Le réalisme esthétique à l'épreuve du sens commun

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Séminaire HEXIS Le Réalisme Esthétique à l’épreuve du sens commun Florian Cova (en collaboration avec Nicolas Pain)

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Séminaire HEXIS

Le Réalisme Esthétique à l’épreuve du sens commun

Florian Cova(en collaboration avec Nicolas Pain)

Tout simplement l’introduction de la méthode expérimentale dans la boîte à outil du philosophe.

Son utilisation s’est concentrée jusqu’ici sur la régulation de l’appel aux intuitions en philosophie.

Qu’est-ce que la philosophie expérimentale ?

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« —Tu parles bien, Céphale. Mais en ce qui concerne cette chose-là elle-même, la justice, dirons-nous qu'il s'agit simplement de dire la vérité et de rendre à chacun ce qu'on en a reçu ? Ces deux actes mêmes, ne les faisons-nous pas tantôt de manière juste, tantôt de manière injuste ? Je propose le cas suivant : si quelqu'un recevait des armes de la part d'un ami tout à fait raisonnable, mais que celui-ci étant devenu fou les lui redemande, tout le monde serait d'accord pour dire qu'il ne faut pas les lui rendre et que celui qui les rendrait ne ferait pas un acte juste, pas plus que celui qui se proposerait de dire la vérité à un homme dans un tel état.— Tu as raison.— Ce n'est donc pas une définition de la justice que de la définir comme étant le fait de dire la vérité et de rendre ce qu'on a reçu »

L’appel aux intuitions en philosophie

« Le principe moral, par exemple, que dire la vérité est un devoir, s’il était pris d’une manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences très directes qu’a tirées de ce principe un philosophe allemand [Kant], qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime. »

L’appel aux intuitions en philosophie

La philosophie expérimentale a été en grande partie une attaque contre les méthodes traditionnelles.

Elle est accusée de (ou félicitée pour) promouvoir un certain scepticisme vis-à-vis des pouvoirs de la philosophie.

Scepticisme et philosophie expérimentale

Soit qu’elle montre que les intuitions ne sont pas celles que l’on attendait… (De Brigard, 2010)

Scepticisme et philosophie expérimentale

…soit qu’elle montre que ces intuitions ne sont peut-être pas fiable (Greene, 2007).

Scepticisme et philosophie expérimentale

…soit qu’elle montre que ces intuitions ne sont peut-être pas fiable (Greene, 2007).

Scepticisme et philosophie expérimentale

Du fait de ce scepticisme, la philosophie expérimentale a rencontré une certaine résistance, qui s’est tout naturellement exprimé par une mise en question du rôle des intuitions :

(1) Soit que les intuitions pertinentes pour la philosophie soit celles des experts,

(2) Soit que les intuitions ne jouent en fait aucun rôle en philosophie.

La résistance s’organise

Cependant, la philosophie expérimentale ne s’occupe pas uniquement des intuitions.

Un exemple de philosophie expérimentale qui ne portent pas sur les intuitions : les études de Schwizgebel sur les comportements des philosophes.

Question : Faire de la philosophie morale contribue-t-il à nous rendre meilleurs ?

Schwitzgebel a étudié plusieurs comportements (rendre des livres à la bibliothèque, voter, être poli pendant les conférences) - la réponse est globalement négative.

La X-Phi par-delà les intuitions

Mon but sera de montrer que la philosophie expérimentale, entendu comme méthode, peut permettre de nourrir certains débats classiques en philosophie, et cela sans prendre parti sur la question de l’utilité des intuitions en philosophie.

En effet, elle est pertinente dans la mesure où certains débats et arguments en philosophie reposent sur certains présupposés quant à ce que pensent la plupart des gens (des présupposés anthropologiques).

Au programme ce soir…

Je prendrai comme exemple de débat le débat sur la réalité et l’objectivité des propriétés esthétiques.

Réalisme esthétique : Les propriétés esthétiques (beauté, laideur) sont des propriétés intrinsèques des objets, et existent indépendamment de l’esprit humain.

Relativisme esthétique : Les propriétés esthétiques sont des propriétés objectives, mais elles sont relatives aux individus ou aux groupes, au lieu d’être intrinsèques.

Nihilisme esthétique : Les propriétés esthétiques n’existent tout simplement pas. Au mieux, nous les « projetons » sur les objets extérieurs.

Au programme ce soir…

Le réalisme esthétique

Réhault (2009): « il ne sera pas inutile de faire quelques remarques sur ce qui motive la

défense du réalisme esthétique. C’est une conception qui appartient à la famille des métaphysiques du sens commun : il ne s’agit pas d’imposer un nouveau découpage ontologique, jugé plus clair, plus précis ou plus pratique, à notre manière de conceptualiser la réalité, mais au contraire d’expliquer une ontologie implicite dans nos attributions esthétiques ordinaires et dans notre pratique esthétique la plus courante. »

« le réalisme esthétique reste la position commune. Nous sommes spontanément réalistes quand nous choisissons une peinture pour repeindre notre salon ou quand nous nous arrêtons pour écouter le chant d’un oiseau. Le critique d’art est réaliste quand il justifie son jugement esthétique à propos d’une oeuvre d’art et cherche à nous faire voir ses propriétés réelles. »

Un argument pour le réalisme esthétique

Pour ceux qui aiment ça, on peut formuler l’argument de la façon suivante :

1. Une théorie des propriétés esthétiques adéquate est une théorie qui rend compte de nos croyances ordinaires au sujet des propriétés esthétiques.

2. Or, le sens commun (= l’ensemble de nos croyances ordinaires) est réaliste en matière de propriétés esthétiques.

3. Donc seul le réalisme esthétique est en mesure de rendre compte du sens commun.

4. Donc seul le réalisme esthétique peut compter comme une théorie adéquate des propriétés esthétiques.

Un argument pour le réalisme esthétique

Mais pourquoi penser que le sens commun est réaliste ?

Parce qu’il est largement accepté que le sens commun est, en matière d’esthétique, normativiste:

i.e. quand nous faisons un jugement esthétique, nous lui prêtons une validité universelle.

Or, la façon la plus simple de rendre compte du normativisme du sens commun est de supposer qu’il est par ailleurs réaliste.

Le normativisme esthétique

Zangwill (2001): “Both realism and non-realism are on a par as far as the

experiential aspect of aesthetics is concerned. But when it comes to explaining the normativity of aesthetic judgments, the realist is ahead [...] I conclude that folk aesthetics is thus realist. Whether or not the tacit folk metaphysical commitment to aesthetic facts or states of affair is justified is another matter, but our aesthetic judgments presuppose that metaphysics. What is not an option is holding some non-realist view, be if Humean, Kantian or dispositional, while we can unproblematically retain our ordinary practice of making aesthetic judgments.”

Le normativisme esthétique

Caroll (1999): “The supposition that aesthetic properties are objective also

explains better how we talk about them than does the projection theory. For example, people involved in disputes about aesthetic properties act as though they think that they are disagreeing about the real properties of objects. They behave as though they think that there is a fact of the matter to be determined. They speak as if one side of disagreement is right and the other wrong. So, they, at least, must believe that aesthetic properties are objective. That is the way of understanding their behaviour that renders it most intelligible. On the other hand, if disputants are simply trading projections, we would have to say that their behaviour is ultimately irrational. And it is far from clear that the skeptics‘ arguments are compelling enough to warrant such wholesale suspicion of irrationality.”

Le normativisme esthétique

« [Il serait] ridicule que quelqu’un qui se pique d’avoir du

goût songeât à s’en justifier en disant : cet objet (l’édifice que nous avons devant les yeux, le vêtement que porte tel ou tel, le concert que nous entendons, le poème qui se trouve soumis à notre appréciation) est beau pour moi. Car il n’a pas lieu de l’appeler beau, si ce dernier ne fait que lui plaire, à lui. Il y a beaucoup de choses qui peuvent avoir pour lui de l’attrait et de l’agrément, mais, de cela, personne ne s’en soucie ; en revanche, s’il affirme que quelque chose est beau, c’est qu’il attend des autres qu’ils éprouvent la même satisfaction ; il ne juge pas pour lui seulement, mais pour tout le monde, et il parle alors de le beauté comme si c’était une propriété des choses. C’est pourquoi il dit : cette chose est belle ; et ce, en comptant sur l’adhésion des autres à son jugement exprimant la satisfaction qui est la sienne, non pas parce qu’il aurait maintes fois constaté que leur jugement concordait avec le sien ; mais, bien plutôt, il exige d’eux cette adhésion. S’ils jugent autrement, il les en blâme et leur dénie ce goût dont, par ailleurs, il affirme qu’ils doivent l’avoir »

- Analytique du Beau, §7

Le mystère des jugements esthétiques

« Avant tout, il faut bien se convaincre que, par un jugement de goût (concernant le beau), on attribue à chacun la satisfaction procurée par un objet, sans toutefois se fonder sur un concept (car alors ce serait le bien) ; et que cette prétention à la validité universelle appartient si essentiellement à un jugement par lequel nous affirmons que quelque chose est beau que, si l’on n’y pensait pas cette universalité, il ne viendrait à l’idée de personne d’utiliser cette expression, mais qu’au lieu de cela, on mettrait au compte de l’agréable tout ce qui plaît sans concept ; or, en ce qui concerne l’agréable, on laisse chacun penser ce qu’il veut, et personne n’attend d’autrui qu’il adhère à son jugement de goût, alors qu’il en va, en revanche, toujours ainsi quand il s’agit d’un jugement de goût sur la beauté »

- Analytique du Beau, §8

Le mystère des jugements esthétiques

« Le jugement de goût attend de chacun qu’il y apporte son adhésion ; et celui qui déclare que quelque chose est beau entend bien que chacun est obligé de donner son approbation à l’objet considéré et de le déclarer beau également »

- Analytique du Beau, §19

Le mystère des jugements esthétiques

Le mystère des jugements esthétiques

« Dans tous les jugements par lesquels nous déclarons que quelque chose est beau, nous ne permettons à personne d’être d’un autre avis, sans toutefois fonder notre jugement sur des concepts, mais en n’y mettant pour fondement que notre sentiment, non pas donc en tant que sentiment personnel et privé, mais en tant que sentiment commun »

- Analytique du Beau, §22

Le mystère des jugements esthétiques

Jugementsde goût

Jugementsesthétique

Jugementsde fait

Prétendent à la validité

universelle

Prétendent à la validité

universelle

Dépendent d’un sentiment subjectif

Dépendent d’un sentiment subjectif

« J’aime les cheeseburgers »

« Le chant du rossignol est très beau »

« Ce tableau a été peint par

Monet »

Le mystère des jugements esthétiques

Nous pouvons résumer la situation de la façon suivante : les jugements [esthétiques] occupent une position intermédiaire entre les jugements sur l’agréable et le désagréable et les jugements empiriques portant sur le monde extérieur. Les jugements [esthétiques] ressemblent aux jugements empiriques dans la mesure où ils ont une validité universelle ; mais ils en diffèrent dans la mesure où ils sont formulés sur la base d’une réponse ou d’une expérience subjective intime. À l’inverse, les jugements [esthétiques] ressemblent aux jugements sur l’agréable et le désagréable dans le mesure où ils sont formulés sur la base d’une réponse ou d’une expérience subjective intime ; mais ils en diffèrent dans la mesure où ceux-ci ne prétend pas avoir une validité universelle. Pour tracer la distinction d’une autre manière : pour ce qui est de la normativité, les jugements [esthétiques] ressemblent aux jugements empiriques mais pas aux jugements sur l’agréable et le désagréable ; mais pour ce qui est de la subjectivité, les jugements [esthétiques] ressemblent aux jugements sur l’agréable et le désagréable, et non aux jugements empiriques. Ainsi, nous avons une tripartition : jugements empiriques, jugements [esthétiques] et jugements sur l’agréable et le désagréable. Et les jugements [esthétiques] sont à la fois semblables et différents des deux autres types de jugements.

- Zangwill (2008)

Le mystère des jugements esthétiques

Comme Kant l’avait reconnu (plus ou moins à la suite de Hume), tout ceci ne constitue qu’un point de départ à partir duquel construire des théories. La question difficile consiste à déterminer si, et comment, de tels jugements à la fois subjectifs et universels sont possibles. À première vue, il y a une tension entre ces deux caractéristiques. Notre problème est : quelle doit être la nature du plaisir suscité par la beauté pour que des jugements basés sur ce plaisir puissent prétendre être corrects ? C’est là la Grande Question de l’esthétique. Kant a bien établi le programme de l’esthétique. Le problème qu’il a posé était le bon, quand bien même la solution qu’il a proposée ne serait pas la bonne.

- Zangwill (2008)

La généalogie des jugements esthétiques

« Seul un lecteur assidu de Bourdieu contesterait […] que le jugement de goût diffère du jugement sur l’agréable en ceci qu’il dessine lui aussi une sphère d’objectivité qui, pour le moins, prétend à l’universalité […] »

« La Critique de la faculté de juger repose tout entière sur l’idée (dont on voit mal encore ce qu’elle a « d’antipopulaire ») que le beau n’est ni l’agréable, ni le vrai, et qu’il existe, entre les deux termes, une spécificité de la dimension esthétique. La raison peut d’ailleurs s’en indiquer très brièvement, parce que, à la différence de ce qu’affirme Bourdieu, elle rencontre le sens commun. »

Question

La référence à Bourdieu amène directement à la question suivante : Kant n’a-t-il pas « universalisé » une conception du jugement esthétique qui lui était propre ?

Conception qui aurait été « héritée » par les différentes générations de philosophes.

Point de départ du doute : quand moi je dis que quelque chose est beau, je n’ai pas l’impression d’avoir la prétention d’affirmer que ce jugement est valable universellement.

Mais, bien sûr, le mieux serait d’aller vérifier directement ce qu’en pensent les gens…

Avec Nicolas Pain, paru dans The Monist (April 2012) : « Can folk aesthetics ground aesthetic realism? »

Question

Expérience 1

Nous avons mis au point une série de 15 scénarios. Voici un exemple de scénario :

Agathe et Ulrich sont en vacances dans une maison à la campagne. Alors qu’ils se promènent dans le jardin, ils entendent le chant d’un rossignol. Agathe dit : « Ce chant est très beau. » Ulrich répond : « Non. Ce n’est pas beau. »

Plan Expérimental

Après lecture, les participants devaient répondre à la question suivante :

D’après vous :

o L’un des deux a raison et l’autre a tort.o Ils ont tous les deux raison.o Ils ont tous les deux tort.o Aucun d’entre eux n’a tort ou raison. Il est absurde de parler

en termes « d’avoir tort » ou « d’avoir raison » sur de tels sujets. C’est à chacun son avis.

Plan Expérimental 3 scénarios dans lesquels la beauté était attribuée (et

déniée) à des oeuvres artistiques (la Joconde de Léonard de Vinci, la Lettre à Elise de Beethoven, les châteaux de la Loire) ;

3 scénarios dans lesquels la beauté était attribuée (et déniée) à des objets naturels (les chutes du Niagara, le chant d'un rossignol, les cristaux de neige) ;

3 scénarios dans lesquels la beauté était attribuée (ou déniée) à des corps humains, et qui étaient accompagnés d'une photo (un homme, une femme, un bébé).

3 scénarios attribuant des propriétés typiquement considérée comme objectives (c’est-à-dire comme existant dans les choses) et au sujet desquelles on peut s'attendre à ce que les gens répondent de manière réaliste (Proust est-il vraiment l'auteur de A la Recherche du Temps Perdu ?, les gravures de Dürer sont-elles colorées ?, le portrait de Clemenceau par Manet représente-t-il Clemenceau ?) ;

3 scénarios attribuant des propriétés typiquement considérées comme subjectives (c’est-à-dire comme existant non dans les choses mais dans l’esprit de celui qui en fait l’expérience) et au sujet desquelles on peut s'attendre à ce que les gens ne répondent pas de façon réaliste (les pâtes au ketchup sont-elles bonnes ?, les choux de Bruxelles sont-ils bons ?, la soie est-elle agréable au toucher ?).

Participants

Nous avons recruté 30 participants via le Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique. La moyenne d’âge était de 22 ans.

RésultatsN=30

RésultatsN=30

Subjectif

Art

Nature

Humains

Objectif

01020304050607080

1234

Expérience 2

Nous avons réalisé une seconde expérience, dans lesquels les jugements sont négatifs et portent sur le laid.

RésultatsN=30

Objection 1

« Tout homme qui voudrait affirmer une égalité de génie et d'élégance entre Ogilby et Milton, ou Bunyan et Addison, serait estimé soutenir une non moins grande extravagance que s'il avait affirmé qu'une taupinière peut être aussi haute que le Ténériffe, ou une mare aussi vaste que l'océan. Bien qu'on puisse trouver des personnes qui donnent la préférence aux premiers auteurs, personne ne prend un tel goût en considération, et nous décréterons sans scrupules que le sentiment de ces prétendus critiques est absurde et ridicule. Le principe de l'égalité naturelle des goûts est alors totalement oublié et, tandis que nous l'admettons dans certaines occasions, où les objets semblent approcher de l'égalité, cela paraît être un extravagant paradoxe, ou plutôt une absurdité tangible, là où des objets aussi disproportionnés sont comparés ensemble. »

- De la norme du goût

Réponse

Dans une expérience portant principalement sur les jugements moraux, mais utilisant des jugements esthétiques comme points de comparaisons, Goodwin et Darley (2008) ont soumis à leurs participants des comparaisons esthétiques comme « Shakespeare est un meilleur écrivain que Dan Brown » et « Miles Davis est un meilleur musicien que Britney Spears ».

Dans chaque cas, les participants devaient indiquer leur accord avec ce jugement puis dire si, selon eux, ces jugements étaient (i) vrais, (ii) faux ou (iii) une simple question d'opinion.

Là encore, les participants étaient loin d’universaliser leur jugement : pour la comparaison entre Shakespeare et Dan Brown, 84% des participants ont répondu qu'il ne s'agissait là que d'une question d'opinion. 97% ont donné cette même réponse dans le cas de la comparaison entre Miles Davis et Britney Spears. Pourtant, les participants avaient tendance à être d'accord avec ces jugements.

Objection 2

Les gens universalisent leurs jugements, pas ceux d’autres personnes, et encore moins de personnages imaginaires.

Les gens ne sont pas assez impliqués dans nos expériences.

Expérience 3

Nous avons réalisé une troisième expérience dans laquelle les gens doivent d’abord donner un exemple d’œuvre d’art qu’ils trouvent belle, puis imaginer que quelqu’un les contredit.

Expérience 3

1) Pensez à une œuvre d’art (tableau, musique, film, etc.) que vous trouvez particulièrement belle. Indiquez le nom de cette œuvre :

2) Imaginez maintenant que vous rencontrez quelqu’un qui n’aime pas du tout cette œuvre. Alors que vous lui dites que cette œuvre est très belle, lui vous répond que cette œuvre n’est pas belle. D’après vous :

 o L’un d’entre vous a raison et l’autre a tort,o Vous avez tous les deux raison,o Vous avez tous les deux tort, o Aucun d’entre vous n’a tort ou raison. Il est absurde

de parler en termes « d’avoir tort » ou « d’avoir raison » sur de tels sujets. C’est à chacun son avis.

 

Expérience 3

3) D’après vous : o Cet individu a bon goût,o Cet individu a mauvais goût,o Ni lui ni vous n’avez bon ou mauvais goût. Il est

absurde de parler de bon goût ou de mauvais goût à ce sujet.

 

RésultatsN=20

00,10,20,30,40,50,60,70,80,9

RéponseNormativiste

Réponse Anti-normativiste

Objection 3

Notre échantillon de participants est composé principalement d’étudiants du Quartier Latin et de français (qui ont eu une formation – même minimale – en philosophie).

Il se pourrait très bien qu’il ne soit pas représentatif.

Expérience 4

J’ai reproduit l’expérience 3 avec 40 participants vivant en Inde et recrutés via le Amazon Mechanical Turk.

Les participants recrutés par AMT ont été plusieurs fois confirmés comme plus représentatifs que les échantillons habituellement utilisés en psychologie.

Et la population indienne diffère des populations européennes et américains sur plusieurs tâches.

Enfin, les participants indiens ont l’avantage de maîtriser l’anglais.

Résultats

Réponse Normativiste

Réponse Anti-normativiste

0

0.2

0.4

0.6

0.8

N=40

RésultatsN=40

1 2 3 40

5

10

15

20

25

Objection 4

Mais il reste dans tous les cas une minorité de participants à traiter les jugements esthétiques comme portant sur une réalité objective et à donner la première réponse (« l’un a raison et l’autre a tort »).

Ne faut-il pas expliquer leurs jugements ? Et n’est-ce pas là une façon de sauver la question esthétique de la nature des jugements esthétiques ?

Réponse Non, car cette minorité est loin de n’exister que pour les jugements esthétiques.

e.g. Cova & Ravat (2008):

Réponse Cova & Ravat (2008):

A suivre…

Un argument classique en faveur de la thèse kantienne repose sur le fait que la façon dont nous discutons du Beau est différente de celle dont nous discutons de l’agréable.

Argument qui a toujours cours (repris par exemple par Cavell).

Mais il s’agit là encore d’une observation anthropologique qui doit être soumis à l’examen empirique.

Merci !

Bibliographie

Caroll, N. (1999) Philosophy of Art: A Contemporary Introduction, De Brigard, F. (2010) « If you like it, does it matter if

it’s real », Philosophical Psychology, 23, 43-57. Cova, F. & Ravat, J. (2008) « Sens commun et objectivisme

moral: objectivisme 'global‘ ou objectivisme 'local'? Une introduction par l'exemple à la philosophie expérimentale », Klesis, 9, 180-202.

Goodwin, G. & Darley, J. (2008) « The Psychology of Meta-Ethics: Exploring Objectivism », Cognition, 106, 1339-66.

Greene, J. (2007) « The secret joke of Kant’s soul », in W. Sinnott-Armstrong, Moral Psychology, Vol.3, Cambridge: MIT Press.

Rehault, S. (2009) « Réalisme esthétique, éthique et environnement », Klesis, 13, 123-146.

Zangwill, N. (2001) The Metaphysics of Beauty, NY: Cornell University Press.

Zangwill, N. (2010) « Aesthetic Judgment », in E.N. Zalta, Stanford Encyclopedia of Philosophy, (accessed 2011/01/05).