34

THAMES WATER GB 13,49 ± 1,34

FENOSA ES e 20,50 ± 0,73

UNITED UTILITIE GB 10,49 ± 0,48

VIAG DE e 22,20 ± 0,22

VIVENDI/RM FR e 104,70 ± 1,69

f DJ E STOXX PO SUP P 347,08 ± 1,24

EURO_____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________NOUVEAUMARCHE

Cours % Var.22/05 12 h 36 f en euros 19/05

AMSTERDAMAIRSPRAY NV 19,05 + 1,06

ANTONOV 0,82 ± 1,20

C/TAC 8,40 ± 1,18

CARDIO CONTROL 5,30 ± 3,64

CSS 23,90 ....

HITT NV 6,20 ± 3,88

INNOCONCEPTS NV 20,75 ± 1,19

NEDGRAPHICS HOLD 26,25 ± 4,55

SOPHEON 8,20 ± 8,89

PROLION HOLDING 94 ....

RING ROSA 3,80 + 0,26

RING ROSA WT 0,04 ....

UCC GROEP NV 17,50 ± 6,42

BRUXELLESARTHUR 12,20 + 1,67

ENVIPCO HLD CT 1,01 ± 3,81

FARDEM BELGIUM B 22,15 ± 0,05

INTERNOC HLD 2,10 + 1,94

INTL BRACHYTHER B 12,85 + 4,47

LINK SOFTWARE B 9 ....

PAYTON PLANAR 1,50 ± 3,23

ACCENTIS 7,90 ....

FRANCFORTUNITED INTERNET 197 ± 5,29

AIXTRON 260,30 ± 2,87

AUGUSTA TECHNOLOGIE 99 ± 3,37

BB BIOTECH ZT-D 99,99 ± 1

BB MEDTECH ZT-D 13,50 + 0,37

BERTRANDT AG 14,85 + 1,02

BETA SYSTEMS SOFTWA 9,85 ± 1,01

CE COMPUTER EQUIPME 145 ± 4,04

CE CONSUMER ELECTRO 163,46 ± 11,40

CENIT SYSTEMHAUS 34,50 ± 0,29

DRILLISCH 8,20 ± 2,38

EDEL MUSIC 24,80 ± 0,08

ELSA 58 ± 3,33

EM.TV & MERCHANDI 74,50 ± 3,87

EUROMICRON 25 ± 1,96

GRAPHISOFT NV 20,50 ± 2,10

HOEFT & WESSEL 16,10 + 1,26

HUNZINGER INFORMAT 9,30 ± 2

INFOMATEC 20,20 ± 1,70

INTERSHOP COMMUNICA 427 ± 1,61

KINOWELT MEDIEN 56,80 ± 5,91

LHS GROUP 30,89 ± 6,45

LINTEC COMPUTER 152,50 ± 2,24

LOESCH UMWELTSCHUTZ 6,60 ....

MENSCH UND MASCHINE 26 + 1,96

MOBILCOM 107,99 ± 4,43

MUEHL PRODUCT & SERV 50,50 ± 3,99

MUEHLBAUER HOLDING 76 ± 3,80

PFEIFFER VACU TECH 44,75 ± 2,74

PLENUM 15,10 ....

PSI 31,17 ± 5,83

QIAGEN NV 147,40 ± 3,48

REFUGIUM HOLDING AG 8,65 ± 1,59

SACHSENRING AUTO 11,80 ....

SALTUS TECHNOLOGY 12,10 + 0,41

SCM MICROSYSTEMS 87 ....

SER SYSTEME 36,30 + 3,12

SERO ENTSORGUNG 5,80 ....

SINGULUS TECHNOLOGI 107,52 ± 6,50

SOFTM SOFTWARE BERA 31 ± 4,62

TDS 17,59 ± 2,55

TECHNOTRANS 75 ± 1,17

TELDAFAX 10,60 ± 7,02

TELES AG 17 ....

TIPTEL 5,85 ± 0,85

TRANSTEC 35 ± 2,78

W.E.T. AUTOMOTIVE S 37 ± 1,46

.... ....

371,91

STOXX 653 sur 1 an

405

382

359

336

314

291[ [ [

25 MAI 22 NOV. 22 MAI

393,18

388,19

387,38

375,60

371,91

sur 5 jours

[ [ [ [ [

M M J V L

4996,27

EURO STOXX50 sur 1an

5472

5080

4688

4296

3904

3512[ [ [

25 MAI 22 NOV. 22 MAI

5335,02

5232,60

5247,13

5063,72

4996,27

sur 5 jours

[ [ [ [ [

M M J V L

VALEURS EUROPEENNES

e CODES PAYS ZONE EUROFR : France - DE : Allemagne - ES : EspagneIT : Italie - PT : Portugal - IR : IrlandeLU : Luxembourg - NL : Pays-Bas - AT : AutricheFI : Finlande - BE : Belgique.

CODES PAYS HORS ZONE EUROCH : Suisse - NO : Norvege - DK : DanemarkGB : Grande-Bretagne - GR : Grece - SE : Suede.

(PubliciteÂ)

LeMonde Job: WMQ2305--0026-0 WAS LMQ2305-26 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:47 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0596 Lcp: 700 CMYK

26 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 I F I N A N C E S E T M A R C H É S

% Var.Precedent Cours Cours % Var.France f 31/12en euros en euros en francs veille (1)

B.N.P. (T.P)...................... 146,50 146,50 960,98 .... + 2,44

CR.LYONNAIS(TP) L ....... 145 145 951,14 .... + 2,11

RENAULT (T.P.)............... 321,20 326,90 2144,32 + 1,77 ± 1,74

SAINT GOBAIN(T.P......... 171,50 171 1121,69 ± 0,29 + 0,58

THOMSON S.A (T.P) ....... 156,50 .... .... .... + 4,33

ACCOR ............................ 44 44,40 291,24 + 0,91 ± 7,44

AEROSPATIALE MATR.... 22,01 21,70 142,34 ± 1,41 ± 0,41

AGF ................................. 55,35 55,60 364,71 + 0,45 + 3,34

AIR FRANCE GPE NO ..... 16,40 16,07 105,41 ± 2,01 ± 15,42

AIR LIQUIDE ................... 147 149,90 983,28 + 1,97 ± 9,80

ALCATEL ......................... x 52,95 52,25 342,74 ± 1,32 + 14,58

ALSTOM.......................... 28,60 29,89 196,07 + 4,51 ± 9,69

ALTRAN TECHNO. #....... 230,20 218,40 1432,61 ± 5,13 + 9,20

ATOS CA.......................... 104 103,70 680,23 ± 0,29 ± 36,99

AVENTIS.......................... 65,25 66,25 434,57 + 1,53 + 14,81

AXA.................................. 144,60 140,30 920,31 ± 2,97 + 2,91

BAIL INVESTIS................. 126,90 126,90 832,41 .... ± 1,01

BAZAR HOT. VILLE ......... 138 138 905,22 .... + 9,96

BIC................................... 48,75 49,52 324,83 + 1,58 + 9,60

BIS................................... 92,80 95,10 623,82 + 2,48 + 6,67

B.N.P. .............................. 96,20 96,15 630,70 ± 0,05 + 4,96

BOLLORE ........................ 174 170,50 1118,41 ± 2,01 ± 13,01

BONGRAIN ..................... 301 298,50 1958,03 ± 0,83 ± 9,35

BOUYGUES ..................... 570 580 3804,55 + 1,75 ± 7,20

BOUYGUES OFFS............ 48 47,65 312,56 ± 0,73 + 27,74

BULL#.............................. 9,11 8,96 58,77 ± 1,65 + 12,14

BUSINESS OBJECTS........ 85 83,30 546,41 ± 2 + 21,60

CANAL + ......................... 182,50 172,80 1133,49 ± 5,32 + 19,58

CAP GEMINI ................... 193,10 184,60 1210,90 ± 4,40 ± 26,74

CARBONE LORRAINE..... 51 49,52 324,83 ± 2,90 + 5,81

CARREFOUR ................... 73 75,20 493,28 + 3,01 ± 17,85

CASINO GUICHARD ....... 93,25 94,25 618,24 + 1,07 ± 17,10

CASINO GUICH.ADP ...... 63,60 63,40 415,88 ± 0,31 ± 17,17

CASTORAMA DUB.(LI..... 260 263,90 1731,07 + 1,50 ± 12,61

C.C.F. ............................... 152,60 153,20 1004,93 + 0,39 + 23,84

CEGID (LY) ...................... 166,60 168 1102,01 + 0,84 ± 11,67

CGIP ................................ 46,30 46 301,74 ± 0,65 ± 29,23

CHARGEURS................... 68 64,70 424,40 ± 4,85 + 15,74

CHRISTIAN DALLOZ ...... 66 65,20 427,68 ± 1,21 + 12,80

CHRISTIAN DIOR ........... 258,10 257 1685,81 ± 0,43 + 4,47

CIC -ACTIONS A.............. 105 105,50 692,03 + 0,48 + 14,67

CIMENTS FRANCAIS ...... 53,20 53,25 349,30 + 0,09 ± 21,05

CLARINS ......................... 107,60 110 721,55 + 2,23 ± 0,36

CLUB MEDITERRANEE .. 137,10 129 846,18 ± 5,91 + 12,36

CNP ASSURANCES ......... 34,14 34,01 223,09 ± 0,38 ± 6,97

COFACE........................... 94,60 93,50 613,32 ± 1,16 ....

COFLEXIP........................ 121,60 123,50 810,11 + 1,56 + 71,17

COLAS ............................. 201,50 204,20 1339,46 + 1,34 ± 4,13

CDE PROV. REGPT.......... 37,22 37,36 245,07 + 0,38 ± 4,32

CPR ................................. 38 38,05 249,59 + 0,13 ± 3,62

CRED.FON.FRANCE ....... 15,60 15,99 104,89 + 2,50 ± 10,47

CFF.RECYCLING ............. 51,05 50,90 333,88 ± 0,29 + 38,42

CREDIT LYONNAIS......... 43,25 44,41 291,31 + 2,68 ± 2,18

CS SIGNAUX(CSEE)......... 59 57,80 379,14 ± 2,03 + 24,83

DAMART ......................... 67,50 67,75 444,41 + 0,37 ± 9,06

DANONE......................... 268,70 269,50 1767,80 + 0,30 + 15,17

DASSAULT-AVIATION..... 184,90 182,90 1199,75 ± 1,08 ± 5,72

DASSAULT SYSTEMES.... 75,20 71,55 469,34 ± 4,85 + 10,58

DE DIETRICH.................. 56 56,50 370,62 + 0,89 ± 4,88

DEVEAUX(LY)# ................ 72,60 71 465,73 ± 2,20 ± 2,73

DMC (DOLLFUS MI) ....... 4,74 4,55 29,85 ± 4,01 ± 21,55

DYNACTION ................... 26 25,60 167,92 ± 1,54 ± 8,21

EIFFAGE .......................... 57,45 57 373,90 ± 0,78 ± 18,80

ELIOR .............................. 13,04 12,86 84,36 ± 1,38 ....

ERAMET .......................... 50,40 49,80 326,67 ± 1,19 ± 12,63

ERIDANIA BEGHIN......... 103,20 102,60 673,01 ± 0,58 ± 3,93

ESSILOR INTL ................. 309,80 302,40 1983,61 ± 2,39 ± 1,81

ESSO................................ 62,40 63 413,25 + 0,96 ± 16,55

EULER ............................. 56 54,75 359,14 ± 2,23 ....

EURAFRANCE................. 462 445,10 2919,66 ± 3,66 ± 21,84

EURO DISNEY................. 0,80 0,79 5,18 ± 1,25 ± 12,22

EUROTUNNEL................ 1,08 1,09 7,15 + 0,93 ± 6,83

FACOM SA....................... 74 .... .... .... + 2,77

FAURECIA ....................... 42,30 42 275,50 ± 0,71 ± 22,22

FIMALAC SA.................... 157,30 157,10 1030,51 ± 0,13 + 30,91

FIVES-LILLE..................... 75 74,55 489,02 ± 0,60 ± 11,77

FONC.LYON.# ................. 111 110,70 726,14 ± 0,27 ± 14,78

FRANCE TELECOM......... 137,80 134,50 882,26 ± 2,39 + 2,43

FROMAGERIES BEL........ 680 692,50 4542,50 + 1,84 ± 2,46

GALERIES LAFAYETT ...... 195,90 194,50 1275,84 ± 0,71 + 18,02

GAUMONT #................... 73,80 73 478,85 ± 1,08 + 32,72

GAZ ET EAUX .................. 60,55 59,80 392,26 ± 1,24 + 3,10

GECINA........................... 108 108,30 710,40 + 0,28 ± 3,30

GEOPHYSIQUE ............... 68 69,25 454,25 + 1,84 + 41,32

GFI INFORMATIQUE...... 165 156,40 1025,92 ± 5,21 + 22,28

GRANDVISION ............... 29,67 29,61 194,23 ± 0,20 ± 0,26

GROUPE ANDRE S.A....... 137,70 139,20 913,09 + 1,09 ± 22,66

GROUPE GASCOGNE ..... 77 76 498,53 ± 1,30 ± 6,17

GR.ZANNIER (LY) #......... 65,45 64,15 420,80 ± 1,99 + 47,64

GROUPE GTM ................ 82,50 83,70 549,04 + 1,45 ± 13,26

GROUPE PARTOUCHE ... 71,50 70 459,17 ± 2,10 ± 17,06

GUILBERT....................... 143,30 143,10 938,67 ± 0,14 + 7,27

GUYENNE GASCOGNE... 412 400 2623,83 ± 2,91 ± 14,89

HACHETTE FILI.MED ..... 74,50 72,30 474,26 ± 2,95 + 14,76

HAVAS ADVERTISING..... 422,10 410 2689,42 ± 2,87 ± 3,07

IMERYS(EX.IMETAL) ....... 137 137 898,66 .... ± 7,43

IMMEUBLES DE FCE ...... 18,96 18,20 119,38 ± 4,01 + 0,38

INFOGRAMES ENTER. ... 30,69 28,60 187,60 ± 6,81 ± 12,80

INGENICO ...................... 111 103,80 680,88 ± 6,49 + 142,01

ISIS .................................. 66,30 65 426,37 ± 1,96 + 9,42

KAUFMAN ET BROAD .... 17,61 17,88 117,29 + 1,53 ....

KLEPIERRE COMP.FI ...... 91,40 91,50 600,20 + 0,11 ± 4,68

LABINAL.......................... 132,10 132,10 866,52 .... + 21,41

LAFARGE......................... 91,45 91,50 600,20 + 0,05 ± 19,52

LAGARDERE.................... 68,75 66,20 434,24 ± 3,71 + 22,59

LAPEYRE ......................... 55 53,10 348,31 ± 3,45 ± 18,30

LEBON (CIE).................... 61 60 393,57 ± 1,64 + 13,31

LEGRAND ....................... 217 220 1443,11 + 1,38 ± 6,89

LEGRAND ADP ............... 121 121,10 794,36 + 0,08 ± 14,11

LEGRIS INDUST.............. 40,25 41 268,94 + 1,86 + 2,62

LIBERTY SURF ................ 31,98 26,90 176,45 ± 15,88 ....

LOCINDUS...................... 118,50 119,40 783,21 + 0,76 + 5,38

L’OREAL .......................... 780 792 5195,18 + 1,54 ± 0,56

LVMH MOET HEN. ......... 452 456,20 2992,48 + 0,93 + 2,58

MARINE WENDEL .......... 79,15 79,50 521,49 + 0,44 ± 17,69

METALEUROP ................ 6,83 6,89 45,20 + 0,88 ± 6,89

MICHELIN....................... 37,90 37,77 247,75 ± 0,34 ± 3,15

MONTUPET SA............... 27,30 27 177,11 ± 1,10 ± 22,19

MOULINEX ..................... 6,13 6,02 39,49 ± 1,79 ± 22,32

NATEXIS BQ POP. ........... 78 76 498,53 ± 2,56 + 4,53

NEOPOST........................ 31,30 32,80 215,15 + 4,79 ± 21,43

NORBERT DENTRES.# ... 18,50 18,30 120,04 ± 1,08 ± 12,89

NORD-EST...................... 26,90 26,66 174,88 ± 0,89 ± 1,65

NORDON (NY)................ 56,20 55,60 364,71 ± 1,07 ± 20,57

NRJ # ............................... 591 560 3673,36 ± 5,25 ± 18,06

OLIPAR............................ 8,40 8,25 54,12 ± 1,79 ± 10,61

PECHINEY ACT ORD ...... 49,75 51 334,54 + 2,51 ± 28,11

PENAUILLE POLY.CB...... 660 655 4296,52 ± 0,76 + 64,57

PERNOD-RICARD........... 58 58,10 381,11 + 0,17 + 2,28

PEUGEOT........................ 223,30 225,90 1481,81 + 1,16 + 0,22

PINAULT-PRINT.RED..... 221 219 1436,55 ± 0,90 ± 16,41

PLASTIC OMN.(LY) ......... a 120 121 793,71 + 0,83 ± 0,57

PUBLICIS #...................... 455 421,90 2767,48 ± 7,27 + 12,50

REMY COINTREAU......... 22,56 22,70 148,90 + 0,62 + 1,70

RENAULT ........................ 50,75 52,30 343,07 + 3,05 + 9,27

REXEL.............................. 76,70 75,90 497,87 ± 1,04 ± 14,23

RHODIA .......................... 19,92 19,50 127,91 ± 2,11 ± 13,10

ROCHETTE (LA) .............. 6,60 6,60 43,29 .... + 3,12

ROYAL CANIN................. 104,10 100 655,96 ± 3,94 + 42,95

RUE IMPERIALE (LY........ 2039 2011 13191,30 ± 1,37 + 9,59

SADE (NY) ....................... 41 .... .... .... + 7,89

SAGEM S.A. ..................... 1330 1275 8363,45 ± 4,14 + 84,78

SAINT-GOBAIN............... 160,10 163,50 1072,49 + 2,12 ± 12,42

SALVEPAR (NY) ............... 73,40 73,30 480,82 ± 0,14 ± 2

SANOFI SYNTHELABO ... 43,50 44,50 291,90 + 2,30 + 7,64

SCHNEIDER ELECTRI..... 75 77,20 506,40 + 2,93 ± 0,96

SCOR............................... 44 43,13 282,91 ± 1,98 ± 1,52

S.E.B. ............................... 66,50 65,35 428,67 ± 1,73 ± 6,64

SEITA............................... 38,65 39,40 258,45 + 1,94 ± 12,44

SELECTIBANQUE............ 16,61 16,60 108,89 ± 0,06 + 19,42

SGE.................................. 43,50 42,90 281,41 ± 1,38 ± 7,74

SIDEL............................... 80,95 76,90 504,43 ± 5 ± 24,97

SILIC CA .......................... 151,50 152 997,05 + 0,33 ± 4,46

SIMCO............................. 78,25 78,60 515,58 + 0,45 ± 2,17

SKIS ROSSIGNOL............ 14,73 14,75 96,75 + 0,14 ± 7,81

SOCIETE GENERALE....... 66 67 439,49 + 1,52 + 16,01

SODEXHO ALLIANCE...... 169,60 170,40 1117,75 + 0,47 ± 3,01

SOGEPARC (FIN) ............ 81 .... .... .... ± 4,81

SOMMER-ALLIBERT....... 25,62 25,83 169,43 + 0,82 ± 3,72

SOPHIA ........................... 25,57 25,60 167,92 + 0,12 ± 8,57

SOPRA # .......................... 80,10 80,80 530,01 + 0,87 ± 17,96

SPIR COMMUNIC. # ....... 95,10 97,15 637,26 + 2,16 + 24,55

SR TELEPERFORMANC.. 322,60 309 2026,91 ± 4,22 + 66,12

STUDIOCANAL (M)......... 13,50 12,89 84,55 ± 4,52 + 27,12

SUEZ LYON.DES EAU ..... 180 179,50 1177,44 ± 0,28 + 12,82

TF1 .................................. 680 656 4303,08 ± 3,53 + 26,15

TECHNIP......................... 116,40 116 760,91 ± 0,34 + 13,94

THOMSON-CSF.............. 38,09 39,30 257,79 + 3,18 + 19,85

THOMSON MULTIMEDI 106,30 99,25 651,04 ± 6,63 + 85,51

TOTAL FINA ELF............. 168,40 169,50 1111,85 + 0,65 + 27,92

TRANSICIEL # ................. 145,40 149 977,38 + 2,48 + 24,27

UBI SOFT ENTERTAI ...... 48,62 45,35 297,48 ± 6,73 + 13,94

UNIBAIL .......................... 143,20 142,30 933,43 ± 0,63 + 13,56

UNILOG CA..................... 101,80 102,50 672,36 + 0,69 ± 5,35

UNION ASSUR.FDAL ...... 144 143 938,02 ± 0,69 + 22,64

USINOR........................... 15 15,19 99,64 + 1,27 ± 18,55

VALEO ............................. 60,90 60,15 394,56 ± 1,23 ± 21,47

VALLOUREC.................... 42,25 41,82 274,32 ± 1,02 ± 1,60

VIA BANQUE ................... 31,90 30,56 200,46 ± 4,20 + 9,14

VIVENDI .......................... 106,50 104,80 687,44 ± 1,60 + 16,89

WORMS (EX.SOMEAL) .... 16,28 15,97 104,76 ± 1,90 ± 1,41

ZODIAC........................... 190 190,10 1246,97 + 0,05 ± 9,43

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

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% Var.Precedent Cours Cours % Var.International f 31/12en euros en euros en francs veille (1)

AMERICAN EXPRESS...... 57 56,70 371,93 ± 0,53 + 2,47

A.T.T. #............................. 39,93 40 262,38 + 0,18 ± 21,72

BARRICK GOLD #............ 19,54 19,41 127,32 ± 0,67 + 5,60

CROWN CORK ORD. #.... 19,43 19,50 127,91 + 0,36 ± 10,34

DE BEERS # ..................... 23,50 23 150,87 ± 2,13 ± 20,55

DU PONT NEMOURS # .. 58 57,15 374,88 ± 1,47 ± 12,21

ERICSSON # .................... 21,36 20,75 136,11 ± 2,86 + 27,45

FORD MOTOR # ............. 59,70 59,50 390,29 ± 0,34 + 12,26

GENERAL ELECTR. #....... 58,45 57,80 379,14 ± 1,11 + 10,94

GENERAL MOTORS # ..... 99,50 97,65 640,54 ± 1,86 + 37,24

HITACHI # ....................... 13,59 13,31 87,31 ± 2,06 ± 18,29

I.B.M................................ 119,90 117,80 772,72 ± 1,75 + 7,57

ITO YOKADO #................ 73,90 72,05 472,62 ± 2,50 ± 33,28

MATSUSHITA.................. 26,29 25,33 166,15 ± 3,65 ± 6,53

MC DONALD’S ............... 42,30 41,37 271,37 ± 2,20 + 4,18

MERK AND CO ............... 80,10 80 524,77 ± 0,12 + 16,87

MITSUBISHI CORP.# ...... 9,08 9,01 59,10 ± 0,77 + 13,19

MORGAN J.P.# ................ 148,90 144 944,58 ± 3,29 + 12,67

NIPP. MEATPACKER#..... 14,25 14,52 95,24 + 1,89 + 8,43

PHILIP MORRIS# ............ 29,30 30,09 197,38 + 2,70 + 27,71

PROCTER GAMBLE ........ 71,40 71,45 468,68 + 0,07 ± 33,22

SEGA ENTERPRISES ....... 17,80 17 111,51 ± 4,49 ± 45,24

SCHLUMBERGER# ......... 90 87,45 573,63 ± 2,83 + 66,28

SONY CORP.#RGA .......... 111 108,50 711,71 ± 2,25 ± 25,06

SUMITOMO BANK #....... 14,06 13,86 90,92 ± 1,42 ± 4,41

VALEURS FRANCAISES

REGLEMENT MENSUEL__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________LUNDI 22 MAI Cours releves a 12 h 51Liquidation : 24 mai

ABREVIATIONSB = Bordeaux; Li = Lille ; Ly = Lyon ; M = Marseille ; Ny = Nancy ; Ns = Nantes.

SYMBOLES1 ou 2 = categories de cotation - sans indication categorie 3 ; a couponde tache ; b droit de tache ; # contrat d’animation ; o = offert ;d = demande ; x offre reduite ; y demande reduite ; d cours precedent.

DERNIERE COLONNE RM (1) :Lundi date mardi : % variation 31/12 ; Mardi date mercredi : montant ducoupon en euros ; Mercredi date jeudi : paiement dernier coupon ;Jeudi date vendredi : compensation ; Vendredi date samedi : nominal.

LUNDI 22 MAI

Cours releves a 12 h 51

Cours Cours % Var.Valeurs f en euros en francs veille

ABEL GUILLEM..... 25 163,99 + 5,49

AB SOFT............... 12,47 81,80 + 8,43

ACCESS COMME .. 48 314,86 ± 7,69

ADL PARTNER...... 24 157,43 ± 6,25

ALGORIEL#........... 26,80 175,80 + 0,37

ALPHAMEDIA ....... 12,50 81,99 ± 0,08

ALPHA MOS #....... 7,10 46,57 ± 4,05

ALTAMIR & CI ...... 250 1639,89 ± 3,85

ALTAMIR BS 9 ......d 11 72,16 ....

ALDETA ................ 5,10 33,45 ± 15

ALTI #................... 25 163,99 ± 0,56

A NOVO................ 251 1646,45 ± 3,09

ARTPRICE COM.... 25,30 165,96 ± 1,44

ASTRA .................. 2,40 15,74 ± 2,04

ATN...................... 5,50 36,08 ....

AUTOMA TECH .... 20,28 133,03 + 9,62

AVENIR TELEC...... 282,90 1855,70 ± 4,43

AVENIR TELEC...... 17 111,51 ± 2,86

BARBARA BUI....... 11,99 78,65 ....

BELVEDERE .......... 61,50 403,41 ± 1,60

BIODOME #..........d 26,68 175,01 ....

BOURSE DIREC .... 24,65 161,69 ± 3,33

BRIME TECHNO... 53,15 348,64 ± 5,60

BVRP EX DT S....... 99,90 655,30 ± 4,86

CAC SYSTEMES .... 13,15 86,26 + 0,23

CAST .................... 41,50 272,22 ± 5,47

CEREP .................. 75 491,97 ± 0,07

CHEMUNEX #....... 2,14 14,04 ± 0,47

CMT MEDICAL ..... 16 104,95 ± 0,62

COALA .................. 53 347,66 + 0,19

COHERIS ATIX ...... 87 570,68 ± 3,33

COIL ..................... 36 236,14 ± 2,70

CONSODATA #...... 47,10 308,96 ± 5,80

CONSODATA NO ..d 55 360,78 ....

CONSORS FRAN ... 23,28 152,71 ± 3,80

CROSS SYSTEM .... 184,80 1212,21 ± 9,85

CRYO INTERAC..... 77,55 508,69 ± 4,26

CRYO INTERAC.....d 79,20 519,52 ....

CYBER PRES.P ...... 43 282,06 ± 2,60

CYRANO #............. 7,04 46,18 ± 9,97

DESK #.................. 7,55 49,52 ± 1,69

DESK BS 98 ...........d 0,28 1,84 ....

DEVOTEAM # ........ 113 741,23 ± 13,08

DMS #................... 9,50 62,32 ± 0,11

D INTERACTIV...... 100 655,96 ± 4,76

DIOSOS................. 41,60 272,88 ± 4,37

DURAND ALLIZ .... 4,42 28,99 ± 2

DURAN DUBOI ..... 117,60 771,41 + 0,09

DURAN BS 00 .......d 14 91,83 ....

EFFIK # ................. 19 124,63 ....

EGIDE # ................ 208 1364,39 ± 5,45

EMME(JCE 1/1 ....... 11,55 75,76 ± 1,28

ESKER................... 32 209,91 ± 5,33

EUROFINS SCI ......x 18,50 121,35 + 2,78

EURO.CARGO S..... 9,05 59,36 + 0,56

EUROPSTAT #....... 32,79 215,09 ± 13,71

FABMASTER #.......d 17 111,51 ....

FIMATEX............... 20,66 135,52 ± 6,94

FI SYSTEM # ......... 56,10 367,99 ± 7,27

FLOREANE MED ... 10 65,60 ....

GAUDRIOT ........... 21 137,75 ....

GENERIX #............ 46,03 301,94 ± 4,99

GENESYS #............ 41,90 274,85 ± 7,91

GENESYS NV 0......d 52,20 342,41 ....

GENSET ................ 83,50 547,72 ± 6,18

GENSET NV J0 ......d 89,60 587,74 ....

GL TRADE #.......... 58 380,46 + 1,75

GUILLEMOT #....... 51 334,54 ± 4,67

GUYANOR ACTI .... 0,66 4,33 ± 2,94

HF COMPANY....... 108,20 709,75 + 1,88

HIGH CO. ............. 118,60 777,97 ± 2,39

HIMALAYA ............ 25,60 167,92 ± 4,83

HOLOGRAM IND . 136,10 892,76 ± 1,38

IDP....................... 6,40 41,98 ± 8,57

IDP BON 98 ( .......d 1,07 7,02 ....

IGE + XAO ............ 22,30 146,28 ....

ILOG #.................. 28,75 188,59 ± 3,52

IMECOM GROUP . 6 39,36 ± 7,69

INFOSOURCES ..... 12,72 83,44 ± 7,83

INFOSOURCE B.... 54 354,22 ± 18,18

INFOTEL # ........... 92,40 606,10 ± 4,74

INTEGRA NET ...... 18,70 122,66 ± 13,43

INTEGRA ACT. ..... .... .... ....

INTERCALL #........ 73,80 484,10 ± 4,09

IPSOS # ................ 119,90 786,49 + 1,78

IT LINK ................ 48,50 318,14 ± 0,41

JOLIEZ-REGOL .....d 3,50 22,96 ....

JOLIEZ-REGOL .....d 0,17 1,12 ....

KALISTO ENTE ..... 174 1141,37 ± 3,33

LACIE GROUP ...... 5,60 36,73 + 1,82

LEXIBOOK # ......... 20,10 131,85 ± 1,08

LINADATA SER..... 17,05 111,84 ± 2,29

MEDIDEP # .......... 32,10 210,56 ± 2,43

MEDIDEP ACT......d 31 203,35 ....

METROLOGIC G... 44 288,62 ± 2,22

MILLE AMIS # ......d 6,80 44,61 ....

MILLE AMIS N .....d 6,80 44,61 ....

MONDIAL PECH .. 6,21 40,73 ± 9,34

MULTIMANIA....... 30,40 199,41 ± 7,88

NATUREX ............. 11,16 73,20 ± 2,02

NET2S .................. 14,60 95,77 + 2,10

NETGEM .............. 25,10 164,65 + 4,58

NETVALUE #......... 30,03 196,98 ± 4,67

NICOX.................. 71 465,73 ± 5,33

NICOX NOUV.0.....d 75 491,97 ....

OLITEC................. 62,50 409,97 ± 0,48

OXIS INTL RG ...... 2,27 14,89 ± 18,93

PERFECT TECH .... 78,50 514,93 ± 3,68

PHONE SYS.NE .... 16,02 105,08 ....

PICOGIGA ............ 98,80 648,09 ± 0,70

PROSODIE #......... 211 1384,07 ± 7,50

PROSODIE BS ......d 39,99 262,32 ....

PROLOGUE SOF ... 106 695,31 ± 11,15

PROXIDIS ............. 2,33 15,28 ± 0,85

PROXIDIS ACT......d 4 26,24 ....

QUANTEL ............. 6,02 39,49 ± 1,31

QUANTUM APPL .. 3,70 24,27 ....

R2I SANTE ............d 36 236,14 ....

RECIF #................. 55,80 366,02 ± 1,76

REPONSE #........... 58 380,46 ± 1,61

REGINA RUBEN.... 11,30 74,12 + 2,73

RIGIFLEX INT ....... 49,50 324,70 + 1,02

SAVEURS DE F ...... 14,15 92,82 ± 5,67

GUILLEMOT BS .... 26 170,55 ± 1,52

SELF TRADE ......... 9,40 61,66 ± 1,57

SERP RECYCLA ..... 5,10 33,45 ± 3,04

SILICOMP # .......... 60 393,57 ± 0,83

SOFT COMPUTI.... 30 196,79 ± 5,36

SOI TEC SILI ......... 274,10 1797,98 ± 5,48

STACI #................. 150,20 985,25 ± 4,33

STELAX ................. 1,22 8 ± 2,40

SYNELEC #............ 20,75 136,11 ± 0,24

SYSTAR NOM........ 15,15 99,38 ± 9,55

TEL.RES.SERV ....... 22,40 146,93 ± 10,36

TELECOM CITY..... 16,22 106,40 ± 9,89

TETE DS LES......... 2,85 18,69 ± 3,72

THERMATECH I.... 26,99 177,04 + 2,62

TITUS INTERA ...... 17 111,51 ± 5,56

TITUS INTER. .......d 32,40 212,53 ....

SECOND_______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________MARCHE

LUNDI 22 MAI

Une se lection. Cours releves a 12 h 51

Cours Cours % Var.Valeurs f en euros en francs veille

ALES GPE EX......... 24,20 158,74 ....

ALGECO # ............. 71,20 467,04 ± 1,11

ALTEN # ............... 159 1042,97 ± 4,45

APRIL S.A.#( .......... 180 1180,72 ± 1,10

ARKOPHARMA #... 72,50 475,57 ....

ASSUR.BQ.POP..... 114 747,79 ± 0,78

ASSYSTEM #......... 58,50 383,73 ± 5,65

AUBAY TECHNO .. 143 938,02 ± 7,74

BENETEAU CA#.... 107 701,87 ± 0,19

BOIRON (LY)# ...... 58,40 383,08 ....

BOIZEL CHANO ... 66 432,93 ± 4,35

BONDUELLE ........ 18,76 123,06 ± 1,26

BQUE TARNEAU... 81 531,33 ....

BRICE................... 27,40 179,73 ± 4,86

BRICORAMA #...... 65 426,37 ± 1,66

BRIOCHE PASQ.... 87,85 576,26 + 1,56

BUFFALO GRIL .... 19,53 128,11 ± 1,36

C.A. MIDI CC........ 66,50 436,21 ± 0,15

C.A. PARIS I.......... 162 1062,65 + 0,81

C.A. SOMME C ..... 67,50 442,77 ....

C.A.LOIRE/H. ........ 48,40 317,48 ....

C.A.PAS CAL ......... 130 852,74 ....

CEGEDIM # .......... 100 655,96 ± 0,89

CERG-FINANCE ... 10,30 67,56 ± 8,04

CIE FIN.ST-H ....... 85,30 559,53 ....

CNIM CA# ............ 61,80 405,38 ± 0,32

COFITEM-COFI .... 54,05 354,54 + 0,09

CR.AG.SUD RH..... 69,30 454,58 + 0,58

CROMETAL .......... 53,50 350,94 ± 0,74

DECAN GROUPE..d 46,80 306,99 ....

DU PAREIL AU ..... 53,45 350,61 ± 0,09

ENTRELEC CB...... 56,50 370,62 ....

ENTREPRISE I ...... 117 767,47 ....

ETAM DEVELOP ... 22,55 147,92 ± 6

EUROP.EXTINC .... 29 190,23 ± 3,07

EUROPEENNE C... 94,55 620,21 ± 4,16

EXEL INDUSTR .... 45,69 299,71 + 1,53

EXPAND S.A ......... 95 623,16 ± 5

EXPLOIT.PARC .....d 117 767,47 ....

FACTOREM .......... 172 1128,25 ± 0,35

FINACOR ............. 8,59 56,35 + 3,87

FINATIS(EX.L........ 108 708,43 ....

FININFO .............. 31,80 208,59 ± 1,85

FLO (GROUPE)..... 41,10 269,60 ± 0,24

FOCAL (GROUP.... 81,05 531,65 ± 3,17

GENERALE LOC ... 89 583,80 + 1,71

GEODIS................ 77 505,09 ± 2,16

GFI INDUSTRI ..... 21,75 142,67 + 0,69

GO SPORT............ 76 498,53 ± 1,30

GRAND MARNIE ..d 5899,50 38698,18 ....

GROUPE BOURB .. 61 400,13 ....

GROUPE J.C.D ...... 121 793,71 ± 2,81

GUY DEGRENNE .. 25 163,99 ....

GUYOMARC H N .. 46,50 305,02 ± 3,13

HERMES INTL ...... 142 931,46 ± 2,07

HUREL DUBOIS.... 125 819,95 ....

HYPARLO #(LY...... 22,99 150,80 + 2,18

I.C.C.#................... 40,10 263,04 ± 1,72

IMS(INT.META ..... 8,97 58,84 ± 0,22

INFO REALITE ...... 31,61 207,35 + 5,02

INTER PARFUM.... 64 419,81 ± 3,03

IPO (NS) # ............ 55 360,78 + 1,85

JET MULTIMED .... 63 413,25 + 1,78

L.D.C. ................... 95,50 626,44 + 1,92

LATECOERE # ....... 94,50 619,88 ± 0,11

LAURENT-PERR.... 34 223,03 ± 1,45

LECTRA SYST........ 16,25 106,59 ± 4,41

LOUIS DREYFU..... 13 85,27 ± 2,26

LVL MEDICAL ....... 43,80 287,31 + 0,69

M6-METROPOLE .. 573,50 3761,91 ± 5,98

MANITOU #.......... 93 610,04 ± 2,11

MANUTAN INTE... 78,55 515,25 + 1,29

MARC ORIAN ....... 53,50 350,94 ± 0,93

MARIONNAUD P.. 101,20 663,83 ± 1,75

MECATHERM # .... 36,99 242,64 ± 0,03

MICHEL THIER.....d 145,40 953,76 ....

NAF-NAF # ........... 14,50 95,11 ± 0,34

ONET #................. 152 997,05 ± 4,94

PETIT FOREST...... 48 314,86 ....

PIERRE VACAN ..... 61,45 403,09 ....

POCHET ............... 54,05 354,54 ....

RADIALL # ............ 125,10 820,60 ± 3,77

RALLYE(CATHI...... 56,60 371,27 ± 0,70

RODRIGUEZ GR ... 190 1246,32 ....

RUBIS # ................ 25,90 169,89 + 0,39

S.T. DUPONT........ 10,61 69,60 ± 7,34

SABATE SA #......... 151 990,50 ± 4,37

SECHE ENVIRO..... 68 446,05 ± 0,87

SERVICES ET ........ 84,40 553,63 + 4,91

SIDERGIE ............. 212 1390,63 ....

SIPAREX CROI ...... 30,20 198,10 + 0,33

NOUVEAUMARCHE

Une se lection. Cours de cloture le 19 mai

Valeurs unitairese DateEmetteurs f Euros francsee cours

AGIPI

AGIPI AMBITION (AXA) ........ 30,34 199,02 19/05

AGIPI ACTIONS (AXA)........... 33,93 222,57 19/05

3615 BNP

BNP ACTIONS EURO............ 162,41 1065,34 19/05

BNP ACTIONS FRANCE........ 205,73 1349,50 19/05

BNP ACT. MIDCAP EURO..... 205,64 1348,91 19/05

BNP ACT. MIDCAP FR. ......... 65,32 428,47 19/05

BNP ACTIONS MONDE ........ 236,76 1553,04 19/05

BNP ACTIONS PEA EURO..... 267,78 1756,52 17/05

BNP EP. PATRIMOINE.......... 35,29 231,49 19/05

BNP EPARGNE RETRAITE .... 40,75 267,30 19/05

BNP MONE COURT TERME . 2346,84 15394,26 19/05

BNP MONETAIRE C.............. 885,17 5806,33 19/05

BNP MONETAIRE D ............. 802,80 5266,02 19/05

BNP MONE PLACEMENT C.. 12918,65 84740,79 19/05

BNP MONE PLACEMENT D.. 11578,93 75952,80 19/05

BNP MONE SECURITE ......... 1776,66 11654,13 19/05

BNP MONE TRESORIE ......... 146484,50 960875,33 19/05

BNP OBLIG. CT .................... 159,81 1048,28 19/05

BNP OBLIG. LT..................... 32,69 214,43 19/05

BNP OBLIG. MONDE............ 191,34 1255,11 19/05

BNP OBLIG. MT C................ 140,59 922,21 19/05

BNP OBLIG. MT D................ 131,51 862,65 19/05

BNP OBLIG. REVENUS ......... 157,84 1035,36 19/05

BNP OBLIG. SPREADS.......... 168,37 1104,43 19/05

BNP OBLIG. TRESOR............ 1823,38 11960,59 19/05

BNP SECT. IMMOBILIER ...... 142,97 937,82 19/05

BANQUE POPULAIRE ASSET MANAGEMENTwww.bpam.fr 08 36 68 22 00 (2,23 F/mn)

BP OBLI CONVERTIBLES...... 351,21 2303,79 17/05

BP OBLI HAUT REND. .......... 105,23 690,26 16/05

BP MEDITERRANEE DEV. ..... 151,72 995,22 17/05

BP NOUVELLE ECONOMIE... 326,81 2143,73 18/05

BP OBLIG. EUROPE .............. 48,19 316,11 19/05

BP SECURITE ....................... 96534,55 633225,14 19/05

EUROACTION MIDCAP ........ 222,56 1459,90 19/05

FRUCTI EURO 50.................. 133,27 874,19 17/04

FRUCTIFRANCE C ................ 113,82 746,61 16/05

FRUCTIFONDS FRANCE NM 509,52 3342,23 16/05

www.cdc-assetmanagement.com

LIVRET B. INV.D PEA............ 247,07 1620,67 21/05

MULTI-PROMOTEURSNORD SUD DEVELOP. C....... 478,07 3135,93 15/05

NORD SUD DEVELOP. D ...... 388,03 2545,31 15/05

Sicav en ligne :08 36 68 09 00 (2,23 F/mn)

ECUR. 1,2,3... FUTUR ............ 64,55 423,42 21/05ECUR. ACT. FUT.D PEA......... 89,60 587,74 21/05

ECUR. ACTIONS EUROP. C ... 23,55 154,48 21/05

ECUR. CAPITALISATION C.... 40,15 263,37 21/05ECUR. DYNAMIQUE+ D PEA 58,99 386,95 21/05

ECUR. ENERGIE D PEA ......... 54,84 359,73 21/05

ECUR. EXPANSION C ............ 13828,67 90710,13 21/05ECUR. EXPANSIONPLUS C.... 39,70 260,41 21/05

ECUR. INVESTIS. D PEA........ 69,19 453,86 21/05

EC. MONET.C/10 30/11/98 ...... 212,21 1392,01 21/05EC. MONET.D/10 30/11/98...... 186,59 1223,95 21/05

ECUR. OBLIG. INTERNAT. .... 169,05 1108,90 21/05

ECUR. TRIMESTRIEL D......... 265,82 1743,66 21/05EPARCOURT-SICAV D ........... 27,25 178,75 21/05

GEOPTIM C .......................... 2092,87 13728,33 21/05HORIZON C.......................... 616,76 4045,68 21/05

PREVOYANCE ECUR. D......... 14,29 93,74 21/05

Fonds communs de placementsECUREUIL EQUILIBRE C....... 38,44 252,15 21/05

ECUREUIL PRUDENCE C ...... 32,65 214,17 21/05ECUREUIL VITALITE C .......... 48,45 317,81 21/05

CREDIT AGRICOLE08 36 68 56 55 (2,23 F/mn)

ATOUT CROISSANCE............ 635,98 4171,76 19/05ATOUT FONCIER .................. 329,67 2162,49 19/05

ATOUT FRANCE EUROPE ..... 260,76 1710,47 19/05

ATOUT FRANCE MONDE...... 63,63 417,39 19/05ATOUT FUTUR C .................. 271,36 1780 19/05

ATOUT FUTUR D.................. 251,29 1648,35 19/05

ATOUT SELECTION .............. 138,34 907,45 19/05COEXIS ................................. 317,38 2081,88 19/05

DIEZE ................................... 505,46 3315,60 19/05

EURODYN............................. 720,46 4725,91 19/05INDICIA EUROLAND............. 160,21 1050,91 18/05

INDICIA FRANCE.................. 556,42 3649,88 18/05INDOCAM AMERIQUE.......... 56,80 372,58 19/05

INDOCAM ASIE .................... 29,37 192,65 19/05

INDOCAM MULTI OBLIG...... 160,28 1051,37 19/05INDOCAM ORIENT C............ 47,03 308,50 19/05

INDOCAM ORIENT D ........... 41,94 275,11 19/05

INDOCAM UNIJAPON........... 243,36 1596,34 19/05INDOCAM STR. 5-7 C ........... 314,09 2060,30 19/05

INDOCAM STR. 5-7 D ........... 206,58 1355,08 19/05

OBLIFUTUR C....................... 91,11 597,64 19/05OBLIFUTUR D ...................... 78,42 514,40 19/05

REVENU-VERT ...................... 167,90 1101,35 19/05

UNIVERS ACTIONS ............... 76,57 502,27 19/05UNIVERS-OBLIGATIONS....... 38,04 249,53 19/05

Fonds communs de placementsINDOCAM VAL. RESTR. ........ 366,34 2403,03 18/05

MASTER ACTIONS................ 60,52 396,99 17/05

MASTER OBLIGATIONS........ 29,04 190,49 17/05OPTALIS DYNAMIQ. C .......... 23,26 152,58 18/05

OPTALIS DYNAMIQ. D.......... 22,65 148,57 18/05

OPTALIS EQUILIB. C............. 20,78 136,31 18/05OPTALIS EQUILIB. D............. 19,82 130,01 18/05

OPTALIS EXPANSION C ........ 20,42 133,95 18/05

OPTALIS EXPANSION D........ 20,33 133,36 18/05OPTALIS SERENITE C ........... 17,73 116,30 18/05

OPTALIS SERENITE D .......... 16,56 108,63 18/05

PACTE SOL. LOGEM............. 75,01 492,03 16/05

PACTE SOL.TIERS MONDE .. 79,91 524,18 16/05

UNIVAR C ............................ 182,10 1194,50 22/05

UNIVAR D ............................ 182,10 1194,50 22/05

AURECIC.............................. 92,80 608,73 19/05

CIC FRANCIC ....................... 45,94 301,35 19/05

CIC FINUNION .................... 162,44 1065,54 18/05

CAPITAL AVENIR.................. 324,70 2129,89 19/05

CICAMONDE........................ 40,04 262,65 10/05

CONVERTICIC...................... 96,74 634,57 19/05

EPARCIC .............................. 809,60 5310,63 21/05

EUROCIC LEADERS .............. 571,31 3747,55 19/05

EUROPE REGIONS ............... 80,59 528,64 19/05

FRANCIC PIERRE ................. 33,44 219,35 19/05

MENSUELCIC....................... 1424,79 9346,01 19/05

OBLICIC MONDIAL.............. 689,83 4524,99 19/05

OBLICIC REGIONS ............... 176,57 1158,22 19/05

RENTACIC............................ 23,84 156,38 19/05

SECURICIC........................... 370,29 2428,94 21/05

SECURICIC D ....................... 328,90 2157,44 21/05

EURCO SOLIDARITE ............ 212,69 1395,15 19/05

LION 20000 C/3 11/06/99 ....... 930,83 6105,84 19/05

LION 20000 D/3 11/06/99 ....... 830,49 5447,66 19/05

SICAV 5000 ........................... 230,06 1509,09 19/05

SLIVAFRANCE ...................... 404,99 2656,56 19/05

SLIVARENTE ........................ 40,12 263,17 19/05

SLIVINTER ........................... 213,93 1403,29 19/05

TRILION............................... 739,53 4851 19/05

Fonds communs de placementsACTILION DYNAMIQUE C * . 240,30 1576,26 19/05

ACTILION DYNAMIQUE D *. 231,48 1518,41 19/05

ACTILION EQUILIBRE C * .... 205 1344,71 19/05

ACTILION EQUILIBRE D *.... 195,92 1285,15 19/05

ACTILION PEA EQUILIBRE... 211,50 1387,35 19/05

ACTILION PRUDENCE C *.... 178,70 1172,20 19/05

ACTILION PRUDENCE D * ... 170,50 1118,41 19/05

INTERLION.......................... 212,26 1392,33 19/05

LION ACTION EURO ............ 128,24 841,20 19/05

LION PEA EURO................... 127,09 833,66 19/05

CM EURO PEA ..................... 30,22 198,23 19/05

CM FRANCE ACTIONS ......... 48,89 320,70 19/05

CM MID. ACT. FRANCE........ 42,91 281,47 19/05

CM MONDE ACTIONS ......... 449,52 2948,66 19/05

CM OBLIG. LONG TERME.... 99,71 654,05 18/05

CM OPTION DYNAM. .......... 38,58 253,07 19/05

CM OPTION EQUIL. ............. 54,98 360,65 18/05

CM OBLIG. COURT TERME.. 152,65 1001,32 18/05

CM OBLIG. MOYEN TERME . 308,72 2025,07 18/05

CM OBLIG. QUATRE ............ 159,96 1049,27 18/05

Fonds communs de placementsCM OPTION MODERATION. 18,63 122,20 18/05

AMERIQUE 2000 ................... 177,11 1161,77 19/05

ASIE 2000.............................. 107,02 702,01 19/05

NOUVELLE EUROPE ............. 291,51 1912,18 19/05

SAINT-HONORE CAPITAL C . 3274,62 21480,10 18/05

SAINT-HONORE CAPITAL D. 3161,36 20737,16 17/05

ST-HONORE CONVERTIBLES 338,91 2223,10 18/05

ST-HONORE FRANCE........... 70,81 464,48 16/05

ST-HONORE MAR. EMER. .... 79,75 523,13 18/05

ST-HONORE PACIFIQUE ...... 168,30 1103,98 19/05

ST-HONORE TECH. MEDIA .. 252,23 1654,52 19/05

ST-HONORE VIE SANTE ....... 386,92 2538,03 18/05

ST-HONORE WORLD LEAD. . 127,96 839,36 19/05

LEGAL & GENERAL BANK

SECURITAUX ........................ 298,25 1956,39 18/05

STRATEGIE IND. EUROPE .... 281,16 1844,29 18/05

STRATEGIE RENDEMENT .... 331,76 2176,20 18/05

Sicav Info Poste :08 36 68 50 10 (2,23 F/mn)

ADDILYS C ........................... .... ....AMPLITUDE AMERIQUE C ... 32,69 214,43 21/05

AMPLITUDE AMERIQUE D... 32,40 212,53 21/05

AMPLITUDE EUROPE C........ 48,10 315,52 21/05

AMPLITUDE EUROPE D ....... 46,98 308,17 21/05

AMPLITUDE MONDE C........ 334,40 2193,52 21/05

AMPLITUDE MONDE D ....... 302,65 1985,25 21/05

AMPLITUDE PACIFIQUE C ... 28,07 184,13 21/05

AMPLITUDE PACIFIQUE D... 27,66 181,44 21/05

ELANCIEL FRANCE D PEA.... 60,22 395,02 21/05

ELANCIEL EURO D PEA........ 146,86 963,34 21/05

EMERGENCE E.POST.D PEA. 46,81 307,05 21/05

GEOBILYS C ......................... 106,87 701,02 21/05

GEOBILYS D......................... 99,42 652,15 21/05

INTENSYS C ......................... 19,35 126,93 21/05

INTENSYS D......................... 16,81 110,27 21/05

KALEIS DYNAMISME C......... 267,79 1756,59 21/05

KALEIS DYNAMISME D ........ 262,41 1721,30 21/05

KALEIS EQUILIBRE C............ 214,40 1406,37 21/05

KALEIS EQUILIBRE D ........... 209,14 1371,87 21/05

KALEIS SERENITE C ............. 190,54 1249,86 21/05

KALEIS SERENITE D ............. 185,44 1216,41 21/05

LATITUDE C ......................... 24,29 159,33 21/05

LATITUDE D......................... 20,77 136,24 21/05

OBLITYS D ........................... 102,29 670,98 21/05

PLENITUDE D PEA ............... 53,03 347,85 21/05

POSTE GESTION C ............... 2460,65 16140,81 21/05

POSTE GESTION D............... 2254,93 14791,37 21/05

POSTE PREMIERE SI ............ 6695,89 43922,16 21/05

POSTE PREMIERE 1 AN........ 39467,09 258887,14 21/05

POSTE PREMIERE 2-3........... 8346,35 54748,47 21/05

REVENUS TRIMESTR. D ....... 764,90 5017,42 21/05

THESORA C.......................... 171,16 1122,74 21/05

THESORA D.......................... 144,95 950,81 21/05

TRESORYS C......................... 44444,16 291534,58 21/05

SOLSTICE D ......................... 355,47 2331,73 21/05

Fonds communs de placementsPOSTE EUROPE C................. 83,15 545,43 21/05

POSTE EUROPE D ................ 80,48 527,91 21/05

POSTE PREMIERE 8 ANS C... 177,15 1162,03 21/05

POSTE PREMIERE 8 ANS D... 166,09 1089,48 21/05

SG ASSET MANAGEMENTServeur vocal :

08 36 68 36 62 (2,23 F/mn)

CADENCE 1 D....................... 153,37 1006,04 19/05

CADENCE 2 D....................... 151,85 996,07 19/05

CADENCE 3 D....................... 151,74 995,35 19/05

INTEROBLIG C ..................... 54,51 357,56 19/05

INTERSELECTION FR. D....... 95,92 629,19 19/05

SELECT DEFENSIF C............. 193,15 1266,98 19/05

SELECT DYNAMIQUE C ........ 303,52 1990,96 19/05

SELECT EQUILIBRE 2............ 190,50 1249,60 19/05

SELECT PEA DYNAMIQUE .... 195,42 1281,87 19/05

SG FRANCE OPPORT. C........ 574,46 3768,21 19/05

SG FRANCE OPPORT. D ....... 537,88 3528,26 19/05

SOGENFRANCE C................. 633,84 4157,72 19/05

SOGENFRANCE D................. 571,19 3746,76 19/05

SOGEOBLIG C....................... 101,86 668,16 19/05

SOGEPARGNE D................... 44,32 290,72 19/05

SOGEPEA EUROPE................ 299,88 1967,08 19/05

SOGINTER C......................... 102,46 672,09 19/05

Fonds communs de placementsDECLIC ACTIONS EURO ....... 23,42 153,63 18/05

DECLIC ACTIONS FRANC ..... 69,16 453,66 18/05

DECLIC ACTIONS INTER. ..... 55,87 366,48 18/05

DECLIC BOURSE PEA ........... 64,10 420,47 18/05

DECLIC BOURSE EQUILIBRE 18,98 124,50 18/05

DECLIC OBLIG. EUROPE....... 16,83 110,40 18/05

DECLIC PEA EUROPE ........... 31,28 205,18 18/05

DECLIC SOGENFR. TEMPO .. 83,28 546,28 18/05

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SICAV et FCP

LEGENDEe Hors frais. ee A titre indicatif. * Part div. par 10 au 5/5/99.

b L’action Bouygues était en hausse de 3,16 %, à588 euros, lundi 22 mai dans les premiers échanges. Te-lecom Italia Mobile (TIM), la filiale de Telecom Italia,serait prête à monter au capital de Bouygues Télécompour aider ce dernier à supporter les investissementsliés à la troisième génération de téléphonie mobile(UMTS).b Le cours de Bourse de TF1 progressait de 2,35 %, à696 euros, lundi matin. Dans un entretien au Figaro,Rupert Murdoch, président de News Corp., a indiquéque son groupe acceptait la proposition de TF1 demonter au capital de son bouquet de chaînes italienStream, et celle de Vivendi de faire de même au sein desa nouvelle plate-forme satellitaire mondiale, Platco.b Vivendi, dont l’action gagnait 1,78 %, à 108,4 euros,lundi matin, et EDF ont mis fin aux négociations sur unrapprochement de leurs activités dans les servicesénergétiques, faute d’accord sur la valorisation des ac-tifs concernés, selon le quotidien Les Echos.b L’action Worms reculait de 0,8 %, à 16,15 euros, lundimatin, à la suite de l’annonce d’une offre publiqued’achat portant sur la totalité du capital du papetierbritannique Arjo Wiggins Appleton, dont il détient déjà40 %. Cette « offre amicale » en numéraire, qui a ob-tenu l’aval d’Arjo Wiggins, valorise la société à 2,19 mil-liards de sterlings.

LeMonde Job: WMQ2305--0027-0 WAS LMQ2305-27 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:00 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0597 Lcp: 700 CMYK

SÈTE (Hérault)de notre envoyé spécial

Faut-il y voir une résurrection ?Celle d’un coureur « reparti pourune nouvelle carrière », comme

il le dit lui-même ? Oufaut-il s’inter-roger sur lavalidité de laprestation duFrançais Di-dier Rous(Bonjour),

vainqueur, dimanche 21 mai, à Sète(Hérault), du 52e Grand Prix du Mi-di libre ? Il en va ainsi de la perfor-mance cycliste. Les révélations derepentis, les affaires instruites par lajustice et les aveux qui en ont dé-coulé durant ces dernières annéesincitent à la prudence. Interrogé àLyon le 28 juillet 1998, pendant unegarde à vue longue de près devingt-quatre heures, Didier Rous,alors équipier de Richard Virenque

27

A U J O U R D ’ H U ILE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

Les mesures réclamées avant le Tour de France« IL Y A URGENCE. » Le ton est

un brin alarmiste. Dans l’immédiat,le propos a vocation à être construc-tif. « Le cyclisme s’est engagé dans labonne voie. Mais nous n’en sommesqu’au milieu du gué. C’est le momentd’envoyer un message d’espoir à ceuxqui ont fait le bon choix. Nous nesommes pas à l’abri d’un rebas-culement, et c’est maintenant qu’ilconvient d’enfoncer le clou et deprendre des décisions. » A un peuplus d’un mois du départ du Tour deFrance, la question de la lutte contreles pratiques dopantes au sein dupeloton cycliste et de leur efficacitéest redevenue d’actualité. Au pointde conduire certains sponsors àmonter au créneau auprès de diffé-rentes autorités. La direction de LaFrançaise des jeux, par exemple,l’entreprise publique qui sponsorisel’une des dix équipes françaises.

C’est que les signes d’une persis-tance d’« anomalies de comporte-ment » – comme l’on dit désormaisdans le peloton – s’accumulent de-puis le début de l’année. « Sansconsidération d’équipes ou de na-tions, il y a des dysfonctionnementsmontrant que quelques-uns conti-nuent, ou ont “remis en route” », re-lève Michel Friess, directeur de lacommunication de La Française desjeux. Ce qui pouvait être jugé encoretolérable en 1999, année de transi-tion avec l’entrée en vigueur du suivimédical longitudinal (bilans san-guins obligatoires quatre fois l’an),est devenu difficilement admissiblepar ceux qui ont rompu avec leurspratiques anciennes.

« La situation est effrayante pourles coureurs. Le fait de devoir se battrepour les 20e à 40e places, de voir lesdysfonctionnements continuer, c’estdémoralisant. Nous nous demandons

combien de temps encore nous pour-rons les tenir, souligne Michel Friess.Et que l’on arrête de dire que lesFrançais ne s’entraînent pas assez, ilstravaillent et s’entraînent profession-nellement. J’encourage ceux quitiennent ce discours à plus de respon-sabilité. »

Le suivi médical, qui a permisd’identifier des manipulations biolo-giques, a montré ses limites. « Noussavons avec certitude, mais notre ca-pacité à agir est limitée », a déclaréDaniel Baal, le président de la FFC.« Le danger, c’est que l’on s’encontente comme d’un suivi de santé »,pointe-t-on à La Française des jeux,où l’on estime qu’« il faut arriver à legérer intelligemment pour en faire unsystème dissuasif ». D’où l’idée d’ins-tituer une commission médicale in-dépendante des équipes qui analy-serait les bilans et pourrait signifierdes arrêts de travail aux coureurschez qui apparaissent des anoma-lies. C’est ce pour quoi plaidentClaire Condemine-Piron, ex-méde-cin de Festina (Le Monde du 17 mai),ou Gérard Dine, directeur de l’Insti-tut biotechnologique de Troyes.

RESTAURER LA CONFIANCELa Française des jeux estime

qu’une telle commission doit êtremise en place d’ici au Tour deFrance. Quitte à la charger aussi dela gestion de la visite médicaled’avant-Tour, dont elle souhaitequ’elle soit « un véritable bilan », misen perspective par rapport aux bi-lans réalisés dans le cadre du suivi etprises de décisions à la clé. « Ellepourrait intimer l’ordre discrètementà une équipe de ne pas engager telcoureur qui présente des anomalies,sauf à ce que cette équipe s’expose àdes contrôles ciblés durant

l’épreuve », avance Michel Friess, quiveut croire que « si, à la veille duTour, on observait des mouvements decoureurs ou d’équipes suite à ça, celapermettrait de restaurer un peu laconfiance ».

Outre l’abaissement du seuil d’hé-matocrite toléré de 50 % à 48 %, LaFrançaise des jeux insiste pour quel’on mette en œuvre durant le Tourtoutes les méthodes de détectiondisponibles pour l’érythropoïétine(EPO), l’hémoglobine réticulée, lesperfluorocarbones (PFC), les corti-coïdes, etc., « même si cela a un ca-ractère exploratoire et si les procé-dures n’ont pas toutes fait l’objet depublication scientifique internatio-nale ». C’est ce que le ministèrefrançais de la jeunesse et de sports aproposé à l’Union cycliste interna-tionale (UCI) (Le Monde du 16 mai),sans réponse pour l’instant.

« Il y a des signes qui laissent penserqu’il y a volonté de prendre des dispo-sitions fortes », note Michel Friess.« Toute remise en cause du rapportde confiance passé avec les coureursdans le but de sanctionner plus facile-ment les faits de dopage suspectés àl’occasion du suivi médical risqueraitd’aboutir à l’effet inverse de celui re-cherché », ont cependant déclaré,jeudi 18 mai, le docteur Léon Schat-tenberg et le professeur PatriceMangin, respectivement présidentde la commission sécurité et condi-tions du sport de l’UCI et directeurde l’institut universitaire de méde-cine légale de Lausanne.

« On n’a pas encore perdu, mais sirien n’était fait, ce serait grave, pré-vient Michel Friess. Cela nous amè-nerait à réfléchir. La réflexion estd’ailleurs entamée. »

Ph. L. C.

Le suivi biologique n’a pas de « caractère dissuasif »JEUDI 18 MAI, le docteur Léon Schattenberg, pré-

sident de la commission sécurité et conditions du sportde l’Union cycliste internationale (UCI) et le professeurPatrice Mangin, directeur de l’Institut universitaire demédecine légale de Lausanne (Suisse), ont publié uncommuniqué : « Il est pour le moins étonnant qu’un jour-nal [Le Monde], qui a déjà fait la preuve d’un manque derigueur scientifique certain lors du Tour de France 1999,puisse prendre la liberté d’engager sa propre responsabilitédans un nouvel essai de déstabilisation qui avait l’objetd’une approbation consensuelle. » Ce communiqué visaitla publication, mercredi 17 mai, d’un article expliquantqu’un bilan établi par la commission nationale médicalede la Fédération française de cyclisme (FFC), à la lumièredes premiers examens du suivi médical longitudinal 2000,pointe une recrudescence des anomalies de l’érythro-poïèse, avec un tiers du peloton professionnel françaispouvant être suspecté d’avoir eu recours à des stimula-teurs de l’érythropoïèse, principalement l’EPO.

Voici des extraits du compte rendu de la réunion decette commission nationale médicale de la FFC, le25 mars. Dans le « compte rendu des résultats du suivi bio-logique par le docteur Michel Guinot », médecin nationalfédéral adjoint, figure un tableau montrant l’« évolutionde la stimulation de l’érythropoïèse » à la faveur notam-ment du championnat de France sur route en 1999 et dupremier bilan du suivi médical 2000. Quatre paramètressanguins (réticulocytes, récepteurs solubles de la trans-

férine, hématocrite, hémoglobine) sont analysés. Il y estécrit que le nombre de « sujets ayant au moins un critèrepathologique » est de 60 sur un total de 177 pour le pre-mier bilan 2000.

A la rubrique « interprétation par rapport à la stimula-tion pharmacologique de l’érythropoïèse », le docteur Gui-not indique : « Les analyses statistiques montrent une re-crudescence des dossiers présentant au moins uneanomalie. (...) Les bilans de début 1999 semblaient montrerun nombre faible de dossiers présentant une stimulationanormale de l’érythropoïèse, bien que nous ne disposionspas du dosage des réticulocytes. Les données de début 2000montrent une recrudescence des dossiers confirmée parl’augmentation des cas de dossiers présentant un hémato-crite élevé. Par contre, il semble que les prises d’EPO soienteffectuées à des taux d’hématocrite inférieurs à 45 %, justi-fiant la prise en compte de plusieurs paramètres dans la dé-tection indirecte de ce produit. »

Auparavant, le docteur Guinot avait précisé que« l’analyse isolée de l’hématocrite est insuffisante et neprend en compte dans le meilleur des cas la moitié des dos-siers « suspects ». (...) La recrudescence de la prise d’EPOest inquiétante, (...) elle prouve le bien-fondé de ce dépis-tage et améliore la connaissance des pratiques de dopage.Elle démontre le manque de caractère dissuasif du suivibiologique en l’absence de sanctions ».

Ph. L. C.

Gérard Dine, directeur de l’Institut biotechnologique de Troyes

« Créer une médecine du travailleur sportif indépendante »« Un bilan établi par la

commission nationale médicalede la Fédération française de cy-clisme (FFC), à partir des exa-mens réalisés par les cyclistesprofessionnels français dans lecadre du suivi médical longitudi-nal, montre chez une minoritéd’entre eux une recrudescenced’anomalies au niveau de la sti-mulation de l’érythropoïèse,c’est-à-dire de la fabrication deglobules rouges, laissant notam-ment suspecter l’utilisationd’EPO (Le Monde du 17 mai). Quevous inspire ce bilan, vous quiavez été à l’origine de la mise enplace de ce suivi, qui siégez entant qu’expert auprès de cettecommission médicale et qui êtesdésormais conseiller auprès del’Union cycliste internationale(UCI) ?

– Vous êtes bien informés. Je nesuis pas surpris par ces résultats.Cela montre que le dispositif estpertinent, à la fois en termes d’in-formation et de dissuasion. Il amontré la réalité du problème. Avecce qui a été mis en place, on peutdépister ce que ne peut pas lecontrôle urinaire. Mais il faudraitpouvoir travailler dans la transpa-rence au niveau de la communica-tion. Je ne comprends pas pourquoila Ligue nationale du cyclisme pro-fessionnel et l’Union nationale descyclistes professionnels ne leveulent pas. Il faut s’appliquer àdonner beaucoup d’informationspar rapport à ces données, car il y ades risques de mauvaise interpréta-tion. Tout cela montre aussi qu’ilfaut trouver un système pour êtreplus fonctionnel. Pour permettre àceux qui ont joué le jeu de ne pasêtre pénalisés par les minoritairesqui ne le jouent pas.

– Comment y parvenir ? En le-vant le secret médical comme onl’entend dire de plus en plus ?

– Il faudrait plutôt changer l’or-ganisation de l’utilisation du suivimédical. Si quelqu’un est déclaré« à risque », il faut imaginer un sys-tème où l’on puisse signifier à l’em-ployeur qu’il prend un risque parrapport à son employé en le main-tenant en activité. Il faut un sys-tème de protection de la santé dessportifs et de protection des spor-

tifs de la pression qui s’exerce sureux. Il faut créer une médecine dutravailleur sportif indépendante,des équipes et des sponsors, maisfinancée par eux, car ils sont res-ponsables de la santé de leurs em-ployés.

– Ce discours est-il entendu, ausein de l’Union cycliste interna-tionale particulièrement ?

– Cela peut paraître extraordi-naire mais ce que je viens d’évoquerest bien reçu. On ne m’a pas dit :« On ne veut pas de cela. » Au plande la déclaration d’intention, il y aconsensus. Maintenant, reste à lefaire. Si c’était facile, cela se saurait.C’est un changement de paysage.Au-delà, il faudra aussi – et pas seu-lement pour le cyclisme – comptetenu des avancées des biotechnolo-gies, engager la réflexion sur ce quel’on attend du sport et se détermi-ner sur l’utilisation du progrès. Caron a changé d’époque. L’EPO n’estqu’un début. Tant que l’on n’aura

pas eu cette réflexion, tant qu’onrestera dans une vision de contrôlesa posteriori, tout cela sera battu enbrèche.

– Faudra-t-il se résoudre à sup-primer les contrôles antidopage ?

– La problématique des contrôlesest vouée à l’échec. Je ne dis pasqu’il faut les supprimer mais il nefaut pas laisser croire qu’on rattra-pera les voleurs. Avec les thérapiescellulaires, par exemple, on ne verrarien avec les contrôles classiques etil n’est pas sûr que le suivi biolo-gique puisse permettre de voirquelque chose. Il faut un débatscientifique : qu’est-ce qu’on s’au-torise qui est éthiquement inadmis-sible ? Plutôt que d’attendre que ce-la se passe mal et dans le désordre,il faut engager la réflexion et mettreen place ce nouvel environnementmédico-sportif que j’évoquais. »

Propos recueillis parPhilippe Le Cœur

Le Grand Prix du « Midi libre » marque le retour des bannis du pelotonLa victoire est revenue à Didier Rous (Bonjour), qui fut impliqué dans l’affaire Festina, après que Christophe Moreau (Festina), autrefois contrôlé

positif, a porté le maillot de leader et que l’Italien Rodolfo Massi (Cantina Tollo), mêlé aux événements du Tour 1998, a emporté la dernière étapechez Festina, avouait aux policiersdu SRPJ de Lille qu’il avait consom-mé de l’érythropoïétine (EPO).

Sanctionné par la Fédérationfrançaise de cyclisme (FFC), DidierRous a purgé sa peine : une suspen-sion de six mois, exécutée entre lemois de novembre 1998 et le moisde mai 1999. Durant cette période,en mars 1999, il a subi une inter-vention chirurgicale afin d’éliminerune hernie discale, qui l’a tenue àl’écart de la compétition jusqu’enaoût. Son contrat avec l’équipe Fes-tina terminé, il a signé à la fin 1999pour la nouvelle formation Bon-jour, dirigée par l’ancien championJean-René Bernaudeau. Lequelclame haut et fort : « Sur la questiondu dopage, on a des convictions so-lides. Je suis là pour prendre du plai-sir, pas pour traverser la France envoiture. »

Ce Vendéen, ancien lieutenant deBernard Hinault, vainqueur àquatre reprises sur cette course du

Midi libre (de 1980 à 1983), a retrou-vé le milieu professionnel en débutde saison après dix années passéschez les amateurs comme directeursportif de l’équipe Vendée U. « Jepréfère arriver chez les professionnelsmaintenant, qu’il y a deux ans outrois, dit-il. Pendant une décennie, cesport a sombré dans des dérives, maisactuellement on en sort. J’en suis per-suadé. Quand on voit un peloton quicasse, comme on l’a vu durant ce Mi-di Libre, c’est bon signe. Nous, on estlà pour défendre une certaine idéedu vélo. Sur les courses on reparletactique et stratégie. »

POUR 8 SECONDESLa stratégie tout au long de cette

semaine de course, Jean-René Ber-naudeau l’a définie en une phrase :« Créer du danger là où on ne s’y at-tend pas. » C’est ce que les hommesde Bonjour ont entrepris. Visible-ment, cela a payé, puisque DidierRous a emporté l’épreuve. Il a fallu

le mont Saint-Clair, inondé de so-leil, ce coupe-jarret surplombant lamer et la ville de Sète, pour le dé-partager de l’Autrichien GeorgTotschnig, qui, pour 8 malheu-reuses secondes, a dû se contenterde la 2e place. Les flancs escarpés dela colline ont servi de théâtre à unsuperbe duel, marqué d’instantsdramatiques.

A 29 ans, le Français, vainqueur àMontbéliard (Doubs) dans le Tourde France 1997, décroche sa pre-mière course à étapes. Trois ansaprès ce succès, ce garçon natif deMontauban (Tarn-et-Garonne)triomphe au terme d’une épreuvequi marque le retour aux avant-postes des anciens bannis du pelo-ton. En effet, outre Didier Rous,deux autres protagonistes du scan-dale survenu il y a près de deux ansse sont également illustrés sur lesroutes du Languedoc durant cettesemaine.

Le coureur de Festina Christophe

Moreau, sanctionné comme DidierRous, s’est octroyé le contre-la-montre de Laguiole (Aveyron), le19 mai, et la place de leader du clas-sement général durant une journée.L’Italien Rodolfo Massi (CantinaTollo), interpellé dans sa chambred’hôtel en possession de corticoïdeslors du Tour de France 1998, ayantrécemment bénéficié d’un non-lieudans l’affaire instruite par le juge lil-lois Patrick Keil, a pour sa part em-porté la dernière étape, dimanche.

« J’AI TIRÉ UN TRAIT »« Tous les malheurs sont derrière.

Moi, je regarde vers l’avant. J’ai tiréun trait », assurait Didier Rous àl’arrivée. Recruté à l’intersaison parJean-René Bernaudeau pourconstituer le noyau dur de la nou-velle formation, il ne veut plus res-sasser ces histoires. « Je n’achèteplus la presse parce qu’elle parle tropde dopage, au lieu de relater les faits,lançait-il, samedi 20 mai, sur la

ligne d’arrivée avant de revêtir lemaillot de leader. Elle entretient lamerde. Les coureurs qui nourrissentla polémique, qu’ils aillent se fairevoir ! Moi je ne me suis jamaisplaint. »

« Si on m’avait laissé plus de liber-té, il y a quelques années, j’aurais pumontrer ce dont j’étais capable.Mais, chez Festina, j’étais cantonnéau rôle d’équipier », regrette-t-il. Entout cas, au moment où se jouentles places d’invités pour le Tour deFrance 2000, Bonjour vient de réali-ser une excellente opération. Parmiles trois équipes françaises de 2e di-vision, Bigmat-Auber, Jean Dela-tour et Bonjour, seulement deuxs’élanceront, le 1er juillet, du Futuro-scope de Poitiers. Les heureux élusseront connus le 31 mai, et le52e Grand Prix du Midi libre étaitl’un des derniers terrains deconfrontation avant cette annonce.

Yves Bordenave

SPORTS Le 52e GP cycliste du Midilibre a été remporté, dimanche21 mai, à Sète (Hérault), par le Fran-çais Didier Rous (Bonjour), à l’issued’un duel palpitant avec l’Autrichien

Georg Totschnig (Telekom) sur lespentes du mont Saint-Clair. b CETTEVICTOIRE marque le retour au pre-mier plan d’un coureur sanctionnépour dopage, comme le furent

Christophe Moreau (Festina), unmoment leader de l’épreuve, et Ro-dolfo Massi, vainqueur de la der-nière étape. b LES RESPONSABLESde La Française des jeux affirment

qu’il y a des « dysfonctionnementsmontrant que quelques-uns conti-nuent ou ont “remis en route” ».b LE DOCTEUR GÉRARD DINE,conseiller auprès de l’Union cycliste

internationale (UCI), reconnaît quela problématique des contrôles estvouée à l’échec et recommande« une médecine du travailleur spor-tif indépendante ».

LeMonde Job: WMQ2305--0028-0 WAS LMQ2305-28 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:32 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0598 Lcp: 700 CMYK

28 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 A U J O U R D ’ H U I - S P O R T S

Trois titres et huit médaillesEuphorie chez les entraîneurs de l’équipe de France féminine,

déception chez leurs homologues masculins : le judo français a quittéWroclaw avec des sentiments mitigés. Pourvues de six médailles- donttrois d’or -sur huit possibles, les féminines ont réussi un excellent par-cours. Céline Lebrun a conservé son titre en moins de 78 kg, alors queLætitia Tignola en moins de 57 kg et Barbara Harel (23 ans) en moinsde 52 kg se sont imposées pour la première fois à ce niveau.

Alors que la composition de l’équipe de France pour les Jeux de Syd-ney doit être annoncée mardi 23 mai, ces deux victoires placent les sé-lectionneurs devant un choix épineux : retenir Lætitia Tignola revientà envoyer Marie-Claire Restoux, la championne olympique en titre, àla retraite. Quant à Barbara Harel, elle avait été appelée 15 jours avantles championnats pour remplacer Magali Baton, titulaire dans la caté-gorie, victime d’une fracture du nez. La situation semble plus clairechez les garçons. Avec une médaille d’argent et une de bronze seule-ment, ils ont raté leurs championnats d’Europe.

LE MOUVEMENT sportif français est-il capabled’élire ses dirigeants selon une procédure de vote plusdémocratique, ainsi que le préconise le rapport Asensi ?La réponse est oui. Le 21 mars 2000, la Fédération fran-çaise d’équitation (FFE) a désigné son plus haut respon-sable à la faveur d’un mode d’élection qualifié de « pré-curseur ». L’heureux élu est une femme. JacquelineReverdy (63 ans) avait été nommée une première fois àla tête de la FFE en 1998, à la suite de la démission del’ancien champion olympique Pierre Durand. Aprèsavoir fait adopter de nouveaux statuts modifiant le sys-tème de vote, elle a succédé à elle-même au sommet dela 5e Fédération olympique française (400 000 licenciés).

L’histoire de la FFE était, jusque-là, l’une des plus agi-tées du paysage sportif national. Depuis douze ans, lestrois sections qui la composent – sports équestres, po-ney et tourisme équestre – n’ont de cesse de se querellersur la place publique. En 1996, au lendemain des Jeuxd’Atlanta, le ministère de la jeunesse et des sports dé-cide de retirer sa délégation à la FFE car celle-ci n’a tou-jours pas adopté les statuts types des fédérations spor-tives. Un peu plus tard, un rapport de la Cour descomptes dénoncera l’attribution de subventions à uneFédération n’étant pas en conformité avec la loi. Lesluttes pour le pouvoir s’intensifient alors au sein de laFFE, provoquant le départ spectaculaire du présidentPierre Durand.

Lorsqu’elle prend la succession de ce dernier, la« consensuelle » Jacqueline Reverdy obtient du minis-tère de la jeunesse et des sports le retour de la déléga-tion de pouvoir public, mais à une condition : la FFEdoit procéder à des élections d’un genre nouveau.Mme Reverdy accepte le défi, quitte à perdre son fauteuil

présidentiel au profit de son adversaire, Pierre Dome-nech. Une campagne électorale se met en place. Lesdeux candidats, à qui l’Etat attribue un budget de50 000 F, partent sur la route, visitant environ 25 villespendant un mois. Sur place, chacun prend la parolependant un quart d’heure, avant de répondre aux ques-tions des licenciés. « Cela m’a renvoyé trente ans en ar-rière, quand j’étais jeune militante politique », sourit Jac-queline Reverdy, ancienne sympathisante PSU.

COMMISSION INDÉPENDANTEParallèlement, le ministère de la jeunesse et des sports

met au point un système de vote par correspondanceavec les élèves de l’Ecole supérieure d’ingénieurs enélectronique et électrotechnique de Noisy-le-Grand(Seine-Saint-Denis). Des cartes d’électeurs, des bulletinsde vote et les professions de foi des deux candidats sontenvoyés aux « électeurs », c’est-à-dire aux présidentsdes 5 928 centres équestres. Une commission indépen-dante est mise en place pour veiller au bon déroulementde la procédure. Un administrateur général est égale-ment désigné pour l’assemblée générale élective.

A l’arrivée, 3 194 inscrits enverront par la poste leurdouble enveloppe inviolable, décachetée devant huis-sier. 82 présidents de centre équestre se rendront à Parisle 21 mars pour glisser leur bulletin dans l’urne. Le tauxde participation au vote s’élèvera à 55,26 %, une propor-tion que le ministère jugera « satisfaisante » dans unenote interne. Mme Reverdy recueillera 63 % des suffragesexprimés. Environ 500 000 F ont été dépensés dans cetteélection. Dans le sport aussi, la démocratie a un coût.

F. P.

Vote par correspondance pour élire la présidente de l’équitation

Un rapport parlementaire réclame davantagede démocratie dans les fédérations

Le député François Asensi (PCF) pointe les insuffisances des organisations sportives françaisesMandaté par Lionel Jospin auprès de Marie-George Buffet, le député et maire du Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), François Asensi

(PCF), doit rendre publique son enquête sur lefonctionnement du mouvement sportif français.Il préconise une réforme des statuts types des

fédérations en proposant notamment des nou-velles procédures de vote ainsi qu’une féminisa-tion des instances dirigeantes.

DEPUIS DÉBUT FÉVRIER et laprésentation à l’Assemblée natio-nale de la loi d’orientation sur lesport de Marie-George Buffet, lesrelations entre le mouvement spor-tif français et le gouvernement nesont pas au beau fixe (Le Monde du1er février). Ces relations ne de-vraient guère s’arranger. Lundi22 mai, le député et maire du Trem-blay-en-France (Seine-Saint-De-nis), François Asensi (PCF), doit re-mettre un rapport peu complaisantà Henri Sérandour, le président duComité national olympique etsportif français (CNOSF). Le 8 oc-tobre 1999, M. Asensi s’était vuconfier par Lionel Jospin « une mis-sion d’analyse et de proposition » au-près de la ministre de la jeunesse etdes sports. Le fruit de son investiga-tion, un document de 70 pagesdont le premier ministre a eu la pri-meur le 18 mai, devrait provoquerquelque remous dans le milieusportif.

S’il se garde bien de rappeler le

moindre fait, M. Asensi fait leconstat d’une faillite importante dela démocratie au sein des organisa-tions sportives. « Le fonctionnementactuel des fédérations fait apparaîtredes situations de blocage, unmanque de réactivité, de transpa-rence, et une certaine paralysie dansle fonctionnement, voire la prise dedécision, pointe-t-il. Les phéno-mènes de cooptation favorisent l’au-toreproduction sociale des direc-tions. Cette situation engendrel’installation de comités directeurstrès liés au président et aux marges demanœuvre réduites pour les grandesorientations de la politique fédé-rale. »

L’essentiel de son rapportconsiste en un ensemble de propo-sitions visant à réformer les statutsdes fédérations. Le chapitre le plusimportant concerne l’élection desdirigeants. Tout au long de ses audi-tions, M. Asensi a été instruit despratiques en vigueur dans le milieusportif : votes à main levée (parfois

après un bon déjeuner), procura-tions à la pelle, droit de vote réservéà un collège de « grands électeurs »(en général les présidents de comi-tés départementaux ou de ligues ré-gionales), etc. Autant d’entorses àla démocratie qui ont dicté au rap-porteur une liste de résolutions.

NOUVEAU PROFILSelon lui, le président de fédéra-

tion devrait être élu par une basebeaucoup plus large, en l’oc-currence les présidents de club.M. Asensi préconise « un scrutin deliste à deux tours à la proportionnelle,sans panachage, avec représentationde la minorité ». Il suggère la miseen place de « commissions électo-rales » et l’organisation de véri-tables « campagnes financées parl’Etat » pour les différents candi-dats. Il prêche, enfin, pour un déve-loppement du vote par correspon-dance, préférable au système desprocurations qui, bien que généra-lisé aujourd’hui, n’est pas autorisé

par les actuels statuts types des fé-dérations.

Parallèlement, M. Asensi dessineun nouveau profil de dirigeantsportif, plus jeune et plus « profes-sionnel ». Afin de voir naître des vo-cations auprès des 30-40 ans, le dé-puté propose d’indemniser les élusfédéraux sur le modèle des élus mu-nicipaux : le président d’une fédé-ration comptant plus de 1 millionde licenciés (football, tennis) tou-cherait ainsi 26 262 francs brut parmois ; cette rétribution passerait à20 553 francs pour une fédérationd’au moins 500 000 licenciés (judo),à 14 844 francs pour une fédérationd’au moins 350 000 licenciés (bas-ket-ball, pétanque, équitation), etc.En contrepartie, un président de fé-dération ne pourrait pas briguerplus de deux mandats successifs.

Dans son vaste projet, M. Asensienvisage, enfin, d’ouvrir les portesdes institutions sportives auxfemmes, qui en sont globalementexclues aujourd’hui. « En 1999, onne compte aucune femme parmi les36 membres du conseil d’adminis-tration du CNOSF. Une seule femmeétait présidente de fédération unis-port [Jacqueline Reverdy, à la Fédé-ration française d’équitation] »,rappelle-t-il. M. Asensi proposed’instaurer des minimas dans lesinstances dirigeantes. Pour une fé-dération dont 40 % des licenciéssont des femmes, « la parité devraêtre effective avec 3 candidates par-mi les 6 premiers de chaque liste »,lance-t-il.

Enrichi d’autres suggestions vi-sant notamment à favoriser l’accèsde jeunes de 15 à 25 ans dans lescomités directeurs, le rapportAsensi constitue la première pierredu prochain chantier auquel Marie-George Buffet va se consacrer : lamodification des statuts types desfédérations sportives. Si l’adoptiond’un décret suffit pour effectuercette réforme, toute la question estde savoir quand la procédure seralancée. Le temps est compté, en ef-fet, pour le gouvernement. Les pro-chaines élections fédérales doiventavoir lieu dans une période de sixmois suivant les Jeux olympiquesde Sydney (du 16 septembre au1er octobre). Les résistances, d’ici là,devraient ne pas manquer au seinde la grande famille des dirigeantssportifs.

Frédéric Potet

Admis au bord du tatami, le coach se fait judoka par procurationWROCLAW (Pologne)de notre envoyé spécial

Marc Alexandre a craqué. Le vi-sage baigné de larmes, submergépar l’émotion, l’entraîneur natio-nal semble encore plus ému queFerrid Kheder, qu’il vient de « coa-cher » lors de son combat victo-rieux pour la médaille de bronzedes championnats d’Europe dansla catégorie des moins de 73 kg.L’ancien champion olympique desJeux de Séoul, en 1988, en a pour-tant vu d’autres. « Quand jecoache, c’est comme si j’étais moi-même sur le tapis, dit-il. Je n’arrêtepas de bouger, de me lever, j’ai pleinde tics et je termine le combat ensueur. C’est un exercice exigeant.D’ailleurs, dans les jours qui pré-cèdent une compétition, je mecouche tôt, j’adopte quasiment lemême rythme que les judokas eux-mêmes. »

La présence des entraîneurs surles bords des tatamis de judo estune affaire relativement récente.Jusqu’en 1993, les entraîneurs setrouvaient dans les tribunes, par-fois au milieu du public, ethurlaient leurs directives à leursprotégés, ce qui donnait en généralun joyeux brouhaha. Depuis cettedate, le « coaching » est reconnupar la Fédération internationale dejudo. L’entraîneur accompagnedonc le judoka jusqu’au bord dutatami avant de s’asseoir sur unechaise située derrière une rangéede panneaux publicitaires. Iln’a pas le droit de monter sur letapis, ni celui de s’adresser auxarbitres, à l’entraîneur adverse ouau public.

« En réalité, tous les entraîneursessaient d’influencer les arbitres, en

demandant systématiquement lamarque supérieure à celle qu’ils ontvue en réalité ou en réclamant despénalités pour l’adversaire », re-connaît Patrick Rosso, entraîneurde l’équipe de France féminine.L’essentiel du travail de « coa-ching » réside toutefois dans la di-rection d’athlète, comme l’on parlede direction d’acteurs au cinéma.« L’entraîneur qui se trouve sur lebord du tapis doit être en mesure deprévoir les choses, de sentir que ledanger peut arriver de tel ou tel cô-té, d’en avertir l’athlète et– selon lescas – de le rassurer ou de le se-couer », explique Fabien Canu, ledirecteur technique national.

« POUR NOUS SECOUER »En la matière, les besoins de

chaque athlète sont différents.« Pour que j’entre vraiment dans uncombat, il faut que l’on me gueuledessus », confie Céline Lebrun, quia conservé samedi 20 mai à Wro-

claw son titre européen en moinsde 78 kg. « Le coach est là pournous dire ce qu’il faut faire, pournous secouer quand on a une baissede régime, estime pour sa part Sé-verine Vandenhende, battue en fi-nale des moins de 63 kg. Moi, jemarche à l’encouragement : j’ai be-soin que l’on me dise que c’est bienmais qu’il faut faire autre chose,plutôt que d’avoir quelqu’un qui mecrie dessus. »

Patrick Rosso, qui « coache » lesdeux jeunes femmes en compéti-tion, se prête depuis trois années àune étude menée en collaborationavec un psychologue du sport del’université d’Orléans, GilbertAvanzini. Cette analyse, basée surdes enregistrements réalisés lorsdes championnats du monde 1997et 1999, a permis de dégagerquatre directions dans le « coa-ching » : des interventions d’ordrepurement technique ; d’autresconcernant le « rapport d’opposi-

tion » avec l’adversaire ; des anti-cipations de caractère tactique surle déroulement du combat ; enfin,des interventions visant à pousserl’athlète à « rester dans le combat ».

« Cela m’a permis de m’aperce-voir que j’avais tendance à dire auxathlètes de ne pas s’affoler, ce quiavait bien sûr l’effet inverse de celuiescompté, indique Patrick Rosso.De même, si on leur rappelle unpoint fort de leur adversaire, ils onttendance à paniquer. Il est impor-tant de positiver et, surtout, de nepas montrer à l’athlète que l’ondoute soi-même. Le message doitêtre clair, court, et absolument pasnégatif. »

Les comportements varient d’unindividu à l’autre. Si Barbara Harel,la nouvelle championne d’Europedes moins de 57 kg, se tourne àchaque interruption de combatvers son entraîneur et lui signifiel’enregistrement de son messagepar un hochement de tête, la plu-part des judokas se contententtout au plus d’un regard furtif versle bord du tapis.

« Certains entendent la voix del’entraîneur à l’intérieur même deleur combat, affirme MarcAlexandre. D’autres sont dans lebrouillard et la communication nepeut se faire avec eux que lors desinterruptions. Mais je leur demandeà tous de regarder leur adversaire,pour bien rester dans leur combat,et de se contenter d’écouter. L’en-traîneur voit des choses que l’athlètene voit pas : il a une vue périphé-rique, se rend compte par exemplede l’attitude d’un arbitre qui se pré-pare à sanctionner. »

Gilles van Kote

LeMonde Job: WMQ2305--0029-0 WAS LMQ2305-29 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:25 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0599 Lcp: 700 CMYK

D’UN CIRCUIT À L’AUTRE, AlainProst n’en finit pas de traîner sonspleen. Depuis le début de la saison2000, chaque course ou presque aapporté au quadruple champion du

monde (1985,1986, 1989 et1993) son lot dedésillusions.Lors du GrandPrix d’Europe,emporté parMichael Schu-macher (Ferra-

ri), dimanche 21 mai, devant son pu-blic sur le circuit du Nürbürgring(Allemagne), le « Professeur » a vé-cu une nouvelle déception, certaine-ment la plus amère.

Alors qu’il devait s’élancer de la13e place sur la grille de départ, lameilleure performance de l’écurieProst-Peugeot cette saison, l’Alle-mand Nick Heidfeld a été disqualifiéau terme des essais qualificatifs. Lepoids de sa monoplace, ajouté ausien, n’atteignant pas les 600 kg ré-glementaires (l’homme et sa voitureen totalisaient 598), le pilote a étédisqualifié. « Je le prends très malparce que ça vient encore une fois auplus mauvais moment ! C’est drama-tique pour l’équipe. Il y a toujoursquelque chose. Soit on a des pro-blèmes de fiabilité, soit on est fiable et,alors que l’on peut obtenir un bon ré-sultat, il y a un autre problème quinous est imputable », a regretté AlainProst. Cela faisait dix ans qu’unemonoplace n’avait pas été excluelors des essais.

Jean Alesi, l’autre pilote de l’écuriede Guyancourt (Yvelines), a connud’autres infortunes. A la suite d’unennui électronique lors des essais,l’Avignonnais s’est élancé en 17e po-sition. Dimanche, aux environs de lami-course, il a dû procéder à un arrêtsupplémentaire à cause d’un pas-sage de vitesses récalcitrant. Plustard, après un problème de volant,son limiteur de vitesses n’a pas fonc-tionné et il a dépassé la vitesse auto-

A U J O U R D ’ H U I - S P O R T S LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 29

Football : la liste des 22pour l’Euro 2000 est connueLE SÉLECTIONNEUR DE L’ÉQUIPE DE FRANCE,Roger Lemerre, a officialisé,dimanche 21mai, une liste de dix-huit footballeurs qui seront réunis à Clairefoin-taine (Yvelines) à partir du 23 mai pour préparer le championnat d’Europe 2000qui se disputera du 10 juin au 2 juillet en Belgique et aux Pays-Bas. Il s’agit desjoueurs suivants : gardiens de but : Barthez (Monaco), Lama (Paris SG), Ramé(Bordeaux) ; défenseurs : Candela (AS Rome), Desailly (Chelsea), Lebœuf (Chel-sea), Lizarazu (Bayern Munich) ; milieux de terrain : Deschamps (Chelsea), Djor-kaeff (Kaiserslautern), Micoud (Bordeaux), Petit (Arsenal), Pires (Marseille), Viei-ra (Arsenal), Zidane (Juventus Turin) ; attaquants : Dugarry (Bordeaux), Henry(Arsenal), Trezeguet (Monaco) et Wiltord (Bordeaux). Le groupe sera au completjeudi 25 mai avec les arrivées d’Anelka (attaquant) et Karembeu (milieu de ter-rain) qui auront participé le 24 mai à la finale de la Ligue des champions avec leReal Madrid ainsi que ceux du Parmesan Thuram (défenseur) et de l’InteristeBlanc (défenseur) qui s’affrontent avec leur club respectif, le 23 mai, pour uneplace qualificative à la prochaine Ligue des champions. Les Bleus joueront unmatch amical, dimanche 28 mai, à Zagreb face à la Croatie.

DÉPÊCHESa BASKET-BALL : l’ASVEL Lyon-Villeurbanne s’est imposée, dimanche21mai, à Limoges (58-69) lors du deuxième match de la finale du championnatde France, après avoir perdu la première manche (74-87). Le match décisif sejouera le 27 mai, à Villeurbanne.a FOOTBALL : Lille, Guingamp, Toulouse, promus en division 1 ; AmaraTraoré (Gueugnon) sacré meilleur buteur (17 buts) : le championnat de Francede division 2 a rendu, samedi 20 mai, ses verdicts, à l’issue de la 38e journée. Lou-hans-Cuiseaux, Valence et Amiens sont relégués en National mais ce dernier clubpourrait conserver sa place en raison de la décision de la Direction nationale decontrôle de gestion (DNCG) de rétrograder Nice (11e ). Les Niçois ont fait appel.

a LOTO : résultats des tirages no 41 effectués samedi 20 mai.Premier tirage : 7, 8, 12, 15, 36, 46 ; numéro complémentaire : 30. Rap-ports pour 6 numéros : 1 244 650 F (189 745 ¤) ; 5 numéros et le complé-mentaire : 71 525 F (10 903 ¤) ; 5 numéros : 5 135 F (782 ¤) ; 4 numéros etle complémentaire : 216 F (32,92 ¤) ; 4 numéros : 108 F (16,46 ¤) ; 3 numé-ros et le complémentaire : 22 F (3,35 ¤) ; 3 numéros : 11 F (1,67 ¤).Second tirage : 13, 26, 31, 35, 48, 49 ; numéro complémentaire : 17 . Rap-ports pour 6 numéros : 13 236 670 F (2 017 917 ¤) ; 5 numéros et lecomplémentaire : 25 905 F (3 949 ¤) ; 5 numéros : 5 275 F (804 ¤) ; 4 nu-méros et le complémentaire : 258 F (39,33 ¤) ; 4 numéros : 129 F (19,66 ¤) ;3 numéros et le complémentaire : 28 F (4,26 ¤) ; 3 numéros : 14 F (2,13 ¤).

Kieren Perkinsrenaît à l’ambition

Kieren Perkins, vingt-six ans,semblait condamné à assister auxJeux de Sydney depuis un siège desgradins. Champion olympique du1 500 m, en 1992 puis 1996, cet Aus-tralien aux allures de maître d’écolenageait depuis quatre ans dans deseaux troubles et médiocres. Souventblessé, il avait pris l’habitude del’échec. Et son intention de postulerà une sélection pour les Jeux de Syd-ney avait fait ricaner les experts. Sa-medi 20 mai 2000, Kieren Perkins arenvoyé par les fonds les doutes etles railleries. Deuxième du 1 500 m,en 15 min 1 sec 14, il a gagné sa placepour les Jeux. « Une première étape »,assure-t-il. La seconde ? « L’empor-ter, répond-il avec naturel. Je veuxrentrer dans l’histoire en devenant lepremier nageur médaillé d’or aux Jeuxtrois fois de suite sur la même dis-tance. » Deux femmes ont réussi,avant lui, le triplé olympique. DawnFraser, sa compatriote, sur 100 m en1956, 1960 et 1964. Et Krisztina Egers-zegi, la Hongroise, sur 200 m dos en1988, 1992 et 1996. « Mes chances sontminces, mais elles existent », assure-t-il. En Australie, plus personne n’osele contredire.

Prost-Peugeot ne parvient pas à se rassurerrisée de 80 km/h dans les stands. Cetexcès lui a valu une pénalité de 10 se-condes et un quatrième arrêt. JeanAlesi a pris la 9e place de la course,son meilleur rang de la saison 2000.

Cet hiver, avant même la présen-tation de l’AP03, Alain Prost ne dis-simulait pas ses inquiétudes. « Le re-tard accumulé se compte en mois, pasen jours », analysait-il. Les premièrescourses ont confirmé ses doutes.Lors des quatre premiers grands prix(Australie, Brésil, Saint-Marin etGrande-Bretagne), les monoplacesbleues ont abandonné six fois. Ellesont signé leurs meilleures perfor-mances à Melbourne (9e et dernièreplace pour Nick Heidfeld) et à Sil-verstone (Jean Alesi a terminé 10e ).La 5e épreuve du championnat, dis-putée à Barcelone, a révélé la ten-sion qui règne entre l’écurie fran-çaise et son motoriste.

Quelques minutes après avoir étécontraint à l’abandon au 2e tour,après un accrochage avec l’EspagnolPedro De La Rosa, Jean Alesi a expri-mé son dépit : « Il ne faut pas trop seplaindre parce que je crois qu’on mé-rite ce que l’on a. C’est au motoriste defaire un moteur un petit peu plusfiable, un peu plus puissant, un peuplus conduisible ; pour l’instant : il estinconduisible. » Mercedes auraitd’ores et déjà décliné l’offre de Peu-geot pour 2001, mais pas forcémentpour la suite. Renault, via Supertec,figurerait parmi les prétendantspour assurer la transition.

Sous un véritable déluge, et loinde ce genre de préoccupations, Mi-chael Schumacher a signé sa 4e vic-toire de la saison- la 39e de sa car-rière -devant Mika Häkkinen(McLaren/Mercedes), et ainsi portéson avance à 18 points en tête duclassement des pilotes. Au cham-pionnat du monde des construc-teurs, Ferrari : (62 points) à accrusont avance, devant Mc Laren-Mer-cedès (52 points.

Pierre Lepidi

En Australie, les nageurs ont pris dateavant les Jeux de l’an 2000

Les favoris ont dominé les sélections olympiquesLes sélections olympiques de natation, qui se sont dis-putées du 13 au 20 mai dans la piscine de HomebushBay, ont confirmé le talent des meilleurs spécialistes

australiens. Ian Thorpe a amélioré ses records dumonde sur 200 mètres et 400 mètres. Susie O’Neill abattu le record du monde du 200 mètres papillon de

l’Américaine Mary T. Meagher. L’Australie ambi-tionne d’emporter une quinzaine de médailles,dont dix en or, aux Jeux olympiques de l’an 2000.

SYDNEY (Australie)correspondance

Cent seize journées, pas une demoins, séparent encore l’Australiedes Jeux de l’an 2000. Mais ces quel-ques milliers d’heures n’auront plustout à fait, désormais, le même poidsque les dizaines de milliers précé-dentes. Elles seront plus légères.Presque sans importance. La rai-son ? Depuis samedi 20 mai 2000, lepays connaît les noms, les visages etles états de service des quarante-quatre nageurs et nageuses choisispour porter ses couleurs, en sep-tembre, dans la piscine olympiquede Homebush Bay. Huit journées desélection ont été nécessaires pourséparer le bon grain du moins pur,extraire le meilleur sans omettre unseul joyau. L’exercice a été délicat,

parfois douloureux, toujours pas-sionnant. Mais l’œuvre est ac-complie. Et l’Australien, depuis,gagne chaque soir son lit d’un pasplus léger, l’âme en paix et la mineimpatiente.

A la veille de la compétition, lepays ne cachait pas sa crainte que larègle implacable de ces sélections –les deux premiers aux Jeux, les autresrecalés pour quatre ans – laisse sur lecarreau un ou plusieurs de ses en-fants chéris. Par chance, il n’en a rienété. Ou presque. Samantha Riley,championne du monde du100 mètres et 200 mètres brasse en1994, a manqué par deux fois le dé-part du train olympique. Mais unesévère infection rénale, moins dedeux semaines avant le début desépreuves, l’avait condamnéepresque certainement à couler par lefond. Scott Miller, vice-championolympique en titre du 100 mètres pa-pillon, est resté lui aussi sur le quai.Mais la présence dans ses eaux desdeux meilleurs spécialistes mon-diaux de la distance, Geoff Huegill etMichael Klim, a relégué son élimina-tion au rang des simples incidents deparcours.

AVEC FIERTÉ ET IMPATIENCELes autres ? Reçus à l’examen de

passage. Et, pour la plupart, avecmention. Ian Thorpe, par exemple, aconsacré les trois premières jour-nées de ces épreuves de sélectionolympique à défaire avec applicationses propres records du monde. Deuxfois sur 200 mètres (1 min 45 s 69,puis 1 min 45 s 51), une autre sur400 mètres (3 min 41 s 33). Pourtant,rien n’obligeait cet adolescent dedix-sept ans, longtemps réputé au-tour des bassins pour sa pointurepharaonique (il chausse du 54), àbrutaliser ainsi le chronomètre.« Mais je voulais vraiment gagner maplace aux Jeux, explique-t-il commeune excuse. Et la concurrence est telle,en ce moment en Australie, que j’ai dûforcer un peu pour être certain de mequalifier. »

Susie O’Neill, une douce Austra-lienne de vingt-six ans, les yeux bleupâle et le regard absent, n’avait pasnon plus besoin, pour assurer sa sé-

lection, de faire chuter de son soclele record du monde du 200 mètrespapillon de l’Américaine MaryT. Meagher, le plus vieux du pro-gramme (2 min5 s 96, en août 1981).« Mais je voulais le battre pour m’en-lever un poids des épaules, a-t-ellesimplement expliqué après avoiravalé les quatre longueurs de bassinen 2 min 5 s 81. Je vais pouvoir désor-mais préparer les Jeux de manière plusdécontractée. »

Michael Klim, lui, n’a fait tomberaucun record mondial. Il aurait bienaimé, semble-t-il. Mais ce nageurd’origine polonaise, reconnaissabledepuis le dernier rang des gradinspar son crâne chauve et son habi-tude de cogner l’eau à la façon d’unboxeur, pourrait bien rentrer desJeux, en septembre, avec un ex-cédent de bagages. Vainqueur du100 mètres, deuxième sur200 mètres et 100 mètres papillon,l’Australien devrait disputer sixépreuves aux Jeux, trois courses indi-viduelles et les trois relais. Et seschances sont réelles, prédisent lesexperts, de grimper six fois sur le po-dium olympique.

Au soir de la dernière journée, sa-

medi 20 mai, l’Australie a versé unelarme au spectacle de ces quarante-quatre nouveaux « olympiens » s’of-frant, au petit trot, un tour d’hon-neur du bassin de Homebush Bay. Apeine sélectionnés, il leur été remisun survêtement d’un banal bleu pis-cine, premier attribut de leur nou-veau statut. Puis l’entraîneur en chefde la natation australienne, Don Tal-bot, un petit homme au visage rieur,les yeux chaussés d’une fine paire delunettes, les a réunis solennellementdans un hôtel proche de la futurepiscine olympique. « Cette équipe estsans doute la meilleure que le pays aitconnue », avait-il confié à la pressesitôt tombé le rideau sur cesépreuves de sélection olympique.On lui promet au moins quinze mé-dailles au Jeux, peut-être vingt. « LesAustraliens seront les favoris, et nousseulement les outsiders », a soupiréDennis Pursley, le patron de la nata-tion américaine, observateur quoti-dien de ces huit jours de compéti-tion. L’Australie l’a entendu. Depuis,le pays ne craint plus l’avenir. Il l’at-tend même avec fierté et impatience.

Alain Mercier

LeMonde Job: WMQ2305--0030-0 WAS LMQ2305-30 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:36 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0600 Lcp: 700 CMYK

10o 20o0o

40 o

50 o

Belfast

Belgrade SofiaToulouse

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Bucarest

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Moscou

Kiev

MadridLisbonne

Séville

Alger

Rabat

Tunis

Berne

Milan

RomeNaples

Athènes

Istanbul

Varsovie

Prévisions vers 12h00

Ensoleillé

Peu nuageux

Couvert

Averses

Pluie

Orages

Brumebrouillard

Brèveséclaircies

Vent fort

Neige

PRÉVISIONS POUR LE Ville par ville, les minima/maxima de température et l’état du ciel. S : ensoleillé ; N : nuageux ; C : couvert ; P : pluie ; * : neige.FRANCE métropoleAJACCIOBIARRITZBORDEAUXBOURGESBRESTCAENCHERBOURGCLERMONT-F.DIJONGRENOBLELILLELIMOGESLYONMARSEILLE

NANCYNANTESNICEPARISPAUPERPIGNANRENNESST-ETIENNESTRASBOURGTOULOUSETOURSFRANCE outre-merCAYENNEFORT-DE-FR.NOUMEA

PAPEETEPOINTE-A-PIT.ST-DENIS-RÉ.EUROPEAMSTERDAMATHENESBARCELONEBELFASTBELGRADEBERLINBERNEBRUXELLESBUCARESTBUDAPESTCOPENHAGUEDUBLINFRANCFORTGENEVEHELSINKIISTANBUL

KIEVLISBONNELIVERPOOLLONDRESLUXEMBOURGMADRIDMILANMOSCOUMUNICHNAPLESOSLOPALMA DE M.PRAGUEROMESEVILLESOFIAST-PETERSB.STOCKHOLMTENERIFEVARSOVIE

VENISEVIENNEAMÉRIQUESBRASILIABUENOS AIR.CARACASCHICAGOLIMALOS ANGELESMEXICOMONTREALNEW YORKSAN FRANCIS.SANTIAGO/CHITORONTOWASHINGTON AFRIQUEALGERDAKARKINSHASA

LE CAIRENAIROBIPRETORIARABATTUNISASIE-OCÉANIEBANGKOKBEYROUTHBOMBAYDJAKARTADUBAIHANOIHONGKONGJERUSALEMNEW DEHLIPEKINSEOULSINGAPOURSYDNEYTOKYO

23 MAI 2000

13/23 S 10/20 S 10/23 S 9/21 S

10/16 C 9/15 C 8/16 C 6/21 S 6/20 S 8/24 S 8/17 C 8/20 S

10/22 S 14/25 S

10/18 N 6/18 N

15/21 S 11/20 N 9/23 S

14/23 S 10/17 N 6/21 S 8/19 N 10/23 S 9/20 N

24/30 P 25/30 S 21/22 P

15/21 S 20/28 S 11/19 N

22/27 S

21/29 P 25/31 S

6/14 N 10/22 S 9/18 N 7/22 S

10/19 N 12/26 N 10/19 N 7/16 N 5/13 N 8/22 N 11/22 S 9/18 N 18/25 S

12/27 S 13/24 S 8/19 N

9/15 C 9/17 N

12/20 S 15/24 S

11/20 C 8/17 N 17/24 S 5/18 N 14/26 S 7/16 N 14/22 S 18/29 P 11/20 S 14/22 S 8/18 S

14/18 S 10/18 N

14/25 C 24/29 S 10/15 S 18/27 S

14/24 N 11/19 N

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11/19 C 15/24 S

15/25 N 19/24 S 20/30 S

18/25 S

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19/31 S 15/28 S

26/31 C

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28/30 S 25/36 S 25/26 P 23/29 S 16/26 S 27/41 S 18/33 S 16/26 S 28/32 S 9/20 S

17/26 S

23 MAI 2000

-------------------------------------------- 30 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 A U J O U R D ’ H U I

AFFAIRE DE LOGIQUE PROBLÈME No 172MOTS CROISÉS PROBLÈME No 00 - 122Retrouvez nos grillessur www.lemonde.fr

Situation le 22 mai à 0 heure TU Prévisions pour le 24 mai à 0 heure TU

HORIZONTALEMENT

I. Peut-être un beau rôle maispas le bon choix. – II. Il devient rarede l’avoir en ligne. – III. Note.Ramassés par le banquier. Parl’intermédiaire. – IV. Courtoises.Pas toujours faci le à tenir. –V. Interjection. Pincé pour êtreentendu en Iran. Mystique del’islam. – VI. Portées sur les hau-teurs. Point de départ. – VII. Méde-cins du monde. Fit souffrir. –VIII. Son petit-fils fait toujoursparler de lui. Protection sous-marine. Romains. – IX. Bagatelle

qui peut prendre de l’importance.Préposition. Maître du Tonnerre. –X. Cube. Vous entraîne vers lessommets.

VERTICALEMENT

1. Fait attendre Morphée. –2. Laisse le choix. Refuse l’évi-dence. – 3. Vient d’arriver. Gour-mandise à l’entracte. – 4. S’il ne faitpas toujours du bien au malade, ilne fait pas de mal au fonctionnaire.– 5. Droits dans leurs manches, ilsont traversé la Manche. – 6. Appor-teurs d’eau salée. Sans change-

ment. – 7. Fait mouche à chaquetrait. Belle dure et noire. – 8. Porté.Aident au retour sur terre. – 9. Afait entrer la Toile au foyer. Expo-sée au revers. – 10. Quitta Fouquetpour Louis. Dans les honneurs. –11. Prépare une douce et bonnenuit. – 12. Domaine réservé.

Philippe Dupuis

SOLUTION DU No 00 - 121

HORIZONTALEMENT

I. Phallocratie. – II. Rapière.Nuit. – III. Orpaillage. – IV. Hors.L i e u s e . – V. I s m a ë l . R a n . –VI. Baveux. La. Un. – VII. Iso.Rebelote. – VIII. Toit. Roulé. –IX. Salaire. Ta. – X. Flétrissures.

VERTICALEMENT

1. Prohibitif. – 2. Haro. Aso. –3. Apprivoise. – 4. Liasse. TAT. –5. Lei. Mur. Lr. – 6. ORL. Axerai. –7. Cel le. Bois. – 8. Ai l leurs. –9. Ange. Alleu. – 10. Tueur. OE. –11. II. Saut. Té. – 12. Etrenneras.

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ASTRONOMIE

La météorologie jovienne présente plusieurs similitudes avec celle de la Terre

Lever Coucher

Lever Coucher

5 h 58 21 h 38

2 h 57 13 h 04

SOLEIL ET LUNE DE LA SEMAINE• vendredi 26 mai 2000 (à Paris) •

À PREMIÈRE VUE, tout sépare laTerre de Jupiter. Notre planète estsolide et tellurique, et surmontéed’une fine couche atmosphériquecomposée d’azote et d’oxygène. Si-tuée aux confins du système solaire,Jupiter est complètement diffé-rente. C’est une planète gazeusegéante, dont le tour de taille est dixfois plus important que celui de laTerre, et qui est constituée pour l’es-sentiel d’hydrogène et d’hélium,avec sans doute un noyau rocheux.Malgré ces différences, grâce à lasonde américaine Galileo, en orbiteautour de Jupiter depuis 1995, lesscientifiques découvrent progressi-vement qu’il y a sur Jupiter des phé-

nomènes météorologiques sem-blables à ceux qui règnent sur notreplanète.

La sonde Galileo emporte à sonbord divers instruments, dont unspectromètre travaillant dans leproche infra-rouge (NIMS), à deslongueurs d’onde de 5 micro-mètres. Cet appareil permet de son-der l’atmosphère jovienne jusqu’àune pression de 5 bars et d’analyserla quantité de vapeur d’eau pré-sente sous la dernière couche denuages joviens, à une profondeurcomprise entre 20 et 30 kilomètres.Le module-suicide de Galileo, quiétait entré dans l’atmosphère de laplanète géante le 8 décembre1995, avait détecté trois couchesnuageuses. La première, très fine,constituée de cristaux d’ammoniac.La seconde formée de particules desulfure et d’acide, et la troisième degouttelettes d’eau et de cristaux deglace.

COHABITATIONDes travaux récents réalisés sur

les images en infra-rouge prises parGalileo en décembre 1996 viennentd’établir que des zones très sèchescohabitent avec des zones très hu-mides dans l’atmosphère de Jupiter.

Les régions humides étant étroite-ment associées à des nuages d’eauconvectifs. Cette étude, menée parune équipe internationale dirigéepar le Néeerlandais Maarten Roos-Serote, établit donc un lien directentre la circulation de vapeur d’eauet l’activité nuageuse de la planète.Publiés dans la revue Nature du11 mai, ces travaux indiquent « clai-rement que la météorologie locale en-traîne une distribution d’humiditéplus complexe que ce que prévoientles modèles thermodynamiques ». Larelation entre la vapeur d’eau etl’activité nuageuse n’avait jamais pû

être mise en évidence directement.Elle représente un exploit scienti-fique étant donné l’éloignement deJupiter, située en moyenne à630 millions de kilomètres de laTerre.

ÉTRANGE PLANÈTE « Petit à petit, les pièces du puzzle

de l’eau sur Jupiter se mettent enplace. Ces travaux complètent des re-cherches menées précédemment. En1996, a été mise en évidence dans l’at-mosphère jovienne la présence dezones très sèches appelées pointschauds. Plus récemment, deux plané-

tologues américains ont établi un lienentre des nuages convectifs très actifset des éclairs d’orages. Des phéno-mènes qui rappellent les perturba-tions tropicales rencontrées surTerre », explique Pierre Drossard,un des signataires de l’article de Na-ture, spécialiste des atmosphèresplanétaires à l’Observatoire deMeudon (Hauts-de-Seine).

Le panorama météorologique deJupiter se précise donc, en présen-tant plusieurs similitudes avec laTerre. Les planétologues pensententre autres que les zones sèches jo-viennes résultent de courants des-cendants puissants, analogues àceux qui dissipent les nuages dansles zones tropicales terrestres. Tan-dis que les zones humidesconnaissent le même processus queles régions équatoriales sur Terre,marquées par des courants ascen-dants.

Malgré ces avancées, bien des in-connues demeurent concernantcette étrange planète du bout dumonde. Ainsi, la quantité d’eau pro-fonde sur Jupiter reste inaccessibleaux observations. Il y aussi des in-terrogations concernant sa forma-tion. Pourquoi y-a-t-il sur Jupiterplus de soufre et de gaz rares (ar-

gon, krypton et xénon) que dans leSoleil ? Alors que, d’après les mo-dèles de formation du système so-laire, il devrait y avoir une similitudeentre les deux corps célestes. Onconsidère en effet qu’en se formantJupiter a attiré vers lui les gaz de lanébuleuse solaire primordiale.

A la demande des scientifiquesqui souhaitent pouvoir répondre àces questions, la Nasa a décidé deprolonger la mission Galileo jus-qu’en 2001. A cette occasion, lasonde effectuera une orbite supplé-mentaire autour de Jupiter, et irapeut-être observer un autre satellitede la planète géante. Puis la Nasadécidera de sa fin. « Un des scénariospossibles pour terminer la missionconsiste à faire tomber la sonde surJupiter ou sur son satellite volcaniqueIo », ajoute Pierre Drossard. Maisauparavant, en décembre 2000, lasonde américano-européenne Huy-gens-Cassini, croisant vers Saturne,doit passer à proximité de Jupiter.Elle prendra alors des mesures de lagéante gazeuse en conjonction avecGalileo. « Une mission stéréosco-pique dont les planétologues at-tendent beaucoup. »

Christiane Galus

Un panache volcanique voyageur sur IoSelon les photos prises par la sonde Galileo, qui a survolé Io – le satellite

volcanique de Jupiter – entre octobre 1999 et février de cette année, le pa-nache volcanique du volcan Prometheus s’est déplacé en vingt ans de 75 à95 kilomètres vers l’ouest. Paradoxalement, le cratère principal de ce vol-can, très similaire mais en plus actif que ceux présents à Hawaï, n’a pasbougé. « Ce type de comportement n’a jamais été vu sur Terre », note SusanKieffer, de la société Kieffer Science Consulting en Ontario (Canada), quicosigne un article dans la revue Science du 19 mai sur cette question. Pourelle, ce panache se produit lorsqu’un « champ de neige » de soufre ou dedioxyde de soufre recouvrant les plaines voisines se vaporise au contactde la lave. Ce numéro de la revue Science consacre un dossier, ainsi que sacouverture, à Io, qui est avec la Terre le seul corps du système solaire àprésenter une activité volcanique.

Le partage de l’hexagone

A

abc

de f

g

AVANT SA MORT, un viti-culteur légua à ses huit enfants undomaine en forme d’hexagone ré-gulier. Mais il assortit son testa-ment d’une étrange condition :que les huit parts soient non seu-lement égales en superficie, maisde forme parfaitement identique.

Fut-il possible de satisfaire sadernière volonté ?

Elisabeth Busseret Gilles Cohen

© POLE 2000

Solution dans Le Monde du30 mai.

Solution du jeu no 171 parudans Le Monde du 16 mai.

La somme des sept angles vaut540°.

On se place au centre du cercleet on regarde les angles « aucentre » correspondant aux angles« inscrits » (ayant leur sommet surla circonférence) du polygone

étoilé. Par exemple, l’angle inscritA correspond à l’angle aux centrec + d + e. Le total des sept anglesau centre, pour des raisons de sy-métrie (chaque petit angle aucentre apparaît trois fois) vauttrois angles pleins. Les angles ins-crits étant deux fois plus petits, ontrouve ainsi le total de 540°.

Pour n sommets, décrits de p enp (où 2p < n), un calcul semblablemène au résultat :

(n − 2p) × 180°.

Nuages au nord, soleil au sudMARDI. La dépression centrée

au sud de l’Islande génère sur lepays un flux d’ouest à sud-ouest.La perturbation associée circulesur les îles britanniques. Elle ra-mène beaucoup d’humidité sur untiers nord du pays où les nuagesseront nombreux. Les régions plusau sud sont protégées par un anti-cylone et la journée sera bien en-soleillée.

Bretagne, pays de Loire,Basse-Normandie. – Sur la Bre-tagne et la Basse-Normandie, leciel sera très chargé et des pluiesfaibles se produiront en soirée.Ailleurs, de belles éclaircies se dé-velopperont. Les températures se-ront comprises entre 16 et 18 de-grés.

Nord-Picardie, Ile-de-France,Centre, Haute-Normandie, Ar-dennes. – Sur le Centre et l’Ile-de-France, nuages et belles éclairciesse partageront le ciel. Sur lesautres régions, nuages très pré-sents. Les températures serontcomprises entre 16 et 20 degrés.

Champagne, Lorraine, Alsace,

Bourgogne, Franche-Comté. –Sur la Franche-Comté et la Bour-gogne, les brumes se dissiperontrapidement et le soleil s’imposera.Ailleurs, les passages de nuagesélevés seront plus nombreux. Lestempératures atteindront 19 ou20 degrés.

Poitou-Charentes, Aquitaine,Midi-Pyrénées. – Malgré quel-ques passages de nuages d’alti-tude sur Midi-Pyrénées, soleil. Enfin de journée, quelques ondéespossibles sur les Pyrénées-Orien-tales. Les températures serontagréables, entre 22 et 25 degrés.

Limousin, Auvergne, Rhône-Alpes. – Les bancs de brume et debrouillard formés en cours de nuitse dissiperont rapidement et le so-leil brillera tout au long de la jour-née. Les températures serontcomprises entre 19 et 23 degrés.

Languedoc-Roussillon, Pro-vence-Alpes-Côte d’Azur,Corse. – Les passages de nuagesélevés n’altéreront pas l’impres-sion de beau temps. Les tempéra-tures atteindront 22 à 26 degrés.

LeMonde Job: WMQ2305--0032-0 WAS LMQ2305-32 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:57 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0602 Lcp: 700 CMYK

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C U LT U R ELE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

Variations énigmatiquesEN DÉCERNANT les prix d’interprétation

à Björk et Tony Leung, le jury du 53e Festivala d’abord distingué deux visages singuliers,de ces visages susceptibles de tant de varia-tions que le cinéphile ne sait jamais très bienà quoi il doit s’attendre. Cette incertitude estune manne pour les metteurs en scène : ilspeuvent modeler tout à loisir regards et ex-pressions et enrichir sans fin la palette desémotions des personnages qu’ils confient àde tels interprètes.

Qui peut jurer des intentions de TonyLeung dans In the Mood for Love, le maîtrefilm de Wong Kar-wai ? Son sourire, qui luivaut de chavirer les cœurs à Hongkong etpartout où l’on aime le cinéma, commel’autre nuit sur la plage du Majestic, est-il le

commencement d’un bonheur attendu ou,déjà, la certitude d’un amour contrarié ? Quedire de la moue énigmatique de Björk dansDancer in the Dark, le film controversé deLars von Trier ? Le metteur en scène a beaujeu de camoufler son héroïne derrière d’af-freuses lunettes, de l’emmitoufler dans descardigans de méchante laine... Rien n’y fait.Björk transcende l’accessoire pour atteindrel’essentiel : l’incarnation, portée à l’incan-descence, d’une candidate au malheur abso-lu.

Les deux interprètes qu’a priori tout sé-pare – elle est islandaise, née en 1965 à Reyk-javik ; lui est chinois, né en 1962 à Hong-kong – ont en commun le pouvoir decommander à la plus infime particule de

leurs sensations. En un mot : ils sont desstars. D’autres auraient pu tenir un rangsemblable. Le jury ne s’y est pas trompé enaccordant une mention spéciale à l’ensemblede la distribution de La Noce, de Pavel Loun-guine, nouvelle preuve des dons de l’écolerusse. Manquent... les manquants, d’une ab-sence cruelle. Par ordre d’entrée en scène :Sergi Lopez, dans Harry, un ami qui vous veutdu bien ; George Clooney, dans O Brother,Where Art Thou ? ; Lena Enore, dans Infidèle ;Charles Berling, dans Les Destinées sentimen-tales ; Summer Phoenix, dans Esther Kahn...Et si, pour un moment, on se prenait à célé-brer un cinéma d’acteurs ?

Olivier Schmitt

Le palmarèsb Palme d’or. Dancer in the Dark,de Lars von Trier (Danemark).b Grand prix. Guizi Lai Le (Devilson the Doorstep), de Jiang Wen(Chine).b Prix d’interprétationféminine. Björk pour Dancer inthe Dark (Danemark).b Prix d’interprétationmasculine. Tony Leung Chiu-waipour In the Mood for Love, deWong Kar-wai (Chine).b Mention spéciale pourl’ensemble des acteurs de LaNoce, de Pavel Lounguine(Russie).b Prix de la mise en scène. Yi Yi(A One and a Two), d’Edward Yang(Taïwan).b Prix du scénario. Nurse Betty,de Neil LaBute (Etats-Unis), écritpar John C. Richards et JamesFlamberg.b Prix du jury. Ex aequo, LeTableau noir, de SamiraMakhmalbaf (Iran) et Chansons dudeuxième étage, de Roy Andersson(Suède).b Grand Prix technique de laCommission supérieuretechnique. In the Mood for Love,de Wong Kar-wai (Chine).b Prix de la Caméra d’or. Exaequo, Djomeh, de HassanYektapanah. (Iran) et Un tempspour l’ivresse des chevaux, deBahman Ghobadi (Iran).b Palme d’or du court métrage.Anino, de Raymond Red(Philippines).

Le sans-faute de Samira MakhmalbafTOUT DE NOIR VÊTUE, rayon-

nante de plaisir, elle est montéesur scène recevoir le Prix spécialdu jury décerné à son deuxièmefilm, Le Tableau noir. Coqueluchede la Croisette dès la présentationde La Pomme, son premier longmétrage, en 1998, Samira Makh-malbaf a dominé l’émotivité deses vingt ans et gardé la têtefroide devant les photographes etles sollicitations professionnellesqui n’ont cessé de pleuvoir depuisla projection de son film encompétition officielle. Avantmême l’ouverture du festival, elleavait plusieurs fois pris la paroleau cours du colloque Le Cinéma àvenir, organisé par le festival et LeMonde, exprimant ses convictionsquant aux possibilités ouvertespar les nouvelles technologiescomme ses inquiétudes face auxpuissances, politiques et idéolo-giques, mais aussi économiques,qui pèsent sur le travail des ci-néastes.

De ces interventions remar-quées à la réception de son prix

en passant par d’innombrables in-terviews et séances de photo, elleaura effectué un sans-faute, dansune épreuve dont les enjeux dé-passent la carrière d’une jeune ettalentueuse réalisatrice.

Surtout, faireen sorte que son prixne lui soit pas remispar un homme,susceptible de commettre l’acteirréparablede l’embrassade

En 1997, la Palme d’or décernéeà Abbas Kiarostami pour Le Goûtde la cerise avait eu des consé-quences imprévues en Iran. Les

milieux conservateurs, déstabili-sés par leur première grande dé-faite électorale, avaient monté enépingle l’accolade donnée au réa-lisateur par Catherine Deneuvelors de la remise des prix, et dumême coup cherché à discréditerle nouveau président réforma-teur, Mohammad Khatami, actifadmirateur du cinéaste ré-compensé.

En avril dernier, à Berlin, enpleine incertitude politique liée àl’acceptation ou non par leurs ad-versaires de la victoire des réfor-mateurs aux élections législatives,un autre incident avait eu lieu : aucours d’une rencontre d’intellec-tuels, des opposants à la Répu-blique islamique s’étaient dévêtusdevant les caméras de télévision,provoquant un scandale en Iran àl’initiative des conservateurs quien profitèrent pour relancer l’ana-thème contre l’Occident perverti.Aussi, dès que filtrèrent les pre-mières rumeurs de récompense,les modalités de la remise du prixà Samira Makhmalbaf ont été

stratégiquement préparées, enconcertation avec les hautessphères des milieux politiques ré-formateurs de Téhéran.

Le port du foulard et du man-teau islamique, observé par Sami-ra Makhmalbaf pendant tout lefestival, devait être strictementrespecté. La jeune femme s’assié-rait en bout de rang afin de ne pasavoir à frôler ses voisins pour sediriger vers la scène. Il faudraitl’accompagner de manière à cequ’elle ne risque aucun contactphysique avec la horde des pho-tographes campant au pied del’estrade et, surtout, faire en sorteque son prix ne lui soit pas remispar un homme, susceptible decommettre l’acte irréparable del’embrassade. Tout faux pas pou-vait avoir des conséquences poli-tiques disproportionnées. Jouantparfaitement son rôle, SamiraMakhmalbaf ne s’est pas conten-tée pour autant de cet emploi ré-ducteur.

Après quelques mots de remer-ciements en français, et surmon-

tant à grand-peine son émotion,elle dédiait (en anglais) son prix« à la jeune génération de monpays qui se bat héroïquement pourla démocratie ». Plus tard, cetteclaire prise de position recevrait,au cours de la conférence depresse, le soutien des deux autrescinéastes iraniens distingués àl’heure des récompenses.

En effet, le palmarès aura fait lapart exceptionnellement belle àl’Iran, en consacrant ensembleBahman Ghobadi (Un temps pourl’ivresse des chevaux) et HassanYektapanah (Djomeh) qui se sontpartagé la Caméra d’or. Le juryprésidé par le cinéaste géorgienOtar Iosseliani et spécifiquementvoué à cette récompense attri-buée à un premier film avait judi-cieusement décidé d’innover enpartageant en deux le prix, pourla première fois de son existence,comme pour mieux signaler l’am-pleur du mouvement de renou-vellement du cinéma iranien.

Agnès Devictor

Un palmarès international salue un festival de haut niveauDu 10 au 21 mai, le 53e Festival de Cannes a démontré la vitalité et la diversité du cinéma mondial, avec une sélection de grande qualité

et des récompenses où l’on note seulement l’absence des films françaisDEPUIS LA PROJECTION

triomphale du 17 mai, sinon de-puis l’annonce que la présidencedu jury était confiée à Luc Besson,on attendait Dancing in the Dark

et Björk. On eut l’un et l’autre,sous les vivats du palais. On eutaussi un palmarès marqué parl’absence injuste de films françaiset par un saupoudrage géogra-phique et artistique d’un œcumé-nisme contrastant à l’extrêmeavec la radicalité des choix du juryde 1999 présidé par David Cronen-berg. Au sein de ce balayage fai-sant place au Russe Pavel Loun-guine, au Suédois Roy Andersson(et non à la Norvégienne Liv Ull-mann : une pure aberration), àl’Américain Neil LaBute, on re-père toutefois le brelan gagnantiranien (trois films à Cannes, troisrécompenses – lire ci-dessous) et ladomination de l’Asie, avec leChinois Jiang Wen, le TaïwanaisEdward Yang, le HongkongaisWong Kar-wai (et son acteur, TonyLeung), et le Philippin RaymondRed.

Il est plus important de prendreau sérieux la déclaration de LucBesson en préambule à la remisedes prix, saluant la « très grandequalité de la sélection », au sein delaquelle, dit-il, le jury eut bien dumal à choisir. Au-delà des consi-

dérations sur le palmarès, c’est lavéritable leçon de cette 53e édi-tion : le cinéma mondial, qui, enune semaine et demie du mois demai, propose autant de filmsd’une si bonne qualité, est un arten bonne santé. La Sélection offi-cielle en témoigne, donnant tort àceux qui répètent qu’on ne trouveplus aujourd’hui de grands filmscomme naguère : Les Destinéessentimentales, d’Olivier Assayas, etEsther Kahn, d’Arnaud Desple-chin, sont des œuvres majeures,dont il faut plutôt s’étonnerqu’elles apparaissent au mêmemoment ; Lars von Trier, WongKar-wai, Edward Yang et ShinjiAoyama sont de toute évidence degrands cinéastes (tout commeleurs aînés Nagisa Oshima et ImKwon-taek).

RÉÉVALUATION DE L’AUTEUREt la compétition n’est pas seule

destinataire de films de trèsgrande qualité : La Captive, deChantal Akerman, Saint-Cyr, dePatricia Mazuy, Les Harmonies deWerckmeister, de Béla Tarr, C’est lavie, d’Arturo Ripstein, Djomeh, deHassan Yektapanah, La Viergemise à nu par ses prétendants, deHong Sang-soo, Amores Perros,d’Alejandro Gonzales Iñarritu, Ci-tés de la plaine, de Robert Kramer,ont contribué à faire de Cannes2000 un cru exceptionnel. S’il fal-lait chercher un fil conducteur aumilieu de ce foisonnement, ce se-rait peut-être la réévaluation de laplace de l’auteur et la prise encharge plus affirmée par celui-cide la forme des films.

Classiquement, on opposait na-guère les films obéissant à desrègles dramaturgiques codifiéespar les genres et les films cher-chant l’essentiel de leur substanceet de leur énergie dans un rapportà la réalité. Cette dichotomieentre cinéma de l’artifice et ciné-ma de l’enregistrement est appa-rue, au vu des films de Cannes,comme subvertie de toute part,

mais pour l’essentiel selon deuxaxes bien distincts.

Le premier est surtout représen-té par les films en provenance desEtats-Unis. On les voit s’emparerde la règle des genres pour y ap-pliquer tout un appareillage dedistorsions, de suresthétisation,d’ironie et de nostalgie. Exemplai-rement, le traitement de lascience-fiction par Brian De Palmadans Mission to Mars, le jeu sur lacomédie sentimentale de Neil La-Bute avec Nurse Betty et celuid’Amos Kollek avec Fast Food FastWomen, celui des frères Coen avecles fresques sociales dans O Bro-ther Where Art Thou ? illustrentcette tendance maniériste, quipeut être pratiquée avec énormé-ment de brio, d’humour ou desens artistique. Par contraste, The

Yards, de James Gray, jouant, lui,franc-jeu avec les règles du genre,en paraît presque attendrissant.

Souvent récompensé à Cannesdans le passé (au profit de Quen-tin Tarantino, David Lynch, JimJarmusch), cette version améri-caine du film d’auteur l’a de nou-veau été cette année... avec unfilm européen, nul autre que celuide Lars von Trier. Sans s’y réduire(deux aspects de Dancer in theDark, Björk et la métaphysique,excèdent ce schéma), celui-ciprospère et séduit lui aussi en ma-nipulant des signes de reconnais-sance extraits de l’histoire du ci-néma, de la comédie musicale aumélodrame en passant par le po-lar, le film de procès et la fictionpamphlétaire.

Une bonne part de l’art du réali-

ANALYSEUn œcuménismecontrastantà l’extrême avecles choix de 1999

sateur danois tient, dans ce film, àsa capacité à jongler avec des élé-ments aussi hétérogènes, pourproduire un effet de sidérationd’une indubitable efficacité. Avecdes ingrédients très différents (ou-trance de la bande-son, stylisationgestuelle, exagération descontrastes), Guizi Lai Le (Devils onthe Doorstep), de Jiang Wen, relèvede la même démarche, celle que lejury a voulu privilégier.

L’autre manière de modifier laplace du metteur en scèneconsiste à travailler la matière ci-nématographique elle-même, etnon plus les codes qui organisentson récit. Aucun film sans douten’est plus exemplaire de cette ap-proche que In the Mood for Love,de Wong Kar-wai. Qui a vu com-ment ce cinéaste travaillait aupa-

ravant la surface de l’image perce-vra l’évolution de l’auteur deChungking Express et de Happy To-gether, qui cette fois semble pétrir,avec un sens artistique d’une ex-trême délicatesse, les matériaux(gestes, durées, couleurs, compo-sition des cadres) du cinéma.

Affrontant d’ambitieux projetshistoriques, Olivier Assayas, surun mode défiant en permanencele rapport au romanesque, et Ar-naud Desplechin, avançant sanscesse contre la biographie, lachronique ou la thèse vers uncœur énigmatique niché au centremême du film, effectuent au fonddes avancées comparables àl’égard de la réalisation telle qu’onla connaît – aussi bien sous sesauspices classiques que « mo-dernes ».

RAPPORT CHARNELCe rapport charnel et audacieux

avec la matérialité même desimages et des sons, et ce qu’ilscharrient, est également mis enœuvre par la calligraphie de lu-mière et de temps de Shinji Aoya-ma, par la répétition des procé-dures jusqu’à les vider de leur sensconscient chez Liv Ullmann, par letravail sur la violente absurditédes signes et leur capacité à proli-férer comme des cellules cancé-reuses dans Kippour, d’Amos Gi-taï, par l’abîme ouvert par laredondance du récit, du chant etde l’image dans Chunhyang, d’ImKwon-taek, par la mise en crisedes schémas narratifs et figuratifseffectuée par deux réalisationsaussi différentes que Le Tableaunoir, de Samira Makhmalbaf, et YiYi, d’Edward Yang.

Ce deuxième axe, plus profond,plus ardu, aura moins séduit le ju-ry. Il représente pourtant l’unedes pistes les plus prometteusesdu cinéma à venir, dont Cannes2000 aura fort bien montré l’im-portance et la vitalité.

Jean-Michel Frodon

Summer Phoenix retrouve sa mère sur la pelouse du Grand Hotel.

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Le cinéaste danois Lars von Trier reçoit la Palme d’or des mains de Catherine Deneuve, interprète de son film « Dancer in the Dark ».

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CANNES 2000, de nos en-voyés spéciaux. Le palmarès1999 avait surpris, sinon choqué,par la radicalité de ses choix, le ju-ry de cette édition, présidé par Luc

Besson, a œuvré de manière plusconsensuelle et œcuménique, à lanotable exception du cinéma fran-çais qui repart bredouille. b PARTIFAVORI, Dancer in the Dark, du Da-

nois Lars von Trier, a été ré-compensé de la Palme d’or, le Prixd’interprétation féminine reve-nant à l’une de ses interprètes,Björk. b LES FILMS ASIATIQUES fi-

gurent logiquement en nombre aupalmarès, qu’ i ls viennent dumonde chinois (Grand Prix pourDevils on the Doorstep, de JiangWen) ou d’Iran, dont les trois films

en compétition ont été distingués.b AU FINAL, Luc Besson avait rai-son de saluer, en préambule à laremise des prix, « la très grandequalité » de cette sélection.

LeMonde Job: WMQ2305--0033-0 WAS LMQ2305-33 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:57 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0603 Lcp: 700 CMYK

C U L T U R E - C A N N E S 2 0 0 0 LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 33

LA PHOTOGRAPHIEDE DEREK HUDSON

Des podiumsaux 24 marches Hôtel Carlton, 21 mai.En quatre ans, l’actrice américaineCharlize Theron, ancienmannequin, a côtoyé à l’écranRobert De Niro, Al Pacino, MattDamon, Leonardo DiCaprio, JohnnyDepp... Elle a présenté samedi« The Yards », le deuxième film deJames Gray dans lequel elle joueaux côtés de Joaquin Phoenix,James Caan et Mark Wahlberg.

James Gray au cœur de la loi

The Yards. Une tragédie ordinairedans le New York des années 1970

Sélection officielle/En compéti-tion. Film américain de JamesGray. Avec Mark Wahlberg, Joa-quin Phoenix, Charlize Theron,Faye Dunaway, Ellen Burstyn,James Caan. (1 h 55.)

The Yards, le nouveau film deJames Gray, après le brillant LittleOdessa, pourrait presque se regardersans le son. Si l’on coupait la languede chacun des personnages, lenœud de l’intrigue, d’un classicismeexemplaire, resterait tout aussi lim-pide. Durant les cinq premières mi-nutes, on observe le visage défait ethagard de Leo Handler (Mark Wahl-berg). Il tente de se préparer, dansun wagon de métro, après un séjourde plus d’un an en prison à la suited’un vol de voiture, au scénario deson retour dans sa famille, installéedans le Queens. A cause de LittleOdessa et du goût de James Graypour la tragédie, on devine quecette entrée annonce déjà une sortie– tout retour du fils prodigue estchimérique –, un passage qui n’ap-portera que malheur et chagrin.

Cette famille n’a rien d’extraordi-naire. Il y a bien sûr les signes de lasanté défaillante de la mère de Leo(Ellen Burstyn), le regard fixe et durde sa tante, Kitty Olchin (Faye Du-naway), les manières déliées et tropattentives de son meilleur ami WillieGuttierez (Joaquin Phoenix) dontles dollars débordent presque de lapoche, le mal de vivre d’Erica (Char-lize Theron) la fille de Kitty, et la fi-gure du patriarche, Frank Olchin(James Caan), nouveau venu dans lafamille, après son mariage avec Kit-ty. L’entreprise d’Olchin, l’ElectricRail Corporation, règne sur le métrodu Queens. Mais ces fêluressemblent anecdotiques. Le mal estplus insidieux car il vient de plusloin, comme une malédiction ances-trale. Du regard fuyant et hagard deLeo, orienté en permanence vers lebas, au visage momifié de Kitty Ol-chin, personne ne regarde personnedans cette famille. Elle se réunit,mais ses membres ont chacun faitsécession. Ils préparent déjà laguerre.

The Yards est un film sur la loi. Il ya celle du silence, observée par Leopendant sa détention pour couvrirses camarades, dont Willie Guttie-

rez. Il y a une loi – dans laquelle seglissent malversations et corrup-tions, parfaitement orchestrées parFrank Olchin et Willie Guttierez, sonâme damnée – qui s’applique lorsdes arbitrages des commissionschargées d’attribuer les différentsmarchés d’équipements des métrosnew-yorkais. Il y a enfin une loi liéeà la famille, la plus floue, et quiconsiste à maintenir son équilibre etsa prospérité par tous les moyenspossibles. Ces trois lois sont violéespar Leo. En assistant un soir à unrendez-vous entre Willie et unmembre de l’administration du mé-tro qui se solde par le meurtre de cedernier (par Willie), puis en échap-pant à un flic qu’il blesse griève-ment, transformant ainsi une banaleaffaire de corruption en un faits di-vers chroniqué par la télévision, Leomet en péril toute la maison Olchin.Il devient un homme à abattre, pourFrank Olchin, sa tante Kitty et sonmeilleur ami Willie, au nom des in-térêts supérieurs de la famille.

La désuétude de The Yards, descostumes années 70 des person-nages à une musique de la mêmeépoque, goût du passé souligné parla présence d’Ellen Burstyn, FayeDunaway et James Caan ; la préoc-cupation morale du film – dénoncerson prochain au nom de principemoraux, ou se taire pour respecterles liens du sang – qui nous ramèneaux années 50, autour de la listenoire et des mouchards ; la volontéde James Gray de décrire des per-sonnages proches des archétypesde la tragédie grecque...

Tout cela fait de The Yards un filmabstrait, à l’espace-temps indéter-miné. La précision maniaque duréalisateur à nous montrer le fonc-tionnement – en fait le dysfonction-nement – des institutions new-yor-kaises, de la police au tribunal enpassant par les différentes commis-sions d’arbitrage de la métropoleaméricaine, est une façon détour-née d’exhiber la faillite de la loi. Leclassicisme de The Yards n’estqu’une manière subtile et brillantede distiller une vision négative desrapports humains. La civilisation se-lon James Gray n’est qu’une formepolie et institutionnalisée de la sau-vagerie.

Samuel Blumenfeld

La plus exquise des douleursIn the Mood for Love. Wong Kar-wai filme avec une audace discrète la beauté d’un impossible amour

Sélection officielle/en compéti-tion. Film chinois (Hongkong) deWong Kar-wai. Avec MaggieCheung et Tony Leung Chiu-Wai.(1 h 30.)

Quelques jours avant le début dufestival, In the Mood for Love n’avaittoujours pas de titre. La bande-sonde la copie présentée à Cannes doitencore être mixée. Pour qui ne saitque regarder les films, et pas lesfaire, c’est un grand mystère queleur achèvement. Et quand un filmest aussi achevé que In the Mood forLove, on peine à imaginer la précipi-tation qui a régné autour de luidans les jours qui ont précédé cettepremière projection.

A Hongkong, en 1962, deuxcouples s’installent au même étaged’un immeuble. Mais les histoiresd’amour ne se vivent pas à quatre,plutôt à deux. On ne verra que lamoitié de chaque couple, Mme Su Li-zhen (Maggie Cheung) et M. ChowMo-wan (Tony Leung). De leursconjoints, on n’entend que la voix,on n’aperçoit que la nuque le tempsd’un dialogue anodin. A Hongkong,

en 1962, les choses envahissent lavie, comme dans le Paris de Perec.Le mari de Li rapporte du Japon, oùil voyage souvent pour affaires, lepremier autocuiseur à riz que l’onait jamais vu dans l’immeuble.

Les choses servent aussi à trom-per. Dans son travail de secrétaire,Li aide son patron à négocier les dif-ficultés de l’adultère. Du Japon, tou-jours, elle demande à son mari derapporter deux sacs à main, l’unpour l’épouse, l’autre pour la maî-tresse. Innocemment, elle fait l’édu-cation de son époux.

Au fil des rencontres dans lescouloirs de l’immeuble, Li et Chowse font la conversation, en voisinspolis. C’est la fameuse découvertedes points communs : ils aiment lesfeuilletons de cape et d’épée. Maisces points communs sont autant depoints faibles, par lesquels ilsrisquent de s’envahir l’un l’autre.Comme nous les montre Wong Kar-wai, innocents et magnifiques, ils enparaissent tout à fait inconscients.Jusqu’au moment où les choses lesobligent à se rendre à l’évidence :deux cravates, deux sacs à mainsemblables, offerts par leurs

conjoints, absents de Hongkong aumême moment. Ils sont trahis.

Tout ce qui a précédé devraitconduire à l’éclosion d’une liaisonordinaire. Mais peut-être l’expres-sion « se rendre à l’évidence »n’était-elle pas la bonne. La reddi-tion ne sied pas à ce couple. Li etChow étudient sans fin la catastro-phe qui s’abat sur eux. Ils s’en ap-proprient les prémices, jouant entreeux ce qu’ils imaginent avoir été lespremiers gestes, les premiers motsde la liaison entre leurs conjoints.

INFINITÉ D’HISTOIRESIl n’y a qu’une seule certitude, la

faute de leurs conjoints précipite Liet Chow l’un vers l’autre tout en lesséparant. Livrés à eux-mêmes, rap-prochés encore plus depuis queChow a demandé à Li de lui veniren aide pour rédiger un feuilletonde cape et d’épée, ils tergiversent,reculent devant les obstacles – voi-sinage étouffant, crainte de n’êtreque le reflet de l’autre adultère.

Toutes ces hypothèses sentimen-tales, ces sensations fugaces tissentune infinité d’histoires possibles, unlabyrinthe dans lequel on risquerait

de se perdre facilement. Tout l’artde Wong Kar-wai est de dévider unfil assez solide pour que l’on che-mine en sa compagnie, assez ténupour qu’on reste conscient de l’infi-nie complexité de l’amour de Li etChow.

In the Mood for Love est mis enscène avec une audace discrète. Lecadre est presque toujours resserré,mangé sur son pourtour par des ob-jets. L’image « utile », celle quimontre le sujet du film, est toute ré-trécie, comme l’amour de Li etChow qui peine à naître à force delutter contre l’intrusion des autres,de la ville, du travail, des choses. Ja-mais, sauf dans la séquence finale,située longtemps après la sépara-tion du couple, on ne voit le ciel.Hongkong apparaît comme un en-fer familier et accueillant, où l’onn’échappe jamais au regard et aujugement. Pourtant, malgré tout,l’amour et la beauté peuvent surgir.Surtout avec ces acteurs-là.

Tony Leung pose Chow commeun homme harcelé par la vie, enlaissant deviner une veine de bruta-lité. Li, comme la montre MaggieCheung, est au contraire un bloc de

beauté blessée forcée d’admettreque sa rigueur et sa force ne suffi-ront pas à faire de sa vie ce qu’elleen avait rêvé. Le motif musical dufilm est une valse, lourde et triste,qui tourne sans que jamais la mélo-die ne la rapproche d’une fin lo-gique, comme le couple. Autour dece thème central, il y a des chansonspopulaires chinoises, et deux chan-sons latino-américaines interpré-tées par un Anglophone. In theMood for Love est précisément, mi-nutieusement inscrit dans le tempsdu monde.

Le réalisateur conclut son film parune séquence tournée au Cambod-ge, que le scénario situe lors de lavisite de De Gaulle à Phnom Penh.In the Mood for Love a commencélors d’une accalmie dans les grandsbouleversements en Asie, il se ter-mine au moment d’un de leurs pa-roxysmes. Wong Kar-wai a pris letemps de filmer et de sauver de lafureur de l’histoire un moment infi-niment petit et irremplaçable del’histoire des hommes et desfemmes.

Thomas Sotinel

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34 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 C U L T U R E - C A N N E S 2 0 0 0

Précis de mécanique aléatoire du désirLa Vierge mise à nu par ses prétendants. Le troisième long métrage

de Hong Sang-soo confirme le talent de ce jeune cinéaste coréen

La Corée fait irruptionsur les écrans mondiauxPas moins de quatre titres ont été présentésà Cannes dont un, « Chunhyang »,d’Im Kwon-taek, en compétition

POUR LA PREMIÈRE fois dansl’histoire du Festival de Cannes, laCorée a figuré en sélection offi-cielle et en compétition avec laprésentation de Chunhyang, d’ImKwon-taek, splendide histoired’amour dans un XVIIIe siècleréinventé. La 53e édition du Festi-val aura eu pour originalité d’ac-cueillir dans ses différentes sec-tions pas moins de quatre films.Emergence d’une cinématogra-phie sur le marché international ?Création d’un nouveau centredans une Asie en pleine ébullitionartistique depuis quelques an-nées ? Il est sans doute trop tôtpour le dire, mais cette année aurapermis au cinéma coréen de mar-quer des points.

POLITIQUE DE QUOTASLa Corée du Sud bénéficie d’une

réglementation particulière visantà garantir aux productions natio-nales une présence minimale surles écrans nationaux. Le cinémacoréen a ainsi réussi à maintenir,en 1998, la fréquentation des pro-ductions nationales à 25 % dunombre total des entrées, pour-centage susceptible d’augmenterencore en 1999 avec le phénomé-nal succès de Shiri, de Kang Je-gyu, qui a dépassé dans son paysles chiffres d’entrées de Titanic.

Les cinéastes coréens restentévidemment attachés au maintiend’une politique des quotas, quipermet d’endiguer les pousséeshégémoniques de l’industrie hol-lywoodienne. Ils n’ont pas hésité à

manifester, en juin 1999, contre lesdangers du libéralisme et les pres-sions économiques des Etats-Unis– et plus particulièrement de laMPAA, lobby chargé de représen-ter les studios de Hollywood. LaKorean Film Commission, crééeen mai 1999 par le gouvernement,a désormais pour tâche de dé-fendre les intérêts du cinéma na-tional, soutenir son exportation,encourager la production decourts métrages. Initiative remar-quable dans un pays où la tradi-tion du laisser-faire économiqueest solidement installée.

Quarante-trois films ont étéproduits en 1998. La plupartd’entre eux sont essentiellementcommerciaux. Paradoxalement,alors que la réglementation per-met de lui garantir un espace vitalessentiel, le cinéma destiné augrand public est principalementun cinéma d’imitation de modèlesexogènes venus de Hollywood, duJapon ou de Hongkong, parfoisattaché à profiter, en alignant lesremakes – et autres sequels(suites) – bon marché de succèsétrangers. L’examen de l’année deproduction 1999 démontre ainsiune vraie frénésie mimétique.

Shiri, de Kang Je-gyu, le grandsuccès populaire de l’année, estun récit d’espionnage qui laisseune place importante à l’action,dans la lignée des lourdes produc-tions américaines. Tell Me Some-thing, de Chang Yoon-hyun, est unthriller esthétisant à base detueurs en série et de machinations

complexes qui doit beaucoup auSeven de David Fincher. The RingVirus, de Kim Dong-bin, entendexploiter le succès de la série fan-tastique japonaise The Ring.

Parmi les quatre films présentésà Cannes cette année, deuxétaient signés de cinéastes quin’étaient plus complètement in-connus. Im Kwon-taek, l’auteurde Chunhyang, fait figure de vété-ran du cinéma, auteur d’uneœuvre déjà abondante, dont (àune exception près) aucun film n’abénéficié d’une sortie commer-ciale en France. Hong Sang-soo, leréalisateur de La Vierge mise à nupar ses prétendants, présenté ensélection officielle dans la sectionUn certain regard (lire la critiqueci-dessous), était déjà présent,dans la même sélection, en 1998,avec Le Pouvoir de la province deKangwon.

Enfin, la Quinzaine des réalisa-teurs et la Semaine de la critiqueont permis de découvrir deuxjeunes auteurs dignes d’être re-

marqués. Lee Chang-dong, avecPeppermint Candy, entreprend deraconter vingt ans de la vie d’unjeune homme devenu policierpuis homme d’affaires. Malgréune mise en scène assez classique,le film repose sur un principe nar-ratif original qui consiste à mon-ter les différents blocs de tempsformés par les séquences dansl’ordre contraire à l’ordre chrono-logique, inversant les effets et lescauses et rendant complexes lesmécanismes d’identification avecun personnage dont le destinévoque, en creux, l’histoire poli-tique récente de la Corée.

DES BOVARY MÂLES ET URBAINSJi Woo-jung, avec Happy End

(Semaine de la critique), sembleraconter une histoire immuable :le mari, la femme, l’amant. Uncadre au chômage découvre quesa femme le trompe avec un jeunehomme. Commencé sur le prin-cipe d’un drame psychologiqueminutieux, le film va basculer

dans le fait divers et l’exécutionsanglante d’un crime parfait.Comme l’irruption de la pulsionincontrôlée dans un universa priori pacifié. Une violence mor-bide et cruelle caractérise singu-lièrement les deux films. Ce quidistingue surtout celui de Ji Woo-jung, c’est la description des ca-ractères masculins. Ici, certes, lafemme est adultère mais ce sontles hommes, plongés dans les ro-mans à l’eau de rose à longueur dejournées (le mari) ou à la re-cherche du grand amour et derêves romantiques (l’amant), quise révèlent des Bovary mâles eturbains.

Si, jusqu’à présent, la Corée duSud n’a pas démontré une capaci-té aussi grande que d’autres ciné-matographies asiatiques (Taïwanou Hongkong) à bouleverser lesformes, elle opère indiscutable-ment une irruption sur la scène in-ternationale.

Jean-François Rauger

L’heure de gloire du court métrageLa palme à un cinéaste philippin

et une sélection d’une très grande qualitéQUEL FESTIVAL ! Riche, divers,

inventif, audacieux. On le doit àdes cinéastes qui se nommentMullins, Yoo, Pelle, Azevedo,Cunningham... Ces noms ne vousdisent rien ? C’est à la fois regret-table et normal, puisqu’il ne s’agit« que » de la compétition officielledes courts métrages. Souventparent pauvre aussi à Cannes, lecourt métrage se révèle cette an-née un secteur particulièrementdynamique, et l’ensemble des onzetitres proposés au jury présidé parLuc Dardenne (celui qui avait eu àjuger la veille des films de la Ciné-fondation) composait un assorti-ment particulièrement attractif.Réunissant un grand nombre degenres et de styles, mais aussi deprocédés de fabrication, cette sé-lection fournissait un raccourci op-timiste de l’état du cinéma mon-dial, au moins par la façon donttoutes ces réalisations témoignentd’une confiance dans le langagepropre du cinéma.

IMAGES DE SYNTHÈSELe plus moderniste, Infection, du

Néo-Zélandais James Cunning-ham, fait en 8 minutes et 5 se-condes d’un micro-hold-up infor-matique un thriller descience-fiction en images de syn-thèse, d’une qualité rythmique etgraphique incontestable, confir-mant les possibilités à venir de cemode de création. De facture plustraditionnelle, le film d’animationrusse La Pomme, de Serguei Ovt-charov, surprend par sa manièreimpromptue d’échapper à l’illus-tration folklorique dont il semblaitrelever. Le dessin animé du BelgeBenoît Feroumont, BZZ, marieavec virtuosité ligne claire et hu-mour sombre autour d’une tristehistoire de mouche œdipienne,tandis que, avec The Bone, un ta-lentueux farceur des studios Aard-man, le Britannique DarrenWalsch, expédie en 66 secondes depâte à modeler mal embouchée undirect aux zygomatiques.

En prises de vues classiques (trèsclassiques, puisque au for-mat 1 33), Stop, de l’Australien An-thony Mullins, fonctionne sur uncanevas de comédie lui aussi assezclassique, mais dynamisé par untrès bon travail au cadre et aumontage. Encore plus impression-nant, par sa maîtrise du langage ci-

nématographique, est Trois Mi-nutes, de la Brésilienne Ana LuizaAzevedo, qui, en deux fois plus detemps que ne le prétend son titre,construit une subtile évocation dupaysage mental d’une femme vic-time d’un rêve d’enfance. Tous lesfilms de ce programme racontentdes histoires, ou les suggèrent, au-cun n’énonce un discours, préfé-rant faire confiance à la mise enscène et à ses moyens particulierspour produire émotion et amuse-ment.

Certains optent pour une ab-sence de dialogue, tel le petit bijoufantasmagorique La Porte ! fabri-qué avec rien (un appartement,des gens qui entrent et sortent), etle sens de la mise en scène par leNorvégien Jens Lien, ou pour unextrême laconisme, comme Un pa-rapluie, du Coréen Yoo Chul-won,géométrie de la solitude et de latendresse dans un environnementglacé, composé en aplats blancssur blanc.

Trois inclassables complètentcette sélection, les plus intrigantssinon les meilleurs tant il est déli-cat de les classer : Mieux ou pire, dela Britannique Jocelyn Cammack,entremêle à une histoire de lu-nettes auxquelles tente d’échapperune petite fille une autre histoirephobique, selon une logique indé-cidable qui en fait la qualité. Et Desmorceaux de ma femme, du Fran-çais Frédéric Pelle, construit à par-tir d’une situation simple et triste(un homme âgé vient de perdre lafemme qu’il a aimée toute sa vie)un conte bref et incisif, émouvantet burlesque, le seul aussi qui fassetoute sa place au jeu d’acteur.

Encore plus riche thématique-ment, Animo (Ombres), du Philip-pin Raymond Red, méritait effec-tivement la Palme d’or que lui aattribuée le jury. Avec, là aussi, desingrédients narratifs très simples,mais un sens du plan et du mon-tage particulièrement suggestifs, lefilm construit une parabole poé-tique et ironique sur la misère, l’in-nocence et la terreur dans sonpays. Les étapes du calvaire d’unhomme dans les rues de Manille nedurent que treize minutes. Leur in-tensité laisse dubitatif sur le peu desubstance de tant de films beau-coup plus longs.

J.-M. F.

Difficilede se moquerde la télévisionStardom. Satirebrouillonne ducommerce des images

Sélection officielle/Hors compé-tition (clôture). Film canadien deDenys Arcand. Avec Jessica Paré,Dan Aykroyd, Charles Berling,Robert Lepage et Frank Langel-la. (1 h42.)

Après une brève introduction(une jeune fille quitte mère et sœursur un parking enneigé du Canadaanglophone), l’objectif d’une ca-méra envahit l’écran jusqu’à l’ava-ler tout entier. Désormais, l’histoirenous sera contée à travers toutesles images, photographiées et fil-mées, que fait naître la jeune fillesur son passage. Comme elle estbien belle, elle sera top-model.Après que ses débuts auront étésuivis à travers les reportages de latélévision communautaire de sonbourg natal, Tina Menzhal (JessicaParé) sera vue par un photographefrançais libertin (Charles Berling),par les cameramen d’un talk-showmontréalais, puis par leurs col-lègues de toute la planète.

Ce principe de base est un peucontraignant : Tina sera donc fil-mée jusque dans son intimité parBruce Taylor (le dramaturge, met-teur en scène et cinéaste RobertLepage), photographe documenta-riste à la Robert Frank, dont lesimages fourniront au film de DenysArcand la continuité d’une fictionclassique. Très vite, le film s’écartede son postulat de départ. Les pas-tiches assez précis et justes des pre-mières séquences tournent à la po-chade. Lorsque Tina fait unepremière incursion à Paris, elle ap-paraît dans un reportage téléviséréalisé à la suite d’un attentat : toutest faux, loin de la cible, dans cetteséquence. Le lancement du sujetpar Patrick Poivre d’Arvor, le choixdes images, le cadre, le com-mentaire sont tellement peu vrai-semblables que la cible est mé-connaissable, et donc indemne.Plus tard, un journaliste de télévi-sion censé être suisse ne s’exprime-ra ni en français, ni en allemand nien romanche, mais en anglais.

Mais que veut dire Denys Ar-cand ? Que l’on met sur le mêmeplan les déboires conjugaux d’unmannequin et les massacres en Al-gérie ? Le fait a déjà été signalé ; lereconstituer sur le mode de la fic-tion ne fait qu’éventuellement ra-nimer une indignation ancienne. Amoins qu’il ne s’agisse de disséquerle sort des malheureux sur lesquelss’abat une renommée universelle.Mais, sur ce versant-là de son film,Denys Arcand sort une explicationpsychologique déjà usagée : aban-donnée par un père alcoolique etbrutal, Tina cherche cet hommedisparu plus que la gloire et selaisse piéger en chemin par tous lesalcooliques brutaux qui croisent saroute. Dans cette galerie demonstres, Frank Langella, en diplo-mate canadien, est le seul à tirer unvrai effet comique de son person-nage. Si Charles Berling est douédu pouvoir de réécrire l’histoire, ilferait bien d’en effacer ses appari-tions dans Stardom, sans doute in-défendables tant le scénario les tirevers le bas, jusqu’à ce que la noir-ceur de son âme soit signifiée unedernière fois en le transformant,d’une simple réplique, en pédo-phile.

Zigzagant entre l’expérimenta-tion (un tout petit peu), la grossefarce (beaucoup) et le drame psy-cholgique (énormément), Stardomtraverse parfois la ligne que le filmaurait pu suivre. Ce qui produitquelques instants très plaisants.Comme cette remise de la croix dechevalier des Arts et des Lettres àTina par le ministre français de laculture. Tina est l’ambassadriced’un grand groupe cosmétique quivient de faire une donation muni-ficente à un musée français. ACannes, la scène a fait hurler derire nos collègues d’outre-Atlan-tique, outre-Quiévrain, Pyrénées,Méditerranée, Caucase, etc., d’au-tant qu’elle est suivie d’un pastichede débat à la française (tout lemonde parle, personne n’écoute)au long duquel la moitié des inter-locuteurs vilipendent les mar-chands du temple.

Thomas Sotinel

« Chunhyang », d’Im Kwon-taek, splendide histoire d’amour dans un XVIIIe siècle réinventé.

Un certain regard. Film coréende Hong Sang-soo. Avec EunJoo-lee, Bosuk Jung, Sung Keun-moon. (2 h07.)

Comme les deux précédentsfilms de Hong Sang-soo – Le jouroù le cochon est tombé dans le puits(1996) et Le Pouvoir de la provincede Kangwon (1998) –, La Viergemise à nu par ses prétendants estun film à la structure extrêmementcomplexe sans pourtant suc-comber au péril du formalisme.On ne voit guère à quoi comparerce cinéma tout à la fois précieux etâpre, féru de protocole et ravi parla chair, sinon à celui du regrettéJean Eustache. La Vierge mise à nupar ses prétendants semble d’ail-leurs prolonger à plus d’un titre– le goût pour l’expérimentationformelle, la même histoire narréeselon deux modalités différentes,la fascination pour le sexe de lafemme comme forme originelledu monde – Une sale histoire, mé-morable et troublant essai de l’au-teur de La Maman et la Putain.

Insondable mystère du chemi-

nement de l’art. A trente ans dedistance et quelques milliers de ki-lomètres, le jeune cinéaste deSéoul reconduit, par-delà la mort,la grande question mise en œuvre,après Proust, par le solitaire deNarbonne : la défloration, straté-gie narrative et tentative de dévoi-lement de la réalité. La vierge, infi-niment craquante etindéchiffrable, est ici incarnée parune jeune fille d’une vingtained’années nommée Soo-jung. Deuxhommes, à peine plus âgés qu’elle,la convoitent. Young-soo, un ci-néaste dont elle est l’assistante,ainsi que son meilleur ami, Jae-hoon.

JOUISSANCE ET DOULEURLe film s’ouvre sur une scène au

cours de laquelle Jae-hoon, seuldans une chambre d’hôtel, appelleSoo-jung au téléphone. La conver-sation, brève mais suggestive,laisse supposer que les deuxjeunes gens s’y sont donné ren-dez-vous pour faire l’amour lapremière fois. Mais la jeune filledit qu’elle ne viendra pas. La miseen scène reviendra à trois reprises

sur ces lieux. La première, pourfaire écouter la même conversa-tion filmée du point de vue de lajeune fille. La deuxième, pour queJae-hoon annule à son tour le ren-dez-vous qu’ils s’y sont fixé. Latroisième, pour qu’ils s’y re-trouvent enfin, dans ce sacre pro-fane de la jouissance et de la dou-leur, de la possession et del’abandon.

Cette chambre d’hôtel, en dépitde ses apparences triviales dechambre d’hôtel, est donc un purconcept, en même temps qu’unmanifeste poétique. Tout en partet tout y revient. Entre ses quatremurs, elle épuise littéralement lefilm, depuis sa technique opéra-toire (les variations autour dumême thème) jusqu’à son horizonspirituel (la logique infernale dudésir), en passant par sa représen-tation du monde (la perte des re-pères spatio-temporels) et l’éner-gie de ses protagonistes (laconquête et la résistance). La miseen scène procède par deux récitssuccessifs des mêmes événements– séparés par la panne d’un télé-phérique oscillant dangereuse-ment dans les airs – dont les sub-tils ajouts, variations etretranchements finissent parbrouiller la perception par le spec-tateur de la continuité de cettehistoire, sans néanmoins remettreen cause le sentiment, palpable etsensuel, de sa réalité.

IMPRESSION DE RÊVE ÉVEILLÉC’est à cette impression de rêve

éveillé, de bric et de broc du désiret de perception aléatoire que ren-voie à bon escient le titre françaisdu film, malicieusement détournéde Marcel Duchamp. Le titre origi-nal coréen, Oh ! Soo-jung, qui re-prend sur le mode exclamatif lenom de la jeune héroïne est quantà lui plus direct : il fait allusion àune scène du film au cours de la-quelle, lors d’une des nombreuseset infructueuses tentatives de fairecéder la jeune vierge, Jae-hoonl’appelle malencontreusement,dans le feu du désir, par le nomd’une autre. Le désir comme mo-teur, le corps comme obstacle et leréel comme lapsus : ça pourraitêtre une bonne définition du ciné-ma.

Jacques Mandelbaum

LeMonde Job: WMQ2305--0035-0 WAS LMQ2305-35 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:53 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0605 Lcp: 700 CMYK

C U L T U R E - C A N N E S 2 0 0 0 LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 35

A l’automne, sous la direction de Raoul Ruiz, Lætitia Casta tournera son premier grand rôle au cinéma : celui de Thérèse, l’une des deux « Ames fortes » du roman de Jean Giono.

JE RÊVAIS DE L’AFRIQUEUn certain regard (clôture). Film américain de Hugh Hudson.Avec Kim Basinger, Vincent Perez, Eva Marie Saint. (1 h 54.)Partir pour une « terre fascinante et rude, peuplée d’animaux magni-fiques et mortels » (citation extraite du synopsis rédigé par le distribu-teur), c’est le rêve d’une jeune divorcée née aux Etats-Unis, qui mèneavec son fils unique une existence oisive en Italie, à Venise. Après unaccident de voiture, Kuki la désœuvrée (Kim Basinger) épouse Paolo(Vincent Perez) et ils s’achètent un ranch au Kenya. Bien sûr, la vien’y est pas facile, même si la piste qui permet l’arrivée d’ensemblestropicaux, pratiques et seyants, n’est jamais coupée. Les animauxsont bien là, et Paolo passe des journées entières à la chasse, forçantKuki à des prodiges de décoration intérieure. C’est aussi à cause desanimaux que les braconniers font des incursions sur les terres de Ku-ki. Il s’agirait de Noirs. Difficile à dire. Je rêvais de l’Afrique n’évoqueque très fugitivement l’occupation permanente du continent par desêtres humains. Inspiré d’un livre dont les extraits lus en voix off nes’éloignent jamais des lieux les plus communs, avec des acteurs aussià l’aise que des gnous dans la toundra, Je rêvais de l’Afrique tourne aucauchemar. T. S.(Sortie française le 24 mai).

SONGS FROM THE SECOND FLOORSélection officielle/En compétition. Film suédois de Roy Anders-son. Avec Stefan Larsson, Torbjön Fahlström, Lucio Vucino,Hasse Söderholm. (1 h 38.)Après avoir réalisé deux films dans les années 70, Roy Anderssons’était consacré à la publicité. Cet héritage se perçoit clairement dansSongs From The Second Floor, son troisième long-métrage. Il se réduità une quarantaine de tableaux, filmés en plans fixes, proches de l’il-lustration et de la photographie. Une esthétique rétro-futuriste dufilm, son goût pour les personnages décalés – un magicien qui rateson tour en sciant le torse d’un spectateur ; un chef d’entreprise met-tant volontairement le feu à son magasin pour toucher la prime d’as-surance ; un immigré agressé dans la rue ; un homme qui jette descrucifix géants dans une décharge –, un humour noir dépourvu de fi-nesse, rendent déplaisant un film prétentieux et fabriqué qui a pourfond de commerce la bizarrerie. S. Bd

Nicolas Seydoux : « Gaumont n’est pas à vendre »Le PDG de la plus ancienne société de cinéma réagit sur les dossiers qui préoccupent la profession

PRENANT les devants, le PDG deGaumont dément l’une des ru-meurs les plus insistantes de laCroisette, la vente de ses salles àson frère, Jérôme Seydoux, patronde Pathé. « Il n’y a pas de négocia-tion, il n’y a même pas de discussions.Suis-je bien clair ? » Se déclarant as-suré de la stabilité de son actionna-riat (lui-même et la famille Dassaultdétiennent 66 % de la plus anciennesociété de cinéma du monde), il af-fiche un certain scepticisme enversla tendance aux concentrations :« L’absorption de Time-Warner parAOL n’a rien d’exemplaire, c’est le ré-sultat d’une conjoncture boursièreayant survalorisé une petite sociétédu Net et d’une opération industrielleinutile. La fusion Time-Warner n’aproduit que des dettes. »

De la villa des hauts de Cannes,où il est revenu le 20 mai pour la si-gnature des accords entre Canal +et les professionnels du cinéma,M. Seydoux tire les leçons de cetévénement pour le monde du ciné-ma, dont il se présente à la foiscomme l’un des acteurs principaux,et le mentor : « Cet accord scelle lesretrouvailles des professionnels du ci-néma, après une période de division

longue et nocive. Ensuite il stabiliseun équilibre économique indispen-sable : financièrement, le cinéma abesoin de la télévision. Enfin, signé enprésence de Catherine Tasca et deHervé Bourges, il marque l’implica-tion des pouvoirs publics. »

« Les apportsde la télévisionn’empêchent pasles films de resterdestinés à la salle »

A propos des rapports entre ciné-ma et télévision, le patron de Gau-mont revendique le maintien« amélioré » d’une relation qui a faitses preuves, « avec comme objectifque les apports de la télévision n’em-pêchent pas les films de resterd’abord destinés à la salle : le carac-tère collectif de la vision est fonda-mental au cinéma ».

Cet attachement à la forme clas-sique d’existence des films et à ses

modes traditionnels de diffusion seretrouve dans l’approche par Nico-las Seydoux des nouvelles technolo-gies. Il y voit la source d’évolutionsbénéfiques : meilleure conservationdes œuvres numérisées, économiepour les distributeurs, nouvellespossibilités de diffusion secondaire« mais seulement lorsque la protec-tion des ayants droit sera assurée surle Net, ce qui est loin d’être le cas au-jourd’hui ». Pourtant, à l’entendre, iln’y a pas de révolution du numé-rique dans le cinéma, seulement desmodernisations techniques, dont leseffets ne se feront massivementsentir qu’à moyen terme – « pour lessalles, plutôt dans cinq ou sept ans ».

Nicolas Seydoux plaide doncpour la pérennisation de l’approchedes métiers du cinéma qu’incarne sasociété. Il rappelle l’implication decelle-ci dans la production, avec lesprojets des Visiteurs en Amérique etdu Placard, nouvelle comédie deFrancis Veber avec Gérard Depar-dieu. En 2000, Gaumont investira800 millions de francs dans la pro-duction de films, le double dessommes consacrées aux salles. Maisil reconnaît que la mort d’Alain Poi-ré, « père » des projets de comédie-

populaire, laisse un vide, et que lespremiers films produits dernière-ment par sa société ont été deséchecs. Il laisse aussi la porte ou-verte à un retour de Luc Besson, quiavait annoncé ne plus vouloir tra-vailler à l’enseigne de la marguerite.

Nicolas Seydoux reste fidèle à lamême approche lorsqu’il revient surla controverse suscitée par la carteUGC. En tant que président de laFédération des distributeurs, ilcondamne la méthode adoptée parses concurrents « qui ont pris lerisque de la carte qui fâche », et dé-fend sur le fond une approche op-posée : « Face à l’offre continue etgratuite, ou paraissant telle, des petitsécrans, le cinéma doit être composéd’œuvres distinctes et désirées. Nousdevons procurer le luxe aux specta-teurs. Nous sommes la haute-couturepar rapport au prêt-à-porter. A la li-mite il faudrait non pas baisser le prixdes places mais l’augmenter. » Il ad-met pourtant que si la carte perma-nente UGC devait être avalisée parle Conseil de la concurrence, il n’au-rait « pas le choix », il faudrait « enfaire une aussi ».

J.-M. F. et T. S.

DEREK HUDSON/IPG/COSMOS

LeMonde Job: WMQ2305--0036-0 WAS LMQ2305-36 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 09:24 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0606 Lcp: 700 CMYK

36 / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 C U L T U R E

SORTIR

PARIS

Aldo Ciccolini (piano)Beethoven : Sonates pour piano op.27 n ° 2 « Clair de lune » et op. 110.Moussorgski : Les Tableaux d’uneexposition.Aldo Ciccolini n’est pas le pluscélèbre pianiste de l’heure, mais ilest incontestablement l’un desplus accomplis. La perspective del’entendre dans la Sonate op. 110,dans son « arioso » l’une despièces les plus étreignantes del’histoire de la musique, et dansLes Tableaux d’une exposition deMoussorgski réjouit l’âme et lecœur.Eglise Saint-Louis-des-Invalides,esplanade des Invalides, 7e.Mo Invalides. Le 23, 20 h 30. Tél. :01-44-42-48-14. De 100 F à 150 F.Ballet national de NancyDe passage pour un soir enIle-de-France, le Ballet deLorraine, centre chorégraphiquenational, fait la preuve del’amplitude du talent de sesdanseurs avec un programmeéclectique : Les QuatreTempéraments, de Balanchine,pièce qui explore en duo ce qu’estle tempérament mélancolique,sanguin, flegmatique et colérique ;Slainte, dans laquelle lechorégraphe Richard Wherlock,directeur du ballet del’Opéra-Comique de Berlin, mixtefolklore irlandais et acrobaties ;enfin, Symphonie de psaumes, deFrançoise Adret, ballet inspiré parun voyage en Israël, sur unemusique de Stravinski.Nogent-sur-Marne (94). Palais desarts et des fêtes, 1, place del’Europe. Le 23, 20 h 30. Tél. :01-48-72-94-94. De 50 F à 120 F.Les Méditerranéennes de ParisBelle et astucieuse programmationcette année encore pour la versionparisienne de ce festival de bongoût qui se tient fin septembre àCéret, petite ville près dePerpignan, où l’on danse la

sardane le dimanche matin sousles arbres. Coup d’envoi le 22 maiavec Macaco, groupe de Barcelonepratiquant avec un bel appétit lemélange des genres (ragga,reggae, funk, électronique...).Suivront le Hadouk Trio et sescouleurs musicales limpides (le23), Martires del Compas qui fontune relecture originale eticonoclaste du flamenco (le 24), letalentueux groupe de Gitans dePerpignan Tekameli (le 25), etenfin les énergiques garçons deSawt El-Atlas, brassant chaâbi, raï,funk, soul et reggae (les 26 et 27).Café de la Danse, 5, passageLouis-Philippe, 11e. Mo Bastille.Jusqu’au 27 mai, 20 h 30. Tél. :01-47-00-57-59. 110 F.Hugh Masekela Comme son ex-épouse MiriamMakeba qui, coïncidence, seproduit aussi cette semaine à Paris(26 et 27 mai à l’Olympia), letrompettiste et compositeur HughMasekela est une figureimportante du paysage musical enAfrique du Sud. Il y a jouénotamment avec l’African JazzRevue, les Manhattan Brothers,groupes phares pendant lesannées 50, et participé à lacomédie musicale King Kong. En1960, il quittait le pays pour caused’apartheid ; il n’y retourneraqu’après le retour de NelsonMandela en 1990. Il a développé sacarrière aux Etats-Unis (où il acôtoyé de nombreux jazzmen etparticipé au projet Graceland dePaul Simon), en Afrique, enGrande-Bretagne (création de lacomédie musicale Sarafina avecMbongeni Ngema). Sa musique,oscillant entre accents zulu, jazzsolaire, soul et funk, est résuméedans l’album Greatest Hits(Columbia), dont la sortie coïncideavec sa tournée actuelle.New Morning, 7-9, rue desPetites-Ecuries, 10e.Mo Château-d’Eau. Le 23, 21 heures.Tél. : 01-45-23-51-41. 120 F.

GUIDE

REPRISES CINÉMALes Bourreaux meurent ausside Fritz Lang, avec Brian Donlevy,Walter Brennan, Hans von Twardow-ski, Gene Lockhart, Anna Lee.Américain, 1942, noir et blanc, copieneuve (2 h 20).VO : Grand Action, 5e (01-43-29-44-40).

TROUVER SON FILMTous les films Paris et régions sur leMinitel, 3615 LEMONDE, outél. : 08-36-68-03-78 (2,23 F/min).

ENTRÉES IMMÉDIATESLe Kiosque Théâtre : les places de cer-tains des spectacles vendues le jourmême à moitié prix (+ 16 F de commis-sion par place).Place de la Madeleine et parvis de lagare Montparnasse. De 12 h 30 à20 heures, du mardi au samedi ; de12 h 30 à 16 heures, le dimanche.

Chat en pochede Georges Feydeau, mise en scènede Muriel Mayette, avec DominiqueConstanza, Thierry Hancisse, JeanDautremay, Jean-Pierre Michaël, Cé-cile Brune, Jean-Baptiste Malartre, Co-raly Zahonero, Denis Podalydès et Sté-phanie Bourguignon.Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21, rue du Vieux-Colom-bier, Paris 6e. Mo Saint-Sulpice. A partirdu 23 mai. Les mardi, vendredi, same-di, à 20 h 30 ; le jeudi, à 19 heures et20 h 30 ; le dimanche, à 16 heures.Tél. : 01-44-39-87-00. 110 F et 160 F.Jusqu’au 8 juillet.

Editions Caractères :un demi-siècle de poésieavec Michel de Maulne, SabelineAmaury, Gérard Cléry et MichaelLonsdale (sous réserve).Théâtre Molière - Maison de la poésie,161, rue rue Saint-Martin, Paris 3e.Mo Rambuteau. Le 23, 21 heures.Tél. : 01-44-54-53-00. 30 F.

Les nouveaux Robinsondes bords du LezL’« immeuble qui pousse »a été inauguré le 20 mai à Montpellier

Une bonne action et une bonne affaire.

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CHÂTEAU-LE-LEZ, inauguré le20 mai à Montpellier, est un de cesprojets que l’on peut croire desti-nés à rester dans les tiroirs de l’uto-pie. Mené par un promoteur privé,cet ensemble a reçu le soutien de la« Mission 2000 » en France. Aprèsquoi, soixante-quatre propriétairesaudacieux, aidés pour certains de laloi Périssol, feront leurs, pour uncoût de 13 000 francs le mètre car-ré, ces logements commandités parla société Pragma et son PDG, Mi-chel Troncin. Une bonne action etune bonne affaire qui réconciliel’imaginaire et le réel, et rappelle lemeilleur d’Archilab, l’exposition encours à Orléans (Le Monde du19 mai).

L’architecte de cet ensemble sur-nommé « L’immeuble qui pousse »s’appelle Edouard François. Il aquarante-trois ans. Il a travaillé enéquipe avec François Roche etDuncan Lewis, mais le groupe, déjàbranché sur des modèles écolo-sa-lades, s’est dispersé. FrançoisRoche s’en est allé porter unebonne parole, qu’on boira pieuse-ment cet été à la Biennale d’archi-tecture de Venise, à partir du18 juin, et, un bonheur ne venantjamais seul, il s’est attiré les grâcesde l’équipe de l’expositionLa Beauté qui ouvre le 27 mai à

Avignon, tamponnée elle aussi parJean-Jacques Aillagon et la « Mis-sion 2000 » en France.

Edouard François et Duncan Le-wis sont partis de leur côté, pasmoins fiers de conquérir le monde,mais plus fidèles à leurs idées : lepremier a décidé d’aller jusqu’aubout du concept, de réaliser en vraicette architecture-salade qu’il par-tageait naguère avec Roche. D’oùnaquit Château-le-Lez, du nom dela rivière qui traverse Montpellier.Michel Troncin, le promoteur quil’avait repéré grâce au Figaro Ma-dame, lui a confié un terrain encer-clé par l’imaginaire pompier de Ri-cardo Bofill, et lui a laissé carteblanche pour faire oublier cet ur-banisme à la peau de toutou.

CAILLASSES ENGRILLAGÉESRésultat stupéfiant. Le petit

quart des Périssol à louer l’a été enune semaine et le reste a été vendu,nous dit-on, en un temps record.Des acheteurs de toutes origines,vieux et jeunes, « pas du toutgauche-caviar », précise EdouardFrançois – qui connaît son monde.La recette tient à peu de choses.D’abord une structure principale,un grand corps de bâtiment légère-ment courbe, relativementcompact, d’où émergent des ter-

rasses en porte-à-faux. En façade,des gabions, ces caillasses engrilla-gées qu’on place au flanc desroutes de montagne en train des’effriter, sont accrochés par unsystème sophistiqué à la structureporteuse.

Entre les blocs de lave hydro-phile, l’architecte, aidé d’experts engraineterie, a semé des plantes derocailles qui, les saisons passant,vont peu à peu couvrir l’édifice et lefaire tourner au vert. Même si ça neprenait pas, d’ailleurs, ça n’auraitpas vraiment d’importance : l’en-semble, à la fois austère et hospita-lier, rigoureusement, fortementdessiné, mais généreux, notam-ment par l’impression d’épaisseurqu’il suggère, resterait de toute fa-çon superbe. Nous nous méfiionsun peu de la deuxième idée, sim-plement parce qu’elle nous parais-sait devoir apporter du désordreface à la rigueur des gabions : pro-longer les appartements par descabanons sans toit, juchés sur despoteaux, du genre de ces édicules

qu’utilisent à des fins opposées lesornithologues et les chasseurs de laGironde. Tout autour des arbresdéjà grands ont été plantés pourparfaire l’illusion bucolique. L’effetest saisissant, comme la réalisationd’un rêve de gosse absorbé dans lalecture des Robinson Suisse.

Et voici qu’à l’opposé de lalourde prose néoclassique d’Anti-gone et de Port-Marianne, Châ-teau-le-Lez livre avec une faussecandeur un poème architecturald’une extraordinaire fraîcheur,sans rime ni raison autre que leplaisir, le jeu, le sentiment de liber-té. Les nouveaux châtelains ont ap-porté là-dedans leurs habitudesmobilières, ce qui crée quelquescontrastes réjouissants. La sociétéPragma est ravie d’avoir parié surle rêve, et Edouard François a aus-sitôt trouvé un nouveau client,l’OPAC de Paris, qui lui permetd’ensemencer dans la capitale sescultures architecturées.

Frédéric Edelmann

LeMonde Job: WMQ2305--0037-0 WAS LMQ2305-37 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:45 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0607 Lcp: 700 CMYK

C A R N E T LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 37

Manière de voirLe bimestriel édité par

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Malgréles guerres,l’espoir

a Un continent d’avenir, par Ignacio Ramonet. a Un territoire qui se redessine, par AchilleM’Bembe. a Des guerres toujours, par Philippe Leymarie. a Poussée xénophobe, parMarc-Antoine Pérouse de Montclos. a Ambitions rivales dans les Grands Lacs, par MwayilaTshiyembe. a Les nouveaux acteurs du secteur minier, par François Misser et Olivier Vallée. a Lagrande illusion de la fin des coups d’Etat, par Anatole Ayissi. a Ces dictateurs sortis des urnes, parMartine-Renée Galloy et Marc-Eric Gruenais. a Afrique du Sud, l’après-Mandela, par ClaudeWauthier. a Les multiples fractures du Nigeria, par Joëlle Stolz. a Le Burkina Faso bousculé parl’affaire Zongo, par Bruno Jaffré. a Alternance historique au Sénégal, par Sanou M’Baye.a Radios en liberté, par Jacques Soncin. a Quand la Banque mondiale nie l’évidence, parChristian de Brie. a Débat sur les privatisations au Sénégal, par Tom Amadou Seck. a Vers undéveloppement à l’africaine, par Philippe Engelhard. a Afrique du Sud, introuvable capitalismenoir, par Stéphane Roman. a Les voies de l’afro-renaissance, par Jean-Marc Ela.a La coopérationfrançaise entre ravalement et réforme, par Claude Wauthier. a Elf, trente ans d’ingérence, parOlivier Vallée. a Rwanda, la politique française en question, par Philippe Leymarie. a La Belgiquedemande pardon, par Anne-Cécile Robert. a Le pactole de la communication politique, parChristophe Champin et Thierry Vincent. a Washington à la conquête d’espaces vierges, parPhilippe Leymarie. a La dimension africaine de l’esclavage par Elikia M’Bokolo. a Cheikh AntaDiop, restaurateur de la conscience noire, par Fabrice Hervieu Wane. a Ces femmes oubliées, parColette Berthoud. a Les Célestes chassent les sorciers, par Sandrine Youknovski. a La mémoireNord-Sud en danger, par Anne-Cécile Robert. a Descente aux enfers des intellectuelscamerounais, par Thierry Michalon. a Internet, la grenouille et le tracteur rouillé, par Anne-CécileRobert.

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AU CARNET DU « MONDE »

Naissances

Claude MURIGNIEUXa le bonheur d’annoncer la naissance deson petit-fils,

Paul,

le 18 mai 2000.

« La beauté est dans son regard. »

Décès

– Notre mère,

Jeannine Rose PAMBRUN,

est décédée le 17 mai 2000.

L’enterrement aura lieu à La Bastide-de-Sérou (Ariège), le jeudi 25 mai, à16 heures.

Olivier, Anne, Pascale, Thierry.Fax : 01-46-04-60-16.

– Mme Jean-Pierre Rampal,son épouse,

Isabelle et Christian Merger,Virginie et Jean-Jacques Rampal,

ses enfants,Carol ine et Jean-Marc, Nicolas

et Céline, Elodie, Célia, Sandra,ses petits-enfants,

Ses arrière-petits-enfants,Mme Françoise Bacqueyrisse,

sa belle-sœur,M. et Mme René Pochet de Valmalète

et leur fils Hervé Corre,ont la douleur de faire part du décès de

M. Jean-Pierre RAMPAL,commandeur de la Légion d’honneur,

commandeur de l’ordre nationaldu Mérite,

commandeur des Arts et lettres,ordre du Trésor sacré,rayons d’or en sautoir,

survenu le 20 mai 2000, à l’âge desoixante-dix-huit ans.

La cérémonie religieuse sera célébréeen l’église Saint-Roch (296, rue Saint-Honoré, Paris-1er) où l’on se réunira, lemercredi 24 mai, à 10 h 30.

Cet avis tient lieu de faire-part.

15, avenue Mozart,75016 Paris.

(Le Monde du 21-22 mai)

– Mme Antoinette SamyEt toute la famille

ont la douleur d’annoncer le décès de

M. Henri SAMY,ancien consul de France,

officier de la Légion d’honneur,officier de l’ordre national

du Mérite.

Ceux qui l’ont connu et appréciép o u r r o n t l u i r e n d r e u n d e r n i e rhommage le mercredi 24 mai 2000, à15 h 30, en l ’égl ise de Breui l let-Village, place de l’Eglise (Essonne).

Mme Antoinette Samy,80, rue des Larris,91650 Breuillet.

– M. Alain et Monique Tandeaude Marsac,

M. Patrice Tandeau de Marsac,M. Den is e t Jean ine Tandeau

de Marsac,M. Léonard et Elisabeth Tandeau

de Marsac,ses enfants,Ainsi que toute la famille,ont la douleur de faire part du décès de

M. PierreTANDEAU de MARSAC,

survenu le 20 mai 2000, dans sa quatre-vingt-treizième année.

La cérémonie religieuse sera célébréele mardi 23 mai, à 15 heures, en l’églisede Saint-Léonard-de-Noblat.

Cours

KABBALE.La création de notre univers...

le véritable sens de notre existence...Durant des siècles, toute la connais-

sance qui a entouré ces sujets est restéecachée et précieusement préservée aucœur de cette sagesse appelée la Kabbale.Pourquoi ce soudain intérêt pour un savoiraussi ancien que la Kabbale ? Parce que,dans toutes les parties du monde, des per-sonnes de toutes religions ont trouvé desréponses à plusieurs de leurs questions.Pour en savoir plus et trouver des ré-ponses à bien des questions restées long-temps en suspens, le Centre de la Kabbalevous invite à des cours d’information les

mardi 23 mai 2000, à 20 h 30,mardi 30 mai 2000, à 20 h 30,mardi 6 juin 2000, à 20 h 30.

Entrée libre.Pour tous renseignements,

prière d’appeler au 01-45-03-50-30.

Stages

Passeport pour la ChineStages intensifs de chinois 30/06 au 13/07ou 31/07 au 12/08. Cours hebdomadaires

tous niveaux à partir d’octobre 2000Paris-6e. 01-43-29-61-98.

Dédicaces

46e Fête du livre de la WIZOMercredi 24 mai 2000,

de 13 heures à 19 heures,Salons Hoche,

9, avenue Hoche, Paris-8e.

Quarante-cinq écrivains dédicacerontleurs livres, dont :

Jacques Attali, Régine Deforges, Ber-trand Delanoë, Daniel Gélin, FrançoiseGiroud, Gisèle Halimi, Joseph Joffo,Françoise Laborde, François Léotard,Nine Moati, Avi Primor, Philippe Séguin,grand rabbin Sitruk, Haim Musicant.

Bourse

Centrale Recherche/ITMAoffre bourses d’étude en doctorat encollaboration avec l’industrie. Thème :Mécanique de la rupture et endommage-ment.

Envoyer CV à l’ITMA,2, rue Conté, Paris-3e

ou [email protected]

Séminaires

COLLÈGE INTERNATIONALDE PHILOSOPHIE

b SéminairesJacques Rancière : « L’image dans le

régime esthétique des arts ».26 mai, 9 juin, 18 h 30-20 h 30, amphi

Poincaré, Carré des sciences, 1, rueDescartes, Paris.

Richard Shusterman : « L’expérienceesthétique ».

24 mai, 20 heures-22 heures, 26 mai,19 h 3 0 - 21 h 3 0 , 2 9 e t 3 0 m a i ,18 heures-20 heures, amphi A, Carré dessciences, 1, rue Descartes, Paris.

b Samedi autour d’un livreL’Homme et le Mal,d’André Jacob

avec S. Breton, M. Foessel, A. Jacob,J.-P. Marcos, J. Rogosinski.

27 ma i , 9 h 30 -12 h 30 , amph iStourdzé, Carré des sciences, 1, rueDescartes, Paris.

L’accès à toutes les activités duCollège est libre et gratuit (dans lalimite des places disponibles).

R e n s e i g n e m e n t s s u r s a l l e s ,répondeur : 01-44-41-46-85. Autresrenseignements : 01-44-41-46-80.

Communications diverses

NOUVEAUX SENIORSET INVESTISSEMENTÉTHIQUE ET SOCIAL

25 mai 2000

(9 h 30 à 18 heures)Espace Reuilly,

21, rue Hénard, Paris-12e.

Seniors association organise une jour-née consacrée aux plus de cinquante anset à tous ceux qui s’intéressent aux consé-quences de l’évolution démographique(santé, retraites, loisirs, etc.).

L’après-midi sera consacrée auxcri tères éthiques et sociaux dansl’investissement.

Les diplômes 2000 des entreprisessocialement responsables seront remisà cette occasion.

Ent rée g ra tu i t e . Prog ramme/inscription au : 01-55-21-43-33.

– Jeudi 25 mai, à 20 h 30. Hommage àAnnie Kriegel : L’incarnation ducourage, sous la présidence de ShmuelTrigano, avec Arthur Kriegel, ZeevSternhel l , Pierre Manent, MichelGurfinkel, Emmanuel Le Roy Ladurie,Alain-Gérard Slama, André Wormser,Alain Besançon, Lucien Israël.

Centre communautaire de Paris,119, rue La Fayette,75010 Paris.Tél. : 01-53-20-52-52. PAF.

DISPARITIONS

Barbara CartlandLa Lady du roman rose, auteur de 723 livres traduits en 36 langues

L’ÉCRIVAIN britannique BarbaraCartland est morte dans son som-meil, dimanche 21 mai, à l’âge dequatre-vingt-dix-huit ans.

On l’appelait la « dame en rose »,sa couleur fétiche de reine du romansentimental, fleurant bon l’eau dumême nom. Elle a été souvent ridi-culisée, la rançon de la gloire gui-mauve, mais sa vie témoigne pourelle. Vieux jeu, sans doute, puritaine,certainement, insupportable, proba-blement, mais une sacrée bonnefemme qui a beaucoup milité socia-lement, de façon assez réactionnairemais avec de vrais succès. Auteur de723 livres – dont 460 romans – tra-duits en 36 langues et vendus à plusd’un milliard d’exemplaires, BarbaraCartland était née à Birmingham le9 juillet 1901 et selon sa biographeofficielle – elle-même (How I WantTo Be Remembered) – descendait desCartland qui s’installèrent vers 1200dans le Lanarkshire (Ecosse). Son ar-rière-grand-mère maternelle étaitune riche héritière de Philadelphiequi avait épousé un Français d’unevieille famille huguenote émigré enAngleterre. Son grand-père paternel,un grand financier, fut ruiné en 1902et se suicida. Autre malheur, sonpère, le capitaine Bertram Cartland,fut tué en 1918. La famille s’installaalors à Londres, une période qu’ellea relatée dans un roman intitulé WeDanced All Night.

Barbara Cartland commence àécrire une chronique mondaine en1922 pour le Daily Express. Son pre-mier roman, Jigsaw (« Puzzle »), pa-raît en 1923, est réédité à six repriseset traduit en cinq langues. Devenueune des Bright Young Things, lo-comotive avant l’heure, elle fait lesuccès des night-clubs, lance desmodes, et participe au vol du pre-mier planeur remorqué par avion, en1931. Elle est présentée officielle-ment au roi George V et reçoit qua-rante-sept demandes en mariageavant de se décider en 1927 à épou-ser Alexander McCorquodale dontelle divorcera en 1933. Elle continueà écrire sous pseudonyme pour as-surer son entretien et celui de sa fille

Raine (future débutante de l’annéeen 1947 et future belle-mère de laprincesse Diana). Elle travaille aussià faire élire son frère Ronald à laChambre des Communes, mais il se-ra tué à Dunkerque, en 1940, commeson autre frère Anthony. En 1936,elle se remarie à Hugh McCorquo-dale, un cousin de son premier mari,dont elle a deux fils, Ian et Glen.Evacuée au Canada avec ses enfants,Barbara Cartland obtient la permis-sion de revenir et devient, en 1941,commandant junior à titre honori-fique du Women’s Royal ArmyCorps. Responsable de l’assistancesociale de vingt mille auxiliaires fé-minines, elle se charge en particulierde procurer en location pour 1 livrepar jour des robes de mariée à toutefiancée, qu’elle fasse partie desWRAC (Women’s Royal ArmyCorps), des WAAF (Women’s Auxi-liary Air Corps) ou des WRNS (Wo-men’s Royal Naval Service).

« BARBARAVILLE »Barbara Cartland continue à écrire

des romans, des livres sur la santé, lemariage, la beauté, mais aussi uneopérette et même les paroles du Ca-det Marching Song, tout en militantpour le Parti conservateur. Son cin-quantième roman est publié en1950 ; la même année, elle reçoit letitre de dame de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem qui récompenseses efforts pendant la guerre auprèsde la brigade des ambulances deSaint-Jean. En 1955, Barbara Car-tland est élue au conseil municipalde Hatfield (Hertfordshire) en tantque conservateur, siège qu’elle oc-cupera neuf ans, s’occupant des per-sonnes âgées, de la scolarisation desenfants de Gitans – un village s’ap-pelle « Barbaraville » – ou du statutdes sages-femmes et des infirmières.Elle entreprend d’autres croisadesplus contestables, contre la porno-graphie – quitte à acheter tous lesmagazines qui lui déplaisent dans sarégion afin de les brûler –, l’homo-sexualité ou la perte de la virginité,éhontée et stupide, des jeunes fillesqui se privent ainsi de toute chance

d’épouser un homme distingué etriche. A partir de 1960, Barbara Car-tland est vice-présidente de l’Asso-ciation des romanciers sentimen-taux, mais aussi présidente del’Association nationale pour la santé,car elle a toujours été très préoc-cupée par ces questions, avalantquantité de vitamines au petit déjeu-ner, pour lesquels elle fera maintesfois campagne, ainsi que pour desproduits de beauté.

A Camfield Place, un manoir devingt-sept pièces où elle s’est instal-lée, à Hatfield, avec de nombreuxdomestiques dont le chauffeur de saRolls-Royce, une dizaine de secré-taires et de sténo-dactylos sont tou-jours placées derrière elle lorsqu’elleleur dicte ses romans chaque matin,depuis un sofa rose, un pékinois àses pieds. Elle reçoit la presse à partirde 16 h 20, couverte de bijouxsouvent faux (car elle a fini par envendre une grande partie), vêtue derose, maquillée à outrance avec enparticulier de fabuleux faux-cils. En1991, elle devient Dame du BritishEmpire.

Barbara Cartland voyage beau-coup. Par goût, mais aussi pour trou-ver de nouveaux cadres romantiquesà ses romans, avec toujours une pré-dilection pour l’Ecosse, berceau desa famille mais aussi résidence d’unde ses amis, qui lui a inspiré nombrede ses héros, George Granville, cin-quième duc de Sutherland et parrainde sa fille. Elle est entrée au Livre desrecords de Guinness en 1983, en tantque plus grande vendeuse de livresdu monde et a reçu, en 1988, la Mé-daille de la Ville de Paris des mainsde Jacques Chirac, alors premier mi-nistre et maire de Paris, avec feud’artifice (rose), cœurs (roses) etRolls-Royce (rose), pour avoir venduen France vingt-cinq millions delivres, ce qui avait entraîné des créa-tions d’emplois. J’ai lu est, depuis1977, l’éditeur exclusif au format depoche de ses œuvres.

Pour qui n’a jamais lu un de sesromans, ce qui paraît difficile puis-qu’elle en a écrit plus de 460, vendus(en français) à plus de trente millions

d’exemplaires, le cadre peut êtreexotique, historique, ou simplementauréolé de mystère, les héroïnessont vierges, douces, timides, dis-crètes, souvent d’origine simple,mais fières, elles sont aussi belles, ce-la tombe sous le sens, et portent desprénoms délicieux comme Vernita,Serena, Camara. Elles tombentamoureuses d’un beau jeunehomme, plus âgé, souvent blasé,toujours aristocrate. Il résistesouvent, le bougre, aux vertiges del’amour. Les mésaventures et les qui-proquos s’accumulent au fil de re-bondissements multiples et hale-tants jusqu’au dernier chapitre quivoit convoler en justes noces les mé-ritants tourtereaux, car dans leslivres de Barbara Cartland « l’héroïnene doit pas aller au lit avant de porterl’anneau au doigt », ce qui signified’ailleurs la fin de l’ouvrage car l’au-teur « ferme toujours la porte sur lachambre nuptiale ». Le roman senti-mental a aujourd’hui beaucoup évo-lué ; le sexe s’y est fait une largeplace, la violence aussi et la relèveparaît assurée. Toujours principale-ment par des femmes.

Martine Silber

a PIERRE-YVES COSNIER, mairecommuniste de Villejuif (Val-de-Marne) de mars 1977 à octobre1999, est mort vendredi 19 mai dessuites d’un cancer à l’hôpital deChallans (Vendée). Né à Fonte-nay-le-Comte (Vendée), ancieninstituteur, Pierre-Yves Cosnierétait âgé de soixante ans et avaitdémissionné de son poste demaire de Villejuif le 16 octobre1999 « pour raison de santé ».Claudine Cordillot (PCF) lui avaitsuccédé à la tête de la ville. Pierre-Yves Cosnier avait adhéré au PCFen 1969 et il avait travaillé notam-ment avec Georges Marchais, de-venant son supléant lorsque le se-crétaire national du PCF étaitdéputé de la circonscription deVillejuif. Il fut également conseil-ler général du Val-de-Marne de1979 à 1998.a DONALD COGGAN, arche-vêque de Cantorbéry de 1974 à1980, et à ce titre chef spirituel del’Eglise anglicane, est mort mer-credi 17 mai à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Proche de la ten-dance évangélique de l’Eglised’Angleterre, Mgr Coggan était fa-vorable de longue date à l’ordina-tion de femmes. Dès 1970, il avaitproposé cette réforme à la confé-rence de Lambeth, qui réunit lesEglises anglicanes du monde en-tier. Cependant, l’admission desfemmes au sacerdoce n’a étéadoptée par l’Eglise d’Angleterre

qu’en 1994. Spécialiste d’hébreubiblique, Donald Coggan avaitcontribué à la New English Bible etfavorisé le dialogue entre juifs etchrétiens. Né à Londres le 9 octo-bre 1909, ordonné prêtre en 1935,il avait été successivement évêquede Bradford, archevêque d’York,avant d’être nommé à Cantorbéry.Il avait été nommé à la Chambredes Lords en 1980.a SOHRAB PIROSJA GODREJ,président du groupe industriel quiporte son nom et a fêté son cente-naire en 1997, est mort samedi20 mai à Londres à l’âge dequatre-vingt-huit ans. Membredes grandes familles industriellesindiennes de Bombay, S. P. Go-drej, un parsi, était un grand fran-cophile et francophone qui avaitprésidé l’Alliance francaise deBombay de 1948 à 1999, date à la-quelle il avait été remplacé par unde ses neveux. S. P. Godrej étaitaussi un grand défenseur de l’en-vironnement et de la nature, necraignant pas d’arborer sur sescostumes des badges en faveur dela protection des tigres ou desarbres. Il était aussi un humanistequi avait coutume d’expliquer quele premier point de sa philosophieétait « Noblesse oblige », ce qui si-gnifie, disait-il, que ceux que la viea gâtés sont redevables aux moinschanceux qu’eux. S. P. Godrej étaitchevalier de la Légion d’honneuret des Palmes académiques.

LeMonde Job: WMQ2305--0040-0 WAS LMQ2305-40 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 10:54 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0610 Lcp: 700 CMYK

40 b

K I O S Q U ELE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

SUR LA TOILE

GAZ MORTELa La police de l’Arizona a arrêtéun homme accusé d’avoir vendusur son site Internet de l’oxyded’azote, gaz aux effets euphori-sants dont les effets secondairespeuvent être mortels, ainsi quedes appareils permettant de l’in-haler. Il risque quinze ans de pri-son, car un de ses clients est mortl’année dernière après avoirconsommé le produit. – (Reuters.)

SANTÉa La société Doctissimo, dirigéepar Claude Malhuret, ancien mi-nistre et ancien président de Mé-decins sans frontières (MSF), aouvert un site gratuit d’informa-tions médicales à destination dugrand public, proposant plus de10 000 articles. – (AFP.)www.doctissimo.fr

DIAMANTSa Le groupe américain Odimo,en partenariat avec l’investisseureuropéen @viso, se lance dans lavente en ligne de diamants et demontres de luxe pour le marchéeuropéen. La promotion du sitesera notamment assurée parla célèbre top-model françaiseLætitia Casta.www.diamond.com

www.fijilive.comSuivre en direct toutes les péripéties d’un coup d’Etat à l’autre bout du monde

EN TEMPS ORDINAIRE, FijiLive est un webmagazine quo-tidien d’intérêt local couvrantl’actualité des îles Fidji et de sacapitale Suva. Mais depuis ledéclenchement du « putsch civil »qui a renversé le gouvernement lé-gal le 19 mai, il s’est transformé ensite d’information continue, pu-bliant dépêches, articles et photosvingt-quatre heures sur vingt-quatre à l’intention des internautesdu monde entier. Joint au télé-phone à 2 heures du matin, AvinRahish, responsable éditorial dusite, est en plein travail : « Des jour-nalistes de tous les pays ont décou-vert notre site, ils le lisent et nous en-voient des questions. Pendant lespremières heures du coup d’Etat,notre téléphone était coupé, mais In-ternet fonctionnait. »

L’équipe de Fiji Live, soit douzepersonnes au total, est mobiliséejusqu’à nouvel ordre : « Deux denos reporters se sont installés dansl’enceinte du Parlement, où septmembres du gouvernement déchuétaient retenus prisonniers. J’étais encontact permanent avec eux par té-

léphone portable. » Au cours de laseconde nuit, ils réussissent àjoindre les leaders des deux camps,et obtenir des interviews exclu-sives. En outre, ils écoutent les ra-dios locales, pour évaluer l’éten-due des pillages et recenser toutesles péripéties : « De toutes façons,

nous sommes coincés au bureau parle couvre-feu, alors autant travaillertoute la nuit. »

Entre deux dépêches, les rédac-teurs de Fiji Live ont trouvé letemps de publier des biographiesdétaillées des principaux protago-nistes, et quelques articles de fond

à l’usage des étrangers. Le putschest un nouvel épisode du conflitqui oppose les Fidjiens « indi-gènes » aux descendants des immi-grants indiens transplantés par lesBritanniques : le premier ministredéposé est un « indo-fidjien », lechef de la rébellion un hommed’affaires métis « blanc-indigène ».Avin Rahish est indien, mais il as-sure que les membres de Fiji live,filiale d’un groupe de presse local,appartiennent aux deux commu-nautés, et qu’il fait de son mieuxpour assurer une couverture ob-jective : « Nous essayons d’expliqueraux étrangers que la situation estmoins tranchée que d’habitude. Leprésident de la République est unFidjien, comme l’exige notre Consti-tution, mais il est opposé au coupd’Etat contre son premier ministreindien. Sa propre fille était ministredu tourisme dans le gouvernement,elle est retenue prisonnière par lesrebelles. C’est compliqué, mais pourceux qui veulent en savoir plus, nousserons là, enfin, je l’espère. »

Yves Eudes

Carnet rose au 10, Downing Street« Le premier ministre et Mme Blair sont ravis », répond invariablement le porte-parole du gouvernement britannique

lorsqu’on l’interroge sur l’heureux événement. La presse, et pas seulement « people », est en extase devant LéoTITRES en caractère d’affiche ;

photos en première page d’un pre-mier ministre en blue jeans, sanscravate ; messages de félicitationset bouquets de fleurs venus dumonde entier ; points de vue despédiatres et commentaires des ex-perts politiques : l’arrivée de LeoBlair, fils de Tony Blair et de safemme Cherie, né samedi 20 mai, aprovoqué une explosion de « leo-mania » dans la presse anglaise.Du jamais-vu depuis la naissance,il y a dix-huit ans, du prince Wil-liam, le premier fils de Charles etde Diana.

« Cherie est une supermaman »,proclame ainsi le Sunday Mirror quiconsacre douze pages à cet accou-chement naturel plutôt que par cé-sarienne comme l’avait prévu, àl’instar de ses confrères, ce tabloïd

travailliste. « Notre Leo est simple-ment formidable », surenchérit leSunday Express, qui s’interroge : lesappartements privés du premierministre devront-ils être agrandispour abriter le quatrième enfantdu couple ? « Un si joli garçon », es-time même le très conservateurMail on Sunday, qui souligne dansun éditorial laudateur que cettenaissance « dénote un homme pourlequel la famille est d’un importanceconsidérable... Un rappel salutairequ’en votant pour Blair le royaume avoté pour un homme vraiment mo-ral qui veut modeler le gouverne-ment à l’image de ses principes ».D’où sans doute l’incompréhen-sion dont fait part ce journal domi-nical, défenseur de l’Angleterremorale, devant la politique travail-liste de réduction des allocations

familiales et de mise en place d’unpacs à l’anglaise. Depuis que lesBlair ont quitté le Westminster &Chelsea Hospital avec leur nourris-son, le porte-parole de DowningStreet a recu les appels les plusétranges de la part des journalistes,sur le pied de guerre depuis le dé-but de la semaine dernière. Tonychangera-t-il les couches ou pren-dra-t-il un congé parental ?Qu’avez-vous à répondre aux sug-gestions que Cherie, avocate de re-nom, devra abandonner le barreaude Londres pour s’occuper du nou-veau-né ? Le président américain

Bill Clinton sera-t-il parrain... ?A toutes ces questions angois-

sées, « Number 10 » a invariable-ment répondu : « Le premier mi-nistre et Mme Blair sont ravis. » Leshoroscopes ne sont pas en reste.« Toujours souriant, content, d’untempérament égal » : tel sera Leo,de signe Taureau, et qui sera politi-cien avant trente ans, à en croireun astrologue cité dans le DailyStar.

« HEUREUX ACCIDENT »L’actualité rose des Blair fait re-

cette dans les kiosques parce quele bébé Leo met du piquant dansune actualité ulstérienne ou sierra-léonaise plus essentielle, mais plusdéprimante. Reste que l’« heureuxaccident », comme le qualifie avecperfidie un quotidien de qualité au

ton généralement posé, est de na-ture à propulser la cote de popula-rité chancelante du premier mi-nistre. Une épouse brillante, desenfants dans une école privée : To-ny Blair incarne un modèle plutôtchromo de la vie citadine londo-nienne qui contraste avec ses prin-cipaux adversaires politiques. Leleader de l’opposition conserva-trice, William Hague, est mariémais sans enfant. Le nouveaumaire de Londres, Ken Livingstone,sa bête noire, vit en concubinage,et le chancelier de l’Echiquier, Gor-don Brown, principal rival de Blairà l’intérieur du Labour est un céli-bataire endurci. Or, à lire les chro-niqueurs, dans l’Angleterre duNew Labour, la famille et les en-fants incarnent la modernité.

Le chef du gouvernement a tou-jours été soucieux de protéger savie privée. Intraitable même. Cettepréoccupation n’a pas empêchéses conseillers en communicationde faire parler du clan Blair dans legenre magazine de l’actualité heu-reuse. Un art consommé de la ma-nipulation médiatique de la vieprivée/publique qui n’a pas échap-pé au Sunday Telegraph (conserva-teur), lequel relève que Tony Blair« a fait d’un aspect familial de la viepolitique la matière même de soncharme... Mais quels que soient lesbénéfices politiques de la paternitéM. Blair est un homme responsable.Le moment approche où il devraconsacrer plus de temps au gouver-nement ». Bref, la politique n’estpas un jeu d’enfant.

Marc Roche

CETTE PÉRIODE de Palmesd’or, d’argent et tous autres mé-taux qui brillent nous incite àproférer une banalité sur les rap-ports cinéma-télévision. Commele grand écran, le petit a besoinde stars, tel le poisson rouge del’eau de son bocal. « La belleaffaire !, dira-t-on. Depuis laGrèce antique, c’est un phéno-mène bien connu dans le mondedu spectacle ! » Certes, mais cequi n’existait pas du tempsd’Eschyle, c’est cette capacité dela télé à faire des stars de n’im-porte qui et à tout propos. On sesouvient des leaders des révoltesdes routiers, à moustaches et enmarcel, surgis de la « base » pourdevenir des notoriétés hexago-nales, comme ce Tarzan qui a finisa carrière chez Jean Tiberi. Ou,plus récemment, de José Bové,tiré de la grisaille militante par lagrâce d’une image de menottesfièrement brandies. Or, dans ceconflit social des convoyeurs de

fonds qui s’éternise, la télévisionn’est pas encore parvenue à déni-cher la star de ces cibles mobilesà 6 000 balles par mois. Elle secontente pour l’instant de mettreen avant, côté travailleurs, lemeilleur second rôle des conflitsantérieurs dans le monde destransports, le chef syndicaliste FORoger Poletti. Un client solide,bien connu du public, gouaille etpopulisme garanti. En revanche,du côté patronal, on voit poindreune nouvelle étoile de la guerredes classes cathodiques, Jean-Michel Houry, PDG de la Brink’s.Un signe ne trompe pas : on ne secontente pas de l’interroger dansson bureau, on fait des plans delui marchant dans la rue. Ah ! laBrink’s ! Un nom qui fait rêver...Chicago des années 30... Les In-corruptibles... un mythe commePinkerton ou Wells-Fargo. Le pa-tron de sa branche françaisedevrait quand même songerqu’une firme aussi prestigieuse

que la Brink’s ne mégote paspour une prime de quelques cen-taines de francs mensuels.

La télévision ne se contentepas, d’ailleurs, de transformer enstar d’un jour, d’un mois ou d’uneannée des quidams (nous n’avonspas trouvé de féminisation de ceterme dans la nouvelle nomen-clature, quidame peut-être ?) sor-tis de l’anonymat. Elle peut ré-veiller la notoriété de vieillescélébrités éteintes comme desvolcans d’Auvergne. L’affaire duquinquennat a provoqué uncome-back fulgurant d’un Gis-card d’Estaing qui se révèle, danscette occasion, étincelant, pleind’humour, espiègle comme ungalopin qui vient de faire unebonne farce à la concierge. Ilcontraint les duettistes Chirac etJospin à surjouer leur rôle (genredéclaration de Matignon de ven-dredi) pour ne pas se faire volerla vedette par un Charles Vanelde la politique.

Stars éphémères par Luc Rosenzweig

DANS LA PRESSE

LIBÉRATIONJean-Michel Thénarda On ne compte plus les déra-pages verbaux et les provoca-tions de Jean-Pierre Chevène-ment depuis son entrée dans legouvernement de Lionel Jospin.Depuis quelques mois, il s’étaitgardé de tout excès et de toutepolémique avec ses collègues mi-nistres, au point que certainss’étonnaient de son silence. Hier,le locataire de la place Beauvauen est sorti de façon specta-culaire. Au risque, rien de moins,d’entacher les relations entre laFrance et l’Allemagne, à quel-ques semaines du début de la

présidence française de l’Unioneuropéenne.

LCIPierre-Luc Séguillona En assénant brutalement quel’Allemagne ne s’était « pas en-core guérie du déraillement qu’aété le nazisme », Jean-Pierre Che-vènement a été particulièrementmaladroit vis-à-vis de nos voi-sins d’outre-Rhin. Il s’est montréprofondément injuste à l’en-contre du ministre allemand desaffaires étrangères, Joschka Fis-cher, dont les amis ont précisé-ment milité pour que le droit dusol soit en Allemagne substituéau droit du sang. Mais, bien pirepeut-être, il a gâché l’opportuni-

té qui lui était offerte de susciteret de nourrir une réflexion poli-tique et géostratégique de fondsur le devenir de l’Europe. Si, eneffet, on considère avec atten-tion les propos tenus hier par leministre de l’intérieur, à l’excep-tion de cette phrase malheu-reuse, il sont d’une grande per-tinence. (...) Il est exact que,pour légitimes et intéressantesque soient les propositions deJoschka Fischer, elles s’inspirentdavantage du modèle fédéral au-quel sont attachés les Allemandsque de celui de la nation ci-toyenne chère aux Français.

THE NEW YORK TIMESa Alors que le président Clin-

ton se prépare à se rendre àMoscou le mois prochain, onnote des signes inquiétants ve-nus de Russie qui montrent quele nouveau président VladimirPoutine s’achemine vers une po-litique antidémocratique. Unraid gouvernemental, au débutde ce mois, contre une entreprisede presse et le bon accueil accor-dé récemment par Moscou auministre yougoslave de la dé-fense, qui a été inculpé par ail-leurs pour crimes de guerre, sug-gèrent un mépris envers lesvaleurs démocrat iques dontM. Clinton et ses conseillers fe-raient bien de tenir compteavant de se rendre au sommet deMoscou.

EN VUE

a Invité avec sa mère parl’université de Howard àWashington, le bébé, né ausommet d’un arbre pendant lesinondations de février auMozambique, s’est envolé vers lesEtats-Unis.

a Ripostant à « la marche dumillion de mères » contre la ventelibre des armes à feu, JudyJoiner, mère de neuf enfants,membre de la National RifleAssociation, le puissant lobby desarmes, a déclaré dimanche 21 maià Charlotte en Caroline du Nord :« Cela passe d’abord par l’artd’élever ses enfants ».

a « Il faudra passer sur moncadavre pour m’arracher le fusilque je tiens à la main », tonnait,dimanche 21 mai, à la tribune dela National Rifle Association, sonprésident l’acteur CharltonHeston, jadis Moïse à l’écran.

a Comme les douze jurés deKentucky, incapables de semettre d’accord, avaient joué lasentence à pile ou face avec unepièce d’un cent, Philip Given,condamné à perpétuité pouravoir tiré sur sa fiancé, serarejugé.

a « Tout le monde est saoul : lesmeurtriers et leurs victimes, lesnoyés, les suicidés, les conducteurset les passants tués dans desaccidents de la circulation, lesvictimes de crises cardiaques etd’ulcères », commente lequotidien Kommersant d’aprèsune étude révélant que deux-tiersdes hommes meurent en étatd’ébriété en Russie.

a Marta Casiraghi, maire deMissaglia, en Italie, protestantcontre les sacs poubellestransparents livrés auxmunicipalités par les agencespubliques d’hygiène urbaine, veutprotéger la vie privée de sesadministrés.

a Pour éviter le crottin qui souilleles rues au passage des calèches,la mairie de Vienne propose deculotter les chevaux.

a Le Canada, qui attend pouroccuper le tombeau du soldatinconnu à Ottawa lerapatriement, jeudi 25 mai, del’un de ses fils tombés en Francependant la première guerremondiale, s’engage à ne pasrecourir aux méthodesd’identification modernes quipourraient le sortir de l’incognito.

a Les cadets-canonniers de laRoyal Navy, qui ne sont plusautorisés à se servir d’obus réelspar mesure d’économie, devrontrégler des tirs fictifs en criant« Bang ! Bang ! » dans unmicrophone.

a Les eaux du barrage de Birecikqui ont déjà noyé l’antique citéd’Apamée, sur l’autre rive del’Euphrate, montent vers lesvestiges de Zeugma, la Pompéiturque, qu’elles engloutiront dansdix jours.

Christian Colombani

LeMonde Job: WMQ2305--0041-0 WAS LMQ2305-41 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 08:50 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0611 Lcp: 700 CMYK

R A D I O - T É L É V I S I O N LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / 41

SIGNIFICATION DES SYMBOLES

Les codes du CSA& Tous publics% Accord parental souhaitable? Accord parental indispensable

ou interdit aux moins de 12 ans! Public adulte

Interdit aux moins de 16 ans# Interdit aux moins de 18 ans

Les cotes des filmsa On peut voir

a a A ne pas manquera a a Chef-d’œuvre ou classiqueLes symboles spéciaux de Canal +DD Dernière diffusiond Sous-titrage spécial pour

les sourds et les malentendants

LUNDI 22 MAI

MARDI 23 MAI

GUIDE TÉLÉVISION

DÉBATS

15.10 Le Monde des idées.Thème : L’Euro et l’Europe.Invité : Jean-Paul Fitoussi. LCI

21.05 De la répudiationau divorce. Forum

22.10 L’Ecran témoin. La Chine met-elle de l’eau dans son communisme ? RTBF 1

22.35 Mots croisés. Impôt, épargnesalariale, nouvelle économie :les choix économiquesdu gouvernement. France 2

23.00 La Naissance d’Israël. Forum

MAGAZINES18.20 Nulle part ailleurs.

Invités : Canal +18.30 et 21.30 L’Invité de PLS.

Roger-Gérard Schwartzenberg. LCI19.30 Rive droite,

rive gauche. Paris Première20.15 et 23.15 Le Journal

de l’histoire. Histoire20.55 Hors série. Shanghaï, la ville

de tous les désirs. France 321.00 Lundi soir.

Invitées : Florence Arthaudet Elisabeth Guigou. Eurosport

21.05 Le Point.Des fonctionnaires dénonciateurs.L’art d’éviter les impôts. Retour des femmes au foyer. TV 5

22.40 Y a pas photo !Les histoires étonnantes et drôles des mamans. TF 1

23.00 Les Dossiers de l’Histoire.Mai-juin 1940,l’impensable défaite. France 3

0.00 Strip-tease. Perdu de vue.Alimentaire, mon cher Watson.Faites sauter la banque. France 3

0.40 Musiques au cœur.Eve raconte Mozart [2/2]. France 2

DOCUMENTAIRES20.15 Reportage.

Le cap Canaveral suédois. Arte21.00 Le piège Corse. Régions 21.00 Histoire de la symphonie.

[6/6]. Chostakovitch. Mezzo21.45 Légendes. Mère Theresa. Téva21.50 La Ville blessée. Planète22.45 Divorce, quand le rabbin

s’en mêle... Planète22.55 Ray Mears, un monde

de survivance. [2/6]. Odyssée23.30 Vedettes sans maquillage. Festival

0.15 Tableaux SDF. [2/2]. Planète

0.25 Voyages d’Orient.La route du henné. Odyssée

1.00 La Case de l’oncle Doc. Nos traces silencieuses. France 3

MUSIQUE

21.00 Soirée La Monnaie. Rigoletto. Miseen scène de Stéphane Braunschweig.Par l’Orchestre symphonique et les Chœurs de la Monnaie,dir. Vladimir Jurowski.23.00 La Calisto. Mise en scène deHerbert Wernicke. Par le ConcertoVocale, dir. René Jacobs. Muzzik

22.30 « Quatuor à cordes no 3 »,de Chostakovitch. Avec Mikhaïl Kopelman, violon ; AndreïAbramenkov, violon ; Dmitri Chebaline, alto ; Valentin Berlinski, violoncelle.Par le Quatuor Borodine. Mezzo

23.00 « Rhapsody in Blue ». Avec ClaireDésert, piano. Par l’Orchestre nationaldes Pays-de-la-Loire, dir. Hubert Soudant. Mezzo

0.40 Queen. Montréal, 1982. Canal Jimmy

TÉLÉFILMS22.35 Meurtres, mode d’emploi.

Fred Gerber. %. RTL 922.45 Les Pédiatres.

Daniel Losset [1/4]. TMC

COURTS MÉTRAGES22.25 Court-circuit.

Le Clown blanc ; Le Pourboireou la Pitié ; Une nouvelle douceur. Arte

SÉRIES20.35 Friends. The One Where Ross

Dates a Student (v.o.). Canal Jimmy20.50 Les Enfants du printemps.

Les Copains d’abord. France 220.55 Une famille formidable.

Le Clash. TF 121.15 3e planète après le Soleil.

A Friend in Dick (v.o.). &. Série Club

23.05 New York Police Blues. Double vue. TSR

23.05 First Wave. Une prière pour l’homme blanc. 13ème RUE

FRANCE 220.50 Les Enfants du printempsIls sont jeunes, pleins d’espoirs, etcroient dur aux valeurs de gauche.En plus d’avoir voté pour FrançoisMitterrand, ils font partie d’unemême chorale, celle d’Evry. Leurhistoire s’étire sur une douzained’années, de 1981 à 1993, et se dé-cline en trois volets, réalisés parMarco Pico. Une chronique douce-amère sur une génération flouée,coécrite par Jean-Michel Gaillard.Suite mardi et mercredi.

PARIS PREMIÈRE21.00 Music Box a a a

A Chicago, Michael Laszlo, Hon-grois émigré depuis 1952 et natura-lisé, est convoqué au bureau desenquêtes sociales. Il est accuséd’avoir été un criminel de guerreau service des nazis, en 1944-1945.Sa fille Ann (Jessica Lange), avo-cate, est persuadée qu’il s’agitd’une erreur. Laszlo doit être tra-duit en justice et Ann décide d’as-surer sa défense. Un procès contrel’oubli des crimes de guerre. Env.o.

FRANCE 323.00 Mai-juin 1940,l’impensable défaiteSi l’on fait abstraction du ton gran-diloquant du commentaire, ce tra-vail d’historiens, de constructiontrès universitaire, se révèle pas-sionnant. Christian Franchet d’Es-perey, Georgette Elgey, MauriceVaïsse et le réalisateur AntoineLéonard Maestrati convoquent,souvent sur le terrain même de labataille, experts français, anglais etallemands.

GUIDE TÉLÉVISION

DÉBATS

21.00 Morale et archéologie. Forum

22.00 Les Chercheurs de trésors. Forum

23.00 Algérie, la douleurmuette des enfants. Forum

MAGAZINES

14.30 La Cinquième rencontre... Justice, société : La violencedes jeunes est-elle une maladiede société ? La Cinquième

14.58 Questionsau gouvernement. France 3

16.05 Saga-Cités. Un sièclede logement social [1/3]. France 3

17.00 Les Lumières du music-hall.Charles Dumond.Annie Cordy. Paris Première

17.15 et 20.15, 23.15 Le Journal de l’histoire. Histoire

18.20 Nulle part ailleurs. Invité : Marc Ribot. Canal +

18.30 et 21.30 L’Invité de PLS. LCI

19.00 Archimède. Voir : 11 août 1999.Pourquoi : La Voie lactée. Expérience :Le bassin de Lucy. Sciences animées :Famille nombreuse. Application : Carnet de bord. Arte

19.30 et 0.15 Rive droite, rive gauche. Paris Première

20.50 Toutes les télés.The Awfull Truth. M 6

20.55 Les Bêtises de Monsieur Pierre.Invités : Peggy Bouchet ;Sandrine Alexis ; Sophie Garel ;Yves Lecoq ; Stéphane Bern. France 3

21.00 Le Gai Savoir. Le bonheur. Invités : Patrice de Méritens ;Jean-Denis Bredin ; Jean-ClaudeLamy ; Henri Emmanuelli ; Henry Plagnol ;Michel Déon. Paris Première

22.10 100 % 2000. Faut-il parler de sexe à la télévision ? TSR

22.15 Ça se discute. Que reste-t-il des hommes ? TV 5

22.45 Sud. Les bouches de Bonifacio.L’amphithéâtre de Molleges. Leprintemps des arts. Sud Emploi. Coupde cœur. Sports. Invités : AlainFondary ; Jean-Yves Le Dreff. TMC

23.20 Le Droit de savoir.Jeune à tout prix : enquête sur un marché sous surveillance. TF 1

0.50 Zone interdite. Enfance violée : la Brigade des Mineurs enquête. M 6

0.55 P.I.N.K. Les bureaux de tendance.Pop’art trash. Le Fooding. Les nuitsà Tokyo. Séance Léa. France 2

DOCUMENTAIRES

18.30 Mir 18,destination l’espace. TMC

20.15 Reportage. L’Hôpitalflottant des montagnes. Arte

20.30 Des gens qui bougent.[6/6]. Planète

20.45 La Vie en face. Le Rêve de Perla. Sur les tracesdes nains d’Auschwitz. Arte

21.00 Ils ont fait l’histoire. Vittorio Mussolini.Le cinéma fasciste. Histoire

21.30 Les Ossementsde la colère. Planète

21.35 Les Singes de la forêt inondée. [8/13]. Odyssée

22.00 Bartoli et Vivaldi. Mezzo

22.05 Jorge Luis Borges. [8/9]. Histoire

22.15 Ousmane Sow, le soleil en face. Canal +

22.20 Sur les traces de la nature.[8/13]. Planète

22.20 36, le bel été. Odyssée

22.25 Danger réel. Futur fantastique : la planète qui rétrécit. 13ème RUE

23.25 SOS véto. France 3

23.25 California Visions. Canal Jimmy

23.35 Thema. Les Sœurs Brontë et la Gent masculine. Arte

23.45 La Vie en face. Sigmund Freud, l’inventionde la psychanalyse. [2/2]. TSR

0.05 La Ville blessée. Planète

0.05 Le Phénomène Queen. Canal Jimmy

0.05 Football, du rêve à la réalité. Conted’Angleterre. Odyssée

SPORTS EN DIRECT

15.30 Cyclisme. Tour d’Italie (10e étape) : S. Marcello Pistoiese -Padoue (257 km). Eurosport - TSR

20.30 Boxe. Combat international.Poids super-légers. SouleymaneMbaye - Karim Bouali. Eurosport

20.40 Football.Championnat d’Italie :Inter Milan - Parme. Canal+ vert

MUSIQUE

18.30 Beethoven. Avec Georges Pludermacher, piano.Sonate no 21 en ut majeur, op. 53 ». 20.30 Sonate no 26 en mi bémol majeur,op. 81. 21.05 Sonate no 11 en si bémolmajeur, op. 22. Muzzik

19.30 Poulenc, Brahms,Berg et Debussy.Lors du festival des Nouveaux Talents,en 1999. Avec Chiao-Hui Yang,clarinette ; Ying Feng, piano. Mezzo

20.20 Viola de Bruno Maderna. Œuvre de Maderna. Avec David Gaillard, alto. Mezzo

21.35 Leon Fleisher dirige Haydn,Bacewicz et Cherubini.Par le Mahler Chamber Orchestra. Symphonie no 49»,dite La Passion, de Haydn. Muzzik

23.00 « Porgy and Bess ». Mise en scènede Trevor Nunn. Par l’Orchestrephilharmonique de Londres,dir. sir Simon Rattle. Mezzo

23.10 « Sonate no 4 en mi bémol majeur,op. 7 ».Œuvre de Beethoven. Avec GeorgesPludermacher, piano. Muzzik

23.45 Nice Jazz Festival 1999. (programme 5). Lucky Peterson, Acoustic Blues Summit. Muzzik

TÉLÉFILMS

20.30 La Vie à trois. Christiane Lehérissey. Festival

20.50 L’Oncle Paul. Gérard Vergez. RTBF 1

21.40 Hurlevent. David Skynner. Arte

22.15 La Voyageuse du soir. Igaal Niddam. Festival

23.05 Ce que vivent les roses.Bill Corcoran. %. M 6

0.50 Jeu de massacre.Jean-Teddy Filippe. Arte

0.55 Gideon Oliver.John Patterson. 13ème RUE

COURTS MÉTRAGES

0.20 Libre court. Le Passeur ; Les Vieux Jour. France 3

SÉRIES

18.05 Mannix. La dernière passe. 13ème RUE

19.30 Mission impossible. Gitano. &. Série Club

20.45 Le Caméléon.Affaire de famille. &. A l’heure de notre mort. &. Série Club

20.50 Les Enfants du printemps.En haut de l’affiche. France 2

21.35 Gabriel Bird, profession enquêteur.20 ans après. 13ème RUE

21.40 Ally McBeal. Pursuit of Loneliness. Téva

22.00 Friends. The One Where Ross Dates aStudent (v.o.). &. Canal Jimmy

22.25 Spawn. Un type parfait (v.o.). %. Canal Jimmy

22.40 Suspect no 1.Sphères d’influence. %. France 2

22.55 Absolutely Fabulous.Vive le régime ! (v.o.). %. Canal Jimmy

23.00 Once & Again.The Gingerbread House (v.o.). Téva

23.20 New York District. Le blues de l’assassin (v.o.). 13ème RUE

23.50 3e planète après le Soleil.A Friend in Dick (v.o.). &. Série Club

CINÉ CINÉMAS 218.55 Un dimancheà la campagne a a

Un dimanche d’été, en 1912. Unvieil homme retiré à la campagnereçoit comme d’habitude son filset la famille de celui-ci. L’arrivéeimprévue de sa fille vient tout bou-leverser. Entre le réalisme psycho-logique le plus délicat et l’évoca-tion proustienne des sensationsenfouies dans la mémoire, Ber-trand Tavernier signe un des plusbeaux films français des années 80.

TF 120.55 Forrest GumpSur une place de Savannah, unhomme jeune à l’allure candide,assis sur un banc, raconte à desgens attendant le bus sa drôle devie. Né à la fin des années 40, avecun quotient intellectuel inférieur àla moyenne, il est devenu malgrélui un super-héros. Une suite depetites fables sur le mode de vieaméricain et la vie politique. Cettecomédie agréable, signée RobertZemeckis, est parfois émouvante.

CANAL+22.15 Ousmane Sow,le soleil en faceAu printemps 1999, la rétrospec-tive Ousmane Sow amenait troismillions de visiteurs sur le pont desArts, à Paris. Béatrice Soulé, quiavait déjà consacré un film à l’ar-tiste, revient sur l’événement et surla création, par le sculpteur séné-galais, de sa série sur la bataille deLittle Big Horn. De belles images ;malheureusement, le sculpteur nes’exprime pas sur son art.

FILMS19.30 Elle et lui a a

Leo McCarey (EU, 1938, N., v.o., 90 min) &. Cinétoile

20.30 Le Train. a aJohn Frankenheimer (Fr. - EU, 1964, N., v.o., 140 min) &. Ciné Classics

20.30 A la poursuite du diamant vert a aRobert Zemeckis (Etats-Unis, 1984, 105 min) &. Ciné Cinémas 1

20.30 Sous le soleil de Satan a a aMaurice Pialat (France, 1987,95 min) &. Cinéstar 1

20.35 Men in Black a aBarry Sonnenfeld (Etats-Unis, 1997, 100 min) &. TSR

21.00 Music Box a a aCosta-Gavras (EU, 1989, v.o., 125 min). Paris Première

21.00 La Leçon de piano a a aJane Campion (Fr. - Austr., 1992, 120 min) &. Cinéstar 2

22.15 Un dimanche à la campagne a aBertrand Tavernier (France, 1984, 90 min) &. Ciné Cinémas 1

22.40 Un homme et une femme a aClaude Lelouch (France, 1966, 100 min) &. Ciné Cinémas 2

22.45 Les Seigneurs a aPhilip Kaufman (Etats-Unis, 1979, 115 min) !. Canal Jimmy

23.00 La Vie devant soi a aMoshe Mizrahi (France, 1977, 90 min) &. Téva

23.05 Frances a aGraeme Clifford (EU, 1982, v.o., 140 min). Paris Première

23.45 L’Arbre aux sabots a a aErmanno Olmi (Italie, 1978, 180 min) %. Ciné Cinémas 1

0.35 Vacances prolongées a a aJohan Van der Keuken (PB., 1999, v.o., 140 min). Arte

FILMS13.15 Quand passent

les cigognes a aMikhaïl Kalatozov (Urss, 1957, N., 105 min) &. Histoire

13.50 New York 1997 a aJohn Carpenter (Etats-Unis, 1981, 105 min) &. Cinéfaz

14.40 Stella a aClaude Binyon. Avec Ann Sheridan,Victor Mature (EU, 1950, N.,v.o., 85 min) &. Ciné Classics

14.45 La Leçon de piano a a aJane Campion (Fr. - Austr., 1992, 115 min) &. Cinéstar 1

17.50 La Ciociara a aVittorio De Sica (Italie, 1960, N., 100 min) ?. Cinétoile

18.00 Les Roseaux sauvages a aAndré Téchiné (France, 1994, 115 min) %. Ciné Cinémas 1

18.55 Un dimancheà la campagne a aBertrand Tavernier (France,1984, 95 min) &. Ciné Cinémas 2

19.05 Barton Fink a a aJoel et Ethan Coen (EU, 1991, 115 min) &. Cinéstar 2

19.50 Bernard et Bianca a aWalt Disney (Etats-Unis, 1977, 90 min). Disney Channel

20.30 La Déchirure a aRoland Joffé (GB, 1984, 140 min) %. Ciné Cinémas 2

21.00 Underground a aEmir Kusturica (Fr. - All., 1995, 170 min) &. Cinéstar 2

21.35 Sous le soleil de Satan a a aMaurice Pialat (France, 1987, 95 min) &. Cinéstar 1

21.55 Gunga Din a aGeorge Stevens (EU, 1939, N., v.o., 120 min) &. Ciné Classics

22.20 Happiness a aTodd Solondz (Etats-Unis, 1998, 140 min) ?. Canal + Vert

22.30 Le Pigeon a aMario Monicelli (It., 1958, N., v.o., 105 min). Paris Première

23.30 Mariage royal a aStanley Donen. Avec Fred Astaire,Jane Powell (EU, 1951, v.o., 95 min) &. Cinétoile

0.00 De beaux lendemains a aAtom Egoyan (Canada, 1997, 110 min) %. Ciné Cinémas 1

1.05 Une chambre en ville a aJacques Demy (France, 1982,90 min) &. Cinétoile

PROGRAMMES

TÉLÉVISION

TF 119.00 Etre heureux comme...19.05 Le Bigdil.19.55 Hyper Net.20.00 Journal, Météo.20.55 Une famille formidable.

Le Clash.22.40 Y a pas photo !

Les histoires étonnantes et drôles des mamans.

0.10 Spécial sport.0.45 F 1 magazine.

FRANCE 218.20 Face caméra. 18.45 Friends. 19.15 Qui est qui ?19.50 Un gars, une fille.20.00 Journal, Météo.20.50 Les Enfants du printemps.

Les Copains d’abord. Téléfilm. Marco Pico [1/3].

22.35 Mots croisés.0.10 Journal, Météo.

FRANCE 3

18.20 Questions pour un champion.18.48 Un livre, un jour. Turin.

18.50 Le 19-20 de l’information, Météo.20.05 Tout le sport. 20.20 Défi de famille.20.55 Hors série. Shanghaï,

la ville de tous les désirs.22.30 Météo, Soir 3.23.00 Les Dossiers de l’Histoire.

Mai-juin 1940, l’impensable défaite.

0.00 Strip-tease.

CANAL +

f En clair jusqu’à 20.4018.20 Nulle part ailleurs.19.05 Le Journal du sport.20.30 Le Journal du cinéma.20.40 Les séries font leur cinéma :

Chapeau melon et bottes de cuir. Film. Jeremiah Chechik &.22.05 Cinéma de quartier.22.20 Galactica, la bataille de l’espace.Film. Richard A. Colla &. 0.20 Le Plus Secret des agents secrets. Film. Clive Donner &. 1.55 Les Daleks envahissent la Terre aFilm. Gordon Flemyng &. 3.25 L’Espion au chapeau vertFilm. Joseph Sargent &.

ARTE19.00 Nature.19.45 Arte info, Météo.20.15 Reportage.

Le cap Canaveral suédois.20.45 ... Comme elle respire

Film. Pierre Salvadori &.22.25 Court-circuit :

Le Clown blanc. Lyèce Boukhitine.23.55 Le Pourboire ou la Pitié. Myriam Aziza. 0.20 Une nouvelle douceur.Alexandra Rojo.

22.30 Le Voyage de Paul Film. René Heisig (v.o.).

0.35 Vacances prolongées a a aFilm. Johan Van der Keuken (v.o.).

M 619.15 Cosby Show. 19.50 I-minute.20.05 Notre belle famille. 20.40 Décrochages info, Cinésix.20.50 Légendes d’automne

Film. Edward Zwick &.23.10 Hooligans. Film. Philip Davis ?.1.05 Jazz 6. Dianne Reeves.

RADIO

FRANCE-CULTURE19.30 L’Economie en questions. 20.30 Décibels. 22.10 Multipistes.22.30 Surpris par la Nuit. 0.00 Du jour au lendemain. 0.35 Chansons dans la nuit.

FRANCE-MUSIQUES20.00 Stravinsky, Mozart, Beethoven.

b Par l’Orchestre nationalde France, dir. Christof Perick.

22.30 Jazz, suivez le thème. The Masquerade Is over.

23.00 Le Conversatoire. 0.00 Tapage nocturne.

RADIO CLASSIQUE19.30 Classique affaires soir.20.15 Les Soirées.

Œuvres de Bach, Haendel.20.40 Stendhal et la voix, plaisir,bonheur, passions... Œuvres de Mozart,Rossini, Corelli, Rossini, Sacchini,Giordani, Cimarosa.

22.53 Les Soirées... (suite). Œuvres de Chabrier, Debussy, Roussel,Schmitt.

PROGRAMMES

TÉLÉVISION

TF 113.55 Les Feux de l’amour.14.45 La loi est la loi.15.45 Magnum.16.40 Pacific Blue.17.35 Sunset Beach.18.25 Exclusif.19.00 Etre heureux comme...19.05 Le Bigdil.19.55 Hyper Net.20.00 Journal, Météo.20.55 Forrest Gump

Film. Robert Zemeckis.23.20 Le Droit de savoir.

Jeune à tout prix : enquêtesur un marché sous surveillance.

0.40 Les Rendez-vous de l’entreprise.

FRANCE 213.55 Un cas pour deux.16.00 La Chance aux chansons.16.55 Des chiffres et des lettres.17.25 et 22.35 Un livre, des livres.

Prix littéraire France-Télévision.17.30 Nash Bridges.18.20 Face caméra.18.45 Friends.19.15 Qui est qui ?19.50 Un gars, une fille.20.00 Journal, Météo.20.50 Les Enfants du printemps.

[2/3] En haut de l’affiche.Téléfilm. Marco Pico.

22.40 Sphères d’influence.Téléfilm. Sarah Pia Anderson %.

0.30 Journal, Météo.

FRANCE 313.20 Régions.com.13.47 Keno.13.55 et 1.15 C’est mon choix.14.48 Le Magazine du Sénat.14.58 Questions au gouvernement.16.05 Saga-Cités.

Un siècle de logement social [1/3].16.35 Les Minikeums.17.45 Le Kadox.18.20 Questions pour un champion.18.48 Un livre, un jour. Turin.18.50 Le 19-20 de l’information, Météo.20.05 Tout le sport.20.20 Défi de famille.20.55 Les Bêtises de Monsieur Pierre.22.50 Météo, Soir 3.23.25 S.O.S. véto.0.20 Libre court.

CANAL +

13.45 Ainsi va la vieFilm. Forest Whitaker &.

15.45 Le Pire des Robins des Bois.16.05 L’Eternité et un jour a a

Film. Théo Angelopoulos &.

f En clair jusqu’à 20.4018.20 Nulle part ailleurs.20.30 Le Journal du cinéma.20.40 Les Puissants. Film. P. Chelsom &.22.15 Ousmane Sow, le soleil en face.23.15 Football. Championnat

d’Italie : Inter Milan - Parme.

LA CINQUIÈME/ARTE14.30 La Cinquième rencontre...

La violence des jeunes est-elleune maladie de société ?

16.00 Les Grandes Manœuvres.16.30 Alfred Hitchcock présente.17.00 Galilée : Villes en limite.17.10 Qu’est-ce qu’on mange ? Le lait.17.30 100 % question.17.55 Eléments déchaînés.18.30 La Coopération dans la nature.19.00 Archimède.19.45 Arte info, Météo.20.15 L’Hôpital flottant

des montagnes.20.45 La Vie en face. Le Rêve de Perla.

Sur les traces des nains d’Auschwitz.21.35 Thema. Les sœurs Brontë.

21.40 Hurlevent.Téléfilm. David Skynner.23.35 Les Sœurs Brontëet la Gent masculine.0.25 Les Sœurs Brontë aujourd’hui.0.45 Biblio.

M 613.35 Passion dévorante.

Téléfilm. Steven Hilliard Stern &.15.20 Code Quantum.16.15 M comme musique.17.20 Bugs.18.25 Loïs et Clark.19.15 Cosby Show.19.50 I-minute, Le Six Minutes, Météo.20.05 Notre belle famille.20.40 E = M 6 découverte.20.50 Toutes les télés.23.05 Ce que vivent les roses.

Téléfilm. Bill Corcoran %.0.50 Zone interdite.

RADIO

FRANCE-CULTURE

20.30 Accord parfait.Festival d’Auvers-sur-Oise.

21.30 Fiction 30. Un Bardo, ou sinon rien,d’Antoine Volodine.

22.10 Multipistes.22.30 Surpris par la Nuit.

Les Grands Boulevards.

FRANCE-MUSIQUES

20.00 Un mardi idéal.Invités : Artango et son quatuorà cordes ; Florin Niculescu ; ChristianEscoudé ; Cédric Tiberguien ; Sapho ;Marie Devellereau.

22.30 Jazz, suivez le thème.23.00 Le Conversatoire.

Invité : Dominique de Williencourt.

RADIO CLASSIQUE

20.15 Les Soirées. Souvenir d’un lieu cher,de Tchaïkovski, dir. M. Pletnev ; Feuxd’artifice, de Stravinsky, dir. R. Chailly.

20.40 Récital de Gianluca Cascioli.Œuvres de Bach, Beethoven, Brahms.

22.10 Les Soirées... (suite).Symphonie no 9, de Mahler,par l’Orchestre symphonique deChicago, dir. Pierre Boulez ; Quatuorà cordes op. 77 no 2, de Haydn,par le Quatuor Alban Berg.

LeMonde Job: WMQ2305--0042-0 WAS LMQ2305-42 Op.: XX Rev.: 22-05-00 T.: 11:00 S.: 111,06-Cmp.:22,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0612 Lcp: 700 CMYK

42

MARDI 23 MAI 2000

« Vache folle » : la France étudiele dépistage de la maladie chez l’homme

Cette initiative soulève de graves questions éthiquesÀ LA DEMANDE de la direction

générale de la santé, l’Institut na-tional de veille sanitaire (InVS) étu-die les modalités du dépistage,chez l’homme, de la nouvelle va-riante de maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ), affection mortelledue à la transmission par voie ali-mentaire de l’agent de l’encéphalo-pathie spongiforme bovine (ESBou maladie de la « vache folle »).

Des études sur le même thèmesont, d’autre part, menées au seindu comité des experts français desmaladies à prions, que préside ledocteur Dominique Dormont(Commissariat à l’énergie ato-mique). Des réponses concrètes se-ront fournies dans les prochainessemaines. Les premières tentativesexpérimentales de dépistage chezl’homme pourraient suivre.

Les autorités sanitaires fran-çaises disposent, depuis peu, desrésultats préliminaires de la cam-pagne de dépistage lancée – pourla première fois au monde – enGrande-Bretagne (Le Monde du2 mai). Les autorités britanniquesont lancé un programme de vingtmille tests devant être pratiqués

sur des tissus provenant d’abla-tions d’amygdales ou d’appendiceset conservés depuis plusieurs an-nées dans des laboratoires d’anato-mie pathologique.

On sait que ces tissus humainspeuvent, plus que d’autres, êtreporteurs de l’agent infectieux. Lesrésultats, rendus publics le 28 avril,concernent un peu plus de 4 000tests et sont a priori rassurants :aucun des tissus testés n’est por-teur de l’agent pathogène. Pour au-tant, les autorités sanitaires britan-niques se refusent, prudemment, àtout optimisme.

STIGMATES BIOLOGIQUESEn France, où l’on pense que la

population à été cinq fois moinsexposée au risque infectieux, legroupe de travail de l’InVS et lesexperts du comité Dormont étu-dient les conditions de faisabilitéd’une étude similaire. Les modali-tés d’une campagne de ce typepourraient toutefois, à court etmoyen terme, être modifiées au vudes résultats des travaux expéri-mentaux en cours conduits enGrande-Bretagne, en France et aux

Etats-Unis, et qui visent, notam-ment, à déterminer si l’on peut re-trouver dans le sang les stigmatesbiologiques de l’infection del’agent pathogène de la nvMCJ.Dans un tel cas, de nouvelles tech-niques de diagnostic pourraientêtre mises au point permettantd’organiser des campagnes de dé-pistage de masse du même typeque celles conduites vis à vis del’infection par le VIH.

Les chercheurs qui mènent cestravaux mesurent pleinement au-jourd’hui la somme des questionssanitaires et éthiques qu’ils posent.Il faudra, notamment, déterminerla nature de l’information qui de-vrait – ou non – être donnée auxpersonnes pouvant être en phased’incubation de cette maladie neu-rodégénérative contre laquelle onne dispose d’aucun traitement.Dans un entretien accordé à LaCroix (daté du 22 mai), le profes-seur Lucien Abenhaïm, directeurgénéral de la santé, indique qu’il a,sur ce thème, saisi le Comité natio-nal d’éthique.

Jean-Yves Nau

F.-O. Giesbertdevrait prendrela directiondu « Point »

UNE SEMAINE après l’annoncede son départ du Figaro, dont ilétait directeur des rédactions (LeMonde du 16 mai), Franz-OlivierGiesbert, 51 ans, rejoint Le Point,où il devrait remplacer Claude Im-bert, 70 ans, à la direction del’hebdomadaire à partir du 1er sep-tembre. Fondateur du titre en1972, ce dernier conservera sonéditorial. M. Giesbert a été direc-teur de la rédaction du Nouvel Ob-servateur avant d’entrer au Figaroen 1988. Il avait récemment expri-mé son désaccord avec la rénova-tion du quotidien.

Cette arrivée, confirmée lundi22 mai, s’accompagne d’une réor-ganisation interne du magazine.Actuel directeur de la rédaction,Jean Schmitt, 63 ans, laissera saplace, le 1er août, à son adjoint Mi-chel Colomès. Selon BernardWouts, PDG du Point, ce change-ment « concilie la continuité et lerenouvellement » à la tête de l’heb-domadaire – propriété d’Artémis,holding patrimonial de FrançoisPinault –, dont la diffusion Francepayée s’est établie à 301 423 exem-plaires en 1999 (+ 2,2 %).

Sierra Leone : 270 casques bleussont toujours otages des rebelles

DÉPÊCHEa ESPACE : une sortie de plus de six heures a été effectuée, lundi22 mai, par deux astronautes américains, pour procéder à des travauxde réparation sur l’embryon de station spatiale internationale. Ils fontpartie des sept membres d’équipage de la navette Atlantis, lancée ven-dredi 19 mai de cap Canaveral (Floride) pour une mission de dix jours.– (Reuters, AFP.)

Tirage du Monde daté dimanche 21-lundi 22 mai 2000 : 590 856 exemplaires. 1 - 3

FREETOWN. Cinquante-quatrecasques bleus des Nations unies,otages des rebelles sierra-léonaisdu Front révolutionnaire uni (RUF),ont été libérés et sont arrivés àFreetown dans la nuit de dimancheà lundi 22 mai. Ces soldats del’ONU, parmi lesquels figuraientplusieurs blessés, arrivaient deMonrovia, la capitale du Liberia, enprovenance de la brousse sierra-léonaise, où ils étaient détenus de-puis le début du mois.

Près de deux cents casques bleusont au total été libérés sur cinqcents otages au début de la crise,début mai. Quelque deux centsoixante-dix soldats de l’ONU res-taient, lundi matin, aux mains duRUF. Selon le porte-parole del’ONU à Freetown, les cinquante-quatre casques bleus libérés di-manche comprennent, outre deuxobservateurs militaires, des soldatszambiens et kenyans. Les casquesbleus sont interrogés dès leur arri-vée sur leurs conditions de déten-tion et n’ont pas de contacts avec lapresse.

Depuis l’arrivée le 18 mai à Free-town, toujours en provenance deMonrovia, d’un groupe de treizesoldats de l’ONU, aucun des déte-nus du RUF n’avait franchi la fron-tière entre la Sierra Leone et le Li-beria. Même si l’ONU se disaitofficiellement « optimiste », le pro-cessus de libération engagé par lamédiation du président Taylor sem-blait bloqué. Les responsables del’ONU ne pouvaient expliquer lesraisons de ce blocage et se bor-naient à récuser tout lien entre leslibérations et l’arrestation, le 17 maià Freetown, du chef historique duRUF, Foday Sankoh.

Le porte-parole de l’ONU rappe-lait, comme précédemment, que lesNations unies continuaient de faireconfiance aux efforts du présidentlibérien Charles Taylor. Considérécomme proche du RUF, celui-ci aété chargé par ses pairs de dénouerla crise des otages, le 9 mai à Abuja,lors d’un sommet des dirigeants deneuf pays de la Communautééconomique des Etats de l’Afriquede l’Ouest (Cedeao). – (AFP.)

Rupert Murdoch tendla main à TF 1 et à Canal+LE PDG DU GROUPE NEWS CORP., Rupert Murdoch a laissé une porteouverte à TF 1 et à Canal+, pour envisager des partenariats en commun.Dans un entretien au Figaro de lundi 22 mai, il indique : « Cela nous plai-rait bien de voir TF 1 et d’autres se joindre à nous pour élargir le partena-riat que nous avons avec Telecom Italia dans Stream [le bouquet numé-rique italien] Mais Telecom Italia doit donner son accord ». À propos deVivendi, il affirme : « Nous ne souhaitons ni les racheter ni les séduire ».Quand à un éventuel échange des actions de BSKyB détenues par Viven-di contre une participation dans la nouvelle plateforme Platco, son PDGn’y est pas hostile : « S’ils veulent entrer dans cette entreprise beaucoupplus importante (que BSkyB), ils seront les bienvenus », tout en précisantque « News Corp. sera l’actionnaire majoritaire de Platco ».

Les compulsifs par Pierre Georges

ENCORE qu’il puisse y avoir del’incongruité à le formuler ainsi,c’est un fait : la vieille dame enfuchsia, bonbonnière écrivante,barbe-à-guimauve, pondait un ro-man par quinzaine. Sidérant ! Bar-bara Cartland ou l’inépuisable ro-binet d’eau de rose. 723 ouvragesde dame tricotés cœur, bon an,mal an. Et l’amour, toujoursl’amour, l’amour des Amours jouf-flus soufflant la céleste et prudemusique des histoires roma-nesques, loin des alcôves et, paraît-il, de l’abominable sexe.

Un quart d’heure avant sa mort,Barbara Cartland écrivait encore.C’est une image bien sûr et une la-palissade évidemment. Elle écrivaitencore, ou, plutôt, dictait toujours.6 000 mots par jour ! Un vrai mo-teur à inspiration ! De quoi haras-ser la muse et, révérence parler,tuer, sous elle, un escadron de se-crétaires. Car voici bien le plusétrange, le plus farfelu aussi, surses vieux jours qui commencèrentil y a bien longtemps, Barbara Car-tland n’écrivait plus ses romans.Elle les racontait, mot à mot, songeéveillé de bonheurs romanesques.Inscrivez, greffière, « et il lui de-manda sa main ! ». Début et fin del’histoire.

6 000 mots par jour ! Queltorrent, quelle mécanique aussique cette rose mécanique, jamais àcourt d’idées ni de combustible !On y revient, fasciné, vaguementdestabilisé, comme toute personneayant, peu ou prou, un rapportavec le délicat commerce des motset tombant sur un phénomène na-turel à énergie renouvelable. Unmoulin à mots, écrivant en parlant,parlant en écrivant, écrivant endormant, dormant en roman.

Sa vie fut un roman, 723 ro-mans ! L’avalanche rose, l’amour,comme neiges, éternel. Il setrouve, que, par un hasard in-croyable ou une chance inouïe,celle de passer entre les titres

comme entre les gouttes, on n’ajamais lu du Barbara Cartland. Nientrepris, fût-ce en roman de gare,le moindre voyage en Barbara Lo-veland. Il n’y a là ni de quoi se van-ter, ni d’ailleurs de quoi se lamen-ter à l’excès. C’est ainsi. On en a lu,et de pires, mais pas elle. D’où cefâcheux remords, parler d’un Hi-malaya de livres, 1 milliard vendus,sans avoir apporté la moindrepierre à l’édification de la murailleparfumée. Mais, après tout, onimagine assez que n’en ayant luaucun, on les a tous lus. Tant legenre fit école, de la littérature àrépétition et des auteurs compul-sifs.

Un quart d’heure avant sa mort,à 98 ans, Barbara Cartland sévis-sait encore, propriétaire exclusivede son universelle bibliothèquerose et déjà comme embaumée vi-vante. Fauchée en pleine et éter-nelle romance, en somme ! Lesmots ont fini par avoir l’ultimemot.

Les mots justement, et une tran-sition pas facile. Comment passerde Cartland en Chevènement ?C’est que notre ministre de l’inté-rieur, lui, et s’agissant de l’Alle-magne, n’y est pas allé avec le dosdes mots ! S’agissant de nos voi-sins et désormais amis, Jean-PierreChevènement a remis, verbale-ment, la tenue bleu mémoire et lecasque modèle Lion de Belfort,pour dire que ceux-ci n’étaientpas guéris. Et notamment « quel’Allemagne n’était pas totalementguérie du déraillement du na-zisme ». Le propos était évidem-ment plus large que ne donneraità le penser une phrase aussi bru-tale. Il s’agissait de qualifier etcombattre les positions et propo-sitions allemandes sur l’Europe.En somme, dira François Hol-lande, il s’agissait d’une « ana-lyse ». Certes, certes. Mais alors,une analyse d’une colossale etcompulsive finesse d’expression !

LeMonde Job: WDE2100--0001-0 WAS MDE2100-1 Op.: XX Rev.: 20-05-00 T.: 12:17 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0189 Lcp: 700 CMYK

MARDI 23 MAI 2000

Paradis fiscaux : l’Europe priéede balayer devant sa porte

Deux listes de territoiresimpliqués dans ladélinquance financièrevont paraître début juin.L’Union connaîtelle-même des pratiquesfiscales déloyales

C onseil de l’Europe, traitéde Rome, accords deSchengen, traité de Maas-tricht : à l’ombre de cette

Europe en construction visible, offi-cielle et respectable, se cache uneautre Europe plus discrète, moinsavouable. C’est l’Europe des paradisfiscaux qui, des îles Anglo-Nor-mandes au rocher de Gibraltar, enpassant par le Liechtenstein ou leLuxembourg, prospère sans vergogne(...). » Près de quatre ans après l’ap-pel de Genève, émanant de septmagistrats européens, les pro-blèmes restent quasiment intacts.Nul besoin d’aller sous les coco-tiers pour bénéficier d’un secretbancaire bien gardé, d’une fiscalitéavantageuse et d’une forte permis-sivité : la délinquance financière etla fraude fiscale trouvent deshavres de tranquillité sous nos latitudes. Des zones d’ombre qui déstabilisent à la fois les démo-craties et la bonne marche del’économie internationale.

Venus à la rescousse des juges encolère, de jeunes députés socia-listes, parmi lesquels Arnaud Mon-tebourg, sont à l’origine d’une mis-sion parlementaire d’informationsur la délinquance financière et leblanchiment des capitaux, qui vientde rendre public un rapport acca-blant sur le Liechtenstein, « l’un desterritoires coopératifs les plus dange-reux (...) sur le sol européen ». Cemicro-Etat oppose, malgré ses en-gagements, une résistance forte àla coopération judiciaire interna-tionale. Monaco, le Luxembourg, laSuisse, Chypre, Gibraltar ou les îlesAnglo-Normandes devraient égale-ment faire l’objet d’un rapport.

Alors que l’évasion fiscale et leblanchiment des capitaux em-pruntent souvent les mêmes cir-cuits, les dispositifs de lutte contreces pratiques coopèrent peu. De-puis deux ans, des discussions sontengagées entre le Groupe d’actionfinancière sur le blanchiment decapitaux (GAFI), créé en 1989 parles pays du G7, et le comité des af-faires fiscales de l’OCDE, afin devoir comment les autorités char-gées de ces différentes questionspourraient s’informer. Mais cer-tains pays, moins engagés qued’autres dans la fraude fiscale, sontréticents.

Malgré ce manque d’empresse-ment, la lutte contre les paradis fis-caux pourrait marquer un point.Chacun de leur côté, le GAFI etl’OCDE s’apprêtent à publier, enjuin, pour le premier, une liste « desEtats ou territoires non coopératifs »en matière de blanchiment, et pourle second, une liste de juridictionsoffshore, qui sont assimilables à

des paradis fiscaux. Au GAFI, lespressions sont fortes pour ne pasfigurer sur la liste. Mais, en dépitde l’interpellation récente de cinqpersonnes soupçonnées de partici-per au blanchiment d’argent, il y afort à parier que le Liechtenstein yfigurera. Faut-il voir égalementdans ces initiatives une des raisonspour lesquelles Monaco a décidéde renforcer sa lutte contre le blan-chiment de l’argent sale ?

Les territoires figurant sur la listedu GAFI seront invités à modifierleur loi vers plus de transparenceet de coopération. Pour les récalci-trants, il est prévu des mesures gra-duelles, avec l’instauration d’une« déclaration automatique de soup-çon » pour toute transaction effec-tuée avec un Etat ou territoire jugénon coopératif, et, au final, la pos-sibilité d’interdire toute transac-tion financière avec ce pays.

L’OCDE, elle, se situe sur le ter-rain de la concurrence fiscale dom-mageable. Selon Jeffrey Owens, lechef des affaires fiscales, « les juri-dictions offshore figurant sur la liste

ne devront plus offrir la possibilitéaux non-résidents d’échapper aufisc. Certaines îles devront se restruc-turer totalement dans une perspec-tive de développement à longterme. » Et pour celles qui ne vou-dront pas changer leurs pratiques,« une autre liste est prévue en juillet2001 des paradis fiscaux non coopé-ratifs ». A partir de là, des sanctionspourraient intervenir prévoyant,par exemple, la fin des conventionsfiscales avec les pays de l’OCDE.

Mais pour donner des leçons auxautres, encore faut-il balayer de-vant sa porte. L’OCDE prévoit dansle même temps de rendre pu-blique, à la réunion ministérielledes 26 et 27 juin, une liste des« pratiques fiscales potentiellementdommageables » à l’œuvre dans lespays de l’OCDE. Les pays concer-nés auront jusqu’à avril 2003 pouréliminer ces pratiques. Seuls leLuxembourg et la Suisse, qui parti-cipent au travaux de l’OCDE, ontpréféré s’abstenir !

Martine Laronche

EUROPEPour AndréOrléan,directeur de recherche au CNRS, la faiblesse de l’euro est un « problème

politique » lié à l’absence de « projetcommun des Onze » (page IV)

FUTURSEn Corée du Sud, ou un habitant sur trois est connecté à Internet, l’Etat misesur les start-up et sur la nouvelleéconomie, qui dopent sa croissance, pour accélérer les réformes et

ébranler lapuissance desconglomérats (page VI)

LES RENDEZ-VOUS DE L’EMPLOI ET DU MANAGEMENTb Le « contrat de projet » proposé par le Medef le 28 mars relance le débat sur le travail précaire. Opposés à cette flexibilité accrue, les syndicats doivent élaborer des contre-propositions (page VIII)b Pour la première fois, une étude dresse un portrait chiffré de la discrimination à l’embauche subie en France par les jeunes d’origine étrangère (page IX)b L’ère Internet contraint les entreprises à apprendre à diriger autrement : les modèles stratégiques traditionnels doivent être adaptés. La gestion des ressources humaines envisage elle aussi de se réformer, en se décentralisantdavantage et en se recentrant sur la gestion des compétences (page X)

ANNONCES CLASSÉESDe la page XI à la page XXXIV

Le boom d'Internet en Corée

oct. 1999 mars 2000

nombre d'usagers en millions

9,414

La montée des CDD

1990 1999

nombre de salariés en milliers

593

892

EUROPEEUROPEEUROPE

CARACARAÏBESBESCARACARAÏBESBESCARAÏBES

Cette liste, non officielle, est tirCette liste, non officielle, est tirée de le de l’ouvrageouvrage « Un monde sans loi Un monde sans loi » (Stock, 1998). (Stock, 1998).

PrPrès de la moitis de la moitié des paradis bancaires et fiscaux des paradis bancaires et fiscaux dans le monde sont sous pavillon britannique. Presquedans le monde sont sous pavillon britannique. Presque

tous les pays dtous les pays d’Europe ont les leurs, parfois sur leur Europe ont les leurs, parfois sur leur propre territoire national.propre territoire national.La zone CaraLa zone Caraïbes abrite,bes abrite,

elle aussi, une concentration elle aussi, une concentration particuliparticulièrement forterement forte

de ces havres financiersde ces havres financiers

Cette liste, non officielle, est tirée de l’ouvrage « Un monde sans loi » (Stock, 1998).

Près de la moitié des paradis bancaires et fiscaux dans le monde sont sous pavillon britannique. Presque

tous les pays d’Europe ont les leurs, parfois sur leur propre territoire national.La zone Caraïbes abrite,

elle aussi, une concentration particulièrement forte

de ces havres financiers

Infographie : Le Monde / source : « Un monde sans loi », Stock, 1998

Deux régions sous surveillance

BÉLIZE

EL SALVADOR

COSTA-RICA

PANAMA

BAHAMAS

TURKS & CAICOS

RÉP. DOMINICAINE

ÎLES VIERGES

ANGUILLA

ST KITTS & NEVIS

MONTSERRAT

ANTIGUA& BARBUDA

BARBADE

ST VINCENT& GRENADINES

GRENADE

ARUBA ANTILLESNÉERLANDAISES

MADÈRE GIBRALTARCEUTA

MALTE CHYPRELIBAN

MONACOANDORRE

SUISSE LIECHTENSTEIN

LUXEMBOURG

ÎLE DE MAN

VATICAN

DUBLIN

JERSEYGUERNESEY

ALDERNEYSARK

LeMonde Job: WDE2100--0002-0 WAS MDE2100-2 Op.: XX Rev.: 19-05-00 T.: 20:06 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0190 Lcp: 700 CMYK

II / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000

Autriche : vers la fin des comptes d’épargne anonymesU n grand pas en avant, en tout cas

sur le papier » : c’est ainsi qu’unexpert des Nations unies à Vienne,spécialisé dans les questions de

blanchiment de l’argent, qualifie le durcisse-ment de la réglementation sur les comptesd’épargne anonymes qui vient d’être décidé parle gouvernement autrichien, et devrait être en-tériné par le Parlement avant l’été.

Dans la petite république alpine, les comptesd’épargne anonymes sont une véritable institu-tion. On en dénombre au moins 24 millionspour à peine huit millions d’habitants, une dis-proportion qui a, parfois à juste titre, alimentéle soupçon d’un usage délictueux par desgroupes criminels. « En fait, comme ces comptesne sont pas imposables, il s’agit souvent d’unesoupape de sécurité dans un pays où les ménagessont soumis à une forte fiscalité », souligne un ex-pert.

Les contrôles sont considérablement renfor-cés lors de l’ouverture des comptes ou de mou-vements bancaires importants. Après le 1er no-vembre 2000, il ne sera plus possible d’ouvrir uncompte anonyme et l’on devra justifier sonidentité pour tout nouveau versement, la même

exigence valant pour tout retrait d’argent aprèsjuin 2002, date à laquelle la cession de telscomptes à un tiers sera également interdite. Desdispositions sont également prévues pour mieuxcontrôler les comptes « dormants » supérieurs à200 000 schillings (environ 14 500 euros).

L’Autriche espère ainsi échapper à une sus-pension du Groupe d’action financière sur leblanchiment de capitaux (GAFI). Cela fait plusde quinze ans qu’elle est sous pression de lacommunauté internationale – du GAFI commede l’Union européenne. Elle a déjà dû, à sept re-prises depuis 1987, ajuster sa législation afin delimiter le secret bancaire.

D’où le souci du gouvernement de se mettrepeu à peu en règle avec les exigences internatio-nales, sans pénaliser trop les petits épargnants,qui constituent l’essentiel des titulaires. Selon laBanque nationale autrichienne, fin 1999, surplus de 20 millions de ces comptes anonymes lasomme déposée était inférieure à 100 000schillings (environ 7 200 euros). Depuis 1989,les banques doivent s’assurer de l’identité duclient pour tout dépôt supérieur à 50 000 dollars(environ 56 000 euros), et depuis 1992 pourles transactions en devises au-dessus de

200 000 schillings. Avec l’ouverture à l’Est,Vienne menaçait de devenir, pour des raisonsgéopolitiques, une plaque tournante du businesscriminel.

D’autant que les nouvelles contraintes ban-caires pouvaient facilement être contournées,grâce à l’anonymat, par la multiplication de« petits » comptes. Il y eut même une époqueoù des sociétés à but lucratif proposaient via In-ternet l’utilisation de comptes autrichiens. En-fin, des réseaux criminels pouvaient toujours ré-tribuer des ressortissants autrichiens en guisede paravents.

Le durcissement progressif de la législationbancaire et pénale (le « blanchiment » desommes inférieures à 100 000 schillings tombesous le coup de la loi depuis fin 1998) a cepen-dant un effet dissuasif. Et, selon les experts, untrafic massif sur les comptes déjà établis semblepeu probable : « Le cadre autrichien peut se prê-ter encore quelque temps à un blanchiment “ba-sique”, pour l’argent d’un hold-up par exemple,mais ne convient déjà plus pour de grosses opéra-tions illégales. »

Joëlle Stolz

Quarante pratiques fiscales déloyalesrépertoriées au sein de la seule Union

Les Quinze souhaitentéliminer régimespréférentiels etexonérations d’impôtsd’ici à la fin 2002.Un pari difficile

L a frontière entre paradisfiscal et régime fiscauxpréférentiels est parfoisténue. Certes, les seconds

sont dérogatoires du droitcommun dans des Etats à fiscaliténormale. Mais, comme le souligneJean-Pierre Brard, député et mairede Montreuil (apparenté PCF),dans son rapport sur la lutte contrela fraude et l’évasion fiscale rendupublic en septembre 1999, onconstate « un véritable continuum »entre les deux. Les laudateurs del’évasion fiscale ne s’y sont d’ail-leurs pas trompés et pratiquent al-lègrement l’amalgame.

Ainsi, dans le Guide Chambostcensé délivrer les meilleuresadresses en la matière, le Luxem-bourg, le Danemark, la Grande-Bretagne, la Hongrie et les Pays-Bas cohabitent avec les Antillesnéerlandaises et Chypre pourconstituer la liste des « paradis fis-caux des holdings ». A côté de cespratiques organisées, Jean-PierreBrard a souligné dans son rapportl’existence, pour la France, de ré-gimes fiscaux préférentiels « defait », avec les cas de Saint-Martinet de Saint-Barthélemy, en raisond’une fraude massive.

L’Organisation de coopération etde développement économiques(OCDE) en est consciente : elles’apprête à publier, à côté d’uneliste des paradis fiscaux, une listede pratiques fiscales domma-geables dans ses pays membres. Untravail que l’Union européenne adéjà réalisé, dans ses tentatives vi-sant à établir une certaine harmo-nisation fiscale, et qui souligne lestechniques visant à attirer les en-treprises étrangères.

Cet inventaire, établi par legroupe de travail « Code de

conduite » à partir de l’examen de280 mesures, est le fruit d’uncompromis. Il retient quarante pra-tiques, au sein des Etats membres,et vingt-six pour leurs territoiresdépendants et associés. Publiée le28 février 2000, cette liste estconsultable sur le site du Conseileuropéen (http ://ue.eu.int).

Y figure, entres autres, le Centreinternational des services finan-ciers installé sur les docks de Du-blin, en Irlande ; les sociétés hol-dings, selon la loi de 1929, auLuxembourg, qui ne sont pas assu-jetties à l’impôt sur les sociétés ; dix

pratiques dommageables sont ré-pertoriées pour les seuls Pays-Bas ;en France sont notamment épin-glés les quartiers généraux etcentres de logistique, qui bénéfi-cient d’un régime fiscal préférentielavec une base d’imposition ré-duite ; etc. D’une manière générale,l’examen de la fiscalité des hol-dings dans les pays membres n’apas été simple. Ainsi, en raison decritères complexes, le cas des hol-dings belges n’a pas été retenu.

Les Quinze se sont engagés, surle principe, à éliminer ces pratiquesd’ici au 31 décembre 2002, mais ce-la suppose d’avancer égalementsur la fiscalité de l’épargne. Celle-ciconstitue une des voies royales del’évasion fiscale pour les parti-culiers. Sur ce point, treize desquinze Etats membres pratiquentune exonération totale ou élargiesur les intérêts versés à des non-résidents, et le sujet est particuliè-rement sensible. Une première pro-position de directive présentée en1989, qui prévoyait une retenueuniforme à la source à hauteur de

15 % des intérêts des revenus del’épargne, a été abandonnée en1994 sous la pression, notamment,du Luxembourg.

La nouvelle proposition présen-tée en 1998 ne vise plus que les in-térêts payés aux non-résidents avecle choix entre une retenue à lasource de l’ordre de 20 % sur les re-venus de l’épargne, et un systèmed’échange automatique d’informa-tions du pays où le paiement a lieuvers le pays où l’investisseur a sarésidence fiscale.

Cette formule ménage à la foisles intérêts de pays qui ne veulentpas porter atteinte au secret ban-caire, comme le Luxembourg etl’Autriche, et ceux qui ne veulentpas entendre parler de taxes sup-plémentaires, comme la Grande-Bretagne. Cette dernière, qui s’yétait opposée en décembre 1999,au sommet d’Helsinki, à cause deses euro-obligations, a infléchi de-puis sa position. Elle a finalementaccepté le principe d’échanges d’in-formations, mais réclame que cetteformule devienne à terme la règle,ce à quoi s’opposent les Luxem-bourgeois.

Mais, même en admettant queles Quinze parviennent un jour às’entendre, l’entrée en vigueurd’une telle directive est aussi liéeau fait que les paradis fiscaux voi-sins, en l’occurrence la Suisse et lesîles Anglo-Normandes Jersey etGuernesey, introduisent en mêmetemps des systèmes équivalents !Faute de quoi, l’évasion fiscale em-prunterait d’autres chemins. Enajoutant à cela que les directives enmatière fiscale requièrent l’unani-mité, la Commission ne paraît pasau bout de ses peines.

Martine Laronche

Bibliographie b Guide Chambost des paradisfiscaux, d’Edouard Chambost(Ed. Favre, 1999, 735 p., 290 F,44,21 ¤).b La Principauté duLiechtenstein : paradis desaffaires et de la délinquancefinancière, rapport de la missionparlementaire d’information surles obstacles au contrôle et à larépression de la délinquancefinancière et du blanchiment descapitaux en Europe, présidentVincent Peillon, rapporteur Arnaud

Montebourg (Assembléenationale, 2000, 108 p., 40 F, 6,10 ¤).b La lutte contre la fraude etl’évasion fiscales : retrouverl’égalité devant l’impôt, rapportparlementaire d’information deJean-Pierre Brard (Assembléenationale, 1999, 427 p., 70 F,10,67 ¤).b Paradis fiscaux et opérationsinternationales : pays et zones àfiscalité privilégiée, mesuresanti-évasion (Editions Lefebvre,1999, 500 p., 496 F, 75,61 ¤).

HDÉLINQUANCE FINANCIÈRE

Questions-réponses1 Qu’appelle-t-on

un « paradisfiscal » ?

L’OCDE a identifié certains cri-tères visant à définir un paradis fis-cal dans un rapport de 1998 intitu-lé « Concurrence fiscaledommageable, un problème mon-dial ». Il s’agit d’une juridiction quin’applique pas d’impôts ou pré-lève des impôts minimes et se pré-sente comme un lieu utilisé pardes non-résidents pour échapper àl’impôt dans leur pays de rési-dence. Elle est dotée de disposi-tions législatives ou de pratiquesadministratives empêchant un vé-ritable échange de renseignementsavec d’autres pays sur les contri-buables. Elle se caractérise en gé-néral par l’absence d’obligationd’exercer une activité substan-cielle.

2 L’évasion fiscaleest-elle légaleen France ?

Le droit fiscal français comprendtout un arsenal de mesures visantà éviter que les contribuables, so-ciétés ou particuliers, ne puissentéchapper à l’impôt en profitantdes facilités des paradis fiscaux oudes régimes fiscaux préférentiels àl’étranger. Les entreprises fran-çaises sont imposables, dans lecadre d’une déclaration séparée,au titre des bénéfices réalisées parleurs filiales implantées hors deFrance et soumises à un régimefiscal privilégié. Et ce, dès lors queces établissements n’exercent pas,à titre principal, une activité indus-trielle ou commerciale effective etne réalisent pas leurs opérationsde manière prépondérante sur lemarché local.

Par ailleurs, les contribuables fis-calement domiciliés dans l’Hexa-gone sont imposables en Francesur l’ensemble de leurs revenusmondiaux, sauf convention inter-nationale contraire. Il n’empêchequ’en dépit d’un arsenal réglemen-taire régulièrement étoffé, certainscontribuables, bien conseillés, s’in-génient à trouver des parades lé-gales (on parle alors d’« optimisa-tion fiscale ») pour échapper aufisc. La fraude fiscale, à savoir lefait de se soustraire intentionnelle-ment à l’impôt, constitue un délitpassible de 250 000 francsd’amendes et de cinq ans d’empri-sonnement.

3 En quoi le blanchimentd’argent a-t-il à voir avecles paradis fiscaux ?

Le blanchiment de l’argent peutintervenir pratiquement partoutdans le monde. Mais les « blan-chisseurs » ont tendance à recher-cher des zones dans lesquelles ilscourent peu de risques de détec-tion en raison du laxisme ou del’inefficacité de la répression. Se-lon le groupe d’action financièresur le blanchiment des capitaux

(GAFI), dans la phase initiale deblanchiment, ou « phase de place-ment », les bénéfices illégaux sontintroduits dans le système finan-cier en se procurant, par exemple,divers instruments monétaires.Après cette phase de placement,intervient la phase dite « de l’em-pilement ». Le blanchisseur pro-cède à une série de conversions oude déplacements de fonds pour leséloigner de leur source. Cette dis-persion de comptes à des fins deblanchiment se fait souvent dansles territoires non-coopératifs. Aucours de la troisième phase, « l’in-tégration », les fonds sont réintro-duits dans des activités écono-miques légitimes.

4 Qu’est ce que le GAFI ?Le groupe d’action finan-cière sur le blanchiment de

capitaux (GAFI) a été créé à Parisen 1989 lors du sommet du G7 afinde mettre au point une actioncoordonnée en la matière. Il secompose de vingt-cinq pays plusHongkong, et de deux organisa-tions régionales qui sont laCommission européenne et leconseil de coopération du Golfe.Basé à Paris, le GAFI dispose dedélégations dans ses Etatsmembres dont le but est notam-ment de conseiller les pouvoirs pu-blics dans leur lutte. A ce titre,quarante recommandations, rédi-gées en 1990 puis révisées en 1996 ,constituent un plan d’actioncontre le blanchiment.

5 Quelle est la réglementation françaiseen la matière ?

Le projet de loi sur les nouvellesrégulations économiques (NRE)consacre un volet au blanchimentde l’argent et vient renforcer la loide 1990. Celle-ci a créée Tracfin(Traitement du renseignement etaction contre les circuits financiersclandestins) – un service spécialisédu ministère de l’économie –, etimposé aux banquiers une « décla-ration de soupçon » pour touteopération supérieure à un millionde francs « se présentant dans desconditions inhabituelles decomplexité ou sans justificationéconomique licite ». En 1999, millesix cent cinquante déclarations ontété faites auprès de Tracfin. Leprojet de loi NRE va plus loin. Ilprévoit que les organismes finan-ciers devront communiquer « sys-tématiquement » les opérations, àpartir d’un certain montant, versdes Etats ou territoires jugés noncoopératifs. Des mesures restrei-gnant les transactions avec lescentres off-shore les plus problé-matiques pourront être prises. Parailleurs, de nouvelles professionsauront également obligations dedéclarer leurs soupçons : les ex-perts-comptables, les marchandsde biens de grande valeur et lesopérateurs de casino.

Le Luxembourg s’accroche à son secret bancaireDe plus en plus isolédans son opposition à l’harmonisationfiscale en Europe, le Grand-Duché craint de voir l’argent partir

BRUXELLES(Union européenne)de notre correspondant

P our les dizaines de mil-liers de Belges qui pos-sèdent un compte auLuxembourg et qui – rite

bien établi – passent périodique-ment la frontière afin d’aller « cou-ponner », autrement dit toucher lesintérêts de leurs obligations, leGrand-Duché apparaît à l’évidencecomme un paradis fiscal leur per-mettant sans grand risque d’échap-per au « précompte » de 15 % qu’ilsdevraient acquitter s’ils conser-vaient leur épargne sur leur terri-toire national.

Cette transhumance d’un genreparticulier a commencé à prendrede l’ampleur à la fin des années 60,facilitée par l’existence de l’unionmonétaire belgo-luxembour-geoise. A cette époque, desbanques, souvent des filiales d’éta-blissements belges, commencèrentà s’installer nombreuses dans lacapitale grand-ducale. Soucieux decompenser le déclin de la sidérur-gie, sur laquelle reposait jus-qu’alors la prospérité du pays(l’« Arbed » était de loin le pre-mier employeur), le gouvernementluxembourgeois encouragea lemouvement en mettant en placeune législation bienveillante.

Au début des années 80, quandles Allemands instaurèrent la rete-nue à la source, ce furent, dit-on,des centaines de milliards de marksqui émigrèrent soudainement versles banques du Grand-Duché. La li-bération complète des mouvementsde capitaux au sein de l’Union euro-péenne accéléra encore le mouve-ment.

Un paradis fiscal, le Luxem-bourg ? Jean-Claude Junker, le pre-mier ministre et ministre des fi-nances, réplique volontiers que sonpays ne l’est pas plus que ses parte-naires de l’Union européenne (UE)qui tous, à l’exception du Portugal,ont choisi, pour favoriser leur placefinancière, de ne pas taxer les non-résidents.

Le succès du Luxembourg reposesur trois piliers : des régimes fiscauxfavorables aux établissements fi-

nanciers, notamment les sociétésd’assurance et les holdings ; une vé-ritable expertise : les banquesluxembourgeoises développent desproduits financiers de plus en pluscompétitifs qui sont recherchés parles épargnants ; enfin et surtout, lesecret bancaire, avec, comme corol-laire obligé, une vraie allergie àl’égard des directives européennesprévoyant des échanges d’informa-tions.

Cette détermination conduit cer-tains à accuser les banques localesde se livrer au blanchiment d’argentsale. « Le cœur de l’activité n’est cer-tainement pas fondé sur le blanchi-ment ; l’Autriche blanchit plus que leLuxembourg », relativise un hautfonctionnaire français. Un de sescollègues de la Commission euro-péenne se montre plus circonspect.« Ce qu’on ne sait pas, c’est jusqu’àquel point le Luxembourg applique ladirective européenne sur le blanchi-ment. Un rapport de l’OCDE luidonne sa bénédiction, mais on a desdoutes. »

Même s’il fait état de quelquesaméliorations (telle l’introductiondu concept d’« escroquerie fiscale »qui vise les fraudes très impor-tantes), le juge belge Jean-ClaudeVan Espen se montre plutôt critiquesur le comportement des autoritésjudiciaires du pays, soulignant leur

peu d’entrain à répondre auxcommissions rogatoires dès lorsque l’instruction a pour objet lafraude fiscale, et cela même s’il y aun aspect « blanchiment ».

BONNES PERFORMANCESLe Luxembourg est partagé. Il a le

souci de son image, mais les résul-tats de la place ne cessent de pro-gresser. Au vu des statistiques, etnotamment de celles quiconcernent les fonds d’investisse-ments, les épargnants qui fontconfiance aux banques et autresétablissements grands-ducauxn’ont pas à le regretter. Mais est-cetout à fait suffisant pour les fidéli-

ser ? « Le Luxembourg n’a pas lamasse critique suffisante. Ses inquié-tudes sont fondées. Si on serre la vis,l’argent ira ailleurs », admet unfonctionnaire. Bref, les autorités nevoudraient en aucun cas prendre lerisque d’une délocalisation massivevers la Suisse ou d’autres paradisfiscaux extérieurs.

Mais pourront-elles résister à lapression ? Le débat entre les Quinzevisant à instaurer une taxation mi-nimale de l’épargne vient de les pla-cer soudainement en premièreligne. Les Britanniques, qui jusqu’àprésent bloquaient tout accord enrefusant d’imposer les euro-obliga-tions, viennent de changer de cap,

mais en posant des conditions quireviendraient à ce qu’à terme lespays appliquant encore le secretbancaire – l’Autriche, l’Allemagne etle Luxembourg – doivent l’aban-donner.

Jean-Paul Junker a vivement dé-noncé ce qu’il interprète commeune manœuvre de Londres pourpasser le mistigri aux Luxembour-geois. Il a rappelé que, depuis 1997,les Quinze travaillaient sur un pro-jet d’accord prévoyant la possibilité,pour ceux qui le souhaitent, demaintenir le secret bancaire. Lacrainte du Luxembourg est de setrouver isolé, et les efforts deM. Junker visent à convaincre Berlinet Vienne de ne pas le laisser tom-ber. Mais avec des chances incer-taines de réussir.

En effet, l’absence d’accord sur le« paquet fiscal » est politiquementgênant pour l’Union et, à Lisbonne,les Allemands et les Autrichiensn’ont pas semblé complètementfermés aux propositions britan-niques. Un vrai scénario de cauche-mar pour le Luxembourg ! S’il seconfirmait, pourrait-il, voudrait-il,lui, pays fondateur de la Commu-nauté, très engagé dans la construc-tion européenne, durablement s’yopposer ?

Philippe Lemaître

L’ingéniosité irlandaise pour attirer les entreprisesLe Centre international de services financiers de Dublin est un vé-

ritable eldorado. Il permet : de bénéficier d’un taux allégé de 10 %pour l’impôt sur les sociétés (au lieu de 32 %) ; l’exonération pendantdix ans des impôts locaux sur la propriété foncière ; la possibilitépour les locataires de déduire deux fois le montant des frais de loca-tion pendant dix ans ; l’amortissement dès la première année de100 % des frais de construction pour les propriétaires occupants etde 54 % pour les propriétaires-bailleurs et l’amortissement dès lapremière année de 100 % des dépenses en équipements nouveaux.

Mais un accord avec la Commission prévoit la suppression, d’ici àla fin de 2002, du taux de 10 % pour l’impôt sur les sociétés, sauf pourles entreprises agréées au plus tard le 31 mai 1998, qui ont jusqu’à lafin 2005. Qu’à cela ne tienne, pour contourner le problème l’Irlandea décidé d’appliquer un taux de 12,5 % à partir de 2003 sur l’en-semble des sociétés. Un dumping fiscal déguisé !

DOSSIER

LeMonde Job: WDE2100--0003-0 WAS MDE2100-3 Op.: XX Rev.: 20-05-00 T.: 10:20 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0191 Lcp: 700 CMYK

LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / III

Bernard Bertossa, procureur général de Genève

« Les paradis fiscaux révèlent en fait l’hypocrisie de nos Etats européens »GENÈVE

de notre envoyée spéciale« Quatre ans après l’appel de

Genève, dans lequel vous dé-nonciez l’Europe des paradis fis-caux, où en est-on ?

– Ce n’était pas l’existence desparadis fiscaux qui était en cause,mais leur absence de coopérationen matière judiciaire et l’existencede “masques”, c’est-à-dire d’enti-tés juridiques factices mises enplace pour camoufler les opéra-teurs de blanchiment de l’argentsale.

» Ces paradis fiscaux – véri-tables affronts à la justice – ré-vèlent en fait l’hypocrisie de nosEtats européens qui favorisentparfois l’existence de ces terri-toires, lesquels représentent au-tant d’entraves à l’action pénale.Les îles Vierges britanniques ouGibraltar dépendent de Sa Gra-cieuse Majesté ; les Antilles néer-landaises, des Pays-Bas. Al’époque, la France avait mêmel’idée de créer un paradis fiscal àSaint-Pierre-et-Miquelon, voire...en Corse. Pudiquement, on ap-pelle ça des zones franches. Moi,j’appelle ça des zones de non-droit.

» Le seul progrès depuis l’appelde Genève, c’est la fin de l’hypo-crisie qui prévalait en la matière.Le tabou pesant sur ces “repairesde brigands”, qu’il s’agisse des îles

Caïmans ou de Panama, a été cas-sé, d’une part parce que les Na-tions unies se sont saisies de ceproblème, mais surtout parce quele sujet a enfin été évoqué au ni-veau européen, au sommet deTempere, en octobre 1999.

– La Suisse et le Luxembourgne sont-ils pas des paradis fis-caux ?

– Un paradis fiscal cumule troisinconvénients : un régime fiscalinsignifiant, qui offre un refugeaux contribuables qui souhaitentéchapper au rôle solidaire de l’im-pôt ; un manque de coopérationen matière pénale ; enfin, unemise à disposition de sociétésécrans. Ni le Luxembourg ni laSuisse ne correspondent à ces cri-tères.

» Cela dit, je ne suis pas d’ac-cord avec le fait qu’en Suissel’évasion fiscale ne soit pas répri-mée pénalement. Il faut savoir si,oui ou non, l’évasion fiscale esttolérable en tant que telle. Cettepratique reste un vol, et il n’estpas admissible que ce procédé nesoit pas sanctionné autrementque d’une manière administrative.L’évasion fiscale est une infractioncontre le patrimoine de l’Etat, dela communauté.

» Cela explique que les magis-trats suisses ne puissent pas ac-corder l’entraide demandée à desfins fiscales, car nous ne connais-

sons que l’entraide en matièrepénale internationale. Le Luxem-bourg ne collabore pas d’avantageque la Suisse dans ce domaine.

– Dans les investigations quevous menez, ne vous arrive-t-ilpas de vous heurter au secretbancaire ?

– C’est un principe admis danstous les Etats européens qu’il n’y apas de secret bancaire pour lejuge pénal. Même au Liechtens-tein, le juge de Vaduz peut de-mander à une banque des infor-mations. Mais ce sont lesautorités liechtensteinoises quirefusent d’accorder leur assis-tance au juge étranger. La ques-tion est de savoir si le juge de Va-duz est plus soucieux du secretbancaire que de la lutte contre lecrime.

» En Suisse non plus il n’y a ja-mais eu de secret bancaire pourun juge pénal. Mais longtemps il ya eu une certaine mauvaise volon-té à accorder l’entraide judiciaireinternationale pour des questionsrelevant du secret bancaire. LaSuisse est souvent requise defournir des informations de na-ture bancaire. Le contraire estplutôt rare.

– Quels paradis fiscaux, en Eu-rope, sont les moins coopéra-tifs ?

– Le Liechtenstein fait preuved’une mauvaise volonté évidente.

Il est très difficile d’y obtenir desinformations dans le cadre d’unecommission rogatoire internatio-nale. Le Liechtenstein est àl’argent sale ce que le Liberia est àla navigation maritime. Mais lapression politique qui est en train

HBernard Bertossa b Né à Genève en 1942,Bernard Bertossa a été élu,au suffrage universel,en juin 1990, procureur généralde Genève.b Il est l’auteur, en 1996, avecsix autres magistrats, dontRenaud Van Ruymbeke, del’appel de Genève, qui dénonceles circuits occultes dublanchimentde l’argent et l’inefficacitéde l’entraide judiciaire.

de s’exercer sur cet Etat semblefaire bouger les choses. Une légis-lation contre le blanchiment voitle jour, et des interpellations onteu lieu à l’encontre de personnessoupçonnées de blanchiment.

» Pendant longtemps les îlesAnglo-Normandes ont vécu à lamême enseigne. Elles sont entrain d’évoluer. En revanche,Chypre continue d’être un véri-table paradis pour les affairesdouteuses.

– L’entraide judiciaire interna-tionale s’est-elle améliorée de-puis l’appel de Genève ?

– Les choses bougent, ici et là,mais lentement. Des négociationssont toujours en cours pour unprotocole additionnel à la conven-tion européenne d’entraide. Et ilest paradoxal que l’Union euro-péenne ne dispose d’aucune auto-rité judiciaire. Pourquoi n’y au-rait-il pas de libre circulation desaffaires pénales ? Il n’y a pas devolonté politique suffisante. Il y apeu de partis au pouvoir dont lesdirigeants n’ont pas eu recours àun moment ou à un autre à desmoyens illégaux pour financerleur parti.

– Les paradis fiscaux sont utili-sés dans le cadre du blanchi-ment de l’argent et empêchentde remonter aux responsables.Que faire pour sortir de cette im-passe ?

– Les paradis fiscaux sont utiliséscomme des coupe-circuits afin queles autorités ne trouvent pas l’ori-gine ou la destination finale desfonds incriminés. Ainsi, les fondssuspects peuvent être d’abord pla-cés sur une place honorable, enSuisse par exemple. Ensuite, untransfert est ordonné vers Nassau,aux Bahamas, d’où les fonds vontrepartir pour être placés à Londres.En cas d’enquête, les investigationsse perdent à Nassau face à un jugebahaméen qui ne répondra pas.

» Pour en sortir, il y a la méthodedouce et la méthode forte. La pre-mière consiste à négocier avec cetEtat souverain bien que croupion.Selon la méthode forte, plusieursscénarios sont envisageables. Celuique je préconise le plus souventconsiste à décréter que, dans nosEtats de droit, on refuse dorénavantde reconnaître une personnalité ju-ridique à ces sociétés off-shore, ces“masques”, ce qui rendra impos-sible leur utilisation. Une autre mé-thode pourrait être de boycotter cesplacesfinancières en disant aux établisse-ments bancaires de nos Etats qu’ilsont l’interdiction de recevoir desfonds en provenance de ces terri-toires non coopératifs ou de leur enadresser. »

Propos recueillis parMartine Laronche

DOSSIER

Vanuatu, havre de paixpour banques off-shore

La « cité financière » de l’archipel abriteun vaste système de corruption

PORT VILAde notre envoyé spécial

D ans le dernier rapportannuel du NarcoticsBureau américain,Port Vila, capitale de la

République de Vanuatu, archipelsitué au nord de la Nouvelle-Calé-donie, est à l’honneur : sa « cité fi-nancière » off-shore, qui abrite68 banques dites « exemptées » et2 624 compagnies internationales,est dénoncée comme perméableaux organisations du crime organi-sé russes et asiatiques...

Sur place, on découvre plutôtune poignée de sociétés financièresinstallées dans des bâtiments dé-crépis dont les bureaux sont àpeine meublés. C’est ici qu’avocatset experts-comptables domicilient,grâce à un simple jeu d’écriture, lesentités financières. Le total des ac-tifs transnationaux déposés ne re-présente que 7 à 8 milliards de dol-lars américains. Des miettes parrapport aux sommes considérablestransitant par les centres logésdans les Caraïbes et en Europe. Ledécor façon « île paradisiaque » estpourtant trompeur.

« Je suis le seul ressortissant va-nuatais à figurer dans le Who’s WhoInternational... » : c’est ainsi queTom Bayer, président du holdingPitco, se présente. L’apanage dupatron du premier groupe finan-cier privé de l’archipel en impose :une banque de dépôt locale, unemyriade de trusts et de fonds d’in-vestissement, le négoce des devisesdites exotiques, le monopole del’immatriculation de navires, la di-rection du centre financier chargéde la promotion de la place... et laprésidence de la commission desservices financiers, l’organisme decontrôle des banques off-shore.

Cet ancien banquier de WallStreet, débarqué en 1974 dans cequi était encore le condominiumanglo-français des Nouvelles-Hé-brides, a tissé un réseau de pouvoirunique dans le Pacifique, sur fondde paradis fiscal, de secret bancaired’airain et de fuseaux horaires fa-vorables pour opérer en Asie et enOcéanie. Ce tireur de ficelles a ré-cemment accompagné le ministredes finances du Vanuatu à Was-hington pour obtenir la levée duboycott de plusieurs banques in-ternationales à l’égard de son pays.

Pour obtenir gain de cause, le« Parrain » a promis au Trésoraméricain de faire le ménage dansune législation laxiste qu’il a crééede toutes pièces il y a vingt-cinqans : limitation des pouvoirs de lacommission des services financiers,omnipotence du ministre des fi-nances, seul autorisé à accorder ouà révoquer une licence, coût mo-dique (5 000 dollars) d’enregistre-ment d’une banque off-shore.

Le développement de ces pra-tiques est lié à l’importante cor-ruption de cette société tradition-nelle, sur laquelle règnent les chefscoutumiers. Vente illicite de passe-ports et de postes de consuls ho-noraires à des hommes d’affairesasiatiques, détournements defonds de l’aide internationale, oc-troi de licences bancaires dou-teuses, prêts à des politiciens vé-reux, lancement de casinos virtuelssur Internet, etc. : on ne compteplus les affaires de malversationsmises au jour dans les années 90 !La plupart des ministres de l’actuelgouvernement ont été mêlés à desscandales financiers.

Pour Savenaca Siwatibu,membre de la commission écono-mique et sociale des Nations uniespour l’Asie et le Pacifique, basé àPort Vila, le bilan n’est pas bril-lant : « Les licences bancaires rap-portent un supplément de revenusau moment où l’Etat est contraintpar la Banque mondiale à réduireses dépenses. La finance crée desemplois qualifiés permettant d’endi-guer l’émigration des cerveaux dontsouffrent les petits pays du Paci-fique. Mais les politiciens locaux,peu éduqués et âpres au gain, sontincapables de contrôler ce qui sepasse.» A écouter cet ancien gou-verneur de la Banque centrale deFidji, les expatriés qui tiennent lahaute finance se jouent des diffi-cultés de ces cultures tradition-nelles à s’adapter à la mondialisa-tion.

« Les critiques de la communautéinternationale sont fondées. Nousdomicilions des banques qui ne de-vraient pas être là mais tirent profitdes lacunes d’une législation ina-daptée » : Mélanésien de souche,Julian Ala a été le premier direc-teur général de la commission desservices financiers. Sur le verso desa carte de visite, figure un passagede la Bible : « Notre mission : servirl’humanité avec dignité. »L’homme applaudit la promulga-tion prochaine par le Parlement duVanuatu d’un Banking Act compre-nant notamment une loi anti-blan-chiment préparée par l’Australie,et l’octroi de l’autonomie à lacommission des services finan-ciers. Julian Ala se déclareconfiant : son successeur à la têtede ladite commission n’est autreque son propre beau-frère...

Marc Roche

LeMonde Job: WDE2100--0004-0 WAS MDE2100-4 Op.: XX Rev.: 19-05-00 T.: 20:12 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0192 Lcp: 700 CMYK

IV / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 EUROPE

HAndré Orléanb Agé de 49 ans et polytechniciende formation, André Orléan estdirecteur de recherche au CNRSdepuis 1987.b Membre du Conseil scientifiquede la Commission des opérationsde Bourse (COB), il a publié de nombreux ouvrages sur les questions monétaires. Il s’esten particulier penché sur les liensexistant entre la monnaie et la souveraineté des Etats.

La défiance des investisseurs à l’égard de l’euro se poursuit.La nouvelle hausse des tauxd’intérêt américains, de 6 % à6,5 %, mardi 16 mai, alors que,quelques jours auparavant,la Banque centrale européenneavait décidé de laisser sapolitique monétaire inchangée,accroît les écarts de rendementsfinanciers entre l’Europe et lesEtats-Unis. Ce qui confortela forte attractivité du dollar.Sur le Vieux Continent,les déclarations contradictoiresse multiplient sur les risquesd’une telle situation. Cettecacophonie traduit, pour AndréOrléan, l’absence de visioncommune des Européens tantsur un projet politique que surleur conception de la monnaie.Cette crise reflète, selon lui, « lesvices de forme » de la monnaieunique moins de dix-huit moisaprès son lancement.

« Les propos de circonstance sur le potentield’appréciation de l’euro ne peuventconvaincre personne.La BCE se trouvedémunie pourrésoudre une crise dechange alors qu’ellen’a dans ses statutsqu’un seul objectif :combattrel’inflation »

André Orléan, directeur de recherche au CNRS

« L’euro souffrira d’une faiblesse intrinsèque tantque les Européens n’auront pas de projet commun »

« Comment expliquez-vous lesdifficultés de l’euro ?

– Elles reflètent avant tout lesfailles du projet de la monnaieunique européenne. Pour moi, il nepeut y avoir de monnaie qui ne soitfondée sur une souveraineté et uneautorité, c’est-à-dire sur l’existenced’une communauté qui se re-connaît dans un projet politique,culturel et social. C’est à cettecondition qu’une monnaie peutinspirer ou non confiance. Or on levoit aujourd’hui : nous ne sommespas dans cette situation.

» Primo, l’euro souffre de l’ina-chèvement de la construction insti-tutionnelle. L’Euro 11, qui réunit lesministres des finances de l’Euro-land, n’incarne pas une véritablecommunauté de destin pour lesEuropéens, avec une visioncommune sur des sujets aussi im-portants que le modèle de dévelop-pement économique ou les re-traites. Il est revélateur que lesbillets qui seront en circulation àpartir de 2002 ne porteront que dessymboles géométriques (des ponts)pour symboliser l’avenir. Cela tra-

duit bien l’idée que la monnaie eu-ropéenne n’est qu’un instrument.

» Deuxio, l’euro, dans sa concep-tion, est une monnaie calquée surle système monétaire allemand.Elle en a repris la doctrine sans s’in-terroger sur le fait de savoir si lapolitique de la Bundesbank, adap-tée à la stratégie industrielle alle-mande, serait encore pertinentedans une zone économique de on-ze pays fortement intégrée d’unpoint de vue commercial et dansun contexte de mondialisation fi-nancière. Les flux financiers sontdésormais dominants et la ques-tion de la gestion monétaire estétroitement liée à celle des rentabi-lités financières. Ces évolutions, quiimpliquent une autre façon de gé-rer la monnaie et donnent d’autresdegrés de liberté, n’ont pas étéprises en compte.

– Etes-vous en train de direque les Européens ont confonduune stratégie monétaire efficacepour le modèle allemandd’avant l’euro avec l’impératifabsolu d’avoir une monnaieforte, donc stable, pour être cré-dible ?

– C’est un point très important. Ily a deux façons de concevoir une

monnaie forte. La premièreconsiste à vouloir maintenir à toutprix un niveau de parité élevé avecles autres monnaies. Ce fut la stra-tégie allemande, à laquelle s’est parla suite ajoutée l’idée que la mon-naie est une valeur sacrée pour lapopulation d’outre-Rhin.

» Mais aujourd’hui, une monnaieforte, pour un territoire commel’Europe, ce serait, au contraire,une monnaie qui fluctue à l’améri-caine et qui permette de s’adapteraux cycles conjoncturels. Les ré-centes déclarations du chancelierSchröder indiquent que l’Alle-magne serait davantage prête àévoluer dans ce sens alors que lesFrançais, qui ont longtemps étéconsidérés comme de mauvaisélèves dans leurs pratiques moné-taires, continuent à s’accrocher àcette idée de stabilité. Les diffi-cultés actuelles montrent que l’eu-ro n’a pas encore les moyens d’êtreune monnaie forte dans cettedeuxième acception, puisqu’unedépréciation entraîne une réactionde défiance des investisseurs.

» Le flottement dans les mes-sages envoyés par la Banque cen-trale européenne (BCE) ne fontqu’accentuer ces mouvements,bien qu’il n’y ait aucune crise po-tentielle de l’euro puisque les fon-damentaux économiques sontbons. Les propos de circonstancesur le potentiel d’appréciation del’euro ne peuvent convaincre per-sonne. Cette indigence du discourstraduit bien une réalité : la BCE setrouve démunie pour résoudre unecrise de change alors qu’elle n’adans ses statuts qu’un seul objec-tif : combattre l’inflation.

– Cela implique-t-il une redéfi-nition du rôle de la banque cen-trale ?

– Dès la naissance de la monnaieunique, il m’est apparu que la BCEn’aurait pas la légitimité du prêteuren dernier ressort, c’est-à-dire decelui qui, dans toutes les crises, al’autorité reconnue pour intervenird’urgence et rétablir la confiance.Je pensais que l’épreuve pour laBCE viendrait d’une crise financièrealors qu’elle arrive à travers unecrise de change.

» Les rapports entre la monnaieet la sphère financière sont deve-nus extrêmement complexes. Laquestion du change est intrinsè-quement liée aux mouvements fi-nanciers. Cela signifie qu’il faut éla-borer une nouvelle théorie du bonbanquier central dans un contextede capitalisme fortement financia-risé. Avoir uniquement un objectifanti-inflationniste est anachro-nique. Il n’est plus possible d’avoirdes objectifs segmentés : le budgetpour la croissance, et la monnaiepour l’inflation. On sait bien qu’unobjectif anti-inflationniste corres-pond à un objectif de taux d’intérêtet de croissance.

» De même, la valeur des actifsboursiers est devenue tout à faitcentrale. Le rôle des “fondamen-taux” (finances publiques, infla-tion, croissance) est devenu se-condaire. Le président de laRéserve fédérale, la banque cen-trale américaine, Alan Greenspan,le sait plus que tout autre. Cetteidée d’une gestion strictement mo-nétaire qui ne s’intéresse pas à la fi-nance et qui aurait pu justifier l’au-tonomie totale du mondemonétaire à travers une banquecentrale indépendante ne tient plusla route.

– Envisagez-vous une baisseprolongée de l’euro, et existe-t-ilun seuil psychologique au-delàduquel il devient très difficiled’enrayer les mécanismes d’éro-sion de la monnaie ?

– Je ne crois pas au seuil psycho-logique. Un cours de change ex-prime avant tout un consensus demarché. Les marchés ne voient au-jourd’hui que les mauvaises nou-

velles. C’est un phénomène clas-sique d’amplification financièredurant lequel les investisseurs sepolarisent uniquement sur les évé-nements qui confortent leur scéna-rio. Et aujourd’hui ce scénario est àla baisse. Je n’envisage néanmoinspas de chute drastique car la dé-fiance des opinions publiques etdes marchés ne peut pas aller trèsloin dans une phase de croissanceforte. Les “fondamentaux” consti-tuent toujours une force de rappel.

» Reste le problème politique.Nous sommes dans une phase d’in-certitudes totales sur les intentionstant de la BCE que de l’Euro 11. Etje suis assez pessimiste sur leur ca-pacité à clarifier la situation en dé-finissant un cap et une stratégie.Les Etats-Unis, eux, savent trèsbien où ils vont. Ils connaissent lesvaleurs qui les unissent. Ils ont unprojet politique assis sur le libéra-lisme. Tant que les Européens n’au-ront pas défini leur projetcommun, l’euro pâtira d’une fai-blesse intrinsèque.

– L’euro serait né trop tôt ? – La création de la monnaie

unique est une histoire dynamique.En Europe, on a toujours construitle toit avant les fondations. Onpeut donc justifier la date du pas-sage à l’euro comme cela. Il y a cer-tainement des erreurs que l’on au-rait pu ne pas commettre,notamment dans la définition durôle de la Banque centrale. Maiscette histoire reflète le compromisfranco-allemand, qui est à l’originede toutes les étapes de la construc-tion européenne. Et cela continueaujourd’hui. J’espère simplementque la crise actuelle va entraînerune nouvelle dynamique, une prisede conscience des difficultés et desrisques actuels, qui débouche sur lacommunauté d’intérêts dont jeparlais. Ce n’est pas sûr car il existeaussiun scénario d’éclatement del’Euroland que l’on ne peut pasécarter. »

Propos recueillis parLaurence Caramel

et Serge Marti

HDROIT ET ÉCONOMIE

p a r S t é p h a n e C o r o n e

Vers une réformede la cour de justice ?

C onfrontée à une augmentation constante du nombre d’af-faires dont elle est saisie, la Cour de justice des commu-nautés européennes (CJCE) commence à saturer sérieuse-ment. Selon son rapport pour 1999 (dont on peut trouver

des extraits sur le site de la cour : http ://www.curia.eu.int1), elle a étésaisie (avec le tribunal de première instance (TPI) de 899 affaires en1999, contre 279 en 1980, soit une augmentation de 320 % en dix-neufans. Or la cour comme le tribunal ne peuvent faire face à cet afflux,d’où un « stock » d’affaires non jugées (1 623 fin 1999) qui augmentechaque année. La durée moyenne des procédures s’établit à vingt etun mois devant la cour et oscille entre huit et dix-sept mois devant letribunal.

Si cette situation n’est pas brillante, les perspectives le sont moinsencore. Les auteurs du groupe de réflexion sur l’avenir du systèmejuridictionnel des communautés européennes (dont le rapport estparu le 4 février 2000) mis en place par la commission, soulignentplusieurs facteurs qui vont aggraver la situation. En premier lieu, lecontentieux lié aux nouvelles compétences attribuées par le traitéd’Amsterdam à la cour. Rappelons que celles-ci concernent des do-maines aussi variés que l’immigration, des affaires civiles, ou encorela coopération policière en matière pénale. On s’attend à un conten-tieux massif qui devrait arriver dans les prochains mois.

Deuxième source prévisible de contentieux : la « marque euro-péenne », issue du nouveau brevet de l’Union. Dernier – et princi-pal – vivier de difficultés qui se profile, c’est bien sûr l’élargissementde l’Union, qui devrait amener à un doublement du nombre d’Etatsmembres. On prévoit, ainsi, un doublement du contentieux actuel.

Le groupe de réflexion souligneenfin un problème qui n’a riend’anecdotique, celui deslangues. Tous les jugements etarrêts sont traduits en onzelangues et l’élargissement del’Union augmentera encore cenombre.

Cette situation alarmante aamené la cour de justice à réflé-chir à l’avenir du système juri-dictionnel européen. Cette ré-flexion a fait l ’objet d’unepublication, transmise auConseil (« L’avenir du systèmejuridictionnel de l’Union euro-péenne », document rédigé parla cour en mai 1999). La courpropose une série de réformes,qu’elle souhaite voir réaliserdans le cadre de la conférenceintergouvernementale (CIG),dont les travaux ont débuté le14 février dernier. Rappelonsque cette conférence a pour butde préparer les institutions envue de l’élargissement.Consciente de ce problème, lacommission a mis en place ungroupe de réflexion qui a fait despropositions assez proches decelles de la cour et qui ont étéprésentées à la conférence inter-

gouvernementale le 1er mars 2000.La cour de justice a un rôle fondamental dans la construction eu-

ropéenne, puisque, selon l’article 220 du traité d’Amsterdam, elle« assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application duprésent traité ». Comme le rappelle la commission, l’Union euro-péenne est – et doit rester – une communauté de droit. Principe quiest subordonné au bon fonctionnement de ses instances juridiction-nelles. Or l’ensemble des acteurs s’accordent pour estimer qu’au-jourd’hui la cour doit subir une réforme d’envergure. Voilà pourquoila commission propose plusieurs séries de mesures.

Primo, modifier la procédure des questions préjudicielles qui re-présentent la plus importante source de contentieux soumis à la couret également la pierre angulaire de l’édifice communautaire. Rappe-lons que cette procédure permet aux juges nationaux des Etatsmembres d’interroger la CJCE dans le cadre d’une affaire pendantedevant leur tribunal, sur l’interprétation qu’il convient de donner àtel ou tel point de droit communautaire. Cette procédure est si utileet si efficace qu’elle est victime de son succès puisque aujourd’hui, ilfaut attendre plus de vingt et un mois en moyenne, pour obtenirl’avis de la CJCE. Pour soulager la cour, la commission propose de« responsabiliser » les juges nationaux, en leur rappelant que c’estd’abord à eux d’appliquer le droit communautaire et en leur deman-dant à l’avenir de motiver leur recours.

La deuxième série de mesures concerne les recours directs formésauprès de la cour, c’est-à-dire toutes les actions, hors les questionspréjudicielles. Aujourd’hui, la répartition des compétences veut quela cour statue sur les recours introduits par les Etats membres et lesinstitutions, tandis que le tribunal est destinataire des recours enga-gés par les personnes physiques et les entreprises. La commissionpropose de confier au tribunal une compétence de principe en ma-tière de recours directs. Ne seraient plus examinés par la cour queceux qui sont « essentiels au bon fonctionnement de la Communauté ».

Le troisième point concerne les pourvois, car il ne faut pas oublierque les jugements du tribunal sont susceptibles de pourvoi auprès dela CJCE. Les plaideurs n’hésitent pas à en faire usage, puisque 40 %des jugements attaquables en font l’objet... Pour limiter cet engoue-ment, la commission souhaite instaurer un filtrage par la cour.

Quatrième sujet de contentieux et de préoccupation : les recoursen manquement des Etats membres. Aujourd’hui, lorsqu’un Etatmanque à ses obligations, la commission lui enjoint de s’expliquer,puis elle émet un « avis motivé » et enfin elle saisit la CJCE pour lefaire condamner. Or la plupart de ces « manquements » ne sont pascontestés par les Etats fautifs. Pour éviter cette source d’en-combrement, la commission propose de « constater » elle-même cesmanquements, constatation qui serait susceptible de recours devantla CJCE.

Enfin, la multiplication des contentieux très spécialisés seraientconfiées à des juridictions autonomes, dont les jugements seraientsusceptibles de pourvoi devant la cour.

La philosophie de cette réforme globale consiste à faire du tribunalde première instance la juridiction de droit commun, tandis que lacour deviendrait l’organe suprême, garant de l’application uniformedu droit communautaire dans tous les Etats.

Agence Juris Presse.

Le « stock » d’affairesnon jugées augmentechaque année,et plusieurs facteursvont aggraverla situation : les nouvellescompétencesaccordées à la cour,la « marqueeuropéenne »,l’élargissementde l’Unionet le problèmedes langues

LeMonde Job: WDE2100--0005-0 WAS MDE2100-5 Op.: XX Rev.: 19-05-00 T.: 20:12 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0193 Lcp: 700 CMYK

LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / VBOUSSOLE

PRODUCTION INDUSTRIELLE (fév. 00, en %)

PRIX À LA CONSOMMATION (mars. 00, en %)

Sur un an ...........................................Sur un mois .......................................

7,62,1

7,61,8

7,20,9

2,81,1

2,81,0

1,84,5

– 1,3– 0,6

5,51,2

4,5 0,9

5,0 (12/99)1,3 (12/99)

4,7 (12/99)1,2 (12/99)

Sur un an ..........................................Sur un mois ......................................

2,1 *0,2 *

2,50,5

3,00,5

1,7 * 0,5 *

2,60,4

1,6 * 1,1 *

0,70,2

3,70,6 (fév. 00)

– 1,1 (déc.) – 0,3

1,9 * 0,4 *

2,0 *0,4 *

Sur trois mois ................................. 0,6 0,5 – 0,4 – 2,2 0,8 1,1 1,8 2,2 1,6 1,3 0,2

PIB EN VOLUME(4e trimestre 99, en %)

Sur un an ..........................................Sur trois mois ..................................

2,30,7

4,61,1

4,01,0

3,20,8

2,10,4

4,21,4

3,00,8

3,10,8

3,10,8

4,61,8

0,0– 1,4

DÉFICIT PUBLIC/PIB (en %)

1999 ................................................... – 1,2 – 0,9 – 1,1 – 1,8 – 1,9 0,5 1,2– 0,7 – 1,2 1,6 (1998) – 6,1(1998)

DETTE PUBLIQUE/PIB (en %)

1999 ................................................... 61,1 114,4 63,5 58,6 114,9 63,8 46,068,1 72,2 57,4 (1998) 99,9 (1998)

INVESTISSEMENT (FBCF)(4e trimestre 99, en %)

SOLDE COMMERCE EXTÉRIEUR(en milliards d'euros, jan. 00)

+ 2,6 1,3 – 3,2 (déc 99) – 1,1 – 1,1 0,5 – 5,2– 13,1 – 4,5 * – 34,7 (nov.) 6,1 (nov.)

* provisoire ** source Commission européenne *** Luxembourg inclus

ALLEMAGNE BELGIQUE ESPAGNE FRANCE ITALIE PAYS-BAS ROY.-UNIUE 15 EURO 11 E.-U. JAPON

Les indicateurs économiques internationaux « Le Monde » / Eurostat

Pour plus d'informations : http://www.europa.eu.int/comm/eurostat

DERNIER MOIS CONNU

VARIATION SUR UN AN

CONSOMMATION DES MÉNAGES(en produits manufacturés)

– 1,7 % (mars) + 4,1 %

TAUX D'ÉPARGNE 14,7 % (3e trim. 99) – 0.9

POUVOIR D'ACHAT DES MÉNAGES – 0,9 % (3e trim. 99) + 1,2 %

COMMERCE EXTÉRIEUR(en milliards de francs)(solde cumulé sur 12 mois)

+ 7,3 MdF

+ 109,9 MdF

– 2,1 MdF

– 25 MdF

ENQUÊTE MENSUELLE SUR LE MORALDES MÉNAGES* + 2 (avril) – 10 **

ENQUÊTE MENSUELLE DANS L'INDUSTRIE*opinion des chefs d'entreprise sur les perspectives générales de production

CRÉATIONS D'ENTREPRISES

+ 37 (avril)

21 850 (mars)

– 23 **

– 3,9 %

DÉFAILLANCES D'ENTREPRISES*** – 0,4 %

* solde de réponses, cvs, en % ** solde net douze mois auparavant *** par date de publication

3 502 (fév.)

Les indicateurs français

Sources : Insee, Douanes

a LA CONJONCTURE économique du Gabon s’est améliorée grâce à laremontée des prix du pétrole qui a permis, à partir de novembre 1999, derenflouer les caisses de l’Etat.a À MOYEN TERME, pourtant, l’avenir de ce pays est préoccupant, carl’exploitation de l’uranium (dont le gisement est épuisé) s’est achevée enjuin 1999, et la production pétrolière baisse régulièrement en volume, enl’absence de nouvelles découvertes.a LE POIDS DE LA DETTE extérieure est également préoccupant. De-puis 1998, le Gabon n’arrive plus à honorer qu’une partie du service dû àses créanciers. Pour obtenir un rééchelonnement de sa dette, le Gabon vadevoir renouer avec le FMI, ce qui est loin d’être acquis.

a EN 1997, le chiffre d’affaires du secteur du transport routier a dépassé130 milliards d’euros (Espagne et Grèce non comprises), soit l’équivalentde tous les autres modes de transport – transport de voyageurs inclus.L’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni contribuent pour 75 %à ces résultats.a LE POURCENTAGE de travailleurs indépendants varie considérable-ment : de moins de 10 % au Portugal, en France et au Luxembourg à 50 %(ou plus) en Italie et en Espagne. C’est au Danemark et en Allemagne queles femmes sont les plus présentes (17 % des travailleurs du secteur), alorsqu’elles ne représentent que 2 % en Grèce.a LA CONSOMMATION d’énergie des transports routiers au sein del’Union européenne a augmenté de 38 % entre 1985 et 1996, pour re-présenter 50 % de la consommation finale d’énergie en 1996 (contre 42 %en 1985).

a UN CINQUIÈME du chiffre d’affaires des groupes pharmaceu-tiques américains est consacré à la recherche, dont le coût global estestimé à 26,4 milliards de dollars pour l’an 2000 par PhRMA, groupe-ment des industriels américains du secteur. Ce taux serait cinq foissupérieur à celui de la moyenne des autres secteurs industriels.a LES INDUSTRIELS s’appuient sur ces chiffres pour expliquer lacroissance du prix des médicaments, qui inquiète politiques etconsommateurs. Près de la moitié des nouveaux médicaments se-raient produits par des sociétés américaines, estime le même orga-nisme, contre 14 % par des firmes britanniques, 7 % par des japo-naises, et 3 % par des françaises.

La Corée du Sud cherche à s’ouvrir pour consolider son rétablissementLe pays doit chercher à l’étranger des financements et des marchés. Et place ses espoirs dans unecoopération avec lefrère ennemi du Nord

L a rencontre programméeentre le président sud-co-réen Kim Dae-jung et sonhomologue du Nord, Kim

Jong-il, le 12 juin prochain à Pyon-gyang, autant que la prise de parti-cipation majoritaire (70 %) de Re-nault dans le capital de SamsungMotors, marquent la nette volontéde la Corée de rompre avec un de-mi-siècle d’enfermement et de riva-lités.

En 1999, tous les indicateurs ma-cro-économiques ont retrouvé lechemin de la croissance. Le produitintérieur brut (PIB) a progressé deplus de 10 % et les réserves en de-vises, asséchées par la crise de 1997,ont atteint le record de 84,6 mil-liards de dollars fin avril. La baissedes taux d’intérêt a largementcontribué à la reprise de la Boursede Séoul, dont la capitalisation dé-passe aujourd’hui les 300 milliardsd’euros. Le won s’est considérable-ment apprécié et s’échange désor-mais à un peu moins de 1 200 pour 1dollar (2 000 contre 1 fin 1997).

Deux ombres viennent assombrirces résultats : d’une part, laconsommation des Coréens resteplate ; de l’autre, la Bourse de Séoulest avant tout tirée par les opéra-tions sur les start-up (lire aussi pageVI), soumises aux fluctuations dumarché international et plus parti-culièrement du Nasdaq américain.En d’autres termes, la croissance de1999 repose d’abord sur la reconsti-tution des stocks, épuisés l’annéeprécédente, plus que sur une réellereprise économique.

De fait, en fin d’année dernière,l’activité du secteur industriel a en-registré un fléchissement. Ni les ex-portations ni la consommation in-térieure ne permettaientd’absorber la croissance de la pro-duction. La fragilité de la reprise co-réenne explique la prudence desconsommateurs, d’autant plus quele spectre du chômage plane, mêmesi, en l’absence de statistiques pré-cises, l’évaluation du phénomènereste difficile. Selon les chiffres offi-ciels, le nombre de sans-emploiprogresserait d’environ 80 000 parmois.

L’Etat sud-coréen a déjà fait sa-voir qu’il lui sera difficile de prolon-ger la politique d’investissements

qui fut la sienne, en 1998 et 1999,avec l’appui du Fonds monétaire in-ternational (FMI). Le ratio dette pu-blique/PIB, qui s’est toujours main-tenu sous la barre des 50 %, frôlaitles 90 % fin 1999. De leur côté, lesconglomérats coréens (les fameuxchaebols) n’ont pas été suffisam-ment prompts à se réformer pourprendre le relais. Leur endettementdemeure trop important pour par-ticiper efficacement à la relance del’économie. La Corée n’a donc pasd’autre choix que de chercher àl’extérieur les moyens qui lui fontdéfaut, pour financer son dévelop-pement, et trouver de nouveauxdébouchés, afin de compenser labaisse de la demande sur les mar-chés asiatiques, depuis 1998.

Inimaginable il y a quelques moisencore, la reprise de Samsung Mo-tors par Renault, pour environ560 millions de dollars, rompt avecune tradition d’enfermement sé-culaire qui avait, jadis, valu à la Co-rée le sobriquet de « Royaume er-mite ». Malgré les offresétrangères, les autorités de Séoulavaient, jusque-là, toujours privilé-gié la solution nationale : Sangyongrepris par Daewoo en 1998, Kia parHyundai quelques semaines plustard.

Cette mini-révolution au paysdes Matins calmes n’est pas sansrisques politiques pour Kim Dae-jung. Nationalistes, les Coréens ac-ceptent très difficilement de voirleur échapper ce qu’ils considèrentcomme une richesse nationale, fruitde leur acharnement à se hisser aurang de pays industrialisé. Depuisfévrier 1998, et l’arrivée aux affairesde Kim Dae-jung, les partenaireséconomiques de la Corée attendent

des autorités de Séoul un change-ment radical dans la nature des re-lations de clientèle qu’elles entrete-naient jusque-là avec lesmammouths industriels que consti-tuent les chaebols. En ce sens, labrèche ouverte par l’accord Re-nault-Samsung pourrait précipiterla fracture entre le pouvoir poli-tique et le pouvoir économique.

Le choix de Samsung Motorspour ce test ne doit pour autantrien au hasard. La stabilisation de lasituation économique, plus rapideque prévu, n’a pas permis de creverl’abcès. Le démantèlement deschaebols, promis depuis dix ans, n’apas avancé au rythme escompté.Mais le président Kim Dae-jungsemble déterminé à aller de l’avantdans la restructuration du secteurindustriel sud-coréen, même s’il nedoute pas qu’elle se traduira pardes milliers de licenciements.

BOUFFÉE D’OXYGÈNEL’annonce conjointe, en avril

dernier, par Pyongyang et Séoul,d’un sommet Nord-Sud est arrivéefort à propos (juste avant les élec-tions législatives) pour détournerl’attention des Sud-Coréens de ladégradation de l’environnementéconomico-social. Le Parti démo-crate du millénaire du présidentKim n’en a pas tiré tout le profitqu’il pouvait en attendre, mais cetaccord ouvre des perspectives suffi-santes pour apporter une boufféed’oxygène à la Corée du Sud.

Le dossier « Corée du Nord »offre, pour le Sud, autant d’avan-tages politiques qu’économiques.Depuis la fin des années 80, toutesles hypothèses de rapprochementsur lesquelles planchent les autori-tés de Séoul s’appuient sur un ren-forcement préalable de la coopéra-tion de part et d’autre du38e parallèle. Ce qui n’a jamais puréellement se concrétiser, même si,depuis trois ans, Hyundai a été au-torisé à s’implanter au Nord dans lesecteur touristique. Les projets dedéveloppement, autour du bassindu fleuve Tumen (frontière sino-co-réenne), élaborés il y a une dizained’années sous l’autorité du Pro-gramme des Nations unies pour ledéveloppement (PNUD), n’ont ja-mais été mis en application. La par-

ticipation des Etats-Unis à ce plancontrariait le monopole que Séoulentend exercer sur la mise en valeurde son voisin. De son côté, Wash-ington a toujours utilisé la menaceconstituée par Pyongyang pour jus-tifier le maintien d’une puissantearmada dans la région.

Signé avec l’aide de Pékin et To-kyo, l’accord inter-coréen d’avrilouvre, pour la première fois, la voieà un véritable engagement de Séoulau-delà de sa frontière nord. De cepoint de vue, la Sunshine Policy duprésident Kim est en passe d’ins-

taurer un climat de détente dans ledernier bastion de la guerre froide.Certains ne s’y sont pas trompésqui, à l’instar de l’Italie, ont décidéde normaliser leurs relations diplo-matiques avec Pyongyang.

Le chantier de la Corée du Nordconstitue une aubaine pour l’indus-trie régionale et ses partenaires. NiPyongyang ni Séoul n’ont intérêt àruiner les espoirs qu’ils viennent defaire naître. Avec une économie enruine, la Corée du Nord n’a plus lesmoyens de faire trembler la pla-nète. Quant à la Corée du Sud, elle

n’a jamais caché ses craintes de de-voir faire face à un flux massif deréfugiés du Nord. La désintégrationde la Corée du Nord, comme cellede l’Allemagne de l’Est en 1989, setraduirait par une chute immédiatede 50 % du PIB par habitant au Sud.Une telle déferlante emporteraittout sur son passage, pour le seulprofit de ceux qui veulent y mainte-nir l’ordre.

Marc Mangin(Nord-Sud Export,

groupe « Le Monde »)

Source : Eurostat

La route, un mode de transport privilégié

en milliers d'euros

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PAYS-BAS

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ESPAGNE

ITALIE

Valeur ajoutée et coûts salariaux unitaires

VALEUR AJOUTÉE BRUTE PAR SALARIÉ

COÛTS SALARIAUX UNITAIRES

Source : Nord-Sud Export (groupe «Le Monde»)

L'avenir préoccupant du Gabon

PAYS ÉMERGENTS

en millions de dollars

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

DONT DETTE À COURT TERMEDETTE EXTÉRIEURE TOTALEEXPORTATIONS

200019991998199719961995

INNOVATION

Source : Pharmaceutical Research and Manufactures of America, PhRMA Annual Survey. 2000

Le poids de la recherche pour les firmes pharmaceutiques américaine

en %Évolution du ratio recherche et développement sur chiffre d'affaires

10

15

20

25

2000199519901985198019751970

11,4 11,3

11,9

15,116,2

19,420,3

LeMonde Job: WDE2100--0006-0 WAS MDE2100-6 Op.: XX Rev.: 19-05-00 T.: 20:12 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0194 Lcp: 700 CMYK

VI / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 FUTURS

HMÉCANIQUE DE L’ÉCONOMIEp a r J e a n - P a u l B e t b è z e

« P », « W » et « S » :

L a lettre grecque « P » pour profit chez les économistes ;« W », l’initiale anglaise pour Wages, les salaires, et « S »pour Satisfaction, parce qu’il a été fait assez : Satis, chez lesLatins. Voilà, en trois lettres internationales, comment se

présente le triangle de tout développement d’entreprise et, par ex-tension, de tout développement. Evidemment, chaque composantedu triangle est indispensable.

« P », le profit, donne à la firme le moyen de calculer et d’organi-ser ses choix, de financer son développement et de rémunérer sesactionnaires. Il lui permet aussi d’augmenter sa capitalisation bour-sière – puisque son titre sera plus demandé – et lui ouvre donc unepossibilité de croissance externe, financée par échange d’actions(offre publique d’échange).

« W » est la rémunération des activités et des efforts déployés parles salariés. Elle permet de distinguer entre les meilleurs, d’attirerdes talents nouveaux, d’inciter à la performance.

« S » pour satisfaction, c’est-à-dire pour la capacité d’au moinsmaintenir (accroître ensuite) le nombre de clients, qu’il s’agira, en-fin, de fidéliser. « S » se manifeste donc par la progression du chiffred’affaires, et mieux encore de la part de marché. Elle se mesure pardes indicateurs quantitatifs (volume d’activité, nombre de clients,nombre de produits par clients, nombre d’années de fidélité...), maisaussi qualitatifs (enquêtes de satisfaction...).

Le poids de chaque composante du triangle peut être renforcé,mais non sans risques vis-à-vis des autres. L’opposition la plusconnue se situe entre « P » et « W », et confronte les salaires auxprofits comme l’ont décrit les économistes de l’école classique (Da-

vid Ricardo, Karl Marx). L’école deCambridge (Joan Robinson, Nico-las Kaldor) s’y est, elle, intéresséevia la question du partage de la va-leur ajoutée et des tensions infla-tionnistes possibles. L’oppositionentre « P » et « W » est censée syn-thétiser les « rapports sociaux deproduction ». Si le partage s’effec-tue trop dans le sens des profits,c’est la tension sociale qui croît.Dans l’entreprise, la productivitédu travail peut alors fléchir untemps, tandis que peuvent progres-ser, grâce aux résultats financiersobtenus, l’investissement et la sa-tisfaction des actionnaires.

Symétriquement, avec des sa-laires relativement supérieurs àceux des concurrents (autres entre-prises et autres pays), les salariéssont davantage satisfaits, maisc’est l’avenir qui risque de s’obs-curcir : les investissements serontplus difficiles à financer alors que,sous la pression des concurrents etdes actionnaires, des gains de pro-ductivité doivent être plus ardem-ment recherchés. Seul un endette-ment relativement plus fortpermettra de boucler la boucle,mais il s’accompagnera d’une dé-préciation des titres (si descompensations ne sont pas bientôttrouvées) en raison d’actionnairesqui peuvent vendre... ou qui at-tendent d’être rachetés.

L’opposition entre « W » et « S »est la plus délicate à présenter. Elleoppose l’intérieur de l’entreprise àson extérieur. D’un côté, on trouveles conditions de travail dans l’en-treprise et la satisfaction des sala-

riés, donc les coûts ; d’un autre, les conditions offertes aux clients,donc les prix. Si les salaires sont, en moyenne, trop élevés par rap-port aux concurrents, à conditions données de marché et de pro-ductivité, c’est, à court terme, le client qui paie. Jusqu’à ce qu’il s’enrende compte (ou que la concurrence l’y aide) et aille voir ailleurs.Ajoutons que ce sont en général les meilleurs clients qui réagissentainsi les premiers, étant les plus élastiques (sensibles) aux prix si leproduit est banalisé, et aux rapports qualité-prix s’il est complexe.Or, ces rapports comparatifs ne nécessitent pas de recherches spéci-fiques : ils sont de plus en plus présentés dans des revues de distri-buteurs, des revues spécialisées et désormais dans des sites Internet.

L’opposition entre « P » et « S » connaît une intensité accrue sousla pression croissante et organisée des actionnaires. Quand ces der-niers demandent une meilleure rentabilité, ils poussent d’un côté lafirme à chercher des gains de productivité et à jouer sur tous sescoûts (donc sur « W »), et d’un autre à revoir les prestations qu’elleoffre aux clients (donc « S »). Il s’agit d’augmenter les prix et/ou dediminuer telle ou telle composante de la qualité. Des travaux ré-cents montrent que ce processus joue un rôle nouveau. En effet, lasensibilité des clients au rapport qualité-prix n’est ni immédiate nisimple. Face au changement, il faut compter avec l’inertie : un clienthésitera, par exemple, à changer de fournisseur, car ce changemententraîne des coûts (les « switch costs ») : retrouver un autre fournis-seur, comprendre son offre, changer d’habitudes et de repères. Etceci même s’il sent monter en lui un certain inconfort, et qu’il per-çoit que le rapport qualité-prix se dégrade.

L’entreprise va donc essayer de distendre ou de réorienter le rap-port entre « P » et « S ». Ces actions peuvent être nettes : l’entre-prise ferme des unités ou arrête des activités. Les mesures choisiessont le plus souvent graduelles : l’entreprise décide de servir dif-féremment certains types de clientèle, en fonction de leur contribu-tion à ses résultats. Il s’agit alors d’éviter des départs significatifs declients. En même temps, la firme prend le risque que s’exprime unemoindre satisfaction et que certains clients soient plus volages.

L’opposition salaire-profit, sur laquelle repose tant de littérature,n’est donc qu’une partie des relations économiques. En fait, ellen’existe pas sans le client, à l’origine de ses fondements, qui le saitde mieux en mieux ! En outre, les relations entre « P », « W » et« S » se complexifient, puisque des clients sont souvent actionnaireset que, de plus en plus, les salariés le deviennent. Triangle de contra-dictions donc, et de satisfactions aussi, chacun essayant de tirer da-vantage la couverture à lui. C’est alors que vient la croissance etqu’opère donc la magie.

le triangle magique

Le profit donneà la firme le moyende financer sondéveloppementet de rémunérerses actionnaires.Le salaire rémunèreles activités etles efforts déployéspar les salariés.La satisfaction permetde maintenir oud’accroître le nombrede clients, qu’ils’agira, enfin, defidéliser. Le poids dechaque composantedu triangle peut êtrerenforcé, mais nonsans risques vis-à-visdes autres

La nouvelle économie, « planche de salut » d’une Corée du Sud en recomposition

Alors qu’un habitantsur trois est déjàconnecté, l’Etat misesur les start-up pourébranler la puissancedes conglomérats

SÉOUL de notre envoyé spécial

P lanche de salut », « ac-célérateur des ré-formes » et « motif defierté nationale »... La

nouvelle économie coréenne estdevenue une ardente obligationpour une population traumatiséepar la « crise du FMI », pour ungouvernement désireux de pro-mouvoir de nouvelles entreprisesface au système de dominationdes conglomérats, les fameuxchaebols, et dernièrement, pourles chaebols eux-mêmes, quimettent désormais tout leur poidsdans la course au Net.

S’il est difficile d’estimer avecprécision leur contribution au PIB,les chiffres de la nouvelle écono-mie coréenne sont éloquents : finmars, le pays du Matin-Calmecomptait 14 millions d’internautes,soit 30 % de la population. Plusd’un million d’entre eux ont accèsà des connections à haut débit. Pa-radoxalement, ce sont les surin-vestissements effectués dans lestélécoms dans les années 90 quiont doté le pays de l’infrastructureadéquate. Et c’est un jeu vidéo quiaurait converti en masse les jeunesCoréens : en 1998, au plus fort dela crise, on se rue dans les PC Ban,salles d’ordinateurs raccordées àInternet à haut débit, pour jouer àStarcraft, un jeu de combat enligne. Les PC Ban ont un tel succèsque le pays en compte bientôt15 000. C’est aujourd’hui une in-dustrie à part entière, avec ses ser-veurs, ses portails et ses multiplesservices en ligne.

La nouvelle économie a accéléréles bouleversements consécutifs àla crise. En mars dernier, les capi-talisations phares du Kosdaq, lemarché high-tech de Séoul, qui agagné la bagatelle de 240 % en1999, approchaient celles des plusgrands chaebols. Si la « bulle In-ternet » s’est, comme ailleurs,quelque peu dégonflée depuis, lanouvelle génération d’entrepre-neurs a pris ses marques : jeunes,

ayant pour la plupart fait une par-tie de leurs études à l’étranger, is-sus parfois des chaebols, ils fontd’autant plus figure de modèlesque la crise est venue sanctionnerles errements d’un mode de déve-loppement qui a vécu.

« Les grandes sociétés sont trèshiérarchiques, très bureaucratiques.Ici, les gens travaillent par eux-mêmes », remarque Jaewoong Lee,trente-deux ans, président deDaum Communications, premierportail coréen grâce à un serviced’e-mail gratuit, Hanmail, qui re-groupe un total de 10 millions demembres. Daum est situé au cœurde Teheran Valley, le berceauhigh-tech de Séoul. Le jeune pa-tron est aujourd’hui incontour-nable et les grandes sociétés sepressent au portillon pourconclure des alliances commer-ciales.

Les sirènes de la nouvelleéconomie ont d’ailleurs provoquéun véritable exode de talents dans

les grands groupes : il y a six mois,Han Sang-ki, la quarantaine, quit-tait un poste de responsabilitéchez Samsung Electronics pourfonder Venture Port, une sociétéde conseil qui, entre autres, sélec-tionne des start-up prometteusespour le compte d’investisseurs :« J’ai plein d’ex-collègues dans lesfonds de capital-risque. Et il n’estpas rare que les patrons de start-upsoient des anciens élèves de l’uni-versité de Séoul ou du Korean Ad-vanced Institute of Science &Technology [deux établissementsconnus pour former l’élite co-réenne, NDLR]. Comme on est tousliés et qu’on se connnaît, ça facilitebeaucoup les choses », admetM. Han.

ARGENT DOUTEUXOmniprésentes, les sociétés de

capital-risque sont devenues lenerf de la guerre pour la nouvelleéconomie coréenne, face à un sec-teur bancaire sinistré. Certaines sesont érigées sur les ruines de lavieille économie : KTB (KoreaTechnology Banking Corp.) estune ancienne banque en faillite re-vendue par le gouvernement àl’investisseur Gwan Sun-moon. Enoutre, la législation est avanta-geuse : « En Corée, les gains enBourse ne sont pas taxés, et le gou-vernement ferme les yeux sur la pro-venance des fonds investis dans lesstart-up. La rumeur veut que 50 %des fonds des capitaux-risqueurs se-

raient de l’argent “gris” », re-connaît un consultant en Internet.En d’autres termes, aucun risqued’éveiller les soupçons du fisc eninvestissant dans un fonds de capi-tal-risque.

Le gouvernement s’est par ail-leurs illustré par une politiquepour le moins volontariste encréant une trentaine de centresd’incubation à Séoul et en pro-vince. Les sociétés sélectionnéessont logées, équipées et connec-tées à des prix qui défient touteconcurrence. Les investissementsen infrastructure, eux, sont passésà la vitesse supérieure, l’objectifétant de tripler le nombre deconnections à haut débit d’ici à lafin de l’année.

Les chaebols et, bien sûr, lesgroupes de télécoms sont au-jourd’hui partie prenante de la fré-nésie Internet. LG, l’un des princi-paux chaebols coréens, a fait mainbasse sur Dacom, numéro 2 destélécoms, qui détient le fournis-seur d’accès Cholian. Samsungpossède Unitel. Pour endiguer lafuite des cerveaux, les chaebolscréent des filiales ad hoc. La mai-son de commerce Samsung Cor-poration regroupera bientôt l’en-semble de ses activités Internetdans une structure séparée.

La plupart des chaebols ont leurpropre fonds de capital-risque etprofitent de leur présence dansdes secteurs très divers(commerce, électronique, auto-mobile, construction, immobilier,chimie, services d’assurance, cour-tage...) pour prendre des participa-tions dans de multiples sites :galeries en ligne, sites de divertis-sement permettant d’atteindre lesconsommateurs, plates-formesd’achat pour le commerce interen-treprises « B to B ». Reste à savoirsi les chaebols sauront survivretels quels à la nouvelle économie,ou si celle-ci continuera ce qu’acommencé la crise, à savoir leurdémantèlement.

B. P.

b Diplômé de l’université de Séoulet du MIT, Bae Soon-hoon fut,de 1995 à 1997, PDG de DaewooElectronics. Il a mené à ce titreles négociations sur la reprisede Thomson.b Ministre de l’informationet des communications, il s’opposeà la restructuration des chaebolspar le moyen des « big deals »(échanges d’activité, qui n’aurontfinalement pas lieu)et démissionne fin 1998.b Il enseigne actuellementle management au KoreanAdvanced Institute of Science& Technology (KAIST), qu’il acontribué à fonder en 1972.

HBae Soon-hoon

Bae Soon-hoon, ancien ministre coréen de l’information et des communications

« La constitution d’empires est révolue, une nouvelle culture se propage »

SÉOULde notre envoyé spécial

« Comment expliquez-vousqu’Internet et la nouvelle écono-mie aient eu un tel succès en Co-rée ? Faut-il y voir les consé-quences de la crise ?

– Les Coréens ont un côté ex-trême. La crise de 1997 a coûté2 millions d’emplois. La nouvelleéconomie est apparue comme unpari qu’il valait le coup de tenter.Jusqu’à la “crise du FMI” – c’estcomme ça qu’on l’appelle ici,même si le FMI était là pour nousaider –, les Coréens poursui-vaient le modèle japonais. Nousavons bien suivi ce chemin qui vi-sait à fabriquer des produits debonne qualité avec la plus grandeefficacité possible. Mais la crise aouvert grandes les portes du paysà des institutions financièresaméricaines et les chaebols ontdû se restructurer.

» Les petites entreprises ontchangé en profondeur ; elles ontmis la priorité sur la technologie,l’innovation et la prise de risque.En même temps, les Coréens ontdécouvert l’ingénierie financière,les méthodes américaines, à telpoint d’ailleurs qu’un très grandnombre de personnes se sontmises au courtage en ligne et quenous avons quasiment surpasséles Américains dans ce domaine[51 % des opérations en Bourse sefont en ligne en Corée, NDLR].

– Vous avez été ministre del’information et de la communi-cation dans le premier gouver-nement placé sous la présidencede Kim Dae-jung, en 1997-1998.Quel a été le rôle du gouverne-ment dans ce secteur ?

– Avant la crise, nous avionsune infrastructure de télé-communications très solide. LaCorée avait beaucoup investi, etil y avait en fait des surcapacitésen fibres optiques ; les chaebolsen avaient fabriqué en trèsgrosse quantité. Ce fut une au-baine. La déréglementation et

l’explosion du marché du Net ontrapidement absorbé ces surcapa-cités.

» En 1998, nous avons continuéd’investir dans les télécommuni-cations. J’étais ministre de l’in-formation, et les députés ne ces-saient de me demander pourquoinous prévoyions d’investir au-tant dans les télécommunica-tions alors que le pays était encrise. Je répondais que le marchéétait en mesure d’absorber toutcela. A l’époque, il y avait 3 mil-lions d’abonnés au téléphoneportable. En moins d’un an, lenombre d’abonnés avait doublé.Les télécoms ont explosé et sontapparues de nouvelles firmes In-ternet comme Daum. J’ai mené

une politique de déréglementa-tion agressive. Ce secteur a ainsibénéficié d’ investissementsétrangers, notamment de BellCanada et British Telecom.

– Le gouvernement pratiqueune politique très volontaristevis-à-vis des start-up avec sescentres d’incubation. Commentjugez-vous cette action ?

– Aujourd’hui, l’emploi dansl’économie coréenne est tiré parla nouvelle économie et les nou-velles sociétés high-tech. Biensûr, le gouvernement cherche àfaire baisser le chômage et essaiedonc d’aider ces nouvelles socié-tés. Mais, à mon avis, il ne de-vrait pas en faire trop et laisser lemarché se charger de la sélec-tion.

– La nouvelle économie contri-bue-t-elle à desserrer l’emprisedes chaebols ?

– Les sociétés high-tech ne re-présentent qu’une fraction del’économie, mais elles sont trèsvoyantes. Il y a vraiment unenouvelle culture qui se propage,mais l’ensemble des chaebolsrestent plutôt traditionnels. ChezHyundai, on parle de transmis-sion des rênes aux fils du fonda-teur Chung. Ce qui fait réagir lesgens, puisque le public détientdavantage de parts dans la socié-té que le fondateur lui-même. Demême, le président Lee, de Sam-sung, gagnerait davantaged’argent si Samsung était divisé,en bonne logique économique.En fait, c’est un raisonnementémotionnel qui domine. Daewooétait le deuxième chaebol dupays et s’est effondré.

» Avant d’en arriver là, le pré-sident Kim aurait probablementpu éviter le pire s’il s’était résoluà réduire la voilure. La constitu-tion d’empires est révolue, maisles fondateurs essaient de main-tenir cette tradition. L’ancienneéconomie était avant tout poli-tique : tout se mesurait à l’aunede la stratégie dictée par le gou-

vernement. Dans la nouvelleéconomie, ce sont les marchésqui décident.

– La crise de 1997 a touché deplein fouet les anciennes indus-tries. Est-ce qu’elles se sont res-tructurées, se sont-elles conver-ties elles aussi à la nouvelleéconomie ?

– Dans l’acier, Posco s’est réel-lement restructuré. C’est à monavis l’une des compagnies sidé-rurgiques les plus avancées dansl’utilisation d’Internet. Dans letextile, la plupart des grandes so-ciétés ont fait faillite. Celles quirestent sont plus compétitives.Regardez le marché de nuit deTongdaemon, à Séoul [grandsmagasins spécialisés dans l’habil-lement, ouverts 24 heures sur 24,NDLR]. Ils abritent de toutes pe-tites sociétés, qui marchent trèsbien et exportent aux quatrecoins du monde. Même dans lachaussure, où les coûts ont obli-gé à délocaliser en Chine, ellesfonctionnent en réseau. Ce sontles sociétés coréennes qui orga-nisent la sous-traitance en Chinepour les marques américaines ;elles ont tout à y gagner en va-leur ajoutée. Elles se sont égale-ment mises au commerce élec-tronique pour accroître leur basede clientèle.

– Vous êtes-vous, vous-même,impliqué dans le nouvelleéconomie ?

– Je suis au conseil d’adminis-tration d’une société qui déve-loppe des sytèmes basés sur Li-nux. J ’ai aussi cofondé, ouparticipé en tant que partenaire,à quatre sociétés high-tech.L’une propose des connections àInternet par satellite, ce seraidéal pour la Corée du Nord. Uneautre est dans les biotechnolo-gies. Je travaille avec des jeunesgens et j’essaie d’apporter quel-que chose. »

Propos recueillis parBrice Pedroletti

Direction des études économiques du Crédit lyonnais.

Source : KNIC (Korea Network Information Center).

De plus en plus d'internautes coréensNombre d'usagers en millions

9

12

15

mars 2000jan. 2000déc. 99nov. 99oct. 1999

9,4309,760

10,860

11,340

14,0

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LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / VIITRIBUNES

HARTICLES ET REVUESp a r D a n i e l C o h e n

Nouvelle économie :mythes et réalités

« HAS THE NEW ECONOMY RENDERED THE PRODUCTIVITYSLOWDOWN OBSOLETE », de Robert Gordon.http ://faculty-web.at.northwestern.edu/economics/gordon

C hacun s’enthousiasme aujourd’hui des perspectives de crois-sance qui seraient portées par la nouvelle économie. A l’aunedes statistiques les plus simples, toutefois, le moins que l’onpuisse dire est que le débat n’est pas encore tranché. Une mise

en perspective s’impose, et c’est le premier mérite de l’analyse proposéepar Robert Gordon que d’en proposer une particulièrement convaincante.A la lumière des tendances antérieures, il est indiscutable que la productivi-té du travailleur américain a recommencé de croître à un rythme soutenu.Après un effondrement au cours des deux décennies qui ont suivi le chocpétrolier, le taux de croissance de la productivité américaine a retrouvé de-puis 1995 un rythme qui se rapproche des niveaux enregistrés dans les an-nées 50 et 60. Elle progresse désormais en effet à un taux annuel de 2,1 %l’an, contre 1,1 % au cours des années 1972-1995 et 2,6 % de 1952 à 1972.

Certains feront peut-être la fine bouche : si c’est pour en revenir aux an-nées 50, était-il nécessaire d’en passer par tant de restructurations, tant devies brisées par la crise et le chômage ? Nul ne peut répondre simplementà cette question. Mais il est nécessaire d’en saisir la nature : on parle ici detaux de croissance, et non pas de niveaux. Retrouver la croissance des an-nées d’après-guerre est un succès appréciable.

Le point essentiel de la démonstration présentée par Robert Gordon sesitue toutefois dans l’analyse de la décomposition des sources du renou-veau de la croissance. L’essentiel des progrès enregistrés par l’économie sesitue, en fait, au sein d’un seul secteur : celui de la production d’ordina-teurs. Ici, la croissance de la productivité s’est élevée au rythme époustou-flant de 40 % l’an depuis 1995. Sans ce secteur, la croissance de la producti-vité industrielle serait en fait inférieure à celle qui a été enregistrée au coursdes années de « crise » qui ont fait suite au premier choc pétrolier ! A cejour, selon Gordon, la révolution de la nouvelle économie se limite donc àfabriquer de façon de plus en plus efficiente des ordinateurs...

Le débat suscité par l’article de Gordon ne fait évidemment quecommencer, et beaucoup reste à en dire. D’une part, les nouvelles statis-tiques publiées par le département du commerce américain atténuent leconstat : il y aurait bien, depuis peu, dans l’ensemble des secteurs indus-triels, une reprise de la productivité, même si le secteur informatique setaille la part du lion. On ne peut ignorer, d’autre part, que les autres sec-teurs comptent dans leurs dépenses d’investissement une part de plus enplus significative d’ordinateurs qui bénéficient mécaniquement de la chutedes prix qu’engendre la croissance de ce secteur. Le capital devient doncmoins cher pour l’ensemble de l’économie.

Mais il faut des données pour combattre des données et le mérite deGordon est de montrer qu’à ce jour, les bienfaits de la nouvelle économiepourraient se limiter à elle-même. Si tel était le cas, les pays qui ne seraientqu’utilisateurs de celle-ci, et non pas producteurs, pourraient bien passer àcôté du miracle...

Fiscalité citoyenne contre fiscalité virtuelle ? p a r M i c h e l B o u v i e r e t M i c h e l P r a t

U n peu partout dans le monde, l’ex-tension fulgurante du commerceélectronique inquiète les administra-tions fiscales. Leur crainte majeure

est de ne pas maîtriser la fraude liée à la démul-tiplication de transactions dématérialisées. As-surément, la prolifération des réseaux Internetpeut légitimement faire douter de l’efficacitédes dispositifs classiques de contrôle fiscal.

Là n’est pourtant pas l’essentiel. En réalité, laquestion la plus importante que pose la nou-velle économie au regard de l’impôt est de sa-voir si, au cours des dix prochaines années,cette dernière ne provoquerapas l’écroulement de pans en-tiers de nos systèmes fiscaux,ce qui, compte tenu de la por-tée politique de la fiscalité, au-rait à son tour inévitablementdes conséquences sur l’équi-libre des pouvoirs.

Première visée : l’impositiondu capital des entreprises. Onveut dire par là ceux des im-pôts qui frappent les biensd’équipement nécessaires à laproduction des marchandisesou des services. A la différenceen effet des entreprises tradi-tionnelles qui ont essentielle-ment recours à des équi-pements physiques, lesentreprises du secteur deshautes technologies utilisentde façon privilégiée des biensqualifiés d’immatériels (logi-ciels, bases de données, listesde clients...). Dès lors, les im-pôts assis sur le foncier (im-meubles bâtis et non bâtis)comme sur les autres biensimmobilisés (machines, grosoutillage, agencement et ins-tallations, matériel roulant...) frappent pluslourdement les premières que les secondes,puisque le capital immatériel ne fait pas l’objetd’une évaluation chiffrée incluse dans la baseimposable.

Ce premier constat en amène immédiatementun second. Les collectivités publiques qui sontbénéficiaires de ces impôts risquent, avec le dé-veloppement de la nouvelle économie, de voirleurs ressources considérablement diminuer aucours des prochaines années, l’essor de ce sec-teur s’accompagnant ainsi d’un rendement fis-cal voué à décroître.

En d’autres termes, outre les inégalités d’im-position entre entreprises qui sont en train de se

dessiner, c’est à une baisse inéluctable du pro-duit de la fiscalité assise sur la propriété fon-cière et plus largement immobilière que l’on de-vrait assister, sauf bien entendu si le législateurdécidait d’intégrer dans les bases d’impositionles biens immatériels, ce qui voudrait dire queles partisans de l’entreprise traditionnelle l’au-raient emporté sur les tenants de « l’économienouvelle ».

Sur le fond, la prise en compte du phéno-mène n’est pas simple, car il conduit à un véri-table bouleversement des conceptions tradi-tionnelles qui sont encore au cœur des systèmes

fiscaux contemporains. Onconsidère depuis fort long-temps qu’il convient de taxerles sources de la richesseéconomique pour obtenir desimpôts rentables, et c’est doncà ce titre que la propriété fon-cière a été choisie de longuedate comme base d’imposi-tion. Avec l’avènement dumonde industriel lui ont étéadjoints les facteurs de pro-duction, c’est-à-dire les biensd’équipement.

On voit donc bien commentl’irruption d’un monde virtuelde communication planétaireet de ses bases nouvelles d’im-position risquent de boulever-ser notre paysage, y comprispolitique. Le débat est ainsisusceptible de relancer laquestion de la décentralisa-tion et de l’autonomie finan-cière et fiscale des collectivitéslocales. En effet, le principalimpôt local, la taxe profes-sionnelle, bien qu’encore assispour partie sur les rémunéra-tions brutes versées par l’en-

treprise l’est surtout sur les immobilisationscorporelles. Si le secteur de la nouvelle écono-mie en venait à se substituer au secteur tradi-tionnel, le produit de cet impôt irait immanqua-blement en diminuant, pénalisant mêmegravement les collectivités locales les plus ac-tives, celles qui voudraient encourager l’installa-tion d’entreprises « high-tech » sur leur terri-toire ! Aux Etats-Unis, où l’impôt foncierreprésente une ressource importante pour l’Etatet les collectivités locales, cette questioncommence à préoccuper hommes politiques etchefs d’entreprise. Les réponses apportées sontde deux sortes ; les uns proposent une taxationdes biens immatériels, ce qui, selon certains,

pourrait éviter une diminution de plusieurs mil-liards de dollars d’impôts locaux, tandis que lesautres se refusent à imposer le « cyberspace » etsont partisans d’instituer un impôt général surla consommation prenant modèle sur la TVA.

La première solution, bien que technique-ment réalisable, est difficile à mettre en œuvrerapidement du fait des difficultés à qualifier et àchiffrer ce qu’il faut considérer comme un in-vestissement non tangible. La seconde directions’inscrit quant à elle dans une logique déjà an-cienne. Elle s’est exprimée déjà dans une limita-tion volontaire par les Etats de leur pression fis-cale, voie qui a pris forme concrète il y a plus devingt ans avec l’adoption, le 6 juin 1978, en Cali-fornie, d’un amendement à la Constitution cali-fornienne, la « proposition 13 », qui plafonnaitle taux de l’impôt foncier à 1 % de la valeur mar-chande du bien ; cette solution fait aussi partiedepuis le début des années 1980 de la panopliedes partisans les plus radicaux d’une simplifica-tion des systèmes fiscaux, ceux qui souhaite-raient l’instauration d’un impôt unique sur ladépense. On pourrait en effet estimer que laseule fiscalité pertinente dans un monded’échanges généralisés est celle qui consiste àimposer les flux, et particulièrement la dépense,par le biais de taxes sur le chiffre d’affaires in-cluses dans le prix des produits et des services.

Dans un tel contexte, la fiscalité, en épousantla mobilité et la virtualité de son environne-ment, en viendrait ainsi à disparaître dans sesformes les plus visibles en se fondant dans leprix des biens. L’impôt verrait alors ses figureset ses images traditionnelles devenir de plus enplus évanescentes, son essence autoritaire,comme son caractère contributif s’estompantpeu à peu en se confondant avec la dynamiqueinternationale de l’ordre économique mar-chand. Dans un tel cadre, la charge fiscale dis-paraît comme réalité évidente ainsi que commesymbole d’un mode d’être en société, d’un liensocial. Cette présence/absence de l’impôt faitdisparaître son caractère politique puisque lesrapports entre la fiscalité et les centres de déci-sion politique ne se matérialisent plus.

L’enjeu est donc d’importance. Il serait à cetégard éminemment souhaitable qu’il fasse l’ob-jet d’un débat national au lieu d’être réglé dansle seul cadre de commissions d’experts.

Michel Bouvier est directeur de la « Revuefrançaise de finances publiques » et duGroupement européen de recherches en fi-nances publiques (Gerfip). Michel Prat,haut fonctionnaire, est membre du Grou-pement européen de recherches en fi-nances publiques (Gerfip).

Si le secteur de lanouvelle économie envenait à se substituerau secteurtraditionnel, le produitde la taxeprofessionnelle, assisesur les biensd’équipement desentreprises, iraitimmanquablement endiminuant, pénalisantgravement lescollectivités locales

Les enjeux de la compétence collectivep a r G u y L e B o t e r f

L ’intérêt croissant des entreprises pour lagestion et le développement des compé-tences n’est plus à démontrer. Les débatssur le « modèle » ou la « logique compé-

tence » font maintenant partie du décor quoti-dien des professionnels du domaine. Ce constatappelle cependant une observation : alors quel’entreprise se trouvera de plus en plus confron-tée à la nécessité de développer la compétencecollective de ses personnels, ilest aujourd’hui essentielle-ment question des compé-tences individuelles.

Plusieurs raisons annoncentpourtant un changement deperspective.

1) La complexité des situa-tions professionnelles à gérerfera de plus en plus appel à demultiples savoirs et contribu-tions pour poser et résoudreun problème, concevoir unprojet, gérer un processus d’in-novation. Pour y faire face, lesressources propres d’un seulindividu se révèlent chaque jour davantage insuf-fisantes.

2) L’avantage compétitif résidera non plus seu-lement dans la qualité (qui deviendra la « ligne deflottaison » minimale), mais dans la capacité àconcevoir et à innover plus vite que les autres. Untel défi ne permet guère le recours à l’« artisangénial ». Il faut toute une coopération de talentspour réduire les cycles de développement d’unproduit et pour produire de l’inédit.

3) L’organisation du travail en équipes poly-valentes, le management par projet, la gestiondes processus, le travail en réseau avec les co-traitants appellent à un véritable maillage des in-telligences.

4) Le développement de l’économie du savoiret de l’information conduit à la mise en place

d’une véritable gestion des connaissances (know-ledge management) destinée à créer un capital desavoirs et savoir-faire collectifs.

5) Les nouvelles approches de la valorisationdes avantages compétitifs de l’entreprise mettentl’accent sur la combinaison des actifs tangibles etintangibles (dont les compétences), et non sur lesressources prises isolément. Les ressourcespeuvent être imitables et substituables ; leur

combinaison, invisible par es-sence et résultant de l’histoireet de l’apprentissage collectif,est en revanche inimitable.

Cette nouvelle approche doitconduire à la mise en placed’outils d’évaluation et de dé-veloppement de la compétencecollective.

Toute compétence comportedeux dimensions indisso-ciables : individuelle et collec-tive ; on peut de moins enmoins être compétent toutseul. Agir avec compétencesuppose de savoir interagir

avec les connaissances et compétences d’autruiet avec des réseaux de ressources collectives(banques de données, supports documentaires,fiches de capitalisation, banques de projets,banques de cas...). La réponse pertinente seracelle qui saura faire appel à l’intelligence collec-tive, à un réseau hybride de ressources, savoirsobjectivés issus de la recherche et de l’expérienceaccumulées. Ces savoirs ne sont pas tacites maisexplicites ; mis en mots, ils sont le résultat destravaux de formalisation et de capitalisation misen œuvre par le knowledge management.

La compétence collective se définit ensuitecomme le résultat d’une coopération entre lescompétences individuelles. Il convient donc d’éla-borer des outils – et des indicateurs – de cettecoopération : travail en équipe polyvalente, ges-

tion par processus, projet, fonctionnement en ré-seau...

La compétence collective passe enfin par l’or-ganisation de processus d’interactions au sein ducollectif de travail. Pour savoir interagir, on userade la pédagogie de la simulation collective, desretours d’expérience et des revues de projet, desformations actions, du travail sur les représenta-tions collectives... Pour pouvoir interagir, il faudraétablir des règles de travail en commun, carto-graphier les compétences, rendre accessibles lesréseaux de savoirs capitalisés, aménager les es-paces de travail (par exemple en « plateaux » deconception).

Pour favoriser le « vouloir » interagir, enfin, ilfaudra expliciter et discuter des enjeux collectifs,définir des indicateurs de performance collective,utiliser des dispositifs d’encouragement collectif(y compris financiers), établir des relations d’aidemutuelle et de solidarité...

Comment alors prendre en compte et gérer si-multanément deux logiques apparemmentcontradictoires : celle du développement descompétences métiers (dont le rythme, renvoyantà des référentiels métiers et des identités profes-sionnelles, est lent) et celle de la mise encommun des compétences individuelles (dont lerythme, renvoyant à des indicateurs de perfor-mances collectives et à la coopération, est plusrapide) ? En fait, ces deux logiques entrent en in-teraction : l’efficacité de la coopération dépendde la richesse des compétences individuelles etcelles-ci s’enrichissent de l’expérience de la coo-pération. Ne vouloir gérer que les seuls compé-tences des individus devient dès lors une positionintenable.

Guy Le Boterf est consultant indépendantet auteur de « Compétence et navigationprofessionnelle » et de « L’Ingéniérie descompétences », aux Editions d’orga-nisation.

Agir avec compétencesuppose de savoirinteragir avec lesconnaissances etcompétences d’autruiet avec des réseaux deressources collectives

PARUTIONSb CULTURE ET DÉVELOPPEMENT, de Guy HermetLes grandes agences internationales chargées de financer le dévelop-pement des pays du tiers-monde sont aujourd’hui à la recherche d’ou-tils nouveaux qui rendraient leur action plus efficace et surtout plusdurable. Ainsi, la Banque interaméricaine de développement (BIAD)tente désormais de fonder les projets qu’elle finance sur le « capital so-cial » et les « dynamiques culturelles » des populations qu’elle souhaiteaider.Guy Hermet entreprend ici un examen critique des notions de capitalsocial et de dynamique culturelle, notamment à la lumière des indus-tries culturelles « globalisées » : cinéma, télévisions (principalementaméricaines), qui ont un impact important sur les populations dému-nies (Presses de Sciences Po, 2000, 175 p., 110 F, 16,17 ¤). Y. M.

b VIEILLESSE ET SOCIÉTÉ : LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ, d’Hervé Marcillat Il existe un écart entre les discours des personnes âgées sur leur situa-tion quotidienne et les politiques publiques menées dans leur direc-tion. L’ouvrage d’Hervé Marcillat souligne le décalage entre la bureau-cratie gérontologique et le statut des personnes âgées dans notresociété. L’ouvrage fait le constat d’un double échec : les politiques pu-bliques censées venir en aide aux personnes âgées ratent générale-ment leur cible et ce ratage contribue à détériorer l’image que les gensâgés et les retraités ont dans la population active (Eres, 2000, 147 p.,130 F, 19,81 ¤). Y. M.

b LE SYNDICALISME DANS LA MONDIALISATION, ouvrage coordonné par Annie Fouquet, Udo Rehfeldtet Serge Le RouxComment le syndicalisme peut-il répliquer à la mondialisation ? C’estle sujet de ce livre, fait de contributions issues d’un colloque. La ques-tion d’un socle international de droits sociaux est notamment posée,et pas seulement à l’intérieur de l’espace européen.Il s’agit aussi, pour les syndicats, non seulement d’accentuer leur coo-pération, mais d’ajuster leurs revendications à un capitalisme dont leslieux de décision sont plus éloignés et plus mobiles qu’hier. Leursmodes d’action pourraient se modifier. Par exemple, en Europe, un deleurs objectifs pourrait être la création d’une « société civile supra-nationale » permettant de mobiliser l’opinion, et le développementd’alliances stratégiques avec des mouvements sociaux. Autres pistes :amener les directions de groupes internationaux à adapter des codesde bonne conduite à l’égard de leurs salariés et de ceux de leurs parte-naires, ou encore organiser, comme aux Etats-Unis, des campagnes deboycott de certaines marques (Les Editions de l’Atelier, 240 p., 125 F,19,06 ¤). D. U.

LeMonde Job: WDE2100--0008-0 WAS MDE2100-8 Op.: XX Rev.: 19-05-00 T.: 20:12 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0196 Lcp: 700 CMYK

VIII / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 ENQUÊTE

Le 28 mars, dans lecadre des négociationssur la refondationsociale, l’organisationpatronale proposait decréer des contrats detravail établis soit pourla durée d’une mission,soit pour une duréemaximale de cinq ans.Fermement opposésà cette flexibilitéaccrue en périodede croissance,les syndicats se voientcontraints d’élaborerdes contre-propositions

L’intérim se manifeste pour faire reconnaître son rôleV oilà deux ans que le gouvernement

menace les entreprises de rétor-sion si elles continuent d’abuserdes contrats à durée déterminée et

de l’intérim. Aujourd’hui les partenaires so-ciaux débattent, dans le cadre de la « refonda-tion sociale », de l’opportunité de créer uncontrat de mission. Alors, le PDG de VédiorBis,Frédéric Tiberghien, a choisi de passer à l’of-fensive. Il vient d’adresser à quelque 20 000 dé-cideurs politiques et institutionnels et auxDRH des 500 plus grandes entreprises fran-çaises un manifeste « Pour vous faire changerd’idée sur l’intérim ». Rien que cela.

Pour cet ancien conseiller du ministre des af-faires sociales Pierre Bérégovoy, l’enjeu vautbien un tel plaidoyer. « Cessons de diaboliserl’intérim et de l’amalgamer à la précarité. Il estau contraire dans de nombreux cas un moyenpour y échapper et joue un rôle majeur dans ladynamique du retour au plein-emploi », affirme-t-il, en mettant en avant la capacité des entre-prises de travail temporaire (ETT) à monter desopérations de formation pour répondre aux

besoins en qualification des employeurs, àréinsérer des personnes dans l’emploi, tout enassurant à ces dernières une protection socialeéquivalente à celle des salariés permanents.

« ASSOCIER FORMATION ET MISSION »« Le vrai combat à mener, avance Frédéric Ti-

berghien, est de modifier le point d’équilibreentre le besoin de flexibilité pour les entreprises etla demande de sécurité des salariés. Et non de ré-primer les formes atypiques de travail en lestaxant, ou même de créer de nouvelles formes decontrat. » Il ne cache en effet pas ses doutes surl’utilité d’ajouter à la palette, déjà très large enla matière, un nouveau type de contrat, nevoyant dans la proposition du Medef qu’unefaçon de narguer l’Etat qui ne s’est pas privé decréer un contrat atypique avec les emplois-jeunes.

Pour le patron de VediorBis, la priorité estplutôt d’« imaginer de nouvelles formes de re-tour à l’emploi associant formation et missiondans les entreprises, avec à la clé une validationdes acquis professionnels », dispositifs que

maîtrisent justement les sociétés d’intérim,assure-t-il.

Encore faudrait-il qu’elles soient reconnuescomme un acteur à part entière du marché dutravail, poursuit Frédéric Tiberghien, quiconstate que la France n’a toujours pas ratifiéla convention 181 adoptée en 1997 par l’Officeinternational du travail, et qui reconnaît auxagences d’intérim un rôle aux côtés des bu-reaux de placement publics.

On l’aura compris, le numéro trois françaisdu travail temporaire entend clairement se po-sitionner à l’avenir comme un opérateur sur lemarché de l’emploi. Le syndicat de la profes-sion, le SETT, ne trouve d’ailleurs rien à redireà ce manifeste, qui se revèle être aussi unebelle apologie de l’intérim dans son ensemble.Encore faudrait-il que l’ensemble des sociétésd’intérim aient à la fois la volonté et la capacitéd’assumer toutes les belles promesses de celuiqui s’est érigé comme le porte-parole de la pro-fession.

Laetitia Van Eeckhout

Plusieurs autres propositionspourraient ressortir des placards

Depuis des années, desrapports préconisentdes mesures pourconcilier flexibilitéet sécurité. Un vivierpour les syndicats

L a polémique entre patro-nat et syndicats autourdu « nouveau contrat detravail » aura au moins le

mérite de ressusciter l’intérêt dessyndicats, du moins de certainsd’entre eux, pour des propositionsde régulation des formes précairesde l’emploi émises ces dernièresannées. Elles avaient alors ren-contré leur méfiance, voire leurhostilité, dans la mesure où ellesrisquaient d’institutionnaliserl’hétérogénéité des statuts. Laplus fameuse d’entre elles futl’idée du « contrat d’activité »,lancée il y a cinq ans par JeanBoissonnat dans son rapport auCommissariat général du Plan in-titulé Le Travail dans vingt ans (Ed.Odile Jacob, 1995). Conciliantflexibilité et sécurité, ce contratd’une durée de cinq ans lierait lesalarié non plus à un seul em-ployeur, mais à plusieurs d’entreeux et à d’autres partenaires (or-ganismes de formation, associa-tions...).

Presque toutes les confédéra-tions ont ainsi participé aux tra-vaux d’un groupe informel, créépar le Commissariat du Plan afind’étudier la faisabilité financièreet juridique des idées avancéespar Jean Boissonnat. Ce groupe detravail, explique Michel Théry, quien est l’un des animateurs, devraitlivrer le fruit de ses réflexions d’icil’été.

Ses préconisations devraientpuiser à diverses sources : le rap-port Belorgey sur les minima so-ciaux, qui propose des solutionsconcrètes pour le « portage » desdroits acquis et l’élimination deseffets négatifs de la fiscalité, lorsdu passage du chômage ou duRMI à l’emploi et inversement ;les propositions de Jacques Bar-thélémy, membre du Conseiléconomique et social, qui visent àrésoudre les mêmes problèmes àla brumeuse frontière des statutsd’indépendant et de salarié. Ellesdevraient également aller cher-cher des solutions du côté de pra-tiques en vigueur dans certainesprofessions lorsqu’il s’agit de ré-guler les relations entre donneursd’ordres et sous-traitants.

Elles devraient aussi remettreau goût du jour des solutions quitrouvent toujours autant d’obs-tacles à leur application. Les grou-pements d’employeurs, créés par

la loi du 25 juillet 1985, per-mettent à un salarié de bénéficierd’un statut stable tout en laissantà différents employeurs la flexibi-lité nécessaire. Un rapport de Mi-chel Praderie, en novembre 1998,avait déjà préconisé la suppres-sion de la limitation de ce statutaux seules PME de moins de300 salariés dépendant d’unemême convention collective :concurrents au sein d’un mêmesecteur d’activité, les employeursne sont guère incités à la coopéra-tion.

Autre serpent de mer, le statutdu travailleur pluriactif. Un rap-port signé du député Hervé Gay-mard avait déjà émis en 1994 dix-sept propositions pour lever lesobstacles fiscaux et sociaux : laprincipale était l’affiliation à une« caisse-pivot », chargée d’inté-grer les droits sociaux du travail-leur pluriactif, jusqu’ici confiés àdes institutions différentes. Cinqans après, un rapport d’AnicetLe Pors au ministre du tourismeconstatait que cette mesuren’avait finalement « jamais étémise en place », bien qu’elle aitfait l’objet d’une loi !

Toutes ces idées et ces solutionsvisent à dépasser l’approche stric-tement libérale de l’assouplisse-ment du marché de l’emploi ens’assignant pour but de « sécuriserles transitions » d’une situation àl’autre, selon les propos de MichelThéry.

L’hostilité passée des parte-naires sociaux peut s’expliquerpar le fait que la régulation et le fi-nancement de ce nouveau « statutde l’actif » englobant tous les sta-tuts actuels, pour reprendre l’ex-pression d’Alain Supiot (Au-delàde l’emploi, Flammarion, 1999), fe-ront immanquablement intervenird’autres partenaires : Etat, presta-taires sociaux, collectivités lo-cales, associations, organismes deformation. Mais voilà que l’offen-sive du Medef met aujourd’hui lessyndicats en demeure d’émettredes contre-propositions.

Antoine Reverchon

Le « contrat de projet » du Medefrelance le débat sur le travail précaireE n décembre 1996, sur Eu-

rope 1, Jacques Barrot, àl’époque ministre du tra-vail d’Alain Juppé, sou-

cieux d’« organiser la mobilité pourréintégrer plus rapidement les chô-meurs », se déclarait favorable à laflexibilité « externe » du travail. Al’antenne de la radio, il indiquaitdeux hypothèses qu’il avait déjàévoquées plus discrètement à la fa-veur de discussions. La créationd’un « livret de compétences », dif-férent du curriculum vitae, qui au-thentifierait les capacités du salarié,d’une part. L’assouplissement descontrats à durée déterminée (CDD),également préconisé par EdouardBalladur, d’autre part.

En explicitant davantage cettedeuxième solution, Jacques Barrotse prononçait alors en faveur d’une

formule de CDD proche des« contrats de chantier » en vigueurde longue date dans le bâtiment etles travaux publics. Il y voyait unmoyen de faire coïncider le contratde travail avec la durée d’une mis-sion ou d’un projet. Une proposi-tion qui s’inscrivait, avec le recul,dans la lignée de la demande expri-mée par le Medef, le 28 mars, dansle cadre des négociations sur la « re-fondation sociale ».

Dans l’esprit, en effet, elle ne dif-férait en rien du projet d’un contratde longue durée, de dix-huit mois àcinq ans maximum, ou du « contratde projet ou de mission », qui vientde provoquer un tollé dans prati-quement tous les rangs syndicaux.La référence au contrat de chantiera même été de nouveau utilisée àcette occasion.

L’origine ancienne de la revendi-cation est encore attestée par lespropos tenus par Lucien Rebuffel enjanvier 1997, à l’issue d’une consul-tation à Matignon. Sans craindred’aggraver la précarité, le présidentde la Confédération générale despetites et moyennes entreprises(CGPME) d’alors était sorti de l’en-trevue en soulignant qu’il avait ré-clamé « la plus grande souplesse,sous forme de contrats de projet quipermettent d’embaucher pour sixmois, et même pour une semaine ».

Autres temps, autres mœurs, dit-on. Redevenu député (UDF),Jacques Barrot assure qu’il est au-jourd’hui « très en retrait, voire enopposition avec le Medef », sur lemême sujet. Mais il faut aussi re-connaître qu’il est, dans l’opposi-tion, l’un des rares à s’exprimer, ses

collègues se gardant pour la plupartde soutenir publiquement le pro-gramme de « remise à plat » présen-té par Ernest-Antoine Seillière etDenis Kessler.

De fait, le contexte a radicale-ment changé en à peine quatre an-nées. Toujours massif, le chômagen’exerce plus cette intolérablecontrainte qui entraînait des choixdictés par l’urgence. Ce qui étaitcensé se justifier quand il fallaitcréer de l’emploi pour réinsérer àtout prix apparaît comme une me-sure de flexibilité extrême dès quel’étau semble se desserrer. Les pro-testations se doublent donc au-jourd’hui d’incompréhension face àune insistance patronale qui paraîtdéplacée. Nicole Notat, secrétairegénérale de la CFDT, qu’on ne peutpas accuser d’archaïsme, s’interrogeelle-même sur le bien-fondé d’un telcontrat dont l’intérêt n’est pas à sesyeux démontré.

Si la conjoncture prive le Medefd’une partie de ses arguments, lescirconstances politiques et les évo-lutions structurelles expliquent da-vantage sa détermination. En pre-mier lieu, les responsablespatronaux ne résistent pas au plaisird’invoquer le précédent des em-plois-jeunes que lui a, involontaire-ment, fourni le gouvernement. Si lescontrats de travail peuvent être decinq ans pour les associations, lescollectivités locales et certains ser-vices publics, pourquoi ne pourrait-il pas en être de même dans le sec-teur privé ?

Ensuite, la mesure peut servir àcontrecarrer la menace d’une péna-lisation de l’emploi précaire agitéepar Martine Aubry. Dans la partiede bras de fer avec les élus de lagauche plurielle, il n’est jamais tac-tiquement inutile de reprendrel’initiative avec une contre-propo-sition.

Enfin, mais cette fois en directiondes organisations syndicales, affi-

cher la revendication d’un contratde projet ou de mission qui fait of-fice d’épouvantail permet de fairemonter les enchères dans la phaseactuelle de la négociation. La ma-nœuvre a été déjouée le 10 avril, lessyndicalistes unanimes ayant déci-dé de quitter la séance du groupede travail « précarité, nouveauxcontrats de travail » si l’ordre dujour n’était pas modifié, mais ellepourra encore servir plus tard.

D’autres raisons sont plus pro-fondes. Comme l’exprime tel diri-geant d’une fédération patronale,le contrat de projet répond à unsouci constant des chefs d’entre-prise : embaucher sans risque. Enpériode de reprise, le besoin encréation d’emplois trouverait sa li-mite dans la crainte de ne pas pou-voir licencier si la situation se re-tournait. De plus, les employeurssont à la recherche de solutions quipourraient se substituer aux nou-velles formes d’emploi, au travailindépendant et, pourquoi pas, limi-teraient le recours à l’externalisa-tion. Toutes choses que les têtes dechapitre de la « refondation so-ciale » n’abordent pas. Autrementdit, le Medef chercherait là une voiepour s’adapter aux mutations, qu’ilsait inévitables, sans pour autantrenoncer à ses méthodes ancienneset à ses velleités dérégulatrices.

C’est d’ailleurs ce qui provoqueles réactions offusquées des syndi-cats, qui parlent du retour au tâche-ronnage ou aux contrats de louagedu début du siècle. « On n’a jamaisdemandé la généralisation de l’in-certitude, on demande lecontraire », tonne Marc Blondel,secrétaire général de Force ou-vrière. « Démultiplier ainsi la préca-rité reviendrait à faire supporterle risque de l’entreprise par le sala-rié ; c’est le concept de la précaritépartagée. »

Alain Lebaube

Coca-Cola dans les starting-blocksCoupe du monde, Jeux olympiques... : Coca-Cola vit de plus en

plus au rythme de grands projets qui nécessitent de faire appel à descompétences externes spécifiques. Selon le groupe américain, lecode du travail français ne permet pas d’offrir une collaboration quisoit à la fois sécurisante et attrayante, dès lors que la durée du pro-jet dépasse les deux ans. Embaucher un CDI ? « Rompre un telcontrat prend malheureusement l’allure d’un licenciement », regretteVéronique Klein Rouzeaud, la directrice des ressources humaines.

Elle trouve donc intéressant le principe d’un contrat de cinq ans.Encore faudrait-il qu’il soit pensé au regard des nouvelles attentesdes personnes. Pas question de faire un ersatz de CDI. « L’idée, ex-plique-t-elle, serait de concevoir un contrat qui assure non seulementune sécurité financière et une protection sociale mais qui apporte unevraie valeur ajoutée au travailleur, comme une formation estampilléesuite aux nouvelles compétences acquises, un réseau... »

La croissance de l'emploi précaireÉvolution du nombre de salariés intérimaires et en CDD (1990-1999)

La prédominance des missions courtes dans l'intérimRépartition par secteurs d'activité et par durée en 1999

en milliers

en %

0 20 40 60 80 100ENSEMBLE

SERVICES AUX PARTICULIERS

SERVICES AUX ENTREPRISES

COMMERCE

CONSTRUCTION

IND. BIENS INTERMÉDIAIRES

IND. BIENS D'ÉQUIPEMENT

IND. BIENS DE CONSOMMATION

Source : Enquête Emploi Insee/ministère de l'emploi-Dares

0

200

400

600

800

1 000

SALARIÉS EN CDDSALARIÉS INTÉRIMAIRES

1 JOUR

1999199819971996199519941993199219911990

2 SEMAINES À 4 SEMAINES

4 SEMAINES ET PLUS

2 J. À 1 SEMAINE 1 SEMAINE À 2 SEMAINES

LeMonde Job: WDE2100--0009-0 WAS MDE2100-9 Op.: XX Rev.: 19-05-00 T.: 20:12 S.: 111,06-Cmp.:22,09, Base : LMQPAG 43Fap: 100 No: 0197 Lcp: 700 CMYK

LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 / IXEMPLOI

AGENDAb INFORMATIQUE. La 7e édition de ProgiForum, Salon des progiciels degestion d’entreprise, se tiendra à Paris les 23 et 24 mai, avec plus de centexposants : éditeurs, SSII, conseils et constructeurs. Renseignements : www.groupemm.com/progiforum ; 01-41-18-68-88.

b PRÉCARITÉ. Le mensuel Partage invite le 27 mai, à Saint-Ouen, SergePaugam à une conférence-débat sur son dernier ouvrage, Le Salarié de laprécarité (PUF, 2000). Directeur de recherches au CNRS, l’auteur a analy-sé un millier de témoignages de salariés vivant « les formes particulièresd’emploi ». Renseignements : 01-47-37-74-76.

b EURO. Les PME-PMI sont encore peu nombreuses à mener leurs opé-rations financières en euros. Pour les y inciter, l’Association for the Mo-netary Union of Europe organise les « trophées de l’euro », destinés à ré-compenser cinq PME et leur conseil qui auront su tirer parti du passage àl’euro de façon « innovante ». Les candidatures sont à déposer sur le siteInternet www.tropheesdeleuro.org avant le 30 juin. Un jury se réunira enjuillet et les trophées seront décernés en septembre.

Un portrait du « délit de faciès » en FranceUne étude chiffre pour la première fois la discrimination à l’embauche subie par les jeunes d’origine étrangère

A u moment où la France– comme nombred’autres pays euro-péens, à commencer

par l’Allemagne – s’interroge surla nécessité de recourir à nou-veau à l’immigration pour remé-dier à la fois à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteursd’activité et au vieillissement ac-céléré de la population, la ques-tion se pose de savoir comment,au plan économique et social,s’est effectuée sur le marché dutravail l’intégration des précé-dentes vagues d’immigration. Y

compris la plus ancienne d’entreelles, antérieure à 1975, lorsquel’industrie, automobile notam-ment, était à court de bras etprête à aller chercher de l’autrecôté de la Méditerranée les ou-vriers non qualifiés dont seschaînes de montage avaient be-soin.

Un certain nombre d’études– l’une des dernières en date, etsans doute la plus complète auplan européen, ayant été conduitepar le Bureau international du tra-vail (« Le Monde Economie » du11 avril) – ont souligné, tous paysconfondus, la discrimination,réelle ou larvée, dont souffrent lescandidats à l’emploi d’origineétrangère. Ce « délit de faciès »,qui affecte aussi ceux qui sont néssur le sol national, est encore ac-cru lorsqu’il s’agit de revendiquerdes postes de responsabilité.

MESURE QUANTITATIVEL’intérêt des travaux de Jean-

Luc Richard, maître de confé-rences à l’université Rennes-I etdocteur en démographie écono-mique, rassemblés sous le titre LeChômage en France parmi lesjeunes d’origine étrangère. Moyensde mesurer la discrimination, estd’avoir réalisé sur le sujet la pre-mière mesure quantitative.

Pour cela, il s’est efforcé d’éva-luer l’impact du chômage et desfreins à l’emploi sur les popula-tions immigrées, en fonction deleur date d’arrivée en France(avant 1968 et en trois vagues au-delà de cette année), en mettanten parallèle le sort d’un jeune néde chef de famille français et celuid’un jeune né à l’étranger.

L’auteur de l’étude s’est limité àquatre pays européens (Espagne,Italie, Pologne, Portugal) et à trois

nations du Maghreb (Algérie, Ma-roc, Tunisie), excluant volontaire-ment la population asiatique qui,pour la période considérée (1975-1990) n’était pas encore très im-portante en France et qui, d’unefaçon générale, est moins concer-née par la discrimination écono-mique et sociale, grâce aux ré-seaux communautaires dont elledispose.

Quelles constatations peut-ontirer de cette analyse ? La pre-mière est qu’à la différence desannées 1945 à 1975, au cours des-quelles la forte activité du marchéde l’emploi jouait un rôle majeurdans l’intégration de la popula-tion immigrée, la demande desentreprises a été trop faible pen-dant les années de crise qui ontsuivi pour assurer l’équilibre dumarché de l’emploi. Parconséquent, la population jeune,apte au travail (classée en deuxcatégories : 19 à 25 ans et 26 à33 ans), hommes et femmesconfondus, « a été particulière-ment pénalisée, les entreprises pré-férant recourir aux travailleurstemporaire ».

Phénomène connu. Mais, sou-ligne Jean-Luc Richard, et c’est làl’une des nouveautés de l’exer-cice, l’effet du chômage n’est pasindifférencié. D’autres facteursexpliquent les nuances impor-tantes constatées dans le proces-sus d’intégration (ou de non-inté-gration) de la populationimmigrée. L’une des variables ré-side dans l’âge auquel ces jeunesimmigrés sont arrivés en Francepar rapport à leurs camarades,également d’origine étrangèremais nés dans l’Hexagone et quiont bénéficié d’un meilleur ba-gage scolaire. Ce discriminant ades effets directs sur l’accès autravail avec un écart qui peut at-teindre plusieurs points en termesde chômage pour ces tranches depopulation.

L’autre caractéristique de ladiscrimination est qu’elle est dif-férenciée selon le sexe et la quali-fication. Ainsi, « les garçons se-ront particulièrement discriminésen haut de l’échelle sociale, pourdes emplois de cadres, tandis queles fil les le seront en bas del’échelle », souligne l’auteur de

l’étude. En revanche, sur unelongue durée, elle semble moinsaffecter les femmes d’origineétrangère, pour la simple raisonqu’elles se retirent de la liste desdemandeurs d’emploi dès lorsqu’elles se marient et ont des en-fants.

FACTEUR HISTORIQUEEnfin, les jeunes immigrés issus

d’un même espace régional pâ-tissent d’un autre handicap, selonleur pays d’origine. Le discrimi-nant joue relativement peu pourles pays européens, mais il est dé-terminant pour les Maghrébins.Une étrange classification s’estainsi opérée entre les jeunesd’origine algérienne qui sont lesplus affectés, ceux d’origine ma-rocaine l’étant moins, mais toutde même un peu plus que leurscamarades d’origine tunisienne.« Dans le cas des Algériens, le fac-teur politique et historique joue unrôle déterminant », relève ce spé-cialiste en sociologie et démogra-phie, soulignant que « seulement11 % des hommes d’origine algé-rienne et disposant d’un niveaud’éducation élevé peuvent pré-tendre à des postes à responsabili-té, contre 46 % pour les enfants nésd’un chef de famille lui-même néen France ».

Cette récente étude repose surdes données longitudinales ob-servées de 1975 à 1990, à partird’un échantillon démographiquedéterminé par l’INSEE et qui cor-respond à 1 % de l’ensemble de lapopulation. La situation a-t-elleévolué depuis ? Dans un sensplus favorable ? Il est à craindreque non, estime Jean-Luc Ri-chard. « J’avais déjà étudié cephénomène en 1993 sur la base desdonnées de 1982 et j’aboutissaisalors aux mêmes conclusions, no-tamment pour les jeunes de 21-25 ans face au chômage. Au-jourd’hui, la situation économiques’est améliorée mais la reprise neprofite pas à tout le monde de lamême façon. Pis : la stigmatisationdes quartiers, notamment en ban-lieue, a augmenté. Si bien que lesrésultats doivent être, au mieux,très voisins de ceux de 1990. »

Serge Marti

a EN 1998, les coûts horaires moyens dans l’industrie allaient de 6,3 eu-ros au Portugal à 26,8 en Allemagne, soit un ratio de 1 à 4 ! Le coût horaire français était très proche de celui du Danemark, de l’Autriche etde la Suède, mais en dessus de la moyenne communautaire (21,4 euros).a LES COÛTS de main-d’œuvre peuvent être divisés entre coûts di-rects (rémunération, primes, etc.) et indirects (dépenses de Sécurité sociale à la charge de l’employeur).a CETTE STRUCTURE varie considérablement d’un pays à un autre.En France, les employeurs paient une partie importante des cotisationsde Sécurité sociale, qui représentaient, en 1998, presque 34 % des coûtstotaux de main-d’œuvre. Ce pourcentage n’était que de 8 % au Dane-mark, car les salariés y financent leur protection sociale par le biais del’impôt sur le revenu.

a L’INDICE DE CONFIANCE des professionnels du conseil en recrute-ment est au plus haut, progressant régulièrement depuis cinq tri-mestres.a 100 % DES CABINETS sont aujourd’hui « assez » ou « très » opti-mistes sur l’évolution de leur activité à court terme (prévisions trimes-trielles). Il faut remonter au premier trimestre 1999 pour trouver traced’une minorité encore prudente.a LES BESOINS en recrutement des entreprises sont en croissanceconstante et les cabinets, fortement sollicités, voient leur nombre demissions augmenter. D’ailleurs, ils recrutent beaucoup eux-mêmes afind’étoffer leurs équipes.

a LA RÉGION Provence-Alpes-Côte d’Azur est la 7e région de France envolume d’emploi intérimaire. Elle a recruté 24 700 emplois équivalenttemps plein (ETP) en 1999, soit 5 % de l’emploi intérimaire total, et 1 % del’emploi total de la région.a LE DÉPARTEMENT des Bouches-du-Rhône est celui où se concentrela majeure partie de l’emploi intérimaire (47 %), suivi par les Alpes-Mari-times (19 %) et le Vaucluse (18 %).a LE SECTEUR du BTP est de loin le premier secteur utilisateur du tra-vail temporaire (32 % des intérimaires contre 17 % seulement au plan na-tional). Deuxième secteur : les transports (10 % dans la région PACAcontre 5 % sur l’ensemble de la France).

ÉVOLUTION DU COÛT DU TRAVAIL(en % sur un an) 1999

ALLEMAGNE BELGIQUE ESPAGNE FRANCE ITALIE PAYS-BAS ROY.-UNIUE 15 EURO 11 E.-U. JAPON

Hommes + femmes (15-64 ans)....Hommes + femmes (50-64 ans)....

6148

5945

65 (1999)48 (1999)

5340

52 (1999)43 (1999)

53 (1999)38 (1999)

60 (1999)47 (1999)

71 (1999)50 (1999)

68 56

64N. D.

N. D.N. D.

TAUX D'EMPLOI 1998 (en %)

ÉVOLUTION DE L'EMPLOI AU 3e TRIMESTRE 1999 (en % sur un an) 0,1 1,0 (2e trim.) 4,7 N. D. 1,3 N. D. 1,11,4 1,5 1,5 – 0,6

N. D. 1,2 7,1 2 2,3 2,9 1,11,7 1,9 2,2 – 0,4

N. D. N. D. 8,1 N. D. 8 2,8 2,1N. D. N. D. 1 N. D.

DURÉE DE TRAVAIL SALARIÉ À TEMPS PLEIN 1998 (h/semaine)

Hommes + femmes....Moins de 25 ans..........

8,816,8

9,517,9

8,48,9

8,623,4

15,228,4

10,4 21,5

11,231,8

2,85,2

612,9

4,19,8

4,98,9

TAUX DE CHÔMAGE FÉVRIER 2000 (en %)

PART DU CHÔMAGE DE PLUS D'UN AN 1998 (en %)

52 (1999) 76 46 (1999) 39 (1999) 62 (1999) 44 (1999) 4249 52 8 N. D.

janv. 00 janv. 00 déc. 99

+2,2 + 2,6 + 2,2 + 3,1 + 0,5 + 3,2 + 5+ 2,8 + 2,4

40,1 38,6 40,7 39,6 38,5 39 4440,5 39,7

3e trim. 3e trim. 3e trim. 1er trim. 3e trim. 3e trim. 3e trim. 3e trim. 3e trim. 4e trim. 98

+ 4,9 N. D.

N. D. N. D.

Dont emploi salarié.........................

Dont emploi à temps partiel..........

Pour plus d'informations : http://www.europa.eu.int/comm/eurostat

Les indicateurs sociaux internationaux « Le Monde » / Eurostat

N. D. : non disponible

DERNIER MOIS CONNU

VARIATION SUR UN AN

TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES 18,9 % (mars) – 3.4

PART DU CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE 36,3 % (mars) – 1.9

NOMBRE D'ALLOCATAIRESDU REVENU MINIMUM D'INSERTION (en milliers) 1 137,4 (juin)** + 2,3 %***

EMPLOIS PRÉCAIRES (en milliers) :

CDD.....................................................................

INTÉRIM..............................................................

APPRENTIS..........................................................

CONTRATS AIDÉS................................................

892 – 1,5 %*

446 + 8,2 %*

276 + 7,3 %*

424 + 4,4 %*

SALAIRE NET MÉDIAN (en francs constants)Femmes..................................................................Hommes.................................................................

6 933 (janv.)8 614 (janv.)

+ 2,7 %*+ 0,6 %*

SMIC (en francs)Horaire..................................................................Mensuel.................................................................

40,72 (oct.)6 882 (oct.)

+ 1,2 %+ 1,2 %

* variation sur dix mois (janv. 99/mars 98) ** chiffres semestriels *** variation sur six mois

Le marché du travail français

Sources : Insee, Dares, CNAF

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

Source : Eurostat

La main-d'œuvre industrielle est la plus chère en Allemagne

en euros

EUROPE

ALLEMAGNE

BELGIQUE

FRANCE

SUÈDE

DANEMARK

PAYS-BAS

ROYAUM

E-

UNI UE-15

ITALIE

ESPAGNE

IRLA

NDE

GRÈCE

PORTUGAL

COÛT DIRECTCOÛT INDIRECT

Coût horaire du travail dans l'industrie en 1998

Source : Syndicat du conseil en recrutement-Syntec

Un moral au beau fixepourcentage de réponses des conseils en recrutement à la question :«Pour le prochain trimestre, êtes-vous, en ce qui concerne votre activité...»

FLASH SYNTEC-RECRUTEMENT / « LE MONDE »

en %

1er

TRIMESTRE 4e

TRIMESTRE3e

TRIMESTRE2e

TRIMESTRE1er

TRIMESTRE

…TRÈS PESSIMISTE …ASSEZ PESSIMISTE …ASSEZ OPTIMISTE …TRÈS OPTIMISTE

0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

87 100

793

67

68

33

42

13

1999 2000Source : Dares-SETT

5% des intérimaires sont dans la région PACARépartition par secteurs des travailleurs temporaires de Provence-Alpes-Côte-d'Azur

FLASH SETT / « LE MONDE »

en nombre

CONSTRUCTION...............................

TRANSPORTS.....................................

COMMERCE DE GROS......................

IND. AGRICOLES ALIMENTAIRES......

CONSEIL ET ASSISTANCE..................

SERVICES OPÉRATIONNELS..............

TOTAL DE LA RÉGION.................... 24 711

1 302

1 308

1 541

1 863

2 657

7 957

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X / LE MONDE / MARDI 23 MAI 2000 MANAGEMENT

L’ère Internet contraint les entreprisesà apprendre à diriger autrement

Selon Philip Evans, du Boston ConsultingGroup, les dirigeantsdoivent désormaisvaloriser la prise de risque et savoirs’adapter sans délai

P our survivre, et surtoutpermettre à leurs entre-prises de se développerau rythme d’Internet,

les dirigeants doivent non seule-ment « déconstruire » leursfirmes, mais même se dé-construire eux-mêmes, adopterd’autres mode de pensée. Telle estla thèse défendue par PhilipEvans, senior vice-président auBoston Consulting Group (BCG),cabinet de conseil en stratégie.Philip Evans est le coauteur, avecThomas Wurster, également vice-président du BCG, de Net Strate-gies (Les Editions d’organisation),ouvrage documenté et didactiquesur les raisons et les moyens àmettre en œuvre pour passer dela vieille à la nouvelle économie.

Dans un monde où les décisionsdoivent être prises de plus en plusvite et, qui plus est, dans uncontexte de plus en plus incertain,il n’est plus possible de réagircomme avant. « Dans l’ancien sys-tème, il fallait être efficace, stable,savoir construire à grande échelle.Aujourd’hui, il faut faire preuve decréativité, savoir changer le pro-duit, bâtir des alliances avec desentreprises différentes. Les qualitésexigées traditionnellement n’ontplus de sens. »

Le dirigeant doit non seulementse remettre en cause personnelle-ment, mais aussi changer ses cri-tères de jugement et de rémuné-ration vis-à-vis de ses employés.« Autrefois, on promouvait quel-qu’un s’il ne faisait pas d’erreurs.On donnait des rémunérations re-lativement faibles en début de car-rière, et le salaire progressait avecl’ancienneté. Désormais, il faut en-courager la prise de risque. »

Le bon vieux principe financierselon lequel l’amplitude (positiveou négative) du retour sur inves-tissement est proportionnelle à laprise de risque (high risk, high re-turn) s’applique aussi en gestiondes ressources humaines : si l’onveut retenir un salarié capable de

prendre des risques, qualité dé-sormais indispensable, il faut aus-si savoir le rémunérer bien et vite.D’où la généralisation des stock-options.

Il faut aussi diriger différem-ment. « Auparavant, le cadre su-périeur devait connaître toutes lesréponses, diriger, contredire. Cerôle devient obsolète. Le dirigeantdoit être un entraîneur (un coach),encourager, fixer les cadres, les re-ponsabilités, faire travailler les gensensemble. Il faut qu’il comprenneque son expertise n’a peut-être plusaucun sens. » Plus question decontrôler ses équipes de près. Carcomment prendre des risques,quand il faut aussi produire desrapports sur son activité et ses ré-sultats financiers tous les quinzejours ? Une vraie révolution depalais dans le monde du reportingà l’américaine.

INVESTISSEURS JOUEURSD’autant que le monde finan-

cier, qui exigeait, lui aussi, des bi-lans chiffrés précis, à intervallesrapprochés, pour accorder saconfiance et investir dans unefirme, a également changé ses cri-tères : « Précédemment, ils atten-daient des retours sur investisse-ment stables, un peu comme pourles placements obligataires. Mais,avec Internet, les investisseurs réa-gissent comme des joueurs. Ils sontplus disposés à prendre desrisques. »

Est-ce à dire que toutes les mé-thodes traditionnelles de gestionstratégique, telles les matrices duBCG ou les théories stratégiquesde Michael Porter, doivent être je-tées aux orties ? Le consultantqu’est Philip Evans ne se risquepas à une telle extrémité : peut-être n’est-il pas encore assez « dé-construit » lui-même ! Selon lui,les travaux de Michael Porterrestent valides. « Le problème estque l’on ne sait plus les appli-quer... »

Pour Michael Porter, cinq forcesdéterminent une stratégie : laconcurrence de firmes existantessur un marché, la menace de nou-veaux entrants, celle de produitsde substitution, le pouvoir desfournisseurs et celui des clients.Or chacune de ces entités changeavec Internet. On ne sait plus les

analyser, et sans doute les voir ve-nir. D’autant qu’Internet obligebien souvent à attaquer ce quel’on faisait traditionnellement, « àcréer un nouveau système qui dé-truise l’ancien ».

Tâche douloureuse pour un di-rigeant, qui doit être capable nonseulement de remettre en ques-tion sa propre culture, mais aussicelle de toute l’entreprise. « C’estun vrai défi d’engager toute une or-ganisation à se transformer radica-lement quand celle-ci n’y croitpas. »

LE MODÈLE INTELPour Philip Evans, le fondateur

et président d’Intel, AndrewGrove, est un modèle en la ma-tière. Dans son livre Seuls les pa-ranoïaques survivent (éditions Vil-lage mondial), il décrit comment,en 1984, face à la concurrence ja-ponaise, il décida d’abandonner lafabrication de mémoires électro-niques, qui était la raison d’êtred’Intel, pour se lancer dans la fabrication de micro-processeurs.Charles Schwab sut aussi attaquersa propre firme de courtage pourêtre à même de concurrencer les-&numsp;courtiers en lignecomme « e-trade ».

A l’inverse, des entreprisescomme l’Encyclopaedia Britanni-ca, qui n’a pas su s’adapter aumonde du numérique, sont évi-demment des exemples à ne passuivre.

Mais les firmes européennesont eu le temps de tirer profit deserreurs américaines, estime PhilipEvans. Elles pourront rattraperleur retard si elles s’avèrent réel-lement capables de devenir glo-bales, malgré le handicap de lalangue (80 % du contenu de laToile est encore en anglais). Déconstruire les frontières lin-guistiques n’est pas encore auprogramme de Philip Evans. Maison sent qu’il y songe !

Annie Kahn

HLE SOCIAL DANS L’UNIONp a r F r a n c i s K e s s l e r

L’intérimen ordre dispersé

L e travail temporaire est à la « une » de l’actualité sociale. EnFrance, le secteur a le vent en poupe. Selon l’Unedic, les en-treprises intérimaires occupaient, fin février 2000, 536 000 sa-lariés, soit 85 000 personnes de plus que l’année passée. Ce

qui correspond à une croissance de 18 %. Ces chiffres peuvent éton-ner : le travail temporaire est, par essence, plus onéreux pour l’entre-prise qu’une embauche classique. La tendance est pourtant similairedans la plupart des pays de l’Union européenne, même si la pratiquede recours à cette forme d’emploi varie. Selon l’Office européen desstatistiques, seuls 0,2 % des emplois prennent cette forme au Danemark, mais le taux s’élève à 3 % au Luxembourg.

Rappelons l’originalité du travail intérimaire. Habituellement, uncontrat de travail met en présence deux personnes et se caractérise pardeux impératifs majeurs : une personne (le salarié) s’oblige à fournirun travail sous la subordination d’une autre personne (l’employeur),elle-même tenue de verser un salaire.

Une relation de travail temporaire repose sur trois parties : le travail-leur, une entreprise de travail temporaire et une entreprise cliente.Cette relation triangulaire est fondée sur deux contrats. Le travailleurest mis à la disposition de l’entreprise cliente par l’entreprise de travailtemporaire ; un contrat commercial organise ce prêt de main-d’œuvreà but lucratif. Il y a « éclatement du contrat », puisque le travail n’estpas effectué auprès de l’employeur – l’entreprise de travail tempo-raire –, mais auprès du client. Les avantages pour l’entreprise cliente,appelée « entreprise utilisatrice », sont pluriels : externalisation de lafonction de recrutement et d’une partie de la gestion du contrat de tra-vail, mais surtout possibilité d’ajustements aux besoins du moment etdans de brefs délais des effectifs et de la qualification des travailleurs.

L’état de la réglementation de l’intérim varie beaucoup en Europe.Certains pays ont émis des lois couvrant l’essentiel des aspects du tra-vail temporaire. Des règles générales existent ainsi en Allemagne et en

France depuis les années 70 ;l’Autriche, la Belgique et le Portu-gal ont fait de même à la fin desannées 80. Ces pays ont été suivispar le Luxembourg, l’Espagne etla Suède au milieu des années 90.Ces dernières années, une législa-tion spécifique est apparue enItalie et aux Pays-Bas.

D’autres pays se sont contentésde tenter de « moraliser » l’activi-té des entreprises de travail tem-poraire. Il s’agit essentiellementde garantir, par un systèmed’agréments ou de licences, lasolvabilité vis-à-vis des travail-leurs des entreprises de travailtemporaire. C’est ce type decontrôle qu’ont instauré la Fin-lande, l’Irlande et le Royaume-Uni.

La Grèce et le Danemark n’ontpas de législation propre pourl’intérim, mais les réalités y sontbien différentes. Au sein de lapremière, le prêt de main-d’œuvre à but lucratif est illégal,mais les « officines de place-ment » n’en fleurissent pasmoins, alimentant notamment letravail au noir. Dans le second,l’activité répond à un « code debonne conduite » élaboré par lesfédérations patronales tandis queles conventions collectives secto-

rielles garantissent l’égalité de traitement entre travailleurs tempo-raires et travailleurs classiques.

Seules la Belgique, la France et l’Italie connaissent des accords inter-professionnels nationaux qui souvent complètent ou parfois préfi-gurent la loi. Dans ces trois pays, comme au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Espagne, les conditions de travail des intérimaires sont régiespar des accords singuliers. A l’inverse, les partenaires sociaux finlan-dais, allemands, norvégiens, portugais, suédois ou britanniques n’ontpas jugé utile ou n’ont pas pu développer des conventions collectivespour cette branche d’activité. Du coup, les intérimaires ont peu de ga-ranties sociales, sauf lorsque leurs conditions de travail sont alignées(tels les cadre en Autriche) sur celles des salariés du secteur dans lequelils interviennent.

Les règles applicables sont donc disparates, et les niveaux de protec-tion inégaux. Ainsi, l’intérimaire est le plus souvent lié par un contratdont la durée est limitée au temps de la mission, mais il est employépermanent de « l’agence temporaire » en Allemagne ou en Irlande.Certaines législations sont libérales ; d’autres plus restrictives. AuRoyaume-Uni, la plupart des règles de droit du travail ne s’appliquentpas aux intérimaires, qui remplissent rarement les conditions d’ancien-neté exigées. Outre-Manche, tout comme en Irlande, la durée de lamission n’est pas limitée alors qu’elle l’est dans tous les autres pays.Les cas de recours au travail intérimaire sont indiqués au Portugal, enEspagne, en France et en Finlande. Le remplacement de grévistes pardes travailleurs temporaires est prohibé en Autriche, en Belgique, enFrance, en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas. Le recours à l’intérim estillégal dans le secteur du bâtiment en Allemagne.

La Confédération européenne des syndicats (CES) veut aujourd’huicompléter et harmoniser le statut de l’intérimaire par la voie d’un ac-cord collectif européen. Il s’agit, comme l’a rappelé Bernadette Tesch-Ségol, secrétaire régionale du syndicat international de service UNI-Europa dans la revue Liaisons sociales Europe, « de rendre cette formede travail le plus acceptable possible tout en intégrant le fait que l’intérimpuisse représenter une porte vers l’emploi ». L’idée n’est pas nouvelle : laCommission a, dès 1982, élaboré des projets de directive sur le travailtemporaire. Les Etats réunis au sein du Conseil n’en ont jamais voulu.

Le dialogue social européen sur le travail « atypique » a, lui, débou-ché sur deux accords concernant le travail à temps partiel et le contratde travail à durée déterminée, aujourd’hui partie intégrante du droitsocial communautaire. Mais les négociations ont achoppé sur le travailtemporaire. La CES demandait depuis longtemps aux chefs d’entre-prise l’ouverture d’une négociation, ce que l’Unice, la confédérationpatronale européenne, vient de lui accorder. Espérons que cette ten-tative sera la bonne. On pourra alors aborder les délicats dossiers deprêts transfrontaliers de main-d’œuvre ou de sous-traitance inter-nationale.

Francis Kessler est maître de conférences à l’université Paris-I -Panthéon-Sorbonne.

La Confédérationeuropéennedes syndicats veutcompléter etharmoniser le statutde l’intérimaire parun accord collectifeuropéen. Elledemandait depuislongtemps aux chefsd’entreprisel’ouverture d’unenégociation, ce quela confédérationpatronale européennevient de lui accorder

HPhilip Evansb Né en Grande-Bretagne, PhilipEvans réside à Boston, où il assureles fonctions de vice-présidentdu Boston Consulting Group etcoprésident du groupeMedia Convergence.b Diplômé de l’université deCambridge, il est égalementtitulaire d’un Master of BusinessAdministration de la HarvardBusiness School.b Son ouvrage Net Strategies vientd’être publié aux Editionsd’organisation.

La question délicate du recrutementLes entreprises ont du mal à trouver les profils qu’elles re-

cherchent. C’est un premier casse-tête. Mais ce n’est pas le seul.Beaucoup de DRH expliquent « ne plus savoir quels arguments mettreen avant pour séduire la nouvelle génération de diplômés... ». Uneétude d’ORC, une agence de conseil en recrutement, souligne ainsique les candidats sont « davantage individualistes, exigent plus d’au-thenticité de la part de l’entreprise » et que les liens qu’ils déve-loppent à l’égard de leurs employeurs sont « versatiles, réversibles ettemporaires ».

En réalité, explique ce DRH, « nous subissons l’effet boomerang dudiscours que nous avons tenu lorsque la conjoncture était moins bonne.Nous avons insisté sur l’idée qu’un salarié ne devait plus compter surdes carrières linéaires, qu’il devait déployer son employabilité, etc. Anous de proposer une alternative... »

Les directions des ressources humainesprises dans la tourmente de la nouvelle économie

La profession envisagede se décentraliser et de se recentrer sur la gestion de compétences

C e congrès ne pouvait pasmieux tomber. Les1 500 directeurs des res-sources humaines (DRH),

consultants et universitaires, atten-dus à Paris du 28 au 31 mai au« 8e Congrès mondial de gestion desressources humaines » (http ://www.hr2000.org) ont du pain sur laplanche. Largement cantonnés pen-dant des années à la mise en œuvredes restructurations décidées parleurs directions, les DRH ont la pos-sibilité, depuis que la reprise seconfirme et que la nouvelle écono-mie la dope, de reprendre l’initiativeet de montrer que leur fonction estau cœur des changements actuels.

Il suffit de choisir au hasard l’unou l’autre atelier annoncé pourcomprendre les enjeux : « L’entre-prise change : davantage de techno-logie, de productivité, de création devaleur, de fusions et acquisitions... etles hommes dans tout cela ? », ouencore « Nouvelles technologies :risques ou opportunités pour lesDRH ? ».

Les gestionnaires des ressourceshumaines ne doivent pas rater lecoche. Leur image – il suffit de pen-ser aux films qui, à l’instar de Res-sources humaines, les ont récem-ment mis en scène – reste celle decoupeurs de têtes ; or voilà que lesentreprises licencient moins mais re-crutent davantage, jusqu’à manquerde jeunes talents. Voilà encore quela nouvelle économie bouleverse les

organisations et que les entreprisesdoivent intégrer des 20-25 ans dontles attentes (meilleur équilibre entrevie professionnelle et vie privée, da-vantage d’autonomie, etc.) sont dif-férentes de celles de leurs parents.

A la veille de la rencontre inter-nationale de Paris, plusieurs étudessortent à point nommé pour confir-mer ces tendances.

L’Ecole de management de Lyonet le groupe Adecco publient ainsi lasynthèse de l’enquête 1999 de l’Ob-servatoire international de gestiondes ressources humaines, menée au-près de 400 entreprises, dont 37 %de plus de 1 000 salariés. Elle montreclairement que les DRH ont encoredes progrès à faire, surtout enFrance. « La gestion des ressourceshumaines des entreprises françaises secaractérise par un fort degré de cen-tralisation des décisions : les entre-prises s’en remettent moins facilementque d’autres à la hiérarchie ou aux salariés pour organiser le travail etdéfinir les carrières. »

Or le rapport souligne bien que

les DRH « vont devoir accompagnerdes transformations fréquentes » etque les méthodes traditionnellesrisquent de ne pas être très perti-nentes. Ainsi 47 % des entreprises del’échantillon déclarent « avoir étéconcernées par l’acquisition d’uneautre société au cours de ces trois der-nières années » (contre 27 % en1995) ; 13 % (contre 10 % en 1995) si-gnalent « avoir été rachetées » et15 % (contre 9 % en 1995) font étatd’une « fusion ». Les DRH interrogésexpliquent qu’ils vont parconséquent se concentrer sur « lagestion des compétences pour favori-ser le recentrage sur certains métierset marchés », « le recrutement pourréussir à développer certaines activi-tés » et « la motivation des salariéssoumis à des changements quipeuvent brouiller leurs repères identi-taires et affaiblir leur sentiment d’ap-partenance aux structures qui les em-ploient ».

« SUBSIDIARITÉ »« Les enjeux et les priorités

d’action pour les DRH de l’an2000 », titre de l’enquête réalisée parle cabinet Entreprendre etComprendre, pousse plus loin lesdéfis à venir. Luc Chelly, sociologue,et Marc Lebret, ses deux auteurs,ont interrogé 19 DRH de grandsgroupes (Aerospatiale, Vivendi, Re-nault, LVMH, Michelin, Danone,etc.) qui ont majoritairement confir-mé la nécessité de « s’appuyer au-jourd’hui sur une organisation décen-tralisée ». « Depuis 1995, témoigneainsi l’un des DRH, il y a un déplace-ment du centre de gravité, la prise dedécision se déplace vers la périphérie.C’est une démarche de subsidiarité. Ilfaut apprendre à faire faire par le ré-seau, par les filiales. En central, ons’efforce de maintenir les objectifs decohérence... »

Plusieurs thèmes de la relationhomme/travail leur semblent au-jourd’hui majeurs. « L’arbitrage vieprofessionnelle/vie privée », pourcommencer. Mais aussi « le niveaud’information et le niveau d’autono-mie croissants, qui commandent àl’entreprise de responsabiliser ses col-

laborateurs » ; « La nécessité de pas-ser d’une culture technique, adminis-trative, à une culture commerciale etde prestation de services, y compris eninterne » ; « l’adaptation de l’entre-prise et de ses ressources humaines àl’e-économie ». Comme l’expliquel’un des DRH interrogés : « Mainte-nant que nous sommes dans uncontexte de plein emploi, que vontnous demander les 30-35 ans qui ontconnu les galères des années précé-dentes ? Comment vont-ils gérer leurvie en entreprise ? Faudra-t-il privilé-gier leur fidélisation ? leur développe-ment personnel ?... »

Toutes ces ambitions ont un airde déjà vu et entendu. Les directionsdes ressources humaines ont déve-loppé ce langage – développementdes compétences, élargissement desresponsabilités, etc. – depuis desannées. Mais ces bonnes intentionssont très souvent restées au stadedu discours. Assiste-t-on au-jourd’hui à un retour de ces pro-messes, ou bien le marché du tra-vail, en devenant un marché del’offre, où les candidats sont davan-tage maîtres du jeu, va-t-ilcontraindre les entreprises à bougervéritablement ? Le Congrès inter-national permettra peut-être d’enjuger.

Marie-Béatrice Baudet