La 'schola' du Trajan et la maison du consul Q. Fabius Agrippinus

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La 'Schola du Trajan' et la domus du consul Caius Fabius Agrippinus à Ostie 1 En 2006, l’équipe de la fouille de la Schola du Trajan 2 dirigée par le professeur J.-M. Moret, a mis jour une fistule (fig. 1 Chr. Bocherens, autore delle scoperte epigrafiche qui presentate, a seguito delle nostre ripetute proficue discussioni sull'argomento, ha desiderato che in calce al presente articolo figurassero le firme di ambedue.. In particolare, ho contribuito alla revisione e storicizzazione dei testi soprattutto nell'ottica di una "ambientazione ostiense" dei personaggi e della loro domus, traendo spunti per questo anche da un mio intervento nel colloquio tenutosi nel Febbraio 2007 a St.Romain-en-Gal (vd..nota sg.), i cui atti sono ora in stampa, e aggiungendovi altre considerazioni. Nei pochi casi in cui le opinioni non concordavano. la divergenza è stata segnalata con le iniziali degli autori. A M. Letizia Caldelli dobbiamo suggerimenti, utilissimi come sempre (F.Z.). 2 MORARD, WAVELET 2002; MORARD 2003 a; MORARD 2003 b. En dernier lieu, une synthèse générale à paraître dans : Villas, maisons, sanctuaires et tombeaux tardo-républicains. Découvertes et relectures récentes, Actes du colloque international de Saint-Romain-en-Gal (7-9 février 2007). 1

Transcript of La 'schola' du Trajan et la maison du consul Q. Fabius Agrippinus

La 'Schola du Trajan' et la domus duconsul Caius Fabius Agrippinus à Ostie 1

En 2006, l’équipe de la fouille de laSchola du Trajan2 dirigée par le professeurJ.-M. Moret, a mis jour une fistule (fig.

1 Chr. Bocherens, autore delle scoperte epigrafiche quipresentate, a seguito delle nostre ripetute proficue discussionisull'argomento, ha desiderato che in calce al presente articolofigurassero le firme di ambedue.. In particolare, ho contribuitoalla revisione e storicizzazione dei testi soprattutto nell'ottica diuna "ambientazione ostiense" dei personaggi e della loro domus,traendo spunti per questo anche da un mio intervento nelcolloquio tenutosi nel Febbraio 2007 a St.Romain-en-Gal (vd..notasg.), i cui atti sono ora in stampa, e aggiungendovi altreconsiderazioni. Nei pochi casi in cui le opinioni nonconcordavano. la divergenza è stata segnalata con le iniziali degliautori. A M. Letizia Caldelli dobbiamo suggerimenti, utilissimi comesempre (F.Z.).

2 MORARD, WAVELET 2002; MORARD 2003 a; MORARD 2003 b.En dernier lieu, une synthèse générale àparaître dans : Villas, maisons, sanctuaires et tombeauxtardo-républicains. Découvertes et relecturesrécentes, Actes du colloque international deSaint-Romain-en-Gal (7-9 février 2007).

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1) et un fragment d'inscription (fig. 2).Ces découvertes ont conduit àl'identification du propriétaire de ladomus et elles posent la délicate questionde la continuité d'occupation d'un site parune même famille sur plusieursgénérations3.

Fig. 1. Tuyau en plomb au nom de C. Fabius Agrippinus trouvédans la "Schola du Trajan"

A Ostie, on connaît peu de propriétairesde maisons qui ont occupé des chargesimportantes en dehors de la colonie. Le3

? A ce sujet : SETTIPANI 2002.

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plus souvent, la disparition des fistules,due à la récupération du plomb, ou lemanque d’informations sur le lieu exact dela découverte, spécialement pendant lesfouilles d’avant-guerre, entrave une telleenquête. Tandis que l'inscription faisaitpartie du remblai créé par la destructionde la demeure lors de l'établissement de laSchola du Trajan, dans notre cas, lafistule se trouvait encore en place, sousl'atrium de la domus du IIe siècle aprèsJ.-C. Cette fistule désigne lepropriétaire, Caius Fabius Agrippinus, etle plumbarius, Caius Arunculeius Alexander.

C(aii) Fabi Agrippini [C(aius)] Arunculeius Alexan(der) f[ec(it)]

Même si la fistule ne signale pas sonclarissimat, il est évident d'identifierimmédiatement ce personnage comme le C.Fabius Agrippinus mentionné en tant queconsul dans plusieurs diplômes militaires4

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? CIL XVI, 96; CIL XVI, 179; CIL XVI, 180; AE 1944,102; AE 1947, 37, AE 1981, 845. Cfr. ALFÖLDY 1977,

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ainsi que dans les Fastes d’Ostie5 : il futsuffect sous Antonin le Pieux, à la fin del’année 148., une année assez chargéepuisque pas moins de six suffects ontsuccédé aux deux consuls ordinaires. Cecinous permet aussi de rattacherdéfinitivement à la première moitié du IIesiècle le plumbarius Caius ArunculeiusAlexander, qui est connu par trois autrescanalisations6 à Ostie. Ce nouvel indice dedatation servira à d’autres édifices de lacolonie.

L'inscription livre le même nom, demanière lacunaire, et la mention de laprovince, Chypre, sans que l'on puissesavoir à quelle charge elle faisaitréférence; voici le texte:

pp. 169, 306.5

? VIDMAN 1982, p. 128, fragment Pb. 6 GEREMIA NUCCI 1999, pp. 36-37; EAD. 2006, p.448,458; BARBIERI, 1953, pp. 151-189; BRUUN, 1991, pp.81-95.

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Fig.2. Fragment retrouvé à la Schola du Trajan en 2006.

[-----]---]ị Agri[------]i ceri[------]Cypri[------]ĪĪ Au[---[-----]-

Grâce à la mention d’Agrippinus, unrapprochement a pu être établi avec uneautre inscription, elle aussi retrouvéedans la Schola lors des fouilles de 1938-1939(fig. 3), actuellement conservée dans lesdépôts épigraphiques de la Surintendance deOstie. Une restitution en avaitété proposée dans les Notizie degli Scavi de

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19537 par H. Bloch, qui avait bien reconnudans le personnage le consul de 148; ilavait déjà communiqué le texte del'inscription aux deux grands responsablesde la Prosopographia Imperii Romani, E. Groag etA. Stein, qui en ont pris compte pour levolume III de la nouvelle édition de la PIR,paru en pleine guerre, en 1943. Les deuxmaîtres de la PIR, ainsi que Bloch, ontainsi proposé diverses restitutions que ladécouverte du nouveau fragment rendaujourd’hui caduques: il faut toutefoissaluer l’intuition de Groag, selon lequelAgrippinus avait revêtu la questure de laprovince de Chypre, comme le nouveaufragment le confirme.

7 BLOCH 1953, n. 28, p. 264 ss.: C(aio) Fabio [C(ai) f(ilio)Agrippino] / praetori[cio legato] / provin[ciae ---- ] / pr(aetori)trib(uno) p[l(ebis), quae(stori) (quattuor)viro] / [v]iaru[mcurandarum] / [-----]i. Cfr. AE 1955, 174.

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Fig. 3. Inscription publiée par H.Bloch provenant des fouilles1938 dans la Schola du Trajan.

Grâce au recoupement de cesdocuments, un rapprochement a pu êtreeffectué avec une autre inscription8 quasicomplète mais dont le début et donc le nomdu destinataire était perdu ; en voici letexte :

[-----]pr(aetori) aed(ili) Cer(iali q(uaestori) provinc(iae)Cypri pro pr(aetore)trib(uno) mil(itum) leg(ionis) ĪĪ August(ae)[Ī]ĪĪĪvir(o) viar(um) curand(arum)patrono col(oniae)d(ecreto) d(ecurionum) p(ublice)8 CIL X, 525.

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Elle n'a pas été retrouvée à Ostie maisà Amalfi, à proximité de Salerne, qui,pendant le moyen âge, a été une desprincipales destinations du marbrerécupéré à Ostie : il n'est donc pasétonnant de retrouver là des inscriptionsostiennes. Le texte même nous en apporteune preuve supplémentaire. La référence àun patron de la colonie n’a pas dejustification à Amalfi, alors qu'elle prendtout son sens à Ostie. Cette mise enrelation ainsi que l'examen des donnéesextérieures (même marbre, même épaisseur,traces de réemploi similaires) des deuxfragments de la Schola du Trajan, celui de1938/1939 et celui de 2006, confirmentqu'ils faisaient partie d'une seule et mêmeinscription. Le texte de l’inscriptiond’Amalfi correspond quasi mot à mot à celuique le rapprochement des deux fragments dela Schola du Trajan permet de restituer(fig. 4) :

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Fig.4: Restitution graphique des deux fragments épigraphiques dela "Schola du Trajan" (dess. Bocherens)

C(aio) Fabio [C(aii) f(ilio) C(ai)] n(epoti) Agri[ppino]praetori [aedil]i Ceri[ali q(uaestori)]provin[ciae] Cypri[pr(o)] pr(aetore) trib(uno) m[il(itum) leg(ionis)] ĪĪ Au[gust(ae)][ĪĪĪĪvir(o) v]iaru[m curan]nd[arum][-----]

Ceci permet d'apporter plusieursrectifications aux restitutions proposéeset à la carrière d'Agrippinus. On luiattribuait jusqu'ici à le titre de tribunde la plèbe9 au lieu de celui de tribun9 PIR III, F 20, p. 96; BLOCH 1953, p. 265(suivant A. Stein; tandis que Groag avaitproposé trib(unus) m[il(itum)]).

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militaire; de même, la province de Chypreest maintenant certaine et la charge dequesteur doit lui être rattachée. Unenouvelle charge d'Agrippinus apparaîtencore, celle d'édile céréale.

Les deux fragments présentent desindices certaines de réutilisation (dans unpavement?); toutefois, la fistule prouveque il s'agit bien de la maison des FabiiAgrippini et que, par conséquent,l'inscription à laquelle appartiennent lesdeux fragments n'a pas été amenée a posteriorisur le site, lors de remblayages oud'implantation de fours à chaux à l'époquetardive, mais qu'elle a été récupérée surplace, lors de la destruction de la domus,et réemployée pour la construction de laSchola du Trajan. Elle appartenaitévidemment à une statue érigée dans ladomus même du personnage honoré.

Grâce à ces informations, deux autres inscriptions d’Ostie déjà connues peuvent maintenant être attribuées à Fabius

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Agrippinus. La première, retrouvée en 1885-188610 à proximité des "Quattro Tempietti". dans la zone du théâtre, doit être restituée de la manière suivante:

[C(aio) Fabio Agri]ppi[no ---][--- IIIIvir(o) vi]ar(um) cur[and(arum) ---]tr(ibuno) mil(itum) le]g(ionis) ĪĪ Augu[st(ae)--][----]

La seconde11 est plus intéressante carplusieurs lettres, de lecture incertaine àl'époque de sa découverte, se laissentrestituer de manière certaine. De plus, letitre de patron de la colonie, ainsilibellé sur l’inscription d'Amalfi, trouveici sa confirmation:

[C(aio) Fabio C(aii) f(ilio) Agrippino][-----][--p]ro pra[et(ore) ---]

10 CIL XIV, 4129: cfr. Notizie degli Scavi 1886, p. 165.11

? CIL XIV, 182: fragment de plaque de marbre, deprovenance inconnue (Ostie, Lapidaire, n. inv.7971).

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[--- tr(ibuno) mil(itum) le]g(ionis) II Augu[st(ae) ---][--- IIIIvir(o) viar(um) c]uran[d(arum) ---][patrono] c[oloniae][d(ecreto) d(ecurionum) p(ublice)?]

Les correspondances des magistratures etdes charges revêtues nous donnent lacertitude que tous ces documentsépigraphiques se réfèrent à un seul et mêmepersonnage, vraisemblablement le premier desa famille à atteindre le consulat; nousverrons ensuite que, comme dans d'autrescas (le plus connu à Ostie est celui desEgrilii), les femmes de sa famille serontégalement honorées sous des formes quiconviennent parfaitement a l'époque desAntonins. Cela correspond au fait que dansl'inscription de la Schola du Trajan sacarrière ne dépasse pas la préture, commeBloch l’avait reconnu, ce qui nous confirmequ'il s'agit du premier représentant de safamille qui ait eu accès à l' amplissimusordo. Le cursus de Fabius Agrippinus serésume donc ainsi: en début de carrière, iloccupe une charge, à Rome, de responsablede l'entretien des routes, il est ensuite

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tribun militaire au sein de la IIe légion,stationnée en Bretagne12. Il exerce unecharge de questeur à Chypre avant d’occuperune responsabilité comme édile du blé àRome. Après l’exercice de la préture, il aété légat propréteur de Thrace de 142-143à 145-14613, comme l'attestent des monnaies14

de Topirus avec l'image de Herakles assiset légende en grec le mentionnant en tantque gouverneur (fig.5). Il avait été précédé dans cette chargepar M. Antonius Zeno (lui aussi le premierde sa noble famille de Laodicée à atteindreles fasces), qui sera le futur collègued'Agrippinus dans le consulat. G. Alfoeldysouligne que les gouverneurs de provincesimpériales, même dépourvues d'unitéslégionnaires, atteignaient le consulat trèsvite; ici nous sommes en présence d'un cas,rare mais non unique, de deux collègues

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? BIRLEY 1981, p. 276.13

? ALFÖLDY 1977, p. 269.14

? British Museum Coins, Thracia 175, 1-3 et 150, 23.

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dans le consulat qui avaient auparavantgouverné la même province l'un aprèsl'autre15, donc au prix d'une plus longueattente des fasces de l'un d'entre eux.

Fig. 5. Monnaie portant le nom de C.Fabius Agrippinusgouverneur de Thrace.

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? ALFÖLDY 1977, p. 55.

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Dans la phase qui a précédé laconstruction de la Schola, la domus encours de fouille appartenait donc à unconsul certainement issu d'une des plusanciennes et influentes familles d’Ostie.Notre homme était donc bien implanté dansla colonie, ce que Meiggs16 avait pressenti,mais sans pouvoir, à l’époque, affirmer demanière certaine qu'il y résidait. D'autresdocuments épigraphiques nous renseignent àce sujet. Une considerable donationtestamentaire de 1.000.000 de sestercessemble-t-il,17 a été faite à la colonie par[Fabia?] Ag[rippina], qualifiée comme [C.] FabiAgr[ippini] cons[ulis filiae?] ,18 en l'honneur d' unede ses proches, Aemilia Agrippina,16 MEIGGS 1973, p. 199. L'origine ostienne de lafamille est generalment acceptée; cfr. BARBIERI1952, nn. 20, 211, 212, pp. 14, 50; LICORDARI1982, p. 37.17

?Il s'agit de l'une des plus considerables"fondations", connues par l'épigraphie,realisées dans l'Italie romaine: cfr. MAGIONCALDA1994, n. 9, pp. 105-107; MAGIONCALDA 2005, p. 514;aussi CAO 200518

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probablement sa mère. Cette "fondation"devait permettre, grâce aux intérêts de lasomme, de nourrir annuellement, ou en toutcas d’aider économiquement, cent [p]uellae[alime]ntar[iae] d'Ostie, intérêts sur lesquelson devait aussi celebrer annuellement desludi en Avril ou Mai, probablement le jouranniversaire de la défunte, et, encore,offrir trois banquets aux décurions de laville19. Le texte est incomplet, mais ilnous est facile d'imaginer que le troiscenae pouvaient honorer, avec sa mère? CIL XIV, 350= 4450: c'est l'interpretation de WICKERT, suivie (avec petites variantes) par BLOCH 1958, p. 258. Le meme WICKERT suggère, avec vraisemblance, qu'il s'agit de la meme Fabia Agrippina citée dans CIL XIV, 5394. 19

? DUNCAN-JONES p. 235 note 1078a, a essayé un calcul: des 50. 000 sesterces annuels (résultants d' un interet presumptif annuel de 5% sur un capital d'un million), les frais pour les cenae pouvaient en absorbir 6600 sesterces (trois fois 20 sesterces pour chacun des 110 decurions) , celles pour les cent jeunes-filles 19.200 (chacune 16 sesterces par mois), tandis que presque la moitié de la somme pouvait etre destinée aux jeux.

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Aemilia Agrippina, Fabia Agrippina ellememe, auteur de la "fondation", etprobablement son illustre parent, le consulde 148, dans les dies natales respectifs, entransformant ainsi en commémorationsciviques les anniversaires privés de lafamille et instituant un lien perpetuelentre les Fabii Agrippini et la viepublique de la colonie. Il est remarquableque pour la dedicace de la statue erigée àFabia Agrippina on ait employé la memeformule, decurionum decreto colonorumque consensu(publice), utilisée un siècle et démi plus tôtpour caractériser la décision d'ériger untombeau "public" a C. Cartilius Poplicola,veritable "héros" d'Ostie au temps desguerres civiles,20. En même temps,l’institution des puellae alimentariaeostiennes, à l'instar des puellae Faustinianaeet des novae puellae Faustinianae d' Antonin le

20 C'est BLOCH 1958, p. 215 sg. qui a relevé cette analogie significative, et a suggéré d'integrer,d'après ce modèle, colonorumque consensu au lieu decolonorum consensu du CIL.

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Pieux et de Marc-Aurèle21, met en évidencela richesse de la famille et sa proximitéavec la maison impériale. Enfin, même si lapreuve ne peut en être donnée, c’estprobablement encore notre consul C. Fabius

21 POMEROY 1975, p. 203 sg.. Comme le souligneDUNCAN-JONES 1974, p. 228 note 641 et MROZEK 1987,p. 61, les alimenta pour les enfants avaient étécrées par Nerva et Trajan mais adressés enpremier lieu au pueri, tandis que l'institutiondes puellae alimentariae en l'honneur desimpératrices défuntes est due spécifiquement àAntonin et Marc-Aurèle. A Ostie, où l'on supposequ' existaient les alimenta publics pour les pueri,la "fondation" d'Agrippine s'adresse uniquementaux puellae, tandis qu' ailleurs, par exemple aTerracine, celle de Caelia Macrina, egalementd'un million de sesterces, concerne les enfantsdes deux sexes (CIL X 6328). Un modèle imperialremarquable, et probablement très proche commechronologie (la donation de Fabia Agrippina seplacérait, selon DUNCAN-JONES 1974, p. 172, entre148 et 180 ap. J.-Ch.) est représentée par lesprovidences de Matidia, tante de Marc-Aurèle,dont nous parle Fronton dans une lettre de 162.Voir, en général, pour les alimenta, ECK 1979,150 sgg.; ECK 1980 (Agrippinus: p. 298 n.57)

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Agrippinus qui apparaît, en quatrièmeposition, sur une liste de patrons de lacorporation des dendrophori22, établie audébut du IIIe siècle. Patrons vivants ouliste honorifique mentionnant d’anciensresponsables déjà morts ? La question resteouverte. Même si certains auteursreconnaissent, sur cette liste, non pasl'Agrippinus de 148 mais plutôt un de sesdescendants, probablement son fils, celareste un indice fort du rang social de safamille et de son rôle dans la colonie d'Ostie, où elle semble établie de longuedate. Selon toute vraisemblance, CaiusFabius Agrippinus descend de Caius FabiusAgrippa23, dont l'ascendance nous est connuesur quatre générations grâce à une autreinscription d'Ostie. La famille appartientà la tribu Voturia, la tribu des colons dela souche la plus ancienne d'Ostie.L'inscription offre un bel exemple du

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? CIL XIV, 281; BLOCH 1953, p. 265 sg.23

? CIL XIV, 349; BLOCH 1953, p. 265; MEIGGS 1973, p.199.

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changement de cognomen, sous l'Empire,d'une génération à l'autre, puisque lesgénérations précédentes sont désignées entant que Fabius Longus (son père et songrand-père) et Fabius Rufus (son arrièregrand-père). La transformation du surnomAgrippa en Agrippinus, d'une génération àl'autre, ne doit pas nous surprendre.

Parmi ces ancêtres, Caius Fabius Agrippaa été coopté comme décurion et son cursuscomporte les charges de préteur de Vulcain,de édile et de duovir, ce qui le place defait parmi les notables de la colonie.Meiggs24 considère que la carrièremunicipale de Fabius Agrippa s’est déroulée"in the early empire" ; toutefois lachronologie du personnage aurait besoind’une confirmation afin de proposer unereconstruction prosopographiquesatisfaisante de l’histoire familiale desFabii d’Ostie. Une branche parallèle de lafamille pourrait être représentée par Q.Fabius Longus, duovir et préfet en 31, 3624

? MEIGGS 1973, p.192.

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et 37 ap. J.-C. Si la datation proposée parMeiggs s’avère correcte, il serait logiqued’en conclure que les représentants desdeux générations précédentes, les deuxprimipiles, père et grand-père de FabiusAgrippa, ont servi, pour l’un, au début dela période impériale, et pour l’autre, àl’époque des guerres civiles d’Octavien etprobablement, étant donné le contexte"maritime" d'Ostie, sous les ordresd’Agrippa; d’où un possible rapport decause à effet dans l’acquisition du nouveaucognomen. Il ne faut pas sous-évaluerl’importance de la présence d’un primipiledans le contexte d’une municipalité audébut de l’empire; si le cas de Vespasien,fils d’un primipilaire, est évidemment uncas de promotion sociale unique dansl’histoire, il faut rappeler que Néron,dans sa volonté de refonder Antium comme sacolonie, a surtout inscrit, parmi lesnouveaux citadins, des vétérans prétoriens,mais aussi additis per domicili translationemditissimis primipilarium25. Plus proche de

25 Suet. Nero, 9. Cf. BENEFIEL 2004, pp. 349-67; PATTERSON 2006, pp. 196 ss.

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l’époque de nos Fabii, on trouve lesévénements survenus, sous Tibère, àPollentia, où deux unités de soldats furentenvoyées pour punir avec une extrêmesévérité la population de la ville,coupable d’avoir empêché que la dépouilled’un primipile soit transportée du forum àsa sépulture tant que ses descendantsn’avaient pas versé l’argent nécessairepour offrir des jeux de gladiateurs (Suet.Tib. 37, 2-3). De tels patrimoines ontattiré la cupidité de l’empereur lui-même:Caligula annula comme ingrata les testamentsdes primipiles qui, depuis le début durègne de Tibère, n'avaient pas désignécomme héritier l’empereur26.

A Ostie, un C. Fabius apparaît en tantque magistrat en compagnie du célèbre C.Cartilius Poplicola sur l’inscription27

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? Testamenta primipilarium qui ab initio Tiberi principatus neque illum neque se heredem reliquissent, ut ingrata rescidit: Suet. Caius 38.4; cf. Dio 59.15.

27 CIL XIV, 4134.

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commémorant la refection en mosaïque dupavement (et peut-être aussi d’autresréalisations) du plus occidental des"Quattro Tempietti". Après son gentilice,le texte est mutilé ; dans cette lacune, onpourrait restituer, contrairement à ce queBloch suggerait (et sans pour autantexclure qu’il ne s’agit pas du C. FabiusRufus de la génération précédente), lecognomen Longus et l’indication de sonsecond duovirat : C. Fabius [C.f . Longus duovir]iter(um) 28. Pour des motifs relatifs à lacarrière de Poplicola qui, comme l'un denous a démontré dépuis longtemps, étaitl’homme de confiance d’Agrippa qui à Ostieassurait le contrôle du port de Rome àl’époque des guerres civiles contre SextusPompée et M. Antoine29, l’inscription des28 BLOCH 1958, p. 210 sg. fig. 95, intègre à la finde l’inscription: [C.C]artilius C.f. [Poplicola duovi]r(quintum) / [c]ens(or)] iter(um) C. Fabius [C.f. duovir cens(or)]iter(um) ; la lecture alternative C. Fabius [C.f . Longusduovir] iter(um a été proposée par ZEVI 1976, p.56, nota 19.29

? CÉBEILLAC-GERVASONI, ZEVI 2000, p. 14 sgg. Architectes d' Ostie et leurs relations avec

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"Quattro Tempietti", suivant ledéveloppement de sa carrière entre 40 et20/15 av. J-C, doit être datée auxalentours de 25 av. J-C. La présence auxcôtés de Poplicola d’un militaired’expérience comme Longus renforcel’impression d’un passé intense et tout-à-fait recent : un primipile dans l’exerciced’une magistrature à Ostie gardait encoreune signification politique, et la triplecensure de Poplicola, d'ailleurs, a dûavoir pour but de réorganiser au coup parcoup le sénat et les dirigeants locauxsuivant l’évolution de la situationpolitique.

Il se trouve que cette date de 20 av. J-C correspond également à un des grandsmoments de l’histoire du site de la Scholadu Trajan, maintenant réécrite par l’équipede J.-M. Moret : c'est le moment de lareconstruction complète de la maison, aprèsla destruction volontaire du premier

Agrippa et son entourage: ZEVI 1976, p. 62.

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batiment, la "Domus aux Bucranes"30. Lanouvelle "Domus à Péristyle", partiellementfouillée et restaurée au cours des grandesfouilles de 1938/42, restera, en subissantde multiples réfections, la maisonfamiliale des Fabii Agrippini d’Ostiejusqu’à leur accession à l’ amplissimus ordoet probablement jusqu’à l’extinction de lafamille. La nouvelle demeure a connu unesurélévation volontaire du niveaud'implantation de plus d’un mètre et demipar rapport à la Domus aux Bucranes (etc’est dans cette couche que la fouille esten train de mettre à jour les décors,peintures et stucs, de la première maison).

30 Histoire et les données de la fouille: MORARD,WAVELET 2002; MORARD 2003 a; MORARD 2003 b, déjàsignalés. En dernier lieu, une synthèsegénérale à paraître dans : Villas, maisons, sanctuaireset tombeaux tardo-républicains. Découvertes et relecturesrécentes, Actes du colloque international de Saint-Romain-en-Gal(7-9 février 2007), où une contribution de Th. Morardet B. Perrier établit de façon définitive lachronologie des phases de construction de laSchola du Trajan et des batiments qui l'ontprecedé.

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A cet égard, il est possible d’avancer iciune hypothèse relative à l’histoire de lamaison dans le cadre de l'histoire urbainedu quartier de la Porta Martina. Unecélèbre inscription ostienne, CIL XIV 4710,réexaminée par Bloch31, rapporte queCartilius Poplicola, duovir pour laseptième fois et censeur pour la troisième,a effectué le transfert d’un compitum àl’endroit désigné par les magistratsPostumus Plotius et A. Genucius(respectivement duovirs pour la quatrièmeet la deuxième fois) alors que trois magistrivici locaux, tous liberti32, avaient fait

31 BLOCH 1958, p. 211 sg.; cf. BECATTI 1953, p. 107.

32 Il est frappant, dans la circonstance, que le premier d’entre eux, un D(ecimus) Caecilius (duorum Decimorum) l(ibertus) Nicia, soit désigné comme medicus.Il vient à l’esprit l’installation à Rome du médecin grec Archagathus en 219 av. J.-C., auquel l'on avait concédé publiquement une tabernapour qu'il y ouvrit une infirmerie publique, près d’un compitum, le compitum Acilium, nommé ainsià partir des nobles Acilii, les futurs Glabriones : cfr. LTUR I, 1993, s.v. Compitum

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ériger, à leurs propres frais, le murd’enceinte et une colonne (maceriem etcolumnam) et qu’un autre personnage, unaffranchi de Poplicola, y avait faitrajouter quelque chose de plus que lamutilation de la plaque de marbre empêchaitjusqu’à maintenant de connaître33. Bloch

Acilium. Or, le médecin Nicia, en relation avec leseul compitum que nous connaisson à Ostie, pourrait témoigner de l'existence d’un "servicesanitaire de quartier" installé à Ostie à l’imitation de l’Urbs. Il ne faut pas oublier que les Acilii Glabriones étaient liés à Ostie, qu'ils avaient dans leur religion familiale le culte de Salus et qu’à Ostie l'un d'eux, un (Acilius) Glabrio patronus coloniae, avait érigé, peut-être à l’époque augustéenne ou peu après, la statue de la Salut d'Auguste (Salus Caesaris Augusti) près de la Porta Romana à l’entrée de la ville.33

? Le cognomen de ce C. Cartilius C.l., restitué jusqu’à présent de manière douteuse comme Herac[la], était au contraire Heracleo, comme nous le savons désormais par l’inscription trouvée dans les fouilles du temple des Fabri Navales par Cl. de Ruyt, et dont on trouvera le texte entier dans les Actes du colloque de St. Romain-en-Gal, cité

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considère que Poplicola a agi en tant queduovir, donc en tant que successeur desdeux duovirs premièrement nommés, mais,comme il n'a par de collègue, il sembleplutôt qu’on lui ait assignépersonnellement (donc de manièrecontemporaine et non en succession) lacharge de transférer le compitum, acte degrand honneur et hautement religieux (peut-etre il achevait un travail dont il avaitété chargé par la colonie); de toutemanière, nous sommes chronologiquement versla fin de la carrière de Poplicola qui,comme nous le savons, ne fut duovir qu’uneseule autre fois; ce pourquoi le transfertde ce compitum doit avoir eu lieu vers 20av. J-C ou peu après. Avec beaucoup devraisemblance, G. Becatti avait identifiéle compitum de Poplicola avec la petiteconstruction en blocs de tuf et enplus haut (note 2). L’inscription ajoute au nom de Heracleo la qualification de magister vici et lui attribue la construction d’un horologium. Devons-nous imaginer cet horologium, comme dans les exemples de Pompéi, placé au sommet de la colonne du compitum de Poplicola financée par lesautres magistri vici ?

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reticulatum au centre du carrefour à lasortie de l’ancienne porte occidentale ducastrum , là où la Via della Foce sedistancie du decumanus maximus : "letransfert du compitum, écrit Bloch, peutêtre dû à un changement du réseau des ruesd’Ostie". Bloch doit avoir raison, et lechangement a certainement influé surl’amenagement du quartier aux alentours, ycompris la Domus aux Bucranes distante deseulement quelques dizaines de mètres, etcomporté un rehaussement des niveaux detoute la zone, anticipant en cela ce qui sepassera plus tardivement dans d’autresquartiers d’Ostie. Donc nous considéronsdésormais que la reconstruction de lamaison doit être mise en relation avec unemodification du réseau routier de la zoneayant eu des conséquences urbanistiques surl’ensemble du quartier.

Nous avons affaire à une famille qui, enl'espace de quelques générations, estpassée du stade d'officier de carrière àcelui de consul. Cet exemple d'ascensionsociale préparée par les générations

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précédentes paraît remarquable. On connaîtplusieurs autres exemples de notableslocaux qui ont entamé un cursus honorum parune carrière militaire grâce aux contactsétablis par leurs aînés34. Dans notre cas,le contexte archéologique, une domusaugustéenne succédant à une domusrépublicaine richement décorée, dont elleconserve le plan, témoigne de la fortunepersistante de la famille. De même, le faitde rebâtir la maison quasi à l’identiquepourraît demontrer un attachement à cettedemeure et il faut peut-etre y voir unevolonté d’afficher la continuité avec larésidence des ancêtres. C'est un cas assezrare de continuité familiale, même si nousne sommes pas en mesure de suivre de prèstout le déroulement des générations.Toutefois, il faut considérer que ladisparition d'une famille de la scènepolitique ne signifiait pas pour autant sadisparition biologique, ni même forcémentsa disparition sociale, c'est-à-dire sa

34

? CÉBEILLAC-GERVASONI 1998, pp. 209-226.

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ruine, tant les facteurs non économiques decet effacement ont pu être nombreux35: sanscompter le simple fait que les documentsattestant une telle carrière ne nous soientsimplement pas parvenus. La construction dela maison, au début du principat d'Auguste(elle subira évidemment quelquesaménagements et réfections, dont une faitepar Agrippinus touchant le systèmehydraulique) et succédant à une demeuretardo-républicaine, la Domus aux Bucranes,a obligatoirement dû être ordonnée par unancêtre d'une importance certaine dans lacolonie. Dans cette optique, il estdifficile de ne pas penser à Caius Fabius36, collègue de Caius Cartilius Poplicola àla charge de duovir sous Auguste vers lafin du Ier siècle avant J.-C., et dont lenom, nous l'avons vu, est associé à celui35 P.e. manque d'héritiers mâles, refus deshéritiers d'embrasser une carrière publique àresponsabilités, mort précoce des héritiers endébut de carrière, disgrâce politique: cfr.SETTIPANI 2002, pp.19-23.

36 CÉBEILLAC-GERVASONI, ZEVI 2000, p. 18.

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de Poplicola sur la dédicace en mosaïqued'un des "Quattro Tempietti". Pour lesmêmes causes, il est raisonnable de penserque la construction de la première demeure,celle de l’époque tardo-républicaine (vers60 avant J.-C.), a été ordonnée par un deses ancêtres directs37, à l’intervalle d’une

37 A cet égard, les opinions des deux auteurs divergent: celle présentée dans le texte appartient à Ch. Bocherens; selon F. Zevi, si l'on juge de la carrière d'un P. Lucilius Gamala senior (avec ses connections avec Cicéron et Atticus: en dernier lieu ZEVI 2004b), et surtout des grandes mérites de Pompée à l'égard d'Ostie (élimination des pirates en 67, cura annonae en 55) on aurait plutôt l'impression que l'élite ostienne des années soixante et cinquante devait être très liée au grand Pompée,et que l'avènement des Césariens doit avoir comporté une "révolution" assez traumatique dansl'aristocratie locale. Dans ces conditions, il deviendrait plus difficile (et pourtant bien possible dans des cas individuels) d’hypotiser une continuité dans l'élite entre les années 60 et 40; au contraire. la réfection du grand triclinium de la Domus des Bucranes, vers 40, avec ses stucs figurant des proues de trirèmes (allusifs à des combats navals?), pourrait

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ou deux générations38. Après la constructionde la muraille tardo-républicaine, entre 63et 58 avant J.-C.39, la zone de la PortaMarina a constitué un nouveau quartier intramuros, qui a attiré la classe privilégiée.

indiquer soit un événement considérable pour l'histoire de la famille ou plutôt, au contraire, un important changement de propriétaire, par exemple l'acquisition de la maison par les Fabii Longi dans le cadre de la transformation de l'élite locale opérée par les hommes d'Octavien. Cfr. l'intervention de F. Zevi (supra, note 2) dans le Colloque de Saint-Romain–en-Gal- (F.Z).

38 Au sujet de l’inscription concernant Fabius Agrippa et citant un Grattius comme ancêtre (CIL XIV, 4134), il est à noter que les changements politiques ayant secoué la colonie depuis Sylla jusqu’à Auguste et les disgrâces en résultant ont peut-être pu inciter les Fabii, sous le principat, à se réclamer d’un ancêtre du côté féminin au détriment de la lignée masculine directe. A ce sujet : DONDIN-PAYRE 1994 (Ch.B.)

39 ZEVI 1996/7; ZEVI 2004a.

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Cette élite dirigeant la colonie étaitformée par les familles qui apporterontplus tard leur soutien à Octavien etAgrippa dans leurs luttes contre SextusPompée, puis contre Antoine,l’approvisionnement de Rome étant une desconditions sine qua non de son contrôle.Les Fabii faisaient, bien sûr, partie decette classe dirigeante qui a pris en mainles affaires politiques de la coloniependant plus d’un siècle, une des vieillesfamilles ostiennes qui resteront attachéesà la propriété foncière40.

Le dernier représentant connu de lafamille porte le même nom que le consul de148, Caius Fabius Agrippinus. Sa carrièreest aussi prestigieuse, si ce n’est plus,que celle de son aïeul. En 211/212, ilétait légat41 de la Ière légion de Minerve40 CÉBEILLAC-GERVASONI 1996.

41 CIL XIII, 850=AE 1985, 683 (attribuée au FabiusAgrippinus du IIIe siècle par Groag dans PIR2ed., III, F 17, du fait du martelage du nom dudestinataire de l’inscription); BARBIERI 1952, nn.20, 212

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stationnée à Bonn. Il a également faitpartie du collège des frères Arvales, en214, avant de finir sa carrière commegouverneur de Syrie en 218/219, celaimplique qu’il a dû atteindre le consulatquelques années auparavant, vers 215. Samort nous est connue grâce à DionCassius42 : il fut assassiné sur ordred’Elagabal alors qu’il était encore enposte en Syrie lors d’une tournéed’inspection du nouvel empereur dans lesprovinces, tournée dont ce dernier aprofité pour éliminer les anciens partisansde Macrin. Cet événement est sûrement liéau refus de plusieurs responsablesmilitaires de soutenir Elagabal lors de saprise du pouvoir; ainsi les légats PicaCaerianus et Gellius Maximus subirent lemême sort que le gouverneur de laprovince43. Fabius Agrippinus a ainsiparachevé l’ascension sociale de cette

42 Dio, 79, 3, 4.

43 Dio, 79, 7, 1.

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branche des Fabii d'Ostie, mais il a finide manière tragique en raison d’amitiéspolitiques malheureuses. Sa mort étantsurvenue sur ordre impérial, on peut ensupposer que ses biens ont été confisqués.Il est logique d’en déduire que la Domusdes Fabii a été détruite pour faire place àla Schola par intervention impériale. Cettehypothèse va à l’encontre de la datationtraditionnelle du bâtiment collégial autourde 145-15544 après J.-C., mais plusieursdécouvertes archéologiques45 donnent àpenser que cette datation doit être revue.De plus, les fouilles du temple des FabriNavales46, menées par Claire De Ruyt,

44 BECATTI 1953, p. 146.45

? Plusieurs éléments de datation différents (entre autres : la céramique, les monnaies et particulièrement les estampilles) convergent tous vers une datation à la fin du premier quartdu IIIe siècle ; cf. MORARD, PERRIER, article à paraître sur le changement de datation de la Schola du Trajan.46

? Situé en face de notre site, de l’autre côté dudecumanus, et avec lequel la Schola est le plus

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suggèrent qu’il daterait de l’extrême findu IIe siècle47. Les dernières campagnes,sur le site de la Schola du Trajan, nousont indiqué que sa construction pourraitbien coïncider avec la confiscationimpériale des biens de Caius FabiusAgrippinus en 219. Nous aurions ainsi lapreuve d’une continuité d’occupation d’unemaison, par une branche des Fabii d’Ostie,allant de l'époque d'Auguste (et peut-etrememe avant) jusqu’au début du III siècleaprès J-C.

La zone de la Porta Marina, nouvellementfortifiée entre 63 et 58 avant notre ère, afourni une opportunité, à l’élite de lacolonie, d’affirmer sa prééminence parl’édification de demeures luxueuses àl’image de la Domus aux Bucranes. Laprésence, dans le voisinage, du tombeau dePoplicola confirme l’importance

souvent mise en relation.47

? Vers 195, grâce à la dédicace BLOCH 1953 p. 267sgg. n. 31. Daté à l' époque de Commode parBECATTI 1953, p. 149

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particulière que revêtait ce lieu aux yeuxde l’oligarchie ostienne. Particulièrementbien situé entre la mer et le centrepolitique de la colonie, ce nouveauquartier n’a pas manqué d’attirer lesfamilles détenant le pouvoir local depuisl’époque du premier Gamala. Les fouilles dela Schola du Trajan permettent ainsi deposer les bases d’une étude del’urbanisation à caractère aristocratiquede la zone de la Porta Marina et del’occupation d’un site par une même famillesur plus de deux siècles.

Chistophe Bocherens – FaustoZevi

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