La romanisation de nos campagnes

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Musée archéologique de l’Oise Sous la direction de Gaëlle Gautier Roger Agache, détective du ciel Découverte de l’archéologie aérienne

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Musée archéologique de l’Oise

Sous la direction de Gaëlle Gautier

Roger Agache, détective du cielDécouverte de l’archéologie aérienne

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Sommaire

3 Préface

7 Roger Agache (1926-2011) : portrait d’un trouveur

13 L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

13 Une étonnante méthode de prospection particulièrement efficace17 Anomalies périglaciaires du Crotoy (Somme)19 Des restes de mammouth sur la plage d’Ault

20 Les premiers éleveurs et cultivateurs24 L’enceinte néolithique de l’Étoile (Somme)

27 Les premiers métallurgistes27 Les cercles funéraires de l’Âge du Bronze

33 Au temps des Gaulois33 Les fermes gauloises34 La ferme de Poulainville39 La maison gauloise de Verberie41 Les oppida de Gaule belgique45 L’oppidum de La Chaussée-Tirancourt47 L’oppidum de Liercourt-Erondelle et les oppida

de la vallée de la Somme51 L’oppidum de Vermand, capitale des Viromanduens53 Le sanctuaire gaulois de Ribemont-sur-Ancre61 Une nécropole de l’Âge du Fer : Tartigny

63 La romanisation de nos campagnes63 La Gaule romaine65 La présence militaire romaine

71 Les voies romaines73 Les campagnes gallo-romaines79 Le redressement informatique des vues obliques83 Fermes et villae94 De la ferme gauloise à la villa : Roye99 La romanisation de l’architecture rurale106 Sanctuaires et agglomérations112 Le sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre

à l’époque romaine117 L’archéologie aérienne à la redécouverte

d’une agglomération antique : Vendeuil-Caply

133 À l’origine des villages picards133 Mottes castrales et châteaux-forts137 Le promontoire de Boves

140 De l’inventaire à la préservation du patrimoine enfoui

140 L’héritage d’un demi-siècle de recherches en terre picarde

146 Les nouvelles méthodes de prospections : la géophysique et le LIDAR

150 La carte archéologique nationale : l’apport des prospections aériennes

152 Index des sites

154 Orientation bibliographique

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Carte de la Picardie gallo-romaine, où sont figurées les limites supposées des peuples ou civitates (dont les contours ont été conservés pour l’essentiel, par les limites épiscopales, sauf du côté de la Normandie, où elles ont été modifiées pour coïncider avec les limites politiques du duché et dans l’Aisne, où un évêché a été créé à Laon au 6e siècle). Les grands axes routiers convergeaient vers les capitales de ces civitates. Beaucoup d’agglomérations étaient aussi implantées sur ces voies principales. © DAO, J.-C. Collart, DRAC Picardie.

Limite de citéCapitale de citéAgglomération

Voie romaineVoie romaine possible

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La romanisation de nos campagnes

La Gaule romainel’intégration dans l’empire romain

L’intégration à l’Empire romain représente un énorme bouleversement pour la Gaule intérieure et ses habitants. Elle commence par une guerre d’une violence extrême, menée de 58 à 51 avant notre ère par le consul romain Jules César. Selon les historiens de l’époque, un million de Gaulois aurait péri et un autre million aurait été réduit en esclavage, sur une population estimée entre cinq et huit millions d’habitants. Le récit de La Guerre des Gaules par César révèle que les Belges qui occupaient l’actuelle Picardie, furent parmi les plus combatifs : pour les soumettre, les Romains ont dû mener deux campagnes, en 57 et en 51. Et pendant le demi-siècle suivant, plusieurs révoltes sont mentionnées.

la Picardie romaine

Le territoire de la Picardie moderne correspond aux cités (en latin : civitas, au sens de peuple) des Ambiani (capitale Samarobriva-Ambianis), Bellovaci (capitale Caesaromagus-Bellovacis : Beauvais), Suessiones (capitale Augusta Suessionum-Suessionis : Soissons), Sulbanecti (capitale Augustomagus-Subanectis : Senlis) et Viromandui (capitale Augusta Viromanduorum-Viromandis : Saint-Quentin et Vermand). S’y ajoutent une partie du Vexin français, appartenant probablement aux Veliocasses (capitale Rotomagus : Rouen) et l’extrémité septentrionale des Meldi (capitale Latinum-Meldis : Meaux).Les limites antiques de ces civitates ne sont pas connues avec certitude : nous savons que l’Église adopta le découpage administratif romain et que le contour des évêchés de l’Ancien Régime correspond globalement aux limites des cités antiques. Mais la situation est compliquée, d’une part, par la création, au 6e siècle de l’évêché de Laon, en principe, à partir du démembrement du seul évêché de Reims et d’autre part, par la conquête normande, qui eut pour conséquence une adaptation des limites épiscopales aux nouvelles frontières politiques. Il est probable que le territoire bellovaque s’étendait au nord de la Seine-Maritime.

Prospérité et ruine de la gaule romaine

Le traumatisme initial de la guerre a été rapidement suivi par une transformation profonde des modes de vie et de pensée des populations locales au contact de la culture gréco-romaine, phénomène qui est appelé la romanisation. Les découvertes archéologiques en livrent des traces tangibles à partir des années 30 à 20 avant notre ère. L’intégration de la Gaule dans l’Empire romain lui assure une longue période de paix, qui a permis au pays de se développer de façon considérable. À la fin du 2e siècle, les guerres civiles mettent un terme à cette prospérité, sur fond de pestes qui dépeuplent l’Empire. En 259, commencent les razzias germaniques qui ravagent la Gaule septentrionale, renforcées par le brigandage endémique de paysans ruinés. Vers 280, des empereurs énergiques redressent la situation, mais la société et l’économie ont radicalement changé. Après le milieu du 4e siècle, commence la lente agonie qui mènera à la chute de l’Empire romain d’Occident en 476.

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Berry-au-Bac (Aisne), La Butte de Mauchamp. César décrit précisément la position occupée par son armée lors de la bataille de l’Aisne, en 57 avant notre ère : une colline, sur la rive septentrionale de l’Aisne. Napoléon III fait réaliser des fouilles en 1861 et 1862, qui mettent au jour une enceinte fossoyée, presque carrée (655 m sur 658 m, soit 42 ha), avec des angles arrondis. Les cinq portes sont protégées par des claviculae internes qui barrent les entrées selon un dispositif classique. Deux grands fossés rayonnent à partir de cet ensemble, vers des fortins (castella). L’ensemble de ce dispositif apparaît bien sur les images satellites. Plan publié dans Histoire de Jules César, Napoléon III, Paris, 1865-1866.

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La présence militaire romainele camp de la Butte de mauchamp

Dans la région, les traces archéologiques de la guerre des Gaules font pratiquement défaut. Dans La Guerre des Gaules, César s’attarde sur quelques-unes de ses batailles les plus impor-tantes et décrit souvent à cette occasion la topographie locale. Il en est ainsi de la fameuse bataille de l’Aisne, où le général doit faire face à la formidable coalition des peuples belges, qui avaient massé près de 300 000 hommes (le plus fort contingent jamais réuni pendant les huit années que dura la guerre). En réalité, par prudence, César n’engagea pas le combat et les affrontements se limitèrent à quelques escar-mouches, puis à la poursuite des Belges lors de leur retraite. Dès le 16e siècle, les premiers spécialistes de la géographie historique se sont penchés sur la localisation des lieux mentionnés par César. L’emplacement de la bataille de l’Aisne a suscité une abondante littérature. La question n’a été réglée qu’au 19e siècle, grâce à la mise au jour du camp de l’armée romaine par les fouilles.

Autres camps romains

Roger Agache a photographié un autre camp à Folleville (Somme). Il est parfaitement caracté-ristique avec sa vaste enceinte (15 ha) à ten-dance rectangulaire, matérialisée par des fossés doubles interrompus par des ouvertures. Ces der-nières sont protégées par de courts segments de fossés placés en avant (titulum). Un troisième camp, lui aussi reconnu par prospection aérienne, est probable à Vendeuil-Caply (Oise). Berry-au-Bac (Aisne), La Butte de Mauchamp. Plan de détail du camp romain publié dans

Histoire de Jules César, Napoléon III, Paris, 1865-1866.

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Vendeuil-Caply (Oise), Le Mont Catelet. Ce probable camp tire profit de la topographie. Implanté sur un rebord de plateau, il était naturelle-ment défendu par les versants, dont un particulièrement abrupt. L’enceinte de plan plus ou moins carré (environ 470 m au côté, soit 22 ha), arrondie aux angles, est matérialisée par un double fossé incomplètement observé, dont les faces présentent la particularité de ne pas être rectilignes, mais légèrement incurvées. Une porte est protégée par un titulum. © R. Agache, ministère de la Culture.

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Présence militaire dans les oppida

Dans un chapitre précédent ont été évoquées les enceintes fossoyées, possiblement liées à une activité militaire, observées aux abords des oppida de Liercourt-Érondelle (Somme) et de La Chaussée-Tirancourt (Somme). Les fouilles menées sur ce dernier site ont révélé que l’oppidum fut occupé un certain temps par des auxiliaires de l’armée romaine. Ces camps et aménagements militaires datent de la période de la conquête ou des décennies suivantes : un peu avant le changement d’ère, la Gaule étant désormais pacifiée, les armées romaines ont été regroupées sur le Rhin.

Folleville (Somme), Le Blanc Mont. Les traces de ce camp romain situé à 7 km de Vendeuil-Caply, ont été découvertes par Roger Agache. L’enceinte approximativement rectangulaire, aux angles arrondis, couvre une quinzaine d’hectares. Elle est matérialisée par deux fossés parallèles placés en avant d’un talus (ager) surmonté d’une palissade, aujourd’hui disparus. Trois ouvertures étaient protégées par de courts fossés situés devant (titulum). D’autres fossés ont été observés autour de l’enceinte principale : il peut s’agir d’un système de protection avancée.© R. Agache, ministère de la Culture.

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Ressons-le-Long (Aisne), Arlaines. Vue aérienne du camp d’une aile de cavalerie voconce, établi dans le premier quart du 1er siècle, d’abord bâti en matériaux périssables, puis reconstruit en dur au milieu du siècle, avant d’être abandonné vers la fin de ce même siècle. © R. Agache, ministère de la Culture.

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le camp d’Arlaines

Cependant, quelques unités ont été maintenues à l’intérieur du territoire gaulois, telle une aile de cava-lerie voconce (Gaulois du sud de la France) à Arlaines (commune de Ressons-le-Long) à 11 km à l’ouest de Soissons. Ce site fouillé sans méthode au 19e siècle, sondé de manière scientifique au 20e siècle, bénéficie de bonnes photographies aériennes et apparaît bien sur les images satellites, de telle sorte que son plan général est bien documenté. Le camp est quadrangulaire (environ 280 sur 175,6 m, soit 4,91 ha). Les aménagements initiaux n’ont été que ponctuellement reconnus. Les structures en dur, de la seconde moitié du 1er siècle, sont construites en petit appareil romain. La courtine (le mur d’enceinte) a 1,85 m d’épaisseur. Les quatre portes sont protégées par des tours internes rectangulaires (6,2 sur 4,4 m). Un fossé de 2,5 à 3 m de large, pour 1,8 m de profondeur, entourait l’ensemble. L’espace interne s’organise autour d’une voirie dessinant un quadrillage. Les baraquements sont formés de petites chambrées, précédées d’un vestibule, où logeaient, à plusieurs, les simples cavaliers ; les officiers disposaient de logements individuels plus spacieux. Il y a aussi des écuries, des entrepôts et des ateliers. Au centre, se trouvent les principia, le centre de commandement de l’unité. Des bains ont été reconnus au nord du camp, ainsi qu’une agglomération, telle qu’il s’en développait habituellement autour des camps per-manents, les canabae, où résidait une population civile liée aux militaires notamment les familles des soldats, des marchands et des artisans.

Ressons-le-Long (Aisne), Arlaines. Plan (en partie hypothétique) du camp d’une aile de cavalerie d’après les fouilles et les vues aériennes.– En gris foncé : les murs dégagés

au 19e siècle.– En noir : ceux découverts

lors des fouilles récentes.– En bleu, les égouts.– En rose, les voies.– En vert, les baraquements.– En orange, les principia.© DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

Intervallum

Intervallum

Via praetoriaPrincipia

Via

prin

cipa

lis

Bains

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Beauvoir (Oise). Vue aérienne de la Chaussée Brunehaut au niveau de son croisement avec la départementale 90. Le tracé a été conservé pour l’essentiel par des chemins ruraux. L’arasement d’un segment permet de mieux appréhender l’aménagement antique : l’empierrement probable de la chaussée est à l’origine de la trace centrale plus claire. Les parties latérales plus sombres suggèrent que la chaussée était plus haute que les bas-côtés. Vers l’extérieur, les deux fossés latéraux qui marquaient la limite de l’emprise de la route, sont bien visibles. Durant le Haut Moyen Âge, nombre de voies antiques ont été associées à la légende de la cruelle reine mérovingienne Brunehaut. © R. Agache, ministère de la Culture.

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Les voies romaines

L’une des premières mesures importantes de Rome est la mise en place d’un réseau de grandes voies pour faciliter la circulation rapide des troupes et des admi-nistrateurs, afin d’assurer un bon contrôle du pays. C’est pourquoi elles tendent à la plus grande rectitude possible, sans se préoccuper des difficultés engen-drées par la topographie. La majorité d’entre elles sont encore utilisées, même si plusieurs ne sont plus que des chemins ruraux. Roger Agache les a photogra-phiées à de nombreuses reprises. Les vues les plus intéressantes sur le plan archéologique concernent des segments disparus et remis en culture.

Les fouilles archéologiques ont révélé qu’à l’origine, il s’agissait de simples chemins de terre, même si leur aménagement a souvent nécessité des terrasse-ments significatifs. Au fil de l’époque romaine, cer-tains ont été empierrés, tout ou en partie. Le tracé de la voie a souvent fluctué à l’intérieur de son emprise, car lorsqu’elle devenait impraticable, les véhicules passaient sur le bord, créant une nouvelle voie recon-naissable aux ornières creusées par les roues.

Ce réseau principal qui reliait les capitales des civi-tates et d’autres agglomérations, était complété par des chemins qui desservaient les habitats ruraux dis-persés. Globalement, ils échappent aux prospections aériennes en raison de la modestie de leur aména-gement, mais quelques-uns ont été ponctuellement reconnus lors de fouilles récentes. Le plus souvent, seuls les fossés qui les bordaient sont conservés. Cependant, en bas des versants et dans les fonds de vallée, là où ils étaient envahis par la boue, leur entretien s’est traduit par des creusements succes-sifs (chemins en cavée) et la voie est alors préservée.

Querrieu (Somme). Vue aérienne de la voie romaine autour de laquelle s’est aggloméré le village médiéval. Elle met en évidence la rectitude de ces voies principales, en particulier sur le plateau picard au relief peu marqué. © R. Agache, ministère de la Culture.

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Évocation d’un paysage gallo-romain : la voie romaine traverse une petite agglomération routière et arrive dans une ville nettement plus étendue. Au premier plan, un temple gallo-romain du type fanum est un peu à l’écart de la bourgade routière. Au-dessus de cette dernière, là aussi isolée, il y a une villa, cette grande ferme caractéristique de la Gaule romaine. © Dessin, J.-C. Blanchet.

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Les campagnes gallo-romaines

la découverte des campagnes romaines de Picardie

Les prospections aériennes de Roger Agache ont radicalement bouleversé la perception de l’occupa-tion rurale antique. D’une part, l’abondance des établissements ruraux détectés a surpris : jusqu’alors prévalait l’idée que les terroirs communaux étaient les lointains héritiers des domaines ruraux gallo-romains (fundus), organisés autour d’un centre domanial, la villa. Or, à de multiples reprises, plusieurs villae et d’autres sites d’époque romaine étaient découverts à l’intérieur des limites d’une même commune.

D’autre part, les photographies aériennes permettaient d’observer la diversité des établissements ruraux, princi-palement des centres d’exploitation agricole, telles les vil-lae et fermes, mais aussi des sanctuaires de toute taille, plusieurs bourgs routiers et agglomérations plus étendues. En vingt années, les prospections aériennes ont documenté plus de six cents sites gallo-romains, dont une centaine de façons assez complète. Cette masse d’information a profon-dément renouvelé nos connaissances et bouleversé l’image de l’occupation romaine en Picardie. Auparavant, la Gaule septentrionale était vue comme couverte de forêts avec un habitat gallo-romain clairsemé implanté dans des clairières culturales (idée fondée sur une lecture erronée de La Guerre des Gaules, où César mentionne souvent des forêts, juste-ment en raison de leur rareté).

Pour les villae, l’apport a été particulièrement considérable : dans les années 1960, pour l’ensemble de la Gaule, il n’y en avait guère plus d’une dizaine dont le plan avait été inté-gralement reconnu par la fouille (dont aucune en Picardie). En 1978, une soixantaine de plans sont présentés dans La Somme préromaine et romaine et il s’agit d’une sélection des ensembles les plus complets. La confrontation de ces exemples a permis de définir les caractéristiques de l’orga-nisation spatiale de ces établissements ainsi que des bâti-ments qui s’y rencontraient.

La Somme préromaine et romaine publiée en 1978 contient de nombreuses planches présentant les plans de sites gallo-romains : ici, trois villae.© Dessin, B. Bréart, ministère de la Culture.

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villa

occupationferme

Carte des sites gallo-romains inventoriés dans la carte archéologique : elle permet de mesurer l’apport des prospections aériennes. La densité des sites reconnus est bien supérieure dans le Bassin de la Somme. Cela ne reflète pas la réalité de l’occupation gallo-romaine, mais l’état de nos connais-sances. D’autre part, l’identification des sites est bien meilleure dans le secteur qui a bénéficié des prospections aériennes. Ailleurs, il est difficile de déterminer la nature de l’occupation repérée grâce à des découvertes ponctuelles, aux prospections pédestres, voire même à des fouilles partielles. © DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

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des campagnes densément occupées

L’habitat gallo-romain est dispersé : les villages tels qu’ont les connaît à l’heure actuelle n’existent pas encore. Fermes et villae l’emportent de très loin en nombre. Les prospections aériennes de Roger Agache avaient commencé à lever le voile sur leur abondance. Depuis, prospections pédestres et fouilles ont montré que leur densité est bien plus élevée : dans certaines parties de la région, il y a un habitat pour 40 ha. Par extrapolation, la Picardie pourrait en compter entre 20 000 et 40 000 !

Les centres d’exploitation agricoles sont isolés au milieu des terres qu’ils mettent en valeur. On les ren-contre partout, dans les vallées comme sur les plateaux, où les rebords sont néanmoins privilégiés. La topographie préférée est un terrain légèrement en pente qui assure un bon drainage du site, si possible exposé au sud afin de profiter du meilleur ensoleillement.

Le Mesge (Somme), Les Proies. La grande villa est implantée sur un versant faiblement incliné qui descend doucement vers l’étroite vallée arrosée par le ruisseau de Saint-Landon. Le village fondé au Moyen Âge s’est développé dans la vallée. © R. Agache, ministère de la Culture.

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Francières (Oise), Le Bois de Moreuil. Vue aérienne de l’une des plus grandes villae de Picardie. Les villae correspondent à la catégorie supérieure des établissements à vocation agricole gallo-romains. Avec son organisation géométrique et son ampleur, la villa de Francières symbolise par-faitement les nouvelles orientations de l’agriculture gallo-romaine : une production à grande échelle, rationalisée, visant à dégager le maximum d’excédents commercialisables. © R. Agache, ministère de la Culture.

le développement d’une agriculture commerciale

Le développement de nouvelles infrastructures routières, l’essor des villes, la monétarisation de l’éco-nomie (usage universel de la monnaie pour les transactions), l’intégration à un vaste espace d’échange à l’échelle de l’Empire (qui s’étendait, sans interruption, sur le pourtour de la Méditerranée), ont créé de nouvelles conditions économiques qui ont eu des répercussions majeures sur l’agriculture gallo-romaine. La production agricole constituait le cœur de l’économie antique et occupait la très grande majorité de la population.

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L’archéologie nous révèle à la fois l’absence d’une rupture radicale avec la période antérieure, mais en même temps, une évolution rapide pour accroître les rendements et les excédents commercialisables.

Les études ostéologiques montrent que la taille des animaux croît nettement ; l’objectif était de produire davantage de viande (porcs), de lait (vache, brebis), de laine (moutons) et de disposer d’une force de traction plus puissante, permettant d’étendre les cultures à des sols lourds (bœufs). Cette transformation du cheptel est à la fois due à l’importation d’animaux méditerranéens sélectionnés de longue date pour répondre à cette orientation productiviste, mais aussi au développement local de méthodes de sélection très certainement inspirées des pratiques méditerranéennes. Les éleveurs autochtones étaient donc très ouverts et prêts à innover. Un comportement voisin est aussi observé en ce qui concerne les plantes culti-vées. Elles sont diversifiées par l’introduction d’espèces nouvelles ; les céréales à grain nu panifiables sont privilégiées (ce qui est lié à l’essor de la consommation du pain), tandis qu’apparaissent potagers et vergers. Néanmoins, la culture des céréales à grain vêtu est restée importante dans le nord de la Gaule, car elle était mieux adaptée aux conditions locales (sol et climat). Elle nécessitait aussi moins de main-d’œuvre et ce choix allait bien dans le sens d’une agriculture productiviste. Ce qui démontre que les agriculteurs locaux n’ont pas seulement intégré les influences méditerranéennes, mais ont aussi été capables de les adapter.

Les études palynologiques confirment cette intensification de la mise en valeur des terroirs : le recul des forêts culmine à l’époque romaine, où les espaces boisés étaient moins étendus que de nos jours. Des espaces marginaux (sols sableux pauvres hérités du Tertiaire) sont mis en culture (avant d’être abandonnés au bout de quelques siècles en raison de l’épuisement des sols).

la transformation des campagnes

La présence romaine n’a pas radicalement bouleversé l’occupation rurale. D’une part, presque la moitié des villae gallo-romaines succèdent à un établissement gaulois. D’autre part, les réseaux de fossés qui délimitent les terres témoignent d’une forte continuité avec l’organisation agraire protohistorique ; des réorganisations sont attestées, caractérisées par plus de régularité, mais il n’y a aucune trace d’un remembrement global, encore moins de centuriation, c’est-à-dire de division des terres en unités rec-tangulaires de dimensions régulières de tradition romaine.

Les nouvelles conditions économiques ont provoqué une profonde mutation des campagnes picardes au 1er siècle de notre ère : les abandons et les fondations de centres d’exploitation ruraux sont nombreux. A contrario, la relative stabilité observée entre le 2e et le milieu du 3e siècle suggère qu’à ce moment, un certain équilibre a été atteint. Toutefois, le tableau doit être nuancé : cette stabilité concerne davantage les grands établissements agricoles du type villa, que les fermes plus modestes dont beaucoup dispa-raissent au 2e siècle. Cela pourrait correspondre au début de la concentration foncière qui caractérise les siècles suivants.

J.-L. Collart

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le RedRessement InfORmAtIque des vues OBlIques

Les vues aériennes prises depuis un avion de tourisme, sont obliques. Pour cette raison, elles n’ont pu être direc-tement utilisées à l’époque pour établir les plans publiés par Roger Agache. Ils étaient fondés sur des relevés au sol, faits par lui-même avec l’aide de Bruno Bréart ou d’autres archéologues. Ces « croquis » comme les baptisait Agache, figurent principalement les traînées de craie provenant des fondations antiques accrochées par les labours. Ces traces étaient mesurées au pas ou au décamètre, par rapport à des

axes implantés sur les façades sur cour. En majorité, ces plans se révèlent relativement exacts. Néanmoins, quelques erreurs sont liées à des repères flottants, telles les limites de culture et à une mauvaise appréciation des angles – faute de triangulation.

Le redressement informatique des vues aériennes permet de revoir ces « croquis » et de les compléter, ainsi que de proposer des plans inédits. Lorsqu’il est possible de géoréfé-rencer les images, c’est-à-dire lorsqu’il y a suffisamment de

Estrées-sur-Noye (Somme), Le Bois des Célestins. Belle vue oblique de la grande villa. Les fondations de craie sont bien lisibles suite à un labour profond. Néanmoins, la craie a été dispersée par ce labour de telle sorte qu’il n’est pas toujours aisé de localiser avec précision l’emplacement exact de la fondation © R. Agache, ministère de la Culture.

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points de repères localisables avec précision dans l’espace, les logiciels de systèmes d’information géographique (SIG) permettent un traitement automatique.

Mais ce n’est pas souvent le cas avec les clichés de Roger Agache. Parmi les repères topographiques sûrs, il y a les routes, mais elles n’apparaissent pas toujours. De plus, elles ont été très souvent modifiées depuis les années 1960-1980, quand elles n’ont pas disparu suite aux remembrements. Les mêmes aléas ont affecté les chemins d’exploitation. Les limites culturales, outre qu’elles ne coïncident pas forcément avec les limites cadastrales, ont été effacées par ces mêmes remembrements. Il faut alors recourir aux cadastres anciens et aux vues aériennes horizontales de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), qui sont désor-

mais numérisées et en accès libre pour les plus anciennes (jusqu’aux années 1970).

À ces difficultés s’ajoute le fait que les clichés de Roger Agache ont été pris avec des appareils photogra-

phiques argentiques anciens, interdisant de redres-ser automatiquement les déformations dues aux

optiques, comme cela est désormais possible avec les appareils numériques. Enfin, le

relief, s’il est marqué, peut aussi créer des distorsions difficiles à corriger.

C’est pourquoi, il est généralement plus efficace de redresser les images

dans un logiciel de traitement d’image, car seul un opérateur humain est capable de

hiérarchiser les repères pris en compte. Le posi-tionnement des vestiges peut être facilité et leur tracé

complété, grâce aux indices observés sur les images satel-litaires librement consultables sur Geoportail, GoogleEarth et Bing et ceux livrés par les prospections géophysiques (à l’heure présente, seules deux villae de l’Aisne ont fait l’objet de telles investigations).

Estrées-sur-Noye (Somme),Le Bois des Célestins.La vue oblique de la grande villa (cf. page de gauche) a été redressée à l’aide d’un logiciel de traitement d’image. © Redressement J.-L. Collart,

DRAC Picardie.

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Estrées-sur-Noye (Somme). Plan de la villa publié dans La Somme pré-romaine et romaine en 1978.© Dessin, B. Bréart, ministère de la Culture.

Estrées-sur-Noye (Somme). Vue oblique de la résidence et l’image redressée. © Cliché aérien : R. Agache, ministère de la Culture ; © image redressée : J.-L. Collart,

DRAC Picardie.

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La romanisation de nos campagnes

Estrées-sur-Noye (Somme). Plan d’après les vues aériennes redressées, les vues horizontales de l’IGN et les images satellites.© DAO : J.-L. Collart, DRAC Picardie.

tracé assuré

tracé probable

tracé possible

tracé incertain

épandage/aire de craie

voie

voie

voie

La fiabilité du redressement dépend beaucoup de la quantité de clichés disponibles (pris sous des angles différents, à l’occasion de plusieurs survols), mais aussi du champ des photographies (les vues d’ensemble sont plus aisées à recaler que celles de détail).

Une fois les différentes vues redressées, il est possible d’établir un plan des vestiges, précis à quelques mètres près. En effet, sur les vues après labours, qui sont les plus nombreuses, le tracé des fondations est souvent brouillé par l’éparpillement de la craie qui les constitue. Les rares vues réalisées au moment de la croissance ou de la maturation des végétaux ne présentent pas le même inconvénient et sont donc plus précises.

Les indices observés sont généralement lacunaires, soit en raison de l’arasement du site, très important sur les plateaux picards (il peut atteindre 1 m), soit, plus rarement, parce qu’il est en partie masqué par des colluvions (ce cas se rencontre surtout dans les vallées). Le dessin d’un plan présente donc une part de subjectivité, car il est le résultat de l’interpréta-tion des indices observés, qui se traduit par des tracés en partie hypothétiques.

Le résultat doit être utilisé avec prudence, car les vestiges observés correspondent à plusieurs époques : par exemple, les villae ont été fréquemment occupées pendant trois siècles, mais certaines beaucoup plus longtemps, puisqu’elles peuvent trouver leur origine dans une ferme gauloise, soit une longévité qui peut aller jusqu’à sept siècles. Or, il est rare de déceler les remaniements qui sont bien mis en évidence lors des fouilles. Pour les édifices, ils peuvent non seulement masquer le plan originel, mais surtout créer des « hybrides » : à partir d’une vue aérienne, il est difficile de détecter deux bâtiments successifs qui se superposent avec une orientation similaire. De même, il est presque impossible de distinguer un état initial et d’éventuels remaniements postérieurs.

J.-L. Collart

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Verneuil-en-Halatte

cour résidentielle

cour agricole

fosses et autres

maresm

m

m

m

m

mm

puits

trous de poteau

fondation en dur

maison principale

édifices

fossés et clôtures

espaces latéraux

Bazoches-sur-Vesles

Ronchères

Aubigny FrancièresSaint-Quentin(fin 1er-milieu 2e s.)

Roye(fin 2e-début 3e s.)

Béhen(début 3e s.)

Hardivillers Bohain-en-Vermandois

Ploisy 3 Ploisy 5 Courmelles Plailly Gouvieux

?

Exemples d’établissements à vocation agricole gallo-romains fouillés en Picardie (à l’exception de Francières, dont le plan est établi à partir des vues aériennes). Les plus modestes (à gauche de l’alignement supérieur : Verneuil-en-Halatte, Oise, Bazoches-sur-Vesle, Ploisy et Courmelles dans l’Aisne) sont qualifiables sans hésitation de fermes. En revanche, Plailly et Gouvieux (Oise) ainsi que Ronchères (Aisne) sont habituellement considérés comme de petites villae, en raison de leurs bâtiments élevés sur fondations en dur. Leur absence dans les ensembles plus étendus de Hardivillers (Oise) et Bohain (Aisne) conduit à interpréter ces deux sites comme des fermes. L’alignement inférieur présente à gauche des villae de taille moyenne (Aubigny, Roye et Béhen, dans la Somme et Saint-Quentin, dans l’Aisne) et à droite, la très grande villa de Francières (Oise).© DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie, à partir des plans fournis par les responsables des fouilles.

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La romanisation de nos campagnes

Fermes et villae

Pour la période romaine, il est d’usage de distinguer la ferme de la villa, en se fondant sur deux critères : la surface occupée, plus réduite pour les fermes et plus grande pour les villae ; l’absence ou la rareté des bâtiments sur fondations en dur dans les fermes, nombreux dans les villae. La villa correspond à une catégorie supérieure d’établissements agricoles, autrefois supposée être un modèle architectural importé d’Italie. Par opposition, la ferme apparaissant comme l’héritière de la tradition gauloise, était appelée « ferme indigène ». Depuis, les fouilles ayant mis en évidence qu’elle était indiscutablement romanisée, le terme de « ferme gallo-romaine » a été préféré.

Les fouilles ont aussi révélé que l’opposition entre architecture en dur et architecture en matériaux périssables n’a pas l’importance qu’on lui octroyait. Les fondations en dur sont absentes ou rares (sou-vent limitées au seul bâtiment principal) dans les états anciens des villae : dans le Bassin de la Somme, les fondations massives (qui ont échappé à l’érosion) ne deviennent communes qu’à partir de la fin du 2e siècle. Ce seul critère conduit à qualifier de « ferme » les états initiaux d’un établissement et de villa ses états plus récents. L’importance donnée à ce critère architectural repose aussi sur un raccourci en partie erroné : fondation en dur = élévation en dur. Or, de nombreux exemples attestent qu’une fondation en dur peut supporter une élévation en matériaux périssables (pan de bois hourdis de torchis).

En définitive, la surface constitue le critère le plus pertinent : les fermes s’étendent sur quelques milliers de mètres carrés, tandis que 9 villae sur 10 occupent de 1 à 2 ha. C’est une surface considérable au regard des fermes modernes, mais il en existe de beaucoup plus grandes, de 3 à 6 ha et même davantage pour quelques-unes. Une telle étendue résulte de la dispersion des édifices autour d’une vaste cour centrale.

Le nombre et l’ampleur des édifices est en rapport avec la surface du site : dans les fermes, il n’y en a guère plus de trois ou quatre et leur surface est généralement modeste. Dans les villae, il y en a fré-quemment de cinq à neuf et jusqu’à une vingtaine dans les plus grandes ; en outre, leur surface peut atteindre plusieurs centaines de mètres carrés.

Fermes et villae sont initialement entourées par un enclos fossoyé périphérique. Dans les villae, cet aménagement a souvent échappé à l’observation aérienne, mais il est systématiquement rencontré sur les sites fouillés, quelquefois remplacé dans un état ultérieur, par un mur de clôture.

le plan axial

La villa se distingue par une organisation spatiale plus régulière. En Picardie, presque toutes les villae suivent un plan axial, c’est-à-dire que l’ensemble des constructions est organisé comme par rapport à un axe de symétrie qui passerait au centre de l’établissement. Les tracés directeurs tendent à être rectilignes avec des édifices annexes espacés de 20 à 40 m, bien alignés de part et d’autre d’une vaste cour rectangulaire centrale plutôt étroite et allongée ou, dans quelques cas, trapézoïdale.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

L’habitation principale est placée sur l’un des petits côtés de cette cour, au milieu de sa lar-geur. Dans les grandes villae, la cour est divi-sée en deux parties par un mur transversal. La grande cour correspond à la partie productive, la pars rustica et la petite, à la partie résiden-tielle, la pars urbana. Cette organisation spa-tiale régulière, symétrique, structurée, répond visiblement au souhait de donner à l’ensemble un caractère monumental.

Cléry-sur-Somme (Somme), hameau d’Omiécourt, Entre Deux Villes. Petite villa de plan rectangu-laire classique, où la cour ne semble pas divisée. Plusieurs fossés parallèles bien visibles attestent de la présence d’un enclos périphérique, vraisem-blablement agrandi à plusieurs reprises. Les bâti-ments sur fondations en dur en chevauchent au moins deux, ce qui démontre l’antériorité de ces fossés. Ce cas de figure est très fréquent. Il indique que les villae ont souvent été agrandies au fil des siècles. © R. Agache, ministère de la Culture.

Cachy (Somme), Les Flermonts. Petite villa de plan trapézoïdal, qui s’organise autour de deux cours malgré sa modeste taille.© R. Agache, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

Petites, moyennes et grandes villae

Roger Agache a distingué les petites, moyennes et grandes villae en se fondant principalement sur leur longueur. Ce classement n’a pas été remis en question, même si les seuils admis actuellement sont légèrement différents : lon-gueur inférieure à 180 m pour les petites et supérieure à 230 m pour les grandes. Certes, dans les établissements plus modestes, la partition en deux cours (pars urbana/pars rustica) n’est pas aussi généralisée que dans leurs homolo-gues de taille supérieure ; ou encore, le plan trapézoïdal est plus fréquent dans les plus grandes villae, puisque près de la moitié d’entre elles l’adoptent. Mais la disposition géné-rale est similaire, avec ce très grand espace central bordé d’édifices alignés, mais dispersés.

Grivesnes (Somme), Le Grand Camp de Favières. Petite villa qui adopte un plan peu représenté en Picardie, avec une cour rustique plus large que longue.© R. Agache, ministère de la Culture.

Plan des trois villae. © Dessin, B. Bréart, ministère de la Culture.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

Vaux-sur-Somme (Somme), Le Grand Ronssoy. Villa de taille moyenne (longueur : 220 m), où la résidence (à droite de l’image) est décentrée. L’axialité est quasiment générale, mais il y a quelques exceptions. © R. Agache, ministère de la Culture.

Lahoussoye (Somme), Bois de Sénéchal. Cette villa n’est pas l’une des plus grandes de Picardie, mais elle présente un plan trapézoïdal particulièrement régulier, avec une grande surface bâtie et une résidence fort étendue et complexe. © R. Agache, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

jardins

jardins

pars urbana

pars rustica

fossé ?

chemin ?

mare

voie

?

fossé ?

rout

e mod

erne

fossé

pars rustica

pars urbana

jardins

Vaux-sur-Somme et Lahoussoye. La comparaison des deux plans fait ressortir les différences entre une villa moyenne et une grande villa. La disposition générale est similaire : cour centrale divisée entourée d’édifices. Cependant, dans la villa moyenne (Vaux, à gauche), ces édifices sont dispersés et leur alignement n’est que relatif. La résidence est non seulement désaxée, mais encore nettement décentrée. En revanche, dans la grande villa (Lahoussoye, à droite), même si les constructions ne respectent pas non plus un parfait alignement, notamment au nord, leur disposition est nettement plus régulière. De plus, ce qui est une caractéris-tique assez souvent rencontrée dans les grandes villae, les différents édifices sont contigus et forment des ensembles construits compacts. © DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

Lamotte-Warfusée (Somme), La Mazure. La vue aérienne montre la situation de cette grande villa au sud de la voie romaine autour de laquelle s’est aggloméré le village médiéval. Une autre grande villa a été observée à la sortie opposée du village, au nord de la voie. La coexistence à faible distance (ici 2,3 km) de deux grandes villae, n’est pas un cas de figure isolé.© R. Agache, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

une grande diversité

Au-delà des principes communs d’organisation spatiale qui viennent d’être décrits, l’examen des plans fait ressortir une grande diversité : aucune villa n’est identique à une autre.

La confrontation des plans des deux grandes villae de Lamotte-Warfusée, pourtant voisines, montre des organisations radicalement différentes. Celle de La Mazure, outre son tracé légèrement trapézoïdal, présente un plan compact, avec des bâtiments rapprochés voire contigus. En revanche, à La Sole du Chauffour, les édifices sont très dispersés.

Les ensembles compacts sont relativement originaux parmi les villae de la Gaule. Il se pourrait même qu’ils soient spécifiques au seul Bassin de la Somme. Cela confirmerait l’idée d’écoles régionales et donc, une élaboration locale.

Lamotte-Warfusée (Somme), La Mazure. Cette vue rapprochée permet notamment d’observer le mur d’enclos qui entourait l’établissement, aménagement assez fréquent dans les grandes villae, mais rarement observé dans son intégralité. © R. Agache, ministère de la Culture.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

pars urbana

mur d’enclos

mur d’enclos

balnéaire ?

bâtiment porche

bâtiment porche

bâtiment porche

voieempierrée

pars rustica

pars rustica

pars rustica extérieure

pars urbana

Lamotte-Warfusée (Somme), La Sole du Chaufour. À gauche, vue d’ensemble ; ci-dessous, vue de la résidence. © R. Agache, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

Malpart (Somme), Le Chemin de Montdidier. Vue de la grande villa située à proximité du petit village d’origine médiévale. © R. Agache, ministère de la Culture.

Lamotte-Warfusée et Malpart. Les trois plans à une échelle plus réduite que les précédents mettent bien en évidence les points communs et les diffé-rences de ces trois grandes villae.© DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

pars urbana

pars rustica

voie

jardins

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

un développement progressif

Un examen attentif des plans des villae picardes révèle, assez souvent, des anomalies qui attestent d’un respect relatif de la géométrie. Elles résultent de l’histoire complexe de sites qui ont été rarement créés d’un coup, mais ont connu un développement progressif, comme en témoigne l’exemple de Béhen. Les nombreuses fouilles menées en Picardie illustrent la complexité et la diversité de ces transformations. Dans plusieurs cas, comme Béhen et Roye (voir infra), cela s’est traduit par une extension progressive de la surface occupée, avec en parallèle une recherche de plus en plus affirmée de la régularité des tracés directeurs : les tracés curvilinéaires ont été délaissés au profit de tracés linéaires. Mais le « poids du passé » a souvent pesé, car ces modifications ont rarement été radicales ; il s’agissait plutôt de remodeler l’existant, ce qui explique toutes ces apparentes « anomalies ».

J.-L. Collart

Béhen (Somme), Au-dessus des Grands Riots. Villa de taille moyenne (lon-gueur : 180 m), de plan trapézoïdal, avec des bâtiments sur fondations de craie bien lisibles. © R. Agache, ministère de la Culture.

Béhen (Somme), Au-dessus des Grands Riots. Vue de la fouille en cours, lors des travaux de construction de l’A28.© R. Agache, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

Époque gauloise 40-90 apr. J.-C. Milieu du 2e s.

Début du 3e s.

enclos principal

résidence

mare

pars rustica

pars urbana

enclos principal

sépultures

Phase 1 : La Tène

Phase 9 : Mérovingien

Phase 8 : 3e s. (jusqu’à 270)

Phase 7 : seconde moitié du 2e s.

Phase 6 : milieu du 2e s.

Phase 5 : Flaviens-début du 2e s.

Phase 4 : Claude-Flaviens (40/50 à 90)

Phase 3 : Augusto-tibérien (0 à 40/50)

Phase 2 : La Tène D-Augustéen (-120 à 0)

enclos principal

Béhen (Somme), Au-dessus des Grands Riots. En bas, à gauche, le plan des fouilles (où les vestiges de chaque époque sont dotés d’une couleur distincte) permet d’appréhender l’évolution complexe d’un site occupé du 2e siècle avant J.-C. jusqu’aux années 270 (avec une réoccupation mérovingienne). Les plans du haut présentent (à une échelle réduite) la disposition de la ferme à trois époques successives. Celui en bas à droite correspond à la période où les bâtiments s’élèvent sur les fondations en craie bien visibles sur les vues aériennes. © DAO, D. Bayard & J.-L. Collart, DRAC Picardie.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

de lA feRme gAulOIse à lA viLLA : ROye

L’établissement antique de Roye fouillé en 1990 et en 1997, est représentatif des transformations d’une ferme gauloise, bien modeste à l’origine (vers le milieu du 2e siècle avant J.-C.) en une villa de taille moyenne, puis de son déclin au 4e siècle et de son abandon au début du 5e siècle.

La villa de Roye a été identifiée grâce à la prospection aérienne, malheureusement après la construction de l’autoroute A1, qui a détruit l’extrémité de la cour agricole. Néanmoins, la locali-sation de la mare (ou plutôt des mares, car cet aménagement a été agrandi voire légèrement déplacé au 4e siècle) suggère

que la partie détruite n’était pas conséquente. En effet, très souvent, la mare est implantée à l’entrée de la cour agricole (cf. l’exemple de Vaux-sur-Somme, supra). Le site a donc vraisemblablement été exploré dans sa quasi intégralité.

Les traces au sol, celles des fondations de craie, donnaient une image partielle du plan et ne montraient en rien la pré-sence d’une ferme gauloise antérieure, pourtant matérialisée par un important réseau de fossés débordant de l’assiette du site romain. C’est une situation assez générale, car rares sont les sites où les deux types d’indices ont été observés.

Roye (Somme), Le Puits à Marne. À gauche, vue aérienne de la villa et dessous, son plan ; à droite, vue de la villa en cours de fouille lors de la première campagne en 1991. © R. Agache, ministère de la Culture et B. Bréart, ministère de la Culture (dessin).

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La romanisation de nos campagnes

les fermes indigènes en voie de romanisation

Néanmoins, à partir de quelques exemples significatifs, Roger Agache avait développé l’idée de « fermes indigènes en voie de romanisation ». Pour résumer sommairement, au début de la période romaine, certaines fermes auraient conservé une

organisation héritée de l’époque gauloise, tout en adoptant certains traits des villae, essentiellement des bâtiments de tradition romaine. Ces interprétations n’étaient pas à propre-ment parler inexactes, mais elles sous-estimaient le caractère général du phénomène et de ce fait, sa véritable signification.

Ce dessin évoque l’aspect que pouvait avoir cette villa au 3e siècle. Ses deux cours sont séparées par un mur de clô ture inter rompu par un bâti ment porche qui permettait d’entrer dans l’espace résidentiel. Sur le long côté de la cour résidentielle, la maison principale est pourvue d’une galerie en façade encadrée par deux pièces d’angle, dont une abrite une cave. Devant se développe un jardin aux allées bordées d’arbres. À droite de la cour, un balnéaire témoigne de l’aisance du propriétaire. En face, se trouve une probable habitation. Trois édifices principaux sont répartis aux extrémités de la cour agricole. Le plus proche de la pars urbana, à droite, paraît être un grenier. Son vis-à-vis pourrait être aussi un édifice de stockage. Une cave isolée suggère la présence de constructions intermédiaires plus légères et par suite, arasées, correspondant peut-être aux habitations du personnel. Vers l’extrémité de la cour (à gauche), la mare possède une pente aménagée pour faciliter l’accès du bétail. Cette villa est parfaitement représentative des établissements de taille moyenne de la région. © DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

fermes gauloises et villae : la filiation

Depuis, les fouilles ont permis de multiplier les exemples de la transformation progressive d’une ferme gauloise en villa, tout à fait similaires à ce qui a été observé à Roye ou à Béhen. Le point essentiel montré par ces deux exemples et confirmé par de nombreux autres, est que ces établissements agricoles prennent la forme d’une villa gallo-romaine « classique » ou

« canonique », pas avant le courant du 2e siècle, plus souvent même dans la seconde moitié de ce siècle, voire au début du suivant. C’est le résultat d’une lente mutation, qui se traduit par une succession de réorganisations plus ou moins radi-cales de l’espace. Certes, à Roye, ces modifications sont limitées et une certaine continuité est observée à partir de la refondation initiale du site à la phase 3. Par refondation, il

mare

mare

résidence

résidence résidence

sépultures

sépultures sépultures

mare mare

mare

puitschablis

balnéairebalnéaire

bâtiment porche

Bât. 2

Bât. 4

Bât. 4

Bât. 5

Bât. 5Bât. 6

Bât. 7

Bât. 7Bât. 8 Bât. 8

Bât. 2

Phase 9 : 4e s.Phase 8 : 3e s.Phase 7 : fin du 2e-début du 3e s.Phase 6 : 2e s.

Phase 5 : seconde moitié du 1er s.Phase 3 : -80 à début 1er s. apr. J.-C.Phase2 : La Tène D1b (-120 à -80)Phase 1 : La Tène D1a (-150 à -120)

1000 m2

4200 m2

5600 m2

> 7800 m2

> 11900 m2

> 16000 m2

enclos d’habitat

enclos d’habitat

enclos d’habitat

enclos d’habitat

enclos de parcage enclos de parcage

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La romanisation de nos campagnes

faut comprendre que l’organisation antérieure a été comme effacée au profit d’un nouvel enclos fossoyé. Ensuite, toutes les transformations sont réalisées dans la continuité de ce nouvel enclos, par agrandissements successifs, en longueur, puis en largeur. L’appréhension fine de ces changements aux

Les aménagements de chaque période ont été matérialisés par une couleur : la période retenue correspond principalement à celle du comblement et de l’aban-don des structures (celles-ci ayant pu être aménagées bien avant). Cet exemple illustre la méthode d’analyse de sites occupés fort longtemps, dans le cas présent, six siècles environ. Les plans « par phase » qui occupent la page de gauche, montrent que la ferme gauloise a été agrandie (cf. la surface des enclos qui délimitent l’espace d’habitat), tendance qui s’est poursuivie au début de la période romaine. On perçoit bien le caractère progressif du passage de la ferme gauloise à enclos curviligne à une villa gallo-romaine au plan régulier et symétrique. © DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

1er et 2e siècles, à Roye comme à Béhen, n’est pas possible, car il manque les bâtiments, dont toute trace a disparu suite à l’érosion superficielle.

J.-L. Collart

0 50m10

2de moitié du 1er s.

2e s.

fin du 2e-début du 3e s.

3e s.

4e s.

1re moitié à milieu du 1er s.

La Tène D2-début 1er s. apr. J.-C.

La Tène D1b (-120 à -80)

La Tène D1a (-150 à -120)

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

Résidences de plan linéaire dans La Somme pré-romaine et romaine. © Dessin, B. Bréart, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

La romanisation de l’architecture rurale

L’adoption des techniques de construction et de l’architecture romaines n’a pas été immédiate. Dans ce domaine, comme dans d’autres, cela a été dit plus haut, la civilisation gauloise s’est poursuivie sans chan-gement nettement observable dans la culture matérielle jusqu’au tournant du dernier quart du 1er siècle avant J.-C. En Picardie, en ce qui concerne l’architecture rurale, les traditions gauloises, tant au niveau des modes de construction que des types de bâtiments, ont été largement dominantes jusqu’au milieu du 1er siècle de notre ère. Les signes les plus patents de l’influence romaine sont l’usage de la pierre et des couvertures de tuiles, qui est introduit au tournant du changement d’ère mais ne devient commun que vers le milieu du 1er siècle. Mais une transformation plus importante en raison de son ampleur et probablement plus précoce est aussi intervenue dans les techniques de travail du bois. Elle est plus difficile à évaluer, car les vestiges directs en ont disparu. Les témoignages indirects en sont la surface croissante des édifices grâce à une maîtrise supérieure des assemblages dans les charpentes et la raréfaction progressive des constructions sur poteaux plantés, supplantées par des structures à pan de bois posées. Ces évolutions sont presque plus importantes que l’introduction de la pierre, en raison de leur plus large diffusion. Une bonne partie de la Picardie, l’espace correspondant aux plateaux de craie, notamment le Bassin de la Somme, ne disposait pas de pierre de bonne qualité et la majorité des constructions étaient réalisées en matériaux périssables. L’évaluation de ces changements en milieu rural se heurte aux limites de la documentation archéologique : la majorité des établissements ruraux fouillés en Picardie a subi un fort arasement et les traces des bâtiments des deux premiers siècles ont disparu. Dans les villae, la romanisation des bâtiments commence souvent par la construction d’une résidence de plan romain. Elle gagne progressivement tous les autres édifices, qui sont rebâtis sur de plus vastes proportions, de manière de plus en plus solide et souvent pourvus de galeries en façade, aménagements qui leur confèrent une apparence vraiment romaine.

les résidences

Les résidences s’étendent couramment sur 300 à 600 m2, mais quelques-unes atteignent plusieurs milliers de mètres carrés et se présentaient comme de luxueux palais ornés de riches peintures murales, de placages de pierre dure (dont des marbres) et quelquefois de sols ornés de mosaïques. Elles adoptent majoritairement un plan linéaire, soit la forme d’un rectangle allongé, divisé dans la longueur par une suite de salles, parfois recoupées en profondeur, assez souvent associées à des couloirs et/ou une cage d’escalier. La présence éventuelle d’un étage n’est presque jamais démontrable avec certitude, mais elle devait être assez fréquente. Une autre disposition qui n’est attestée que par quelques exemples en Picardie, s’organise autour d’une petite cour intérieure bordée de colonnes, un « péristyle ». Elle correspond aux plus grandes villae.

Roye (Somme), Le Puits à Marne. Évocation de la résidence.

© DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

Villers-sous-Ailly (Somme), Le Cerisier. Cette résidence de moyenne étendue présente déjà un plan complexe avec de nombreuses pièces. En façade, les pavillons d’angle sont dans l’alignement du corps de bâtiment et de la galerie-façade. En revanche, à l’arrière, les pavillons saillent nettement en avant de la seconde galerie façade. Un rang de petites pièces longe la galerie-façade principale, devant l’enfilade de grandes salles (certaines recoupées dans leur profondeur), qui constituent le corps de bâtiment central. Ce détail ainsi que le redoublement des fondations du mur extérieur de la galerie-façade suggère que cette dernière a été remaniée à plusieurs reprises. © R. Agache, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

En haut, à gauche, Flesselles (Somme), La Vigne, pré-sente un plan élémentaire, avec une enfilade de trois pièces de taille similaire séparée par deux couloirs, le tout précédé par une galerie façade encadrée par des pavillons saillants latéralement, dont un peu lisible en raison de la probable présence d’une cave.

En haut, à droite, Coulonvillers (Somme), Le Quesne, a une disposition aussi élémentaire : deux salles cen-trales sont encadrées par deux “suites” comprenant deux pièces étroites dont une est recoupée en profon-deur. Le corps de bâtiment est longé par deux galeries façade dont une au moins avec des pavillons latéraux non saillants.

Ci-contre, Mareuil-Caubert (Somme), La Ferme de Caubert, correspond à une résidence déjà plus éten-due, mais de plan simple, puisque le corps de bâtiment comprend au milieu trois pièces de tailles voisines, encadrées par deux couloirs qui les séparent de deux salles plus larges. L’ensemble est longé par une large galerie façade.

© R. Agache, ministère de la Culture.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

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3

3

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2

cave

cave

cave

hypocauste

2

2

2

État 1 : début 2e s.

État 5 : 3e s.

État 4 : fin du 2e s.

État 3 : 2e s.

État 2 : 2e s.

105 m2

505 m2

Ci-dessus, Mézières-en-Santerre (Somme), Le Ziep. Vue de la grande résidence. © R. Agache, ministère de la

Culture.

À gauche, Aubigny (Somme), La Diéné. Évolution de la résidence sur fondation en dur d’après les fouilles. Les agrandissements successifs se greffent au corps de bâtiment initial de plan élémentaire (les espaces de circulation sont en jaune clair). © DAO, J.-L. Collart.

À droite, Namps-Maisnil (Somme), Les Pinettes. Vue des deux états de la résidence. © R. Agache,

ministère de la Culture.

103

La romanisation de nos campagnes

La forme la plus simple de la résidence de plan linéaire est constituée par une enfilade de trois pièces. Les indices permettant une interprétation fonc-tionnelle font presque toujours défaut. On suppose que la salle centrale cor-respondait à un espace de réception (dans les résidences les plus luxueuses, cette pièce médiane l’emporte par ses dimensions et possède parfois un sol revêtu de mosaïque). L’une des pièces latérales pouvait être une cuisine et l’autre un espace de vie, voire un dortoir.

Très souvent, un espace étroit longe la façade et permet d’accéder aux salles situées à l’arrière. Elle est communément appelée « galerie façade », car cer-tains sites ont livré des traces d’une colonnade. Elle est assez fréquemment encadrée à chacune de ses extrémités par une pièce, souvent saillante et de ce fait qualifiée de « pavillon d’angle ». En Picardie, l’un de ces pavillons renferme très souvent une cave. Dans les résidences les plus luxueuses, ces pièces d’angles peuvent être remplacées par des ailes parfois très étendues.

Ces résidences ont presque toujours été agrandies au fil des ans, voire dans quelques cas, complètement rebâties. Leur disposition régulière témoigne d’une planification suggérant l’intervention d’architectes, au moins dans les plus grandes, tant les plans finissent par être complexes.

Toute résidence d’une certaine importance possède une suite de bain ou bal-néaire, parfois isolé dans une construction séparée. Dans les résidences les plus luxueuses, il pouvait y avoir plusieurs suites de bain, ainsi que des pièces chauffées par le sol, au moyen d’hypocaustes : un vide aménagé à l’aide de petits piliers (généralement constitués de carreaux de terre cuite empilés) permettait de faire circuler de l’air réchauffé par un foyer – le praefurnium – sous le sol. L’air était évacué à l’aide de conduits incrustés dans les murs, qui, s’ils étaient rapprochés, pouvaient aussi contribuer à chauffer la pièce.

des palais ruraux

Plus la résidence est étendue, plus le nombre de pièces s’accroît, pour atteindre plusieurs dizaines, voire centaines de salles dans les plus grandes. Il est alors possible d’y observer des suites de pièces organisées autour

18

8 20 188

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20 202424

30 3030

État 1? : 52 × 100 – bâtiment à galeries façade

État 1 ou 1b : 52 × 120 – bâtiment à galerie périphérique

État 2 : 52 × 160 – adjonction de deux ailes latérales

État 3 : 82 × 280 – extension des ailes latérales

À un moment indéterminé, l’enclos devient un triportique

Mur de l’enclosrésidentiel

Mézières-en-Santerre (Somme), Le Ziep. Hypothèse de l’évolution de la résidence à partir d’un bâtiment relative-ment modeste qui devient très conséquent (les mesures sont exprimées en pieds). © DAO, J.-L. Collart.

Namps-Maisnil (Somme), Les Pinettes. Les deux états de la résidence sont partiellement superpo-sés. La plus ancienne était oblique par rapport à l’orientation générale de la villa. © DAO, J.-L. Collart.

0 50m

104

L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

d’une petite chambre associée à une ou plusieurs pièces de vie, qui éventuellement se répètent pour accueillir les différents membres de la famille (dominus et domina, le maître et la maîtresse, habitaient séparément). Ajoutons que les plus riches se déplaçaient d’un appartement à l’autre au gré des saisons, pour bénéficier de la meilleure exposition. Suivant le même principe, ces résidences de luxe possédaient aussi plusieurs salons et salles à manger. Cette « débauche » architecturale constituait le meilleur moyen pour les notables, qui partageaient leur temps entre la capitale et leurs domaines ruraux, de manifester leur richesse et leur position sociale.

J.-L. Collart

Belleuse3500 m2

Saint-Just-en-Chaussée5300 m2

Estrées-sur-Noye6200 m2

Noyon6800 m2

Cappy3100 m2

Voyennes3500 m2

jardin ?

jardin ?

jardin ?

jardin ?hh

cour résidentielle cour résidentielle

cour résidentielle

cour résidentielle

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bâtiment porche

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La romanisation de nos campagnes

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Limé23 500 m2

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bassin, citerne

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aménagements hydrauliques(drains, égouts, aqueducs)

aqueduc

Plans de quelques-unes des plus grandes résidences gallo-romaines de Picardie (établis à partir des photographies aériennes, des vues satellites et de prospections géophysiques pour Limé). Là encore, la diversité est la règle. Néanmoins, une tendance est claire : la cour résidentielle est bordée de constructions sur trois côtés. Sur les faces latérales, elle est au moins longée par un portique, mais très souvent, des édifices se développent à l’arrière et forment des ailes lorsqu’elles joignent le bâtiment principal. Les surfaces construites (indiquées sous le nom du site) sont considérables. Limé (Aisne) est une villa “hors normes”, la plus étendue de la Gaule (dans l’état actuel de nos connaissances), puisque son assiette couvre plus de 20 ha. La résidence est organisée autour d’une grande cour principale et plus de quinze cours secondaires. Hors les espaces qui peuvent être interprétés comme des couloirs (ce qui n’est pas toujours facile à déterminer, car plusieurs sont partitionnés), il y aurait plus de 260 pièces. © DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

Blincourt (Oise), Derrière Le Bois de Choisy. Vue d’un petit sanctuaire ne comprenant en apparence qu’un fanum et un bâtiment résidentiel. © R. Agache, ministère de la Culture.

Estrées-Saint-Denis (Oise), Le Moulin des Hayes. Vue des trois fana en cours de fouille. © R. Agache, ministère de la Culture.

Évocation d’un fanum : la partie centrale de plan légèrement rectangulaire, nette-ment surélevée, correspond à la cella qui abrite l’image du ou des dieux honorés. Elle est entourée par une galerie soutenue par une colonnade.© J.-L. Collart, DRAC Picardie.

Sanctuaires et agglomérations

Les habitats groupés sont rares : près de soixante-dix ont été recensés sur l’ensemble de la Picardie, mais il en reste à découvrir. Majoritairement implantés le long des axes routiers, leurs tailles varient de quelques habi-tations aux véritables villes que sont les capitales des différents peuples. Les temples ruraux sont probablement plus nombreux : plus de soixante-dix sont identifiés, dont une cinquantaine dans la Somme. Cette disparité entre les départements est essentiellement due à l’état de nos connais-sances. C’est pourquoi les chiffres de la Somme peuvent être triplés pour une estimation minimale (car tous les sanctuaires de la Somme sont loin d’avoir été découverts).

Toute agglomération d’une certaine importance intègre des lieux de culte et les grands sanctuaires ont souvent donné naissance à des aggloméra-tions, de telle sorte que l’attribution de plusieurs sites à l’une ou l’autre catégorie est un sujet de débat. La difficulté réside dans notre connais-sance superficielle de ces sites qui n’ont pas été fouillés et par les inter-prétations divergentes avancées par les archéologues et les historiens.

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La romanisation de nos campagnes

les sanctuaires ruraux : l’apport des prospections aériennes

Roger Agache s’est beaucoup intéressé à la question des sanctuaires ruraux, comme les archéologues ou les historiens de l’Antiquité dans les années 1960-1970. Il y a été en quelque sorte encouragé par la découverte en 1966 du grand sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Somme), dont la fouille a commencé en 1968. Au niveau national, la documentation archéologique, même si elle était un peu plus étoffée que pour les établissements ruraux, présentait les mêmes limites : beaucoup de fouilles partielles donnant une vision ponctuelle. Là encore, les prospections aériennes ont livré une masse d’informations nou-velles, permettant notamment de replacer les temples dans leur contexte. Par un heureux concours de circonstances, la découverte en 1975 d’un lieu de culte gaulois antérieur au sanctuaire gallo-romain dans l’oppidum de Gournay-sur-Aronde (Oise), inédite dans le Nord de la Gaule, a ouvert un nouveau champ de recherche qui a rapidement polarisé l’attention des archéologues picards, qu’ils soient protohisto-riens ou antiquisants. Les années 1980 ont vu se multiplier les fouilles sur les lieux de culte gaulois et gallo-romains, avec pour conséquence de très grands progrès dans les connaissances. Au milieu des années 1990, cet engouement est un peu retombé en Picardie, mais de récentes découvertes ont attiré de nouveau l’attention sur ce sujet passionnant en raison de sa complexité.

le temple gallo-romain ou fanum

Dans les campagnes gallo-romaines, les temples adoptent majoritairement un plan particulier à l’ancien espace celtique : deux carrés inscrits l’un dans l’autre ou, plus rarement, deux cercles ou deux poly-gones. Baptisés fanum par les archéologues (ce qui, en latin, désigne un petit temple), ils traduisent, dans la pierre et sous une forme romanisée, l’architecture indigène. Le mur interne correspond à celui de l’espace sacré (cella), qui avait une importante élévation et renfermait l’image de la ou des divinités honorées ; le mur externe délimite une galerie périphérique réservée à la déambulation des fidèles. Au fil du temps, les plus grands temples, comme ceux de Ribemont-sur-Ancre et de Champlieu dans leur état du 2e siècle, se sont davantage rapprochés de l’architecture classique des temples romains. Ils ont adoptés le podium (un soubassement surélevé) et l’escalier frontal permettant de le gravir, souvent associés à un fronton triangulaire projeté en avant de la cella soutenu par une colonnade (voir la maquette du temple de Ribemont-sur-Ancre, infra). Toutes ces solutions architecturales particulières sont encore l’une des manifestations de l’originalité de la civilisation provinciale gallo-romaine.

les sanctuaires

Le fanum, parfois associé à d’autres, s’inscrit dans un grand espace clos (temenos). Cet espace où se déroulent les rites publics, notamment les sacrifices, est nécessairement vaste, au moins devant la façade du temple. Souvent, il a été pourvu d’un portique (galerie ouverte) périphérique, aménagement architectural classique, où les fidèles peuvent s’abriter, voire dormir pour les pèlerins qui passent plu-sieurs jours dans le sanctuaire.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

0 50m

temple

théâtre

Bâtiments médiévaux ou modernesla maison du meunier ?

Fluy (Somme), La Maison du Meunier. Vue aérienne de la petite agglomération qui s’étend sur 10 à 15 ha. On distingue au premier plan le théâtre entouré de maisons qui sont plus ou moins alignées, sans doute le long d’une rue fortement arasée, matérialisée par de la craie éparpillée. Dans la partie supérieure, le sanctuaire comporte un temenos long et étroit, bordé par un portique, dans lequel s’inscrit le temple aux imposantes fondations de craie. Un fanum antérieur est bien visible, même s’il est partiellement recoupé par son successeur. Le théâtre, de dimensions réduites, devait être construit principalement en bois. Son plan le place parmi les édifices de spectacle gallo-romains mixtes (théâtre à arène). La bourgade devait s’organiser autour de quelques rues encadrant au sud une grande aire vide, où il est tentant de voir une esplanade destinée aux foires. Les scories collectées en surface suggèrent une activité métallurgique signifi-cative, ce qui indique la présence d’artisans. Ce site réunissait des fonctions religieuses, commerciales, artisanales et peut-être civiques, car le sanctuaire est imposant au regard du reste du site. Ce dernier peut être interprété comme un grand sanctuaire ou comme une agglomération.© R. Agache, ministère de la Culture ; DAO, J.-L. Collart, DRAC Picardie.

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La romanisation de nos campagnes

Les grands sanctuaires possèdent un théâtre, qui sert à des représentations d’inspiration mythologique, en rapport avec la ou les divinités honorées (un parallèle peut être fait avec les mystères médiévaux). Mais les manifestations religieuses, qui attirent les populations rurales voisines, peuvent être l’occa-sion d’activités plus profanes, telles des foires à caractère commercial. Cette autre dimension du rôle des sanctuaires ruraux est clairement démontrée par les édifices de spectacle de Ribemont-sur-Ancre et Nizy-le-Comte (Aisne), qui ont une vocation mixte (ce qui est encore une particularité de la Gaule romaine) : ils possèdent non seulement une scène pour les représentations propres aux théâtres, mais aussi une arène, aménagement dédié aux jeux du cirque.

Les grandes esplanades rencontrées à l’extérieur des enceintes sacrées répondent certainement en partie à cette activité profane. Certes, leur première vocation est l’accueil des pèlerins les jours de grande affluence (d’où leur vaste étendue), mais la présence de marchands avec leurs étals, est aussi très pro-bable. Ces grands rassemblements devaient aussi prendre l’allure de foires. Les bâtiments annexes, plus ou moins nombreux, à l’intérieur comme à l’extérieur des enceintes sacrées, hébergent le clergé et sa domesticité, peut-être aussi les pèlerins, mais à coup sûr des marchands (au minimum, ceux qui vendent offrandes et ex-votos) et probablement des tavernes et auberges. Confirmant cette vocation festive, les grands sanctuaires possèdent aussi des bains publics ou des thermes, lieux éminents de convivialité.

Ces sanctuaires ruraux ont certes une vocation religieuse, mais ils assurent aussi un rôle social, comme lieu de rencontre, et économique, comme lieu d’échange. Certains ont aussi une dimension civique et politique. L’inscription trouvée à Ribemont-sur-Ancre est une dédicace non seulement à Mercure, le grand dieu des Gallo-Romains, mais aussi à l’empereur. Elle suggère que le sanctuaire était en partie affecté au culte impérial, culte civique par lequel les habitants de l’Empire manifestaient leur fidélité au souverain. Il en est de même à Nizy-le-Comte, où le grand sanctuaire voisin de l’agglomération, a livré une dédicace associant Apollon et l’empereur, rappelant qu’un notable a fait don du mur de scène du théâtre. La mention conjointe du pagus Venectis, soit la tribu des Venectes (les civitates gauloises, ou peuples, étaient formées de plusieurs pagi ou tribus, qui ont pris un sens essentiellement territorial à l’époque romaine, sens conservé par le mot français « pays » qui en provient), conduit à la question de l’éventuel rôle politique de certaines agglomérations. À Nizy-le-Comte, le sanctuaire correspond à un quartier périphérique d’une agglomération conséquente.

les agglomérations

Insensiblement, nous venons de passer des sanctuaires aux agglomérations. Et c’est bien l’une des difficultés actuelles que pose l’interprétation d’un certain nombre de sites pour lesquels il est difficile de déterminer s’il s’agit plutôt d’une agglomération dotée d’un sanctuaire ou d’un sanctuaire qui a généré une agglomération.

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L’archéologie aérienne, du ciel au terrain

Orrouy (Oise), Champlieu. Vue aérienne du cœur de l’agglomération. À droite, le centre monumental, dégagé à l’époque de Napoléon III, comprend le classique ensemble architectural des petites villes : le théâtre, magnifiquement conservé, et le temple (au-delà de la route moderne), peu compréhensible dans son état actuel mais remarquable par ses grandes proportions et son décor sculpté d’une richesse exceptionnelle (les éléments sont conservés au musée Vivenel de Compiègne). Ils sont séparés par une place publique bordée de portiques et de quelques édifices mal connus. L’ensemble est enclos par une enceinte vraisem-blablement d’époque romaine tardive, très lisible sur la photographie. Un peu à l’écart (en dessous du théâtre), apparaissent les thermes ou bains publics, qui s’inscrivaient dans un îlot urbain voisin du centre monumental. À gauche de cet ensemble, la vue révèle les îlots délimités par un réseau de rues assez régulier et densément construits, caractéristiques qui confèrent à cette agglomération une dimension urbaine indiscutable : le contraste de l’image a été exagéré pour rendre plus lisibles ces vestiges. © R. Agache, ministère de la Culture.

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La romanisation de nos campagnes

Les « agglomérations routières » qui se sont développées sur un axe routier principal et sont caractérisées par une structure linéaire, de type village-rue, sont les plus nombreuses : une trentaine sont identifiées en Picardie et il en existait sans doute bien davantage. Dans la majorité des cas, et presque systéma-tiquement pour les plus modestes, le bâti borde la route et de ce fait n’occupe qu’une faible surface (guère plus de cinq hectares). Toutefois quelques-unes s’étalent sur plusieurs kilomètres de longueur. Elles sont parfois dotées d’un ou de plusieurs temples et de bains publics, mais ne possèdent pas de centre monumental. Leur fonction paraît essentiellement économique, ce qui est confirmé par les acti-vités artisanales mises en évidence, notamment de production céramique. C’est le cas de Beuvraignes (Somme), ensemble fort étendu dont l’organisation spatiale nous échappe.

Les petites villes sont au nombre de quinze à vingt. La plus vaste, Vendeuil-Caply, s’étend sur 80 ha ; les autres couvrent 30 à 50 ha. Le plus souvent, ces surfaces conséquentes ne sont pas occupées de façon aussi dense que dans les capitales de cités. Comme dans ces dernières, l’habitat peut s’organiser autour d’une trame de rues encadrant des îlots ou insulae (Champlieu, Vendeuil-Caply, probablement Château-Thierry et peut-être Noyon). D’une part, cela ne concerne que le centre de l’agglomération ; d’autre part, le tracé de ces rues n’est pas aussi régulier que dans les chefs-lieux (cf. Vendeuil-Caply), ce qui résulte probablement d’un développement progressif (à la différence des chefs-lieux où les rues ont été tracées suivant un plan d’urbanisme). Ailleurs, la structuration peut être encore plus lâche, avec un habitat qui se cristallise autour de quelques rues (Mont-Berny à Saint-Étienne-Roilaye, Morvillers-Saint-Saturnin à Digeon, Vervins). D’autres agglomérations ont une organisation polynucléaire, comme Nizy-le-Comte, où le complexe monumental est inséré dans un habitat isolé du reste de l’agglomération, de même qu’à Vermand, où l’habitat principal s’organise autour de deux noyaux, le premier au croisement de deux grandes routes, le second, à l’intérieur de l’ancien oppidum, auxquels se rajoute un quartier religieux de l’autre côté de l’Omignon.

Ces petites villes possèdent au moins une place publique qui fait fonction de forum (lieu de rassemble-ment civique et économique) plus ou moins bien équipée (bordée de portiques à Champlieu, encadrée de boutiques à Noyon). Elles sont pourvues de monuments publics : temple comme au Mont-Berny, bains publics (ceux de Noyon ont été en partie fouillés), théâtre sondé à Château-Thierry, fouillé à Vendeuil-Caply. Temple et théâtre sont associés à Champlieu, Morvillers-Saint-Saturnin, Nizy-le-Comte, Vendeuil-Caply et Vervins. Cette parure monumentale suggère qu’en dehors des fonctions économiques (centre de production artisanale et place commerciale), elles ont aussi une fonction religieuse et civique et bénéficient de l’évergétisme (dépenses des notables en faveur de leurs concitoyens afin de gagner leurs suffrages et de conforter ainsi leur position politique).

J.-L. Collart

Conception et réalisation graphiques, photogravure

Illustria

14 360 Trouville-sur-Mer

suivi d’achèvement Édition Librairie des Musées

14 360 Trouville-sur-Mer

Achevé d’imprimer en France en décembre 2013 par la Librairie des Musées

avec des encres végétales sur un papier issu de forêts à développement durable

Dépôt légal : 1er trimestre 2014

Isbn : 978-2-35404-046-8