Le système verbal du omaha : les paradigmes réguliers, avec et sans applicatifs

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Le système verbal du omaha Les paradigmes réguliers, avec et sans applicatifs Sous la direction de : M. Guillaume Jacques Mme. Pollet Samvelian Julie Marsault M1 Langage, Langues, Textes, Sociétés Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle Année 2014/2015

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Le système verbaldu omaha

Les paradigmes réguliers, avec etsans applicatifs

Sous la direction de :M. Guillaume JacquesMme. Pollet Samvelian

Julie MarsaultM1 Langage, Langues, Textes, SociétésUniversité Paris 3 - Sorbonne NouvelleAnnée 2014/2015

Résumé

This dissertation deals with the verbal system of a North-American indige-nous language called “Omaha” or “Omaha-Ponca”, which is severly endan-gered. The first part presents elements concerning the language family andethnographical researches on the Omaha and Ponca tribes, what materialis available and the general typology of the language. The second part fo-cuses on the regular paradigms of the verbal system. The verbal system ofOmaha has different personal morphemes for agent and patient, which areall prefixed to the radical. It also has a serie of 5 applicative prefixes whichcan be added to the verb and change its meaning. The core question of thiswork is : how is the regular paradigm affected by the addition of applicativeprefixes, in morphophonological and semantic levels ? For each applicative,a morphophonological description of the paradigms is given, with two personindexation tables and a template. This analysis is based on an unpublishedpaper by John Koontz, in which nearly all the Omaha verbal paradigms arelisted and some explanations provided. Moreover, examples of sentences aregiven for each paradigm, from Dorsey’s corpus of 1890.At the semantic level, a lot a similarities can be found with the Lakhotaapplicatives “a-”, “i-”, “o-”, though in both languages there are numerousexamples where the applicative signification cannot be singled out from theverb. At a morphophonologic level, a decomposition of the changes is provi-ded, but some uncertainties remain concerning certain changes, and variouscounter-examples to those rules can be found in the corpus. The paradigmwith “u-” applicative is particulary complicated to understand and is worthfurther investigation.

IntroductionLe sujet de ce mémoire concerne une langue amérindienne du nord appe-

lée “omaha” ou “omaha-ponca”. Elle est en voie de disparition (avec moinsde 100 locuteurs actuellement) et a été relativement peu étudiée. Elle pos-sède un système verbal complexe où est concentrée une grande partie del’information de la phrase. Dans ce système, les verbes réguliers se divisenten plusieurs groupes, et prennent des formes différentes selon leur type deradical et divers éléments qu’on leur ajoute, comme les applicatifs. C’est surces derniers que portera cette étude.

Dans une première partie, on présentera la langue et sa famille, l’histoirede ses locuteurs, les études ethnographiques et linguistiques antérieures etle corpus. On présentera également le lakhota, une langue proche bien do-cumentée, qui peut être utile comme point de comparaison. On terminerapar une présentation des principales caractéristiques typologiques du omaha.

L’étude se concentre ensuite sur un aspect particulier du système ver-bal du omaha : en quoi l’ajout d’applicatifs au paradigme verbal réguliermodifie-t-il celui-ci ? Pour cela, nous allons d’abord présenter les paradigmesdes verbes intransitifs et des verbes transitifs sans applicatif, ce qui nous per-mettra de connaître les morphèmes de base de l’indexation personnelle et legabarit basique du verbe. Ensuite, on étudiera pour chaque applicatif com-ment le paradigme de base est altéré, au niveau du gabarit et des processusmorphophonologiques. Les verbes avec applicatifs trouvés dans le corpus deDorsey (1890, 1891) nous serviront d’abord à montrer des exemples d’in-dexation, et ensuite à essayer de déterminer la sémantique des applicatifs.Pour ce dernier aspect on s’aidera du lakhota qui possède aussi une séried’applicatifs.

Les gloses présentes en annexes reprennent deux lettres complètes ex-traites du corpus de Dorsey (1890). Elles permettent de mieux appréhenderla langue, surtout au niveau syntaxique. On trouvera une liste des abrévia-tions utilisées pour les gloses en fin d’annexes.

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Chapitre 1

Ethnographie et typologiegénérale

1.1 Famille linguistiqueLe omaha (ou omaha-ponca, cf 1.1.3) est une langue amérindienne du

nord de la famille des langues siouanes. Cette famille s’étend sur une airegéographique importante, et se divise en plusieurs branches régionales, parmilesquelles le Mississipi Valley Siouan et le Valley of Missouri River Siouan.Dans la famille du Mississipi Valley Siouan se trouve la branche Dhegiha, àlaquelle appartient le omaha.

1.1.1 Les langues siouanesLa famille des langues siouanes compte une vingtaine de langues diffé-

rentes environ (cela dépend des types de regroupement effectués). Presquechaque langue correspond à une tribu, généralement du même nom (ainsi lesnoms composés comme Yanktee-Sisseton désignent deux tribus qui parlentdes variantes d’une même langue). On parle parfois de la famille des languessiouanes-catawban, vu que la langue catawban a été rattachée à la famillesiouane au cours du 20e siècle, bien qu’elle soit la plus divergente par rap-port au reste du groupe (Campbell, 1997, 140).

Un arbre de la famille des langues siouane est inclu en annexe nº1. Ilest composé à partir de la classification des langues siouanes selon Camp-bell (1997, 140). Le signe † indique que la langue est éteinte. À la fin dudix-huitième siècle ces langues s’étendaient depuis l’ouest de l’Alberta jus-qu’à l’Arkansas (Rankin, 2005). La plupart étaient parlées dans la régiondes Plaines, mais pas toutes (Parks & Rankin, 2001). Les langues parlées endehors de la région des Plaines sont le Winnebago (Wisconsin), le Catabaw(Caroline du Sud), et toutes les langues du groupe de l’Ohio Valley (Parks

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& Rankin, 2001). La carte en annexe 2 montre les territoires où sont parléeschaque langue de cette famille.

Mis à part le catawban, on peut diviser cette famille entre les langues dela Vallée du Mississipi, celles de la Vallée du Missouri, et celles de la Valléede l’Ohio. Il y a ensuite parfois des sous-groupes, comme le groupe Chiwere(comprenant les langues Iowa, Otoe et Missouria) ou le groupe Dakota.

L’appellation “sioux” fait référence selon Parks & Rankin (2001) à troistribus et trois dialectes : Le Santee-Sisseton (aussi appelé Dakota), les Yankton-Yanktonai (aussi appelé Wichiyena) et le Téton (aussi appelé Lakhota). Leterme “Dakota” cependant est utilisé de manières variables selon les cher-cheurs : il peut désigner le Santee-Sisseton et Yankton-Yanktonai (Ullrich,2008), ou les trois langues du groupe “sioux” sur l’arbre proposé ici Rankin(2005), ou encore le groupe “sioux” de l’arbre proposé ici plus les languesAssiniboine et Stoney, comme Campbell (1997) ou Cumberland (2005).

1.1.2 Le groupe dhegihaLe groupe dhegiha est composé du omaha-ponca, du kansa (éteint), de

l’osage, et du quapaw (éteint). Le terme “dhegiha” a été introduit pourla première fois par le missionaire James Owen Dorsey (Dorsey, 1884, ci-té dans Parks & Rankin, 2001). Il transcrivait ainsi l’expression signifiant“ceux qui habitent ici” en omaha-ponca. Il a d’abord divisé le groupe dhe-giha en deux sous-groupes (le quapaw séparé des autres langues), puis en 4langues (omaha-ponca, kansa, osage, quapaw). Cependant, il appelait aussi“Dhegiha” les seuls dialectes omaha et ponca (Parks & Rankin, 2001), d’oùle titre de son ouvrage The ¢egiha Language, sur le omaha-ponca (Dorsey,1890).D’après Parks & Rankin (2001), Francis LaFlesche (un locuteur natif duomaha) a affirmé que le omaha-ponca et les dialectes osage et kansa étaientmutuellement compréhensibles.

1.1.3 La langue omaha-poncaAppelation. Le omaha et le ponca sont deux dialectes d’une même langue,et beaucoup de chercheurs ne les distinguent pas. Rudin & Shea (2005)écrivent : “Umonhon (Omaha) and Panka (Ponca) (...) dialects differ onlyminimally, but are considered distinct languages by their speakers” - “Lesdialectes omaha et ponca ne diffèrent que très peu, mais sont considéréscomme deux langues différentes par leurs locuteurs”. Cela pourrait expliquerpourquoi les textes font parfois référence à une seule langue ou seulementà la langue omaha ou la langue ponca. L’article de Rudin & Shea présentequelques variantes lexicales et grammaticales. (Dorsey, 1890) parle de “¢egi-

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ha” ; Koontz (2001), Gordon (2008 ?), Rankin (2005) et Rudin & Shea (2005)parlent de omaha-ponca ; Eschenberg (2005) parle simplement de “omaha”.

Nombre de locuteurs. Liberty et al. (2001) indique qu’il restait environ70 locuteurs parlant couramment le Omaha en 1998, tous âgés de plus de55 ans. Rudin & Shea (2005) indiquent que la langue est “sérieusement endanger”, avec moins de 100 locuteurs le parlant couramment.

Corpus disponible, études ethnographiques et linguistiques. Leprincipal corpus disponible sur cette langue sont des recueils de mythes etde lettres transcrits et traduits par le missionnaire James Owen Dorsey àla fin du 19e siècle (Dorsey, 1890, et 1891). Dorsey a également beaucouptravaillé sur la culture omaha et ponca et a publié plusieurs ouvrages dansles années 1880 et 1890. Ensuite, Fletcher & LaFlesche (1911) ont publiéune étude historique et ethnographique importante.

En ce qui concerne l’étude de la langue, Rudin & Shea (2005) citent lesprincipaux travaux effectués : un dictionnaire élaboré par Swetland (1977,publication en 1991) et de nombreux travaux de Koontz entre les années 1980et 2000, non publiés. Catherine Rudin elle-même a écrit plusieurs articles surla syntaxe du omaha. Eschenberg (2005) a écrit une thèse sur le système desarticles, et Gordon (2008 ?) a écrit un mémoire sur la syntaxe. Les recherchessont facilités par la reproduction du corpus de Dorsey en fichier informatiquepar Rankin (2008).

1.2 Une autre langue siouane : le lakhotaLe lakhota (ou lakota, selon les sources) fait partie des langues siouanes,

groupe de la Vallée du Mississipi, sous-groupe dakota. Il est parlé par 7 tri-bus différentes (Ullrich, 2008), dont les Sioux Tétons, les Sioux Oglaglas, lesSioux Brûlés, les Hunkpapas. Les regroupements de dialectes dans le groupe“dakota” de l’arbre en annexe, ainsi que leurs appelations, ne font toujourspas l’objet d’un consensus parmi les chercheurs. Les auteurs du New LakhotaDictionary (Ullrich, 2008) le rapprochent du dakota, la langue formée pardeux dialectes : celui des Santee-Sisseton et celui des Yankton-Yanktonai. Lelakhota et le dakota sont des langues très proches, au point que les auteursdu dictionnaire les considèrent comme des dialectes car ils sont mutuellementintelligibles (73% du vocabulaire est commun au lakhota, santee-sisseton etyankton-yanktonai). Les variantes dakotas sont donc inclues dans le diction-naire de lakhota.

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La langue sioux (ie le groupe formé par le lakota, le santee-sisseton et leyankton-yanktonai) est l’une des langues amérindiennes du nord les plus vi-vantes. Elle est parlée par 10,000 à 12,000 personnes (Taylor & Rood, 1996).Le lakhota est parlé dans la moitié ouest du Dakota du Sud (DeMallie, 1996).

Ullrich (2008, 8) écrit : “The Lakota language is often described as oneof the best-documented Native American Languages” - ”La langue lakhotaest souvent décrite comme l’une des langues amérindiennes du Nord lesmieux documentées”. On fera référence au lakhota à plusieurs reprises dansce mémoire, car c’est une langue typologiquement proche du omaha, et surlaquelle plusieurs précis grammaticaux ont été publiés (Ullrich (2008), etd’une manière plus succincte Taylor & Rood (1996)). Sur plusieurs points,nous comparerons au lakhota les données trouvées en omaha.

1.3 Les tribus omaha et poncaLes tribus omahas et ponca formaient, jusqu’au début du 18e siècle en-

viron, une seule et même tribu. Il semblerait que avant leur séparation,les Poncas formaient un groupe distinct à l’intérieur de la tribu, car unclan appelé Ponca existe dans l’organisation tribale d’autres tribus dhegihas(Osages, Kansas, et Quapaws), et ne se trouve pas chez les Omahas. LesPoncas seraient donc un ancien clan de la tribu Omaha devenu indépen-dant(Brown & Irwin, 2001, 416).

Les Poncas se sont séparés des Omahas vers la fin du dix-septième siècleou le début du dix-huitième, peut-être en 1715 (Brown & Irwin, 2001). Leurlangue est cependant restée la même à part quelques variantes. Leurs pra-tiques culturelles s’étaient déjà différenciées au 19e siècle, même si ellesgardent de nombreux points communs (types de logements, système de pa-renté, cérémonies et danses, par exemple).

Les Omahas. Ils n’ont probablement jamais étés plus nombreux que 3000jadis. Durant les 17e, 18e et 19e siècles, leur démographie a parfois chutédrastiquement (épidémies de variole, de choléra, de rougeole, durant les 18eet 19e siècles) mais a aussi eu des périodes de croissance (une forte crois-sance partir des années 1860, puis une croissance stable à partir des années1930). En 1998, la population omaha recensée comprenait 4,950 personnes(Liberty et al., 2001, 415).

Le territoire des Omahas s’étendait le long de la rivière Missouri (fron-tière entre le Nebraska, l’Iowa et le Dakota du Sud) et au sud de celle-cidepuis le début du dix-huitième siècle au moins (avant cette période dessources éparses font état de leur présence aux alentours de cette région). Ceterritoire est devenu propriété des États-Unis en 1804 (avec le 1803 Loui-

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siana Purchase). Par le traité de 1854 les Omahas renoncèrent à leur terreset se virent octroyés une réserve (dont ils revendront une partie au gouver-nement en 1865 pour créer la réserve Winnebago). En 1902, la lesgislationpermit aux Omahas de vendre les terres dont ils héritaient à des personnesextérieures à la tribu. Cela devint une source de revenus importante pourla tribu et en fin de compte ils perdirent plus de 90% de leurs territoires. Àpartir de 1946 les Omahas purent réclamer des réparations pour la perte deleurs terres lors du traité de 1854, et en obtinrent en 1961 et 1964.

Depuis la formation de la réserve, les Omahas ont peu à peu adopté lemode de vie occidental : sédentarisation, agriculture, présence d’écoles etd’églises. Dans les années 1970, environ la moitié d’entre eux vivaient dansdes villes, notamment à Omaha et à Lincoln (dans le Nebraska)(Libertyet al., 2001, 411) et à Macy (dans la réserve omaha). Malgré cela, Libertyet al. (2001) font remarquer qu’il n’y a pas eu de perte d’identité tribale,et les Omahas manifestent beaucoup d’intérêt pour les musiques et dansestraditionnelles.

La population omaha est fortement touchée par le chômage : en 1965,95% de la population active était au chômage l’hiver ; environ 50% l’été(Liberty et al., 2001, 412).

Les Poncas Tout comme les Omahas, les Poncas ont subi plusieurs épidé-mies (notamment de variole). À cause de cela et de guerres constantes avecles Sioux, il n’en restait plus qu’environ 2oo au début du 19e siècle selonBrown & Irwin (2001) (le chiffre le plus bas jamais atteint). Au cours du 19esiècle, ils signent plusieurs traités avec le gouvernement étasunien. Ils cèdentleurs terres afin d’obtenir une protection contre les attaques des Sioux, envain. En 1877 les Poncas sont forcés par le gouvernement fédéral à quitterleurs terres, attribuées aux Sioux par erreur dans un traité de 1868. Ils sontobligés d’aller s’installer en Pays indien, en Oklahoma.

Dès 1879 une petite partie de la tribu, menée par le chef Standing Bear,retourne sur leur territoire d’origine, entraînant la division de la tribu entreles Poncas du Nord et ceux du Sud. Standing Bear est un personnage histo-rique important, qui réussit à mobiliser l’opinion publique jusqu’au niveaunational sur le cas des Poncas et leur dépossession de leurs terres. Une com-mission fédérale est créée en 1880 pour enquêter sur ce sujet, suite à quoiles Poncas seront dédommagés. C’est aussi suite à son procès (car lors duvoyage du retour lui et les siens ont d’abord été arrêtés) que pour la premièrefois un juge statue que un Indien est une “personne” au sens juridique duterme, et par conséquent bénéficie de l’habeas corpus (Brown, 2009, 378).

Tout comme les Omahas, les Poncas ont peu à peu adopté le mode de vieoccidental ainsi que la religion chrétienne. Ils gardent tout de même un fortsentiment d’identité tribale (surtout les Poncas du Sud), et organisent denombreuses danses et chants traditionnels. La plupart vivent actuellementà Ponca City, Oklahoma (Rudin & Shea, 2005). Il y a aussi parmi eux des

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Tab. 1.1 : Inventaire des consonnes, repris de Eschenberg et Rudin & SheaBilab. interdent. alvéol. alvéo-palat. vél. laryng.

occlusivessimples b, p d, t g, k ʔaspirées ph th khéjectives pʔ tʔ kʔaffriquéessimples (plain) ts aspirées tshfricatives hsimples ð z, s ʒ, s éjectives sʔ sʔ x, ɤnasales m napproximantes w

problèmes de chômage ou de sous-emploi (Brown & Irwin, 2001).

1.4 Typologie générale du omaha1.4.1 Phonétique et phonologie

Le tableau 1.1 reprend l’inventaire des consonnes présentes en omaha,tiré de Eschenberg (2005, 6) et Rudin & Shea (2005), transcrits selon latranscription de Koontz1. On remarque que Rudin & Shea (2005) placentl’interdentale ð dans les approximants. Cela est peut-être dû au systèmephonologique du omaha (cf. 2.1).

Voici les principales caractéristiques de voyelles du omaha :

• Il y a 5 voyelles orales : i, u, e, o, a• Il y a 2 voyelles nasales : ą et į, correspondant à peu près aux voyelles

orales a et i.• Il existe une distinction entre voyelles courtes et longues (sachant que

ces dernières peuvent être présentes au niveau lexical ou résulter unprocessus morphophonologique).

Les caractéristiques principales du omaha au niveau phonétique sontdonc la présence de consonnes éjectives et aspirées, et la présence de voyellesnasales. Il possède aussi un accent d’intensité (noté avec un accent aigu sur

1Cependant ce mémoire s’appuie sur le corpus de Dorsey retranscrit par Rankin (2008).Ces corpus ne faisant pas la différence entre x et ɤ, elle n’est pas faite non plus ici.

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les voyelles), déterminé soit au niveau lexical, soit au niveau morphophono-logique.

Il y a aussi un processus phonologique appelé Ablaut, qu’il partage avecles autres langues siouanes (Rankin, 1995). Il s’agit de l’altération de lavoyelle finale de nombreux verbes. Rankin (2005, 466) résume comme cecile phénomène d’Ablaut en lakhota : “verbs often show replacement of a finalunaccented a with e in a complex set of grammatical environments.”. En oma-ha, c’est également les voyelles a et e qui alternent. En général, on trouve aquand le verbe est suivit d’éléments post-verbaux, et e dans les autres cas.Les verbes sujets à l’Ablaut seront présentés avec un A majuscule sur leurdernière voyelle, comme en lakhota.

1.4.2 MorphologieEschenberg (2005, 12) indique que le omaha est une langue agglutinante,

car : most componants of meaning are expressed by their own morphemes- “la plupart des composants du sens sont exprimés par un morphème quileur est propre”. C’est le cas par exemple de -hną qui signifie “toujours” ou“habituellement”, -xti qui signifie “très, vraiment”, -ga pour l’impératif mas-culin, ou les instrumentaux comme ną- “avec le pied”.

Rudin & Shea (2005) indiquent qu’en dehors du verbe, le système mor-phologique du omaha est très simple. Les seules inflexions possibles sur lenom sont le possessif inaliénable qui s’applique aux relations de parenté (wi-:1, ði- :2, i- :3) , et le vocatif (-ho quand c’est un homme qui parle, -ha quandc’est une femme).

Le omaha possède également une série d’articles définis qui peuvent in-diquer : l’animacité, le proximatif et l’obviatif, le nombre, le mouvement, etla position et la forme (horizontal, vertical, dispersé, rond).

La morphologie verbale est par contre complexe. Le verbe indexe deuxarguments, l’agent (A) et le patient (P) ou parfois le bénéficiaire (B). Enplus des arguments, une série de marqueurs peuvent être préfixés au verbe,comme le réfléchi, des applicatifs ou locatifs, des instrumentaux. Voir 1.5pour une présentation plus complète.

1.4.3 SyntaxeEschenberg (2005) et Rudin & Shea (2005) indiquent que le omaha est

une langue à marquage sur la tête (“head-marking” en anglais), c’est à direque c’est la “tête” de la proposition qui encode les relations qu’entretiennentles différents éléments. C’est également une langue SOV (bien qu’il existe

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des phrases qui ne respectent pas cet ordre,notamment avec les verbes deparole). On le voit dans l’exemple 2.4.3, repris ici :

gącoord

į pierre

tągá-xtigrandintens

wį untízebeporte

theinan.vert

ágaxadecouvrir

jod : a very large rock which lay as a cover to the entranceUne très grosse pierre qui couvrait l’entrée (Dorsey, 1890, 348.7)

1.5 Le système verbal du OmahaLe verbe omaha n’encode pas les temps/aspect/mode (TAM) dans sa

morphologie. Ils peuvent être indiqués avec des mots indépendants (ex :sidadi : hier), ou des morphèmes indépendants suffixés au verbe (-hną : ha-bituellement ; -ta : irréel, ie tout ce qui n’a pas eu lieu, mais qui va ou peutavoir lieu).

Comme il a été dit plus haut, il existe dans le système verbal trois typesd’arguments : les A, les P et les B (Koontz, 2001, appelle ce dernier le da-tif). Le verbe ne peut indexer que deux arguments : Eschenberg (2005, 13)indique que aucun exemple n’existe de verbe encodant les trois argumentsà la fois. Il arrive que parfois des arguments B soient encodés dans le verbeavec une marque d’indexation P (dans ce cas l’argument P, à la personne3, n’est pas indexé dans le verbe). Il y a un système d’intransitivité scindéepour les verbes intransitifs (cf section 2.2).

Il n’y a pas de marque d’indexation personnelle pour les personnes 3,mis à part P3pl. Donc une forme A3/P3 équivaut au radical nu. De plus,pour les personnes A2, P2 et A3, les marques d’indexation ne font pas dedistinction entre singulier et pluriel. La distinction peut être faite grâce aumorphème indépendant -i/-bi, suffixé au verbe, qui peut marquer soit le plu-riel, soit le proximatif (Koontz, 1989).Il existe une marque de pluriel pour la personne 1, mais il n’y a pas encorede consensus sur ce qu’elle désigne exactement. Koontz estime que cette per-sonne représente un pluriel inclusif (il l’appelle “A12” ou “P12”). La formeéquivalente en lakhota désigne du duel inclusif si elle est seule, et du plurielsi on ajoute -pi à la fin du verbe (l’équivalent du -i/-bi en omaha) (Tay-lor & Rood, 1996, 465). Rankin (2005, 480) précise que “Only in Dakotanand Winnebago is true dual inclusive meaning clear”. En ce qui concernele omaha, la forme plurielle de la personne 1 ne peut pas être seulementinclusive, puisque les formes verbales A2/P1pl ou A1pl/P2 sont attes-tées. Une étude serait nécessaire pour voir si le omaha fonctionne comme

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le lakhota. En attendant, dans ce mémoire, on appellera cette personne 1pl.

Les marques d’indexation personnelle sont toujours préfixées au radical.Certains verbes sont composés de deux radicaux, et les deux reçoivent lesmarques d’indexation. C’est par exemple le cas pour le verbe gą-ða, “dési-rer”, qui devient kką-bða avec la personne A1sg (Koontz (2001, 27). Voirl’exemple 2.4.7 pour le verbe glosé dans une phrase). Les deux radicauxmarquent cette personne de façon différente car ils n’appartiennent pas aumême paradigme (voir plus bas).Enfin, d’autres verbes sont composés de deux parties, et les marques d’in-dexation s’insèrent entre les deux. Ce sont des radicaux discontinus (on enverra plusieurs exemples par la suite). Koontz (1996) explique que dans cescas-là seule la deuxième partie peut être considérée comme le radical pro-prement dit2, et c’est sur elle que sont préfixées les marques d’indexationpersonnelle. Cela concerne tous les verbes avec causatif, et plusieurs autresqui seront cités en exemple dans ce mémoire, comme ną-pe “craindre” (ex2.3.1).

Les verbes omahas se divisent en de nombreux paradigmes. Jacques(2011) les divise entre paradigme thématique et paradigmes athématiques.Koontz (2001) parle de paradigme régulier, et des paradigmes à syncope ouà lénition (syncopating paradigm et leniting paradigm). Les paradigmes àsyncope sont à leur tour divisés selon la consonne par laquelle commenceleur radical. Les deux paradigmes les plus courants sont le paradigme régu-lier et le paradigme à syncope avec radical en ð- (Eschenberg, 2005, 14).

Enfin, les verbes peuvent intégrer divers autres éléments, toujours pré-fixés : les applicatifs (qui seront étudiés dans la partie 2.4) modifient le sensdes verbes et parfois le nombre d’arguments. Les instrumentaux modifientle sens du verbe, son appartenance paradigmatique (car c’est l’instrumentalqui détermine le paradigme selon la consonne par laquelle il commence), etils peuvent rendre statifs des verbes actifs. Par exemple, le verbe tʔé, “mou-rir”, est actif, mais il devient statif quand on lui ajoute un instrumentalcomme na- “par la chaleur” (ða-tʔé > A2-mourir > tu meurs / na-ði-tʔé >instr-P2-mourir > tu meurs ébouillanté3).

2“infixing stems, which place all pronominals after a preverbal element and before themain stem”, (Koontz, 1996)

3Dorsey (1890, 264.14)

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Chapitre 2

Les paradigmes verbauxréguliers

Ce mémoire décrit quelques aspects des paradigmes verbaux réguliers.On va d’abord décrire l’indexation des verbes intransitifs et des verbes tran-sitifs sans applicatifs. Ensuite, on se concentrera sur les différents applica-tifs qui existent en omaha. On décrira comment ils modifient l’indexationdu paradigme régulier, et on essaiera de comprendre quel est leur apportsémantique. Les marques de B ne seront pas étudiées, mais elles peuventêtre présentes dans les phrases d’exemple glosées.

Ce mémoire s’appuie en grande partie sur le travail de Koontz (2001), nonpublié, qui présente une liste des différents paradigmes du omaha : réguliers,à syncope et à lénition ; avec et sans applicatifs (les obliques, selon sa termi-nologie) ; paradigmes avec personne A/P et paradigmes avec les personnes B(les “dative paradigms” selon sa terminologie). Pour chaque paradigme, desexemples sont fournis, qui proviennent pour la plupart du corpus de Dorsey(1890). En ce qui concerne les paradigmes réguliers avec applicatifs, Koontzexplique pour chacun d’entre eux les transformations morphophonologiquesqui sont à l’origine des formes de surface (à part pour le dernier). Son tra-vail est resté à l’état manuscrit, raison pour laquelle certaines informationsmanquent parfois.

Dans le présent mémoire, un certain nombre de verbes sont fournis enexemples pour chaque paradigme. Il sont présentés dans leur contexte, avecleur sujet et/ou objet. Certains éléments des phrases n’ont pas pu être ana-lysés : dans ce cas la glose reprend en italique la traduction mot-à-mot deDorsey, ou bien met un point d’interrogation quand le mot peut être enpartie décomposé.

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Tab. 2.1 : Les morphèmes sous-jacents de l’indexation personnellePersonnes 1sg 1pl 2 3sg 3plAgent a- ąg- ða- Ø ØPatient ą- (a-) ; wa- ði- Ø wa-

2.1 Les transformations morphophonologiques desparadigmes réguliers

Tous les paradigmes réguliers ont les mêmes morphèmes au niveau sous-jacent (mis à part le (a-) qui représente P1pl et qui s’ajoute au wa- danscertains paradigmes seulement), mais ceux-ci subissent diverses transforma-tions en fonction des paradigmes et des contextes phonétiques.

Le tableau 2.1 montre les morphèmes sous-jacents à chaque personnepour les arguments A et P. Ce sont les mêmes pour chaque paradigme régu-lier. Le paradigme régulier sans applicatif (cf. section 2.3) les reprend avecpresque aucune modification.

Au contraire les applicatifs étudiés en 2.4 vont entraîner de nombreuxchangements. Le omaha possède 5 applicatifs différents. Trois applicatifssont í-, á- (tous deux porteurs d’accent dans leur forme sous-jacente) et u.À partir de ces trois là, deux autres applicatifs sont formés : iða- (à partirde í- et á-), et uðu- (à partir de deux applicatifs u-). Cela forme au total 5paradigmes verbaux différents, décrits dans les parties 2.4.2 à 2.4.6.

Les applicatifs sont toujours préfixés au radical du verbe. Ils entrainentun certain nombre de changements morphophonologiques chez les marquesd’indexation personnelles. Tout d’abord, ils provoquent un changement dugabarit de ces formes. Certaines marques d’indexation personnelles changentde place selon l’applicatif qui est ajouté (les marques qui changent le plusde place sont wa- et ąg-). Ensuite, il se produit entre les applicatifs et lesmarques d’indexation un certain nombre de transformations morphophono-logiques, notamment des réductions, épenthèses et des phénomènes d’har-monie vocalique.

Le tableau 2.2 reprend, sous forme de règles, tous les changements mor-phophonologiques possibles qui interviennent dans le paradigme réguliersans applicatif et les 5 paradigmes réguliers avec applicatifs. Ces règles nesont pas toutes systématiques. Par exemple, les règles 2d et 2f concernenttoute deux la transformation des formes wa- + u-, dont le résultat est dif-férent. On verra aussi que dans certains cas on trouve des exceptions à cesrègles, surtout au niveau de l’accentuation (et parfois des épenthèses). Pour

12

Tab. 2.2 : Changements morphophonologiques possibles dans les paradigmesréguliers

Assimilations, réductions1. La forme sous-jacente ąg-, qui marque A1pl, se réduit à ą- (reg ; í)

2. Transformations de la forme wa- :(a) wa- + í- → wé- (í ; iða)(b) wa- + á- → wá- (á)(c) wa- + ąg- → wąg- (á)(d) wa- + u- → ú- (u)(e) wa- + ąg- → ąg- (u)(f) wa- + u- → wi- (uðu)

3. Transformations de l’applicatif á- :(a) á- + ą- → ą- (á)(b) L’applicatif á- s’efface (iða)

Déplacement de l’accent4. Déplacement de l’accent vers la droite dans toutes les séquences

VV (deux voyelles contigües), formant des verbes avec accent sur ladeuxième syllabe (í)

5. Déplacement de l’accent vers la gauche dans la séquence ąg+á (où á-est l’applicatif, porteur d’accent dans la forme sous-jacente). (á)

6. L’un des deux accents présent dans les formes sous-jacentes s’efface, etl’autre se déplace si besoin de façon à ce que la forme soit accentuéesur la deuxième syllabe (iða)

Épenthèses7. Entre l’appl. í- et une voyelle (a ou ą) : épenthèse d’un ð. (í ; iða)

8. Entre l’appl. u- et une voyelle (a ou ą) : épenthèse d’un w. (u ; uðu)

9. Entre l’appl. u- et une voyelle (u, a ou ą) : épenthèse d’un ð. (uðu)

Harmonie vocalique10. La séquence *ąwa devient ąwą-. (reg)

11. La séquence *iðą- devient ąðą-. (í ; iða)

12. La séquence *uwą- devient ąwą-. (u ; uðu)

13. La séquence *uðą- devient ąðą-. (uðu)

13

chaque règle, le ou les paradigmes concernés sont indiqués entre parenthèses(reg = paradigme régulier sans applicatif, intransitif et transitif). Cela per-met de comparer plus facilement les différents paradigmes.

Pour chaque paradigme étudié dans les sections suivantes, le tableauservira de référence pour sa description morphophonologique. Un gabaritsera proposé, et les règles qui s’appliquent seront reprises dans l’ordre oùelles apparaissent dans le tableau. Pour certaines, l’ordre du tableau estl’ordre chronologique des transformations : par exemple les réductions onttoujours lieu avant les déplacements d’accent, et les déplacements d’accentavant les épenthèses.

À partir du tableau 2.2, on peut dégager ces tendances générales :

• Les réductions concernent toujours des voyelles contiguës, et parfois lasemi-consonne w à l’initiale.

• Les épenthèses sont toujours des ð ou des w. Elles interviennent entredeux voyelles, et seulement après des applicatifs.

• L’harmonie vocalique concerne toujours la voyelle nasale ą, qui assimiletotalement une autre voyelle, avec consonne interposée (les ð et les w)

2.2 Les verbes intransitifsLe omaha possède un système d’intransitivité scindée. Cela signifie que

les verbes intransitifs recevront soit la marque de l’agent (A) du verbe tran-sitif, soit la marque du patient (P) du verbe transitif. Dans le premier cas,il s’agira d’un verbe intransitif actif, dans le second, d’un verbe intransitifpassif. En général, le critère indiquant si un verbe est actif ou statif est celuide la volition ou du contrôle. Mais ce n’est pas une règle absolue, l’appar-tenance des verbes au mode actif ou statif n’est pas toujours prédictible.Ainsi, le verbe tʔé “mourir” est actif1.

Le tableau 2.3, repris de l’article de Rudin & Shea (2005), montre lemarquage des actants selon si le verbe est actif ou statif. En le comparantavec le tableau 2.1, on voit d’abord que le morphème wa-, qui marque lesP3pl habituellement, n’est pas réalisé dans le paradigme des verbes statifs.On voit que la forme sous-jacente ąg- pour la personne 1pl est réalisée ą-.C’est à dire que le g a disparu ; c’est la règle numéro 1 du tableau 2.2.

1Mais Koontz (1989) indique que le verbe tʔé “mourir” ne prend jamais de marque deproximatif, à cause du fait que mourir n’est pas une action qui se choisit. Donc le systèmede proximatif et obviatif prendrait en compte, en partie, la volition.

14

Tab. 2.3 : Les verbes intransitifs (Shea and Rudin, 2005)1sg 1pl 2 3

Verbes actifs a- ą- ða- ØVerbes statifs ą- wa- ði- Ø

Verbes intransitifs actifs

Voici des exemples de verbes transitifs actifs : zą “être allongé”, nazi“être debout”, ąhą “fuir” (cité par Koontz) et tʔé “mourir”. L’exemple duverbe ąhą avec la personne A1pl montre que la forme sous-jacente se réduitégalement devant des voyelles.

(1) ðéðuici

skéwą-xtitemps[durée] ?-intens

a-ząA1sg-être_allongé

ðązathough

ébeq :qui

ską-ą-ðe-tá,bouger-P1sg-caus-irr

á-bi-amádire :3-prox-evid

wasábeours_brun

akháanim.prox.immjod : “Though I should lie here a very long period, who could pos-sibly dislodge me ?” said the Black bear.Je devrais rester ici pour très longtemps, qui pourrait me faire par-tir ? (Dorsey, 1890, 16.3)

(2) gąetąg-á-ða-bazi,A1pl-obl-aller-neg

édithere

ą-wą-dąbeA1pl-P3pl-regarder

ą-názi-iA1pl-être_debout-pljod : Then we did not depart ; we stood looking at the dead.Nous ne sommes pas partis. Nous étions debout, à regarder les morts.(Dorsey, 1890, 419.13)

(3) hídeatadown-stream

ą-ąheA1pl-fuir

ąg-á-ða-iA1pl-obl-allerpl

jod : We fled southward (...).Nous avons fui vers le sud. (Dorsey, 1890, 443.19, cité par Koontz,2001)

(4) gącoord

ða-tʔéA2-mourir

tathé,irr

á-bi-amádire :3-prox ?-evid

tté-waʔu-zįgabuffalo-femme-vieux

jod : And the aged Buffalo-woman said, “Tou shall surely die.”Et la vieille femme Buffalo dit “Tu vas sûrement mourir”. (Dorsey,1890, 154.13)

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(5) wuhu !interj

tʔémourir

nąpa-zicraindre-neg

á-bi-amádire :3-prox-evid

jod : “Really ! he does not fear death,” said they.“Vraiment ! Il ne craint pas la mort !” dirent-ils. (Dorsey, 1890, 378.5)

Verbes intransitifs statifs

Voici des exemples glosés de verbes statifs : gini “être guéri” ; ði-ðįge “nepas avoir” ; tą “avoir beaucoup”. Les sujets seront glosés avec la personne P.

(6) ą-gíni-máziP1sg-guérir-1.negjod : I have not recoveredJe ne suis pas guéri (Dorsey, 1890, 512.7)

(7) nąxídeouïe

ði-ðįgeP2-ne_pas_avoir

í<ða>nahį-i<A2>vraiment-prox ?

ahąexcl

jod : “You have been very disobedient !Vous avez été très désobéissants ! (Dorsey, 1890, 620.8)

(8) sącoord

wamúskeblé

stiaussi

ą-tą-iP1pl-avoir_beaucoup-pl

jod : We have plenty of wheat.Nous avons beaucoup de blé. (Dorsey, 1890, 490.11)

Dans la phrase suivante, on voit que les prédicats qui correspondent àdes adjectifs en français peuvent se comporter comme des verbes statifs enomaha :

(9) wí-tuspá !poss :1-petit_fils

ði-gðąði,P2-stupide

á-bi-amádire :3-prox ?-evid

jod : “My grandchild, you are foolish !(...)” She said.“Mon petit-fils, tu es fou (...)” dit-elle. (Dorsey, 1890, 20.4)

Verbes statifs commençant par wa-Koontz (2001) explique que certains verbes statifs ont un radical qui

commence par wa-. Ce wa- a un impact sur le gabarit du verbe. Toutes lesmarques d’indexation personnelles se sont préfixées au radical en entier saufla marque de P2 ði- qui est insérée entre le wa- et le reste du radical, commes’il s’agissait d’un radical discontinu. De plus, il se produit une harmonisa-tion vocalique à la personne P1sg (règle nº10 du tableau 2.2). Koontz citecomme exemple le verbe wa-khéga, “être malade”. Le tableau 2.4 reprendl’indexation d’un autre verbe statif en wa- : wa-xpáni, “être pauvre”.

16

Tab. 2.4 : Conjugaison du verbe statif en wa- “être pauvre”Personne omaha français sourceP1sg ą-wą-xpani je suis pauvre Dorsey (1890, 499.1)P1pl wa-wá-xpani nous sommes pauvres Dorsey (1890, 491.3)P2 wa-ðí-xpani-azi tu n’es pas pauvre Dorsey (1890, 169.15)P3 wa-xpáni il est pauvre Dorsey (1890, 644.15)

Tab. 2.5 : Paradigme régulier sans applicatif : les formes sous-jacentesP1sg P1pl P2 P3sg P3pl Vi actifs

A1sg wi- a- a-wa- a-A1pl ąg-ði- ąg- ąg-wa- ąg-A2 ą-ða- wa-ða ða- wa-ða- ða-A3 ą- wa- ði- Ø wa- ØVi statifs ą- wa- ði- Ø Ø

2.3 Les verbes transitifsLes tableaux 2.5 et 2.6, ce dernier repris de Koontz (2001, 4), montrent

l’indexation du paradigme régulier des verbes transitifs, sans applicatifs. Lescolonnes indiquent les arguments P, les lignes indiquent les arguments A. Lesdifférentes cases du tableau indiquent donc les différentes combinaisons de Aet P qu’on peut trouver dans un paradigme de verbe transitif. Par exemplel’équivalent du français “tu nous + verbe” se trouve à la case A2/P1pl :wa-ða-.

Une colonne pour les verbes intransitifs actifs et une ligne pour les verbesintransitifs statifs ont été ajoutées au tableau original de Koontz. Cela per-met de visualiser comment fonctionne le système d’intransitivité scindée(expliqué en 2.2).

Les cases grisées représentent des formes réfléchies. Dans le système ver-bal omaha, elles appartiennent à un paradigme particulier qui ne sera pastraité dans ce mémoire.

On voit, en comparant ces deux tableaux, que les formes verbales sontpresque identiques aux formes sous-jacentes. Seules deux transformations seproduisent : le g de la forme ąg- A1pl tombe, et la séquence *ąwá- devientąwą-. Cela correspond aux règles nº1 et nº10 du tableau 2.2.

On remarque aussi que la forme A1sg/P2 est marquée non pas par l’ad-dition des marques de A1sg et P2, mais par le portemanteau wi. Eschen-berg (2005) remarque que cette forme se retrouve dans tous les paradigmes.Jacques (2011, 19) analyse wi comme étant à l’origine un préfixe de P2 : la

17

Tab. 2.6 : Paradigme régulier (Koontz 2001)P1sg P1pl P2 P3sg P3pl Vi actifs

A1sg wi- a- awá- a-A1pl ąðí- ą- ąwą- ą-A2 ąðá- waðá ða- waðá- ða-A3 ą- wa- ði- Ø wa- ØVi statifs ą- wa- ði- Ø Ø

forme proto-siouane *yi. Il tire cette conclusion en partie du fait que les pa-radigmes irréguliers prennent la marque wi- en plus d’une marque de A1sg.Le lakhota aussi a un portemanteau, chi, pour la forme A1sg/P2.

Dans l’ensemble du paradigme régulier, l’accent tombe sur la deuxièmesyllabe. Cette constatation n’est valable que dans les cas où aucun élémentne précède les marques d’indexation. Les verbes discontinus sont des cas àpart (cf section 1.5).

2.3.1 GlosesVoici quelques exemples tirés du corpus de (Dorsey, 1890), reprises dans

(Rankin, 2008). Elles sont ordonnées en suivant les colonnes du tableau.Elles proviennent des verbes siðA “se souvenir”, ną-pA “craindre” (un radicaldiscontinu), et ʔu “blesser” :

Forme de P1sg

(10) ą-ðá-siða-ðegąP1sg-A2-se_souvenir- ?jod : You remember me somewhat2

Tu te souviens de moi (Dorsey, 1891, 92.11)

Forme de P1pl

(11) ádądonc

ągú1pl

wa-ðá-siða-ðáP1pl-A2-se_souvenir-relat ?

eskąperhaps

éthat

jod : They concluded that it was because you thought of us.Ils en ont conclu que c’était parce que tu pensais à nous. (Dorsey,1890, 687.5)

Formes de P22Ceci est la traduction mot-à-mot. Nous n’avons pas la traduction libre des Omaha

and Ponca Letters de Dorsey (1891)

18

(12) sąmaintenant

ąbaðéaujourd’hui

wi-síða-iA1sg-P2-se_souvenir-pl

égą,conj

wabágðezelettre ?

su-ðé<wi>khíðetransloc-<A1sg/P2>envoyerjod : As I remember you to-day, I send you a letter.Comme je me souviens de vous aujourd’hui, je vous envoie une lettre.(Dorsey, 1890, 508.13)

(13) nįkasįgahumain

máse,personnes

ą-ðí-siða-iA1pl-P2-se_souvenir-pl

wéðabáziêtre_triste :P3pl

chabeintensjod : O ye people, we are very sad when we think of you.À vous tous : nous sommes très tristes quand nous pensons à vous.(Dorsey, 1890, 483.6)

(14) ði-síða-iP2-se_souvenir-pljod : They remember you.Ils se souviennent de toi. (Dorsey, 1891, 22.12)

Forme de P3sg

(15) táxti-gíkhidábiTaqti-gikidabi

útʔemort

ðįgéaux

ną<ða>pa-í<A2>craindre-pl

aq

jod : Do you fear Taqti-gikidabi because he is immortal ?Avez-vous peur de Taqti-gikidabi parce qu’il est immortel ? (Dorsey,1890, 23.6)

Formes de P3pl

(16) pąkaPonca

nįkagáhichef

zaní-xtitous-intens

a-wá-siðeA1sg-P3pl-se_souvenir

jod : I remember all the Ponca chiefs.Je me souviens de tous les chefs Poncas. (Dorsey, 1990, 512.9)

(17) íðae-bazi–xti-ąparler-neg-intens- ?

stawąnot withstanding

wa-ʔú-bi-amáP3pl-blesser-prox-evid

jod : Without speaking at all, he wounded them.Et sans parler, il les blessa. (Dorsey, 1890, 361.9)

2.3.2 GabaritLe tableau 2.7 montre le gabarit du verbe transitif régulier, constitué à

partir du tableau 2.6. Dans la colonne de droite se trouve le radical. Les

19

Tab. 2.7 : Gabarit du verbe transitif régulierPosition -3 -2 -1 rad.Forme a/ą, ąg wa ða/ði rad.Glose [1sg], [A1pl] [P1pl, P3pl] [2]

autres colonnes représentent les places que les préfixes prennent entre euxdevant le radical. Le portemanteau wi n’est pas inclus dans le gabarit car ilapparaît toujours seul - préfixé au radical.

2.3.3 Formes ambiguës du paradigme régulierIl y a deux ambiguïtés dans le paradigme verbal régulier :

• Les marques de P1pl et P3pl : Les personnes P1pl et P3pl reçoiventla même marque wa-. Cette marque est donc ambiguë. Comme ellemarque toujours un argument P, une éventuelle marque de A sur lemême verbe ne permet pas de lever l’ambiguïté. On peut le voir dansl’exemple 17, où la phrase seule ne permet pas de comprendre qui estle P. Seul le contexte élargi du texte le permet.

• Les marques de P1sg et A1pl : Dans le paradigme régulier ąg- esttoujours réduit à ą-, créant une ambiguïté entre les formes P1sg etA1pl. Cependant, comme l’une est une forme A et l’autre une formeP, l’ambiguïté peut être levée si le verbe indexe une autre personne.C’est le cas des exemples où le ą apparaît ici : les phrases 10 et 13.Dans la phrase 10, la personne 2 est indexée comme A, donc on saitque la forme ą- désigne le patient, donc P1sg. Dans la phrase 13, c’estl’inverse.

2.4 Les applicatifs2.4.1 Présentation

D’après Mithun (2001), les applicatifs prototypiques sont un processusdérivationnel de la morphologie verbale qui ajoutent un argument au verbe.En général, au niveau sémantique, cet argument peut être un bénéficiaire, ré-cipientaire, locatif, instrument, ou autres, et il prend une marque de patient.Elle ajoute qu’un applicatif peut parfois remplacer l’objet/patient d’origined’un verbe transitif, plutôt que de lui ajouter un argument (par exemple,“ouvrir quelque chose” devient “ouvrir avec quelque chose”, et ce qui estouvert n’est plus exprimé explicitement).

20

Mithun (2001) donne une définition très large au mot “applicatif”. Selonsa terminologie, les termes “intrumental” et “locatif” désignent aussi desapplicatifs, quand leur rôle sémantique est connu. Ce sont des types d’ap-plicatifs. Les applicatifs instrumentaux existent en omaha, ils ne seront pasétudiés ici. Les applicatifs que nous allons étudier sont des voyelles préfixéesau radical (comme on l’a vu en 2.1, il y a les trois “simples”, í-, á-, u- ; et lesdeux composés, iða- et uðu-), et qui modifient le paradigme verbal. Koontz(2001) les appelle des obliques.

Il existe l’équivalent en lakhota : 4 préfixes différents, que les auteurs ap-pellent simplement “préfixes” (Taylor & Rood, 1996), ou “locatifs” (Ullrich,2008, 739). Ce dernier justifie cette appellation en expliquant que ces pré-fixes ont des sens locatifs de base, qui ont ensuite évolué et ont actuellementde nombreux sens et fonctions. Taylor & Rood (1996) indiquent aussi que :

“The meaning that has been added by the prefix is not always easyto specify (...). In a few cases, verbs exist only with the prefix ;an equivalent form without the prefix cannot be found.”“Le sens ajouté par le préfixe n’est pas toujours facile à déter-miner (...). Dans quelques cas, les verbes n’existent qu’avec lepréfixe ; on ne trouve pas de forme équivalente sans préfixe.”

Cependant quelques sens principaux peuvent être dégagés, les voici, selonTaylor & Rood (1996) :

i- instrumental (le sens locatif d’origine selon Ullrich est “en contact avec”)

a- “sur [la surface de...]”, “à cause de”

o- “à l’intérieur de”

khi- “au milieu”

Nous allons à présent étudier les applicatifs omaha (on utilisera simple-ment “applicatif” pour désigner í-, á-, u, iða-,uðu-). On va voir comment ilsmodifient l’indexation verbale et essayer de montrer leurs rôles sémantiques.

2.4.2 Applicatif i-L’indexation du paradigme régulier avec l’applicatif i- est montrée dans

le tableau 2.9, repris de Koontz (2001). Les épenthèses sont en exposantpour une meilleure compréhension, et dans ce cas le son ð est écrit <th>.Pour une meilleure compréhension, le tableau 2.8 a été ajouté : il montreles morphèmes sous-jacents à chaque forme. Le gabarit du paradigme et leschangements morphophonologiques sont étudiés dans la partie 2.4.2.

21

Tab. 2.8 : Paradigme régulier avec applicatif í : les formes sous-jacentesP1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg í-wi- í-a- wa-í-a-A1pl í-ąg-ði- í-ąg- wa-í-ąg-A2 í-ą-ða- wa-í-a-ða- í-ða- wa-í-ða-A3 í-ą- wa-í-a- í-ði- í- wa-í-

Tab. 2.9 : Paradigme régulier avec applicatif i (Koontz, 2001)P1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg íwi- ithá- weá-A1pl ąthąði- ąthą- weą-A2 ąthąða- weáða- íða- wéða-A3 ąthą- weá- íði- í- wé-

Exemples

Voici plusieurs phrases glosées, comportant un verbe avec applicatif í-.L’applicatif est glosé appl.í seulement quand le radical du verbe est indé-pendant, c’est-à dire quand il est aussi attesté sans applicatif. C’est le cas desverbes í-ąhą “fuir à cause de quelque chose” (ąhą : “fuir”) ; í-ną-pA “craindrequelque chose à cause de” (verbe cité par Koontz, de ną-pA : “craindre”,verbe à radical discontinu) ; í-ʔu “blesser avec” (ʔu : “blesser”). Pour lesautres formes, les radicaux et l’applicatif ne sont pas décomposés puisqu’iln’est pas possible de donner un sens au radical seul. C’est le cas des verbesí-xa “rire, se moquer” (cité par Koontz, qui peut aussi prendre le sens de“se moquer”), í-ða “trouver” (en fait on trouve des verbes ða signifiant “al-ler” ou “dire”, mais le lien n’est pas évident), í-husA “réprimander” (cité parKoontz), í-nahį “être vraiment” ou “vraiment” (fonctionne comme un verbeintransitif statif).

Les exemples sont organisés en suivant les colonnes du tableau d’indexa-tion : de la forme P1sg à la forme P3pl.

Forme avec P1sg

(18) ąðą-ða-nąpa-báziappli.í.P1sg-A2-craindre-neg

í<ða>nahį-i<A2>être_vraiment-prox

aq

jod : Are you not truly afraid of me ?N’as-tu pas peur de moi, vraiment ? (Dorsey, 1890, 23.9, cité dansKoontz, 2001)

Formes avec P1pl

22

(19) níasįgapersonne

úmakhafacile

chabeintens

thívenir

ðąstijusqu’ici

á-khiobl-arriver_chez_soi

á-gða-i,obl-rentrer_chez_soi-pl,

wéahúsa-táréprimander :P1pl-irr

amáanim.prox.pl

jod : They will scold us because a man went away again who hadcome hither very easily.Ils vont nous réprimander parce qu’un homme est venu ici et estreparti très facilement. (Dorsey, 1890, 195.9, cité dans Koontz, 2001)

On voit que dans l’exemple ci-dessus (pourtant cité par Koontz lui-même),l’accent tombe sur la première syllabe, alors que selon le tableau d’indexa-tion, il devrait être sur la deuxième.

Forme avec P2

(20) édilà-bas

ðázi-aaller.neg-imp

hé.decl

í<ði>xá~xa<P2>rire~dupl

jod : Go not thither. They will abuse youNe va pas là-bas. Ils vont te malmener (Dorsey, 1890, 15.3)

On remarque que le verbe íxa fait parfois l’objet de réduplication. Le sensdes réduplications n’est pas étudié ici. Taylor & Rood (1996, 449) indiquentqu’en lakhota la réduplication peut avoir plusieurs sens comme la pluralité,l’intensité, la distribution dans l’espace.

Formes avec P3sg (pas de marquage)

(21) khagéha,ami

ið<á>xa<A1sg>rire

kąbðavouloir :A1sg

gądonc

sé-madem-pl.obv

jod : Friend, I wished to jest, so those things (I did and said).Ami, je voulais plaisanter, c’est pour cela [que j’ai dit et fait ça].(Dorsey, 1890, 62.5)

(22) MíkasiCoyote

akháanim.prox.imm

íxarire

gaskíhaleter

wakhądiðe-hną-bi-amáexcessivement- ?-prox ?-evid

jod : The Coyote laughed till he panted for breath.Le coyote rit jusqu’à en perdre le souffle. (Dorsey, 1890, 96.11)

(23) sągecheval

amáanim.prox.pl

ázidifférent

ąwąðibðą-isentir :P1sg-pl

égą,conj

í-ąha-íappl.í-fuir-pljod : As the horses perceived that I had a different odor, they fled.Comme les chevaux sentaient que j’avais une odeur différente, ils ontfui. (Dorsey, 1890, 442.10)

23

(24) í-nąpe-hnąappl.í-craindre-hab

ʔí-bi-amádonner-pl-evid

jod : they always gave them to him, being afraid of him.Ils lui donnaient toujours [le produit de leur chasse], car ils avaientpeur de lui. (Dorsey, 1890, 22.2)

Dans l’exemple ci-dessus, le verbe ną-pA a un radical discontinu. Nous avonsdit dans la partie 1.5 que dans ce cas les marques d’indexation personnellesse placent devant le radical pricipal et derrière la première partie (en l’occu-rence, ną-). Comme on le voit, cette règle ne s’applique pas aux applicatifs.Les gabarits des verbes discontinus ne seront pas étudiés dans ce mémoire.

(25) mąflèche

nąbadeux

í-ʔu-bi-amáappl.í-blesser-prox-evid

mąchúGrizzly_Bear

jod : (...) wounding him with two arrows.Il blessa le Grizzly Bear avec deux flèches. (Dorsey, 1890, 46.8)

Formes avec P3pl

(26) ząðé-ha,grande_soeur-voc

we<á>ða-mázi,<A1sg>trouver :P3pl-neg

á-bi-amádire :3-prox-evid

side_nouveaujod : “O elder sister, I have not found him,” she said.Grande-sœur, je ne l’ai pas trouvé, dit-elle. (Dorsey, 1890, 151.20,cité dans Koontz, 2001)

(27) wasábeBlack_Bear

amáanim.prox.pl

nįkasįgapersonne

wa-wéxa~xa-iP3pl-rire :P3pl~dupl-pl

hédecljod : They are laughers at them.Les Black Bear sont des personnes moqueuses. (Dorsey, 1890, 15.2)

La phrase ci-dessus a deux marques de P. La première interagit avec l’ap-plicatif et forme wéxa, qui correspond à laugh at them. Ensuite, la formeverbale dans son ensemble est tournée en adjectif grâce à une marque de Paccordée au sujet (ici : les Black Bear, du pluriel). On a vu dans la section2.2 que l’idée d’adjectif peut être exprimée par un verbe statif.

Sémantique

À partir des exemples ci-dessus, on entrevoit deux significations pourl’applicatif í- :

24

Tab. 2.10 : Gabarit de l’applicatif íPar. -4 -3 -2 -1 rad.reg a/ą, ąg wa ða/ði rad.

[1sg], [A1pl] [P1pl, P3pl] [2]í wa í a/ą, ąg, a ða/ði rad.

[P1pl, P3pl] [appl] [1sg], [A1pl], [partie de P1pl] [2]

À cause de - cela concerne les verbes í-ąhą “fuir à cause de quelque chose”,et í-ną-pA “craindre quelque chose à cause de”. Dans la traduction librede Dorsey (celle qui est reprise dans les exemples), ils sont seulementtraduits par “avoir peur” ou “fuir”, mais dans sa traduction mot-à-mot il est bien écrit “fearing him on account of it habitually” et “theyfled for that reason”. Ces deux verbes existent aussi sans applicatif. Onpeut éventuellement ajouter dans cette catégorie í-husA “réprimander”,qui implique a priori une raison, même si celle-ci n’est pas expriméedans la phrase.

Avec - le í- peut aussi introduire un instrument, comme en lakhota. On levoit avec l’exemple de í-ʔu “blesser avec”, où ʔu signifie “blesser”. Ontrouve d’autres exemples de ce type d’utilisation du í- dans le corpus,par exemple í-paxe “faire [qch] avec qch” (à partir de paxe “faire”).Ce verbe est cité dans (Dorsey, 1890, 499.1), dans la phrase “there isnothing with wich I can do anything”, dans une lettre écrite par unhomme qui dit qu’il est pauvre et ne peut rien faire car il n’a rien.

Autres formes Dans les autres formes, í-xa “rire, se moquer”, í-ða “trou-ver”, í-nahį “être vraiment”, il n’est pas possible d’attribuer un sensau í-, en tout cas pour l’instant.

Morphophonologie

Le tableau 2.10 montre le gabarit du paradigme régulier avec applicatifí-. Le gabarit du paradigme régulier sans applicatif est aussi présenté pourune meilleure comparaison. On observe que le wa- est la seule marque d’in-dexation qui se place devant l’applicatif. Elle change de place par rapportaux autres marques d’indexation, puisqu’à présent elle est placée avant lesmarques de 1sg et A1pl. On observe également l’apparition d’une nouvellemarque : a- dans les formes P1pl. Koontz (2001) n’y fait pas référence expli-citement dans son article, mais mentionne une marque de “partie de P1pl”(part of P12)3. Ce a- serait donc un élément qui marque P1pl en plus du

3Koontz considère que la personne désignée par P1pl dans ce mémoire est une formeinclusive, d’où son appellation.

25

wa, seulement dans certains paradigmes (pour les applicatifs en í-, u et uðu).

À partir des formes sous-jacentes réparties selon ce gabarit, un certainnombre de changements phonologiques de produisent, décrits dans Koontz(2001, 12). Ils permettent de comprendre les formes de surface présentéesdans le tableau 2.9. Voici la liste de ces changements, dans l’ordre où ils seproduisent (on donne les numéros des règles présentes dans le tableau 2.2) :

• Règle nº1 : *ąg- → ą-• Règle nº2a : *waí- → wé-• Règle nº4 : *wéa → weá ; *wéą → weą ; *ía → *iá ; *íą → *ią• Règles nº7 : *iá → iðá ; *ią → *iðą• Règle nº11 : *iðą- → ąðą-

Formes ambiguës : Le paradigme avec applicatif í- a deux paires de formesambiguës :

• Les formes A3/P1sg et A1pl/P3. Comme la forme sous-jacente deA1pl ąg- se réduit aussi dans ce paradigme, l’ambiguïté entre lesmarques de A1pl et P1sg subsiste. Quand le deuxième argument duverbe est la personne 3, non marquée (à part P3pl), les verbes sontidentiques.

• Les formes A3/P1pl et A1sg/P3pl. L’ajout d’un a- marquant P1pldans ce paradigme en plus du wa- modifie les ambiguïtés présentesdans le paradigme régulier sans applicatif. Dans ce dernier, les formesétaient ambiguës quand le A était le même. Ici, c’est la forme wa-a-pour P1sg et Ø pour A3 qui est identique à la forme wa- pour P3plavec le a- de A1sg. On le voit dans les exemples 19 et 26.

2.4.3 Applicatif á-L’indexation des verbes réguliers avec l’applicatif á- se trouve en tableau

2.12, repris de Koontz (2001). Il est précédé du tableau 2.11 qui montre lesformes sous-jacentes de ce paradigme. Le gabarit du paradigme et les chan-gements phonologiques qui s’y produisent sont étudiés dans la section 2.4.3.

Koontz (2001, 9) cite une variante de cette forme, qui s’applique auxverbes de mouvement ou à certains verbes intransitifs actifs (il cite “avoir”),et qui ne porte pas l’accent. Koontz précise qu’elle apparaît dans les casoù le sujet est au pluriel et au proximatif. Elle existe aussi en lakhota, oùTaylor & Rood (1996, 448) la citent avec le verbe “arriver” (aʔí, contre ahí

26

Tab. 2.11 : Paradigme régulier avec applicatif á : les formes sous-jacentesP1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg á-wi- á-a- wa-á-a-A1pl ąg-á-ði- ąg-á- wa-ąg-á-A2 á-ą-ða- wa-á-ða- á-ða- wa-á-ða-A3 á-ą- wa-á- á-ði- á- wa-á-

Tab. 2.12 : Paradigme régulier avec applicatif á (Koontz 2001)P1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg áwi- áa- wáa-A1pl ągaði- ąga- wąga-A2 ąða- wáða- áða- wáða-A3 ą- wá- áði- á- wá-

en omaha), et l’identifie comme une marque de pluriel collectif. Cette formea- ne sera pas étudiée dans ce mémoire.

Exemples

Voici des exemples du paradigme régulier avec applicatif á-, tirés desverbes suivants : á-gazi “ordonner” (cité par Koontz) ; á-pA “demander àquelqu’un de l’accompagner” (cité par Koontz) ; á-ki-ðA “attaquer” (verbeà double radical. C’est le premier qui prend l’applicatif á-) ; á-ąsi “sauterpar dessus” ; á-gazade “marcher sur” ; á-gaxade “couvir” ; á-gði “monter [uncheval]”.

Formes de P1sg

(28) úskąaction

gáxefaire

ąðagaziordonner :A2/P1sg

therelat

égą-xticonj-intens

páxe,faire :A1sg

á-bi-amádire :3-prox-evidjod : “I did the deed just as you commanded me to do it,” said he.“Je l’ai fait, comme tu me l’avais demandé”, dit-il. (Dorsey, 1890,199.19, cité dans Koontz, 2001)

(29) é3níeau

mąthededans

ąpa-idemander_à_qn_de_l’accompagner :P1sg-prox

jod : He asked me to go with him under the waterIl me demanda de l’accompagner sous l’eau (Dorsey, 1890, 281.13)

27

Forme de P1pl

(30) názi !interj

zįðé-ha,grand_frère-voc

į-dádi1.poss.inal-père

ðá-zialler-neg

wágazi,ordonner :P1pl

á-bi-amá.dire :3-prox-evid

jod : “For shame ! elder brother, my father commanded us not togo,” said the younger.Quelle honte ! Grand-frère, mon père nous a ordonné de ne pas yaller. (Dorsey, 1890, 210.15, cité dans Koontz, 2001)

Formes de P2

(31) wí1ną<wi>pa-mázi<A1sg/P2>craindre-neg

egąconj

á<wi>kí<b>ða<A1sg/P2><A1sg>attaquer

táirr

mįkhe1.aux

jod : I do not fear you, so I will attack you.Je n’ai pas peur de toi, alors je vais t’attaquer. (Dorsey, 1890, 23.18)

Formes de P3sg

(32) masánia-taautre_côté-but

ąg-á-ðeA1pl-obl-aller

ta-í,irr-pl

á-bi-amádire :3-prox-evid

nudągachef

akhá.anim.prox.imm

ąg-aąsiA1pl-sauter_par_dessus

ta-íirr-pl

hadecl

jod : Let us go to the other side. Let us leap over.Allons de l’autre côté. Sautons par dessus. (Dorsey, 1890, 179.16)

(33) istáœilhnípʔįze-dąfermer :A2-quand

níeau

kheinan-horiz

á<ða>gazade<A2>marcher_sur

teirr

hedecljod : Close your eyes and make a stride over the water.Ferme les yeux et fais un par dessus l’eau. (Dorsey, 1890, 142.4)

(34) gąetáąsisauter_par_dessus

ákhiágða-bi-amárentrer-prox-evid

jod : And leaping over him, he went homewardEt, sautant par dessus lui, il partit vers chez lui (Dorsey, 1890, 325.1)

(35) gącoord

į pierre

tągá-xtigrand-intens

wį untízebeporte

theinan.vert

ágaxadecouvrir

jod : a very large rock which lay as a cover to the entranceUne très grosse pierre qui couvrait l’entrée (Dorsey, 1890, 348.7)

28

Formes de P3pl

(36) tílogement

u<gí>ne<refl>chercher

wáagázi,ordonner :A1sg/P3pl

á-bi-amádire :3-prox-evidjod : “I commanded them to seek their own lodges,” he said.(Dorsey, 1890, 28.20, cité dans Koontz, 2001)

(37) wahąse_déplacer

wágazí-bi-amáordonner :P3pl-prox-evid

jod : He commanded them to remove.Il leur ordonna de se déplacer. (Dorsey, 1890, 84.4, cité dans Koontz,2001)

(38) sągecheval

wágðįmonter :P3pl

a-khí-iobl-arriver_chez_soi-pl

ðąkháthey who (ob)

égasánilendemain

wa-dąbeantip-voir

wagáziordonner :P3pl

the?

jod : The next day he commanded those who had come back onhorseback to act as scouts.Le jour suivant, il ordonna à ceux qui étaient rentrés à cheval deservir d’éclaireurs. (Dorsey, 1890, 350.3)

Sémantique

On voit avec les exemples de l’applicatif á- qu’il a un sens clairementlocatif, qui est identique à celui de l’applicatif a- du lakhota : “sur”.

Sur - Dans les verbes á-gazade “marcher sur” et á-gði “monter [un cheval]”,le sens applicatif et locatif de á- est très clair, d’autant que ces deuxverbes existent aussi sans l’applicatif, où ils signifient “marcher” et“s’assoir” (le verbe á-gði est précédé du mot “cheval” et donc signifielittéralement “être assis sur le cheval”). C’est très clair aussi pour leverbe á-ąsi qui est toujours traduit “sauter par dessus”, et pour á-gaxade “couvir”, même si les équivalents sans applicatif n’existent pas.Enfin, pour les deux verbes á-ki-ðA “attaquer” et á-gazi “ordonner”, onpeut envisager que le á- signifie aussi “sur qch, qn”, même c’est moinsévident.

Autre forme - Seul le verbe á-pA “demander à quelqu’un de l’accompa-gner” n’a pas de lien apparent avec “sur”.

29

Tab

.2.1

3:G

abar

itde

l’app

licat

ifá

Par.

-5-4

-3-2

-1ra

d.re

ga/ą,ąg

waða/ði

rad.

[1sg

],[A

1pl]

[P1p

l,P

3pl]

[2]

íwa

ía/ą,ąg

,aða/ði

rad.

[P1p

l,P

3pl]

[app

l][1

sg],

[A1p

l],[

part

iede

P1p

l][2

waąg

áa/ą

ða/ði

rad.

[P1p

l,P

3pl]

[A1p

l][a

ppl]

[1sg

][2

]

30

Morphophonologie

Le tableau 2.4.3 montre le gabarit du paradigme régulier avec applicatifá-. Les gabarits des paradigmes réguliers sans appplicatif et avec applicatif í-ont été mis pour mieux apprécier les changements provoqués par l’applicatifá-. On voit que ce gabarit diffère des deux premiers. On observe le mêmechangement de place de la marque wa-, qui apparaît toujours en premièreposition, devant l’applicatif. Mais en plus de cela, et à la différence du pa-radigme avec applicatif í-, la marque de A1pl (ąg-) change également deplace : elle se place entre le wa- et l’applicatif (et contrairement aux deuxautres paradigmes, elle ne va pas se réduire à ą-). Enfin, la marque a- quiforme une partie de A1pl n’apparaît pas ici.

À partir de cette répartition des formes sous-jacentes, il se produit lesphénomènes phonologiques suivants (qui sont énumérés dans Koontz (2001,7)) :

• Règle nº2b : *waá (où á est l’appl.) → wá• Règle nº2c : *waąg → *wąg-• Règle nº3a : *áą → ą• Règle nº5 : *ągá → ąga ; *wągá → wąga

Remarque : Il y a de nombreux phénomènes de réduction avec l’applicatifá- avec les règles nº2b, 2c et 3a. Mais aucune réduction ne s’applique avecla marque de A1sg : quand elle suit wá- (forme réduite de wa- + applicatifá), cela forme wáa (A1sg/P3pl), et quand elle suit l’applicatif á cela formeáa (A1sg/P3).

Formes ambiguës : Ce sont les marques P1pl et P3pl. Dans ce paradigme,la personne P1pl est marquée par wa- seule, donc comme dans le paradigmerégulier sans applicatif elle est ambiguë avec la marque de P3pl. On le voitavec les exemples 30 et 37 où les verbes sont exactement les mêmes.

2.4.4 Applicatif uL’indexation des verbes réguliers avec applicatif u- se trouve dans les

tableaux 2.14 et 2.15, ce dernier repris de Koontz (2001), pour les formessous-jacentes et les formes de surface, respectivement. Le gabarit du para-digme et les changements phonologiques opérés sont étudiés en 2.4.4.

Plusieurs caractéristiques distinguent le paradigme de l’applicatif ú- desautres : tout d’abord, Koontz a inséré ici une colonne P3pl’. Koontz (2001,10) note à ce propos :

31

Tab. 2.14 : Paradigme régulier avec applicatif u : formes sous-jacentesP1sg P1pl P2 P3sg P3pl P3pl’

A1sg u-wi- u-a- wa-u-a- wa-u-a-wa-A1pl ąg-u-ði- ąg-u- wa-ąg-u- wa-ąg-u-wa-A2 u-ą-ða- u-wa-ða- u-ðá- wa-u-ða- wa-u-wa-ða-A3 u-ą- u-a-wa- u-ðí- u- wa-u- wa-u-wa-Statif u-ą- u-wa- u-ðí- u- wa-u- wa-u-wa-

Tab. 2.15 : Paradigme régulier avec applicatif u (Koontz 2001)P1sg P1pl P2 P3sg P3pl P3pl’

A1sg uwí- uwá- uwá- uwáwa-A1pl ągúði- ągú- ągu- ąguwa-A2 ąwąða- uwáða- uðá- úða- úwaða-A3 ąwą- uwáwa- uðí- u- ´ ú- úwa-Statif ąwą- uwá- uðí- u- ´ ú- úwa-

(...)When a P3pl is high on the animacy scale [anyway, not with“to hit”] an additional wa is added to the prononminal string afterthe oblique, taking the position with respect to the pronominal thatwa would take in a regular verb (...).(...) Quand un P3pl est haut dans l’échelle d’animacité [en toutcas, pas avec “frapper”], un wa additionnel est ajouté au groupedes pronominaux après l’oblique, prenant la position ... que waprendrait dans un verbe régulier (...).

Il semblerait d’après ses notes que l’échelle d’animacité ne concerne pasréellement le patient, mais le verbe : le patient de “to tell” (qui sera citéplus loin avec les formes P3pl’) ne peut être qu’humain ; il reçoit la marqueP3pl’. Le patient du verbe “to hit” n’est pas nécessairement humain, et nereçoit pas la marque P3pl’, même quand il est humain (ce qui est le casdans les exemples cités par Koontz).

De plus, Koontz propose deux formes dans sa case A3/P1pl, une pourles verbes transitifs et l’autre pour les verbes intransitifs statifs. Pour plusde clarté, on a ajouté aux tableau une ligne à part pour les verbes statifs.Dans la forme A3/P1pl (ie pour les verbes transitifs seulement), la marquede P1pl n’est pas wa mais awa. Ainsi le a- représentant une partie de P1plest présente dans le paradigme de l’applicatif u-, mais avec la personne A3seulement (et pour les verbes transitifs seulement).

32

Exemples

Voici des exemples avec les verbes suivants : u-ðibðą “sentir [une odeur]” ;u-stA “rester” (verbe intransitif statif) ; u-khie “parler à quelqu’un” ; unA“chercher” (cité par Koonntz) ; u-ða “parler de qn/qch” (ða “parler”) ; u-ąsi“sauter ; sauter dans” ; u-gði “s’assoir dans” (gði “s’assoir”) ; u-zi “mettredans” (zi “mettre”) ; u-nazi “être debout quelque part” (nazi “être debout”) ;u-tą “mettre [un vêtement]”.

Formes de P1sg(39) sąge

chevalamáanim.prox.pl

ázidifférent

ąwąðibðą-isentir :P1sg-pl

égą,conj

í-ąha-íappl.í-fuir-pljod : As the horses perceived that I had a different odor, they fled.Comme les chevaux sentaient que j’avais une odeur différente, ils ontfui. (Dorsey, 1890, 442.10)

(40) sethąjusqu’à_présent

ąwąsterester :P1sg

a-gðį,A1sg-s’assoir

ą-gíni-máziP1sg-guérir-1.neg

jod : I still have sickness left ; I have not recoveredJe suis encore malade, je n’ai pas récupéré (Dorsey, 1890, 512.7)

(41) hútągaWinnebago

iðádiða-iagent-prox

nįkhé,2.aux

nįkasįgapersonne

ðiðíta2.poss

wį1ąwąkhieparler :P1sg

su-gðé.transloc-aller_vers_chez_soijod : You who are the Winnebago agent, one of your Indians hasgone back to you after talking with me.Toi qui est agent des Winnebago, l’un de tes Indiens est revenu tevoir après avoir parlé avec moi. (Dorsey, 1890, 647.1)

Formes de P1pl(42) wakąda

dieuðįkhé3.def

hídadevers_le_bas

thívenir_ici

égą,conj

ú<awa-ðá>khia-í<P1pl-A2>parler-pl

jod : When you spoke to us, it was just as if God had come downfrom above.Quand tu nous a parlé, c’était comme si Dieu était descendu surterre. (Dorsey, 1890, 727.2)

L’exemple ci-dessus remet en cause l’affirmation selon laquelle le a- commepartie de P1pl ne serait présente qu’à la forme A3/P1pl : ici elle est pré-sente à la forme A2/P1pl.

Formes de P2

33

(43) ðí-hną2-seulement

u<ðí>na-bi<P2>chercher=pl

jod : You alone were sought after.Toi seul étais recherché. (Dorsey, 1890, 36.12, cité par Koontz (2001))

(44) pąkaPoncas

amáanim.prox.pl

a-gðí-iobl-revenir-pl

getheu<ðí>ða-hną-i<P2>parler de-hab-pl

jod : The Ponkas who have come back have been telling about you.Les Poncas sont revenus et ont parlé de toi (Dorsey, 1890, 523.3)

Formes de P3sg

(45) níeau

kheinan.horiz

u<á>ąsi<A1sg>sauter

jod : I leaped into the waterJ’ai sauté dans l’eau (Dorsey, 1890, 422.6)

Dans l’exemple ci-dessus, on remarque que l’épenthèse de w n’est pas réali-sée.

(46) zįgá-xcipetit-intens

mąaux ?

snádebare of vegetation

ą-gðį-i,A1pl-s’assoir-pl

xádeherbe

bútarond

unásteleft after a fire

ąg-ú-gðį-iA1pl-appl-s’assoir-pl

jod : We sat on a very small piece of the ground that was bare ofvegetation ; that is, we sat on a round tract of grass which had notbeen burnt by the prairie fire.Nous nous sommes assis sur une toute petite surface du sol sansvégétation ; c’est à dire qu’on s’est assis sur une place ronde avecl’herbe qui n’avait pas été brûlée par le feu de prairie. (Dorsey, 1890,456.6)

(47) maząterre

kheinan.horiz

ði-ðítazi,2P-avoir.neg

itígąðaiprésident

ðįwį-azi,acheter-neg

u<ðá>ąsi<A2>sauter

hadecl

jod : The land is not yours. The President did not buy it. You havejumped on it.La terre n’est pas à toi. Le président ne l’a pas achetée. Tu as sautédessus (Dorsey, 1890, 435.13)

(48) mascįgeRabbit

uąsisauter

áiá-ða-bi-ama?-aller-prox-evid

jod : The Rabbit had gone with a leap.Le Rabbit est parti d’un bond (Dorsey, 1890, 36.8)

34

(49) tąðį-xticourir-intens

a-gðá-biloc-rentrer-prox

egąconj

uąsi-xtisauter-intens

a-gða-bi-amáloc-rentrer-prox-evidjod : He ran very fast as he went, and leaped very far.Il courut très vite, et sauta très loin. (Dorsey, 1890)

(50) hąbðįgeharicot

ithégiðemettre_ensemble

uzí-bi-amámettre_dans-prox-evid

úzihasac

kheinan.horizjod : Collecting the beans he put them in the sack.Il rassembla les haricots et les mis dans le sac (Dorsey, 1890, 58.4)

(51) tizébeporte

etá3.poss

ðetheu-názįappl :u-être_debout

égąconj

sąsą-bi,toujours- ?

wéahideloin

a-ðá-bazí-bi-amáobl-allerneg-prox-evidjod : As he stood in his door, he did not go to a distance.Comme il était debout à sa porte, il n’est pas allé loin. (Dorsey, 1890,148.5)

Formes de P3pl(52) zįðe-há,

grand_frère-vochįbemocassin

ú<a><gi>tą<A1sg><refl>mettre :P3pl

á-bi-amádire :3-prox-evid

mascįgeRabbit

akháanim.prox.imm

jod : “O elder brother !” said the Rabbit, “I am putting on mymoccasins”.Grand-frère, je suis en train de mettre des mocassins, dit le Rabbit.(Dorsey, 1890, 44.2)

(53) wanáxðį-ga,hasten-imp.masc

edádąwhat

hįbémocassin

ú<ða>tą-zi<A2>mettre :P3pl-neg

snįkhé2sg.auxjod : Hasten, you who have not put on any moccasins.Dépêche-toi, toi qui n’as mis aucun mocassin. (Dorsey, 1890, 45.6)

Formes de P3pl’(54) umąhą

Omahaú<wa-ða>khié<P3pl’-A2>-parler :P3pl

amaðąrelat.pst

jod : The Omahas to whom you spoke.Les Omahas avec qui tu as parlé. (Dorsey, 1890, 738.1)

35

Tab. 2.16 : Gabarit en u du paradigme régulierPar. -6 -5 -4 -3 -2 -1 rad.reg a/ą, ąg wa ða/ði rad.

[1sg], [A1pl] [P1pl, P3pl] [2]u wa ąg u a/ą, a wa ða/ði rad.

[P3pl] [A1pl] [appl] [1sg], [partie de P1pl] [P1pl et P3pl’] [2]

(55) níasįgapersonne

ú<wa>khie-ma<P3pl’>parler :P3pl-anim.obv.pl

édithere

a-khí-bi-amáobl-arriver_chez-prox-evidjod : He came again to those with whom he had talked.Il est revenu vers ceux avec qui il avait parlé. (Dorsey, 1890, 199.5)

Sémantique

Parmi les sens possibles attribués à u-, il y a le locatif “dans”. Ce sens estclairement présent dans les verbes suivants : u-zi “mettre dans” ; u-nazi “êtredebout quelque part” (dans l’exemple 51, la traduction mot-à-mot du verbepar Dorsey est “he stood in”) ; u-ąsi “sauter dans” ; u-gði “s’assoir dans”. Àpropos de ce dernier, l’exemple 46 présente deux fois le verbe gði. La pre-mière forme est sans applicatif, et est traduite dans la traduction mot-à-mot“we sat”. La deuxième forme est celle avec l’applicatif, traduite “we sat in”.Enfin, on peut aussi attribuer un sens locatif au verbe intransitif statif u-stA“rester”.

L’exemple de u-ąsi est très intéressant. Si certaines fois il signifie “sauterdans”, à d’autres passages du corpus il est simplement traduit “sauter” ou“sauter loin”, sans que le texte ne précise où l’on saute. Cela tend à montrerque l’applicatif u- est moins marqué que le á-, puisque c’est avec lui qu’estformé le verbe de base “sauter”.

En ce qui concerne les autres verbes cités avec l’applicatif u- (u-ðibðą“sentir [une odeur]” ; u-khie “parler à quelqu’un” ; unA “chercher” et u-ða“parler de qn/qch”), il est difficile de leur trouver un point commun dans lasémantique.

Morphophonologie

Le tableau 2.16 montre le gabarit du paradigme régulier avec applicatifu-, comparé au paradigme régulier sans applicatif. Pour la première fois, les

36

wa marquant P3pl et P1pl sont distincts : ils prennent les places différentesdans le gabarit et ne sont pas affectés par les mêmes changements phonolo-giques.

Voici les changements morphophonologiques qui s’opèrent, décrits parKoontz (2001) :

• Règle nº2d : *wau- → ú-• Exeption à la règle nº2d : la forme A1sg/P3pl a perdu son wa-, mais

l’accent n’est pas sur la première syllabe comme pour les autres formes.On a donc *wau- → u-

• Règle nº2e : *waąg- → wąg-• Règle nº8 : *ua- → uwa- ; *uą → *uwą• Règle nº12 : *uwą- → ąwą-Koontz (2001) explique que la forme A1sg/P3pl est exceptionnelle dans

le sens qu’elle n’a pas son accent sur la première syllabe, comme les autresformes P3pl ayant perdu leur wa-. Mais il y a au moins une forme dansle corpus de Dorsey où on trouve un verbe régulier avec applicatif u- à laforme A1sg/P3pl, où l’accent tombe sur la première syllabe. Il s’agit del’exemple 51.

Formes ambiguës : Voici les formes ambiguës que l’on trouve dans leparadigme en u-, selon le tableau d’indexation de Koontz (elle peuvent êtrechangées quand ces formes ne sont pas respectées, comme on l’a vu parfoisdans les exemples) :

• Les formes A1sg/P3sg, A1sg/P3pl, et P1pl des verbes statifs. Lesdeux premières de ces formes sont ambiguës à cause de l’exception queconstitue la forme A1sg/P3pl selon Koontz. Toutes les autres formesde P3sg et P3pl se distinguent seulement par la place de l’accent. Deplus, l’épenthèse du w entre l’applicatif et la marque de A1sg crée uneambiguïté avec la forme P1pl des verbes intransitifs.

• Les formes A3/P1pl et A1sg/P3pl’. Cette ambiguïté est créée parla combinaison de plusieurs caractéristiques propres au paradigme enu- : l’insertion du a- comme marque de P1pl, identique au a- de A1sg ;l’exception de la forme A1sg/P3pl pour laquelle l’accentuation tombesur la deuxième syllabe plutôt que la première ; et l’insertion du wa-qui marque P3pl’, identique au wa- de P1pl.

37

Tab. 2.17 : Paradigme régulier avec applicatif iða : formes sous-jacentesP1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg í-á-wi- í-á-a- wa-í-á-aA1pl í-ąg-á-ði- í-ąg-á- wa-í-ąg-a-A2 í-ą-á-ða- wa-í-á-ða- í-á-ða- wa-í-á-ða-A3 í-ą-á- wa-í-á- í-á-ði- í-á- wa-í-á-

Tab. 2.18 : Paradigme régulier avec applicatif iða (Koontz 2001)P1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg itháwi- itháa- weá-A1pl ąthągaði- ąthąga- weąga-A2 ąthąaða- weáða- iðáða- wéða-A3 ąthąa- wéa- ítháði- ithá- wé(a)-

2.4.5 Applicatif iðaLes tableaux 2.17 et 2.18 reprennent l’indexation des verbes réguliers

avec l’applicatif iða, respectivement avec les morphèmes sous-jacents et avecles formes de surfaces (ce dernier repris de Koontz (2001)4). Comme nousl’avons indiqué dans la partie 2.1, l’applicatif iða- est en fait un applicatifí- ajouté à un paradigme avec applicatif á-, avec entre les deux un -ð- épen-thétique (Koontz (2001, 14) : iða-oblique stems are í-obliques of á-obliquestems). On voit qu’en fait les deux applicatifs ne se suivent pas toujours,puisque les formes ąg- et ą- peuvent être insérées entre les deux. L’appella-tion “applicatif iða-” se base sur la forme nue de la personne A3/P3sg. Legabarit de ce paradigme, les changements phonologiques sur les préfixes etles formes ambiguës sont étudiés en 2.4.5.

Exemples

Les verbes qui prennent l’applicatif iða- ne semble pas être très courants.Koontz (2001, 15) en cite deux : iða-pA “attendre” [qn/qch], et iða-gaxade“couvrir [qn/qch] avec [qch]”. En voici quelques exemples :

Forme de P1pl

(56) ðéthis

weá<ða>pe<A2>attendre :P1pl

sącependant

ąbajour

kiquand

hnéaller :A2

theirr

jod : You have waited this long for us, yet when it is day, you cango.

4Cependant certaines formes du tableau de Koontz ne possédaient pas d’accent (lesrègles d’accentuation de ce paradigme sont difficiles à cerner, cf 2.4.5). Ils sont ici restituéssur la base des exemples fournis par Koontz dans son article

38

Tu nous as attendu tout ce temps, mais quand il fera jour, tu pourraspartir. (Dorsey, 1890, 319.20, verbe repris de Koontz, 2001)

Forme de P2

(57) tąwągðątribu

wa-ðatha-bázi.P3pl-manger-neg

iðá<ði>pe<P2>attendre

gðį s’assoir

égąconj

wa-ðátha-baziP3pl-manger-negjod : The nation did not eat. As they sat waiting for you to appear,they did not eat.La tribu n’a pas mangé. Comme ils attendaient, assis, que tu arrives,ils n’ont pas mangé. (Dorsey, 1890, 349.20, verbe repris de Koontz,2001)

Formes de P3sg

(58) a-xágeA1sg-pleurer

iðá<a>pé<A1sg>attendre

mįkhe1.aux

jod : I have been sitting weeding while awaiting his return.J’ai pleuré assise ici en attendant son retour. (Dorsey, 1890, 593.5,verbe repris de Koontz, 2001)

(59) dúdadion this side

ąðągapeattendre :A1pl

ą-gðį A1pl-s’assoir

ki,quand

gðí-azirevenir-neg

egą,conj

ąg-á-gi,A1pl-obl-arriver_chez_soi

á-bi-amádire :3-prox-evid

jod : when we sat down on this side of the place, waiting for himto appear, he did not come back, so we came back,“ said they.Quand nous nous sommes assis de ce côté, en attendant qu’il arrive,il n’est pas revenu, alors nous somme rentrés, dirent-ils. (Dorsey,1890, 365.1, verbe repris de Koontz, 2001)

(60) wahíos

geinan.epar

waiį robe

iðágaxadecouvrir_avec

ihé<ą>ðá-a,<A1sg>-mettre-imp.fem

á-bi-amádire :3-prox-evidjod : Lay down my bones, and cover them with a robe.Allonge-moi, et recouvre les os d’une robe. (Dorsey, 1890, 278.16)

Formes de P3pl

(61) ItígąðaiGrand-père

ðe-máaller-anim.obv.pl

weągapa-iattendre :A1pl/P3pl

jod : We waited for the return of those who went to the President.Nous avons attendu le retour de ce qui étaient allés voir le président.(Dorsey, 1890, 453.20, verbe repris de Koontz, 2001)

39

Tab. 2.19 : Gabarit du paradigme régulier avec applicatif iða-Par. -6 -5 -4 -3 -2 -1 rad.á wa ąg á a/ą ða/ði rad.

[P1pl, P3pl] [A1pl] [appl] [1sg] [2]iða wa í ąg, ą á a ða/ði rad.

[P1pl, P3pl] [appl] [A1pl], [P1sg] [appl] [A1sg] [2]

(62) é3waʔufemme

ðąkhápl.obv

ú<wa>khie<P3pl>parler

gąða-ivouloir.pl

the,the

é3wéapa-iattendre :P3pl-pl

thethejod : [he] wished to court the sisters, and he was waiting on theiraccount.Il voulait courtiser les sœurs, et il les attendait. (Dorsey, 1890, 624.4,verbe repris de Koontz, 2001)

Sémantique

Le verbe iðá-gaxade “couvrir qn avec qch” montre très clairement en quoiiða- est l’ajout d’un applicatif í- à un paradigme ayant déjà un applicatif á-.Le verbe ne change pas de sens par rapport à á-gaxade “couvrir”, mais onlui ajoute un argument, un instrument.

Le verbe iða-pA “attendre”, au contraire, est problématique. Koontz(2001) cite ce verbe et explique qu’il est dérivé de á-pA“demander à qnde l’acccompagner”. Or, dans ce cas, l’addition de l’applicatif í- n’ajoute pasun argument mais en enlève un. On voit dans l’exemple 29 qu’il y a uncomplément de lieu : accompagner sous l’eau.

Morphophonologie

Le tableau 2.19 indique le gabarit des verbes avec applicatif iða-, consti-tué à partir du tableau d’indexation de Koontz. Le paradigme en iða- étantconstitué à partir du paradigme en á-, c’est ce dernier qui a été retenu dansle tableau à titre de comparaison.

Tout d’abord, on observe que l’applicatif í- s’insère entre les marqueswa- et ąg- du paradigme en á-. Le wa- se décale donc d’une colonne versla gauche dans le tableau des gabarits, et le ąg- se retrouve entre les deuxapplicatifs. On remarque que ces deux formes wa- et ąg- sont amalgamées

40

dans le paradigme en á-, quand elles apparaissent ensemble (il s’agit de larègle nº2c, cf 2.4.3). Cela tend à montrer que le paradigme en iða- n’est pasle simple ajout de l’applicatif í- à un paradigme en á- déjà constitué, mal-gré le lien sémantique et la ressemblance des gabarits. Ou bien cela montreque la marque wa- pour P1pl et P3pl est un ajout plus tardif au paradigme.

Une autre différence entre le gabarit de l’applicatif iða- et celui de l’ap-plicatif á- est la place de la marque ą- pour P1sg. Il semble qu’elle soitplacée également entre les deux applicatifs, avec ąg- [A1pl], ce qui est laseule manière d’expliquer les formes de surface de la colonne P1sg, où unevoyelle a non nasalisée suit une voyelle ą nasale. Le paradigme en iða- est leseul où les marques de A1sg et P1sg sont séparées.

À partir de ce gabarit, voici les changements morphophonologiques quis’opèrent. Ils ont été en partie décrits par Koontz (2001, 14), mais il ne faitpas référence à la règle nº3b. Sa description des phénomènes de déplacementsd’accent n’est pas complète non plus. Voici une tentative de description desdivers changements :

• Règle nº2a : *waí- → wé-• Règle nº3b pour les formes suivantes seulement : *wéáa-→ *wéa ; *wéáða-

→ wéða ; parfois *wéá → wé-• Règle nº6 : pour toutes les formes sauf : wéa (A3/P1pl et wé(a) (A3/

P3pl).

• Règle nº7 : *íá- → iðá- ; *ią- → *iðą- ;• Règle nº11 : *iðą- → ąðą-Comme on peut le remarquer, les règles d’accentuation dans ce para-

digme sont complexes, et semblent difficiles à retracer. Par exemple, com-ment savoir, dans la forme ąðąga- (A1pl/P3sg), quel est l’applicatif qui aperdu son accent et quel est celui dont l’accent s’est déplacé ? Koontz (2001)appelle l’applicatif en á- le “á-oblique”, et l’applicatif en í- le “i-oblique”, sansaccent. Mais il indique ensuite que “in i-oblique forms accent normally fallson i - Dans les formes avec oblique en i-, l’accent tombe normalement surle i.” Il est donc possible que finalement l’applicatif i- ne porte pas d’accentdans sa forme sous-jacente. À cause de ces difficultés, la règle nº6 ne décritpas un processus de transformation, mais un résultat : “l’accent tombe surla deuxième syllabe du mot”.

Les formes ambiguës. Dans ce paradigme, la règle nº3b (l’applicatif á-disparait dans certaines formes de P3pl) différencie les formes P1pl et P3pl

41

Tab. 2.20 : Paradigme régulier avec applicatif uðu : formes sous-jacentesP1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg u-u-wi- u-u-a- wa-u-u-a-A1pl u-ąg-u-ði- u-ąg-u- wa-u-ąg-u-A2 u-u-ą-ða- wa-u-u-a-ða- u-u-ða- wa-u-u-ða-A3 u-u-ą- wa-u-u-a- u-u-ði- u-u- wa-u-u-

Tab. 2.21 : Paradigme régulier avec l’applicatif uðú (Koontz 2001)P1sg P1pl P2 P3sg P3pl

A1sg uthúwi- uthúwa- wiúwa-A1pl ąthąguði- ąthągu- wiągu-A2 ąthąwąða- wiúwaða- uðúða- wiúða-A3 ąthąwą- wiúwa- uthúði- uthú- wiú-

habituellement ambiguës. Cette règle n’est pas appliquée systématiquementpour les personnes A3sg/P3pl. Quand elle ne s’applique pas et que A3sg/P3pl s’exprime par wéa-, l’ambiguïté subsiste avec la forme A3sg/P1pl.C’est la seule possible à l’intérieur du paradigme.

Cependant, il y a plusieurs ambiguïtés entre le paradigme en iða- et ce-lui en í- : les deux premières sont provoquées par la même règle nº3b : ladisparition de l’applicatif a- du paradigme en iða- pour certaines formes deP3pl a pour conséquence que ces formes deviennent les mêmes que cellesdu paradigme avec l’applicatif í- seul. Ce sont weá- pour A1sg/P3pl, weðapour A2/P3pl et parfois wé- pour A3/P3pl.De plus, le paradigme avec applicatif í- a parmi ses formes celle appelée“partie de P1pl” ; il s’agit d’un a-. Le a- “partie de P1pl” du paradigme ení- et le a- A1sg du paradigme en iða- prennent la même place dans le gaba-rit : -2, juste avant les marques de A2 et P2 (cf tableau 2.23). Ainsi, parmiles formes de P1pl, il y a la forme weáða (A2/P1pl) qui est commune auxdeux paradigmes.

2.4.6 Applicatif uðúL’indexation des verbes avec applicatif uðu- est reprise dans les tableaux

2.20 (les morphèmes sous-jacentes) et 2.21 (formes de surfaces, repris deKoontz (2001, 15)). Comme dit précédemment, l’applicatif uðu- est en faitla combinaison de deux applicatifs u-, séparés par une épenthèse. On voitque la colonne P3pl’ qui est présente dans le paradigme des verbes avecapplicatif u- n’existe pas dans le paradigme en uðu- (ou en tout cas n’a pasété répertoriée par Koontz). Koontz n’indique pas non plus de forme propre

42

aux verbes statifs. On voit dans les formes sous-jacentes que le a- de “partieP1pl” apparaît à toutes les formes de P1pl, comme pour le paradigme avecapplicatif í-. Le gabarit de ce paradigme, les changements phonologiques surles préfixes et les formes ambiguës sont étudiés en 2.4.6.

Exemples

Voici des exemples de verbes avec l’applicatif uðu- : uðu-hA “suivre” (ci-té par Koontz) ; uðu-khiA “parler de qch à qn” (cité par Koontz) ; uðú-nazį “dépendre de” (cité par Koontz) ; uðu-khí “déraper”.

Formes de P1sg

(63) a-gðéA1sg-rentrer

táirr

mįkhe1.aux

ðązamalgré

sigðéchemin

kheinan.horiz

ąðąw<ą><ða>hé<P1sg><A2>suivre

mąhnį marcher :A2

theirr

he,decl

á-bi-amádire :3-prox-evid

jod : Though I go home, please continue to follow me [said she].Malgré que je rentre chez moi, continue de me suivre, dit-elle. (Dor-sey, 1890, 142.2, cité dans Koontz, 2001)

(64) sągecheval

įwįxpaðéperdre :B1sg/P3pl

dewhen

nąbádeux

wébahą,connaître :P3pl

ubésbįtrouver

éethat is it

ha,decl

ąðąwąkhiéparler_de :P1sg

hadecl

jod : He is one who knew two of my horses which I have lost, andas he found out about them ; he spoke to me on the subject.Il est l’un de ceux qui connaissait deux des chevaux que j’ai perdus,et il les a trouvés. Il m’en a parlé. (Dorsey, 1890, 647.2)

Formes de P2

(65) sącoord

uwíkhieparler_à :A1sg/P2

kheinan.horiz

íemots

kheinan.horiz

áhigí-xtibeaucoup-intens

ðéamádem

uðú<wi>khié<A1sg/P2>parler_de

su-ðé<a>ðetransloc-<A1sg>envoyerjod : And as I talk to you, I send you a great many words when Italk with you about these.Comme je te parle, je t’envoie beaucoup de nouvelles quand je teparle de ça. (Dorsey, 1890, 483.10, cité dans Koontz, 2001)

(66) maząterre

ukhifoyer

ðiðíta2.poss

ðądiin the

ða-khíA2-arriver_chez_soi

éskąpeut-être

eðégąpenser

43

égą,conj

uðú<ði>khié<P2>parler_de

gąða-ivouloir-pl

jod : [since you have not returned] they think that you may havegone on to the land where your home is, and so they wish to speakto you about somethingIls [les Omahas] pensent que tu es peut-être retourné dans les terresoù tu as ton foyer, et donc ils veulent de parler de quelque chose.(Dorsey, 1890, 738.3)

Formes de P3sg(67) séðį

thatiðádiða-íargent-prox

bðúgatout

uðú<a>khié<A1sg>parler_de

jod : We have already spoken to the agent who has gone to you,telling him of all this.Nous avons déjà parlé de tout ça à l’agent qui est venu vous voir.(Dorsey, 1890, 717.5)

Ici, bien que la traduction libre de Dorsey utilise la première personne dupluriel, le verbe est bien conjugué avec la première personne du singulier,comme le montre aussi la traduction mot-à-mot de Dorsey.(68) wįáxchi

1.intensígadize-hnąaller_en_rond-hab

gðį-bi-amá,s’assoir-prox-evid

sągecheval

uðúnazį-bidépendre_de

egąconj

jod : One of these sat riding round and round, as he depended onhis horse.L’un deux faisait des cercles, car il était dépendant de son cheval.(Dorsey, 1890, 411.3)

Formes de P3pl(69) sigðé

cheminkheinan.horiz

wiąguha-i,suivre :A1pl/P3pl-pl

ąwą-ðixa-iA1pl/P3pl-poursuivre-pljod : We followed their trail ; we pursued them.Nous avons suivi leur piste, nous les avons pourchassés. (Dorsey,1890, 419.14, cité dans Koontz, 2001)

(70) nįkagáhichef

amáanim.prox.pl

wíu<ða>khié<A2>parler_de :P3pl

údą-hną-ibon-hab-pl ?

jod : It is always good for you to consult the chiefs and the youngmen about your affairs.Il est toujours bon pour toi de consulter les chefs et les jeunes àpropos de tes affaires. (Dorsey, 1890, 484.3)

44

(71) mascįgeRabbit

nįkasįgahumain

wíu-khí-bidéraper_avec :P3pl-prox

egąconj

bðúga-xtitout-intens

tʔé<wa>ðe<P3pl>tuer

gąðá-bi-amávouloir-prox-evid

jod : the Rabbit, siding with mankind, wished to kill all of them.Et le Rabbit, emporté par les faiblesses de l’espèce humaine, voulaittous les tuer. (Dorsey, 1890, 17.18)

Sémantique

Les exemples de verbes avec applicatifs uðu- présents ici ne permettentde conclure aucune règle sur la sémantique de l’applicatif uðu. Nous avonsuðu-hA “suivre” qui renvoie à la spatialité comme l’applicatif u-, mais il estdifficile de comprendre pourquoi il y a un double applicatif ici. Le verbe uðu-khiA “parler de qch à qn” est intéressant car il existe aussi u-khiA “parlerà quelqu’un” dans le paradigme en u- et un argument est ajouté, ici un objet.

Les deux derniers exemples, uðú-nazį “dépendre de” et uðu-khí “déraper”,sont difficiles à décomposer. Le verbe uðú-nazį existe sans applicatif, et si-gnifie “être debout”. Le verbe uðu-khí n’apparaît qu’une seule fois dans lecorpus, et est traduit “sided with them”. Peut-être que la traduction du verbeest “déraper avec”, et non “déraper” seul. Dans tous les cas, il est difficilede distinguer ce qu’apportent les deux applicatifs u-.

Morphophonologie

Le tableau 2.4.6 montre le gabarit des verbes avec applicatif uðu-, com-paré à celui des verbes avec applicatif u-. On voit tout d’abord que la formewa- qui était placée en -2 dans le gabarit en u- disparait : le wa- de P1plrejoint la même place que celui de P3pl, comme dans tous les autres gaba-rits des verbes réguliers. Le wa- qui marquait P3pl’ n’existe plus dans ceparadigme. Le deuxième applicatif u- s’insère entre les formes wa- (P1pl,P3pl) et ąg- (A1pl).

Pour ce paradigme, Koontz (2001) n’a pas expliqué les processus mor-phophonologiques opérés. On remarque tout d’abord que dans ce paradigmeaucun morphème n’est porteur d’accent, et par conséquent la totalité desformes de surface porte l’accent sur la deuxième syllabe du verbe, commepour le paradigme régulier sans applicatif (cf 2.6). Par conséquent, il n’estpas tenu compte de l’accentuation dans la description des changements mor-phophonologiques.

En se basant sur les types de changements qui s’opèrent dans les autresparadigmes réguliers, et en particulier le paradigme avec applicatif u-, onpeut supposer que les changements morphophonologiques suivants sont à

45

Tab

.2.2

2:L

ega

barit

des

verb

esenuðu

Para

digm

e-6

-5-4

-3-2

-1ra

dica

lu

waąg

ua/ą,a

waða/ði

rad.

[P3p

l][A

1pl]

[app

l][1

sg],

[par

tiede

P1p

l][P

1pl

etP

3pl’

][2

]uðu

wau

ągu

a/ą,a

ða/ði

radi

cal

[P1p

l,P

3pl]

[app

l][A

1pl]

[app

l][1

sg],

[par

tiede

P1p

l][2

]

46

l’œuvre (on appelle appl1 celui situé dans la colonne -5 du gabarit, et appl2celui situé dans la colonne -3) :

• Règle nº2f : *wau- → wi-• Règle nº8 : *ua- → uwa- ; *uą- → *uwą-• Règle nº9 : *uu- → uðu- ; *uąg- → *uðąg-• Règle nº12 : *uwą- → ąwą-• Règle nº13 : *uðą- → ąðą-

Formes ambiguës : Il n’y a que deux formes ambiguës entre elles dansle paradigme en uðu- : ce sont les formes A3/P1pl et A1sg/P3pl : wiúwa-.L’ambiguïté est créée pour les mêmes raisons que dans les paradigmes en u-et iða- : c’est le a- marquant [partie de P1pl] qui se confond avec le á- deA1sg.

2.4.7 Récapitulatif des gabaritsLe tableau 2.23 reprend l’ensemble des gabarits du verbe régulier sans

applicatif et avec chacun des applicatifs.

47

Tab

.2.2

3:L

esga

barit

sav

ecle

sap

plic

atifs

Par.

-6-5

-4-3

-2-1

rad.

reg

a/ą,ąg

waða/ði

rad.

[1sg

],[A

1pl]

[P1p

l,P

3pl]

[2]

íwa

ía/ą,ąg

,aða/ði

rad.

[P1p

l,P

3pl]

[app

l][1

sg],

[A1p

l],[

part

iede

P1p

l][2

waąg

áa/ą

ða/ði

rad.

[P1p

l,P

3pl]

[A1p

l][a

ppl]

[1sg

][2

]u

waąg

ua/ą,a

waða/ði

rad.

[P3p

l][A

1pl]

[app

l][1

sg],

[par

tiede

P1p

l][P

1pl

etP

3pl’

][2

]iða

waí

ąg,ą

áa

ða/ði

rad.

[P1p

l,P

3pl]

[app

l][A

1pl]

,[P

1sg]

[app

l][A

1sg]

[2]

uðu

wau

ągu

a/ą,a

ða/ði

rad.

[P1p

l,P

3pl]

[app

l][A

1pl]

[app

l][1

sg],

[par

tiede

P1p

l][2

]

48

ConclusionCette étude succincte des applicatifs omahas permet d’en comprendre

certains aspects sémantiques et morphophonologiques, mais révèle aussi plu-sieurs phénomènes difficiles à interpréter.

On a pu montrer, exemples à l’appui, certains aspects sémantiques desapplicatifs. Les sens trouvés sont très proches de ceux des applicatifs enlakhota. Ainsi, i- peut avoir dans les deux langues le sens de “à cause de”et “avec [un instrument]”. Le a- peut avoir dans les deux langues le sensde “sur” et “par-dessus”. Les u- en omaha et o- en lakhota ont comme sensprincipal “dans”, “à l’intérieur”. Il reste tout de même les deux applicatifscomposés en omaha qui n’ont pas leur équivalent en lakhota, et l’applicatifkhi- en lakhota qui n’a pas d’équivalent en omaha. De plus, en omaha commeen lakhota (d’après Taylor & Rood, 1996), il reste beaucoup de verbes pourlesquels le rôle sémantique de l’applicatif est difficile à déterminer.

On a aussi répertorié et résumé tous les changements morphophono-logiques qui s’opèrent dans les différents paradigmes réguliers. La plupartd’entre eux sont communs à au moins deux paradigmes, cela permet doncde simplifier les descriptions morphophonologiques.

Cependant plusieurs points problématiques ont été rencontrés lors del’étude, surtout au niveau de la morphophonologie. Tout d’abord, l’étudedu tableau des transformations (tableau 2.2, p12) met en évidence que ceschangements ne sont pas uniquement conditionnés par l’environnement pho-nétique. Cela est évident lorsqu’on compare les règles nº2d et 2f, ou encoreles règles nº8 et 9. On peut ajouter à cela que toutes ces règles, baséessur les travaux de Koontz (2001), ne semblent pas être totalement fixées :on rencontre de nombreux exemples dans le corpus. La plupart concernentl’accentuation, d’autres les épenthèses (pas toujours réalisées, cf ex.45) oula présence du a- marquant une “partie de P1pl (cf. ex. 42)”.

On voit aussi qu’il est difficile de proposer un gabarit pour les para-digmes réguliers : les 6 paradigmes réguliers (1 sans applicatif et 5 avec)correspondent à 6 gabarits différents, comme on le voit dans le tableau ré-capitualtif 2.23, p47.

Enfin, quelques marques de personnes restent inexpliquées, comme le a-pour P1pl qui apparaît dans certains paradigmes seulement, pas toujoursavec tous les agents, et la personne P3pl’ du paradigme en u-, dont la sé-mantique n’est pas claire.

C’est le paradigme avec applicatif u- qui est le plus problématique, deloin : il est le seul à avoir une colonne P3pl’. Il est le seul dans lequel lesverbes intransitifs statifs ont une indexation différente des verbes transitifs,pour la personne P1pl. Il est le seul dans lequel les formes wa- de P1pl

49

et P3pl ont des places différentes dans le gabarit, et subissent du mêmecoup des transformations morphophonologiques différentes. Il est l’un deceux qui ont une marque a- en plus à la personne P1pl. Enfin, il est le seulpour lequel l’accentuation permet de distinguer deux personnes différentes(les colonnes P3sg et P3pl, qui ont les mêmes formes mis-à-part que dansla deuxième l’accent tombe sur la première syllabe du mot), mais on trouvetout de même de nombreuses exceptions d’accentuation dans le corpus.

Plusieurs pistes de recherche se dégagent donc à partir des points discutésci-dessus. Par exmeple, la question de la personne P3pl’, marquée wa-, peutentrer dans l’étude de la forme wa- qui marque peut-être une sorte d’indéfini(dans les verbes mais aussi les noms). En plus de son aspect sémantique,le comportement de ce morphème sur le plan morphophonologique est par-ticulièrement intéressant, puisqu’il est souvent sujet à des transformationsmorphophonologiques, change de place dans les gabarits, et a un statut spé-cial quand il fait partie du radical (on l’a vu avec les verbes statifs en wa-,cf p15).

50

Annexes

1. Famille des langues siouanes (Campbell, 1997, 140)

51

2. Territoires où sont parlées les langues siouanes, reprise de Campbell(1997, 360).

52

3. Lettre de Hupeðą à šeki, mars 1878 - Dorsey (1890, 523).

La traduction en anglais est celle trouvée dans l’ouvrage de Dorsey. La tra-duction française est basée sur la traduction de Dorsey.

(72) ąbaðéAujourd’hui

wa<b>ðítą-xti=mą-tá<A1sg>travailler-intens=aux-irr

mįkhe.1.aux

jod : I shall work very hard today.Je vais travailler très dur aujourd’hui

(73) kietwi-síðe-gąA1sg/P2-se_souvenir- ?

wa-wí-paxuP3pl-A1sg/P2-écrire

su-ðé<a>ðe.transloc-<A1sg>envoyerjod : And as I think of you, I write about some things and send theletter to you.Comme je pense à toi, j’écris à propos de plusieurs choses et je t’en-voie la lettre.

(74) ðéamathese

UmąhąOmahas

amáanim.prox.pl

ði-síðe-hną-i.P2-se_souvenir-hab-pl

jod : These Omahas always think of you.Ces Omahas pensent toujours à toi.

(75) u<ðí>khia-i<2P>parler-pl

égipią-ito_be_pleasant-pl

jod : It is pleasant for them to talk with you.Cela leur est agréable de parler avec toi.

(76) shąMaintenant

pąkaPoncas

amáanim.prox.pl

a-gðí-iobl-revenir-pl

gethe

u<ðí>ða-hną-i<P2>parler_de-hab-pl

wi-náʔą.A1sg/P2-entendre

jod : I have heard about you, as the Ponkas who have come backhave been telling about you.J’ai entendu parler de toi, car les Poncas sont revenus et ont parléde toi.

(77) ąbaðéAujourd’hui

wi-ttąbeA1sg/P2-A1sg :voir

kąbðégą.espérer :A1sg

jod : I would like to see you today.J’aimerais te voir aujourd’hui.

(78) kkicoord

shąen_réalité

wi-síðeA1sg/P2-se_souvenir

kki,quand

wi-ttąbeA1sg/P2-A1sg :voir

kąbðégąespérer :A1sg

53

jod : When I think of you I hope to see you. Quand je pense à toi,j’ai envie de te voir.

(79) sągeCheval

wa-ðá-tą,P3pl-A2-avoir_beaucoup,

ádądonc

wi-ttąbeA1sg/P2-A1sg :voir

kąbðégą.espérer :A1sgjod : You have plenty of horses, therefore I hope to see you.Tu as beaucoup de chevaux, donc j’espère te voir.

(80) UmąhąOmahas

amáanim.prox.pl

maząterre

eta-í3pl.poss-pl

ðądef.inan

waðítą-mátravailler-anim-obv.pl

wa-stąbeP3pl-voir :2A

ðąin the past

įncąmaintenant

áthasąau-delà/plus

waðítą,travailler

jod : The Omahas are now working much more of their land thanwhen you saw them at work.Les Omahas, à présent, travaillent beaucoup plus la terre que ladernière fois que tu les as vus.

(81) gí-ðe<xti>ąrefl-<intens>être_contentjod : They are very glad.Ils sont très contents

(82) ádądonc

u<wí><b>ða<A1sg/P2><A1sg>dire

su-ðé<a>ðetransloc-<A1sg>envoyer

jod : Therefore I send to tell you.Donc je t’envoie [cette lettre] pour te le dire.

(83) Wa<kíg>ðitą<refl>travailler

wé-gąða-iP3pl.B-désirer-pl

égą,conj

waxtáhi,arbre_fruitier

séhi,pommier

kąde,prunier

nąpazįga,cerise

házi,raisin

sąen_fait

bðúgatout

wa-ʔíP3pl-donner

ʔí-ða-i.donner-caus-pljod : As the President wishes them to work for themeselves, he haspromised to give them fruit trees, apple trees, grape vines, in fact,all kinds.Comme le président souhaite qu’ils travaillent par eux-mêmes (poureux-mêmes ?), il leurs a promis de leur donner des arbres fruitiers,les pommiers, des vignes, en fait, toutes sortes de choses.

54

(84) éça.ana

sénaassez

u<wí><b>ða.<A1sg/P2><A1sg>dire

jod : That is enough for me to tell you.J’en ai dit assez.

(85) ða-náʔąA2-entendre

té-ą.irr- ?

su-ðé<a>ðe.transloc-<A1pl>envoyer

jod : I send to you that you may hear it.Te t’envoie ça pour que tu l’entendes.

(86) siencore

umąðįkasaison

ðéthis

maząterre

aðį avoir

nįkasįgapersonnes

bðúga-xtitout-intens

téska-mįgaboeuf-femelle

ékhinade_manière_égale

ú<wa>gízi<P3pl>mettre_dedans

táirr

amá.evidjod : And during this year they will make an equal distribution ofcows among the men who have farms.Et au cours de cette année ils vont faire une distribution égale devaches, parmi les hommes qui ont des fermes.

55

4. Lettre de Waxpeša à Thathąka-mani, 9 octobre 1878 - Dorsey(1890, 661)

(87) wágazú-xtistraight-vraiment

wi-náʔąA1sg/P2-entendre

ðedet/dem

ną :decœur

įudąP1.B-bon

hadeclJOD. I am glad to hear such a full account of youJe suis heureux d’entendre autant de nouvelles de toi.

(88) sįgazįgaenfant

wiwíta1.poss

ði-síðe-ną-iP2-se_souvenir-hab-prox ?

Mon enfant pense généralement à toi.

(89) Waʔúfemme

wiwíta1.poss

ði-síðe-ną-iP2-se_souvenir-hab-prox ?

jod : My child and my wife generally think of you.Ma femme pense généralement à toi.

(90) Waxįhapapier

su-ða-ítransloc-aller-prox

thédiquand

núhomme

sátącinq

wahéhazi-xticourageux-intens

tʔa-ímourir-pl

hadecl

jod. Just as this letter starts to you, five of the most stout-heartedmen among us have diedAu moment où je t’envoie cette lettre, cinq hommes parmi les pluscourageux d’entre nous sont morts.

(91) sąetedádąwhat

są-gaxa-iassez-faire-pl

bðúga-xtitout-intens

ąg-úkhetą-iA1pl-réussir-pl

jod. We have succeeded in all that we have undertakenNous avons réussi tout ce que nous avons entrepris.

(92) wamúskeblé

stiaussi

ąg-úzi-iA1pl-semer-pl

khéinan.horiz

ąg-úkhetą-iA1pl-réussir-pl

jod. We have done well, too, with the wheat which we sowedNous avons aussi eu de bons résultats avec le blé qu’on a semé.

(93) įthąMaintenant

ðéðuthąðéðefrom this time foward

éðeparents

ðiðíta-ma2.poss-anim.pl

bðúga-xtitout-intens

a-wá-siðe-ną-mą-tathé,A1sg-P3pl-se_souvenir-hab-aux-irr

ebðégą.penser :A1sg

jod. Now from this time forward I think that I shall remember all ofyour kindred from time to time.À partir de maintenant, je pense que je vais me rappeler de tous tesparents de temps en temps.

56

(94) ge-bðé-tathé, ebðégą.dir-aller :A1sg-irr penser :A1sgjod. I think that I shall go that way.Je crois que j’irai par ce chemin.

(95) wáðutádaOto

étadir :but

bðé-tathé,aller :A1sg-irr,

ebðégąpenser :A1sg

jod. I think that I shall go to the Otos.Je pense que je vais aller voir les Otos.

(96) ąbajour

waxúbemystérieux

nąbádeux

thedí-hiquand-arriver

kiaiquand

UmąhąOmahas

amáanim.prox.pl

dúbaquelques

a-ðéobl-aller

taithé,irr

ebðégąpenser :A1sg

jod. I think that in two weeks some of the Omahas shall depart.Je pense que dans deux semaine une partie des Omahas va partir.

(97) wakhégamalade

ðábðį-hatrois- ?

eá<wa>gą-i<P1pl>être_ainsi ?-pl

jod. We have three kinds of sickness among us.Nous avons trois types de maladies parmi nous.

(98) ąbajour

waxúbemystérieux

wį-áxciun-seulement

kíístequand.même

tʔé-ną-imourir-hab-pl

jod. The sick ones usually die when they have been ill not more thana week.Ceux qui sont malades meurent en général en pas plus d’une semaine.

(99) níasįgapersonne

amáanim.prox.pl

nírivière

masániatá-maon the other side of the river-anim.obv.pl

eʔą-iq :comment-pl

aq

jod. How are those people on the other side of the Missouri River ?Comment vont les gens de l’autre côté du fleuve Missouri ?

(100) a-wá-naʔąA1sg-P3pl-entendre

kąbða,vouloir :A1sg

sįdé-gðeskaSpoted-Tail

tí-i-mavillage-pl-anim.obv.pljod. I wish to hear about them, that is, the people in Spotted Tail’svillage.J’espère entendre parler d’eux, c’est-à-dire de ceux qui habitent dansle village de Spotted Tail.

57

Tab. 2.24 : Liste des abréviationsAbréviation SignificationAbréviation Signification1 première personne2 deuxième personne3 troisième personneA agentana anaphoriqueanim animéantip antipassifappl applicatifaux auxiliaireB bénéficiairebut but (là où on va)caus causatifconj conjonctioncoord coordinationdecl déclaratifdef définidem démonstratifdir directionneldist distaldupl réduplicationdisp disperséevid evidentielexcl exclamationexclu exclusiffem fémininhab habituel

5. Liste des abréviations

58

Tab. 2.25 : Liste des abbréviations - suiteAbréviation Significationhoriz horizontalimm immobileimp impératifinal inaliénableinan inaniméintens intensificateurinterj interjectionirr irréel (mode)jod James Owen Dorseylg longloc locatifmasc masculinneg negationobl obliqueobv obviatifP patientpl plurielposs possessifpot potentielprox proximatifpst passéq interrogatifrad radicalrelat préposition relativerefl réfléchisg singuliertransloc translocatifvert verticalvoc vocatif

59

Table des matières

Introduction 1

1 Ethnographie et typologie générale 21.1 Famille linguistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

1.1.1 Les langues siouanes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.1.2 Le groupe dhegiha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.1.3 La langue omaha-ponca . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1.2 Une autre langue siouane : le lakhota . . . . . . . . . . . . . . 41.3 Les tribus omaha et ponca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.4 Typologie générale du omaha . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.4.1 Phonétique et phonologie . . . . . . . . . . . . . . . . 71.4.2 Morphologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.4.3 Syntaxe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

1.5 Le système verbal du Omaha . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

2 Les paradigmes verbaux réguliers 112.1 Les transformations morphophonologiques des paradigmes ré-

guliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.2 Les verbes intransitifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Verbes intransitifs actifs . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Verbes intransitifs statifs . . . . . . . . . . . . . . . . 16Verbes statifs commençant par wa- . . . . . . . . . . . 16

2.3 Les verbes transitifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172.3.1 Gloses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182.3.2 Gabarit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192.3.3 Formes ambiguës du paradigme régulier . . . . . . . . 20

2.4 Les applicatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.4.1 Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.4.2 Applicatif i- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Sémantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24Morphophonologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

2.4.3 Applicatif á- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

60

Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27Sémantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29Morphophonologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

2.4.4 Applicatif u . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33Sémantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36Morphophonologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

2.4.5 Applicatif iða . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Sémantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40Morphophonologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

2.4.6 Applicatif uðú . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43Sémantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45Morphophonologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

2.4.7 Récapitulatif des gabarits . . . . . . . . . . . . . . . . 47

Conclusion 47

Annexes 50Famille des langues siouanes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51Territoires où sont parlées les langues siouanes . . . . . . . . 52Lettre de Hupeðą à šeki, mars 1878 . . . . . . . . . . . . . . . 53Lettre de Waxpeša à Thathąka-mani, 9 octobre 1878 . . . . . 56Liste des abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

61

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