Le monogramme dans les chartes épiscopales en Lorraine et Champagne Xe – début XIIe siècle

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ANNALES DE L’EST - 2009 - NUMERO SPECIAL Le monogramme dans les chartes épiscopales en Lorraine et Champagne X e - début XII e siècle 55 Jean-Baptiste RENAULT Université Nancy 2 - CNRS La Lorraine et la Champagne sont nées de part et d’autre de la frontière dessinée par le Traité de Verdun, l’une par démembrement du royaume de Lotharingie et l’autre par la réunion de plusieurs comtés. Ces deux régions n’ont pas le même degré d’unité pour le cadre ecclésiastique, la province de Trèves regroupant les diocèses de Metz, Toul et Verdun, tandis que les évêchés champenois sont suffragants de Lyon, Sens et Reims. Au X e siècle, la Lotharingie apporte deux archevêques de Reims (Odalric, ancien chanoine de Metz, puis Adalbéron, neveu d’Adalbéron I er de Metz, élevé à Gorze) et insuffle en Champagne la réforme monastique. Au seul diocèse de Châlons, outre l’implantation des moines de Gorze en Astenois et Perthois, deux anciens moines de Saint-Evre de Toul deviennent abbés de Montier-en-Der : Albéric (935-960) et Adson (960-992) et Richard de Saint-Vanne réforme Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons et Saint-Urbain.

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ANNALES DE L’EST - 2009 - NUMEROSPECIAL

Le monogramme dans les chartesépiscopales en Lorraine et Champagne

Xe - début XIIe siècle

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Jean-Baptiste RENAULTUniversité Nancy 2 - CNRS

La Lorraine et la Champagne sont nées de part et d’autre de la frontièredessinée par le Traité de Verdun, l’une par démembrement du royaume deLotharingie et l’autre par la réunion de plusieurs comtés. Ces deux régions n’ontpas le même degré d’unité pour le cadre ecclésiastique, la province de Trèvesregroupant les diocèses de Metz, Toul et Verdun, tandis que les évêchéschampenois sont suffragants de Lyon, Sens et Reims. Au Xe siècle, la Lotharingieapporte deux archevêques de Reims (Odalric, ancien chanoine de Metz, puisAdalbéron, neveu d’Adalbéron Ier de Metz, élevé à Gorze) et insuffle enChampagne la réforme monastique. Au seul diocèse de Châlons, outrel’implantation des moines de Gorze en Astenois et Perthois, deux anciens moinesde Saint-Evre de Toul deviennent abbés de Montier-en-Der : Albéric (935-960)et Adson (960-992) et Richard de Saint-Vanne réforme Saint-Pierre-aux-Montsde Châlons et Saint-Urbain.

JEAN-BAPTISTERENAULT

Doc. 1 : Nombre d’actes originaux d’évêques en Lorraine et Champagne(d’après base Artem)

Les chancelleries épiscopales de Metz, Toul et Verdun sont réellementactives à partir de la fin du IXe et au Xe siècle à l’instar de celle de Langres, rouaged’un évêché puissant, entité ecclésiastique et politique qui s’étend davantage enBourgogne qu’en Champagne. Les chancelleries de Reims, Châlons et Troyesconnaissent en revanche un éveil plus tardif au XIe siècle. Les travaux fondateursde Jacques Stiennon et les études qui les ont suivis ont rapproché les chancellerieslotharingiennes de celles de la province de Reims, en particulier pour l’emploi dutreillis, série de boucles couronnant les hastes des lettres qui serait une imitationdes ruches carolingiennes1. Dans ces deux régions, l’attention aux caractèresexternes de l’acte montre une volonté de marquer le spectateur (mise en page,calligraphie et décoration) qui égale parfois celle des diplômes impériaux mise enévidence par Peter Rück2. De cet effort esthétique participent les signesgraphiques, croix, chrismes, ruches et monogrammes, apte à graver le souvenir etqui ont en outre une valeur symbolique, qu’ils expriment une autorité, un pouvoirou une invocation divine.

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1 - J. STIENNON, L’écriture diplomatique dans le diocèse de Liège du XIe siècle au milieudu XIIIe siècle. Reflet d’une civilisation, Paris, Les Belles Lettres, 1960. P. DEMOUY,« chancellerie archiépiscopale et province ecclésiastique: l’exemple de Reims (989-1175), Die Diplomatik des Bischofsurkunde vor 1250. La diplomatique épiscopale avant1250, Actes du colloque d’Innsbruck, 1993, Innsbruck, Tiroler Landesarchiv, 1995, p. 243-253, spéc. p. 250-251.2 - P. RUCK, « Die Urkunde als Kunstwerk», G. WOLFF (dir.), Kaiserin Theophanu,Prinzessin aus der Fremde, des Westreichs Große Kaiserin, Cologne, Böhlau, 1991, 2,p. 311-333, réimpr. Fachgebiet Historische Hilfswissenschaften. Ausgewählte Aufsätzezum 65. Geburtstag von Peter Rück, E. EISENLOHR, P. WORM (dir.), Marburg an derLahn, Institut für Historische Hilfswissenschaft, 2000, p. 117-139.

Sièges 901-950 951-1000 1001-10501051-1100 1101-1120 TotalReims 0 1 1 16 15 33

Châlons 0 0 2 5 6 13Troyes 0 0 1 0 10 11Langres 6 3 5 9 22 45

Metz 4 5 1 10 2 22Toul 3 1 1 9 7 21

Verdun 0 0 2 2 1 5Total 13 10 13 51 63 150

LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

Le monogramme est un dessin composé des lettres du nom de façon plus oumoins synthétique existant dès l’Antiquité sur les monuments et sur de multiplesobjets. A l’époque mérovingienne, il est assez fréquent sur les anneauxsigillaires3 et est employé comme souscription sur les diplômes royaux avantmême l’adoption du sceau. Usage avant tout royal, la souscriptionmonogrammatique est systématisée par Charlemagne qui adopte la structurecruciforme4. Le monogramme apparaît à la fin du IXe et au Xe siècle dansquelques actes privés5. C’est au XIe siècle que cette pratique est la plus fréquente,mais à son apogée, dans la première moitié du XIe siècle, elle ne recouvre que3,6% des actes conservés en original; on la trouve majoritairement aux marchesseptentrionales et orientales du royaume de France et c’est un phénomèneprincipalement épiscopal quoiqu’il y ait des exemples émanant de comtes ouducs6. Dans les actes privés champenois et lorrains tous les monogrammesantérieurs au milieu du XIIe siècle, sont d’origine épiscopale ou émanent dumilieu cathédral, à une seule exception près7.

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3 - M. DELOCHE, Etudes historique et archéologique sur les anneaux sigillaires despremiers siècles du Moyen Age, Paris, Leroux, 1900, p. LXI et XLV-LIV ; R. HADJADJ,Bagues mérovingiennes. Gaule du Nord, Paris, Chevau-Légers, 2007, p. 92-93).V. HILBERG, « Monogrammverwendung und Schriftlichkeit im merovingischenFrankenreich», E. EISENLOHR et P. WORM (dir.) Arbeiten aus dem Marburgerhilfswissenschaftlichen Institut, Marburg, Institut für Historische Hilfswissenschaften,2000, p. 63-122, confronte les monogrammes des diplômes mérovingiens à ceux figurantsur les anneaux sigillaires, les boucles de ceinture et d’autres objets. 4 - G. TESSIER, Diplomatique royale française, Paris, Picard, 1962, p. 91-93 et 111-112[Carolingiens]. J. LECHNER, «Das Monogramm in den Urkunden Karls des Großen»,Neues Archiv, 30, 1905, p. 702-707. P. RUCK, Bildberichte vom König. Kanzlerzeichen,königliche Monogramme und das Signet der salischen Dynastie, Marburg an der Lahn,Institut für Historische Hilfswissenschaften, 1996 [Ottoniens et Saliens].O. GUYOTJEANNIN, « Le monogramme dans l’acte royal français (Xe - début XIVe

siècle)», P. RÜCK (éd.), Graphische Symbole in mittelalterlichen Urkunden. Beiträge zurdiplomatischen Semiotik, Sigmaringen, Thorbecke, 1996. p. 293-317 [Capétiens].5 - B.-M. TOCK, Scribes, souscripteurs et témoins dans les actes privés en France (VIIe-début XIIe siècle), Turnhout, Brepols, 2005, p. 163-170.6 - B.-M. TOCK, op. cit., p. 163-164. Pour les princes laïcs: A. GAWLIK, « ZuMonogrammen in laienfürstlichen Urkunden», De litteris, manuscriptis, inscriptionibus...Festschrift zum 65. Geburtstag von Walter Koch, T. KÖLZER, F.-A. BORNSCHLEGEL,C. FRIEDL, G. VOGELER (dir.), Vienne-Cologne-Weimar, Böhlau, 2007, p. 39-56.7 - Il s’agit d’une charte pour Cluny concernant des biens à Dombasle (1027-1039) dontle monogramme sert de devise chirographiqueen liant les deux parties autour du Christ:RICHUINUS PAX JHESU CLUNIACUM.BnF : ms. lat. 17715, n°58 (Artem 1895). Onretrouve cet emploi de la forme monogrammatique pour des devises de chirographes dansquatre actes pour Saint-Maximin de Trèves de 975 (H. BEYER, MittelrheinischesUrkundenbuch, Coblence, J. Hölcher, 1860, t. 1, p. 301-302, n° 245), 996 (ibid. p. 328-329, n° 273), et 1042-1047 (ibid., p. 325 n° 269 et p. 385-386, n° 332). Je remercie MlleKatharina Gross pour m’avoir indiqué ces actes.

Le monogramme épiscopal est-il un phénomène épisodique ou durable? Aquelles sources les chancelleries puisent-elles et agissent-elles par émulationcomme pour le sceau? En quoi les particularités morphologiques peuventéclairer la question du sens de ces monogrammes? Après avoir présenté le corpusdes monogrammes d’évêques de part et d’autres de la frontière d’Empire, etl’avoir soumis à une étude formelle, nous proposerons des pistes pour uneinterprétation de ces monogrammes, en les confrontant au sceau, en traitant leproblème des influences et enfin en posant la question des significations qu’ilspeuvent revêtir.

1.- Observation: présence et caractéristiques des monogrammes

C’est prioritairement sur les chartes originales qu’il faut chercher lesmonogrammes mais certaines copies dans les cartulaires en complètent le corpus.La copie des signes graphiques peut-être systématique ou occasionnelle, chaquecartulaire étant un cas particulier8.

1.1.- Chronologie

Metz

Le plus ancien monogramme d’évêque est connu par deux actes de Robert,évêque de Metz (883-916). Le premier, pour Saint-Arnoul de Metz, de 884-886,est conservé en original 9 ; le second, pour Gorze, de 886, copié dans le cartulairedétruit en 1944 mais édité, ne comporte qu’une annonce du monogramme10.

Le monogramme d’Adalbéron Ier, évêque de Metz de 929 à 964, est connu àpartir de 936, par 5 actes dont 4 conservés en originaux, et un transcris aucartulaire de Gorze. Quatre de ces actes ont été rédigés par le chancelier Adélard

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8 - Pour la copie des monogrammes voir H. MEYER ZU ERMGASSEN, «Nominisnostri conscripto caractere. Die Monogrammzeichnungen in Codex Eberhardi aus KlosterFulda », Archiv für Diplomatik, 39, 1993, p. 201-267.9 - M1 (pl. 1). Les références numérotées M, L, C (respectivement Metz, Langres,Châlons), renvoient au regeste des actes en annexe. 10 - M2. D’Herbomez n’ayant signalé que les signes graphiques qu’il jugeait les plusintéressants, on ne peut savoir si les trois actes de Robert pour Gorze portaient unmonogramme. Dans l’acte de 884, la souscription entre crochets permet cette possibilité(A. D’HERBOMEZ, Cartulaire de l’abbaye de Gorze, Paris, Klincksieck, 1898, p. 135-137, n°75).

dont la souscription se termine par une ruche11. Parmi eux, trois actes pourl’abbaye de Saint-Arnoul de Metz ont été considérés comme faux ou pseudo-originaux et l’acte pour Sainte-Glossinde est aussi un pseudo-original12. Le seulacte qui comporte une annonce du monogramme est un pseudo-original pourSaint-Arnoul scellé d’un sceau plaqué dans lequel Charles Hiégel a reconnu unfaux sceau d’Adalbéron III13. Le seul acte d’Adalbéron Ier pour Saint-Arnoulconsidéré comme original par Michel Parisse, daté de 942, ne comporte nisouscription ni monogramme14. Cet acte a vraisemblablement été amputé de lapartie basse, comme en témoigne une découpure légèrement irrégulière, il n’a pasle format presque carré des autres actes d’Adalbéron. Le Petit Cartulaire de Saint-Arnoul ne peut aider à dater cette mutilation puisqu’il a délaissé les souscriptionsdes actes d’Albéron Ier.

L’acte du 15 mars 942 par lequel Adalbéron instaure la règle bénédictine àSaint-Arnoul, peut être considéré comme un original par la présence de notestironiennes dans le chrisme initial et la ruche15. Par ailleurs le monogramme et laruche de cet acte sont très comparables à ceux de l’acte d’Adalbéron copié aucartulaire de Gorze, connu par un fac-similé16. Il nous semble possible de retenircomme authentiques ces deux derniers actes17 ainsi que l’acte mutilé.

Les actes originaux de Robert et d’Adalbéron posent de lourds problèmescritiques qu’il serait impossible d’élucider ici. Seule une étude paléographiquedes originaux de Saint-Arnoul permettrait de mieux connaître la chancellerie

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11 - M 3 ; M4 ; M5 ; M6 (pl. 2, 3, 4, 5) Adélard est connu comme chancelier entre 936et 995 : dès 936 dans un acte pour Gorze (M1) ; il écrit pour Saint-Arnoul en 942, 944 et952 (M4, M5, M7) et Sainte-Glossinde en 945 (M6); il peut s’agir du diacre Adélard,témoin en 942 (M4). Il se dit prêtre (mais pas chancelier) dans un acte pour Gorze en 957écrit ad vicem Nortmanni cancellarii, le cartulaire reprenant sa ruche (A. D’HERBOMEZ,n° 106) ; le dernier acte qu’il écrit est de 959 (ibid., n°108). Il est encore cité dans deuxactes de 974 (M8, écrit par Etienne, prêtre, ad vicem Adelardi cancellarii) et en 995 (acteécrit également ad vicem Adelardi cancellarii par Haganon, reprenant le préambule del’acte de 959, ibid., n° 121). Les ruches d’Adélard, sont assez comparables avec une croixen bas à gauche mais le nom inscrit en dessous diffère. Elles sont sans doute inspirées desOttoniens (P. RUCK, Bildberichte vom König, op. cit., p. 72-89).12 - M6 (pl. 5).13 - M5 (pl. 4).14 - Archives départementales de Moselle (A. D. 57): H 6 n°11, taille : 310 x 500;Artem303; M. GAILLARD (dir.), Le souvenir des Carolingiens à Metz au Moyen Age, lePetit Cartulaire de Saint-Arnoul de Metz, Paris, PUPS, 2006, regeste p. 215, texte ettraduction p. 150-153, n° 89. J. FRANCOIS, N. TABOUILLOT, Histoire générale de Metzpar des religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Vanne, Metz, Pierre Marchal,1769-1775, t. III (1775), Preuves, p. 63. (il pourrait aussi s’agir d’Adalbéron II, 990). 15 - M4 (pl. 3).16 - M3 (pl. 2) ; A. D’HERBOMEZ, p. 139. Le texte édité omet monogramme et ruche.17 - M3 et M4 (pl. 2 et 3).

messine du Xe siècle 18, Gorze étant handicapé par la perte de son cartulaire, et uneédition déficiente. Cela permettrait de mieux savoir comment les moines ontrecomposé leur histoire en remaniant leurs chartes, dans le cas des pseudo-originaux, en étant particulièrement attentifs à l’écriture et aux signes graphiquestravail antérieur à l’effort archivistique d’un autre genre qui à la fin du XIIIe siècleaboutit la rédaction d’un cartulaire à forte valeur historiographique19. Doit-onsuspecter les monogrammes de Robert et d’Adalbéron figurant sur des actes non-authentiques ou suspectés? Quoique que Saint-Arnoul ait été peuplée de moinesde Gorze par Adalbéron, il semble peu probable que ces deux établissementsainsi que Sainte-Glossinde de Metz aient copié un monogramme «inventé», àpartir d’un faux initial. A titre provisoire, nous nous en tenons à trois actesauthentiques d’Adalbéron et la multiplicité des provenances des actes nous faitpenser que les monogrammes n’ont pas été créés par les rédacteurs de pseudo-originaux mais qu’ils sont repris d’originaux perdus.

Parmi les trois actes connus de Thierry, évêque de Metz (964-984), un seulporte un monogramme qui précède une souscription en capitale. Il s’agit d’unacte de 974 pour Sainte-Glossinde de Metz, écrit par le prêtre Etienne, à la placedu chancelier Adélard20. L’écriture semble postérieure à la date, il doit s’agir d’unpseudo-original. En revanche l’acte de Thierry pour Saint-Arnoul, de 984, necomporte pas de monogramme21. La persistance du monogramme à Metzpourrait être due au long cancellariat d’Adélard (936-995).

Par la suite il faut attendre l’épiscopat d’Etienne de Bar (1120-1163) pourretrouver deux actes pourvus de monogrammes dans le fonds de Saint-Arnoul en1126 et 1135. Ces monogrammes au trait empâté sont une des principales raisons

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18 - Plusieurs actes ont été critiqués: G. WOLFRAM, «Kritische Bemerkungen zu denUrkunden des Arnulfsklosters», Jahrbuch des Gesellschaft für lothringische Geschichteund Altertumskunde [désormaisJGLGA], 1888-1889, p. 40-80. A. GAWLIK, « DasDiplom Kaiser Heinrichs V. Stumpf Reg. 3150 für das Kloster St. Arnulf bei Metz»,Deutsches Archiv, 37, 1981, p. 605-638. A. LARET-KAYSER, «Recherche sur la véracitéde la charte de fondation du prieuré Sainte-Walburge de Chiny (1097)», Annales del’institut archéologique du Luxembourg, 1972-1973, p. 89-112. Voir M5.19 - M. GAILLARD, op. cit., p. XIII-XXV. Eadem, «Le “ Petit Cartulaire” de Saint-Arnoul de Metz: l’ inventio d’un passé apostolique, carolingien et bénédictin par desmoines des XIe-XIII e siècles», Ecrire son histoire, les communautés régulières face à leurpassé, actes du colloque du CERCOR, 2002, Saint-Etienne, Publications de l’université deSaint-Etienne, 2005, p. 543-554. Contrairement aux pseudo-originaux réalisés à Saint-Arnoul, le Petit Cartulaire est moins attaché à l’authentification des actes, ignore les signesgraphiques et parfois ne reproduit pas les souscriptions.20 - M8 (pl. 7).21 - A. D. 57: H 29 n° 6 (Artem 316). Michel Parisse pense qu’il a été écrit au XIIe siècle(Le souvenir des Carolingiens, op. cit., p. 216, n° 92).

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pour laquelle Michel Parisse considère ces actes comme faux22. On peut y voirici sans hésiter la volonté de «faire ancien», en réinventant une traditiondiplomatique abandonnée, en dépit de toute vraisemblance pour un acte de lachancellerie messine du XIIe siècle. Le monogramme d’un chirographe deThierry IV (1173-1179), élu de Metz et prévôt de Saint-Dié, réglant les différentsdu chapitre de Saint-Dié avec l’abbaye de Beaupré23, en 1178, peut en revancheêtre rapproché de plusieurs monogrammes figurant sur d’autres chartes de cetteabbaye en particulier ceux du duc de Lorraine Simon II et de l’empereur FrédéricBarberousse, son oncle24.

Langres

Le plus ancien exemple, sous l’épiscopat de Brun de Roucy (980-1016),n’est connu que par la copie moderne d’un acte pour Saint-Michel de Tonnerred’entre 992 et 100325. Dans les autres actes de Brun la souscription est formuléedifféremment avec Signumet le prénom au génitif26.

Parmi les huit actes connus de Lambert de Vignory (1016-1030), les troisoriginaux conservés comportent une souscription monogrammatique, ce qui faitpenser à un usage régulier 27.

Sur les onze actes d’Hugues de Breteuil (1031-1049), seul un acte de 1032comporte un monogramme. Il est connu par une copie ancienne puisqu’il s’agitdu cartulaire de Saint-Bénigne de Dijon dans sa partie réalisée à la fin duXI e siècle28. Deux actes de peu postérieurs (1033 et 1034), conservés en original,

22 - M. PARISSE, Actes des évêques de Metz, II. Etienne de Bar (1120-1162), Nancy,1979, t. 1, p. LXXVII juge faux n° 15, n° 16 et n° 32, ce dernier notamment à cause dumonogramme STEPHANUS. 23 - Les deux parties sont conservées: Archives départementales de. Meurthe-et-Moselle(A. D. 54) : H 342, n° 175; Bib. mun. Nancy: Chartes, n° 7 (PARISSE, op. cit., t. 1,p. XXVIII, et t. 2, p. 294-297, n° 175). Dans le second, le monogramme a en plus deuxpetites barres qui croisent le trait oblique d’un N. 24 - M. PARISSE, (op. cit., p. LXXVIII). A. GAWLIK (« Zu Monogrammen...», art.cit., p. 51-52 et pl. 2 et 3) attribue à la même main l’acte du duc et celui de l’empereur pourBeaupré.25 - L1 (pl. 9).26 - On ne peut dire si les deux actes de Brun, compilés dans le cartulaire de Saint Pierrede Bèze et dans lesquels le prénom est transcris en capitale étaient pourvus demonogrammes (BnF: ms. lat. 4997, f° 66v°-67v° = P. GAUTIER, Etudes de diplomatiquesur les actes des évêques de Langres du VIIe siècle à 1136, 3 vol. [photocopie du manuscrit,Archives départementales de Haute-Marne (A. D. 52): GF 113], p. 100, n° 60, qui le datede 990-994 et même ms. f° 67v°).27 - L2, L3 (pl. 10), L4.28 - L5 (pl. 11).

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ne comportent pas de monogramme29. Il semble donc que le monogrammedisparaisse des actes des évêques de Langres au début de l’épiscopat d’Hugues.

A la fin du XIe siècle, le monogramme fait une apparition épisodique dans unecharte de Robert de Bourgogne, évêque de Langres (1085-1110) pour Saint-Oyendde Joux (1091)30. Les monogrammes de l’évêque et de l’abbé, ROBERTUS etHUNALDUSsont tracés autour d’un chrisme qui peut aussi se lire PAX, le Christliant ainsi les deux parties. Les neuf autres actes de Robert sont dépourvus demonogramme et cet acte a été suspecté notamment à cause de la queue deparchemin qui y est appendu; ajoutons qu’un acte du même fonds et de la mêmeannée porte aussi un monogramme31. Pierre Gautier a comparé ces monogrammesde circonstances à ceux que l’on peut voir dans deux pancartes de Molesmes de1101 et 1129 émanant des évêques de Langres Robert de Bourgogne et Villaind’Aigremont (1125-1136) 32. Ces monogrammes, apparaissent non dansl’eschatocole, mais à une place inattendue, dans le dispositif après des listesd’églises. Il s’agit de devises que l’on verrait plutôt sur des chirographes et nomdu nom de l’évêque: PIA ET CHRISTIANAVITA et ALFABETO SIGNIFER. Onne peut avec Jacques Laurent y voir une particularité de la chancellerie langroisemais plutôt des réécritures par les moines de Molesmes33.

Enfin il faut remarquer la présence de monogrammes non épiscopaux dansdes actes d’évêques langrois du Xe siècle34. Il s’agit de trois monogrammes detémoins et d’un monogramme de chancelier: dans un acte original de 921 deGarnier, le monogramme du prêtre Bobo35 ; dans un acte de Widric de 980, lemonogramme illisible d’un abbé et un monogramme que l’on peut lirePanpulus36.

29 - A. D. 52: 12 H 3 (Artem 168) et ibid. 28 H 4 (Artem 169). La souscription en capitaledans un acte du cartulaire de Saint-Etienne de Dijon du 24 juin 1033 (S. HUGONISLingonice civitatis episcope) n’exclut pas qu’il y ait eu un monogramme (XIIe siècle,Archives départementales de la Cote d’Or (A. D. 21): G 125, f° 24r°-v°; P. GAUTIER,op. cit., p. 141-142, t. 2, n° 84). 30 - L6 (pl. 12). 31 - Archives départementales du Jura (A. D. 39): 2 H 1401 (Artem 968). Acte de Gui,évêque de Genève, 1091. Monogramme VUIDO.Auxerre, 1854, I, p. 32 -P. GAUTIER, op. cit., t. 2, f° 82.33 - A. D. 21 : 7 H 219. Fac-similé et étude: J. LAURENT, Cartulaires de Molesmes,Paris, A. Picard, 1907, I, p. 105-107.34 - Je remercie vivement M. Hubert Flammarion de m’avoir signalé ces monogrammeset de m’avoir transmis de précieux renseignements sur les actes des évêques de Langres. 35 - A. D. 52 : 2 G 606 (Artem 157). A. ROSEROT, «Chartes inédites des IXe et Xe sièclesappartenant aux archives de la Haute-Marne (851-973)», Bulletin de la société des scienceshistoriques et naturelles de l’Yonne, 51, 1897, p. 161-208, spéc. p. 185-186, n°14.36 - Cartulaire G de Saint-Michel de Tonnerre (XVIe siècle), Bib. mun. Tonnerre: ms. 30,f° 12r°-13r°. M. QUANTIN, Cartulaire général de l’Yonne, 146-148.

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Enfin, le chancelier Saluard, connu de 934 à 93837, utilise un monogrammedans un acte d’Héric de Langres du 8 avril 934 et a l’audace d’utiliser la structurecruciforme des monogrammes royaux ce qu’aucun évêque n’a fait dans ce quenous avons pu consulter38. A l’époque où les évêques en font usage, au XIe siècle,les monogrammes de témoins ou de chancelier ont disparu.

Châlons-en-Champagne

Parmi les trois actes originaux conservés de l’évêque Roger III (1066-1092),deux actes pour l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons, écrits par lemême scribe, Garin, comportent un monogramme. En 1079, il ne comporte quele prénom Rotgeruset c’est une autre main qui a ajouté episcopus39, tandis qu’en1092, le monogramme intègre episcopuset le chiffre III 40.

Les successeurs de Roger III n’ont pas utilisé le monogramme mais ontscellé leurs actes à partir de 1097. Il faut attendre Geoffroi (1131-1143) pour voirréapparaître des monogrammes dans deux exemplaires du même acte; l’un d’euxnon scellé semble un acte écarté41.

Dans un acte épiscopal plus ancien on trouve des monogrammes royaux: ils’agit d’un acte de Roger Ier (1008-1042) de 1027 par lequel il consacre l’oratoirede la Trinité de Châlons fondé par le prévôt Bovo42. L’acte est écrit et souscrit parle chancelier rémois Odalric, ad vicem Harduini archicancellarii,et confirmé àReims43. Les rois Robert et Henri, alors présents à Reims pour le sacre de Henrile 14 mai 1027, interviennent dans l’acte par l’apposition du monogramme,

37 - H. FLAMMARION, « Les textes diplomatiques langrois et le pouvoir des évêquesaux IXe et Xe siècles», M.-J. GASSE-GRANDJEAN, B.-M. TOCK, Les actes commeexpression du pouvoir au Haut Moyen Age. Actes de la Table Ronde de Nancy 26-27novembre 1999, Turnhout, Brepols, 2003, p. 51-68, spéc. p. 57 et 65.38 - J. COURTOIS, Les origines de l’hypothèque en Bourgogne et chartes de Saint-Etienne [de Dijon], Dijon, De Jobard, 1907, p. 55-57, n° 36.39 - C1 (pl. 13).40 - C2 (pl. 14).41 - C3 (pl. 15 et 16).42 - Pl. 17. Original: A. D. 52: G 1128. J.-P. RAVAUX, « L’église de la Trinité deChâlons-en-Champagne et l’enquête de 1539 sur les réparations», Etudes marnaises,t. 19, 2004, p.61-62, p. j. n° 2 (édition). W. M. NEWMAN, Catalogue des actes de RobertII, roi de France, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1937, p. 89-90, n° 71 (analyse).43 - Odalric, chancelier, peut être identifié avec le prévôt du chapitre Odalric.G. BRUNEL, «Chartes et chancelleries épiscopales du Nord de la France au XIe siècle»,M. PARISSE (dir.), A propos des actes d’évêques, Nancy, PUN, 1991, p. 227-244, spéc.p. 238-240.

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pratique alors courante pour confirmer l’acte et lui conférant la valeur desdiplômes royaux44.

Le monogramme est absent des actes des archevêques de Reims, des évêquesde Verdun et Toul à l’exception d’une charte suspecte de l’évêque de Toul Pierrede Brixey, de 1176, pour l’abbaye de Clairlieu45. Son monogramme qui peut se lirePetrus Leuchorum episcopusapparaît de façon inhabituelle dans l’intitulation,tandis qu’un monogramme du duc de Lorraine Simon II apparaît à la fin 46. Commed’autres monogrammes contemporains, il semble être du à la main d’un scribecistercien et doit être rapproché du monogramme de Thierry IV de Metz47.

1.2.- Morphologie du monogramme

Le monogramme de Robert de Metz, tout à fait atypique, est à rapprocherdes chrismes fréquents dans les souscriptions épiscopales en particulier lessouscriptions d’archevêques48. Ce grand chrisme lie en un dessin unique lemonogramme du Christ, qui précède habituellement le prénom dans lessouscriptions épiscopales et celui de l’évêque Robert, comme en témoigne laprésence du “S ”, inutile dans un christogramme49. La double lecture CHR[istu]S et Robertus lie symboliquement la personne de l’évêque à celle du Christ,par un jeu graphique des plus singuliers.

Les évêques groupent les lettres soit en mettant en valeur l’initiale: “ A ”d’Adalbéron, “H ” d’Hugues de Langres et “R ” de Roger III de Châlons, soiten les structurant autour de deux ou trois lettres porteuses: Lambert (L, A, N),Brunon (B, N). Les monogrammes du Xe siècle (Adalbéron et Thierry) sont tracésavec un trait fin, d’épaisseur constante. Ils sont davantage calligraphiés avec untrait plus gras, pour les monogrammes d’Hugues de Langres ou de Roger III de

44 - Voir G. TESSIER, op. cit., p.129 et 227-228. Sur l’acte en question:O. GUYOTJEANNIN, art. cit., p. 293-317, spéc. p298.45 - A. D. 54 : H 474 (Dom CALMET, Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine,Nancy, J.-B. Cusson, 1728, 1e éd., II, col. 371 et ibid., 2e éd., VI, col. 25-27). Je remercieM. Hubert Flammarion de m’avoir signalé cet acte. 46 - Un monogramme de Simon II, légèrement différent, figure également en tête d’unchirographe de 1178 pour l’abbaye de Beaupré (A. D. 54: H 337).47 - L’acte de Simon II pour Beaupré (v. supra) est de la même écriture que l’acte de Pierrede Brixey pour Clairlieu. M. Parisse (Actes, op. cit., p. LXXVIII) a noté ces similitudesd’écriture parmi les chartes des Cisterciens de Beaupré, Clairlieu et Haute-Seille.48 - B.-M. TOCK, op. cit., p. 145-151.49 - M1 (pl. 1). La formulation de la souscription ne permet pas de n’y reconnaître qu’unchrisme.

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Châlons (où apparaissent des lettres enclavées), et enfin relèvent davantage dudessin dans les actes faux d’Etienne de Bar et ceux de Geoffroi de Châlons où lacalligraphie ornée rappelle les lettrines livresques. Ces différences foncièresmontrent une évolution du tracé simple vers la calligraphie, mais aussi deshabiletés différentes à faire fusionner les lettres dans un dessin synthétique,certaines lettres, étant simplement accrochées à une hampe, nichées où ellespeuvent, voire flottant dans les écoins. En comparaison le BENE VALETEmonogrammatique créé par l’ancien évêque de Toul, LéonIX, intègreparfaitement des lettres de taille similaire.

Observer la morphologie des monogrammes conduit à poser la question del’autographie, qui en générale se raréfie après l’an mil. Pierre Gautier pensequ’aucune partie des monogrammes épiscopaux de Langres n’est autographe, ony décèle en effet qu’une seule main. En revanche les monogrammes de Roger IIIne sont pas l’œuvre d’une seule main: dans le premier l’abréviation EPS, estd’une autre main. Le E rond y diffère des E carrés tracés dans l’acte par Garin,futur chancelier. Dans le second monogramme l’abréviation EPC est accoléecomme un petit monogramme à côté du prénom, utilisant les lettres enclavées quele chancelier Garin emploie également pour la première page du cartulaire deSaint-Etienne de Châlons50; et le chiffre III qui s’étalait déjà en lettres dansl’intitulation a été ajouté. Quant au cercle qui entoure ces deux monogrammes, etla croix dans l’acte de 1092, de la même encre que le corps de l’acte mais d’untrait beaucoup plus fin et hésitant, ils semblent attribuables à une autre main, peut-être à une intervention autographe de l’évêque51. L’évêque Roger aurait tracé lesdeux cercles, le EPSdu premier acte et la croix du second. Le cercle est difficileà interpréter autrement, étant assez éloigné des cercles plus réguliers imitant larota pontificale qui entourent des monogrammes dans les actes des évêques deCambrai et des rotaeépiscopales sans monogramme apparaissant à Thérouanne52.

Parmi les trois monogrammes de Lambert, le seul acte doté d’unesouscription de scribe (Odolricus), porte un monogramme de même dessin queles deux autres mais d’un trait différent qui double les obliques. Le «S » flottedans un coin, cela est à attribuer à une main différente53 .

50 - Archives départementales de la Marne (A. D. 51): G 462, f° 1r°. Le cartulaire estantérieur à 1092, date où Garin apparaît comme doyen, car il s’y intitule chantre. 51 - L’encre est de la même couleur que le corps de l’acte et semble donc contemporaine. 52 - Il s’agit de Liébert et Gérard II de Cambrai, Hubert et Drogon de Thérouanne, B.-M.TOCK, op. cit., p. 170-172. A. GIRY, Manuel de diplomatique, Paris, Hachette, 1894,p. 809. Les monogrammes royaux confirmant la charte de Roger Ier (1027) sont égalemententourés, celui de Robert par un cercle, celui d’Henri par un carré aux angles fleuronnés.Est-ce là un modèle pour Roger III? Sous le cancellariat de Baudoin, la confirmation parapposition du monogramme était fréquente et les monogrammes concernés sont différentsde ceux des diplômes (B.-M. TOCK, op. cit., p. 167, n. 83).53 - L4.

Ces remarques formelles nous conduisent à voir comment le monogrammeest intégré à l’acte.

1.3.- Le monogramme dans la mise en page

Moyen original de souscrire, le monogramme est toujours placé à la fin del’acte dans l’eschatolocole. Il ne figure en tête que dans l’intitulation des bullesde Léon IX et dans le faux de Pierre de Brixey. Il suit généralement l’exemple dessouscriptions d’évêques dans lesquels le prénom est mis en valeur, par sa positionen tête des souscriptions, par l’emploi de capitales (Reims), du chrisme (Toul) oude la croix (Reims). Il y a alors trois emplacements possibles:

1) Dans la plus fréquente, le monogramme est sujet du verbe subscribere,signareou roborare, à la première ou la troisième personne: (Robert, Adalbéron,Thierry, Brun, Lambert, Hugues).

2) De souscription monogrammatique au génitif il n’y a pas d’exemple alorsqu’on en rencontre à Cambrai avec Gérard Ier, Liébert et Gérard II54. Dans cesdeux possibilités le monogramme est partie intégrante de la souscriptionpersonnelle de l’évêque auteur de l’acte.

3) Désolidarisé des souscriptions, le monogramme est isolé en bas de l’acteà la manière d’un sceau plaqué, soit avant la date (Roger III en 1079) soit à la fin(Robert de Langres, RogerIII en 1092 et Geoffroi de Châlons), mais on peuttoujours lui accorder une valeur de souscription.

Dans cette dernière configuration, présente à la fin du XIe et au XIIe siècle,le monogramme devient une image indépendante qui préfigure en quelque sortel’image-objet qu’est le sceau. Mais cette évolution annonce sa disparition.

2.- Interprétation

Il semble difficile de tirer des conclusions de la présence des monogrammessur les chartes épiscopales en Champagne et Lorraine car elle n’est le fait que detrois sièges sur neuf à travers des séquences chronologiques qui ne se recoupent

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54 - E. VAN MINGROOT, Les chartes de Gérard Ier, Liébert et Gérard II, évêques deCambrai et d’Arras, comtes du Cambrésis (1012-1092/93), Leuven, Leuven UniversityPress, 2005, p. 17.

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pas: Metz 884-886 puis 936-974, Langres ca. 1000-1033 et Châlons 1079-1092puis 1142. Chacun des monogrammes pourrait recevoir un éclairage particulier sion considère son rapport parfois ambigu avec le sceau, ses sources d’inspirations,sa valeur emblématique, enfin si on élargit un peu l’objectif.

2.1.- Monogramme et sceau

Le sceau épiscopal s’est répandu d’est en ouest: après Cologne en 950, ontrouve un sceau à Trèves en 955, à Liège en 980. En Lorraine, il apparaît à Verdunen 967, mais l’usage n’y est courant qu’à partir de l’épiscopat de Thierry (1046-1089) et à Toul que sous Udon (1052-1069), tandis qu’il faut attendre 1060 pourtrouver un sceau à Metz sous Adalbéron III. La province de Reims et laChampagne suivent le mouvement: Laon en 1052, Reims après 1053, Cambraien 1057, Soissons en 1076, Langres en 1088, Châlons en 1097 55. Comme pour lemonogramme, la Lorraine a donc précédé la Champagne pour le sceau. Cettesystématisation du sceau chez les évêques est-elle responsable de l’abandon dumonogramme épiscopal?

A Metz il n’y a pas de lien entre les deux phénomènes puisque l’on ne trouveni monogramme ni sceau entre 984 et 1060 (mort de Thierry et premier sceaud’Adalbéron III). Après l’arrivée du sceau, alors que l’on connaît des actes del’évêque Herman portant des traces de scellement56, un acte s’est vucurieusement validé par une effigie de l’évêque Herman57. Le dessin reprend lafiguration des sceaux contemporains : l’évêque en buste, tête nue, porte la crossede la main droite et le livre de la main gauche. Cet acte est probablement un fauxdans lequel le dessin, prévu puisqu’annoncé à la fin de l’acte, était sans doutedestiné à suppléer l’absence de sceau.

55 - R.-H. BAUTIER, «Le cheminement du sceau et de la bulle des originesmésopotamiennes au XIIIe occidental», Revue d’héraldique et de sigillographie,1984-1989, p. 41-84, réimpr. Chartes, sceaux et chancelleries. Etudes de diplomatique et desigillographie médiévales,Paris, Ecole des Chartes, 1990, t. 1, p. 123-166; et Id.« Apparition, diffusion et évolution typologique du sceau épiscopal au Moyen Age», DieDiplomatik des Bischofsurkunde vor 1250, op. cit., p. 225-241 ; G. BRUNEL, art. cit.,p. 234-238; et pour la Lorraine, C. HIEGEL, «Les sceaux de l’évêque de MetzAdalbéron III (1047-1072)», Retour aux sources. Textes, études et documents d’histoiremédiévale offerts à Michel Parisse, Paris, Picard, 2004, p. 167-178, spéc. p. 167-168. 56 - A. D. 57 : H 42 n° 1 (Artem 339). Le sceau conservé de cet évêque est un faux(C. HIEGEL, art. cit., p.178).57 - A. D. 57 : H 6. Artem 338. R. STUDER, «Catalogue des documents des Archives dela Moselle antérieurs à 1101», Annuaire de la Société d’Histoire et d’ArchéologieLorraine, 32 (1923), p. 121-151, spéc. p. 139, n° 105. Il y a une autre version dont le textediffère sensiblement (A.D. 57: H 6 n° 4. Artem 337)

A Langres, si l’on excepte le monogramme isolé de Robert de Bourgogne ily a un demi siècle sans sceau ni monogramme, à partir de 1033 58, puis sous lesépiscopats d’Hardouin (1050-1065) et d’Hugues-Renard (1065-1084), car lespièces scellées de ces évêques sont des faux 59. Le premier sceau, perdu, de Robertde Bourgogne aurait été apposé en 1088 60.

On pourrait penser qu’à Châlons le sceau a supplanté le monogrammepuisque l’évêque Philippe dont la première annonce de sceau honorée date de1097, a abandonné l’usage du monogramme sans que le chancelier ait changé.L’acte châlonnais de 1092 comporte une annonce de sceau qui n’est pashonorée61. On ne peut dire que le monogramme encerclé de Roger III sert desubstitut au sceau à l’instar de la rota à monogramme de Gérard II de Cambrai62

puisqu’il apparaît dès 1079, non à la fin mais avant la date. Un deuxième caschâlonnais, plus tardif date de 1142 : il s’agit de l’acte de Geoffroi pour Saint-Pierre-aux-Monts qui dans son exemplaire écarté comporte une annonce de sceausans sceau et en bas à droite le monogramme GAUFRIDUS, structuré par un V,tandis que dans l’autre version de l’acte, l’annonce est honorée, mais on retrouveun monogramme structuré autour du D 63.

Excepté peut-être à Châlons, on ne peut dire que le sceau a chassé lemonogramme. La coexistence est d’ailleurs possible. A cet égard, si la charte deRobert de Bourgogne, scellée ultérieurement ne peut être retenue64, on associeparfois monogramme et sceau: à Cologne avec Hermann II en 1043 et AnnonIIentre 1056 et 107565, à Cambrai avec Liébert (1057, 1074, 1075 et 1076) etGérard II (1081 et 1091), à Besançon enfin avec Hugues III en 1092 66.

58 - Acte d’Hugues de 1033, A. D. 52 : 12 H 3 (Artem 168).59 - J.-L. CHASSEL, «L’apparition », art. cit., p. 89. 60 - Ibid.61 - C2.62 - La légende de cette rota, tracée pourtant sur un acte scellé de 1081, la désigne commesubstitut au sceau : Sigillum secundi Gerardi episcopi Cameracensis ecclesie(B.-M.TOCK, op. cit., p. 170-172). On trouve une rota dans un acte d’Hubert de Thérouanne, oùS.signifie Sigillumou Signum(Archives départementales du. Nord (A. D 59): 1 G 109 n°282, Artem 400) et dans un acte de Daimbert de Sens en 1126 (A. GIRY, op. cit., p. 809).63 - C3 (pl. 16).64 - L6 (acte jadis scellé sur double queue de parchemin).65 - E. WISPLINGHOFF, Rheinisches Urkundenbuch. Ältere Urkunden bis 1100, 2 :Elten-Köln, S. Ursula, Dusseldorf, Droste, 1994, p. 330-335, n° 315 et1 : Aachen-Deutz,Bonn, P. Hanstein, 1972, p. 202-205, n° 139. M. GROTEN, «Das Urkundenwesen derErzbischöffe von Köln vom 9. Bis zur Mitte des 13. Jahrhunderts», Die Diplomatik derBischofsurkunden..., op. cit., p. 97-108, spec. p. 100. Au Xe siècle, il y aurait un exemplesuspect dans un acte de Géron; E. WISPLINGHOFF, «Die Kanzlei der Erzbischöffe vonKöln im 10. Jahrhundert. Mit einer Exkurs über die erzbischöffliche Kanzlei in Trier »,Jahrbuch des kölnischen Geschichtsvereins, 1953, t. 28, p. 41-63, spéc. p. 55.66 - Dans deux actes de 1092, Archives départementales du Doubs (A. D. 25): 1 H17(Artem 943 et 944).

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69LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

Il n’y a pas pour cette période de sceau connu qui affecte la forme d’unmonogramme, contrairement à l’époque mérovingienne, où les anneauxsigillaires à monogrammes, utilisés pour sceller la correspondance, ont étécourants.

Le sceau n’a donc pas chassé le monogramme, chacun ayant son rôle dansla validation de l’acte, comme le montrent les exemples de coexistence. Exceptéà Châlons, ces deux pratiques sont distantes dans le temps. Pourtant peut-ontrouver dans le monogramme une valeur emblématique équivalente à celle dusceau ou la préfigurant ? Il faut, pour répondre, examiner les sources d’inspirationdes monogrammes épiscopaux.

2.2.- Sources et influences

L’écart chronologique entre l’émergence des chancelleries lorraines etchampenoises se retrouve dans l’utilisation des moyens de validation,monogramme et sceau. Quelles ont été les sources d’inspiration qui ont guidé leschancelleries?

Les innovations apportées aux caractères externes des privilèges pontificauxpar Léon IX, ancien évêque de Toul élu pape en 1049, nous font saisir une culturedocumentaire bien vive. Léon IX emploie la forme monogrammatique pour laformule épistolaire Bene valeteet c’est dans l’intitulation qu’il utilise lemonogramme de son nom67. Issu du milieu lotharingien, où la sensibilité àl’impact visuel des actes était importante, Brunon innove de la même façon queles évêques qui utilisent le monogramme et qui ont peut-être puisé aux mêmessources. On ne peut exclure que par la suite le Bene valetemonogrammatique aitinspiré à la fin du XIe siècle, les évêques de Châlons et Besançon, les bullespontificales inspirant par ailleurs à plusieurs évêques l’emploi de la rota, àWürzburg, Cambrai, Thérouanne et Sens68.

Le monogramme étant à l’origine une prérogative royale, les évêques se sontprobablement inspirés des pratiques en usages dans les chancelleries souveraines.

67 - T. FRENZ, « Graphische Symbole in päpstlichen Urkunden (mit Ausnahme der Rota)», Graphische Symbole, op. cit., p. 403. L. SANTIFALLER, « Uber die Neugestaltung deräußeren Form der Papstprivilegien unter Leo IX », Festschrift für Hermann Wiesfleckerzum 60. Geburtstag, A. NOVOTNY, O. PICKL (dir.), Graz, Historisches Institut derUniversität Graz, 1973, p. 29-38.68 - J. DAHLHAUS, «Aufkommen und Bedeutung der Rota in des Papsturkunde»,Graphische Symbole, op. cit., 407-423, spéc. p. 413-415. TOCK, op. cit., p. 170-172.GIRY, op. cit., p. 809. J. LAURENT, op. cit., t. 1, p. 106-107.

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La morphologie des monogrammes des évêques de Langres et Châlons est plusproche de la forme compacte employée par les Ottoniens que de la structurecruciforme des Capétiens. En Flandre, autre région limitrophe de l’Empire, lesmonogrammes comtaux, dont la pratique n’est pas systématique, semblent passerde l’influence impériale à l’influence française après 1080, contrairement auxmonogrammes des évêques de Cambrai qui sont tous compacts69. L’influenceimpériale est observable dans d’autres caractères externes : on trouve ainsi dansun acte de l’archevêque Gui de Reims deux chrismes en forme de C et chargé de“ s ”, directement imités des diplômes ottoniens70. Des évêques intègrent leurfonction à leur monogramme à l’instar des Ottoniens à partir d’Otton II: de façonjuxtaposée pour Roger III de Châlons et de façon intégrée pour Hugues III deBesançon71. RogerIII porte son numéro dans la titulature, usage adopté par lesOttoniens et les papes puis à la fin du XIe siècle par quelques évêques72. Quant àAdalbéron de Metz, il a pu s’inspirer des monogrammes d’Henri Ier et Otton Ier,et l’a peut-être également fait pour les ruches.

Les monogrammes antérieurs ne doivent pas être négligés. Les nombreuxdiplômes carolingiens, conservés dans les chartriers cathédraux de Châlons,Langres et Toul ont pu avoir une influence sur la production diplomatique. Lechancelier Garin qui réalise les monogrammes de Roger III à Châlons connaîtsans doute les monogrammes royaux carolingiens puisqu’il a transcris denombreux diplômes dans le cartulaire de l’Eglise de Châlons. Les monogrammescarolingiens sont soit cruciformes (Charlemagne, Charles le Chauve, Charles leGros, Arnoul, Zwentibold), soit structurés par une lettre: le H (Louis le Pieux,Lothaire, Louis le Germanique, Louis le Jeune) ou le M (Carloman)73. Brunond’Eguisheim a du voir au cours de son épiscopat les diplômes de Charles le Groset d’Arnoul pour l’Eglise de Toul. Quant à Saluard, chancelier de Langres audébut du Xe siècle, il s’inspirait probablement pour son monogramme cruciformedes diplômes royaux reçus par l’Eglise de Langres en particulier ceux de Charlesle Chauve et Charles le Gros74.

69 - T. de HEMPTINNE, «Les symboles graphiques dans les chartes du comté de Flandre»,P. RÜCK, Graphische Symbole in mittelalterlichen Urkunden. Beiträge zur diplomatischenSemiotik, Sigmaringen, Thorbecke, 1996, p. 509-528, spéc. p. 510-511 et 515. 70 - A. D. 51 : 56 H 206 (Artem 24). 71 -P. RÜCK, Bilberichte vom König, op. cit., p. 22 et p. 111-113, n° 295 à 316. (B.-M.TOCK, op. cit., p. 169, n. 93).72 - Hugues III de Besançon, Adalbéron III de Metz, Gérard II de Cambrai, Raoul II deTours et Jean II d’Orléans.73 - P. RÜCK, Bildberichte vom König. op. cit.74 - R.-H. BAUTIER, «Les diplômes royaux carolingiens pour l’église de Langres etl’origine des droits comtaux de l’évêque», 1285-1985, autour du 9e centenaire durattachement de la Champagne à la France, la future Haute-Marne du IXe au XIVe siècle,Chaumont, 26-27 avril 1985, Les Cahiers Haut-Marnais,1986, n° 167, p. 145-177.

L’usage du monogramme a cependant aussi des origines privées et nonproprement diplomatiques. A l’instar des chrismes, S barrés et autres signes, ilétait en effet fréquemment gravé sur les anneaux sigillaires, qui à l’époquemérovingienne et encore à l’époque carolingienne étaient employés pour clore leslettres75. Le monogramme était alors compact, jamais cruciforme et parfoisencadrant un S barré. La Champagne et la Bourgogne du nord se distinguent parune grande fréquence de ces anneaux76. A partir du Xe siècle, les souscriptions deschartes semblent puiser dans ce qui était auparavant le vocabulaire emblématiqueou apotropaïque des anneaux sigillaires et ce qui se voyait en empreinte sur deslettres se retrouve graphiquement dans les actes. Le monogramme ne figure plusalors sur les matrices annulaires privées, mais fait son apparition dans les actesprincipalement comme emblème personnel graphique de l’évêque77.

Même si l’usage du monogramme à Metz et Langres n’a duré que quelquesdécennies, il a constitué une tradition à laquelle sont venus puiser les faussairesqui ont paré des chartes de monogrammes au XIIe siècle : les faux monogrammesd’Etienne de Bar et l’unicum suspect de Thierry IV. Ceux de Robert deBourgogne et de Geoffroi de Châlons, apparaissent après des décennies sansmonogramme, résurgences ponctuelles qui n’apparaissant pas ex nihilo maischerchent plutôt à renouer avec une tradition. D’une façon comparable, en 1070,un acte d’Adalbéron III utilise encore la ruche que les autres évêques n’utilisentplus78.

Rien ne permet de déceler dans l’usage du monogramme des influencesentre les trois sièges et plutôt que d’y voir une émulation immédiate née despratiques contemporaines, on y verrait bien plus l’insertion dans une certaineépaisseur mémorielle.

75 - BAUTIER, « Le cheminement…», art. cit., p. 133-135 et DELOCHE, op. cit., p.LXIII et XLV-LIV.76 - Les anneaux mérovingiens à monogrammes sont plus fréquents en Champagne (17)qu’en Lorraine (3): Ardennes: 1 (HADJADJ, n° 26), Aube: 8 (DELOCHE, n° 19, 63, 66,67 et 69, HADJADJ, n°34, 41 et 42), Marne: 8 (DELOCHE, n°115 et 126, HADJADJ, n°130, 131, 133, 134, 161, 165 et 179), Meurthe-et-Moselle: 2 (HADJADJ, n°195 et 196),Moselle : 1 (HADJADJ, n° 216). Voir la carte de V. HILBERG, op. cit., p.94. Lemonogramme d’un des deux anneaux sigillaires en or trouvés dans la nécropole de Saint-Evre de Toul a été lu Endulusdans lequel on a vu le 13e évêque de Toul ; cette identificationn’est qu’une hypothèse. A. LIEGER, R. MARGUET, J. GUILLAUME, «Sépulturesmérovingiennes de l’abbaye de Saint-Evre de Toul (Meurthe-et-Moselle)», Revuearchéologique de l’Est et du Centre-Est, t. 35, fasc. 3-4, 1984, p. 301-317, spéc. p.315-316.77 - On connaît encore à cette époque l’anneau sigillaire de Radbod, archevêque de Trèves(883-915), R.-H. BAUTIER, «Apparition … », art. cit., p. 225.78 - A. D. Moselle H 24 n° 17 (Artem 335). L’absence totale d’originaux pour la premièremoitié du XIe siècle ne permet pas de savoir s’il s’agit d’une permanence ou d’unerésurgence ; la ruche était encore utilisée en 984 par Adalbéron II (BnF: ms. lat. 10030,Cartulaire de Saint-Martin de Glandières).

71LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

2.3.- Sens des monogrammes

Du rôle de souscrire et valider l’acte nous voudrions passer au sens plussymbolique qui peut se cacher derrière le monogramme. Une pratique aussi rarepeut-elle éclairer la personnalité des évêques ou les représentations mentalescirculant dans les chancelleries? Plus que l’usage du sceau, qui présente descontingences techniques inévitables, l’usage du monogramme révèle un choixdélibéré de la part de l’évêque, une aptitude de la part du chancelier, uneconnaissance enfin des antécédents.

Les monogrammes d’évêques ont une valeur emblématique personnelle quel’on pourrait comparer à celle des monogrammes des anneaux sigillaires del’époque franque. A l’exception de celui de Robert de Metz, ils n’utilisent pas lasymbolique religieuse, qui se cache derrière les monogrammes royaux etimpériaux79. La solennité qui se dégage des caractères externes et en particulierdu monogramme est destinée à marquer non seulement le public de lapromulgation de l’acte mais encore le public futur en lui conférant une auctoritas.Imiter les usages de l’empereur ou du roi, ou encore les usages des souverains dupassé carolingien, c’est déjà afficher son rang voire ses ambitions.

Davantage que celle de leurs successeurs, la personnalité des évêquesinaugurateurs de cette pratique devrait être éclairante. Robert de Metz emploie lemonogramme dès 885 soit quelques années avant qu’il se pare du titred’archevêque (entre 890 et 895). Le monogramme est peut-être le signe del’ambition de Robert probablement marqué par le souvenir de ses prédécesseursayant reçu le pallium 80. Adalbéron Ier qui renoue avec une pratique peut-être

79 - Sur le sens religieux des monogrammes des Ottoniens, P. RÜCK, Bildberichte vomKönig, op. cit., en particulier le chapitre intitulé «Golgotha : die Monogramme derdeutsche Könige und Kaiser», p. 21-26.80 - M. GAILLARD, « De privato honore Mettensium Pontificum: les archevêques deMetz à l’époque carolingienne», Annales de l’Est, 6e série, 55e année, n°1, 2006, p. 151-174, voit à propos du titre d’archevêque employé par Robert, un abus de Sigebert deGembloux et une intervention du cartulariste de Gorze, mais dans quel but ce dernier aurait-il modifié la titulature de Robert et pourquoi ne l’aurait-il pas fait partout? Robert n’utilisepas le titre d’archevêque en 885 (M1) ni en 886 (M2) mais dans un acte d’après 890 (A.D’HERBOMEZ, p. 135-137, n° 75, sur la datation : p. 465-467) et en 903 dans l’intitulationd’un acte dont la souscription porte au contraire episcopus(Ibid., p. 155-157, n° 86). Parmiles actes n’émanant pas de lui, deux actes de 895 et 912 le qualifient d’archevêque (A.D’HERBOMEZ, p. 149-151, n° 83; p. 162-164, n° 89), et un acte ne le fait pas (Ibid. p.164-167, n° 90). Les actes mentionnés sont tous dus à des scribes différents et à l’exceptiond’un seul ne sont connus que par le cartulaire de Gorze dont l’édition n’est pas exempted’omissions. Robert s’intitule donc archevêque et est qualifié ainsi après 890-895, même siles preuves font défaut pour assurer qu’il ait bien reçu le pallium.

72 JEAN-BAPTISTERENAULT

interrompue sous Wigerich et Bennon, utilise le premier monogramme composéde toutes les lettres. Imitant Robert, Adalbéron veut sans doute manifester leprestige du siège de Metz, ancienne capitale du royaume d’Austrasie et nécropolecarolingienne, volonté, qui ne peut être attribuée à une intervention dubénéficiaire, puisque dans quatre cas sur cinq les actes sont réalisés par lechancelier Adélard. Adalbéron, grand animateur de la réforme monastiquelotharingienne, est issu de la maison d’Ardenne, puissamment établie en Haute-Lotharingie. Adalbéron et Brun de Roucy sont d’ascendance royale, le premierest le petit-fils du roi Louis le Bègue et le second a pour mère Albérade deLotharingie, petite-fille de Henri Ier de Germanie et par ailleurs belle-fille deLouis IV. Pierre Gautier proposait de voir dans les ancêtres de Brun uneexplication à l’adoption du monogramme à Langres81. A Cologne, Hermann II,premier archevêque à utiliser un monogramme, se dit dans sa titulature fils deMathilde, fille d’OttonII 82. A contrario d’autres évêques ayant du sangcarolingien, notamment les évêques issus comme Adalbéron de Metz de lamaison d’Ardenne, Adalbéron de Reims, AdalbéronII et AdalbéronIII de Metzainsi qu’Adalbéron de Verdun n’emploient pas de monogramme.

Le monogramme à une valeur d’image-emblème, à l’instar du sceau mais ilest plus facile à réaliser. Des évêques de l’Empire qui sont souvent les alliés dessouverains et sont issus de la haute aristocratie d’origine carolingienne, ont doncparfois imité les usages graphiques des chancelleries souveraines. Les évêques duroyaume limitrophes de l’Empire partagent avec eux les mêmes sourcesd’inspiration ce qui est tangible à Reims, Châlons, Cambrai et Langres.

*

Si on ne peut donc pas dire que l’usage du monogramme soit une spécificitédes chancelleries champenoises et lorraines, il est notable que cet usage aitperduré dans plusieurs chancelleries épiscopales de part et d’autres de la frontièred’Empire, dans une zone comprise entre Cambrai et Besançon, ce qui témoigneà la fois d’une culture diplomatique commune enracinée dans le passé carolingienet de l’influence de la diplomatique impériale. L’attachement aux qualitésvisuelles de l’acte s’est particulièrement développé en Lotharingie, dans lesdiocèses voisins de l’Empire et particulièrement dans la province de Reims, unede ses expressions les plus manifestes est la succession de plusieurs générations

81 - P. GAUTIER, op. cit., t. 1, p. 82. 82 - M. GROTEN, art. cit., p. 100.

73LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

de monogrammes, quelque soit la multiplicité de leurs sources et la polysémieque cèle chaque exemple.

Si la comparaison n’a pas permis d’établir des parentés assurées,l’observation révèle une fréquence des signes graphiques, symboles de pouvoir,monogrammes, ruches ou rotae, de part et d’autre de la frontière d’Empire, dansdes régions où la tradition documentaire, à travers bulles, diplômes royaux etimpériaux était riche et influençait la production diplomatique, dans sescaractères externes et internes. Le monogramme épiscopal, en même temps qu’unmode original de souscrire qui a fini par être abandonné, le plus souvent avantmême l’adoption du sceau, est une image de pouvoir. Son usage emprunté auxsouverains vient affermir symboliquement l’autorité de l’évêque.

74 JEAN-BAPTISTERENAULT

Annexe

Actes pourvus de monogrammes d’évêques en Lorraine et Champagne

M = Metz ; L = Langres; C = Châlons-en-Champagne

M1

884-886 ou vers 885 (Parisse)

Robert, évêque de Metz, fait savoir qu’il restitue à l’abbaye Saint-Arnoul de Metzl’église Saint-Martin de Rémilly et le village de Neef.

A. Original sur parchemin. 730 x 480. A. D. 57 : H 29 n° 4 [Artem 296]. Pl. 1. -B. Petit cartulaire de Saint-Arnoul, Bibliothèque de l’abbaye de Clervaux(Luxembourg) : ms. 7 (ex 107), f° 43v. – C. Grand Cartulaire, p. 44-45, n° 27. –D. Copie XVIe siècle, A. D. 57 : H 29 n° 4.

Pl 1. Robert, évêque de Metz, ca. 885 (M1)

a. Histoire de Metz, op. cit.,III, Preuves, p. 46-47. – b. KEHR, Die UrkundenKarls III., n°137a, p. 219-220 (publication partielle : dispositif). – c. Le souvenirdes Carolingiens, texte et traduction p. 148-151, n° 88.

Indiqué : R. STUDER, p. 127, n° 33. – M. PARISSE, Le souvenir desCarolingiens, p. 215, n° 88. – TOCK, op. cit., p. 164.

Authenticité : Michel Parisse y voit une copie figurée du XIIe siècle mais laprésence de notes tironiennes permet de croire cet acte plus ancien.

75LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

Souscription : (Monogramme de R[obertu]s) METTENSIS ACLESIAEINDIGNUS AEPISCOPUS SUBSCRIPSIT(SIGNUM).

M2

886 - Metz

Robert, évêque de Metz, approuve la fondation d’une chapelle à Doncourt[-aux-Templiers] à la demande de Bivin.

B. Cartulaire de Gorze (XIIe siècle), Bib. mun. Metz: ms. 826 (perdu en 1944),p. 107-108, titre 76.

a. Histoire de Metz, III, Pr., p. 47. - b. D’HERBOMEZ, Cartulaire de Gorze,p. 140-141, n° 77.

Indiqué : F. du SAULCY, « Notice sur le cartulaire de l’abbaye de Gorze et tabledes pièces qu’il renferme», J.-J. CHAMPOLLION-FIGEAC (dir.), Documentshistoriques inédits tirés des collections manuscrites de la Bibliothèque royale etdes archives ou des bibliothèques des départements, Paris, Firmin Didot, 1843,II, p. 129-143, n° 77. – P. MARICHAL, Remarques chronologiques ettopographiques sur le cartulaire de Gorze, Paris, Klincksieck, 1902, p. 28-31.

Authenticité : Marichal suspecte cet acte à cause de la date dans laquelle Charlesle Gros est dit roi et non empereur.

Monogramme: L’annonce du monogramme devrait permettre de croire en saprésence sur l’original perdu. Il est difficile de savoir s’il avait été copié sur lecartulaire, F. de Saulcy ne l’indique pas, qui indique en revanche celui de M3.D’Herbomez avoue (Introduction, p. IV) n’avoir reproduit que les signesgraphiques qui lui «ont paru les plus intéressants».

Annonce du monogramme : hoc memorie scriptum facere jussimus, et factummanu propria monogramma nostri nominis illud signavimus stipulationesubnixa.

76 JEAN-BAPTISTERENAULT

M3

Après le 16 décembre 936.

Adalbéron [Ier], évêque de Metz, restitue à l’abbaye de Gorze le domaine deMoivrons.

B. Cartulaire de Gorze (XIIe siècle), Bib. mun. Metz: ms. 826 (perdu en 1944),p. 138 et 139, titre 95. Pl.2.

Pl 2.Adalbéron Ier, évêque de Metz, 936 (M3)

a. Histoire de Metz, III, Pr., p. 60-61. - b. A. D’HERBOMEZ, p. 177-179, n° 96.

Indiqué : K. WICHMANN, « Adelbero I. bischof von Metz, 929-962»,JGLGA, 1891, p. 104-174, spéc. p.173, n° 2. – M. PARISSE, « L’abbaye deGorze dans le contexte politique et religieux lorrain à l’époque de Jean deVandières », Id. et O. G. OEXLE, L’abbaye de Gorze au Xe siècle, Nancy, PUN,1993, p. 51-90, spéc. p. 71-72. – J. NIGHTINGALE, «Beyond the narrativesources: Gorze’s charters 934-1000 AD », L’abbaye de Gorze…, op. cit., p. 91-104, spéc. p. 97-98.

Fac-similé : D’HERBOMEZ, p. 139 [monogramme à rapprocher de M4].

Date : Le cartulariste a donné la date de 936, absente du texte. Alors qu’un actedu 16 décembre 936 (M. PARISSE, art. cit., p. 64-66) est souscrit par lechancelier Everinus, celui-ci l’est par le chancelier Adélard. M. Parisse (Ibid., p.71-72) place cet acte après le 16 décembre 936.

77LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

M4

942, 15 mars - Metz.

Adalbéron [Ier], évêque de Metz, instaure la règle bénédictine à Saint-Arnoul.

A. Original sur parchemin, 500 x 475, A. D. Moselle H 6 n° 1 [Artem 302]. Pl. 3.- B. Petit Cartulaire de Saint-Arnoul, f° 29r-29v. – C. Grand cartulaire, n° 17,p. 26-29. – D. Copie du XVIIIe siècle, A. D. 57 : H 6 n° 1.

Pl 3.Adalbéron Ier, évêque de Metz, 942 (M4)

a. A. CALMET, Histoire de la Lorraine, 1e éd. t. 1, p. col. 359; 2e éd., t. II, Pr.,col. 188-190. - b. Gallia christiana, XIII, Instrumenta, col. 386. – c. Le souvenirdes Carolingiens, p. 96-99 (édition et traduction, d’après B.)

Indiqué : K. WICHMANN, « Adelbero I. », art. cit., p. 173 n°3. – R. STUDER,p. 129, n° 41. – M. PARISSE, Le souvenir des Carolingiens, p. 210, n° 58.

Authenticité : M. Parisse considère cet acte comme un pseudo-original mais laprésence de notes tironiennes dans le chrisme initial et la ruche ne permettent pasd’y voir un pseudo-original tardif.

78 JEAN-BAPTISTERENAULT

M5

[ca. 944]

Adalbéron [Ier], évêque de Metz, nomme Anstée abbé de Saint-Arnoul de Metz etdonne à l’abbaye des biens situés notamment à Pournoy.

A. Pseudo-original, parchemin, 760 x 600, A. D. Moselle H 6 n° 2, sceau plaqué[Artem 304]. - B. Copie XIe siècle, parchemin, 670 x 540. Pl. 4. – C. Petitcartulaire, f°29r-30r. – D. Copie XVIIIe siècle, A. D. 57 : H 97 n° 1. – E. BnF:coll. Baluze, t. 47, f° 109-110, d’après C.

Pl 4. Adalbéron Ier, évêque de Metz, ca. 944 (M5, B).

a. A. CALMET, Histoire de la Lorraine (2e éd.), II, Pr., col.185-187. – b. GalliaChristiana, XIII, Instrumenta, col. 387-389. – c. K. WICHMANN, « AdalberosI. Schenkungsurkunde für das Arnulfskloster und ihre Falschung», JGLGA,II (1890), p. 309-319 et pl. III, sur le sceau, p. 309. – d. Le souvenir desCarolingiens, p. 98-103 (d’après C.).

Indiqué : E. SAUER, «Notice sur un sceau épiscopal messin du Xe siècle »,Mémoires de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle, parus dansL’Austrasie, 1858, p. 227-229. – K. WICHMANN, « Adelbero I. », art. cit., p.174, n°6. – R. STUDER, p. 129, n° 43. - C.-E. PERRIN, «Sur le sens du motcentenadans les chartes lorraines du Moyen Age », Bulletin Du Cange, V (1929-1930), p.184, n. 3. – HIEGEL, art. cit. p. 173-177. – M. PARISSE, Le souvenir…,op. cit.,p. 211, n°59.

79LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

Authenticité : Le sceau plaqué est un sceau faux d’Adalbéron III (K. Wichmann,Ch.Hiégel). L’écriture ne peut être du Xe siècle, Karl Wichmann date lafalsification de la première moitié du XIIe siècle, Charles-Edmond Perrin de laseconde moitié et Michel Parisse la date du XIIe siècle. La souscription duchancelier Adélard diffère beaucoup de celle de M4.

M6

945, 6 octobre - Metz

Adalbéron [Ier], évêque de Metz, demande à Otton Ier de confirmer à l’abbayeSainte-Glossinde de Metz la possession de l’abbaye d’Hastière que lui-mêmetenait de ses parents, réforme Sainte-Glossinde, lui impose pour abbesse sa nièceHimiltrude et confirme des biens.

A. Pseudo-original sur parchemin, 540 x 360, A. D. 57 : H 4058 n° 2[Artem 305]. Pl. 5.– B. Copie XVIIIe siècle, ibid.

Pl 5. Adalbéron Ier, évêque de Metz, 945 (M6).

a.A. CALMET, Histoire de Lorraine, II, Pr., col. 200-202.

Indiqué : Histoire de Metz, III, Pr., p. 64. – R. STUDER, p. 129, n° 44. –C. E. PERRIN, Recherches sur la seigneurie rurale en Lorraine d’après les plusanciens censiers (IXe-XIIe siècles), Paris, Les Belles Lettres, 1935, p.666, n°2. –K. WICHMANN, « Adelbero I.», art. cit., p. 174, n° 7.

Authenticité : L’écriture ne peut-être du Xe siècle. Le monogramme est d’undessin différent des autres monogrammes connus d’Adalbéron. Le B ne s’y

80 JEAN-BAPTISTERENAULT

trouve pas, à moins qu’il ne faille le trouver dans deux lobes répartis à la pointedu A.

M7

952, 24 novembre - Metz

Adalbéron [Ier], évêque de Metz, donne pour l’hospice de Saint-Arnoul l’églisede Marieulles.

A. Pseudo-original sur parchemin, 500 x 480, A. D. 57 : H 6 [Artem 310]. Pl. 6.

Pl 6. Adalbéron Ier, évêque de Metz, 952 (M7).

a., J. FRANCOIS, N. TABOUILLOT, Histoire de Metz, III, Preuves, p. 69-70.

Indiqué : R. STUDER, p. 130, n° 49. – K. WICHMANN, « Adelbero I. », art.cit, p. 174, n°8.

Authenticité : L’écriture doit être postérieure au Xe siècle, le monogramme esttracé avec un peu d’hésitation. Il n’y a ni ruche ni souscription de chancelier.

81LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

M8

974 ou 975, 1er février - Metz

Thierry [Ier], évêque de Metz, confirme les biens de l’abbaye Sainte-Glossinde.

A. Original, A. D. 57: H 4058b, 710 x 590 [Artem 313]. Pl. 7. – B. Copie XVIe,ibid. – C. Copie XVIIIe, ibid.

Pl 7. Thierry Ier, évêque de Metz, 974 (M8)

Traduction: J. FRANCOIS, N. TABOUILLOT, Histoire de Metz, III, Pr., p. 75-76.

Indiqué : R. STUDER, p. 132, n° 60. – G. WOLFRAM, « Die UrkundenLudwigs des Deutschen für das Glossindekloster in Metz », Mitteilungen desInstitut für Österreichische Geschichte, 11 (1890), p. 1-27.

L1

[992-1003] - Langres

Brun [de Roucy], évêque de Langres donne aux moines de Saint-Michel deTonnerre l’église de Coussegrey que Milon de Tonnerre leur concède en bénéfice.

A. Original perdu. Pl. 9 (d’après P. GAUTIER). - B. Copie du XVIe siècle, Bib.mun. Tonnerre: ms. 28, cartulaire D de Saint-Michel de Tonnerre, f° 100v°. -C. Copie du XVIe siècle, Bib. mun. Tonnerre, ms. 31, cartulaire H de Saint-Michel de Tonnerre, f° 20 et 21r° d’après A. - D. Copie XVIIe siècle par AntoineThibault, Quaternions, Bib. diocésaine de Langres, f° 25r° et v° d’après A.

82 JEAN-BAPTISTERENAULT

[dessin du monogramme]- E. Copie fin du XVIIIe siècle, Bib. diocésaine deLangres, ms. Abbé Mathieu, t. IV, f° 35, d’après D.

Pl 9. Brun, évêque de Langres, 992-1003 (L1), d'après GAUTIER.

a. E. PETIT, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, avec desdocuments inédits et des pièces justificatives,Paris, Lechevalier, 1885-1905, II,p. 427-428 (édition partielle), d’après B.

Indiqué : Analyse du XVIIIe siècle, par Piétrequin de Gilley, Bib. de la SociétéHistorique et Archéologique de Langres: ms. E 774, p. 276. – M. QUANTIN,op. cit., I, p.157. – J. SCHNEIDER, «Notes sur les actes de Brun de Roucy,évêque de Langres (980-1016)», Aux origines d’une seigneurie ecclésiastique,Langres et ses évêques (VIIe-XIe siècles), Langres, 1986, p. 167-188, spéc.p. 169, n. 6 et p. 176.

L2

1018, 28 mai. – Châtillon-sur-Seine.

Lambert, évêque de Langres, notifie et confirme la fondation du prieuré deGriselles par Ermengarde, comtesse du Vermandois, et le dote de l’autel del’église du lieu ainsi que des autels des églises de Laignes et de Nicey.

A. Original sur parchemin, 670 x 520, A. D. 52: 2 G 1171 provisoire [Artem 165].

a. Gallia christiana, IV, Instrumenta, col. 139 (d’ap. A.). - b. M. PARISSE, «Lepréambule d’une charte du XIe siècle, document et texte littéraire», Revue desEtudes Latines, 2000, n° 78, p.16-25 (étude, édition et traduction).

Indiqué : P. GAUTIER, II, n°73.

83LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

L3

1019, 23 janvier. – Langres.

Lambert, évêque de Langres, cède l’abbaye de Sexfontaines à titre viager àCunégonde, femme d’Aimon, son fidèle, et à ses fils Henri et Otton, à la conditionqu’Aimon et Cunégonde augmentent les biens de cette abbaye, qu’ils ymaintiennent les clercs et qu’Henri et Otton tiennent ces biens de l’évêque;Henri, Otton et Aimon donnent à l’abbaye un alleu à Robert-Espagne.

A. Original sur parchemin, 529 x 450, A. D. 52 : 28 H 4 [Artem 166]. Pl. 10. -B. Copie XVIIe siècle, par Antoine Thibaut, Quaternions, ms., Bibliothèque ducomte de Pange [au début du XXe siècle], f°26r°v° (d’après A.). - C. Copie finXVIII e siècle, Bib. diocésaine de Langres: ms. Abbé Mathieu, IV, p.36 (d’aprèsB.).

Pl 10. Lambert, évêque de Langres, 1019 (L3).

a. Gallia christiana, IV, Instrumenta, col. 142-143 (d’après A.).

Indiqué : P. GAUTIER, II, n° 74.

L4

1022, 8 avril. – Langres

Lambert, évêque de Langres, donne en précaire à Humbert, comte [de Savoie],et à ses deux fils Amédée et Burchard, évêque [d’Aoste], la pôté d’Ambilly,excepté dix manses appartenant à Saint-Mammès qu’il réserve à Ermengarde,reine [de Bourgogne], en contrepartie de la cession à Saint-Mammès de l’églisede Cusy.

A. Original sur parchemin, Archives départementales de Haute-Savoie (A. D.74) : , SA 128 [Artem 622]. - B. Copie conservée dans la bibliothèque deDominico Promis, Conservateur des Médailles du Roi d’Italie [début XXe siècle].- C. Copie sur papier, XVIII e siècle, A.D. 52 : 2 G 1171 n° 3.

84 JEAN-BAPTISTERENAULT

a. CIBRARIO et PROMIS, Documenti, sigilli e monete appartenenti alla storiadelle monarchia di Savoia, Turin, Stamperia reale, 1833, p. 97-99. - b. HistoriaePatriae Monumenta edita jussu Regis Caroli Alberti, chartae, Turin, Typografiaregia, 1836, I, col. 436-438, n° 254. - c. P. GAUTIER, II, n°78.

Fac-similé : G. DETRAZ, Catalogue des sceaux médiévaux des Archives de laHaute-Savoie, Annecy, Archives départementales de la Haute-Savoie, 1998.

L5

1032, avant le 20 juillet. - Langres.

Hugues de Breteuil, évêque de Langres, donne à la nouvelle communauté declercs de Saint-Etienne de Vignory l’autel de cette église, en maintenantl’obédience envers l’Eglise de Langres et un cens annuel de trois sous.

B. Cartulaire de Saint-Bénigne (fin XIe siècle), Bib. mun. Dijon: ms. 591, f°81r°[dessin du monogramme]. Pl. 11 - C. Copie notariée de 1664, A. D. 21 : G 132,f°224r°. - D. Cartulaire Bouhier (1721), BnF: ms. lat. 17082, f°201v°-202r°.

Pl 11. Hugues, évêque de Langres, 1032 (L5, B), Coll. Bibliothè

a. E. PERARD, Recueil de pièces curieuses servant à l’histoire de la Bourgogne,Paris, C. Cramoisy, 1664, p.181 (d’ap. A.) – b. Gallia christiana, IV, Instrumenta,col. 557 (éd. partielle d’après a.). - c. G. CHEVRIER, M. CHAUME, Chartes deSaint-Bénigne, II, Dijon, Bernigaud et Privat, 1943, p. 89-90, n° 311.

Indiqué : P. GAUTIER, II, p. 126, n°81.

85LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

L6

1091 - Langres

Robert de Bourgogne, évêque de Langres, donne à Saint-Oyend de Joux (depuisSaint-Claude) l’église Sainte-Germaine et Saint-Etienne de Bar-sur-Aube.

A. Original sur parchemin, 505 x 380, Archives départementales de l’Aube(A. D. 10) : 63 H [Artem 760].

a. H. D’ARBOIS DE JUBAINVILLE, Histoire de Bar-sur-Aube sous les comtesde Champagne, 1077-1284, Paris, A. Durand, 1859, p. 139-140.

Indiqué : P. GAUTIER, II, p. 917-918, n° 127. – J.-L. CHASSEL,« L’apparition», art. cit., p. 90, n. 52. – B.-M. TOCK, p. 165.

Authenticité : J.-L.Chassel a suspecté cet acte pour l’accord donné par lesmoines de Molesmes qui revendiquèrent ce bien par la suite. La présence d’unedouble queue de parchemin est suspecte même si elle a pu être ajoutée bien plustard.

C 1

1079 - Châlons[-en-Champagne]

Roger III, évêque de Châlons[-en-Champagne], fait savoir qu’il a confirmé lesdonations faites à l’abbaye Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons par sesprédécesseurs, et les donations faites par le comte Gautier, des biens qu’il tenaitprès de Bussy de Roger II. Elle recevra l’autel de Jâlons et se verra restituél’autel de Saint-Lumier[-en-Champagne]. L’évêque donne à l’abbaye les autelsde Saint-Jean-devant-Possesse, Rosay, Saint-Germain[-la-Ville] et Champagne.

A. Original sur parchemin, A. D. 51 : H 512 [Artem 45].Pl. 13. - B. Copie duXVIII e siècle, H 512. – C. Copie du XVIIIe siècle, BnF: Coll. Champagne, t. 6,f° 102r°.

86 JEAN-BAPTISTERENAULT

87LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

Pl. 13. Roger III, évêque de Châlons, 1079 (C1)

Indiqué : Dom FRANCOIS, Histoire du diocèse de Châlons-sur-Marne, Bib.mun. Châlons: ms. 121, p. 210. – M.-J. GUT, p. 76, n° 15. – J. STIENNON, op.cit., p. 114-115. – B.-M. TOCK, p. 154.

Authenticité : Les écritures de C1 et C2 sont comparables à celle du cartulaire duchapitre (A. D. 51: G 462. A sans barre horizontale, E, N et d dont la haste vireà gauche) réalisé par le chancelier et chantre Garinmais est ornée de treillis et deg cédillés (voir J. Stiennon), il n’y a donc pas de raison d’y voir, comme M.-J.GUT une copie du XIIe siècle.

C2

1092 - Châlons[-en-Champagne]

Roger III, évêque de Châlons[-en-Champagne], confirme à la demande deLambert, abbé de Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons, la donation faite par lui-même à l’abbaye, des autels de Saint-Louvent, Possesse, Vavray[-le-Grand],Saint-Germain[-la-Ville], Daucourt, Saint-Pierre, Saint-Jean[-devant-Possesse],Mairy[-sur-Marne], Soulanges, Rosay.

A. Original sur parchemin, A. D. 51 : H 512 [Artem 54]. Pl. 14. - B. Copie duXVIII e siècle, ibid.

88 JEAN-BAPTISTERENAULT

Pl. 14. Roger III, évêque de Châlons, 1092 (C2).

a. Gallia christiana, t. X (1751), Instr., col. 157, d’après A. – b. MgrTh. GOUSSET, Les actes de la province ecclésiastique de Reims, II, Reims,L. Jacquet, 1844, p. 105-106.

Indiqué : L.-G. de BREQUIGNY, Tables des chartes et diplômes relatifs àl’histoire de France, Paris, Imprimerie royale, 1775, II, p. 248. -DomFRANCOIS, p. 215. – M;-J. GUT, p. 78, n°17. – B.-M. TOCK, op. cit.,p. 154.

Authenticité : voir C1.

C3

1142 – Châlons[-en-Champagne]

Geoffroi, évêque de Châlons[-en-Champagne], définit et confirme les privilègesdu ban de Saint-Pierre-aux Monts.

A. Original sur parchemin, A. D. 51 : H 512, pièce non cotée, scellé d’un sceauemballé. Pl. 15. - A’. Autre exemplaire sur parchemin, A. D. 51 : H 512, piècenon cotée, non scellé. Pl. 16. - B. Copie du XVIIIe siècle, A. D. 51 : H 512, piècenon cotée.

89LE MONOGRAMME DANS LES CHARTES ÉPISCOPALES...

Pl 15. Geoffroi, évêque de Châlons, 1142 (C3, A).

Pl 16. Geoffroi, évêque de Châlons, 1142 (C3, A').

a. M.-J. GUT, p. 122, n° 101.

Authenticité : dans A’ le sceau est annoncé, mais il n’y aucune trace descellement. Il y a un changement de main juste après l’annonce, (moins de hasteslongues), puis encore après la date pour la liste des témoins.