Chapitre 2 LES CAMPAGNES PRESIDENTIELLES DEPUIS 1965

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1 Chapitre 2 LES CAMPAGNES PRESIDENTIELLES DEPUIS 1965 Jacques Gerstlé Lorsqu’il est élu président de la République en 1958, le général de Gaulle recueille 62 394 voix dans un collège de notables dépassant à peine les 80 000 grands électeurs. Sept ans plus tard, après avoir fait adopter le principe de l’élection présidentielle au suffrage universel direct par le référendum de 1962, il est élu par un peu plus de treize millions d’électeurs. C’est assez dire combien la légitimation électorale du chef de l’Etat change de nature la prétention à diriger. Depuis cette réforme fondamentale des institutions de la Vème République, les Français ont été convoqués à neuf reprises pour choisir leur président, parmi quatre-vingt-onze candidats retenus, à l’issue de campagnes électorales de durée variable et de caractère politique différent. Deux d’entre elles vont être impromptues. En 1969, le général de Gaulle quitte le pouvoir avant la fin de son mandat, se sentant désavoué par l’échec du référendum du 27 avril sur la réforme du Sénat et la régionalisation. En 1974, le décès de son successeur, Georges Pompidou, interrompt aussi le septennat. Ces deux campagnes électorales s’ouvrent donc dans des conditions précipitées alors que la première, en 1965, est « inaugurale » et que les six dernières (1981, 1988, 1995,

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Chapitre 2 LES CAMPAGNES PRESIDENTIELLES

DEPUIS 1965

Jacques Gerstlé

Lorsqu’il est élu président de la République en 1958, le

général de Gaulle recueille 62 394 voix dans un collège de

notables dépassant à peine les 80 000 grands électeurs. Sept

ans plus tard, après avoir fait adopter le principe de

l’élection présidentielle au suffrage universel direct par le

référendum de 1962, il est élu par un peu plus de treize

millions d’électeurs. C’est assez dire combien la légitimation

électorale du chef de l’Etat change de nature la prétention à

diriger. Depuis cette réforme fondamentale des institutions de

la Vème République, les Français ont été convoqués à neuf

reprises pour choisir leur président, parmi quatre-vingt-onze

candidats retenus, à l’issue de campagnes électorales de durée

variable et de  caractère  politique différent.

Deux d’entre elles vont être impromptues. En 1969, le

général de Gaulle quitte le pouvoir avant la fin de son mandat,

se sentant désavoué par l’échec du référendum du 27 avril sur

la réforme du Sénat et la régionalisation. En 1974, le décès de

son successeur, Georges Pompidou, interrompt aussi le

septennat. Ces deux campagnes électorales s’ouvrent donc dans

des conditions précipitées alors que la première, en 1965, est

« inaugurale » et que les six dernières (1981, 1988, 1995,

2

2002, 2007 et 2012) semblent moins marquées par les

circonstances. Mais d’autres critères de distinction et de

regroupement peuvent être sollicités lorsqu’on cherche à rendre

compte des campagnes menées depuis 1965. Ainsi, Jean Massot

retient-il leur signification politique pour caractériser

successivement les quatre premières élections : la fondation de

la nouvelle présidence, l’héritage et la survie de

l’institution, la petite alternance avec la « mise en minorité

du gaullisme » et la grande alternance avec la victoire de la

gauche et son intégration aux mécanismes du régime. On pourrait

prolonger cette interprétation en considérant qu’aux phases

gaullienne (1965 et 1969) et des alternances (1974 et 1981),

1988, 1995 et 2002 ajoutent l’épreuve des cohabitations. 2007

présente un caractère atypique du fait du renouvellement de

l’offre électorale et des thèmes de campagne de Nicolas Sarkozy

centrés sur la rupture, tandis que 2012 est au contraire marqué

par la nouvelle candidature pour la cinquième fois d’un

président sortant.

L’élection de 1981 se présente comme la césure principale

de l’alternance entre la droite et la gauche qui dès lors se

substitueront l’une à l’autre en 1986, 1988, 1993, 1997 et 2002

et 1995, 2012. Des groupes d’élections non chronologiques

peuvent aussi être évoqués : ainsi, en 1965, 1988 le président

sortant domine la compétition à venir et adopte des stratégies

voisines, comme la déclaration de candidature tardive et

l’accent placé sur l’information plus que sur la campagne. De

même 1981, 1988 et 2012 sont des élections qui s’analysent

comme permettant des alternances « complètes », à la fois

3

présidentielle et législative, ou qui mettent à l’unisson

l’exécutif et le législatif.

Aux critères de circonstances et aux critères politiques,

pouvons-nous ajouter des critères de communication pour

distinguer les neuf campagnes? Le juriste définit la campagne

électorale comme « à la fois une période précédant l’élection,

pendant laquelle les candidats sont autorisés à faire valoir

leurs idées et l’ensemble des actions qu’ils entreprennent dans

ce but ». Etre en campagne, c’est entreprendre des actions de

propagande c’est-à-dire « l’ensemble des procédés grâce

auxquels chaque candidat (...) entend développer son programme

et mettre en avant ses mérites pour obtenir le vote des

électeurs »1. La perspective sociologique est plus large en

visant la formation des représentations et les pratiques qui

concourent à la mobilisation des électeurs et recourent à des

ressources symboliques et politiques qui ne relèvent pas

nécessairement d‘un encadrement juridique. La campagne concerne

l’ensemble des actions mises en œuvre pour informer, propager

des conceptions politiques, persuader des électeurs et elle

englobe tous les efforts menés par des acteurs individuels ou

collectifs en compétition pour désigner le titulaire de la

fonction présidentielle. Faire campagne, c’est mobiliser pour

rallier des suffrages sous la contrainte d’un encadrement

juridique de la compétition. C’est mobiliser des ressources

matérielles (le financement), humaines (les militants et

bénévoles), organisationnelles (les forces politiques),

idéologiques (les représentations), symboliques (les signes).1 Jean-Claude Masclet, « Campagne électorale (droit de la) », « Propagande électorale », dans Pascal Perrineau, Dominique Reynié (dir.), Dictionnaire du vote, Paris, PUF, 2001.

4

Le but est de capter l’attention des électeurs, susciter leur

intérêt, éveiller ou réveiller leurs convictions pour former

des préférences à l’égard des candidats et de leurs

propositions. Au-delà de l’action, la campagne pour l’élection

présidentielle désigne aussi une séquence de la vie politique

française dont l’importance est attestée par la reconnaissance

et/ou la construction de la prééminence présidentielle. Elle

est centrale dans le spectre des campagnes électorales car

l’enjeu de pouvoir y est, par définition juridique et par

construction politique2, capital.

On optera donc pour une perspective dynamique qui conduit

à repérer des évolutions sensibles à différents niveaux

d’observation : l’émergence d’un encadrement juridique resserré

des campagnes, la rationalisation des pratiques, et la

transformation des formes de médiatisation du message

électoral.

I- LE RENFORCEMENT DE L’ ENCADREMENT JURIDIQUE

Les contraintes légales dans lesquelles se déroule la

compétition électorale tendent à se renforcer depuis près de

cinquante ans sous trois aspects. Tout d’abord, les limites de

la campagne se précisent, tant en termes de limitation des

candidatures qu’en termes temporels. Ensuite, la propagande

électorale et l’information font l’objet de restrictions,

d’interdictions et de surveillance étroite, une place

grandissante étant faite aux médias audiovisuels et, à partir2 Sur la construction de l’institution présidentielle, voir BernardLacroix, Jacques Lagroye (direction), Le Président de la République. Usages et genèsed’une institution, Presses de la FNSP, Paris, 1992.

5

de 2007, aux moyens offerts par internet. Enfin, les conditions

de financement de la campagne sont définies par le droit

positif et font l’objet d’un contrôle institutionnel.

1.1- Les limites de la campagne

La définition juridique de la campagne électorale pourrait

être simplifiée en formulant la question : qui peut faire

quoi et quand ? Autrement dit : quels candidats ? quels actes

de propagande ? à quels moments ? Pour qu’il y ait campagne il

faut qu’il y ait des candidats et parfois la candidature est

même l’élément essentiel de la campagne, comme le remarque

Jean-Claude Colliard à propos de François Mitterrand en 19883.

On conviendra que le nombre et la variété des candidats en lice

est une variable importante, tant pour la qualité

représentative de l’offre électorale que pour les stratégies de

communication des candidats, ou les coûts d’information des

électeurs et les exigences du travail médiatique. Qu’en est-il

de l’accès à la candidature ? Elle repose, sans s’y réduire,

sur un acte de communication : pour être candidat, il faut se

« déclarer », être désigné ou investi, être présenté, être

soutenu, toutes choses qui requièrent une manifestation dont le

droit s’empare. Ainsi les règles de candidature imposent aux

protagonistes des contraintes juridiques particulières

d’éligibilité, inchangées depuis la réforme de 1962, et de

parrainage, qui deviennent plus sélectives de 1958 (50

présentations recueillies dans le collège électoral) à 1962,

puis 1976. En 1965, 1969 et 1974, le candidat doit en effet

être parrainé par 100 signatures, anonymes, d’élus provenant3 Jena-Claude Colliard, « Le processus de nomination des candidats etl’organisation des campagnes électorales », dans Nicolas Wahl et Jean-LouisQuermonne (dir.), La France présidentielle, Paris, Presses de Sciences po, 1995.

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d’au moins dix départements. Cette condition n’ayant pas permis

de limiter l’augmentation des candidatures, successivement au

nombre de six, sept et douze, on relève en 1976 la barre de

l’accès officiel à la candidature en exigeant 500 signatures,

rendues publiques, d’élus provenant de trente départements et

au maximum 1/10 du même département. Ceci permet de limiter le

nombre des candidatures à dix en 1981, neuf en 1988 et 1995

mais on revient à seize en 2002, douze en 2007 et dix en 2012.

Dans sa définition formelle, une campagne présidentielle

est d’une brièveté remarquable. Depuis 1962, sa durée est de

moins de quinze jours pleins avant le premier tour et de huit

jours avant le second. Cette délimitation temporelle de la

campagne peut paraître très éloignée de la réalité des

pratiques qui attestent que les candidats se sont effectivement

mis en campagne sans attendre son ouverture officielle4.

Pendant le temps de la campagne officielle des principes

intangibles s'appliquent: égalité des candidats, neutralité de

l’autorité administrative et loyauté des procédés utilisés. Le

principe de l’égalité absolue est réaffirmé dans la loi de 1962

qui exige que l’Etat accorde les mêmes facilités aux candidats.

D’autre part, la campagne officielle correspond à la mise en

œuvre de moyens qui lui sont spécifiquement attachés comme

l’affichage officiel, la profession de foi, les émissions

radiotélévisées ; depuis 1990 le recours à d’autres

moyens, comme la publicité commerciale est interdit pendant

trois mois avant le scrutin, de même que, de 1977 à 2002, la

4 Ainsi en 2007, certains candidats, souvent ceux des formations très minoritaires, annoncent leur candidature plus d’un an avant la date du scrutin, ceux des formations de gouvernement ne font pas mystère de longs mois auparavant de leur intention d’être présents.

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publication de sondages pendant la semaine précédant chaque

tour.

1.2.-La réglementation de la propagande

Il convient de distinguer d’une part, les procédés

traditionnels et nouveaux, d’autre part les périodes de

campagne et de précampagne, voire d’y ajouter la dichotomie

propagande officielle et propagande parallèle. S’agissant des

actes de propagande officiels, le principe d’égalité absolue

s’applique aux moyens traditionnels c’est-à-dire aux affiches,

panneaux d’affichage, aux bulletins de vote et aux professions

de foi. S’agissant des moyens nouveaux, il faut distinguer

entre les moyens audiovisuels et les procédés de la propagande

parallèle utilisés tout au long de la campagne : tracts,

journaux électoraux, affichage commercial, sondages et

enquêtes, conseils marketing et communication, démarchage, etc.

Il se révèle beaucoup plus difficile de contenir la propagande

parallèle dans les limites du principe d’égalité. Les candidats

recourent souvent à des tracts ou journaux électoraux et des

formes d’affichage « sauvage » sur des emplacements non

réglementaires, c’est-à-dire des procédés contraires aux

dispositions du code électoral. Ainsi, l’achat d’espaces

publicitaires, les actions de publipostage (ou mailing, c’est-à-

dire envoi de courrier ciblé), comme d’ailleurs le marketing

téléphonique (ou télématique) échappent au principe d’égalité.

Pour juguler le développement de certains procédés et prévenir

l’explosion des dépenses électorales, des dispositions

limitatives ou prohibitives ont été adoptées.

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L’égalité en matière audio-visuelle s’applique à la

campagne officielle à la radio et à la télévision où un temps

d’antenne égal est donné à chaque candidat. Les règles de la

propagande radiotélévisée vont progressivement se multiplier et

se diversifier selon un critère temporel (distinction entre

période de campagne et de pré-campagne), selon la nature des

émissions concernées (distinction entre propagande officielle

et autres programmes).

C’est donc principalement dans le domaine de la propagande

parallèle et de la propagande radiotélévisée que l’encadrement

juridique s’est considérablement renforcé, venant s’ajouter aux

innovations concernant le financement. La restriction ou

l’interdiction concernent ainsi le recours aux sondages, la

publicité commerciale par voie de presse ou audio-visuelle,

l’affichage commercial dans les trois mois qui prècèdent le

scrutin et, dans les mêmes délais, l’utilisation d’un numéro

téléphonique (ou télématique) gratuit.

1.2.1. L’interdiction de la publicité électorale

Une place particulière doit être faite à la publicité dans

la mesure où le législateur freine son développement pour

limiter les dépenses électorales. Rappelons rapidement quelques

points de repère récents de cette évolution. Depuis 1976, la

loi interdit pendant la durée de la campagne présidentielle

l’utilisation de tout procédé de publicité commerciale par voie

de presse. La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de la

communication innove en prévoyant que « les émissions

publicitaires à caractère politique ne peuvent être diffusées

qu’en dehors des campagnes électorales ». Mais depuis 1988 et

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notamment les scandales politico-financiers qui sont apparus à

l’approche de l’élection présidentielle, la volonté de rendre

plus transparente la vie politique française s’est imposée. Le

11 mars 1988, en pleine campagne électorale présidentielle, est

adoptée une nouvelle législation relative à la transparence

financière de la vie politique. Enfin, la loi du 15 janvier

1990 prévoit l’interdiction permanente des émissions

publicitaires à caractère politique à la radio et à la

télévision. S’agissant de l’affichage non-officiel relatif à

l’élection, la même loi l’interdit pendant les trois mois

précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la

date du jour de scrutin. Dans ce même délai, est interdit

l’usage de tout procédé de publicité commerciale par voie de

presse ou tout moyen de communication audiovisuelle. La

publicité téléphonique (ou télématique) par mise à la

disposition gratuite du public d’un numéro d’appel est

interdite aussi pendant cette même période.

1.2.2. L’utilisation des sondages

Le développement spectaculaire de la pratique des sondages

politiques en France a incité le législateur à en réglementer

l’usage dans les conjonctures électorales. La loi du 19 juillet

1977 concerne, en effet, « tout sondage d’opinion ayant un

rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection

présidentielle ou l’une des élections réglementées par le code

électoral ainsi qu’avec l’élection des représentants à

l’Assemblée des Communautés européennes. » Des garanties de

fiabilité technique et de transparence sont requises et

contrôlées par une commission des sondages instituée pour

10

veiller au respect des règles déontologiques dans ce domaine.

Mais surtout la loi prévoit que « pendant la semaine qui

précède chaque tour de scrutin, ainsi que pendant le

déroulement de celui-ci, sont interdits, par quelque moyen que

ce soit, la publication, la diffusion et le commentaire de tout

sondage. » L’interdiction concerne tous les médias lors des

élections présidentielles, européennes, référendaires et celles

qui sont régies par le code électoral. Il est à remarquer que

la réalisation de sondages reste possible si la connaissance

des résultats n’est pas rendue publique. Enfin, l’interdiction

n’empêche pas les opérations “estimations” électorales, qui

sont organisées par les instituts de sondages et les médias,

dont les résultats sont diffusés après la fermeture des bureaux

de vote. La loi de 1977 ne pouvait anticiper le développement

de l’internet et l’accès qu’il offre à l’information publiée

hors de France, comme ce fut le cas avec La Tribune de Genève

donnant le résultat d’un sondage de la dernière semaine lors

de l’élection de 1995. Elle témoignait alors de l’inadaptation

de la législation à l’environnement de la communication sans

frontières. C’est pourquoi le 19 février 2002 a été adoptée une

nouvelle loi autorisant la publication des sondages jusqu’à la

fin officielle de la campagne, c’est-à-dire l’avant-veille du

jour de chaque tour de scrutin et le jour du vote (voir le

chapitre 3)5.

1.3. La réglementation de la communication audiovisuelle

5 Cette nouvelle disposition a aussi pour but d’assurer l’égalité entre citoyens. Nombreuses étaient les enquêtes effectuées la semaine de l’interdiction de publication mais leurs résultats étaient souvent présentés devant des publics choisis instaurant ainsi une inégalité de faitdans l’accès à l’information.

11

Le décret du 14 mars 1964 applique le principe d’égalité à

l’audiovisuel ; mais le droit positif a évolué ces dernières

années pour s'adapter aux changements profonds du paysage

audiovisuel français, en raison notamment du mouvement de

privatisation. Une autorité administrative indépendante, en

charge de la régulation de l’audiovisuel, vient ajouter sa

réglementation spécifique à la réglementation générale de la

propagande électorale. La loi du 29 juillet 1982 instaure la

Haute Autorité de l’Audiovisuel. Une loi de 1986 lui substitue

la Commission Nationale de la Communication et des Libertés

(CNCL), remplacée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel

(CSA) en 1989. En 1988, pour la première fois en France, une

autorité administrative indépendante de la communication a donc

organisé et contrôlé la campagne radiotélévisée de l’élection

présidentielle.

Des problèmes d’harmonisation des compétences se sont

faits jour avec les institutions déjà existantes, comme la

Commission nationale de contrôle de la campagne présidentielle

qui a pour vocation d’intervenir depuis 1964 « le cas échéant,

auprès des autorités compétentes, pour que soient prises toutes

mesures susceptibles d’assurer l’égalité entre les

candidats... ». La Commission nationale veille au respect en

dernière instance du principe d’égalité entre les candidats et

garde tous ses pouvoirs en matière de propagande écrite.

Rappelons qu’au sommet de la hiérarchie des organes protecteurs

de l’égalité se trouve le Conseil Constitutionnel qui, en vertu

de l’article 58 de la Constitution, “veille à la régularité de

l’élection du Président de la République”. Ces différentes

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instances successives de régulation se sont donc vues confier

le soin de fixer les règles concernant les émissions

officielles sur les chaînes du secteur public (production,

programmation et diffusion). L’instance actuelle de régulation,

le CSA, exerce un double contrôle: d’une part, sur

l’organisation de la campagne officielle, avec notamment les

émissions diffusées par les sociétés nationales de programme et

d’autre part, sur le traitement de l’information assuré dans

les programmes d’information de ces sociétés et des autres

services de communication audiovisuelle autorisés ou concédés.

1.3.1. La campagne officielle à la radio et à la télévision

Le code électoral prévoit que pour les élections d’ampleur

nationale, c’est-à-dire au moins les présidentielles et les

législatives, soient diffusées des émissions officielles de

radio et de télévision par les sociétés nationales de

programme. Les services privés de télévision ne sont pas placés

dans l’obligation d’offrir du temps d’antenne aux candidats.

Pour la présidentielle, le décret du 14 mars 1964 prévoit que

deux heures de télévision et deux heures de radio sont

accordées aux candidats avant chaque tour. Une stricte égalité

des temps de parole accordés aux candidats est respectée, avec

tirage au sort des ordres de passage. Ce crédit d’heures peut

être réduit si les candidats sont nombreux ; ce fut le cas pour

toutes les campagnes postérieures à 1965. A cet effet le décret

de 1964 est actualisé par celui du 8 mars 2001: « Chaque

candidat dispose d'une durée égale d'émissions télévisées et

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d'émissions radiodiffusées dans les programmes des sociétés

nationales de programme aux deux tours du scrutin. Cette durée

est fixée par décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel

après consultation de tous les candidats. Elle ne peut être

inférieure à quinze minutes par candidat pour le premier tour.

Pour le second tour, elle ne peut être inférieure à une heure

sauf en cas d'accord entre les deux candidats pour réduire

cette durée ».

A partir de 1988, la réglementation spécifique se développe. La

CNCL fixe les règles de production, de programmation et de

diffusion des émissions officielles. Tenant compte de la

concurrence faite aux programmes électoraux par les chaînes

privées, elle a essayé de moderniser la forme des émissions

officielles. Ainsi elle augmente la proportion autorisée de

documents vidéographiques ou sonores. Déjà, à l’occasion des

élections européennes de 1984 et des élections législatives de

1986, la Haute Autorité de l’Audiovisuel avait accepté

l’insertion de vidéogrammes réalisés aux frais des listes ou

partis dans la proportion de 30% de chaque intervention

officielle à la télévision. A partir de 1988 la proportion

admise monte à 40%, en 1995 c’est la moitié du temps des

émissions courtes et moyennes et en 2007 les vidéogrammes ne

peuvent dépasser 50% du temps total de la campagne pour le

premier tour. En 2012, pour la première fois, les équipes des

candidats ont pu utiliser dans les messages de la campagne

jusqu’à 75 % d’inserts réalisés par leurs propres moyens. Mais

cet assouplissement progressif est assorti d’un encadrement

strict, d’où il ressort les interdictions suivantes : recourir

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à un moyen d’expression ayant pour effet de tourner en dérision

les autres candidats ; utiliser l’image de personnalités sans

l’accord écrit et préalable de celles-ci ou de leurs ayants

droit ; faire apparaître des lieux officiels dans les éléments

de décor ; utiliser les hymnes nationaux ; faire usage du

drapeau français ou de la combinaison des trois couleurs bleu,

blanc, rouge. De plus, on offre aux candidats la possibilité de

tourner en extérieur une émission officielle. Les moyens de

tournage sont mis à la disposition des candidats en respect du

principe d’égalité, alors que l’insertion des vidéogrammes est

laissée à leurs frais.

1.3.2. Le traitement de l’information dans la couverture de

l’actualité

Les profondes transformations du paysage audiovisuel

français, notamment depuis le mouvement de privatisation, ont

eu pour conséquence d’élargir les choix des téléspectateurs.

Les émissions électorales, qui étaient autrefois retransmises

sur les trois chaînes du service public, étaient

incontournables du fait du monopole. Aujourd’hui la concurrence

des télévisions privées, non assujetties aux obligations de

retransmettre la propagande électorale, se traduit par une

baisse d’audience des programmes électoraux au profit des

programmes alternatifs sur les autres chaînes. Ceci renforce

donc l’impact virtuel des émissions d’information comme le

journal télévisé, réputé non partisan et qui couvre

quotidiennement la campagne. Toute une réglementation a été

élaborée par les instances de régulation successives. Leur

vocation était de veiller au respect des principes de

15

pluralisme, d’équilibre et d’égalité selon les phases de la

campagne électorale. Le décret du 14 mars 1964 demande le

respect du principe d’égalité entre les candidats pour ce qui

concerne les programmes d’information, et notamment la

reproduction ou les commentaires à propos des candidats, ainsi

que la présentation de leur personne. Depuis 1’élection de

1988, l’instance de régulation adresse des recommandations aux

sociétés nationales de programme, puis aux exploitants des

services de communication audiovisuelle (pendant la campagne

officielle), pour assurer le pluralisme et le traitement

équilibré des candidats, selon des principes évoluant

progressivement de la règle des trois tiers (jusqu’en 2009) au

respect du principe d’égalité. La norme requise des médias en

conjoncture ordinaire était de couvrir dans des proportions

équivalentes les activités du gouvernement, de la majorité et

de l’opposition. Le « principe de référence » s’est ensuite

imposé à partir de 2000, ajoutant aux trois acteurs précédents

les formations politiques non représentées au Parlement qui

doivent bénéficier d’un temps d’intervention « équitable »..

Les indicateurs d'évaluation du pluralisme sur les chaînes nationales

hertziennes

Le pluralisme est apprécié depuis à la lumière d'une série d'indicateurs.

Le temps d'antenne

C’est la totalité du temps consacré au sujet : plateau, reportages,

interventions. Cet indicateur permet d'appréhender le poids d'un sujet dans

l'actualité, ce dont les seuls temps de parole ne peuvent rendre compte.

Le temps de parole

C’est le seul temps pendant lequel une personnalité s'exprime.

L'audience des temps de parole

16

Au-delà du seul volume de temps de parole, il est important d'apprécier

dans quelles conditions "d'exposition" ont été diffusées les interventions.

En effet, l'audience varie suivant les éditions des journaux télévisés.

Ces différents indicateurs permettent ainsi au Conseil de savoir :- qui a

parlé, - sur quel sujet, - pendant combien de temps, - devant quelle

audience ?

Le rythme d'appréciation du respect du pluralisme

La mesure reste mensuelle, mais l'évaluation du respect du pluralisme

portera à la fois sur les résultats d'un mois et sur ceux d'un trimestre

glissant (par exemple pour le mois de mars, analyse des temps de mars et de

la période janvier-février-mars ; pour le mois d'avril, analyse des temps

d'avril et de la période février-mars-avril, etc). Les trois mois glissants

ont l'avantage d'atténuer les répercussions des événements de l'actualité

sur un mois donné. Pour les magazines d'information et les autres émissions

du programme (hors journaux télévisés), l'appréciation restera

semestrielle. Le bilan annuel récapitulera les résultats de chaque

trimestre glissant.D’après : http://www.csa.fr

A partir de septembre 2009 le temps de parole « non

régalien » du président de la République est aussi décompté.

Les temps de parole des collaborateurs du chef de l’État et les

interventions de ce dernier lorsqu’elles relèvent du débat

politique national sont désormais intégrées dans le bloc

majoritaire. Pour les trois dernières campagnes, le tableau

suivant résume les principes applicables à la surveillance du

respect du pluralisme selon les périodes.

Campagne de 2002

Jusqu’au 31/12/2001 Précampagne (1 janvier-

7 avril)

Campagne officielle

(8 avril-3 mai)Principe d’équilibre Actualité non liée à Principe d’égalité

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entre gouvernement,

majorité et opposition

parlementaire.

l’élection : principe

de référence.

Actualité liée à

l’élection :

Principe d’équité.

stricte.

Campagne 2007Période préliminaire :

(1 Décembre2006/18 mars

2007)

Période intermédiaire :

(19 mars/8 avril 2007)

Campagne officielle

(9 avril/4 mai)

Principe d’équité

applicable au temps

d’antenne et de parole.

Principe d’équité pour

le temps d’antenne.

Principe d’égalité pour

le temps de parole.

Principe d’égalité

applicable au temps

d’antenne et de parole.

Campagne 20121 janvier / 19 mars

2012

(20 mars/8 avril 2012) (9 avril/6 mai 2012)

Principe d’équité

applicable au temps

d’antenne et de parole

Principe d’équité pour

le temps d’antenne.

Principe d’égalité pour

le temps de parole.

Principe d’égalité

applicable au temps

d’antenne et de parole.

1.4. -La réglementation du financement

Jean-Claude Colliard résume en peu de mots l’essentiel de

l’évolution : « C’est le sujet mystérieux par excellence, qui

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donne naissance à toutes les rumeurs et à toutes les

hypothèses. Il faut là considérer deux situations bien

différentes, avant et après l’intervention de la loi du 11 mars

1988 ( modifiée par les lois des 15 janvier et 10 mai 1990) :

ou comment passer du brouillard à la lumière ...tamisée. »

Avant 1988, on dispose soit d’évaluations plus ou moins

impressionnistes, soit des niveaux légaux de remboursement

public. Ainsi est-il prévu de rembourser une somme forfaitaire

pour frais de campagne de 100 000 F, qui passe à 250 000 F à

partir de 1980 pour les candidats qui obtiennent 5% des

suffrages exprimés, et de 10 000 F de remboursement du

cautionnement en plus des autres formes de contributions de

l’Etat : prise en charge des affiches, professions de foi,

bulletins et mise à disposition gratuite du temps d’antenne

radiotélévisé. A partir de 1988, la situation évolue rapidementcomme l’indique le tableau ci-dessous :

Année d’élection Montant maximal des

dépenses du 1er tour

Montant maximal des

dépenses du 2ème tour

1988 120 millions de

francs

140 millions de

francs

1995 90 millions de

francs

120 millions de

francs

2002 14,8 millions

d’euros

19,8 millions

d’euros

2007 16,2 millions

d’euros

21,6 millions

d’euros

19

2012 16,851 millions

d’euros

22,509 millions

d’euros

En outre, pour couvrir ces dépenses, les candidats peuvent

faire appel aux dons de personnes physiques (qui ne peuvent

excéder 4 600 euros par personne), aux contributions des

partis, aux recettes d’opérations commerciales et à leurs

ressources personnelles. L’Etat rembourse 50% des dépenses

retracées dans le compte de campagne (dans la limite du plafond

des dépenses) des candidats ayant obtenu au moins 5% des

suffrages exprimés et seulement 1/20ème pour les autres soit 7

millions d’euros pour les candidats du premier tour qui ont

dépassé 5% des suffrages et 10 millions pour ceux du second

tour. De plus l’Etat verse une avance forfaitaire de 153000

euros à chaque candidat ayant obtenu 500 parrainages au moment

de la publication de la liste officielle des candidats.

Au total, il est manifeste qu’en ce qui concerne le cadre

juridique, la campagne présidentielle s’est vue

considérablement précisée, spécifiée et règlementée dans ses

multiples aspects, allant de l’accès à la candidature aux

conditions de financement en passant par la communication et le

traitement de l’information. Cette institutionnalisation par

solidification des contraintes juridiques s’accompagne

logiquement d’une tendance à la rationalisation des campagnes

présidentielles.

II- LA RATIONALISATION DES PRATIQUES

20

Les ressources à coordonner pour la mobilisation électorale

sont multiples et se sont diversifiées : maîtriser la dimension

individuelle de la candidature, susciter les soutiens

collectifs, recourir aux experts et assurer le financement. Les

efforts de coordination des acteurs politiques ont, en effet,

tendu à s’ajuster aux nouvelles conditions de la compétition

pour le pouvoir, en veillant davantage aux aspects stratégiques

nouveaux, en sophistiquant les techniques et en les intégrant

dans une démarche plus rationalisée mais plus coûteuse.

2.1. La gestion de la candidature et des soutiens

La candidature est un élément central de la campagne. Sa

déclaration fait la transition entre la période de préparation,

plus ou moins longue et silencieuse et la période active. « Si

la candidature résulte d’un acte individuel, première

manifestation du « caractère » que doit montrer un candidat à

la présidence, elle se doit d’apparaître comme immédiatement

soutenue par une adhésion collective » écrit Jean-Claude

Colliard.

Quand le candidat entre-il en campagne ? Prenons l’exemple

de 1988. François Mitterrand entre-t-il en campagne lors de

l’annonce faite au journal télévisé de 20 heures, un mois

avant le scrutin ? Est-ce lors des voeux du 31 décembre 1987 où

le président affirme aux Français qu’il aura besoin de leur

soutien dans les mois à venir ? Est-ce dès la défaite

électorale des socialistes qui met le président à l’épreuve de

la cohabitation au printemps 1986 ? Est-ce dès la victoire de

1981 qu’il doit anticiper les comptes à rendre à la prochaine

21

échéance ? La durée de la campagne est donc très variable selon

l’angle de vue que l’on adopte.

L’élection de 1965 avait créé un précédent, Ch. de Gaulle

annonçant sa candidature lors d’une allocution radiotélévisée

seulement un mois avant le premier tour, précédé de deux mois

par François Mitterrand et de deux semaines par Jean Lecanuet.

Les élections de 1969 et de 1974 interviennent de façon brutale

consécutivement à une démission et un décès, ce qui précipite

toutes les entrées en campagne. Il est cependant à remarquer

que Georges Pompidou déclare en janvier 1969 qu’il briguera la

succession du général de Gaulle, bien avant le référendum

d’avril qui va mener à l’élection de juin. En 1981, Valéry

Giscard d’Estaing entre en lice le 2 mars, un mois après

Jacques Chirac, alors que François Mitterrand se déclare début

novembre 1980, trois semaines après que Michel Rocard ait

« proposé aux socialistes d’être leur candidat », le premier

tour se déroulant le 26 avril 1981. François Mitterrand

s’inspire en 1988 du précédent gaullien, alors que Jacques

Chirac officialise sa candidature plus de trois mois avant le

scrutin. En 1995, en l’absence de président sortant, l’ordre

d’entrée sur la scène de la campagne est le suivant : Jacques

Chirac le 4 novembre 1994, Edouard Balladur le 18 janvier 1995,

et Lionel Jospin le 3 février par le vote des socialistes, le

premier tour de scrutin ayant lieu le 23 avril. En 2002,

Jacques Chirac prècède de quelques jours en février son

concurrent Lionel Jospin et en vue de 2007 c’est Ségolène

Royal qui démarre la première en se déclarant le 29 septembre

2006, alors que Nicolas Sarkozy fait part de son intention le

22

30 novembre. F.Hollande se déclare candidat depuis Tulle le 31

mars 2011 alors que N.Sarkozy annonce au JT de TF1 le

renouvellement de sa candidature le 15 février 2012.

En général, les candidatures s’appuyant sur une notoriété

plus faible ou émises d’une position politique éloignée du

pouvoir institutionnel sont déclarées de façon plus

précoce : en 1965, Jean-Louis Tixier-Vignancour, candidat

de l’extrême droite, se lance 7 mois avant le scrutin. En

1988, J-M. Le Pen se déclare un an avant l’élection et en

1995 il le fait 7 mois avant. Dès octobre 2005 il confirme

son intention d’être candidat en 2007. Marine Le Pen est

élue présidente du Front national face à Bruno Gollnisch

le 16 janvier 2011. Sa candidature à l'élection

présidentielle est validée à l'unanimité par le bureau

politique du FN quatre mois plus tard.

La candidature est un acte de communication stratégique

qui indique un type de relation établi avec les citoyens.

Comparons les choix de deux présidents sortants qui se

représentent. En 1981, Valéry Giscard d’Estaing adopte la

posture du « citoyen-candidat » : il « redescend » au niveau

des citoyens ordinaires pour qu’ils le distinguent comme leur

chef. Sa communication est « symétrique ». En 1988, François

Mitterrand fait le choix inverse : sa communication est

« complémentaire ». Il joue à plein la légitimité

institutionnelle du président sortant qui préside jusqu’au bout

et qui va continuer à présider demain parce qu’il faut

s’opposer aux « clans et aux factions ». La Lettre à tous les Français,

23

deux semaines après l’annonce officielle, vient prolonger cette

stratégie par un récit de la cohabitation où est narré comment

le président s’est imposé au Premier ministre.

La candidature viable suscite une adhésion collective qui

se traduit par un soutien partisan. Comme le soulignent Jean et

Monica Charlot, « au début de la Vème République, non seulement

le candidat est plus important que le parti, mais c’est lui qui

donne naissance à un parti à différentes reprises.... A partir

de 1981, les choses changent et l’influence des partis se

manifeste par la présentation d’une candidature spécifique

quelle que soit la taille du parti»6. De même, Jean Massot

écrit «Pures démarches personnelles en 1965, les candidatures

sont devenues plus nettement des décisions des appareils des

partis ». En 1974, le PS demande à son premier secrétaire

d’être son candidat après que ce dernier ait annoncé sa

candidature. En 1981, il est le premier candidat réputé

éligible à solliciter une désignation partisane officielle.

Pour Jean-Claude Colliard, au contraire, les partis de la Vème

République sont « construits ou captés pour servir la

candidature présidentielle ». De l’autoproclamation ratifiée

par les soutiens immédiats à la procédure des primaires mise en

œuvre par les socialistes en 1995, en 2006 et élargie en 2011,

on observe que la relation candidat-parti constitue une

dimension incontournable de la stratégie électorale. Par

ailleurs, la candidature se construit dans le temps. Sa

qualification évolue en fonction des soutiens partisans et

témoigne de la position du candidat à l’égard du parti

6 Jean et Monica. Charlot, “France”, in D.Butler, A.Ranney (eds.),Electioneering, Oxford, Oxford university Press, 1992.

24

susceptible de le soutenir : songeons à Michel Rocard, candidat

« virtuel » en 1981 et 1988 puis « naturel » du PS en 1994 ; à

François Mitterrand, candidat « unique de la gauche » au

premier tour de 1965 puis « candidat des républicains » au

second tour, et « candidat commun de la gauche » en 1974.

Dans l’organisation de la campagne, la contribution du

parti est sensible tant au niveau national qu’au niveau local.

D’abord, les partis mènent une campagne au service du candidat

qu’ils soutiennent et utilisent à cet effet leur potentiel

militant, organisationnel, logistique et leurs réseaux

associatifs, syndicaux et sociaux. Selon Roger-Gérard

Schwartzenberg, en 1969 « Jacques Duclos utilise à fond les

immenses ressources du parti » comme Georges Pompidou peut

s’appuyer sur des « militants UDR intensément mobilisés à tous

les niveaux ». Ensuite, les partis constituent un vivier où les

candidats viennent recruter les personnalités présentes dans

les émissions télévisées et les membres des structures mises en

place pour la campagne. Ces équipes autonomes sont constituées

pour symboliser l’indépendance du candidat mais leurs membres

évoluent souvent dans la mouvance des partis qui le

soutiennent. Par exemple, on retrouve en 1969, autour de

Georges Pompidou, Edouard Balladur en charge des « dossiers et

rencontres », Michel Jobert (coordination), Pierre Juillet

(déplacements en province), Marie-France Garaud (relations avec

les parlementaires) et Anne-Marie Dupuy (liaison avec l’UDR).

Parallèlement aux campagnes des partis qui le soutiennent,

Mitterrand dispose en 1974 d’une équipe personnelle en charge

des déplacements, de la distribution des affiches officielles,

25

de la liaison avec les délégués départementaux : « Comme en

1965, le fond de l’équipe se compose d’anciens dirigeants de la

CIR, d’anciens membres des cabinets ministériels de François

Mitterrand, [mais aussi] de nombreux membres du Bureau exécutif

et du Comité directeur du Parti »7. De même, on remarque dans

ses campagnes deux futurs chefs du gouvernement : Pierre Mauroy

en porte-parole du candidat en 1981 et Pierre Bérégovoy en

directeur de la campagne en 1988. Dans l’entourage de Jacques

Chirac en 1995 se trouvent Alain Juppé, Philippe Séguin, Alain

Madelin, Jacques Toubon, Bernard Pons, Jean-Louis Debré, c’est-

à-dire le cercle des « politiques » qui complète le cercle

familial et le cercle des permanents, selon Jean Charlot. En

2007, les conseillers et membres de l’équipe de campagne de

Nicolas Sarkozy vont largement peupler les gouvernements Fillon

I et II. Il en va de même en 2012 pour ce qui concerne François

Hollande.

2.2 La professionnalisation des techniques de campagne

L’élection du président de la République au suffrage

universel est concomittante de transformations technologiques

et techniques qui vont concourir à la professionalisation des

pratiques politiques. Ainsi en va-t-il de la télévision, des

sondages d’opinion et des techniques de marketing qui, utilisés

de façon convergente, renouvellent les conditions de la

communication politique. Les prémices du processus se

manifestent dès 1965 avec l’irruption de la télévision qui

donne une réalité au pluralisme dans les médias et même des

visages pour le personnifier, le principe d’égalité à l’œuvre

7 Sylvie Colliard, La campagne présidentielle de F.Mitterrand en 1974, Paris, PUF, 1979, p. 37.

26

contrastant singulièrement avec l’ordinaire de la télévision

très fortement contrôlé par le pouvoir gaulliste. Le taux

d’équipement des ménages en télévision double entre 1962 et

1965 et atteint plus de 45%. Aux Etas-Unis où le processus de

« modernisation » est plus précoce qu’en France, la couverture

totale du territoire par la télévision intervient dès 1952 et

se développe alors le recours à la publicité télévisée dont on

sait aujourd’hui le poids dans la compétition électorale outre-

atlantique. Les sondages d’opinion s’y généralisent à partir de

la présidentielle de 1960. En France, c’est la campagne de 1965

qui installe télévision et sondages dans le paysage politique

et fait une place plus limitée à la publicité et au marketing.

La publicité n’est pas vraiment une nouveauté dans la mesure où

faire campagne, c’est aussi de longue date « s’afficher ». Mais

le publicitaire est, aujourd’hui sans doute, en France, la

figure emblématique de la communication politique

professionnalisée8, peut-être parce qu’il a su mieux que

d’autres faire connaître sa contribution. Le marketing est

réputé faire son entrée dans la politique française avec la

campagne de Jean Lecanuet par transposition de l’expérience

américaine de 1960 (importance de l’image personnelle, tour de

France du candidat, utilisation des médias,..) sans déboucher

sur une généralisation irrésistible. Aucun des candidats de

1969 n’y a recours et il faut attendre 1974 pour voir8 Il suffit de mentionner quelques acteurs particulièrement en vuedans différentes campagnes présidentielles : Georges Beauchamp (1965) pourF. Mitterrand, Jacques Hintzy (1974,1981 pour V. Giscard d’Estaing),Jacques Séguela (1981, 1988, 1995 pour F. Mitterrand et L. Jospin), BernardBrochand, Jean-Michel Goudard (1988, 1995, 2007 pour J. Chirac et N.Sarkozy), Philippe Michel (1988 pour R. Barre), Jacques Pilhan (1988 pour FMitterrand puis J. Chirac en 1995 après son élection), Jean-M. Goudard(2012 pour N.Sarkozy).

27

s’appliquer véritablement sa logique. D’une manière générale,

différents types de compétences plus ou moins

professionnalisées interviennent progressivement dans les

campagnes et ont partie liée tout en se faisant concurrence :

le conseil en image (catégorie la plus précoce), le sondeur, le

publicitaire, le conseil en communication.

L’innovation première consiste à découvrir le rôle de

« l’image » du candidat comme élément distinct du programme et

du parti qui le soutient. L’image est constituée par un

ensemble de connaissances, croyances et opinions associées à un

candidat. Elle se spécifie dans le positionnement du candidat

comme « sous-ensemble de l’image composé de traits saillants et

distinctifs »9. Pour le spécialiste de marketing, le choix du

positionnement est la décision majeure de campagne puisqu’elle

constitue « l’épine dorsale assurant unité et cohérence » en

combinant des orientations politiques et des qualités

personnelles. Selon Denis Lindon, simplicité, attrait,

crédibilité et originalité sont les qualités requises d’un

positionnement politique satisfaisant. Plus précisemment,

disons que le positionnement doit être lisible (perceptible et

intelligible par le public), adéquat aux attitudes et

péoccupations des électeurs, crédible (compatible avec l’image

mémorisée) et discriminant (distinctif par rapport aux

concurrents). L’allure et la présentation individuelle font

l’objet d’une attention particulière pour correspondre à des

« attentes » ou façonner des perceptions publiques. Ainsi Jean

Lecanuet en 1965 et surtout Valéry Giscard d’Estaing en 1974

9 Denis Lindon, « Le positionnement des candidats », Médiaspouvoirs n° 9, janvier-mars 1988.

28

apparaissent-ils comme les candidats les plus représentatifs de

cette nouvelle génération de pratiques électorales. Bien que

cette dernière campagne soit inopinée, elle atteste un état

certain de préparation et de croyance aux vertus du marketing

et d’instruments tels que sondages, meetings, affiches,

discours, ou matériel de propagande inspiré par la publicité

électorale américaine. L’élection de 1974 est la véritable

inauguration spectaculaire du processus de modernisation des

pratiques de campagne. « La victoire de M. Giscard d’Estaing

est celle d’un homme, plutôt que d’une politique ou d’un

parti » écrivent Denis Lindon et Pierre Weill10. S’appuyant sur

un modèle du comportement électoral11, ils considèrent que sa

victoire sur Jacques Chaban-Delmas au premier tour s’explique

par l’ajustement de l’image et des intentions de vote. La

publication des sondages d’intention de vote révèle le

retentissement de la candidature giscardienne dans l’électorat

et réduit la crédibilité réputée supérieure du candidat

gaulliste. On note au passage qu’il s’agit là, et pour la

première fois, de la reconnaissance ouverte d’un effet direct

des sondages sur les perceptions politiques. Pour les auteurs,

le candidat gaulliste commet trois erreurs de positionnement :

se présenter comme le candidat le mieux placé pour battre

François Mitterrand (les sondages montrent le contraire) ;

l’insistance sur la politique sociale (alors que François

Mitterrand est le candidat commun de la gauche) ; vouloir

paraître le candidat du centre (alors qu’il provient de l’UDR

10 Denis Lindon, Pierre Weill, « Autopsie d’une campagne : pourquoiM.Giscard d’Estaing a-t-il gagné ? », Le Monde, 22 mai 1974.11 Denis Lindon, Pierre Weill, Le choix d’un député. Un modèle explicatif ducomportement électoral, Paris, éd. de Minuit, 1974.

29

et qu’il affronte un républicain indépendant). La victoire sur

François Mitterrand au second tour tient au comportement de 14%

de l’électorat (segment critique) qui reste indécis après le

premier tour et non aux noyaux de 43% acquis à chacun des deux

candidats. C’est la supériorité de son image personnelle qui

assure la victoire de Valéry Giscard d’Estaing parce que les

électeurs flottants, peu politisés, ont tendance à valoriser

les considérations personnelles comme critère de choix. Il faut

ajouter que ce modèle explicatif a été utilisé en cours de

campagne pour éclairer le candidat Mitterrand et formuler des

recommandations stratégiques12.

Le discours télévisé est sensible à cette stratégie de

cibles dans la mesure où chacun des candidats a tendance avant

le premier tour à s’adresser à ses électeurs acquis avec un

vocabulaire partisan typé. Au second tour les deux candidats,

visant la même cible des segments critiques, tendent à

neutraliser leurs propos pour attirer l’électeur médian. Deux

points ressortent bien de cette illustration par la campagne de

1974. D’abord, l’importance nouvelle des facteurs personnels

dans la détermination des décisions de vote entre en résonance

avec la personnalisation de la candidature présidentielle qui

constitue un terrain privilégié pour l’expansion de ces

stratégies d’image. Ensuite, l’application au politique d’une

conceptualisation inspirée par la logique de marché s’épanouit

dans une démarche très balistique du marketing électoral : le

corps électoral est segmenté et ciblé pour être atteint par des

messages calibrés, susceptibles de susciter l’adhésion de

l’électeur. La campagne de Mitterrand en 1974 est « sans12 Sylvie Colliard, op.cit., pp 81-93.

30

commune mesure » avec celle de 1965, selon Sylvie Colliard. Non

seulement parce qu’il est devenu le leader de l’opposition et

le candidat commun de la gauche, mais aussi parce qu’on y passe

« de l’artisanat au modernisme » en faisant « l’apprentissage

du marketing politique ». « Elle peut être considérée comme la

première campagne moderne de la gauche » en raison de l’usage

des médias, du marketing et des méthodes de financement.

Sa campagne victorieuse de 1981 contre le président

sortant manifeste une accentuation du recours au marketing sans

pour autant renoncer à être politique sur le plan du contenu.

La campagne d’affichage est exemplaire de cet amalgame, comme

déjà l’expriment les slogans des affiches conçues par l’équipe

de Jacques Séguela pour les législatives de mars 1978 : « Le

Socialisme, une idée qui fait son chemin. François Mitterrand »

ou plus connu pour la présidentielle : « La force tranquille.

Mitterrand Président ». Le sacrifice à la personnalisation se

fait encore plus net qu’en 1974 et facilite le réalignement

électoral et la grande alternance. Mais le caractère

profondément politique du choix est moteur dans la dynamique de

la campagne, et ce critère a tendance à prévaloir

progressivement chez les électeurs. Ainsi le positionnement de

François Mitterrand en 1981 associe-t-il la lutte contre les

injustices sociales et le chômage d’une part à la « force

tranquille » d’autre part. Si donc Valéry Giscard d’Estaing a

pu construire principalement son succès sur l’attraction de son

image personnelle en 1974 (jeunesse, modernisme, compétence,

notamment), François Mitterrand semble devoir le sien plutôt au

contenu politique de sa campagne. En effet, au cours de la

31

campagne, le poids des considérations personnelles

(personnalité et compétences) ne cesse de décroître au profit

des considérations politiques (parti et programme)13 dans les

critères de décision individuelle, et ce rééquibrage profite au

candidat socialiste.

L’élection de 1988 présente une tout autre allure dans la

mesure où l’essentiel de la campagne se joue à travers la

cohabitation14 et le jeu de rôles entre le Président, candidat

in fine, et le Premier ministre qui cherche à contrer la

légitimité institutionnelle supérieure de son adversaire. La

position de pouvoir est discriminante dans la perception des

candidats potentiels : ceux qui l’exercent (F. Mitterrand et J.

Chirac) se distinguent de ceux qui en sont éloignés (R. Barre,

M. Rocard)15. La crédibilité du président repose sur son

« image de chef d’Etat, capable de rassembler, possédant une

expérience des situations difficiles et sachant faire respecter

les libertés des Français ». Celle du Premier ministre vise à

garantir la sécurité des personnes et comme le Président, à

assurer la place de la France dans le monde. On comprend que

dans ces conditions, la campagne des principaux protagonistes

passe par l’information ordinaire et les perceptions qu’elle

induit concernant l’exercice du pouvoir, beaucoup plus que par

une communication de candidat16. Cette campagne apporte,13 Roland Cayrol, « Le rôle des campagnes électorales », dans DanielGaxie, dir., L’explication du vote, Paris, Presses de la FNSP,1985.14 Sur la légitimation progressive de la cohabitation dans les médias,voir Michael Lewis-Beck, Richard Nadeau, «  La visibilité médiatique et lapopularité de la cohabitation », dans Jacques Gerstlé, dir., Les Effetsd’information en politique, L’Harmattan, Paris, 2001.15 Gérard Grunberg, Elisabeth Dupoirier, « Les cibles de la campagne »,Médiaspouvoirs n° 9, janvier-mars 1988.16 L’ouvrage le plus complet sur la communication dans la campagne de1988 est comparatif : Lynda L. Kaid, Jacques Gerstlé, R Keith Sanders,

32

cependant, un second enseignement concernant la difficulté à

modifier l’image politique individuelle construite de façon

cumulative dans le temps et notamment à l’épreuve du pouvoir17.

Les décisions prises par les dirigeants servent de marqueurs et

permettent de les classer et de les différencier. Elles

constituent des « actes lourds » qui composent durablement

l’image politique.

1995 se présente comme une campagne qui prolonge et qui

innove, ne serait-ce qu’en raison du cadre juridique plus

contraignant. Marquée en termes de candidatures socialistes par

des renoncements précoces (M. Rocard, J. Delors) et une

primaire socialiste tardive (L. Jospin), elle est dominée par

la compétition E. Balladur-J. Chirac, ultra-personnalisée au

moins dans les médias. Ce dernier démarre tôt une campagne très

active.   Cette démarche ne porte néanmoins ses fruits qu’en

février, après que le Premier ministre, Edouard Balladur, ait

annoncé sa candidature et l’ait vue ruinée par une série

d’affaires et de maladresses en cascade. Le chef du

gouvernement qui optait pour une stratégie « tuilée », le

faisant glisser de Matignon à l’Elysée, se devait alors de

présenter un bilan satisfaisant et rester en adéquation avec

l’image de la fonction présidentielle. La conjoncture et sa

façon de la gérer ne lui a pas permis de remplir ces

conditions. « Pour que le message chiraquien résonne

positivement auprès des électeurs, il fallait d’abord que celui

eds., Mediated Politics in Two Cultures. Presidential Campaigning in the United States and France,Praeger, New York, 1991.17 J.-L. Parodi, « Ce que tu es parle si fort, qu’on entend pas ce quetu dis. Réflexions sur l’équilibre et le marketing de l’apparence dans ladécision électorale », Hermès, IV, CNRS, 1989.

33

d’Edouard Balladur fut rejeté. Alors que Jacques Chirac faisait

campagne sur les mêmes thèmes depuis trois mois, il ne

parvenait pas à emporter l’adhésion. Il a fallu la concomitance

de l’entrée en scène d’Edouard Balladur et de Lionel Jospin et

la fatale cascade de « difficultés » gouvernementales

affaiblissant de façon irréversible la légitimité et la

crédibilité du Premier ministre-candidat pour que le message

chiraquien trouve enfin un écho favorable. En ce sens, la

disqualification du Premier ministre-candidat a précédé et

rendu possible l’adhésion à une promesse de droite alternative»18.

La campagne de 2002 est singulière en ce sens qu’elle

vient ponctuer une expérience de longue cohabitation au terme

de laquelle beaucoup pensent que les deux cohabitants seront

les ultimes adversaires du second tour. Ceci conduit les médias

à se tourner en cours de campagne vers les candidatures de

moindre « importance » et à favoriser donc leur légitimité

comme vote de substitution au premier tour. Le grand nombre de

candidats, seize, spécialement à gauche (huit) , entraîne une

dispersion des votes. Enfin, la pression d’un agenda

particulièrement sécuritaire depuis plus d’un an dans les

médias, en écho aux représentants de la droite, oriente

l’attention publique vers ce type de considérations pour

l’installer en critère premier du choix électoral.

La campagne de 2007 n’est pas moins singulière car l’offre

politique, très renouvellée, s’y met en place très tôt.

Spécialement côté socialiste où Ségolène Royal à l’issue d’une18 Jacques Gerstlé, « La dynamique sélective d’une campagne décisive »,dans P. Perrineau, C. Ysmal, dirs, Le Vote de cise, Presses de sciences po,Paris, 1995.

34

campagne d’opinion largement relayée par les médias parvient à

conquérir l’investiture des militants socialistes dès novembre

2006. Son concurrent direct, Nicolas Sarkozy, préside aux

destinées de l’UMP depuis 2004 et occupe depuis 2002 les

ministères de l’Intérieur, puis de l’Economie et à nouveau de

l’Intérieur. Ces différentes fonctions lui ont permis de se

mettre largement en évidence dans les médias et de préparer

l’échéance électorale pour laquelle il est désigné candidat le

14 janvier 2007 par un congrès extraordinaire de l’UMP. La

campagne est marquée par une très grande volatilité de l’agenda

où les épisodes se succèdent à un rythme soutenu sans qu’on

puisse considérer qu’un thème dominant s’impose. A la campagne

interne des socialistes font suite les voyages de Ségolène

Royal au Moyen-Orient et en Chine, puis la désignation de

Nicolas Sarkozy. La lutte des Enfants de Don Quichotte en

faveur des sans logis, le pacte écologique médiatisé par

Nicolas Hulot, le discours-programme de Villepinte de Ségolène

Royal, le chiffrage des programmes, les controverses sur les

patrimoines et la fiscalité, sur l’identité nationale et

l’immigration se succèdent avant que l’insécurité ne revienne

en fin de campagne. A défaut d’une thématique centrale c’est

donc le style ou l’image qui semblent avoir prévalu, la

télévision y contribuant largement19.

La campagne de 2012 est marquée par l’élimination dès le

printemps 2011 du favori des sondages, Dominique Strauss-Kahn,

précédée de la déclaration de candidature discrète de

F.Hollande en mars 2011. Puis à la rentrée 2011, le choix des

socialistes, où se réunissent les voix des militants et des19 Piar, Christophe, Comment se jouent les élections, INA Editions, 2012.

35

sympathisants pour la première fois, désigne F.Hollande qui bat

Martine Aubry au second tour de primaires ouvertes. Son envolée

médiatique et sondagière consécutive au discours du Bourget en

janvier 2012 précipite l’entrée en campagne du président

sortant en février 2012. Ne pouvant rééditer sa stratégie de

rupture, le président-candidat égraine des mesures ponctuelles

comme en témoigne son discours de Villepinte fortement centré

sur l’identité et les frontières de l’Europe. L’affaire Merah

en mars 2012 vient consolider la posture droitière donnée à son

image par N.Sarkozy qui paye largement dans son échec

l’antisarkozysme virulent qu’avait fait naître son mandat

présidentiel.

2.3 L’intensification du recours aux sondages

L’instrument du sondage occupe une place stratégique dans

le dispositif des pratiques nouvelles de campagne. Une démarche

de positionnement politique requiert au moins trois types

d’études où le sondage, sans être un outil exclusif, est le

plus utilisé: la connaissance de l’image du candidat, qu’il

s’agise de ses qualités personnelles ou bien de ses

orientations politiques ; la connaissance des attentes et des

préoccupations des électeurs ; la connaissance du

positionnement des concurrents car tous les candidats sont

stratégiquement interdépendants. De plus, ce type d’enquête

sert à identifier des segments critiques de l’électorat, des

cibles stratégiques, à tester les thèmes et à calibrer les

messages de campagne. Le sondage est donc un instrument de

préparation de la persuasion, mais aussi de persuasion tout

court lorsqu’une publication de résultats en temps opportuns

36

est susceptible d’être exploitée pour provoquer des effets

d’opinion. Mais indépendamment des usages stratégiques du

sondage par les candidats, la demande des médias est une

seconde source d’intensification du recours aux sondages. Pour

les besoins d’une couverture spectaculaire de la compétition

électorale, journaux et médias audiovisuels commandent des

enquêtes dont la publication alimentera le feuilleton de la

course à la présidence, ce que les anglo-saxons nomment le

« horse-race coverage ».

La « victoire  médiatique et populaire des sondages

électoraux », selon les termes de Roland Cayrol, date de 1965.

Pour voir leur développement freiné il faut attendre la loi du

19 juillet 1977 qui interdit de publier les résultats de

sondage dans la semaine précèdant chaque tour de scrutin. La

commission des sondages enregistre et contrôle néanmoins 111

enquêtes pour la campagne présidentielle de 1981. Au-delà des

intentions de vote et même si elles restent largement

dominantes, les sondages autorisent l’analyse de nombreuses

dimensions de l’opinion publique : popularité et image du

Président, choix du meilleur candidat socialiste (F. Mitterrand

ou M. Rocard, par exemple), soutien aux candidats selon la

préférence partisane, crédibilités comparées, perceptions de

campagne, souhaits et prédictions du vote20. Entre janvier et

mai 1988, on a encore enregistré 153 sondages publiés et connus

par la Commission. La situation de 1995 est encore plus

favorable au développement des sondages électoraux dans la

mesure où « l’indécision des électeurs le dispute, en effet, à

20 Howard R. Penniman, ed., France at the Polls,1981 and 1986, Durham, DukeUniversity Press, Durham,1988.

37

l’incertitude des candidatures »21. La conjonction de cette

montée en puissance continue des sondages, leur

« hypermédiatisation » et leurs médiocres performances en 1995

( ils avaient surestimé au premier tour le score de J. Chirac

et sous-estimé celui de L. Jospin) a fait éclater une polémique

sur leur fiabilité, leur impact et l’opportunité des

restrictions depuis 197722.

Leur impact sur le public est plus complexe à apprécier

parce qu’il se traduit par des effets directs sur les

préférences des électeurs mais aussi indirects. Dans ce second

cas, les sondages pèsent sur les représentations des

journalistes (ne serait-ce qu’en terme de hiérarchisation de

l’information) et ces représentations pèsent secondairement sur

le public. Cet aspect est examiné plus loin à travers le

problème de la pression exercée sur et par l’information,

notamment le phénomène du cadrage discriminant. « On peut

estimer que dans les élections françaises, la publication des

sondages a accéléré, dans le camp de la droite, la polarisation

au profit d’un candidat (Giscard en 1974, Chirac en 1988 et

1995), et au détriment d’un autre (Chaban-Delmas en 1974, Barre

en 1988, Balladur en 1995), les électeurs prenant en compte les

évolutions mesurées par les instituts pour se porter sur le

meilleur candidat contre la gauche », estime Roland Cayrol23.

Les sondages feraient alors de l’électeur un stratège. En 2002

les instituts de sondages ont interrompu leurs enquêtes après

le premier tour, compte tenu de la surprise de la qualification

21 Jean Charlot, op.cit. 22 Table ronde, « Haro sur les sondages ? », Revue Politique et Parlementaire, n° 977, mai-juin 1995, p. 4-26.23 Roland Cayrol, Encyclopaedia Universalis.

38

de Jean-Marie Le Pen, mais en 2007 ils ont repris de plus belle

leur activité pour atteindre une production inégalée (voir

chapite 3). Au soir du second tour de 2012, le nombre de

sondages publiés pour cette campagne devrait approcher le

nombre de 400. Avec un tiers de plus qu’en 2007, il s’agit d’un

nouveau record, selon la commission des sondages.

2.4. Le coût des campagnes

Le remboursement public forfaitaire des frais de campagne est

limité à 5 % du montant du plafond de dépenses électorales pour

les candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages et à 50 %

de ce même montant pour ceux qui ont obtenu plus de 5 % des

voix. Mais la somme prévue est loin de permettre aux candidats

de faire face à l’explosion des coûts de campagne, par ailleurs

bien difficiles à connaître avant 1988. Selon Roger-Gérard

Schwartzenberg, les coûts de campagne en 1965 auraient été de 1

MF pour François Mitterrand (hors campagne des partis), 5 MF

pour Jean Lecanuet et plus du double pour le général de Gaulle.

En 1969, celle d’Alain Poher, considérée comme peu onéreuse,

aurait coûté près de 3 MF et celles de candidats moins en vue

environ dix fois moins. Michel Rocard avance 310 000 francs

(essentiellement pour payer les affiches, la location d’un

local, l’emploi de quelques collaborateurs, la location de

salles de réunion et des déplacements). Le PCF annonce 1,5 MF

pour la campagne nationale de Jacques Duclos et autant au

niveau des fédérations, sections et cellules. S’agissant de

Georges Pompidou, les coûts s’élèveraient considérablement,

mais aussi le mystère qui les entoure24. Côté socialistes, « A

la fin de la campagne 1974 on avouait des dépenses de l’ordre24 Jean et Monica Charlot, op.cit.

39

de quatre à cinq millions. Il semble raisonnable d’évaluer le

montant total de l’opération à sept millions de francs environ,

soit deux fois ce qu’avait dépensé Alain Poher en 1969, et

quatre à cinq fois moins que les sommes engagées à l’époque par

Georges Pompidou (plus de trois milliards d’anciens francs,

dit-on) »25. Le coût estimé de la campagne de Valéry Giscard

d’Estaing serait approximativement de 14,5 MF. Pour 1981, les

chiffres avancés attestent au moins la disproportion des

budgets puisque L’Humanité chiffre à 15 MF la campagne du PCF

mais les candidats les plus riches iraient jusqu'à 30, voire 60

MF. A partir de 1988, les comptes de campagne sont disponibles

mais les chiffres semblent sous-estimés. Par exemple, Jean-

Marie Le Pen avance un chiffre officiel de 36,5 MF, mais une

estimation plus crédible conduit à 60 MF26.

Les dépenses officielles des candidats en 1988 et 1995 en

millions de francs1988

F.Mitterr

and

J.Chirac R.Barre J-M.Le

Pen

A.Lajoini

e

A.Waechte

r

P.Juquin A.Laguill

er

P.Boussel

99.8 96 64,1 36,5 33,3 6,9 6,8 6,4 4 1995

J.Chirac L.Jospin E.Balladu

r

J-M.Le

Pen

R.Hue A.Laguill

ier

Ph.de

Villiers

D.Voynet J.Chemina

de

116,6 88,2 83,8 41,3 48,7 11,3 24,1 7,9 4,7

(Voir note s’agissant des recettes27).

25 Sylvie Colliard, op.cit., p 96.26 Christophe Hameau, La campagne de Jean-Marie Le Pen pour l’élection présidentielle de1988, LGDJ, Paris, 1992.27 S’agissant des recettes, est à remarquer la contribution des partis

puisqu’elle s’élève en 1988 à 40 MF pour Jacques Chirac et 37 MF pour

François Mitterrand.

40

Les dépenses officielles des candidats en 2002, 2007 et 2012 en

millions d’euros

2002J.Chirac L.Jospin J-M. Le Pen F.Bayrou J-P.Chevènement R.Hue N.Mamère

A.Madelin A.Laguiller Ch.Boutin… ...D.Gluckstein

18,007 12,519 12,126 8,892 9, 707 5,344 4,184

3,202 2,381 1,585 0,573

2007N.Sarkozy S.Royal F.Bayrou J-M.Le Pen M-G.Buffet Ph. De Villiers A. Laguiller D.Voynet J.Bové O.Besancenot F.Nihous Schivardi21,038 20,172 9,7 9,7 4,8 3,1 2,1

1,4 1,2 0,900 0,800 0,700

2012F.Hollande N.Sarkozy J-L.Mélenchon M.Le Pen F.Bayrou E.Joly N.Dupont-Aignan Ph.Poutou N.Arthaud J.Cheminade21,769 : 21,339 : 9,514 : 9,095 : 7,042 : 1,812 :1,237 : 0,824 : 1,022 : 0,498 :

On voit bien le lien qui existe entre technicisation,

professionnalisation et augmentation du coût de la vie

politique, limité par le renforcement de la réglementation

depuis la fin des années 1980 pour préserver l’égalité des

candidatures, favoriser l’expression du pluralisme et, au

total, donner un caractère plus démocratique à la compétition

électorale. La comparaison des sommes déclarées pour 2002, 2007

et 2012 par familles politiques illustre l’impact de la

règlementation, l’adéquation entre les moyens et l’influence

politique et révèle pour la plupart des candidats une certaine

similitude dans le niveau des dépenses à cinq années

d’intervalle.

41

3. LES TRANSFORMATIONS DE LA MEDIATISATION

Comme le signale Jean Massot28, le rôle des médias est,

avec l’utilisation des techniques de sondage, le phénomène qui

a contribué depuis 1965 à faire de l’élection présidentielle un

« événement » particulièrement mobilisateur. Les comportements

et pratiques des gouvernés et gouvernants montrent une

dépendance croissante à l’égard des médias. Pour les premiers,

ils représentent des sources privilégiées d’acquisition de

l’information politique. Pour les seconds, ce sont des vecteurs

de communication stratégique. Mais l’efficacité présumée des

médias est trés inégalement distribuée et la télévision s’est

rapidement acquise une position dominante. La médiatisation des

campagnes électorales passe davantage par des moyens

audiovisuels qui n’ont pas échappé à des changements

importants, ni fait disparaître les moyens traditionnels de

persuasion.

3.1. les moyens traditionnels de propagande : déclin et

permanence

Le code électoral prévoit l’utilisation de certains moyens

conventionnels tels que les affiches officielles, les

professions de foi29 adressées à chaque électeur inscrit, les

réunions électorales, mais bien d’autres procédés peuvent être

utilisés par les candidats pour faire campagne : le web et ses

dérivés (blogs et podcasts), les tracts, les livres et

28 Jean Massot, La présidence de la République, op.cit.29 Les professions de foi des candidats sont reproduites dans la sérieTextes et Documents relatifs aux élections présidentielles ainsi que dans Ballet (Marion),2010, édités par la Documentation Française.

42

brochures, les objets et photos, etc., bref ce qu’il est

convenu d’appeler le matériel de propagande.

L’écrit conserve une place indéniable sous différentes

formes. En 1969, Alain Poher fait tirer à huit millions

d’exemplaires un journal spécial diffusé par des militants

alors que L’Humanité-Dimanche diffuse en même quantité mais avec

son circuit autrement plus structuré et performant.

La biographie, plus ou moins hagiographique ou polémique,

du candidat est un genre constant. Le livre signé par le

candidat a sans doute un statut particulier dans cet ensemble

pour ce qu’il représente de culture et de programme, de projet

ou de vision, comme on dit plus volontiers aujourd’hui.

En novembre 1980, François Mitterrand avait publié Ici et

maintenant. Il adresse en 1988 une Lettre à tous les Français. Six mois

avant La France pour tous, Jacques Chirac publie en juin 1994 Une

nouvelle France, Réflexions 1 dont 190 000 exemplaires sont diffusés ;

vingt millions de francs sont consacrés à la distribution d’une

sorte de digest du livre sur les marchés, par courrier ou porte

à porte. Edouard Balladur publie dans la collection Livre de

poche ses discours et articles antérieurs dont la diffusion

atteind presque 100 000 exemplaires. Nicolas Sarkozy publie en

juillet 2006 Témoignage dont il assure la promotion durant tout

l’été, ce qui est l’occasion de partir à la rencontre des

Français y compris sur leurs lieux de vacances et en avril 2007

Ensemble alors que Ségolène Royal publie Maintenant en mars 2007.

En février 2012, F.Hollande publie « Changer de destin » après

« Le rêve français » en août 2011 et N.Sarkozy hésite à faire de

même puis y renonce au profit d’une « Lettre au peuple français » en

43

avril 2012 où il prolonge l’exemple donné par F.Mitterrand en

1988.

La Lettre à tous les Français rédigée par le président Mitterrand

en 1988 est une forme d’écrit allégé (une cinquantaine de

feuillets), d’apparence familière qui combine subtilement

philosophie du pouvoir, récit stratégique de la cohabitation et

orientations programmatiques. Elle n’a pas été « postée », pour

des raisons de coûts, mais publiée en espace acheté dans la

presse quotidienne et tirée à trois millions d’exemplaires par

le PS.

En mars 1988, une enquête indique les préférences des

électeurs30 : La télévision est le moyen le plus utile pour

savoir comment voter selon 62% des personnes interrogées, loin

devant les journaux (37%), la radio (30%), les conversations

(20%), les sondages (12%), les meetings (6%), les affiches

(4%), les tracts (4%). Globalement cette hiérarchie est assez

stable de 197431 aux années 2000. En 2006 la hiérarchie des

médias les plus utiles pour s’informer en politique s’établit

ainsi selon le Baromètre Politique Français du CEVIPOF32 : la

télévision (58%), la radio (17%), la presse écrite nationale

(10 %), la presse écrite régionale (9 %), internet (5 %), la

presse gratuite (1 %). Une place particulière doit être faite à

l’internet et aux réseaux sociaux émergents. Le nombre de

français qui utilisent internet comme première source

30 Sofres, Télérama, n°1995, 6 Avril 1988.31 Jay Blumler, Roland .Cayrol, Gabriel Thoveron, (dirs), La télévision fait-elle l’élection ?, Presses de la FNSP, Paris, 1978.32 Vincent Tiberj, Thierry Vedel, « Les effets de l’informationtélévisée sur les évaluations politiques et les préoccupations desélecteurs français, 2ème vague 2006 », dans Les Cahiers du Cevipof, BaromètrePolitique Français, n° 46, avril 2007.

44

d’information politique atteint vraisemblablement les 15%

aujourd’hui (ils étaient 12% en décembre 200933). Certes, la

révolution en 140 signes n’a pas encore eu lieu mais on est

obligé d’observer chez les électeurs la montée de ce vecteur

d’information et de communication34. Et pourtant les candidats

continuent à écrire des livres, des lettres, à organiser des

réunions électorales. Ils continuent à faire campagne, à

« serrer les mains et tenir les murs»35. Deux modalités de la

propagande traditionnelle sont remarquables en ce qu’elles

connaissent des évolutions opposées : l’affiche est en

régression, du fait de la loi, alors que le contact direct

garde tout son attrait.

3.1.1. Tenir les murs : le déclin de l’affiche

L’affichage est une pratique de propagande

traditionnelle qui prend diverses formes : officiel, commercial

et sauvage, mais la deuxième n’est plus possible trois mois

avant le scrutin depuis la loi de 1990. Contre cette

interdiction vitupèrent, bien sûr, les publicitaires

économiquement intéressés. Mais d’autres arguments sont

recevables dans le sens du maintien: celui du handicap de

visibilité dans les grands médias pour les candidats considérés

comme mineurs ou bien celui de l’opportune présence sur le

domaine public, la rue, des traces de la confrontation

électorale en des temps de reflux de la citoyenneté. 33 Jouet(Josiane), Vedel (Thierry), Comby (Jean-baptiste), Political information and interpersonal conversations in a multimedia environment, European Journal of Communication, 26(4) 361–375.34 Yves-Marie, Cann, La web campagne :entre permanences et renouvellements, RevuePolitique et Parlementaire, N° 1062 : Présidentielle 2012 : les attentes desfrançais, Mars 2012.35 Michel Offerlé, Un homme, une voix ? Histoire du suffrage universel, Gallimard,Paris, 1993.

45

L’affiche favorise probablement la mémoire du politique

par les repères qu’elle fixe en associant slogan et image. Ce

n’est peut être pas le cas de l’affiche où de Gaulle est « Pour

le succès de la France » ou celle de François Mitterrand « Un

président jeune pour une France moderne » en 1965, ni celui de

Georges Pompidou « Avec la France, pour les Français » opposé à

Alain Poher « Un Président pour tous les Français » en 1969. Ca

l’est davantage, au moins pour une génération d’électeurs de

1974, en ce qui concerne François Mitterrand associé au slogan

« La seule idée de la droite est de garder le pouvoir, mon

premier projet est de vous le rendre » affrontant au premier

tour « Un vrai président, Giscard d’Estaing » ; alors que

l’opposition du deuxième tour se fait entre « Un président pour

tous les Français » et « Giscard d’Estaing, le président de

tous les français », photographié avec sa fille. En 1981, « Il

faut un Président à la France » de V.G.E. est confronté à « La

force tranquille. Mitterrand Président » et à « Jacques Chirac

le président qu’il nous faut ». Pour 1988, « La France Unie »

et « Génération Mitterrand » ont mieux résisté au temps que

« Nous irons plus loin ensemble » ou que la vague « Volonté,

courage, ardeur, il rassemble, il construit » de Jacques

Chirac. A partir de 1995, c’est le repli sur l’affichage

officiel. L’affichage commercial est interdit dans les trois

mois qui précèdent le scrutin.

Quoiqu’il en soit de leur impact et de leur postérité, les

affiches électorales expriment de manière symbolique, par le

dialogue qu’elles permettent d’instaurer dans le temps et dans

l’espace partisan, l’interdépendance des positionnements

46

stratégiques. En 2012 les affiches principales des candidats

majeurs présentées ci-dessous laissent voir les slogans

homogènes à l’offre politique très personnalisée de chacun des

candidats:

3.1.2. Serrer des mains : la permanence du contact

Dans la société de communication la technologie est

omniprésente et il peut paraître paradoxal de souligner

combien, même pour une élection nationale, l’expérience du

contact direct (ou son simulacre) est une figure imposée de la

campagne présidentielle. Réunions, meetings, déplacements,

visites, prises de parole, quelle que soit la forme, il faut

concéder au terrain cette furtive impression de proximité pour

susciter l’identification, la projection ou la sympathie,

réchauffer la préférence partisane, en tout cas donner corps à

la volonté de rassemblement. Le président en exercice (de

Gaulle en 1965, Giscard d’Estaing en 1981, Mitterrand en 1988

et Chirac en 2002) est moins présent, à cet égard, car il

dispose d’une légitimité institutionnelle et d’une prime

médiatique sans égales. L’absence de campagne du premier est

dans la logique de sa conception du rôle présidentiel. Les deux

47

autres ne concèdent qu’une campagne brève où leur participation

est physiquement limitée. Le choix stratégique de « citoyen-

candidat » oblige davantage Valéry Giscard d’Estaing en 1981

que celui de François Mitterrand en 1988 lorsqu’il exploite

totalement les ressources de la légitimité présidentielle. Ce

dernier ne prend part qu’à quatre meetings avant le premier

tour (Rennes, Lyon, Montpellier, Le Bourget) et trois ensuite

(Lille, Toulouse, Strasbourg). Certains candidats font preuve

d’une mobilité et d’un activisme exceptionnel comme François

Mitterrand en 1965 et Georges Pompidou en 1969. Le premier

« sillonne la France de part en part, visitant la plupart des

villes de grande ou moyenne importance »36. Malgré la briéveté

de la campagne inopinée de 1969, Georges Pompidou tient 44

réunions: en quinze jours, 15 000 km sont parcourus et 21

régions visitées. Si bien qu’une semaine avant le deuxième

tour, Alain Poher finit par sacrifier à la mobilité intensive :

13 villes en cinq jours. La campagne du candidat peut

bénéficier de l’animation active du parti qui le soutient comme

c’est le cas de Jacques Duclos et des 400 réunions publiques

des membres du Comité central à travers tout le pays.

Le candidat commun de la gauche de 1974 participe à une

trentaine de meetings dans toute la France. Il bénéficie de

l’organisation d’une douzaine de meetings unitaires auxquels il

ne contribue personnellement qu’à deux reprises, notamment au

Palais des Sports devant cent mille personnes. Son concurrent

ne ménage pas sa peine pour « regarder la France au fond des

yeux » à l’occasion de 44 réunions publiques.

36 Roland Cayrol, Jean-Luc Parodi, « Propagandes », dans Cevipof,L’élection présidentielle de décembre 1965, Presses de la FNSP, Paris, 1970.

48

La campagne présidentielle de 1995 est, à ce niveau,

particulièrement intéressante. On y voit des candidats très

actifs. Lionel Jospin visite 40 départements, participe à 57

réunions et à 6 grands meetings régionaux. De style

initialement institutionnel, la campagne du Premier ministre ne

prévoyait que 6 ou 7 meetings, puis elle prend un tour nouveau

en offrant « une part de lui-même aux Français » : c’est « La

fête à Edouard », manifestation populaire organisée fin mars.

Mais comme Alain Poher en 1969 et Jacques Chaban-Delmas en

1974, la tentative de rectification d’Edouard Balladur illustre

les limites de la métamorphose artificielle de l’identité en

politique.

Sans atteindre les records de Robert Hue avec 80

déplacements et 74 réunions publiques, Jacques Chirac présente

aussi une belle constance dans sa campagne. Il visite 52

départements et tient 40 réunions, organisées méthodiquement à

la façon de George Bush en 1988 sur le mode « un jour, un lieu,

un thème ». « Chirac à l’écoute des Français, défenseur des

exclus contre l’establishment, la technostructure et sa pensée

unique, joint le geste à la parole : il va à la rencontre des

gens sur le terrain à travers des catégories de public. Cette

technique présente l’avantage de porter le candidat vers les

électeurs (bénéfice d’image de proximité et de dynamisme), de

susciter la couverture médiatique au moins locale (bénéfice de

visibilité) et de mobiliser les soutiens et militants pour

relayer le message (bénéfice d’activation des leaders

d’opinion) »37. De prouver aussi, du fait des kilomètres37 Jacques Gerstlé, « La dynamique sélective d’une campagne décisive », in Pascal Perrineau, Colette Ysmal, dirs, Le vote de crise, Presses de sciences po,Paris, 1995.

49

parcourus et du nombre de discours prononcés, sa résistance

physique et nerveuse et donc son aptitude à endosser de lourdes

responsabilités.

2007 a été incontestablement une campagne intensive de

meetings où il fallait faire nombre. Après sa phase

participative, S.Royal s’est mise à la réunion massive car,

entre temps, Nicolas Sarkozy avait montré sa force au congrès

extraordinaire de l’UMP où il fut désigné le 14 janvier devant,

théoriquement, cent mille militants présents pour un coût total

de 3,5 millions d’euros. Entre janvier et début mai 2007,

Ségolène Royal participe à 54 déplacements sous forme de

visites ou de meetings dont un déplacement aux Antilles fin

janvier. Nicolas Sarkozy atteint le chiffre de 88 déplacements

dont Londres en janvier, Berlin et La Réunion mi février,

Madrid à la fin du même mois, les Antilles fin mars38.

La campagne de 2012 innove par le retour à des réunions en

plein air qui ont pour mérite essentiel d’être économiques car

n’impliquant pas de frais de location d’espace. Ainsi le

meeting de la Bastille où J-L.Mélenchon a réuni une foule de

120.000 personnes (selon les organisateurs) ou bien ceux de

Toulouse (70.000) et de Marseille (120.000) sont-ils

exemplaires, de même que ceux organisés le même jour à Paris

pour N. Sarkozy sur la place de la Concorde ou pour F. Hollande

sur le cours de Vincennes. « Devant les caméras, c’est à qui

battra le record de participants, occupera l’espace le plus

gigantesque et offrira le spectacle d’un parti soudé autour de

son leader ». Ces meetings révèlent un engouement particulier

38 Marion Ballet (2010) fournit la liste exhaustive des déplacements des candidats en 2002 et 2007.

50

des chaînes d’information en continu pour lesquels ils sont

largement mis en scène ainsi que pour la twittosphère politique

dont il ne faut cependant pas exagérer l’influence :  seuls 5%

des Français, environ, se tiennent informés via les tweets des

candidats ou des journalistes politiques . Une autre pratique

ancienne a resurgi au plan national : il s’agit du porte à

porte plus généralement utilisé au niveau local. Couplée avec

l’usage d’internet, le « canvassing », inspiré par la campagne

d’Obama en 2008, a permis de développer une campagne de

terrain très active chez les socialistes39.

3. 2. la campagne dans l’audiovisuel : entre désaffection et

rénovation

Plusieurs types de contribution des médias à la campagne

électorale peuvent être distingués. Dans les limites de la

réglementation, les candidats contrôlent tout le contenu et la

forme qu’ils donnent aux messages diffusés par la campagne

officielle à la radio et à la télévision. Bien que non inclus

parmi les émissions de la campagne officielle, intervient

depuis 1974 un débat opposant en direct à la radio et à la

télévision les deux candidats du second tour. De plus, la

couverture de l’actualité - à travers l’information quotidienne

- pèse sur les perceptions publiques, aussi bien à travers le

traitement de la campagne elle-même qu’à travers celui de

l’actualité. La pression des candidats sur l’information et de

l’information sur le public s’exerce de façon sensible, au

point d’induire des effets persuasifs.

39 Jacques Gerstlé, Communication politique et médiatisation de la vie politique, Les Cahiers Français, (370), Quelle Vème République demain ?, septembre-octobre 2012.

51

3.2.1. La campagne officielle radiotélévisée

Les émissions radiotélévisées officielles, on l’a vu, sont

encadrées par un dispositif juridique de plus en plus resserré.

Il faut, au-delà de ces contraintes, examiner l’évolution des

formes d’émission et leur audience pour saisir un processus de

modernisation. Chaque candidat doit bénéficier d’un temps

d’antenne identique pour chacune des tranches horaires de la

campagne et se voir attribuer un rang de passage différent. Le

tableau donne, pour les neuf campagnes présidentielles, les

temps d’antenne mis à disposition des candidats avant chaque

tour de scrutin. A ceci s’ajoute depuis 1974 le temps du débat

radiotélévisé.

Temps d’antenne attribué aux candidats à la radio et à la

télévision (*)

Elect

ion

1965 1969 1974 1981 1988 1995 2002 2007 2012

Tour I

II

I

II

I

II

I

II

I

II

I

II

I

II

I

III

IIDurée

TV

120

120

100

100

65

75

70

65

105

60

90

79**

48

60

45

6043

60(*) Campagne officielle sur les chînes publiques, en minutes. ** temps

effectif.

Seules les chaînes publiques diffusent les émissions

officielles. En 1988 et 1995, la durée des émissions est la

même pour France 2 et France 3, mais les horaires de diffusion

sont différents. A cette date, on retira 45 minutes d’antenne

sur les deux heures imparties à chaque candidat pour les

affecter au débat. La même opération est reproduite

ultérieurement.

52

Le format des émissions a été fortement réduit. En 1965, chaque

candidat dispose de deux grandes émissions de 28’, quatre de

14’ et une dernière de 8’. A partir de 1974, la fourchette de

temps entre l’émission la plus courte et la plus longue se

rétrécit progressivement au premier tour.Durée des émissions officielles (de la plus brève à la plus longue) de 1974

à 2012.

1974 1981 1988 1995 2002 2007 20125’

25’

5’

20’

5’

15’

1’

15’

1’ 5’ 1’

5’30

1’30

3’30

En 1995, les 90 minutes pour chacun des neuf candidats sont

répartis en émission courte (1 et 2’), moyenne (5’) et longue

(15’). En 2007, les 45’ le sont en émissions d’1’, de 2’30 et

de 5’30. En 2012, les 43 minutes du premier tour sont réparties

en dix modules de format court d’une durée de 1 minute 30

secondes et huit modules de format long d’une durée de 3

minutes 30 secondes. Pour le second tour, les 60 minutes sont

réparties en cinq émissions de deux minutes et dix émissions de

cinq minutes.

Les émissions sont programmées à des horaires différents sur

chaque chaîne compte tenu de leur durée (les modules longs ont

une programmation tardive) et certaines sont rediffusées. En

1988, les candidats du second tour s’accordent sur la durée

totale de 60 minutes. De même en 1995, Jacques Chirac et Lionel

Jospin s’entendent sur une durée bien inférieure au plafond de

deux heures.

Le rétrécissement des émissions de la campagne officielle entre

1965 et 2012 à été justifié par l’adaptation aux attentes des

53

télespectateurs. Le changement du paysage audiovisuel français

s’est, en effet, accompagné d’une désaffection pour la

communication électorale de la campagne officielle. En avril

1990 encore, le CSA recommande « une réforme radicale de la

campagne radiotélévisée officielle frappée de désaffection

massive ». Pour accroître l’audience, différentes solutions

sont mises en œuvre. L’expérience de la campagne présidentielle

de 1988 montre que la diffusion à des heures variables (9 h, 13

h, 17 h, 19 h, 22 h), avec des combinaisons variables selon les

chaînes, améliore les possibilités d’écoute. On a aussi

assoupli depuis 1986 les contraintes de formes des émissions.

La forme prise se diversifie de 1965 à 1988 entre monologue,

discussion avec différents soutiens ou entretien avec un

journaliste. A partir de 1988, l’innovation du « clip » se veut

attractive en substituant de l’image et du son à du discours.

Contrairement au « spot » à l’américaine, le clip ne constitue

pas, par définition légale, un message autonome : c’est un

produit vidéo inséré (clipé), bref (10 à 190 secondes en 1988)

et coûteux (de 3 000 à 20 000 francs/seconde en moyenne). Son

modèle remarqué est produit pour François Mitterrand avec 500

images en 80 secondes retraçant l’histoire de la France dans le

monde depuis 1789 et « verrouillage » sur image fixe de

l’affiche « La France Unie ». Utilisé par presque tous les

candidats dès 1988, il se réduit par la suite souvent à des

jingles d’introduction40. Il faut cependant ajouter que la

vidéo est utilisée dans les meetings : pour Lionel Jospin, un

film de 11 minutes lorsque le candidat est absent et pour

40 Jean-Paul Gourevitch, » Le Clip politique », Revue Française de sciencepolitique, vol.39/1, février 1989.

54

Jacques Chirac, un film de 20 minutes qui reprend des extraits

de son programme. En 1995, en 2007 puis en 2012 sont assouplies

les contraintes sur le genre de l’intervention et augmentées

les possibilités d’insertion vidéo (voir supra).

L’audience recueillie par la campagne audiovisuelle officielle

ne doit pas être confondue avec son impact. Si en 1965 à peine

un foyer sur deux dispose d’un récepteur l’effet de l’irruption

de l’opposition à la télévision, d’où elle est quasiment

absente depuis 1958, est sans doute important, même s’il est

difficile à mesurer. S’agissant de la candidature Lecanuet, on

a néanmoins montré que la télévision n’avait pas fait son

succès, contrairement aux commentaires fréquents à ce sujet41.

Pour la présidentielle de 1969, le taux d’équipement en

télévision n’est encore que de 66%. Il passe à 82% en 1974 et,

pour les émissions précédant le premier tour, selon le Centre

d’études d’opinion de l’ORTF, l’audience moyenne se situe entre

45 et 50% de téléspectateurs alors que sur l’ensemble de

l’année on en compte de 65 à 70 % dans la même tranche horaire.

En 1981, on atteint presque 91% d’équipement et l’audience TV

de la campagne officielle fléchit très nettement42 avec

respectivement pour chaque tour 23,5 % et 34,1 % (débat entre

les deux candidats du second tour inclus). La déperdition

quotidienne de l’audience par rapport aux périodes hors-

campagne se monte à sept millions de téléspectateurs. Le

mouvement de désaffection se retrouve dans la hiérarchie des41 Jean Stoetzel, « Les sondages et l’élection présidentielle de1965 », Revue Française de Sociologie, vol. 7/2, avril 1966.42 Nicole Casile, « Pour qui sont ces discours ? », dans Jean-MarieCotteret et al., Démocratie cathodique, 1981. L’audience TV de la campagneofficielle y est évaluée à 47% pour le premier et 55% pour le deuxièmetour.

55

préférences suggérée par les enquêtes43. Les faibles résultats

d’audience conduisent l’instance de régulation à moderniser

l‘organisation de la campagne officielle pour la rendre

accessible au plus grand nombre. Pour 1995, la Commission

nationale de contrôle44 rapporte ainsi sa satisfaction de ce

point de vue strictement quantitatif: « Quant à la campagne

officielle radiotélévisée diffusée sur France 2, France 3,

France Inter, RFO et RFI, elle a atteint un public plus large

que lors de la précédente élection : pour le premier tour, elle

a touché en dix jours 80 millions de téléspectateurs contre 52

millions en 1988 » et d’imputer ce succès aux efforts de

modernisation et de programmation. En 1995, l’audience cumulée

en millions de contacts se monte à 88 % pour le premier tour et

à 39 % pour le deuxième. En 2002, les données équivalentes se

montent à 60 % pour le premier tour et 48 % pour le second.

Pour 2007, le CSA note que pour la télévision « durant les

trois semaines de diffusion des émissions de la campagne

officielle, la campagne a touché une audience agrégée de plus

de 115 millions de contacts/individus de 15 ans et plus, contre

un peu plus de 108 millions en 2002 »45. Il propose en outre 16

recommandations d’évolution « dans le sens de l’assouplissement

des règles et de l’enrichissement du débat démocratique » pour

la prochaine échéance présidentielle. En 2012, du 9 avril au 4

43 « Selon vous, quels sont, parmi les genres d’émissions télévisées suivantes, ceux qui vous informent le mieux sur la campagne électorale? : Les émissions qui mettent un ou plusieurs journalistes face à un homme politique (50 %); les face-à-face entre hommes politiques (38 %) ; les émissions politiques en présence d’un public (23 %); les émissions officielles de la campagne (5 %). ( Sondage Louis Harris réalisé du 10 au 12 Mars 1988).44 Rapport de la CNC, dans Election Présidentielle des 23 avril et 7 mai 1995. Lerapport du CSA indique 94 millions de téléspectateurs touchés durant lesdeux premières semaines et 39 millions dans la dernière semaine.45 http://www.csa.fr/infos/publications/publications_divers.php

56

mai, Kantar Media et Médiamétrie se sont penchés sur la

visibilité des candidats pour les deux tours de la campagne,

sur trois chaînes de France Télévisions (France 2, France 3,

France 4). La campagne officielle aurait touché près de 64% de

la population avec une montée en charge progressive jusqu’au

premier tour. Mais pour chaque candidat, c’est moins de la

moitié de la population qui est touchée (40% environ). Les

proportions de population touchées sont équivalentes pour tous

les candidats. A partir du second tour, les deux derniers

candidats ont touché seulement 10% de téléspectateurs en plus.

3.2.2. Le débat radiotélévisé entre les deux tours

Lors des premières campagnes présidentielles, des débats

sont organisés par les stations de radio privées. Ainsi, en

1965, sur les ondes d’Europe 1, Pierre Mendès-France débat-il

avec Michel Debré par deux fois à une semaine d’intervalle,

alors que la campagne officielle est ouverte46. En 1974 encore,

Jacques Chaban-Delmas affronte à la radio François Mitterrand

le 17 avril, avant que le 25 et le 2 mai ce dernier n’affronte

dans les mêmes conditions Valéry Giscard d’Estaing. Ils se

retrouveront, à la télévision cette fois, le 10 mai pour

innover avec le débat qui met aux prises en direct les deux

candidats présents au deuxième tour. A chaque élection

présidentielle suivante, cette formule est reprise pour devenir

rituel même si, à chaque occasion, les conditions de

réalisation font l’objet d’âpres négociations entre les

candidats. La promotion médiatique dramatisante de cet

événement de communication en fait un point culminant de la

46 Ces débats font même l’objet d’une publication intégrale : M. Debré,P. Mendès-France, Le Grand Débat, Gonthier, Paris, 1966.

57

campagne présidentielle, où la personnalisation et les

conditions d’interaction polémique garantissent même aux

indifférents un minimum de spectacle, ou comme le dit mieux

l’anglais de contest excitment. A y regarder de plus près, le

contenu politique47 n’est pas toujours à la hauteur de ces

annonces. Mais là encore, les résultats du premier tour

imposent aux candidats et à leurs conseillers des impératifs

stratégiques en termes d’axes de communication et de cibles

prioritaires pour rassembler autour d’eux les électeurs des

candidats éliminés ou bien indifférents. Ceci transforme le

débat argumentatif en face-à-face de postures où les qualités

personnelles sont davantage en jeu que les orientations de

politique publique. Cette évolution est plus sensible dans les

débats de 198848 et 199549 que dans les deux premiers. En

197450et en 198151, le contraste des offres politiques en

présence est si fort que la nature des arguments sollicités

s’en ressent, même si des choix d’image et de gestion de

l’interaction inspirent aussi les performances. Les deux

phrases chocs le « Vous n’avez pas le monopole du cœur » contré

sept ans plus tard par « Vous êtes devenu l’homme du passif »

restent dans toutes les mémoires.

Le débat de 1995 met aux prises des protagonistes aux

objectifs complémentaires : la recherche de la crédibilité

47 Les textes des débats sont disponibles dans la série Textes et Documents relatifs à l’élection présidentielle.48 Jean-Baptiste Legavre, “Face to face : the 1988 French debate”, in Lynda L. Kaid, et al., op.cit.49 Jean Charlot, op.cit., p 194 et s.50 Jean-Marie Cotteret, et al., Giscard d’Estaing/Mitterrand : 54774 Mots pour convaincre, PUF, Paris, 1976.51 Jacques Gerstlé, « Eristique électorale. Le débat du 5 mai 1981 »,in Jean-Marie Cotteret et al., Démocratie cathodique, op. cit.

58

présidentielle pour Lionel Jospin et le souci du dialogue pour

Jacques Chirac. A défaut d’être consensuelle, la communication

est au moins coopérative. En 2002 Jacques Chirac a refusé

d’être opposé à Jean-Marie Le Pen motivant ainsi sa décision :

« face à l’intolérance et à la haine, il n’y a pas de

transaction possible, pas de compromis possible, pas de débat

possible ». 2007 offre un débat sans surprise, chaque candidat

sachant les jeux faits, il est la dernière occasion pour la

candidate socialiste de tenter de limiter son écart. La

nouveauté est venu du débat difficilement organisé, en dehors

de toute règle et campagne officielles, qu’elle mène avec

François Bayrou sur BFM TV une semaine avant le second tour.

2012 connaît une innovation importante avec pour la

première fois dans l’histoire la participation à l’émission Des

Paroles et des Actes diffusée par France 2 de la totalité des

candidats à deux débats à cinq prenant la forme d’interviews

successifs sans interaction entre candidats avant le premier

tour. Le débat télévisé de 2012 a donné lieu à un affrontement

particulièrement âpre entre candidats : N.Sarkozy voulait que

trois débats soient consacrés respectivement aux questions

économiques et sociales, aux questions de société et aux

problèmes internationaux. F.Hollande a refusé cette offre au

motif que des arrières pensées stratégiques commandaient le

souhait de son adversaire.

En termes d’audience, on enregistre à ces occasions des

scores élevés : 23 millions de personnes et 71% du public

potentiel en 1974 (81% des personnes interrogées par la Sofres

disent avoir vu le débat) ; 23,4 millions, c’est-à-dire 60% des

59

télespectateurs en 1981 ; 30 millions pour la totalité des

diffusions directes (TF1, A2) et différées (FR3, la Cinq et M6)

en 1988, avec une audience variant entre 45 et 49%. En direct,

le débat a touché 15 millions de télespectateurs contre 17 en

1995, auxquels s’ajoutent les auditeurs et le public du différé

sur Arte, M6, TV5 et Cinquième. En 2007, le débat Royal-Sarkozy

dure 2h40 minutes et réunit plus de vingt millions de

télespectateurs en direct. Les deux finalistes de la campagne

de 2012 se sont affrontés pendant près de deux heures cinquante

dans une confrontation largement dramatisée par les médias

d’information qui ont ainsi promu un spectacle politique très

ritualisé attirant plus de dix sept millions de

téléspectateurs.

Genre contraint et quelque peu anachronique dans le contexte

audiovisuel actuel, mais à préserver, la campagne officielle

doit encore, selon le CSA dans son rapport sur l’élection de

1995, être rénovée pour s’adapter aux évolutions de la réalité

télévisuelle. Recommandation réitérée en 2002 et 2007, le CSA

souhaitant donner plus de liberté de création aux candidats

dans le respect du principe d’égalité afin d’accroître

l’attractivité des émissions officielles.

3.3. La pression sur l’information quotidienne

La campagne électorale dans les médias passe non seulement

par la propagande ou la communication mais aussi par

l’information ordinaire. Les électeurs reçoivent

quotidiennement un flot d’informations qui n’est pas focalisé

sur la campagne électorale et qui s’est considérablement

60

amplifié depuis 1965. A la chaîne unique de télévision, à la

radio d’Etat et aux trois stations périphériques a succédé

depuis la libéralisation des ondes après 1981, et avec les

progrès de diffusion satellitaire et les nouvelles technologies

de l’information, un paysage médiatique plus que foisonnant.

Dès 1965, on a vite compris que le lien entre

l’information électorale et l’information non électorale

méritait d’être établi, car l’électeur l’établit lui-même de

façon plus ou moins maîtrisée selon son degré de compétence

politique. D’autre part, les candidats cherchent à

instrumentaliser ce lien s’ils sont soucieux du principe de

résonance évoqué plus haut. Autrement dit, un candidat pour

être en résonance avec son milieu doit s’efforcer de suivre ou

de créer l’actualité, de contrôler l’agenda52. Pour maîtriser

la dynamique de sa campagne, le candidat doit, en effet,

surveiller trois moteurs essentiels : l’agenda politique,

l’agenda public et l’agenda médiatique qui vont contribuer à

composer l’agenda électoral53. A ce principe de portée générale

s’ajoutent des raisons plus contextuelles. La première tient à

l’interdiction de la communication de type publicitaire qui

fait basculer l’acheminement du message électoral, et donc la

pression, sur les médias d’information de masse.D’autant plus

que la couverture médiatique est gratuite contrairement à

52 On observera que la dérision par la satire médiatique (à laquelle onprête des effets sans doute excessifs) est un prolongement particulier dutraitement de l’actualité. Sur cette dimension satirique, voir AnnieCollovald, « The Bébête Show : Satire in the 1988 French campaign », inLynda L.Kaid et al., op.cit. ; pour la campagne de 1995, voir EmmanuelFraisse, « Les politiques et leurs marionnettes à la télévision »,Médiaspouvoirs n° 38, 1995.53 Jacques Gerstlé, « Agenda électoral », dans Pascal Perrineau,Dominique Reynié, dirs, Dictionnaire du vote, op.cit.

61

l’espace publicitaire. En France, l’attente d’information est

d’autant plus forte que la désaffection pour la campagne

officielle est réelle lorsque le télespectateur n’est plus

captif d’une programmation exclusive, comme ce fut le cas

jusqu’en 1981. Enfin, la perte de confiance dans le personnel

politique pousse également le public à se fier davantage à des

médias professionnalisés qui peuvent de plus se parer du

concours de la technique pour couvrir le monde. Cette confiance

est d’ailleurs d’autant plus facile à donner qu’elle est peu

coûteuse. En effet, les médias abaissent les coûts individuels

d’acquisition de l’information pour l’électeur en décryptant

pour lui les messages politiques.

La pression déplacée sur l’information conduit à

interroger ses usages stratégiques, d’autant plus qu’ on

connaît mieux les mécanismes persuasifs de l’information54. Il

faut renoncer à l’idée d’une innocuité de l’information de

masse. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer comment les

médias ont couvert l’élection présidentielle de 1965. Si la

presse écrite, aux sympathies partisanes variées, permet

l’expression forte de la concurrence, l’information télévisée

adopte plus volontiers un « rôle de relais de la candidature

présidentielle »55. L’information peut donc être biaisée et

ceci de différentes façons : par l’accès différentiel aux

médias des différents candidats, par un traitement partial de

leur identité ou de leur action, ou plus indirectement par

l’accent mis dans l’actualité sur des thèmes qui sont pour eux

inégalement stratégiques. L’exemple du thème de l’insécurité en54 Jacques Gerstlé, dir., Les Effets d’information en politique, L’Harmattan,2001 ; et Jacques Gerstlé, La communication politique, Colin, 2008.55 Monica Charlot, Le journal télévisé, dans Cevipof, op.cit..

62

2002, celui du pouvoir d’achat ou du comportement de certains

dirigeants de grands groupes financiers et industriels en 2007

en sont des exemples. En 2012 les tueries de Montauban et

Toulouse ont été largement couvertes par les médias et ne sont

pas sans relation avec le statut du chef de l’Etat.

En premier lieu, l’information contrôle la visibilité des

candidats, et la publicité donnée à leurs actions et

programmes. Est ainsi conditionné l’accès global du public à

l’offre électorale. On observe dans chaque pré-campagne le non-

respect du principe d’égalité dans le traitement de

l’information télévisée, celle dont la consommation est la plus

massive et la plus socialement répandue. Les producteurs de

l’actualité hiérarchisent les candidats en leur donnant une

visibilité différentielle qui sur-légitime les « grands » et

délégitime les « petits »56. La classe dominante est constituée

par les présidentiables : Mitterrand, Chirac, Barre en 1988 et

Chirac, Jospin, Balladur en 1995, Chirac, Jospin en 2002,

Royal, Sarkozy en 2007 puis Hollande et Sarkozy en 2012 . Puis

viennent les candidatures qui peuvent peser sur le résultat :

Le Pen, Lajoinie en 1988 et Le Pen, Hue, de Villiers en 1995,

Le Pen, Chevènement en 2002 ; enfin le reste des candidatures

dont la présence médiatique est très aléatoire. En 2007, Le Pen

et Bayrou, qui va se hisser quelques temps dans la catégorie

des « grands », représentent la seconde et tous les autres la

dernière. En 2012, si Hollande et Sarkozy représentent bien la

première catégorie, Marine Le Pen, Bayrou et Mélenchon

représentent la seconde.Ce déséquilibre est multiplicateur d’un56 Jacques Gerstlé, Olivier Duhamel, Dennis K. Davis, « La couverturetélévisée des campagnes présidentielles. L’élection de 1988 aux Etats-Uniset en France », Pouvoirs n° 63, 1992.

63

ordre politique naturalisé qui s’apparente pourtant bien à un

« cens médiatique »57. Les émissions politiques télévisées

reproduisent aussi bien que le JT cette représentation

atrophiée de l’espace politique et ainsi peut-on imaginer les

effets de renforcement produits à travers tout l’univers de

seconde main construit par les médias d’information58. Ceci est

moins vérifié dans la période de campagne officielle en raison

de la contrainte du principe d’égalité dans le traitement de

l’information.

En deuxième lieu, l’information contrôle l’image ou la

représentation des candidats par le biais du « cadrage

discriminant »59, c’est à dire par l’accentuation de certains

aspects de la candidature ou de la situation politique qui va

produire des différences de perception. Par exemple, en 1988,

l’information consolide la présidentialité des cohabitants en

exercice et marginalise celle de Raymond Barre. Les premiers

sont traités de façon plus complète en examinant leurs soutiens

et adversaires, leurs actions de campagne, leurs positions

sondagières dans la course électorale mais aussi leurs

programmes. Il font donc l’objet d’une analyse en termes de jeu

(beaucoup) et d’enjeux de politiques publiques (un peu).

Raymond Barre est au contraire cantonné dans le périmètre du

jeu politique avec une lancinante question qui revient sans

57 Guillaume Sainteny, « Le cens médiatique. L’accès des petites forcespolitiques à l’audiovisuel », Médiaspouvoirs n° 38, 1995. Voir aussi MarlèneCoulomb-Gully, Radioscopie d’une campagne. La représentation politique au journal télévisé,Kimé, Paris, 1995.58 Sur la formation des enjeux politiques à travers les émissionstélévisées en 1988, voir Mathieu Brugidou, L’élection présidentielle : discours et enjeuxpolitiques, L’Harmattan, Paris, 1995.59 Jacques Gerstlé, « La persuasion de l’actualité télévisée », Politix, Télévision et Politique, n° 37, 1997.

64

cesse comme une mise en doute de sa viabilité politique : « Qui

soutient Barre ? ». Sans qu’aucun jugement ne soit énoncé, par

le seul effet d’un cadrage discriminant, est opéré le travail

de marginalisation d’un présidentiable. La candidature de

François Mitterrand bénéficie, au contraire, d’une visibilité

et d’un cadrage qui mettent en pleine lumière le cœur même de

sa stratégie, la légitimité présidentielle. L’information le

montre président plus que candidat, et président dans les

figures les plus actives de la cohabitation contre le Premier

ministre. L’information relaye sa stratégie, sa stratégie

s’appuie sur l’information. Il n’a pas besoin de faire

campagne, l’information porte son message.

En troisième lieu, l’information oriente l’attention du

public. Les cas de Le Pen en 1988 et de Balladur en 1995, de

Chirac et Le Pen en 2002 sont ici exemplaires. La visibilité du

candidat Le Pen s’accroît sensiblement pendant la campagne

officielle de 1988, non seulement à cause de la campagne

audiovisuelle mais aussi de l’information. Dans le même temps,

l’actualité non-électorale est dominée par une série de sujets

saillants à caractère sécuritaire ou résonant avec le discours

du FN : otages français au Liban, événements sanglants de

Nouvelle-Calédonie, question du vote des immigrés (réactivée

par le Président). La concomittance entre les montées en

visibilité (présence médiatique, actualité, intentions de vote

Le Pen) signalent un effet d’amorçage : l’information valide le

discours d’un candidat et mobilise l’attention sur des thèmes

qui deviennent suffisamment saillants pour devenir des critères

d’évaluation des candidats, l’effet sera encore plus marqué en

65

2002. C’est un processus comparable qui en 1995 aboutit à la

désintégration de la candidature Balladur60. Alors qu’il

bénéficie d’une position réputée avantageuse dans la pré-

campagne électorale, le Premier ministre déclare sa candidature

puis réinvestit ses fonctions gouvernementales. L’information

déplace alors l’attention publique vers une actualité non

électorale : les difficultés du gouvernement et de son chef à

travers une série de dossiers délicats en cascade (affaire

Maréchal-Schuller, écoutes téléphoniques, affaires GSI).

L’actualité met en avant des critères d’évaluation qui se

transposent du Premier ministre au candidat d’autant mieux que

celui-ci a opté pour une stratégie tuilée, de glissement de

Matignon vers l’Elysée. Autrement dit, le transfert d’attention

médiatique et publique appelle le changement irrémédiable

d’évaluation : l’effondrement brutal et concomittant de toutes

les ressources d’image (crédibilités sectorielles, qualités

personnelles, présidentiabilité, etc.) signale bien un effet

d’opinion qui prend sa source dans l’information immédiate. En

2002 la pression est excessivement forte sur l’agenda

sécuritaire qui se déploie dans l’information télévisée depuis

plus d’un an. Elle contribue largement à installer cet enjeu

comme critère décisif d’évaluation des candidats61.

L’information accomplit donc un travail persuasif, c’est-à-dire

qui pèse sur les perceptions et les évaluations pour orienter

des choix électoraux. En 2007 on assiste à la même focalisation

60 Jacques Gerstlé, « L’information et la sensibilité des électeurs àla conjoncture », Revue Française de Science Politique, vol 46/5, 1996.61 Jacques Gerstlé, « Une fenêtre d’opportunité électorale », dansPascal Perrineau, Colette Ysmal, dir., Le vote de tous les refus, Presses desciences po, 2003, p. 29-52.

66

de l’attention publique sur les deux candidats principaux

pendant toute la pré-campagne, en d’autres termes sur une

logique d’anticipation du deuxième tour qui constitue une

prophétie autoréalisatrice.

On se rend alors compte que certains problèmes ou

évènements ont provisoirement marqué les esprits ou durablement

laissé des traces chez les électeurs en raison de leur

traitement médiatique singulier (cadrage) ou particulièrement

développé (agenda, amorçage). C’est encore le cas pour la

dernière campagne de 2012 avec la succession d’évènements

fortement médiatisés : l’organisation des primaires socialistes

à l’automne 2011, la crise de la zone euro et la perte du

triple A en décembre et janvier 2012, le discours du Bourget de

François Hollande en janvier 2012, l’entrée en campagne de

N.Sarkozy en février, les évènements de Montauban et Toulouse à

la mi-mars 2012, le 1er tour de l’élection présidentielle et

ses résultats. Ainsi "l'affaire Merah", c'est-à-dire les

évènements de Montauban et de Toulouse, a eu un impact majeur

dans l’espace médiatique français en seulement 4 jours.

Ces effets sont encore renforcés par l’intervention accrue

des chaînes d’information en continu. Dans la période du 1er

janvier 2012 au 20 avril, on observe, en effet, un fort

décalage entre les 262 heures de temps d’antenne des journaux

et magazines d’information diffusées par les chaînes

généralistes (TF1,F2,F3,F5,F6, Canal + en clair, M6, Direct 8,

TMC) et les 830 heures diffusées par trois chaînes

d’information en continue (BFM TV, I-Télé, LCI). Cette

domination pèse aussi sur les candidats et les incite à

67

égrainer leurs propositions pour faire du « buzz ». Au total,

aucune campagne n’aura autant été couverte par les médias que

celle de 2012. De nouvelles émissions d’actualité politique ou

de débat ont joué un rôle essentiel dans le dynamisme télévisé

de la campagne présidentielle. Parmi ces émissions «Des paroles

et des actes» (avec une moyenne de 4,4 millions de

téléspectateurs en 9 éditions), «Mots croisés» (France 2),

«Paroles de candidat» (TF1), «C politique» (France 5), «Le

grand journal» et «Le petit journal» (Canal +) offrent un

espace dédié à un temps de parole électoral long et commenté.

*

* *

Consolidation de Mitterrand, marginalisation de Barre,

actualisation de Le Pen, désintégration de Balladur,

qualification de Royal et Sarkozy, de Hollande et Sarkozy :

voilà entre 1988 et 2012 quelques processus à l’œuvre dans les

dernières campagnes présidentielles qui attestent le poids de

l’information et la pression qui pèse sur elle. Ces phénomènes

sont d’autant plus importants qu’on sait la dépendance

croissante des électeurs au court terme et le caractère

aujourd’hui plus tardif de la décision de vote, phénomènes

attestés par le caractère incertain de la mobilisation

électorale et un choix qui reste souvent hésitant.

Mais au total, l’insistance que l’on a mis à comprendre

les mécanismes de communication et d’information ne doit pas

faire perdre de vue leur caractère auxiliaire dans la vie

politique, même si à certains moments leur apparence semble

68

essentielle. Comme le montrent entre autres l’importance des

positions de pouvoir, le poids des soutiens collectifs ou la

résistance des identités politiques, dans l’élection comme en

dehors, le politique l’emporte toujours sur la communication.

BIBLIOGRAPHIE

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documentation Française, 2010.

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